Séance du 3 juin 1999
M. le président. La parole est à M. Cléach.
M. Marcel-Pierre Cléach. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adressait à M. le ministre de l'économie et des finances, qui a eu la courtoisie de me faire part de son indisponibilité aujourd'hui.
Le Gouvernement vient d'annoncer plusieurs bonnes nouvelles : le maintien de la croissance, l'évolution favorable de la consommation et la diminution du chômage avec des créations d'emplois, particulièrement dans le secteur des services, le tout dans un contexte d'inflation extrêmement faible.
Permettez-moi, cependant, d'attirer votre attention sur la distorsion que nous constatons entre la création d'emplois qualifiés dans le secteur marchand, création portée par la croissance, par le développement de l'informatique et des nouvelles technologies, et, parallèlement, la destruction de bataillons entiers d'emplois dans les industries à fort potentiel de main-d'oeuvre, qui constituent toujours un vivier d'emplois indispensable.
Il en a été ainsi, récemment, pour la société Moulinex, en Haute-Sarthe, Il en est ainsi, plus globalement, pour les industries du textile et de la chaussure.
Dans l'Ouest - Pays de la Loire, Poitou-Charente, Bretagne - l'industrie de l'habillement et du textile rassemble 290 entreprises et 19 000 emplois, pour 7 milliards de francs de chiffre d'affaires et 15 % de la production nationale.
La suppression des aides mises en place par le plan Borotra s'est traduite par une hausse de 7,5 % du prix de revient industriel et par la perte de 3 000 emplois pour ces trois seules régions.
En 1973, l'industrie française de la chaussure comptait 73 000 emplois. Il en reste à peine 25 000 aujourd'hui. Les effectifs de l'industrie de l'habillement ont été divisés par plus deux en quatorze ans, passant de 260 000 à 120 000 personnes.
Les conditions de la concurrence européenne constituent certainement une des causes de cette situation.
Comment pourrait-il en être autrement, quand le coût salarial horaire en France est supérieur de plus d'un quart à celui du Royaume-Uni, de plus de deux tiers à celui du Portugal et de plus de 20 % à celui de l'Italie ? Et je ne parle pas des différences avec les pays de l'Est, où le coût du travail est de quatre à sept fois moins élevé que dans notre pays !
Comment pourrait-il en être autrement quand les prélèvements fiscaux et sociaux sur les entreprises françaises sont les plus importants d'Europe, rapportés au PIB marchand, supérieurs de moitié à la moyenne européenne et particulièrement préjudiciables aux emplois les moins qualifiés ?
Comme il est clair que l'égalisation des coûts salariaux européens ne viendra pas d'une élévation suffisamment significative des coûts de nos concurrents, la solution doit donc être française, et je dois vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'à cet égard les réponses apportées par le Gouvernement ne me paraissent pas aller dans le bon sens : vous avez, certes, augmenté une première fois l'impôt sur les sociétés ; vous annoncez que vous allez financer les 35 heures par de nouveaux impôts ; vous avez lourdement augmenté la contribution sociale généralisée et alourdi l'IRPP (La question ! sur les travées socialistes) ; vous avez, certes, accompli un effort sur la taxe professionnelle, mais il est compensé par l'augmentation des cotisations minimales.
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue.
M. Marcel-Pierre Cléach. Vous avez alourdi globalement les charges des entreprises par l'instauration de la réduction de la durée du temps de travail, et ce pour un bilan peu convaincant.
Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, ma question est simple : compte tenu de ces contraintes, compte tenu de ces distorsions de coût entre nos industries de main-d'oeuvre et celles de la plupart de nos partenaires, quelles mesures, à court et à moyen terme, envisagez-vous de proposer à la représentation nationale pour mettre nos entreprises en situation normale de concurrence ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie participe aujourd'hui au sommet de Cologne. C'est donc moi qui vais répondre à votre question.
Je commencerai par vous féliciter de votre honnêteté. Vous avez dit, en effet, que nous avions obtenu de bons résultats après deux années de gestion. (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Christian Demuynck. Ce n'est pas ce que j'ai entendu !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est vrai en matière de croissance, puisque celle-ci est supérieure à celle de nos partenaires européens. Entre 1996 et 1997, c'était l'inverse. C'est donc non pas l'environnement international, mais bien, me semble-t-il, une politique économique axée sur le soutien de la demande intérieure qui l'explique. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Pour ce qui est des prélèvements obligatoires, chacun sait qu'ils ont crû en pourcentage du produit intérieur brut de deux points entre 1993 et 1997 et qu'ils ont été stabilisés entre 1998 et 1999.
J'en viens, après avoir posé le décor, à votre question précise, monsieur le sénateur.
Vous avez fait allusion au plan de M. Borotra, plan qui, au départ, n'était pas compatible avec les règles européennes.
Avec Mme Aubry, M. Pierret, avec tout le Gouvernement, nous avons recueilli ce lourd héritage. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) Nous avons bien travaillé pour que les remboursements demandés par la Commission européenne soient aussi légers et aussi différés que possible.
S'agissant des industries de main-d'oeuvre, je souhaite vous rappeler deux mesures importantes, l'une passée, l'autre à venir.
La mesure passée, c'est la suppression en cinq ans de la part salariale de la taxe professionnelle, qui favorisera les entreprises ayant beaucoup de main-d'oeuvre non qualifiée.
L'autre mesure, à laquelle, j'en suis sûr, vous apporterez votre suffrage, c'est l'allégement des cotisations patronales jusqu'à 1,8 SMIC pour les entreprises qui font un effort particulier dans le domaine de l'emploi.
Voilà des mesures qui montrent que le Gouvernement a le souci de soutenir concrètement les industries de main-d'oeuvre ! La preuve en est que le chômage a fortement diminué depuis deux ans. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
DÉFICIT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE