Séance du 20 mai 1999
DÉLÉGATIONS PARLEMENTAIRES
AUX DROITS DES FEMMES
Adoption d'une proposition de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 221,
1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à la création de
délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances
entre les hommes et les femmes. [Rapport n° 354 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est avec plaisir
que j'interviens devant votre assemblée pour soutenir la proposition que vous
avez présentée sur la création de délégations parlementaires aux droits des
femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Je me réjouis particulièrement de cette double dimension inscrite dans
l'intitulé même de la future délégation, c'est-à-dire celle des droits des
femmes et celle de l'égalité des chances, car elle correspond d'emblée à la
double approche que j'entends développer, au nom du Gouvernement, sur le
dossier qui m'a été confié le 17 novembre 1998, par M. le Premier ministre et
par Mme Martine Aubry.
Je sais que cette proposition de loi est le résultat d'un travail soutenu d'un
groupe de sénatrices et de députées, dont la réflexion commune a permis de
déboucher sur deux propositions de loi déposées le 14 décembre dernier en
termes identiques. La première a été présentée par Mme Danièle Pourtaud et les
membres du groupe socialiste du Sénat. La seconde, déposée par M. Laurent
Fabius, a été adoptée, en première lecture, le 11 février 1999, par l'Assemblée
nationale.
Ce texte rejoint également la proposition de loi sénatoriale déposée par Mme
Hélène Luc et les membres du groupe communiste républicain et citoyen du Sénat,
portant création d'une délégation aux droits des femmes au Parlement.
Permettez-moi de souligner la ténacité et la détermination qui ont permis à
ces propositions de loi de voir le jour. Je tiens également à remercier la
rapporteuse, Mme Dinah Derycke, de la qualité, de la précision et de la
pertinence de son analyse.
Cette volonté de se doter d'instances qui apportent aux travaux parlementaires
l'éclairage spécifique d'une analyse centrée sur l'égalité des chances entre
les hommes et les femmes est partagée par la plupart de nos partenaires
européens, selon des modalités de fonctionnement diversifiées. Cette
proposition de loi permettra de combler le retard de la France par rapport à
d'autres pays européens.
Pourquoi cette préoccupation commune ? C'est que, aujourd'hui, nous sommes
convaincus de ce que seule l'approche intégrée de l'égalité des chances entre
les hommes et les femmes constitue une réponse aux questions que l'on se pose
sur la place et le rôle des femmes dans la société.
De façon encore plus claire, la question de l'égalité des chances concerne
l'ensemble des textes législatifs que vous élaborez et votez. De même, elle
traverse l'ensemble de nos politiques.
J'ai tenu, avant même l'élargissement des attributions de mon secrétariat
d'Etat aux droits des femmes, à intégrer cette philosophie dans la réflexion
que je conduis sur la réforme du système de formation professionnelle. Peut-on
évoquer, en effet, la formation professionnelle continue sans prendre en
considération les inégalités d'accès qui frappent les femmes les moins
qualifiées ? Je me contenterai de rappeler qu'une femme salariée ou ouvrière
dans une PME de moins de vingt salariés, n'a que 2,5 % de chances d'accéder à
une formation continue, alors qu'un homme, cadre dans une entreprise de plus de
deux mille salariés, a près de 70 % de chances d'y accéder !
Ce sera une première mise en oeuvre de l'approche intégrée de l'égalité des
chances dès la conception du dispositif de formation professionnelle sur
laquelle je me suis exprimée le 17 mars dernier en conseil des ministres.
Les mêmes préoccupations d'approche intégrée m'ont amenée à inscrire dans le
plan national d'action pour l'emploi de 1999, actuellement en cours
d'élaboration, des mesures quantifiées en faveur des femmes. Par exemple, 55 %
des dispositifs de lutte contre le chômage leur seront attribués, puisqu'elles
sont plus nombreuses à souffrir du chômage.
J'ai également proposé de faire en sorte que la place des filles dans la
formation par l'apprentissage augmente et qu'elle passe de 28 % actuellement à
35 % à la fin de l'an 2000.
Il est indispensable, désormais, de passer du principe d'une égalité formelle
à une égalité réelle des chances, d'où la nécessité d'une instance
parlementaire permanente chargée de veiller à l'intégration d'un objectif
d'égalité dans chacun des textes : projets de loi, propositions de loi, textes
communautaires.
L'étendue de votre mission ne se limite pas à une mission générale
d'information des assemblées ; elle s'apparente également à une mission de
participation à l'élaboration du droit, mission dont le Gouvernement ne peut
que se réjouir.
De même, l'élaboration de vos rapports ne se limitera pas à des
recommandations portant sur les questions ayant fait l'objet d'une saisine,
mais conduira à établir des propositions d'amélioration de la législation en ce
qui concerne les droits des femmes et l'égalité des chances.
Cette ambition rejoint celle du Gouvernement. Aussi, je me permettrai de
faire, en termes synthétiques, le point sur le travail qu'il mène
actuellement.
Le Premier ministre a fait de l'égalité entre les femmes et les hommes un des
piliers de la rénovation de notre vie publique et de notre société. Nous allons
franchir une étape décisive par l'adoption définitive du projet de loi
constitutionnelle sur la parité, lors de la réunion du Parlement, en congrès le
28 juin prochain.
Pour mener une politique ambitieuse en faveur de l'égalité des chances, je
compte avant tout appuyer mes travaux sur le service des droits des femmes.
J'en dirai quelques mots, compte tenu de votre rapport, madame Derycke.
Il s'agit d'une administration certes légère disposant au niveau central d'une
cinquantaine d'agents et au niveau déconcentré de cent quarante-cinq personnes
qui constituent sur le terrain un réseau à la fois régional et
départemental.
Ce service est à la fois force de propositions et opérateur des politiques
publiques que le Gouvernement décide et dont j'ai la responsabilité.
La réflexion et les actions qu'il mène me sont précieuses, et je rappelle que
ses moyens financiers ont augmenté de 11 % entre 1998 et 1999. Je m'emploierai
à mettre en oeuvre les moyens suffisants dans le projet de loi de finances pour
l'an 2000, afin qu'ils soient en adéquation avec nos ambitions. Par ailleurs,
la reconnaissance des fonctions et l'intégration des personnels de ce service
dans la grille de classification du ministère de l'emploi sont en cours.
D'autre part, pour nourrir réflexions et propositions, le Gouvernement
s'appuiera également sur l'observatoire de la parité. J'ai déjà eu l'occasion
d'annoncer que Mme Martine Aubry et moi-même avons proposé la nomination de Mme
Dominique Gillot à la fonction de « rapporteuse ». L'observatoire est à pied
d'oeuvre et j'attends beaucoup de ses propositions, qu'il doit remettre à la
fin du mois de juin, pour mettre concrètement en oeuvre l'égal accès des femmes
et des hommes aux mandats et aux fonctions.
En outre, la persistance des inégalités professionnelles nous a conduites, Mme
Martine Aubry et moi-même, à demander au Premier ministre de charger Mme
Catherine Génisson, parlementaire, d'une mission d'analyse et de réflexion sur
les inégalités professionnelles, sujet qui nous tient à coeur. Son rapport nous
sera remis à la fin du mois de mai ; nous aurons donc l'occasion d'y revenir
très prochainement.
J'évoquerai, enfin, la question des droits propres.
Nous devons, dans le sens des propositions formulées par le professeur Nisand,
envisager des améliorations du dispositif. Je lancerai en septembre, je le
confirme de nouveau dans cette enceinte, une grande campagne d'information et
de communication sur la contraception, dont le budget est de 20 millions de
francs.
L'inquiétude manifestée régulièrement par certaines associations mais aussi
par des parlementaires devant la lenteur du lancement de cette campagne me
semble légitime. C'est pourquoi j'ai tenu à établir un calendrier rigoureux des
opérations et à le leur faire connaître. Ce calendrier, très contraignant, est
lié à l'obligation de respecter les procédures et les délais relatifs aux
marchés publics. Les élus que vous êtes connaissent le degré de cette
contrainte.
J'aborderai maintenant des sujets de société sur lesquels je travaille,
notamment les violences conjugales.
Ainsi, selon l'enquête que nous menons, 2 millions de femmes seraient battues
en France. Les femmes battues sont très nombreuses dans tous les pays de
l'Union européenne, mais aussi ailleurs. Nous avons vu, les uns et les autres,
récemment, les images terribles concernant les femmes afghanes ou
pakistanaises. Ces comportements à l'égard des femmes atteignent une brutalité
décuplée lors des guerres. Vous me permettrez, à cet instant, d'évoquer notre
émotion devant les souffrances de toute nature vécues plus particulièrement par
les femmes au Kosovo, violences devant lesquelles nos démocraties européennes
ont un devoir de vérité.
On voit bien, à l'étendue du champ concerné, que les questions qui sont liées
à l'égalité des chances et aux droits des femmes doivent être abordées
aujourd'hui dans le cadre de cette double approche.
A cet égard, j'ai proposé une politique d'action fondée notamment sur le
partenariat interministériel et la contractualisation. En effet, même si le
budget de mon département ministériel a augmenté entre 1998 et 1999, les moyens
qui sont à ma disposition sont encore très limités. Aussi, une proposition de
partenariat, avec chacun de mes collègues du Gouvernement, me permettra de
mettre en place un programme beaucoup plus ambitieux.
Je proposerai des contrats d'égalité, bilatéraux ou multilatéraux, avec la
plupart de mes collègues du Gouvernement. Pour cela, nous disposons d'ailleurs
d'une instance : le comité interministériel de l'égalité professionnelle, qui
avait été mis en place en 1982 par Mme Yvette Roudy et qui ne s'est
pratiquement pas réuni depuis dix ans. C'est une instance pour laquelle un
programme de travail est d'ores et déjà en cours d'élaboration, à travers des
rencontres interministérielles.
Ce partenariat interministériel ne me semblera réellement fort que s'il se
traduit par un engagement visible et public. A cet effet, j'ai proposé au
Premier ministre que, tous les 8 mars, ce comité se réunisse pour évaluer les
propositions qui ont été concrétisées dans l'année. Cette évaluation sera faite
avec l'ensemble des ministres concernés mais aussi avec le milieu
associatif.
