Séance du 27 avril 1999
M. le président. La parole est à M. Ginésy, auteur de la question n° 478, adressée à M. le ministre de la défense.
M. Charles Ginésy. Monsieur le président, mon intervention concerne la suppression de deux gendarmeries du canton de Guillaumes, dans le département des Alpes-Maritimes.
Je veux aujourd'hui, en ma double qualité de président du conseil général et de conseiller général, et maire directement concerné également, rappeler les éléments qui justifient l'indispensable maintien de ces deux implantations financées, je le souligne, grâce au concours du conseil général et des deux communes concernées de Guillaumes et de Péone.
Leur existence répond à des caractéristiques géographiques et de fréquentation auxquelles une simple répartition administrative ne peut satisfaire.
Ces deux gendarmeries ont en charge un monde rural fragile, clairsemé, dans un canton rural représentant un dixième de la superficie du département et qui compte neuf communes rurales, une trentaine de hameaux, et dont la pyramide des âges s'établit en moyenne au-dessus de soixante-cinq ans.
A cela s'ajoute une forte activité hivernale avec quatre stations, Beuil, Valberg - 10 000 lits - Esteng, Val Pellens, des gorges étroites - Dalins, Cians - et une forte circulation hivernale qui pose des problèmes constants. Il faut aussi prendre en compte l'importante circulation touristique, du printemps à l'automne, sur la route des grandes Alpes, par les trois cols de la Cayolle, des Champs et de la Couillole.
J'exprime ma profonde surprise, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'après avoir bénéficié des efforts financiers des deux communes de Guillaumes et de Péone, soutenues par le conseil général des Alpes-Maritimes, pour la construction de ces deux gendarmeries, l'Etat puisse envisager de se désengager vis-à-vis ne serait-ce que de l'une d'elles ! La sécurité publique, là comme ailleurs, pose des problèmes croissants.
Que penser d'une telle attitude, si l'on se réfère au soutien exceptionnel apporté par le conseil général des Alpes-Maritimes, au cours de ces dix dernières années, à trente gendarmeries qui ont bénéficié d'un montant global de subventions de plus de 50 millions de francs du conseil général, et, aujourd'hui encore, à deux constructions en cours, l'une à Breil-sur-Roya l'autre à Tende, pour 15 millions de francs ?
Notre département, qui a souscrit un volontariat exceptionnel au bénéfice de la sécurité des personnes et des biens, sera-t-il, en remerciement, sanctionné par l'Etat dans ce seul canton de montagne des Alpes-Maritimes ? Doit-il regretter son action de solidarité généreuse, si le mépris de cette action devait être sa récompense ?
Je ne pense pas que beaucoup de départements aient fait ce choix !
Dois-je, à présent, réfléchir à la pertinence de nos efforts, arrêter l'expression de cette solidarité réalisée dans un consensus de parfaite compréhension avec l'Etat jusqu'à ce jour ? Oui, si elle devait désormais, en signe de récompense, s'exprimer à sens unique !
Je veux toutefois encore croire, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous prendrez en considération cette situation très exceptionnelle, unique dans notre département, à l'égard d'un canton très sérieusement touché par l'exode rural et dans lequel nos populations clairsemées, isolées et dispersées, ont impérativement besoin tout autant que celles des villes de la sécurité nationale.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le sénateur, votre question nous renvoie à un problème connu, qui nous occupe depuis plusieurs mois : l'adaptation du maillage territorial des forces de police et de gendarmerie aux évolutions démographiques et de la délinquance.
A l'origine, vous vous en souvenez, c'est le rapport de votre collègue M. Hyest et de M. Roland Carraz, député, qui a suggéré, à la suite du conseil supérieur de l'intérieur du 27 avril 1998, d'engager une concertation locale menée dans chaque département sous l'autorité du préfet.
Puis, devant les situations rencontrées localement, telles que celle que vous venez de décrire, M. Fougier, conseiller d'Etat, a été chargé, au cours du dernier trimestre de 1998, d'une mission de consultation extrêmement approfondie sur le réaménagement territorial. M. Fougier a procédé à de nombreuses réunions avec les élus dans les régions et les départements et il a reçu les associations nationales d'élus et les organisations professionnelles. Son rapport est venu enrichir la réflexion du Gouvernement.
Le Premier ministre, vous le savez, a décidé d'un examen au cas par cas afin que chaque situation soit étudiée spécifiquement et que soit recherché l'accord des élus dans le cadre d'un dialogue responsable. Cet examen au cas par cas se substitue dorénavant à la mise en oeuvre d'un plan d'ensemble dont la globalité porte ses propres limites.
S'agissant des brigades de gendarmerie, le ministre de la défense a décidé de plusieurs principes qui guideront la démarche qu'il a exposée ici-même le 28 janvier dernier.
Le principe général du maintien d'une brigade par canton est réaffirmé, même si les brigades faiblement chargées pourront voir leur effectif allégé à cinq ou quatre militaires pour tenir compte de la réalité de la délinquance.
Toutefois, dans le même temps, le Gouvernement est très conscient des efforts qui sont accomplis par les communes et les départements en faveur de la construction et de la modernisation des casernements de gendarmerie, comme c'est le cas dans les Alpes-Maritimes, ainsi que vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur.
C'est pourquoi cette question des locaux sera prise en compte dans l'examen de chaque situation locale. Au-delà, le Gouvernement souhaite qu'une concertation annuelle ait lieu dans les départements sur l'adaptation du dispositif de la gendarmerie. Il a, en effet, la volonté de maintenir le rapport de confiance et de collaboration loyale qui existe entre la grande majorité des collectivités territoriales, notamment des conseils généraux, et la gendarmerie nationale, car c'est une réalité que l'on observe sur le terrain.
Dans le cadre des principes que je viens de rappeler et qui ont été définis par le ministre de la défense, M. Alain Richard, les brigades de Peone - six militaires, 858 habitants - et de Guillaumes - six militaires, 1 090 habitants - situées dans le même canton, feront l'objet d'un examen spécifique, en étroite concertation avec les élus et au plus proche des préoccupations locales.
S'agissant du canton dont vous venez de rappeler la situation et de ses deux gendarmeries, le Gouvernement entend appliquer les principes que M. Alain Richard a posés le 28 janvier dernier devant le Sénat, à savoir un examen au cas par cas. Il sera tenu compte notamment des situations immobilières. La concertation va donc reprendre sur le cas que vous venez d'évoquer, monsieur le sénateur.
M. Charles Ginésy. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Ginésy.
M. Charles Ginésy. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie des précisions que vous avez bien voulu m'apporter, et que je pressentais.
Je me félicite que la concertation se poursuive : mon souhait est qu'elle se fasse en étroite coopération avec le conseil général, compte tenu des efforts qui ont été faits et de la sollicitation des deux communes.
Je précise, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il s'agit là d'un cas très particulier. C'est le seul, il est unique. Il se pose sur le plan de la démographie et de la spécificité de la montagne des Alpes-Maritimes. Je vous ai donné dans mon exposé toutes les informations nécessaires à ce sujet. J'ose espérer que ce ne sera pas uniquement un cas d'espèce qui me contraindrait, moi, compte tenu de ma position, vous le comprendrez, à suspendre bien sûr la solidarité que nous avons exprimée jusqu'à ce jour.
Je vous remercie de la compréhension que vous avez bien voulu me témoigner et je me tiens à votre disposition avant qu'une solution définitive soit prise.
FINANCEMENT DE L'AIDE MÉDICALE