Séance du 26 octobre 1999
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Dépôt de rapports du Gouvernement
(p.
1
).
3.
Questions orales sans débat
(p.
2
).
MÉDECINS CANDIDATS À UNE FONCTION
DE MÉDECIN DE PRÉVENTION (p.
3
)
Question de M. Yann Gaillard. - Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale ; M. Yann Gaillard.
FOURNITURE D'EAU MINIMUM
AUX MÉNAGES EN DIFFICULTÉ (p.
4
)
Question de Mme Dinah Derycke. - Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale ; Dinah Derycke.
INSTALLATION D'UN IRM À MONTÉLIMAR (p. 5 )
Question de M. Michel Teston. - Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale ; M. Michel Teston.
RÉGLEMENTATION
RELATIVE AUX CHAMBRES MORTUAIRES (p.
6
)
Question de M. Joseph Ostermann. - Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale ; M. Joseph Ostermann.
AVENIR DES PROFESSIONS PARAMÉDICALES (p. 7 )
Question de M. René-Pierre Signé. - Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale ; M. René-Pierre Signé.
PRATIQUE ET ENSEIGNEMENT
DE LA GYNÉCOLOGIE MÉDICALE (p.
8
)
Question de Mme Nicole Borvo. - Mmes Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale ; Nicole Borvo.
POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE
CAUSÉE PAR LES AUTOMOBILES (p.
9
)
Question de M. Gérard Delfau. - Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; M. Gérard Delfau.
DÉNEIGEMENT DES ROUTES PAR LES AGRICULTEURS (p. 10 )
Question de M. Gérard Cornu. - Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; M. Gérard Cornu.
FINANCEMENT DE L'OFFICE NATIONAL DES FORÊTS (p. 11 )
Question de M. Philippe Richert. - Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; Philippe Richert.
SITUATION SCOLAIRE DANS LE VAL-D'OISE (p. 12 )
Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - Mmes Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire ; Marie-Claude Beaudeau.
ATTRIBUTION DES AIDES
AUX DÉTAILLANTS EN CARBURANTS EN DIFFICULTÉ (p.
13
)
Question de M. Jean-Jacques Robert. - MM. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; Jean-Jacques Robert.
CONTRÔLE PAR LA COMMISSION DES OPÉRATIONS DE BOURSE
DES PUBLICITÉS DES PRODUITS FINANCIERS (p.
14
)
Question de M. Jean Chérioux. - MM. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; Jean Chérioux.
FISCALITÉ APPLICABLE AUX OPÉRATIONS
DE RÉHABILITATION DE LOGEMENT (p.
15
)
Question de M. Bernard Piras. - MM. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; Bernard Piras.
MESURES URGENTES POUR PRÉSERVER LA SALLE PLEYEL (p. 16 )
Question de M. Xavier Darcos. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Xavier Darcos.
AVENIR DES PHARES (p. 17 )
Question de M. Pierre-Yvon Trémel. - Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; M. Pierre-Yvon Trémel.
POPULATION ET DOTATIONS
AUX COLLECTIVITÉS LOCALES (p.
18
)
Question de M. Pierre Jarlier. - MM. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur ; Pierre Jarlier.
INCIDENTS SURVENUS
À L'OCCASION DES FÊTES DU 14 JUILLET
DANS LE VIe ARRONDISSEMENT DE PARIS (p.
19
)
Question de M. Bernard Plasait. - MM. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur ; Bernard Plasait.
Suspension et reprise de la séance (p. 20 )
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
4.
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
(p.
21
).
5.
Conférence des présidents
(p.
22
).
6.
Réforme du code de justice militaire.
- Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture (p.
23
).
Discussion générale : MM. Alain Richard, ministre de la défense ; René Garrec,
rapporteur de la commission des lois.
Clôture de la discussion générale.
Articles 2, 3, 5 et 27
bis.
- Adoption (p.
24
)
Article 46
(supprimé)
Vote sur l'ensemble (p.
25
)
MM. Jean-Claude Peyronnet, Jean-Luc Bécart, Patrice Gélard.
Adoption du projet de loi.
7.
Souhaits de bienvenue à une délégation d'étudiants chinois
(p.
26
).
Suspension et reprise de la séance (p. 27 )
8.
Rappels au règlement
(p.
28
).
M. Jacques Larché, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice.
MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le président.
9.
Action publique en matière pénale.
- Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi (p.
29
).
Article 2
(suite)
Article 36 du code de procédure pénale
(suite) (p.
30
)
Amendement n° 13 de la commission et sous-amendements n°s 53 rectifié
bis
de Mme Derycke, 76 et 77 de M. Charasse. - M. Pierre Fauchon, rapporteur de
la commission des lois ; Mmes Dinah Derycke, Elisabeth Guigou, garde des
sceaux, ministre de la justice ; MM. Michel Charasse, Jacques Larché, président
de la commission des lois ; Jean-Jacques Hyest, Patrice Gélard. - Retrait des
sous-amendements n°s 76 et 77 ; rejet du sous-amendement n° 53 rectifié
bis
; adoption de l'amendement n° 13.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article 37 du code précité (p. 31 )
Amendements n°s 14 de la commission et 54 de Mme Derycke. - M. le rapporteur,
Mmes Dinah Derycke, le garde des sceaux, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Michel
Charasse. - Adoption de l'amendement n° 14, l'amendement n° 54 devenant sans
objet.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article 37-1 du code précité (p. 32 )
Amendements n°s 55 rectifié de Mme Derycke et 15 de la commission. - MM. Michel
Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Jean-Jacques
Hyest, Michel Charasse, Robert Bret. - Rejet de l'amendement n° 55 rectifié ;
adoption de l'amendement n° 15.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article 37-2 du code précité (p. 33 )
Amendement n° 16 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
- Adoption.
Amendement n° 17 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 57 de Mme Derycke. - Mme Dinah Derycke, M. le rapporteur, Mme le
garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 18 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Adoption de l'article 2, modifié.
Article 3
(réserve)
Article 39-1 du code précité
(p.
34
)
Amendement n° 58 rectifié de Mme Derycke. - Retrait.
Adoption de l'article du code.
Article 39-2 du code précité (p. 35 )
Amendements n°s 19 et 20 de la commission. - Adoption des deux amendements.
Amendement n° 59 de Mme Derycke. - Retrait.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article 39-3 du code précité (réserve) (p. 36 )
Amendements n°s 21 et 22 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des
sceaux. - Réserve des deux amendements.
Vote sur l'article du code réservé.
Article 39-4 du code précité (p. 37 )
Amendements n°s 61 de Mme Derycke, 23 et 24 de la commission. - Retrait de
l'amendement n° 61 ; adoption des amendements n°s 23 et 24.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article 39-5 du code précité (p. 38 )
Amendements n°s 25, 26 de la commission et 63 de Mme Derycke. - Adoption des
amendements n°s 25 et 26 ; retrait de l'amendement n° 63.
Adoption de l'article du code, modifié.
Vote sur l'article 3 réservé.
Intitulé du chapitre II (réserve) (p. 39 )
Amendement n° 27 de la commission. - Réserve.
Article 4 (réserve) (p. 40 )
Amendements n°s 28 rectifié de la commission et 64 de Mme Derycke. - MM. le
rapporteur, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme le garde des sceaux. - Adoption de
l'amendement n° 28 rectifié, l'amendement n° 64 devenant sans objet.
Amendement n° 29 de la commission. - M. le rapporteur, Mmes le garde des
sceaux, Dinah Derycke, M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Adoption.
Amendement n° 30 de la commission. - Réserve.
Vote sur l'article réservé.
Article 5 (p. 41 )
Amendements n°s 31 de la commission, 65 à 69 de Mme Derycke et 70 de M. Charasse. - MM. le rapporteur, Michel Dreyfus-Schmidt, Michel Charasse, Mme le garde des sceaux, M. Robert Bret, Mme Dinah Derycke, MM. Patrice Gélard, Gérard Delfau. - Adoption de l'amendement n° 31 rédigeant l'article, les autres amendements devenant sans objet.
Article 3
(suite)
(p.
42
)
Article 39-3 du code de procédure générale
(suite) (p.
43
)
Amendements n°s 21 et 22
(précédemment réservés)
de la commission. -
Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article du code, modifié.
Adoption de l'article 3, modifié.
Article 4 (suite) (p. 44 )
Amendement n° 30
(précédement réservé)
de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article, modifié.
Intitulé du chapitre II (suite) (p. 45 )
Amendement n° 27
(précédement réservé)
de la commission. - Adoption de
l'amendement rédigeant l'intitulé.
Article 6 (p. 46 )
Amendement n° 32 de la commission. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 7 (p. 47 )
M. Robert Bret.
Amendement n° 33 de la commission. - Adoption.
Amendements n°s 34 et 35 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des
sceaux. - Retrait des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Article 8. - Adoption (p.
48
)
Article 9 (p.
49
)
Amendement n° 36 de la commission. - Retrait.
Adoption de l'article.
Article 10. - Adoption (p.
50
)
Article additionnel après l'article 10 (p.
51
)
Amendement n° 37 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Michel Charasse, Michel Dreyfus-Schmidt. - Adoption, par division, de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 11 (p. 52 )
Amendements n°s 38 à 43 de la commission. - Adoption des six amendements.
Amendement n° 71 de Mme Derycke. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur,
Mme le garde des sceaux, M. Jean-Jacques Hyest. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 11 (p. 53 )
Amendement n° 72 de M. Charasse. - MM. Michel Charasse, le rapporteur, Mme le
garde des sceaux, MM. Robert Bret, Michel Dreyfus-Schmidt. - Retrait.
Amendement n° 73 de M. Charasse. - MM. Michel Charasse, le rapporteur, Mme le
garde des sceaux. - Retrait.
Article 12 (p. 54 )
Amendement n° 44 de la commission et sous-amendement n° 75 de M. Gélard. - MM. le rapporteur, Patrice Gélard, Jacques Larché, Mme le garde des sceaux, MM. Michel Charasse, Michel Dreyfus-Schmidt. - Retrait du sous-amendement ; reprise de ce sous-amendement par M. Larché ; adoption du sous-amendement rectifié et de l'amendement modifié rédigeant l'article.
Vote sur l'ensemble (p. 55 )
MM. Robert Bret, Jean-Jacques Hyest, Mme Dinah Derycke, M. Patrice Gélard, Mme
le garde des sceaux.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi.
10.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
56
).
11.
Dépôt d'un rapport
(p.
57
).
12.
Ordre du jour
(p.
58
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le procès-verbal de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.
2
DÉPÔT DE RAPPORTS DU GOUVERNEMENT
M. le président.
M. le président a reçu de M. le Premier ministre :
- le rapport présentant les raisons du dépassement des limites prévues au 5°
du I de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale et justifiant
l'urgence qui a conduit au recours au décret visé à l'article L.O. 111-5 ;
- le rapport établi, en application de l'article 35 de la loi de finances pour
1999, sur l'application en France et en Europe des taux de taxe sur la valeur
ajoutée et sur l'état des négociations sur les propositions relatives au régime
définitif de TVA ;
- le rapport établi, en application de l'article 84 de la loi de finances pour
1997, sur l'application des dispositions en matière d'impôt sur le revenu
relatives à la réduction d'impôt.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
3
QUESTIONS ORALES SANS DÉBAT
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.
MÉDECINS CANDIDATS
À UNE FONCTION DE MÉDECIN DE PRÉVENTION
M. le président.
La parole est à M. Gaillard, auteur de la question n° 575, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Yann Gaillard.
Madame le secrétaire d'Etat, ma question porte sur les médecins de prévention
qui ne sont pas titulaires des diplômes spécifiques requis par la
réglementation.
Très brièvement, je rappellerai l'historique de cette affaire.
Tout d'abord, un décret n° 82-453 du 28 mai 1982 a indiqué que les médecins
candidats à une fonction de médecin de prévention devaient être titulaires du
certificat d'études spéciales de médecine du travail. Toutefois, le décret
précise que le certificat n'est pas obligatoire pour le médecin se trouvant
déjà en fonction dans les administrations avant la date d'entrée en vigueur
dudit décret.
Ensuite, un décret n° 95-680 du 9 mai 1995 a modifié le décret du 28 mai 1982
en reprenant exactement les mêmes articles, c'est-à-dire qu'il précise que les
dispositions en cause ne s'appliquent pas aux médecins se trouvant déjà en
fonction dans les administrations avant la date d'entrée en vigueur du décret,
soit, en conséquence, le 9 mai 1995.
Plus récemment, une loi n° 98-535 du 1er juillet 1998, dans son article 28, a
repris les termes des décrets du 28 mai 1982 et du 9 mai 1995, mais en
modifiant les dérogations. Il précise qu'à titre exceptionnel les docteurs en
médecine exerçant en tant que médecin de prévention ou médecin du travail
pouvaient poursuivre leur activité à condition de suivre un enseignement
théorique sanctionné par des épreuves de contrôle. Par circulaires, diverses
autorités ministérielles ont indiqué que la loi du 1er juillet 1998 ne
s'appliquait pas aux médecins recrutés avant le 9 mai 1995.
On conçoit qu'il est difficile pour des médecins qui exercent depuis longtemps
dans la fonction publique et qui ont fait la preuve de leurs compétences
d'entreprendre des études spéciales dans des conditions qui ne sont pas
précisées, pas plus que ne le sont d'ailleurs les modalités dudit examen.
Confirmez-vous, madame le secrétaire d'Etat, ce que semblent indiquer
certaines autorités administratives, et qui n'est pas très clair à savoir que
les médecins en fonction avant le 9 mai 1995 bénéficient d'une exemption ?
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Monsieur le sénateur,
vous avez appelé l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
sur la question de la formation et des diplômes requis pour exercer la fonction
de médecin de prévention.
Depuis le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène, à la sécurité
et à la médecine de prévention dans la fonction publique, les médecins exerçant
la médecine de prévention doivent être titulaires soit du certificat d'études
spécialisées de médecine du travail, soit du diplôme d'études spécialisées de
médecine du travail, soit d'un titre reconnu équivalent par arrêté conjoint du
ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé de la santé. Cet
arrêté n'étant pas intervenu, c'est bien la détention du CES ou du DES qui est
exigée de ces médecins.
La loi du 1er juillet 1998, en son article 28, a eu pour objet de permettre
aux médecins de prévention des administrations, ainsi d'ailleurs qu'aux
médecins du travail, non détenteurs des titres requis, de poursuivre leur
exercice sous réserve de suivre avec succès un enseignement organisé à cette
fin par les facultés de médecine.
Dès lors, comme l'a d'ailleurs confirmé le Conseil d'Etat, c'est bien
l'ensemble des médecins de prévention en fonction dans les administrations
depuis le décret du 28 mai 1982 et non détenteurs des titres requis qui sont
concernés par les dispositions de l'article 28 de la loi du 1er juillet 1998
précitée.
M. Yann Gaillard.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Cette réponse est extrêmement décevante ; elle est d'ailleurs d'un juridisme
assez fade, je dirai même tout à fait plat.
Il est inadmissible que des médecins qui excercent depuis des années, qui ont
fait la preuve de leurs compétences et qui ont rendu des services voient leur
situation remise en cause.
Je rappelle que ma question porte sur les médecins recrutés avant le 9 mai
1995. Il me paraît difficile, plusieurs années après, de leur faire reprendre
des études et d'exiger d'eux des diplômes qu'ils n'avaient pas à présenter au
moment où ils ont été engagés.
