Séance du 18 mars 1999
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Pacte civil de solidarité.
- Suite de la discussion d'une proposition de loi (p.
1
).
Discussion générale
(suite) :
MM. Aymeri de Montesquiou, Jean Chérioux,
Jean-Pierre Bel, Pierre Fauchon, Jean Boyer, Louis de Broissia, Jean-Luc
Mélenchon, Alain Vasselle, Dominique Braye.
MM. le président, Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des
finances ; Louis de Broissia.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; MM. Jacques
Larché, président de la commission des lois ; Patrice Gélard, rapporteur de la
commission des lois.
Clôture de la discussion générale.
Articles additionnels avant l'article 1er (p. 2 )
Amendement n° 1 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux,
MM. Robert Badinter, Philippe Marini. - Adoption de l'amendement insérant un
article additionnel.
Amendement n° 2 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux,
MM. Jean-Jacques Hyest, Robert Bret, Jean-Louis Lorrain, Robert Badinter, Alain
Lambert, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Luc Mélenchon, Bernard
Seillier, Nicolas About, Michel Caldaguès, Yann Gaillard, Jean Chérioux,
Philippe Marini, Pierre Fauchon, Mme Dinah Derycke, MM. Lucien Lanier,
Dominique Braye. - Adoption, par scrutin public, de l'amendement insérant un
article additionnel.
Amendement n° 3 rectifié de la commission et sous-amendement n° 55 rectifié de
M. About ; amendements n°s 56 de Mme Derycke et 31 de M. Lorrain. - MM. le
rapporteur, Nicolas About, Robert Badinter, Alain Lambert, le président de la
commission des lois. - Retrait du sous-amendement n° 55 rectifié.
Suspension et reprise de la séance (p. 3 )
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
3. Questions d'actualité au Gouvernement (p. 4 ).
CARTE SCOLAIRE (p. 5 )
Mmes Hélène Luc, Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
RÉFORME DU DROIT DE BAIL (p. 6 )
MM. Jacques Machet, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.
PROBLÈMES DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE (p. 7 )
MM. François Trucy, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.
COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE (p. 8 )
M. Guy Allouche, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.
ÉTAT DES NÉGOCIATIONS
SUR LA RÉFORME DE LA PAC (p.
9
)
MM. Jean Bizet, Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.
LOGICIELS UTILISÉS PAR L'ADMINISTRATION (p. 10 )
MM. Pierre Laffitte, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.
SITUATION DES JEUNES DIPLÔMÉS SURSITAIRES
À L'ÉGARD DU SERVICE NATIONAL (p.
11
)
M. Jean Huchon, Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
COÛTS D'ACCÈS À INTERNET (p. 12 )
Mme Danièle Pourtaud, M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.
CATASTROPHES NATURELLES EN SAVOIE (p. 13 )
M. Michel Barnier, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
FERMETURES DE CLASSES EN MILIEU RURAL (p. 14 )
M. Bernard Fournier, Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
AMORTISSEMENT PÉRISSOL (p. 15 )
MM. Charles Revet, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.
Suspension et reprise de la séance (p. 16 )
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
4. Pacte civil de solidarité. - Suite de la discussion d'une proposition de loi (p. 17 ).
Articles additionnels avant l'article 1er (suite) (p. 18 )
Amendements n°s 3 rectifié de la commission, 56 de Mme Derycke et 31 de M. Lorrain (suite). - M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois ; Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; MM. Robert Badinter, Dominique Braye, Jean Chérioux, Jean-Jacques Hyest, Mme Dinah Derycke, MM. Denis Badré, Jean-Pierre Fourcade, Nicolas About, Jean-Luc Mélenchon, Mme Nicole Borvo, M. Alain Lambert. - Adoption, par scrutin public, de l'amendement n° 3 rectifié insérant un article additionnel, les amendements n°s 56 et 31 devenant sans objet.
Article 1er (p. 19 )
Amendements identiques n°s 4 de la commission et 32 de M. Lorrain ; amendements n°s 57 à 65 rectifiés de Mme Derycke, 34 à 38, 45 rectifié et 39 à 44 de M. Bret. - MM. le rapporteur, Jacques Machet, Mme Dinah Derycke, M. Robert Bret, Mme le garde des sceaux, MM. Jean-Luc Mélenchon, Alain Lambert, Jean-Pierre Fourcade, Jacques Pelletier, Philippe Marini, Emmanuel Hamel. - Adoption, par scrutin public, des amendements n°s 4 et 32 supprimant l'article, les autres amendements devenant sans objet.
Article additionnel après l'article 1er (p. 20 )
Amendement n° 66 rectifié de Mme Derycke. - MM. Jean-Pierre Bel, le rapporteur,
Mme le garde des sceaux. - Retrait.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
Article 2 (p.
21
)
Amendements n°s 5 de la commission, 24 de M. Marini, rapporteur pour avis, 46 à 48 de M. Bret, 67 rectifié bis , 68 rectifié et 69 rectifié de Mme Derycke. - MM. le rapporteur, Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Mmes Nicole Borvo, Dinah Derycke, le garde des sceaux, M. Emmanuel Hamel. - Retrait des amendements n°s 5, 67 rectifié bis , 68 rectifié, 69 rectifié et 46 à 48 ; adoption de l'amendement n° 24 rédigeant l'article.
Article additionnel après l'article 2 (p. 22 )
Amendements n°s 6 de la commission et 25 de M. Marini, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, Mme le garde des sceaux, MM. Jean-Jacques Hyest, Jean-Pierre Bel. - Retrait de l'amendement n° 6 ; adoption de l'amendement n° 25 insérant un article additionnel.
Article additionnel avant l'article 3 (p. 23 )
Amendement n° 26 de M. Marini, rapporteur pour avis. - M. le rapporteur pour avis, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 3 (p. 24 )
Amendements n°s 7 de la commission, 27 de M. Marini, rapporteur pour avis, 70 rectifié, 71 rectifié, 74 rectifié de Mme Derycke, 49 et 50 de M. Bret. - MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, Mme Dinah Derycke, M. Robert Bret, Mme le garde des sceaux. - Retrait de l'amendement n° 7 ; adoption de l'amendement n° 27 rédigeant l'article, les autres amendements devenant sans objet.
Articles additionnels après l'article 3 (p. 25 )
Amendements n°s 8 de la commission et 28 de M. Marini, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, Mme le garde des sceaux. - Retrait de l'amendement n° 8 ; adoption de l'amendement n° 28 insérant un article additionnel.
Article 4 (p. 26 )
Amendement n° 9 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Articles additionnels après l'article 4 (p. 27 )
Amendements n°s 10 de la commission et 29 de M. Marini, rapporteur pour avis. -
MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, Mme le garde des sceaux. - Retrait
de l'amendement n° 10 ; adoption de l'amendement n° 29 insérant un article
additionnel.
Amendement n° 30 de M. Marini, rapporteur pour avis. - M. le rapporteur pour
avis, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article
additionnel.
MM. Jacques Larché, président de la commission des lois ; Claude Estier, Robert
Bret, Mme le garde des sceaux, M. le président.
Article 4 bis (p. 28 )
Amendements n°s 11 de la commission et 75 rectifié de Mme Derycke. - M. le rapporteur, Mmes Dinah Derycke, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement n° 11 supprimant l'article, l'amendement n° 75 rectifié devenant sans objet.
Articles additionnels après l'article 4 bis (p. 29 )
Amendement n° 76 rectifié de Mme Derycke. - Mme Dinah Derycke, M. le
rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Retrait.
Amendements n°s 77 rectifié de Mme Derycke et 80 de la commission. - Mme Dinah
Derycke, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Retrait des deux
amendements.
Amendements n°s 78 rectifié de Mme Derycke et 81 de la commission. - Mme Dinah
Derycke, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Retrait de l'amendement
n° 78 rectifié.
Reprise de l'amendement n° 78 rectifié
bis
par M. Marini. - M. Philippe
Marini. - Retrait de l'amendement.
Retrait de l'amendement n° 81.
Article 5 (p. 30 )
Amendement n° 12 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 5 bis (p. 31 )
Amendement n° 13 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 5 ter (p. 32 )
Amendement n° 14 de la commission. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 6 (p. 33 )
Amendements n°s 15 de la commission et 51 de M. Bret. - M. le rapporteur, Mmes Nicole Borvo, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement n° 15 supprimant l'article, l'amendement n° 51 devenant sans objet.
Article 7 (supprimé) (p. 34 )
Amendements n°s 52 et 53 de M. Bret. - MM. Robert Bret, le rapporteur, Mme le
garde des sceaux. - Retrait des deux amendements.
L'article demeure supprimé.
Article 8 (p. 35 )
Amendement n° 16 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 9 (p. 36 )
Amendement n° 17 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 10 (p. 37 )
Amendements identiques n°s 18 de la commission, 54 de M. Bret et 79 de Mme Derycke. - MM. le rapporteur, Robert Bret, Mmes Dinah Derycke, le garde des sceaux. - Adoption des trois amendements supprimant l'article.
Article 11 (p. 38 )
Amendement n° 19 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
- Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 11 bis (p. 39 )
Amendement n° 20 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 12
(supprimé)
(p.
40
)
Intitulé de la proposition de loi (p.
41
)
Amendement n° 21 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rédigeant l'intitulé.
Mise au point au sujet d'un vote (p. 42 )
MM. Jacques Pelletier, le président.
Rappel au règlement (p. 43 )
M. Jean-Luc Mélenchon, le président.
Renvoi de la suite de la discussion (p. 44 )
M. Henri de Raincourt, Mme le garde des sceaux, MM. le président, Claude
Estier.
5.
Transmission d'un projet de loi
(p.
45
).
6.
Transmission d'une proposition de loi
(p.
46
).
7.
Dépôt d'un rapport
(p.
47
).
8.
Ordre du jour
(p.
48
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance d'hier a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ
Suite de la discussion d'une proposition de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi (n°
108, 1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, après déclaration
d'urgence, relative au pacte civil de solidarité. [Rapport n° 258 (1998-1999)
et avis n° 261 (1998-1999).]
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat sur
le pacte civil de solidarité, le PACS, est l'un des plus médiatisés.
L'éventuelle reconnaissance légale d'une union entre deux personnes du même
sexe est peut-être un grand sujet de société, mais on peut s'interroger : le
Gouvernement ne profite-t-il pas de ce débat polémique pour « détourner »
l'attention des Français des questions fondamentales, et autrement urgentes, de
l'emploi, de la sécurité et de la réforme de l'Etat ?
M. Jean-Luc Mélenchon.
Vous avez fait mieux !
M. Aymeri de Montesquiou.
Ce débat sur le PACS ne laisse pas indifférent. Au contraire, il attise les
passions, il échauffe les esprits. Qui n'a pas son avis sur le sujet ? Il est
aussi, et c'est bien regrettable, pollué par sa politisation.
En effet, de manière systématique, la souscription au PACS est assimilée à la
gauche et, inversement, l'opposition au PACS serait l'apanage de la droite.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Ça, c'est vrai !
M. Aymeri de Montesquiou.
L'atmosphère des débats est souvent tendue, alors que des arguments pertinents
et paisibles y ont leur place.
Il faudrait faire abstraction des querelles partisanes afin d'examiner le
texte qui nous est proposé avec plus de sérénité et d'engager un vrai débat de
fond.
A ce titre, l'analyse faite par le rapporteur, M. Gélard, est tout à fait
fouillée, rigoureuse, étayée. Elle présente de manière parfaitement objective
et impartiale les enjeux du débat et elle aboutit à des solutions concrètes et
raisonnables.
La société change, c'est un fait, et il est nécessaire de s'adapter aux modes
de vie d'aujourd'hui, mais pas par n'importe quel moyen ni à n'importe quel
prix. Il faut mesurer toutes les conséquences de cette adaptation.
Les relations entre adultes au sein d'un couple, la vie affective relèvent du
libre choix de chacun. L'amour, l'affection, la tendresse ont la même qualité
et la même charge émotionnelle dans tous les couples, qu'ils soient homosexuels
ou hétérosexuels. Ces relations appartenant au domaine privé, il est juste de
les respecter.
Le désir de vivre en couple étant le même chez les homosexuels et les
hétérosexuels, pourquoi refuser à un couple stable une reconnaissance légale de
sa situation de fait ? Il est possible et même souhaitable de reconnaître des
droits aux couples homosexuels menant une vie commune, sans pour autant être
obligé de créer un montage aussi complexe et si mal préparé. Des dispositions
d'ordre matériel peuvent améliorer la situation du couple homosexuel telle
qu'elle est aujourd'hui, notamment en ce qui concerne le droit au bail, la
succession, la protection sociale.
La loi a vocation à s'appliquer à tous les citoyens. Elle n'est pas
catégorielle. Etendre le concubinage aux couples homosexuels est donc une
solution plus judicieuse que ce contrat discutable, aux appellations multiples
et polémiques : « sous-mariage », « mariage du troisième type », etc.
Néanmoins, lorsqu'il est question de la vie familiale et, par voie de
conséquence, des enfants, le sujet est plus problématique. Hypocrisie ou
inconscience, le PACS est muet sur l'enfant alors que la question se pose déjà,
et les tenants du PACS ne le nient pas.
L'article V de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789
dispose : « Tout ce qui n'est pas défendu par la Loi ne peut être empêché. »
N'interdisant pas la mise au monde ou l'adoption d'enfants par des couples
homosexuels, ce texte laisse donc la porte ouverte à ces deux possibilités.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Jamais de la vie !
M. Aymeri de Montesquiou.
Le texte ne les interdit pas !
La famille conçue avec deux parents de même sexe est alors sujet
d'inquiétude.
« La famille est l'élément naturel et fondamental de la société...
M. Jean-Luc Mélenchon.
Non !
M. Aymeri de Montesquiou.
... et a droit à la protection de la société et de l'Etat », comme l'indique
l'article 16, de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
En effet, il est de l'intérêt de la société de préserver la cohérence d'un
ensemble de règles du droit de la famille plaçant au premier plan le bien de
l'enfant. Les réformes que l'Etat est susceptible d'entreprendre doivent tenir
compte de l'intérêt supérieur de l'enfant. De telles réformes sont à mûrir
longuement avant d'introduire dans le droit positif des mesures qui pourraient
avoir des conséquences non prévues à l'origine.
Or tel paraît bien être le cas du PACS. On veut reconnaître l'union entre les
partenaires d'un couple homosexuel. Soit ! Mais avec quelle protection pour les
enfants ? La filiation, l'adoption, l'insémination artificielle sont latentes
et ne tarderont pas à se faire jour si la proposition de loi est adoptée. C'est
là que réside le danger ! Il est de notre devoir de parlementaires et de notre
responsabilité de parents de barrer la route à de tels risques.
Les questions juridiques soulevées par ces nouvelles formes de filiation, de
paternité et de maternité seront très problématiques, car elles touchent le
coeur de la société, de la structure familiale telle que nous la concevons : un
homme, une femme et des enfants. Le facteur biologique est l'élément naturel et
donc essentiel de la filiation. La société ne peut reconnaître qu'un enfant ait
deux pères ou deux mères.
Je justifierai ma préoccupation en rappelant les propos tenus en séance
publique le 9 octobre 1998 par le député Jean-Pierre Michel : « Pour ma part,
je n'ai jamais entendu un seul argument convaincant selon lequel l'intérêt de
l'enfant, c'est d'avoir absolument comme modèle un homme et une femme ». Or M.
Michel, chacun le sait, est le « géniteur » de cette proposition de loi.
Alors, je m'interroge de nouveau : y a-t-il hypocrisie ou insconscience
lorsque certains affirment que la question de la filiation n'est pas la
prochaine étape ? En tout cas, à partir de cette seule interrogation, on ne
peut être que défavorable à ce texte.
L'Etat se doit de préparer l'avenir. L'avenir, ce sont les enfants, et donc la
famille. L'intérêt des enfants est absolument primordial, et c'est pour cela
que l'Etat est habilité à intervenir afin de les protéger.
Je reviens sur les propos de M. Michel, inspirateur du texte, selon lesquels
il n'est pas convaincu que l'intérêt de l'enfant soit d'avoir comme modèle un
homme et une femme. Les enfants veulent avoir un père et une mère, car ils en
ressentent le besoin. Ce serait aller contre cette pulsion que de reconnaître
que des parents de même sexe peuvent élever un enfant. Le désir de maternité ou
de paternité est compréhensible chez tout individu. Mais c'est à l'enfant qu'il
faut penser, non à un désir égoïste.
M. Jean Chérioux.
Tout à fait !
M. Aymeri de Montesquiou.
Le droit « à » l'enfant, souvent revendiqué, ne doit pas supplanter le droit «
de » l'enfant.
M. Louis de Broissia.
Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou.
En effet, quel serait l'équilibre de celui-ci ? De nombreux enfants vivant au
sein de familles monoparentales sont déjà perturbés, car il leur manque la
présence d'un parent. Comment réagiraient des enfants avec deux papas ou deux
mamans ?
M. Jean-Luc Mélenchon.
Franchement, ce n'est pas le problème !
M. Aymeri de Montesquiou.
Si, c'est le problème, mon cher collègue !
Ce n'est que suivre la nature que reconnaître qu'un enfant a été conçu par un
homme et une femme. Faut-il tenter de transformer un couple homosexuel en un
couple dont la vocation serait la procréation ? Cela n'est pas « naturellement
» possible. Cela n'est donc pas dans le droit fil de la nature.
M. Nicolas About.
A moins d'être une amibe ! Par scissiparité !
M. Aymeri de Montesquiou.
Madame la ministre, si un célibataire adopte un enfant, comme la loi l'y
autorise, à partir de l'âge de vingt-huit ans, puis décide de « pacser » avec
quelqu'un du même sexe, que ferez-vous ? Quel avenir offrez-vous à cet enfant
?
Mes chers collègues, les implications morales, éthiques et religieuses de ces
questions sont considérables.
Institution républicaine, le mariage est un contrat conclu par deux personnes
qui veulent vivre ensemble et fonder une famille. Je me réjouis ainsi que la
commission des lois propose de renforcer le mariage, en précisant le caractère
hétérosexuel de la notion de famille, et que vous souscriviez, madame la
ministre, à cette conception.
Le PACS, ce n'est pas la famille, c'est le couple, c'est-à-dire l'association
de deux personnes. Ne créons pas un pseudo-mariage qui laisserait croire, dans
un premier temps, que des enfants auraient leur place dans de tels couples et,
dans un second temps, autoriserait une telle évolution. Ne cherchons pas, au
travers du PACS, à singer la famille. Cela ne se ferait qu'au détriment de
cette dernière.
Comme une grand partie de mon groupe, je ne voterai pas la proposition de loi
en l'état et suivrai les suggestions de la commission des lois.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Si l'on en juge par les différentes étapes qui ont conduit du CUCS, le contrat
d'union civile et sociale, au PACS tel qu'il a été adopté le 9 décembre dernier
par l'Assemblée nationale, l'objectif des auteurs de ces différents textes a
toujours été le même : légitimer et solenniser l'union des homosexuels, même
si, hier, Mme le garde des sceaux, effectuant un habile repli tactique, nous a
affirmé qu'il s'agissait d'un simple statut intermédiaire.
M. Robert Bret.
C'est ce qu'elle dit depuis le début !
M. Jean Chérioux.
Prenons, par exemple, la proposition de loi n° 88 visant à créer un contrat
d'union civile et sociale. Que lit-on à l'article 2 ? « Les contractants de
l'union civile et sociale se doivent soutien matériel et moral. »
Et la proposition de loi que nous sommes en train d'examiner n'est pas en
reste puisqu'elle prévoit l'introduction dans le livre Ier du code civil,
relatif aux personnes, d'un titre XII, intitulé « Du pacte civil de solidarité
», dont l'article 515-4 est ainsi rédigé : « Les partenaires liés par un pacte
civil de solidarité s'apportent une aide mutuelle et matérielle. »
On croirait entendre l'officer de l'état civil célébrant un mariage et
procédant devant les époux à la lecture de l'article 212 du code civil : « Les
époux se doivent mutuellement fidélité, secours, assistance. »
M. Jean-Luc Mélenchon.
Où est le problème ?
M. Robert Bret.
C'est un couple, c'est normal !
M. Jean Chérioux.
Cela n'a rien d'étonnant puisqu'à l'origine l'article 5 de la proposition de
loi n° 88 prévoyait : « Le contrat d'union civile et sociale fait l'objet d'une
déclaration conjointe devant un officier de l'état civil du domicile ou de la
résidence d'un des deux contractants ». Cela a d'ailleurs provoqué une levée de
boucliers et la constitution d'un collectif de maires refusant de prononcer de
telles unions.
De plus, l'emprunt au code civil des règles relatives au mariage s'étendait
même, dans le premier texte, à l'organisation du régime juridique des biens des
cocontractants, puisque le texte faisait expressément référence au régime
matrimonial de la communauté réduite aux acquêts des articles 1400 et suivants
du code civil.
Je pourrais multiplier les exemples et passer en revue tous les projets de
texte qui ont été élaborés, où l'on retrouve partout, de manière plus ou moins
insidieuse ou voilée, le souci de légitimer et de solenniser l'union des
homosexuels : il ne s'agissait peut-être pas de mariage, mais cela en avait
toutes les apparences, sinon le goût !
Il faut reconnaître que le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale est
en retrait par rapport à ces formules extrêmes, puisqu'il prévoit non pas une
déclaration conjointe devant un officier de l'état civil, mais une simple
déclaration devant les tribunaux d'instance.
Cependant, il est bien évident que ce texte a pour objet principal, non pas,
comme on voudrait nous le faire croire - et c'est en cela que l'on peut parler,
à juste titre, d'hypocrisie - de régler des problèmes patrimoniaux et fiscaux,
auxquels tout le monde reconnaît la nécessité d'apporter une solution,...
M. Jean-Luc Mélenchon.
Ah ?
M. Jean Chérioux.
... mais d'introduire des modifications importantes dans le livre premier du
code civil relatif aux personnes et à la famille.
Cette assimilation plus ou moins apparente au mariage a provoqué une vive
réaction des familles.
M. Robert Bret.
De certaines familles !
M. Jean Chérioux.
Précisément, et je vais vous apporter une réponse à cet égard !
Celles-ci sont, en effet, opposées à toute parodie d'union solennelle reconnue
par la société. Cette opposition s'est concrétisée notamment par la prise de
position de l'Union nationale des associations familiales, l'UNAF, dont il
convient de souligner le caractère officiel et représentatif...
M. Robert Bret.
... d'une partie des familles !
M. Jean Chérioux.
... puisqu'elle est chargée par la loi - il s'agit de l'ordonnance du 3 mars
1945, confirmée par la loi du 11 juillet 1975 - de représenter l'ensemble des
familles de notre pays et de défendre leurs intérêts matériels et moraux.
Cela est particulièrement important. C'est pourquoi il me paraît nécessaire -
cela vous convaincra peut-être, mon cher collègue - de citer assez longuement,
et je vous demande de m'en excuser, les passages importants du texte adopté par
l'UNAF lors de son assemblée générale des 20 et 21 juin dernier.
« La famille est constituée par le mariage, la filiation ou l'exercice de
l'autorité parentale ;...
M. Jean-Luc Mélenchon.
Hors sujet !
M. Jean Chérioux.
... en conséquence, l'UNAF considère que ne peuvent être introduites dans "le
droit de la famille" les dispositions juridiques qui apparaissent nécessaires
au législateur pour assurer des garanties de droit et de protection des
personnes partageant d'autres modes de vie commune. Ceci implique, en
particulier, et pour éviter toute confusion, qu'elle refuse pour ces situations
non familiales, toute assimilation avec le mariage, notamment par
l'intervention d'un officier de l'état civil... »
(Exclamations sur les
travées socialistes.)
M. Claude Estier.
Il n'est pas question de cela !
M. Jean Chérioux.
Je poursuis la citation du texte adopté par l'UNAF, qui semble vous gêner.
M. Claude Estier.
Pas du tout !
M. Jean Chérioux.
« L'UNAF refuse toute ouverture de droit à l'adoption et aux procréations
médicalement assistées en ce qui concerne les couples homosexuels, parce qu'un
enfant a droit à un père et à une mère. »
M. Jean-Luc Mélenchon.
Mais qui dit le contraire ?
M. Jean Chérioux.
« Elle refuse également toute assimilation aux règles spécifiquement
familiales dans le droit social, fiscal ou successoral.
« L'UNAF, institution pluraliste, reconnaît la nécessité de mieux garantir la
protection de chacun lors de ruptures de la vie commune hors mariage. Elle
demeure soucieuse du respect et de la dignité du droit des personnes. Elle
rejette toute proposition qui remettrait en cause les fondements de la famille.
»
M. Claude Estier.
Il n'est pas question de cela !
M. René-Pierre Signé.
Hors sujet ! Cela ne remet pas en cause la famille !
M. Jean Chérioux.
Ce texte est clair et net, et il convient d'ajouter qu'il a été adopté par 2
242 129 suffrages sur 2 548 000 suffrages exprimés. Il a donc été adopté à une
majorité écrasante, et il faut le souligner !
(Applaudissements sur les
travées du RPR.)
M. René-Pierre Signé.
Ils n'ont pas lu le texte !
M. Claude Estier.
Et alors ? Cela n'a rien à voir avec le PACS !
M. Jean Chérioux.
Si, cela a à voir avec le PACS !
Il est bien évident que, dans ces conditions, la proposition de loi adoptée
par l'Assemblée nationale est inacceptable et que je ne me résignerai jamais à
la voter.
Fort heureusement, la commission des lois a procédé à une refonte totale du
texte. Il convient d'ailleurs de rendre hommage à l'importance et à la qualité
de ses travaux - plus de quatre-vingts auditions - et au pragmatisme qui a
inspiré notre excellent rapporteur, Patrice Gélard.
Je retiendrai notamment que celui-ci a entendu supprimer définitivement toute
ambiguïté en définissant le mariage comme « l'union d'un homme et d'une femme
célébrée par un officier de l'état civil. »
M. Jean-Luc Mélenchon.
Vous parlez d'une découverte !
M. Jean Chérioux.
Il a voulu également que la liberté personnelle de chacun soit reconnue, et il
a introduit la notion de concubinage dans le code civil.
Mais, surtout, il a fait adopter, par la commission, un certain nombre de
dispositions...
M. Robert Bret.
Il est hors sujet !
M. Jean Chérioux.
... permettant de régler les problèmes fiscaux, patrimoniaux et sociaux qui se
posent effectivement pour certaines catégories de personnes.
A ce titre, il nous est proposé des mesures destinées à favoriser les
solidarités privées, dont l'exemple le plus marquant est l'institution d'un
legs électif en franchise du droit des successions. Ces mesures ont été
retenues en collaboration avec la commission des finances et grâce au travail
de son excellent rapporteur pour avis, Philippe Marini.
L'intitulé même du texte - « Proposition de loi relative au mariage, au
concubinage et aux liens de solidarité » -, proposé par la commission des lois,
témoigne de l'ouverture d'esprit avec lequel nos deux commissions ont entendu
résoudre les vrais problèmes qui se posent aujourd'hui, sans exclusive ni
a
priori
.
Nos collègues Patrice Gélard et Philippe Marini ont fait là oeuvre de
législateur au sens le plus noble du terme et, pour ma part, je voterai ce
texte tel qu'il a été modifié.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Bel.
M. Jean-Pierre Bel.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues,
permettez-moi, en préalable, de me féliciter des propos tenus par notre
rapporteur, Patrice Gélard lorsqu'il affirme que le Sénat n'est pas hostile à
l'égalité des hommes et des femmes en politique, qu'il n'est pas non plus
opposé à la réforme du mode de scrutin, à commencer par celui qui le concerne,
qu'il s'inscrit dans le sens de la modernité plutôt que dans celui de la «
ringardise ».
Mais si l'on souhaite vraiment ne pas faire de notre assemblée le bouc
émissaire des pesanteurs sociétales, encore faudrait-il donner des preuves de
sa modernités.
Après les turbulences et le tintamarre larmoyant disproportionnés qui ont
accompagné cette proposition de loi à l'Assemblée nationale, j'aimerais, comme
vous tous, je présume, que nos débats contribuent à réhabiliter une certaine
idée du travail législatif et de la représentation nationale, et qu'ils se
déroulent, si possible, dans un climat apaisé et serein.
La proposition de loi qui nous conduit à examiner - parce que c'est bien de
cela qu'il s'agit - le statut du couple dans notre société, nous interdit de
céder à un quelconque effet de mode ou à la tentation de caricaturer les
positions des uns et des autres, comme cela est souvent le cas.
Le PACS pose clairement deux questions fondamentales auxquelles la législation
actuelle ne répond pas.
Tout d'abord, peut-on reconnaître à la relation amoureuse entre adultes
consentants un statut différent du mariage ? Autrement dit, peut-on admettre
une loi spécifique pour le couple ?
Ensuite, veut-on accorder à cette même relation amoureuse une valeur sociale,
dès l'instant où les deux partenaires, quel que soit leur sexe, acceptent de
responsabiliser leur liaison au travers d'un engagement civil, de la conclure
par un pacte de soutien moral et matériel ?
Je suis intimement convaincu de la nécessité d'une telle loi.
Ma conviction se fonde, en premier lieu, sur une certaine idée des droits
humains. Cette idée est indissociable de la conception républicaine et laïque.
Je ne doute pas qu'elle soit partagée ici par un grand nombre d'entre vous,
au-delà des clivages politiques.
Par ailleurs, je n'imagine pas que quiconque dans cet hémicycle souhaite
maintenir dans une zone de « moindre-droit », voire de non-droit, près de cinq
millions de nos concitoyens.
Enfin, c'est tout simplement une question de bon sens : entre le mariage, qui
induit la responsabilité parentale, qui porte toute la symbolique familiale, et
le concubinage, qui ne peut être envisagé que comme une transition entre
célibat et mariage, nous devons résoudre le problème posé par celles et ceux
qui ne pourront jamais se marier, et ce malgré l'évidence de leur relation
amoureuse.
Si je me réfère à notre philosophie en matière de droits humains et de laïcité
républicaine, il me semble que le pacte civil de solidarité nous donne
l'occasion d'affirmer deux choses fondamentales.
Premièrement, les homosexuels, dont je rappelle au passage qu'ils ont payé un
lourd tribut à l'intolérance et au fanatisme - il n'est pas ici nécessaire de
faire de rappel historique ! - sont, peut-être pour la première fois dans
l'histoire, enfin établis dans leur droit. Ce qui nous est proposé aujourd'hui,
c'est d'inscrire un nouveau droit en toutes lettres et, par là-même, de faire
un pas de plus vers l'universalité des droits humains.
Deuxièmement, il faut bien admettre que, dans l'opinion, il y a parfois
confusion entre le sentiment religieux et le sens civique. Pour autant, nous
savons tous que le renvoi dans la sphère privée du sentiment religieux est le
passage obligé vers une société de liberté et d'égalité.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées socialistes.)
Avec le PACS, il ne s'agit ni de heurter le sentiment religieux ni de réduire
la symbolique familiale, il s'agit simplement de rappeler que l'amour,
indépendamment de la procréation, est un facteur d'épanouissement personnel et
que, à ce titre, dès l'instant où deux êtres veulent l'inscrire dans la durée,
il est un bien commun qui doit être protégé.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
L'utilité de cette proposition de loi donnant un statut aux couples non mariés
et non susceptibles de procréer semble posée par le rapport de la commission
des lois : ne suffirait-il pas, selon elle, d'améliorer le statut du
concubinage et de revoir la question des fratries pour résoudre les problèmes
?
J'observe au passage que cette proposition de loi, au travers des turbulences
qu'elle a provoquées, a déjà le mérite d'avoir mis en lumière de criantes
injustices.
Par ailleurs, en ce qui concerne les fratries, nous sommes bien d'accord pour
reconsidérer la question dans un autre cadre.
Pour autant, je pense que le renvoi à une amélioration du statut du
concubinage ne peut être la bonne solution, parce que, pour l'essentiel, cela
revient encore à jeter un voile pudique sur la situation des couples
homosexuels, à considérer leur relation comme un intermède de l'existence, un
état de fait toléré, mais non reconnu.
Pour nous, il s'agit au contraire d'affirmer que la relation de couple donne
des droits dès l'instant où les partenaires en acceptent les devoirs.
Enfin, si l'humanisme et le sens républicain sont les principales motivations
de cette proposition de loi, il me semble que le bon sens le plus élémentaire
plaide également en sa faveur.
Les droits ouverts pour ces personnes ne portent aucunement atteinte aux
droits des autres. Le mariage n'est nullement remis en cause, pas plus que la
fonction sociale de la famille.
Alors, chers collègues, il faut dire les choses clairement : le PACS concerne,
bien sûr, même si ce n'est pas exclusif, les couples homosexuels.
Il ne suffit pas de se sentir outragé par l'accusation de « ringardisme ». Il
ne suffit pas d'afficher un louable respect de la vie privée. Encore faut-il
envisager les dispositions pratiques et concrètes qui en permettent l'exercice
et la réalisation.
Avec beaucoup d'humour, monsieur le rapporteur, vous avez dit récemment que la
différence entre un député et un sénateur était que le premier était myope et
le second presbyte. Alors, permettez-moi de vous suivre sur ce terrain et de
vous parler d'un oiseau de mes Pyrénées ariégeoises ; vous voyez, je viens, moi
aussi, de la France profonde. Cet oiseau, c'est le grand tétras, aussi nommé
coq de bruyère, qui, à la saison du chant, lorsqu'il se met à caqueter, devient
aussitôt sourd et aveugle ; cela permet de l'approcher et le rend
vulnérable.
Ainsi, chers collègues, au moment de vous exprimer sur un sujet aussi
important, soyez cohérents, ne sombrez pas dans le syndrome du coq de
bruyère.
(Rires et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
Gardez les yeux ouverts et sachez
rester à l'écoute des aspirations de notre société. L'occasion vous est donnée
de mettre vos actes en accord avec vos proclamations, ne la manquez pas !
(Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Jean Chérioux.
Le coq de bruyère est un animal assez peu répandu !
M. René-Pierre Signé.
Ce ne sont plus des coqs !
M. le président.
La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, le
problème des couples singuliers n'est pas nouveau mais, je le dirai simplement,
il n'est plus possible de l'ignorer.
Il faut donc se réjouir, et, pour ma part, c'est ce que je fais, que des
parlementaires aient résolument provoqué ce débat.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Ah !
M. Pierre Fauchon.
Attendez la suite, monsieur Mélenchon !
Mais il est permis de déplorer que le Gouvernement n'ait pas cru devoir, en la
circonstance, assumer pleinement ses responsabilités.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Oh !
M. Pierre Fauchon.
La demande eût été techniquement mieux assurée.
Puis-je rappeler, pour avoir connu cette période, que, leur temps, le
président Giscard d'Estaing, les ministres Simone Veil et Jean Lecanuet avaient
donné de meilleurs exemples de responsabilité sur des thèmes non moins
difficiles et non moins périlleux comme le divorce ou l'interruption volontaire
de grossesse.
M. René-Pierre Signé.
Avec la gauche !
M. Pierre Fauchon.
L'un des inconvénients, et non des moindres, de cette approche en quelque
sorte biaisée explique et justifie largement l'ample manifestation
d'incompréhension et de rejet qui accompagne ce texte, mouvement auquel M. le
rapporteur a su résister et je l'en remercie.
Dès lors que l'on se soucie des questions qui touchent à la sexualité, n'ayons
pas peur des mots, à l'amour, au couple, à la procréation, on ne saurait le
faire en ignorant ou en contournant ce qui, dans le mariage ou hors mariage -
je me réfère à ce qui a été très bien dit hier par M. Alain Lambert - est la
réalité la plus vivante peut-être, la plus menacée aussi, mais sans doute la
plus utile et la plus créatrice des organisations humaines de ce temps, je veux
parler de la famille.
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est reparti !
M. Pierre Fauchon.
Organisation la plus vivante d'abord, et je dirai même vitale, parce que le
premier problème d'un groupe humain c'est de veiller à sa survie, question qui
est loin d'être théorique pour la France de cette fin du xxe siècle,...
M. Jacques Machet.
Tout à fait !
M. Pierre Fauchon.
... mais question angoissante.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Cela n'a rien à voir avec le sujet !
M. Pierre Fauchon.
Monsieur Mélenchon, vous êtes l'arbitre de beaucoup de choses, mais,
s'agissant de savoir ce qui est dans le sujet et ce qui ne l'est pas, je vous
en prie, laissez à chacun sa part de liberté, respectez la liberté des
intervenants !
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union
centriste.)
M. Jean-Luc Mélenchon.
Ce n'est pas la liberté, mais la licence !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Fauchon.
M. Pierre Fauchon.
La question de la survie de la société est angoissante pour ceux qui prennent
la peine d'élever leur regard « au-dessus du guidon » et de scruter l'avenir,
le proche avenir, à la lumière de données démographiques implacables. N'est-ce
pas le premier devoir du Gouvernement ?
Organisation la plus menacée, dès lors que la famille a perdu les armatures
juridiques, sociales, culturelles, religieuses, économiques qui en ont fait si
longtemps la structure de base la plus permanente, la plus forte et la plus
populaire de la société.
Mais aussi organisation la plus précieuse et la plus utile, dans la mesure où
la famille reste, plus que jamais, le lieu de la plus grande solidarité,...
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. René-Pierre Signé.
La famille n'est pas menacée !
M. Pierre Fauchon.
... le lieu de la plus grande convivialité,...
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Pierre Fauchon.
... le lieu de la plus grande générosité, de la plus grande
responsabilité,...
M. Jacques Machet.
Oui !
M. Pierre Fauchon.
... en même temps que celui d'une remarquable faculté d'adaptation.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste. - Mme Olin applaudit
également.)
M. Jacques Machet.
Bravo !
M. Robert Bret.
Il faut faire avancer la société !
M. Pierre Fauchon.
On ne saurait se passer de toutes ces valeurs si l'on veut surmonter les défis
les plus grands auxquels nous sommes confrontés : le défi de l'enfance et de
l'éducation, le défi du troisième âge et de la dépendance, le défi de
l'exclusion et de la pauvreté, de la fracture sociale.
Ne nous y trompons pas : si nos sociétés, si notre civilisation parviennent à
traverser sans trop de dommages, je veux dire en préservant leurs valeurs, la
tourmente de la modernité, ce sera pour une très large part aux familles
qu'elles le devront, beaucoup plus qu'à des structures administratives ou
sociales empêtrées dans leurs routines.
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Pierre Fauchon.
Cependant - et vous allez voir pourquoi je crois que c'est dans le sujet - le
statut de la famille sous ses divers aspects appelle une réflexion actualisée
et bien des redéfinitions. Sans doute, c'est par lui qu'il fallait commencer.
L'ordre logique et naturel, c'est d'abord la famille, ensuite le mariage et
enfin le non-mariage. En effet, une révision qui aurait commencé par la famille
et le mariage aurait peut-être permis d'éclairer d'un jour nouveau le problème
des couples hors mariage.
M. Louis de Broissia.
Absolument !
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Pierre Fauchon.
Elle n'aurait pas réglé la question de l'homosexualité, mais elle aurait
apporté un éclairage nouveau et, peut-être, une solution à bien des situations
de couples formés hors mariage, qui, comme l'a rappelé notre ami M. Lambert,
jouent un rôle ô combien important du point de vue de la famille.
Or, on en est loin, madame le garde des sceaux, puisque l'on en est aux
réflexions préparatoires des experts, et que les seuls signes adressés par le
Gouvernement aux familles n'ont guère été que négatifs. Cela témoigne d'une
bien fâcheuse méconnaissance de nos... de vos responsabilités.
L'expression de tels regrets ne saurait, selon moi, nous dispenser d'aborder
sereinement le présent débat.
Nous le ferons, selon notre habitude, en recherchant, avec M. Gélard, les
vraies solutions plus que les effets d'annonce.
Nous le ferons aussi dans un esprit humaniste. Je veux dire dans un esprit
auquel rien de ce qui est humain n'est étranger, et je pense en particulier à
la question de l'homosexualité, il est vrai, trop longtemps ignorée ou traitée
dans un esprit d'intolérance et d'hyprocrisie, auquel il faut mettre fin.
Il faut y mettre fin non seulement pour des raisons de réalisme et de bon
sens, mais davantage encore parce que, pour être juste, la loi doit être au
service de tous et que, loin d'ignorer les minorités, la loi doit, dès lors que
l'ordre public n'est pas menacé, faire preuve à leur égard non de complaisance,
mais de ce qu'il faut de compréhension, et j'ose dire de générosité, sans pour
autant en faire une priorité comme vous le faites sans vouloir l'avouer.
C'est dans cet esprit que nous aborderons ce débat, en remerciant notre ami M.
Gélard de l'avoir si bien préparé.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. René-Pierre Signé.
Beau plaidoyer pour la famille ! Comme si elle était menacée !
M. le président.
La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens,
avant toute chose, à préciser que le point de vue que je vais formuler n'engage
que moi. Le PACS est un sujet trop grave pour que je ne m'exprime pas en
conscience.
Toute personne a droit au respect de ses choix de vie. A ce titre, toute
discrimination doit être combattue. Toutefois, je suis fermement opposé au
dispositif du PACS.
Ce texte est, en fait, élaboré de toutes pièces pour les couples homosexuels,
dont le nombre est estimé à 60 000. Pourquoi ne pas l'admettre clairement et
simplement ?
Il me paraît contradictoire de revendiquer, à travers diverses manifestations,
une différence et, dans le même temps, de demander à « être comme tout le monde
».
Contrairement à ce que certains clament, les différences de situation peuvent
justifier des différences de traitement.
Dans une société où le manque de repères est de plus en plus manifeste, où les
actes de violence juvénile deviennent l'actualité ordinaire, quels modèles
veut-on donner aux jeunes ?
M. Jean-Luc Mélenchon.
La tolérance !
M. Jean Boyer.
Le PACS tend à gommer toute distinction de sexe dans les rapports de couple et
à légaliser cet état de fait.
Ceux qui le défendent ne cessent de rappeler que cette réforme concerne
potentiellement les cinq millions de Français vivant en couple sans être
mariés. En fait, qu'en est-il ?
Si un couple hétérosexuel ne souhaite pas se marier, il vit en union libre et
en assume les conséquences. C'est un choix. On ne voit pas en quoi le PACS
serait à proprement parler un « plus » pour eux du point de vue social. En
l'occurrence, ils servent de faire-valoir et de prétexte.
En revanche, pour les couples homosexuels, il s'agit d'une véritable
reconnaissance institutionnelle. Je regrette l'hypocrisie et le manque de
courage qui entourent le débat sur cette proposition de loi.
On ne peut mesurer aujourd'hui les conséquences symboliques et sociologiques
de cette réforme. De nombreuses mises en garde ont été exprimées en ce sens
tant par des sociologues et des psychanalystes que par 20 000 maires, et, de
façon plus générale, par des hommes et des femmes de tous horizons.
Au-delà de ces mesures qui visent le couple, nous savons tous qu'en filigrane
se pose la question des enfants.
A l'Assemblée nationale, madame la ministre, vous avez déclaré, au début du
mois de décembre dernier, me semble-t-il, que l'adoption serait impossible pour
les couples homosexuels. Or deux députés socialistes vous ont contredit.
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est leur droit !
M. Jean Boyer.
Selon M. Jean-Pierre Michel, « le Pacs évoluera forcément un jour ou l'autre
pour intégrer les aspects de l'adoption ». Quant à Jack Lang, il a jugé que la
question de l'adoption se poserait fatalement.
M. Jacques Machet.
Eh oui !
M. Jean Boyer.
Faire le premier pas aujourd'hui dans la reconnaissance du couple homosexuel,
c'est enclencher cet engrenage infernal. Chacun doit bien en prendre
conscience. En la matière, nous serions coupables de nous cacher derrière notre
petit doigt.
M. Jacques Machet.
En effet !
M. Jean Boyer.
La position retenue par notre commission des lois est pertinente. Elle
consacre le mariage comme fondement essentiel de notre société. Par ailleurs,
elle apporte des réponses constructives aux véritables problèmes et inégalités
qui existent à l'égard des couples non mariés.
Toutefois, en ce qui concerne la définition du concubinage, je ne suis pas
favorable à la non-distinction entre hétérosexuels et homosexuels.
Compte tenu des remarques que je viens d'exprimer, vous l'aurez compris,
monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne voterai
pas cette proposition de loi.
(Applaudissemnts sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, en tant que
législateur, avec humilité, depuis que le Président Václav Havel a employé ce
mot à cettre tribune, nous avons tous ensemble, quelle que soit nos origines
géographiques, sociologiques et politiques, une tâche commune à accomplir.
Nous devons raisonner de manière simple, c'est-à-dire compréhensible par tous,
car les Français sont affolés par notre société de plus en plus complexe.
Chaque jour, en Côte-d'Or, mes électeurs me disent qu'ils ne comprennent plus
rien à ce que nous faisons à Paris.
Nous devons raisonner de manière constructive, en constatant que la société
évolue. En tant que législateur, nous devons tirer parti, pour l'intérêt
général et le bien public, de cette évolution, en préparant une société de
libertés individuelles qui respecte l'autre, et d'abord le plus fragile, en
particulier l'enfant.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Ah !
M. Louis de Broissia.
Nous devons raisonner de manière non idéologique. Une loi idéologique, c'est
un texte qui ne recherche qu'un profit électoral, électoraliste, politicien, un
texte qui chercherait plus à opposer nos compatriotes entre eux qu'à les
rassembler ou à les unir. A ce titre, mes chers collègues, évitons ce qui a pu
se passer à l'Assemblée nationale, à savoir une dichotomie parfois un peu
pitoyable, où l'un des camps se prétend défenseur des hétérosexuels, l'autre,
des homosexuels ; un camp défenseur de la famille, l'autre, de l'enfant. Nous
aurons un jour des défenseurs des célibataires à un ou à deux ! A ce titre, le
Sénat est là pour faire des lois.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Ce n'est pas ce qui s'est passé !
M. Louis de Broissia.
Constitutionnellement, le Sénat n'est pas là pour servir le Gouvernement, mais
pour légiférer et contrôler le Gouvernement. Il a donc le devoir de réflexion,
de la longue durée, de la prospective. Ainsi en est-il - M. Mélenchon
m'autorisera à les citer, je suis dans le sujet - de la société, de la
démographie et des équilibres sociaux. Le Sénat propose intelligemment - grâce
en soit rendue à la commission des lois et à son rapporteur, notre collègue
Patrice Gélard - une démarche différente de celle qui a été adoptée dans le
texte déposé sur l'initiative de certains députés et auquel on peut faire les
trois reproches que j'évoquais au début de mon propos.
Le PACS procède en effet - nous en sommes tous convaincus - d'une démarche
complexe, peut-être due à la majorité plurielle, démarche qui divise la société
et qui ne répond que très imparfaitement à l'attente de nos compatriotes.
Passons sur les conditions assez discutables de l'examen du PACS à l'Assemblée
nationale ; passons sur ses avatars aux noms tous aussi stupides les uns que
les autres - PIC, CUC, CUCS - passons sur son premier rejet, sur son retour et
donc, madame le ministre, sur la suspicion qui entoure un texte sur lequel se
sont penchés plus de furies et d'idéologues que de bonnes fées.
Tout s'est passé, dans cette première partie, chez nos collègues députés comme
s'il fallait brouiller les pistes offertes à la société française, en
particulier à l'heure même ou, comme tous les sondages le soulignent et comme
l'a dit tout à l'heure notre collègue Jean Chérioux, tant de jeunes mettent
dans leurs aspirations fondamentales la possibilité de fonder un couple, un
foyer, une famille.
Par ailleurs, tout s'est passé chez nos collègues députés comme s'il fallait
bousculer le bon sens issu de la nuit des temps selon lequel la famille fondée
- les couples mariés - ou la famille à fonder - les couples non encore mariés -
engendrait la France de demain.
Grave également est l'occasion ratée par le PACS, dans sa deuxième ou sa
troisième mouture, de ne plus mettre vraiment - et c'est finalement le coeur du
sujet aussi - l'homosexualité à l'écart de la société française. Mesurez-vous,
madame le ministre, le désarroi de ceux que, sous prétexte de les libérer de
cette vieille et antique suspicion qui les frappe, vous avez enfermés dans la
logique des pacsés ? Vous imaginez, mes chers collègues, le chic qui consistera
à dire que l'on s'est pacsé avec un tel ou une telle !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Alors s'il y a le chic en plus...
M. Jean Chérioux.
Ça, c'est pour la gauche caviar !
M. Louis de Broissia.
Vous avez donné le sentiment, dans cette affaire, de n'écouter que les voix
des intégristes. Sous prétexte de banaliser, vous avez singularisé ; sous
prétexte de ne plus discriminer, vous avez marginalisé.
Pour éviter les déchirement annoncés, pour que le texte du PACS ne tombe pas
sous le coup d'observations dirimantes du Conseil constitutionnel - seuls
l'individu et la famille sont reconnus dans le préambule de la Constitution -
mieux vaudrait prévenir un recours auprès de la haute juridiction
constitutionnelle qui serait fâcheux pour toute la société française. Vous avez
évité habilement le Conseil d'Etat par le dépôt d'une proposition de loi, mais
vous ne pourrez contourner le Conseil constitutionnel !
Pour que les Français se réconcilient enfin avec leur vie familiale - familles
fondées par un mariage, familles à composer, familles fractionnées ou
recomposées, familles porteuses d'un enfant ou familles non porteuses - il
fallait une vision totalement différente ; c'est le texte du Sénat, véritable
appel à la réconciliation de la société française. Permettez-moi de l'examiner
en abordant quatre points.
Premièrement, aujourd'hui, plusieurs millions de Français ont choisi de ne pas
choisir tout de suite, d'essayer la vie à deux, de tenter ultérieurement
d'élargir leur foyer. Le mérite du Sénat est de laisser la porte ouverte et de
reconnaître que le code civil doit faire montre de générosité et de
réalisme.
Si Bonaparte pouvait dire que la loi se désintéressait de ceux qui vivent
ensemble sans avoir sollicité de brevet ou de manifestation publique, 195 ans
passés, la France s'honorera à reconnaître 2,4 millions de couple, qui
contribuent - nous l'avons dit les uns et les autres - à la natalité française,
puis à la nuptialité française, et qui sont donc une partie de la société
française.
Le concubinage est vécu aujourd'hui dans les faits - ne nous le cachons pas -
comme le prélude du mariage républicain. C'est le sens de l'appel des 20 000
maires à voter contre le PACS...
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Ils ont eu raison !
(Mme Monique
Cerisier-ben Guiga proteste.)
M. Louis de Broissia.
Le concubinage est donc vécu comme le prélude au mariage républicain, au
contraire du PACS, conçu demain comme un succédané de mariage ou un mariage
virtuel, comme un Canada dry du mariage : ça ressemble à un mariage, ça a les
avantages du mariage, ça n'a pas les contraintes du mariage, donc c'est un
mariage !
Pourquoi construire en dénaturant, madame le ministre, mes chers collègues
?
La proposition du Sénat est de construire du nouveau en confortant ce qui a
donné satisfaction, c'est-à-dire ce qui convient à plus de 12 millions de
couples mariés devant la République. N'est-ce pas là une valeur républicaine
?
Deuxièmement, le fait de civiliser, de légaliser le statut de concubin permet
de ne pas tomber dans les travers sexualisés du PACS.
Les « concubins du même sexe » - cette expression, que j'ai entendue voilà un
an à l'Assemblée nationale, lorsque l'on parlait du PACS pour la première fois,
avait quelque peu surpris les personnes âgées de ma circonscription qui se
trouvaient alors dans les tribunes ! Je l'emploie maintenant, puisqu'elle est
passée dans la terminologie - les concubins du même sexe, disais-je donc,
pourront bénéficier de la même reconnaissance. Sortir du ghetto est leur seule
préoccupation ; pour ceux qui veulent un affichage, la formule est souple et
non discriminante.
Troisièmement - j'aurais dû commencer par là, mais, dans notre société
égoïste, c'est, hélas ! le troisième point - le droit pour l'enfant à disposer
originellement d'un père et d'une mère est reconnu.
J'ai entendu tout à l'heure un orateur socialiste dire qu'aucun texte ne
reconnaissait que l'enfant avait besoin d'un père et d'une mère.
(Vives
protestations sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Il n'y a pas besoin de texte pour cela !
Plusieurs orateurs socialistes.
Nous n'avons rien dit de tel ! Qui a dit cela ?
M. Louis de Broissia.
En tant que président d'un conseil général, je suis en relation avec les
travailleurs sociaux. Tous les problèmes des enfants naissent du fait qu'ils
n'ont pas de mère ou de père véritablement reconnu.
(Applaudissements sur
les travées du RPR.)
Plusieurs orateurs socialistes.
Mais qui a dit cela ?
M. Louis de Broissia.
Cela vous dérange que je le rappelle ? Cela a été dit !
(Exclamations sur
les travées socialistes.)
M. Louis de Broissia.
Trop d'experts, trop de parents sont sensibilisés aux manquements graves de la
parentalité,...
M. Alain Vasselle.
Très bien !
M. Louis de Broissia.
... c'est-à-dire de la fonction de père et du rôle de mère. Trop de
travailleurs sociaux dénoncent les carences affectives dont peuvent souffrir
les enfants élevés sans la double référence père et mère. Tous nous disent les
risques encourus par l'enfant éduqué incomplètement.
Alors, en tant que législateur, protégeons d'abord le plus faible,
c'est-à-dire l'enfant, et non le couple homosexuel.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et l'Union
centriste.)
M. Jean Chérioux.
Et voilà !
M. Louis de Broissia.
Quel regret, madame le ministre, que vous ayez proposé l'urgence sur le PACS
et non sur le droit de l'enfant. Je pourrais formuler, comme je l'ai fait dans
des questions écrites, de nombreuses propositions. Le texte présenté par la
commission des lois dit tout cela avec intelligence et de façon ferme.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Il n'y a pas d'urgence !
M. Louis de Broissia.
Il n'y a pas urgence, dites-vous ? Venez dans mon département, je vous
montrerai l'urgence d'avoir des familles équilibrées, tant dans les quartiers
difficiles que dans les zones rurales.
(Applaudissements sur les travées du
RPR.)
M. Jean-Luc Mélenchon.
Je parlais du texte ! Le Gouvernement n'a pas déclaré l'urgence sur le texte
!
M. Louis de Broissia.
Enfin, quatrièmement - c'est un point d'équilibre là aussi intelligent de la
proposition sénatoriale - il est proposé un dispositif fiscal et successoral
qui englobe la situation de tous : les frères et soeurs, les concubins ainsi
que le legs électif ou affectif, qui pourrait être appelé différemment.
Le Sénat confirme, bien entendu, qu'il ne touche pas fiscalement à
l'établissement du mariage, acte fondateur de la société - vous l'avez rappelé,
madame le garde des sceaux, et je vous en donne acte - qu'il ne lui porte pas
atteinte, voire, comme le texte initial du PACS le prévoyait, qu'un texte de
loi pouvait pénaliser ceux qui font des efforts, ceux qui s'engagent, au profit
de ceux qui ont une vision plus égoïste, plus hédoniste de la vie.
(Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Jean Chérioux.
Exactement !
M. Louis de Broissia.
Sur un texte fondamental en ce sens qu'il fondera, qu'il affirmera notre
société, celle que géreront nos enfants, sur un texte sociétal - le mot est à
la mode, madame le ministre - quel intérêt aurait le Gouvernement à continuer
dans l'erreur ?
Errare humanum est, persevare diabolicum.
Le texte du Sénat permet une avancée forte du code civil, il évite des
dispositions à nouveau discriminatoires. Après beaucop de tâtonnements, madame
le ministre, il nous offre l'opportunité de nous réconcilier tous ensemble avec
l'esprit de cette fin de siècle, de la mixité voulue et recherchée. C'est toute
la noblesse du travail parlementaire que de nous permettre de vous amender.
Par rapport au cinéaste Claude Lelouch et à son célèbre
Hommes, femmes,
mode d'emploi,
il ajoute utilement une vision hommes, femmes, société, mode
d'emploi.
Le Gouvernement a eu jusqu'à présent une approche militante de ces rapports
hommes-femmes.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Très bien !
M. Louis de Broissia.
En témoignent la provocation un peu puérile sur les titres et fonctions
féminines - on s'y perd ! -...
Mme Dinah Derycke.
C'est une provocation !
M. Louis de Broissia.
... la provocation totalement calculatrice, c'est-à-dire politicienne, sur la
parité : le Sénat a montré sa sagesse sur ce sujet.
(Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Claude Estier.
Ah oui ! Parlons-en ! Quelle sagesse !
M. Louis de Broissia.
Une occasion est donnée au Gouvernement d'entreprendre une vraie réforme
sociale et réconciliatrice. Saisissez-la ! Nous la saisirons ensemble.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Mélenchon.
(Ah ! sur les travées socialistes.)
M. René-Pierre Signé.
Pour longtemps, j'espère !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Monsieur le président, madame la ministre - il n'y a aucun inconvénient à
nommer dans le genre qui convient la personne que nous interpellons, monsieur
de Broissia, - ...
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
C'est votre liberté !
M. Jean-Luc Mélenchon.
... mes chers collègues, il y a eu, vous le savez, avant ce projet de PACS,
d'autres propositions de loi d'origine parlementaire. Le rapporteur de la
commission des lois a bien voulu rappeler - je lui en suis reconnaissant - que
c'est ici même, au Sénat, qu'a été déposée la première d'entre elles par six
membres du groupe socialiste, sur mon initiative, en 1991. Je le dis pour
témoigner et pour rendre hommage à tous ceux qui se sont impliqués dans le
patient cheminement qui nous a conduits jusqu'à la délibération de ce jour.
Une première pensée se tourne vers le mouvement associatif qui a porté ce
combat, et tout autant, sinon davantage, vers ces anonymes, femmes et hommes,
directement concernés, que la pandémie du sida nous a ôtés et qui avaient mis
toute leur énergie - parfois la dernière dont ils disposaient - à agir pour
qu'à la douleur de la séparation ne s'ajoute plus l'abîme des cruautés
ordinaires auxquelles ont été voués si longtemps les couples homosexuels dans
de telles circonstances.