En conclusion, j'évoquerai brièvement les travaux de la Conférence européenne
de Paris, qui s'est tenue les 15, 16 et 17 avril dernier. Les quinze pays
membres de l'Union européenne ont signé une déclaration commune qui les engage
à s'orienter vers l'égal accès des hommes et des femmes dans l'ensemble des
responsabilités : politiques, économiques, sociales, associatives et
syndicales.
Par ailleurs, le Premier ministre s'est engagé clairement sur un plan d'action
en faveur d'une participation équilibrée des hommes et des femmes dans tous les
champs de société que je viens de rappeler.
Les discriminations insupportables dont les femmes sont encore victimes
justifient la poursuite d'actions positives à leur égard.
Tels sont les grands objectifs qui sont les miens et qui, je l'ai constaté à
travers votre rapport, rejoignent vos propres préoccupations.
Nous nous donnons là les moyens d'accélérer les mutations indispensables d'une
société dans laquelle les femmes et les hommes assureront des responsabilités
partagées.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Dinah Derycke,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de
loi qui a été adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale, sur
l'initiative de M. Laurent Fabius et du groupe socialiste, n'est pas un texte
mineur. Il s'agit en effet de créer, dans chaque assemblée, une délégation
parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes
et les femmes. Nous rejoindrions ainsi les parlements de six autres pays
membres de l'Union européenne et le Parlement européen qui se sont déjà dotés
d'instances spécialisées.
La commission a examiné la présente proposition de loi conjointement avec les
propositions de lois présentées au Sénat sur le même sujet, d'une part, par Mme
Hélène Luc et les membres du groupe communiste républicain et citoyen et,
d'autre part, par Mme Danièle Pourtaud et les membres du groupe socialiste. La
proposition de loi de Mme Luc relève de la même philosophie que le présent
texte. La proposition de loi de Mme Pourtaud et du groupe socialiste est en
tous points similaire à celle qui a été examinée par l'Assemblée nationale.
Je tiens à souligner que cette initiative est née de la volonté de notre
collègue Mme Pourtaud, qui souhaitait que soit ainsi poursuivi et amplifié
l'intéressant travail d'investigation accompli par la mission commune
d'information chargée d'étudier la place et le rôle des femmes dans la vie
publique, présidée par Mme Nelly Olin et dont le rapporteur était M. Philippe
Richert.
Avant d'examiner les missions, la composition et le fonctionnement des
délégations, il paraît utile de s'interroger sur la pertinence de créer un tel
outil alors même que nos lois constitutionnelles et notre législation
garantissent l'égalité des citoyens et qu'il entre dans la mission du Parlement
de veiller à la mise en oeuvre de ce principe d'égalité.
Nos principes constitutionnels, avec l'article Ier de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen et le troisième alinéa du préambule de la
Constitution de 1946, et les principes communautaires, en particulier le traité
d'Amsterdam qui permet à l'Union européenne de prendre les mesures nécessaires
pour combattre les discriminations fondées sur le sexe et aux Etats membres de
prendre des mesures de discrimination positive dans le domaine professionnel,
ces principes, donc, intègrent pleinement l'objectif de l'égalité de droit mais
aussi de l'égalité des chances.
Mais, tout le monde en convient, le récent débat sur l'égalité entre les
hommes et les femmes l'a démontré, ces principes n'ont pas permis de parvenir à
une égalité réelle, à une égalité concrète, à une égalité de fait.
Dans le domaine législatif, des progrès importants ont été faits. Le code
civil a progressivement placé les hommes et les femmes sur un plan d'égalité.
Notre pays s'est doté d'une législation sur la contraception, sur
l'interruption volontaire de grossesse, sur l'interdiction de toute
discrimination fondée sur le sexe.
Pourtant, les inégalités n'ont pas complètement disparu. Ainsi, dans le
domaine professionnel, la loi Roudy n'a pas atteint tous ses objectifs.
S'agissant des chances pour les femmes, à formation égale, d'occuper un poste
de cadre ou des chances, à poste égal, de percevoir le même salaire que leurs
collègues masculins, des chiffres particulièrement évocateurs sont cités dans
mon rapport et ils seront probablement rappelés au cours du débat. Aussi, je
n'y reviens pas.
Ces inégalités prennent même, aujourd'hui, un tour nouveau : dans son récent
rapport, Mme Irène Théry démontre combien s'est creusé le fossé entre les
femmes « avantagées » et les femmes qui subissent de plein fouet la
précarisation sociale.
L'effort pour parvenir à une meilleure égalité des chances doit donc se
poursuivre. Cela peut se faire par le biais de mesures de discrimination
positive à l'endroit des femmes. Cela a été le cas par le passé : je pense à la
majoration de deux ans par enfant élevé de la durée de cotisation ou aux
contrats-mixité. Mais certaines mesures protectrices engendrent parfois des
effets pervers et ont pu faire l'objet d'une sanction de la Commission
européenne.
Certes, des moyens existent pour évaluer ou corriger des situations
inégalitaires.
Il existe, depuis le 17 novembre 1998, un secrétariat d'Etat chargé des droits
des femmes. Le service des droits des femmes assure également un travail
d'information et de proposition, notamment dans le domaine social.