Je ne pense pas que Mme le secrétaire dEtat à la santé et à l'action sociale
ait vraiment pris le temps d'étudier la question. Il faut véritablement que le
ministère de l'emploi et de la solidarité revoie cette situation, qui n'est pas
du tout conforme à la tradition administrative et républicaine.
FOURNITURE D'EAU MINIMUM
AUX MÉNAGES EN DIFFICULTÉ
M. le président.
La parole est à Mme Derycke, auteur de la question n° 600, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Dinah Derycke.
Madame la secrétaire d'Etat, je souhaite appeler votre attention sur
l'application de la loi relative à la lutte contre les exclusions et, en
particulier, sur les dispositions de ce texte destinées à éviter les coupures
d'eau des usagers défaillants.
Interpellée à plusieurs reprises par des associations de lutte contre la
précarité, plusieurs cas de coupures d'eau m'ont été signalés dans le
département du Nord.
Dans ce département, les diverses institutions qui négocient actuellement le
plan départemental d'action pour le logement des plus démunis souhaitent
légitimement y intégrer un dispositif juridique global. Celui-ci permettrait à
la fois de régler les dettes des usagers en matière de fourniture d'énergie,
d'eau et de téléphone et d'assurer un minimum de ces services pour ceux qui ne
peuvent y accéder dans des conditions normales.
Toutefois, les dispositions relatives à l'élaboration de ce plan ne
s'achèveront qu'au printemps 2000 ; une année nous sépare donc de sa mise en
application.
S'il est vrai que la multiplicité des intervenants et la diversité de leurs
statuts ne facilitent pas une négociation rapide, il existe déjà, en matière de
fourniture téléphoniques et d'énergie, des conventions consacrant un service
minimum au bénéfice des populations en difficulté.
Dans certains départements même, il semble que des chartes de solidarité liant
fournisseurs et organismes sociaux autorisent une fourniture d'eau minimum pour
chacun.
Depuis le dépôt de cette question, j'ai appris, madame la secrétaire d'Etat,
que, grâce à la célérité de vos services et à la diligence de la préfecture du
Nord, les cas précis que j'avais signalés et qui ont motivé cette intervention
ont été réglés. Je m'en félicite.
Je souhaiterais toutefois savoir s'il n'est pas possible, dans l'attente de
l'achèvement des négociations des plans départementaux d'action pour le
logement, de prendre des mesures s'appliquant à l'ensemble des cas similaires
qui se présentent dans notre pays, afin d'assurer la distribution d'un minimum
d'eau aux ménages en difficulté et de répondre ainsi à des situations d'urgence
sociale inacceptables.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Madame la sénatrice,
vous soulevez dans votre question un problème essentiel de solidarité auquel le
Gouvernement porte la plus grande attention.
La loi de lutte contre les exclusions a réaffirmé le principe du droit au
logement et des droits qui lui sont liés. En effet, le droit au logement n'est
pas simplement le droit aux murs ; c'est aussi le droit à un certain nombre
d'éléments de confort et de services liés, et nous souhaitons développer
l'accès à l'ensemble de ces droits.
Pour assurer le bon fonctionnement de ces nouvelles procédures, l'Etat a
considérablement accru sa dotation au fonds de solidarité logement, le FSL.
Elle est ainsi passée de 275 millions de francs, en 1997, à 340 millions de
francs en 1998 et à 490 millions de francs en 1999.
Chacun d'entre nous sait, pour avoir parfois été privé d'eau ou d'électricité
quelques heures, à l'occasion de travaux ou d'événements fortuits, combien la
perte de ces services constitue une gêne insupportable et, lorsqu'elle se
prolonge, une véritable atteinte à la dignité.
Comme vous l'avez signalé, cela n'est plus acceptable aujourd'hui. C'est
pourquoi il était indispensable d'agir pour éviter les coupures.
Le Gouvernement a donné, depuis le vote de la loi de lutte contre les
exclusions, des instructions sur ce point pour faire respecter un principe
simple : aucune coupure d'électricité ou d'eau ne doit plus intervenir sans
qu'un service social compétent ait été préalablement saisi pour trouver une
solution.
Pour l'électricité, vous l'avez rappelé, un fonds spécifique est en place. Il
est abondé par l'Etat, par EDF et par les autres partenaires locaux. Ce
dispositif fonctionne aujourd'hui efficacement et EDF a d'ailleurs pris
l'engagement, en 1998, de ne plus procéder à aucune coupure avant que ce fonds
ait pu être mobilisé. Mis à part quelques incidents que vous nous avez signalés
et qui nous ont permis de réagir rapidement, les choses évoluent très
positivement dans ce domaine.
Pour l'eau, la question est plus difficile puisque, dans de très nombreux
immeubles, notamment en HLM, la facture est non pas individualisée mais
intégrée au sein des charges collectives. Elle relève à ce titre du dispositif
FSL qui, je le rappelle, a fait l'objet d'un fort abondement par l'Etat.
Pour les situations dans lesquelles un compteur d'eau individuel existe, un
dispositif spécifique a été créé. Il repose sur la possibilité pour les
créanciers des factures d'eau de consentir des annulations de créance.
Cependant, en matière d'eau, il existe une multitude de fournisseurs - les
grandes compagnies de distribution d'eau, bien sûr, mais aussi les plus
petites, sans oublier toutes les régies municipales - et il est donc difficile
de déployer une intervention coordonnée et cohérente.
Le système actuel, qui repose sur un accord de tous les créanciers, est très
lourd à mettre en place et à faire fonctionner. Cela explique les difficultés
que vous nous avez signalées dans certains départements.
D'ores et déjà, toutefois, je le souligne, nous avons demandé qu'aucune
coupure d'eau ne puisse intervenir sans saisine préalable des services sociaux.
Cela permet de dégager des solutions dans le cadre des dispositifs généraux qui
existent déjà, notamment avec les différentes aides d'urgence coordonnées au
sein des commissions d'action sociale d'urgence. Celles-ci sont normalement
mises en place dans tous les départements, même si nous constatons quelquefois
des difficultés.
Si l'on considère les principaux fonds utilisables pour le logement dans le
cadre des crédits destinés à la lutte contre la pauvreté et la précarité et du
fonds de solidarié logement, la participation de l'Etat est passée de 415
millions de francs en 1997, à 510 millions de francs en 1998, et 720 millions
de francs en 1999, auxquels s'ajoutent 100 millions de francs mis en place à la
fin de 1998 au profit des départements qui connaissent des difficultés
particulières et identifiées.
Par ailleurs, nous avons décidé de modifier le système actuel en mettant en
place un nouveau dispositif fondé non plus sur l'abandon de créance mais sur la
création d'un fonds pour les impayés d'eau, à l'image de ce qui existe pour
l'énergie. Nous en négocions actuellement les modalités avec les distributeurs
d'eau. Sa mise en place effective devrait être proche - dans les mois qui
viennent, nous l'espérons.
Avec la création de tarifs sociaux et d'un fonds d'impayés pour le téléphone,
qui sont maintenant en place, c'est donc le droit à vivre décemment chez soi
qui a été réaffirmé par la loi relative à la lutte contre les exclusions.
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, de m'avoir apporté des
compléments d'information et d'avoir souligné la volonté du Gouvernement de
mettre effectivement en oeuvre la loi relative à la lutte contre les
exclusions.
Je vois bien les avancées qui ont été réalisées, et je comprends bien que la
difficulté provient, concernant l'eau, de la multiplicité des intervenants.
Cependant, une information plus largement répandue auprès du grand public
permettrait peut-être que ce genre de situation ne se reproduise plus, car les
personnes les plus démunies sont souvent celles qui méconnaisent le plus leurs
droits. Cela permettrait aussi une réaction plus rapide.
INSTALLATION D'UN IRM À MONTÉLIMAR
M. le président.
La parole est à M. Teston, auteur de la question n° 561, adressée à Mme le
secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
M. Michel Teston.
Je souhaite appeler l'attention de Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à
l'action sociale sur la demande d'autorisation et d'exploitation d'un imageur
par résonance magnétique nucléaire à Montélimar. Cette demande est présentée
par le secteur sanitaire 3, qui correspond à la partie sud des départements de
l'Ardèche et de la Drôme.
En effet, l'installation de cet équipement répond à une urgente nécessité.
Le dossier, qui sera prochainement de nouveau soumis à l'agence régionale
d'hospitalisation et au CNOSS, met en exergue les différents éléments qui
plaident pour une autorisation rapide d'installation.
Tout d'abord, il faut souligner qu'un seul IRM est actuellement utilisé pour
les patients des deux départements de la Drôme et de l'Ardèche, et qu'il est
installé à Valence.
L'indice de population des secteurs 2 et 3 réunis est de 750 000 habitants.
S'il est admis que l'installation d'un nouvel IRM dans un secteur donné est
subordonnée à un indice de population d'au moins 400 000 habitants, il faut
néanmoins prendre en compte le fait que l'IRM de Valence se situe au-delà de
l'indice minimal, avec 500 000 habitants. Il est donc concevable que les
secteurs 2 et 3 soient dotés d'un nouvel appareil.
Ensuite, outre l'éloignement géographique de cet équipement, qui oblige les
usagers de l'Ardèche et de la Drôme méridionales à parcourir, dans certains
cas, plus de 100 kilomètres, il est démontré que l'IRM de Valence arrive à
saturation. En effet, un délai de deux mois est actuellement nécessaire aux
patients du secteur 3 pour obtenir un rendez-vous, même en cas d'urgence.
En outre, l'IRM de Valence n'est utilisable par ces patients que six heures
par semaine, sur soixante heures d'utilisation hebdomadaire, ce qui représente
seulement un dixième des consultations.
Enfin - j'insiste particulièrement sur ce point - très préoccupés par
l'urgente nécessité d'installer dans leur secteur un nouvel IRM, l'ensemble des
professionnels de santé concernés se sont regroupés au sein d'une structure
nouvelle, le groupement d'intérêt économique « Association pour l'IRM
Drôme-Ardèche ». Ce GIE regroupe les centres hospitaliers de Montélimar et
d'Aubenas, les deux cliniques de Montélimar, la clinique d'Aubenas et les
radiologues libéraux. Il y a là un regroupement qui me paraît exemplaire.
Pour toutes ces raisons, madame la secrétaire d'Etat, je demande que toutes
les dispositions soient prises pour permettre l'installation, dans les
meilleurs délais, de cet équipement sanitaire indispensable pour renforcer
l'offre sanitaire du secteur 3.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Monsieur le sénateur,
vous avez appelé mon attention sur le projet d'implantation d'un appareil
d'imagerie par résonance magnétique nucléaire dans le secteur 3 de la région
Rhône-Alpes, déposé par le GIE « Association pour l'IRM Drôme-Ardèche ».
L'installation d'un tel équipement dans ce secteur sanitaire retient toute mon
attention comme je vous l'ai dit en aparté. Toutefois, elle doit s'inscrire
dans les données de la carte sanitaire. En conséquence, ce projet a été déclaré
irrecevable par les services de la direction départementale des affaires
sanitaires et sociales de la Drôme, conformément aux dispositions du code de la
santé publique.
Avec dix-neuf appareils actuellement autorisés, les besoins en appareils
d'imagerie par résonance magnétique nucléaire sont aujourd'hui couverts dans la
région Rhône-Alpes, même si l'on peut constater des difficultés d'organisation
locale et sectorielle.
Cependant, l'implantation d'un appareil d'imagerie par résonance magnétique
nucléaire sur le site du centre hospitalier de Montélimar reste une priorité
régionale. Elle pourra être normalement satisfaite dès lors que la carte
sanitaire évoluera, qu'une autorisation redeviendra possible ou qu'une révision
indiciaire sera envisagée.
Le futur projet devra regrouper les établissements publics et privés de
Montélimar et d'Aubenas, et garantir les coopérations nécessaires à
l'exploitation optimale d'un tel équipement.
Les indications que vous venez de me fournir sur les coopérations qui se
mettent en place dans cette région laissent à penser que cet équipement
bénéficierait d'une utilisation optimale et qu'il convient donc de trouver les
clés pour l'implantation.
M. Michel Teston.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Teston.
M. Michel Teston.
Madame la secrétaire d'Etat, je prends, bien évidemment, acte de votre
réponse, qui me paraît aller dans le sens souhaité.
Plusieurs éléments plaident en faveur de cette orientation, mais je n'en
rappellerai que deux.
D'abord, le secteur 2 se situe bien au-delà de l'indice minimal, avec 500 000
habitants. Il est donc concevable que les secteurs 2 et 3, qui ont un indice
total de population de 750 000 habitants, soient dotés chacun d'un appareil.
Ensuite, le secteur 3 est notoirement sous-équipé par rapport aux autres
secteurs sanitaires de la région Rhône-Alpes.
Je souhaite donc que ces éléments soient pris en compte et qu'une décision
positive soit adoptée à moyen terme.
RÉGLEMENTATION RELATIVE
AUX CHAMBRES MORTUAIRES
M. le président.
La parole est à M. Ostermann, auteur de la question n° 587, adressée à Mme le
secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
M. Joseph Ostermann.
Je souhaite attirer votre attention, madame la secrétaire d'Etat, sur
l'activité funéraire.
Celle-ci est régie par la loi n° 93-23 du 8 janvier 1993, qui met fin au
monopole communal en matière d'opérations funéraires et définit, par ailleurs,
le service extérieur des pompes funèbres.
Cette loi garantit le libre jeu de la concurrence entre opérateurs
funéraires.
Par ailleurs, la circulaire n° 18 du 14 janvier 1999 relative aux chambres
mortuaires des établissements de santé énonce que « les établissements de santé
qui, accueillant sans restriction dans leurs chambres mortuaires le corps de
personnes non décédées en leur sein, assureraient ainsi, de fait, les fonctions
de chambre funéraire » et seraient, par conséquent, passibles de sanctions
pénales.
En tant que président d'un hôpital local et en tant que maire, j'estime que
l'expression « sans restriction » est peu précise. Pourriez-vous en préciser la
définition et la portée ?
Cette précision est importante, notamment en milieu rural, où de nombreuses
petites entreprises artisanales de pompes funèbres ne disposent pas de chambres
funéraires. Elles sont donc contraintes de déposer les corps dans les chambres
mortuaires des établissements de santé, modernisées et adaptées à la
réglementation.
Il est donc primordial pour ces établissements de savoir s'ils sont en
contravention avec la réglementation et s'ils sont, à ce titre, susceptibles
d'être sanctionnés.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Monsieur le sénateur,
vous attirez mon attention sur l'application de la loi du 8 janvier 1993, qui
met fin au monopole communal en matière d'opérations funéraires et qui définit
le service extérieur des pompes funèbres.
Vous me demandez de préciser le sens des dispositions de la circulaire n° 18
du 14 janvier 1999, qui indiquent que les établissements de santé « accueillant
sans restriction » dans leurs chambres mortuaires le corps de personnes non
décédées en leur sein assureraient ainsi de fait les fonctions d'une chambre
funéraire et s'exposeraient donc aux sanctions pénales prévues à l'article L.
2223-35 du code général des collectivités territoriales.
J'observe que la circulaire susvisée rappelle préalablement que, conformément
à la réglementation en vigueur, l'usage des chambres mortuaires des
établissements de santé et des maisons de retraite est réservé au dépôt des
corps des personnes décédées dans ces établissements.