Je vous ai entendu, hier, vous rengorger et manifester une bruyante compassion
lorsque notre excellent rapporteur, M. Patrice Gélard, nous reprochait de
proposer des dispositifs inapplicables : vous avez feint de le déplorer. Mais
c'est le moment, alors que vous avez si fort réclamé du temps pour réfléchir,
de vous poser la question suivante : depuis 1991, où sont vos textes de lois,
où sont vos propositions, à quel moment vous êtes-vous souciés des misères
faites aux uns et aux autres, du statut des homosexuels, du statut des
concubins ?
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes. -
M. le rapporteur manifeste son souhait d'interrompre l'orateur.)
C'est au contraire devant cette assemblée, en 1988, que l'on a vu pour la
première fois être défendue l'abrogation...
M. le président.
Monsieur Mélenchon, M. le rapporteur, à qui vous avez rendu hommage tout à
l'heure, souhaiterait vous interrompre. L'y autorisez-vous ?
(Exclamations
sur les travées socialistes.)
M. Jean-Luc Mélenchon.
Peut-être pourrait-il attendre que j'ai fini ma phrase ? Ensuite, je laisserai
très volontiers m'interrompre qui voudra et tiens ma riposte à sa disposition
!
M. Louis de Broissia.
Ne coupez pas son souffle !
M. Pierre Fauchon.
Laissez-le achever sa période !
M. le président.
Poursuivez donc et, ensuite, M. le rapporteur interviendra.
M. Jean-Luc Mélenchon.
J'achève donc ma phrase si vous le permettez, monsieur le président.
(Sourires.)
J'ai dit que, contrairement à vos allégations, c'est tout au contraire
devant cette assemblée que nous avons vu, en 1988, être défendue, pour le
première fois, l'abrogation de ce que vous appelez « le privilège fiscal des
concubins ». C'est en effet dans cet hémicycle que cela s'est passé !
Mme Dinah Derycke.
Tout à fait !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Et alors était évoquée d'une manière tout à fait plaisante l'exigence morale
qu'il y avait à donner au mariage la valeur de consécration suprême dont vous
pensiez qu'elle était contestée par les dispositions fiscales. Il est donc
clair que votre compassion en ce domaine est une pure hypocrisie !
Monsieur le rapporteur, vous souhaitiez m'interrompre ?
M. Patrice Gélard,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles de la législation du
suffrage universelle, du règlement et d'administration générale.
J'y
renonce !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Vous renoncez ? Quel dommage !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
C'est dommage, en effet !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Bref, vous n'avez bougé encore une fois que parce que nous ne vous avons pas
laissé le choix ! Vous ne bougez que parce que nous vous y avons obligé, parce
que vous avez peur de vous retrouver sous l'opprobre que vous ont valu vos
choix à propos de la parité, et vous ne changez de posture que dans le seul but
que rien ne change !
(Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux.
Vous mélangez tout !
M. Dominique Braye.
« Mélenchon » mélange tout !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Mais sans l'agilité intellectuelle de M. le rapporteur, Patrice Gélard, nous
en serions restés à la récitation laborieuse et pétrifiée de votre catéchisme
sur la famille immuable, le mariage inchangé...
(Vives exclamations sur les travées du RPR.)
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Ne méprisez pas vos adversaires !
M. Jean-Luc Mélenchon.
...comme nous l'avons entendu d'orateur en orateur,...
Un sénateur du RPR.
Il n'a rien écouté !
M. Jean-Luc Mélenchon.
... oubliant que le mariage et la famille ont une historicité, qu'ils n'ont
pas toujours été ce que vous défendez.
(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Jean Chérioux.
Le mariage a été un progrès par rapport à ce qui existait avant ! Il a été
libérateur ! La femme n'était plus esclave !
M. le président.
Mes chers collègues, je vous en prie ! Seul M. Mélenchon a la parole.
M. Alain Vasselle.
C'est un provocateur !
M. Dominique Braye.
Oui, la provocation, il aime ça !
M. Jean Chérioux.
M. Mélenchon est pour le retour à la répudiation biblique !
M. le président.
Monsieur Mélenchon, poursuivez !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Ce n'est pas moi qui fais entrer la Bible à coup de poing dans le code civil,
ce sont plutôt les vôtres !
Je dis que le mariage, la famille ont une historicité...
M. Jean Chérioux.
Ah !
M. Jean-Luc Mélenchon.
... et que, si vous cherchez un fil conducteur aux progrès que l'on a pu
constater dans l'histoire, il peut tenir à quelques mots : toujours plus de
liberté dans le consentement, et donc toujours plus de responsabilité,
d'autonomie de la personne et, au bout du compte, toujours moins de
discrimination.
M. Dominique Braye.
A voir !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Et ce que nous faisons aujourd'hui, c'est seulement la poursuite de ce
processus. Et nous en sommes fiers !
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Nous n'avons pas la même idée du progrès que vous
!
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est clair, monsieur Marini, nous n'avons pas la même idée du progrès !
M. Robert Bret.
C'est une évidence !
M. Jean Chérioux.
L'un agit, l'autre détruit !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Nous jugeons, pour notre part, que quelques-uns des propos qui ont été tenus
ici sont insultants pour nous.
(Protestations sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Croyez-vous que nous n'ayons pas de famille ?
M. René-Pierre Signé.
Bravo !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Croyez-vous que nous ne l'aimions pas ? Croyez-vous que les homosexuels n'en
aient pas ?
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Ah ! elle est belle !
M. Dominique Braye.
Vous n'aimez que la vôtre, pas celle des autres !
M. Jean Chérioux.
Ce n'est que la vôtre !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Qu'est-ce qui nous vaut de mériter vos leçons ? Nous ne les supportons pas
!
Aujourd'hui, de notre côté, nous touchons au but et, d'une façon ou d'une
autre, j'estime que ceux qui ont voulu ce combat ont déjà gagné l'essentiel de
la partie sur le plan moral. En effet, plus personne, hormis quelques
énergumènes
(Rires sur les travées des Républicains et Indépendants),
n'ose dire ouvertement que le couple homosexuel est en soi condamnable, ni
qu'il attente aux bonnes moeurs, à la morale ou même à l'essence de la
société.
Plus personne - sauf M. Seillier, qui n'a pas manqué hier de renvoyer cette
proposition de loi à l'augmentation des pathologies de la société : c'est une
chose qu'il faut pouvoir oser devant une assemblée comme la nôtre ! - plus
personne, dis-je, n'ose contester que de tels couples puissent avoir des droits
et que les violences qui leur ont été faites sont dorénavant inadmissibles.
Cela figure dans le texte !
M. Jean Chérioux.
Ce ne sont pas les couples homosexuels qui ont des droits !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Dans la foulée, le code civil pourrait bientôt s'ouvrir, en partie grâce à
vous, aux concubins. Il est vrai qu'ils sont les parents de 40 % des jeunes
Français qui naissent ! Il y a des réalités qui finissent pas s'imposer.
C'en est donc fini, là encore, des discours moralisateurs méprisants qui
condamnaient ou reléguaient il y a si peu de temps encore cette manière de
vivre en dehors du mariage.
C'est, au total, autant de bonnes nouvelles pour notre société si, de cette
façon, nous la débarrassons aujourd'hui de cette part de violences et de mépris
que nos archaïsmes législatifs faisaient durer.
(Protestations sur les
travées du RPR.)
M. Dominique Braye.
Il faut oser le dire ! Vous prétendez débarrasser la société de ses violences
?
M. Jean-Luc Mélenchon.
Bien sûr, nous ne sommes toujours pas d'accord sur les moyens à mettre en
oeuvre pour franchir cette nouvelle étape d'émancipation et de liberté de la
personne.
M. Jean Chérioux.
Assez de permissivité !
M. Dominique Braye.
Venez voir s'il y a moins de violence qu'avant !
M. le président.
Monsieur Braye, laissez poursuivre l'orateur !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Pas plus qu'aucun ici sur les travées de gauche, je ne serai dupe de certains
contorsionnistes de la majorité sénatoriale. Ceux-là voudraient nous faire
croire qu'ils veulent bien de la chose, mais surtout pas du mot qui la
désigne.
Mme Dinah Derycke.
Tout à fait !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Ceux-là, en vérité, ne sont prêts à céder que ce qu'il leur est impossible de
défendre ouvertement, et à la stricte condition qu'aucun mot qui les fâche ne
soit prononcé.
Chemin faisant, ils tentent encore de régler quelques comptes.
Mme Dinah Derycke.
Exactement !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Ainsi, par exemple, vous voilà rendu au point de vouloir définir le mariage.
Et pour quoi faire ? Pour le décrire comme le lien exclusivement réservé à un
homme et à une femme !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Cela vous choque ?
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
C'est la parité !
M. Dominique Braye.
Eh oui !
M. Jean Chérioux.
C'est cela qui vous gêne !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Quelle découverte ! Il vous reste, pour finir la journée, à nous apprendre
l'eau chaude... le fil à couper le beurre... et bien d'autres évidences !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Si c'est évident, admettez-le !
M. Dominique Braye.
Il faut sortir ! Cela se fait ailleurs, allez voir !
M. Nicolas About.
M. Mélenchon joue les faux naïfs !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Pourtant, personne ici n'a jamais défendu ou prétendu autre chose à propos du
mariage.
M. Dominique Braye.
Cela se fait ailleurs ! Il faut sortir !
M. Jean-Luc Mélenchon.
J'en déduis que, en réalité, vous voulez rétablir en catimini des hiérarchies
de dignité parmi les couples, et je nomme ce procédé pour ce qu'il est : une
mesquine revanche sur ce qu'il va bien vous falloir concéder à propos des
homosexuels.
Pour un peu, on vous verrait vouloir défendre, en la définissant,
l'hétérosexualité. A tout prendre, ce serait plus divertissant !
M. Jean Chérioux.
Provocateur, comme toujours !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Je vous rassure si c'est nécessaire, le mariage et l'hétérosexualité, qui est
à sa base, ont encore de beaux jours devant eux sans votre secours !
Au demeurant, et d'une façon générale, ce ne sont ni le code civil ni le
Journal officiel
des débats du Sénat qui motivent le désir de s'aimer :
le phénomène est d'origine plus spontanée.
(Rires.)
M. Dominique Braye.
C'est scabreux !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Vouloir rétablir une hiérarchie des sentiments amoureux à travers les choix de
vie commune qui s'en suivent est une lamentable arquebusade d'arrière-garde.
M. Dominique Braye.
Ne mélangeons pas tout !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Mesdames, messieurs, depuis la Révolution de 1789, le mariage n'est plus un
sacrement, sinon pour ceux qui veulent le considérer comme tel, et c'est bien
leur droit.
M. Jean Chérioux.
Merci pour eux !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
C'est bien de le reconnaître !
M. Jean-Luc Mélenchon.
La République, elle, se contente du consentement des époux aux droits et
devoirs qui contractualisent ce mode de vie commune, qu'elle reconnaît par là
même et légitime. Rien de moins, mais rien de plus.
M. Jean Chérioux.
Mais c'est toute la législation canonique !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Face à d'autres modes de vie commune, face à d'autres liens amoureux, le PACS
n'est, lui aussi, rien d'autre que cela, adapté aux situations auxquelles il
s'applique.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Il ne sert à rien !
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est un consentement mutuel, un contrat, une légitimation sociale. Les trois
marchent ensemble, parce qu'il s'agit ainsi de reconnaître un lien social
construit sur un sentiment humain profondément légitime et souhaitable pour
tout un chacun comme pour la société tout entière.
C'est pourquoi, mes chers collègues, on ne peut vouloir la chose sans vouloir
le mot. Il ne s'agit pas de concéder que l'on « admet » l'existence de couples
homosexuels à condition qu'on ne les voie pas trop, et des couples concubins
qui ont le bon esprit de faire des enfants : il s'agit de les reconnaître,
quand ils souhaitent que cela soit fait, parce que ces couples ne sont ni
illégitimes ni indignes. Et, dans la mesure ou ils contribuent au bonheur et à
l'épanouissemernt de ceux qui vivent sous cette forme, ils sont même
souhaitables.
M. Louis de Broissia.
Le bonheur est-il légalisable ?
M. Jean-Luc Mélenchon.
De ce point de vue, pour nous, le mot, le PACS, parce qu'il est une
légitimation symbolique, c'est ici autant que la chose. Nous ne vous le
céderons donc pas, fût-ce au prix de quelques petites améliorations du statut
des concubins.
Après cela, madame la ministre, mes chers collègues, il me reste à vous dire
que le PACS lui-même me laisse une part d'insatisfaction...
(Exclamations
sur les travées du RPR)
... et que cette insatisfaction me fournira la
matière première d'idées qui finiront bien par faire, elles aussi, leur
chemin.
Je veux vous dire que, pour moi, le PACS n'est pas un horizon indépassable de
la volonté de mener une vie commune et solidaire, pas plus que le mariage ou le
concubinage. Et pas plus, pour être tout à fait franc, que je ne crois que le
couple et la famille naturelle soient un horizon indépassable du lien affectif
et des solidarités que l'on peut choisir d'assumer.
M. Louis Moinard.
La famille à la poubelle !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Dans ma proposition de loi de 1991, j'avais placé les fratries parmi les
bénéficiaires potentiels du contrat de « partenariat civil » que je proposais.
Je connais bien les difficultés que cette idée soulève. A la vérité, ces
fratries étaient pour moi emblématiques de la dissociation que je souhaitais
pouvoir permettre entre le sentiment amoureux, la sexualité et le droit de
vouloir mener vie commune et solidaire.
Je reste partisan de cette idée. Elle s'inspire d'une préoccupation
d'universalité des droits. Je milite pour que toute personne puisse s'associer
à toute autre dans un rapport de solidarité voulue et pour que la loi facilite
cette solidarité, et même qu'elle l'encourage.
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Je conclus, monsieur le président.
Il faut que la loi encourage cette solidarité parce qu'il n'y a pas trop de
solidarité dans nos sociétés.
Tout ce qui contribue à élargir le cercle du libre choix de la solidarité et
de la responsabilité à l'égard d'autrui me paraît devoir être facilité et
légitimé. Nous n'en sommes pas là aujourd'hui ; mais à chaque jour suffit sa
peine !
Bien sûr, je ne reprocherai pas au PACS de n'être rien parce qu'il n'est pas
tout. On voit déjà à quels conservatismes il se heurte ! On voit bien aussi à
quelles injustices il peut remédier. Je serai donc, dans cette bataille
d'idées, aux côtés de mes amis.
Ce que nous sommes en train de faire - PACS, parité, limitation du cumul des
mandats - est une révolution culturelle tranquille qui fait que la gauche est
bien à sa place et bien dans son rôle dans le travail qu'elle accomplit.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Dominique Braye.
Qu'elle y reste !
M. René-Pierre Signé.
Oui, elle est à sa place et elle y reste !
M. Jean Chérioux.
Quel mélange !
Mme Nelly Olin.
Ce n'est pourtant pas vous qui montrez l'exemple !
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, une
discussion prématurée, sur un texte juridiquement inepte, au moment même où un
groupe de travail est chargé, à la chancellerie, de proposer une réforme
générale du droit de la famille. Tel est le paradoxe auquel nous nous heurtons
aujourd'hui, mais le Gouvernement ne m'apparaît pas à un paradoxe près !
Les initiateurs du texte font valoir que celui-ci est « attendu avec
impatience » par cinq millions de personnes. Il apparaît en fait, et je cite
ici le remarquable rapport de notre collègue M. Gélard, que « cette impatience
est surtout perceptible au sein d'une partie de la communauté homosexuelle dont
la revendication de reconnaissance a été relayée depuis 1990 par des
initiatives parlementaires ». M. Mélenchon vient d'y faire référence.
Cette précipitation a donné naissance à un monstre juridique qui met en péril
le mariage, institution de référence, ainsi que l'union libre et qui ne
protégera pas davantage les homosexuels qu'il entend aider.
Cette proposition de loi met en place un statut non protecteur du plus
faible...
M. Jean Chérioux.
Eh oui !
M. Alain Vasselle.
... puisque le PACS engage peu et ne donne aucune garantie. En effet, les
devoirs qu'il implique se limitent à un aspect purement matériel, comme
l'indique le rapport Gélard que je me permets de citer à nouveau : « En cas de
rupture, aucune protection n'est accordée au plus faible. La rupture est
possible unilatéralement à tout moment sans intervention du juge »...
M. Jean-Luc Mélenchon.
Ce n'est pas un mariage !
M. Alain Vasselle.
... sauf vraisemblablement pour le partenaire délaissé la possibilité
d'obtenir des dommages et intérêts pour rupture abusive de contrat. »
Ce texte laisse, en outre, sur le bord ceux qui ne veulent pas de PACS, de
contrat.
Il n'est, bien sûr, pas question de négliger des situations de fait qui
marquent aujourd'hui l'évolution de notre société ; il ne s'agit pas pour
autant de tomber dans un débat opposant dogmatisme et empirisme. La
multiplication des unions de fait est une donnée indiscutable : la dernière
enquête de l'INSEE fait état de 2,4 millions de couples non mariés. Mais le
mariage demeure encore la référence, puisque l'on dénombre 12,3 millions de
couples mariés ; il est absolument nécessaire de préserver cette
institution.
Le législateur n'a plus, à l'égard du concubinage, cette réticence qui le
caractérisait jadis : « Les concubins ignorent la loi, proclamait Napoléon, la
loi les ignore ! » Si le concubinage n'était, dans le passé, qu'une situation
de fait non génératrice de droits, les choses ont changé depuis.
Certes, il était nécessaire d'améliorer le système, car notre droit civil
comporte encore certains archaïsmes ; mais la solution ne peut être trouvée par
la mise en place d'un statut hybride entre le mariage et l'union libre.
Certains ajustements fiscaux, financiers, contractuels, patrimoniaux ou
successoraux semblent nécessaires. Cependant, ces ajustements ne seront pas
réalisés par le système juridiquement inapplicable que représente le PACS. Sur
ce point, les dispositions que propose la commission des lois constituent une
alternative que nous pourrions considérer comme acceptable.
La commission propose une définition du concubinage qui devrait permettre de
surmonter la jurisprudence de la Cour de cassation du 11 juillet 1989,
récemment confirmée le 17 décembre 1997.
Je me félicite tout particulièrement de la définition claire que la commission
propose du mariage, mettant ainsi un terme à une curiosité juridique du code
civil.
Cette définition du mariage comme « l'union d'un homme et d'une femme célébrée
par un officier de l'état civil »...
M. Claude Estier.
Quelle découverte !
M. Alain Vasselle.
... permet de le distinguer de l'union libre et de marquer son caractère
d'institution car, comme le souligne Irène Théry, « le mariage n'est pas un
simple outil de gestion du couple, mais une institution de l'ordre symbolique
dans lequel se différencient les sexes et les générations. »
Le PACS est dangereux, car il ne remplit pas les conditions du Préambule de la
Constitution de 1946, dont le dixième alinéa impose à la nation d'assurer « à
l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ».
C'est à ce principe qu'il est porté atteinte aujourd'hui.
M. Jean Chérioux.
Tout à fait !
M. Alain Vasselle.
Le souci légitime de trouver des solutions aux difficultés rencontrées par des
individus non mariés et le respect de la liberté des personnes constituent
certes une préoccupation à ne pas négliger, mais ils ne justifient pas une mise
en cause de l'institution du mariage, fondement juridique de la famille.
Si l'Etat est amené à valoriser et à institutionnaliser les couples mariés,
c'est uniquement parce que le couple marié est potentiellement créateur
d'enfants.
A ce propos, comme le soulignait Ernest Renan : « aucune civilisation n'a été
bâtie par des personnes seules nées de parents inconnus et morts célibataires
».
La famille est le socle de la société. Elle reste le niveau le plus
épanouissant et structurant pour le développement de l'enfant. Parce que la
famille est la promesse de survie d'une société, il semble indispensable de le
revaloriser en prenant le soin de na pas y porter atteinte et, surtout, de la
privilégier.
Pensons à l'enfant, comme l'a très justement dit notre collègue Louis de
Broissia, à son équilibre et à son avenir. C'est lui qui devrait être au coeur
de nos préoccupations et non pas la recherche d'un statut donnant du confort à
des individus plus animés par leur égocentrisme que par l'abnégation de
soi-même au profit du bonheur et de l'épanouissement de la famille.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
La responsabilité d'une société est d'assurer la transmission de la vie
de génération en génération. Cette transmission ne peut se faire que par les
couples hétérosexuels.
A ce niveau, on ne peut que déplorer la non-politique familiale du
Gouvernement.
Les effets induits de cette proposition de loi sur la politique familiale
n'ont pas été mesurés, je m'en étais inquiété au moment de l'examen du projet
de loi de financement de la sécurité sociale au sein de la commission des
affaires sociales.
Quel sera le coût financier de ce dispositif pour l'ensemble des contribuables
?
Il aurait mieux valu poursuivre les réformes engagées par le gouvernement
Juppé,...
M. Louis de Broissia.
Ça, c'est vrai !
M. Robert Bret.
On a vu le résultat !
M. Alain Vasselle.
... que vous avez interrompues,...
Un sénateur socialiste.
Non ! Ce sont les élections !
M. Alain Vasselle.
... en mettant en oeuvre la suppression de la décote et l'allégement du barème
de l'impôt sur le revenu, en vue de rendre le mariage fiscalement plus
attractif pour les bas revenus.
Je remercie notre collègue Philippe Marini d'y avoir veillé.
M. René-Pierre Signé.
Il y a eu des élections, non ?
M. Alain Vasselle.
Les mesures fiscales prises en faveur du concubinage ne doivent en aucun cas
être plus attractives que celles qui sont réservées à la famille.
C'est l'institution familiale que nous devons privilégier, et je regrette, une
nouvelle fois, les mesures prises lors de la dernière loi de finances et
abaissant le plafond du quotient familial dans un but purement comptable.
Ainsi, avec cette proposition de loi, le Gouvernement confirme une politique
familiale en trompe-l'oeil, qui consiste essentiellement à reprendre d'une main
ce qu'il donne de l'autre. Cette proposition, en fragilisant l'institution
familiale, fragilise notre pays.
Mais en définitive, mes chers collègues, pourquoi s'en étonner ? En effet,
l'oeuvre destructrice de ce gouvernement est en route depuis 1997, sous des
apparences trompeuses, dont l'effet séducteur en première approche tombera dans
quelque temps, quand les Françaises et les Français en prendront conscience.
Espérons qu'il ne sera pas trop tard pour notre pays, car les mesures
nécessaires qu'imposera la situation seront encore plus douloureuses que celles
qu'il a fallu mettre en oeuvre en 1986 et 1993.
(Applaudissements sur les
bancs du RPR.)
M. Claude Estier.
Ce gouvernement a été voulu par les Français !
M. Alain Vasselle.
Oui, mais nous en reparlerons, monsieur Estier !
M. Jean Chérioux.
Le suivant aussi sera voulu par les Français !
M. le président.
Je vous en prie, mes chers collègues.
Veuillez poursuivre, monsieur Vasselle.
M. Claude Estier.
Il y a tout de même des choses qu'on ne peut pas laisser dire !
M. Alain Vasselle.
Mes chers collègues, le Gouvernement n'avait-il pas mieux à faire que de
légiférer sur des questions de société, alors que le chômage n'est pas enrayé
structurellement, que l'insécurité règne encore dans nos banlieues,...
Mme Nelly Olin.
Bravo !
M. Alain Vasselle.
... et que nos jeunes manquent de repères pour leur avenir ?
(Très bien !
et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
Je conclurai en affirmant : le mariage, oui, le PACS, non ! Rejetons-le, car
les Français et les Françaises, à une large majorité, n'en veulent pas.
(Applaudissements sur les mêmes travées du RPR.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Travail, famille, patrie !
M. le président.
La parole est à M. Braye.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il a assez parlé de son banc !
M. Dominique Braye.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, trois mois
après l'adoption de cette proposition de loi sur le pacte civil de solidarité
dans les conditions que nous connaissons, il revient donc maintenant au Sénat
d'en débattre.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est original !
M. Dominique Braye.
Ainsi, l'occasion nous est donnée de démontrer, une nouvelle fois,
l'importance et l'intérêt de notre assemblée dans la vie nationale, car, sur le
PACS peut-être plus que sur tout autre texte, la réflexion du Sénat est
bienvenue.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Sauf quand il y a une question préalable !
M. Dominique Braye.
En effet, c'est dans la précipitation la plus totale que l'Assemblée nationale
a voté un texte dangereux dans ses principes - j'y reviendrai -...
(Protestations sur les travées socialistes.)
Mme Danièle Pourtaud.
Quelle précipitation ?
M. Dominique Braye...
mais aussi mal ficelé et source d'importantes difficultés pratiques et
juridiques.
M. Claude Estier.
C'est n'importe quoi !
M. Dominique Braye.
Je sais que cela vous a beaucoup dérangé, et tout le monde, toute la
nation,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Demandez à Mme Boutin, qui assiste à nos débats dans les tribunes, ce qu'elle
en pense !
M. Dominique Braye.
Et tout cela parce que, comme trop souvent, la majorité actuelle de
l'Assemblée nationale n'a cherché à atteindre qu'un seul but : l'affichage
politique, l'effet d'annonce, sans jamais se soucier des conséquences
juridiques des textes adoptés.
M. Jean-Chérioux.
Très bien !
M. Dominique Braye.
Pour le PACS, l'objectif était clair, comme l'ont d'ailleurs reconnu les
sénateurs socialistes membres de la commission des lois la semaine dernière il
s'agissait : d'abord et avant tout d'un texte politique...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Que faites-vous toute la journée ? Ne faites-vous pas de politique ?
M. Robert Bret.
Qu'êtes-vous en train de faire ?
M. Dominique Braye.
... visant à légitimer socialement l'homosexualité au nom du progrès et de
l'évolution des moeurs.
(M. Dreyfus-Schmidt clame son approbation.)
M. Jean-Luc Mélenchon.
Oui !
M. Dominique Braye.
Monsieur le juge, permettez-moi de continuer.
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, s'il vous plaît, laissez parler l'orateur.
M. Louis de Broissia.
Cela les vexe beaucoup !
M. Jean Chérioux.
Ils sont gênés !
M. le président.
Poursuivez, monsieur Braye, et vous seul !
M. Dominique Braye.
Je répète : pour les sénateurs socialistes, il s'agissait d'abord et avant
tout...
(M. Dreyfus-Schmit s'exclame de nouveau)...
d'un texte politique visant à
légitimer socialement l'homosexualité au nom du progrès et de l'évolution des
moeurs.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Oui !
M. Dominique Braye.
Ceux qui s'y opposeraient seraient inévitablement taxés de ringards, voire
d'intégristes.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Absolument !
M. Louis de Broissia.
C'est d'ailleurs ce qu'a dit M. Mélenchon !
M. Jean Chérioux.
Ils sont contre le mariage républicain !
M. Dominique Braye.
Je veux donc saluer ici le travail remarquable du Sénat, qui a refusé de céder
à cette vision manichéenne, qui a pris le temps de la réflexion, ce qui, vous
en conviendrez, était la moindre des choses pour un sujet de société d'une
telle importance.
Ici donc, point de débat tronqué, étouffé, mais, au contraire, le temps laissé
à la réflexion,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est vous qui l'étouffez sans arrêt en hurlant !
(Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Louis de Broissia.
Apportez un verre d'eau à M. Dreyfus-Schmidt !
M. Dominique Braye.
... le temps laissé au débat, avec une très large série d'auditions de
personnalités de tous bords et de tous horizons voulues par notre commission
des lois, ce qui, vous le savez, n'a pas été le fait de son homologue de
l'Assemblée nationale.
M. Jean Chérioux.
C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Claude Estier.
Mme Boutin a parlé pendant cinq heures !
M. Dominique Braye.
Je parle de la commission des lois !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Et vous, vous braillez sans arrêt !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
N'interrompez pas l'orateur !
M. Dominique Braye.
C'est l'hôpital qui se fiche de la charité, mon cher collègue !
M. le président.
Sur ces considérations hospitalières et caritatives, poursuivez, mon cher
collègue !
M. Dominique Braye.
Ici, à la différence de ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale, il y a eu
la volonté de dépasser les vaines querelles, les attaques excessives,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Cela vous va bien !
M. Claude Estier.
Vous pouvez parler !
M. Dominique Braye.
... les polémiques, pour arriver enfin à un débat apaisé, qui ne serait plus
réduit...
M. René-Pierre Signé.
C'est nul !
M. Dominique Braye.
... à une alternative réductrice : pour ou contre le PACS, c'est-à-dire
favorable ou hostile aux couples homosexuels.
C'est tout à l'honneur de notre assemblée d'être sortie de ce piège, en allant
plus loin que le simple rejet de ce texte.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Vous n'en êtes pas encore sorti !
M. Dominique Braye.
C'est tout à l'honneur de la commission des lois, en particulier de son
rapporteur, M. Gélard,...
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. Dominique Braye.
... d'avoir proposé des solutions permettant de régler les situations
concrètes dans un cadre de solidarité, sans menacer l'institution familiale ni
le mariage républicain.
M. Jean Chérioux.
C'est bien ça qui les gêne !
M. Dominique Braye.
Car tel est bien le premier danger du PACS...
(Brouhaha sur les travées
socialistes.)
M. le président.
Poursuivez, monsieur Braye.
M. Dominique Braye.
Car tel est bien le premier danger du PACS : porter atteinte à l'institution
du mariage
(Très bien ! et vives marques d'approbation sur les travées du RPR),...
M. Michel Dreyfus-Schmitt.
Laissez parler M. Braye !
M. Claude Estier.
Oui, laissez-le parler !
(Sourires sur les travées socialistes.)
M. Louis de Broissia.
Pourquoi braillent-ils ainsi ?
M. Dominique Braye.
... en proposant un contrat qui offrirait des droits quasiment identiques en
contrepartie d'obligations minimales.
Le PACS implique en effet des devoirs bien moins importants que ceux qui sont
nés du mariage.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Cela n'a rien à voir !
M. Dominique Braye.
Il se limite à un aspect purement matériel, l'aide mutuelle et matérielle, les
modalités de cette aide pouvant d'ailleurs être très différentes d'un PACS à
l'autre.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Vous n'avez rien compris !
M. Dominique Braye.
J'ai été rapporteur du texte sur les pitbulls, j'avoue que je ne pensais pas
en trouver au sein de notre assemblée !
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste. -
Protestations sur les travées socialistes.)
M. Jean-Luc Mélenchon.
Oh !
M. Claude Estier.
Ça vous va bien, monsieur Braye, de parler de pitbulls !
M. Alain Vasselle.
Un peu de sérénité !
M. le président.
Oui, un peu de sérénité.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Là, c'est l'hôpital qui se moque de la charité !
M. Dominique Braye.
Le PACS, disais-je, implique des devoirs bien moins importants que ceux qui
sont nés du mariage. Il se limite à un aspect purement matériel, l'aide
mutuelle et matérielle, les modalités de cette aide pouvant d'ailleurs être
différentes...
M. Guy Allouche.
Mon cher collègue, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Dominique Braye.
Je vous en prie, monsieur Allouche. Peut-être ferez-vous revenir la sérénité
au sein de votre groupe !
M. le président.
La parole est à M. Allouche, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Guy Allouche.
Monsieur Braye, je suis de ceux qui revendiquent la liberté, pour un opposant,
de dire ce qu'il a envie de dire, et je comprends mes amis et collègues qui
protestent quand vous interrompez sans cesse de votre place.
Mais, en la circonstance, je ne peux pas vous laisser dire que, parce que nous
protestons, nous sommes des pitbulls.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
Je vous demande donc de retirer votre propos ou, au moins, de présenter
des excuses à ceux de nos collègues qui ont pu se sentir visés par cette
remarque.
(Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Braye.
M. Dominique Braye.
J'ai dit que j'avais été le rapporteur de la loi relative aux pitbulls et que
je ne pensais pas trouver des faciès équivalents à ceux de ces chiens de
banlieue.
(Vives protestations sur les travées socialistes.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Regardez-vous !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Il persiste et signe !
M. Dominique Braye.
Que ceux qui manifestement se sentent visés veuillent bien se désigner, auquel
cas je pourrai prononcer des excuses.
M. le président.
Nous pouvons considérer que l'incident est clos.
M. Guy Allouche.
Non ! Il a même été aggravé, et, en guise de protestation, nous sortons.
(Mmes et MM. les sénateurs socialistes quittent l'hémicycle.)
M. Dominique Braye.
Nous allons pouvoir poursuivre dans la sérénité !
Les devoirs du PACS - j'y reviens - se limitent à un aspect purement matériel
: l'aide mutuelle et matérielle, les modalités de cette aide pouvant d'ailleurs
être très différentes d'un PACS à l'autre puisque fixées par le pacte lui-même.
La vie commune, par exemple, ne semble pas exiger, comme pour les époux, une
communauté de vie impliquant le choix d'une résidence commune.
Rien n'est prévu non plus concernant les devoirs des partenaires à l'égard de
leurs enfants, alors que ce contrat est ouvert à des couples susceptibles de
procréer.
En cas de rupture, enfin, aucune protection n'est accordée au plus faible
puisque la rupture est possible unilatéralement, à tout moment, et sans
intervention du juge.
Rien que pour cela, mes chers collègues, le PACS méritait d'être combattu,
parce que le mariage demeure et doit demeurer, surtout en période de crise, la
structure la plus protectrice pour les deux conjoints et pour les enfants qui
en sont issus.
Mme Nelly Olin.
Très bien !
M. Dominique Braye.
C'est un facteur de stabilité pour la société, et le législateur se doit de la
protéger.
Il est donc impensable d'institutionnaliser et de mettre sur un pied d'égalité
toutes les formes de vie affective.
Si l'Etat s'intéresse aux couples mariés, c'est non pas parce qu'ils
entretiennent des relations affectives et sentimentales, mais parce qu'ils ont
vocation à devenir parents.
Au travers du mariage, ce sont donc les enfants qu'il veut aider, et c'est
d'ailleurs la raison pour laquelle l'Etat intervient également lors de la
naissance d'enfants dans des couples de concubins. Les droits accordés à tous
les couples avec enfants sont la compensation de charges de famille.
L'Etat ne réglemente donc pas arbitrairement et inégalement les rapports
relevant de la sphère privée. Il se préoccupe simplement de la pérennité de la
société, notamment par le biais de la politique familiale.
Le rapport de M. Patrice Gélard rappelle heureusement le dixième alinéa du
préambule de la Constitution actuelle : « La nation doit assurer à l'individu
et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. »
Quelle pourrait être la justification d'un tel contrat dans le cas de couples
homosexuels ? Quelle serait la contrepartie attendue par la société ? Aucune,
dès lors qu'il n'y a pas d'enfant.
Je le redis, si la société s'intéresse aux couples hétérosexuels, c'est
toujours en raison de l'enfant qu'ils peuvent porter, car il y va de son
intérêt vital.
Dans le cas de l'homosexualité, ce contrat social devient impossible, sauf à
céder à la revendication ultime des mouvements qui sont à l'origine du contrat
d'union sociale puis du PACS, c'est-à-dire l'accès égalitaire des homosexuels
au droit à l'adoption et aux techniques d'assistance médicale à la
procréation.
Alors là, le débat change de nature. Il ne s'agit plus uniquement de légitimer
socialement l'homosexualité. Nous changeons radicalement de société.
M. Alain Vasselle.
C'est exact !
M. Dominique Braye.
C'est le droit à l'enfant qui prendrait alors le pas sur les droits de
l'enfant.
(MM. de Broissia et Vasselle applaudissent.)
Or, pour l'instant, notre société a le devoir de protéger l'enfant. Et les
travaux des pédiatres et des psychologues montrent tous que celui-ci a besoin,
pour son épanouissement, de la double référence que représentent les deux
parents de sexe opposé.
Il n'y a qu'à voir, aujourd'hui, les ravages des relations monoparentales, de
l'absence du père ou des divorces sur la psychologie des adolescents pour ne
pas vouloir créer de nouveaux problèmes en validant comme modèle social des
situations qui s'écartent de tous les modèles naturels de l'anthropologie.
Voilà donc la double justification du refus de ce pacte civil de
solidarité.
Ce que nous disons, c'est « non » à un sous-mariage, qui, en plus, serait la
première étape vers le droit pour des couples non hétérosexuels, qui
trouveraient là le seul moyen de satisfaire leur envie, d'être, à terme,
parents et d'élever des enfants.
Mais ce que nous disons aussi, c'est « oui » à l'application aux couples
homosexuels qui le désirent des règles existantes pour les couples
hétérosexuels non mariés.
Car nous ne nions pas qu'il existe aujourd'hui des situations juridiques
insatisfaisantes pour de nombreux couples vivant hors mariage, qu'ils soient
d'ailleurs homosexuels ou hétérosexuels.
Voilà pourquoi je suis tout à fait favorable à la proposition de la commission
des lois de transférer le droit au bail au partenaire survivant en cas de décès
du titulaire du bail, comme je suis favorable à l'adoption de mesures fiscales
et successorales spécifiques, ou encore à l'assimilation des partenaires à des
personnes mariées pour ce qui concerne le droit à un congé en cas de décès du
partenaire, ou même pour le choix des dates de congés payés.
En revanche, mes chers collègues, je trouve qu'il est extrêmement choquant
d'envisager, par l'intermédiaire de l'imposition commune, de permettre à des
partenaires de bénéficier du quotient conjugal, dont l'avantage fiscal n'est
pas plafonné, alors que le Gouvernement n'a pas hésité, dans la loi de finances
pour 1999, à diminuer, à hauteur de 4,5 milliards de francs, les avantages en
faveur des familles, notamment en baissant le plafond de l'avantage procuré par
un enfant à charge.
Mais toutes ces revendications, pour certaines parfaitement légitimes,
auraient très bien pu être satisfaites dans une loi de finances, ou dans une
loi portant diverses mesures d'ordre social, comme ce fut le cas en 1993,
lorsque le législateur accorda au concubin homosexuel de l'assuré social la
qualité d'ayant droit pour l'assurance maladie en tant que personne à
charge.
La reconnaissance de ces nouveaux droits était d'ailleurs préconisée dans deux
rapports qui vous ont été transmis, madame le ministre, l'un de Irène Théry sur
l'extension des droits sociaux à tous les concubins, même homosexuels, l'autre
du professeur Jean Hauser, qui s'attachait plutôt aux problèmes
patrimoniaux.
Cette approche présentait tous les avantages. Elle réglait les problèmes
pratiques et les discriminations dans l'accès aux droits sociaux, sans pour
autant apporter une réponse idéologique, symbolique.
En effet, une chose est de permettre à des personnes qui ne peuvent pas se
marier de vivre ensemble et en sécurité juridique - nous reconnaissons tous
aujourd'hui que ces personnes ont droit à la dignité et à la considération -
mais une autre est de jouer de la force symbolique de la loi pour
institutionnaliser une assimilation des couples homosexuels aux couples
hétérosexuels.
Madame le ministre, les couples hétérosexuels ont fait le monde et continuent
à le forger par l'acte de nature, le plus beau qui soit : la procéation. De
cela, il convient de se souvenir, mes chers collègues, les pieds campés sur
terre et la tête suivant le fil législatif qui en découle.
C'est en tout cas ce que la majorité sénatoriale entend faire aujourd'hui.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
Mes chers collègues, nos débats ont été vifs. Mais je pense que, selon la
tradition du Sénat, aucun des orateurs n'a souhaité porter atteinte ni à la
dignité de la Haute Assemblée ni à celle de l'un d'entre nous.
Je vous invite, toutefois, mes chers collègues, à faire preuve de tolérance
mutuelle dans la suite de nos débats.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du
RPR.)
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole pour un rappel au
règlement.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Je souhaitais intervenir dans le sens des propos
que vous venez de tenir à l'instant même, monsieur le président.
Je m'étonne d'avoir été interrompu hier par la présidence alors que je n'avais
pas épuisé mon temps de parole. Je déplore cette attitude, qui ne me paraît
conforme ni aux pratiques de notre assemblée, ni à la lettre de notre
règlement.
Ayant entendu M. Allouche protester tout à l'heure contre un propos qui était
tenu par M. Braye, je voudrais très cordialement lui faire remarquer que, si
l'on veut que la sérénité règne dans les débats, il vaut mieux respecter les
règles formelles auxquelles nous sommes tous astreints.
M. Louis de Broissia.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia.
Madame le ministre, moi qui ai appartenu à une autre assemblée, j'ai été
quelque peu choqué de constater que, chaque fois qu'un membre de la majorité
sénatoriale intervenait, on montrait de façon un peu ostentatoire au banc du
Gouvernement que ses propos n'intéressaient pas, alors que chaque fois qu'un
membre de l'opposition sénatoriale prenait la parole, on l'écoutait avec
intérêt !
J'aimerais que, dans la suite des débats, l'indifférence marquée à l'égard de
nos propos ne soit plus aussi ostensible.
(Applaudissements sur les travées
du RPR.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
L'attention, cela se mérite !
(Protestations sur les travées du
RPR.)
M. Louis de Broissia.
Ce n'est pas bien ce que vous dites là, monsieur Dreyfus-Schmidt.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord dire à M. de Broissia
que j'ai écouté avec beaucoup d'attention M. de Montesquiou,...
M. Aymeri de Montesquiou.
Je suis votre serviteur !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... qui m'a paru présenter ses arguments de façon
modérée.
Cela dit, il est vrai que je préfère quelquefois, vis-à-vis d'autres orateurs,
ne pas nécessairement accorder une attention assidue à telle ou telle
remarque.
Croyez bien cependant que j'entends tout.
Je vais d'ailleurs, sans revenir sur l'ensemble des arguments qui ont été
longuement développés par les uns et par les autres, vous faire maintenant part
de quelques remarques que m'ont inspirées les orateurs qui se sont exprimés
depuis hier.
M. René-Pierre Sigué.
Ce n'était pas brillant !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
D'abord, je suis frappée par le réel refus de certains
de regarder en face la réalité du PACS.
Il est vrai, mesdames, messieurs les sénateurs, que nombre d'entre vous jouent
les coqs de bruyère et veulent être sourds et aveugles face à la réalité du
PACS.
(Approbations sur les travées socialistes.)
La réalité du PACS, c'est la reconnaissance des liens matériels et affectifs
pour l'ensemble des couples qui ne sont pas mariés, qu'ils soient hétérosexuels
ou homosexuels, Bertrand Delanoë nous l'a rappelé à juste titre hier, avec
beaucoup de pudeur et d'émotion.
Le PACS intéresse ceux qui veulent être reconnus par un statut.
Cela dit, les concubins qui ne veulent être encadrés par aucun statut
juridique restent évidemment libres de ne pas l'être.
Le PACS offre la possibilité à ceux des concubins, hétérosexuels ou
homosexuels - je le dis une fois encore - qui veulent cette reconnaissance de
leurs liens affectifs, de leur amour, de leur tendresse, de leur engagement
matériel et moral, de l'obtenir.
Tel est le premier point.
Autre réalité du PACS : ce statut apporte plus de droits - mais il impose
aussi des obligations - que ceux qui sont actuellement reconnus aux couples de
concubins hétérosexuels.
Je vais brièvement dresser la liste des apports du PACS, parce que ces apports
ont été contestés par plusieurs orateurs.
Tout d'abord, on pourra faire la preuve de ce pacte, puisque celui-ci est
enregistré. Un nouveau statut existe et il peut être prouvé à l'égard des
tiers.
Ensuite, ce pacte engage ses membres à la solidarité pour les dettes.
Par ailleurs, les partenaires ont obligation de contribuer aux charges de la
vie commune.
Le PACS ouvre aussi la possibilité aux partenaires de bénéficier de
l'attribution préférentielle pour certains biens, dont le logement. Voilà un «
plus » extrêmement important par rapport à ce que la jurisprudence et le droit
reconnaissent aujourd'hui aux concubins uniquement hétérosexuels.
Le PACS accorde également les droits suivants : l'impossibilité de rompre sans
informer l'autre, l'imposition commune après délai, des abattements fiscaux et
des droits d'enregistrement inférieurs, le rapprochement professionnel dans la
fonction publique, des périodes de congés payés et de congés pour événements
affectifs ou familiaux.
Le PACS apporte donc un « plus » et certaines de ses dispositions, croyez-moi,
intéresseront des concubins hétérosexuels qui souhaiteront voir leur statut
reconnu.
Il me semble, par ailleurs - ce sera ma deuxième observation - que les
critiques que j'ai entendues ici ne portent pas sur la réalité du PACS et qu'il
s'agissait en fait de critiques virtuelles.
En effet, le PACS ne porte pas atteinte au mariage. Il est absolument neutre
par rapport au mariage et à la famille. Or, tout d'un coup, 200 ans après que
Portalis, qui nous regarde, je crois, avec une certaine ironie, a rédigé le
code civil et défini ce qu'était le mariage, on s'avise qu'il faut définir le
mariage dans le code civil, alors que ledit code n'est fondé que sur le mariage
!
M. Jean Chérioux.
C'est vous que Portalis regarde avec ironie !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
J'ai beaucoup de respect pour Portalis et je constate -
voyez sa statue ! - qu'il vous regarde, vous, en particulier, messieurs de la
majorité sénatoriale, parce qu'il a les yeux fixés de ce côté-ci de
l'hémicycle.
(Sourires et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Alain Vasselle.
Il ne regarde pas seulement de ce côté-ci !
M. Jean Chérioux.
En fait, il se voile la face !
(Nouveaux sourires.)
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le PACS ne porte en aucune façon atteinte au mariage et
à la famille, disais-je, et il n'a aucune conséquence sur les législations
concernant la procréation médicalement assistée ou l'adoption.
Par ailleurs, puisque je me suis exprimée très en détail sur la famille devant
l'Assemblée nationale et que cela ne me gêne en aucun cas de me répéter, je
redis que, oui, un enfant a le droit d'avoir un père et une mère.
M. Alain Vasselle.
Il ne manquerait plus qu'il en soit autrement !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement
n'acceptera jamais qu'un couple homosexuel puisse avoir le droit d'adopter, en
tant que tel, des enfants.
Un enfant a droit à son père et à sa mère, disais-je. L'autorité parentale,
comme la responsabilité parentale, doit s'exercer à l'égard des enfants de la
part des deux parents.
A ce point du débat, je vous poserai donc deux questions, messieurs de la
majorité du Sénat.
S'il était si urgent de légiférer sur la famille, pourquoi ne l'avez-vous pas
fait lorsque vous en aviez le pouvoir ?
(M. Chérioux proteste vivement.)
M. Louis de Broissia.
Parce que nous avons été interrompus !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Ensuite, messieurs de la majorité sénatoriale, comment
se fait-il que, lorsque la loi de 1993 a prévu que l'autorité parentale devait
être exercée par les deux parents, vous ayez posé une condition restrictive,
celle qui consistait à préciser qu'il fallait, pour que ce soit le cas, que les
deux parents aient vécu ensemble pendant au moins un an ?
(Applaudissements sur les travées socialistes. - Exclamations sur les travées
du RPR.)
M. Jean Chérioux.
Faux !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Ne croyez-vous pas que, c'est justement là une négation
du droit des enfants à avoir leur deux parents, quelle que soit la situation
juridique du couple que forment ces parents ?
(Applaudissements sur les mêmes travées. - M. Chérioux proteste
énergiquement.)
M. le président.
S'il vous plaît, monsieur Chérioux ! La parole est à Mme le ministre.
M. Louis de Broissia.
Ce ne sont pas des parents de passage que nous voulons !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Les parents sont des parents !
(Applaudissements sur
les través socialistes.)
Je relève enfin qu'en réalité la majorité sénatoriale ne veut pas du PACS.
Selon elle - nous l'avons entendu ! - le PACS est inutile. Or j'ai démontré ce
qu'il apportait, et je n'y reviendrai pas, par rapport à la situation des
concubins.
M. Gélard, pour contourner avec habilité cette difficulté, propose une
définition du concubinage. Mais, en même temps, il refuse de manifester
clairement que nous rejetons désormais toute discrimination à l'encontre des
concubins homosexuels.
Si l'idée est d'inscrire dans la loi, parce que l'on n'a pas suffisamment
confiance dans l'évolution possible de la jurisprudence de la Cour de cassation
après l'instauration du PACS, qu'il ne doit plus y avoir de discrimination,
alors, écrivons-le clairement et nettement !
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées socialistes.)
Le PACS serait, selon vous, dangereux. Mais je viens de dire en quoi il n'a
aucune conséquence sur le mariage et sur la famille, et en quoi il apporte au
contraire un « plus », à savoir de la solidarité.
A cet égard, je voudrais répondre à M. de Montesquiou, dont j'ai écouté
l'exposé très attentivement et avec beaucoup d'intérêt, comme toujours.
Comme je lui faisais remarquer qu'il avait axé son intervention sur le mariage
et la famille alors que ce n'est pas le sujet, il m'a répondu : « Si, parce que
tout ce qui n'est pas interdit est permis. » Permettez-moi, monsieur de
Montesquiou, de vous rappeler que, s'agissant de l'adoption et de la
procréation médicalement assistée, le code civil ne procède pas ainsi. Il
procède par affirmations positives. Il dit qui et dans quelles conditions a le
droit d'adopter des enfants ; mais il n'interdit rien. Je vous conseille, à ce
propos, de revoir l'article 343 du code civil.
Bref, le Sénat refuse de voir la réalité du PACS, qui apporte plus que le
concubinage et qui ne menace ni la famille ni le mariage.
La majorité sénatoriale refuse le principe même du PACS et, ce faisant, fait
obstruction au PACS.
Certes, une obstruction plus habile que celle de l'Assemblée nationale, plus
en finesse, dirai-je.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux.
C'est gentil !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Mais, finalement, cette obstruction ressemble tout de
même à une finasserie...
(Oh ! sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux.
Très réfléchie !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... et à une ruse, pour éviter d'avoir à affronter les
vrais problèmes !
(Applaudissements sur les travées socialistes. -
Exclamations sur les travées du RPR.)
Je terminerai en remerciant les orateurs des groupes de gauche, qui ont
apporté leur soutien à cette démarche progressiste. Je les remercie aussi
d'avoir poursuivi la réflexion en proposant des amendements au texte adopté par
l'Assemblée nationale, preuve que c'était possible. Je veillerai à ce que ces
propositions soient examinées lors de la nouvelle lecture de cette proposition
de loi à l'Assemblée nationale.
Le Gouvernement accueillera avec bienveillance tout ce qui permettra de mettre
fin aux discriminations entre couples homosexuels et couples hétérosexuels, et
il fera sienne toute proposition visant à améliorer ce texte, car loin de lui
l'idée qu'après une première lecture à l'Assemblée nationale cette proposition
de loi ne mérite pas d'être améliorée. Je regrette que la majorité sénatoriale
n'ait pas voulu s'engager dans cette voie !
(Applaudissements sur les
travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Jean Chérioux.
Vous n'avez pas écouté ! Vous avez passé votre temps à écrire !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Madame la ministre, madame le garde
des sceaux, je dois dire que, une fois de plus - et c'est l'habitude - votre
propos m'a vivement intéressé, car tout au long de votre intervention nous
avons senti une contradiction.
Vous êtes très gênée d'être obligée de reconnaître l'habileté du Sénat et,
forçant un peu vos propos, de reconnaître que, sans le moindre esprit de
discrimination, nous avons voulu résoudre les problèmes sans pour autant porter
atteinte aux principes. Vous ne l'avez pas dit clairement, mais vous êtes bien
obligée de le reconnaitre. Vous vous attendiez, ainsi que mon ami Patrice
Gélard l'a excellement expliqué, à une manifestation supplémentaire de
ringardise ! Je m'interroge sur le point de savoir de quel côté, pour
l'instant, la ringardise se situe...
(Très bien ! et applaudissements sur
les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.
Ayant entendu nos suggestions, excellemment exposées par nos rapporteurs, vous
êtes bien obligée, en outre, de reconnaître au fond de vous-même - car nous
connaissons votre honnêteté intellectuelle - que nous avons résolu des
problèmes.
Mais il y a derrière vous ce fameux vote de l'Assemblée nationale quelque
peu... aux forceps - j'hésitais à employer l'expression. En effet, dans un
premier temps, la moitié du groupe socialiste n'était pas présente - on se
demande pourquoi - et, dans un second temps, le groupe s'est finalement
rassemblé dans les conditions que nous connaissons, et la pression de ce lobby
auquel vous croyez devoir obéir a pu se manifester pleinement.
Madame la ministre, pour l'instant, vous avez la majorité, c'est un fait. Pour
combien de temps ? Nous n'en savons rien. Vous pouvez donc faire ce que vous
voulez. Contrairement à ce que vous avez dit, nous savons très bien que, quelle
que soit la qualité des observations que nous vous avons présentées, vous n'en
tiendrez aucun compte.
Alors, je vous mets en garde.
Une majorité peut juridiquement tout faire. Mais, dans un certain nombre de
cas, lorsqu'elle impose à un pays des dispositions qui vont à l'encontre de
principes fondamentaux de la société auxquels nous tenons, attention au choc en
retour !
M. René-Pierre Signé.
Des menaces ?
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
C'est ainsi que vous avez cru
pouvoir imposer, dans les matières qui sont traitées au sein de ce gouvernement
- mais tant d'autres sont laissées de côté que l'on ne sait plus très bien à
quoi vous vous attachez - un certain nombre de choses, et vous avez réussi !
Mais s'agissant de ce texte, vous avez dépassé les bornes !
(Bravo ! et
applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et
sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. Louis de Broissia.
Cela fait longtemps qu'elles sont franchies !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Vous parviendrez à faire adopter
cette proposition de loi, nous le savons, par une majorité qui vous obéit parce
qu'elle n'ose pas vous désobéir !
(M. Claude Estier s'insurge.)
Monsieur Estier, interrogez la moitié de députés socialistes qui n'est
pas venue voter !
M. Claude Estier.
C'est blessant pour les députés, ce que vous dites là !
M. Jean Chérioux.
C'est pourtant la vérité !
M. Dominique Braye.
La vérité vous dérange !
M. Michel Caldaguès.
Oui, ça les dérange !
Mme Nelly Olin.
Les familles s'en souviendront !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Demandez à ces députés pourquoi ils
ne sont pas venus voter !
(Vives protestations sur les travées socialistes.)
M. Claude Estier.
Vous assistez toujours à tous les débats, vous ?
M. le président.
Poursuivez, monsieur le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Sur ce point, vous êtes gênés, je le
sais bien, tout comme Mme le garde des sceaux est gênée par la qualité du
travail que nous avons présenté !
M. Claude Estier.
Pas du tout !
M. René-Pierre Signé.
C'est honteux ce que vous dites !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
De plus, elle sait très bien que nos
propositions correspondent aux voeux de la société et que nous sommes parvenus
à résoudre des problèmes concrets sans porter atteinte aux principes.
Vous voulez aller plus loin ? Eh bien, faites-le, et nous verrons quel sera le
résultat final !
(Bravo ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants
et du RPR, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou.
garde des sceaux.
Monsieur le président de la commission des lois, bien
entendu, c'est votre droit de ne pas approuver le PACS et de vouloir le
refuser. C'est votre conviction, je la respecte. Mais alors, respectez la
mienne ! Je ne peux pas vous laisser dire que je suis gênée ! Je défends un
texte auquel je crois.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Vous êtes obligée de le rappeler.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je ne peux pas non plus vous laisser dire que nous
subissons des intimidations ! Mais qu'est-ce que cela signifie ?
M. René-Pierre Signé.
Ce sont des menaces !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Chacun est libre et responsable !
J'ai dit ce que je pensais de ce texte. Selon moi, il apporte un « plus », et
je ne puis admettre qu'on dise que j'ai agi contrainte et forcée. Je suis une
femme libre, monsieur le président de la commission des lois !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
Comme vous - je l'ai dit hier et je le répète volontiers aujourd'hui - et
bien que la majorité sénatoriale refuse de façon claire et nette le PACS - et
vous en avez le droit puisque, ici, vous avez justement la majorité ! - je
pense que ce débat aura au moins eu un mérite : celui de faire admettre par
certains membres de cette majorité qu'il existe en effet des discriminations à
l'égard des couples homosexuels et qu'elles doivent être corrigées, ce que je
suis prête à faire.
Si l'on estime que le PACS ne sera pas suffisant pour faire évoluer la
jurisprudence de la Cour de cassation, alors écrivons-le dans la loi, mais à
condition, je le répète, de trouver une formule très claire et ne prêtant à
aucune ambiguïté.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
« Et pourtant elle tourne », disait Copernic.
M. Robert Bret.
Il y avait déjà des ringards à l'époque !
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est Galilée qui a dit cela, et non Copernic ! Ne vous trompez pas d'auteur
!
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Effectivement ! C'est de Galilée qu'il s'agit.
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est toujours gênant de se tromper sur l'auteur d'une citation !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Madame le ministre, avec beaucoup d'habileté, vous avez
repris une définition que l'un de vos prédécesseurs avait utilisée à
l'Assemblée nationale et qui lui avait valu à l'époque de nombreuses critiques.
« Vous avez, disait-il, juridiquement tort parce que vous êtes politiquement
minoritaire. » Vous recommencez aujourd'hui. Mais nous avons juridiquement
raison, et vous le savez !
M. Guy Allouche.
Non !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Le PACS n'est pas défendable ! Si vous voulez le défendre -
et tous les amendements qui ont été déposés vont dans ce sens - vous vous
rapprochez du mariage.
En fait, on a assisté à un dialogue de sourds. Vous n'avez pas voulu nous
écouter et, pourtant, comme le disait Galilée, la terre tourne !
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Robert Bret.
Quelle découverte !
M. René-Pierre Signé.
C'est faible !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président.
Par amendement n° 1, M. Gélard, au nom de la commission des lois, propose
d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article 9 du code civil est ainsi rédigé :
« Chacun est libre de sa vie personnelle et a droit au respect de sa vie
privée et familiale. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
J'ai pensé, tout comme la commission des lois, qu'il était
nécessaire de préciser l'article 9 du code civil.
Nous avons d'abord souhaité tenir compte des dispositions de l'article 8 de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales qui sont relatives au respect de la vie privée et familiale.
Nous avons ensuite souhaité aller plus loin - nous l'avons dit tout au long de
ce débat - en ne prononçant aucune condamnation. Nous voulons en effet
reconnaître à chacun le droit de mener sa vie personnelle comme il l'entend.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Cet article tend à modifier l'article 9 du code civil,
qui dispose notamment que « chacun a droit au respect de sa vie privée ».
Cette modification m'apparaît inutile.
