Séance du 4 mai 1999
M. le président. Par amendement n° 383 rectifié, MM. Bret, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 57, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 2531-14 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Art. L. 2531-14. - I. - Bénéficient d'une attribution du fonds destiné à tenir compte de l'insuffisance de ressources fiscales au regard des charges particulièrement élevées qu'elles supportent :
« 1° Les cent premières communes de 10 000 habitants et plus classées en fonction d'un indice synthétique de ressources et de charges défini au II ci-après ;
« 2° Le premier dixième des communes dont la population est comprise entre 5 000 et 9 999 habitants classées en fonction d'un indice synthétique de ressources et de charges définies au III ci-après,
« Les communes soumises à un prélèvement en faveur du fonds ne peuvent bénéficier de ses attributions.
« II. - L'indice synthétique de ressources et de charges mentionné au I pour les communes de 10 000 habitants et plus est constitué :
« 1° Du rapport entre le potentiel fiscal par habitant des communes de 10 000 habitants et plus de la région Ile-de-France et le potentiel fiscal par habitant de la commune, tel que défini à l'article L. 2334-4.
« 2° Du rapport entre la proportion de logements sociaux, tels qu'ils sont définis à l'article L. 2334-17 dans le total des logements de la commune et la proportion de logements sociaux dans le total des logements des communes de 10 000 habitants et plus de la région d'Ile-de-France ;
« 3° Du rapport entre la moyenne communale par logement des bénéficiaires d'aides au logement, telles qu'elles sont définies à l'article L. 2334-17, de leur conjoint et des personnes à charge vivant habituellement dans leur foyer et cette même moyenne constante dans l'ensemble des communes de 10 000 habitants et plus de la région d'Ile-de-France ;
« 4° Du rapport entre le revenu moyen par habitant des communes de 10 000 habitants et plus de la région d'Ile-de-France et le revenu de commune, calculé en prenant en compte la population qui résulte des recensements généraux ou complémentaires.
« Le revenu pris en compte pour l'application de l'alinéa précédent est le dernier revenu imposable connu.
« L'indice synthétique de ressources et de charges est obtenu par l'addition des rapports visés aux 1°, 2°, 3° et 4° en pondérant le premier par 45 %, le deuxième par 15 %, le troisième par 30 % et le quatrième par 10 %. Toutefois, chacun des pourcentages de pondération peut être majoré ou minoré pour l'ensemble des communes bénéficiaires d'au plus cinq points par le comité institué à l'article L. 2531-12 du code général des collectivités territoriales.
« Les communes de 10 000 habitants et plus de la région d'Ile-de-France sont classées en fonction de la valeur décroissante de leur indice synthétique.
« III. - Les dispositions du II s'appliquent pour le calcul de l'indice synthétique de ressources et de charges mentionné au I pour les communes de 5 000 à 9 999 habitants, sous réserve de la substitution des moyennes constatées en Ile-de-France pour ces communes aux moyennes constatées pour les communes de 10 000 habitants et plus.
« Les communes de la région d'Ile-de-France dont la population est comprise entre 5 000 et 9 999 habitants sont classées en fonction de la valeur décroissante de leur indice synthétique.
« IV. - L'attribution revenant à chaque commune éligible est égale au produit de sa population par la valeur de l'indice qui lui est attribué et par celle de son effort fiscal dans la limite de 1,3.
« V. - Les communes mentionnées au I perçoivent au moins 90 % en 1999 et 80 % à partir de 2000, de l'attribution qui leur a été, le cas échéant, versée en 1998. Ces pourcentages sont, le cas échéant, réduits à la proportion de baisse globale du fonds.
« Les communes qui cessent d'être éligibles au fonds perçoivent, à titre de garantie non renouvelable, une attribution égale à la moitié de celle qu'elles avaient perçue l'année précédente.
« Les sommes nécessaires au financement des garanties mentionnées aux deux précédents alinéas sont obtenues chaque année par le report à due concurrence de tout ou partie de l'annuité prévue à l'article 16 de la loi n° 91-429 du 13 mai 1991 instituant une dotation de solidarité urbaine et un fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France, réformant la dotation globale de fonctionnement des communes et des départements et modifiant le code des communes. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons déjà beaucoup discuté de cette question de la péréquation des ressources entre les collectivités locales.
C'est sans nul doute l'aggravation des difficultés sociales et l'augmentation assez forte des demandes adressées aux élus locaux, dans le contexte de mise en oeuvre des principes de la décentralisation, qui sont à l'origine de ces interrogations depuis plusieurs années.
Notons toutefois que ce problème de la péréquation des ressources est d'autant plus lourd que les dernières années ont, dans l'ensemble, été marquées par un ralentissement assez sensible de la progression des dotations budgétaires, progression qui s'est révélée bien plus faible que celle de la prise en charge par le budget de la nation de la fiscalité locale.