La circulaire du 14 janvier 1999 admet cependant que, « à titre exceptionnel,
la chambre mortuaire peut, sur réquisition des autorités administratives ou
judiciaires, servir à déposer le corps des personnes décédées sur la voie
publique ou dans un lieu ouvert au public lorsqu'il n'y a pas de chambre
funéraire dans la commune où le décès a été constaté ou dans une commune proche
».
La notion « d'accueil sans restriction » évoquée par la même circulaire
s'applique donc à tout établissement de santé qui accepte que soient déposés
dans sa chambre mortuaire les corps de personnes non décédées en son sein, en
dehors des cas où la réquisition susmentionnée peut être prononcée. Il faut
naturellement considérer qu'une telle réquisition ne peut pas être prononcée à
titre permanent à seule fin de pallier l'absence de chambre funéraire.
Le Gouvernement n'ignore pas les difficultés qui résultent de ce dispositif
dans les zones rurales, compte tenu du faible taux d'équipement des petites
communes, et il réfléchit aux aménagements, nécessairement d'ordre législatif,
qui pourraient y être apportés sans remettre en cause l'équilibre général de la
loi du 8 janvier 1993.
Toutefois, dans le contexte législatif actuel, il semble, comme l'indiquait du
reste M. le ministre de l'intérieur, le 29 juin dernier, dans une réponse à une
question orale d'un de vos collègues, que les insuffisances d'équipement en
chambres funéraires ne puissent être résolues que par des initiatives
s'appuyant sur l'intercommunalité.
M. Joseph Ostermann.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann.
Madame la secrétaire d'Etat, je connaissais, bien entendu, la réglementation ;
je regrette donc que votre réponse ne traduise pas une plus grande
ouverture.
Une centralisation à outrance dans le secteur funéraire pose de graves
problèmes dans les zones rurales. Nos concitoyens sont en effet très attachés à
la proximité de ces services au moment du décès d'un de leurs proches.
La réglementation doit être modifiée. Non seulement elle met en danger un
certain nombre de petites entreprises funéraires, mais elle suscite des
problèmes très graves dans les familles à un moment où elles n'en ont vraiment
pas besoin.
Je souhaite que ce que vous annonciez soit suivi d'effets.
AVENIR DES PROFESSIONS PARAMÉDICALES
M. le président.
La parole est à M. Signé, auteur de la question n° 594, adressée à Mme le
secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
M. René-Pierre Signé.
Monsieur le président, mes chers collègues, je veux appeler l'attention de Mme
la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale sur la négociation en
cours avec l'ensemble des professions paramédicales.
Il leur est, semble-t-il, proposé de sortir du strict rôle de sous-traitant en
leur donnant la possibilité de prescrire leur intervention, voire certaines
médications en rapport avec l'affection traitée. Mais en quelle quantité et
selon quelle posologie ?
Il est envisagé, en outre, de créer un ordre des professions paramédicales. On
peut comprendre que cette autonomie accrue soit accordée en échange de
l'engagement à de bonnes pratiques et pour éviter des consultations médicales
supplémentaires qui ne seraient pas toujours justifiées.
Mais pourquoi un seul ordre pour des professions si diverses, les masseurs,
les infirmières, les orthophonistes par exemple ?
Les médecins perçoivent ces mesures comme une atteinte à leur monopole de
prescription et, à tort, sans doute, comme une forte atteinte à leur compétence
médicale. Ils y voient un risque de prescription non adaptée, excessive ou
insuffisante, donc dangereuse.
Quant à la création d'un ordre pour les professions paramédicales, on peut se
demander si elle se justifie. Un organisme rassemblant toutes ces professions
paramédicales ne sera-t-il pas difficile à gérer ? En effet, ces professions
sont totalement différentes les unes des autres par leur type d'exercice. Leurs
besoins respectifs n'ont parfois rien à voir entre eux, au même titre que leurs
revendications. Leur évolution démographique diffère également. Comment réunir
autant d'éléments disparates ?
Madame la secrétaire d'Etat, il s'agit donc d'une mesure nouvelle qui mérite,
me semble-t-il, quelques développements.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Monsieur le sénateur,
le Gouvernement a décidé de redéfinir la place des professions paramédicales
dans le système de soins de ville en leur donnant les moyens d'exercer
pleinement leurs responsabilités professionnelles.
Un groupe de travail a permis de dégager les grandes orientations qu'une telle
réforme devait suivre. Ce travail a été mené en concertation avec les
représentants des professions paramédicales. Les principales propositions de ce
groupe de travail ont été reprises par le Gouvernement et présentées aux
professionnels le 1er septembre dernier.
Ces propositions visent notamment à renforcer la complémentarité des
interventions médicales et paramédicales : le professionnel paramédical, d'une
part, disposera d'une compétence de prescription limitée à certains produits
et, d'autre part, sera chargé, lorsque le médecin aura prescrit une
intervention paramédicale, d'établir un bilan et un plan de soins, puis un
compte rendu de traitement. La prescription médicale restera indispensable ;
elle sera cependant qualitative et non plus quantitative et qualitative. Par
ailleurs, le professionnel paramédical aura obligation d'informer le médecin
ainsi que le patient sur le plan de soins qu'il aura défini.
Le nouvel équilibre ainsi trouvé vise à prendre en compte l'évolution en cours
des relations entre les professions médicales et paramédicales pour assurer une
meilleure complémentarité dans l'intérêt même du malade. Il n'est pas dans
l'intention des pouvoirs publics de porter atteinte au champ de compétence des
médecins, qui restent bien évidemment seuls juges de l'indication d'un acte
paramédical ; il s'agit de permettre aux professionnels paramédicaux d'exercer
pleinement leurs responsabilités professionnelles et d'appliquer un programme
de bonnes pratiques.
Par ailleurs, la nécessité de disposer d'un organisme qui ait en charge à la
fois les questions déontologiques et celles qui sont relatives à la qualité des
soins concerne toutes les professions paramédicales, même si elles sont
diverses. C'est pourquoi il a également été proposé de créer un office des
professions paramédicales, au sein duquel chaque profession aurait sa
représentation propre.
Cet office devrait avoir pour mission de défendre à la fois les règles de
bonne pratique et les règles déontologiques. L'ensemble des professions
participant au groupe de travail s'est montré attaché à la mise en place d'une
instance ouverte sur l'extérieur, notamment aux usagers de santé. Il me semble
que l'office, tel qu'il est préfiguré, répond mieux à cette préoccupation qu'un
ordre professionnel.
Une mission parlementaire sur ce thème à toutefois été confiée par le Premier
ministre à M. Philippe Nauche, député, qui rendra ses conclusions d'ici à la
fin de l'année.
Les mesures adoptées par le Gouvernement représentent un effort important de
modernisation de la pratique des professions paramédicales. Elles permettent de
redéfinir, après une concertation approfondie, les relations entre les
personnels médicaux et les personnels paramédicaux, afin que notre système de
santé soit plus efficace et qu'un meilleur service soit rendu à l'usager.
M. René-Pierre Signé.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé.
Madame la secrétaire d'Etat, je suis tout à fait d'accord, il est logique et
souhaitable de reconnaître ces nouveaux droits aux 100 000 infirmières,
masseurs, podologues, orthophonistes, orthoptistes, qui sont aussi nombreux que
les médecins. Leur accorder l'autorisation de prescrire me semble louable, dans
la mesure où une telle autorisation consacre une plus large autonomie de ces
professionnels.
On sait aussi combien l'autonomie s'accompagne d'une plus grande
responsabilité, à condition toutefois qu'il n'y ait pas de dérive excessive,
vous l'avez dit.
Mais, comme vous l'avez rappelé, ces professionnels devront rendre compte au
médecin traitant et à la caisse d'assurance maladie. Dans ces conditions, toute
dérive contrôlée, on peut espérer une réduction des dépenses dans ce secteur.
C'est le but recherché.
Enfin, je me demande s'il est possible d'envisager de véritables règles
déontologiques au sein de l'organisme générique. Ces professions sont tellement
différentes qu'il me semble assez difficile de les réunir sous l'égide d'un
même organisme, encore qu'elles auraient chacune, avez-vous dit, une certaine
autonomie au sein de l'office.
Je prends acte de votre réponse. Les médecins, qui s'étaient inquiétés à tort,
devraient être rassurés. Il s'agit en effet, me semble-t-il, d'une démarche qui
va plutôt dans le sens de la complémentarité.
PRATIQUE ET ENSEIGNEMENT
DE LA GYNÉCOLOGIE MÉDICALE
M. le président.
La parole est à Mme Borvo, auteur de la question n° 596 rectifiée, adressée à
Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Mme Nicole Borvo.
Madame la secrétaire d'Etat, je souhaite vous interroger de nouveau sur
l'avenir de la gynécologie médicale.
Cette spécialité qui est exercée aujourd'hui par quelque 2 000 spécialistes,
dont près de 90 % de femmes, ne comptera plus, s'il n'est pas remédié à la
situation actuelle, que 1 000 représentants en 2015 et 500 en 2020. Ces
praticiennes suivent à l'heure actuelle 60 % de nos concitoyennes et sont pour
beaucoup dans la prévention des cancers féminins et le développement de la
contraception.
Des centaines de milliers de femmes ont signé - ce qui n'est pas courant - une
pétition tendant à maintenir cette spécialité, qu'elles considéraient comme
acquise au même titre que la contraception et l'IVG. Elles s'insurgent avec
raison contre tout système inspiré des régimes anglo-saxons, dans lequel la
patiente ne consulte pas directement son gynécologue, où elle lui est adressée
par un généraliste.
C'est à la lumière de ces faits qu'il faut évaluer les propositions issues du
groupe de travail constitué à la suite de ma question orale avec débat du 15
juin dernier par votre prédécesseur, M. Bernard Kouchner, et les engagements du
ministère à ce sujet. Ils constituent indéniablement quelques progrès, en ce
qui concerne l'enseignement de la gynécologie médicale notamment.
L'introduction d'un diplôme d'études spécialisées complémentaires en
gynécologie médicale, le DESC, au cours du DES, le diplôme d'études
spécialisées, se veut une réponse à la situation que nous connaissons.
Mais quelques interrogations fortes subsistent, à l'heure actuelle, quant aux
modalités pratiques de mise en oeuvre de cette formation. M. Kouchner notait
fin mai qu' « il faudrait, pour renouveler les gynécologues médicaux en voie
d'extinction progressive, qu'au moins un tiers des internes s'orientent vers la
seule gynécologie médicale et la médecine de la reproduction. »
Quelles sont les mesures concrètes que propose le Gouvernement aujourd'hui
pour tenir ses engagements ?
En ce qui concerne les enseignants gynécologues médicaux, il est peu question
de postes de praticiens hospitaliers, seule garantie d'un enseignement de
qualité et surtout durable. Pouvez-vous m'apporter des précisions à ce sujet
?
Quant à la garantie que toutes les femmes restent libres de consulter
directement leur gynécologue, ne risque-t-elle pas de rester un voeu pieu si la
mise en place du médecin référent a pour effet de différer les consultations ou
de les encadrer ?
A ce sujet, le journal
Libération
du 20 octobre dernier vous prêtait
les propos suivants : « Il est tout à fait imaginable que, chez les femmes qui
optent pour un médecin référent, une convention soit ajoutée leur ouvrant le
droit de voir directement un gynécologue médical ». Pourriez-vous me donner des
précisions à ce sujet ?
Je vous remercie de m'apporter des réponses à toutes ces interrogations.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Madame la sénatrice,
j'apprécie de pouvoir apporter aujourd'hui des précisions sur l'évolution du
dossier de gynécologie médicale. Je sais que les femmes sont attachées à ce
service de santé publique et qu'elles ont été légitimement émues par
l'information selon laquelle ce secteur serait voué à la disparition.
Je viens réaffirmer ici, comme l'a fait Bernard Kouchner, comme l'a fait
Nicole Péry, comme j'ai eu l'occasion de le faire moi-même devant l'Assemblée
nationale, que l'objectif du Gouvernement en matière de gynécologie est simple
: toutes les femmes doivent pouvoir bénéficier de prestations de qualité. Il
importe donc qu'il y ait un nombre suffisant de médecins bien formés pour
répondre à leurs besoins.
Par ailleurs, nous avons l'intention de développer la formation générale des
médecins généralistes, de telle sorte que l'ensemble des médecins de notre pays
soit sensibilisé à la santé des femmes et aux procédures de prévention liées à
ce secteur de santé public particulier.
Pour en revenir à la gynécologie médicale, je rappelle les décisions que le
Gouvernement a prises à cet effet.
Dès 1998, il a été décidé d'individualiser des heures de formation et
d'augmenter le nombre d'internes dans le cursus de formation de gynécologie
obstétrique et médicale pour pallier le déficit dû à la démographie médicale
que nous constations et qui était prévisible pour les vingt années à venir.
Cette année, 111 internes en gynécologie obstétrique et médicale ont été
formés ; 140 le seront l'an prochain. Cette augmentation très importante
résulte d'un choix politique clair ; celui de valoriser certaines orientations
là où les besoins se font sentir : gynécologie médicale et obstétrique,
pédiatrie d'une part, anesthésie-réanimation, psychiatrie et biologie d'autre
part. En effet, il n'y a pas que la gynécologie médicale qui souffre d'un
déficit démographique.
Les modalités de choix de cette filière sont les mêmes que pour toutes les
autres filières : elles dépendent du rang de classement de l'interne, de son
choix personnel et de la région qu'il préfère. A l'intérieur de cette filière,
il y a une liberté de choix. Nous avons observé que, dès à présent, un tiers,
voire la moitié, des internes, selon les années, se dirigent vers la
gynécologie médicale. Nous n'avons aucune raison de penser que cela changera
dans les années qui viennent. Alors que nous aurons atteint un nombre
d'internes de 200, nous comptons former une centaine de gynécologues médicaux
par an, soit le nombre de gynécologues qui étaient formés avant 1984,
c'est-à-dire avant la révision du CES.
Par ailleurs, nous avons fait des propositions à la suite de réunions de
travail qui ont eu lieu sur l'initiative du secrétariat d'Etat à la santé.
Pour répondre à la demande d'un enseignement plus satisfaisant de la
gynécologie médicale, nous avons proposé d'individualiser 200 heures de
formation théorique dans le cadre d'un DESC - vous l'avez évoqué, madame la
sénatrice - intégré aux deux dernières années du DES et validé par un titre
officiel qui reconnaîtra cet effort de formation complémentaire.
Vous m'interrogez, madame la sénatrice, sur la façon dont cet enseignement
sera dispensé ; je sais que c'est là une préoccupation de l'association des
gynécologues. Mais, depuis les années soixante-dix, les facultés ont une
certaine autonomie dans la gestion des programmes de formation. Je vous
rappelle également que l'arrêté concernant l'ancien CES ne précisait pas le
nombre d'heures théoriques de formation. En moyenne, cela correspondait à 150
heures, mais aucune contrainte particulière n'était imposée aux facultés.
Aujourd'hui, nous proposons 200 heures de formation et nous envisageons d'être
beaucoup plus directifs en prenant un arrêté conjoint avec l'éducation
nationale. Mais le ministre ne peut pas être derrière chaque enseignant ou
chaque responsable de formation pour vérifier qu'il fait bien ce qu'on attend
de lui. Il faut également faire évoluer les choses grâce à un dialogue avec les
étudiants.
