Séance du 9 juin 1999
LIAISON FIXE À TRAVERS LA MANCHE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 326, 1998-1999)
portant approbation d'un avenant à la concession concernant la conception, le
financement, la construction et l'exploitation d'une liaison fixe à travers la
Manche, signée le 14 mars 1986. [Rapport n° 395 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
président, mesdames et messieurs les sénateurs, voilà bientôt quinze ans, lors
du sommet franco-britannique qui s'est tenu à Rambouillet le 30 novembre 1984,
les chefs d'Etat et de gouvernement avaient affirmé leur volonté commune de
réaliser, dans les meilleurs délais, une liaison fixe à travers la Manche en
faisant appel, cette fois, à la seule initiative privée, sans participation ni
garantie financières des Etats.
Il s'agissait alors, après deux siècles de tentatives diverses et avortées, de
traduire en termes d'infrastructures la volonté du Royaume-Uni de s'arrimer à
l'Europe. Sur ce point, le succès est au rendez-vous. Le tunnel sous la Manche,
dont l'exploitation commerciale a démarré au mois de mai 1994, témoigne de la
capacité des grandes infrastructures ferroviaires à relever aujourd'hui les
défis du transport.
Dès 1995, le système Eurotunnel a pris une part importante du marché du
transport sur l'axe Calais - Douvre. Cette part n'a cessé de croître depuis,
malgré l'incendie du 18 novembre 1996, qui a entraîné une interruption des
services offerts.
Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le choix fait à
l'origine a été celui d'un financement et d'une gestion privés. Il nous faut
toutefois constater que la situation créée a amené les Etats à intervenir pour
remédier à des difficultés.
Le montage financier s'est révélé moins robuste que les prévisions initiales
de délais et de coûts de construction, de trafics et donc de revenus ne le
laissaient penser.
Les difficultés rencontrées en matière financière ne remettent en cause ni
l'utilité ni la viabilité de cet ouvrage sur le long terme. C'est pourquoi,
sans déroger au principe fondamental inscrit dans le traité et la concession de
la non-participation des Etats à un financement entièrement privé de la liaison
fixe, les gouvernements ont accepté une première prolongation de dix ans de la
durée de la concession.
Cette prolongation, que le Parlement avait autorisée au début de l'année 1994,
avait permis de boucler le plan de financement de l'ouvrage. Une nouvelle
augmentation du capital propre de la société et une augmentation parallèle des
possibilités de recours à l'emprunt, pour porter la capacité totale de
financement à 105 milliards de francs, s'étaient révélées indispensables. Il
était nécessaire de pallier l'augmentation des coûts de construction, le retard
de près d'une année dans la mise en exploitation du tunnel et le déficit
prévisible des résultats financiers des premières années d'exploitation.
La situation financière d'Eurotunnel s'est rapidement dégradée sous le double
effet de trafics moins importants que prévus et de recettes unitaires
affaiblies par le jeu de la concurrence des autres modes de transport. La
progression prévisible du chiffre d'affaires ne permettait pas d'espérer
couvrir avant plusieurs années les charges du paiement d'intérêts d'une dette
considérable accumulée au cours des années de construction.
Le conseil d'administration d'Eurotunnel a donc décidé de suspendre le
paiement des intérêts sur la dette principale, comme l'y autorisaient les
dispositions de la convention de crédit qui le lie aux banques. Il a souhaité
remettre à plat l'ensemble du plan de financement et éviter un effet boule de
neige qui ne pouvait que conduire à la disparition de la société, à plus ou
moins brève échéance.
Une nouvelle fois, les gouvernements ont accepté d'accompagner, par une
prolongation substantielle de la durée de la concession, la restructuration
financière de la société. La mise en forme de cette restructuration a été
quelque peu retardée par l'incendie d'une navette transportant des camions dans
la nuit du 18 novembre 1996 et les incertitudes que cet incendie a entraînées
sur la reprise de ce type de trafic et donc sur la fiabilité des hypothèses
retenues pour l'élaboration du plan de restructuration.
Dans un communiqué commun en date du 1er juillet 1997, soit quelques semaines
après notre arrivée au Gouvernement, les deux gouvernements ont fait connaître
leur accord de principe sur une prolongation de la concession, qui en porterait
la durée totale à quatre-vingt-dix-neuf ans. Sans aucun doute, cette annonce a
facilité l'approbation à une très large majorité du plan de restructuration de
la dette soumis à l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires
d'Eurotunnel quelques jours plus tard, le 10 juillet 1997.
Ce plan a ensuite été formellement signé par les banques prêteuses en janvier
1998. Il crée les conditions de la fiabilité et de la survie de l'entreprise
et, de ce fait, assure la meilleure protection possible de ses actionnaires. Il
n'est pas inutile de rappeler que près des trois quarts d'entre eux sont des
actionnaires français.
En acceptant d'accompagner cette restructuration financière, le Gouvernement a
eu pour objectif, comme cela a toujours été le cas, de sauvegarder au mieux les
intérêts des petits porteurs d'actions, qui, en très grand nombre et malgré les
fluctuations des cours aux conséquences souvent graves, ont soutenu ce
projet.
Les discussions sur les conditions de mise en oeuvre de ce nouvel allongement
ont abouti, en février 1998, à un accord entre les quatre parties à la
concession, les deux gouvernements français et britannique, d'une part, les
deux concessionnaires, France-Manche et
The Channel Tunnel Group,
réunis
dans la société en participation Eurotunnel, d'autre part.
Cet accord comporte en fait deux séries de dispositions. Avant de revenir sur
celles qui sont directement liées à la concession, j'appelle votre attention,
mesdames, messieurs les sénateurs, sur l'ensemble des autres mesures
d'accompagnement prises à cette occasion.
Elles visent à faciliter le développement du fret ferroviaire à travers le
tunnel et, au-delà, vers les frontières franco-italienne et franco-espagnole
par la création de corridors de frêt, laquelle s'inscrit très exactement dans
le droit-fil des directives communautaires et des orientations proposées par le
conseil des ministres des transports de l'Union européenne du 17 juin 1997.
Elles prévoient l'instauration de tarifs spécifiques qui devraient, à terme,
faciliter le développement du transport de marchandises par voie ferrée entre
le Royaume-Uni et l'Allemagne ou l'arrivée de nouveaux opérateurs sur le trafic
transmanche via le tunnel.
Les mesures directement liées à la concession ont été formalisées, par la
suite, dans un avenant signé le 29 mars dernier. C'est cet avenant qu'il vous
est demandé d'approuver, comme vous avez approuvé la concession elle-même, en
juin 1987, et la première prolongation de dix ans, en février 1994.
En approuvant cet avenant à la concession, et en en rendant donc la mise en
oeuvre définitive, vous en approuverez la prolongation jusqu'au 28 juillet
2086.
Cette prolongation s'accompagne de deux dispositions supplémentaires.
En premier lieu, pendant les trente-quatre années de durée supplémentaire de
la concession, de 2052 à 2086, les concédants recevront une somme totale
annuelle, incluant toutes les formes d'imposition sur les sociétés, égale à 59
% des bénéfices avant impôts.
Je voudrais m'arrêter quelques instants sur cette disposition.
Je rappellerai tout d'abord que le principe en était parfaitement connu des
actionnaires d'Eurotunnel lorsqu'ils ont approuvé, en juillet 1997, le plan de
restructuration financière de leur société. En déclarant conjointement leur
volonté d'accorder une prolongation de la concession, les deux gouvernements
avaient clairement précisé que cette prolongation devrait s'accompagner d'un
accord satisfaisant sur une participation aux profits des concessionnaires,
au-delà de 2052, en échange de l'extension accordée et pendant toute la durée
de cette extension.
Le montant de cette participation et les modalités pratiques de son versement
à chacun des deux gouvernements concédants ont fait l'objet de négociations
délicates avec nos partenaires britanniques. La longueur de ces négociations a
pu conduire certains à douter de la volonté du Gouvernement français d'aboutir.
Dans cette discussion, le souci constant du Gouvernement français et du Premier
ministre, qui est intervenu personnellement auprès de son collègue Tony Blair
pour débloquer un dossier qui menaçait de s'enliser, aura été de préserver,
fût-ce à très long terme, les intérêts des actionnaires et d'éviter que la
participation des gouvernements aux profits réalisés vide la prolongation
accordée d'une grande partie de son utilité économique pour la société.
En second lieu, la prolongation est accordée au bénéfice exclusif des
concessionnaires initiaux, c'est-à-dire d'Eurotunnel et de ses actionnaires. En
cas de substitution des prêteurs aux concessionnaires - j'attire votre
attention sur ce point parce que c'est un des éléments complexes de l'accord
qui a été signé - en application de certaines dispositions de la concession,
celle-ci expirera en juillet 2052, si la substitution est toujours en vigueur à
cette date.
Brièvement résumé, le mécanisme de substitution permet aux banquiers prêteurs,
dans des circonstances précises énumérées dans la concession, telles que
l'abandon du projet ou la cessation de paiement, de jouir de l'ensemble des
droits et d'assumer l'ensemble des obligations prévues envers les concédants en
lieu et place des concessionnaires défaillants. La concession est retransférée
aux concessionnaires initiaux après paiement de tous les montants en principal,
intérêts et autres restant dus aux prêteurs au titre de leurs financements. A
la demande des concédants, ce mécanisme ne pourra plus être mis en application
au-delà de juillet 2052.
Avant de conclure, je dois insister sur le fait que l'entrée en vigueur des
dispositions de l'avenant à la concession et, plus précisément, de celle qui
est relative à sa prolongation est une condition
sine qua non
de la mise
en application d'une des dispositions du plan de restructuration de la dette
des concessionnaires. L'intérêt de cette disposition pour les actionnaires
initiaux ne vous échappera pas lorsque j'aurai rappelé que, parallèlement à
l'augmentation de capital réservée aux prêteurs, ces actionnaires, que l'on
pourrait qualifier d'historiques, se sont vus attribuer des bons gratuits de
souscription d'actions sur la base d'un bon par action détenue.
Deux types de bons ont été délivrés : des bons exerçables jusqu'en octobre
2003 et surtout des bons exerçables jusqu'au 31 décembre 2001, mais uniquement
à partir du moment où la prolongation de la concession sera effective.
L'exercice de ces bons ouvrira aux actionnaires initiaux la possibilité de
conserver la majorité du capital de la société.
En approuvant ce projet de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, et donc en
permettant l'entrée en vigueur du tout indissociable que constitue l'avenant à
la concession du tunnel sous la Manche, vous marquerez, comme le Gouvernement,
la volonté des pouvoirs publics français d'accompagner la restructuration
financière et la fiabilité de ce projet à long terme. Vous affirmerez également
votre confiance dans le renouveau du fret ferroviaire en Europe, au service du
développement.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
et sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Désiré Debavelaere,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat est saisi
d'un projet de loi portant approbation d'un avenant à la concession concernant
la conception, le financement, la construction et l'exploitation d'une liaison
fixe à travers la Manche, signée le 14 mars 1986.
L'objet de ce texte est de permettre l'insertion dans la concession de
dispositions d'un accord intervenu entre les Etats concédants et les
concessionnaires et prévoyant une prolongation de trente-quatre ans de la durée
de la concession, de 2052 à 2086.
L'accord dispose que la prolongation ne s'appliquera qu'aux concessionnaires
initiaux et ne jouera pas en cas de substitution ; l'article 32 du contrat de
concession prévoit en effet cette possibilité au profit des banques créancières
dans l'hypothèse d'une défaillance des concessionnaires. Toute nouvelle
concession, si elle était accordée aux banques, par le biais d'entités qu'elles
contrôleraient en application du mécanisme de substitution, expirerait en
2052.
L'accord prévoit aussi le versement par les concessionnaires, à partir de
2052, d'une somme totale annuelle, incluant toutes les formes d'imposition sur
les sociétés, égale à 59 % des bénéfices avant impôt.
La prolongation de la concession permettra encore l'émission et la
distribution de bons de souscription d'actions aux actionnaires présents dans
l'entreprise préalablement à la conversion d'une partie de la dette en actions,
conformément au plan de restructuration financière que j'évoquerai dans
quelques instants.
L'exercice de ce droit à souscription devrait permettre de limiter la dilution
résultant de l'augmentation de capital réservée aux banques, en ouvrant aux
actionnaires initiaux la possibilité de conserver la majorité du capital.
Je ne reviendrai pas sur l'historique de la réalisation du projet
franco-britannique Eurotunnel, de l'annonce solennelle, par le président
François Mitterrand et le Premier ministre britannique, Mme Margaret Thatcher,
du choix du projet, le 20 janvier 1986, à l'inauguration officielle, le 6 mai
1994. Je renverrai, sur ce point, à mon rapport de janvier 1994, rédigé à
l'occasion de l'examen d'un projet de loi autorisant une première prolongation
de dix ans de la concession.
Ce rapport détaillait les caractéristiques de l'ouvrage concédé, les
engagements respectifs des concédants et des concessionnaires - une société
française, France-Manche, et une société britannique,
The Channel Tunnel
Group,
filiales à 100 % de deux entités, l'une française, l'autre
britannique, réunies en un consortium dénommé « Eurotunnel » - le rôle des
constructeurs et des banquiers, l'intervention des deux Etats par
l'intermédiaire d'une commission intergouvernementale ainsi que d'un comité de
sécurité chargé d'intervenir sur toutes les questions liées à la sécurité de la
construction et de l'exploitation de la liaison fixe.
Contraintes nouvelles liées à la sécurité, augmentation des coûts de
construction, retard pris dans l'ouverture du tunnel au trafic commercial,
matériels défaillants et révisions à la baisse des perspectives de trafic ont,
on le sait, fait « bondir » le besoin de financement total d'un montant estimé
à 48,7 milliards de francs en 1987 à 88 milliards de francs en 1992 et à 105
milliards de francs en 1994, date à laquelle Eurotunnel procédait à une
troisième augmentation de capital, à hauteur de 7 milliards de francs, tout en
obtenant, pour un montant voisin, une faculté accrue de recours à l'emprunt,
conformément à la convention de crédit liant les concessionnaires au syndicat
bancaire.
La dette accumulée, de l'ordre de 80 milliards de francs, donnait lieu en 1994
au versement d'environ 6 milliards de francs d'intérêts, alors que, en 1987,
ces frais financiers avaient été estimés à 2 milliards de francs. Au mois de
septembre 1995, Eurotunnel « jetait l'éponge » et suspendait le paiement des
intérêts de la plus grosse partie de sa dette.
