Séance du 27 avril 1999
M. le président. Par amendement n° 181, M. Michel Mercier, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 50 bis , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le premier alinéa de l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales est remplacé par un alinéa ainsi rédigé :
« Les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes qui bénéficient de la compétence prévue à l'article L. 2224-13 peuvent instituer une redevance d'enlèvement des ordures ménagères calculée en fonction du service rendu dès lors qu'ils assurent au moins la collecte des déchets des ménages. Lorsque les communes assurent au moins la collecte et ont transféré le reste de la compétence d'élimination à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, elles pourront, par délibérations concordantes avec ce dernier, établir un reversement partiel du produit de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères au profit de ce dernier. »
« II. - Le quatrième alinéa de l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales est supprimé. »
Cet amendement est affecté de deux sous-amendements, présentés par M. Vasselle.
Le sous-amendement n° 565 vise :
I. - Au début de la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de l'amendement n° 181, à supprimer les mots : « Les communes, ».
II. - Dans la même phrase, après les mots : « peuvent instituer », à insérer les mots : « ou faire coexister sur leur territoire à la fois une taxe ou ».
III. - Dans la même phrase, à remplacer le mot : « calculée » par le mot : « calculées ».
Le sous-amendement n° 560 tend à insérer, après la première phrase du texte présenté par le I de l'amendement n° 181, une phrase ainsi rédigée : « Le recouvrement de cette redevance est assuré par les services fiscaux dans les mêmes conditions que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 181.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Il s'agit d'un amendement de conséquence : il reprend pour la redevance ce que nous avons dit pour la taxe.
M. le président. La parole est à M. Vasselle, pour défendre les sous-amendements n°s 565 et 560.
M. Alain Vasselle. Ces deux sous-amendements concernent la redevance.
Le sous-amendement n° 565 s'inspire de la préoccupation que M. Fréville et moi-même avons exprimée voilà un instant. Elle se heurte, je le comprends bien, à la cohérence des dispositions liées à l'existence de structures intercommunales à fiscalité propre.
Ainsi, à partir du moment où une structure intercommunale à fiscalité propre se constitue, elle s'apparente, selon les dispositions législatives qui lui sont applicables, ou à une commune ou à un département ou à une région. Dans ce cas de figure, elle doit choisir, pour les communes qui la constituent, entre la redevance, la taxe ou les impôts. En d'autres termes, une structure communale à fiscalité propre ne peut pas faire coexister sur son territoire la taxe et la redevance, comme l'a rappelé tout à l'heure M. le rapporteur pour avis.
Cette situation soulève un problème dans des structures intercommunales à fiscalité propre à dominante rurale. Dans certains cas, pour la commune bourg-centre, qui peut compter de 5 000 à 10 000 habitants, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères peut être le mode de recouvrement le plus adapté, alors pour les autres communes, comptant entre 150 et 400 habitants, le mode de recouvrement le mieux adapté est la redevance.
Or je vis personnellement cette situation en tant que président d'une communauté de communes composée de 40 communes. La plus importante compte 5 000 habitants et deux d'entre elles entre 1 000 et 1 200 habitants. Les 37 autres communes, qui comptent moins de 400 habitants, pratiquent depuis plus de vingt ans la redevance. Toutes les communes font partie de cette communauté de communes à fiscalité propre, qui vient de prendre cette compétence. Les maires des communes rurales souhaitent maintenir le système de la redevance. Le maire de la commune de 5 000 habitants souhaite maintenir le système de recouvrement qu'est la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. Or les dispositions législatives actuelles relatives à l'intercommunalité ne le permettent pas.
Nous souhaiterions pouvoir maintenir la redevance dans les communes rurales et appliquer la taxe dans la commune la plus importante. Compte tenu de sa composition et de la démographie, ce système est le mieux adapté pour elle. Tel est l'objet de ce sous-amendement.
Le sous-amendement n° 560 est un sous-amendement de cohérence par rapport à des dispositions actuellement en vigueur et concernant la redevance spéciale qui s'applique aux commerçants et artisans, le recouvrement de la redevance étant assuré par les services fiscaux. Or le recouvrement de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères est assuré non par les services fiscaux, mais par les communes avec le concours du percepteur dont dépendent ces dernières.
Ce sous-amendement a pour objet d'étendre à la redevance d'enlèvement des ordures ménagères les dispositions qui s'appliquent en ce qui concerne la redevance spéciale. Cela présenterait un double avantage. D'une part les services fiscaux assureraient le recouvrement aux lieu et place des communes, qui seraient allégées de cette charge. D'autre part, et surtout, ces communes auraient l'assurance du recouvrement de la redevance, comme c'est le cas pour la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. Or, vous le savez, mes chers collègues, nous sommes confrontés, avec la progression du coût du service, à des impayés de plus en plus importants dans les communes qui pratiquent la redevance.
C'est la raison pour laquelle je propose, à travers ce sous-amendement, que les dispositions qui s'appliquent aujourd'hui pour la redevance spéciale soient étendues à la redevance d'enlèvement des ordures ménagères. En adoptant ce sous-amendement, mes chers collègues, vous rendrez un grand service aux communes rurales qui pratiquent la redevance et aux communautés de communes qui feraient ce choix, si la possibilité de faire coexister les deux modes de recouvrement n'était pas retenu, c'est-à-dire si le sous-amendement n° 565 n'était pas adopté.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances sur les sous-amendements n°s 565 et 560 ?
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Le sous-amendement n° 560 prévoit de confier aux services fiscaux le recouvrement de la redevance, au motif essentiel que ce serait plus sûr, comme en matière d'impôt.
Or, précisément, la redevance ne veut pas être un impôt. Octroyer aux services fiscaux le soin de recouvrer, avec les privilèges attachés au recouvrement de l'impôt, ce qui n'est qu'une redevance soulève un problème de droit insurmontable.
