Séance du 10 mars 1999
M. le président. Par amendement n° 39, M. Hérisson propose d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 421-9, il est inséré dans le code de l'urbanisme un article L. ... ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Les associations de défense de l'environnement qui forment un recours contre un permis de construire doivent justifier, à peine d'irrecevabilité du recours, qu'elles remplissent les conditions posées par l'article L. 252-1 du code rural, sauf lorsqu'elles agissent pour la protection de leurs propres intérêts patrimoniaux. »
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. L'amélioration des droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations devrait se traduire par une plus grande sécurité des décisions prises par l'administration - notamment, les collectivités territoriales - en particulier celles qui touchent à l'utilisation et à l'occupation des sols.
Or, dans de nombreuses régions et villes françaises, les maîtres d'ouvrage publics ou privés ne peuvent plus désormais engager de projets, répondant pourtant aux besoins de l'ensemble des citoyens, sans que des riverains groupés en association cherchent par tous moyens à en obtenir l'annulation. Cette situation contraint de plus en plus de communes à se doter de conseils juridiques, dont les coûts sont supportés par l'ensemble des citoyens. Notre collègue M. Hyest a fait référence à cela tout à l'heure.
Parallèlement à cet état de fait, s'est fait jour une nouvelle pratique particulièrement condamnable, le chantage au désistement d'instance : certaines associations de protection de l'environnement intentent systématiquement des recours contre les permis de construire afin de monnayer ensuite auprès des maîtres de l'ouvrage le retrait de ces recours, démontrant ainsi leur motivation réelle, qui est la défense d'intérêts particuliers et non le souci collectif de protection de l'environnement.
Face à ce constat, l'amendement n° 39 vise à ce que seules les associations agréées de défense de l'environnement puissent ester en justice contre les permis de construire. Il leur faudrait justifier de trois ans d'existence et de l'exercice d'activités désintéressées pour la nature, l'environnement ou le cadre de vie, comme cela est exigé des associations se portant partie civile devant les juridictions répressives.
Cette mesure ne limiterait en aucune manière le droit pour une personne lésée d'agir en justice ni celui de constituer une association ; son but est d'éviter la confusion entre, d'une part, les associations réellement soucieuses sur le long terme de l'environnement et, d'autre part, celles qui sont constituées uniquement en vue de défendre des intérêts individuels face à un projet de construction.
L'obligation d'agrément serait bien entendu supprimée au cas où l'association exercerait une action en justice pour la protection de ses propres intérêts patrimoniaux.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur. La commission voit dans cet amendement la création d'une inégalité de traitement entre associations au regard du droit à ester en justice.
Par ailleurs, l'amendement n° 39 est contraire au droit en vigueur tel qu'il résulte de l'article L. 252-4 du code rural, qui dispose que « toute association ayant pour objet la protection de la nature et de l'environnement peut engager des instances devant les juridictions administratives pour tout grief se rapportant à celle-ci. »
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Le Gouvernement partage l'avis défavorable de la commission.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 39, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 40, M. Hérisson propose d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 25, il est inséré dans le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel un article L. ... ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Lors du dépôt d'un recours pour excès de pouvoir contre une autorisation d'urbanisme formé par une association de sauvegarde de l'environnement, celle-ci doit consigner, sous peine d'irrecevabilité du recours, auprès du greffe du tribunal administratif, une somme dont le montant est fixé par le juge. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 48 rectifié, présenté par M. Amoudry, au nom de la commission, et tendant, après les mots : « celle-ci », à rédiger comme suit la fin du texte proposé par l'amendement n° 40 pour l'article additionnel à insérer après l'article L. 25 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : « , sous peine d'irrecevabilité du recours, consigne auprès du greffe du tribunal administratif une somme dont le montant est fixé par le juge. La somme consignée est restituée lorsque le recours a abouti à une décision définitive constatant que la requête n'était pas abusive. »
La parole est à M. Hérisson, pour défendre l'amendement n° 40.
M. Pierre Hérisson. L'article 88 du code de procédure pénale impose aujourd'hui aux personnes qui déposent une plainte avec constitution de partie civile devant les juridictions répressives de consigner une somme d'argent dont le montant est fixé par le juge d'instruction. Cette obligation permet d'éviter les procédures à la légère ou celles qui visent simplement à gagner du temps.
La mesure proposée s'inspire de cette obligation pour imposer la consignation d'une somme d'argent aux associations de sauvegarde de l'environnement lors du dépôt d'un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif. Ce dernier fixerait le montant de cette somme.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter le sous-amendement n° 48 rectifié et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 40.
M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur. La consignation d'une somme fixée par le juge a pour unique objet de limiter les recours abusifs. Ce sous-amendement vise à prévoir la restitution de la somme consignée si la décision définitive constate que la requête n'était pas abusive. Cette disposition reprend les termes de l'article 88-1 du code de procédure pénale.
Sous réserve de l'adoption de ce sous-amendement, la commission émet un avis favorable sur l'amendement n° 40.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 40 et sur le sous-amendement n° 48 rectifié ?
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Le Gouvernement est défavorable à ces deux textes.
Loin de contribuer à améliorer le droit des citoyens, l'amendement n° 40 porte atteinte aux principes d'égalité et de gratuité de la justice, auxquels le Gouvernement est attaché.
Pour mieux faire comprendre la position du Gouvernement, j'évoquerai également l'amendement n° 41, qui sera examiné dans quelques instants par la Haute Assemblée. Cet amendement, déposé par M. Hérisson, mentionne la disposition réglementaire applicable en matière d'amende pour recours abusif. Sachez que le Gouvernement n'est pas hostile au fait que le Sénat puisse débattre de l'abus de droit en matière contentieuse, que ce soit sous forme d'amende ou de cautionnement. Mais ce projet de loi ne porte pas sur la procédure contentieuse et ne se prête donc pas à une telle discussion. J'ajoute que ces amendements n'ont guère de lien avec l'amélioration des droits des citoyens.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 48 rectifié.
M. Robert Bret. Je demande la parole contre le sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. De même que l'amendement n° 39 qui vient d'être adopté, les amendements n°s 40 et 41 ainsi que le sous-amendement n° 48 rectifié restreignent les possibilités données aux citoyens d'ester en justice et, donc, de se défendre.
Par conséquent, nous voterons contre tous ces amendements.
M. Jacques Mahéas. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Alors que nous voulons établir une relation de confiance entre l'administration et l'administré, l'amendement n° 40 et le sous-amendement n° 48 rectifié n'ont d'autre objet que d'empêcher l'administré de s'exprimer. Cela me semble pour le moins une anomalie !
De plus, M. Hérisson et M. le rapporteur voudraient que les tribunaux administratifs suivent les mêmes règles que les tribunaux correctionnels. Cela me paraît tout à fait surprenant, car un recours administratif est à l'évidence d'une tout autre nature qu'une procédure pénale !
Pour ces différentes raisons, nous ne sommes favorables ni à l'amendement n° 40 ni au sous-amendement n° 48 rectifié.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 48 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 40, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5.
Par amendement n° 41, M. Hérisson propose d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'auteur d'une requête jugée abusive par la juridiction administrative encourt l'amende des articles R. 88 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et 57-2 du décret n° 63-766 portant règlement d'administration publique pour l'application de l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945 et relatif à l'organisation et au fonctionnement du Conseil d'Etat. »
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Il est un principe selon lequel l'exercice d'un droit ne doit pas être abusif. Cette règle n'est affirmée par la loi qu'à titre exceptionnel, mais elle est constamment appliquée par les tribunaux.
En matière administrative, des textes de nature réglementaire prévoient le prononcé d'un amende en cas de requête abusive auprès des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Or les montants aujourd'hui prévus sont si dérisoires - le taux le plus élevé est de 20 000 francs - qu'ils ne peuvent compenser les conséquences souvent extrêmement lourdes d'un recours abusif pour l'ensemble de la collectivité et qu'ils ne présentent aucune proportionnalité entre le tort causé et sa sanction.
En outre, le coût de recouvrement de cette somme par la collectivité est supérieur au montant obtenu, dans la plupart des cas, ce qui retire toute efficacité à cette mesure.
Enfin, cette disposition ne remplit pas sa fonction dissuasive face aux requérants de mauvaise foi : ceux-ci disposent souvent de moyens importants et, en tout état de cause, les avocats négligent, du fait de son trop faible montant, à en demander l'application en justice.
Aussi, il est proposé que le législateur puisse débattre de cet élément afin qu'il soit procédé à une modification des décrets visés.
A cet effet, avec le présent amendement, nous rappelons l'existence d'une peine d'amende en cas de recours abusif devant les tribunaux administratifs, les cours administratives d'appel et le Conseil d'Etat.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, en soulignant en particulier que, comme l'indique le dernier alinéa de son exposé des motifs, il n'est procédé dans cet amendement qu'à un simple rappel du droit existant pour ce qui est des amendes infligées pour recours abusif devant la juridiction administrative.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Comme je l'ai dit précédemment, monsieur le président, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 41, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 6