Séance du 10 mars 1999







M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Il aurait été concevable que, dans cet hémicycle, un accord général pût se dessiner sur ce texte.
Bien sûr, le texte issu des travaux du Sénat contient des éléments qui sont pour nous des sources de satisfaction parce qu'ils vont dans le sens d'une plus grande transparence : levée de l'anonymat, amélioration des procédures, instauration de relations différentes entre l'administré et les administrations. Nous relevons également une avancée en ce qui concerne les pouvoirs du médiateur.
Il existe cependant deux points de divergence majeurs qui nous empêcheront de voter ce texte en l'état.
Le premier a trait à la cohérence du texte, qui se trouve gravement affectée par le déplacement du dispositif de l'article 1er.
Le deuxième point de divergence concerne les maisons des services publics. Les derniers amendements qui ont été adoptés à leur sujet par le Sénat modifient sensiblement la philosophie qui les sous-tend.
Compte tenu de cette coexistence de divers éléments positifs et de deux points extrêmement négatifs, le groupe socialiste s'abstiendra sur le texte tel qu'il résulte des travaux du Sénat. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Le groupe communiste républicain et citoyen s'apprêtait à voter ce projet de loi, qui vise à permettre aux services publics de répondre mieux encore aux besoins des usagers.
Je déplore profondément qu'aient été votés par la majorité sénatoriale de droite des amendements qui privent ce projet de loi de toute véritable force et qui constituent au contraire un facteur de régression.
C'est pourquoi nous nous abstiendrons.
M. le président. Monsieur Bret, je vous remercie d'avoir précisé : la majorité sénatoriale « de droite ». (Sourires.) Ce serait effectivement une nouveauté si elle était de gauche ! Mais cela peut arriver !
M. Jacques Mahéas. En effet !
M. Robert Bret. Pour ceux qui suivent nos débats, il peut être intéressant de le préciser, monsieur le président.
M. le président. Je pense que tout le monde est maintenant au courant ! (Nouveaux sourires.)
La parole est à M. Trucy.
M. François Trucy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous venons d'examiner n'est pas novateur dans la mesure où il reprend pour une grande part les dispositions du projet de loi relatif à l'amélioration des relations entre les administrations et le public, qui avait été présenté par le gouvernement d'Alain Juppé.
En 1997, l'examen par le Parlement de ce projet de loi intervenait dans le cadre d'un mouvement de réforme de l'Etat aussi ambitieux que mal compris. Les objectifs de cette réforme avaient pourtant été clairement fixés par le Premier ministre en juillet 1995.
Le changement de gouvernement n'a pas entamé la nécessité de réformer l'Etat, car une telle évolution est un besoin évident.
Ce qui a changé, c'est l'envergure de cette politique et la détermination à prendre les mesures, parfois difficiles mais indispensables, propres à moderniser véritablement toute l'organisation administrative de notre pays.
Pourtant, le présent projet de loi contient des dispositions intéressantes. Les améliorations apportées par le rapporteur, M. Amoudry, sont appréciables et reflètent un très gros travail.
Ainsi, contrairement aux inquiétudes exprimées par certains orateurs précédents, les maisons des services publics définies au titre IV du texte constituent un dispositif important pour les administrés. Assurant une administration de proximité polyvalente, ces structures offrent des aspects pratiques certains.
Leur implantation facilitera les démarches des usagers mais jouera aussi un rôle essentiel en matière d'aménagement du territoire.
Sauf à vous avoir mal écouté à l'instant, monsieur le ministre, dans votre réponse à M. Machet, j'ai trouvé un peu pessimiste votre vision de cette question. En effet, dans notre esprit, il ne s'agissait nullement de n'envisager qu'un dialogue entre une mairie et une poste. Les expériences réalisées dans certains départements ont bien montré qu'on pouvait y associer non seulement d'autres services publics, mais quelquefois aller plus loin, comme l'exemple de quelques pays européens le prouve.
Au-delà des mesures envisagées dans ce projet de loi, c'est toute une réforme de fond qui doit être engagée pour moderniser notre administration.
Les rapports récurrents et désagréables à entendre font en effet état de sureffectifs dans la fonction publique, chiffrés à 500 000 agents au minimum, ce qui représente un coût de l'ordre de 150 milliards de francs, là encore au minimum.
Même si ces chiffres méritent sans aucun doute d'être affinés, le constat est unanime : le poids considérable, tant humain que financier, de la fonction publique dans notre pays finit par constituer aujourd'hui un handicap pour sa propre évolution.
M. Jacques Mahéas. Et où supprimez-vous des fonctionnaires ?
M. François Trucy. Réformer l'Etat est impératif, et c'est un impératif constant.
Outre qu'elle appelle une volonté politique ferme et courageuse dans sa mise en oeuvre, cette réforme doit notamment repenser l'efficacité des agents en prévoyant une plus grande responsabilisation individuelle de ceux-ci - ils y sont favorables - et des incitations financières - je suis certain qu'ils y seraient également favorables.
Il est aujourd'hui indispensable de promouvoir, au sein du secteur public, une culture entièrement nouvelle et de mettre véritablement en oeuvre une politique de rémunération et d'avancement qui soit davantage fondée sur le mérite et le travail.
Pour éviter la sclérose, la fonction publique doit aussi reconsidérer l'organisation de ses propres structures, réduire le nombre des niveaux hiérarchiques, stabiliser, voire réduire le nombre de ses personnels.
Pourquoi les politiques de gestion des ressources humaines resteraient-elles éternellement l'apanage du secteur privé ?
Les missions doivent être redéfinies et un redéploiement des effectifs doit être organisé en conséquence.
Personne ne remet en cause la véritable richesse que constitue la fonction publique, la qualité et l'atout qu'elle représente pour notre société. Encore faut-il mieux utiliser cette richesse et cet atout en sachant adapter la fonction publique !
Voilà les quelques remarques que je tenais à faire au nom du groupe des Républicains et Indépendants, qui votera ce texte tel qu'il a été amendé par la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. A l'issue de ces quelques heures de discussion, je crois pouvoir dire que ce projet de loi ressortit à ce qu'il est convenu d'appeler les « petits textes ». C'est pourtant par l'addition de petites mesures, portant sur ce qui peut apparaître comme des détails, que l'on réussit.
Le milieu rural est aujourd'hui gravement préoccupé par la désertification dont il est l'objet. Or il me semble que ce projet de loi, même s'il mérite d'être encore amélioré, est susceptible d'apporter une pierre appréciable à la lutte contre la désertification rurale. C'est pourquoi les sénateurs du groupe de l'Union centriste le voteront.
M. le président. La parole est à M. Gérard.
M. Alain Gérard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lancée en juillet 1995 par Alain Juppé et voulue ardemment par le Président de la République, la réforme de l'Etat trouve dans ce texte un début de consécration législative puisque ce projet de loi vise à améliorer les relations entre les citoyens et les administrations.
Le but de la réforme de l'Etat est simple : l'Etat doit être plus proche, plus efficace et plus moderne si l'on veut éviter que l'administration ne soit une entrave à l'initiative privée et ne décourage ceux qui ont besoin d'y recourir.
En effet, les relations entre les administrations et les usagers sont devenues extrêmement complexes. Les citoyens demandent toujours plus à l'Etat et, pourtant, leur administration, souvent, ne les satisfait pas. Cela tient à plusieurs raisons, auxquelles la complexité des procédures n'est pas étrangère.
Aussi, nous ne pouvons que nous réjouir que le Gouvernement ait repris un certain nombre d'articles du projet de loi « Perben » dans la rédaction adoptée en 1997 par la Haute Assemblée.
Il en est ainsi, notamment, des dispositions relatives à l'amélioration des procédures administratives, du régime des décisions prises par les autorités administratives, de celles qui concernent le médiateur de la République et les maisons des services publics.
Sur ce dernier point, monsieur le ministre, il faudra veiller très précisément aux conséquences des décisions d'implantation de ces maisons des services publics, qui ne doivent en aucun cas contribuer à accélérer la désertification de nos cantons.
De même, les maisons des services publics devront fonctionner dans le respect des règles de la concurrence, sans porter tort aux services proposés par les acteurs économiques du monde rural.
Par ailleurs, nous ne pouvons que nous féliciter des amendements adoptés par le Sénat qui tendent à supprimer les dispositions de l'article 2 dépourvues de tout contenu normatif, ainsi que celles de l'article 5 qui rendaient obligatoire la consultation du public sur les opérations de travaux publics.
A cet égard, il était en effet déraisonnable de soumettre l'ensemble des maîtres d'ouvrage à une obligation nouvelle sans en mesurer au préalable les conséquences concrètes.
M. le rapporteur a eu raison de souligner à ce sujet qu'une formulation trop imprécise du droit à la transparence peut aller à l'encontre de l'efficacité de l'action publique et de l'amélioration du service rendu aux citoyens.
Notre administration a toujours été un modèle pour l'étranger, et les agents publics montrent quotidiennement leur dévouement au service public et aux citoyens.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Alain Gérard. Mais l'administration doit évoluer et s'adapter.
Ce texte contribue à cette nécessaire modernisation. C'est pourquoi le groupe du Rassemblement pour la République votera ce projet de loi tel qu'il ressort des travaux de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Je n'étais pas favorable à la suppression des premiers articles qui a été décidée par notre assemblée. Je pense que cette suppression a rompu, au moins en partie, la cohérence du texte présenté par le Gouvernement.
Cela dit, la grande majorité des articles de ce projet de loi n'ont pas été modifiés, spécialement ceux qui concernent le médiateur de la République, une fonction qui m'est chère.