La liberté pour chacun de mener sa vie personnelle est une composante de la
liberté individuelle proclamée par la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789. La solennité et la portée générale de ce texte n'imposent pas
un rappel dans le code civil.
S'agissant de l'ajout relatif à la vie familiale, je rappelle que la vie
privée englobe la vie sentimentale et familiale des personnes. A ce titre, elle
est donc déjà protégée par l'article 9 contre les atteintes qu'elle pourrait
subir. La jurisprudence a eu l'occasion, à de très nombreuses reprises, de
faire application de ce principe.
Même au regard de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme, dont l'article 8 assure le respect de la vie privée et familiale de
toute personne, la vie familiale ne constitue pas un concept autonome ainsi
qu'il résulte clairement de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg.
Je suis donc défavorable à cet amendement n° 1.
M. Robert Badinter.
Je demande la parole contre l'amendement n° 1.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Si j'interviens à ce stade du débat, c'est parce que, ainsi d'ailleurs que je
l'ai annoncé à M. le rapporteur, cet amendement n° 1 ne fera que compliquer
l'état de notre droit sans rien y ajouter. En effet, M. le rapporteur ne
définit pas le concept de vie personnelle... tout simplement parce qu'il est
quasi impossible de le définir.
Nous savons tous ce qu'est la vie privée. Je rappelle que le texte actuel de
l'article 9 du code civil consacre déjà le principe du droit au respect de la
vie privée. Sur ce point, il n'y a donc aucun problème.
Vous voulez ajouter le concept de « vie familiale ». Nous ne nous y
opposerions pas si l'amendement n° 1 se résumait à cela, bien que cette notion
figure déjà dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme
et des libertés fondamentales, convention qui a une valeur supérieure à notre
droit interne. Sur ce point, votre amendement n'apporte donc rien de plus,
monsieur le rapporteur.
En revanche, le fait d'ajouter : « Chacun est libre de sa vie personnelle » ne
fera que créer de la confusion. En effet, si vous entendez par là que chacun
d'entre nous peut vivre comme il l'entend, je constate que cela figure dans la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et que nous ne sommes pas en
train d'en rédiger une nouvelle ! Quant à affirmer une distinction entre vie
personnelle et vie professionnelle, cela ouvrirait la voie à toutes les
difficultés.
S'il s'agit pour M. le rapporteur, comme je le pense, de dire par là que l'on
respecte le droit de chacun à conduire comme il le veut sa vie sexuelle, dans
ce cas, cher ami, permettez-moi de vous dire que dans la jurisprudence, qu'elle
soit nationale ou européenne, la vie sexuelle entre au premier chef dans le
cadre de la vie privée, et même de l'intimité de la vie privée. Par conséquent,
elle est déjà parfaitement protégée par les textes existants.
N'ajoutons surtout pas dans le code civil des dispositions qui ne pourront
ensuite que nourrir des difficultés d'interprétation et des jurisprudences
incertaines ! Ce n'est pas faire bonne oeuvre de législateur, et c'est la
raison pour laquelle nous ne vous suivrons pas dans cette voie, après avoir
vainement tenté, je dois le dire, de rédiger une formule qui correspondrait à
votre pensée.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Philippe Marini.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Je tiens à expliquer mon vote à titre personnel.
Tout à l'heure, Mme le ministre nous disait que notre démarche n'était pas
suffisamment claire en ce qui concerne les discriminations possibles et les
signaux susceptibles d'être donnés à la jurisprudence. Je crois, au contraire,
que la démarche de la commission des lois, à laquelle je m'associe, vise à
délivrer clairement ce signal, de telle sorte que, le moment venu, la
jurisprudence puisse évoluer.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, avant l'article 1er.
Par amendement n° 2, M. Gélard, au nom de la commission des lois, propose
d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Au début de l'article 144 du code civil, il est ajouté un alinéa ainsi
rédigé :
« Le mariage est l'union d'un homme et d'une femme célébrée par un officer de
l'état civil. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Il y a un vide dans notre code civil, pour la bonne raison
que, lorsqu'il a été rédigé, la question ne se posait pas : le code civil ne
contient pas de définition du mariage.
Nous avons voulu combler cette lacune, compte tenu d'ailleurs de ce que -
comme l'a rappelé Mme le garde des sceaux - le mariage était une institution de
la République. Nous voulons donc le conforter.
A l'heure actuelle, en effet, le caractère hétérosexuel du mariage n'est pas
explicité.
Bien sûr, cette conception ne fait aucun doute. La doctrine voit dans
l'identité des sexes une cause de nullité absolue des mariages, même si le code
civil ne la mentionne pas expressément dans les cas de nullité. La
jurisprudence a régulièrement affirmé que l'absence de sexe ou l'impossibilité
de reconnaître le sexe d'un époux sont susceptibles d'entraîner la nullité du
mariage.
Mais, à l'heure où la notion de différence des sexes s'affaiblit et où, dans
certains pays étrangers, il est question d'ouvrir l'institution du mariage aux
homosexuels, il n'est pas inutile d'affirmer clairement ce principe.
En outre, parce que le mariage est une institution, il faut faire ressortir sa
célébration, qui le distingue du concubinage, simple union de fait.
Certes, l'hétérosexualité du mariage peut néanmoins être déduite à travers
trois articles.
Ainsi, l'article 75 l'énonce que l'officier d'état civil doit recevoir des
parties la déclaration qu'elles veulent se prendre pour mari et femme.
Mais chacun connaît le théâtre asiatique, où les rôles de femmes sont toujours
tenus par des hommes !
M. René-Pierre Signé.
C'est ridicule !
M. Claude Estier.
On sombre dans le ridicule !
M. Jean-Luc Mélenchon.
On n'est pas au théâtre !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Laissez-moi parler !
L'article 144 donne l'âge minimal que l'homme et la femme doivent avoir pour
contracter un mariage, mais sans toutefois préciser que l'homme et la femme se
marient entre eux.
Enfin, l'article 162 établit des prohibitions entre oncles et nièces et entre
tantes et neveux mais, là encore, sans préciser qu'il faut être de sexe
différent.
Aussi, compte tenu de l'évolution dans laquelle nous sommes engagés, la
commission souhaite que l'article 144 soit modifié pour que le caractère
hétérosexuel du mariage soit affirmé.
M. Claude Estier.
C'est un grand apport du Sénat !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement ne peut pas accepter cet amendement.
J'ai déjà dit tout à l'heure pourquoi il me semblait inutile, je vais
maintenant préciser mon propos.
D'abord, il est tellement évident, depuis deux cents ans, que le mariage unit
un homme et une femme,...
M. Jean Chérioux.
Bien avant !
M. Dominique Braye.
Il y a bien d'autres choses qui sont évidentes, et pourtant...
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... que, bien entendu, il me paraît inutile
d'introduire cette précision dans le code civil. Cela n'a jamais, jusqu'à
aujourd'hui, posé de problème à personne.
Ensuite, je ne souscris pas à la démarche de la commission, parce que je ne
souhaite pas que l'on traite dans un même texte du mariage et des relations
entre les membres du couple non marié.
Je me suis déjà longuement expliquée lors de cette discussion ainsi qu'à
l'Assemblée nationale sur le fait que l'adhésion du Gouvernement à la
proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale reposait sur une
distinction fondamentale entre le régime créé pour les personnes qui ne veulent
pas ou qui ne peuvent pas se marier - c'est l'objet du PACS - et le droit de la
famille, qui inclut au premier chef l'institution du mariage.
Si des modifications législatives devaient être apportées à ce dernier régime,
je souhaite que ce soit dans un cadre résolument différent et que cela fasse
l'objet d'un examen spécifique.
Il est une troisième raison pour laquelle je ne peux accepter cet amendement,
c'est qu'il vise à insèrer, dans l'article 144 du code civil, la célébration du
mariage par l'officier d'état civil. Je vous rappelle que ces formalités font
partie non pas du chapitre Ier du titre consacré au mariage, mais du chapitre
II traitant des formalités relatives à la célébration du mariage, notamment de
l'article 165, et qu'il n'est pas judicieux, en bon droit, de mélanger qualités
et conditions requises pour se marier, d'une part, formalités, d'autre part.
Cette imperfection juridique est une raison supplémentaire pour le
Gouvernement de rejeter cet amendement.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je ferai remarquer, d'abord, que, dans le code civil, le divorce n'est pas
plus défini que le mariage.
Monsieur le rapporteur, je vous avais posé une question sur l'opportunité de
préciser dans l'article 144, que le mariage est célébré par un officier d'état
civil. A cet égard, je vous rappelle que, dans l'article 170, il est prévu
qu'un officier d'état civil n'est pas présent forcément. En effet, le mariage
contracté par des Français à l'étranger est valable s'il est célébré dans les
formes prévues et usitées dans le pays, or, dans certains pays, il n'y a pas
d'officier d'état civil. Il y a donc un problème de définition, sauf à préciser
« sous réserve des dispositions de l'article 170 ». J'avais déjà signalé cette
difficulté l'autre jour.
J'ajouterai que le code civil définit rarement les termes utilisés en ce qui
concerne notamment le droit des personnes. Il s'agit d'une nouveauté et, si
nous nous engageons dans cette voie, nous aurons un gros travail à faire pour
poursuivre l'oeuvre de Portalis !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Robert Bret.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Les arguments que vient de développer M. Hyest apportent la démonstration que
nous sommes hors sujet.
La présente proposition de loi traite du PACS et uniquement du PACS. En
réalité, M. Gélard et certains de ses collègues de droite souhaitent fermer la
porte au mariage entre homosexuels et transexuels, comme le précise le rapport.
Ils craignent que, comme dans certains pays voisins, les Pays-Bas par exemple,
on accepte demain dans notre pays le mariage entre homosexuels.
C'est cette perspective qui les effraie. Ils prennent donc les devants en
présentant cet amendement alors que, justement, le PACS est une réponse à la
peur de M. Gélard et de ses collègues.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Je n'ai pas peur !
M. Jean-Louis Lorrain.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Au-delà même des explications que nous donnent nos collègues juristes, je
crois qu'il est impossible de parvenir à une bonne définition.
Le mariage est un acte unificateur et la proposition qui nous est faite me
paraît réductrice. Il faut tenir compte des acquis de l'histoire et on ne peut
les résumer en une phrase. Ainsi, une définition devant servir de référence qui
ne comprendrait ni une allusion au respect de la personne ni la mention de
certains concepts symboliques auxquels nous sommes très attachés ne serait pas,
à mon avis, satisfaisante.
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Je suis particulièrement heureux de cette occasion qui m'est donnée de
défendre le code civil devant la Haute Assemblée. C'est en effet un privilège
dans la mesure où l'article que le Sénat veut modifier est un article
d'origine. Il n'y en a pas tellement qui subsistent deux siècles après !
En fait, quand on connaît l'excellence du style du rédacteur du code civil -
et je vous renvoie à Stendhal, qui en a fait sa lecture quotidienne - il faut
quelque audace pour éprouver le besoin de définir, aujourd'hui, ce qu'est le
mariage.
Personne à ce jour, monsieur le professeur Gélard, n'a jamais conçu l'idée que
le mariage, tel que le code civil le définit, pourrait être autre qu'entre une
femme et un homme !
Si vous vous référez d'ailleurs au « discours préliminaire », chef-d'oeuvre de
la littérature juridique, vous y verrez que Portalis, dans le style
exceptionnel qui est le sien, rassure la Haute Assemblée deux siècles après. Je
le cite : « L'amour » - que c'est beau sous la plume d'un grand législateur ! -
« nous donne la solution de tous les problèmes posés dans le mariage », car,
ajoute Portalis, « tel est l'empire de l'amour qu'à l'exception de l'objet
aimé, un sexe n'est plus rien pour l'autre. » Vous comprenez maintenant
pourquoi Stendhal aimait tant relire et le code civil et Portalis !
« Un sexe n'est plus rien pour l'autre », la différence des sexes est inscrite
ici.
(Sourires.)
Ai-je besoin d'ajouter, afin qu'il n'y ait aucune équivoque possible au regard
de ce qui est le fondement de la proposition faite, à savoir la crainte, tout
simplement, de voir un jour accepté le mariage homosexuel, que, dans notre
droit, le mariage, qui est, ne l'oublions pas, laïc depuis la Révolution -
c'est même l'un des apports essentiels de la Révolution dans l'histoire de
notre droit - que le mariage, dis-je, est le fondement de l'organisation de la
famille, de la famille légitime, puisqu'il existe, nous le savons, des rapports
de parenté naturelle ? La famille légitime repose donc, dans notre droit, sur
le mariage, et le doyen Carbonnier a raison de rappeler sans cesse que ce qui a
aussi, sinon essentiellement, inspiré les grands législateurs de 1804 dans
l'organisation de la famille, c'est la présomption de paternité, sur laquelle
reposait l'oranisation même non seulement de la famille en soi, mais de
l'ensemble du patrimoine familial. Je n'ai pas besoin, après cela, de dire que,
par définition, le mariage laïc est hétérosexuel.
Ce que vous proposez, monsieur le rapporteur, c'est de porter la main sur un
texte d'origine, que deux siècles ont consacré, c'est d'attenter, permettez-moi
de le dire, à la pensée et au texte des auteurs du code civil ! Je considère
qu'il n'y a pas lieu de le faire. Aucune crainte, hormis pour des âmes timorées
qui aiment se faire peur à elles-mêmes à l'usage de l'opinion publique, ne peut
véritablement se lever dans quelque esprit que ce soit.
(Applaudissements
sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. Alain Lambert.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lambert.
M. Alain Lambert.
Je ne souhaitais pas m'exprimer après M. Badinter, parce que je ne voulais pas
que l'on puisse me soupçonner de manquer à la loyauté que nous devons tous à la
majorité, ou à l'opposition, à laquelle nous appartenons. Mais j'ai cité tant
de fois Portalis dans cet hémicycle qu'on ne me suspectera pas de le faire
aujourd'hui par opportunité.
Mes chers collègues, introduire une définition du mariage dans le code civil
est-il utile ? Vraiment, même en rassemblant toutes mes forces de solidarité
envers la majorité à laquelle j'appartiens, je ne parviens pas à répondre par
l'affirmative à cette question.
Je n'y parviens pas parce que, nos collègues Jean-Jacques Hyest et Robert
Badinter l'ont dit tout à l'heure, la langue du code civil est la plus belle
langue juridique qui soit : nous ne saurons plus jamais, mes chers collègues,
écrire la loi comme l'a écrite le code civil. Dès lors, ne modifions celui-ci
que lorsque c'est tout à fait indispensable.
Permettez-moi de vous relire les deux premières lignes de l'exposé des motifs
de Portalis : « Les familles sont la pépinière de l'Etat et c'est le mariage
qui forme les familles. » Tout est dit ! Ce qu'on pourrait ajouter serait
nécessairement incomplet.
Ce n'est pas un hasard si, dans le livre des personnes, nous ne trouvons
pratiquement aucune définition. J'y ai cherché la définition du mariage ; je ne
l'ai pas trouvée, pas plus que je n'ai trouvé celle du divorce, celle de la
filiation, celle de l'adoption, celle de l'autorité parentale, celle de la
tutelle. Dans leur sagesse, ceux qui ont écrit le code civil ont en effet
considéré que, s'agissant des personnes, il ne fallait pas définir de tels
concepts.
Bien sûr, on trouve des définitions dans le droit des contrats ; je ne dirai
pas que c'est parce que ce droit est plus vulgaire, mais il est sans doute,
moins dangereux de fixer des définitions dans ce domaine.
Lors de la discussion générale, j'ai, pour ma part, affirmé ma conviction de
la primauté juridique et sociale du mariage et j'ai invité tous nos collègues
qui partagent cette conviction profonde à le dire. Pardonnez-moi, monsieur
Badinter, mais j'ai le sentiment que vous avez vous-même fait part de cette
conviction.
Et si je ne vois aucun avantage à introduire cette définition du mariage, je
crains, en revanche, qu'elle ne soit source de danger. En effet, n'est-ce pas
laisser entendre qu'un doute existe, aujourd'hui, sur ce qu'est le mariage ? Si
l'on estime nécessaire de définir le mariage, c'est précisément parce qu'on a
le tort de décalquer le mariage sur le concubinage ou d'élaborer la définition
du concubinage à partir du mariage.
Mes chers collègues, pour ce qui me concerne, vous me trouverez toujours à vos
côtés pour défendre la cause de la liberté, pour défendre les idées qui sont
les nôtres, et je ne crois pas avoir jamais fait défection, mais ne me demandez
pas de porter une atteinte, qui n'est sans doute pas définitive, mais qui est
sûrement inutile, à ce qu'il y a d'un peu sacré dans les textes fondateurs de
notre société.
(Applaudissements sur certaines travées de l'Union centriste,
ainsi que sur les travées socialistes et sur celles du RDSE.)
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Je veux tout de même souligner que la plupart des codes
civils modernes - le nôtre ne l'est pas : il a 197 ans ! - précisent bien que
le mariage est l'union d'un homme et d'une femme.
On a cité Portalis. Mais le malheureux Portalis a dû se retourner dans sa
tombe s'il a entendu tout ce qui a été dit tout à l'heure en faveur du PACS
!
On a bien vu dans quel raisonnement on voulait nous entraîner. On a bien vu la
façon dont des associations ou des groupes divers voulaient la reconnaissance
d'un certain mariage. Il est donc temps de dire que le mariage est
hétérosexuel.
Dans l'état actuel du code civil, un maire peut très bien détourner les
textes, et je ne vois pas très bien comment on pourrait annuler un mariage
entre deux personnes d'un même sexe.
M. Raymond Courrière.
Quelle insulte à l'égard des maires !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
La déférence à l'égard de Portalis, je la partage, comme je
partage l'admiration que suscite la langue de Portalis. Mais nous avons fait
justement le
minimum minimorum,
de manière à ne pas mettre en cause
autre chose. Nous proposons simplement d'introduire dans la loi ce qui est la
réalité reconnue par tous.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Raymond Courrière.
On va tripoter le code civil !
M. Jean Chérioux.
Et, avec le PACS, vous ne le tripotez pas ?
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Je voudrais seulement renchérir sur le propos de Jean-Jacques Hyest.
Représentant les Français établis hors de France, je souhaite mettre en garde
le Sénat contre une définition restrictive, telle que certains de nos
compatriotes qui se marient dans des pays où il existe une religion d'Etat - je
pense à des pays chrétiens orthodoxes et à des pays musulmans, où il n'y a pas
d'officier de l'état civil - ne pourraient pas voir leur mariage reconnu en
France. Je rappelle que 1 700 000 Français vivent à l'étranger et que beaucoup
d'entre eux s'y marient.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
C'est un faux problème, madame ben Guiga : l'article 170 du
code civil a parfaitement réglé la question. Le mariage à l'étranger est
reconnu en France dans la mesure où il a été célébré selon les règles de l'Etat
considéré.
De toute façon, nous ne légiférons pas pour l'étranger, nous légiférons pour
la France.
M. Jean-Jacques Hyest.
Mais l'article 170...
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Mais il n'y a aucun problème avec l'article 170 !
M. Robert Badinter.
On ne célèbre pas que des mariages entre Français, en France !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Bien sûr, mais c'est la loi française qui s'applique !
Que dit l'article 170 ? « Le mariage contracté en pays étranger entre Français
et entre Français et étranger sera valable s'il a été célébré dans les formes
usitées dans le pays, pourvu qu'il ait été précédé de la publication prescrite
par l'article 63. »
M. Jean-Jacques Hyest.
Et s'il n'y a pas d'officier de l'état civil ?
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Cela ne vaut que pour le mariage en France. L'article 170
demeure ! Nous ne le supprimons pas !
M. Jean-Jacques Hyest.
Mais c'est contradictoire !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Pas du tout !
M. Claude Estier.
Bien sûr que si !
M. Jacques Oudin.
Très bien, monsieur le rapporteur !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon.
On voit à quelle confusion nous conduit cet amendement ! En effet, il vise à
lever une ambiguïté qui n'existe pas.
Pour apaiser la fureur de ceux qui le proposent, il faut évoquer les mânes de
Portalis. Il faut que, sur plusieurs bancs, se lèvent les autorités juridiques
les plus respectées de notre assemblée pour faire comprendre que tout ce
dispositif apportera plus de confusion qu'il ne réglera de problèmes.
En réalité, cet amendement témoigne d'un souci non pas juridique mais
politique ; c'est un amendement « cache-sexe », et l'expression convient
parfaitement à la situation. Il s'agit de faire croire à l'existence d'une
menace qui, précisément, n'existe pas, que nul ne fait peser sur le statut et
la définition du mariage.
M. Raymond Courrière.
Exactement !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Personne, dans aucune des deux assemblées ni au sein du Gouvernement, ne
prétend modifier la nature du mariage. Mais il s'agit de faire semblant de
croire que telle est bien la menace, afin de déplacer le débat sur le PACS.
M. Jean Chérioux.
Quelle hypocrisie !
M. Raymond Courrière.
C'est vous les hypocrites !
M. Robert Bret.
M. Chérioux parle en orfèvre !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Nous risquons de le payer fort cher, car cela va faire naître des confusions
là où il n'y en avait pas.
Bien entendu, après avoir fait croire à la réalité d'une menace, on veut faire
croire qu'on s'efforce de la dissiper.
En effet, si vous suivez tout à l'heure, comme vous l'avez, les uns et les
autres, déclaré si bravement à la tribune, la commission dans son amendement
très approximatif relatif au concubinage, il s'agira, au moins pour certains
d'entre vous, d' « avaler » celui-ci.
Ainsi, la dissipation d'une pseudo-menace vous sera offerte en compensation de
la souffrance que vous allez ressentir dans votre esprit conservateur.
Voilà pourquoi cet amendement ne tend pas à apporter une précision juridique
mais constitue un « cache-sexe » et une argutie politique.
(Sourires et
applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. Bernard Seillier.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Seillier.
M. Bernard Seillier.
Pour des raisons philosophiques profondes, je crois que le mariage, cette
union entre un homme et une femme, fait partie de ces réalités sur lesquelles
nous n'avons pas prise, que nous ne pouvons que constater, sans pouvoir les
définir, au même titre que les notions d'existence et d'être.
Le code civil, jusqu'à ce jour, se garde de prétendre circonscrire, sous
quelque forme que ce soit, ce grand mystère qu'est celui l'union de l'homme et
de la femme.
De même, ce n'est qu'en inscrivant dans un article du code civil une
définition nécessairement approximative, parce que partielle, du concubinage
que cette notion pourra être introduite dans notre législation, et c'est là une
démarche à laquelle je m'oppose également.
Voilà pourquoi je suis hostile à la disposition qui nous est proposée.
M. Nicolas About.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. About.
M. Nicolas About.
Je suis fasciné par le tir de barrage auquel donne lieu la définition du
mariage.
Il s'appuie, premièrement, sur l'argument selon lequel cette définition ne
serait pas utile et, deuxièmement, sur le fait que l'institution du mariage ne
courrait aucun risque, qu'aucun danger ne la menacerait. M. Mélenchon vient
même de soutenir qu'on avait inventé le risque à dessein.
Que de temps passé à s'opposer à une définition que tout le monde accepte ! En
effet, tous les intervenants ont pris la parole pour dire, les uns citant
Portalis, les autres se référant au code civil, que le mariage, c'était de
toute façon l'union d'un homme et d'une femme. Mais alors, qu'y a-t-il de
choquant à l'inscrire dans la loi en votant cet amendement ?
M. Jacques Oudin.
Rien !
M. Nicolas About.
Curieusement, ceux qui trouvent cela particulièrement choquant sont
précisément ceux qui vont nous demander de préciser tout à l'heure la
définition du concubinage telle qu'elle est proposée par M. Gélard et qui est
déjà, selon moi, tout à fait claire.
Autrement dit, ce qui sera demandé par certains à propos du concubinage nous
est maintenant refusé par les mêmes à propos du mariage.
M. Claude Estier.
Par les mêmes et par d'autres !
M. Raymond Courrière.
Pour le concubinage, c'est la Cour de cassation qui rend la précision
nécessaire !
M. Nicolas About.
Par souci de cohérence, je voterai l'amendement défendu par M. le
rapporteur.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Raymond Courrière.
Toutes les sacristies sont mobilisées !
(Sourires sur les travées socialistes.)
M. Michel Caldaguès.
Nous avons écouté avec attention les interventions de quelques-uns des
juristes les plus chevronnés, les plus pointus, les plus éminents de notre
Assemblée. Nous ne pouvons, car c'est notre devoir de législateur, qu'être
sensibles aux nuances qu'ils ont fait valoir devant nous. Mais j'ai le regret
de dire que ces nuances ne sont pas perceptibles par ceux qui nous observent et
qui nous écoutent. Ce qui demeure pour eux, c'est l'essentiel.
Le souvenir le plus agréable que je garde de mes modestes études juridiques,
c'est la satisfaction d'avoir presque toujours constaté que le droit ne pouvait
pas tourner le dos au bon sens. Lorsque les juristes ne sont pas d'accord entre
eux, c'est, me semble-t-il, ce critère qui doit permettre de dégager une
solution.
En l'occurrence, la solution est simple : dès lors que cet amendement existe,
le Sénat ne peut pas repousser l'affirmation selon laquelle le mariage est
l'union d'un homme et d'une femme !
C'est pourquoi je voterai cet amendement.
(Applaudissements sur les travées
du RPR.)
M. Yann Gaillard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Je suis très embarrassé par cet amendement.
Bien entendu, tout le monde est d'accord sur le fait que le mariage est
l'union d'un homme et d'une femme.
M. Raymond Courrière.
Il y a deux cents ans que c'est comme cela !
M. Jean Chérioux.
Ce n'est pas évident pour tout le monde !
M. Yann Gaillard.
Il me semble d'ailleurs que nous assistons ici à une discussion à front
renversé : ceux qui nous disent qu'il est inutile de préciser ceci veulent en
revanche préciser cela, que d'autres ne veulent pas préciser.
J'aurais préféré qu'on ne soulève pas cette question de la définition du
mariage car, selon moi, ce texte n'est pas digne de servir de cadre à une
réflexion sur une institution aussi profonde. A cet égard, je ne suis pas loin
de faire miennes les explications données par MM. Badinter et Lambert.
Mettre sur le métier la définition du mariage, une définition sur laquelle
nous sommes tous fondamentalement d'accord, justifie des études très
approfondies et une discussion spécifique.
M. le rapporteur nous a indiqué qu'il n'y avait pas de difficultés en ce qui
concerne les Français de l'étranger, mais il doit y en avoir d'autres.
En tout cas, je ne pense pas que ce texte soit le cadre approprié pour
procéder à une définition du mariage. C'est pourquoi, pour ma part, bien
qu'adhérant évidemment à la définition que nous avons tous à l'esprit - et nous
verrons si, à l'avenir, nos collègues socialistes s'en tiennent toujours à
cette définition - je m'abstiendrai sur cet amendement.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
J'ai bien entendu tout ce qui a été dit.
Cet amendement comporte une logique eu égard à l'ensemble du texte. Cette
logique, vous allez la découvrir au fur et à mesure que seront développés les
arguments de la commission des lois. C'est également pour tenir compte de cette
logique que nous avons déposé un amendement tendant à modifier l'intitulé de la
proposition de loi.
Mes chers collègues, vous allez tomber dans le piège que les socialistes sont
en train de vous tendre !
(Rires sur les travées socialistes.)
En effet,
en refusant une définition extrêmement mesurée, qui ne remettra pas du tout en
cause les dispositions que la commission Dekeuwer-Defossez pourra prendre pour
l'avenir et qui représente une solution d'attente, vous abandonnez cette
logique que la commission des lois défend. Dès lors, c'est tout un équilibre
qui est rompu et vous allez là où nos amis socialistes veulent vous
entraîner.
M. Raymond Courrière.
Pas du tout !
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est vous qui avez déposé un amendement !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
C'est la raison pour laquelle je vous demande instamment de
voter l'amendement n° 2 présenté par la commission des lois.
Monsieur le président, nous souhaitons que le Sénat se prononce par scrutin
public sur cette question.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. Raymond Courrière.
Retirez l'amendement, vous êtes battus !
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Pour ma part, je voterai cet amendement.
J'avoue que je suis étonné d'entendre toujours parler du conservatisme de la
majorité sénatoriale.
MM. Raymond Courrière et Jean-Luc Mélenchon.
Ah oui !
M. Jean Chérioux.
Après tous les propos que je viens d'entendre sur ce code civil vieux de deux
cents ans, je me demande de quel côté se trouve le conservatisme !
(Exclamations sur les travées socialistes.)
On ne veut pas adapter le
code civil.
Je reconnais qu'il a été mieux écrit à cette époque qu'on ne l'écrirait
aujourd'hui. Mais le conservatisme, il est bien de ce côté-là.
(M. Chérioux
désigne la gauche de l'hémicycle. - Exclamations sur les travées
socialistes.)
On nous dit aussi qu'il ne faut pas introduire de définition dans le Livre
premier du code civil : « Des personnes ». Or que fait-on ? On insère dans ce
Livre premier la définition du PACS ! Il y a donc là une contradiction.
M. Raymond Courrière.
Mais non !
M. Jean Chérioux.
Et il y en existe d'autres !
D'aucuns qui, en principe, soutiennent la position de la commission, nous
reprochent de vouloir définir le mariage comme si nous étions réunis en
concile.
M. Raymond Courrière.
Le mariage n'est pas un sacrement !
M. Jean Chérioux.
Ce n'est pas ce que l'on nous demande ! On nous demande simplement de définir
le mariage républicain, tel qu'il figure dans le code civil et tel qu'il existe
depuis la Révolution française ! On ne nous en demande pas davantage !
Quand on voit justement ce qui se passe dans d'autres pays, qui reconnaissent
les mariages entre homosexuels, quand on voit que nous sommes maintenant
engagés dans une aventure européenne, peut-être n'est-il pas mauvais que nous
disions que nous, République française, nous ne reconnaissons qu'un seul
mariage : le mariage d'un homme et d'une femme.
(Bravo ! et applaudissements
sur les travées du RPR.)
M. Raymond Courrière.
Il y a longtemps que cela se passe ainsi !
M. Philippe Marini.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Marini.
M. René-Pierre Signé.
La droite réactionnaire !
M. Philippe Marini.
Cette affaire comporte des aspects juridiques et des aspects politiques.
(Exclamations sur les travées socialistes.)
En l'occurrence, ils se
rejoignent.
M. Raymond Courrière.
Pas de discussions politiciennes !
M. Philippe Marini.
Le droit, nous ne cessons de le dire dans cette discussion, n'est pas
indépendant de l'évolution des moeurs. On ne peut pas prétendre que le mariage
se trouve dans le même contexte socio-économique qu'à l'époque de Portalis. Il
est aujourd'hui des menaces...
(Rires sur les travées socialistes.)
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Philippe Marini.
... morales, sociales et internationales, qui n'auraient même pas, mes chers
collègues, été imaginées à l'époque de la rédaction du code civil !
M. Jacques Oudin.
Très bien !
M. Philippe Marini.
Véritablement, nous nous trouvons devant une sorte de conjonction très étrange
entre celles et ceux qui voudraient créer un sous-mariage,...
M. René-Pierre Signé.
Ils se font peur !
M. Raymond Courrière.
Arrêtez !
M. Philippe Marini.
... et qui s'apprêtent, par le PACS, à le faire, compte tenu de la majorité
qu'ils ont à l'Assemblée nationale...
(Exclamations sur les travées
socialistes)
... et celles et ceux qui, par un scrupule juridique tout à
fait estimable et compréhensible, se placent dans un cas de figure et dans un
contexte qui, hélas ! - nous pouvons le déplorer - ne sont plus ni le cas de
figure ni le contexte d'aujourd'hui.
M. Raymond Courrière.
Mais non !
M. Philippe Marini.
Les propositions de la commission expriment une approche cohérente,...
M. Raymond Courrière.
Incohérente !
M. Philippe Marini.
... à savoir la recherche d'une voie raisonnable tenant compte de la réalité
des choses. S'il est souhaitable de procéder à la définition du mariage, c'est
bien parce que la réalité des choses le requiert !
M. Raymond Courrière.
Mais non !
M. Philippe Marini.
On ne peut pas contester cette réalité !
M. Raymond Courrière.
Vous essayez de nous faire peur depuis un moment !
M. Philippe Marini.
Alors, mes chers collègues, sans doute la définition qui vous est proposée par
la commission des lois est-elle perfectible mais j'ai cru comprendre que ce
texte ferait l'objet de navettes.
M. Raymond Courrière.
C'est de la politique politicienne ! Ce n'est pas du droit !
M. Philippe Marini.
Allons-nous aujourd'hui graver dans le marbre chaque virgule ? Allons-nous
régler chaque problème de détail ? Probablement pas !
M. Raymond Courrière.
Alors, il faut retirer l'amendement !
M. Philippe Marini.
Cette proposition de loi sera de nouveau examinée par l'Assemblée nationale,
puis par le Sénat. Celles et ceux qui auront des remarques fondées à formuler
sur les aspects techniques et juridiques,...
M. Raymond Courrière.
Il faut retirer l'amendement !
M. Philippe Marini.
... sur l'endroit du code civil où devrait s'insérer cette disposition, ou sur
je ne sais quoi car je ne suis pas moi-même civiliste de formation...
M. Raymond Courrière.
Alors, n'en parlez pas !
M. Philippe Marini.
... seront naturellement entendus en temps utile, lors de la navette.
M. Raymond Courrière.
C'est de la politique politicienne !
M. Philippe Marini.
Mais, aujourd'hui, il importe, je le répète - et ce sera ma conclusion - de
faire preuve d'une vision cohérente. Le mariage a sa place comme pierre
angulaire de la société. Les situations de fait de concubinage, quelles
qu'elles soient, reconnues par ailleurs, sont porteuses de droit pour autant
que la société les estime légitimes.
M. Raymond Courrière.
C'est de la politique politicienne, de la basse politique !
M. Philippe Marini.
Telle est la volonté de la commission des lois. Il s'agit d'une démarche
cohérente et complète, qu'il faut approuver en tant que telle.
(Très bien !
et vifs applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. René-Pierre Signé.
Réactionnaires ! Ils n'ont rien compris !
M. Raymond Courrière.
Cela n'a rien à voir avec le code civil !
M. Pierre Fauchon.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon.
Certains membres du groupe de l'Union centriste se sont exprimés à titre
personnel, de manière pertinente et respectable,...
M. Henri de Raincourt.
Absolument !
M. Pierre Fauchon.
... contre l'amendement présenté par la commission. Mais, d'une manière
générale, nous ne reculons pas devant la démarche qui consiste à insérer la
définition du mariage dans le code civil.
Nous nous interrogeons sur les raisons pour lesquelles on a tendance à
sacraliser le silence de Portalis.
M. Dominique Braye.
Tout à fait !
M. Pierre Fauchon.
Je respecte beaucoup Portalis... d'autant qu'il était méridional. Mais
indiquer, dans le premier des articles relatifs au mariage, uniquement l'âge
des futurs mariés est une façon un peu sommaire de procéder. Il ne s'agit pas
d'une rédaction qui mérite d'être sacralisée.
La démarche qui consiste à définir le mariage peut être contestée, mais,
globalement, elle se justifie. Cela dit, la définition qui nous est proposée
nous paraît réductrice ; elle ne répond pas vraiment à notre attente.
M. Raymond Courrière.
C'est du sous-Portalis !
M. Pierre Fauchon.
Nous pouvons peut-être parler sereinement de cette question, mon cher collègue
!
M. Raymond Courrière.
Nous en parlons sereinement ! Vous savez de quoi vous parlez, moi aussi !
M. Jacques Oudin.
Arrêtez ! Ça suffit !
M. Pierre Fauchon.
La définition qui nous est proposée, qui n'intègre pas comme une finalité la
vocation à la famille, nous paraît insuffisante.
(M. Courrière s'exclame.)
M. Pierre Fauchon. Cela étant, comme l'a indiqué tout à l'heure M.
Marini, nous sommes dans une démarche progressiste et nous ne sommes pas
hostiles à l'amorce de cette recherche.
(M. Courrière s'exclame de nouveau.)
M. Pierre Fauchon. Demandez la parole, monsieur Courrière ! Je n'ai pas
besoin d'un accompagnement perpétuel de contrebasse !
(Sourires et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
Certains d'entre nous, opposés sur le principe, voteront contre cet
amendement n° 2, et c'est tout à fait leur droit. D'autres s'abstiendront.
Mais, dans l'ensemble, le groupe de l'Union centriste le votera - il espère
cependant que les dispositions proposées seront modifiées au cours de la
navette - afin de montrer sa solidarité et parce qu'il considère qu'il s'agit
d'une amélioration.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Lors de la discussion générale, j'ai exprimé notre attachement à l'institution
qu'est le mariage. J'ai également indiqué qu'il ne me semblait pas convenable,
à l'occasion de la discussion d'un texte qui ne concerne nullement le mariage,
de vouloir modifier le code civil à la sauvette, dans la précipitation, par le
biais d'un amendement. J'ai même dit qu'il ne me paraissait pas normal de
traiter le mariage de façon aussi cavalière.
M. Raymond Courrière.
Très bien !
Mme Dinah Derycke.
Je n'étais pas encore à l'école maternelle que je savais déjà que le mariage
était l'union entre un homme et une femme !
(Exclamations ironiques sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Alain Joyandet.
Eh bien ! écrivons-le !
Mme Dinah Derycke.
Curieusement, ce n'est qu'à l'occasion de ce débat sur le PACS que j'ai appris
que le code civil ne l'avait pas explicitement mentionné.
Comme vient de nous l'expliquer Robert Badinter, relayé en cela par M.
Lambert, président de la commission des finances, je ne vois ni urgence ni
raison de modifier un texte qui n'a pas posé de problème depuis deux
siècles.
Tout à l'heure, M. le rapporteur a fait un aveu ; il nous a dit qu'à la
lecture des amendements présentés par la commission des lois sur les autres
dispositions du texte nous comprendrions ses intentions : il s'agit de ne pas
tomber dans le piège du PACS tendu par les socialistes, par la gauche
plurielle.
Monsieur le rapporteur, le PACS n'est pas un piège ! Je conçois parfaitement
que l'on puisse être opposé au PACS, et je respecte une telle position.
Toutefois, le nouveau cadre juridique proposé afin de régler certains
problèmes, d'officialiser certains couples, je le répète, n'est nullement un
piège ! Nous avons la conviction profonde que cela fera progresser la
société.
De grâce, ne mélangeons pas les problèmes ! Le mariage se porte fort bien
depuis deux siècles. Je crois qu'il a encore un très bel avenir devant lui, et
nous sommes tous satisfaits qu'il en soit ainsi.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
J'ai soulevé tout à l'heure une objection, car on mélange la définition du
mariage et les formalités de celui-ci. Qu'on le veuille ou non, je crois que
cette disposition n'a pas sa place dans ce débat.
Cela étant, j'ai entendu, depuis hier, un certain nombre de nos collègues
défendre l'institution du mariage, fondateur de la famille. Or, à mes yeux, le
mariage va au-delà de l'union d'un homme et d'une femme ; il a aussi vocation à
fonder une famille,...
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest.
... et à avoir des enfants. Ce point est contenu dans la définition du
mariage.
Veuillez m'excuser, mes chers collègues, mais, si l'on raisonne en bonne
philosophie, on ne peut pas se contenter de dire que le mariage est l'union
d'un homme et d'une femme. Certes, il faut peut-être l'affirmer dans les temps
présents, pour que l'on ne le confonde pas avec d'autres institutions ou
d'autres formes de vie, mais il me paraît fondamental, monsieur le rapporteur,
de compléter la définition du mariage : c'est l'union d'un homme et d'une femme
en vue de fonder une famille.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Je suis d'accord !
M. Jean-Jacques Hyest.
Cela n'a pas été dit ! On aurait peut-être pu déposer un sous-amendement à
cette fin.
Il n'est pas du tout dans mon intention d'être désagréable avec qui que ce
soit, mais la définition d'une institution fondatrice de la société se doit
d'être complète et de correspondre à ce qu'est vraiment le mariage. Je regrette
donc un peu que toutes les objections qui ont pu être soulevées aient été
écartées d'un revers de la main. Lorsque je vote un dispositif, j'ai pour
habitude de me soucier non pas de faire plaisir, mais de faire la loi !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste. - MM.
Badinter et Pelletier applaudissent également.)
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Monsieur Hyest, nous avions pensé à votre rédaction, mais
nous n'avons pas pu la retenir parce qu'il y a des couples mariés qui ne
peuvent pas avoir d'enfants.
Mme Dinah Derycke.
Ou qui n'en veulent pas !
M. Jean Chérioux.
Eh oui !
M. Philippe Marini.
Voilà !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
En outre, le code civil prévoit d'ores et déjà que les époux
participent à l'éducation des enfants.
On ne peut pas insérer une telle disposition. C'est la raison pour laquelle
nous avons été obligés de choisir la définition la plus simple possible.
M. Lucien Lanier.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier.
Je ne dénonce ni piège ni chausse-trappe, je constate simplement que le
dispositif proposé par M. le rapporteur, au nom de la commission des
lois,...
M. Raymond Courrière.
... est mauvais !
M. Lucien Lanier.
... est une construction globale, composée de divers éléments, et que la
disposition que nous examinons en cet instant est l'un de ces éléments.
A partir du moment où nous renonçons à cet élément-là, c'est l'ensemble de la
construction qui s'effondre, et donc tout le dispositif.
M. Raymond Courrière.
C'est une opération politique, alors !
M. Lucien Lanier.
Or, il s'agit d'une proposition alternative à celle du Gouvernement. Bien sûr,
elle peut plaire ou ne pas plaire, mais, s'agissant du fond, tout le monde est
d'accord avec la définition prévue dans le présent amendement. Je ne vois pas
pourquoi nous ne pourrions pas le dire.
C'est la raison pour laquelle, conséquent avec moi-même, après avoir bien
réfléchi en commission aux conséquences d'une telle disposition, je voterai cet
amendement.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Dominique Braye.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye.
Je dirai à notre collègue M. Hyest que, malgré la précision apportée à cet
article par la commission des lois, les autres dispositions du code civil, à
savoir les articles 212, 213 et suivants, demeurent. Ainsi en est-il de la
mention aux termes de laquelle les époux pourvoient à l'éducation des enfants
et préparent leur avenir.
Je suis d'ailleurs très surpris de constater que ceux qui affirment que le
code civil est un document sacré auquel on ne doit pas toucher disent par
ailleurs que la définition proposée par la commission des lois n'est pas
suffisamment précise et qu'il faut donc aller plus loin.
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est pour ça qu'il ne faut pas le faire !
M. Dominique Braye.
J'avoue ne pas comprendre.
Compte tenu de tout ce qui a été dit, et notamment du fait, rappelé par M.
Bret, qu'il est des pays, situés à seulement 350 kilomètres de chez nous, où le
mariage des homosexuels est authentifié, je voterai cet amendement. En effet,
lourde serait ma responsabilité si je refusais, pour une simple question de
forme, de sémantique ou de sacralisation du code civil, de voter cette
disposition et si demain il devenait possible d'authentifier les mariages
homosexuels dans notre pays.
(Sourires sur les travées socialistes.)
M. Jean-Pierre Bel.
Voilà la véritable raison !
M. Dominique Braye.
Je ne vois d'ailleurs pas comment je pourrais expliquer à mes concitoyens que
le Sénat a refusé une définition aussi évidente et aussi simple. Et vous, mes
chers collègues, comment pourrez-vous l'expliquer dans votre département ?
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. René-Pierre Signé.
C'est une modification inutile. Cela est déjà écrit. Ils ne savent pas lire le
texte !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
lois.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
84:
Nombre de votants | 316 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Majorité absolue des suffrages | 157 |
Pour l'adoption | 206 |
Contre | 106 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 1er.
Je suis maintenant saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 3 rectifié, M. Gélard, au nom de la commission des lois, propose d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le livre premier du code civil, il est inséré, après l'article 310, un titre VI bis ainsi rédigé :
« Titre VI
bis
« Du concubinage
«
Art. 310-1
. - Le concubinage est le fait pour deux personnes de vivre
en couple sans être unies par le mariage.
«
Art. 310-2
. - Le concubinage se prouve par tous moyens.
« Un acte de notoriété peut être délivré aux concubins majeurs et célibataires
par un officier de l'état civil, un juge ou un notaire. Il fait foi jusqu'à
preuve du contraire. »
«
Art. 310-3.
- Les concubins peuvent conclure un contrat par acte
authentique ou sous seing privé pour régler tout ou partie de leurs relations
pécuniaires et patrimoniales et organiser leur vie commune. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 55 rectifié, présenté par
M. About, et tendant, dans la première phrase du deuxième alinéa du texte
proposé par l'amendement n° 3 pour l'article 310-2 du code civil, après les
mots : « peut être délivré », à insérer les mots : « aux concubins majeurs et
célibataires ».
Par amendement n° 56, Mme Derycke, MM. Badinter, Bel, Delanoë et les membres
du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, avant l'article 1er, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le livre premier du code civil, il est inséré, après l'article 310, un
titre VI
bis
ainsi rédigé :
« Titre VI
bis
« Du concubinage
«
Art. 310-1. -
Le concubinage est le fait pour deux personnes, quel
que soit leur sexe, de vivre en couple sans être unies par le mariage. »
Enfin, par amendement n° 31, MM. Lorrain, Badré et Lambert proposent
d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le livre troisième du code civil, il est inséré, après l'article 1581,
un titre V
bis
ainsi rédigé :
« Titre V
bis
« De l'union libre
«
Art. 1581-1. -
La loi ne régit pas l'union libre qui est le fait pour
deux personnes, quel que soit leur sexe, de partager une communauté de vie sans
être unies par les liens du mariage. »
«
Art. 1581-2. -
L'union libre se prouve par tous moyens.
« Un acte de notoriété peut être délivré par un officier de l'état civil, un
juge ou un notaire. Il fait foi jusqu'à preuve du contraire. »
«
Art. 1581-3. -
Les personnes vivant en union libre peuvent passer un
contrat par acte authentique ou sous seing privé ayant date certaine pour
régler tout ou partie de leurs relations pécuniaires et patrimoniales et
organiser leur vie commune. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 3 rectifié.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Nous abordons la partie centrale du dispositif, qui tend à
reconnaître le concubinage dans le code civil.
Nous l'avons tous dit, le concubinage est un fait juridique. La jurisprudence
de la Cour de cassation l'a reconnu, mais elle l'a limité aux seuls concubins
hétérosexuels.
Dans un dispositif simple, nous avons donné une définition simple du
concubinage, puis nous avons repris ce que la jurisprudence de la Cour de
cassation a affirmé de multiples fois, à savoir la façon dont se prouve le
concubinage, et, enfin, par une troisième modification du code civil, nous
avons incité les concubins à conclure un contrat pour organiser leur vie
commune et pour régler tout ou partie de leurs relations pécuniaires et
patrimoniales.
Le concubinage étant reconnu dans le code civil, il est ainsi mis fin à une
discrimination dont souffrent, à l'heure actuelle, les homosexuels. Je tiens à
noter que ni le Gouvernement ni la majorité parlementaire à l'Assemblée
nationale n'ont songé à ce problème. Pour eux, la solution, c'était le PACS.
Or, chacun sait que tout le monde ne se « pacsera » pas, loin de là, surtout
lorsqu'on aura démontré à quel point ce contrat ne tient pas la route. Il
fallait résoudre ce problème. Nous l'avons fait.
Vous comprenez maintenant pourquoi l'amendement relatif au mariage devait être
adopté. Le mariage est une union hétérosexuelle. En revanche, le concubinage
peut concerner aussi bien des hétérosexuels que des homosexuels.
En fait, l'amendement n° 3 rectifié s'adresse évidemment aux homosexuels, à
moins que les auteurs des sous-amendements ne prétendent que le fait d'employer
la formulation « deux personnes » exclut une telle interprétation. Telle est
donc la raison d'être de ce dispositif central.
M. le président.
La parole est à M. About, pour présenter le sous-amendement n° 55 rectifié.
M. Nicolas About.
Monsieur le président, ce sous-amendement est pleinement satisfait par
l'amendement n° 3 rectifié. En effet, M. le rapporteur a modifié l'amendement
initial pour préciser que l'acte de notoriété peut être délivré aux concubins «
majeurs et célibataires », afin que des personnes mariées ne puissent sa faire
délivrer un tel acte. Aussi, je retire mon sous-amendement.
M. le président.
Le sous-amendement n° 55 rectifié est retiré.
La parole est à M. Badinter, pour présenter l'amendement n° 56.
M. Robert Badinter.
Il s'agit d'un amendement très important pour le groupe socialiste du Sénat,
et je suis heureux de le soutenir devant notre Haute Assemblée.
Cette disposition revêt la forme d'un amendement qu'en tout état de cause,
même s'il n'y avait pas eu l'amendement présenté par la commission des lois,
nous aurions proposé.
Le combat contre la discrimination dont souffrent depuis fort longtemps les
homosexuels dans la société française et dans toutes les sociétés occidentales,
pourrait-on dire, inspirées par la culture judéo-chrétienne, est, en cet
instant, à un tournant important.
Le pacte civil de solidarité, a-t-on dit volontiers, est un « sous-mariage »,
un « mariage
bis
». Permettez-moi de dire que c'est ridicule au regard
de ce que j'évoquais tout à l'heure, indépendamment de toutes les
considérations si brillamment développées par Mme le garde des sceaux, à
savoir, et j'ai évoqué ce point à propos du mariage républicain, son lien avec
l'organisation de la famille légitime et la présomption de paternité.
En revanche, qu'est véritablement, pour l'essentiel, le PACS ? C'est une
organisation, une institutionnalisation du concubinage, aussi bien, on l'a
rappelé, homosexuel qu'hétérosexuel. Le texte ne fait pas la différence.
Nous savons que le concubinage est une réalité très importante de notre
société, puisqu'il concerne entre quatre et cinq millions de personnes.
Dès l'instant où la question de non-discrimination est réglée pour ceux qui «
pacseront », elle se pose nécessairement pour ceux qui ne « pacseront » pas.
Comme M. le rapporteur l'a rappelé, il existe encore dans notre droit positif
tel qu'interprété par la Cour de cassation une discrimination à l'encontre des
couples homosexuels, des concubins homosexuels. La Cour de cassation a en effet
considéré à deux reprises, d'ailleurs contre le voeu de son avocat général, que
ne devaient pas être reconnus au concubinage homosexuel, aux couples
homosexuels, les mêmes droits que ceux qui sont accordés par la loi au
concubinage hétérosexuel.
Cette position a été beaucoup critiquée, et les choses ne peuvent demeurer en
l'état. En effet, il est évident que, au regard de ceux qui ne « pacseront »
pas, soit parce qu'ils ne le peuvent pas, en raison d'un mariage, soit parce
qu'ils ne le veulent pas, pour des raisons touchant à leurs convenances
personnelles, on ne peut laisser les concubins homosexuels, dans cet état de
discrimination. C'est absolument contraire à tous les principes qui sont
aujourd'hui ceux de notre code civil. Le nouveau code pénal prévoit d'ailleurs
- je le rappelle au passage - que la discrimination du fait des moeurs est
susceptible de poursuites. Il faut donc remédier à cette situation.
Pourquoi, compte tenu de l'amendement de la commission des lois, avons-nous
maintenu notre texte que, je le répète, nous aurions déposé de toute façon ?
C'est parce que, en l'occurrence, il y a quelques mots - cinq si l'on prend la
formule : « quel que soit leur sexe », quatre si l'on considère les termes : «
sans distrinction de sexe » - qui doivent figurer dans la loi.
M. le rapporteur, je le sais, affirme que cela va de soi. Non ! On ne peut
pas, à cet égard, s'en rapporter à une interprétation des travaux
préparatoires. Il faut le dire clairement, et il n'y a aucune raison, si telle
est la conviction de chacun des membres de la Haute Assemblée, de ne pas agir
de la sorte.
M. Alain Vasselle.
Ce n'est pas la peine d'aller jusque-là !
M. Robert Badinter.
Ici, s'agissant du concubinage, il est homosexuel ou hétérosexuel. Par
conséquent, quand on définit le concubinage, il convient de préciser « quel que
soit leur sexe », après le mot « personnes ».
« Cela ne sert à rien », m'objecterez-vous. Si, cela sert beaucoup, et ce pour
une raison simple : le texte que nous allons voter aujourd'hui n'est pas un
texte indifférent. Comme je l'ai expliqué, il est le fruit d'une longue
histoire d'exclusions, de rejets, de mépris et quelquefois de violences à
l'encontre des homosexuels.
Aujourd'hui, notre société tourne cette page. Ce faisant, nous devons affirmer
clairement et fortement, au moment où le code civil reconnaît l'existence du
concubinage qui, s'agissant des hétérosexuels, était déjà reconnu dans
différents textes, non seulement que la discrimination injuste et si
douloureuse frappant les homosexuels - nombre de confidences, de livres, de
correspondances et de journaux intimes en témoignent - a disparu de notre
droit, mais aussi que nous voulons voir la société s'organiser sur des
principes de non-discrimination.
C'est la raison pour laquelle la rédaction de l'amendement n° 56 revêt pour
nous une importance extrême. Croyez-moi, ces cinq mots font une très grande
différence !
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Lambert, pour défendre l'amendement n° 31.
M. Alain Lambert.
Tout à l'heure, j'ai écouté avec grande attention les explications de vote de
mes collègues, qui ont parfois été sévères à l'endroit de ceux qui n'ont pas
cru indispensable d'introduire dans le code civil la définition du mariage. Ils
ont craint que, finalement, nous n'ayons pas, comme eux, des convictions
profondes sur la nécessité de protéger l'institution, que je qualifie de
sacrée, qu'est le mariage.
Mes chers collègues, l'amendement n° 31 que je vous propose répond à votre
préoccupation. Si, vraiment, vous ne voulez pas que l'institution du mariage
soit affectée de quelque façon que ce soit, alors, je vous en supplie,
introduisez le dispositif relatif à l'union libre ou au concubinage non dans le
droit des personnes, mais dans le droit des contrats, qui est fait pour cela.
Vous le savez, le lieu d'insertion de votre dispositif dans le code civil
prêtera à interprétation.
Notre excellent collègue M. Braye s'inquiétait tout à l'heure de devoir
expliquer à ses concitoyens le vote du Sénat, si celui-ci venait à repousser
l'amendement de la commission. Mais, chers collègues, quand vous devrez
expliquer à vos concitoyens que vous avez non pas bâti une institution, mais
simplement permis à ceux qui le souhaitent d'élaborer un contrat entre eux, ils
vous demanderont pourquoi vous avez cru devoir l'introduire absolument dans le
livre des personnes.
Par conséquent, si vous croyez vraiment et sincèrement aux propos que vous
avez exprimés tout à l'heure, je suis sûr que vous ferez ce qui est sage,
c'est-à-dire que vous choisirez d'introduire le dispositif proposé par cet
amendement dans le droit des contrats.
Monsieur le rapporteur, mes collègues Jean-Louis Lorrain, Denis Badré et
moi-même respectons tellement le travail de la commission des lois, et le vôtre
en particulier, que nous ne proposons que quelques modifications par rapport à
votre amendement : nous préférons en effet la terminologie « concubinage » à
celle d'« union libre », qui nous paraît plus grâcieuse.
M. Pierre Fauchon.
C'est sûr ! C'est meilleur du point de vue de la langue française !
M. Alain Lambert.
Nous nous sommes inspirés, s'agissant de la forme du dispositif proposé, de
l'article 1387 du code civil.
Mes chers collègues, en la circonstance, je ne souhaite en aucune façon gêner
le Sénat, et plus particulièrement la majorité sénatoriale. Tout à l'heure,
j'ai été le premier - je crois que M. de Raincourt peut m'en donner acte - à
considérer que notre groupe devait assurer sans ambiguïté son soutien aux
propositions de la commission.
M. Henri de Raincourt.
Et je vous en remercie !
M. Alain Lambert.
Mais, mes chers amis, la confiance qui existe entre nous nous permet aussi de
nous exprimer librement et de croire que, peut-être, nous pouvons améliorer les
textes proposés par une commission.
(Applaudissement sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Monsieur le président, je demande une suspension de séance.
M. le président.
Monsieur le président de la commission des lois, compte tenu de l'heure, nous
allons interrompre maintenant nos travaux sur ce texte ; nous les reprendrons
après les questions d'actualité au Gouvernement.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures,
sous la présidence de M. Jean Faure.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT
M. le président.
L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Conformément à la règle posée par la conférence des présidents, je rappelle
que l'auteur de la question et le ministre qui lui répond disposent chacun de
deux minutes trente.
Chaque intervenant aura à coeur, j'en suis certain, de respecter le temps qui
lui est imparti afin que toutes les questions et toutes les réponses puissent
bénéficier de la retransmission télévisée.
Pardonnez-moi donc par avance si je suis intransigeant !
CARTE SCOLAIRE
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Madame la ministre, avec son beau film,
Ça commence aujourd'hui,
Bertrand Tavernier nous rappelle avec émotion et justesse à quel point les
souffrances de notre société se manifestent aussi à l'école. En même temps,
cette oeuvre reflète le bonheur d'apprendre et de s'éduquer et souligne
l'engagement d'enseignants qui consacrent aux enfants beaucoup d'énergie et de
compétence.
Cette semaine, des mobilisations importantes rassemblent instituteurs et
professeurs. La diversité des préoccupations qui s'expriment traduit les
tensions et le malaise évident ressentis par une profession, mais il faut y
voir avant tout la volonté unanime d'affirmer une grande ambition pour notre
école républicaine.
Il faut entendre ce message, madame la ministre, et s'en saisir comme d'une
chance pour la majorité plurielle et pour toute la gauche, qui a toujours levé
très haut l'étendard de l'instruction et de la connaissance à côté de celui du
progrès social, contrairement à la majorité sénatoriale...
(Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de
l'Union centriste)...
qui voulait supprimer 5 milliards de francs au
détriment de l'école.
M. Alain Gournac.
Nul ! Nul !
M. Jean Chérioux.
Vous avez le monopole de la vérité ?
Mme Hélène Luc.
Or notre école et ses personnels ont l'immense mérite d'avoir en quelques
années accueilli des millions d'élèves et d'étudiants supplémentaires.
Mais l'égalité des chances est en panne. Ainsi, un enfant de famille modeste a
huit fois moins de chances qu'un enfant de famille aisée d'obtenir un
baccalauréat général.