Les professionnels doivent assumer leurs responsabilités. A ce titre,
j'attends avec impatience la réponse des gynécologues médicales quant au
programme exact de l'enseignement qu'elles souhaitent. Pour l'instant, ce sont
elles qui retardent la mise en oeuvre du programme qui a été élaboré par ce
groupe de travail et qui a fait l'objet d'un avis favorable de l'ensemble des
collèges de gynécologues.
Quant aux médecins référents, sur lesquels vous m'interrogez une nouvelle
fois, je rappelle que personne n'est obligé de passer une convention avec l'un
d'eux.
Et si une femme souhaite signer ce type de convention, elle peut faire
inscrire dans son contrat la possibilité de faire appel à un gynécologue de son
choix à un rythme convenu.
Elle peut, de toute manière, consulter tout médecin de son choix. La seule
contrainte, alors, est de payer la consultation et de se faire rembourser par
la sécurité sociale, ce qui est le cas pour 90 % des personnes qui consultent
un médecin aujourd'hui.
Je répète donc que la disparition et de la gynécologie médicale et de l'accès
aux gynécologues médicaux n'est en aucune façon envisagée, et que je suis prête
à mettre en place, dès 2000, le nouveau système de formation si les
gynécologues médicaux veulent bien déterminer avec nous le programme de
formation qu'ils souhaitent.
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Je remercie Mme la secrétaire d'Etat, mais je ne peux lui répondre à la place
des gynécologues médicales elles-mêmes.
J'ajouterai simplement qu'il serait dommage, au moment où les connaissances en
gynécologie médicale progressent fortement, que cette spécialité ne soit pas
vraiment reconnue comme telle au cours des études universitaires.
Il serait bon que les pouvoirs publics affirment leur volonté politique de
sauver cette spécialité, de la défendre, puisque c'est une spécialité
française, et d'inciter les étudiants à s'y inscrire et à en suivre
l'enseignement.
Concernant le médecin référent, j'ai bien entendu ce que vous avez dit, mais
il serait bon de préciser que les femmes qui signeront une convention avec un
médecin référent - on sait bien que ce sont celles qui éprouveront le plus de
difficultés à faire l'avance des frais médicaux - pourront néanmoins continuer
à consulter leur gynécologue médical.
POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE
CAUSÉE PAR LES AUTOMOBILES
M. le président.
La parole est à M. Delfau, auteur de la question n° 598, adressée à Mme le
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Gérard Delfau.
Je souhaite attirer l'attention de Mme la ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement sur l'aggravation de la pollution
atmosphérique causée par la circulation automobile dans de nombreuses villes, y
compris du sud de la France, et de l'impact sur la santé de nos concitoyens de
cette politique du « tout urbain » qu'engendre la course au gigantisme de
quelques métropoles régionales.
Le fait nouveau est que, désormais, des communes de moyenne importance, voire
des villages, sont atteints par les retombées de cette pollution et subissent
ainsi un dommage consécutif à des décisions prises ailleurs.
Je souhaite illustrer ce constat général par un cas particulier.
L'agglomération montpelliéraine vient de connaître sa troisième alerte, le 10
septembre dernier, de pollution au niveau 2, avec les risques d'affections
pulmonaire et respiratoire qui en sont la conséquence.
Plus étonnant, il y a extension de la pollution à trente kilomètres à la
ronde, c'est-à-dire bien au-delà de l'actuelle agglomération. Sont atteints des
villages et des communes moyennes qui ont su préserver par ailleurs leur cadre
de vie.
Or, depuis trente ans, la Délégation à l'aménagement du territoire et à
l'action régionale, la DATAR, poursuit une politique de métropoles régionales,
appelées autrefois Europoles ou Eurocités, qui pousse à la concentration de
population, tout comme d'ailleurs certaines dispositions financières et
réglementaires de la récente loi instituant les communautés d'agglomération.
Dès lors, la municipalité de Montpellier se sent encouragée à accélérer sa
politique d'expansion vers le sud et d'urbanisation à outrance. Une « troisième
ville » et un gigantesque parc commercial et d'attractions sont annoncés, sous
le nom d'Odysseum.
Je ne pense pas que cela soit compatible avec la doctrine de votre ministère
et le combat pour le développement durable que vous incarnez !
Je reviens maintenant à la question dans sa généralité.
Je souhaiterais savoir, madame la ministre, si, dans le cadre de la
négociation sur le contrat de plan, vous avez donné des instructions à
l'ensemble des préfets pour que soient conciliées les préoccupations liées à
l'environnement, à l'écologie et à la santé publique avec celles qui sont
relatives à l'aménagement du territoire.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le sénateur, la circulation automobile en ville est à l'origine de pollutions
dont les effets se font ressentir bien au-delà des centres-villes.
Comme vous l'avez dit, le phénomène se produit même au sud de la France, dans
des villages et des villes moyennes, dans des régions de plus en plus
étendues.
Ainsi, c'est dans la forêt de Fontainebleau que l'on constate les pics de
pollution les plus importants, alors que l'on pourrait imaginer que
l'agglomération parisienne serait davantage concernée.
L'explication est simple : en période estivale, notamment, quand le temps est
chaud et sec, des stocks importants de précurseurs de l'ozone, les oxydes
d'azote, s'accumulent pendant des jours avant que soient dépassés les
fatidiques pics de pollution. Quand la transformation en ozone s'opère, il est
alors beaucoup plus difficile de prendre des mesures efficaces pour la santé
humaine et pour l'environnement.
L'ozone présente en effet de vrais risques pour la santé. Or, chaque été, les
mesures de la qualité de l'air montrent une augmentation sensible de son taux
de présence dans l'air pendant de longues périodes.
Si nos habitudes ne changent pas, une augmentation du trafic automobile de
l'ordre de 60 % est à prévoir dans les agglomérations de plus de 30 000
habitants, dans les vingt ans à venir.
J'ai pris l'initiative d'une journée de sensibilisation à cette question, la
journée « En ville sans ma voiture », qui a parfois été mal comprise. Il ne
s'agit évidemment pas de traiter le problème un seul jour par an. Il s'agit de
faire en sorte que chacun s'interroge sur ses habitudes de déplacement, sur les
alternatives à l'automobile qui sont offertes aux citoyens.
L'opération a été menée dans soixante-six ville françaises, cette année, et 83
% des citadins se disent prêts à participer au renouvellement de cette
opération, qui est vécue de façon très positive, en dépit des réactions de tel
ou tel média parisien.
Reste à établir de nouvelles règles de partage de la voirie entre les
différents usagers.
Les dispositions de la loi sur l'air relatives aux plans régionaux pour la
qualité de l'air - PRQA - et aux plans de déplacements urbains - PDU - ont
constitué une première approche décisive pour contrecarrer la tendance
actuelle. L'ensemble des agglomérations de plus de 100 000 habitants devront
avoir approuvé leur PDU au 30 juin 2000. Ces PDU ont pour vocation de limiter
la croissance du trafic automobile grâce au développement des modes de
transport alternatifs et à un meilleur partage de la voirie.
Mais ces mesures ne produiront effet que si elles sont accompagnées de
politiques à long terme destinées à limiter l'extension urbaine et le
tout-automobile. Les politiques d'habitat, d'urbanisme, d'implantation
commerciale, de localisation des activités industrielles sont quelques-uns des
leviers essentiels à actionner pour cela.
Les futurs contrats de plan 2000-2006 comportent deux dispositions
essentielles de ce point de vue.
Je citerai d'abord la priorité accordée au transport ferroviaire et le
quintuplement prévu des moyens correspondants. Grâce à cela, des transports
ferroviaires de voyageurs de proximité, intercités et périurbains, pourraient
être développés dans les grandes agglomérations et régions urbaines qui en ont
vraiment besoin. Simultanément, les crédits routiers resteront stables.
Par ailleurs, les futurs contrats d'agglomération ou de pays inclus dans les
contrats de plan Etat-régions auront également vocation à favoriser le
traitement à la bonne échelle des questions d'aménagement et de développement
urbain ainsi que de déplacement.
Ce cadre doit permettre la définition de politiques de développement plus
durables, plus solidaires à l'échelle qui convient, en se rapprochant le plus
possible du bassin de vie quotidienne. Le problème de la maîtrise de la
mobilité doit être abordé à cette échelle.
A plus long terme, le schéma de services collectifs de transports mis en place
par la loi d'orientation d'aménagement et de développement durable du
territoire vise à réorienter durablement la réponse aux besoins de services de
transport vers les modes ferroviaires et collectifs. Ce rééquilibrage porte non
seulement sur les infrastructures, mais aussi sur les règles sociales et les
coûts.
J'ai bien conscience, monsieur le sénateur, de ne pas avoir répondu
complètement à votre demande. Il est vrai que la précaution prise dans cette
réponse veille à éluder une dimension importante du problème, à savoir la
disponibilité des présidents de région à signer des contrats qui ne
prévoieraient pas, au minimum, le renouvellement des crédits routiers et à
s'intéresser à la façon dont il est répondu aux besoins ressentis par la
population en termes de service public, notamment.
Je dois dire qu'il est extraordinairement difficile de sortir du cadre convenu
et traditionnel des contrats de plan et d'aborder des politiques différentes.
Les contrats de ville s'y essaient, tout en faisant encore la part très belle à
la dimension sociale des problèmes de la ville et en sous-traitant encore les
problèmes d'urbanisme, d'habitat et de localisation des activités.
C'est un chantier qu'il nous faudra aborder de façon plus résolue. Je ne doute
pas que le projet de loi auquel travaillent MM. Jean-Claude Gayssot et Louis
Besson, provisoirement intitulé « urbanisme, habitat, transport », nous
permettra d'avancer dans cette direction.
M. Gérard Delfau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Madame la ministre, je vous remercie des indications que vous m'avez
données.
Vous avez rappelé que la politique du Gouvernement en matière de transports
ferroviaires et de mise en place de pays ou de contrats de ville devrait
permettre d'assurer un meilleur équilibre entre les différentes parties de
notre territoire.
Permettez-moi toutefois de faire deux observations.
En premier lieu, votre initiative, que j'approuve, de décider d'une journée
sans voiture a parfois abouti à une désolante manifestation de
politique-spectacle au cours de laquelle on a pu voir certains élus juchés sur
des bicyclettes, alors que la veille et le lendemain ils prenaient des arrêtés
d'extension de leur agglomération. Cette pratique est, bien évidemment, pour le
citoyen, le contraire du respect de la politique.
En second lieu, vous n'avez pas voulu ni pu entrer dans le débat de fond que
j'ai amorcé sur les métropoles régionales et la concentration urbaine.
Permettez-moi de dire malicieusement que, vos obligations étant ce qu'elles
sont, je me suis un peu fait le porte-parole de l'écologie en la matière, ce
qui n'est pas inutile sans doute dans notre assemblée, ni au Parlement en
général.
Nous avons vécu, y compris dans cette assemblée, des outrances verbales en
faveur de la ruralité. Nous connaissons aujourd'hui le lyrisme lié au
tout-urbain. Il nous faudra bien revenir à une réflexion de fond pour savoir où
nous souhaitons que vivent les hommes et les femmes de ce pays, comment nous
organiserons leur cadre de vie, leur lieu de travail et, d'une façon plus
générale, comment s'équilibrera la France dans le siècle qui vient.
DÉNEIGEMENT DES ROUTES PAR LES AGRICULTEURS
M. le président.
La parole est à M. Cornu, auteur de la question n° 582, adressée à M. le
ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Gérard Cornu.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'article 10
de la loi d'orientation agricole dispose que les agriculteurs peuvent apporter
leur concours aux communes et aux départements pour le déneigement des routes
départementales et communales en utilisant des lames montées sur leur propre
tracteur, et ce dans des conditions définies par décret.
En fait, cet article 10 est la conséquence d'un amendement que j'avais défendu
lors de la discussion de la loi d'orientation agricole, amendement qui fut voté
à l'unanimité des groupes de notre assemblée ; certains, ici présents, s'en
souviennent sûrement.
Pourquoi avions-nous adopté cet amendement ? Tout simplement parce qu'un
décret imposait aux agriculteurs qui, pour déneiger les routes départementales
et communales, utilisaient leur propre tracteur d'être titulaires du permis de
conduire « poids lourd », de soumettre lesdits tracteurs au contrôle des
services des mines et, de surcroît, d'utiliser du carburant taxé, ce qui
impliquait de siphonner le réservoir pour changer de carburant. Vous imaginez
aisément, madame la ministre, la neige arrivant, l'inconvénient de telles
manipulations !
Finalement, aucun maire ne pouvait plus faire appel à un agriculteur pour
déneiger les routes et désenclaver son village.
L'hiver approche. Quatre mois après la promulgation de la loi d'orientation
agricole, à ma connaissance, aucun décret n'a été publié pour réellement
permettre aux agriculteurs de déneiger les routes.
Ma question, très simple, est la suivante : si un maire fait appel à un
agriculteur pour déneiger les routes communales, l'agriculteur qui ne
posséderait pas son permis de conduire « poids lourd » ou qui n'aurait pas
soumis son tracteur au contrôle des services des mines sera-t-il en infraction
?
Vous le voyez, ma question est très simple. J'espère que vous y répondrez très
concrètement.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le sénateur, la version écrite de votre question n'était pas formulée d'une
façon aussi trivialement concrète. Je tenterai néanmoins de vous livrer la
réponse que M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, retenu
par le Conseil agricole à Bruxelles, ne peut, hélas ! vous apporter
lui-même.
L'article 10 de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole, que
vous avez cité, permet aux exploitants agricoles, au sens de l'article L. 311-1
du code rural, d'assurer le déneigement des routes à la double condition que
l'exploitant agricole apporte son concours exclusivement aux communes et aux
départements et que le véhicule utilisé soit équipé d'une lame fournie par
lesdites collectivités, ce qui implique que ces dernières engagent leur
responsabilité dans l'utilisation qui en est faite.
L'objet de cette mesure d'application directe est de permettre aux communes et
aux départements de faire appel aux exploitants agricoles pour déneiger les
voies dont la gestion rélève de leur autorité.
Cette participation doit garder un caractère accessoire dans l'activité de
l'exploitant. Elle ne doit, ni pas son objet ni par son ampleur, créer une
concurrence déloyale à l'encontre des entreprises du secteur concurrentiel qui
assurent le déneigement à l'aide d'engins de service hivernal.
Cette activité est soumise aux mêmes règles que celles qui régissent
l'exercice de l'activité agricole, notamment celles qui sont relatives au droit
de conduire des véhicules.
Ainsi, les conducteurs bénéficient de la dispense du permis de conduire prévue
par les articles R. 138, R. 167-1 et R. 167-2 du code de la route, s'agissant
de véhicules attachés à une exploitation agricole.
Bien entendu, en application des dispositions de l'article R. 233-1 du code de
la route et de l'arrêté du 18 novembre 1996, les véhicules des exploitants
agricoles utilisés à cet effet seront réceptionnés par les services des mines
comme tous les véhicules équipés pour le service hivernal, afin que l'on puisse
vérifier leur conformité aux règles relatives à la sécurité des véhicules et
des personnes. La date de mise en conformité, prévue au 1er janvier 2000, a été
repoussée au 1er octobre 2000 afin de permettre aux agriculteurs concernés
d'effectuer cette formalité pour la campagne 2000-2001. C'est dans ces termes
exacts que la circulaire fixera l'application du texte législatif.
