Séance du 4 mars 1999







M. le président. La parole est à Mme Durrieu.
Mme Josette Durrieu. Ma question, qui s'adresse à M. le ministre de la défense, concerne le Kosovo, sujet qui a déjà été abordé tout à l'heure.
Il est évident que, selon les propos de M. Védrine, ministre des affaires étrangères, il s'agit d'une situation à haut risque et d'une phase cruciale. Si les négociations sont un succès, ce sera la paix, relative peut-être, mais si elles échouent, des conflits, voire la guerre, éclateront.
Je veux saluer l'action internationale qui a été très importante et la disponibilité convergente du groupe de contact, de l'ONU, de l'OSCE et de l'OTAN, mais aussi et surtout l'action de la France, qui a pris une très grande part dans cette mobilisation, ce qui n'était pas facile.
Le processus qui est engagé est fragile ; je n'insisterai pas davantage. L'essentiel, c'est que les protagonistes soient venus et qu'ils reviennent. Mais l'accord est loin d'être acquis. Vous avez rappelé les incidents qui se sont produits en Serbie. Les Serbes pourraient accepter l'accord politique mais s'ils ne veulent pas la présence de la force militaire, ils refusent l'élément clé de l'accord et sa garantie. Quant aux Kosovars, ils sont divisés. Modérés pour certains, maximalistes pour d'autres, ils refusent non seulement l'accord politique puisqu'ils veulent un référendum, mais aussi le désarmement.
Dès lors, monsieur le ministre, que peut-il se passer ? Un certain suspense subsiste : si les Serbes refusent l'accord, seront-ils bombardés ? M. Milosevic a déjà reculé devant cette menace. Si les Kosovards ou les deux parties disent non, quel genre de pressions internationales peuvent être exercées pour parvenir à une solution ?
Enfin - j'insisterai plutôt sur ce deuxième aspect - ce qui est en jeu, c'est bien évidemment la paix, mais c'est aussi l'Europe. L'intérêt des Européens est clair ; celui des Américains l'est moins. Comment apprécier celui des Russes ? La mobilisation des Européens est unanime. C'est la première action européenne significative depuis la fin de la guerre froide. Le choix du lieu des négociations est important sur le plan symbolique. Rambouillet, puis Evreux, c'est la France, et tant mieux, mais c'est aussi et surtout l'Europe ; ce n'est plus Dayton. L'esprit de Saint-Malo commence-t-il à souffler ?
A cette occasion, on pourra tester la détermination des Européens. Il ne faut pas lâcher. On pourra aussi tester la capacité de coopération et la capacité militaire des Européens aux côtés de l'OTAN aujourd'hui, demain hors de cette institution. Monsieur le ministre, cet événement peut-il concourir à accélérer l'édification des bases d'une identité européenne de sécurité et de défense, et dans quelles conditions ? Il y va de la place de l'Europe dans le monde. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Madame le sénateur, votre question comportant de nombreux points, je suis obligé de ne retenir que quelques aspects du débat que vous avez ouvert.
Je veux d'abord souligner l'indispensable complémentarité entre une démarche politique, avec un cadre clair de règlement du conflit, qui est l'autonomie substantielle, donc le développement d'une démocratie respectueuse de l'identité Kosovar, et la menace de l'emploi de la force, puisque nous sommes dans un secteur de l'Europe où chacun agit les armes à la main.
En effet, il existe une représentativité de l'identité européenne de sécurité et de défense en devenir dans ce que nous faisons et dans ce qui a été fait puisque les pays du groupe de contact ont délégué au Royaume-Uni et à la France la responsabilité de cette négociation. C'est également en partenariat étroit entre notre pays et nos amis d'outre-Manche que nous préparons la constitution d'une force de garantie du cessez-le-feu, si celui-ci est confirmé.
Le groupe de contact, dans sa géométrie totale, a un sens. Nous avons besoin du partenariat américain car nombre de pays européens - il faut prendre en compte cette réalité - ne souhaitent prendre de responsabilité, les armes à la main, pour traiter un conflit, que si les Américains s'engagent également. Nous devrons faire évoluer cette réalité. Mais, aujourd'hui, elle motive une grande partie de nos amis européens.
La Russie a un rôle d'équilibrage important. Je voudrais attirer l'attention du Sénat sur le rôle discret mais efficace et positif que jouent les Russes depuis quatre ans dans la solution de la question bosniaque. En effet, les Russes, au côté de la SFOR, jouent un rôle positif en ce qui concerne la pacification de la Bosnie.
Nous avons encore de sérieux problèmes à résoudre pour la deuxième phase de la négociation, car il y a une très forte réticence chez les représentants de l'UCK à accepter leur désarmement ; naturellement, le déploiement de la force terrestre, signifiant le retrait des unités militaires serbes, est également fortement contesté du côté de la Yougoslavie.
Je crois que la menace de l'emploi de la force fait partie des moyens de traitement d'une telle crise. Bien sûr, tout ce qui pourra être fait pour éviter qu'elle ne soit vraiment employée devra avoir notre priorité. Cependant, il faut en être conscient, devant une crise de ce genre, il faut disposer de l'ensemble de la gamme des moyens, et ne pas simplement en rester à la diplomatie de la parole. (Applaudissements sur les travées socialistes. - Mme Luc applaudit également.)

POLITIQUE NUCLÉAIRE DE LA FRANCE