Rappelons que le chiffre d'affaires d'Eurotunnel s'est élevé à 2,3 milliards
de francs en 1995, pour une prévision de l'ordre de 5 milliards de francs, et à
4,3 milliards de francs en 1996, pour une prévision de l'ordre de 7 milliards
de francs. Dans le même temps, les charges d'exploitation s'élevaient à 4
milliards de francs en 1995, d'où un résultat d'exploitation négatif de 1,7
milliard de francs, et à 4,6 milliards de francs en 1996, d'où un résultat
toujours négatif, fût-il en nette amélioration, de 0,3 milliard de francs.
La cotisation du titre a reflété les vicissitudes de ces premières années.
Souscrite au prix de 35 francs au mois de novembre 1987, l'action Eurotunnel
atteignait 119,80 francs en mai 1989, avant de tomber à 28,50 francs à
l'occasion de la deuxième augmentation de capital de novembre 1990, pour se
redresser autour de 55 francs en janvier 1994, puis connaître, à partir de
cette date, une chute continue qui devait l'amener à 8,05 francs au 19
septembre 1995, date à laquelle le groupe décidait de suspendre le service des
intérêts de sa dette.
A partir de l'automne 1995 une négociation délicate s'est engagée avec les
représentants des quelque 200 banques prêteuses afin de mettre au point un plan
de redressement susceptible de constituer une alternative au dépôt de bilan
d'Eurotunnel.
Ces discussions ont abouti, avec l'assistance de deux mandataires
ad
hoc
désignés par le président du tribunal de commerce de Paris, notre
collègue M. Robert Badinter et Lord Wakeham, à un plan de restructuration de la
dette, approuvé le 10 juillet 1997 par l'assemblée générale des actionnaires
d'Eurotunnel et le 29 janvier 1998 par l'ensemble des banques constituant le
syndicat bancaire.
Rappelons qu'au 31 décembre 1996 le nombre total d'actionnaires de la société
était de 721 000, dont 715 000 actionnaires individuels, détenant ensemble 56 %
du capital ; les actionnaires individuels français étaient 581 000 alors que le
nombre des actionnaires individuels britanniques n'était que de 133 000.
Le plan de restructuration de la dette a porté sur 77 milliards de francs
environ, montant évalué au 6 février 1998 : 11,68 % de la dette, soit 8,972
milliards de francs, ont été convertis en capital constitué d'« unités » - une
unité est composée d'une action d'Eurotunnel-France et d'une action
d'Eurotunnel-Grande-Bretagne - les prêteurs détenant 45,5 % du capital social,
et que les actionnaires conservant une majorité de 54,5 % ; 11,68 % de la
dette, là encore, ont été convertis en obligations remboursables en unités ;
14,02 % de la dette, soit 10,810 milliards de francs, ont été convertis en
obligations participantes en faveur des prêteurs ; 17,52 % de la dette, soit
13,509 milliards de francs, ont été convertis en crédit obligations à taux
révisable ; le solde, 45,10 % de la dette, soit environ 34,8 milliards de
francs, a constitué la dette résiduelle dont les conditions ont été
révisées.
Les taux d'intérêt sur la dette restructurée ont été fixés, jusqu'au 31
décembre 2003, à des niveaux sensiblement réduits par rapport aux taux moyens
de la convention de crédit.
Les intérêts échus qui ne pourront pas être payés en numéraire le seraient,
dans la limite de certains plafonds, par l'utilisation de lignes de crédit
et/ou l'émission d'instruments financiers ne portant pas intérêt jusqu'au 1er
janvier 2006.
L'échéancier de remboursement de la detted'Eurotunnel est allongé de façon
significative et la dette résiduelle pourra être refinancée sans pénalités.
Les effets attendus du plan étaient les suivants : une diminution d'environ 40
% des charges financières ; une réduction du montant de la dette d'environ 23 %
par conversion en unités et en obligations remboursables en unités ; une
annulation de l'effet boule de neige des intérêts cumulés grâce à un
financement à taux zéro pendant neuf ans - M. le ministre y a fait allusion ; -
un allongement de la durée de la dette de plus de vingt ans en moyenne ;
l'opportunité de réduire les charges financières au-delà de ce que prévoit le
plan, en ouvrant à Eurotunnel le droit à des refinancements sans pénalités -
pour une fois, les banquiers sont généreux ! - ; enfin, la possibilité, pour
les actionnaires initiaux, de conserver le contrôle du capital de l'entreprise
grâce à l'attribution gratuite de bons de souscription. Les actionnaires
initiaux doivent réfléchir à cette disposition importante, qui a été prise afin
que leurs droits soient maintenus.
Il s'agissait d'éviter une trop grande dilution du capital au détriment des
actionnaires actuels, détenteurs d'unités, qui pourraient voir leur part dans
le capital social réduit à 39,4 % au cas où la totalité des obligations
remboursables était remboursée en unités aux prêteurs.