M. Gérard Cornu.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu.
Madame la ministre, je vous remercie de me livrer la réponse du ministre de
l'agriculture et de la pêche. En fait, c'est une demi-satisfaction, car, si
j'ai bien compris, les agriculteurs seront dispensés de permis « poids-lourd »
; ce qui est déjà un grand progrès.
Reste le passage obligé aux services des mines, sans parler du changement de
carburant, qui imposera le siphonnage des réservoirs. En pratique, le
déneigement continuera, je pense, comme par le passé.
Mais, encore une fois, une étape importante a été franchie, et les maires
pourront faire appel, comme ils le faisaient auparavant, aux agriculteurs pour
déneiger leurs routes et pour désenclaver leurs villages, ce qui est un vrai
soulagement.
Je vous remercie donc tout de même de cette réponse, sûr qu'elle satisfera les
nombreux maires qui ont été embarrassés par le décret précédent.
FINANCEMENT DE L'OFFICE NATIONAL DES FORÊTS
M. le président.
La parole est à M. Richert, auteur de la question n° 585, adressée à M. le
ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Philippe Richert.
Ma question, monsieur le président, aurait très bien pu s'adresser à Mme le
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, ici présente,
puisqu'elle concerne l'ONF et la gestion des biens que la nation donne à l'ONF
pour gestion.
Je souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la
pêche sur les difficultés que rencontre l'Office national des forêts pour
assurer financièrement toutes les fonctions qui lui sont dévolues.
La mission de l'ONF ne se limite pas, en effet, nous le savons bien, à
l'exploitation du bois. Il lui appartient également de gérer un patrimoine
confié par la nation, en assurant, sur les domaines qui lui sont confiés, la
préservation du « capital bois », certes, mais aussi la protection de
l'environnement - eau, sol, espèces et milieux naturels - ainsi que l'accueil
du public.
Ces multiples fonctions, non rémunératrices et coûteuses, ne peuvent plus être
financées de manière optimale par les seules recettes de la vente du bois.
C'est le cas, en particulier, en Alsace, région dotée d'une grande richesse
écologique et dont les forêts sont très fréquentées par les promeneurs et les
randonneurs. Or, l'intérêt général et celui des générations futures commandent
de se préoccuper de la gestion à long terme du patrimoine forestier.
L'insuffisance des moyens d'entretien des infrastructures est particulièrement
dommageable en ce qui concerne les routes forestières : certaines, très
fréquentées, se dégradent en effet faute d'entretien suffisant, créant un
problème de sécurité publique sérieux. Les sujétions que leur éventuelle
fermeture occasionnerait aux usagers et à l'activité socio-économique de la
région excluent par ailleurs le recours à cette solution extrême, qui serait
d'ailleurs inacceptable.
Aussi, afin de permettre à l'ONF d'assurer un entretien suffisant des routes
domaniales, il est nécessaire que les crédits qui lui seront alloués dans le
budget 2000 soient substantiellement augmentés dans la mesure où, en 1999, tous
les crédits correspondants avaient été supprimés.
Je voudrais donc savoir si le Gouvernement envisage d'augmenter de façon
sensible les crédits d'entretien routier de l'ONF. Si tel n'était pas ce cas,
ce réseau connaîtrait une dégradation très grave et très rapide.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
La mission
de l'Office national des forêts en ce qui concerne les forêts qui sont confiées
à sa gestion, que ce soient celles de l'Etat ou celles de collectivités
territoriales, recouvre en effet des objectifs beaucoup plus larges, visant,
d'une part, à l'adaptation et au développement de la filière bois et, d'autre
part, à la préservation et à la valorisation du patrimoine écologique prenant
en compte la biodiversité, les paysages et la prévention des risques
majeurs.
Il est exact que les volets respectivement environnemental et récréatif de la
gestion durable qu'il est demandé à l'ONF de mettre en oeuvre n'occasionne
aucune recette et qu'ils ont été financés jusqu'à présent à partir des recettes
dont la source est liée aux ventes de bois. C'est dans cet esprit d'équilibre
des recettes et des dépenses d'une gestion forestière dont le caractère
multifonctionnel a été affirmé dès le début que l'Etat a mis en place cet
établissement public à caractère industriel et commercial qu'est l'ONF.
L'ONF ne reçoit donc aucun crédit de l'Etat pour aucuns travaux
d'investissement ou d'entretien que ce soit, ceux-ci étant financés dans le
cadre du budget annuel de l'établissement à partir des recettes de ventes de
bois.
Il est vrai que, la demande sociale en matière tant d'environnement que
d'accueil du public s'accroissant en maints endroits, les contraintes de
gestion posent réellement la question de l'identification d'un financement
complémentaire propre à ne pas grever exagérément les recettes de
l'établissement. Cela est d'ailleurs tout aussi vrai pour ce qui concerne la
forêt privé.
Dans le cas particulier que vous évoquez, monsieur le sénateur, le surcoût
entraîné par la fréquentation touristique importante sur certaines routes
forestières qui ne peuvent être fermées à la circulation pour les raisons que
vous évoquez peut-être financé de deux façons qui ne sont pas exclusives l'une
de l'autre.
Le financement peut résulter, d'une part, de la réserve créée par le précédent
contrat d'objectifs entre l'Etat et l'ONF sur le résultat net de
l'établissement, en vue de l'amélioration du patrimoine forestier domanial pour
l'accueil du public, d'autre part, d'une contribution des collectivités
territoriales intéressées au maintien et au développement de la fréquentation
forestière par un public en majeure partie d'origine locale.
M. le ministre de l'agriculture retenu, je l'ai dit, à Bruxelles par le
Conseil agricole, croit sincèrement que ce financement des enjeux
environnementaux et récréatifs mérite la mise en oeuvre d'un partenariat
financier entre l'Etat et les collectivités. A cet effet, l'avant-projet de loi
de modernisation forestière, que M. Glavany vient de transmettre au Premier
ministre et qu'il vous reviendra d'examiner, prévoit la mise en place d'une
convention territoriale liant les collectivités, les associations et l'Etat
afin de rétribuer ces fonctions récréatives.
M. Philippe Richert.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert.
Permettez-moi, tout d'abord, de remercier madame la ministre de sa réponse,
qui, pour partie au moins, m'apporte satisfaction. Néanmoins, je voudrais très
rapidement redire combien la situation devient tendue.
En effet, depuis des années maintenant, ce réseau routier n'est plus
entretenu, de sorte que les routes forestières sont complètement défoncées. Les
générations précédentes, pendant des décennies, ont assumé, d'abord, sa
création, puis son entretien. Or, aujourd'hui, alors que nous tenons de plus en
plus compte, dans une vision transversale, de la mission sociale de la forêt,
on ne fait plus qu'exploiter le bois de façon purement commerciale.
J'ai beaucoup de mal à comprendre cette démarche de l'ONF, qui répond à une
demande du Gouvernement, et je souhaiterais que cette mission sociale de la
forêt ainsi que la conservation du patrimoine donné en gestion par la nation
soit prises en compte de façon beaucoup plus large.
Quant au concours des collectivités, il m'est très difficile d'imaginer que
cette mission sociale dont je parlais à l'instant ne puisse pas être assumée
par le budget de la nation et je souhaiterais, au moins pour l'an 2000, que le
nécessaire soit fait afin que ce patrimoine ne continue pas à se dévaloriser, à
se dégrader comme c'est le cas actuellement.
Je vous remercie néanmoins de cette première approche, madame la ministre, et
j'espère que nous aurons l'occasion, les uns et les autres, de la parfaire afin
que ce patrimoine forestier garde toute sa valeur, non seulement en ce qui
concerne le bois, non seulement en ce qui concerne l'environnement, mais
également en ce qui concerne un réseau routier qui a été péniblement mis en
place par les générations précédentes.
SITUATION SCOLAIRE DANS LE VAL-D'OISE
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 597, adressée à M. le
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Madame la secrétaire d'Etat, le Val-d'Oise devient département sinistré dans
les domaines de la formation et de l'éducation. Les résultats sont là, publiés
d'ailleurs par les services du ministère eux-mêmes.
Ainsi, le taux de réussite au BEPC est de 60 % - le Val-d'Oise est classé
quatre-vingt-quinzième sur quatre-vingt-quinze, lanterne rouge de tous les
départements français - contre 72 % au plan académique et 76 % au plan
national.
Les résultats au baccalauréat sont médiocres ; le taux d'orientation en classe
de seconde est en diminution régulière ; le nombre d'élèves perdus de vue est
en augmentation.
En revanche, la scolarisation des enfants de deux ans a reculé, passant de 30
% à 16 % en quinze ans. Les effectifs sont angoissants, puisque les écoles
maternelles ont accueilli à la rentrée 2 785 élèves contre 6 000 il y a quinze
ans. Qu'est devenu le modèle français de l'école maternelle ?
Entre 1998 et 1999, six cents conseils de discipline se sont réunis, contre
quatre cent-cinquante l'année précédente, pour prononcer de nombreuses
exclusions. La délinquance a augmenté de 50 % chez les élèves de douze à
dix-huit ans, mais de 80 % pour ceux de dix à douze ans.
Ce constat est grave, encore alourdi par le fait que les évaluation faites au
niveau des cours élémentaires placent le département dans une moyenne
nationale. La rupture, puis le retard, enfin la marginalisation, parfois
l'exclusion du système se produisent entre dix ans et seize ans, soit
précisément quand l'école doit jouer son rôle.
M. le ministre ne nie pas cette situation puisque, le 12 octobre dernier, ici
même, il déclarait : « Vous le savez, il y a eu un plan spécial pour la
Seine-Saint-Denis, un plan spécial pour les DOM-TOM. Aujourd'hui, nous
procédons à des réajustements au sein et hors de ces départements, par exemple
en Seine-et-Oise et dans d'autres départements de la banlieue parisienne, où
nous nous efforçons d'établir une véritable égalité des chances. » M. le
ministre pensait très certainement au Val-d'Oise, la Seine-et-Oise ayant
disparu en 1967 !
(Sourires.)
D'après les estimations faites, globalement, le retard serait de 20 % dans
tous les domaines. Ce sont d'ailleurs les chiffres qui vous ont servi de base
pour définir de nouveaux réseaux d'enseignement prioritaire, madame la
secrétaire d'Etat.
Cette situation était prévisible ; je vous renvoie sur ce point à l'analyse
faite, l'année précédente, par l'inspection académique. Elle était inévitable,
sauf à prendre des mesures nouvelles que nous attendons toujours.
Cette situation est aussi la conséquence d'une histoire sociale qui a vu le
Val-d'Oise devenir le champ d'expérimentation des grands ensembles, le lieu de
naissance et de développement de ces véritables territoires appauvris
économiquement et culturellement dont fait état M. le préfet de région dans son
document : « Stratégie de l'Etat pour l'an 2000 ».
D'ailleurs, la justice, la culture et la sécurité ne sont pas mieux loties
dans mon département.
Cette fois, le mal est devenu profond, suscitant l'émotion de nombreux parents
d'élèves, qui agissent et proposent des solutions, à ce jour toutes rejetées.
Pourtant, ces dernières prennent en compte les besoins véritables, comme ceux
des écoles très défavorisées, telle l'école Molitte à Gonesse ou l'école
Lelong, qui se voient refuser l'ouverture d'une classe.
Un plan, ainsi que des moyens de rattrapage et de redressement, s'impose donc.
Je vous propose de le mettre en discussion dans toutes les structures
scolaires, avec la participation de tous les acteurs de la communauté scolaire
: ce serait là une réponse à l'appel à la mobilisation lancé par M.
l'inspecteur d'académie.
Ce plan des 20 % pourrait commencer à être appliqué sans attendre, et ce ne
sont pas les trois ministres val-d'oisiens, M. Strauss-Kahn, Mme Gillot et M.
Richard, qui s'en plaindront, je pense ! Je vous propose donc un plan prévoyant
les mesures suivantes : tout d'abord, la nomination de tous les personnels sera
enfin effective à la rentrée de Toussaint ; certaines nominations ne sont en
effet toujours pas intervenues ; par ailleurs, les réseaux d'éducation
prioritaires, les REP, qui concernent 33 % des élèves, doivent disposer de
moyens nouveaux et non d'une simple étiquette ; la résorption de la surcharge
des effectifs dans les collèges passe par la programmation de quatre nouveaux
établissements ; un plan nouveau de développement de l'école maternelle, avec
un engagement de l'Etat, sera mis sur pied pour une aide efficace à ce niveau ;
des mesures de remise à niveau allant bien au-delà des classes-relais pour les
écoles à niveau scolaire faible seront recherchées ; de nouveaux postes de
psychologues, d'assistantes sociales, d'infirmières et de médecins scolaires
doivent répondre aux besoins de santé scolaire et d'action contre la drogue.
Pour les grilles de calcul du nombre de postes, l'effectif de vingt élèves par
classe doit devenir un enjeu, un objectif pour un travail efficace dans
l'immédiat, des mesures doivent être prises pour des écoles à niveau scolaire
faible, quels que soient les effectifs. L'avenir d'une école - vous le savez
bien, madame la ministre - ne se résume malheureusement pas à une simple règle
de trois.
Je ne sais pas s'il faut également motiver de nouveaux « hussards noirs de la
République » pour venir dans le Val-d'Oise. Je vous signale tout de même que le
Val-d'Oise, pourtant bien situé en Ile-de-France, fait l'objet annuellement de
350 à 400 demandes d'
exeat
pour une dizaine de demandes d'arrivée.
Madame la ministre, nous avons eu le plan pour la Seine-Saint-Denis et le plan
pour les DOM-TOM ; nous vous demandons maintenant d'engager le plan pour le
Val-d'Oise.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre délégué.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
Madame la sénatrice,
vous venez d'appeler mon attention sur la situation scolaire dans le
département du Val-d'Oise.
Si je reconnais que ce département est difficile, je n'irai pas jusqu'à le
qualifier de « sinistré ». Je considère, en effet, que nous n'avons pas le
droit de stigmatiser certains départements ni de décourager les équipes
enseignantes en utilisant un vocabulaire aussi négatif. Comme vous le savez, je
me suis rendue récemment dans un collège de Sarcelles. Je puis témoigner ici de
la qualité du travail des équipes pédagogiques et de la façon dont elles se
battent tous les jours pour la réussite scolaire de leurs élèves.
Le département du Val-d'Oise est difficile parce que la population y est très
jeune : 31 % des habitants ont moins de vingt ans. En outre, la diversité
culturelle y est très grande.
Mais ce n'est pas pour autant que l'école de la République y baisse les bras.
Au contraire, elle fait face et prend en compte ces données, qui sont en effet
de nature à renforcer la difficulté mais aussi le caractère passionnant du
travail éducatif dans ces établissements scolaires. Au total, ces indicateurs
se retrouvent d'ailleurs dans la forte proportion d'élèves scolarisés en
réseaux et en zones d'éducation prioritaires.
Bien évidemment, les résultats scolaires doivent à tous les niveaux pouvoir
être améliorés. Pour y contribuer, en concertation avec les partenaires de
l'école, de nombreux chantiers sont actuellement ouverts concernant, en
particulier, la scolarisation des enfants de deux ans dans les zones
d'éducation prioritaires, le développement de l'éducation prioritaire, celui
des nouvelles technologies de communications à l'école - le Val-d'Oise
bénéficie à cet égard d'un plan particulier - et, enfin, un travail exemplaire
sur les relations école-famille.