L'observatoire de la parité, créé en 1995, s'est vu récemment confier une
mission d'avis sur les textes législatifs. Enfin, le Conseil supérieur de
l'égalité professionnelle entre hommes et femmes, créé en 1983, et le Conseil
supérieur de l'information sexuelle, de la régulation des naissances et de
l'éducation familiale, créé en 1973, exercent une mission d'étude et de
proposition.
Tous ces moyens relèvent cependant de l'autorité du Gouvernement. Pour un
meilleur contrôle de l'action du Gouvernement, il serait cependant préférable
que le Parlement s'en remette à des instances qui lui soient propres. Il en va
aussi de l'indépendance du Parlement.
Or, les moyens du Parlement semblent insuffisants. Les commissions et les
délégations parlementaires traitent toutes de la question de l'égalité entre
les hommes et les femmes, tant cette question est transversale. Mais la
fragmentation qui en résulte peut entraîner une absence de vision globale et un
manque de suivi.
Les assemblées disposent bien sûr de la possibilité de constituer des
commissions d'enquête ou des missions d'information. Mais ces missions sont
ponctuelles, alors que l'importance de la question requiert sans doute un suivi
continu, une veille parlementaire permanente.
Il est évident que la création au sein du Parlement d'instances permanentes
chargées du suivi des textes devra se faire sans préjudice des compétences des
commissions permanentes ou des délégations pour l'Union européenne.
J'en viens à l'examen de la proposition de loi.
L'article unique de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale
vise à compléter, par un article 6
sexies
, l'ordonnance n° 58-1100 du 17
novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires dans
lesquelles figurent déjà les délégations et les offices.
Le dispositif proposé par la présente proposition de loi est, pour
l'essentiel, similaire à celui qui est applicable aux délégations
parlementaires pour l'Union européenne. Les délégations sont composées de
trente-six membres et interviennent en amont de la procédure législative. Les
trente-six membres sont désignés au sein de chaque assemblée au début de chaque
législature pour l'Assemblée nationale et après chaque renouvellement triennal
pour le Sénat.
La composition des délégations sera proportionnelle aux groupes politiques et
elle devra assurer une représentation équilibrée des commissions et - cela
constituerait une innovation - une représentation équilibrée entre les hommes
et les femmes.
Il s'agit là - nous le comprenons tous ainsi - d'un objectif à atteindre, avec
le souci d'une mixité réelle et d'une responsabilité partagée entre les hommes
et les femmes. En effet, ce sujet intéresse l'ensemble des parlementaires, quel
que soit leur sexe.
Trois missions seraient confiées aux délégations : le suivi des textes soumis
au Parlement, l'information du Parlement sur l'action du Gouvernement et
l'élaboration d'un rapport public annuel.
La première mission confiée à la délégation consiste à examiner, en amont, les
textes législatifs puis à exercer le suivi, au regard des droits des femmes et
de l'égalité des chances. Pour remplir cette mission, les délégations
pourraient être consultées par une commission permanente ou spéciale.
La proposition de loi prévoit également une procédure plus formelle de saisine
donnant lieu à publication de rapports comportant des recommandations déposées
sur le bureau des assemblées et transmis aux commissions compétentes et aux
délégations pour l'Union européenne.
Le caractère systématique de l'élaboration des rapports, en cas de saisine
formelle, garantirait un certain niveau d'activité de la délégation.
Il est également prévu la saisine par le bureau de l'assemblée, sur son
initiative, par une commission permanente ou spéciale, par la délégation pour
l'Union européenne, par les groupes politiques. Enfin, les délégations
pourraient se saisir elles-mêmes.
En deuxième lieu, les délégations devraient aussi informer les assemblées de
la politique suivie par le Gouvernement. Pour remplir ce rôle d'information du
Parlement, les délégations pourraient entendre les ministres et recevraient
communication de tous renseignements de nature à faciliter leur mission.
Il convient de rappeler ici que l'indispensable indépendance du Parlement
requiert qu'il se dote de moyens ne relevant pas de l'autorité du
Gouvernement.
Enfin, chaque année, les délégations dresseraient un bilan de leur activité
comportant, le cas échéant, des propositions d'amélioration de la
législation.
J'ai dit au début de mon propos que ce texte n'était pas un texte mineur. La
commission des lois a consacré, à deux reprises, un temps important à l'examen
de ces dispositions. Le constat des inégalités persistantes entre les hommes et
les femmes étant unanimement partagé, la commission des lois a admis le
principe de la création d'un outil parlementaire permanent sur ce sujet.
Toutefois, elle s'est émue des risques d'alourdissement de la procédure
parlementaire et a souhaité réaffirmer la prédominance des commissions
permanentes et spéciales pour l'examen en amont des projets et propositions de
loi.
Elle s'est également interrogée sur les mécanismes de saisine de la
délégation. Mais, au regard des problèmes soulevés, elle a jugé qu'une
délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances était utile pour
suivre l'application des lois, pour évaluer la politique du Gouvernement dans
ce domaine et, enfin, pour éclairer les commissions permanentes sur tout ou
partie d'un projet ou proposition de loi susceptible d'emporter des
conséquences sur la situation des femmes.
Au regard de ces observations, la commission a souhaité amender le paragraphe
III de l'article unique de la proposition de loi, sans toutefois en modifier la
philosophie.