M. Emmanuel Hamel. On le comprend !
M. Jacques Pelletier. Ces articles ont même été améliorés par les amendements de la commission.
Globalement, ce texte est susceptible de faciliter la vie de nos concitoyens. Au demeurant, il pourra encore être amélioré au cours des lectures ultérieures. N'est-ce d'ailleurs pas l'utilité de la navette ?
Quoi qu'il en soit, à ce stade du travail parlementaire, le groupe du RDSE votera ce texte, malgré la suppression des premiers articles, que j'ai personnellement désapprouvée. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Je voudrais d'abord, en quelques mots, répondre à M. Trucy, duquel je me suis, semble-t-il, mal fait comprendre.
Je n'ai pas dit que les administrations de proximité polyvalentes étaient sans intérêt ; il en existe beaucoup d'intéressantes. Je voulais simplement indiquer qu'il ressort clairement qu'un seuil de fonctionnement viable peut être atteint lorsqu'on met en commun, dans les petites communes, les activités de gestion municipales et celles de La Poste. Il existe d'autres moyens, mais celui-ci est certainement efficace.
S'agissant du débat qui s'achève, je ne peux que me féliciter de la volonté de travail approfondi et précis qui s'est, comme d'habitude, manifestée ici et du climat dans lequel se sont déroulés les travaux de la Haute Assemblée.
J'ai noté avec intérêt que, sur les diverses travées de cette assemblée, aucune voix ne s'élevait contre la volonté de moderniser l'Etat.
Cette modernisation de l'Etat se fera avec ses agents, qu'il ne faut certainement pas critiquer de manière outrancière, voire même « sataniser », mais qui ont, je le rappelle, l'ardente et permanente obligation de chercher à mieux faire.
Quant à la réforme de l'Etat, n'engageons pas de querelles sur le jour où elle a commencé : elle a commencé avec l'Etat et elle ne cessera jamais puisque l'Etat existera toujours. Je souhaite que l'Etat soit non pas plus modeste, mais plus moderne.
L'essentiel du projet de loi qui a été soumis à votre Haute Assemblée a, si je puis dire, subi l'épreuve avec succès. Toutefois, un certain nombre de modifications ne peuvent pas satisfaire le Gouvernement. En effet, il s'agit de modifications substantielles qui affectent profondément la portée de ce texte, et dans un sens qui me paraît plutôt restreindre la volonté du Gouvernement de moderniser l'Etat d'assurer et un meilleur respect du citoyen dans ses relations avec l'administration.
J'évoquerai très brièvement les modifications essentielles.
La suppression de l'article 1er fait disparaître l'aspect unificateur pour ce que l'on appelle les services publics administratifs.
La suppression des articles 2 et 3 gomme complètement les dispositions concernant l'accès au droit et la codification.
En ce qui concerne l'article 10, même si je reconnais qu'il faut travailler davantage et préciser les modalités de cette transparence vis-à-vis du public pour les organismes de statuts divers qui reçoivent de l'argent public, supprimer complètement cet article me paraît regrettable, et limiter son champ d'application aux seules associations est excessif.
S'agissant, enfin, des maisons des services publics, je dirai avec la même franchise, que si l'on ne précise pas leur fonctionnement et la façon dont sera composé et traité leur personnel, nous risquons de rendre cette expérience stérile ou à tout le moins d'aboutirà de graves difficultés.
Je sais que le parcours parlementaire de ce texte n'est pas terminé, et que nous aurons l'occasion, par la suite, d'essayer de rapprocher les points de vue. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur. Je souhaite simplement, en écho à la déclaration de M. le ministre, préciser que nous n'avons pas du tout demandé la suppression de l'article 1er. Il s'agit simplement de le déplacer et de l'insérer à un endroit où il est ensuite fait référence aux autorités administratives, alors que, dans les articles qui suivent l'article 1er initial, il est question de la CNIL, de la CADA, et non pas de la définition des autorités administratives.
Par conséquent, il faut voir dans ce déplacement une mesure non pas fondamentale, mais d'ajustement et de cohérence.
Par ailleurs, en ce qui concerne les articles 2 et 3, reconnaissez que la commission des lois a travaillé sur la base du droit et qu'elle a tenu à ce que ne figure pas dans la loi des dispositions qui ne seraient pas applicables.
Nous comprenons les mesures proposées. Nous comprenons également, et nous les partageons, les objectifs du Gouvernement d'organiser un accès simple aux règles du droit et de procéder à la codification des textes législatifs. Mais nous pensons que cette terminologie n'a pas sa place dans la loi et que la réponse réside dans un engagement politique du Gouvernement.
Pour le reste, vous avez pu constater que nous avons travaillé assidûment et avec beaucoup de sérieux, comme à notre habitude, d'ailleurs, pour améliorer ce texte et faire en sorte qu'il participe de votre ambition de continuer à réformer l'Etat, à le moderniser et à simplifier les relations avec les citoyens. Tel est bien, en tout cas, le souci de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

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