C'est ainsi que des avancées significatives ont été opérées lors de cette
rentrée : 300 élèves âgés de deux ans sont scolarisés en plus par rapport à
l'année dernière. Les élèves en difficulté sont mieux pris en compte : alors
que, l'année précédente, 17 % des élèves étaient en zone d'éducation
prioritaire, ils sont aujourd'hui 33 % en réseau d'éducation prioritaire ;
autrement dit, un élève sur trois dans le département du Val-d'Oise bénéficie
des moyens supplémentaires de l'éducation prioritaire. En outre, vingt-huit
modules d'apprentissage accéléré du français ont été mis en place dans les
collèges pour prendre en charge les primo-arrivants.
Le département du Val-d'Oise a donc bénéficié de moyens exceptionnels, et
d'ailleurs de la même attention de ma part et des mêmes moyens que le
département de Seine-Saint-Denis. Les futurs états généraux des réseaux et des
zones d'éducation prioritaires, qui auront lieu au mois de juin, permettront de
dresser le bilan tant de l'investissement éducatif dans les endroits les plus
difficiles, que de la réussite des élèves, qui est à la clé ; c'est bien de
cela en effet qu'il s'agit.
Le département du Val-d'Oise, comme d'autres départements de la région
parisienne qui sont en situation délicate dans la mesure où ils doivent
accueillir des élèves jeunes et à forte diversité culturelle, fera l'objet
d'une mobilisation particulière au niveau à la fois des contrats de réussite de
chaque réseau d'éducation prioritaire et des pôles d'excellence : chaque
collège et chaque réseau d'éducation prioritaire dans ces départements
bénéficieront d'un partenariat avec un centre de matière grise, que ce soit une
grande école, un centre culturel de haut niveau, des écoles d'ingénieurs, des
entreprises.
Il y a donc, s'agissant de cet objectif majeur de la réussite des élèves issus
des quartiers populaires, une obligation de résultat que j'ai rappelée
aujourd'hui encore aux inspecteurs d'académie. Le droit à l'excellence doit
désormais être conquis jour après jour avec les équipes pédagogiques qui sont
en première ligne dans ces établissements difficiles et qui, croyez-moi, se
donnent beaucoup et obtiendront, j'en suis sûre, des résultats.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Madame la ministre, oui, le département du Val-d'Oise est un département
difficile ! C'est justement parce qu'il est difficile qu'il faut lui attribuer
des moyens nouveaux. Je connais bien les équipes pédagogiques et je sais les
gros efforts qu'elles font pour faire fonctionner les établissements ; leur
tâche a été particulièrement dure lors de la dernière rentrée dans la mesure
où, dans tous les domaines et pour tous les personnels, des nominations
n'avaient pas encore eu lieu.
Je n'ai rien à dire sur le contenu de votre réponse, madame la ministre : il
s'agit d'une analyse qui constitue un simple survol des problèmes posés au
Val-d'Oise, sans solution nouvelle véritable et sans moyens nouveaux pour la
rentrée prochaine, dont il faut discuter dès maintenant.
J'aurais aimé que vous définissiez un plan beaucoup plus concret et ambitieux.
Ce plan passe par un repérage des secteurs en vraie difficulté. Il concerne un
certain nombre de villes, de quartiers, d'écoles, et là, je pense que les
moyens traditionnels doivent être utilisés, avec des créations importantes de
postes. Plusieurs centaines sont nécessaires dans les différents centres
d'enseignement.
Nous admettons évidemment que cet effort soit inscrit dans un plan, mais nous
souhaitons qu'il connaisse un début d'exécution sans attendre, dès cette année
scolaire, et ce pour envisager un premier rattrapage.
J'aurais aimé également que des efforts immédiats soient faits pour éviter que
de nouveaux retards ne se créent. M. l'inspecteur d'académie connaît bien le
département du Val-d'Oise, ses écoles et les mesures à prendre. Faites-lui
confiance en lui donnant les moyens d'agir sans attendre ! A défaut, madame la
ministre, nous ne pourrons plus garantir ni l'autorité de l'école publique, ni
la paix dans les écoles, ni le comportement des jeunes, ni la confiance des
parents et des enseignants, maintenant que le caractère très difficile de la
situation est reconnu. J'ajoute que, dans un mouvement de révolte, les jeunes
pourraient déstabiliser l'école et la société.
M. Philippe de Gaulle.
Et l'immigration ?
ATTRIBUTION DES AIDES AUX DÉTAILLANTS
EN CARBURANTS EN DIFFICULTÉ
M. le président.
La parole est à M. Robert, auteur de la question n° 580, adressée à M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Jean-Jacques Robert.
Je suis heureux que ce soit vous, monsieur le secrétaire d'Etat, qui répondiez
à ma question. Celle-ci se réfère à un texte adopté sous un gouvenement
précédent - mais je ne cherche pas à provoquer un différend politique. Dans la
continuité du Parlement, je fais appel au gouvernement de la France pour régler
une situation qui accable les plus petits, sans défense et abandonnés à leur
sort.
Face aux prix pratiqués par la grande distribution, la disparition des petites
stations-services détaillantes de carburants se poursuit à un rythme
constant.
En mai et en juin 1996, le Parlement a examiné le projet de loi n° 96-588
relatif à la loyauté et à l'équilibre des relations commerciales, dont j'étais
le rapporteur pour le Sénat. Nous envisagions de soumettre la vente au détail
de carburants au dispositif en vigueur pour réprimer la pratique de prix
abusivement bas.
Ce fut malheureusement impossible, car il est apparu, après discussion avec le
ministère de l'économie et des finances, qu'il s'agissait non pas de vente mais
de revente en l'état. Un compromis fut laborieusement cherché et, après de très
nombreuses discussions, trouvé.
Il fut décidé d'étendre la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, due par
les grandes et moyennes surfaces, aux installations de distribution de
carburants : 60 millions de francs pourraient ainsi être perçus par la caisse
de l'organisation autonome nationale d'assurance vieillesse de l'industrie et
du commerce, l'ORGANIC, et affectés au comité professionnel de la distribution
des carburants, le CPDC, lequel procéderait à la répartition entre les petits
pompistes en difficulté.
J'étais, je vous l'avoue, très réticent sur ce procédé, qui me semblait
inapproprié. Mais il fallait sortir d'une situation de crise, et l'occasion de
traiter ce sujet n'était sûrement pas près de se représenter.
Quelle est la situation après l'adoption de ces dispositions et de ce projet
de loi voté par l'Assemblée nationale et par le Sénat ?
L'article 130 de la loi n° 96-1181 du 30 décembre 1996 a étendu l'assiette de
la taxe. Le décret n° 97-59 du 15 mai 1997 fixe le taux de cette taxe. Deux ans
après l'adoption de la loi, le décret n° 98-112 du 2 mars 1998 établit les
modalités de la répartition en prévoyant un arrêté conjoint du ministre chargé
de l'industrie, du ministre chargé du commerce et de l'artisanat et du ministre
chargé du budget.
Aujourd'hui, que se passe-t-il ? L'ORGANIC collecte depuis mai 1997 cette taxe
spécifique, mais rien ne va aux petits pompistes en difficulté. Si l'argent
entre dans les caisses, en revanche, l'aide n'est pas attribuée aux pompistes
en difficulté.
A mon avis, deux solutions sont possibles : ou bien prendre l'arrêté conjoint
et répartir enfin ces sommes aux bénéficiaires, comme prévu ; ou bien, si ce
n'est pas possible, supprimer l'excédent de la taxe inemployé qui m'apparaît
constituer un prélèvement injustifié. La volonté du législateur, après tant
d'années, devrait se traduire dans les actes. J'aimerais savoir, monsieur le
secrétaire d'Etat, si vous partagez mon sentiment.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur
le comité professionnel de la distribution des carburants, appelé familièrement
le CPDC, dont la vocation - vous l'avez fort bien dit - est d'aider les
détaillants en carburant, particulièrement en zone rurale où leur survie est
difficile, ne serait-ce, comme vous l'avez sous-entendu, que parce que la
concurrence des grandes surfaces leur est très préjudiciable.
Le comité professionnel de la distribution des carburants est habituellement
financé par une taxe parafiscale sur les huiles minérales dont le montant est
de l'ordre de 55 millions de francs.
Puis est venu un nouveau dispositif que vous avez fort bien décrit et dont le
dernier élément est le décret du 2 mars 1998, qui a prévu, en modifiant le
décret constitutif du comité professionnel de la distribution des carburants,
d'affecter à ce dernier une partie de l'excédent de la taxe d'aide au commerce
et à l'artisanat, la fameuse TACA dont vous avez parlé.
Cette taxe, qui résulte elle-même d'une loi de 1972, est collectée, vous
l'avez dit, par l'ORGANIC. Son assiette a été étendue aux pompes à essence des
grandes surfaces par l'article 130 de la loi de finances pour 1997 : c'est ce
que l'on appelle plus familièrement la taxe Galland, du nom d'un de mes
prédécesseurs.
Telle est la situation juridique, que vous avez fort bien rappelée.
On doit donc constater en fin d'année l'excédent de collecte, qui ne peut être
déterminé qu'une fois que l'on a versé les indemnités de départ prévues par la
loi de 1972 et qu'ont été versées les charges de retraite aux artisans.
Cela étant, vous avez raison, monsieur le sénateur, un arrêté est nécessaire
pour fixer le montant de la part de cet excédent à verser au CPDC. Je peux vous
dire au nom du Gouvernement que cet arrêté, dont vous demandez la publication
rapide, sera pris dès que possible afin de remédier à un retard que je
reconnais.
Il me paraît cependant utile de vous livrer une information supplémentaire :
vous savez que les pompistes sont soumis à de nouvelles contraintes
d'environnement, qui pèsent particulièrement sur les petits pompistes ruraux
car ils n'ont pas les moyens de financer les investissements nécessaires. A
cette fin, le comité professionnel de la distribution des carburants a prévu
cette année des programmes d'aide de mise aux normes environnementales et le
Gouvernement abondera très prochainement, je vous l'indique, le budget de ce
comité d'une somme de 15 millions de francs, par prélèvement sur l'excédent de
la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat. Si l'on tient compte des réserves
substantielles de ce comité, c'est un véritable appui qui sera apporté aux
petits détaillants ruraux pour qu'ils se mettent aux normes
environnementales.
Vous le constatez, le Gouvernement est attentif au sort des détaillants de
carburant en milieu rural, comme vous l'avez été vous-même en posant votre
question.
M. Jean-Jacques Robert.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Robert.
M. Jean-Jacques Robert.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse très précise,
même si vous n'avez pas fixé la date de parution de l'arrêté interministériel.
Cela étant, vous nous avez habitués à suivre la réalisation des propositions
que vous nous faisiez, et j'ai donc tout lieu de penser que, après le laxisme
que nous avons connu dans le passé, l'intérêt des petits pompistes sera pris en
considération, surtout compte tenu des nouvelles réglementations concernant
l'environnement, qui me paraissent excellentes.
Je souhaite que l'on se mette bien en tête - excusez-moi cette expression
familière - que le succès de la grande distribution, en matière de vente
d'essence et de carburant, est quasi irréversible. Or, nous ne parviendrons à
maintenir un réseau de qualité en milieu rural que grâce à ce transfert de
taxes, qui permettra d'aider les petits pompistes à s'équiper et à préserver
ainsi leurs conditions de travail. Pour cela, ils ont besoin d'aide et de
réciprocité.
CONTRÔLE PAR LA COMMISSION DES OPÉRATIONS
DE BOURSE DES PUBLICITÉS DES PRODUITS FINANCIERS
M. le président.
La parole est à M. Chérioux, auteur de la question n° 584, adressée à M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Jean Chérioux.
Monsieur le secrétaire d'Etat, comme M. le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie, que vous remplacez aujourd'hui, vous avez pu
constater mieux que quiconque l'intérêt croissant du public pour les placements
financiers. Cet intérêt est dû, sans doute, aux privatisations et aux
nombreuses OPA et OPE récentes, mais aussi aux performances réalisées par les
marchés financiers, la hausse appelant la hausse.
Cette situation réclame, bien entendu, une grande prudence, et il appartient
aux pouvoirs publics d'exercer les contrôles nécessaires afin de protéger les
épargnants. Or, depuis un certain temps, les établissements émetteurs de titres
recourent de plus en plus à la publicité télévisuelle ou radiophonique. Cette
dernière, qui intervient sous forme de spots, est nécessairement brève et
réductrice. Il en résulte une présentation souvent tronquée, qui ne met pas en
évidence tous les risques éventuels encourus par les souscripteurs.
Prenons l'exemple d'une récente émission qui vantait un placement garantissant
une rentabilité de 23 % sur trois ans, soit 7,25 % par an, même si l'indice CAC
40 ne devait enregistrer aucune progression pendant cette période. Voilà qui
semblait ne présenter aucun risque et être plus qu'avantageux par rapport à
certains autres placements tel que le livret A et les OAT, monsieur le
secrétaire d'Etat ! Mais l'examen de la notice d'émission soumise à la COB et
visée par elle a fait apparaître l'éventualité d'une réduction en cas de baisse
du CAC 40, réduction allant jusqu'à une rentabilité nulle si le CAC 40 baissait
de 23 %. Pis, s'il se produisait un effondrement de la bourse se traduisant par
une chute de l'indice supérieure à 23 %, les souscripteurs supporteraient une
perte égale au pourcentage de baisse de l'indice au-delà du seuil précité.
Dans de telles circonstances, il est bien évident que le contrôle de la COB
doit être très strict et s'effectuer non seulement sur tous les documents
publiés, mais aussi sur les projets de spot audiovisuel pour vérifier leur
conformité avec les documents qui ont été soumis à la commission.
Ne vous semble-t-il pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que, dans ces
conditions, il serait souhaitable de faire procéder à une enquête afin de
s'assurer que la publicité faite à la télévision - et surtout à la radio - en
faveur de certains placements respecte bien les directives de la COB et
garantit ainsi une bonne information des épargnants ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le sénateur, je vous réponds
effectivement à la place de M. Dominique Strauss-Kahn, qui est en mission
officielle à l'étranger.
Votre question porte sur l'urgente nécessité d'un contrôle vigilant par la
Commission des opérations de bourse des publicités de plus en plus nombreuses
faites par l'intermédiaire des médias de tous types pour assurer le placement
des produits proposés par les établissements financiers.
La Commission des opérations de bourse est une autorité administrative
indépendante, à laquelle la loi a confié trois missions.
La première d'entre elles, à laquelle vous faites allusion, est de protéger
l'épargne investie dans les instruments financiers ou dans toute autre forme
d'épargne investie dans des placements.
La deuxième mission est de bien informer les investisseurs.
Enfin, la troisième mission est d'assurer le bon fonctionnement des marchés
d'instruments financiers.
Dans ce cadre, la Commission des opérations de bourse a en charge l'agrément
des produits de gestion collective diffusés auprès du public par les organismes
de placement collectif en valeurs mobilières, les OPCVM, régis par la loi du 23
décembre 1988.
La commission définit les conditions dans lesquelles les OPCVM doivent
informer leurs souscripteurs et peuvent faire l'objet de publicité ou de
démarchage.