Sous ces réserves, la commission des lois propose au Sénat d'adopter l'article
unique de la présente proposition de loi.
En conclusion, je voudrais vous faire part d'un voeu personnel, mes chers
collègues : que cette délégation devienne très vite sans objet. Cela
signifierait que l'égalité est concrètement et durablement réalisée. Il
s'agirait là d'une grande avancée de la démocratie.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, « les
injustices dont les femmes sont victimes n'ont pas toutes la même violence ni
la même gravité. Mais je crois qu'il faut les combattre partout avec vigueur,
parce que tout asservissement des femmes est une insulte à l'être humain ».
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
Mme Danièle Pourtaud.
C'est par ces fortes paroles que Lionel Jospin clôturait la dernière journée
internationale des femmes.
M. Emmanuel Hamel.
Il avait raison !
Mme Danièle Pourtaud.
Je suis ravie de votre approbation, mon cher collègue !
C'est la troisième fois depuis le début de l'année que nous sommes réunis pour
débattre ensemble des droits des femmes et de l'égalité hommes-femmes. C'est
suffisamment inhabituel dans cet hémicycle pour être souligné, et nous ne
pouvons que nous en réjouir.
Pour que l'égalité de droits entre dans les faits, la France doit légiférer -
le groupe socialiste l'a toujours affirmé avec conviction - car nous ne pouvons
plus faire confiance à la supposée évolution naturelle des mentalités et des
comportements.
C'est pourquoi, après l'initiative du Gouvernement de réviser la Constitution,
nous avons déposé à l'Assemblée nationale et au Sénat, le 14 décembre dernier,
une proposition de loi visant à créer des délégations parlementaires « aux
droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes
».
Certes, il existe déjà de nombreuses instances, comme le service des droits
des femmes, relayé par des déléguées régionales, le Conseil supérieur de
l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, ou encore
l'observatoire de la parité.
A cet égard, je salue votre travail, madame la secrétaire d'Etat, et celui de
Martine Aubry. Vous avez, en effet, su réactiver au service de la cause des
femmes, tous ces instruments qui avaient été quelque peu délaissés par le
gouvernement précédent. Chacun a son rôle : les uns sont des outils de
proximité, les autres sont des outils de réflexion et de proposition. Mais ce
qui manque, c'est un outil d'intervention politique ou, comme le note très
justement dans son excellent rapport ma collègue et amie Dinah Derycke, une
instance spécialisée, au sein du Parlement, pour les droits des femmes.
Je ne crois pas inutile de rappeler, à plus forte raison dans cet hémicycle,
l'ampleur des inégalités entre hommes et femmes, toujours bien réelles dans
notre pays.
Le président de la commission des lois faisait la déclaration suivante à la
tribune du Sénat, le 26 janvier dernier : « Historiquement, la France a connu
une évolution qui a fait d'elle une référence en matière de droits des femmes
au sens le plus large, pour ce qui concerne l'éducation, la vie
professionnelle, la vie familiale, la vie associative, l'accès à la fonction
publique. Toutes les femmes qui voyagent à l'étranger le savent ».
Qu'il me pardonne, mais j'ose affirmer que la situation des femmes en France
n'est pas aussi admirable que le laissent entendre ses propos.
Dans le domaine économique, il faut bien constater que la loi Roudy de 1983
sur l'égalité professionnelle est encore très mal appliquée.
« Les femmes n'ont plus à prouver leurs compétences, elles ont seulement
besoin qu'on ne les empêche pas de les exercer », écrit Jeanine Mossuz-Lavau.
Ainsi, aujourd'hui, lorsque 100 garçons entrent dans l'enseignement supérieur,
120 filles y accèdent également. Et pourtant, ces dernières sont les premières
touchées par le chômage et la précarité de l'emploi, et elles accèdent
difficilement aux responsabilités dans l'entreprise : 14,5 % des femmes sont au
chômage, contre 10,6 % des hommes, 31,6 % des femmes subissent le travail à
temps partiel, contre 5,2 % des hommes, 32 % des cadres seulement et 76 % des
employés sont des femmes. J'ajouterai que l'écart salarial entre les hommes et
les femmes continue à être évalué aux alentours de 24 % dans notre pays.
Pourtant, contre bien des idées reçues, le dernier rapport du Conseil
d'analyse économique, rédigé par Béatrice Majnoni d'Intignano, démontre que
l'activité des femmes est un puissant facteur de création de richesses dans les
pays développés : la société se réorganise, de nouveaux besoins apparaissent,
de nouveaux métiers et de nouveaux emplois se créent.
Mais cet optimisme ne doit pas nous faire oublier que, pour permettre à de
plus en plus de femmes de travailler dans des conditions égales à celles des
hommes, il nous faudra trouver des solutions permettant de concilier vie
familiale et vie professionnelle. Difficile pour les femmes d'accepter des
responsabilités quand c'est encore à 80 % sur elles que reposent l'essentiel
des tâches ménagères et l'éducation des enfants !
Bien des pistes doivent être explorées pour développer les services de garde
ou encore, pour inciter les pères de famille à prendre également le congé
parental, comme cela se fait dans les pays scandinaves... Il n'y a aucune
raison qu'en France ce soient 99 % des femmes qui choisissent l'allocation
parentale d'éducation.
