Séance du 16 juin 1999
M. le président. Par amendement n° 150 rectifié, M. Haenel et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent d'insérer, après l'article 2 ter un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 19-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Aucune décision administrative définitive ne peut être prise à l'encontre d'un officier de police judiciaire tant qu'une décision judiciaire définitive n'est pas intervenue. »
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel. A la suite d'une mise en cause à la fois disciplinaire et pénale d'un officier de police judiciaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le ministère de rattachement administratif, que ce soit l'intérieur ou la défense, prend trop souvent des sanctions définitives avant même qu'une décision judiciaire définitive ne soit intervenue.
L'adoption de cet amendement éviterait des incohérences. Il peut en effet arriver qu'un officier de police judiciaire soit reconnu innocent par une juridiction pénale ou par la chambre d'accusation chargée du contrôle des officiers de police judiciaire, alors que l'autorité hiérarchique l'a mis en retraite d'office voire radié des cadres.
Cet amendement irait, paraît-il, à l'encontre de quelques grands principes - je sais que l'on risque de me présenter cette objection - celui de la séparation entre l'administratif et le judiciaire notamment. Je vous demande donc, monsieur le rapporteur, madame le ministre, d'indiquer au Sénat les solutions que vous préconisez pour éviter les contradictions que je viens de dénoncer.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois. rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Vous me faites l'honneur de m'interroger directement, monsieur Haenel. Je me dois donc de vous dire que cet amendement, comme tous ceux que vous avez déposés a été examiné avec un grand sérieux par la commission des lois.
Vous proposez, en l'occurrence, qu'aucune décision administrative définitive ne puisse être prise à l'encontre d'un officier de police judiciaire tant qu'une décision judiciaire définitive n'est pas intervenue. Vous savez pourtant le temps qu'il faut pour obtenir une décision judiciaire définitive. Faut-il attendre que la cour d'appel se soit prononcée, voire la Cour de cassation ? Cela pourrait durer quatre ou cinq ans.
La commission des lois, dans sa prudence, ne vous dit pas que cet amendement est impossible à satisfaire sur le fond. Mais cette disposition a vraiment une odeur de cavalier, puisqu'elle vient se greffer sur un texte relatif à la réforme du code de procédure pénale. Je pense donc que vous pourriez reprendre cette question à l'occasion de la discussion d'un autre texte.
Peut-être voulez-vous renouveler votre succès d'avant-dîner.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. M. Haenel sait l'intérêt que je porte à la question qu'il évoque, celle de la notation des officiers de police judiciaire. Je l'ai d'ailleurs affirmé clairement avec la parution, à la fin de l'année 1998, du décret d'application de la loi de janvier 1993 relatif à la notation des officiers de police judiciaire.
M. Jean-Jacques Hyest. C'est vrai !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Une circulaire importante précisera les conditions d'application de ce décret. Elle est en cours d'élaboration.
C'est une question importante, mais je reprendrai le même raisonnement que sur l'amendement n° 149 : je souhaiterais véritablement que nous débattions de ces questions lors de l'examen du projet de loi relatif à la Chancellerie et au parquet. C'est la raison pour laquelle, comme tout à l'heure - en espérant un meilleur résultat ! - je demande à M. Haenel d'accepter de retirer son amendement.
M. le président. Monsieur Haenel, l'amendement est-il maintenu ?
M. Hubert Haenel. Madame la ministre, vous allez obtenir un meilleur résultat !
Reconnaissons que, parfois, nous sommes confrontés à des situations pour le moins curieuses : on adresse des reproches à un officier de police judiciaire concernant vraiment le champ de ses compétences de police judiciaire, donc en sa qualité de mandataire de justice et, avant même que l'autorité judiciaire n'ait pris une mesure, on le sanctionne. Dans ce cas, l'officier de police judiciaire peut penser qu'il vaut mieux être aux ordres de l'autorité administrative que de l'autorité judiciaire, qui le protège plus ou moins bien.
Il faudrait donc, madame le garde des sceaux, que, à l'occasion de l'examen d'un autre texte, on essaie d'aborder cette question et de trouver une solution. En effet, et je m'adresse ici à M. le rapporteur, qui est expert en la matière, qui est avocat et qui a bien d'autres qualités, un problème se pose.
Je ne dis pas que la solution que je propose soit la solution idéale, ni qu'elle soit la meilleure, mais je souhaiterais que l'on reconnaisse l'existence de ce problème et que l'on essaie, à un moment donné, d'y apporter une solution.
Cela étant, compte tenu de ce qui vient d'être dit par M. le rapporteur et Mme le garde des sceaux, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 150 rectifié est retiré.
Section 2
Dispositions relatives à la désignation de l'avocat
au cours de l'instruction
Article 3