Madame la ministre, l'inquiétude est grande devant les fermetures de classes
et les suppressions d'heures supplémentaires dans les collèges opérées pour la
prochaine rentrée prochaine à coup de calculette.
Ne me répondez pas par des chiffres globaux ni par des moyennes : c'est de
qualité qu'il est question pour chaque école, pour la réussite de chaque
enfant.
Je vous demande de reconsidérer les décisions négatives relatives à la carte
scolaire et de nous présenter un collectif budgétaire pour la rentrée.
Comme je vous le demandais en décembre, lors de la discussion du budget, il
est urgent...
M. le président.
Il vous faut conclure, madame Luc.
Mme Hélène Luc.
... d'organiser à l'université un débat national...
M. Dominique Braye.
C'est un peu long !
Mme Hélène Luc.
... pour construire l'école du xxie siècle...
M. Alain Vasselle.
La question !
Mme Hélène Luc.
... en associant démocratiquement l'ensemble de la communauté éducative et de
la représentation nationale...
M. le président.
Madame Luc, je vais être contraint de vous retirer la parole.
Mme Hélène Luc.
J'en arrive à ma question, monsieur le président !
(Exclamations amusées
sur les travées du RPR.)
Il faut donc organiser un débat sur les réformes à entreprendre et aller plus
loin dans la priorité accordée à l'éducation nationale.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
Madame la sénatrice,
vous savez que ce gouvernement a fait de l'éducation nationale l'une de ses
priorités.
Cette priorité s'est traduite non seulement dans la déclaration de politique
générale du Premier ministre, mais également dans les budgets de 1998 et 1999 :
maintien des moyens dans le premier degré malgré la baisse importante du nombre
des élèves, création de 3 500 postes dans le second degré, création en deux
années de 1 000 postes d'infirmières et d'assistantes sociales.
M. Raymond Courrière.
Très bien !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Cette priorité se maintiendra l'an prochain. Vous avez
d'ailleurs bien voulu, avec la majorité gouvernementale, voter le budget de
l'éducation nationale pour 1999...
Mme Hélène Luc.
Non ! nous n'avons pas voté le budget, nous nous sommes abstenus.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
... alors que la majorité sénatoriale avait alors
réduit de 5 milliards de francs le budget de l'éducation nationale.
(Vives
protestations sur les travées des Républicains et Indépendants et du
RPR.).
M. Robert Bret.
Ils ont oublié ! Ils sont amnésiques !
M. Henri de Raincourt.
Voilà autre chose !
Mme Nelly Olin.
C'est incroyable !
M. le président.
Je vous en prie, seule Mme le ministre a la parole !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Enfin, la relance des zones d'éducation prioritaire
constitue la marque que ce gouvernement concentre ses moyens sur les élèves qui
en ont le plus besoin.
En ce qui concerne la carte scolaire, non, madame, il n'y aura pas de
fermetures nettes de classes.
(Rires sur les travées des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
Mme Nelly Olin.
Venez voir à Garges-lès-Gonesse !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
En effet, malgré la baisse de 30 000 élèves dans le
premier degré, le Gouvernement maintient intacts les moyens d'enseignement
alors que, je le rappelle, le gouvernement précédent avait supprimé en quatre
ans 5 000 emplois.
Pour la deuxième année consécutive, nous maintenons intact le nombre
d'enseignants. Mais il est vrai qu'en même temps nous veillons à la justice
scolaire et que nous répartissons de façon plus juste nos efforts sur
l'ensemble du territoire pour ouvrir des classes là où il y a une poussée
démographique, pour maintenir les moyens en zone d'éducation prioritaire et
pour tenir compte de la réalité rurale afin, en effet, de tenir compte du rôle
de l'école en matière d'aménagement du territoire.
Voilà, madame la sénatrice, les éléments de réponse que je peux vous
apporter.
Mme Nelly Olin.
C'est incroyable !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Sachez en tout cas que l'école consistue l'une des
priorités de ce gouvernement.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
Mme Nelly Olin.
Cela se voit !
Mme Hélène Luc.
Et le collectif budgétaire ?
réforme du droit au bail
M. le président.
La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie.
Le lundi 15 mars, les contribuables soumis à l'impôt sur le revenu étaient
invités à déposer sans délai leur déclaration auprès des services fiscaux. A
cette occasion, une nouveauté n'a pas échappé à de très nombreux compatriotes :
la réforme de droit au bail.
(Exclamations ironiques sur les travées de
l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Henri de Raincourt.
C'est une réussite !
M. Jacques Machet.
L'objectif officiellement affiché par le Gouvernement était de simplifier le
système.
(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Les propriétaires bailleurs n'ont désormais qu'une seule déclaration à faire
dans le cadre de celle de leurs revenus, et le paiement des taxes interviendra
en même temps que l'impôt sur le revenu.
Tout ce qui permet d'alléger les formalités administratives va dans le bons
sens, et le Sénat ne peut évidemment que l'approuver. Mais...
M. Alain Vasselle.
Car il y a un mais !
M. Jacques Machet.
... ce qui a provoqué, en décembre dernier, l'opposition de notre majorité
sénatoriale à cette réforme est le mécanisme d'imposition transitoire.
En effet, normalement, n'aurait dû être exigible en 1999 que la partie des
taxes dues pour le seul dernier trimestre 1998, les contribuables ayant déjà
acquitté le droit au bail pour la période précédente. Or les loyers perçus
entre le 1er janvier et le 30 septembre 1998 serviront bien de référence pour
le calcul de la nouvelle contribution de 1999 !
C'est ce que nous avait d'ailleurs indiqué M. le secrétaire d'Etat au budget
lors de la séance de notre assemblée du 14 décembre. Il confirmait ainsi que
les craintes exprimées alors, notamment par notre collègue et ami Alain
Lambert, membre du groupe de l'Union centriste et président de la commission
des finances du Sénat.
Monsieur le ministre, que comptez-vous faire concrètement pour rassurer les
propriétaires de bonne foi qui ne pourront récupérer le trop-perçu qu'en fin de
bail, après neuf mois de vacances du logement ? Et le perdant, dans cette
opération, ne risque-t-il pas d'être, finalement, le locataire, à qui le
bailleur pourrait demander le reversement du supplément de taxation ?
(Très
bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu
souligner que cette réforme du droit de bail et de la contribution
additionnelle au droit de bail visait à apporter une simplification. En effet,
au mois d'octobre prochain, c'est-à-dire en octobre 1999, les propriétaires
bailleurs - ils sont 5 millions - n'auront plus ni à remplir un questionnaire
compliqué ni à faire un paiement distinct.
M. Raymond Courrière.
Très bien !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
La réforme - vous l'avez très bien décrite - consiste
à asseoir le droit de bail sur la même assiette qu'antérieurement, mais à le
faire apparaître dans le cadre de la déclaration de l'impôt sur le revenu.
J'ajoute que cette réforme présente un avantage. Alors que, dans l'ancien
système, le droit de bail portait sur les loyers courus, seuls les loyers
effectivement perçus seront désormais taxés dans le nouveau système, ce qui est
plutôt rassurant pour les propriétaires.
Cette réforme - vous n'avez pas présenté d'objection à ce sujet - se fait à
rendement constant : le droit de bail et la contribution additionnelle
rapportent environ 10 milliards de francs et cette somme ne variera pas en
1999. Tout propriétaire bailleur paiera,
grosso modo,
la même somme en
septembre 1999 qu'en octobre 1998.
Vous avez présenté un recours devant le Conseil constitutionnel. Ce dernier a
reconnu qu'il n'y avait pas double imposition, puisque le contribuable ne
paiera qu'une fois dans l'année. Cela dit - et vous l'avez souligné - les
contribuables ont dû remplir de nouvelles lignes assez complexes dans leur
déclaration d'impôt sur le revenu.
Puisque cette année est une année de transition, j'ai demandé à
l'administration fiscale - je réponds ainsi concrètement à votre question, qui
a d'ailleurs été posée par de nombreux parlementaires - d'examiner avec
bienveillance les déclarations qui, de bonne foi, n'auraient pas été
parfaitement remplies. Pour la première année d'application de cette mesure,
les déclarations souscrites dans les délais légaux qui comporteront des erreurs
matérielles seront donc examinées avec une bienveillance particulière.
(Très
bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
PROBLÈMES DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE
M. le président.
La parole est à M. Trucy.
M. François Trucy.
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
Dans son rapport pour 1998, rendu public hier, la direction de la sûreté des
installations nucléaires présente des conclusions préoccupantes. Elle
répertorie en effet 376 incidents qualifiés de « significatifs » concernant la
sûreté nucléaire sur le parc EDF, sans événement grave toutefois.
Mais nous avons tous en mémoire qu'en 1999 on a déjà noté un incident grave
dont a été victime - mais victime un peu responsable compte tenu de ses
compétences - un agent spécialisé en sécurité nucléaire.
Les termes du rapport sont troublants : « négligence » dans les transports de
combustibles usés, « endormissement » face au vieillissement des centrales, «
laisser-faire », « oubli de choses très simples » et, enfin, « règles bafouées
» régulièrement depuis dix ans en l'absence de tout contrôle de l'Etat !
Monsieur le secrétaire d'Etat, ces termes inquiétants sont-ils tous, à vos
yeux, justifiés ?
Cette mise en cause directe d'EDF, à l'heure de l'ouverture à la concurrence,
est sévère.
Le rapport pose deux questions.
Comment, d'une part, assurer un bon fonctionnement des procédures de sécurité
internes à EDF, comment faire en sorte que toutes les responsabilités soient
prises au bon niveau et les travaux nécessaires réalisés en temps utile ?
Comment, d'autre part, garantir au sein des services compétents de l'Etat un
contrôle régulier et le plus sécurisant possible pour nos concitoyens, pour
nous, pour le public, pour EDF, pour la direction de la sûreté des
installations nucléaires, pour l'Office de protection contre les radiations
ionisantes, demain pour l'autorité nouvelle annoncée le 9 décembre dernier par
le Gouvernement ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, comment jouera la cohésion indispensable entre
ces organes ? Autrement dit, qui contrôle, qui décide et qui assure la sécurité
dans ce domaine industriel ?
Il convient que le Gouvernement apporte une réponse rapide et claire. La place
majeure qu'il a confirmée - et que nous soutenons - pour notre industrie
nucléaire dans la politique énergétique de la France le réclame.
Monsieur le secrétaire d'Etat, quel est votre jugement, quelles sont vos
réflexions face à ce rapport, et quelles sont les mesures que vous envisagez de
prendre pour répondre à ces critiques ?
(Applaudissements sur les travées
des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
Monsieur le sénateur, à la suite d'un
incident grave à la centrale du Tricastin, un certain nombre de problèmes sont
devenus d'actualité. Cet incident, je le rappelle, a mis en cause un agent qui
a pénétré dans une « zone rouge », où la radioactivité est particulièrement
élevée et où l'accès est strictement réglementé : il n'est possible que
moyennant une autorisation écrite de la direction de la centrale, autorisation
qui, en l'occurrence, n'avait pas été sollicitée.
Le problème de la sécurité et de la radioprotection est donc posé.
La direction de la sûreté des installations nucléaires, la DSIN, et l'office
de protection contre l'irradiation ionisante, l'OPRI, ont immédiatement
diligenté une inspection à la centrale du Tricastin, en compagnie de
l'inspecteur du travail compétent. Un procès-verbal a été dressé pour
dépassement des limites en vigueur d'irradiation des travailleurs.
Au-delà, c'est le sens de votre question - cet incident fait apparaître la
nécessité de renforcer le contrôle de l'inspection du travail dans les
centrales électronucléaires. C'est pourquoi, avec Mme Martine Aubry et M.
Bernard Kouchner, nous avons demandé aux agents des directions régionales de
l'industrie, de la recherche et de l'environnement, les DRIRE, agissant en
qualité d'inspecteurs du travail, et au président de l'OPRI de mener une
campagne vigoureuse et systématique sur tous les sites électronucléaires en vue
d'un respect pleinement satisfaisant de la protection des travailleurs contre
les rayonnements.
Sur le fondement de ces contrôles, et indépendamment des suites judiciaires
éventuelles de l'affaire du Tricastin, que vous avez évoquée, un programme
d'action sera demandé à EDF pour éviter la répétition de tels
dysfonctionnements.
Le président d'EDF lui-même a par ailleurs fait connaître sa préoccupation
devant cet incident et sa volonté d'éviter son renouvellement par des mesures
d'organisation adaptées. Il doit rendre public prochainement des propositions
faisant suite au rapport qu'il a commandité à M. Curien, à ma demande, dès
qu'il a été nommé à la présidence d'EDF.
Nous aurons l'occasion d'en reparler dans la plus grande des transparences et
avec une attention toute particulière pour la sécurité, s'agissant des
rayonnements ionisants, de tous les personnels et de toutes les personnes qui
approchent les centrales nucléaires ou qui y pénètrent.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Madame la ministre de la justice, la Cour de justice de la République a rendu
son arrêt dans l'affaire du sang contaminé, un arrêt qui ressemble à une
décision de droit, mais qui n'en est qu'une forme dégénérée.
M. René-Pierre Signé.
Politique !
M. Guy Allouche.
Comme la souffrance des uns et des autres laisse rarement place à la
compréhension, ce procès mal engagé ne pouvait que mal se conclure.
Le verdict de la Cour de justice de la République est à l'image de sa
composition, de son instruction et du déroulement du procès : il est
politique.
M. René-Pierre Signé.
Eh oui !
M. Guy Allouche.
On reprochait à la politique d'être à l'abri de la justice. En la
circonstance, c'est la justice qui, pour se mettre à l'abri des citoyens, a
fait de la politique.
Comment tenir un procès dont l'accusation ne veut pas ? Oui, mes chers
collègues, à deux reprises, le procureur général, puis l'avocat général, dans
leur réquisitoire, ont considéré qu'il n'y avait matière ni à poursuites, ni à
condamnation, car rien, dans le dossier, tel qu'il est apparu, ne permettait
d'établir une responsabilité pénale.
La Cour de justice de la République est apparue pour ce qu'elle était dès sa
création : une juridiction politique, une juridiction d'exception, une
juridiction conjoncturelle.
Lors de nos débats, en 1993, tant ici, au Sénat, qu'au Congrès de Versailles,
notre ami Michel Dreyfus-Schmidt n'a eu de cesse de mettre en garde le
Gouvernement et la Haute Assemblée contre l'amalgame entre la responsabilité
pénale et la responsabilité politique. En juriste éminent et avec prémonition,
Michel Dreyfus-Schmidt dénonçait déjà cette monstruosité juridique dont nous
avons tous constaté, pour les déplorer, les nombreux dysfonctionnements qui ont
émaillé ce procès singulier.
Madame la ministre, est-il besoin de souligner que cette expérience
malheureuse de la Cour de justice de la République annonce une profonde
évolution ?
Comme il est probable que le Gouvernement se soit livré à une analyse du
déroulement de ce procès, nous est-il possible de connaître les premiers
enseignements qu'il en a tirés ?
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le sénateur, nous
devons en effet avoir tous à coeur de tirer les leçons du procès qui vient
d'avoir lieu devant la Cour de justice de la République. Nous devons toutefois
le faire sans précipitation, dans la sérénité, en évitant toute forme de
pression sous l'émotion du moment. C'est peut-être aussi ce qui a manqué en
1993 !
Pour tirer correctement les leçons de ce procès, il convient, me semble-t-il,
avant de poser les questions relatives à la Cour de justice de la République
elle-même, de se poser d'abord la question de savoir comment l'on peut
clarifier le champ de la responsabilité politique par rapport à la
responsabilité pénale, la responsabilité administrative et la responsabilité
civile.
M. Jean Chérioux.
Tout à fait d'accord !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le problème que nous affrontons, beaucoup plus large
que celui qui vise, en l'occurrence, les ministres, puisqu'il concerne de plus
en plus souvent les maires, les médecins, les enseignants, les chefs
d'entreprise, c'est celui de la pénalisation croissante de notre vie
publique.
Plusieurs sénateurs du RPR.
Eh oui !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Face à ce problème plus général, j'ai déjà eu
l'occasion d'indiquer à deux reprises devant le Sénat quelles étaient les
pistes suivies par le Gouvernement.
Je signale que j'ai présenté, hier, en conseil des ministres, un projet de loi
visant à améliorer les procédures d'urgence devant la justice administrative.
Cela ne répond qu'à une partie du problème, mais nous voyons bien que tout est
lié. En effet, si la justice administrative statuait plus vite, peut-être
réussirions-nous à limiter le recours à la responsabilité pénale.
Au-delà, puisque, vous le savez, le Gouvernement ne veut en aucun cas
préjuger, nous ne devons pas nous interdire de voir, d'abord, à partir de quels
principes la commission Vedel, qui avait abouti à la réforme de 1993, a
travaillé. Ces principes étaient au nombre de quatre : ne pas soumettre
l'ouverture des poursuites à une décision préalable des assemblées ; interdire
qu'à la faveur des plaintes avec constitution de partie civile les ministres
soient constamment exposés à devoir se justifier devant les juges ; confier
l'instruction à la chambre d'instruction composée de magistrats à la Cour de
cassation ; ne pas composer la juridiction de jugement seulement de magistrats
ou seulement de parlementaires.
Aujourd'hui, peut-être faut-il, en effet, oser d'autres questions, ouvrir
d'autres perspectives. Faut-il, par exemple, maintenir l'existence d'une
juridiction d'exception et, dans l'affirmative, dans quelle composition ?
Mais, vous le voyez, pour répondre à cette question, il faut d'abord clarifier
le champ de la responsabilité politique et celui de la responsabilité pénale,
car, bien évidemment, plus nous arriverons à clarifier ces champs, moins nous
aurons besoin d'une juridiction d'exception.
M. le président.
Veuillez conclure, madame le ministre.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
J'en termine, monsieur le président.
Toutes sortes de questions se posent que je ne veux pas détailler ici : à qui
faut-il confier l'instruction ? Faut-il avoir une procédure criminelle ou une
procédure correctionnelle ? Quelle place donner aux victimes ? - Autre question
extrêmement importante.
Le temps des conclusions viendra à son heure. Je crois qu'il nous faut laisser
le temps au débat.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que
sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen. - MM.
Jean-Jacques Hyest et Lucien Neuwirth applaudissent également.)
ÉTAT DES NÉGOCIATIONS SUR LA RÉFORME DE LA PAC
M. le président.
La parole est à M. Bizet.
M. Jean Bizet.
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche, à qui s'adressait ma question,
étant malheureusement retenu en ce moment même au congrès de la fédération
nationale des syndicats d'exploitants agricoles à Versailles, je me tourne donc
vers M. le ministre des relations avec le Parlement.
Dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune, M. le ministre
de l'agriculture et de la pêche s'est laissé imposer un compromis proposé par
la présidence allemande du Conseil des ministres. Cet accord, qui confirme les
propositions libérales de la Commission européenne émises depuis plus d'un an,
n'est pas acceptable pour l'agriculture française.
A un moment où ces négociations conditionnent l'avenir de notre agriculture
sur le plan tant national qu'européen et international, à un moment où notre
pays doit à la fois réaffirmer la vocation exportatrice de son agriculture, en
refusant le déclin auquel la conduirait le repli sur elle-même, et valoriser
l'ensemble de son territoire, à un moment où l'ensemble des acteurs du monde
rural manifestent leur profond désarroi, ce compromis affaiblit les
organisations communes de marché et rompt les principes fondateurs de la
politique agricole commune.
Le groupe du RPR s'oppose fermement à cette perspective. Cette opposition
passe notamment par le refus d'une politique systématique de diminution des
prix pour le secteur des céréales et de la viande bovine, et d'une réforme à la
fois inutile et coûteuse en ce qui concerne le lait.
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
Ce compromis est, malheureusement, dans la logique de la politique du
Gouvernement menée depuis plusieurs mois, que ce soit au travers du projet
d'orientation agricole ou du projet de loi d'orientation pour l'aménagement du
territoire, qui ne donnent pas, à l'aube du xxie siècle, une nouvelle dimension
économique à l'agriculture et à la ruralité.
Cette politique a incontestablement fragilisé la France à la veille des
négociations de Bruxelles. On est en effet peu crédible à combattre une
démarche sur le plan international quand on organise par avance sa mise en
application sur le plan national.
M. Dominique Braye.
Exactement !
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. Jean Bizet.
En conséquence, à la veille de la réunion des 24 et 25 mars prochain,...
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur Bizet.
M. Jean Bizet.
... qui devrait permettre la recherche d'un compromis final, que propose
désormais le ministre de l'agriculture et de la pêche, qui a laissé la France
s'isoler dans une position critique, pour défendre au mieux les intérêts de la
France ?
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Monsieur le sénateur, je vous
demande de bien vouloir excuser Jean Glavany, qui m'a chargé de vous apporter
la réponse qu'il aurait aimé vous faire lui-même.
Comme le Président de la République et le Premier ministre ont eu l'occasion
de le dire, l'esquisse de compromis établie sous la responsabilité de la
présidence allemande, le 11 mars dernier, au Conseil agriculture, ne constitue
en rien un accord définitif sur la réforme de la PAC.
M. Raymond Courrière.
Très bien !
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Il n'y a pas eu de vote et la
présidence allemande nous situe clairement dans la minorité. Le ministre de
l'agriculture et de la pêche a déposé, dès le 11 mars, quatre réserves
officielles de la France.
Il reste que des avancées ont été obtenues, le 11 mars, par M. Glavany,
surtout par comparaison avec le précédent projet de compromis, établi le 25
février dernier avec l'évidente volonté d'isoler la France et de la contraindre
au cofinancement.
L'abandon, pour l'heure, du cofinancement, qui, lui, aurait provoqué la
rupture des principes fondateurs de la PAC, est une première avancée.
Attendons, cependant, que tout soit signé pour en être assurés.
Deuxième avancée : un bon paquet « viande bovine », avec une baisse des prix
limitée à 20 %
(Exclamations sur les travées du RPR)
au lieu de 30 %, là
où les professionnels demandaient 15 %, et une bonne compensation pour le
troupeau allaitant extensif, indispensable à l'équilibre de régions
fragiles.
M. Jean Chérioux.
C'est insuffisant !
M. Daniel Vaillant,
ministre des relations avec le Parlement.
Troisième avancée : un très bon
paquet « vin », avec des possibilités d'expansion et de reconversion du
vignoble. Les professionnels ne s'y trompent pas, qui manifestent afin que ces
acquis ne soient pas remis en cause à Berlin.
Il reste cependant des points d'ombre : le lait, pour lequel les quotas ont
été sauvegardés jusqu'en 2006 au moins, mais pour lequel une réforme inutile
est envisagée ; les céréales, avec une baisse des prix excessive ; enfin, les
oléagineux, à propos desquels une faute stratégique se prépare face aux
Américains.
La négociation n'est cependant pas achevée d'ici à Berlin, et nous devons donc
rechercher des améliorations du paquet agricole. Nos partenaires européens
admettent tous que deux questions essentielles restent posées.
Comment traiter le dérapage budgétaire du 11 mars ? Répondre à cette question,
c'est s'interroger sur des projets coûteux, comme la réforme du lait ou les
baisses qu'il faut compenser.
Comment réorienter la PAC vers le développement rural pour prendre en compte
la petite et moyenne exploitation, créer de l'activité et de l'emploi en milieu
rural, préserver l'environnement, rééquilibrer les soutiens vers les zones de
montagne par exemple et les productions fragiles, le tout en pleine cohérence
avec le projet de loi d'orientation agricole ?
Des réponses devront être apportées à Berlin sur ces questions majeures, grâce
au travail d'une délégation française qui demeurera unie, comme elle l'est
depuis le début de cette difficile négociation européenne, dans la défense des
intérêts de l'agriculture française, du pays tout entier et de la construction
de l'Europe.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Je constate que tous les intervenants ont, jusqu'à présent, dépassé le temps
de parole qui leur était imparti. Je vais donc être contraint de couper le
micro des orateurs suivants dès qu'ils auront dépassé les deux minutes trente
autorisées.
LOGICIELS UTILISÉS PAR L'ADMINISTRATION
M. le président.
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte.
Ma question, qui s'adressait à M. le Premier ministre, porte sur l'utilisation
d'Internet en matière de correspondance administrative et sur le choix des
logiciels utilisés par l'administration.
C'est la fête de l'Internet, et M. le Premier ministre a rappelé hier soir la
détermination du Gouvernement à développer l'usage de ce réseau, ce qui devrait
réjouir tous ceux qui, au Sénat, sont, comme moi, convaincus que la France doit
combler son retard en ce domaine.
Cependant, la préfecture des Alpes-Maritimes, lorsque j'ai voulu convoquer par
messagerie électronique une réunion sur le schéma directeur de Nice, m'a
précisé que ce n'était pas légal.
Pourtant, il serait urgent de moderniser, de simplifier et de dimininuer les
dépenses administratives. Le dépôt d'un projet de loi avait été annoncé le 19
janvier dernier, et je voudrais savoir, monsieur le secrétaire d'Etat à
l'industrie, si ce projet de loi prévoira, outre la légalisation de l'usage du
réseau Internet sécurisé, l'obligation, pour les préfets et les services
décentralisés de l'Etat, de communiquer avec les collectivités locales par
messagerie électronique, l'obligation pour l'Etat et les collectivités locales
de lancer tous les appels d'offres pour les contrats publics par voie de
messagerie électronique et, enfin, la révision à la baisse des délais légaux
prévus dans le code des marchés publics et le code des collectivités
locales.
Par ailleurs, il faudrait préciser dans la loi que collectivités locales et
Etat devront utiliser des logiciels libres. En effet, il faut garantir la
pérennité des données numériques de l'administration et assurer le libre accès
du citoyen à l'information, ce qui implique que les normes de communication
utilisées par l'administration ne fassent pas l'objet de brevets ou de droits
d'auteur. Il existe, fort heureusement, d'excellents logiciels libres.
Par conséquent, la loi pourra-t-elle faciliter la mise en place d'un corpus
minimal de logiciels libres afin d'éviter aux administrations et aux usagers de
recourir à des logiciels d'autant plus onéreux que leur remise à jour est
fréquente par suite de la stratégie commerciale de certaines firmes dominantes
sur le marché ?
M. le président.
Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Pierre Laffitte.
Un tel usage par l'administration de logiciels libres, publiés depuis plus
d'un an et dont les auteurs concèdent un contrat de licence public libre de
droits, sera-t-il prévu dans le projet de loi sus-évoqué ? Cela permettrait en
particulier de réaliser des économies.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
Monsieur le sénateur, vous avez évoqué
les positions avant-gardistes qu'a prises, à l'occasion de la fête de
l'Internet, M. le Premier ministre, soucieux qu'il est de placer la France dans
le peloton de tête des pays maîtrisant ces technologies, par la mise en oeuvre
du programme d'action gouvernemental par la mise en oeuvre du programme
d'action gouvernemental.
Un projet de loi sur la signature électronique des documents envoyés
via
Internet a été annoncé par M. le Premier ministre et est en cours
d'élaboration.
L'ensemble des préfectures sera doté de systèmes d'information territoriaux
qui permettront aux services déconcentrés de l'Etat d'utiliser une messagerie
commune et de partager des banques de données. La correspondance par Internet
entre les préfectures et les collectivités territoriales s'en trouvera
facilitée.
S'agissant des appels d'offres, pour faciliter la transparence des procédures
et l'égalité entre les entreprises, l'Etat s'est d'ores et déjà engagé à ce que
tous les marchés qu'il lance soient diffusés gratuitement sur Internet : cette
diffusion sera en place sur le site du
Journal officiel
dès l'été
1999.
Sur toutes les questions techniques que vous avez évoquées, l'Etat a besoin
d'une expertise en son sein. C'est pourquoi le Gouvernement a mis en place une
mission interministérielle pour le développement des technologies de
l'information dans l'administration. Celle-ci a notamment pour objectif
d'établir des référentiels techniques pour l'administration et de veiller au
respect des standards ouverts. C'est ainsi qu'elle a été conduite à organiser
une réunion générale d'information sur les logiciels libres de droits, en
janvier dernier, afin de développer, ce qui, à mes yeux, est très important,
l'utilisation des logiciels libres dans les administrations, de l'Etat en
particulier.
Enfin, un groupe de travail du Commissariat du Plan présidé par M. Bruno
Lasserre est chargé de donner des éléments de réponse concrets pour
l'utilisation d'Internet dans les administrations, afin d'améliorer leur
fonctionnement et d'offrir aux usagers un service plus moderne.
Modernisation, facilité d'accès, en un mot citoyenneté, voilà l'un des
éléments fondamentaux du programme d'action gouvernemental en faveur des
nouvelles technologies de l'information et de la communication.
(Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Laffitte applaudit
également.)
SITUATION DES JEUNES DIPLÔMÉS SURSITAIRES
À L'ÉGARD DU SERVICE NATIONAL
M. le président.
La parole est à M. Huchon.
M. Jean Huchon.
J'attire l'attention de M. le ministre de la défense sur la situation des
jeunes diplômés de l'enseignement supérieur sursitaires à l'égard du service
national et ayant trouvé un emploi stable à l'issue de leur formation
universitaire ou post-baccalauréat professionnel.
Ces jeunes gens, conscients des difficultés actuelles du marché de l'emploi
pour un jeune diplômé, saisissent, dès qu'elle se présente, la première
opportunité, généralement au cours d'un stage de formation en entreprise, pour
intégrer la vie active.
Cette situation est vécue comme une réelle chance, qui a peu de possibilités
de se reproduire. Mais, dans bien des cas, les autorités militaires y semblent
insensibles et demandent aux jeunes appelés d'effectuer coûte que coûte leur
service national.
A la veille de la suppression définitive du service national, où le problème
ne se posera plus, et avec la perspective de la mise en place d'une armée de
métier, les jeunes hommes vivent très mal cette situation. Ils redoutent, en
effet, de ne pas pouvoir retrouver un emploi à l'issue de leur service
militaire et de gonfler les rangs des chômeurs. Bref, ils ne comprennent pas
l'insensibilité de l'institution militaire face à l'enjeu de leur avenir, qui
se joue sur un moment décisif.
Mme Nelly Olin.
C'est vrai !
M. Jean Huchon.
C'est pourquoi je souhaiterais connaître les mesures que M. le ministre de la
défense compte prendre afin d'aider ces jeunes à se maintenir dans leur emploi.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR,
des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
Monsieur le sénateur,
M. Alain Richard, absent de Paris en raison d'une réunion trilatérale en
Allemagne, m'a chargée de vous communiquer les éléments de réponse suivants.
Tout d'abord, il convient de rappeler que sont astreints aux obligations du
service national, sous sa forme traditionnelle, c'est-à-dire l'appel sous les
drapeaux, tous les jeunes hommes nés avant le 1er janvier 1979.
Toutefois, le code du service national contient des dispositions nouvelles qui
permettent désormais aux étudiants, mais également aux jeunes en formation
professionnelle, de reporter jusqu'à l'année de leurs vingt-six ans leur
incorporation. Il suffit pour cela de justifier annuellement de la poursuite
d'études ou d'une formation professionnelle. Cette disposition est
particulièrement utile aux jeunes qui poursuivent des cycles d'études longs,
qui devaient auparavant être incorporés dans l'année de leurs vingt-quatre ans,
sauf cas particuliers.
M. Pierre Hérisson.
Ça, on le sait déjà !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Dans ce cas, est-ce que je continue tout de même à vous
répondre ?
Un sénateur du RPR.
La question portait sur l'emploi !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Je n'ai pas beaucoup d'éléments sur l'emploi, car il a
avait été dit à M. Alain Richard qu'il allait être interrogé sur les problèmes
posés aux jeunes qui souhaitent poursuivre leurs études !
Je poursuis cependant l'énoncée la réponse de M. Alain Richard.
Une autre disposition nouvelle particulière a également été adoptée. Elle
étend le report spécial d'incorporation aux étudiants, aux médecins,
pharmaciens, vétérinaires, etc. ; leur incorporation pouvant désormais être
reportée jusqu'à l'année civile de leurs vingt-huit ans et non de leurs
vingt-sept ans, comme cela était le cas auparavant.
Pour le Gouvernement, l'équilibre recherché, c'est-à-dire la réalisation des
besoins des armées en appelés pendant la phase cruciale de professionnalisation
qui s'achève en 2002 et l'aspiration naturelle de chacun de nos jeunes
concitoyens à concilier ce devoir civique avec son propre parcours personnel,
est effectivement atteint.
En ce qui concerne l'élément primordial de votre question, auquel je n'ai pas
répondu aujourd'hui, monsieur le sénateur, je le communiquerai à M. Alain
Richard, afin qu'il puisse vous répondre par écrit, car je partage vos
préoccupations.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées
de l'Union centriste.
coûts d'accès à internet
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Ma question s'adresse à M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à
l'industrie.
Du 19 au 21 mars, la France va célébrer la fête de l'Internet. Cette fête doit
être l'occasion de mesurer l'importance des progrès réalisés par notre pays
grâce au plan gouvernemental pour la société de l'information lancé dès janvier
1998 par Lionel Jospin.
Je citerai quelques exemples : l'augmentation de 163 % du nombre d'internautes
français en un an, l'équipement et le raccordement des établissements
scolaires, l'ouverture de sites librement accessibles dans tous les ministères,
les aides importantes apportées par l'Etat aux entreprises de ce secteur - 3,6
milliards de francs en 1999, comme l'a dit hier M. le Premier ministre.
Néanmoins, nous devons veiller à ce que ces nouvelles technologies ne créent
pas ou ne renforcent pas les inégalités sociales. Je sais que c'est une des
préoccupations majeures du Gouvernement, et je salue votre initiative, monsieur
le secrétaire d'Etat, d'installer des bornes publiques d'accès à Internet, dans
les bureaux de poste et les agences de l'ANPE.
Malheureusement, les inégalités d'accès à Internet demeurent une réalité dans
notre pays.
L'internaute type est un homme, cadre supérieur ou cadre moyen,...
Plusieurs orateurs du RPR.
Demandez la parité !
Mme Danièle Pourtaud.
... un homme jeune, qui habite Paris ou l'Ile-de-France. Si plus de 8 % des
Français utilisent régulièrement l'Internet, 70 % d'entre eux ne l'ont jamais
essayé.
« Cela revient cher d'utiliser Internet » ont répondu 84 % des Français et 65
% des internautes à un sondage de la SOFRES en novembre 1998.
En fait, si se connecter est aujourd'hui assez simple et peu coûteux, « surfer
» coûte cher, voire très cher, car l'utilisateur paie la communication à la
durée, au prix d'une communication téléphonique locale.
Qu'on se connecte pour faire ses devoirs, chercher des renseignements
administratifs, préparer ses vacances ou dialoguer avec les amateurs de Proust
du monde entier, le temps passe vite, très vite. Ainsi, on constate qu'en
France la durée mensuelle moyenne de connexion est aujourd'hui d'environ 50
heures, ce qui équivaut à 835 francs par mois, hors abonnement.
En réponse aux protestations des internautes français et conscient de l'enjeu,
vous avez, monsieur le secrétaire d'Etat, demandé à l'Autorité de régulation
des télécommunications de rechercher avec les opérateurs une solution plus
favorable aux internautes.
M. le président.
Je vous prie de conclure, madame Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Ma question est double, monsieur le secrétaire d'Etat : pouvez-vous nous dire
ce qu'il en est aujourd'hui ? Par ailleurs, ne pensez-vous pas que
l'utilisation d'Internet devrait faire partie du service universel du
téléphone, auquel tous les Français ont droit ?
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean Chérioux.
Qui paiera ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
Madame le sénateur, le Gouvernement est
très sensible aux inquiétudes des internautes, qui estiment que les tarifs des
communications locales sont trop élevées et qui souhaiteraient la mise en place
d'un forfait d'heures d'accès à Internet, surtout aujourd'hui, à la veille de
la fête de l'Internet.
Avec M. Dominique Strauss-Kahn, au mois de décembre, j'ai saisi l'Autorité de
régulation des télécommunications en ce sens. Son président mène actuellement
une large consultation avec les opérateurs des télécommunications, les
fournisseurs d'accès à Internet et les associations d'internautes afin de
déterminer les efforts qui peuvent être entrepris en matière de tarifs.
Le Gouvernement souhaite que cette concertation aboutisse rapidement, je l'ai
rappelé voilà quelques heures au président de l'Autorité de régulation des
télécommunications.
Il faut être plus favorable aux internautes, dans le respect de la concurrence
entre les opérateurs.
La mise en place d'un forfait est l'une des voies qu'il paraît utile
d'approfondir. France Télécom a fait une proposition en ce sens et je souhaite
que l'autorité de régulation puisse l'étudier rapidement.
Cependant, une véritable réponse sera apportée aux internautes lorsque des
accès forfaitaires à Internet à haut débit seront disponibles.
Depuis 1998, les opérateurs de réseau câblé développent de telles offres à un
coût d'abonnement d'environ 280 francs par mois.
Mais la véritable solution réside dans l'utilisation de la technologie ADSL,
qui permet un accès forfaitaire à haut débit sur les lignes téléphoniques
classiques.
En Allemagne, Deutsche Telekom vient d'annoncer le lancement d'une telle offre
pour le mois d'avril prochain. En France, France Télécom mène depuis un an des
expérimentations qui se révèlent concluantes. Il faut maintenant envisager le
déploiement de cette technologie en France. France Télécom m'a indiqué qu'elle
allait prochainement soumettre une telle offre aux pouvoirs publics qui devrait
permettre d'apporter une réponse à la problématique du coût d'accès à Internet,
tout en permettant l'exercice d'une libre concurrence entre les opérateurs de
télécommunications. Nous allons enfin entrer dans l'ère de l'Internet à haut
débit accessible à tous !
M. Emmanuel Hamel.
Grâce à Michel Bon !
CATASTROPHES NATURELLES EN SAVOIE
M. le président.
La parole est à M. Barnier.
M. Michel Barnier.
Madame le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; la
montagne, comme la mer, est souvent imprévisible. Elle n'est pas toujours
imprévisible, mais on sait les risques ou les dangers qui s'y attachent, et
chacun a en mémoire les récentes catastrophes d'Autriche, du Val-d'Aoste ou de
Chamonix.
En Savoie, comme dans toutes les régions de montagne, nous vivons en côtoyant
ces risques. Dans de nombreuses vallées de haute montagne, comme la Maurienne
ou la Tarentaise, des villages sont souvent et longtemps isolés du fait des
avalanches. Ainsi, la vallée de la Tarentaise, qui accueille chaque semaine 300
000 vacanciers, est actuellement menacée par des éboulements, la route
nationale en particulier. Cette situation est insupportable : la sécurité des
personnes doit être assurée.
Nous avons demandé au Gouvernement, avec M. Hervé Gaymard, député de cette
circonscription, de mettre en oeuvre un plan de sécurisation des accès,
notamment de la route nationale. Il faut que le Gouvernement auquel vous
appartenez, madame le ministre, prenne la mesure exacte de sa responsabilité
par rapport à la route nationale. Naturellement, pour ce qui nous concerne,
nous continuerons à assumer notre responsabilité pour les autres axes.
Mais c'est d'une petite commune de montagne que je veux vous parler maintenant
: celle de La Perrière, dont les soixante-sept habitants ont été évacués, la
montagne qui surplombe la commune menaçant de s'écrouler sur leurs maisons. Le
prix de cette évacuation, de cette précaution, de cette prévention, ne peut
être assumé par cette seule petite commune. Le conseil général que j'ai
l'honneur d'animer sera solidaire, mais cela ne suffira pas.
Lorsque j'exerçais les fonctions de ministre de l'environnement à votre place,
madame le ministre, j'avais, avec l'appui du Sénat d'ailleurs, fait adopter, à
l'occasion de la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la
protection de l'environnement, une disposition originale, à savoir la
possibilité, dans certains cas exceptionnels, de faire jouer la loi relative à
l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles, et cela avant même
qu'une catastrophe ne se produise, quand on est sûr qu'elle va se produire.
Mes questions sont simples, madame la ministre.
Sous quelle forme, par l'intermédiaire du Gouvernement, la solidarité
nationale va-t-elle jouer immédiatement au profit de cette petite commune ?
La prévention étant toujours préférable à la réparation, êtes-vous d'accord
pour élargir les dispositions de la loi de 1995 et financer, grâce au fonds
spécial, le prix de la prévention pour le cas de la commune de La Perrière,
comme pour les autres cas, suite aux catastrophes qui, malheureusement, se
produiront ailleurs en France ?
(Applaudissements sur les travées du
Rassemblement pour la République, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du Rassemblement
démocratique et social européen.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le sénateur, l'instabilité du piton rocheux de la Becqua est connue depuis
longtemps puisque, en 1974 déjà, un millier de mètres cubes de roches s'étaient
écroulées.
Une accélération du phénomène a été observée au début de la décennie
quatre-vingt-dix. Elle a conduit la commune à mettre en place des mesures de
prévention pertinentes : un dispositif automatisé de surveillance du site
instable dès 1992 et des ouvrages de protection pareblocs destinés à
interrompre la trajectoire des blocs détachés de la falaise en cas de rupture
de celle-ci.
Le mercredi 10 mars 1999, le maire de La Perrière a fait procéder à
l'évacuation de soixante-sept personnes en raison de la menace d'un éboulement
de même ampleur que celui de 1974. Quarante personnes sont actuellement
relogées aux frais de la commune pour un coût journalier dont l'évaluation
serait de 10 000 à 15 000 francs par jour.
La prise en charge de l'hébergement des personnes évacuées par arrêté
municipal est de la libre appréciation des maires concernés, qui peuvent
éventuellement obtenir l'aide des conseils généraux. Vous avez d'ailleurs
rappelé, monsieur le sénateur, que le conseil général de la Savoie avait
rapidement confirmé son assistance.
M. Emmanuel Hamel.
Il a un grand président !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Mon
ministère ne dispose pas, à l'heure actuelle, de crédits spécifiques permettant
de contribuer à cette prise en charge. Le ministère de l'intérieur, quant à
lui, dispose de possibilités qui correspondent à des secours d'extrême urgence
pour l'aide aux victimes de calamités publiques. Il a d'ailleurs été saisi par
le préfet de la Savoie, qui souhaite savoir quelle pourrait être la
contribution du ministère de l'intérieur aux frais d'hébergement des personnes
évacuées.
Quant au fonds institué par la loi de 1995 relative au renforcement de la
protection de l'environnement, il concerne, vous le savez bien, des
expropriations définitives des biens exposés au risque. Il ne semble donc pas
pouvoir être mobilisé dans le cas spécifique de La Perrière.
En revanche, au titre de ses actions de prévention, le ministère de
l'environnement a contribué - et contribuera encore - au financement des
mesures de surveillance et des études des protections actuelles. Monsieur le
sénateur, en 1994, quand ce dispositif a été mis en place, vous étiez au
ministère de l'environnement ; vous le savez donc bien. Ce ministère contribue
depuis trois ans à la prise en charge de l'intervention du Centre d'études
techniques de l'équipement de Lyon pour l'acquisition et l'exploitation des
dispositifs de surveillance. Il participe au financement des interventions du
même centre à titre d'expert auprès de la cellule de crise mise en place par le
maire de La Perrière.
La commune a demandé, mercredi soir, au centre d'élaborer un projet de
démontage des blocs les plus instables par minage et reprofilage du rocher. Le
démarrage des travaux pourrait avoir lieu avant le 1er avril et durer de deux à
trois semaines.
A titre exceptionnel, j'envisage une contribution de mon ministère, sous la
forme à la fois d'une subvention et d'une prise en charge de la maîtrise
d'oeuvre du centre.
La France n'est pas épargnée par les risques naturels : éboulements,
glissements de terrain, avalanches, sismicité, inondations... et j'en passe.
Des événements dramatiques le rappellent et trop régulièrement. Une
communication en conseil des ministres permettra d'actualiser, avant l'été, la
stratégie du Gouvernement sur ce thème.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
FERMETURES DE CLASSES EN MILIEU RURAL
M. le président.
La parole est à M. Fournier.
M. Bernard Fournier.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues,
ma question s'adressait à M. le ministre de l'éducation nationale, mais je
crois que c'est Mme le ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire qui
va me donner la réplique.
Madame le ministre, un grand quotidien faisait état en ce début de semaine de
la fermeture de classes en milieu rural, notamment dans la Loire, et de
l'exaspération des enseignants devant l'aveuglement de l'administration.
Dans le même temps, le ministre déclarait qu'il n'y aurait aucun poste
supprimé à la rentrée 1999. Je réponds que c'est faux ! Cette annonce
publicitaire, destinée à calmer les enseignants qui contestent actuellement
haut et fort la politique du Gouvernement, n'est que de l'alchimie statistique.
J'en veux pour preuve le fait que, dans un département comme la Loire, nous
aurons perdu près de cent postes en trois ans, dont trente-cinq sont annoncés
pour la rentrée prochaine.
M. Jacques Mahéas.
Bravo !
M. Bernard Fournier.
Si, pour M. Tavernier, l'espoir des enseignants « ça commence aujourd'hui »,
dans mon département, ça finit aujourd'hui !
(Exclamations sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
Mme Nelly Olin.
Tout à fait !
M. Bernard Fournier.
C'est dans les zones rurales, dans les réseaux d'éducation prioritaires et
dans les zones d'éducation prioritaires, que vous supprimez des postes
d'enseignants et que vous refusez de nommer des travailleurs sociaux.
Mme Nelly Olin.
Très bien !
M. Bernard Fournier.
Ce sont donc les écoles des zones les plus marquées par la précarité que vous
excluez du bénéfice d'une vraie réforme - courageuse et concertée - de
l'éducation.
Les mesures médiatiques ne sont que poudre aux yeux : en réalité, c'est la
voie de la désertification que vous ouvrez ; c'est la négation du travail des
enseignants et des collectivités locales que vous organisez !
Vous saupoudrez, certes, quelques millions ici ou là : ils se traduisent par
des primes pour sujétions spéciales pour les enseignants en place. Mais où sont
les postes qui permettent de tenir des effectifs raisonnables, seuls propices à
créer un cadre adapté pour des populations difficiles et défavorisées ?
M. Claude Estier.
Vous avez voté la réduction des crédits du ministère de l'éducation nationale
!
M. Bernard Fournier.
Dans la Loire, nous avons l'un des plus forts taux de scolarisation des
enfants de moins de deux ans.
M. Jacques Mahéas.
Il fallait voter le budget du ministre de l'éducation nationale !
M. Bernard Fournier.
Cette politique, c'est le choix des parents et celui des enseignants,...
M. Jacques Mahéas.
Vous tenez un double langage !
M. Bernard Fournier.
... un choix, faut-il le dire, accompagné par les maires. Ce sont cette
politique et ces choix que vous « cassez » aujourd'hui, méprisant ainsi de
longues années de travail !
(Exclamations sur les travées socialistes. - Applaudissements sur les travées
du RPR et des Républicains et indépendants.)
Je vous le demande solennellement, madame le ministre : comptez-vous,
enfin, mettre un terme à l'asphyxie de l'éducation en milieu rural que vous
organisez ? Comptez-vous, M. Allègre et vous-même, laisser une chance à ces
élèves, dont vous dites qu'ils sont au coeur du système éducatif,...
M. le président.
Merci de conclure !
M. Bernard Fournier.
... mais que vous ignorez superbement en méconnaissant leurs intérêts ? Quand
donc le Gouvernement cessera-t-il d'avoir une vision statistique et dogmatique
de l'éducation pour enfin ! laisser parler le terrain et les hommes ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. -
Exclamations sur les travées socialistes.)
M. René-Pierre Signé.
Il fallait voter le budget du ministère de l'éducation !
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
Monsieur le sénateur,
l'école rurale a fait l'objet d'une attention particulière cette année, vous le
savez.
M. Jean Chérioux.
On le voit !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Pour la première fois je crois, une instruction
officielle, que je tiens à votre disposition, a été diffusée auprès de
l'ensemble des recteurs et inspecteurs d'académie, précisément pour mettre en
place une nouvelle dynamique de l'école en milieu rural. L'école constitue en
effet un élément important de l'aménagement du territoire. Bien souvent,
lorsque l'école disparaît dans une commune rurale, c'est le dernier service
public qui disparaît.
M. Alain Vasselle.
C'est vrai !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Nous devons assurer aux élèves du milieu rural
l'égalité des chances et la qualité pédagogique. C'est la raison pour laquelle
j'encourage la mise en place de réseaux d'écoles rurales, qui doivent permettre
à celles-ci de reconquérir une certaine densité scolaire et de lutter contre la
fatalité de la désertification, en particulier contre l'effet d'attraction des
chefs-lieux de canton.
Je considère que nous avons aujourd'hui la capacité de définir des pôles
solides d'écoles rurales, de mettre en commun un certain nombre de moyens, y
compris avec des enseignants itinérants qui peuvent assurer une scolarisation
de qualité aux enfants de l'école maternelle.
C'est dans un contexte de respect de l'école rurale que la carte scolaire a
été préparée, puisque les effectifs démographiques n'ont pas constitué le seul
critère de répartition des postes.
En effet, en dépit de ce que vous venez de dire, monsieur le sénateur, le
Gouvernement a maintenu intact, je le répète, le nombre d'emplois pour le
premier degré, et cela malgré la baisse des effectifs.
Dans le département de la Loire - venons-en aux choses précises, monsieur le
sénateur - où, malheureusement, vous perdez beaucoup d'élèves - on y compte
près de 800 élèves en moins pour la rentrée prochaine et plus de 1 500 élèves
en moins sur l'académie - si nous avions tenu uniquement compte de l'évolution
démographique, le département aurait dû rendre, au titre de la solidarité
scolaire envers les autres départements, quatre-vingt-dix emplois, monsieur le
sénateur ! C'est précisément parce qu'il a été tenu compte du rôle de l'école
en matière d'aménagement du territoire que seuls trente-cinq emplois ont été
prélevés. Autrement dit, vous bénéficiez d'une dotation de cinquante-deux
emplois par rapport à d'autres départements !
(Exclamations sur les travées
du RPR.)
M. Bernard Fournier.
Il faut dire merci !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Monsieur le sénateur, vous voyez que l'école rurale
fait l'objet d'une attention toute particulière ! Je vous fais porter
l'instruction à laquelle je viens de faire allusion.
(Applaudissements sur
les travées socialistes.)
AMORTISSEMENT PÉRISSOL
M. Jean Chérioux.
C'est la répartition de la disette.
M. Charles Revet.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le
secrétaire d'Etat au logement ainsi qu'à M. le secrétaire d'Etat au budget. Le
système de l'amortissement dit Périssol, adopté par le Parlement en avril 1996,
a constitué une incitation forte à la construction de logements neufs et a
permis de donner un coup de fouet à l'activité du bâtiment au cours des deux
dernières années.
A l'occasion de la loi de finances pour 1999, le Gouvernement a décidé
d'instaurer un nouveau dispositif qui se révèle moins favorable, bien que le
Sénat y ait apporté quelques améliorations, notamment en allongeant la durée
d'amortissement.
Avant cela, la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et
financier du 2 juillet 1998 avait prévu que les constructeurs qui obtiendraient
leur permis de construire avant le 31 décembre 1998 pourraient bénéficier du
système Périssol, à la condition toutefois que les logements neufs soient
vendus avant le 1er septembre prochain et achevés avant le 1er janvier 2001.
Cette disposition a conduit de nombreux constructeurs à accélérer la
réalisation de leurs projets. Dans un premier temps, les entreprises devront
supporter une charge de travail en forte augmentation sur une courte période.
Ensuite, par un effet mécanique, elles connaîtront un net ralentissement de
leur activité.
Par ailleurs, cette situation conjoncturelle ne sera pas sans incidence sur
les coûts.
Ce phénomène d'à-coups ne peut qu'être négatif pour tout le monde. Aussi,
compte tenu de cette situation, monsieur le ministre, ne serait-il pas sage
d'envisager de reculer les dates butoirs ?
(Applaudissements sur les travées
des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le sénateur, l'amortissement
Périssol, institué à la fin de l'année 1996, était un dispositif temporaire qui
devait s'achever le 31 décembre 1998.
Vous avez omis de mentionner un point : outre l'objectif de relance du
bâtiment, ce dispositif d'amortissement Périssol encourageait la réduction des
impôts, et ce peut-être au-delà du raisonnable !
M. Jean Chérioux.
Il était très efficace !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Mon collègue Louis Besson y a substitué - disposition
qui a été votée par la majorité qui soutient le Gouvernement - un statut du
bailleur privé, dispositif stable qui produira ses effets dans le temps.
M. Dominique Braye.
Dispositif moins efficace !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Ce dispositif juste équilibre le soutien de la
collectivité, c'est-à-dire de l'ensemble des contribuables, par des obligations
dans le domaine social, les loyers étant un peu plus modérés que ceux du marché
et les locataires ne devant pas dépasser un certain niveau de revenus.
Ce dispositif va être mis en place et je peux vous annoncer, monsieur Revet,
que le décret d'application sera publié très prochainement.
(Exclamations
sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. Alain Gournac.
Très prochainement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le dispositif que
nous avons proposé est, me semble-t-il, un dispositif permanent et juste.
Vous avez insisté à juste raison sur le fait que nous avons prolongé de huit
mois le dispositif Périssol, précisément pour éviter l'inconvénient que vous
avez souligné, c'est-à-dire le hiatus entre la fin du dispositif Périssol et le
début du dispositif Besson.
Je suis persuadé que l'activité du bâtiment, qui connaît actuellement un
rythme exceptionnellement favorable, se poursuivra de façon très dynamique et
apportera sa contribution à la croissance de notre pays et au développement de
l'emploi.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, je vous rappelle que se déroulera demain en cet hémicycle
la fête de l'Internet, à laquelle vous êtes bien sûr tous conviés.
Avant d'aborder la suite de l'ordre du jour, nous allons interrompre nos
travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix, sous la
présidence de M. Guy Allouche.)
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ
Suite de la discussion
d'une proposition de loi
M. le président.
Nous reprenons la discussion de la proposition de loi (n° 108, 1998-1999),
adoptée par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relative au
pacte civil de solidarité.
Articles additionnels avant l'article 1er
(suite)
M. le président.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen des
amendements n°s 3 rectifié, 56 et 31 tendant à insérer un article additionnel
avant l'article 1er.
Je rappelle les termes de ces amendements.
Par amendement n° 3 rectifié, M. Gélard, au nom de la commission des lois,
propose d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé
:
« Dans le livre Ier du code civil, il est inséré, après l'article 310, un
titre VI
bis
ainsi rédigé :
« TITRE VI bis
« DU CONCUBINAGE
«
Art. 310-1. -
Le concubinage est le fait pour deux personnes de vivre
en couple sans être unies par le mariage.
«
Art. 310-2. -
Le concubinage se prouve par tous moyens.
« Un acte de notoriété peut être délivré aux concubins majeurs et célibataires
par un officier de l'état civil, un juge ou un notaire. Il fait foi jusqu'à
preuve du contraire.
«
Art. 310-3. -
Les concubins peuvent conclure un contrat par acte
authentique ou sous seing privé pour régler tout ou partie de leurs relations
pécuniaires et patrimoniales et organiser leur vie commune. »
Par amendement n° 56, Mme Derycke, MM. Badinter, Bel, Delanoë et les membres
du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, avant l'article 1er, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le livre Ier du code civil, il est inséré après l'article 310 un
article VI
bis
ainsi rédigé :
« TITRE VI bis
« DU CONCUBINAGE
«
Article 310-1. -
Le concubinage est le fait pour deux personnes, quel
que soit leur sexe, de vivre en couple sans être unies par le mariage. »
Par amendement n° 31, MM. Lorrain, Badré et Lambert proposent d'insérer, avant
l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le livre troisième du code civil, il est inséré après l'article 1581 un
titre V
bis
ainsi rédigé :
« TITRE V bis
« DE L'UNION LIBRE
«
Art.
1581-1. - La loi ne régit pas l'union libre qui est le fait pour
deux personnes, quel que soit leur sexe, de partager une communauté de vie sans
être unies par les liens du mariage.
«
Art.
1581-2. - L'union libre se prouve par tous moyens.
« Un acte de notoriété peut être délivré par un officier de l'état civil, un
juge ou un notaire. Il fait foi jusqu'à preuve du contraire.
«
Art.
1581-3. - Les personnes vivant en union libre peuvent passer un
contrat par acte authentique ou sous seing privé ayant date certaine pour
régler tout ou partie de leurs relations pécuniaires et patrimoniales et
organiser leur vie commune. »
Ces trois amendements ont été présentés par leurs auteurs.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 56 et 31 ?
M. Patrice Gélard,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
L'amendement n° 56 est réducteur par rapport à l'amendement n° 3 rectifié,
présenté par la commission, en ce sens qu'il ne fait pas mention des articles
310-2 et 310-3 que nous avons proposé d'insérer. La commission y est donc
défavorable.
En outre, la commission ne souhaite pas qu'il soit donné au concubinage une
définition plus large que celle qu'elle envisage dans le texte qu'elle propose
pour l'article 310-1.
M. Claude Estier.
Vous ne voulez pas qu'il soit dit : « quel que soit le sexe » ?
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Cela n'apporte rien ! C'est inutile !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Comment, cela n'apporte rien ?
M. Claude Estier.
Nous retenons que vous ne voulez pas qu'il soit dit : « quel que soit le sexe
».
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Monsieur Estier, j'ai déjà dit, au moment où nous avons
présenté l'amendement n° 3 rectifié, que la rédaction que nous proposons
permettait de reconnaître l'existence des homosexuels et des hétérosexuels.
M. Claude Estier.
Pourquoi alors ne voulez-vous pas de l'expression « quel que soit le sexe »
?
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Parce que cela n'apporte rien. C'est redondant.
Ce matin, vous avez cité Portalis, restons fidèles à Portalis !
Sur l'amendement n° 31, la commission a émis un avis défavorable bien que, au
fond, il ne présente que très peu de différence avec l'amendement n° 3
rectifié.
Cet amendement propose d'insérer le dispositif relatif à l'union libre dans le
titre V
bis
du livre III, consacré aux contrats,...
M. Denis Badré.
Ce qui est très important.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
... et non pas dans la partie consacrée aux personnes. Or,
l'essentiel de nos propositions visent précisément à reconnaître un statut de
personne. Nous suggérons aux auteurs de cet amendement de le retirer, dans la
mesure où il est très largement satisfait par l'amendement n° 3 rectifié.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 3 rectifié, 56 et 31
?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, avant de donner l'avis du Gouvernement sur
ces amendements, je voudrais faire une observation.