S'agissant du domaine de la vie publique, je vous ferai grâce des chiffres que
nous avons égrenés lors de nos précédents débats ; permettez-moi cependant
cette référence à l'actualité : l'heure du dépôt des listes en vue des
élections européennes est aussi l'heure de vérité pour mesurer la fermeté de
l'engagement pour la parité des différentes formations. A la parité sans
faille, du haut en bas des listes de la majorité plurielle répond la fausse
parité arithmétique des listes de l'opposition. Si j'en crois la presse d'hier,
le pourcentage de femmes éligibles s'élève à 33 % à l'UDF et à 40 % au RPR.
Voilà la preuve éclatante que les lois d'application de la révision
constitutionnelle sont urgentes !
Il est plus préoccupant sans doute que, dans le domaine de la santé, les
droits acquis de si haute lutte par les femmes soient actuellement en recul. La
loi Neuwirth en 1967, la loi Veil en 1975 et, plus récemment, la loi Neiertz en
1992 ont donné aux femmes la maîtrise de leur corps. Pourtant, ces acquis sont
aujourd'hui fragilisés.
La pilule de troisième génération n'est toujours pas remboursée. L'ignorance
des jeunes en matière d'éducation sexuelle et de procréation apparaît
grandissante. Les centres d'interruption volontaire de grossesse sont en nombre
insuffisant et toujours sans statut.
A Paris, par exemple, il n'est pas acceptable que, chaque année, au mois
d'août, 92 % des patientes devant subir une interruption volontaire de
grossesse soient envoyées dans les hôpitaux privés. Nous savons aussi que les
commandos anti-IVG continuent à sévir. A cela s'ajoute la disparition
programmée des gynécologues médicaux, alors que leur rôle n'est plus à
démontrer dans le dépistage des cancers féminins.
J'arrête là ce tableau pour en venir aux solutions.
C'est la pérennité de toutes ces difficultés, malgré des avancées législatives
majeures, qui nous engage à adopter une nouvelle manière de travailler au
Parlement.
On l'a vu, tous les domaines sont concernés par le droit des femmes et
l'égalité entre les sexes : droit du travail, droit de la famille, droit
social, droit de la santé...
C'est pourquoi la cause des femmes doit être non plus seulement un secteur,
mais bien une dimension de l'action politique. Vous avez vous-même, madame la
secrétaire d'Etat, choisi de renforcer l'interministérialité en faisant revivre
le comité interministériel chargé des droits des femmes, qui avait été créé en
1982 et n'avait plus été convoqué depuis 1991.
C'est par touches successives, à chaque fois que nous légiférerons, que nous
pourrons améliorer la situation des femmes dans ce pays. En d'autres termes,
chaque fois qu'une loi est examinée, il nous faut nous poser la question de son
impact sur la condition des femmes ou sur la réduction des inégalités.
Alors que les commissions permanentes sont organisées par secteur, et ont donc
une approche fragmentaire de la cause des femmes, le propre des délégations que
nous voulons créer est d'être transversales et d'avoir une vision globale de
ces questions.
En amont de la procédure législative, elles pourront être saisies de tous les
projets et propositions de loi, et pourront proposer les modifications jugées
nécessaires.
A titre d'exemple, pour illustrer ce que pourraient être les interventions de
ces délégations, je citerai deux initiatives, issues de nos travaux récents.
Lors de l'examen de la loi sur les 35 heures, alors que 83 % du travail à
temps partiel est féminin, députées et sénatrices se sont mobilisées pour mieux
encadrer les horaires des salariées dans la grande distribution.
Dans la loi contre les exclusions, nous avons obtenu qu'aux « permanences
d'accès aux soins de santé » prévues dans les hôpitaux par le texte du
Gouvernement soient ajoutées des permanences de consultation en matière de
contraception et d'IVG.
En réponse à des inégalités de fait, ces délégations pourront proposer, le cas
échéant, des mesures de discrimination positive, ou d'action positive, si vous
préférez. A travers celles-ci, je l'ai déjà dit, il ne s'agit certainement pas
d'institutionnaliser la différence des sexes ou de l'ériger en principe. Elles
doivent être essentiellement transitoires et en aucun cas inconditionnelles.
S'agissant de l'égalité des chances, des discriminations positives pourront
d'ailleurs être éventuellement prises en faveur des hommes, comme le suggère
avec pertinence notre rapporteuse.
En revanche, je ne partage pas le point de vue exprimé par notre collègue
Patrice Gélard, le 26 janvier dernier, selon lequel « partout où des
discriminations positives ont été pratiquées ou des quotas mis en place, que ce
soit dans la vie professionnelle ou dans la vie politique, ceux qui en ont
bénéficié ont été dévalorisés ». Je lui répondrai par ces mots de Jean Monnet :
« La résistance des hommes et des choses est à la mesure de l'ampleur du
changement qu'on cherche à apporter. Elle est même le signe le plus sûr qu'on
est sur la voie de ce changement. »
Partout, en Europe, les actions positives commencent à prouver leur
efficacité. En Allemagne, par exemple, la deuxième loi sur l'égalité des droits
entre les hommes et les femmes, qui date de 1994, a permis la mise en place de
discriminations positives en ce qui concerne l'administration, qui doit
présenter tous les trois ans un plan d'action avec obligation de résultat. Au
Royaume-Uni, un premier palier ayant été franchi en 1995 avec plus de 30 % de
femmes, le Gouvernement s'est fixé un objectif de parité aux postes de décision
dans la fonction publique.