Ainsi, et parallèlement à l'augmentation de capital réservée aux prêteurs - 8
milliards de francs - le plan a prévu une attribution gratuite de bons de
souscription aux actionnaires initiaux : les bons 2003, sur la base de un bon
2003 par unité détenue - trois bons 2003 donneront la possibilité de souscrire,
jusqu'au 31 octobre 2003, une unité à un prix d'exercice égal à 115,38 % du
prix calculé en vue de l'émission de capital réservée aux prêteurs ; les bons
2001, sur la base de un bon par unité détenue ; ces bons 2001 ne pourront
cependant être exercés qu'à partir du moment où la prolongation de la
concession sera effective. Huit bons 2001 donneront alors le droit de
souscrire, jusqu'au 31 décembre 2001, à une unité aux mêmes conditions de prix
que celles qui sont retenues pour l'augmentation de capital réservé aux
prêteurs.
Le conseil d'administration d'Eurotunnel estime que les actionnaires initiaux
pourraient conserver 51,3 % du capital social de la société en exerçant la
totalité des bons 2003 et jusqu'à 55,5 % s'ils exerçaient également la totalité
des bons 2001.
La mise en oeuvre du plan de restructuration a entraîné, on le sait,
d'importants mouvements sur le titre. Après cinq ans « d'enfer » boursier, la
valeur Eurotunnel a retrouvé, auprès des analystes, un intérêt spéculatif
certain.
Au 31 décembre 1998, le capital d'Eurotunnel se répartissait de la manière
suivante : 6,8 % entre les mains de 141 000 actionnaires individuels anglais ;
40,9 % entre les mains de 556 000 actionnaires individuels français, et ce dès
l'origine car les Français y ont cru davantage que les Anglais, ces derniers
redoutant de perdre leur insularité ; 6,3 % entre les mains de 490
investisseurs institutionnels anglais ; 10 % entre les mains de 2 250
investisseurs institutionnels français ; enfin, 36 % entre les mains de comptes
« autres », les
nominees.
Parallèlement à l'amélioration de la structure d'endettement, on a enregistré
d'incontestables succès commerciaux. Les produits d'exploitation ont ainsi
connu une hausse de 26 % en 1998 et de 18 % au premier trimestre 1999 ; 20
millions de personnes et 11 millions de tonnes de fret ont traversé le tunnel
sous la Manche en 1998, contre 15 millions de personnes et 6 millions de tonnes
de fret en 1997. Les navettes tourisme d'Eurotunnel ont, pour leur part,
transporté 3,35 millions de voitures et 96 324 autocars, soit des progressions
respectives de 45 % et de 49 % par rapport à 1997.
L'accord sur la prolongation de la durée de la concession devrait faciliter la
mise en oeuvre du plan de restructuration financière et assurer la survie de
l'entreprise...
M. Jean-Louis Carrère.
Bravo M. Gayssot !
M. Désiré Debavelaere,
rapporteur...
en réduisant la charge annuelle d'amortissement, en
améliorant le bénéfice après impôt et en permettant sans doute d'avancer la
date à laquelle un premier dividende pourra être versé aux actionnaires ; il
s'agira de 2004 ou de 2006. Je vous laisse le soin de rêver en attendant
l'échéance !
Les mesures proposées, si elles ont été approuvées par la majorité des
actionnaires d'Eurotunnel, ne recueillent pas pour autant l'unanimité.
Nous avons été sensibles à la situation des premiers actionnaires qui se
sentent aujourd'hui « floués ». Certains petits épargnants qui avaient parié
sur le « chantier du siècle » considèrent aujourd'hui qu'ils ont perdu les deux
tiers de leur « mise » et appellent peu ou prou de leurs voeux un mécanisme
d'indemnisation public.
Pouvons-nous instaurer un distinguo dans ce domaine et faire de la défense
populaire ? Je vous laisse le soin de répondre à cette revendication, monsieur
le ministre.
M. Jean-Louis Carrère.
On en a pour longtemps !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
C'est privé !
M. Désiré Debavelaere,
rapporteur.
Effectivement ! La législation ne nous donne pas les moyens,
me semble-t-il, de répondre à leur engagement, qui résultait d'une décision
personnelle et volontaire.
Le caractère mixte de la structure réduit cependant la marge de manoeuvre des
Etats par rapport à un groupe franco-britannique qui fut, rappelons-le, financé
uniquement sur fonds privés.
D'aucuns pourront trouver choquant que les Etats, dont l'intervention a
surtout consisté à accumuler les exigences nouvelles de sécurité et, partant,
les surcoûts -
« not a public penny »
fut la devise de principe de la
partie britannique tout au long de l'opération - prélèvent 59 % des bénéfices
que les concessionnaires pourraient commencer à dégager à compter de 2052. Nous
laissons à nos successeurs le soin de voir comment évolueront les choses à ce
moment-là !
Mais les exigences anglaises, nous a-t-on précisé, étaient encore supérieures
et les négociateurs français soulignent que l'accord intervenu présente,
certes, certains inconvénients, mais aussi d'incontestables avantages.
Force est de constater que, selon le contrat de concession, les Etats étaient
supposés - en 2042, puis en 2052 - mettre fin à la concession et percevoir 100
% des bénéfices de l'entreprise.
Enfin, les bons résultats commerciaux enregistrés en 1998 doivent être mesurés
à l'aune d'une situation générale qui reste délicate.
Si Eurotunnel affiche pour la première fois des produits d'exploitation en
hausse de 26 % par rapport à l'exercice 1997 - 6,5 milliards de francs - et,
grâce au plan de restructuration, un bénéfice net de 726 millions de francs, la
situation financière d'Eurotunnel demeure incertaine : 6,8 milliards de francs
de fonds propres, 73,2 milliards de francs d'endettement net et des frais
financiers qui ont représenté, en 1998, 3,4 milliards de francs, soit deux fois
le résultat d'exploitation et la moitié des fonds propres.
Par ailleurs, l'impact de la suppression du
duty free,
qui interviendra
à compter du 1er juillet prochain - est-elle maintenant inéluctable, monsieur
le ministre ?
(M. le ministre fait un signe d'approbation.)
- sur le
chiffre d'affaires d'Eurotunnel - les ventes hors taxes ont représenté, l'année
dernière, un tiers des revenus du groupe, un tiers provenant des chemins de fer
et un tiers des navettes - est difficile à évaluer...
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
C'est pourquoi
le fret est très important !
M. Désiré Debavelaere,
rapporteur.
... même si beaucoup estiment que le manque à gagner
pénalisera plutôt les
ferries
qu'Eurotunnel.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Bien sûr !
M. Désiré Debavelaere,
rapporteur.
Dans ces conditions, il apparaît à la commission que l'accord
conclu entre les Etats, les concessionnaires, les banques créancières et la
majorité des actionnaires ne laisse guère de place à une solution alternative
crédible. Je rappelle que nous avons été mis devant le fait accompli, avant
même la mise en oeuvre du processus législatif.
Aussi la commission vous propose-t-elle d'adopter sans modification le présent
projet de loi.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Fatous.
M. Léon Fatous.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sénateur
d'une région transfrontalière, carrefour incontournable des échanges
nord-européens et représentant du département dans lequel est implanté le
tunnel sous la Manche, vous comprendrez mon intérêt pour le dossier qui nous
rassemble aujourd'hui. Cet intérêt est d'ailleurs amplement partagé par mon
collègue Désiré Debavelaere, rapporteur de ce projet de loi.
Je souhaite vous dire, en préambule, que ce projet de loi portant sur
l'allongement de la concession d'une liaison fixe à travers la Manche à
Eurotunnel est largement approuvé par le groupe socialiste, que je
représente.
Je pense d'ailleurs que l'ensemble des groupes de notre assemblée partageront
ce point de vue car cet avenant n'est que la traduction de l'accord qui est
d'ores et déjà intervenu entre les Etats concédants et les concessionnaires.
Je n'entrerai pas dans le détail du plan financier, puisque M. le rapporteur
l'a déjà très largement abordé.
Il était plus que nécessaire qu'un tel accord survienne, afin d'assurer la
pérennité du lien fixe.
Avec 20 millions de passagers et 11 millions de tonnes de fret en 1998, le
tunnel sous la Manche prouve qu'il était un investissement infrastructurel
important, mais surtout nécessaire.
Pour notre département, et même pour notre région Nord - Pas-de-Calais, sa
réalisation et son exploitation ont été synonymes, d'abord d'un savoir-faire
technique et technologique, ensuite d'une analyse fine de l'aménagement du
territoire, enfin et surtout de création d'emplois.
Le tunnel sous la Manche fait aussi partie des chaînons indispensables pour le
développement du transport du fret par rail.
La SNCF a bien compris l'intérêt que cela représente puisqu'elle veut doubler
le trafic du fret via le tunnel d'ici à 2004.
La réalisation de corridors de fret passe donc par ce type d'infrastructure,
si nécessaire pour développer, conformément à notre volonté, un transport de
marchandises par rail plus sûr pour la sécurité de chacun, et bien sûr moins
polluant.
On peut d'ailleurs noter que, en termes de sécurité, face à de dramatiques
événements, le tunnel a démontré, lors de l'incendie qu'il a subi en 1996, une
grande sûreté pour ses usagers.
Aussi, face à ces constats et aux difficultés financières rencontrées, nous
appartient-il d'aider la société concessionnaire, afin de lui éviter la
faillite.
Cela est d'autant plus nécessaire que les résultats commerciaux sont de plus
en plus encourageants.
Néanmoins, personne ne doit perdre de vue la situation des petits épargnants,
qui, pour une bonne partie d'entre eux, avaient souscrit au « chantier du
siècle ».
Une grande partie de leur épargne s'est envolée, et il faudra attendre encore
quelques années pour qu'ils puissent espérer récupérer leur épargne
originelle.
Voilà, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce
que je souhaitais vous dire, au nom du groupe socialiste.
Bien entendu, nous voterons ce projet de loi.
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par ce
projet de loi, il est proposé au Parlement d'autoriser une prolongation de
trente-quatre ans de la durée de la concession d'Eurotunnel.
Monsieur le ministre, tout en comprenant votre démarche, je veux exprimer, au
nom du groupe communiste républicain et citoyen, des réserves, tant sur
l'évolution financière du consortium Eurotunnel que sur l'opportunité,
aujourd'hui, de porter à quatre-vingt-dix-neuf ans la durée globale de cette
concession.
S'agissant, dans un premier temps, de l'architecture financière d'Eurotunnel,
il convient de rappeler qu'elle a été bâtie, exclusivement, à partir de fonds
privés.
Le choix initial, opéré en 1986, d'exclure toute forme de participation
publique à la construction et à l'exploitation de cet ouvrage incombe aux
gouvernements français et britannique de l'époque, inspirés alors par une
logique ultralibérale qui a balayé la France et l'Europe et dont nous
continuons de subir les méfaits.
Les dérives financières auxquelles nous avons assisté depuis une dizaine
d'années, l'augmentation exponentielle des coûts de construction du tunnel,
l'explosion de la dette cumulée et, surtout, l'absence de maîtrise et de
contrôle de l'évolution des comptes d'Eurotunnel ne montrent-ils pas que ce
postulat de départ, selon lequel la puissance publique devait rester en dehors
du projet, constituait une erreur majeure ?
M. Philippe Marini.
Vous auriez préféré que ce fût financé par l'impôt ?
M. Jean-Louis Carrère.
Ce n'est pas ce qui arrive ?
M. Philippe Marini.
Non !
M. Pierre Lefebvre.
Comment ne pas reconnaître en la matière, mes chers collègues, les limites
d'une gestion qui se voulait totalement privée ? A chacun d'en tirer les leçons
pour l'avenir !
Faut-il rappeler, en effet, que le besoin de financement, évalué à 48
milliards de francs lors du lancement du projet, a été porté, en 1994, à 105
milliards de francs, soit plus du double ?
On comprend les frustrations et les désillusions des particuliers qui ont cru,
qui ont investi dans un projet qui représentait certes une affaire
intéressante, mais aussi la concrétisation d'un rêve, à savoir rattacher l'île
britannique au continent européen, et ainsi rapprocher deux peuples aux
relations jadis tumultueuses, voire conflictuelles.
Selon nous, communistes, un ouvrage de cette nature, qui exige des
investissements lourds et dont la rentabilité ne peut être immédiate, relève
avant tout de la responsabilité de l'Etat, garant de la stabilité et de la
pérennité des financements nécessaires.
Il n'est d'ailleurs pas étonnant qu'au moment où Eurotunnel était proche de
déposer purement et simplement son bilan les actionnaires, en particulier les
petits porteurs, se soient tournés vers l'Etat pour sauver ce qui pouvait
l'être et pour retrouver une garantie financière solide sur le long terme.
Cet épisode nous renvoie d'ailleurs à l'histoire de la concession des chemins
de fer à des sociétés privées, qui a montré, jusqu'à la nationalisation de
1936, l'inefficacité du marché, notamment lorsqu'il s'agit d'infrastructures
d'envergure et de missions publiques, et la nécessité de recourir à
l'intervention publique pour assumer des investissements structurels pour notre
économie.
Aussi, monsieur le ministre, mes chers collègues, le cas Eurotunnel ne fait
pas exception à la règle et il conviendra de réfléchir, dès que les comptes
seront rééquilibrés, à un aménagement du statut de la société
franco-britannique afin d'envisager, avant l'échéance de 2086, une implication
plus forte de l'Etat de façon à assurer la transparence de la gestion et un
meilleur accès des usagers.
En tout état de cause, le tunnel sous la Manche a vocation, à terme, à
redevenir la propriété des nations française et britannique.
Encore faut-il, dès aujourd'hui, et c'est l'objet du présent projet de loi, en
assurer la viabilité économique et financière et éviter qu'Eurotunnel ne
devienne un véritable gouffre financier pour le plus grand préjudice des
actionnaires particuliers qui se sont laissés entraîner, il faut le dire, dans
une aventure financière dont ils ne maîtrisaient sans doute pas tous les
éléments.
Cela m'amène à évoquer plus précisément la comptabilité d'Eurotunnel et les
exigences toujours plus pressantes exercées par le système financier sur cette
société.
En la matière, la responsabilité du syndicat des banques est édifiante.
En effet, un examen rapide des résultats de cette société au cours des
dernières années permet de constater une amélioration progressive des résultats
d'exploitation - 1,9 milliard de francs en 1998, contre un solde négatif de 1,7
milliard de francs en 1995 - un allégement sensible des charges financières -
celles-ci ont été ramenées de 6 milliards de francs en 1995 à 4 milliards de
francs lors de l'exercice de 1998 - et, enfin, une augmentation constante du
trafic par la route et par le rail.