Bien sûr, à l'occasion de la délivrance de cet agrément, la COB veille à la
cohérence de la publicité éventuelle avec l'information qu'elle a agréée et
s'assure que la notice d'information, qui est définie par les textes
réglementaires, est bien remise aux souscripteurs au moment où ceux-ci font un
placement d'épargne.
Vous avez raison de dire que le recours de plus en plus fréquent aux médias
par les promoteurs de produits financiers doit conduire la COB à renforcer sa
vigilance en ce domaine, ce qui est naturellement le cas.
Je crois, monsieur le sénateur, que nous pouvons faire confiance à cette
autorité administrative indépendante, qui exerce son rôle complexe dans un
monde où l'information circule de plus en plus vite, et qui le fait d'une façon
qui, me semble-t-il, ne mérite que des éloges.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de votre réponse.
Bien entendu, je sais que la commission des opérations de bourse est
indépendante ! Toutefois, cette question orale sera sans doute, pour elle,
l'occasion de constater que le Gouvernement et la représentation nationale
s'inquiètent face à certaines pratiques actuelles.
L'exemple que je citais tout à l'heure est d'autant plus préoccupant que nous
avons récemment connu un certain nombre de baisses importantes : de 1994 à
1999, le CAC 40 a enregistré sept baisses supérieures à 10 %, une baisse de
20,4 % et une autre de 34,6 %. Je ne veux pas être alarmiste, bien sûr, mais il
est vrai que les cours actuels sont élevés et que la tendance peut
éventuellement s'inverser.
Certes, au-delà de la publicité faite à la télévision et à la radio, le
souscripteur a ensuite en mains la notice visée par la COB. Mais chacun sait
que les notices, dans ces domaines, sont très complexes, à l'instar de certains
contrats d'assurances. Généralement, mieux vaut s'en remettre au guichetier ou
au courtier d'assurances. Or ceux-ci - bien sûr, je ne les attaque pas en
disant cela - ont surtout le souci de vendre leur produit et, par conséquent,
ils ont tendance à en montrer les avantages plutôt que les inconvénients.
Voilà pourquoi j'ai pensé qu'il était utile dans un souci de protection de
l'épargne publique de vous poser cette question aujourd'hui, monsieur le
secrétaire d'Etat.
FISCALITÉ APPLICABLE AUX OPÉRATIONS
DE RÉHABILITATION DE LOGEMENT
M. le président.
La parole est à M. Piras, auteur de la question n° 610, adressée à M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Bernard Piras.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie sur les problèmes d'interprétation, sur le plan fiscal, de la
nature des opérations de réhabilitation lourde de logements, qui représentent
près de la moitié des projets d'opérations programmées d'amélioration de
l'habitat, ou OPAH.
En effet, bien qu'ils soient subventionnés par l'agence nationale pour
l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, ils peuvent être assimilés à une
construction neuve. Or un tel classement pose deux problèmes.
Le premier porte sur les projets dont la nature de l'opération - neuf ou
réhabilitation - est soumise à interprétation. S'il s'agit d'une opération
assimilable à du neuf, aux termes de l'article 38 de l'instruction fiscale du
14 septembre 1999, le taux de TVA applicable est de 20,6 %, alors que, pour de
la réhabilitation, le taux applicable est de 5,5 %.
Dans ces conditions, il est impossible aux artisans de savoir s'ils doivent
établir des devis à 20,6 % ou à 5,5 %, puisque seule l'administration fiscale
pourra juger la nature de l'immeuble après travaux, au sens de l'article 257-7
du code général des impôts.
Cette indétermination conduira dans de nombreuses hypothèses à des procédures
judiciaires. L'artisan court alors un double risque : celui d'un redressement
fiscal s'il facture à 20,6 % par erreur, celui de perdre ses clients s'il
refuse de facturer à 5,5 %. Et il faut souligner que ce problème ne concerne
pas uniquement les dossiers de l'ANAH.
La seconde difficulté concerne les changements importants à la baisse
enregistrés dans les plans de financement de l'ANAH pour tous ces projets
assimilables à du neuf. Dans l'attente d'une instruction fiscale spécifique à
l'ANAH, il est à craindre que les opérations concernant des logements
conventionnés, qui seraient subventionnées selon des devis établis sur la base
d'un taux de TVA de 20,6 %, ne puissent plus bénéficier du remboursement de TVA
qui a été mis en place le 1er janvier 1999.
La rétroactivité de l'application de la mesure serait, dans cette hypothèse,
défavorable à de nombreux propriétaires qui demanderaient le règlement de la
subvention de l'ANAH sur la base de factures réelles taxées à 20,6 %, datées
d'après le 14 septembre 1999, sans pouvoir récupérer le différentiel de TVA
comme le prévoit l'accord de subvention de l'ANAH.
Non seulement une telle solution serait très lourde de conséquences pour tous
les dossiers en cours, mais elle aboutirait par ailleurs à l'abandon de la
plupart des projets de création de logements dans des bâtiments existants
autorisés en zone de revitalisation rurale. En effet, ces projets sont par
définition assimilables à de la construction neuve et sont donc assujettis au
taux de TVA de 20,6 %.
Je voudrais savoir, monsieur le secrétaire d'Etat, si vous avez l'intention
d'apporter rapidement des précisions sur ces deux points, afin que puissent
être levées toutes les incertitudes que j'ai évoquées.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le sénateur, vous avez attiré
l'attention du Gouvernement sur deux difficultés résultant de l'application de
l'abaissement du taux de la TVA, pour les travaux portant sur les logements, du
taux normal de 20,6 % au taux réduit de 5,5 %. Cette mesure, qui figure dans le
projet de loi de finances pour l'an 2000, a été prise par anticipation à
compter du 15 septembre de cette année.
La première difficulté, vous l'avez souligné, est de faire le tri entre les
travaux aboutissant à une véritable reconstruction, c'est-à-dire à une remise à
neuf, pour lesquels le taux à appliquer est de 20,6 %, et ceux consistant en
une simple réhabilitation, qui seront taxés au taux de 5,5 %.
Je voudrais vous rassurer sur ce premier point, monsieur le sénateur, comme
j'espère le faire tout à l'heure sur le second : la distinction entre
reconstruction et réhabilitation a été clairement établie par notre droit et a
fait l'objet de jurisprudences du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation. Sa
définition est précisée dans les circulaires administratives, et
l'administration fiscale est prête à renseigner les entrepreneurs qui auraient
un doute sur la nature des travaux qu'ils comptent effectuer, ainsi que les
personnes qui voudraient ouvrir de tels chantiers.
Par ailleurs - c'est le second point - vous craignez que les projets financés
par l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat ne perdent,
paradoxalement, le bénéfice du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée,
qui leur était jusqu'à présent applicable.
Là encore, je tiens à vous rassurer : les travaux de réhabilitation pour
lesquels l'octroi d'une aide de l'agence nationale pour l'amélioration de
l'habitat a été décidé à compter du 1er janvier 1999 - tel est l'objet précis
de votre question - bénéficieront en effet, quelle que soit la date de leur
réalisation, du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée, dans l'optique
soit de l'ancien dispositif, soit du nouveau.
Pour être plus précis - ceci est un peu technique, mais vous connaissez très
bien ces questions - l'ancien dispositif ouvre droit au remboursement du
différentiel de TVA prévu par l'article 279
ter
du code général des
impôts si les travaux ont été facturés avant le 15 septembre 1999 ; si, en
revanche, les travaux sont facturés à partir du 15 septembre 1999, le taux
réduit de la taxe sur la valeur ajoutée s'applique, à condition que ces travaux
portent sur des locaux d'habitation achevés depuis plus de deux ans.
En conséquence, dans un cas comme dans l'autre, les travaux subventionnés par
l'ANAH se verront, en définitive, appliquer le taux réduit de la TVA.
Je tiens enfin à vous indiquer, monsieur le sénateur, que les modalités de
calcul de la subvention versée par l'agence nationale pour l'amélioration de
l'habitat ne sont pas modifiées en fonction de l'application de l'un ou l'autre
de ces régimes, puisque, comme vous le savez, la demande de subvention doit
être présentée avant le commencement des travaux ; pour dire les choses
autrement, les travaux ne peuvent être entrepris qu'après obtention de la
subvention de l'ANAH.
Telles sont les précisions que je voulais vous apporter, monsieur le sénateur.
J'espère qu'elles pourront vous rassurer, et j'indique en outre que la
direction générale des impôts diffusera prochainement des précisions sur les
grands principes que je viens de décrire.
M. Bernard Piras.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Piras.
M. Bernard Piras.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis, bien entendu, ravi de cette baisse de
20,6 % à 5,5 % du taux de la TVA frappant les travaux en question. Elle
participera à une relance du bâtiment, qui se fait déjà très nettement jour
dans d'autres pays. Nous ne pouvons donc que nous en féliciter.
En ce qui concerne le second point, les choses me paraissent claires, et je
pense que les organismes et les propriétaires concernés s'y retrouveront.
S'agissant du premier point, je crois nécessaire que la direction générale des
impôts fasse parvenir les précisions utiles à tous les organismes intéressés,
de façon qu'il n'y ait pas d'ambiguïtés, en particulier pour les petits
entrepreneurs, lesquels ne savent pas toujours auprès de qui se renseigner.
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat.
MESURES URGENTES POUR PRÉSERVER LA SALLE PLEYEL
M. le président.
La parole est à M. Darcos, auteur de la question n° 583, adressée à Mme le
ministre de la culture et de la communication.
M. Xavier Darcos.
Madame le ministre, je souhaite attirer votre attention, une fois encore, sur
la situation de la salle Pleyel, dont l'avenir est compromis à la suite de sa
vente, en 1998, par le Crédit lyonnais à un entrepreneur privé.
Construite en 1927 par Gustave Lyon, associé de Camille Pleyel, la salle
Pleyel contribue au rayonnement de la France dans le monde entier. Elle
accueille depuis longtemps des interprètes prestigieux, comme Charles Münch,
Clara Haskil, Jean-Pierre Rampal, Martha Argerich ou Jean-Marc Luisada. La
salle Pleyel est, à ce jour, l'un des rares auditoriums parisiens susceptibles
de recevoir des orchestres internationaux. Cette vocation fait, du reste,
partie du cahier des charges de la salle.
La salle Pleyel contribue également à la diffusion du répertoire instrumental
ou symphonique : des oeuvres de Berg et de Boulez y ont ainsi été données en
création mondiale.
Enfin, la salle Pleyel permet à de jeunes musiciens, issus des conservatoires
nationaux de musique de Paris ou de Lyon et recrutés sur concours, de pratiquer
leur instrument en formation symphonique dans de grandes associations, à
l'instar des concerts Lamoureux, Pasdeloup ou Colonne.
Or, depuis un an, ces associations sont soumises à des charges considérables
que la faiblesse de leurs subventions ne leur permet plus de supporter.
Dans une question écrite en date du 8 juillet dernier, je vous avais demandé
si vous envisagiez de procéder au classement de la salle Pleyel, afin de la
préserver d'éventuelles opérations immobilières qui, dans l'avenir, pourraient
aboutir à sa transformation en galerie marchande ; je vous avais également
interrogée sur la révision à la hausse du montant des subventions dont
bénéficient ces associations, qui leur permettrait de poursuivre
l'accomplissement de leur mission pédagogique et de formation professionnelle
auprès des jeunes musiciens français.
A mon collègue parlementaire Bruno Bourg-Broc, qui partageait les mêmes
préoccupations, vous avez répondu, le 13 septembre dernier, que vous étudiiez
la possibilité d'une protection de la salle Pleyel au titre de la loi du 31
décembre 1913 sur les monuments historiques. Je souhaite donc que vous
m'apportiez des précisions sur l'état d'avancement de cette réflexion. Il est
urgent de prendre une décision, car une procédure de classement est souvent
longue. A défaut du consentement de son propriétaire, le classement par l'Etat
d'un bien privé ne peut être prononcé que par un décret en Conseil d'Etat.
Je voudrais compléter ma question en rappelant, comme je l'ai fait à plusieurs
reprises auprès de votre cabinet, les termes de la lettre que vous a adressée,
le 12 juillet dernier, le président de l'association des concerts Lamoureux,
lequel sollicitait, avec M. Yutaka Sado, chef permanent de l'orchestre
Lamoureux, une audience de votre part au mois de septembre dernier.
Je cite les termes de cette lettre : « La situation de notre orchestre est
devenue gravissime. L'addition des problèmes liés à un très faible niveau de
subventions par le ministère de la culture et la ville de Paris - moins de 1
million de francs - et la soudaine augmentation des tarifs de la salle Pleyel
nous conduisent aujourd'hui à annuler huit des treize concerts prévus pour la
saison 1999-2000. C'est un événement sans précédent dans l'histoire de
l'orchestre Lamoureux qui, depuis sa création en 1881, n'a jamais cessé son
activité, sauf quelques mois au cours de la Seconde Guerre mondiale. »
Madame la ministre, j'estime que l'absence de réponse à cette lettre, dont je
me suis assuré qu'elle avait bien été enregistrée auprès de votre cabinet, doit
être considérée comme un triple affront.
C'est tout d'abord un affront à l'égard de l'orchestre Lamoureux, dont le
président est présent dans ces tribunes. Cette formation - j'insiste sur ce
point - est constituée de plus de cent musiciens âgés de moins de trente ans,
tous bénévoles, issus des meilleurs conservatoires de France et recrutés par le
biais d'un concours de haut niveau.
Or, ces jeunes, les meilleurs dans leur classe d'âge, sont aujourd'hui
démotivés et désorientés. C'est la raison pour laquelle je souhaite rendre
publiquement hommage à leur persévérance et à leur attachement indéfectible
pour l'orchestre Lamoureux, l'une des rares formations symphoniques françaises
à consacrer autant d'efforts à la formation professionnelle des jeunes. Je
précise, du reste, que les plus doués d'entre eux rejoignent chaque année les
meilleurs orchestres nationaux ou internationaux.
C'est aussi un affront fait à M. Yutaka Sado, ce jeune chef japonais de
trente-huit ans qui, malgré un cachet dérisoire, s'est passionné pour
l'orchestre Lamoureux, accomplissant un travail de bénédictin avec quatre
répétitions pour chaque concert, auquel assistent en moyenne 1 700 personnes,
ce qui représente un taux d'occupation très élevé pour la salle Pleyel. Ce «
chef de génie », comme l'a récemment qualifié la presse, continuera-t-il à
travailler dans de telles conditions, alors que l'orchestre Giuseppe Verdi de
Milan vient de l'engager ?
Cette absence de réponse constitue enfin un affront eu égard au rayonnement de
la culture française. Je trouve consternant que l'orchestre Lamoureux ne puisse
plus continuer à se produire, alors que tant de deniers publics sont par
ailleurs gaspillés par l'Etat.
A titre d'exemple, et je n'en ai choisi qu'un seul, j'ai relevé, dans le
rapport de la Cour des comptes de 1998, que le ministère de la culture avait
contribué au financement d'un ballet de onze danseurs encadrés par un
inspecteur général et une maîtresse de ballet, « alors que les danseurs ne
dansaient pas ». Le coût annuel salarial de cette formation s'élevait à 3
millions de francs !