C'est d'ailleurs très exactement la démarche qui avait été proposée aux Etats
lors de la conférence mondiale sur les femmes de Pékin, en 1995, puisque les
gouvernements étaient invités à « s'engager, au sein des organes
gouvernementaux, à réaliser un équilibre entre les sexes, en mettant en oeuvre
des mesures visant à accroître la proportion de femmes, en recourant, si besoin
est, à l'action positive, et ce à tous les niveaux de la fonction publique
».
Plus largement, c'est lors de cette conférence qu'a été évoqué, pour la
première fois, le principe de
mainstreaming
, qui vise à promouvoir
l'intégration de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes dans
toutes les politiques publiques. C'est maintenant l'un des objectifs majeurs de
l'Union européenne, inscrit aux articles 2 et 3 du traité d'Amsterdam. Vous me
permettrez de considérer, mes chers collègues, que c'est l'un des plus grands
acquis de ce traité.
J'ajoute que, si la France et la Grèce se disputent la dernière place en
Europe pour le nombre de femmes élues au Parlement, elles sont également les
deux seuls Etats européens à ne pas disposer d'organes parlementaires chargés
de suivre ces questions. Il y a, avouons-le, des exceptions françaises dont
nous pouvons être plus fiers !
Pour conclure, j'espère que, face à l'ampleur du combat qu'il nous reste à
mener, vous serez convaincus, mes chers collègues, que ces délégations
constituent l'outil le mieux adapté au travail parlementaire.
Beaucoup d'associations féminines m'ont déjà témoigné leur soutien et
attendent beaucoup de ce projet. Elles seront d'ailleurs les premières
interlocutrices de ces délégations, car ce sont elles les mieux informées des
difficultés des femmes.
J'espère que plus nombreux qu'aujourd'hui, si je peux me permettre ce léger
reproche, seront nos collègues...
M. Emmanuel Hamel.
Mais nous sommes nombreux, madame !
Mme Danièle Pourtaud.
Et la qualité supplée la quantité, je le reconnais, monsieur Hamel !
(Sourires.)
Plus nombreux, je l'espère, seront ceux, disais-je, qui viendront siéger dans
cette délégation, car je ne doute pas un seul instant que ce texte sera
adopté.
« L'égalité entre les sexes ne doit pas être seulement un objectif pour les
femmes mais un défi à relever par les hommes et les femmes. » Tel était l'appel
lancé par le Premier ministre le 8 mars dernier. Cet appel, je le relaie
aujourd'hui auprès de vous.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en
propos liminaire, je tiens à exprimer ma profonde satisfaction de pouvoir
discuter, au Sénat, d'une proposition de loi instituant, dans nos assemblées,
deux délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des
chances entre les hommes et les femmes.
Cette proposition de loi, adoptée à l'unanimité, le 11 février dernier, par
nos collègues à l'Assemblée nationale, permettra, si nous l'approuvons, de
doter le pouvoir législatif d'un organe interne, spécialisé, appréhendant
transversalement l'ensemble des aspects de la condition féminine et les
problèmes d'égalité des sexes, en veillant à leur prise en compte dans le
processus législatif.
Convaincu de la nécessité d'intégrer la question des droits des femmes parmi
les thèmes de réflexion de notre institution sénatoriale, le groupe communiste
républicain et citoyen a été à l'origine de la création, par le Sénat, le 30
octobre 1996, d'une mission d'information sur la place des femmes dans la vie
politique.
Une autre étape doit maintenant être franchie : comme d'autres pays européens
l'ont déjà fait, nous devons nous doter d'instances permanentes capables
d'éclairer le législateur afin qu'il intègre la dimension d'égalité des chances
dans l'ensemble de sa démarche. Tel est le sens de notre proposition de loi
portant création de délégations parlementaires aux droits des femmes et à
l'égalité de chances, déposée dès le 27 octobre 1998.
Notre objectif, similaire à celui des auteurs de la présente proposition de
loi, est simple. Il s'agit de mettre en exergue les discriminations dont les
femmes sont victimes, d'informer et, surtout, d'agir pour enrichir les grandes
lois spécifiques des droits des femmes et assurer la prise en compte de
l'exigence d'égalité dans chaque politique publique.
Seule une démarche active, volontariste, concrète, est de nature à provoquer
une évolution des mentalités, de nos institutions et de la vie politique, pour
une société plus égale où chaque femme aurait toute sa place.
Vous avez tous en mémoire les sondages sans appel publiés lorsque nous
débattions du projet de loi constitutionnelle relatif à la parité, mes chers
collègues.
L'enseignement que nous devons en tirer, c'est qu'ils révèlent un désir fort
d'égalité de l'ensemble de nos concitoyens, et ce bien au-delà du domaine
politique.