Vous nous avez reproché, monsieur le rapporteur, le manque de préparation de
la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité. Vous avez dit de
ce texte qu'il n'était ni amendable ni perfectible, que c'était un « objet
juridique non identifié », qu'il ne réglait pas les problèmes et qu'il ne
faisait qu'en susciter.
En revanche, vous vous êtes attribué la « grande qualité du travail accompli
», la « pertinence des solutions » adoptées par la commission des lois la
semaine dernière et la « profondeur » de réflexion juridique.
Quelle n'a pas été ma surprise de découvrir hier l'amendement n° 3 rectifié !
J'imagine que la rectification a un lien avec les interrogations que j'avais
exprimées publiquement le matin même sur le fait que les concubins pourraient
être mariés par ailleurs, ce qui posait problème et fragilisait, indirectement
mais certainement, le mariage.
En fait, je ne pense pas que les rectifications que vous avez apportées à
l'amendement répondent aux problèmes juridiques posés et, pour étayer mon
argumentation, je vais détailler les trois volets de votre proposition sur le
concubinage.
J'évoquerai tout d'abord le concubinage.
C'est - nous le savons - une situation de fait à laquelle de nombreuses
législations ont, au fil du temps, attaché des droits que le rapport de M.
Gélard décrit d'ailleurs de manière très complète : en matière de santé,
d'impôts, de prestations sociales, de pensions et autres droits sociaux. Les
juges tranchent les litiges relatifs au concubinage en référence au droit
commun du code civil, et plus précisément du droit des obligations, en faisant
appel à la notion de société de fait, compte tenu de l'absence de toute
obligation alimentaire entre concubins, et, en cas de rupture, s'il y a faute,
sur le fondement de l'article 1382 du code civil.
Dans tous les cas, la difficulté est celle de la preuve, en l'absence de
convention particulière entre les concubins.
Cet ensemble jurisprudentiel et législatif, partiel et parfois contradictoire
mais répondant au choix de ceux qui refusent le mariage ou tout autre statut ou
contrat juridiquement organisé, n'est pas actuellement ouvert aux
homosexuels.
Cette exclusion résulte non pas de la volonté expresse du législateur mais
seulement des décisions de la Cour de cassation, reprises encore récemment par
l'arrêt du 17 décembre 1997.
Le Gouvernement entend mettre un terme à toutes les discriminations, chaque
fois que cela est possible.
M. Jacques Mahéas.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Aussi soutiendra-t-il tout amendement qui ouvre les
droits attachés au concubinage aux concubins homosexuels.
Faut-il aller plus loin ?
Le concubinage, vous le savez, recouvre de multiples situations et la
jurisprudence de la Cour de cassation sur les conséquences de la rupture de
concubinage est elle-même diverse.
Je rappellerai ainsi que deux concubins peuvent être célibataires mais aussi
mariés, éventuellement tous les deux, tout en ayant renoncé à la vie commune
avec leur conjoint.
Pour le Gouvernement, l'essentiel est de lever les discriminations. Dès lors,
si le Parlement estime que certaines précisions sont utiles à la définition
issue de la jurisprudence, le Gouvernement y sera attentif.
La discussion permettra d'examiner l'apport de ces éléments de définition déjà
présents, pour les hétérosexuels, à l'article 340-4 du code civil. L'essentiel
des difficultés n'est pas là.
S'agissant de la preuve, je ne suis pas convaincue de l'utilité de prévoir
expressément, comme le fait votre commission, que le concubinage se prouve par
tous moyens. C'est la règle générale de la liberté de la preuve des faits.
J'ajoute qu'en limitant la délivrance des actes de notoriété aux personnes
majeures et célibataires, l'amendement de votre commission procède d'une
démarche que je n'hésite pas à qualifier d'illogique.
L'acte de notoriété est le moyen de constater un fait, quel qu'il soit. La
qualité des personnes en cause n'a rien à voir.
Le fait qu'un concubin soit mineur ou qu'il soit par ailleurs marié ne peut
pas modifier le mode de constatation de sa situation personnelle. Actuellement,
une femme mariée qui vit en concubinage peut se voir délivrer un acte de
notoriété.
L'acceptation de cette modification la veille du débat, monsieur le
rapporteur, prouve que vous avez pleinement conscience de l'imperfection
juridique des mesures proposées. En faisant cela, loin de corriger des
imperfections que vous avez pu relever dans le texte de l'Assemblée nationale,
vous les aggravez. Certains concubins échapperont à la liberté de la preuve de
la situation de fait, règle incontestable du code civil.
A partir de ces deux premières observations, on constate à quel point la
perfection juridique est difficile à atteindre !
M. Emmanuel Hamel.
Oh que oui !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je voudrais aussi et surtout vous avouer mon
incompréhension devant la proposition de votre commission de permettre à des
concubins d'organiser par contrat leur vie commune.
En leur donnant expressément la possibilité de régler avec une totale liberté
leurs relations patrimoniales, l'amendement aura pour conséquence de les
autoriser à adopter des dispositifs empruntés aux régimes matrimoniaux, par
exemple le régime de la communauté de biens ou celui de la séparation. On
aboutirait alors à ce paradoxe : des concubins, tout en s'affranchissant des
obligations du mariage comme le devoir de secours mutuel, pourraient bénéficier
de certains effets patrimoniaux qui paraîtraient convenir à leur situation.
M. Claude Estier.
Ils sont incohérents !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Il y a là une atteinte, certes indirecte mais certaine,
au mariage.
Le pacte civil de solidarité, quant à lui, évite cet écueil. Je rappelle que,
à côté des droits qu'il confère, il comporte un certain nombre d'obligations,
notamment l'aide mutuelle matérielle et la solidarité pour les dettes
ménagères. En outre, s'agissant des biens, ceux-ci sont soumis, sauf
disposition contraire de l'acte d'acquisition, au régime de l'indivision, qui
implique une cogestion. A défaut, ils sont personnels.
Votre commission ne peut pas à la fois rejeter le pacte civil de solidarité,
au prétexte que, dit-elle, il menacerait le mariage, et permettre à des
concubins d'adopter les dispositions favorables d'un quasi-régime
matrimonial.
Vous comprendrez dans ces conditions que je sois défavorable à l'amendement n°
3 rectifié.
En revanche, l'amendement n° 56 ne présente pas ces inconvénients. Il a pour
seul objet de définir le concubinage sans aborder son régime probatoire ni
autoriser la libre organisation contractuelle de la vie commune des
intéressés.
Il a en outre l'immense mérite de supprimer, ce qui est essentiel à mes yeux,
la discrimination existant aujourd'hui entre les concubins selon qu'ils sont
hétérosexuels ou homosexuels.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
J'accueille d'ores et déjà avec bienveillance cet amendement, dont le
mérite, en précisant « quel que soit leur sexe », est d'afficher clairement le
refus de toute discrimination.
Je résume la position du Gouvernement : sur la définition du concubinage, il
est ouvert à la discussion mais il me semble qu'il faut poursuivre la réflexion
pour aboutir à une rédaction aussi adaptée que possible ; il est évidemment
tout à fait d'accord pour que l'on mette fin à la discrimination.
S'agissant de l'amendement n° 31, aux critiques de fond déjà formulées
s'ajoute celle qui tient à la place à laquelle ses auteurs veulent faire
figurer les dispositions en cause dans le code civil.
En plaçant ces dispositions dans le Livre III, relatif aux différentes
manières dont on acquiert la propriété, et dans un titre V
bis
qui
serait inséré entre le titre relatif aux régimes matrimoniaux et celui qui est
relatif à la vente, on dénaturerait, me semble-t-il, la notion d'union libre,
qui est intrinsèquement un fait, non un acte juridique.
En outre, le contrat que les concubins peuvent passer pour organiser leur vie
commune ne saurait s'apparenter à un régime matrimonial ni à une vente.
Voilà pourquoi je ne peux pas être favorable à l'amendement n° 31.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Tout d'abord, madame la ministre, je sais bien qu'il existe
des personnes mariées qui ne vivent plus sous le toit conjugal et qui vivent en
union libre avec une autre personne. Je ne les exclus pas. Rien ne leur
interdit de prouver ce concubinage par tous moyens. La seule chose que je leur
refuse, c'est l'acte de notoriété, qui ne leur est d'ailleurs pas donné à
l'heure actuelle. On ne saurait délivrer un acte de notoriété à quelqu'un qui
est déjà marié !
De même, à l'heure actuelle, tous les notaires vous diront qu'ils ont déjà
rédigé des contrats par acte authentique pour régler tout ou partie des
relations pécuniaires et patrimoniales de concubins ou pour organiser leur vie
commune. Cela existe déjà ! Je ne vois pas en quoi on porterait atteinte au
mariage avec des dispositions qui existent déjà. La liberté contractuelle est
proclamée et elle figure dans le code civil. On ne peut pas la remettre en
cause.
Par conséquent, madame le ministre, j'ai le regret de vous le dire, les deux
ou trois arguments que vous avez développés contre notre amendement sont sans
objet.
M. Alain Gournac.
Ils ne sont pas bons !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
En tout cas, ils ne sont pas pertinents.
En réalité, si nous avons ajouté les qualificatifs de « majeurs et
célibataires », c'est pour éviter une rédaction qui aurait pu paraître
autoriser une forme de polygamie.
C'est la seule modification que nous avons apportée car, pour le reste, le
dispositif est parfaitement cohérent et correspond exactement à la réalité
actuelle. « Coller à la réalité », n'est-ce pas ce qu'on nous demande ?
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3 rectifié.
M. Robert Badinter.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Je veux d'abord marquer que le texte proposé pour l'article 310-1, tel qu'il
est rédigé, appelle nécessairement une interprétation : « Le concubinage est le
fait pour deux personnes de vivre en couple sans être unies par le mariage.
»
Je vous renvoie à la dernière décision de la IIIe chambre civile de la Cour de
cassation dans ce domaine. Il faudra que la Cour de cassation se prononce. Cela
signifie bien que vous ouvrez la voie à l'interprétation, monsieur le
rapporteur.
Je ne doute pas que, dans votre pensée, soient ainsi visés aussi bien les
couples homosexuels que les couples hétérosexuels. Mais la formulation appelle
la précision. Elle l'appelle d'autant plus - je l'ai déjà dit ce matin - que
vous vous situez là dans une zone extrêmement sensible de notre droit.
Permettez-moi d'évoquer quelques souvenirs.
On a fait référence - et je vous remercie, madame la ministre, de l'avoir fait
avec délicatesse à mon égard - à la loi de 1982, qui a supprimé ce qui
constituait une discrimination pénale à l'encontre des homosexuels puisque ce
qui était permis pour les hétérosexuels - les relations sexuelles avec mineur
consentant - ne l'était pas pour les homosexuels.
A trois reprises, à propos de ce texte, je suis venu dans cette enceinte, car
je ne demandais jamais l'urgence : pour moi, la discussion parlementaire devait
aller jusqu'à son terme. A trois reprises, face à cette discrimination pénale
inscrite dans notre droit, le Sénat m'a répondu non. Et je préfère ne pas
rappeler ce qu'ont été alors les échanges entre ceux qui représentaient la
droite sénatoriale et celui qui se trouvait être à la place qui est aujourd'hui
la vôtre, madame la ministre.
Mme Nicole Borvo.
On l'imagine !
M. Robert Badinter.
Dans la suite de mes souvenirs, j'évoquerai maintenant l'année 1985. A cette
époque, face à l'épidémie de sida, nous le savons tous, une sorte de peur
s'était emparée de beaucoup de gens, qui pensaient que l'on pouvait contracter
le sida par simple contact.
A ce moment-là, la crainte était extrême et l'on voyait se développer un
profond mouvement de rejet de la communauté homosexuelle, à telle enseigne que
les uns ne voulaient plus loger les couples homosexuels et les autres ne
voulaient plus employer des travailleurs qui étaient homosexuels.
Nous sommes alors venus devant vous pour vous soumettre un projet de loi
visant à ce que, précisément, ce type de discrimination selon les moeurs,
s'agissant de prestation de services, de location, de contrat de travail, ne
soit pas admise et soit sanctionnée par une peine.
Lors de la première lecture, la majorité sénatoriale a supprimé les mesures
relatives à la discrimination du fait des moeurs.
Aujourd'hui, quatorze ans se sont écoulés. Le moment n'est-il pas venu, pour
la majorité sénatoriale, de prendre conscience que chacune de ses attitudes ne
peut être interprétée que comme un rejet, même inavoué ? De quoi ? Du choix de
vie homosexuel, des moeurs des uns et des autres ! Il s'agit d'une affaire
privée !
Certains membres - et parmi les plus éminents - de la majorité sénatoriale
s'étonneront après de ce que l'on écrit au sujet de cet attachement
insurmontable aux traditions les plus conservatrices. Les temps ont changé, la
société a changé ! Le climat homophobe que j'évoquais tout à l'heure s'est
dissipé. En effet, les années ont passé et, face à l'épreuve du sida, la
communauté homosexuelle a fait preuve de beaucoup de courage et de dignité.
Que demandons-nous, à la faveur de ces cinq mots : « quel que soit leur sexe
», sinon traduire simplement dans la loi la réalité ? Il existe des concubins
hétérosexuels, et c'est la grande majorité. Il existe également un concubinage
homosexuel, et il est temps de le reconnaître
expressis verbi
. Vos
hésitations ne servent à rien, sauf à laisser entendre que l'on se résigne à
cette reconnaissance du concubinage homosexuel, je dirais presque contre son
sentiment profond.
Comme je ne veux pas croire que telle est la volonté de la majorité du Sénat,
le moment est venu pour elle de tourner la page. Voilà des siècles que cela
dure ! Ceux qui ont étudié la répression de l'homosexualité dans les pays
occidentaux le savent : au départ, cela n'a été que supplices, sanctions,
peines, exclusions et humiliations.
M. le président.
Mon cher collègue, je vous demande de conclure.
M. Robert Badinter.
Je conclus, monsieur le président !
Ces cinq mots font toute la différence ! En ne les mentionnant pas, vous
maintenez l'attitude que vous avez jadis adoptée, et je le regrette
profondément.
Aujourd'hui, j'en suis convaincu, il n'est pas possible, compte tenu de
l'évolution de la société, de ne pas reconnaître l'existence du concubinage
homosexuel. Pour ce faire, il convient évidemment d'inscrire dans le code civil
le concubinage lui-même, car on ne peut proclamer la reconnaissance de l'un
sans reconnaître le phénomène dans son entier.
Il est temps ! Contraints par la force des choses, vous le faites, mais avec
une réserve qui enlève à cette démarche de sa force symbolique, et je le
regrette pour vous.
(Vifs applaudissements sur les travées socialistes, sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
J'ai écouté avec une grande attention les propos de M.
Badinter.
Aucun député, aucun membre du Gouvernement, je le rappelle, n'a voulu inscrire
le concubinage dans le code civil.
M. Alain Gournac.
Tiens donc !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Aucun d'entre eux n'a vu le problème que nous avons
soulevé.
M. Robert Badinter.
Le groupe socialiste du Sénat dans son entier l'a bien vu, je peux vous
l'assurer !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
En l'occurrence, je parle de l'Assemblée nationale !
J'ai dit et répété tout au long de ce débat que la rédaction que nous
proposons englobe bien les couples homosexuels et les couples hétérosexuels.
(Exclamations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen.)
Mme Nicole Borvo.
Eh bien, dites-le !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Nous respectons la rédaction du code civil et n'y
introduisons pas de redondance. Si la Cour de cassation avait la mauvaise idée
de poursuivre dans la mauvaise voie, Mme le ministre aurait toujours la
possibilité de former un recours dans l'intérêt de la loi, afin que la Cour de
cassation respecte l'interprétation que nous donnons tous aujourd'hui à ce
texte.
M. Claude Estier.
Il serait plus simple d'accepter notre amendement !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Il ne sert à rien !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3 rectifié.
M. Dominique Braye.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye.
Mon intervention concerne l'amendement n° 56.
La définition qui nous est proposée par la commission des lois pour le
concubinage est tout simplement la reconnaissance juridique de l'état de deux
êtres qui vivent en couple hors mariage.
Cette définition est parfaitement claire, tout en étant suffisamment large
pour qu'il ne soit pas besoin de l'affaiblir ou de la galvauder par
l'adjonction superfétatoire de précisions inutiles.
Aussi suis-je en désaccord avec l'amendement n° 56 de nos collègues, qui
souhaitent ajouter à la définition du concubinage, celle de deux êtres vivant
en couple hors mariage, l'expression : « quel que soit leur sexe ». La langue
française est suffisamment précise et la définition proposée suffisamment nette
pour que l'on comprenne sans erreur possible que sont visés tous les individus,
quel que soit leur sexe.
Si nous devions nous engager sur cette voie hasardeuse de la précision
inutile...
M. Claude Estier.
Vous l'avez fait ce matin pour le mariage !
M. Nicolas About.
Et vous, vous avez été contre !
M. Emmanuel Hamel.
Le mariage, c'est le mariage !
M. Dominique Braye.
Vous pratiquez l'amalgame ! Nous souhaitons précisément que, s'agissant du
mariage, il soit bien spécifié qu'il s'agit de deux êtres de sexe différent.
M. Claude Estier.
Cela allait de soi ! Il était inutile de le préciser !
M. Dominique Braye.
Cela n'allait pas de soi et nous vous l'avons dit ! Il est des pays - à trois
cent cinquante kilomètres de chez nous ! - où les mariages homosexuels sont
authentifiés !
M. Claude Estier.
On est en France !
M. Jean Chérioux.
Mais nous allons vers l'Europe !
M. Dominique Braye.
Si nous devions nous engager sur cette voie hasardeuse de la précision
inutile, nous devrions alors être certains de n'oublier personne et, dès lors,
il nous faudrait également préciser : deux êtres vivant en couple, « quelle que
soit leur race », « quelle que soit leur nationalité », « quelle que soit leur
langue »...
(Exclamations sur les travées socialistes)...
et, pourquoi
pas ? « quels que soient leur taille, leur poids et la couleur de leurs yeux »
!
(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Mes chers collègues, la précision choisie est celle qui est la plus opportune,
politiquement et médiatiquement, à un moment donné.
A vouloir trop en faire, on en viendrait à dénaturer la définition claire et
simple du concubinage, à savoir deux êtres vivant en couple hors mariage,
définition compréhensible par tous. Cette définition ne comporte aucune
exclusive ; c'est même sa principale qualité. Alors, pourquoi faire comme si
elle en sous-entendait ?
De grâce, n'ajoutons pas de confusion là où il n'y en a pas ! Ne soyons pas
redondants ; ce serait au détriment de la clarté. Pourquoi céderions-nous sur
ce point, si ce n'est pour complaire à des catégories de population...
M. Jean-Luc Mélenchon.
Ah !
M. Dominique Braye.
... dont le choix de vie ne concerne que leurs membres, lesquels recherchent
surtout, pour une minorité d'entre eux, outre la reconnaissance légitime de
certains droits que nous leur donnons aujourd'hui, la reconnaissance publique
de leur choix de vie privée ?
M. Jean-Luc Mélenchon.
Et alors ?
M. Dominique Braye.
Or, et c'est une lapalissade, monsieur Mélenchon, la vie privée doit rester du
domaine privé.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Tout à fait !
M. Claude Estier.
C'est redondant !
M. Dominique Braye.
Il ne me paraît ni sage ni opportun de céder à tout bout de champ à tous les
particularismes et communautarismes. C'est ainsi que l'on sape petit à petit
nos principes républicains et notre cohésion sociale.
Mme Nicole Borvo.
Oh !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Dominique Braye.
Le législateur doit seulement, mais c'est fondamental, reconnaître à toute
personne le droit de vivre en couple avec la personne de son choix et lui
garantir certains droits afférents que commandent le bon sens et l'équité.
Ainsi, deux personnes de sexe différent ont le choix, pour vivre en couple,
entre mariage et concubinage. En revanche, deux personnes de même sexe ne
peuvent que vivre en concubinage, puisqu'elles n'ont pas accès au mariage et
puisque nous rejetons le PACS.
Il n'est donc pas besoin d'aller au-delà de ce qui est évident et clair. Aussi
ne voterai-je pas cet amendement, de même que la quasi-totalité de mes
collègues du groupe du RPR, car, selon nous, il n'apporte rien, ni au plan de
la clarté rédactionnelle ni au plan juridique.
Nous sommes persuadés que l'adoption de cet amendement serait très
préjudiciable à la lisibilité de la définition proposée par la commission des
lois et, plus encore, qu'il serait nuisible à la cohérence de la position que
la majorité sénatoriale entend défendre par rapport à cette proposition de loi.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
Mon cher collègue, vous êtes intervenu sur l'amendement n° 56, alors que nous
en sommes aux explications de vote sur l'amendement n° 3 rectifié.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Je voterai l'amendement présenté par la commission des lois. Toutefois, je
souhaite dire à notre collègue Robert Badinter que je suis étonné des propos
qu'il a tenus. Je ne parle pas de ceux qui concernent sa vision des attitudes
de la majorité sénatoriale au cours des années passées. Non, ce qui m'a
surpris, de la part d'un fin juriste, c'est qu'il nous dise qu'il est
absolument nécessaire d'écrire explicitement dans le texte de loi que le
concubinage peut être homosexuel ou hétérosexuel, sans quoi la Cour de
cassation ne sera pas conduite à modifier sa jurisprudence.
Certes, je n'ai pas les connaissances juridiques du professeur qu'il a été,
mais j'ai toujours cru que les travaux préparatoires étaient de première
importance pour l'élaboration de la jurisprudence. Or, et M. Badinter a bien
voulu le reconnaître, M. le rapporteur a insisté sur le fait que,
effectivement, dans son esprit, ce texte s'appliquait tant aux homosexuels
qu'aux hétérosexuels. Je ne vois donc pas pourquoi il serait nécessaire de le
préciser dans la loi. En effet, si les travaux parlementaires font foi de la
volonté des assemblées, la Cour de cassation sera amenée à suivre la décision
du législateur. Dans le cas contraire, comme l'a indiqué très justement M. le
rapporteur, le garde des sceaux pourrait éventuellement la rappeler à
l'ordre.
M. Robert Badinter.
Rappeler à l'ordre la Cour de cassation ?
M. René-Pierre Signé.
Et la séparation des pouvoirs !
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Le groupe de l'Union centriste est favorable à l'amendement n° 3 rectifié
présenté par la commission, à quelques exceptions près.
Nous avons bien dit que le concubinage ou l'union libre - juridiquement, le
concubinage est plus précis - est un état de fait qui entraîne des conséquences
juridiques.
Ce matin, a été donnée une définition du mariage, sans doute pas parfaite et
pouvant être améliorée : il s'agit de l'union d'un homme et d'une femme.
Aujourd'hui, le concubinage fait référence à deux personnes. Comme la Cour de
cassation se réfère au mariage pour déterminer les conditions du concubinage,
les termes n'étant pas les mêmes, il ne semble pas que la confusion soit
possible.
A l'évidence, la volonté du législateur est de permettre aux personnes de même
sexe de vivre en concubinage. Cette précision aurait pu être apportée. Mais il
paraît qu'il ne faut pas alourdir les textes et que le code civil doit être le
plus concis possible.
M. Jean Chérioux.
Le mieux écrit possible !
M. Claude Estier.
Il ne s'agit que de cinq mots !
M. Jean Chérioux.
Mais ils sont lourds de sens !
M. Jean-Jacques Hyest.
Par conséquent, il convient d'être tout à fait clair : la volonté de ceux qui
voteront l'amendement de la commission est d'ouvrir aux couples homosexuels la
possibilité de vivre en concubinage et d'être reconnus comme tels, ce qui
n'était pas admis par la jurisprudence jusqu'à présent. C'est la condition,
bien entendu, pour que la plupart d'entre nous votent cet amendement.
Un certain nombre de nos collègues, vous l'avez entendu, pensent que cette
évolution n'est pas souhaitable ; c'est leur droit. Ils estiment que cette
ouverture du concubinage remet en cause les institutions. Cette position a une
logique, une cohérence. Cependant, la majorité du groupe de l'Union centriste
votera l'amendement n° 3 rectifié de la commission des lois.
M. Jean Chérioux.
Ce n'est pas une reconnaissance, c'est un fait !
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
M. Badinter, au nom du groupe socialiste, a bien expliqué notre position ; il
l'a fait avec talent mais également, chacun l'a bien compris, avec conviction,
avec émotion dirai-je même.
Il est vrai qu'une discrimination, quelle qu'elle soit, atteint chacun d'entre
nous, chaque citoyen. Quand on discrimine un citoyen, ce sont les citoyens dans
leur ensemble qui sont discriminés, et cela n'est plus tolérable.
Je reviens au texte proposé par M. Gélard.
Vous refusez d'inscrire explicitement ce que vous prétendez admettre. La
jurisprudence changera, dites-vous. Au regard de la formulation, nous n'en
sommes absolument pas persuadés. Un orateur vient d'affirmer que les travaux
parlementaires éclaireront les juges de la Cour de cassation. Cela signifie,
jurisprudence ne valant pas loi, que chaque fois qu'il y aura discrimination la
personne ou le couple concerné devra, pour faire reconnaître ses droits, saisir
les tribunaux et attendre une quelconque jurisprudence de la Cour de cassation,
ce qui pourra prendre des années.
M. Jacques Mahéas.
Absolument !
Mme Dinah Derycke.
Et cela se reproduira pour chaque couple, puisqu'il ne s'agit pas d'une loi.
Je tenais à attirer votre attention sur ce point, mes chers collègues.
Pour notre part, nous voulons que soient inscrits dans l'amendement proposé
par M. Gélard les cinq mots : « quel que soit leur sexe ». C'est un préalable,
qui est incontournable.
Par ailleurs, notre amendement n° 56 n'évoque pas le texte proposé pour les
articles 310-2 et 310-3 du code civil. Mme la garde des sceaux a expliqué
pourquoi. En effet, à vouloir définir à ce point le concubinage, vous allez, là
aussi, avec un acte de notoriété qui n'est possible que pour certains couples
concubins, et donc pas pour d'autres, créer encore des catégories différentes
de personnes et les discriminer.
Des jeunes gens, essentiellement des filles, vivent en concubinage ; il existe
- on le sait bien - des couples dont l'un des partenaires ou les deux sont
mariés par ailleurs. Puisque, en l'occurrence, la délivrance d'un acte de
notoriété est impossible, vous allez discriminer les personnes concernées.
Dans notre amendement n° 56, nous n'avons pas évoqué ces deux dispositions.
Aussi, nous sommes dans l'impossibilité - puisque, semble-t-il, il n'y aura pas
de vote par division - de sous-amender le texte proposé pour l'article 310-1 du
code civil afin d'ajouter les cinq mots que nous souhaitons introduire. Or, le
fait de se prononcer sur cette formulation aurait le mérite de clarifier bien
des positions.
Je suis étonnée de constater le subit entichement de la droite sénatoriale
pour le concubinage. Le rapport de Mme Codaccioni, alors ministre de la
solidarité entre les générations, qui portait en exergue les mots : « Que le
fruit de vos entrailles soit béni », précisait que le mariage était en péril
dans notre pays, ne séduisait plus suffisamment les jeunes, parce qu'il y avait
trop de concubins. La solution, selon ce rapport, consistait à supprimer les
avantages dont bénéficent les concubins afin de les inciter à se marier. Des
mesures avaient commencé d'être prises - fort heureusement, une décision en
1997 a arrêté ce processus - pour réduire les droits des concubins.
Cet entichement subit pour le concubinage masque donc bien votre refus du
PACS,...
M. Dominique Braye.
On ne le cache pas !
Mme Dinah Derycke.
... mais vous n'arrivez pas à dire les mots dont on sent bien qu'ils vous
brûlent : pas de discrimination pour les homosexuels ; reconnaissons-les
enfin.
Nous ne pouvons adopter votre texte en l'état, sauf si vous acceptiez un vote
par division et si nous votons sur l'essentiel car tel est le coeur du
débat,...
M. Dominique Braye.
On n'est pas d'accord !
Mme Dinah Derycke.
... c'est-à-dire sur les cinq mots que vous refusez non pas au groupe
socialiste, mais à l'ensemble des couples homosexuels de ce pays.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen. - M. Pelletier applaudit également.)
M. Dominique Braye.
Ces cinq mots n'apportent rien !
M. Denis Badré.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, M.
Jean-Jacques Hyest a indiqué voilà un instant que le vote de notre groupe
souffrirait quelques exceptions : c'est à ce titre que je m'exprime.
Notre propos n'est pas, bien entendu, de récrire le code civil. Ce matin, nous
avons beaucoup et bien dit, à l'occasion de la discussion de l'amendement n° 2
et sur l'opportunité de donner une définition du mariage, que ce code est bien
rédigé en l'état et que nous devons le considérer avec respect et
circonspection. D'ailleurs, nous le vérifions chaque fois qu'il nous est donné
d'en relire les articles 212 à 215. Nous les admirons beaucoup et il est, je
crois, très difficile de les modifier.
Nous voulons, je pense, et c'est l'objet de notre débat, surtout trouver de
bonnes solutions à de vrais problèmes, en veillant bien sûr, au passage, à ne
pas créer de faux problèmes, auxquels nous aurions alors bien du mal à trouver
de bonnes solutions.
Ce matin, M. Lambert a très clairement présenté notre amendement n° 31, qui,
je le répète, est loin d'être anecdotique.
Dans notre assemblée siègent de nombreux maires. Nous connaissons leurs
charges et leurs responsabilités. Elles sont, selon moi, de deux natures.
Tout d'abord, nous gérons au quotidien nombre de difficultés de nos
concitoyens, dans le respect de chaque situation, animés par le seul souci de
soulager des misères et, le plus souvent, de traiter en équité les vrais
problèmes que rencontre tel ou tel d'entre eux.
Au-delà de cette gestion au quotidien, nous exerçons une responsabilité de
nature très différente, en participant à la construction de la société, donc en
soutenant tout ce qui créé du lien social.
C'est de manière éminente ce que nous faisons lorsque nous nous marions,
puisque nous sommes alors dans le domaine où se tissent les liens sociaux les
plus forts, en consacrant des engagements publics, libres et durables unissant
les membres d'un couple qui proclament leur choix de respecter ensemble un
certain nombre de devoirs et de participer à la préparation de l'avenir.
Madame le ministre, si je vous ai bien compris, vous souhaitez plutôt
conforter le rôle qu'exercent les maires en préparant ainsi l'avenir de la
société, en la construisant au jour le jour.
Monsieur le rapporteur, si je vous ai bien suivi, vous souhaitez conforter les
maires dans le rôle ingrat, difficile et sensible qui est le leur lorsqu'ils
essaient, jour après jour, de résoudre les problèmes qui se posent
quotidiennement.
Dans ce contexte, mes chers collègues, si nous souhaitons faire du bon
travail, si nous voulons que les maires aient une attitude claire et efficace,
nous devons continuer à distinguer clairement ces deux types de
responsabilité.
Le positionnement dans le code civil de l'amendement que nous examinons
actuellement n'est donc pas du tout neutre. A mon sens, il s'agit bien, au
contraire, d'une question centrale. Il nous faut, mes chers collègues, être
très clairs dans un débat qui, jusqu'à présent, ne l'a pas toujours été.
Nous devons veiller, bien sûr, à ne pas introduire de nouveaux biais, de
nouveaux défauts, à ne pas provoquer des effets d'aubaine, des opportunités de
fraude, etc. Je pense que nous nous accordons tous sur ce point. Mais au-delà,
nous devons veiller à avoir une vraie réflexion sur le fond.
C'est pourquoi, monsieur le rapporteur, vous l'aurez compris, les auteurs de
l'amendement n° 31, tout en comprenant la démarche de la commission, ne peuvent
immédiatement et d'emblée vous rejoindre.
(Applaudissements sur certaines travées de l'Union centriste. - M. Pelletier
applaudit également.)
M. Jean-Pierre Fourcade.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je n'ai pu
assister ce matin au débat parce que je procédais à un mariage.
Comme la plupart des membres de mon groupe, je soutiendrai l'amendement n° 3
rectifié. Le travail de la commission des lois est tout à fait sérieux et il
correspond aux exigences de l'actualité, puisque, tout à l'heure, M. Badinter
nous a demandé de tenir compte de la réalité. Souvent, les maires connaissent
mieux la réalité que nombre d'éminents professeurs qui ne voient pas ce qui se
passe concrètement.
Le fait d'avoir institué le concubinage dans le code civil et de réserver
l'acte de notoriété aux concubins majeurs et célibataires, de leur permettre de
régler leurs problèmes pécuniaires et patrimoniaux et d'organiser leur vie
commune par un acte authentique ou sous seing privé correspond exactement à ce
qui nous est demandé, à nous, hommes de terrain.
Alors se pose le problème de l'ajout, ou non dans cet amendement des cinq mots
proposés par les membres du groupe socialiste. Selon M. le rapporteur et M. le
président de la commission, ces cinq mots ne sont pas nécessaires puisque, par
opposition à ce qui a été voté ce matin sur le mariage, qui est l'union d'un
homme et d'une femme, la définition du concubinage est beaucoup plus large. Je
regrette que M. Badinter ne soit pas présent en cet instant.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Il est parti chercher des munitions.
(Sourires.)
M. Jean-Pierre Fourcade.
La vraie question qui nous est posée, dans nos permanences, au cours de nos
réunions et au sein de nos assemblées, n'est pas de savoir s'il convient
d'inscrire le concubinage dans le code civil ou si nous devons autoriser les
couples homosexuels à avoir une vie commune, mais de savoir si nous allons
permettre aux couples homosexuels d'adopter des enfants ou, lorsqu'il s'agit de
femmes, de recourir à la procréation médicalement assistée. Telle est la
véritable question qui est posée !
(MM. Braye et Chérioux applaudissent. - Exclamations sur les travées
socialistes.)
M. Jean-Pierre Fourcade.
On nous pose toujours cette question ! Dans ma commune, j'ai organisé un débat
avec M. Michel, et c'est bien ce qui a été dit.
M. Alain Gournac.
Ils nous l'ont dit !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Ou bien on s'en tient au texte de la commission tel qu'il est, et c'est, pour
ma part, ce que je ferai.
M. Alain Gournac.
Moi aussi !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Ou bien, si l'on ajoute les mots « quel que soit leur sexe », il faut inscrire
dans le même texte l'interdiction absolue de l'adoption et de la procréation
médicalement assistée pour les couples homosexuels. En effet, l'un ne peut pas
aller sans l'autre.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Nous serons jugés sur ce point. C'est la raison pour laquelle je voterai
l'amendement n° 3 rectifié.
(Bravo ! et applaudissements sur plusieurs
travées du RPR.)
M. Nicolas About.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. About.
M. Nicolas About.
Je suis troublé, parce que ces cinq mots correspondent à l'amendement que
j'avais déposé en commission, qui a été rejeté et qui est repris
aujourd'hui.
J'ai certainement eu tort de vouloir insérer ces mots à cet endroit car, en
fin de compte, l'article 310-1 du code civil mentionne simplement un constat de
fait : « Le concubinage est le fait pour deux personnes de vivre en couple sans
être unies par le mariage. » Or, un fait n'intègre pas obligatoirement une
distinction. Il n'en va pas nécessairement de même pour la délivrance de l'acte
de notoriété, qui doit certainement poser de temps en temps des problèmes de
recours. En effet, s'agissant de l'acte de notoriété, ont été précisé les
conditions de délivrance et les bénéficiaires.
Un acte de notoriété peut être délivré aux concubins majeurs et célibataires,
et c'est là, selon moi, que pouvaient trouver place les mots « quel que soit
leur sexe ». En effet, il s'agissait alors de l'une des conditions
d'attribution de l'acte de notoriété. Cet emplacement était meilleur.
J'aurai pu me rallier à un sous-amendement sur ce point, mais puisqu'il n'est
pas proposé, je voterai l'amendement de la commission, car M. Gélard, qui a
fait un travail exemplaire, a su répondre très largement au problème posé.
M. Dominique Braye.
Très bien !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Chers collègues de la majorité sénatoriale, je ne suis nullement surpris de la
tournure que prend le débat. Vous voilà pris une nouvelle fois à revers dans
l'inconfort de la ligne d'argumentation que vous défendez depuis deux jours.
M. Dominique Braye.
Mais non !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Mais si !
Vous avez craint avant tout de donner le sentiment que vous vous opposiez à
cette ouverture d'esprit et à cet acte de justice que représente le PACS.
M. Jean Chérioux.
Dans votre esprit !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Donc, vous brodez pour tâcher de masquer le fait que, néanmoins, c'est bien ce
que vous avez l'intention de faire.
Je l'ai dit ce matin : vous jouez le rôle de ceux qui veulent bien la chose
mais ne voudraient pas le mot. Or on ne peut avoir la chose sans le mot.
Une nouvelle fois, vous allez, par un amendement, créer plus de confusion que
vous ne réglez de problèmes. Vous allez créer une discrimination là où il n'y
en avait pas.
Puisqu'on se flattait tout à l'heure d'exemples concrets, écoutez celui-ci,
mon cher collègue : si l'amendement n° 3 rectifié est adopté, l'agent communal
recevant une demande de certificat de concubinage d'une jeune fille mineure
enceinte ne pourra plus le lui donner dans la mesure où ce texte prévoit qu'«
un acte de notoriété peut être délivré aux concubins majeurs et célibataires »
! Par conséquent, je ne peux pas croire que cela puisse vous convenir.
Une nouvelle fois, le dispositif proposé est un leurre, qu'il ne faut donc pas
prendre plus au sérieux que cela, sauf naturellement en ce qui concerne les
conséquences, qu'a tout à l'heure magnifiquement expliquées mon collègue M.
Badinter. En effet, si l'amendement n° 3 rectifié est adopté, vous aurez créé
une nouvelle discrimination ! Voilà ce que vous aurez fait !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Non !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Non seulement vous n'aurez réglé aucun des problèmes que nous posons, mais
vous aurez créé des discriminations supplémentaires !
Vous êtes à contrepied de votre propre argumentation de ce matin. Vous vouliez
à tout prix préciser que le mariage, que personne ne mettait en cause, devait
être marqué par son caractère hétérosexuel. Et à cette heure-ci, où il s'agit
de préciser qui est concubin, vous ne voulez plus entendre parler de sexe,
sinon de celui des anges, puisqu'il ne peut pas être déterminé ! Voilà où nous
en sommes !
M. Dominique Braye.
Ce sont des effets de manche !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Non, ce ne sont pas des effets de manche ! Je vous parle de choses très
concrètes, de la vie quotidienne.
Vous vous démasquez ! Vous ne voulez pas du PACS !
MM. Dominique Braye, Jean Chérioux et Alain Gournac.
Non, nous n'en voulons pas, c'est vrai !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Nous l'avons bien compris !
Vous ne voulez pas du PACS, disais-je, et, par conséquent, vous faites
semblant de lui préférer le concubinage ! Vous faites une ouverture en voulant
le faire entrer dans le code civil, laissant entendre que, en même temps,
serait réglé le problème des homosexuels.
A l'instant où vous êtes au pied du mur, où il s'agit du concubinage
homosexuel, alors, là, vous acceptez le concubinage, mais refusez de parler des
homosexuels, laissant à d'autres le soin de trancher au cas par cas la question
de savoir si tel ou tel certificat de concubinage conclu entre des homosexuels
serait validé ou non. Voilà le mécanisme de l'hypocrisie qui est à l'oeuvre
!
Mais ce mécanisme va se retourner contre vous ! En effet, comme vous l'avez
dit vous-même au début de notre discussion, le texte adopté par le Sénat sera
transmis à l'Assemblée nationale, laquelle pourra retourner contre vous et
contre vos amis qui siègent en son sein le piège que vous vous êtes tendu à
vous-mêmes.
En effet, nous aurons comme bénéfice subsidiaire de la révolution culturelle
que nous sommes en train de vous imposer que cet antre de la réaction qu'est
cette assemblée aura accepté l'idée que le concubinage puisse entrer dans le
code civil !
Croyez bien que mes collègues de tous les groupes de gauche, à l'Assemblée
nationale, vont se précipiter, au nom de vos arguments,...
M. Alain Gournac.
Tant mieux pour eux !
M. Jean-Luc Mélenchon.
... pour que, en plus du PACS, soit introduit dans le code civil le
concubinage, tant hétérosexuel qu'homosexuel, et ce sera bien fait !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Réjouissez-vous !
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est la peine de vos hypocrisies !
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen. - Vives exclamations sur les travées
du RPR.)
M. Dominique Braye.
Vous l'auriez fait sans nous !
M. Alain Gournac.
Ce n'est pas à l'Assemblée nationale de nous dire ce que nous devons faire ici
!
M. Emmanuel Hamel.
Quelle décadence !
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Sur le fond de l'amendement n° 3 rectifié, je ne vais pas répéter plus mal ce
qu'a dit excellemment M. Robert Badinter, que nous aurions tous intérêt à
écouter.
Chers collègues de la majorité, vous vous enfermez vraiment dans vos
contradictions !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Eh non ! Il n'y a pas de contradictions !
Mme Nicole Borvo.
La loi doit être précise, avez-vous dit. Et vous refusez le PACS sous prétexte
qu'il constituerait une véritable usine à gaz. Or, nous constatons maintenant
que vous construisez vous-même une usine à gaz pour vous opposer au PACS : vous
modifiez le mariage et vous insérez le concubinage qui, de votre propre aveu,
est le plus petit commun dénominateur sur lequel vous pouvez vous mettre
d'accord. Ce faisant, vous créez de nouvelles difficultés !
Depuis hier, vous vous opposez au PACS qui, selon vous, créerait des
imbroglios juridiques ; mais en revanche, avec la sagesse qui caractérise la
majorité sénatoriale,...
M. Alain Gournac.
Vous avez raison !
M. Jean Chérioux.
Tout à fait !
Mme Nicole Borvo.
... vous voulez créer une catégorie juridique tout à fait précise et
applicable.
Il faut que soit clairement exprimé votre refus de la reconnaissance du couple
homosexuel !
M. Alain Gournac.
C'est faux !
M. Robert Bret.
Même le mot vous fait peur !
Mme Nicole Borvo.
Il faut que ce soit dit ! Vous vous êtes répandus dans la presse pour
expliquer que l'Assemblée nationale avait fabriqué une usine à gaz. Il faut
donc que soit dit clairement ici que vous refusez le PACS parce que vous
refusez la reconnaissance du couple homosexuel, et que vous vous mettez
d'accord sur le plus petit dénominateur commun, l'évocation du concubinage, en
courant le risque de compliquer encore la jurisprudence.
Cela dit, je souscris à l'amendement n° 56 qui permet - nous avions d'ailleurs
déposé un sous-amendement dans ce sens - de reconnaître que le concubinage
s'applique aux couples homosexuels et hétérosexuels.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Alain Lambert.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lambert.
M. Alain Lambert.
Si j'interprète bien notre règlement, l'adoption de l'amendement n° 3 rectifié
fera devenir sans objet les autres amendements. Cela me conduit à m'expliquer
sur la position responsable qu'il nous faut prendre.
Tout d'abord, la réponse que Mme le garde des sceaux nous a donnée tout à
l'heure nous éclaire, du point de vue juridique, sur la situation qui résultera
du PACS, si ce dernier est adopté en dernière lecture.
Si je ne déforme pas vos propos, madame le garde des sceaux, les personnes
vivant en couple pourront choisir entre trois régimes juridiques différents :
le mariage, le PACS et l'union libre.
(Mme le garde des sceaux fait un signe d'assentiment.)
J'ai cru également discerner dans vos réponses que le cadre juridique du
PACS ne souffrira aucune introduction de convention répondant aux besoins
spécifiques et propres de ceux qui le signeront.
Il est important pour les juristes de savoir que la réponse de Mme le garde
des sceaux rend en quelque sorte d'ordre public toutes les dispositions du
PACS,...
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Alain Lambert.
... et que, hors le contenu du PACS, aucune convention ne sera possible. Cela
doit être connu de ceux qui le signeront.
J'attends naturellement que Mme le garde des sceaux me dise si j'ai mal
interprété ses propos. Elle a estimé que l'adoption de l'amendement n° 31
ferait courir le risque de l'introduction, par les signataires, de conventions
s'apparentant, au fond, à des conventions matrimoniales. Mais cela se fait tous
les jours, madame le garde des sceaux !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Exactement !
M. Alain Lambert.
En effet, certaines personnes ayant choisi de partager une vie rédigent des
conventions qui s'apparentent à celles que le législateur a proposées à ceux
qui se marient. Et ces contrats sont naturellement bornés par l'ordre public et
les bonnes moeurs, comme nous le savons tous.
Mais, madame le garde des sceaux, vous ne pouvez pas nous laisser dans cet
embarras juridique : avec la réponse que vous venez de nous donner, nous
n'allons plus savoir si cela demeure possible ! Vous ne pouvez pas nous laisser
dans cette espèce d'insécurité juridique qui va plonger les juristes dans une
perplexité dramatique et qui peut susciter des contentieux juridiques
importants. Et croyez bien que ma question n'est empreinte ni d'idéologie ni de
mauvaise volonté, mais simplement du souci d'éclairer le législateur et tous
ceux qui ont mission d'appliquer la loi. Dois-je comprendre que le fait que
notre collègue Robert Badinter nous propose cet amendement visant à introduire
dans le code civil la définition du concubinage signifie qu'il se rallie à la
construction juridique du Sénat ?
(Sourires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Oui, bonne question !
M. Alain Lambert.
Estimez-vous, mon cher collègue, que l'Assemblée nationale a oublié de prévoir
une telle définition et qu'il faut combler ce vide en insérant dans le texte la
rédaction que vous nous proposez ? Ou considérez-vous, avec les qualités de
juriste que nous vous connaissons, que le « monstre » - le mot n'est pas
délicat, disons plutôt « la construction à parfaire » - de l'Assemblée
nationale mérite tellement d'améliorations qu'il vaudrait mieux, finalement, se
rallier à la proposition de la commission des lois ?
Si telle était, fondée sur votre conviction de juriste, votre intention, il
serait utile de le dire au Sénat, car nous pourrions alors en débattre plus
avant et peut-être aboutir, à terme, à un texte reprenant la rédaction proposée
par la commission des lois qui soit commun au Sénat et à l'Assemblée
nationale.
S'agissant enfin de l'amendement n° 31, la délicatesse dont M. le rapporteur a
fait preuve en exprimant son avis défavorable m'oblige naturellement à être
tout aussi délicat. M. le rapporteur m'a indiqué qu'il existe peu de
différences entre ma proposition et celle de la commission. Si cela est vrai,
l'insertion n'est cependant pas la même, ne pouvant accepter celle qu'il a
choisie, je ne voterai pas l'amendement n° 3 rectifié de la commission.
(Applaudissements sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
lois.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le
résultat du dépouillement du scrutin n°
85:
Nombre de votants | 312 |
Nombre de suffrages exprimés | 309 |
Majorité absolue des suffrages | 155 |
Pour l'adoption | 192 |
Contre |
117 |
M. Claude Estier. On a fait un grand progrès ! (Sourires.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 1er, et les amendements n°s 56 et 31 n'ont plus d'objet.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. _ Le livre Ier du code civil est complété par un titre XII ainsi
rédigé :
« TITRE XII
« DU PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ
«
Art. 515-1
. _ Un pacte civil de solidarité peut être conclu par deux
personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser
leur vie commune.
«
Art. 515-2
. _ A peine de nullité, il ne peut y avoir de pacte civil
de solidarité :
« 1° Entre ascendant et descendant en ligne directe, entre alliés en ligne
directe et entre collatéraux jusqu'au troisième degré inclus ;
« 2° Entre deux personnes dont l'une au moins est engagée dans les liens du
mariage ;
« 3° Entre deux personnes dont l'une au moins est déjà liée par un pacte civil
de solidarité.
«
Art. 515-3
. _ Deux personnes qui décident de conclure un pacte civil
de solidarité doivent établir une déclaration écrite conjointe organisant leur
vie commune.
« A peine de nullité, elles doivent la remettre au greffe du tribunal
d'instance dans le ressort duquel elles fixent leur résidence, en y annexant
une copie de leur acte de naissance et un certificat du greffe du tribunal
d'instance de leur lieu de naissance ou, en cas de naissance à l'étranger, du
greffe du tribunal de grande instance de Paris attestant qu'elles ne sont pas
déjà liées par un pacte.
« Le greffier inscrit cette déclaration sur un registre et en assure la
conservation.
« Il fait porter mention de la déclaration sur un registre tenu au greffe du
tribunal d'instance du lieu de naissance de chaque partenaire ou, en cas de
naissance à l'étranger, au greffe du tribunal de grande instance de Paris.
« L'inscription sur le registre du lieu de résidence confère date certaine au
pacte.
« Les modifications du pacte font l'objet d'un dépôt, d'une inscription et
d'une conservation au greffe du tribunal d'instance qui a reçu l'acte
initial.
« A l'étranger, la réception, l'inscription et la conservation du pacte, liant
deux partenaires dont l'un au moins est de nationalité française, sont assurées
par les agents diplomatiques et consulaires français. Le dépôt, l'inscription
et la conservation des modifications du pacte sont également assurés par ces
agents.
«
Art. 515-4
. _ Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité
s'apportent une aide mutuelle et matérielle. Les modalités de cette aide sont
fixées par le pacte.
« Les partenaires sont tenus solidairement à l'égard des tiers des dettes
contractées par l'un d'eux pour les besoins de la vie courante.
«
Art. 515-5
. _ A défaut de stipulations contraires de l'acte
d'acquisition, les biens des partenaires acquis à titre onéreux postérieurement
à la conclusion du pacte sont soumis au régime de l'indivision. Les biens dont
la date d'acquisition ne peut être établie sont également soumis au régime de
l'indivision.
«
Art. 515-6
. _ Les dispositions des articles 832 à 832-4 sont
applicables en cas de dissolution du pacte civil de solidarité.
«
Art. 515-7
. _
Supprimé
.
«
Art. 515-8
. _ Lorsque les partenaires décident d'un commun accord de
mettre fin au pacte civil de solidarité, ils remettent une déclaration
conjointe écrite au greffe du tribunal d'instance dans le ressort duquel l'un
d'entre eux au moins a sa résidence. Le greffier inscrit cette déclaration sur
un registre et en assure la conservation.
« Lorsque l'un des partenaires décide de mettre fin au pacte civil de
solidarité, il signifie à l'autre sa décision et adresse copie de cette
signification au greffe du tribunal d'instance qui a reçu l'acte initial.
« Lorsque l'un des partenaires met fin au pacte civil de solidarité en se
mariant, il en informe l'autre par voie de signification et adresse copies de
celle-ci et de son acte de naissance, sur lequel est portée mention du mariage,
au greffe du tribunal d'instance qui a reçu l'acte initial.
« Lorsque le pacte civil de solidarité prend fin par le décès de l'un au moins
des partenaires, le survivant ou tout intéressé adresse copie de l'acte de
décès au greffe du tribunal d'instance qui a reçu l'acte initial.
« Le greffier qui reçoit la déclaration ou les actes prévus aux alinéas
précédents porte ou fait porter mention de la fin du pacte en marge de l'acte
initial. Il fait également procéder à l'inscription de cette mention en marge
du registre prévu au troisième alinéa de l'article 515-3.
« A l'étranger, la réception, l'inscription et la conservation de la
déclaration ou des actes prévus aux quatre premiers alinéas sont assurées par
les agents diplomatiques et consulaires français qui procèdent ou font procéder
également aux mentions prévues à l'alinéa précédent.
« Le pacte civil de solidarité prend fin, selon le cas :
« 1° Dès la mention en marge de l'acte initial de la déclaration conjointe
prévue au premier alinéa ;
« 2° Trois mois après la signification délivrée en application du deuxième
alinéa, sous réserve qu'une copie en ait été portée à la connaissance du
greffier du tribunal désigné à cet alinéa ;
« 3° A la date du mariage ou du décès de l'un des partenaires.
« Les partenaires déterminent eux-mêmes les conséquences que la rupture du
pacte entraîne à leur égard. A défaut d'accord, celles-ci sont réglées par le
juge. »
Sur l'article 1er, je suis saisi de vingt-trois amendements qui peuvent faire
l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 4 est présenté par M. Gélard, au nom de la commission des
lois.
L'amendement n° 32 est déposé par MM. Lorrain, Badré, Machet et Lambert.
Tous deux tendent à supprimer l'article 1er.
Par amendement n° 57 rectifié, Mme Derycke, MM. Bel, Delanoë et les membres du
groupe socialiste et apparentés proposent, dans le texte présenté par l'article
1er pour l'article 515-1 du code civil, après le mot : « majeures », d'insérer
les mots : « non placées sous tutelle ».
Par amendement n° 34, MM. Bret, Duffour, Foucaud, Mme Borvo, M. Fischer, Mme
Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Le Cam, Lefebvre, Mme Luc, MM.
Ralite, Renar et Mme Terrade proposent, dans le deuxième alinéa du texte
présenté par l'article 1er pour l'article 515-3 du code civil, de remplacer les
mots : « au greffe du tribunal d'instance dans le ressort duquel » par les mots
: « à la mairie de la commune dans laquelle ».
Par amendement n° 35, MM. Bret, Duffour, Foucaud, Mme Borvo, M. Fischer, Mme
Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Le Cam, Lefebvre, Mme Luc, MM.
Ralite, Renar et Mme Terrade proposent, au début du troisième alinéa du texte
présenté par l'article 1er pour l'article 515-3 du code civil, de remplacer les
mots : « Le greffier inscrit » par les mots : « Les services de l'état civil
inscrivent ».
Par amendement n° 58 rectifié, Mme Derycke, MM. Bel, Delanoë et les membres du
groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le quatrième
alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 515-3 du code civil
:
« Il transmet à la mairie du lieu de naissance de chacun des partenaires à fin
d'inscription en marge du registre d'état civil. »
Par amendement n° 36, MM. Bret, Duffour, Foucaud, Mme Borvo, M. Fischer, Mme
Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Le Cam, Lefebvre, Mme Luc, MM.
Ralite, Renar et Mme Terrade proposent, dans le quatrième alinéa du texte
présenté par l'article 1er pour l'article 515-3 du code civil, de remplacer les
mots : « au greffe du tribunal d'instance » par les mots : « à la mairie ».
Par amendement n° 37, MM. Bret, Duffour, Foucaud, Mme Borvo, M. Fischer, Mme
Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Le Cam, Lefebvre, Mme Luc, MM.
Ralite, Renar et Mme Terrade proposent, dans le quatrième alinéa du texte
présenté par l'article 1er pour l'article 515-3 du code civil, de remplacer les
mots : « au greffe du tribunal d'instance » par les mots : « à la mairie de
leur résidence ».
Par amendement n° 38, MM. Bret, Duffour, Foucaud, Mme Borvo, M. Fischer, Mme
Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Le Cam, Lefebvre, Mme Luc, MM.
Ralite, Renar et Mme Terrade proposent, dans le sixième alinéa du texte
présenté par l'article 1er pour l'article 515-3 du code civil, de remplacer les
mots : « au greffe du tribunal d'instance » par les mots : « à la mairie ».
Par amendement n° 59 rectifié, Mme Derycke, MM. Bel, Delanoë et les membres du
groupe socialiste et apparentés proposent, à la fin de la première phrase du
premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 515-4 du code
civil, de remplacer les mots : « une aide mutuelle et matérielle » par les mots
: « une aide morale et matérielle ».
Par amendement n° 60 rectifié, Mme Derycke, MM. Bel, Delanoë et les membres du
groupe socialiste et apparentés proposent de compléter
in fine
le second
alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 515-4 du code civil
:
« Les partenaires contribuent aux charges de la vie commune en proportion de
leurs facultés. Toute dette contractée par l'un des partenaires pour les
besoins de la vie commune oblige solidairement l'autre partenaire. Toutefois,
celui-ci n'est pas tenu des dettes excessives eu égard aux ressources des
partenaires. »
Par amendement n° 45 rectifié, MM. Bret, Duffour, Foucaud, Mme Borvo, M.
Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de
rédiger comme suit le texte présenté par l'article 1er pour l'article 515-5 du
code civil :
«
Art. 515-5.
- Les partenaires peuvent déclarer de manière générale,
qu'ils entendent contracter un pacte civil de solidarité sous l'un des régimes
prévus au titre V du livre III du code civil.
« A défaut de stipulations spéciales dérogeant au régime de communauté ou le
modifiant, les règles établies dans la première partie du chapitre II du titre
V du livre III formeront le droit commun des partenaires liés par un pacte
civil de solidarité.
« Les règles prévues au titre V du livre III du présent code s'appliquent aux
partenaires ayant contracté un pacte civil de solidarité. »
Par amendement n° 61 rectifié, Mme Derycke, MM. Bel, Delanoë et les membres du
groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le texte
présenté par l'article 1er pour l'article 515-5 du code civil :
«
Art. 515-5.
- Chaque partenaire peut prouver par tout moyen, tant à
l'égard de l'autre partenaire que des tiers, qu'il a la propriété exclusive
d'un bien.
« Les biens sur lesquels aucun des partenaires ne peut justifier d'une
propriété exclusive sont réputés leur appartenir indivisément. »
Par amendement n° 62 rectifié, Mme Derycke, M. Bel et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent de compléter
in fine
le texte
présenté par l'article 1er pour l'article 515-6 du code civil par les mots
suivants : « pour l'attribution du domicile principal ».
Par amendement n° 39, MM. Bret, Duffour, Foucaud, Mme Borvo, M. Fischer, Mme
Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Le Cam, Lefebvre, Mme Luc, MM.
Ralite, Renar et Mme Terrade proposent, dans la première phrase du premier
alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 515-8 du code civil,
de remplacer les mots : « au greffe du tribunal d'instance dans le ressort
duquel » par les mots : « à la mairie de la commune dans laquelle ».
Par amendement n° 63 rectifié, Mme Derycke, MM. Bel, Delanoë et les membres du
groupe socialiste et apparentés proposent, à la fin de la première phrase du
premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 515-8 du code
civil, de remplacer les mots : « dans le ressort duquel l'un d'entre eux au
moins a sa résidence » par les mots : « dans lequel ils avaient déposé leur
demande initiale ».
Par amendement n° 40, MM. Bret, Duffour, Foucaud, Mme Borvo, M. Fischer, Mme
Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Le Cam, Lefebvre, Mme Luc, MM.
Ralite, Renar et Mme Terrade proposent, au début de la seconde phrase du
premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 515-8 du code
civil, de remplacer les mots : « Le greffier inscrit » par les mots : « Les
services de l'état civil inscrivent ».
Par amendement n° 41, MM. Bret, Duffour, Foucaud, Mme Borvo, M. Fischer, Mme
Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Le Cam, Lefebvre, Mme Luc, MM.
Ralite, Renar et Mme Terrade proposent, dans le deuxième alinéa du texte
présenté par l'article 515-8 du code civil, de remplacer les mots : « au greffe
du tribunal d'instance » par les mots : « à la mairie ».
Par amendement n° 42, MM. Bret, Duffour, Foucaud, Mme Borvo, M. Fischer, Mme
Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Le Cam, Lefebvre, Mme Luc, MM.
Ralite, Renar et Mme Terrade proposent, dans le quatrième alinéa du texte
présenté par l'article 1er pour l'article 515-8 du code civil, de remplacer les
mots : « au greffe du tribunal d'instance » par les mots : « à la mairie ».
Par amendement n° 43, MM. Bret, Duffour, Foucaud, Mme Borvo, M. Fischer, Mme
Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Le Cam, Lefebvre, Mme Luc, MM.
Ralite, Renar et Mme Terrade proposent de rédiger comme suit le cinquième
alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 515-8 du code civil
:
« Les services qui reçoivent la déclaration ou les actes prévus aux alinéas
précédents portent ou font porter mention de la fin du pacte en marge de l'acte
initial. Ils font également procéder à l'inscription de cette mention en marge
du registre prévu au troisième alinéa de l'article 515-3. »
Par amendement n° 64 rectifié, Mme Derycke, MM. Bel, Delanoë et les membres du
groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le cinquième
alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 515-8 du code civil
:
« Le greffier qui reçoit la déclaration ou les actes prévus aux alinéas
précédents porte ou fait porter mention de la fin du pacte en marge de l'acte
initial. Il transmet également un extrait de la déclaration à la mairie du lieu
de naissance de chacun des partenaires à fin d'inscription en marge du registre
d'état civil. »
Par amendement n° 44, MM. Bret, Duffour, Foucaud, Mme Borvo, M. Fischer, Mme
Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Le Cam, Lefebvre, Mme Luc, MM.
Ralite, Renar et Mme Terrade proposent, à la fin du neuvième alinéa (2°) du
texte présenté par l'article 1er pour l'article 515-8 du code civil, de
remplacer les mots : « du greffier du tribunal désigné à cet alinéa » par les
mots : « des services de la mairie ».
Par amendement n° 65 rectifié, Mme Derycke, MM. Bel, Delanoë et les membres du
groupe socialiste et apparentés proposent, au début du dernier alinéa du texte
présenté par l'article 1er pour l'article 515-8 du code civil, avant les mots :
« les partenaires », d'ajouter les mots : « lors de la rupture, ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 4.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
L'amendement n° 4 n'a d'autre objet que de supprimer le
PACS.
M. Dominique Braye.
C'est clair !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Soyons logiques. Depuis ce matin, nous avons adopté trois
dispositions. En premier lieu, nous avons affirmé que chacun était libre de sa
vie personnelle et, du même coup, nous avons reconnu tous les comportements ;
il n'est donc point besoin de les préciser. En deuxième lieu, nous avons
reconnu que le mariage était l'union d'un homme et d'une femme. Enfin, en
troisième lieu, nous avons inséré dans le code civil la notion de concubinage,
qui est l'union de deux personnes qui vivent en couple, quelles qu'elles
soient, quelles que soient les interprétations que les uns ou les autres
veulent donner à ce terme de couple.
Comment peut-on conserver le PACS après le dispositif que nous avons adopté
?
Je suis obligé de reprendre ici les différentes dispositions que l'Assemblée
nationale a adoptées et qui sont, je l'ai déjà dit dans mon rapport
introductif, complètement dérogatoires au droit commun des contrats. En
réalité, elles instituent un sous-mariage, nous le verrons bien avec tous les
amendements qui ont été déposés par nos collègues du groupe socialiste et du
groupe communiste républicain et citoyen et qui visent, en fait, à rapprocher
le PACS du mariage.
Prenons quelques exemples, que je ne détaillerai pas : cela prendrait trop de
temps.
Tout d'abord, pourquoi réserver, dans l'article 515-1, la signature du contrat
aux seules personnes majeures, alors que le droit général des contrats
s'applique également aux mineurs émancipés, sans oublier que l'on ne parle pas
ici des majeurs incapables qui, normalement, avec leur organe de tutelle,
peuvent également signer des contrats ?
L'article 515-2 transpose ni plus ni moins les dispositions applicables au
mariage en ce qui concerne les empêchements de signer un PACS. Pourquoi exclure
les alliés ? Pourquoi exclure les collatéraux ? Ces dispositions découlent
directement du mariage et elles démontrent bien que le PACS est une
transposition du mariage.
L'article 515-3 dispose qu'est déposée une « déclaration écrite conjointe » -
mais on ne sait pas qui dépose, si on dépose en personne ou si on fait déposer
par quelqu'un d'autre - « organisant leur vie commune ». Cette déclaration
vise-t-elle le contrat de PACS ou peut-il y avoir, à côté de la déclaration, un
contrat pour la compléter ? Nous ne savons rien ! Quel document sera opposable
aux tiers ? La déclaration ou le contrat ? Nous n'en savons pas.
M. Alain Lambert.
Très bonne question !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Continuons : on nous dit que, « à peine de nullité... » Mais
de quelle nullité s'agit-il ? Une nullité relative ou une nullité absolue ? Là
encore, nous n'en savons rien, il faudra que la jurisprudence décide.
Ensuite, on nous dit qu'il y a une date certaine. Mais non, il n'y a pas de
date certaine ! Le dépôt de la déclaration peut ne pas correspondre du tout
avec la transposition sur le registre tenu par le greffier ! On peut très bien
remettre la déclaration à un agent du greffe, qui décidera de l'enregistrer le
lendemain, le surlendemain ou un mois plus tard, lorsque le greffier sera
revenu de vacances ! Il n'y a donc pas de date certaine et les « pacsés »
croiront que c'est la date à laquelle ils ont remis la déclaration - ou que
l'un des deux l'aura remise, parfois, d'ailleurs, sans que l'autre le sache -
alors qu'il peut s'agir de la date que le greffier aura retenue pour
enregistrer ladite déclaration sur le registre. Là encore, que d'incertitudes
!
Venons-en à l'article 515-4, sur lequel je ne m'étendrai pas non plus : je
vous renvoie à mon rapport écrit pour ce qui est des détails.
Cet article dispose que le PACS comporte des obligations et des devoirs. Non !
Il ne comprend aucune obligation ni aucun devoir !
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Qu'entendez-vous par les mots « aide mutuelle matérielle » ?
Ils ne veulent rien dire ! Faut-il comprendre que l'un va bricoler et que
l'autre va faire la vaisselle ? Ces mots n'ont aucune signification !
(Vives
protestations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste,
républicain et citoyen.)
Mme Nicole Borvo.
Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre !
M. Robert Bret.
Est-ce que vous faites la vaisselle, monsieur Gélard ?
(Sourires.)
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Disons-le nettement, le PACS ne comporte pas de devoir. Au
demeurant, comment un contrat qu'il est possible de dénoncer à n'importe quel
moment pourrait-il comporter un devoir ?
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Dominique Braye.
Naturellement !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Quant à la solidarité pour dettes à l'égard des tiers,
comment voulez-vous qu'elle puisse être organisée puisqu'il n'y a pas de
publicité ? En effet, les pacsés pourront très bien faire état de leur
situation ou la cacher ! Les tiers pourront donc l'ignorer. Cette solidarité
est alors vaine, du moins dans l'état actuel de ce texte.
Et ne parlons pas d'indivision ! J'ai déjà abordé cette question : avez-vous
bien lu les dispositions relatives à l'indivision qui figurent dans le code
civil ? Savez-vous que tous les actes de gestion doivent être réalisés en
commun ? Imaginez un commerçant qui « pacserait » avec une personne qui
n'exerce pas cette activité, un artisan avec une personne qui n'est pas
artisan, un exploitant agricole avec une personne qui ne le serait pas ?
Comment voulez-vous que tous les actes de gestion soient contresignés par le «
pacsé » ? Ce n'est pas sérieux ! C'est oublier, au moment de la rupture, toutes
les difficultés que soulève l'indivision, sans même parler de l'enrichissement
sans cause qui pourra en découler, et l'on pourrait multiplier les exemples à
l'infini. Quant à l'article 515-6, relatif à l'attribution préférentielle, il
est également totalement délirant. Je sais bien qu'un amendement vise à limiter
simplement sa portée à l'habitation principale, mais, en ce qui concerne le
fonds de commerce, l'exploitation agricole, son application n'est pas
envisageable, sauf à se lancer dans des difficultés juridiques absolument
insurmontables.
Enfin, la cerise sur le gâteau est constituée par la fin du PACS, qui est
totalement dérogatoire au droit des contrats, y compris des contrats à durée
indéterminée : on peut y mettre fin quand on veut. Ah ! bien sûr, on nous a dit
qu'on avait ménagé une notification par exploit d'huissier trois mois
auparavant. Mais à partir du moment où l'un des deux « pacsés » a disparu,
comment va-t-on le retrouver ? L'exploit d'huissier va se perdre dans la nature
!
Mme Dinah Derycke.
Cela arrive dans bien des couples mariés !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
L'un ou l'autre sera alors « dépacsé » sans le savoir, parce
que l'on déroge aux règles contractuelles. En réalité, la partie la plus
faible, la victime, ne sera absolument pas protégée dans ce système de
dénonciation unilatérale.
De plus, il ne pourra pas être attribué de dommages et intérêts, car, pour
cela, il faudrait qu'existe une faute. Le PACS ne génère donc pas d'obligation
réelle ni de possibilité de dédommagement de la partie la plus faible en cas de
rupture unilatérale.
J'aurais pu continuer comme cela très longtemps, en décortiquant en détail
chacun des éléments d'un PACS qu'il n'est pas possible de conserver : il
comporte tant de nids à contentieux, de difficultés, de dérogations au droit
général que l'on peut même se poser la question de sa constitutionnalité !
Dès lors, on ne peut que demander la suppression du PACS. Au demeurant, si par
malheur le texte était adopté en l'état par l'Assemblée nationale en deuxième
lecture, je suis sûr que celui qui, par mésaventure, aurait signé un premier
PACS ne le referait plus jamais compte tenu des difficultés qu'il rencontrerait
dans sa mise en oeuvre.
Disons-le franchement, en réalité le PACS est uniquement conçu pour que les «
pacsés » bénéficient des avantages fiscaux qui y sont attachés. Nous nous
trouvons là devant des inégalités, des discriminations totalement
inacceptables.
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Oui, mes chers collègues, le PACS n'a été fait que pour des
raisons fiscales!
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants et de l'Union centriste).
M. le président.
La parole est à M. Machet, pour défendre l'amendement n° 32.
M. Jacques Machet.
Comme l'amendement n° 4, l'amendement n° 32 vise à supprimer cet article.
Pourquoi faut-il supprimer le PACS ?
D'abord, parce qu'il est ambigu, cela a été dit et redit : sa nature juridique
est indéterminée, on ne sait pas s'il s'agit d'un contrat ou d'un simple
constat.
Ensuite, parce que le PACS, contrairement au mariage, ne prévoit aucune
engagement sur l'avenir.
Mme Nicole Borvo.
Ce n'est pas un mariage !
M. Jacques Machet.
Il est une source d'instabilité et d'insécurité juridique pour tous ceux qui
le signent : la protection du plus faible n'est pas assurée alors que la
possibilité de rupture unilatérale ouverte à tout moment peut être considérée
comme un retour à la répudiation. C'est une véritable régression.
Par ailleurs, il n'est nulle part question des enfants, beaucoup l'ont dit au
cours de ces débats.
De plus, le PACS est fortement inégalitaire parce qu'il va créer une forte
inégalité entre les concubins signataires et celles et ceux qui ne le désirent
pas.
Mme Nicole Borvo.
Et alors ?
M. Jacques Machet.
L'union libre est pourtant un choix positif, revendiqué comme tel, d'un lien
strictement privé.
Enfin, le PACS menace non seulement le mariage, ce qui est fort critiquable en
soi, mais aussi le concubinage, ce qui est fort injuste. Le PACS n'est pas un
cadre juridique pour le concubinage, il est une alternative au mariage pour
sortir, précisément, du concubinage, alors que le concubinage n'a jamais été un
danger pour le mariage.
Le PACS met donc fin à la reconnaissance progressive de l'union libre, alors
que l'attachement au concubinage est réel.
Le PACS touche également à la famille, car il touche au couple. Pourtant,
c'est dans la famille que s'exprime la solidarité, que s'apprend le respect de
l'autre et que se transmettent les vraies valeurs.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
Mme Nicole Borvo.
Pas toujours !
M. Jacques Machet.
La famille, pour moi, cellule de base de la société, est un refuge pour les
jeunes et les moins jeunes. La famille, c'est aussi et surtout le lieu de
procréation privilégié, où l'enfant doit trouver le respect de sa personne, car
il est bon de le souligner : on n'élève pas un enfant, on l'aide à s'élever.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Qu'est-ce que cela a à voir ?
M. Jacques Machet.
La famille est un maillon central de la cohésion sociale, et c'est pourquoi
elle doit être protégée et confortée.
Bref, il n'y a pas de place dans le code civil pour une nouvelle institution
entre le mariage et l'union libre, et c'est pour ces raisons que les membres du
groupe de l'Union centriste rejetteront le PACS.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Derycke, pour défendre l'amendement n° 57 rectifié.
Mme Dinah Derycke.
En préambule, je tiens à rappeler que nous avons toujours dit qu'il y avait
place entre le concubinage et le mariage pour un nouveau cadre juridique, pour
encourager la stabilité des couples homosexuels ou hétérosexuels qui, prenant
l'engagement d'une vie commune, se soumettent volontairement et librement à des
devoirs, à des obligations, et qui, en retour, reçoivent effectivement des
droits. Cette forme de contact participe, en effet, de la cohésion sociale.
Contrairement à ce que propose M. le rapporteur, à savoir ni plus ni moins la
suppression du PACS, nous nous sommes donc, pour notre part, attachés à porter
sur ce texte un regard différent afin de rechercher s'il pouvait effectivement
être amélioré et enrichi, et si les conditions - très particulières, il faut le
rappeler - de sa discussion à l'Assemblée nationale n'avaient pas écarté tel ou
tel point précis.
Nous nous sommes ainsi livrés à une étude juridique de ce texte sur le fond
et nous présenterons toute une série d'amendements, dont le premier,
l'amendement n° 57 rectifié, vise à préciser que le PACS ne sera pas ouvert aux
personnes incapables placées sous tutelle.
Cet exemple montre bien que le texte adopté par l'Assemblée nationale est
parfaitement amendable et peut tout à fait être enrichi.
M. le président.
La parole est à M. Bret, pour défendre l'amendement n° 34.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, en présentant l'amendement n° 34, je défendrai
également les amendements n°s 35 à 44, qui en découlent directement.
Tous ces amendements ont trait au lieu d'enregistrement de la déclaration
organisant la vie commune de deux personnes signataires d'un PACS. C'est une
question importante.
L'Assemblée nationale a adopté un amendement transférant de la préfecture vers
les tribunaux d'instance le lieu de signature du PACS. Preuve est donc apportée
que la solution de la préfecture, initialement retenue, n'était pas la
bonne.
Pour notre part, nous estimons depuis le début que le PACS devrait être signé
au service d'état civil de la mairie, plus connue, plus accessible et plus
proche du citoyen.
De plus, c'est le lieu où sont déjà déclarés tous les actes importants de la
vie : naissance, mariage, décès, y compris les certificats de vie commune et de
concubinage. Il serait donc plus pratique et plus logique de regrouper tous les
événements qui jalonnent la vie d'une personne dans un même lieu.
La solution retenue par l'Assemblée nationale, à savoir l'enregistrement au
greffe du tribunal d'instance, pose davantage de problèmes qu'elle ne semble en
résoudre.
En effet - la commission des lois l'a bien relevé - des problèmes vont
rapidement se poser, dans la pratique, du fait que les greffiers sont d'ores et
déjà en nombre insuffisant et donc surchargés. En outre, tous les tribunaux
d'instance ne disposent pas d'un greffier à plein temps.
M. le président.
L'amendement n° 35 a donc été défendu.
La parole est à Mme Derycke, pour présenter l'amendement n° 58 rectifié.
Mme Dinah Derycke.
Cet amendement vise, parmi d'autres, la publicité à l'égard des tiers, la
rapidité de la transmission et la date d'effet du PACS.
Le PACS est déclaré au greffe d'instance, mais le greffier transmet
l'information à la mairie du lieu de naissance de chacun des partenaires aux
fins d'inscription en marge du registre d'état civil. C'est à la fois plus
simple et plus rapide et cela permet aux tiers, dans certains cas, la tenue
d'un commerce ; par exemple, d'être informés que les personnes ont été
pacsées.
M. le président.
Les amendements n°s 36, 37 et 38 ont été défendus.
La parole est à Mme Derycke, pour soutenir les amendements n°s 59 rectifié et
60 rectifié.
Mme Dinah Derycke.
L'amendement n° 59 rectifié vise à une meilleure rédaction de la formule «
aide mutuelle et matérielle », qui a été très critiquée et qui, c'est vrai,
laisse à désirer sur le plan de la langue.
Entre les personnes qui contracteront un PACS, il n'y a pas uniquement un lien
d'ordre financier, d'ordre pécuniaire ; il y a aussi, bien sûr, un soutien
moral, dans la maladie, dans les peines, mais également un partage des joies,
qui sont le lot de tous ceux qui vivent en commun.
Voilà pourquoi nous proposons la formule : « aide morale et matérielle ».
Quant à l'amendement n° 60 rectifié, il a pour objet de limiter la solidarité
à l'égard des tiers pour les dettes contractées par l'un des partenaires pour
les besoins de la vie courante.
Dans un couple marié, il y a solidarité des dettes à l'égard des tiers. La
jurisprudence a toutefois veillé à ce que cela ne se retourne pas contre le
conjoint le plus faible. En l'espèce, nous adaptons quelque peu cette réalité
aux couples qui contractent un PACS, en prévoyant que les dettes ne doivent pas
être excessives eu égard aux ressources des partenaires. C'est un élément de
justice et d'équité.
M. le président.
La parole est à M. Bret, pour défendre l'amendement n° 45 rectifié.
M. Robert Bret.
L'article 515-5 du code civil, tel que rédigé par l'article 1er de la
proposition de loi, soumet les personnes liées par un PACS au régime de
l'indivision.
Ce régime présente plusieurs inconvénients.
Premièrement, l'indivision est instable. En effet, un indivisaire peut, à tout
moment, en demander le partage. Dans les faits, c'est la loi du plus fort qui
joue.
Deuxièmement, l'indivision est injuste. Par définition, dans ce régime, il n'y
a pas de communauté, et chaque partenaire accroît son patrimoine de ses propres
revenus.
Pour les biens immeubles, la preuve de la propriété est, somme toute, aisée à
apporter. En revanche, les biens meubles, dont on n'aura pas forcément gardé la
facture, seront considérés comme indivis.
En pratique donc, à supposer que l'un des partenaires soit aisé et l'autre
RMIste, le premier le sera encore plus, alors que le second n'aura droit à rien
de ce qu'ils auront acquis pendant leur vie commune.
Ce système se rapproche du régime de la séparation de biens des gens mariés
(Voilà ! sur les travées du RPR),
à la seule différence que les gens
mariés ont aussi la possibilité d'être soumis, à défaut de contrat, au régime
de la communauté.
M. Dominique Braye.
Voilà ! Ce sont les régimes matrimoniaux !
M. Robert Bret.
Les contractants à un PACS souhaitant, dans la plupart des cas, avoir un
minimum de biens communs, pourquoi ne pas leur permettre, dès lors, d'être
soumis au régime de la communauté réduite aux acquêts ?
Le texte, en l'état, ne leur permet pas ce choix.
C'est pourquoi nous proposons, par amendement, de laisser la liberté de choix
en la matière, parce que toutes les situations ne sont pas égales.
Afin d'assurer une meilleure sécurité au couple et de protéger le plus faible,
les pacsés devraient pouvoir choisir le régime qui leur est le plus adapté.
M. Dominique Braye.
C'est le mariage sans le dire !
M. le président.
La parole est à Mme Dinah Derycke, pour défendre les amendements n°s 61
rectifié et 62 rectifié.
Mme Dinah Derycke.
L'amendement n° 61 rectifié concerne l'indivision. M. le rapporteur l'a dit,
ce n'est pas un régime toujours très simple. De plus, ce régime n'est pas bien
connu de nos concitoyens.
Comme l'on peut penser, et espérer, que nombreux seront ceux qui voudront
contracter un PACS, il convient d'éviter quelques pièges.
Aux termes de notre amendement, l'indivision serait l'exception, la règle
étant la séparation de biens, ou un régime qui s'en approche.
Nous espérons lever ainsi les réticences dont nous avaient fait part certains
notaires et avocats concernant le régime qui doit régler la vie commune
matérielle, cette fois, des personnes qui auront pacsé.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Ce sont des régimes matrimoniaux !
Mme Dinah Derycke.
Quant à l'amendement n° 62 rectifié, il a pour objet de limiter l'application
des articles 832 à 832-4 du code civil relatifs à l'attribution préférentielle
en cas de dissolution du pacte civil de solidarité pour l'attribution du
domicile principal.
M. le président.
L'amendement n° 39 a été défendu.
La parole est à Mme Derycke, pour défendre l'amendement n° 63 rectifié.
Mme Dinah Derycke.
En cas de rupture du PACS, dans un souci de simplification et de rapidité des
délais, nous prévoyons que la déclaration de rupture est remise au greffe où le
PACS a été originellement conclu.
M. le président.
Les amendements n°s 40 à 43 ont été présentés.
La parole est à Mme Derycke, pour présenter l'amendement n° 64 rectifié.
Mme Dinah Derycke.
Cet amendement prévoit que, à la fin du pacte civil de solidarité, le greffier
du tribunal d'instance transmettra un extrait de la déclaration à la mairie du
lieu de naissance de chacun des partenaires aux fins d'inscription en marge de
l'état civil.
M. le président.
L'amendement n° 44 a été défendu.
La parole est à Mme Derycke, pour présenter l'amendement n° 65 rectifié.
Mme Dinah Derycke.
Les partenaires ne peuvent, bien sûr, envisager les conséquences de la rupture
du PACS au moment où ils le contractent. C'est lors de la rupture qu'ils
pourront éventuellement se mettre d'accord sur les conséquences que celle-ci
entraîne pour eux.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements, à
l'exception, bien sûr, de l'amendement n° 32, qui est identique au sien ?
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
L'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements est
naturellement défavorable.
Je tiens tout de même à souligner une chose, madame le garde des sceaux.
Je salue le travail accompli par nos collègues du groupe socialiste et par
ceux du groupe communiste républicain et citoyen pour tenter d'améliorer le
PACS. Mais que dois-je constater, sinon qu'en voulant l'améliorer ils ne font
rien d'autre que du mariage ?
Cela démontre bien ce que je disais au départ, à savoir que le PACS n'est pas
amendable, sauf à en faire un sous-mariage.
M. Alain Lambert.
Exactement !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Que nous proposent nos collègues du groupe communiste
républicain et citoyen dans les amendements n°s 34 à 44 ? De tout transférer à
l'état civil,...
M. Jean-Jacques Hyest.
Voilà !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
... avec l'officier d'état civil, avec une cérémonie...
exactement comme pour le mariage.
M. Robert Bret.
Avec les grandes orgues aussi !
(Sourires.)
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Et pourquoi pas, pendant qu'on y est ?
De même, que nous propose-t-on, sinon tout simplement de réinventer les
contrats de mariage, parce que l'on s'aperçoit que le régime prévu dans le PACS
est inapplicable ?
En réalité, cela conforte ce que nous avons dit depuis le début,...
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
... à savoir que le PACS est un sous-mariage qui ne veut pas
dire son nom. La position de la commission des lois du Sénat en sort
renforcée.
M. Lucien Lanier.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Les amendements n°s 4 et 32, s'ils étaient adoptés,
auraient pour effet de supprimer l'article 1er de la proposition de loi adoptée
en première lecture à l'Assemblée nationale. Je ne peux donc évidemment pas les
accepter puisque, ce faisant, ils remettent en cause le principe même du pacte
civil de solidarité.
Je m'élève avec force contre l'argument qui veut que le pacte civil de
solidarité soit de nature à porter atteinte au mariage.
Je le redis ici, le mariage est une institution qui est plébiscitée par 24
millions de nos concitoyens, qui décident de s'engager solennellement devant un
officier de l'état civil, et toute l'originalité, tout l'intérêt du PACS est,
précisément, d'offrir aux couples qui ne veulent pas ou qui ne peuvent pas se
marier des droits nouveaux en contrepartie - je dis bien « en contrepartie » -
d'un engagement à une stabilité de vie commune dès lors qu'ils le souhaitent et
l'affirment socialement.
Par ailleurs, vingt et un amendements ont été déposés sur les six articles du
code civil visés à l'article 1er de la proposition de loi adoptée par
l'Assemblée nationale. Cela démontre qu'il est possible d'améliorer le texte,
et je remercie leurs auteurs de participer à ce perfectionnement.
Parmi ces amendements, je ne peux pas accepter ceux qui concernent le lieu
d'enregistrement, la mairie en l'occurrence, l'état civil ou les régimes
matrimoniaux. Il importe en effet d'éviter, comme je l'ai déjà dit, toute
confusion avec le mariage. En revanche, je peux en accepter d'autres, et je
vais donner des indications sur ce point.
Certains amendements présentés notamment par Mme Derycke, MM. Bel, Delanoë et
Mélenchon et portant sur la capacité, les obligations des partenaires,
l'attribution préférentielle, permettent, sous réserve d'améliorations de
rédaction, soit de lever des difficultés qui ont été soulevées lors du débat à
l'Assemblée nationale ou, postérieurement, par des universitaires, des
notaires, soit de préciser des points particuliers.
Ainsi, le Gouvernement n'est pas opposé à l'interdiction faite aux majeurs
placés sous le régime de protection de la tutelle de contracter un pacte, à la
limitation à certains biens des possibilités d'attribution personnelle ou
encore à des précisions sur les obligations des partenaires du pacte civil de
solidarité.
Pour ce qui est de l'indivision, le Gouvernement est prêt à apporter des
précisions afin d'éviter les difficultés qui pourraient surgir en l'état de la
rédaction du texte.
Si le Sénat suit la commission des lois et supprime l'article 1er de la
proposition de loi, il faudra que, sur les points que je viens de citer, le
débat se poursuive à l'Assemblée nationale.
Je tiens maintenant à répondre à la question qu'a posée M. Lambert concernant
le régime juridique prévu par le PACS, qui ne permet pas, s'agissant de la
gestion des biens, d'adopter n'importe quel mécanisme.
Pour les biens indivis - c'est volontaire de notre part - il ne peut y avoir
que gestion individuelle ou gestion commune. Dans ce cas, les titulaires du
PACS ont le choix entre ces deux régimes. Ils n'ont pas - c'est volontaire, je
le répète - toute liberté d'organiser la gestion de leurs biens. Cette
disposition était nécessaire, parce qu'il n'est pas question que le PACS puisse
concurrencer le mariage en empruntant aux dispositions des régimes
matrimoniaux.
Enfin, certains se sont inquiétés des difficultés pratiques qui pourraient
résulter de l'enregistrement du PACS au sein des tribunaux d'instance, qui
présentent l'avantage d'être très près de nos concitoyens et de nos
concitoyennes. Selon eux, ces tribunaux ne disposeraient pas toujours des
personnels nécessaires, notamment de greffiers.
Qu'il me soit permis de leur apporter les précisions suivantes : sur 473
tribunaux d'instance, 87 n'ont pas d'emploi localisé de greffier de catégorie
B, mais 86 ont un greffier en chef de catégorie A qui accomplit les missions de
greffier car la charge de travail de ces 86 tribunaux d'instance ne nécessite
pas la présence d'un encadrement intermédiaire. En conséquence, un seul
tribunal d'instance, celui de Saint-Flour, situé dans le ressort de la cour
d'appel de Riom et dans celui du tribunal de grande instance d'Aurillac, ne
dispose pas d'effectifs budgétaires de fonctionnaires, l'activité de cette
juridiction étant toutefois assurée par le tribunal d'instance de Murat, qui
est situé dans le même ressort.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 4 et 32.
M. Robert Bret.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Nous nous opposons vivement à l'adoption de ces deux amendements, qui, comme
vient de le souligner Mme le garde des sceaux, tendent à supprimer l'article
1er, remettant ainsi en cause le travail accompli pendant plusieurs semaines
par les députés.
Mais de quoi avez-vous peur, mes chers collègues de la majorité ?
Contrairement à ce que vous ne cessez de répéter, le PACS ne porte nullement
atteinte au mariage ou à la famille. Mais il n'y a pire sourd que celui qui ne
veut pas entendre !
Le pacte vise simplement, ce qui est primordial, à faciliter la vie des
couples non mariés en leur accordant des droits dont ils sont depuis trop
longtemps exclus. Le PACS est, au contraire, un élément de cohésion sociale qui
permet de faire avancer toute la société en faisant reculer les
discriminations.
Vous refusez de voir la réalité en face, vous qui vivez avec une image de la
société digne d'un autre siècle ! Pour que chacun prenne ses responsabilités
lors du vote de ces amendements de suppression de l'édifice même du PACS, nous
demandons un vote par scrutin public.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Après l'adoption de ces amendements - car nous avons de fortes raisons de
penser qu'ils pourraient bien l'être, compte tenu des votes précédents ! -
acta est fabula,
disait Auguste. La pièce est jouée, dirai-je, plutôt
que la messe est dite, pour ne pas choquer M. Chérioux !
M. Emmanuel Hamel.
La laïcité, c'est respecter la conviction des autres !
M. Jean-Luc Mélenchon.
En fait, avec le vote de ces amendements, on aura anéanti le travail de
l'Assemblée nationale.
A l'occasion de cette discussion, on a de nouveau entendu d'émouvants
plaidoyers pour la famille, dont je dirai seulement, par respect pour ceux qui
les ont prononcés - car je les respecte, eux et leurs plaidoyers - qu'ils sont
complètement hors sujet.
Personne ne peut en effet douter dans cet hémicycle que l'ensemble des «
pacsés » ont une famille et que les « pacsés » hétérosexuels ont ou auront des
enfants... à moins que l'on veuille laisser entendre qu'il s'agirait de «
sous-familles » et, pourquoi pas ? de « sous-parents » !
On a aussi entendu une nouvelle fois notre éminent rapporteur M. Gélard dire :
le PACS, c'est du « sous-mariage ». Et l'agitation de ce chiffon rouge aura
suffi pour que la majorité rappelle, à force cris, tout le dégoût que lui
inspire cette formule.
Mais, une fois de plus, cette remarque est hors sujet. En effet, cher
rapporteur, s'il y a dans le PACS des formules qui sont inspirées du mariage,
c'est parce que le mariage est la forme de communauté de vie de base que nous
connaissons jusqu'à présent et que des dispositions qui lui sont applicables
paraissent parfaitement judicieuses et méritent d'être étendues à d'autres
formes de vie commune.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Voilà qui est clair !
M. Jean-Luc Mélenchon.
Où est le scandale ?
Par ailleurs et dans le même temps, et c'est pourquoi nous ne pouvons accepter
ce qualificatif de « sous-mariage », le PACS, c'est autre chose que le mariage,
c'est un mode de vie commune pour d'autres situations que celles qui sont liées
par le mariage.
Il n'y a là ni offense, ni matière à s'indigner. C'est pourquoi cela
s'appelle, monsieur Patrice Gélard, non pas un « sous-mariage » mais un PACS
!
Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous aurez passé cette journée et
la précédente à enfoncer des portes ouvertes, à vous faire peur et, ensuite, à
vous rassurer avec toutes sortes d'amendements créant d'effroyables confusions.
Nous espérons que l'Assemblée nationale saura y mettre bon ordre.
Dressons maintenant le bilan de la grande oeuvre législative à laquelle vous
aurez procédé. Ce sera trèsrapide compte tenu de la matière. A cette occasion
en effet, le Sénat de la République française aura établi - saluons cet
événement - que le mariage réunit un homme et une femme. Bravo !
(M. Braye s'exclame.)
Etait-il bien nécessaire de réunir le Sénat et de discuter pendant cinq
ou six heures pour établir ce point ? Nous pourrions aussi tenir un débat sur
l'eau chaude, ... sur le fil à couper le beurre... ou sur ce qui prête à
évidence ! Nous éblouirons ainsi ceux qui voudront bien contempler nos travaux
législatifs.
Après avoir précisé que le mariage est hétérosexuel et l'avoir tout entier
enfermé dans le caractère sexuel de ceux qui sont liés, pris soudain d'une
espèce de recul sur la question du sexe, pour ce qui est du concubinage, vous
avez estimé que, là, il n'y avait plus de sexe !
Le Sénat de la République française ne sait pas de quel sexe sont les
personnes qui vivront en concubinage ! Il n'a aucune idée sur la question et il
préfère s'en remettre aux bénéficiaires de l'opération.
M. Dominique Braye.
Non, les deux sexes sont concernés.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Mais au passage, le concubinage, qui était une liberté dont les bénéficiaires
ne demandaient rien à personne, a été restreint par votre travail.
Voilà le bilan de notre discussion sur le PACS.
Le PACS, qui traduit une volonté d'ouverture, de liberté, d'aération de notre
société, de tolérance, de bienveillance, est réduit à ceci par le Sénat : le
mariage est le fait d'un homme et d'une femme, et personne ne sait de quel sexe
sont les concubins. Voilà le travail qui a été accompli !
Après quoi, bien sûr, dans la suite de la discussion, vous allez proposer
toutes sortes d'avantages fiscaux à tous le monde - après nous avoir reproché
d'en concéder aux pacsés - sans distinction ni de sexe ni de situation, ni de
liens de vie commune.
Voilà en quoi aura consisté votre grande opération visant à démontrer que la
majorité sénatoriale n'est pas « ringarde ». J'emploie ce mot non pas parce
qu'il me plaît, mais parce que vous avez semblé en être obsédés.
Je vous le dis en cet instant, vous êtes « reringardisés » et, après une
nouvelle lecture de ce texte à l'Assemblée nationale, vous serez non seulement
ringards mais tricards !
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Lambert.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lambert.
M. Alain Lambert.
La République est très souvent invoquée dans cette assemblée, comme dans
toutes les autres sans doute. Mais se référer à la République, c'est peut-être
d'abord s'engager à se respecter les uns les autres, à respecter les
convictions des autres.
Or, personnellement, je ne considère pas que d'avoir un point de vue formé,
établi, réfléchi sur un sujet aussi grave que celui dont nous débattons depuis
ce matin soit le fait de la ringardise... ou d'autres termes qui ont été
utilisés tout à l'heure. Je considère au contraire que c'est la traduction
d'une conception de la vie, d'une certaine idée des valeurs qui font qu'une
société vit en paix et dans le respect de ceux qui la composent.
M. Dominique Braye.
Bravo !
M. Alain Lambert.
Voilà qui m'amène à vous dire que je n'ai pas souhaité, depuis ce matin,
participer à ce débat trop philosophique pour moi. Je ne suis qu'un provincial,
monsieur Mélenchon, pardonnez-m'en !
(Sourires.)
M. Emmanuel Hamel.
Un grand provincial !
M. Alain Lambert.
Cela étant, je m'intéresse aux conséquences juridiques des textes que nous
adoptons, et je vous remercie, madame le garde des sceaux, des précisions que
vous avez apportées voilà un instant et qui nous permettent de comprendre que,
désormais, les personnes qui souscriront un PACS auront le choix entre deux
régimes - que je ne qualifierai pas de matrimoniaux - dont l'un est un peu
séparatiste et l'autre un peu communautaire.
Ces personnes n'auront aucune faculté de choisir d'autres dispositifs qui
répondraient pourtant plus précisément à leurs souhaits. Cette précision
méritait d'être donnée.
Mes chers collègues, je vais voter l'amendement de la commission avec la
conscience profonde d'être utile à mes concitoyens et à mes compatriotes. En
effet, juridiquement, le PACS est une construction dangereuse, dont on ne peut
mesurer les effets, quels que soient les efforts que vous avez faits, mes chers
collègues, pour déposer des amendements visant à le corriger.
Vous construisez un édifice dangereux et, ce faisant, vous détruisez l'agrégat
jurisprudentiel, réglementaire, doctrinal qui s'est constitué au fil des années
sur le concubinage. Cela veut dire que vous instaurez une insécurité juridique
complémentaire.
Vous avez, par la décison de construire le PACS, détruit tout ce qui existait
au plan juridique, ou vous l'avez menacé. Peut-être serai-je « ringard », mais,
en tout cas, je ne serai pas apprenti sorcier !
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Pierre Fourcade.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Je voterai l'amendement de la commission pour deux raisons.
Premièrement, comme vient de le dire excellemment mon collègue M. Lambert, je
considère que nous sommes en présence d'une construction
ex nihilo
qui
se rapproche plus ou moins du mariage sans en avoir les obligations ni les
caractéristiques, notamment la présomption
pater is est
, qui est l'une
des bases du mariage. A partir de là - et les amendements de Mme Derycke et M.
Delanoë nous le montrent bien - on peut sans doute modifier quelques éléments
du dispositif mais, structurellement, on ne peut pas le changer.
Deuxièmement, je ne comprends pas comment le Gouvernement soutient une telle
proposition alors que, de nos jours, le problème central de notre société,
c'est assurer la protection des enfants et leur adaptation aux formes nouvelles
de la société de demain.
Ce texte prévoit l'organisation de la vie en couple. Nous vivons dans une
société qui compte encore une majorité de couples hétérosexuels. Peut-être que,
dans vingt ans, la majorité d'entre eux sera homosexuelle ; on ne peut pas
savoir !
Que peut-il arriver lorsqu'un homme et une femme vivent ensemble ? La
naissance d'un enfant. Je suis stupéfait, madame le garde des sceaux, que le
Gouvernement privilégie la notion de couple au point de soutenir un texte qui
reste muet sur le problème des enfants !
Qu'arrivera-t-il aux enfants nés de personnes ayant conclu un PACS ? La
présomption de paternité existera-t-elle ? Quel sera le statut de cet enfant ?
Comment va-t-il évoluer ? Quel sera son droit sur les biens indivis ou
collectifs ? Quels seront les mécanismes de filiation ? Silence absolu !
Que nos collègues de l'Assemblée nationale déposent une proposition de loi
visant à organiser la vie du couple, c'est parfaitement naturel. Mais que le
Gouvernement s'engage dans ce processus comme le fait Mme le garde des sceaux,
je ne le comprends pas ! Moi qui, depuis vingt ans, m'occupe des problèmes
sociaux et des problèmes de famille, je suis, je l'avoue, totalement
désemparé.
Je répète ma question au Gouvernement : dans le cadre d'un PACS conclu entre
deux hommes ou entre deux femmes, sera-t-il possible d'accéder à l'adoption ou
de recourir à la procréation médicalement assistée ? Voilà deux questions
précises auxquelles je souhaite avoir une réponse. En tout état de cause, je
voterai l'amendement n° 4 de la commission. Car que l'on ne me dise pas que
l'adoption ou la procréation médicalement assistée sont impossibles en raison
d'autres lois ! A partir du moment où l'on crée un nouveau système juridique
dans lequel on fait figurer un certain nombre de dispositions alors qu'on
oublie d'en insérer d'autres, il est clair que cela deviendra possible un jour
!
Encore une fois, la vraie question qui nous est posée sur le terrain est la
suivante : quel sera le statut des enfants de deux personnes ayant conclu un
PACS ?
M. Jacques Pelletier.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
Contrairement à mes amis MM. Lambert et Fourcade, je suis contre les
amendements de suppression n°s 4 et 32, car je suis favorable au principe du
PACS - qui, à mes yeux, n'est ni un mariage ni un sous-mariage - et cela pour
deux raisons.
Premièrement, près de 40 % des naissances ont lieu aujourd'hui hors mariage.
C'est un phénomène de société dont nous devons tenir compte, et il est inutile
de se voiler la face. D'ailleurs, qui parmi nous ne connaît pas chez ses
enfants, dans sa famille ou dans son entourage proche des personnes vivant en
concubinage et donc confrontées à la fragilité que suppose une telle situation
?
Le PACS apporte des garanties juridiques, administratives, fiscales, ce qui
est une bonne chose.
Deuxièmement, en tant qu'élu, mais surtout en tant que médiateur de la
République, j'ai connu des drames - je dis bien des drames - au sein de couples
vivant, souvent de longue date, en concubinage homosexuel ou hétérosexuel, tout
spécialement au moment du décès de l'un des concubins. Là encore, le PACS
constitue une réponse, imparfaite, j'en suis sûr, mais une réponse tout de même
à de telles situations de détresse.
En revanche, madame la ministre, je souhaite beaucoup qu'à l'occasion de la
navette vous usiez de votre influence pour améliorer sérieusement ce texte, qui
en a bien besoin !
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que
sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Emmanuel Hamel.
Oh que oui !
M. Philippe Marini.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Les données du débat sont à présent parfaitement explicites et, par touches
successives, les positions défendues et préconisées par la majorité du Sénat
s'établissent clairement.
En premier lieu, pour nous, l'essentiel, la pierre angulaire de la famille et
de la société, c'est bien le mariage. Nous l'avons conforté par une rédaction
écartant les dérives ou les tentations qui se font jour dans des pays voisins
et qui, un jour ou l'autre, pourraient naître dans certains esprits dans notre
pays.
En deuxième lieu, notre approche est réaliste et factuelle. Sans porter de
jugement sur les comportements individuels, nous avons recherché et trouvé une
formulation concernant le concubinage, situation de fait à laquelle
correspondent certains droits et certains devoirs.
En troisième lieu - nous y viendrons dans la suite de cette discussion - nous
précisons cette approche réaliste par des dispositifs juridiques et fiscaux qui
tiennent compte de la réalité de la vie en commun de certains couples, quels
que soient leur choix de vie.
Cela étant fait et le tout formant un ensemble cohérent, il est clair que le
PACS n'a aucune place dans ce dispositif et qu'il tombe de lui-même. Par
évidence, nous voterons contre cette forme de contrat, qui ne répond
strictement à aucune nécessité ni à aucune opportunité.
Au demeurant, madame le ministre, dans les réponses que vous avez faites à nos
collègues du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen,
j'ai entendu un certain nombre d'arguments qui me renforcent dans le sentiment
que je viens d'exprimer.
Lorsque Mme Derycke vous disait que l'indivision ne lui semblait pas être une
situation acceptable, vous lui avez répondu que des précisions devront être
apportées pour éviter certaines difficultés. Puis vous avez souligné que la
gestion des biens des « pacsés » pourrait être individuelle ou commune. Cela
ressemble furieusement - plusieurs de nos collègues l'ont remarqué - à des
dispositions issues des régimes matrimoniaux existants. La confusion se trouve
recréée entre l'institution du mariage et la formule hybride qu'est votre pacte
civil de solidarité.
Vous avez conclu en indiquant que les partenaires n'auraient pas toute liberté
d'organiser la gestion de leur bien. Avec M. le rapporteur de la commission des
lois, nous avons fait valoir, que dans certaines circonstances, s'agissant
notamment de professionnels, de commerçants et d'artisans, il pourrait résulter
de cette formule des engagements extrêmement confus, pour les personnes
concernées et pour les tiers, et que rien de sérieux n'avait été proposé aux
assemblées parlementaires pour porter remède à de telles situations.
Madame le ministre, par rapport à ce « nid » à contentieux, à embrouilles,
qu'est finalement votre pacte, la stratégie défendue par la majorité
sénatoriale est parfaitement claire et limpide, parfaitement ouverte et
parfaitement adaptée aux réalités du temps. C'est en vertu de cette analyse
globale, que bien entendu, je voterai ces amendements de suppression.
M. Emmanuel Hamel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hamel.
M. Robert Bret.
Ça va chauffer !
(Sourires.)
M. Emmanuel Hamel.
Comme l'explique si bien et si justement la présidente de l'Association pour
la promotion de la famille - je vous invite, mes chers collègues, à relire et à
méditer ses propos, qui figurent à la page 222 du rapport - le PACS « détruit
le mariage républicain, détruit la cellule familiale ». On peut ajouter qu'il
constitue une menace pour l'enfance.
C'est la raison pour laquelle, bien entendu, je voterai les amendements de
suppression de l'article 1er.
M. Claude Estier.
C'est un peu court !
Mme Nicole Borvo.
Le PACS n'est pas une obligation !
M. Robert Bret.
Il ne faut pas toujours croire tout ce qui est écrit dans les rapports !
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 4 et 32, repoussés par le
Gouvernement.
Je suis saisi de trois demandes de scrutin public émanant, la première, de la
commission des lois, la deuxième, du groupe communiste républicain et citoyen
et, la troisième, du RPR.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le
résultat du dépouillement du scrutin n°
86:
Nombre de votants | 314 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 216 |
Contre | 98 |
M. Emmanuel Hamel. Et il s'est ainsi grandi en adoptant !
M. le président. En conséquence, l'article 1er est supprimé et les amendements n°s 57 rectifié, 34 et 35, 58 rectifié, 36 à 38, 59 rectifié, 60 rectifié, 45 rectifié, 61 rectifié, 62 rectifié, 39, 63 rectifié, 40 à 43, 64 rectifié, 44 et 65 rectifié n'ont plus d'objet.
Article additionnel après l'article 1er
M. le président.
Par amendement n° 66 rectifié, Mme Derycke, MM. Bel, Delanoë et les membres du
groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 1er, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Sauf manifestation contraire de volonté du défunt, le partenaire lié à
celui-ci par un pacte civil de solidarité, ou le concubin, participe à
l'organisation des funérailles. »
La parole est à M. Bel.
M. Jean-Pierre Bel.
Un problème se pose de manière très concrète dans le cas où des familles, pour
des raisons diverses, après le décès de l'un des leurs, entendent organiser
seules les funérailles, rejetant le concubin ou la concubine qui n'a pas, en
l'état actuel, de lien légal avec le défunt.
Je n'ai pas besoin de préciser que le problème est particulièrement aigu en
cas de concubinage homosexuel, lorsque la famille n'a pas accepté
l'homosexualité du défunt et projette ce rejet sur le compagnon ou la compagne
de ce dernier.
Cet amendement a donc pour objet de préciser que le partenaire lié par un
PACS, ou le concubin faisant partie des proches du défunt, est légitimement
fondé à participer à l'organisation des obsèques de celui-ci.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Avis défavorable, naturellement. En effet, le PACS n'existant
plus, on ne va pas adopter des amendements qui le conforteraient !
De plus, la loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles prévoyant
que tout majeur ou mineur émancipé peut régler les conditions de ses
funérailles et charger une ou deux personnes de veiller à l'exécution de ses
dispositions, l'amendement n'apporte rien de plus que ce qui est déjà prévu.
M. Jean-Jacques Hyest.
Elle a été oubliée !
M. Claude Estier.
Vous n'avez jamais connu de cas de ce genre ?
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Evidemment, je comprends le souci des auteurs de
l'amendement n° 66 rectifié de trouver une solution à ce problème très
douloureux qu'est l'organisation des funérailles. Toutefois, je rappelerai que,
dans notre droit, hormis la loi du 15 novembre 1887, qui prévoit la possibilité
d'organiser ses funérailles par testament, il n'existe pas de dispositions
déterminant les personnes qui, à la place du défunt, peuvent organiser le
déroulement des funérailles. C'est au juge d'instance, en cas de difficulté, de
trouver des solutions aux conflits qui pourraient surgir.
Il n'est nulle part indiqué que le conjoint bénéficie d'un droit quelconque en
la matière. Il serait paradoxal de prévoir qu'un membre du pacte civil de
solidarité ou un concubin puisse se voir reconnaître une faculté qui n'est pas
reconnue au conjoint.
Le texte proposé conduirait, par exemple, à privilégier l'amant d'une femme
mariée qui décède par rapport à son mari.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à cet
amendement.
M. le président.
Monsieur Bel, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Bel.
Je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 66 rectifié est retiré.
(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Guy Allouche au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
Article 2
M. le président.
« Art. 2. _ I. _ Le 1 de l'article 6 du code général des impôts est complété
par un alinéa ainsi rédigé :
« Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini à l'article
515-1 du code civil font l'objet, pour les revenus visés au premier alinéa,
d'une imposition commune à compter de l'imposition des revenus de l'année du
troisième anniversaire de l'enregistrement du pacte. L'imposition est établie à
leurs deux noms, séparés par le mot : "ou". »
« II. _ Après le 6 de l'article 6 du code général des impôts, il est inséré un
7 ainsi rédigé :
« 7. Chacun des partenaires liés par un pacte civil de solidarité est
personnellement imposable pour les revenus dont il a disposé l'année au cours
de laquelle le pacte a pris fin dans les conditions prévues à l'article 515-8
du code civil.
« Lorsque les deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité et soumis
à imposition commune contractent mariage, les dispositions du 5 ne s'appliquent
pas.
« En cas de décès de l'un des partenaires liés par un pacte civil de
solidarité et soumis à imposition commune, le survivant est personnellement
imposable pour la période postérieure au décès. »
« III. _ Les règles d'imposition et d'assiette, autres que celles mentionnées
au dernier alinéa du 1 et au 7 de l'article 6 du code général des impôts, les
règles de liquidation et de paiement de l'impôt sur le revenu et des impôts
directs locaux ainsi que celles concernant la souscription des déclarations et
le contrôle des mêmes impôts prévues par le code général des impôts et le livre
des procédures fiscales pour les contribuables mentionnés au deuxième alinéa du
1 de l'article 6 du code général des impôts s'appliquent aux partenaires liés
par un pacte civil de solidarité qui font l'objet d'une imposition commune.
»
Je suis saisi de huits amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 5, M. Gélard, au nom de la commission des lois, propose de
rédiger ainsi cet article :
« I. - A la fin du premier alinéa de l'article 6 du code général des impôts,
les mots : "et 196 A
bis",
sont remplacés par les mots : ", 196 A
bis
et 196 A
ter
".
« II. - L'article 196 du code général des impôts est complété par un 3° ainsi
rédigé :
« "3° Les enfants à charge de la personne mentionnée à l'article 196 A
ter
".
« III. - Après l'article 196 A
bis,
il est inséré dans le code général
des impôts un article 196 A
ter
ainsi rédigé :
«
Art. 196 A
ter. - Tout contribuable peut considérer comme étant à sa
charge une personne majeure vivant sous son toit, dont le montant des revenus
perçus dans l'année est inférieur au montant cumulé sur les douze mois du
revenu minimum d'insertion fixé pour une personne en application de l'article 3
de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988.
« Le contribuable qui accepte le rattachement à son foyer fiscal de la
personne visée à l'alinéa précédent bénéficie d'un abattement sur son revenu
global net dont le montant est égal à celui mentionné à l'article 196 B. »
Par amendement n° 24, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose
de rédiger ainsi l'article 2 :
« I. - A la fin du premier alinéa de l'article 6 du code général des impôts,
les mots : "et 196 A
bis
" sont remplacés par les mots : ", 196 A
bis
et 196 A
ter
".
« II. - L'article 196 du code général des impôts est complété par un 3° ainsi
rédigé :
« 3° Les enfants à charge de la personne mentionnée à l'article 196 A
ter
. »
« III. - Après l'article 196 A
bis,
il est inséré dans le code général
des impôts un article 196 A
ter
ainsi rédigé :
«
Art. 196 A
ter. - Tout contribuable peut considérer comme étant à sa
charge une personne majeure :
« qui est son ayant droit en application de l'article L. 161-14 du code de la
sécurité sociale, à compter du 1er janvier de l'année qui suit la
reconnaissance de cette qualité,
« ou qui vit effectivement sous son toit, à condition que ses revenus perçus
dans l'année soient inférieurs à un montant égal au cumul sur douze mois du
revenu minimum d'insertion fixé pour une personne isolée en application de
l'article 3 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988.
« Le contribuable qui accepte le rattachement à son foyer fiscal de la
personne susmentionnée, bénéficie d'un abattement sur son revenu global net
dont le montant est égal à celui mentionné à l'article 196 B. »
Par amendement n° 46, MM. Bret, Duffour, Foucaud, Mme Borvo, M. Fischer, Mme
Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Le Cam, Lefebvre, Mme Luc, MM.
Ralite, Renar et Mme Terrade proposent :
A. - Après les mots : « imposition commune », de supprimer la fin de la
première phrase du texte présenté par le I de l'article 2 pour compléter le 1
de l'article 6 du code général des impôts.
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, d'insérer,
après le I, un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... Les pertes éventuelles de recettes pour l'Etat résultant de
l'application de l'imposition commune des partenaires dès la signature du pacte
civil de solidarité sont compensées à due concurrence par une majoration des
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Les trois amendements suivants sont présentés par Mme Derycke, MM. Bel,
Delanoë et les membres du goupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 67 rectifié
bis
tend :
I. - Dans le texte proposé par le I de l'article 2 pour compléter le 1 de
l'article 6 du code général des impôts, à supprimer les mots : « de
l'imposition des revenus de l'année du troisième anniversaire » ;
II. - Après le paragraphe I de cet article, à insérer un paragraphe
additionnel ainsi rédigé :
« ... Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de la suppression du délai
de trois ans à compter de la date d'enregistrement du pacte pour l'imposition
commune pour les partenaires liés par un pacte civil de solidarité sont
compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles
575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° 68 rectifié vise, dans le texte proposé par le I de l'article
2 pour le 1 de l'article 6 du code général des impôts ; à remplacer les mots :
« de l'imposition des revenus de l'année du troisième aniversaire de
l'enregistrement du pacte » par les mots : « du 1er janvier qui suit le
deuxième anniversaire de l'enregistrement du pacte ».
L'amendement n° 69 rectifié est ainsi rédigé :
A. - Après la première phrase du texte proposé par le I de l'article 2 pour le
1 de l'article 6 du code général des impôts, insérer une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, cette condition de durée ne s'applique pas aux partenaires, qui
peuvent prouver par tout moyen l'antériorité de plus de trois ans de leur vie
commune. »
B. - Compléter cet article par un paragraphe nouveau ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes résultant de la suppression de la condition de
durée du pacte civil de solidarité de trois ans pour pouvoir bénéficier de
l'imposition commune sont compensées à due concurrence par une majoration du
tarif prévu aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Les deux derniers amendements sont présentés par MM. Bret, Duffour, Foucaud,
Mme Borvo, M. Fischer, Mme Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Le Cam,
Lefebvre, Mme Luc, MM. Ralite, Renar et Mme Terrade.
L'amendement n° 47 tend :
A. - A compléter le texte proposé par le I de l'article 2 pour compléter par
un alinéa le 1 de l'article 6 du code général des impôts par une phrase ainsi
rédigée : « Toutefois, la condition de durée imposée aux partenaires d'un pacte
civil de solidarité ne s'applique pas lorsque ceux-ci peuvent prouver, par tout
moyen, avoir au moins deux ans de vie commune. »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, à insérer,
après le I, un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les pertes éventuelles de recette pour l'Etat résultant de la
non-application de la durée minimale de vie commune pour l'imposition commune
des partenaires liés par un pacte civil de solidarité sont compensées à due
concurrence par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du
code général des impôts. »
L'amendement n° 48 vise :
A. - A compléter le texte proposé par le I de l'article 2 pour compléter par
un alinéa le 1 de l'article 6 du code général des impôts par une phrase ainsi
rédigée : « Toutefois, la condition de durée imposée aux partenaires d'un pacte
civil de solidarité ne s'applique pas lorsque ceux-ci peuvent prouver, par tout
moyen, avoir reconnu dans le délai légal au moins un enfant. »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, à insérer,
après le I, un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les pertes éventuelles de recettes pour l'Etat résultant de la
non-application de la durée minimale de vie commune lorsque les partenaires
liés par un pacte civil de solidarité ont reconnu un enfant sont compensées à
due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A
du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 5.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
L'amendement n° 5, ainsi que d'autres amendements que nous
examinerons ultérieurement concernent le volet fiscal du dispositif.
Nous n'avons pas enterré toutes les dispositions prévues dans le cadre du
PACS. Elles n'étaient pas mauvaises en soi et réglaient toute une série de
problèmes posés par le concubinage. Cependant, au lieu d'en limiter le bénéfice
à une catégorie, ce qui aurait créé des inégalités, notre commission et la
commission des finances ont décidé de les étendre à tout le monde.
Toutefois, la commission des lois a décidé de se rallier aux amendements
proposés par la commission des finances. Aussi, je retire l'amendement n° 5 au
bénéfice de l'amendement n° 24, que va présenter M. le rapporteur pour avis.
M. le président.
L'amendement n° 5 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n°
24.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
En effet, la commission des finances
a souhaité, en proposant une réécriture de l'article 2 de la proposition de
loi, ouvrir la possibilité pour un contribuable quelconque de rattacher à son
foyer fiscal une personne à faibles ressources, quelle que soit la relation
susceptible d'exister entre ces personnes.
Nous nous situons donc dans un contexte tout à fait différent de celui où se
plaçait l'Assemblée nationale puisque cette dernière assimilait les « pacsés »
aux couples mariés et les faisait bénéficier - c'était probablement l'une des
seules dispositions claires de ce curieux texte - de l'imposition commune et du
régime du quotient familial. Elle opérait donc simplement une transposition des
dispositions applicables aux couples mariés en matière d'impôt sur le
revenu.
Quelles sont les conséquences concrètes du dispositif adopté par l'Assemblée
nationale ?
Dans le rapport que j'ai eu l'honneur de remettre, au nom de la commission des
finances, j'ai fait figurer des tableaux chiffrés, que je vais brièvement
résumer.