A la suite de l'adoption de plusieurs lois - la réforme de la dotation globale de fonctionnement, en 1993, le pacte de stabilité, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, en 1995 - la question de la péréquation a été traitée plus souvent dans le cadre étroit du partage de la pénurie des moyens transférés que par le biais d'une politique active et volontariste de soutien de l'Etat aux efforts et à l'action des collectivités locales.
Nous notons d'ailleurs, monsieur le ministre, que, d'une certaine manière, le projet de loi que vous nous présentez rompt avec la norme jusqu'ici admise, c'est-à-dire le rapport plus ou moins conflictuel entre l'Etat et les collectivités locales. Vous avez en effet choisi d'instaurer, au sein des structures intercommunales, une forme de péréquation interne, liant la mise en place de la taxe professionnelle unique et une dotation de solidarité propre à chaque EPCI.
Je voudrais revenir sur quelques données essentielles : compte tenu de ses spécificités, notamment les écarts sensibles tant de moyens entre les collectivités locales que de fortune entre les habitants, la région d'Ile-de-France a constitué depuis 1991 un champ d'expérimentation de la solidarité entre collectivités locales au travers de prélèvements opérés sur les recettes fiscales des collectivités les plus riches au bénéfice des plus démunies. Plus personne ne peut aujourd'hui contester cette spécificité.
Le groupe communiste républicain et citoyen n'est d'ailleurs pas seul à le penser. Dans un point de vue publié dans le journal Les Echos , M. Manuel Valls, premier vice-président du conseil régional d'Ile-de-France, déclarait ceci, en parlant de l'Ile-de-France : « Celle-ci est une terre de disparités qu'illustrent ses 145 quartiers sensibles. Région riche où la pauvreté s'accroît dangereusement, elle mérite qu'on lui porte un regard neuf qui tourne le dos à une fausse opposition avec les autres régions. »
Je partage cette analyse. Je l'ai déjà présentée lors de la discussion générale, et je n'y reviendrai donc pas.
Mais l'ampleur des problèmes est connue. La région capitale collecte, en effet, la moitié du produit national de la taxe professionnelle étant donné que celle-ci est due principalement à la localisation du siège social des entreprises assujetties et que la valeur des immobilisations comme le niveau des rémunérations sont autrement plus élevées en Ile-de-France que dans les autres régions du pays. C'est une évidence !
De surcroît, les inégalités de ressources et de revenus sont sensibles entre foyers imposables et ont d'ailleurs eu tendance à s'accroître de manière assez sensible depuis 1991.
Ainsi devons-nous, par exemple, relever que le revenu moyen des habitants de la Seine-Saint-Denis est inférieur de 40 % à celui des habitants de Paris-Ouest et que les écarts entre foyers imposables et non imposables sont encore plus criants.
Je pourrais citer d'autres exemples : dans certaines communes de mon département - Garges-lès-Gonesse, Sarcelles, Villiers-le-Bel - plus de la moitié des habitants ne sont pas imposables sur le revenu, non pas par le jeu de l'avoir fiscal, évidemment, mais compte tenu du montant de leur salaire, de leur retraite ou de leurs allocations sociales.
Pour autant, et même si l'on garde en mémoire que les sommes en jeu sont d'importance inégale - le montant des aides accordées aux communes de la région d'Ile-de-France au titre de la dotation de solidarité urbaine étant autrement plus faible que les sommes en jeu au sein du fonds de solidarité - il nous semble souhaitable que soient unifiées, à l'avenir, les modalités de calcul de l'une et de l'autre des dotations, et ce pour plusieurs raisons.
Notons surtout, parmi ces raisons, la nécessité d'éviter que nous demeurions confrontés à quelques contradictions entre les modalités d'attribution des deux dotations. En effet, certaines communes sont aujourd'hui à la limite d'être redevables au fonds de solidarité tout en étant éligibles à la dotation de solidarité urbaine, du fait même de la disparité des composantes de l'indice synthétique de l'un et de l'autre systèmes.
De même, certaines communes sont redevables du fonds de solidarité alors même que la prise en compte de la réalité sociale de leur population pourrait les conduire à bénéficier de la dotation de solidarité urbaine.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. La proposition de nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen paraît intéressante. Toutefois, il s'agit d'une réforme complète de la distribution des crédits affectés au fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France, et nous lancer dans cette opération sans simulation serait probablement extrêmement dangereux.
C'est la raison pour laquelle je ne peux que demander à nos collègues de retirer leur amendement. Dans le cas contraire, la commission émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. En effet, la réduction du nombre des communes éligibles qui résulterait d'un tel amendement bouleverserait les budgets locaux.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 383 rectifié.