On choisit ou l'impôt ou ce qui n'est pas l'impôt. Mais les services fiscaux de notre pays font déjà suffisamment de choses. Je le répète : si on leur demande de recouvrer autre chose que l'impôt, cela soulève tout de même des problèmes insurmontables.
Quant au sous-amendement n° 565, il reprend ce que MM. Vasselle et Fréville ont dit tout à l'heure. Je conçois parfaitement qu'il y ait des problèmes d'adaptation et de souplesse. Mais, dans ce cas, la solution consiste à recourir à un organisme intercommunal qui ne soit pas doté d'une fiscalité propre, afin que ce soient les communes membres qui déterminent le système de financement de la compétence.
Si les communes ont abandonné la compétence, elles ont abandonné aussi le financement de la compétence. Si elles ont confié des compétences à un organisme de coopération intercommunale qui est doté de la fiscalité propre, c'est parce que, à un moment donné, elles ont voulu confier à cet organisme doté d'un pouvoir fiscal lesdites compétences et les pouvoirs qui y sont attachés.
Il est difficile de vouloir quelque chose et autre chose en même temps. Aussi, monsieur Vasselle, tout en comprenant bien le but que vous cherchez à atteindre, mais c'est impossible, je vous demande de bien vouloir retirer vos deux sous-amendements, sinon la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 181 et sur les sous-amendements n°s 565 et 560 ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 181, car celui-ci clarifie le dispositif.
En revanche, pour les raisons que M. Mercier vient d'exprimer, il est défavorable aux sous-amendements présentés par M. Vasselle.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 565.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je souhaiterais que l'on m'explique où est la cohérence des dispositions législatives actuelles en ce qui concerne la redevance et l'impôt.
Monsieur le rapporteur pour avis, le recouvrement de la redevance spéciale est assuré par les services fiscaux. Je souhaiterais donc que vous expliquiez demain à nos concitoyens et à nos maires comment fonctionne la législation dans notre pays.
Je comprends la cohérence de votre raisonnement lorsqu'il s'agit de l'impôt. La redevance spéciale, parce qu'elle ne vise que les artisans et les commerçants, est recouvrée par les services fiscaux. En revanche, le recouvrement de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères ne peut pas être assuré par lesdits services. Où est la cohérence ? J'aimerais qu'on me le dise !
Il n'est pas insurmontable de mettre en oeuvre ce dispositif, qui ne devrait pas poser de problème majeur aux services fiscaux. Un tel dispositif apporterait la souplesse et la facilité de fonctionnement au niveau des structures intercommunales à fiscalité propre.
J'espère que mes collègues, dans leur majorité, feront preuve de bon sens et d'esprit pratique, et qu'ils adopteront le sous-amendement que j'ai défendu voilà un instant.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 565, repoussé par la commission des finances et par le Gouvernement.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas le sous-amendement.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 560.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je comprends tout à fait le raisonnement de M. le rapporteur pour avis, son souci de cohérence par rapport aux dispositions actuelles de l'intercommunalité et à celles qui sévissent en ce qui concerne les communes. Mais tout est-il vraiment intangible dans ce pays ? Sur le plan législatif, des modalités ne peuvent-elles pas s'appliquer en fonction des particuliarités des communautés de communes rurales ?
Mes chers collègues, je vous assure que, si l'intercommunalité présente de nombreux avantages, à vouloir procéder à des intégrations de plus en plus poussées de l'ensemble des compétences exercées par les communes, on risque de mettre les maires des communes rurales devant des difficultés majeures, à terme, dans l'exercice de leurs compétences.
Il ne faut pas non plus se cacher derrière son petit doigt ! Si nombre de communes ont accepté le transfert d'un grand nombre de compétences qui étaient exercées par des syndicats à vocation unique ou directement par elles-mêmes, c'est parce qu'elles étaient attirées par la carotte de la DGF. Il n'y avait pas toujours un véritable projet de territoire !
Peut-être voulez-vous que la sanction tombe aujourd'hui pour ces communes ? En effet, combien de syndicats à vocation multiple ou à vocation unique qui exerçaient la compétence de la collecte des ordures ménagères ou d'autres compétences très anciennes ont opéré ce glissement sur la structure intercommunale parce qu'il n'en résultait pas de conséquences sur le niveau de leur propre DGF - puisqu'elles étaient toutes au minimum garanti - et que la structure intercommunale à fiscalité propre leur rapportait de la DGF ?
Je ne suis pas persuadé, en ce qui me concerne, que tel était là l'esprit du législateur de 1992.
Dans la situation d'aujourd'hui, ont leur part de responsabilité nombre de préfets, de sous-préfets et même d'élus. Qui que nous soyons, nous, parlementaires ou conseillers régionaux, nous avons tous poussé dans ce sens. Mais, aujourd'hui, je vous assure pour le vivre personnellement dans mon propre département, cette situation est source de difficultés dans les secteurs les plus ruraux.
C'est la raison pour laquelle je maintiens mon sous-amendement, ne serait-ce que pour la forme. Je ne me fais pas d'illusions quant à son sort compte tenu de celui qui a été réservé au sous-amendement précédent - alors que, à mon avis, ce dernier devait poser a priori moins de problèmes - et je le maintiens au moins en termes d'affichage, pour montrer à mes grands électeurs du département de l'Oise quel a été mon souci de répondre à leur attente. Ils apprécieront la position qu'adopteront le Sénat, l'Assemblée nationale et le Gouvernement sur cette disposition !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 560, repoussé par la commission des finances et par le Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 181, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 50 bis.
Je rappelle que l'article 51 a été examiné en priorité.
Article additionnel après l'article 51