Séance du 1er juin 1999






ACCORD AVEC LA SUISSE RELATIF
À LA RÉADMISSION DES PERSONNES
EN SITUATION IRRÉGULIÈRE

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 315, 1998-1999) autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière. [Rapport n° 379 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la France et la Suisse sont, jusqu'à présent, liées par un accord signé à Berne le 30 juin 1965 relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, qu'il s'agisse des ressortissants des deux pays ou des ressortissants d'Etats tiers.
Cet accord s'est révélé, dans son application, aussi peu satisfaisant que dans le cas de l'accord de réadmission franco-italien.
Il est aussi imprécis dans ses dispositions concernant les nationaux, en l'absence d'éléments permettant de prouver ou de présumer leur nationalité.
S'agissant des ressortissants d'Etats tiers, il n'autorise leur réadmission, sans formalités, que dans des conditions extrêmement restrictives.
Enfin, là encore, les dispositions relatives au transit des ressortissants d'Etats tiers en vue de leur éloignement vers leur pays d'origine ou de destination ne permettent pas, du fait de leur caractère très succinct, de prévenir des litiges qui peuvent intervenir lors de ces opérations de reconduite.
C'est pour ces raisons qu'un nouvel accord a été négocié et signé à Berne le 28 octobre 1998.
Ce texte vise, sur une base de réciprocité et après accord entre les autorités chargées des contrôles aux frontières, à organiser, d'une part, le retour sur le territoire de l'une des parties contractantes de toute personne - ressortissant de la partie requise ou d'un Etat tiers - qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée ou de séjour applicables sur l'autre et, d'autre part, le transit sur le territoire de la partie requise d'un ressortissant d'un Etat tiers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement.
Sont énumérés les documents permettant de prouver la nationalité des ressortissants des deux parties contractantes et ceux qui permettent de la présumer. Lorsque les éléments de présomption se révèlent insuffisants, les autorités consulaires compétentes ont la possibilité de procéder à l'audition de la personne à éloigner dans un délai de trois jours à compter de la demande de réadmission, afin qu'un laissez-passer puisse être délivré durant le délai légal de la rétention administrative.
La réadmission des ressortissants d'Etats tiers en situation irrégulière peut intervenir directement entre les autorités frontalières, lorsqu'il est établi qu'ils ont séjourné ou transité sur le territoire de la partie requise et qu'ils ne résident pas depuis plus de six mois sur le territoire de la partie requérante. Cette disposition constitue une rupture avec l'accord précédent, qui exige, dans la majorité des cas, la consultation des autorités centrales.
Des exceptions à l'obligation de réadmission existent toutefois. Elles concernent notamment les personnes ayant obtenu le statut de réfugié ou d'apatride, ou ayant été mises en possession d'un visa ou d'une autorisation de séjour par la partie requérante, ainsi que les ressortissants d'Etats tiers ayant une frontière commune avec la partie requérante.
Le présent accord comporte également, comme l'accord de réadmission franco-italien de 1997, certaines dispositions novatrices relatives au transit aérien ou terrestre pour l'éloignement des ressortissants d'Etats tiers.
Il prévoit ainsi la possibilité de faire assurer l'escorte de l'étranger sur le territoire de la partie requise par des agents soit de la partie requérante uniquement, soit des deux parties contractantes, l'escorte de la partie requérante étant placée dans les deux cas sous l'autorité des services compétents de la partie requise. Les agents d'escorte assurent alors leur mission en civil et sans armes et le transit par voie terrestre doit s'effectuer dans un véhicule banalisé.
Par ailleurs, dans cet accord est posé le principe de l'assimilation d'un refus d'embarquement sur le territoire de la partie requise à un refus d'embarquement sur celui de la partie requérante.
Ainsi, comme vous le constatez par l'extrême similitude des termes que j'emploie, nous nous situons ici, en fait, dans la même logique que pour les accords signés avec les pays partenaires de l'Union. La Suisse n'a pas choisi de rejoindre l'Union, mais il est de nore intérêt, compte tenu de sa situation géographique et de l'étroitesse des liens que nous entretenons avec ce pays, de l'associer étroitement à notre politique dans les domaines de l'asile et de l'immigration. Berne a d'ailleurs demandé, de son côté, à être associée à la coopération Schengen, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière qui fait l'objet du projet de loi soumis aujourd'hui à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Masson, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, mes chers collègues, là encore, je ne reviendrai pas sur l'analyse de l'accord de réadmission qui a été signé à Berne le 28 octobre 1998 à laquelle, monsieur le ministre, vous venez de procéder à l'instant.
A l'instar des deux autres accords que nous venons d'approuver, la portée de ce texte dépasse le seul cadre bilatéral des relations franco-suisses. En effet, notre frontière avec la Suisse constitue la seule frontière extérieure terrestre de l'espace Schengen dont la France ait la garde. Le renforcement de notre coopération policière avec la Suisse, dont cet accord est un élément, est le gage d'une plus grande sécurité aux frontières, non seulement pour nous, mais aussi pour ceux au nom desquels nous avons à assumer une responsabilité aux termes de l'accord relatif à l'espace Schengen.
Telle est la perspective générale dans laquelle s'inscrit un accord qu'il convient d'éclairer de trois observations de nature différente mais complémentaire.
La Suisse, compte tenu de sa position au coeur de l'Europe et aussi de l'importance de sa population étrangère, apparaît comme un pôle d'attraction croissant pour les immigrés. La Suisse est ainsi, depuis 1997, proportionnellement à sa population, le pays d'asile le plus sollicité de l'Occident. Cependant, moins de 10 % seulement de ces demandes ont abouti à une réponse positive. La Suisse a en effet le souci de contenir une population étrangère qui représente déjà, avec 1,5 million de personnes, 19 % de sa population totale.
Toutefois, la pression migratoire s'est beaucoup accrue aux frontières suisses ces temps-ci, en relation directe avec les événements dans les Balkans. Ainsi, en 1997, une immigration irrégulière avait été observée du fait du départ d'immigrés albanais d'Italie à l'expiration de leur droit de séjour dans ce pays. De tels mouvements ne manqueront pas de se reproduire dans les mois qui viennent.
Cette pression migratoire a d'ailleurs conduit la Suisse à rechercher une plus grande coopération avec l'ensemble des Etats parties à Schengen et même à souhaiter une intégration progressive au sein de l'espace Schengen.
Nous avons regretté, au sein de la commission des affaires étrangères, que ces ouvertures se soient heurtées jusqu'ici à une fin de non-recevoir de la part de certains de nos partenaires sous prétexte qu'il n'y avait pas lieu de donner à la Suisse les avantages d'une coopération « à la carte », alors même qu'elle se refuse à adhérer à l'Union européenne. On pourrait cependant remarquer, d'une part, que la Norvège et l'Islande, qui ne sont pas membres de l'Union européenne, participent cependant à la coopération Schengen et, d'autre part, que les intérêts même de la sécurité au sein de l'espace Schengen commandent un renforcement de la coopération avec la Confédération helvétique.
Notre pays, quant à lui, et il faut s'en féliciter, prône un développement progressif de la coopération avec la Suisse dans les domaines couverts par la convention Schengen.
Je soulignerais enfin que les contacts entre les forces de sécurité de nos deux pays ont beaucoup progressé au cours des dernières années. J'en veux pour preuve les réunions franco-suisses organisées depuis 1996 sur les questions de sécurité, dont la dernière s'est tenue à Bâle le 16 avril dernier. Ces rencontres, qui ont permis de recenser les problèmes qui se posaient à la frontière, ont préparé le terrain pour la signature de nouveaux accords, parmi lesquels le présent accord de réadmission ainsi qu'un accord encore non ratifié de coopération transfrontalière en matière judiciaire, policière et douanière destiné notamment à lutter contre l'immigration clandestine. Ce dernier accord, que nous attendons dans les semaines ou les mois à venir, améliorera le contrôle de l'immigration entre la Suisse et la France et renforcera ainsi l'esprit de coopération qui doit animer nos deux pays.
Dans la mesure où le présent accord de réadmission assouplit les conditions de réadmission des personnes en situation irrégulière et favorise ainsi une plus grande coopération policière, favorable à la France mais aussi, ne n'oublions pas, à l'ensemble des Etats de l'espace Schengen, la commission des affaires étrangères vous invite, mes chers collègues, à approuver ce projet de loi.
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, signé à Berne le 28 octobre 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)