Prenons l'exemple de personnes « pacsées » sans enfants disposant d'un revenu
net fiscal de 400 000 francs. Alors que l'impôt dû par le titulaire du revenu
de 400 000 francs - je prends, pour simplifier, l'hypothèse que l'un des
membres du PACS dispose de 400 000 francs de revenu et l'autre de zéro francs
de revenu ; naturellement, j'aurais pu prendre d'autres exemples, mais celui-ci
me semble particulièrement démonstratif - atteindrait 154 000 francs selon le
régime actuel, avec le système retenu par l'Assemblée nationale, il ne serait
plus que de 107 000 francs, ce qui représenterait un gain financier net de près
de 47 000 francs...
M. Emmanuel Hamel.
Une perte pour le Trésor !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Il s'agirait surtout d'un gain pour les catégories
de population concernées.
On a pu évoquer, sans jeter l'opprobre sur personne, certaines manières de
vivre. Citons l'exemple de vieux messieurs du quartier de
Saint-Germain-des-Prés, disposant de revenus relativement importants et
accueillant sous leur toit des personnes sans revenu. Ce serait un beau cadeau
qui leur serait fait, ce qui ne semble pas répondre à un objectif d'équité
sociale !
Au sein de la commission des finances, nous avons suivi une logique tout à
fait différente.
Nous estimons que les avantages liés à l'imposition commune ne se justifient,
dans le cas du mariage, qu'en raison des contraintes de celui-ci et dans la
perspective de l'éducation des enfants. C'est ce qui forme la légitimité de ce
régime fiscal : il y a des obligations ; il y a des droits.
Madame le ministre, j'ai présenté naturellement un cas un peu « limite », mais
j'aurais pu prendre l'exemple d'un revenu de un million de francs, et l'intérêt
fiscal aurait été encore plus grand.
Compte tenu de l'efficacité de ce levier fiscal, le risque, me semble-t-il,
est grand de voir proliférer des PACS de complaisance. Je voudrais qu'on
m'explique comment on va pouvoir éviter ce réflexe, bien naturel chez les
contribuables, surtout chez les contribuables disposant de certaines capacités
contributives, consistant à rechercher dans les textes toutes les possibilités
d'optimisation fiscale.
Mes chers collègues, ne croyez-vous pas qu'avec un tel dispositif vous ouvrez
une brèche considérable, dont un mauvais usage pourra être fait, ce qui ira à
l'encontre des objectifs que vous défendez par ailleurs si souvent, notamment
au cours des discussions budgétaires, lorsque vous voulez nous faire croire que
tel ou tel élément de la panoplie fiscale serait conçu uniquement pour telle ou
telle catégorie de revenus.
La commission des finances se défie naturellement des risques d'optimisation
fiscale. Elle propose donc un dispositif différent : il lui semble préférable
de se référer à une notion objective, celle d'une personne dépendante
économiquement qui dispose de faibles ressources, et d'accorder au contribuable
qui accueille sous son toit cette personne dépendante un abattement de 25 000
francs.
La définition de cette situation de dépendance économique peut obéir à des
critères parfaitement simples et objectifs.
Le premier de ces critères peut être le fait d'avoir été l'ayant droit du
contribuable pour l'ouverture du droit à prestations en nature de l'assurance
maladie : c'est la notion de personne à la « charge effective totale et
permanente » du contribuable, selon la formule de l'article L. 161-14 du code
de la sécurité sociale.
Le second critère est le fait - les deux critères étant alternatifs - d'avoir
vécu, au cours de l'année précédente, sous le toit du contribuable et d'avoir
des revenus annuels inférieurs à un montant de référence égal à celui qui ouvre
droit au revenu minimum d'insertion, c'est-à-dire un revenu très faible, un
revenu de subsistance.
Il est apparu nécessaire de compléter le premier critère dans la mesure où des
personnes, effectivement complètement dépendantes du contribuable, comme
certains chômeurs en fin de droits, peuvent, bien qu'elles soient sans
ressources, continuer à avoir des droits propres en matière de prestations
maladie.
On remarquera, en outre, qu'un dispositif de type pacte civil de solidarité
est d'autant moins nécessaire que, dans cette logique de solidarité, les
enfants de la personne ainsi rattachée donnent droit au quotient familial.
Telle est la portée du paragraphe II du présent amendement.
Nous pensons, par cet amendement, effectuer une démarche d'encouragement à des
solidarités tout à fait dignes de considération. Nous respectons la neutralité
la plus complète car ces solidarités peuvent exister quel que soit le contexte
affectif ou relationnel entre les personnes dont il s'agit. Nous estimons que
ce dispositif est plus équitable et beaucoup plus simple que celui qui figure
dans l'actuel article 2 de la proposition de loi.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo, pour défendre l'amendement n° 46.
Mme Nicole Borvo.
Je défendrai en même temps les amendements n°s 47 et 48, qui sont des
amendements de repli.
L'article 2 de la proposition de loi concerne le volet fiscal du PACS et plus
précisément la possibilité d'établir une imposition commune pour les personnes
ayant décidé de se lier par un PACS.
Actuellement, le texte prévoit qu'une déclaration fiscale commune pourra être
faite à partir du troisième anniversaire de l'enregistrement du PACS.
A l'évidence, ce délai traduit le soupçon que certains portent sur la nature
même des relations entre partenaires pacsés et met en exergue le risque des
PACS blancs. Je rappellerai que ce sont les mêmes qui s'insurgent contre les
mariages blancs, qui seraient selon eux très répandus.
Mais qu'en est-il des mariés qui divorcent avant deux ans ? Aucun délai n'est
imposé ; les mariés peuvent divorcer immédiatement après leur mariage.
Ce texte, qui prétend mettre fin aux discriminations et aux injustices subies
par les homosexuels, en crée une nouvelle avec ce délai supplémentaire.
J'ajoute que, pour effectuer le calcul des prestations sociales des personnes
se trouvant dans une situation précaire, est pris en compte le revenu de la
personne qui partage leur vie, et ce sans délai.
Ainsi, les personnes « pacsées » se verront retirer, dès la signature du PACS,
des prestations dont ils pouvaient bénéficier avant sans pour autant pouvoir,
avant un délai de deux ans, bénéficier de possibles réductions d'impôts.
Ainsi, par exemple, les articles 5
bis
et 5
ter
suppriment sans
délai l'allocation veuvage et l'allocation pour soutien de famille.
Pourquoi imposer des délais pour l'obtention de droits nouveaux alors que les
éventuels droits antérieurs sont immédiatement supprimés ?
C'est pour réparer cette injustice que nous proposons au Sénat d'adopter
l'amendement n° 46.
Au cas où il ne serait pas voté, nous avons déposé deux amendements visant à
faire bénéficier de l'imposition commune au moins les personnes qui peuvent
faire la preuve d'une vie commune de deux ans ou à celles qui ont des
enfants.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke, pour défendre les amendements n°s 67 rectifié
bis
, 68 rectifié et 69 rectifié.
Mme Dinah Derycke.
Ces trois amendements sont également relatifs au délai prévu par le texte issu
des travaux de l'Assemblée nationale.
Pour des raisons identiques à celles que vient d'exposer Mme Borvo, nous
souhaitons réduire ce délai.
Pour notre part, nous sommes attachés à l'imposition commune. Or qui dit
imposition commune dit foyer fiscal et qui dit foyer fiscal dit reconnaissance
d'un foyer. Je comprends bien que la majorité sénatoriale y soit opposée.
Mais, pour les raisons qu'a bien exposées Mme Borvo, dès que le PACS sera
conclu, certains des avantages dont pouvaient bénéficier les intéressés
disparaîtront immédiatement, que ce soit des minima sociaux, des prestations
d'assurances veuvage, etc. Il ne me semble pas normal que, d'un côté, les
avantages disparaissent alors que, de l'autre côté, le bénéfice de l'imposition
commune et d'éventuelles réductions d'impôt n'est pas effectif.
Nous savons bien que, le PACS ayant été supprimé par le Sénat, nos amendements
ne peuvent être retenus, mais nous pensons que la navette avec l'Assemblée
nationale permettra de réétudier sereinement ces problèmes de délais.
Tel est l'esprit dans lequel nous défendons ces amendements.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 46, 67 rectifié
bis
, 68 rectifié, 69 rectifié, 47 et 48 ?
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Je formulerai cet avis, à travers deux simples remarques.
J'observerai tout d'abord que, comme Mme Derycke vient de le dire, ces
amendements n'ont plus de raison d'être puisqu'ils portent sur le PACS et que
nous avons supprimé celui-ci.
Je relèverai par ailleurs que, dans une certaine mesure, les auteurs de la
propositon de loi avaient vu le danger du PACS, danger qu'a souligné M. Marini
: que l'on utilise le PACS uniquement pour des raisons fiscales, ouvrant du
même coup la voie à toute une série de fraudes. Dès lors, en raccourcissant les
délais, on ne peut que susciter d'emblée la fraude fiscale.
C'est la raison pour laquelle je suis bien entendu défavorable à ces six
amendements.
Au demeurant, comme l'a souligné l'un des membres du groupe socialiste, les
raisons financières sont parmi les raisons essentielles du PACS : il s'agit non
pas tant de reconnaître le couple homosexuel que de concéder des avantages
fiscaux à un certain nombre de personnes. C'est là, en fait, le fond de
l'affaire !
Mme Nicole Borvo.
De tels propos sont inacceptables !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Nous, nous voulons faire en sorte que tout le monde puisse en
bénéficier, sans discrimination.
Mme Nicole Borvo.
Il n'y a pas que l'argent dans la vie !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Il n'y a pratiquement que cela, et vous le savez bien !
M. Robert Bret.
Pour vous, peut-être !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les sept amendements restant en discussion
?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Sur l'amendement n° 24, je veux d'abord rappeler que
l'objet du PACS est d'offrir un cadre législatif de nature à régler différents
problèmes d'ordre juridique ou patrimonial aux personnes qui souhaitent
construire un projet de vie commune.
En tant que contrat, le PACS suppose, à peine de nullité, que les
souscripteurs soient juridiquement capables. Cette condition postule
l'existence d'une égalité des parties.
Or la solution du rattachement traduirait l'existence d'une incapacité fiscale
de la personne rattachée, qui devrait, à l'instar des enfants majeurs, formuler
une demande de rattachement que l'autre membre du couple ayant souscrit le PACS
serait libre d'accepter ou de refuser.
Un tel dispositif s'apparenterait en réalité à une réintroduction insidieuse
de la notion de chef de famille en matière d'impôt sur le revenu pour les
seules personnes ayant conclu un PACS. Il établirait ainsi une discrimination
parmi les contribuables liés par un PACS en excluant du bénéfice de la mesure
les contribuables dont le concubin disposerait de revenus excédant, même
faiblement, la limite fixée.
Cette première raison me semble à elle seule suffisante pour préférer le
dispositif de la proposition de loi à celui que suggère M. Marini.
Mais l'amendement n° 24 est aussi critiquable au regard de sa cohérence
d'ensemble.
Il pose d'abord un problème de compatibilité avec le dispositif prévu à
l'article 196 A
bis
du code général des impôts, aux termes duquel tout
contribuable qui recueille sous son toit une personne titulaire de la carte
d'invalidité prévue à l'article 173 du code de la famille et de l'aide sociale
- invalidité d'au moins 80 % - bénéficie d'une majoration de quotient
familial.
La combinaison de ce dispositif avec les termes de l'amendement conduirait à
différencier, en fonction du critère d'invalidité, les modalités de prise en
charge fiscale du concubin : celui qui serait valide ou reconnu invalide à
moins de 80 % serait rattaché sous forme d'abattement ; celui qui serait
invalide à au moins 80 % se verrait ouvrir le droit à un avantage de quotient
familial.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Et alors ? C'est bien !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
La logique de cette distinction n'apparaîtrait
probablement pas de façon immédiate aux contribuables et, de ce fait, porterait
atteinte à la lisibilité de l'impôt sur le revenu, que le Gouvernement souhaite
simplifier.
M. Philippe Marini,
rapporteur.
Oh là là !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Enfin, la proposition de M. Marini conduit à accorder
un avantage de quotient familial au titre d'enfants que le contribuable n'a pas
reconnus, alors que le père ou la mère de ceux-ci n'ouvriraient droit qu'à un
abattement sur le revenu imposable. Je dois vous avouer que la justification
d'un tel dispositif m'échappe complètement !
Toutes ces raisons me conduisent à souhaiter le rejet de cet amendement.
Quant aux observations abondamment développées par M. Marini concernant
l'équité, je voudrais dire que le PACS ne profite ni aux riches ni aux pauvres.
Il sera seulement plus favorable pour les partenaires dont les revenus sont
très inégaux, comme l'est d'ailleurs l'imposition commune des couples
mariés.
S'agissant des amendements n°s 46, 47 et 48, je ferai observer que les auteurs
de la proposition de loi ont, me semble-t-il, fait preuve de sagesse en
prévoyant que l'imposition commune des partenaires d'un PACS - avantage fiscal
qui peut être important - ne pourrait intervenir qu'à partir de l'imposition
des revenus de l'année du troisième anniversaire de la conclusion du PACS.
Ce délai vise à garantir de façon objective l'existence d'une période de vie
commune suffisamment longue pour attester de la volonté des partenaires
d'inscrire leur union dans la durée. C'est la logique même du PACS qui nous a
conduits à inscrire ce délai.
Admettre l'imposition dès l'enregistrement du PACS encouragerait sans doute la
signature de PACS de pure opportunité. Des personnes trouveraient en effet dans
cette facilité un moyen d'optimisation fiscale, ce qui signifierait qu'elles ne
placent pas leur démarche dans la finalité du PACS telle qu'elle est définie
par l'article 1er de la proposition de loi, à savoir le moyen pour deux
personnes d'organiser leur vie commune.
C'est pourquoi je ne suis pas favorable à ces amendements.
Les remarques qui précèdent valent également pour les amendements n°s 67
rectifié
bis
, 68 rectifié et 69 rectifié.
Il est vrai, madame Derycke, que vous substituez à la condition de délai le
critère de l'existence d'une vie commune antérieure à la conclusion du PACS.
Mais cela ne me paraît pas judicieux dans la mesure où l'administration de la
preuve de l'existence d'une telle communauté de vie poserait de nombreux
problèmes. Il en résulterait, à mon sens, une insécurité juridique
préjudiciable aux intéressés, et aussi une rupture d'égalité au détriment des
couples qui ne seraient pas en mesure d'apporter une telle preuve.
Je crois que les dispositions prévues par la proposition de loi sont
préférables parce qu'elles garantissent de façon objective l'existence d'une
période de vie commune constatée dans les mêmes conditions pour tous et
suffisamment longue pour attester de la volonté des partenaires d'inscrire leur
union dans la durée.
Je souhaiterais donc que ces amendements soient retirés.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Il est bien clair que notre proposition s'inscrit
non pas dans l'optique du PACS, que nous avons rejeté, mais dans celle, tout à
fait différente, de l'encouragement à des gestes de solidarité privée.
C'est pourquoi les objections relatives à la position dissymétrique dans
laquelle peuvent être placées les deux personnes en cause ne sont plus
recevables.
En ce qui concerne la conjugaison avec la disposition spécifique portant sur
les personnes invalides, il ne me semble pas injustifié qu'une personne
invalide bénéficie d'un avantage social et pécuniaire plus important qu'une
personne valide.
Notre approche, s'agissant des personnes à charge et du rattachement des
enfants, montre que, en tout état de cause, nous voulons avant tout privilégier
les enfants.
Enfin, je soulignerai que ce dispositif a ceci de particulier par rapport au
PACS qu'il ne nécessite pas de délai probatoire, la prise en compte des liens
de solidarité étant immédiate.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 24.
M. Emmanuel Hamel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel.
En vérité, vous me voyez extrêmement heureux en cet instant, madame le garde
des sceaux.
En effet, je ne peux pas concevoir que le Gouvernement ait ignoré les
conséquences financières qu'aurait pour le Trésor l'adoption du PACS. S'il a
accepté ces conséquences, qu'a analysées M. Marini, comment pourrait-il
s'opposer aujourd'hui à une politique familiale beaucoup plus active, notamment
au regard de l'aide à la natalité ?
(Sourires.)
Je vois donc dans l'attitude du Gouvernement favorable au PACS la
certitude que les familles vont bientôt recevoir l'assurance d'une politique
beaucoup plus active en leur faveur.
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Tout d'abord, je veux répondre favorablement à la sollicitation de Mme le
garde des sceaux.
J'ai bien indiqué tout à l'heure que nos amendements concernaient le PACS et
que, celui-ci n'existant plus, de par la volonté de la majorité sénatoriale,
ces amendements n'avaient plus vraiment de raison d'être.
Ils doivent simplement être regardés comme une contribution au débat qui va
nécessairement se poursuivre. Nous souhaitions attirer l'attention sur des
problèmes d'équité, tenant au fait que des avantages, notamment sociaux,
seraient suspendus ou supprimés et qu'aucune réduction fiscale ne serait
accordée dans les mêmes délais.
Bien entendu, nous pouvons maintenant retirer ces amendements.
Par ailleurs, je souhaite répondre à M. Gélard et à M. Marini que nous sommes
bien conscients que le PACS peut faire naître des tentations d'optimisation
fiscale, voire de fraude fiscale. Cependant, n'oublions pas qu'il y a aussi des
mariages d'intérêt et même des divorces de complaisance.
En 1981, lorsque la gauche a créé l'impôt sur les grandes fortunes, certains
couples, pourtant bien-pensants, mais aussi bien nantis, pour éviter d'avoir à
payer cet impôt, n'ont pas hésité à divorcer tout en continuant leur vie
commune. Cela explique qu'une disposition ait été prise pour imposer les
concubins à l'impôt sur les grandes fortunes.
M. Philippe Marini.
De tels couples ne constituent certes pas des exemples !
(Sourires.)
Mme Dinah Derycke.
On voit ainsi que le souci d'optimisation fiscale peut revêtir les formes les
plus diverses.
Cela dit, il est bien évident que nous ne voterons aucun des amendements
concernant les dispositions fiscales qui ont été déposés par M. Gélard ou par
M. Marini, car ils ne nous semblent vraiment pas avoir leur place dans le cadre
de la présente proposition de loi : ils relèvent plutôt d'un DDOF.
M. le président.
Les amendements n°s 67 rectifié
bis
, 68 rectifié et 69 rectifié sont
retirés.
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Il est certain que nos amendements n° 46, 47 et 48 n'ont pas lieu d'être
maintenus.
Cela dit, je ne suis pas entièrement convaincue. Je persiste à considérer
qu'il n'est pas équitable de supprimer des avantages alors que les personnes
concernées ne peuvent pas, en contrepartie, en obtenir d'autres avant un
certain délai.
S'agissant de l'amendement n° 24, j'ai plaisir à noter que la commission des
finances est déterminée, avec les encouragements de la commission des lois, à
faire la chasse, partout et en tout lieu, à la fraude fiscale et aux
exonérations de toutes sortes. Nous savons vous le rappeler en d'autres
circonstances, monsieur Martini.
Par ailleurs, j'ai cru comprendre que, à vous suivre, on devrait supprimer les
avantages fiscaux dont bénéficient les couples mariés qui n'ont pas d'enfants
puisque, d'après vous, ces avantages fiscaux sont liés à la capacité des
couples mariés à se reproduire. Le mariage, cette institution à vos yeux sacrée
ne se trouve-t-il pas ainsi soudainement désacralisé ?
J'ajoute que réserver l'imposition commune aux seuls couples mariés revient,
dans les faits, à créer une forme d'iniquité fiscale. Pourtant, le fisc ne
s'intéresse qu'à la réalité des faits. En l'occurrence, on peut considérer
qu'il y a communauté de fait. Aussi, sur le plan fiscal, il me parait injuste
de ne pas accorder aux couples non mariés qui ont choisi de vivre ensemble, de
partager leurs revenus, les avantages dont bénéficient les couples mariés.
M. le président.
Les amendements n°s 46, 47 et 48 sont retirés.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 24, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé.
Article additionnel après l'article 2
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 6, M. Gélard, au nom de la commission des lois, propose
d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le 2°
ter
du II de l'article 156 du code général des
impôts, il est rétabli un 3° ainsi rédigé : «
« 3e Sommes versées ou avantages en nature consentis à un parent collatéral
jusqu'au troisième degré, célibataire, veuf, divorcé ou séparé de corps dont le
montant des revenus perçus dans l'année ne dépasse pas le montant cumulé sur
les douze mois du revenu minimum d'insertion fixé pour une personne en
application de l'article 3 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988. La
déduction opérée par le contribuable ne peut excéder par bénéficiaire le
montant mentionné à l'article 196 B. ».
« II. - La perte de recettes résultant des dispositions du I ci-dessus est
compensée à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles
575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 25, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose
d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé : «
« I. - Après le 2°
ter
du II de l'article 156 du code général des
impôts, il est rétabli un 3° ainsi rédigé : «
« 3° Sommes versées ou avantages en nature consentis à un parent collatéral
jusqu'au troisième degré, célibataire, veuf, divorcé ou séparé de corps, dont
les revenus perçus dans l'année ne dépassent pas un montant égal au cumul sur
douze mois du revenu minimum d'insertion fixé pour une personne isolée en
application de l'article 3 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988. La
déduction opérée par le contribuable ne peut excéder le montant mentionné à
l'article 196 B. ».
« II. - La perte de recettes résultant des dispositions du I ci-dessus est
compensée à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles
575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 6.
M. Patrice Gélard.
rapporteur.
Je tiens à faire observer à Mme Borvo que le mariage est une
institution de la République. Le reste relève de la vie privée. L'un justifie
l'autre !
Mme Nicole Borvo.
Alors, il ne faut pas défendre le mariage au nom de l'enfant !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Nous ne parlons pas de l'enfant ! Nous avons assisté
aujourd'hui à des dérives.
Mme Nicole Borvo.
On nous a pourtant dit que les avantages fiscaux étaient liés aux enfants !
M. le président.
Madame Borvo, veuillez laisser M. le rapporteur s'exprimer.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
S'agissant de l'amendement n° 6, je formulerai la même
remarque que tout à l'heure. Cet amendement a un objet similaire à celui qui a
été adopté par la commission des finances. Aussi, la commission des lois le
retire et laisse la place à M. le rapporteur pour avis pour défendre
l'amendement n° 25.
M. le président.
L'amendement n° 6 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n°
25.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Il s'agit de permettre aux contribuables de déduire
les sommes versées ou les avantages en nature consentis à des collatéraux
jusqu'au troisième degré disposant de faibles ressources. Nous nous situons
toujours dans la même logique, qui est celle de la solidarité.
Actuellement, aucune déduction n'est possible pour les pensions versées à des
collatéraux : frères, soeurs, oncles, tantes, nièces, neveux.
Seule existe une possibilité pour le contribuable de déduire de son revenu
global les avantages en nature consentis à des personnes âgées de plus de
soixante-quinze ans vivant sous son toit, dès lors que leur revenu imposable
n'excède pas le plafond de ressources fixé pour l'octroi des allocations
supplémentaires versées par le Fonds de solidarité vieillesse et par le Fonds
spécial invalidité. Le montant déductible est de 17 840 francs.
Il est proposé de créer, sur ce même modèle, à l'article 156 du code général
des impôts, un régime favorable pour les collatéraux sans ressources, en
permettant au contribuable de déduire une pension alimentaire d'un montant égal
à celui qui est fixé à l'article 196 B et qui serait porté à 25 000 francs,
sans conditions d'âge ni de domicile.
Pour nous, il s'agit encore d'un élément utile pour encourager des
solidarités, et ce sans confusion avec le régime institutionnel du mariage.
Je reviens brièvement sur le propos de Mme Borvo. Sans doute n'a-t-elle pas
oublié qu'un article du code civil dispose que les deux époux « pourvoient à
l'éducation des enfants et préparent leur avenir ». Tous les maires ici
présents le lisent fréquemment devant les mariés, qu'ils soient jeunes ou moins
jeunes.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement souhaite le rejet de cet amendement.
D'abord, les sommes versées à une personne dans le besoin ne sont déductibles
du revenu global de leur auteur, conformément aux dispositions du 2° du II de
l'article 156 du code général des impôts, que parce qu'elles relèvent de
l'obligation alimentaire telle qu'elle est définie aux articles 205 à 211 du
code civil.
Or, le droit civil n'établit pas d'obligation alimentaire entre frères et
soeurs, si bien que, aussi digne d'intérêt que soit la situation des personnes
qui consentent une aide alimentaire en dehors de toute obligation légale, il
n'est pas possible de consacrer dans le droit fiscal des relations que le droit
civil chargé de régir les rapports familiaux ne reconnaît pas lui-même.
C'est d'ailleurs pour ces raisons que j'ai émis des réserves sur les
dispositions de l'article 10 de la proposition de loi relative aux fratries.
J'ai ainsi suggéré, au nom du Gouvernement, lors de la première lecture à
l'Assemblée nationale, qu'un parlementaire, ou un groupe de parlementaires,
fasse des propositions concrètes sur ce sujet, qui est digne d'intérêt et qui
doit, je crois, être traité dans un autre cadre. Cette proposition, que j'ai
faite, bien entendu, avec l'accord de mes collègues des finances, MM. Dominique
Strauss-Kahn et Christian Sautter, est raisonnable.
Cela étant, diverses dispositions fiscales répondent déjà dans une large
mesure aux attentes qui ont été manifestées. Ainsi, les contribuables peuvent
considérer comme étant à leur charge les collatéraux qui vivent sous leur toit
et sont titulaires de la carte d'invalidité prévue à l'article 173 du code de
la famille et de l'aide sociale. Ils bénéficient alors d'une part entière de
quotient familial par personne recueillie. Par ailleurs, ceux qui recueillent
des collatéraux non titulaires de cette carte d'invalidité, mais âgés de plus
de soixante-quinze ans et dont le revenu imposable n'excède pas le plafond de
ressources fixé pour l'octroi de l'allocation supplémentaire prévue par le code
de la sécurité sociale, peuvent aussi déduire de leurs revenus, dans la limite
d'un plafond qui s'élève, par personne recueillie, à 17 680 francs pour 1998,
les avantages en nature qu'ils consentent aux intéressés.
Ces dispositions permettent d'accompagner et d'encourager l'entraide familiale
dans les situations de faiblesse les plus caractéristiques que sont
l'invalidité, l'âge ou l'absence de ressources suffisantes. Mais, encore une
fois, ces dispositions peuvent être améliorées dans un autre cadre et selon la
méthode que j'ai rappelée voilà un instant.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 25.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Certes, vous venez de dire, madame le garde des sceaux, que vous n'aviez pas
été favorable à l'article 10 ; mais l'Assemblée nationale s'était tout de même
interrogée sur les cas d'entraide familiale.
A partir du moment où on crée ce pacte, les dispositions prévues doivent être
étendues. Dans des régions difficiles notamment, nombre de frères et soeurs
vivent ensemble quand leurs parents sont décédés. Souvent, il s'agit
d'exploitants ou d'anciens exploitants. Des dispositions sont prévues pour les
invalides et pour les personnes de plus de soixante-quinze ans, avez-vous dit.
Ce que propose la commission des finances, ce n'est pas autre chose, sauf
qu'elle ne fixe pas de limite d'âge.
Faut-il vraiment attendre soixante-quinze ans ? Croyez-vous vraiment qu'à
cinquante ans, soixante, les gens ne sont pas en détresse et n'ont pas besoin
de solidarité ? S'ils ont un frère ou une soeur qui dispose de moyens, ceux-ci
ne peuvent-ils les accueillir et bénéficier d'avantages ? Il existe pourtant de
nombreuses possibilités, dans le PACS ou dans d'autres dispositifs, de tourner
la loi, même s'il n'y a pas communauté de vie réelle.
Il s'agit d'une mesure d'équité. Elle encouragerait les solidarités
familiales, si indispensables. Nous éviterions ainsi à des personnes de se
retrouver dans la solitude de structures sociales qui ne sont certainement pas
le meilleur de notre société.
M. Denis Badré.
Très bien !
M. Jean-Pierre Bel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bel.
M. Jean-Pierre Bel.
Pour des raisons de fond qui ont déjà été longuement évoquées et qu'il ne me
semble pas nécessaire de reprendre à ce point du débat, le groupe socialiste
votera contre cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 25, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 2.
Article additionnel avant l'article 3
M. le président.
Par amendement n° 26, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose
d'insérer, avant l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le début du premier alinéa du 3 de l'article 6 du code général des
impôts est ainsi rédigé :
« Toute personne majeure âgée de moins de vingt et un ans, ou de moins de
vingt-cinq ans lorsqu'elle poursuit ses études ou est demandeur d'emploi, ainsi
que, quel que soit son âge... » (
Le reste sans changement.
)
« II. - L'article 196 B du code général des impôts est ainsi rédigé :
«
Art. 196 B.
- Le contribuable qui accepte le rattachement des
personnes désignées au 3 de l'article 6 bénéficie d'un abattement de 25 000
francs sur son revenu global net par personne ainsi prise en charge. »
« III. - La perte de recettes résultant des dispositions des I et II ci-dessus
est compensée à due concurrence par une majoration des droits prévus aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
L'ensemble de ces amendements fiscaux résultent,
bien entendu, d'un travail en commun entre la commission des lois et la
commission des finances.
Le présent article additionnel à un double objet. En premier lieu, il vise à
permettre le rattachement au foyer fiscal des enfants de plus de vingt ans et
de moins de vingt-cinq ans à la recherche d'un emploi. En second lieu, il
s'agit de relever à 25 000 francs l'abattement pour les personnes rattachées en
application de l'article 196 B du code général des impôts et d'étendre cet
abattement à tous les enfants rattachés de plus de vingt ans et de moins de
vingt-cinq ans.
Ainsi, nous souhaitons augmenter l'avantage fiscal consenti à la personne
ayant de faibles ressources et qui est rattachée au contribuable, en
application de l'article 2 qui a été adopté voilà quelques instants.
Mes chers collègues, la substitution à l'imposition commune des partenaires
d'un pacte de solidarité d'un système d'abattement devrait dégager, comme M.
Hamel l'a rappelé tout à l'heure, de substantielles économies, qu'il est
proposé d'affecter aux besoins des familles.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
La commission des finances propose en ce sens les
deux dispositions que j'ai exposées à l'instant et qui répondent aux besoins
concrets de toutes les familles, quel que soit leur statut.
Dans le contexte actuel, souvent marqué par les difficultés liées à l'accès au
premier emploi, il ne semble pas anormal de traiter fiscalement les jeunes de
moins de vingt-cinq ans à la recherche d'un emploi de la même façon que l'on
traite les enfants étudiants.
Certes, madame le ministre, vous allez sans doute nous rappeler qu'il est
toujours possible de verser une pension alimentaire à un enfant en difficulté.
Mais outre que cette possibilité, aux contours mal définis, est source de
contestations multiples avec l'administration fiscale, il faut noter que la
possibilité de rattachement permet de conserver le bénéfice des demi-parts
supplémentaires accordées aux familles nombreuses. C'est donc un dispositif
plus simple, moins porteur d'insécurité en termes de vérifications fiscales et
plus généreux compte tenu de l'application du quotient familial.
Par ailleurs, il vous est proposé, mes chers collègues, dans le même esprit,
d'accroître le montant de l'abattement dont bénéficient actuellement les seuls
enfants mariés ou ayant eux-mêmes des enfants, en application de l'article 196
B du code général des impôts, et d'en étendre le bénéfice à tous les enfants à
charge de vingt et un à vingt-quatre ans inclus.
La généralisation de l'abattement à tous les enfants de plus de vingt ans et
de moins de vingt-cinq ans qui dépendent de leurs parents, qu'ils soient ou non
mariés ou qu'ils aient ou non eux-mêmes des enfants, est logique dans le monde
actuel où les jeunes ont un grand esprit d'indépendance mais doivent, pendant
une longue période, compter sur leurs proches et sur leurs parents pour assurer
leur autonomie économique. La situation justifie, nous semble-t-il, que soient
séparés l'avantage accordé aux plus de vingt ans et de moins de vingt-cinq ans
et celui qui résulte du quotient familial.
La mesure que nous préconisons doit être replacée dans son contexte, à savoir
l'aller-retour du Gouvernement sur la mise sous condition de ressources des
allocations familiales.
Nous proposons de porter le montant de cet abattement à 25 000 francs, au lieu
du plafond de 20 370 francs fixé dans la dernière loi de finances. Un tel
relèvement doit être interprété non comme la volonté de revenir sur une
décision politique qui a été prise par la majorité de l'Assemblée nationale,
mais plutôt, dans le cadre du texte que nous examinons aujourd'hui, comme le
témoignage de notre intention de répondre aux besoins des familles et aux
divers besoins de solidarité de la société actuelle.
Il est important de souligner qu'il s'agit d'une mesure de politique
familiale, qui est susceptible de profiter à tous les foyers imposables, et pas
seulement à ceux qui sont touchés par le plafonnement prévu par la dernière loi
de finances. Nous avons d'ailleurs fait figurer dans le rapport écrit un
tableau montrant les conséquences chiffrées de cette proposition.
M. Robert Bret.
Vous êtes hors sujet !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Non, nous ne sommes pas hors sujet ! Nous sommes
simplement dans une logique de proposition fondamentalement différente du
système contenu dans la proposition de loi sur le PACS, que nous critiquons.
L'amendement n° 26 prévoit un gage, qui est simplement formel et qui reflète
une précaution, dans la mesure où les avantages dont il s'agit seront, à notre
avis, financés pour une large part, et probablement de façon suffisante, par
les économies dégagées précédemment par la suppression de l'imposition commune.
J'ai la conviction, mes chers collègues, que l'ensemble des éléments de notre
dispositif seraient moins coûteux que le dispositif accepté par le Gouvernement
dans le cadre de la proposition de loi sur le PACS.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je tiens à rappeler que, lorsqu'ils sont âgés de plus
de vingt et un ans, les enfants majeurs qui ne poursuivent pas d'études sont
personnellement imposables à l'impôt sur le revenu. Ils ne peuvent donc pas
demander leur rattachement au foyer fiscal de leurs parents.
Cela étant, les parents peuvent toutefois déduire de leur revenu imposable,
dès lors qu'ils sont en mesure de les justifier, les dépenses qu'ils supportent
à titre de pension alimentaire pour l'entretien de leurs enfants majeurs dans
la limite d'un plafond fixé à 20 370 francs pour l'imposition des revenus de
1998. L'obligation alimentaire peut être exécutée en nature ou en espèces.
Au sein de ce plafond, il est toutefois admis, lorsque l'enfant majeur vit
durant toute l'année civile sous le toit de ses parents, que les dépenses de
nourriture et d'hébergement soient évaluées par référence à l'estimation
forfaitaire des avantages en nature retenue en matière de sécurité sociale,
soit 17 840 francs pour l'imposition des revenus de 1998. Dans cette situation,
seule la fraction de pension alimentaire déductible excédant cette évaluation
forfaitaire doit être justifiée.
Enfin, la pension alimentaire n'est imposable entre les mains de l'enfant que
dans la limite admise pour sa déduction, ce qui lui permet d'être exonéré
d'impôt dès lors qu'il ne dispose par d'autres revenus.
Le droit positif répond ainsi très largement à la préoccupation exprimée par
cet amendement qui, au demeurant, je le rappelle, vise une situation totalement
étrangère à l'objet de la proposition de loi
(M. le rapporteur pour avis
sourit)
...
Mme Dinah Derycke.
Tout à fait !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
qui - je le répète encore une fois - est neutre à
l'égard des enfants.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, avant l'article 3.
Mes chers collègues, il nous reste à examiner trente-six amendements. Je vous
invite donc à la concision, si vous souhaitez achever l'examen de ce texte ce
soir.
Oui ! sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen.)
Sinon, il nous faudra en renvoyer l'examen à mardi prochain.
(Oh non ! sur
les mêmes travées.)
M. Claude Estier.
Achevons ce soir, monsieur le président !
Article 3
M. le président.
« Art. 3. _ I. _ Il est inséré, dans le code général des impôts, un article
777
bis
ainsi rédigé :
«
Art. 777
bis
. _ La part nette taxable revenant au partenaire
lié au donateur ou au testateur par un pacte civil de solidarité défini à
l'article 515-1 du code civil est soumise à un taux de 40 % pour la fraction
n'excédant pas 100 000 F et à un taux de 50 % pour le surplus lorsque lesdits
partenaires sont, à la date du fait générateur des droits, liés depuis au moins
deux ans par un pacte civil de solidarité.
« Toutefois, la condition de durée imposée aux partenaires d'un pacte civil de
solidarité ne s'applique pas au legs consenti par un testateur reconnu atteint
d'une affection de longue durée au sens des 3° et 4° de l'article L. 322-3 du
code de la sécurité sociale. »
« II. _ A l'article 780 du code général des impôts, les mots : "articles 777"
sont remplacés par les mots : "articles 777, 777
bis,
". »
« III. _ L'article 779 du code général des impôts est complété par un III
ainsi rédigé :
«
III.
_ Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il
est effectué un abattement de 300 000 francs sur la part du partenaire lié au
donateur ou au testateur par un pacte civil de solidarité défini à l'article
515-1 du code civil lorsque lesdits partenaires sont, à la date du fait
générateur des droits, liés depuis au moins deux ans par un pacte civil de
solidarité. Pour les mutations à titre gratuit entre vifs consenties par actes
passés à compter du 1er janvier 2000 et pour les successions ouvertes à compter
de cette date, le montant de l'abattement est de 375 000 F.
« Toutefois, la condition de durée imposée aux partenaires d'un pacte civil de
solidarité ne s'applique pas au legs consenti par un testateur reconnu atteint
d'une affection de longue durée au sens des 3° et 4° de l'article L. 322-3 du
code de la sécurité sociale. »
« IV. _ Les pertes de recettes résultant des I et III du présent article sont
compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles
575 et 575 A du code général des impôts. »
Sur cet article, je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet
d'une discussion commune.
Par amendement n° 7, M. Gélard, au nom de la commission des lois, propose de
rédiger ainsi cet article :
« I. - Avant l'article 788, il est inséré dans le code général des impôts un
article 787 A
bis
ainsi rédigé :
«
Art. 787 A
bis. - Pour la perception des droits de mutation par
décès, il est effectué un abattement de 300 000 francs sur la part revenant à
un légataire désigné par le testateur. Cet abattement ne peut bénéficier qu'à
un seul légataire. Il n'est cumulable avec aucun autre abattement. »
« II. - La perte de recettes résultant des dispositions du I ci-dessus est
compensée à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles
575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 27, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose
de rédiger ainsi l'article 3 :
« I. - Avant l'article 788, il est inséré dans le code général des impôts un
article 787 A
bis
ainsi rédigé :
«
Art. 787 A
bis. - Pour la perception des droits de mutation par
décès, il est effectué un abattement de 250 000 francs sur la part revenant à
un légataire, personne physique, désigné par le testateur, lorsque ce légataire
ne bénéficie pas d'un abattement en application de l'article 779-I. Cet
abattement ne peut bénéficier qu'à un seul légataire. Il n'est cumulable, pour
le bénéficiaire du legs, avec aucun autre abattement. »
« II. - La perte de recettes résultant des dispositions du I ci-dessus est
compensée à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles
575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 70 rectifié, Mme Derycke, MM. Bel, Delanoë et les membres du
groupe socialiste et apparentés proposent :
A. - I. - De rédiger comme suit le texte présenté par le I de l'article 3 pour
l'article 777
bis
du code général des impôts :
«
Art. 777
bis. - La part nette taxable revenant au partenaire lié au
donateur ou au testateur par un pacte civil de solidarité défini à l'article
515-1 du code civil est soumise à un taux de 20 % pour la fraction n'excédant
pas 100 000 francs et à un taux de 40 % pour le surplus. »
II. - De rédiger comme suit le texte présenté par le III de l'article 3 pour
l'article 779 du code général des impôts :
« III. - Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il est
effectué un abattement de 250 000 francs sur la part du partenaire lié au
donateur ou au testateur par un pacte de solidarité défini à l'article 515-1 du
code civil. »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, de
compléter l'article 3 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes résultant de l'abaissement du taux d'imposition
de l'actif successoral des partenaires liés par un pacte civil de solidarité
sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 71 rectifié, Mme Derycke, MM. Bel, Delanoë et les membres du
groupe socialiste et apparentés proposent :
A. - I. - De rédiger comme suit le texte présenté par le I de l'article 3 pour
l'article 777
bis
du code général des impôts :
«
Art. 777
bis. - La part nette taxable revenant au partenaire lié au
donateur ou au testateur par un pacte civil de solidarité défini à l'article
515-1 du code civil est soumise à un taux de 20 % pour la fraction n'excédant
pas 100 000 francs et à un taux de 40 % pour le surplus lorsque lesdits
partenaires sont, à la date du fait générateur des droits, liés depuis au moins
deux ans par un pacte civil de solidarité.
« Toutefois, la condition de durée imposée aux partenaires d'un pacte civil de
solidarité ne s'applique pas en matière de succession.
« Cette condition ne s'applique pas également, en matière de succession comme
de donation, aux partenaires qui peuvent justifier par tout moyen de
l'antériorité de leur vie commune de plus de deux ans avant la conclusion du
pacte civil de solidarité. »
II. - Dans la première phrase du premier alinéa du texte présenté par le III
de l'article 3 pour le III de l'article 779 du code général des impôts, de
remplacer la somme : 300 000 francs par la somme : 250 000 francs.
III. - De supprimer la seconde phrase du premier alinéa du texte présenté par
le III de l'article 3 pour le III de l'article 779 du code général des
impôts.
IV. - De remplacer le second alinéa du texte présenté par le III de l'article
3 pour le III de l'article 779 du code général des impôts par deux alinéas
ainsi rédigés :
« Toutefois, la condition de durée imposée aux partenaires d'un pacte civil de
solidarité ne s'applique pas en matière de succession.
« Cette condition ne s'applique pas également, en matière de succession comme
de donation, aux partenaires qui peuvent justifier par tout moyen de
l'antériorité de leur vie commune de plus de deux ans avant la conclusion du
pacte civil de solidarité. »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, de
compléter l'article 3 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« Les pertes de recettes résultant de l'accroissement des abattements sur
l'actif successoral des partenaires liés par un pacte civil de solidarité sont
compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles
575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 49, MM. Bret, Duffour, Foucaud, Mme Borvo, M. Fischer, Mme
Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Le Cam, Lefebvre, Mme Luc, MM.
Ralite, Renar et Mme Terrade proposent :
A. - I. - Après les mots : « le surplus », de supprimer la fin du premier
alinéa du texte présenté par le paragraphe I de l'article 3 pour l'article 777
bis
du code général des impôts.
II. - De supprimer le texte présenté par l'article 3 pour le second alinéa de
l'article 777
bis
du code général des impôts.
III. - Après les mots : « code civil », de supprimer la fin de la première
phrase du premier alinéa du texte présenté par le paragraphe III de l'article 3
pour le paragraphe III de l'article 779 du code général des impôts.
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, de
compléter l'article 3 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« .... - Les pertes de recettes résultant de l'assouplissement du régime des
droits de succession des partenaires liés par un pacte civil de solidarité sont
compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles
575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 50, MM. Bret, Duffour, Foucaud, Mme Borvo, M. Fischer, Mme
Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Le Cam, Lefebvre, Mme Luc, MM.
Ralite, Renar et Mme Terrade proposent :
A. - Dans le texte présenté par le paragraphe III de l'article 3 pour le
paragraphe III de l'article 779 du code général des impôts, de remplacer la
somme : « 300 000 francs » par la somme : « 330 000 francs ».
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, de
compléter l'article 3 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« .... - Les pertes de recettes résultant de l'accroissement de l'abattement
sur l'actif successoral des partenaires liés par un pacte civil de solidarité
sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 74 rectifié, Mme Derycke, MM. Bel, Delanoë et les membres du
groupe socialiste et apparentés proposent :
A. - De rédiger comme suit le second alinéa du texte présenté par le
paragraphe III de l'article 3 pour compléter l'article 779 du code général des
impôts :
« Toutefois, cette condition de durée ne s'applique pas aux partenaires , qui
peuvent prouver par tout moyen l'antériorité de plus de deux ans de leur vie
commune. »
B. - De compléter l'article 3 par un paragraphe ainsi rédigé :
« .... - Les pertes de recettes résultant de la suppression du délai pour
bénéficier du taux préférentiel des droits sur les successions et donations
sont compensées à due concurrence par la majoration du tarif prévu aux articles
575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 7.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Je retire cet amendement au profit de l'amendement n° 27 de
la commission des finances, qui, naturellement, recueille l'avis favorable de
la commission des lois.
M. le président.
L'amendement n° 7 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n°
27.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Les dispositions fiscales que nous évoquons dans le
cadre de ce texte sont de deux natures : les unes concernent l'impôt sur le
revenu et les autres, les impôts sur les droits de mutation à titre gratuit.
Sur le plan fiscal, les problèmes posés à des personnes qui cohabitent
ressortent de deux catégories d'impôts : l'impôt sur le revenu, d'une part, les
droits de mutation à titre gratuit, c'est-à-dire l'impôt sur le patrimoine,
d'autre part. Nous estimons, en étroit accord avec la commission des lois et
reprenant d'ailleurs une idée qui avait été initialement émise par notre
collègue Patrice Gélard, qu'il faut réexaminer le régime de nos droits de
succession et que ceux-ci, s'ils font, comme il est normal, une part importante
aux liens de famille, directs ou indirects, rendent aujourd'hui complètement
dissuasives les conditions de cession d'un élément de patrimoine à une personne
qui ne serait pas directement liée à celui qui teste.
Nous inscrivant dans une autre logique, nous préférons donc substituer à la
disposition prévue par la proposition de loi, qui institue en faveur d'un
signataire d'un pacte civil de solidarité un régime de droits de mutation
spécifique comportant un allégement du barème en matière de mutations et un
abattement élevé, un autre dispositif d'application générale, à savoir la
possibilité pour une personne, quelle qu'elle soit, de désigner un légataire,
et un seul, susceptible de bénéficier d'un abattement de 250 000 francs. C'est
ce que l'on a appelé le « legs électif universel », et qui, dans une première
version, était dénommé « legs affectif universel », l'idée étant bien la
même.
Dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, l'article 3 tend à créer,
je le rappelle, un régime particulier de droits de mutation à titre gratuit
applicable aux transmissions de patrimoine entre partenaires liés par un pacte
civil de solidarité.
La commission des finances a considéré, à la suite de la commission des lois,
qu'il n'y a pas lieu de créer un régime spécifique, et, en particulier, de
toucher aux règles actuelles lorsqu'il s'agit de mutations entre vifs.
A défaut d'une réforme d'ensemble qui simplifierait les régimes et allégerait
les barèmes, elle a estimé que ce texte pouvait être l'occasion de faire, dans
notre législation successorale, une place aux affinités choisies indépendamment
des liens du sang ou des alliances.
Il est donc proposé, sans toucher au barème, de créer un abattement
particulier dans la limite duquel il sera possible de faire à une personne de
son choix un legs en franchise d'impôt.
M. Guy Allouche.
Abrégez votre propos, monsieur le rapporteur pour avis !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Nous suggérons que cet abattement soit fixé à 250
000 francs, monsieur Allouche, ce qui n'est pas négligeable, en particulier
pour les personnes qui cohabitent.
M. Guy Allouche.
Soyez concis !
M. Robert Bret.
L'heure tourne !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
J'ai cru comprendre, monsieur Allouche, que l'on
s'interrogeait ici sur les problèmes patrimoniaux de personnes qui cohabitent
et que l'on recherchait des solutions pour leur permettre de mieux conjuguer
leurs étroites solidarités !
M. Guy Allouche.
Ce que vous faites ici, l'Assemblée nationale le refusera !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Je crois que la proposition ici faite va vraiment
dans le sens de vos préoccupations. C'est pour cette raison que je m'efforçais
de la développer de manière aussi claire que possible.
M. Guy Allouche.
Il faut être concis !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Je conclus en disant, pour répondre à votre
légitime curiosité
(Sourires),
que ce montant de 250 000 francs a été
ainsi déterminé pour des raisons précises. D'ailleurs, vous vous interrogez
sans doute sur les raisons pour lesquelles nous proposons ce montant de 250 000
francs.
Mme Dinah Derycke.
Pas du tout !
M. Guy Allouche.
Non, nous ne nous interrogeons pas !
Mme Dinah Derycke.
D'autant que nous connaissons la réponse !
M. Guy Allouche.
Il y a des questions que l'on préfère ne pas poser !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
En premier lieu, il a semblé à la commission qu'il
était cohérent que le montant de l'abattement relatif à ce legs électif soit,
pour des raisons de principe, inférieur à celui qui est accordé aux enfants.
Vous m'entendez souvent parler des enfants, et vous seriez donc surpris que je
n'y fasse pas référence.
Or, l'abattement pour enfant étant de 300 000 francs, il faut donc se situer -
cela semble logique - un peu en dessous, c'est-à-dire à 250 000 francs.
M. Guy Allouche.
Cela relève de la loi de finances !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
En second lieu, il a paru souhaitable d'en revenir
au montant de 250 000 francs qui figurait dans le texte de la proposition, mais
en étendant sensiblement le nombre des bénéficiaires.
Il faut admettre effectivement que cette disposition, si elle était appliquée,
permettrait de favoriser d'autres personnes que les cohabitants : ce pourrait
être des petits-enfants, de colatéraux, des personnes sans lien de parenté.
Tout cela nous semble donc aller dans le sens de la politique d'incitation à
la solidarité, qui est l'inspiration de nos propositions fiscales.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke, pour présenter les amendements n°s 70 rectifié,
71 rectifié et 74 rectifié.
Mme Dinah Derycke.
Je présenterai ces trois amendements ensemble, monsieur le président, mais je
serai beaucoup plus brève que M. le rapporteur pour avis dans la mesure où ces
amendements avaient effectivement trait, eux, au texte dont nous devions
discuter et que la majorité sénatoriale a refusé.
Ces amendements étaient notamment relatifs aux délais. Le débat a eu lieu
précédemment sur l'imposition sur le revenu.
Madame la ministre va certainement me demander de retirer ces amendements, et
j'indique d'ores et déjà que j'accepterai alors de le faire, sachant qu'ils
seront versés pour contribution à la suite du débat. (
Très bien ! et
applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Bret, pour défendre les amendements n°s 49 et 50.
M. Robert Bret.
L'amendement n° 49 porte sur la question tout à fait essentielle des règles
appliquées en matière de succession et de donation pour les participants à un
pacte civil de solidarité.
Il s'agit ici, pour nous, de ne pas affecter ces opérations de conditions
discriminatoires d'application, en supprimant, en particulier, les conditions
de déroulement et d'ancienneté que le texte actuel de la proposition de loi
retient.
Nous souhaitons, par cet amendement, procéder à la suppression de l'ensemble
des dispositions de cette nature inscrites actuellement dans le texte.
Cet amendement vise, dans le texte proposé par l'article 3 pour le paragraphe
I de l'article 777
bis
du code général des impôts, à modifier le premier
alinéa et à supprimer les dispositions du second alinéa, le cas que recouvre ce
dernier étant couvert par la banalisation du statut des partenaires d'un pacte
civil de solidarité.
La même démarche vaut évidemment pour le paragraphe III de l'article 779 du
même code général des impôts, relatif aux abattements appliqués en matière de
mutation à titre gratuit.
Avec l'amendement n° 50, nous proposons que les règles appliquées au
partenaire d'un pacte civil de solidarité survivant à l'issue d'une mutation à
titre gratuit soient identiques à celles qui sont appliquées aux couples
mariés.
Nous ne suggérons pas cela dans la perspective de faire du PACS une forme de
mariage
bis,
mais pour que soit pris en compte le fait qu'un pacte civil
de solidarité est bel et bien un engagement clair et conscient de deux parties
dont la finalité est pour le moins aussi estimable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 27, 70 rectifié, 71
rectifié, 49, 50 et 74 rectifié ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Sur l'amendement n° 27, le Gouvernement émet un avis
défavorable, pour des raisons à la fois juridiques et techniques.
Juridiquement et fiscalement, notamment pour l'application des droits de
mutation par décès, la loi ne distingue pas selon que l'héritier vient à la
succession en vertu de la dévolution légale ou bien d'un testament. Les droits
applicables sont uniquement fixés en fonction du lien de parenté existant entre
le défunt et le bénéficiaire.
Un tel dispositif pourrait par ailleurs, dans certains cas, aboutir à des
situations moins favorables que celles qui existent actuellement.
En outre, techniquement, la question se pose de savoir quel légataire
bénéficiera de cet abattement en cas de pluralité de légataires désignés dans
le testament. Or rien ne permet d'obliger un testateur à désigner un seul
légataire dans son testament.
De plus, cette mesure conduirait directement à substituer à l'abattement de 10
000 francs actuellement applicable entre personnes non parentes un abattement
de 300 000 francs si ces mêmes personnes sont instituées légataires, ce qui
aurait un coût budgétaire élevé.
J'en viens aux amendements n°s 70 rectifié, 71 rectifié et 74 rectifié.
Madame Derycke, soyez certaine que, lorsque nous examinerons, comme je l'ai
proposé, d'autres questions, nous tiendrons naturellement compte des
propositions que vous avez formulées ici.
S'agissant de l'amendement n° 49, il me paraît légitime de supprimer tout
délai tenant à la durée du PACS en cas de décès puisque ce dernier constitue,
par définition, un événement fortuit. Mais la même suppression ne me semble pas
souhaitable pour les donations car, contrairement aux dispositions
testamentaires, la donation au partenaire emportera dessaisissement immédiat et
irrévocable du donateur. Il s'agit d'un acte grave qui ne peut être encouragé
par le biais d'un avantage fiscal que si l'union présente une certaine durée et
une certaine stabilité.
Enfin, l'amendement n° 50 tend à porter l'abattement applicable sur la part du
partenaire lié au donateur ou au testataire depuis au moins deux ans à 330 000
francs. Or le PACS n'a pas pour objet de concurrencer le mariage, puisqu'il
réalise un alignement sur le régime des époux.
M. Jean-Jacques Hyest.
Absolument !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Aucun rapport ne doit être donc établi entre
l'abattement applicable au partenaire d'un PACS et celui qui est applicable au
conjoint survivant.
J'ajoute que le relèvement de l'abattement pour le conjoint survivant était
justifié par le fait que celui-ci n'avait pas été revalorisé depuis de
nombreuses années.
Il ne peut être envisagé par ailleurs d'accorder au partenaire un abattement
dont le montant serait égal ou supérieur à celui dont bénéficient les
ascendants ou les descendants en ligne directe, car on toucherait ainsi aux
principes fondamentaux du droit de la famille, ce qui n'est, je crois, ni votre
intention ni celle du Gouvernement.
Par conséquent, j'émets un avis défavorable sur cet amendement n° 50.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 27, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé et les amendements n°s 70
rectifié, 71 rectifié, 49, 50 et 74 rectifié n'ont plus d'objet.
Articles additionnels après l'article 3
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 8, M. Gélard, au nom de la commission des lois, propose
d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le paragraphe I de l'article 788 du code général des impôts est ainsi
rédigé :
«
I. -
Pour la perception des droits de mutation par décès, il est
effectué un abattement de 150 000 F sur la part de chaque frère ou soeur
constamment domicilié avec le défunt pendant l'année précédant le décès.
« II. - La perte de recettes résultant des dispositions du I ci-dessus est
compensée à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles
575 et 575 A du code général des impôts. » Par amendement n° 28, M. Marini, au
nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 3, un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le paragraphe I de l'article 788 du code général des impôts est ainsi
rédigé :
«
I. -
Pour la perception des droits de mutation par décès, il est
effectué un abattement de 150 000 F sur la part de chaque frère ou soeur,
célibataire, veuf, divorcé ou séparé de corps, constamment domicilié avec le
défunt pendant l'année précédant le décès. La preuve de la cohabitation est
apportée dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat.
« II. - La perte de recettes résultant des dispositions du I ci-dessus est
compensée à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles
575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 8.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Comme lors de l'examen des amendements précédents, la
commission des lois retire cet amendement au profit de celui de la commission
des finances.
M. le président.
L'amendement n° 8 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n°
28.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Cet article additionnel a pour objet, par cohérence
avec le dispositif que nous venons d'adopter à l'article 3, d'améliorer le
régime successorial dont bénéficient les frères et soeurs isolés, domiciliés
avec le défunt, en portant à 150 000 francs l'abattement dont ils bénéficient
et en assouplissant les conditions d'octroi de cet abattement, qui ne suppose
plus qu'une seule année de cohabitation avant le décès.
Comme vous le savez, mes chers collègues, les frères et soeurs bénéficient, en
application de l'article 788 du code général des impôts, d'un abattement
spécial de 100 000 francs dès lors qu'ils sont célibataires, veufs, divorcés ou
séparés de corps et à la double condition qu'ils soient, au moment de
l'ouverture de la succession, âgés de plus de cinquante ans ou atteints d'une
infirmité les mettant dans l'impossibilité de subvenir à leurs besoins, et
constamment domiciliés avec le défunt pendant les cinq années précédant le
décès.
A partir du moment où nous avons créé, par notre précédent vote, un régime de
faveur pour une personne sans lien de parenté, il serait peu cohérent de
conserver un régime aussi restrictif pour les frères et soeurs isolés
domiciliés avec le défunt. Nous avons d'ailleurs constaté, madame le ministre,
qu'à l'Assemblée nationale de longs débats ont eu lieu sur la question de la
solidarité au sein des fratries. Il est proposé, par cet amendement, de relever
à 150 000 francs le montant de l'abattement. Je souligne au passage que le
montant de cet abattement n'a pas été modifié depuis 1984.
Nous suggérons aussi d'assouplir les conditions d'accès à cet abattement en ne
conservant qu'une exigence de domiciliation commune pendant l'année précédant
le décès.
Tout ce dispositif reflète la logique différente qui est la nôtre, je le
répète, en ce qui concerne les incitations fiscales vis-à-vis de toutes sortes
de formes de solidarité.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je serai concise : la proposition de relever
l'abattement qui existe aujourd'hui de 100 000 francs à 150 000 francs et
d'assouplir ses conditions d'application en ne conservant qu'une exigence de
domiciliation commune pendant l'année précédant le décès et en éliminant les
autres conditions qui tiennent aujourd'hui à la situation de famille, à l'âge
et à l'état physique du frère ou de la soeur héritier ne peut être acceptée par
le Gouvernement.
L'institution de cet abattement spécial visait essentiellement à alléger le
montant des droits de mutation par décès qui seraient exigibles de la part
d'héritiers sans foyer vivant sous le même toit que le défunt.