La situation globale d'Eurotunnel demeure, certes, déficitaire. Mais faut-il
s'en étonner pour un projet de cette dimension ?
Dès lors, il y a lieu de s'interroger sur la pertinence de prolonger une
nouvelle fois la durée de la concession si ce n'est pour sortir Eurotunnel de
l'impasse dans laquelle veulent la mener les banques parties prenantes et les
marchés financiers qui exigent une rentabilité maximale et immédiate sur des
investissements contraignant pourtant à des amortissements sur le long
terme.
Cela illustre l'incapacité naturelle du marché à assumer des engagements
financiers sur une longue période.
M. Philippe Marini.
Mieux vaut faire payer les contribuables !
M. Pierre Lefebvre.
Cette pression des marchés financiers a contraint Eurotunnel à renégocier la
répartition de ses actifs et, en contrepartie, à solliciter les Etats pour
obtenir un délai supplémentaire d'exploitation du tunnel.
On ne peut que regretter, une fois de plus, le fait que les intérêts des
puissances financières prédominent sur les préoccupations légitimes des
actionnaires individuels - on en dénombre plus de 700 000, comme cela vient
d'être dit - qui se sentent floués et submergés par des super-banquiers qui,
bien que leur participation ne représente que le quart du capital d'Eurotunnel,
déterminent néanmoins les orientations de la politique financière de la
société.
D'aucuns souhaitent nous faire croire que les contraintes liées à la sécurité
imposées par l'Etat auraient entraîné le surcoût de construction. Selon nous,
et c'est l'évidence, ce sont bien davantage les choix financiers aléatoires de
la direction d'Eurotunnel qui sont à la source des difficultés auxquelles nous
devons faire face aujourd'hui.
Mais que n'aurait-on reproché aux gouvernements, à juste titre d'ailleurs,
s'ils avaient jugé bon de limiter au minimum les normes de sécurité s'agissant
d'un tel ouvrage,
a fortiori
après la catastrophe du tunnel du
Mont-Blanc ou, plus récemment, celle du tunnel du Tauern, en Autriche !
Après s'être félicités de voir les Etats sortis du jeu, certains voudraient
imputer les déboires d'Eurotunnel aux pouvoirs publics.
Il est regrettable que les Etats se soient d'eux-mêmes exclus du projet. En
effet, cela les prive aujourd'hui des moyens, tant juridiques que financiers,
d'intervenir dans la négociation bilatérale entre la direction d'Eurotunnel et
le syndicat des banques, et ainsi d'influer sur les choix futurs.
Certes, les Etats peuvent contribuer à optimiser l'utilisation du tunnel,
notamment en développant le réseau ferroviaire qui relie celui-ci aux
capitales. Or, force est de constater, une fois de plus, la supériorité de
notre service public ferroviaire, tant décrié par certains, sur le modèle privé
britannique.
Le premier, le nôtre, a permis une desserte satisfaisante du tunnel du côté
français dès l'ouverture de celui-ci au public.
Le second, dont certains, ici, vantent parfois les mérites, n'est toujours pas
en mesure d'assurer la liaison ferroviaire entre le tunnel et Londres, loin
s'en faut !
A l'évidence, les choix des gouvernements conservateurs de Mme Thatcher ou de
M. Major continuent de peser sur la pleine efficacité du tunnel sous la
Manche.
A cet égard, si la création du tunnel a eu des retombées économiques et
sociales réelles pour la région Nord - Pas-de-Calais, notamment en termes
d'emplois créés, il faut cependant convenir que, faute d'une utilisation
optimale de cette structure, les attentes suscitées dès l'origine par le projet
n'ont été que partiellement satisfaites.
A l'inverse, le tunnel, par une politique tarifaire offensive, est venu
concurrencer le trafic maritime déjà menacé par la suppression des ventes en
duty free
au cours de cette année.
Enfin, il revient au Gouvernement d'alléger quelque peu le fardeau qui pèse
sur les épaules d'Eurotunnel et, ainsi, d'offrir des perspectives plus sereines
aux investisseurs particuliers.
Certes, comme l'a indiqué M. le rapporteur, il n'existe pas d'alternative,
compte tenu des options qui ont été prises en d'autres temps par d'autres
gouvernements et dont, monsieur le ministre, vous devez assumer les
conséquences.
Aussi, compte tenu des réserves qu'il a émises, le groupe communiste
républicain et citoyen s'abstiendra, en souhaitant que la situation
d'Eurotunnel et sa gestion puissent faire régulièrement l'objet d'une
information de votre part, monsieur le ministre, et d'un examen par la
représentation nationale.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. -
Est approuvé l'avenant à la concession concernant
la conception, le financement, la construction et l'exploitation d'une liaison
fixe à travers la Manche, établie le 14 mars 1986 entre, d'une part, le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de
Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord et, d'autre part, la société anonyme
France Manche et The Channel Tunnel Group Limited, prévoyant notamment la
prolongation de trente-quatre ans de la durée de ladite concession. »