Mme Hélène Luc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me permets d'insister sur l'importance de l'amendement du groupe communiste républicain et citoyen.
Chacun connaît ici, comme nombre d'élus locaux, les difficultés financières des collectivités locales et la disparité des revenus des communes entre elles. Or cette disparité est encore plus grande en région parisienne, pour plusieurs raisons : c'est notamment dû aux différences sociales de populations, ou aux taux des impôts locaux qui varient, par exemple, de un à six dans les Hauts-de-Seine.
Le fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France instaure une péréquation des richesses mais, comme vient de nous le dire notre collègue Marie-Claude Beaudeau, les clés de répartition de ce fonds sont largement en deçà de ce qu'elles devraient être.
J'en veux pour preuve le cas de Choisy-le-Roi, dans le Val-de-Marne. Cette commune, éligible à la DSU, était jusqu'alors éligible également au fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France. Mais Choisy-le-Roi, tout en restant éligible à la DSU, pourrait perdre cette année 3 millions de francs de recettes si les clés de répartition du fonds de solidarité restaient inchangées. Cette commune a des caractéristiques sociales et économiques telles qu'elle se trouve en effet à la limite des seuils d'éligibilité de ces dotations, et il est impossible d'accepter cette situation qui la frapperait brutalement.
Chacun sait ici, monsieur le ministre - nous en avons longuement parlé au cours de la discussion de ce projet de loi - que les seuils, quels qu'ils soient, ont des effets profondément injustes. Aussi nous faudrait-il, je vous pose la question, monsieur le ministre, réfléchir à l'instauration d'une progressivité, afin d'éviter des traitements différenciés aux abords des seuils.
Une autre caractéristique de la ville de Choisy-le-Roi serait mieux prise en compte par les clés de répartition que nous proposons dans notre amendement : je veux parler de la proportion de logements sociaux. Nous demandons d'ailleurs, à ce sujet, que la notion de logement social recouvre les foyers : la commune de Choisy-le-Roi compte deux foyers pour personnes âgées et trois foyers pour travailleurs migrants - nous y avons accueilli, depuis dimanche, trente Kosovars - et le taux de logements sociaux représente 34 % du parc immobilier.
Avec une masse globale de recettes de 282 millions de francs, Choisy-le-Roi a des ressources largement inférieures aux autres villes du Val-de-Marne appartenant à la même strate démographique, dont le budget moyen avoisine les 368 millions de francs. De plus, l'effort fiscal demandé aux ménages choisyens est très largement inférieur à la moyenne du département, tandis que le revenu par habitant se situe très largement en dessous de la moyenne régionale. Les marges de manoeuvre dont dispose la ville pour améliorer ses recettes fiscales sont donc extrêmement limitées. Dans ces conditions, toute perte de dotation d'Etat se traduirait par une réduction des ressources globales de la commune et, en conséquence, des moyens disponibles pour répondre aux besoins de la population.
C'est la raison pour laquelle il me semble urgent de tenir compte, pour la péréquation francilienne, des situations réelles en se fondant sur des critères plus justes et plus proches des réalités économiques et sociales des communes.
Je vous demande, mes chers collègues, d'adopter notre amendement et je vous suggère, monsieur le ministre, de créer un groupe de travail pour que nous puissions examiner minutieusement ces problèmes sur le fond.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. J'admets tout à fait, pour répondre à Mme Luc, qu'il y a matière à débattre.
Il existe déjà un groupe de travail sur la péréquation et je veux préciser encore une fois que, si l'on prend en compte le potentiel fiscal dans la région d'Ile-de-France, c'est que les caractéristiques de cette région sont bien particulières. On ne peut pas s'en tenir seulement à un critère de charges. En effet, la concentration des sièges sociaux des entreprises dans la région d'Ile-de-France fait qu'il s'agit d'un cas à nul autre pareil. Par conséquent, vouloir appliquer les critères de la dotation de solidarité urbaine, qui valent pour l'ensemble du pays, à la région d'Ile-de-France, ce serait ne pas tenir compte de ses spécificités.
C'est la raison pour laquelle le texte du Gouvernement tient davantage compte du critère de potentiel fiscal, qui est plus juste.
Mme Hélène Luc. Est-il possible de mener cette étude, monsieur le ministre ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je suis tout à fait prêt à mener cette étude dans le cadre du groupe de travail sur la péréquation.
M. le président. Madame Luc, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Hélène Luc. Le problème, monsieur le ministre, est qu'il y a une coupure brutale. On ne peut pas priver brutalement une commune de ses ressources d'une année sur l'autre !
Nous maintenons donc notre amendement, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 383 rectifié, repoussé par la commission des finances et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
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