La suppression de la condition tenant à la situation personnelle des
intéressés dépasserait donc le but recherché par l'institution de cet
abattement. Une telle proposition ne peut être retenue.
En tout état de cause, puisqu'il s'agit de favoriser les fratries, nous
pourrons tenir compte de cette propostion dans un autre débat que celui qui a
trait au PACS.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 28, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 3.
Article 4
M. le président.
« Art. 4. _ I. _ Après le quatrième alinéa de l'article 885 A du code général
des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini par l'article
515-1 du code civil font l'objet d'une imposition commune. »
« II. _ Au II de l'article 885 W du code général des impôts, après les mots :
"Les époux", sont insérés les mots : "et les partenaires liés par un pacte
civil de solidarité défini par l'article 515-1 du code civil".
« III. _ A l'article 1723
ter
-00 B du code général des impôts, après
les mots : "Les époux", sont insérés les mots : "et les partenaires liés par un
pacte civil de solidarité défini par l'article 515-1 du code civil". »
Par amendement n° 9, M. Gélard, au nom de la commission des lois, propose de
supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination : le PACS
n'existant plus, il faut supprimer cet article 4.
Je rappelle d'ailleurs que les concubins font actuellement l'objet d'une
imposition commune sur ce point.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 4 est supprimé.
Articles additionnels après l'article 4
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 10, M. Gélard, au nom de la commission des lois, propose
d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La fin du second alinéa de l'article 754 A du code général des impôts
est ainsi rédigée :
« ... acquéreurs pour la part de sa valeur inférieure à 1 million de francs.
»
« II. - La perte de recettes résultant des dispositions du I ci-dessus est
compensée à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles
575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 29, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose
d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La fin du second alinéa de l'article 754 A du code général des impôts
est ainsi rédigée :
« ... acquéreurs pour la part de sa valeur inférieure à 750 000 francs. »
« II. - La perte de recettes résultant des dispositions du I ci-dessus est
compensée à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles
575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 10.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
La commission retire cet amendement pour se rallier à celui
de la commission des finances.
M. le président.
L'amendement n° 10 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n°
29.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Cet article additionnel a pour objet d'aménager le
régime des contrats d'acquisition en commun avec clause dite usuellement «
tontine » pour rendre possible la transmission de la résidence principale sans
application, à concurrence de 750 000 francs, du tarif des droits de mutation à
titre gratuit.
Madame la ministre, les contrats d'acquisition en commun familièrement
qualifiés de tontines sont régis par l'article 754 A du code général des
impôts. C'est une vieille disposition de droit civil qui prévoit que les biens
concernés sont, du point de vue fiscal, réputés transmis à titre gratuit, et
donc soumis, à défaut de liens de parenté, au taux le plus élévé - 60 % - et à
l'abaissement le plus faible - 10 000 francs.
Mais le deuxième alinéa de cet article dispose que, lorsque les immeubles ont
une valeur inférieure à 500 000 francs au moment du premier décès et lorsqu'ils
sont affectés - et dans cette hypothèse seulement - à l'habitation principale
commune à deux acquéreurs, la part transmise au survivant est passible non pas
des droits de mutation à titre gratuit, mais des seuls droits de vente
d'immeuble.
Nous observons donc qu'à l'intérieur d'un plafond de 500 000 francs le régime
fiscal de transmission du patrimoine est extrêmement avantageux.
La commission des lois et la commission des finances se sont souvenues de
l'existence de cette disposition traditionnelle du droit civil et ont voulu
l'adapter, précisément pour tenir compte des besoins qui peuvent être exprimés
par des cohabitants. Nous pensions là tout particulièrement à des couples
vivant en concubinage, qu'il s'agisse de concubinage de nature hétérosexuelle
ou homosexuelle.
La sécurité du patrimoine est un sujet qui est souvent évoqué et je crois que
nous faisons ici la démonstration que, en utilisant un instrument de droit
commun qui est neutre et qui ne conduit pas à porter de jugement sur la forme
de vie des uns et des autres, il est possible de trouver des éléments de
solution à certains problèmes justifiés qui peuvent être invoqués.
Mieux vaut, nous semble-t-il, rechercher des solutions de ce genre plutôt que
fabriquer des dispositifs aussi étranges et aussi contestables, de notre point
de vue, que le pacte civil de solidarité.
Mais il restait une modification à opérer, car il éclate aux yeux que le seuil
de 500 000 francs n'est plus en rapport avec les réalités du marché immobilier,
notamment en région parisienne. Au demeurant, ce montant n'a pas été relevé
depuis 1980.
Considérant que ce système, malgré sa rigidité, représente un bon moyen pour
deux personnes vivant sous le même toit d'assurer leur sécurité immobilière
réciproque, la commission des finances a proposé - en étroit accord avec la
commission des lois - de transformer le seuil en franchise. Ce régime pourrait
alors fonctionner pour des biens d'une valeur plus élevée.
Par ailleurs, compte tenu de cette modification et de l'évolution des prix sur
les marchés immobiliers, notamment sur le marché parisien, il nous semble que
le seuil de cette franchise doit être porté de 500 000 francs à 750 000
francs.
Il est difficile d'évaluer le coût de cette mesure car, compte tenu du faible
niveau du plafond, le nombre de tontines est probablement en très fort déclin.
Cependant, avec un dispositif comme celui que nous proposons et avec une
franchise de 750 000 francs, nous n'avons aucune raison de penser que la
pratique ne répondrait pas à de nombreux besoins et ne serait pas reprise par
un nombre non négligeable de cohabitants.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des finances et la
commission des lois ont formulé cette proposition.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement,
monsieur le président.
L'institution d'un plafond de 500 000 francs avait été rendue nécessaire par
le développement, à l'époque, du recours à ce type de stipulations qui
favorisaient une évasion fiscale. Compte tenu des raisons qui ont motivé
l'adoption de cette mesure et qui restent valables aujourd'hui, le Gouvernement
n'est pas favorable au relèvement de la valeur de 500 000 francs ni à
l'institution d'une franchise pour l'application des droits de mutation à titre
onéreux.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Je voudrais simplement m'étonner de cette réponse
compte tenu de l'impact fiscal et du coût de l'imposition commune - nous en
avons fait la démonstration - qui serait accordée aux partenaires du PACS.
Rejeter notre proposition d'un revers de la main en arguant du fait que le
système de la tontine serait un avantage excessif, je crois que c'est
franchement abusif ! Cette proposition mérite mieux que ce revers de main
quelque peu dédaigneux - pardonnez-moi, madame le ministre - d'autant qu'il
s'agit d'un seuil qui date de 1980 et qui avait été fixé à la veille d'une
période de très forte inflation. Or nous sommes presque en l'an 2000, vingt ans
après !
De plus, cette disposition me paraît tout à fait cohérente avec l'objectif que
vous visez et que visent même très vraisemblablement les auteurs de la
proposition de loi à l'Assemblée nationale : il s'agit d'assurer la sécurité
juridique des personnes qui cohabitent dans une résidence principale.
Ce contrat est parfaitement bien encadré, nous proposons simplement de le
remettre un peu au goût du jour.
Je regrette donc - pardonnez-moi de vous le dire - que, parce que cette
proposition est présentée par nos commissions, elle ne mérite que la réponse
que vous avez bien voulu nous faire.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 29, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 4.
Par amendement n° 30, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose
d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le Gouvernement dépose chaque année, en annexe de la loi de finances, un
rapport sur l'application de la présente loi.
« Ce rapport indique, notamment, le coût et le nombre de bénéficiaires des
mesures fiscales, ainsi que, en matière d'impôt sur le revenu, la répartition
des avantages qui en résultent, par niveaux de revenus.
« Le présent article entre en vigueur à compter de la loi de finances pour
2002. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Mes chers collègues, il s'agit du dernier
amendement de cette série fiscale.
Cet amendement n° 30 reflète le souci que nous avons des finances publiques :
nous voudrions, par cet article additionnel, que le Parlement soit informé sur
l'application des dispositions prévues par le présent texte, et qu'il soit
notamment éclairé
a posteriori
sur le coût et sur la répartition par
bénéficiaire des avantages fiscaux procurés par le PACS.
Mes chers collègues, aussi étonnant que cela puisse paraître, on pourrait
chercher en vain dans les débats de l'Assemblée nationale une estimation,
engageant le Gouvernement, du coût du pacte civil de solidarité.
Et depuis hier matin, madame le ministre, je n'ai pas entendu plus
d'informations de votre part sur le coût de ce dispositif, qui, selon certains
chiffres qui ont circulé, se situerait quelque part entre 5 milliards et 8
milliards de francs par an !
Mais encore faut-il envisager des hypothèses, et pour cela bénéficier d'une
attitude coopérative de la part des services du ministère de l'économie, des
finances et du budget !
Or, je le dis avec une certaine solennité, car nous sommes ici vraiment au
coeur de nos compétences, en dépit des questions qu'elle a adressées par écrit
pour obtenir un certain nombre d'estimations sur le nombre de personnes
susceptibles de se « pacser », sur les coûts induits pour les finances
publiques, la commission des finances du Sénat - je le dis avec regret - n'a
pas été éclairée comme elle aurait dû l'être.
M. Claude Estier.
Quel est le coût de vos propositions ?
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Moindre que celui du texte venant de l'Assemblée
nationale !
M. Robert Bret.
Mais encore ?
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
D'ailleurs, mes chers collègues, vous savez fort
bien, étant accoutumés aux travaux parlementaires, que nous n'avons pas les
moyens, sans la coopération active des services du Gouvernement, de chiffrer
nous-mêmes toute la batterie d'hypothèses qui peuvent être sous-tendues par nos
amendements. Seul le service de la législation fiscale dispose des moyens
techniques pour le faire.
Nous avons donc questionné le Gouvernement, je l'ai dit. Si j'ose m'exprimer
ainsi, nous n'avons pas été payés de retour, et je le regrette.
Cela étant, en termes de recevabilité financière, la base de référence est non
pas la législation préexistante mais le texte voté à l'Assemblée nationale, et
nous savons bien que le dispositif que préconise la commission des finances du
Sénat est moins coûteux que celui qu'a retenu l'Assemblée nationale, et ce pour
une raison simple : le texte voté à l'Assemblée nationale prévoit l'imposition
commune pour les personnes « pacsées », dans les mêmes conditions que pour le
mariage, alors que nous nous sommes limités à un système d'abattement,
évidemment beaucoup moins coûteux.
M. Claude Estier.
Oui, mais vous le faites pour tout le monde !
Mme Dinah Derycke.
Eh oui ! les avantages sont accordés à tout le monde !
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Voilà ce qui nous permet de formuler nos
propositions.
Mes chers collègues, il n'est pas normal que le Parlement soit amené à
légiférer en matière financière sur fond de rumeurs - 5 milliards de francs, 6
milliards de francs, 8 milliards de francs... - qu'il n'ait pas d'éléments
tangibles à se mettre sous la dent.
Nous avons le droit de disposer d'une étude d'impact qui, à défaut de
prévisions précises - nous comprenons bien que, s'agissant de matières touchant
à la vie privée, on ne puisse avoir de certitudes - nous permettrait d'établir
des hypothèses et d'envisager des fourchettes de coûts.
N'ayant pas été en mesure d'obtenir ces chiffrages
ex ante,
il est
d'autant plus indispensable que le Parlement organise son information
ex
post,
et c'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, au travers de
cet amendement, nous demandons au Gouvernement, avec beaucoup d'insistance, la
fourniture d'un bilan détaillé et exhaustif du coût des différentes mesures
prévues par la présente proposition de loi.
Nous avons prévu que ce rapport figure en annexe à la loi de finances.
Par ailleurs, compte tenu du temps nécessaire pour que le dispositif se mette
en place, ce rapport ne serait exigé qu'à compter de la loi de finances pour
2002. On aurait donc tout le temps nécessaire pour préparer une méthodologie.
Il convient de prendre date dès maintenant, pour que le système de collecte de
renseignements se mette en place dans les conditions les plus opportunes.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Monsieur Marini, je dirai d'abord qu'il est paradoxal
de demander un rapport sur le PACS alors que vous venez de supprimer ce dernier
!
Mme Dinah Derycke et M. Claude Estier.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je ferai ensuite remarquer que l'objectif du dispositif
fiscal sur le pacte civil de solidarité est d'assurer une parfaite neutralité
entre les contribuables qui vivent en couple et assument les mêmes charges de
famille.
En conséquence, rien ne justifie de distinguer, parmi ces personnes, celles
qui ont choisi de construire leur union sur la base d'un pacte civil de
solidarité. C'est pourtant bien ce sur quoi déboucherait la proposition que
vous formulez. Le rapport que vous souhaitez reviendrait à montrer du doigt une
catégorie de citoyens, en laissant d'ailleurs soupçonner à l'opinion publique
qu'elle coûte cher aux finances publiques, alors que le pacte civil de
solidarité conduit, au contraire, à réparer une injustice.
Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
J'ajoute que, si cet amendement est adopté, il risque bien d'être le seul dans
ce cas sur la proposition de loi, ce qui ruinerait votre théorie selon laquelle
la proposition de loi est inamendable.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Guy Allouche.
Voilà M. Marini renvoyé dans les cordes.
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 30, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 4.
M. Claude Estier.
Vous avez amendé le PACS !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Mes chers collègues, après un très
long débat, nous voici arrivés à l'heure à laquelle il avait été décidé par la
conférence des présidents que nous interrompions nos travaux.
En cet instant, il reste plus de vingt amendements à examiner. Par ailleurs,
un débat de la qualité de celui que nous avons eu mérite d'être clos par des
explications de vote réfléchies et approfondies, qui ne sauraient donc être
bâclées, si tant est que l'un quelconque d'entre nous ait l'intention de bâcler
son explication de vote, ce que, bien évidemment, je n'ai jamais imaginé.
Voilà pourquoi il serait sage, monsieur le président, de lever maintenant la
séance, afin qu'à la reprise de cette discussion, au moment qui sera fixé, nous
puissions, après avoir examiné les amendements restant en discussion, entendre
des explications de vote qui seraient à la hauteur du débat de qualité que nous
avons eu.
Je ne doute pas un instant que ceux qui interviendraient maintenant le
feraient avec toute la compétence nécessaire. Il ne m'apparaît toutefois pas
opportun que le débat se termine dans de telles conditions.
M. Emmanuel Hamel.
De grandes voix manqueraient !
M. Claude Estier.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier.
Le groupe socialiste souhaite que nous en terminions ce soir, comme on s'y
était engagé en conférence des présidents.
En conférence des présidents, M. le ministre chargé des relations avec le
Parlement avait demandé s'il fallait prévoir une séance de nuit pour achever
l'examen du texte. M. le président Larché lui-même avait alors pris
l'engagement qu'on terminerait avant le repas.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Ce n'est pas ma faute si tel n'est
pas le cas !
M. Claude Estier.
Il reste une vingtaine d'amendements à examiner. Nous pourrions très bien
prolonger nos débats jusqu'à vingt heures trente, par exemple, comme cela
arrive parfois.
A défaut, vous le savez bien, il sera difficile de poursuivre l'examen de ce
texte la semaine prochaine puisque, dès mardi matin, doit commencer le débat
sur la loi relative à l'aménagement du territoire.
M. Emmanuel Hamel.
On repoussera l'aménagement du territoire !
M. Robert Bret.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Le groupe communiste républicain et citoyen souhaite également que le débat se
poursuive jusqu'à son terme.
Non seulement vous avez fait le choix de ne pas discuter du PACS, mais de
plus, maintenant, vous jouez la montre, comme M. Marini, depuis un certain
temps.
(M. Philippe Marini proteste.)
M. Henri de Raincourt.
C'est désobligeant !
M. Robert Bret.
Le Sénat ne sortirait pas grandi d'une telle manoeuvre.
Si vous voulez retarder la navette avec l'Assemblée nationale, dites-le
carrément, au lieu de vous retrancher derrière des arguties !
M. Emmanuel Hamel.
La fatigue du personnel, ce n'est pas une argutie !
M. le président.
Personne ne veut retarder quoi que ce soit. Tout le monde peut s'exprimer.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je souhaite que l'examen de ce texte puisse s'achever
ce soir. Pour cela, je suis prête soit à poursuivre jusqu'à ce que nous en
ayons terminé, soit, s'il y a une interruption, à revenir en séance de nuit.
M. le président.
Madame le garde des sceaux, nous n'avons pas prévu de séance de nuit.
En revanche, nous pouvons essayer d'aller au moins jusqu'à vingt heures
trente. Peut-être aurons-nous terminé à ce moment-là.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Pas les explications de vote !
M. le président.
Soit, monsieur Larché, s'il y avait un peu plus de monde...
M. Jean-Luc Mélenchon.
Très bien !
M. Jacques Larché
président de la commission des lois.
Encore une fois, ce n'est pas ma
faute, monsieur le président !
M. le président.
Pour l'instant, nous continuons.
Nous allons donc aborder l'examen de l'article 4
bis
.
M. Emmanuel Hamel.
Gare aux infarctus !
(Rires.)
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je demande quon en décide par un
vote, monsieur le président.
M. le président.
J'insiste pour que nous continuions. Monsieur Larché, la seule chose que la
conférence des présidents a indiquée, c'est qu'il n'y aurait pas de séance de
nuit, et parfois, nous poursuivons nos travaux jusqu'à vingt heures.
M. Claude Estier et Mme Dinah Derycke.
Absolument !
M. le président.
Vous avez demandé un vote, monsieur Larché. Je vais donc y procéder.
Je consulte le Sénat sur la proposition de poursuivre jusqu'à vingt heures
?...
Il en est ainsi décidé.
Si chacun est un peu plus concis dans ses interventions, nous pourrons presque
en terminer.
Article 4
bis
M. le président.
« Art. 4
bis.
_ Le premier alinéa de l'article L. 161-14 du code de la
sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il en est de même de la personne liée à un assuré social par un pacte civil
de solidarité lorsqu'elle ne peut bénéficier de la qualité d'assuré social à un
autre titre. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 11, M. Gélard, au nom de la commission des lois, propose de
supprimer cet article.
Par amendement n° 75 rectifié, Mme Derycke, MM. Bel, Delanoë et les membres du
groupe socialiste et apparentés proposent :
A. - De compléter l'article 4
bis
par un paragraphe ainsi rédigé :
« Après les mots : "à défaut", la fin du deuxième alinéa de l'article L. 361-4
du code de la sécurité sociale est ainsi rédigée : "au partenaire lié par un
pacte civil de solidarité survivant, ou, à défaut, aux descendants, et dans le
cas ou le "de cujus" ne laisse ni conjoint survivant, ni partenaire lié par un
pacte civil de solidarité survivant, ni descendants, ni ascendants. »
B. - En conséquence, de faire précéder le premier alinéa de cet article de la
mention : « I ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 11.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
L'article 4
bis
est inutile. En effet, la qualité
d'ayants droit pour la sécurité sociale est immédiatement acquise pour les
concubins. Et comme les concubins homosexuels sont assimilés, dans notre texte,
aux concubins hétérosexuels, le problème est dès lors résolu.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke, pour défendre l'amendement n° 75 rectifié.
Mme Dinah Derycke.
Cet amendement tend à inclure le partenaire lié par un pacte civil de
solidarité survivant parmi les ayants droit de l'assuré défunt pouvant
bénéficier du versement du capital dans le cadre de l'assurance décès.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 75 rectifié ?
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
La commission est défavorable à cet amendement parce qu'il
n'est pas conforme aux dispositions que nous avons précédemment adoptées.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 11 et 75 rectifié ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 11 et
favorable à l'amendement n° 75 rectifié.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 4
bis
est supprimé et l'amendement n° 75
rectifié n'a plus d'objet.
Articles additionnels après l'article 4
bis
M. le président.
Par amendement n° 76 rectifié, Mme Derycke, MM. Bel, Delanoë et les membres du
groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 4
bis
, un article additionnel ainsi rédigé :
« En cas d'hospitalisation, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité
ou le concubin de la personne malade peut être informé par le médecin de
l'évolution de son état de santé et des soins qu'elle reçoit. Sauf nécessité
thérapeutique ou manifestation contraire de volonté de la personne malade, la
possibilité de rendre visite à celle-ci ne peut lui être refusée. »
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Il s'agit d'assurer les conditions du maintien des liens affectifs entre la
personne hospitalisée et son partenaire lié par un pacte civil de solidarité,
ou son concubin, ainsi que l'information de celui-ci.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
La commission émet un avis défavorable.
La charte du patient hospitalisé peut régler ce problème. Il suffirait que
l'administration donne des consignes pour que le concubin soit considéré comme
un proche dans n'importe quel hôpital ou clinique.
Cet amendement n'est pas utile.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement comprend le souci d'humanité manifesté
par cet amendement qui porte sur l'information ouverte aux proches d'un malade.
Toutefois, ce n'est pas dans la loi relative au PACS, mais par le biais d'un
texte de portée générale sur le droit des patients qu'il pourrait être envisagé
de remédier aux lacunes du dispositif législatif et réglementaire actuel.
Je ne suis donc pas favorable à cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° 76 rectifié est-il maintenu ?
Mme Dinah Derycke.
Je le retire, étant entendu que le problème doit être réglé.
M. le président.
L'amendement n° 76 rectifié est retiré.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Par amendement n° 77 rectifié, Mme Derycke, MM. Bel, Delanoë et les membres du
groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 4
bis
un article additionnel ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa de l'article L. 671-3 du code de la santé publique est
ainsi rédigé :
« En cas d'urgence, le donneur peut être le conjoint, ou le partenaire lié par
un pacte civil de solidarité, ou le concubin. »
Par amendement n° 80, M. Gélard, au nom de la commission des lois, propose
d'insérer, après l'article 4
bis
, un article additionnel ainsi rédigé
:
« Le deuxième alinéa de l'article L. 671-3 du code de la santé publique est
complété par les mots : "ou le concubin". »
La parole est à Mme Derycke, pour défendre l'amendement n° 77 rectifié.
Mme Dinah Derycke.
Cet amendement s'inscrit lui aussi dans les préoccupations extrapatrimoniales.
Il s'agit de prévoir parmi les donneurs d'organes potentiels liés à un receveur
le partenaire lié par un pacte civil de solidarité, ou le concubin.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur
l'amendement n° 77 rectifié et pour défendre l'amendement n° 80.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Monsieur le président, l'amendement n° 77 rectifié déposé par
Mme Derycke, MM. Bel et Delanoë pose un vrai problème. La commission des lois
l'a pris en considération, parce qu'il faut effectivement tenter de le
régler.
C'est la raison pour laquelle la commission a repris l'amendement n° 77
rectifié de Mme Derycke dans son amendement n° 80 en ne retenant que le
concubin, puisqu'elle a par ailleurs rejeté le PACS.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 77 rectifié et 80 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je comprends évidemment les motivations de l'amendement
n° 77 rectifié, déposé par Mme Derycke, et j'en comprends également l'esprit.
Mais je ne peux souscrire à cette propostion parce que, selon moi, c'est à
l'occasion de la révision de la loi de 1994, qui devra faire l'objet, avant le
29 juillet 1999, d'un réexamen, qu'il faudra poser cette question.
Je fais la même réponse à M. Gélard : avis défavorable.
M. le président.
L'amendement n° 77 rectifié est-il maintenu ?
Mme Dinah Derycke.
Non, je le retire !
M. le président.
L'amendement n° 77 rectifié est retiré.
L'amendement n° 80 est-il maintenu ?
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Nous avions adopté cet amendement parce que nous avions été
sensibles aux arguments de Mme Derycke. A partir du moment où Mme Derycke ne
défend plus son amendement, nous retirons bien évidemment le nôtre.
M. le président.
L'amendement n° 80 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 78 rectifié, Mme Derycke, MM. Bel, Delanoë et les membres du
groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 4
bis
, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le dernier alinéa de l'article L. 671-7 du code de la santé publique est
complété par les mots : ", ou de son partenaire lié par un pacte civil de
solidarité, ou de son concubin". »
Par amendement n° 81, M. Gélard, au nom de la commission des lois, propose
d'insérer, après l'article 4
bis
, un article additionnel ainsi rédigé
:
« L'article L. 671-7 du code de la santé publique est complété par les mots :
"ou de son concubin". »
La parole est à Mme Derycke, pour présenter l'amendement n° 78 rectifié.
Mme Dinah Derycke.
Toujours dans le même esprit que précédemment, il s'agit de préciser les
personnes susceptibles d'être consultées par le médecin dans le cas de
prélèvements d'organes sur une personne décédée.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 81.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Ayant été encore une fois très sensibles aux arguments
présentés par Mme Derycke, nous avons adapté son amendement au texte que nous
avions adopté en commission des lois, en supprimant les mots « ou de son
partenaire lié par un pacte civil de solidarité » pour ne garder que les termes
« ou de son concubin ».
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Ces amendements anticipent sur les débats qui vont
bientôt avoir lieu dans le cadre de la révision des lois sur la bioéthique.
M. le président.
Madame Derycke, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Dinah Derycke.
Je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 78 rectifié est retiré.
M. Philippe Marini.
Je le reprends !
M. le président.
Il s'agit donc de l'amendement n° 78 rectifié
bis.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Je le reprends pour apporter la démonstration qu'il n'est point besoin du PACS
pour résoudre certains problèmes. Ce fut le cas pour la disposition précédente,
et c'est le cas pour les prélèvements d'organes.
Il n'est point besoin de PACS, comme M. Gélard en a fait la démonstration par
les amendements qu'il a adaptés, notamment avec l'amendement n° 81.
Ayant donné cette explication, moi aussi, je retire cet amendement, monsieur
le président.
M. Claude Estier.
Quelle astuce !
M. le président.
L'amendement n° 78 rectifié
bis
est retiré.
Monsieur le rapporteur, maintenez-vous l'amendement n° 81 ?
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 81 est retiré.
Article 5
M. le président.
« Art. 5. _ Les dispositions des articles L. 223-7, L. 226-1, quatrième
alinéa, et L. 784-1 du code du travail sont applicables aux partenaires liés
par un pacte civil de solidarité. »
Par amendement n° 12, M. Gélard, au nom de la commission des lois, propose de
rédiger comme suit cet article :
« Dans le quatrième alinéa de l'article L. 226-1 du code du travail, après le
mot : "conjoint", sont insérés les mots : ", d'un concubin". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Il s'agit de supprimer des dispositions prévues pour les
partenaires liés par un PACS en matière de droit du travail, à savoir le droit
à congé simultané, le droit à congé pour décès, le droit du salarié partenaire
du chef d'entreprise.
En revanche, nous prévoyons le droit à congé pour décès d'un concubin, ce qui
n'est pas prévu dans la législation actuelle.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 5 est ainsi rédigé.
Article 5
bis
M. le président.
« Art. 5
bis
. _ Le deuxième alinéa de l'article L. 523-2 du code de la
sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Lorsque le père ou la mère titulaire du droit à l'allocation de soutien
familial se marie, conclut un pacte civil de solidarité ou vit en concubinage,
cette prestation cesse d'être due. »
Par amendement n° 13, M. Gélard, au nom de la commission des lois, propose de
supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Il s'agit de supprimer l'article 5
bis,
qui prévoit de
ne pas accorder aux partenaires du PACS l'allocation de soutien familial.
L'assimilation des concubins homosexuels aux concubins hétérosexuels fera
disparaître la possibilité de bénéficier de cette allocation, puisque celle-ci
ne sera pas versée en cas de concubinage. Le problème est donc déjà réglé.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 5
bis
est supprimé.
Article 5
ter
M. le président.
« Art. 5
ter. _
Le deuxième alinéa (1°) de l'article L. 356-3 du code
de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« 1° Se remarie, conclut un pacte civil de solidarité ou vit en concubinage ;
».
Par amendement n° 14, M. Gélard, au nom de la commission des lois, propose de
supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
C'est encore un amendement de coordination. Nous supprimons
la disposition qui excluait les partenaires du PACS du bénéfice de l'allocation
veuvage, l'assimilation entre concubins hétérosexuels et homosexuels faisant
disparaître cette allocation, qui n'est pas versée en cas de concubinage.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 5
ter
est supprimé.
Article 6
M. le président.
« Art. 6. _ La conclusion d'un pacte civil de solidarité constitue l'un des
éléments d'appréciation des liens personnels en France, au sens du 7° de
l'article 12
bis
de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative
aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, pour l'obtention
d'un titre de séjour. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 15, M. Gélard, au nom de la commission des lois, propose de
supprimer cet article.
Par amendement n° 51, MM. Bret, Duffour et Foucaud, Mme Borvo, M. Fischer, Mme
Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Le Cam et Lefebvre, Mme Luc, MM.
Ralite, Renar et Mme Terrade proposent de rédiger comme suit ce même article
:
« Est considéré comme ayant des liens personnels en France, au sens du 7° de
l'article 12
bis
de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative
aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, l'étranger lié à
un Français par un pacte civil de solidarité, tel que défini par les articles
515-1 et 515-8 du code civil. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 15.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Il s'agit, là encore, d'un amendement de coordination, qui
vise à supprimer un article prévoyant, en l'occurrence, de supprimer la prise
en compte des partenaires du PACS pour l'attribution d'un titre de séjour « vie
privée et familiale ».
La circulaire d'application de l'article 12
bis
de l'ordonnance de 1945
autorise l'attribution d'un titre de séjour à un concubin vivant depuis cinq
ans et ayant des enfants avec une personne en situation régulière sur le
territoire. Par conséquent, il n'y a pas lieu de changer la législation
actuelle.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo, pour défendre l'amendement n° 51.
Mme Nicole Borvo.
Cet amendement se justifie par son texte même.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 51 ?
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Il s'agit naturellement d'un avis défavorable. Là encore, il
y a, en fin de compte, assimilation du PACS au mariage.
Pour les mêmes raisons, je donnerai également un avis défavorable aux
amendements n°s 52 et 53.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 15 et 51 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Il est défavorable, monsieur le président.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 6 est supprimé et l'amendement n° 51 n'a plus
d'objet.
Article 7
M. le président.
L'article 7 a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais je suis saisi de deux amendements tendant à le rétablir et pouvant faire
l'objet d'une discussion commune.
Tous deux sont représentés par MM. Bret, Duffour, Foucaud, Mme Borvo, M.
Fischer, Mme Beaudeau, M. Bécart, Mme Bidard-Reydet, MM. Le Cam, Lefebvre, Mme
Luc, MM. Ralite, Renar et Mme Terrade.
L'amendement n° 52 tend à rétablir l'article 7 dans la rédaction suivante :
« L'étranger lié à un Français par un pacte civil de solidarité, tel que
défini par les articles 515-1 à 515-8 du code civil, peut acquérir la
nationalité française par déclaration, à condition qu'à la date de cette
déclaration, la communauté de vie n'ait pas cessé et que le partenaire français
ait conservé sa nationalité. »
L'amendement n° 53 vise à rétablir ce même article dans la rédaction suivante
:
« Le fait pour un étranger d'être lié à un Français depuis au moins un an par
un pacte civil de solidarité, tel que défini par les articles 515-1 à 515-8 du
code civil, est pris en compte pour apprécier son assimilation à la communauté
française au sens de l'article 21-24 du code civil. »
La parole est à M. Bret, pour présenter ces deux amendements.
M. Robert Bret.
L'article 7 figurant dans les conclusions de la commission des lois de
l'Assemblée nationale était un apport en matière de droit des étrangers. Il a
malheureusement été supprimé par les députés et nous proposons de le rétablir,
dans une rédaction toutefois plus ambitieuse.
M. le président.
M. le rapporteur a déjà indiqué qu'il était défavorable aux amendements n°s 52
et 53.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Monsieur Bret, maintenez-vous vos amendements ?
M. Robert Bret.
Je les retire, monsieur le président.
M. le président.
Les amendements n°s 52 et 53 sont retirés.
L'article 7 demeure donc supprimé.
Article 8
M. le président.
« Art. 8. _ I. _ Dans la deuxième phrase du quatrième alinéa de l'article 60
de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires
relatives à la fonction publique de l'Etat, après les mots : "raisons
professionnelles,", sont insérés les mots : "aux fonctionnaires séparés pour
des raisons professionnelles du partenaire avec lequel ils sont liés par un
pacte civil de solidarité".
« II. _ Dans les premier et deuxième alinéas de l'article 54 de la loi n°
84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la
fonction publique territoriale, après les mots : "raisons professionnelles",
sont insérés les mots : ", les fonctionnaires séparés pour des raisons
professionnelles du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de
solidarité".
« III. _ Dans l'article 38 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant
dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, après
les mots : "raisons professionnelles", sont insérés les mots : ", les
fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles du partenaire avec
lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité". »
Par amendement n° 16, M. Gélard, au nom de la commission des lois, propose de
supprimer cet article.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Je tiens à souligner un certain nombre d'éléments à propos de
cet amendement n° 16, qui vise à supprimer l'article 8 prévoyant le
rapprochement des fonctionnaires séparés quand ils sont partenaires d'un
PACS.
En premier lieu, je ne pense pas que cette disposition relève du domaine
législatif.
En second lieu, plusieurs administrations prennent déjà en compte la situation
des concubins, notamment lorsqu'ils sont chargés d'enfants.
Il ne convient pas d'inscrire cette pratique dans la loi, d'autant plus que le
rapprochement des personnes déjà prioritaires - époux, handicapés, personnes
travaillant en secteur difficile - est extrêmement ardu à réaliser.
Dans la pratique, chacun sait que, même pour les personnes prioritaires, les
délais sont parfois de dix ou quinze ans dans certaines administrations. Ne
compliquons pas les choses et ne faisons pas en sorte que, par exemple, un
partenaire de PACS ait plus de droits au rapprochement qu'une personne qui veut
rejoindre son père ou sa mère extrêmement malade et qui a besoin de sa présence
dans ses derniers moments.
J'estime que cette mesure est strictement démagogique.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 8 est supprimé.
Article 9
M. le président.
« Art. 9. _ I. _ Après le troisième alinéa de l'article 14 de la loi n° 89-462
du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant
modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, il est inséré un alinéa
ainsi rédigé :
« _ au profit du partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité
; ».
« II. _ Après le septième alinéa du même article 14, il est inséré un alinéa
ainsi rédigé :
« _ au partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ; ».
« III. _ Dans la deuxième phrase du premier alinéa du I de l'article 15 de la
même loi, après les mots : "bailleur, son conjoint,", sont insérés les mots :
"le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à
la date du congé,". »
« IV. _ Dans la deuxième phrase du premier alinéa du I du même article 15,
après les mots : "ceux de son conjoint", le mot : "ou" est remplacé par les
mots : ", de son partenaire ou de son". »
Par amendement n° 17, M. Gélard, au nom de la commission des lois, propose de
supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Cet amendement vise à supprimer l'article 9, qui prévoit le
transfert du droit au bail au partenaire lié par un PACS ainsi que la reprise
du bail à son bénéfice.
La Cour de cassation a refusé de reconnaître ce droit aux couples homosexuels
dans sa décision du 17 décembre 1997.
Le transfert et la reprise s'appliqueront dorénavant automatiquement aux
concubins homosexuels justifiant d'un an de vie commune avec le preneur, ou
avec le bailleur, du fait de l'assimilation des concubins homosexuels aux
concubins hétérosexuels. Il n'y a donc pas lieu de maintenir l'article 9.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 9 est supprimé.
Article 10
M. le président.
« Art. 10. _ Les dispositions des articles 2, 4 à 9 relatives aux signataires
d'un pacte civil de solidarité sont applicables à deux frères, deux soeurs ou
un frère et une soeur qui résident ensemble.
« Les délais prévus, le cas échéant, par ces articles pour l'ouverture de
droits commencent à courir, pour les frères et soeurs, à compter de la
justification par eux apportée de leur résidence commune. »
Je suis saisi de trois amendements identiques.
Le premier, n° 18, est présenté par M. Gélard, au nom de la commission des
lois.
Le deuxième, n° 54, est déposé par MM. Bret, Duffour, Foucaud, Mme Borvo, M.
Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Le troisième, n° 79, est présenté par Mme Derycke, MM. Bel, Delanoë et les
membres du groupe socialiste et apparentés.
Tout trois tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 18.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Nous avons beaucoup parlé des fratries. La façon dont nous
avons traité le PACS résout le problème des fratries.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Exactement !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Grâce aux dispositions de nature fiscale ou financière que
nous avons adoptées, il n'existe plus de problèmes liés aux fratries. C'est la
raison pour laquelle nous demandons la suppression de l'article 10.
Le PACS a été supprimé. Les avantages prévus par notre rédaction seront
applicables aux frères et aux soeurs. Dès lors, il devient inutile de conserver
l'article 10.
Je donne par avance un avis favorable aux amendements n°s 54 et 79. Leurs
auteurs visent le même objectif que la commission, mais, je le déplore, avec
des motivations fondamentalement différentes.
M. le président.
La parole est à M. Bret, pour présenter l'amendement n° 54.
M. Robert Bret.
Nous proposons de supprimer les dispositions ouvrant le pacte civil de
solidarité aux fratries, estimant qu'elles altéreraient la nature et le symbole
même du PACS.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Symbole, le terme est intéressant !
(En effet !
sur la travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Derycke, pour défendre l'amendement n° 79.
Mme Dinah Derycke.
S'agissant d'un amendement identique, monsieur le président, je ne répète pas
ce que vient de dire M. Bret.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je suis favorable à ces trois amendements.
Evidemment, je préfère les raisons avancées par M. Bret et Mme Derycke à
celles qui ont été données par M. Gélard, avec lesquelles je suis en
désaccord.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Vous avez tort !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 18, 54 et 79, acceptés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 10 est supprimé.
Article 11
M. le président.
« Art. 11. _ Les conditions d'application de la présente loi sont fixées par
décrets en Conseil d'Etat.
« Le décret relatif aux conditions dans lesquelles sont traitées et conservées
les informations relatives à la formation, la modification et la dissolution du
pacte civil de solidarité est pris après avis de la Commission nationale de
l'informatique et des libertés. »
Par amendement n° 19, M. Gélard, au nom de la commission des lois, propose de
supprimer le second alinéa de cet article.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Cet amendement vise à supprimer le deuxième alinéa de
l'article 11, alinéa qui porte sur le décret relatif à l'enregistrement du PACS
et qui n'a plus de raison d'être compte tenu de la logique des amendements
précédemment adoptés. Il s'agit donc d'une coordination.
Nous n'avons pas parlé précisément de ce problème de la Commission nationale
de l'informatique et des libertés. Je me demande d'ailleurs comment, dans le
texte du PACS, toutes ces dispositions s'articuleront. Mais nous n'allons pas
ouvrir de nouveau un débat qui a été précédemment engagé !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Avis défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 11, ainsi modifié.
(L'article 11 est adopté.)
Article 11
bis
M. le président.
« Art. 11
bis.
_ Les articles 1er et 11 sont applicables aux
territoires d'outre-mer et à la collectivité territoriale de Mayotte sous
réserve des adaptations suivantes pour les territoires d'outre-mer : les mots :
"tribunal d'instance" sont remplacés par les mots : "tribunal de première
instance". »
« L'article 9 est applicable au territoire de la Polynésie française. »
Par amendement n° 20, M. Gélard, au nom de la commission des lois, propose de
supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
L'article 11
bis
rend applicables aux territoires
d'outre-mer les dispositions de la proposition de loi. Or la Constitution
impose la consultation préalable des assemblées territoriales.
Cela n'ayant pas été fait, nous sommes face à une inconstitutionnalité réelle.
Mais, ne voulant pas pour autant poursuivre dans cette voie, je propose
purement et simplement de supprimer l'article 11
bis
.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable, et je précise que la consultation est en
cours.
M. Philippe Marini,
rapporteur pour avis.
Il est temps !
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Mais elle n'a pas eu lieu !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 11
bis
est supprimé.
Article 12
M. le président.
L'article 12 a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Intitulé de la proposition de loi
M. le président.
Par amendement n° 21, M. Gélard, au nom de la commission des lois, propose de
rédiger comme suit l'intitulé de la proposition de loi :
« Proposition de loi relative au mariage, au concubinage et aux liens de
solidarité ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard,
rapporteur.
Voici la cerise finale !
(Sourires.)
Puisque l'ensemble des propositions de la commission des lois et de la
commission des finances ont été approuvées par notre Hautre Assemblée, il ne
reste plus qu'à en tirer la conclusion, c'est-à-dire à mettre l'intitulé de la
proposition de loi en conformité avec les dispositions que nous avons
adoptées.
J'insiste particulièrement sur les liens de solidarité, que nous avons mis en
avant, et sur un certain nombre des éléments que nous avons, nous, soulignés,
mais que l'Assemblée nationale n'avait pas vus !
M. Emmanuel Hamel.
Ce n'est pas la cerise finale, c'est la lutte finale !
(Sourires.)
M. Guy Allouche.
Allez, les révolutionnaires, levez le poing !
(Nouveaux sourires.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 21, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'intitulé de la proposition de loi est ainsi rédigé.
Mise au point au sujet d'un vote
M. Jacques Pelletier.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
A la suite d'une erreur matérielle, mes collègues MM. Abadie, Bimbenet et
Othily ont été portés comme ayant voté pour l'amendement n° 3 rectifié, qui
avait pour objet d'insérer, avant l'article 1er, un article additionnel relatif
au concubinage.
En réalité, MM. Abadie et Othily entendaient voter contre cet amendement. M.
Bimbenet, quant à lui, ne souhaitait pas prendre part au vote.
Je vous serais reconnaissant, monsieur le président, de bien vouloir tenir
compte de cette rectification.
M. le président.
Je vous donne acte de cette mise au point.
Rappel au règlement
M. Jean-Luc Mélenchon.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Monsieur le président, je souhaite que les dispositions soient prises pour que
les plaisanteries extrêmement déplaisantes auxquelles s'est livré M. Braye
autour de mon nom soient retirées du compte rendu intégral de nos travaux, dont
j'ai pu avoir connaissance pour la partie qui me concerne.
(Exclamations sur
les travées du RPR.)
M. le président.
Nous allons voir cela.
Renvoi de la suite de la discussion
M. le président.
Mes chers collègues, nous en arrivons au vote sur l'ensemble.
M. Henri de Raincourt.
Pas aujourd'hui !
M. Jean-Jacques Hyest.
Il est vingt heures cinq !
M. Henri de Raincourt.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt.
Chacun ayant le droit de s'exprimer, je dois vous dire, monsieur le président,
que nous sommes absolument hostiles à ce qu'il soit procédé en cet instant aux
explications de vote et au vote sur la proposition de loi.
Nous avons bien des choses à dire. En effet, nous entendons répondre à un
certain nombre des arguments qui ont été avancés tout au long de cette journée,
car nous ne voulons pas que la position du Sénat soit caricaturée.
Par conséquent, je demande que les explications de vote et le vote lui-même
aient lieu mardi matin en tout début de séance. Ce ne sera pas très long, mais
il y en aura quand même pour une heure !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je maintiens la position que j'ai exprimée tout à
l'heure, monsieur le président : je suis tout à fait disposée à ce que le débat
se poursuive jusqu'à son terme.
M. le président.
Madame le garde des sceaux, si la suite de la discussion était renvoyée mardi
matin, à dix heures trente, pourriez-vous être présente au banc du Gouvernement
?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Non, car le conseil des ministres se tient
exceptionnellement ce jour-là.
M. Jean-Jacques Hyest.
Alors, l'après-midi !
M. Guy Allouche.
Terminons donc maintenant. Chaque explication de vote ne dure que cinq minutes
!
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Si nous devions achever la discussion maintenant, je
suis prête à rester encore une heure. Ce serait effectivement la meilleure
solution, à moins que le Sénat n'accepte de se réunir mardi à neuf heures du
matin, ce qui me permettrait d'être à l'heure au conseil des ministres, ou de
n'arriver que légèrement en retard.
M. Jean Delaneau.
Ça se fait à l'Assemblée nationale !
M. le président.
Nous pourrions renvoyer la discussion - j'imagine que le président du Sénat
n'y serait pas hostile - mardi matin à onze heures. Cela permettrait à Mme le
garde des sceaux d'assister au conseil des ministres ; nous serions même
éventuellement prêts à l'attendre un peu. Ce grand débat ne mérite pas d'être
terminé à la hâte.
M. Jean-Luc Mélenchon.
C'est l'inverse : Mme le garde des sceaux demande que le Sénat se réunisse à
neuf heures !
M. le président.
Madame le garde des sceaux, pourriez-vous venir à onze heures quinze ? Neuf
heures, ce n'est pas la tradition ici. J'essaie d'être le plus arrangeant
possible, j'en ai fait la démonstration !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je veux bien faire tout ce qui est agréable au Sénat,
mais il arrive que le conseil des ministres dure plus longtemps !
M. le président.
Nous vous attendrons, madame le garde des sceaux. Il se trouve que c'est moi
qui présiderai aussi la séance de mardi matin.
Je vous remercie de votre compréhension.
M. Claude Estier.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Estier.
M. Claude Estier.
Si c'est vous qui présidez la séance de mardi matin, vous savez qu'à dix
heures trente était prévue par la conférence des présidents la discussion du
projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du
territoire. Cela nous amènerait donc à modifier l'ordre du jour !
M. le président.
Non, monsieur Estier, nous le décalerons d'autant, simplement.
Cela me paraît être une position raisonnable, à laquelle, dans leur sagesse,
tous les groupes du Sénat peuvent, me semble-t-il, se rallier.
Je remercie Mme le garde des sceaux de bien vouloir être présente à partir de
onze heures quinze mardi matin.
Il en est ainsi décidé.
5
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre un projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à l'épargne et à la
sécurité financière.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 273, distribué et renvoyé à la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale
dans les conditions prévues par le règlement.
6
TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le président de l'Assemblée nationale, une
proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la délivrance
des grades dans les disciplines relevant des arts martiaux.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 274, distribuée et renvoyée à
la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
7
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de MM. Gérard Larcher, Claude Belot et Charles Revet un rapport fait
au nom de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi
d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et
portant modification de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour
l'aménagement et le développement du territoire, adopté par l'Assemblée
nationale, après déclaration d'urgence (n° 203, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 272 et distribué.
8
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, fixée au
mardi 23 mars 1999, à onze heures quinze et à seize heures :
1. Suite de la discussion de la proposition de loi (n° 108, 1998-1999),
adoptée par l'Assemblée nationale, relative au pacte civil de solidarité.
Rapport (n° 258, 1998-1999) de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale.
Avis (n° 261, 1998-1999) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission
des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la
nation.
Aucun amendement à cette proposition de loi n'est plus recevable.
2. Discussion du projet de loi (n° 203, 1998-1999) d'orientation pour
l'aménagement et le développement durable du territoire et portant modification
de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le
développement du territoire, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence.
Rapport (n° 272, 1998-1999) de MM. Gérard Larcher, Claude Belot et Charles
Revet, fait au nom de la commission spéciale.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
lundi 22 mars 1999, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 22 mars 1999, à dix-sept
heures.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
relatif au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale
(n° 220, 1998-1999) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mercredi 31 mars 1999, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 30 mars 1999, à dix-sept
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures dix.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
COMMISSION D'ACCÈS AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS
En application du décret n° 78-1136 du 6 décembre 1978, M. le président du
Sénat a désigné, le 17 mars 1999, Mme Gisèle Printz en qualité de membre
suppléant de la commission d'accès aux documents administratifs.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Attribution des aides aux détaillants
en carburants en difficulté
493.
- 18 mars 1999. -
M. Jean-Jacques Robert
attire l'attention de
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
sur la mise en place du nouveau dispositif d'attribution des aides aux
détaillants en carburant par le comité professionnel de la distribution de
carburants (CPDC). Dans le cadre de la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996
relative à la loyauté et à l'équilibre des relations commerciales, et afin de
préserver le réseau des détaillants traditionnels, essentiel au maintien de
l'activité notamment en zone rurale, il était prévu que le CPDC redistribue le
produit de la majoration de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat,
instituée, aux petites stations-service en difficulté. En conséquence, la loi
de finances pour 1997 (n° 96-1181 du 30 novembre 1996), les décrets du 15 mai
1997 et du 2 mars 1998 ont fixé le taux et les modalités de répartition du
produit de cette extension de taxe, collectée par la Caisse nationale de
l'organisation autonome d'assurance vieillesse des professions industrielles et
commerciales (ORGANIC). Or, pour que le CPDC puisse redistribuer les sommes
recueillies, évaluées à soixante millions de francs, le décret n° 98-112 du 2
mars 1998 a imposé qu'un arrêté conjoint du ministre chargé de l'industrie, du
ministre chargé du commerce et de l'artisanat et du ministre chargé du budget
fixe chaque année le plafond des ressources affectées au CPDC. Cet arrêté
ministériel n'est toujours pas paru au
Journal officiel.
En conséquence,
faute de cet arrêté interministériel, une loi votée voici près de trois ans et
deux décrets sont privés de toute portée pratique. Plus grave, l'ORGANIC
perçoit, depuis ce décret n° 97-59 du 15 mai 1997, le produit d'une taxe
spécifique devenue sans objet, puisque la loi est détournée. Ces fonds ne sont
toujours pas destinés aux petites stations-service de plus en plus en
difficulté, pour qui ils sont prélevés. C'est pourquoi il lui demande de mettre
sans délai un terme à cette situation inadmissible, soit en attribuant
définitivement à cette taxe sa destination : les petites stations-service, soit
en la supprimant puisque sans objet.
Accueil des enfants handicapés en établissement
d'enseignement spécialisé
494.
- 18 mars 1999. -
M. Yann Gaillard
attire l'attention de
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
sur le nombre croissant d'enfants handicapés en attente d'accueil dans un
établissement d'enseignement spécialisé. Ainsi, dans le seul département de
l'Aube, soixante-quinze enfants et adolescents étaient en attente d'une place
en institut médico-éducatif (IME) en septembre dernier. Les insuffisances
quantitatives du dispositif destiné aux jeunes enfants relevant de l'éducation
spéciale sont bien connues. Pourtant, les différentes démarches menées par la
préfecture auprès du ministère de l'emploi et de la solidarité, et notamment
les demandes de moyens supplémentaires, n'ont pas, à ce jour, abouti. Que dire
encore de ces parents qui souhaiteraient, pour le bien-être de leur enfant, le
faire changer d'orientation et donc d'établissement pour le diriger vers une
branche plus apte à favoriser son épanouissement et qui, faute de places, ne
peuvent pas leur donner cette chance ? Il est en effet très difficile
d'envisager un changement d'établissement sachant qu'aucune place n'est
disponible et qu'il existe même des listes d'attentes de jeunes qui n'ont pu
malheureusement trouver une solution. Il lui demande donc ce qu'elle compte
faire pour, dans un premier temps, permettre l'accès de tous ces enfants à
l'enseignement et, dans un second temps, leur garantir un véritable choix
d'orientation. Cela ayant pour finalité, faut-il le rappeler, d'offrir à tous
ces jeunes un moyen d'épanouissement et une chance d'orientation dans la vie
professionnelle et sociale.
Retrait du permis de conduire
aux cyclistes ayant commis des infractions
au code de la route
495.
- 18 mars 1999. -
M. Franck Sérusclat
souhaite interroger
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement
sur la sanction infligée à certains cyclistes ne respectant pas le code de la
route : le retrait du permis de conduire automobile. En effet, certains
cyclistes n'ayant, par exemple, pas respecté un feu de signalisation, se voient
retirer leurs permis de conduire automobile, alors même que les dispositions
relatives au permis à points ne leurs sont pas applicables. Une telle sanction
semble disproportionnée et injuste. Au moment du vote de la loi sur le permis à
points, le législateur avait - et avec raison - considéré que l'on ne saurait
enlever les points d'un permis de conduire non nécessaire à la conduite d'un
vélo à son titulaire, sauf à admettre une discrimination tout à fait
disproportionnée à l'encontre des titulaires du permis de conduire et, par
ailleurs, cyclistes, ayant commis des infractions. Or, si des retraits de
points ne sont pas admis, en revanche, des retraits de permis sont encore
pratiqués (des témoignages récents en attestent). Cette situation est en
contradiction avec la volonté du législateur. Elle est également injuste en ce
qu'elle crée une situation d'inégalité entre les cyclistes titulaires d'un
permis de conduire automobile (qui peuvent faire l'objet d'un tel retrait) et
ceux qui ne disposent pas de ce permis (et ne peuvent pas être sanctionnés de
la même façon). Elle est d'autant plus incompréhensible que le cycliste
contribue à l'amélioration du cadre de vie dans nos cités. Il insiste auprès de
lui sur le fait qu'un retrait de permis sans retrait préalable de points
constitue une sanction d'une particulière gravité qui, dans l'essentiel des
cas, ne saurait être appliquée à un cycliste, ce dernier mettant en effet très
rarement en cause la vie d'autrui par sa seule conduite, à la différence des
conducteurs de voitures commettant de graves excès de vitesse ou téléphonant
tout en conduisant... Il aimerait connaître la position du ministre en la
matière, ainsi que son éventuelle volonté de mettre fin à cette pratique.
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du jeudi 18 mars 1999
SCRUTIN (n° 84)
sur l'amendement n° 2, présenté par M. Patrice Gélard au nom de la commission
des lois, tendant à insérer un article additionnel avant l'article 1er de la
proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au pacte civil
de solidarité (définition du mariage).
Nombre de votants : | 316 |
Nombre de suffrages exprimés : | 312 |
Pour : | 206 |
Contre : | 106 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
18.
Contre :
3. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer et Yvon Collin.
Abstention :
1. _ M. Jacques Pelletier.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
93.
Contre :
2. _ MM. Jacques Chaumont et Jean-Jacques Robert.
Abstention :
1. _ M. Yann Gaillard.
N'ont pas pris part au vote :
3. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat, M. Gérard Larcher, qui présidait la séance, et M. Emmanuel Hamel.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Contre :
78.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
45.
Contre :
5. _ MM. Denis Badré, Jean-Jacques Hyest, Pierre Jarlier,
Alain Lambert et Jean-Louis Lorrain.
Abstention :
1. _ M. Pierre Fauchon.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Jacques Machet.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Pour :
47.
SÉNATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE (7) :
Pour :
3.
Contre :
2. _ MM. Gérard Delfau et Bernard Seillier.
Abstention :
1. _ M. Philippe Darniche.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Alfred Foy.
Ont voté pour
François Abadie
Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cléach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Ont voté contre
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Denis Badré
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Jean-Jacques Robert
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Bernard Seillier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstentions
MM. Philippe Darniche, Pierre Fauchon, Yann Gaillard et Jacques Pelletier.
N'ont pas pris part au vote
MM. Alfred Foy, Emmanuel Hamel et Jacques Machet.
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Gérard Larcher, qui présidait
la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 317 |
Nombre de suffrages exprimés : | 313 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 157 |
Pour l'adoption : | 207 |
Contre : | 106 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 85)
sur l'amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Patrice Gélard au nom de la
commission des lois, tendant à insérer un article additionnel avant l'article
1er de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au
pacte civil de solidarité (définition du concubinage).
Nombre de votants : | 311 |
Nombre de suffrages exprimés : | 308 |
Pour : | 192 |
Contre : | 116 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
18.
Contre :
4. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin et
Jacques Pelletier.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
92.
Contre :
5. _ MM. Michel Caldaguès, Philippe de Gaulle, François
Gerbaud, Emmanuel Hamel et Jean-Jacques Robert.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat et M. Alain Vasselle.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Contre :
77.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Guy Allouche, qui présidait la
séance.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
40.
Contre :
9. _ MM. Denis Badré, Maurice Blin, André Bohl, Jean Huchon,
Alain Lambert, Henri Le Breton, Jean-Louis Lorrain, Louis Moinard et Philippe
Nogrix.
Abstentions :
3. _ MM. Pierre Jarlier, Louis Mercier et Michel
Souplet.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Pour :
42.
Contre :
5. _ MM. Jean-Paul Bataille, Jean Boyer, Louis Boyer, Louis
Grillot et Henri Revol.
SÉNATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE (7) :
N'ont pas pris part au vote :
7.
Ont voté pour
François Abadie
Nicolas About
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Annick Bocandé
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cléach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Patrice Gélard
Alain Gérard
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Raymond Soucaret
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Ont voté contre
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Denis Badré
Jean-Paul Bataille
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Maurice Blin
André Bohl
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Michel Caldaguès
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Philippe de Gaulle
François Gerbaud
Serge Godard
Louis Grillot
Jean-Noël Guérini
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Roger Hesling
Jean Huchon
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Dominique Larifla
Henri Le Breton
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Louis Moinard
Michel Moreigne
Philippe Nogrix
Jean-Marc Pastor
Jacques Pelletier
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Henri Revol
Roger Rinchet
Jean-Jacques Robert
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstentions
MM. Pierre Jarlier, Louis Mercier et Michel Souplet.
N'ont pas pris part au vote
MM. Philippe Adnot, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Hubert Durand-Chastel,
Alfred Foy, Bernard Seillier, Alex Türk et Alain Vasselle.
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Guy Allouche, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 312 |
Nombre de suffrages exprimés : | 309 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 155 |
Pour l'adoption : | 192 |
Contre : | 117 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 86)
sur les amendements n° 4, présenté par M. Patrice Gélard au nom de la
commission des lois et n° 32 présenté par M. Jean-Louis Lorrain, Denis Badré,
Jacques Machet et Alain Lambert, tendant à supprimer l'article 1er de la
proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative au pacte civil
de solidarité (création d'un pacte civil de solidarité).
Nombre de votants : | 313 |
Nombre de suffrages exprimés : | 313 |
Pour : | 216 |
Contre : | 97 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
16.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (22) :
Pour :
18.
Contre :
4. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin et
Jacques Pelletier.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
98.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Contre :
77.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Guy Allouche, qui présidait la
séance.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
52.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (47) :
Pour :
47.
SÉNATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE (7) :
Pour :
1. _ M. Bernard Seillier.
N'ont pas pris part au vote :
6.
Ont voté pour
François Abadie
Nicolas About
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jean-Paul Bataille
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cléach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Ont voté contre
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Jacques Pelletier
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
N'ont pas pris part au vote
MM. Philippe Adnot, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Hubert Durand-Chastel,
Alfred Foy et Alex Türk.
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Guy Allouche, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 314 |
Nombre de suffrages exprimés : | 314 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 158 |
Pour l'adoption : | 216 |
Contre : | 98 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.