Séance du 27 avril 1999
M. le président. La parole est à Mme Borvo, auteur de la question n° 468, adressée à M. le ministre de l'intérieur, que nous remercions de sa présence.
Mme Nicole Borvo. En ouvrant la voie à une gestion au plus près des habitants et à une nouvelle approche de la citoyenneté, la loi du 31 décembre 1982, dite loi PML, Paris-Marseille-Lyon, a constitué un incontestable progrès démocratique.
Seize ans plus tard, il apparaît indispensable de faire le point sur la mise en oeuvre de cette loi et d'examiner les modifications qu'il convient de lui apporter pour corriger ses imperfections et pousser plus avant cette expérience originale de décentralisation et de démocratie locale.
En effet, jusqu'en 1995, la tendance a plutôt été de limiter le pouvoir des mairies d'arrondissement, de les réduire à de simples rouages administratifs. L'élection en juin 1995, dans les trois villes, d'un nombre significatif de mairies d'arrondissement d'opposition aux mairies centrales a encore plus mis en lumière les problèmes posés par la non-application de la loi du 31 décembre 1982. Depuis, malgré quelques avancées obtenues, non sans grandes difficultés à Paris, la situation ne s'est pas fondamentalement modifiée.
En outre les CICA, les comités d'initiative et de consultation d'arrondissement, sont loin de fonctionner partout.
A l'heure actuelle, aucune ville n'applique la loi dans son intégralité et il est regrettable que, pour obtenir la simple application de la loi, il ait fallu, à Paris et à Lyon, recourir au tribunal administratif.
J'insiste sur la situation à Paris où, vous le savez, puisque vous avez dû vous-même intervenir, monsieur le ministre, l'application de la loi est beaucoup plus restrictive qu'à Lyon et Marseille.
Il existe donc un problème d'application et d'évolution de cette loi. C'est pourquoi ma formation politique a déposé, comme d'ailleurs d'autres formations politiques de la gauche plurielle, une proposition de loi, insistant sur l'urgence d'ouvrir un débat parlementaire sur cette question.
Pourriez-vous m'indiquer quelles sont les intentions du Gouvernement pour faire en sorte que la loi soit appliquée ? Par ailleurs, le Gouvernement a-t-il l'intention d'organiser un débat parlementaire en vue de réformer la loi de décentralisation Paris-Marseille-Lyon ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Madame le sénateur, la loi n° 82-1169 du 31 décembre 1982, relative à l'organisation de Paris, Marseille et Lyon, a eu pour objet d'appliquer à ces trois villes les principes fondamentaux de la décentralisation tout en les adaptant à la taille de ces très grandes communes.
Pour répondre aux exigences d'une amélioration de la démocratie locale, il fallait trouver un mode spécifique d'association des citoyens aux décisions. Cette réforme a permis pour les trois plus importantes communes françaises de trouver un équilibre qui, tout en opérant un rapprochement du terrain de l'administration communale et en donnant aux conseils d'arrondissements des responsabilités propres, maintient l'unité communale.
Cet équilibre établi, entre le Conseil de Paris ou les conseils municipaux de Marseille et de Lyon, d'une part, et les conseils d'arrondissement d'autre part, peut donner lieu à une réflexion sur leurs compétences respectives et, notamment, dans les domaines de la gestion des équipements de proximité et de l'animation de la vie des arrondissements. D'ailleurs, des arrêtés préfectoraux ont été pris. Notamment en ce qui concerne le cas de Paris, j'ai personnellement demandé à M. Tiberi, après m'être d'ailleurs entretenu de cette question avec MM. Gaudin et Barre, de veiller à ce que les choses soient claires à ce sujet.
Une telle réflexion ne peut évidemment aller jusqu'à envisager la transformation des arrondissements en véritables collectivités locales, vous le comprendrez, un transfert de compétences étendues au profit des arrondissements pouvant corrélativement vider de leur substance les compétences des communes concernées.
Je suis attaché au maintien de la logique communale - comme vous-même, madame le sénateur - qui a fait la preuve de sa pertinence. Une amélioration de la décentralisation ne peut se traduire par un démembrement de ces trois communes. Je sais d'ailleurs que vous ne le proposez pas.
Je suis prêt à approfondir une réflexion sur ces sujets. Peut-être est-il possible d'organiser un débat parlementaire. Mais on ne peut pas traiter une telle question dans l'urgence ni bouleverser l'ordre des travaux engagés par le Gouvernement, notamment en vue du renforcement et de la simplification de la coopération intercommunale au travers du projet de loi dont le Sénat est actuellement saisi, après une première lecture à l'Assemblée nationale, et qu'il doit d'ailleurs reprendre cet après-midi.
Il y a place certainement pour un échange d'arguments. Peut-être ce débat en sera-t-il l'occasion ou peut-être faudra-t-il trouver ce que l'on appelle une « niche » parlementaire pour en parler. Mais il me semble qu'un peu de bonne volonté, notamment de la part de M. le maire de Paris, devrait permettre de lever les ambiguïtés qui peuvent subsister sur ce sujet.
C'est ce que je souhaite pour ma part sans que, naturellement, cela empêche l'expression de vues plus générales. C'est aussi le rôle du Parlement.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. J'apprécie que vous soyez ouvert à une réflexion sur ces problèmes. Je voulais vous faire remarquer que les dotations directement gérées par les mairies d'arrondissement à Paris sont estimées, à l'heure actuelle, à 2 francs par habitant, ce qui montre la limite des transferts de compétence.
Une extension des compétences dévolues aux maires, qui concernerait la gestion de tous les équipements locaux, des caisses des écoles et des centres sociaux, l'attribution d'une partie des logements relevant de la commune ou de sociétés d'économie mixte, suppose des moyens financiers réels et des personnels adaptés.
La proposition de loi que nous avons déposée, comme vous l'avez remarqué vous-même, monsieur le ministre, préserve complètement l'unité de la ville tout en confortant l'exercice de la citoyenneté et la gestion de proximité.
Je pense donc que ce cadre permettra de nouvelles avancées et qu'effectivement, si nous avons la volonté de mener ce débat, nous pourrons aboutir à des améliorations réelles en appliquant déjà la loi mais aussi en apportant quelques modifications allant dans le sens d'une volonté de participation réelle des citoyens, notamment à Paris, afin de leur conférer un droit de regard plus important sur la vie locale.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Ma réponse sera brève, madame le sénateur.
Je me suis entretenu récemment avec M. le maire de Paris, là où le problème se pose particulièrement, sans vouloir cependant m'immiscer dans les affaires intérieures de la Ville de Paris. Il m'a indiqué qu'il envisageait de dresser le tableau des équipements qui doivent faire l'objet d'une délibération du Conseil de Paris et dont la gestion pourrait être effectivement confiée aux mairies d'arrondissements.
Je ne saurais donc mieux faire que de vous inviter à vous rapprocher de M. le maire de Paris de façon que ces choses-là soient aussi claires que possible.
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinq.)