Si, effectivement, la loi garantit à la femme des droits égaux à ceux des
hommes, nous nous accordons pour constater qu'au quotidien les freins sont
multiples et que de grandes inégalités perdurent dans la sphère tant
domestique, sociale, économique que politique.
Depuis un demi-siècle, la participation des femmes à la vie active est
croissante. Toutefois, la progression réelle vers l'égalité reste minime.
Aujourd'hui, les femmes accèdent à la formation, aux diplômes ; les lieux de
travail leur sont pratiquement tous ouverts. Cependant, l'examen des effectifs,
tous secteurs d'activité confondus, révèle bien qu'elles sont peu nombreuses à
occuper des emplois de direction ou des postes à responsabilité.
Le récent rapport d'Anne-Marie Colmou est éloquent. Alors que 57 % des
fonctionnaires sont des femmes, la haute fonction publique n'en compte, elle,
que 13,2 %. Des blocages de toute nature sont manifestement responsables de
cette disparité de la représentation féminine.
Des efforts importants doivent donc être faits pour une réelle égalité de
carrière.
Le rapport du Conseil économique et social signale que le travail des femmes
favorise la croissance. Il est temps de considérer que le handicap pour le
déroulement de carrière que constitue, pour elles, la maternité est, en fait,
essentiel au progrès social.
Alors que le travail de nuit est reconnu néfaste pour la santé de tous et de
toutes, le Conseil de l'Europe veut le généraliser au nom de l'égalité !
Pourquoi ne pas exiger que l'égalité de traitement du texte fondateur de
l'Europe soit alors appliquée dans l'ensemble de l'Union européenne ?
Actuellement, 13,8 % des femmes sont au chômage, contre 10,2 % des hommes, ce
taux flirtant même avec les 30 % chez les moins de vingt-cinq ans. Les femmes
représentent 53 % des chômeurs de longue durée.
Les femmes sont les plus touchées non seulement par le chômage, mais aussi par
toutes les formes de travail atypique - temps partiel imposé, précarité et
flexibilité.
L'urgence d'une politique familiale au service de l'égalité des femmes et des
hommes est nécessaire pour contrer les inégalités persistantes sur le marché de
l'emploi.
Cela contribuerait à supprimer la paupérisation subie par les salariés qui
travaillent à temps partiel, dont 80 % sont des femmes qui gagnent en moyenne 4
000 francs par mois. Dans ces conditions, comment peuvent-elles préserver leur
autonomie, leur indépendance ?
Comment accepter plus longtemps qu'à travail égal l'écart des salaires entre
hommes et femmes soit de l'ordre de 27 % à 30 % ?
Pour permettre aux femmes de vivre mieux et de mieux articuler vie
professionnelle et vie privée, nous avons un rôle politique primordial à
jouer.
La délégation parlementaire aux droits des femmes doit être saisie des projets
ou propositions de loi dans tous les domaines. Elle pourrait alors non
seulement rappeler aux différentes commissions combien il est nécessaire
d'envisager telle ou telle mesure positive, mais aussi alerter le législateur
sur l'impact d'un texte au regard de l'objectif d'égalité entre les sexes.
Car, qu'en est-il exactement des droits des femmes acquis après de longues
batailles ? Je pense notamment à la dignité, à notre droit d'accéder à une
contraception, au droit de recourir à l'interruption d'une grossesse non
désirée.
Sans faire de catastrophisme, force est de constater qu'aujourd'hui ces droits
sont loin d'être effectifs. Notre collègue Danièle Pourtaud y a fait référence
à l'instant.
L'examen du bilan d'application de la loi Neuwirth, qui, depuis 1967, a
légalisé la pilule, en fournit un excellent exemple.
Les nouvelles générations de pilules ne sont toujours pas remboursées ; les
centres de planification ont de moins en moins de moyens ; l'information et les
grandes campagnes de contraception manquent cruellement, même si, madame la
secrétaire d'Etat, vous en avez annoncé une très prochainement.
Les femmes en situation de précarité sont les plus pénalisées. La
contraception n'est pas encore un droit accessible à toutes.
Madame la secrétaire d'Etat, je suis persuadée que le Gouvernement
s'attachera, comme vous l'avez annoncé, à renforcer les droits des femmes dans
tous les domaines.
L'année 1999 est déclarée « année européenne contre les violences faites aux
femmes ». Je sais - vous venez de le rappeler - que vous êtes déterminée à
mener une campagne de sensibilisation sur ce thème et à proposer diverses
actions spécifiques pour mettre un terme aux tenaces discriminations, notamment
professionnelles.
En prenant vos fonctions, vous déclariez que votre responsabilité était de
rendre plus visibles les inégalités entre les hommes et les femmes.
Je considère que nous, parlementaires, devons aussi assumer notre part de
responsabilité, en apportant sur le plan législatif des solutions à même
d'assurer une rélle égalité économique, sociale et politique à laquelle nous
aspirons toutes et tous.
La création des délégations parlementaires aux droits des femmes au sein de
nos assemblées est un pas vers cet objectif.
Je suis persuadée que ces délégations, qui pourront être saisies sur les
projets ou propositions de loi, ne se limiteront pas uniquement à l'information
et au suivi de l'application des lois ; elles participeront utilement et
activement à l'élaboration du droit et au développement de notre société.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
Article unique