Séance du 18 mars 1999







M. le président. La parole est à M. Fournier.
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adressait à M. le ministre de l'éducation nationale, mais je crois que c'est Mme le ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire qui va me donner la réplique.
Madame le ministre, un grand quotidien faisait état en ce début de semaine de la fermeture de classes en milieu rural, notamment dans la Loire, et de l'exaspération des enseignants devant l'aveuglement de l'administration.
Dans le même temps, le ministre déclarait qu'il n'y aurait aucun poste supprimé à la rentrée 1999. Je réponds que c'est faux ! Cette annonce publicitaire, destinée à calmer les enseignants qui contestent actuellement haut et fort la politique du Gouvernement, n'est que de l'alchimie statistique. J'en veux pour preuve le fait que, dans un département comme la Loire, nous aurons perdu près de cent postes en trois ans, dont trente-cinq sont annoncés pour la rentrée prochaine.
M. Jacques Mahéas. Bravo !
M. Bernard Fournier. Si, pour M. Tavernier, l'espoir des enseignants « ça commence aujourd'hui », dans mon département, ça finit aujourd'hui ! (Exclamations sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Nelly Olin. Tout à fait !
M. Bernard Fournier. C'est dans les zones rurales, dans les réseaux d'éducation prioritaires et dans les zones d'éducation prioritaires, que vous supprimez des postes d'enseignants et que vous refusez de nommer des travailleurs sociaux.
Mme Nelly Olin. Très bien !
M. Bernard Fournier. Ce sont donc les écoles des zones les plus marquées par la précarité que vous excluez du bénéfice d'une vraie réforme - courageuse et concertée - de l'éducation.
Les mesures médiatiques ne sont que poudre aux yeux : en réalité, c'est la voie de la désertification que vous ouvrez ; c'est la négation du travail des enseignants et des collectivités locales que vous organisez !
Vous saupoudrez, certes, quelques millions ici ou là : ils se traduisent par des primes pour sujétions spéciales pour les enseignants en place. Mais où sont les postes qui permettent de tenir des effectifs raisonnables, seuls propices à créer un cadre adapté pour des populations difficiles et défavorisées ?
M. Claude Estier. Vous avez voté la réduction des crédits du ministère de l'éducation nationale !
M. Bernard Fournier. Dans la Loire, nous avons l'un des plus forts taux de scolarisation des enfants de moins de deux ans.
M. Jacques Mahéas. Il fallait voter le budget du ministre de l'éducation nationale !
M. Bernard Fournier. Cette politique, c'est le choix des parents et celui des enseignants,...
M. Jacques Mahéas. Vous tenez un double langage !
M. Bernard Fournier. ... un choix, faut-il le dire, accompagné par les maires. Ce sont cette politique et ces choix que vous « cassez » aujourd'hui, méprisant ainsi de longues années de travail ! (Exclamations sur les travées socialistes. - Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et indépendants.)
Je vous le demande solennellement, madame le ministre : comptez-vous, enfin, mettre un terme à l'asphyxie de l'éducation en milieu rural que vous organisez ? Comptez-vous, M. Allègre et vous-même, laisser une chance à ces élèves, dont vous dites qu'ils sont au coeur du système éducatif,...
M. le président. Merci de conclure !
M. Bernard Fournier. ... mais que vous ignorez superbement en méconnaissant leurs intérêts ? Quand donc le Gouvernement cessera-t-il d'avoir une vision statistique et dogmatique de l'éducation pour enfin ! laisser parler le terrain et les hommes ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées socialistes.)
M. René-Pierre Signé. Il fallait voter le budget du ministère de l'éducation !
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. Monsieur le sénateur, l'école rurale a fait l'objet d'une attention particulière cette année, vous le savez.
M. Jean Chérioux. On le voit !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Pour la première fois je crois, une instruction officielle, que je tiens à votre disposition, a été diffusée auprès de l'ensemble des recteurs et inspecteurs d'académie, précisément pour mettre en place une nouvelle dynamique de l'école en milieu rural. L'école constitue en effet un élément important de l'aménagement du territoire. Bien souvent, lorsque l'école disparaît dans une commune rurale, c'est le dernier service public qui disparaît.
M. Alain Vasselle. C'est vrai !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Nous devons assurer aux élèves du milieu rural l'égalité des chances et la qualité pédagogique. C'est la raison pour laquelle j'encourage la mise en place de réseaux d'écoles rurales, qui doivent permettre à celles-ci de reconquérir une certaine densité scolaire et de lutter contre la fatalité de la désertification, en particulier contre l'effet d'attraction des chefs-lieux de canton.
Je considère que nous avons aujourd'hui la capacité de définir des pôles solides d'écoles rurales, de mettre en commun un certain nombre de moyens, y compris avec des enseignants itinérants qui peuvent assurer une scolarisation de qualité aux enfants de l'école maternelle.
C'est dans un contexte de respect de l'école rurale que la carte scolaire a été préparée, puisque les effectifs démographiques n'ont pas constitué le seul critère de répartition des postes.
En effet, en dépit de ce que vous venez de dire, monsieur le sénateur, le Gouvernement a maintenu intact, je le répète, le nombre d'emplois pour le premier degré, et cela malgré la baisse des effectifs.
Dans le département de la Loire - venons-en aux choses précises, monsieur le sénateur - où, malheureusement, vous perdez beaucoup d'élèves - on y compte près de 800 élèves en moins pour la rentrée prochaine et plus de 1 500 élèves en moins sur l'académie - si nous avions tenu uniquement compte de l'évolution démographique, le département aurait dû rendre, au titre de la solidarité scolaire envers les autres départements, quatre-vingt-dix emplois, monsieur le sénateur ! C'est précisément parce qu'il a été tenu compte du rôle de l'école en matière d'aménagement du territoire que seuls trente-cinq emplois ont été prélevés. Autrement dit, vous bénéficiez d'une dotation de cinquante-deux emplois par rapport à d'autres départements ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Bernard Fournier. Il faut dire merci !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous voyez que l'école rurale fait l'objet d'une attention toute particulière ! Je vous fais porter l'instruction à laquelle je viens de faire allusion. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

AMORTISSEMENT PÉRISSOL