Pour sa part, l'orchestre Lamoureux bénéficiait, en 1983, d'une subvention de
515 000 francs du ministère de la culture et d'une dotation de 494 000 francs
versé par la Ville de Paris, soit plus d'un million de francs. En 1999, la
subvention globale de cet orchestre atteignait tout juste 975 000 francs, alors
que les salles de répétitions sont désormais payantes à hauteur de 80 000
francs par concert depuis la privatisation de la salle Pleyel et que les
remises importantes accordées par le Crédit lyonnais à l'orchestre Lamoureux en
raison de la mission de service public qu'il accomplit ont été supprimées.
Pour que l'orchestre Lamoureux continue à exister, il faudrait que la
participation de votre département ministériel double dans les prochains mois,
madame la ministre, ce qui permettrait ainsi de compenser les lacunes de la
privatisation de la salle Pleyel, qui a été si mal gérée par les pouvoirs
publics.
En conséquence, je souhaiterais connaître vos intentions à l'égard non
seulement de l'orchestre Lamoureux, mais aussi des orchestres symphoniques
qu'accueille la salle Pleyel, lesquels sont aujourd'hui confrontés à des
difficultés durables et imméritées.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le sénateur, à la
suite de l'acquisition de la salle Pleyel par un investisseur privé, j'ai lancé
le projet de la création d'un auditorium symphonique qui soit à la hauteur des
ambitions artistiques et culturelles de notre pays, qui permette de fournir à
plusieurs formations musicales un lieu privilégié de répétition, et de
diffusion pérenne et qui fonctionne dans des conditions techniques et
financières satisfaisantes.
Vous êtes revenu, dans des termes qui m'ont semblé assez provocateurs, sur les
conditions dans lesquelles s'est déroulée la privatisation de la salle Pleyel.
Je rappelle que la Ville de Paris conduisait les négociations relatives à la
cession de la salle Pleyel, l'Etat s'engageant à financer les travaux. Nous
n'avons pu acquérir la salle Pleyel, car un investisseur privé a fortement
surenchéri et a été considéré comme un meilleur acquéreur par l'organisme de
défaisance chargé de la vente de certains actifs du Crédit lyonnais pour
remédier aux difficultés financières rencontrées par cette banque.
Cette opération a donc été menée dans les conditions que je viens de
décrire.
Pour autant, la salle Pleyel reste un lieu majeur de diffusion de la musique,
à propos duquel j'ai défini un certain nombre d'orientations sur lesquelles je
reviendrai. Je voudrais simplement indiquer, en cet instant, que, eu égard aux
problèmes posés par la situation actuelle, j'ai souligné, lors d'une
déclaration faite à la presse le 23 février 1999, mon attachement à la
réalisation d'un nouvel auditorium symphonique.
J'ai précisé, le même jour, que je saisissais du dossier le maire de Paris et
le président de la région d'Ile-de-France. Je caressais l'idée qu'il soit
possible de réaliser un nouvel équipement dans le cadre du prochain contrat de
Plan. En effet, le ministère de la culture et de la communication, déjà très
présent auprès de grandes institutions musicales parisiennes, ne peut supporter
seul cet équipement, dont le coût de construction est aujourd'hui estimé à 410
millions de francs.
D'ores et déjà, le maire de Paris m'a fait officiellement connaître son
opposition à une participation financière à cette réalisation, proposant une
solution alternative consistant en la reprise du théâtre de la Gaîté lyrique.
Or ce théâtre ne permet pas d'accueillir dans ses murs un auditorium avec tous
les équipements annexes destinées à l'ensemble des usages qui sont ceux
aujourd'hui de la salle Pleyel, voire au-delà.
Quant à la région d'Ile-de-France, approchée, elle a fait savoir qu'elle
conditionnait toute aide de sa part à une participation de la Ville de
Paris.
Devant cette nouvelle donne, j'ai donné instruction à mes services de se
mettre à la recherche d'autres partenaires, publics ou privés, dont la
mobilisation pourrait permettre, dans des conditions économiques adéquates, la
mise en oeuvre de ce projet. J'aurai l'occasion, dans peu de temps d'ailleurs,
d'y revenir.
Je pense cependant que des décisions pourront être prises avant la fin du
premier semestre 2000, s'agissant du mode de financement de cet équipement, des
modalités de gestion et du calendrier de réalisation.
Dans l'attente de ces décisions, je veillerai à favoriser l'accès à la salle
Pleyel des formations symphoniques. Vous avez cité l'association des concerts
Lamoureux, mais plusieurs associations symphoniques sont également
concernées.
La situation nouvelle d'une gestion purement privée de cette salle engendre
des surcoûts de location pour les associations symphoniques parisiennes,
lesquelles sont et demeurent un outil essentiel d'insertion pour les jeunes
musiciens. Elle entraîne dès aujourd'hui des dysfonctionnements dans les
partenariats avec les orchestres. Elle induit également des incertitudes quant
aux conditions de résidence qui pourraient être proposées à l'orchestre de
Paris au-delà de septembre 2002, date à laquelle la convention qu'il a passée
avec la salle Pleyel parvient à son terme - j'en parlais récemment avec le
président de la commission des affaires culturelles du Sénat, M. Adrien
Gouteyron.
Or, la salle Pleyel, riche de sa tradition musicale, de la grande qualité
architecturale et historique du bâtiment, et du caractère exceptionnel de sa
jauge, doit à l'évidence continuer d'assumer, même dans un cadre de gestion
commerciale plus marqué, une responsabilité particulière à l'égard des
ensembles symphoniques parisiens, alors surtout que la métropole parisienne est
aujourd'hui dépourvue d'un grand équipement moderne voué à la musique
symphonique.
C'est pourquoi j'étudie actuellement les moyens les plus adéquats pour
préserver cette vocation de la salle Pleyel, y compris le recours aux
instruments de la protection prévus par la loi du 31 décembre 1913 sur les
monuments historiques. Ce dossier est à l'étude depuis plusieurs semaines ;
j'espère qu'il aboutira dans les meilleurs délais.
En toute hypothèse, j'exerce une vigilance particulière en ce qui concerne les
contraintes supplémentaires imposées à l'orchestre de Paris et aux associations
symphoniques parisiennes ; nous traitons les dossiers de façon à soutenir les
programmations qu'elles ont pu établir.
En effet, les institutions musicales de grande qualité qui contribuent à la
formation, à la connaissance des artistes et à l'information du public méritent
d'être soutenues non seulement par le ministère de la culture, mais aussi,
comme c'est le cas partout en France, par les collectivités territoriales, en
l'occurrence celle de Paris.
Je souhaite continuer à traiter ce dossier en bonne relation avec la Ville de
Paris, qui est elle aussi concernée, même si nous n'avons pas aujourd'hui
trouvé d'accord sur le financement de la nouvelle salle, le maire étant opposé,
notamment, au choix du site retenu à la suite de l'étude de la mission que
j'avais mise en place, celui de La Villette, pourtant situé dans la Cité de la
musique, et qui avait été retenu dès l'origine de ce projet.
Je souhaite donc que nous puissions aboutir sur ce dossier, car les ensembles
symphoniques éprouvent aujourd'hui malheureusement, de grandes difficultés.
M. Xavier Darcos.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Darcos.
M. Xavier Darcos.
Je remercie Mme le ministre de m'avoir assuré de sa volonté de défendre les
orchestres, volonté dont je ne doutais pas.
Je persiste à penser qu'un accord entre la Ville de Paris et l'Etat, qui eût
permis une préemption sur la salle Pleyel, eût été bien meilleur que l'abandon
au privé, ce dernier imposant des coûts de location considérables aux
orchestres, et la construction d'un nouvel auditorium à Paris, qui entraînera
des dépenses supplémentaires.
AVENIR DES PHARES
M. le président.
La parole est à M. Trémel, auteur de la question n° 595, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Pierre-Yvon Trémel.
Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement, mais aussi celle de Mme le ministre de la culture et
de la communication, sur l'avenir des phares.
En effet, on assiste à la détérioration continue, à des rythmes divers, de ce
qui constitue l'un des plus beaux témoignages du génie scientifique de la
France du xixe siècle, ainsi que l'un des patrimoines les plus admirés des
citoyens d'aujourd'hui.
Il s'agit, qui plus est, d'un ensemble toujours fonctionnel dans son rôle
d'aide à la navigation, puisque le GPS ne pourrait que fort difficilement le
supplanter totalement, ce dernier n'étant fiable ni au ras des cailloux, ni
pour les entrées de ports et d'estuaires, ni, d'une manière générale, en cas de
perturbation des émissions par satellite.
Le problème est complexe, car il n'est pas possible de faire reposer le poids
d'une telle préservation exclusivement sur le ministère de l'équipement ou sur
celui de la culture, ou uniquement sur les pouvoirs locaux, qui, pour autant,
pourraient tirer partie d'une meilleure mise en valeur de ces sites.
Les phares, ces nouvelles cathédrales, ne méritent pas de disparaître dans les
années à venir sous les assauts des intempéries, et plus l'attente sera longue,
plus les travaux à faire et les moyens à dégager devront être importants. Au
prix d'un investissement qui reste encore raisonnable si l'on ne tarde pas
trop, bien des monuments irremplaçables pourraient être préservés d'une
destruction qui nous déshonorerait aux yeux des générations futures.
Aussi, afin de dégager des solutions concrètes et pertinentes à la
préservation de ce patrimoine maritime, je demande aux ministres de
l'équipement et de la culture s'il est envisagé de conduire une réflexion
d'ensemble sur ce dossier.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
M. Gayssot, qui ne peut
être présent ce matin, vous prie de l'excuser et m'a demandé de vous
communiquer les éléments de réponse qu'il a fait préparer à votre intention,
éléments auxquels je souscris très volontiers en tant que ministre de la
culture et de la communication.
Les phares sont sans aucun doute les aides à la navigation les plus connus.
Comme vous le soulignez, ils demeurent des éléments importants du dispositif
français de signalisation maritime puisqu'un certain nombre d'entre eux, outre
leur rôle de marque, d'amer ou de signal lumineux, ont été choisis comme lieu
d'émission des corrections différentielles permettant d'améliorer la précision
du positionnement par satellite, le GPS.
Mais les phares sont aussi des références historiques et géographiques.
Construits pour sauver des vies humaines, ils sont le témoignage terrestre
d'une partie importante du patrimoine maritime national et international. Ils
sont la mémoire tangible d'une période pendant laquelle les transports
maritimes ne pouvaient se passer des phares pour identifier leur point
d'atterrissage. A l'instar des cathédrales, des châteaux, des sites militaires
ou industriels, des mines, des chemins de fer, ils doivent donc rester
accessibles et être protégés.
Toujours édifiés sur des sites remarquables, ils doivent rester dans le
domaine public pour éviter que les générations futures n'aient à les
reconquérir, comme c'est aujourd'hui le cas pour le sentier du littoral. Ils
sont souvent des identifiants nationaux ou régionaux importants, présents sur
toutes sortes de documents, notamment les cartes postales. Ils constituent
également d'importants sites de visite.
Les phares sont souvent des oeuvres d'art bien intégrées dans l'environnement
architectural et paysager de leur implantation ; ils sont le fruit des qualités
professionnelles des ingénieurs et architectes du service des phares et
balises.
C'est au titre de ces préoccupations que la France joue un rôle important au
plan international. Elle a initié la création, au sein de l'association
internationale de signalisation maritime, rassemblant les services en charge en
ce domaine de quatre-vingts pays et d'une soixantaine d'industriels du monde
entier, d'un comité consultatif pour la sauvegarde des phares historiques dont
l'activité est particulièrement importante.
Sur le plan national, une étude va être lancée avec l'appui du centre d'études
techniques maritimes et fluviales pour définir les sites, la nature des travaux
et leur programmation technique et financière.
Le plan de modernisation du secteur « phares et balises » prévoit la
réalisation de ces importants chantiers dans le cadre de son volet de remise à
niveau des établissements de signalisation maritime.
Le phare est souvent un point d'attraction qualitatif pour la vie locale. Il
faut le protéger, le préserver, le rendre accessible au plus grand nombre et
engager pour cela des partenariats actifs, qu'ils soient publics ou privés,
étatiques ou locaux.
L'étude participera au développement de la mise en place avec ces partenaires
d'une association - dans le cadre du phare de Gatteville, par exemple - de
visite des phares portant témoignage d'une grande aventure technologique à
l'échelle internationale et dans laquelle la France peut s'enorgueillir de la
place qu'elle a su occuper et qu'elle continue de tenir.
Pour toutes ces raisons, l'Etat ne peut pas se désintéresser du devenir de ce
patrimoine bâti qui fait partie de notre histoire et reste un instrument
nécessaire et indispensable parmi tous les autres systèmes de signalisation
lumineuse ou sonore, satellitaire ou non, que les technologies modernes ont mis
au point.
Telle est, monsieur le sénateur, la réponse que souhaitait vous faire mon
collègue M. Gayssot. Quant à la direction de l'architecture et du patrimoine,
elle s'associera bien volontiers à ce travail d'étude et de mise en valeur des
phares les plus remarquables de nos côtes françaises.
M. Pierre-Yvon Trémel.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel.
Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. Je prends acte de la
volonté exprimée de lancer une étude sur ce patrimoine très riche et fort
menacé.
Ma question se voulait vraiment un cri d'alarme, car il est grand temps d'agir
pour sauver nombre de phares aujourd'hui en danger sur notre littoral. Je me
félicite qu'un plan de sauvegarde soit à l'étude. Je ne manquerai pas de rester
très vigilant quant au devenir de nos phares.
M. le président.
J'imagine, monsieur Trémel, que vous incluez également dans vos préoccupations
les phares de la Méditerranée !
(Sourires.)
M. Pierre-Yvon Trémel.
Bien sûr !
POPULATION ET DOTATIONS
AUX COLLECTIVITÉS LOCALES
M. le président.
La parole est à M. Jarlier, auteur de la question n° 567, adressée à M. le
ministre de l'intérieur.
M. Pierre Jarlier.
Je souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les
incidences qu'aura le recensement de la population effectué en 1999 sur le
montant des dotations attribuées par l'Etat aux collectivités locales.
En effet, si les résultats du recensement confirment l'urbanisation croissante
de notre pays, on constate depuis 1990,
a contrario,
une forte baisse de
la population dans les zones à caractère rural. C'est, par exemple, le cas du
Cantal, dont le nombre d'habitants a chuté de plus de 5 %, et de certaines de
ses communes, dont la baisse de la démographie atteint jusqu'à 25 % en neuf
ans.
Ce nouveau constat de dépopulation est de nature à provoquer une réduction
très sensible des contributions de l'Etat au budget de ces collectivités,
notamment de la dotation globale de fonctionnement.
De ce fait, ces départements et ces communes risquent de subir des pertes de
ressources préjudiciables à la qualité des services qu'ils offrent à leur
population, alors qu'ils devront néanmoins assurer les charges fixes, voire
croissantes, liées à la spécificité de leurs territoires, souvent très étendus.
Ces charges sont d'autant plus difficiles à supporter que les impératifs en
matière de sécurité des personnes ou d'environnement sont de plus en plus
consommateurs de fonds publics.
Si l'urbanisation croissante de notre pays nécessite la mise en oeuvre de la
solidarité nationale pour surmonter la menace de fracture sociale dans certains
secteurs périurbains, cette solidarité nationale en faveur des communes rurales
est vitale aussi pour éviter une véritable menace de fracture territoriale au
regard des résultats de ce recensement.
Les nouvelles dispositions relatives à la coopération intercommunale
constituent sans aucun doute une première réponse à cette solidarité qui doit
s'exercer d'abord à l'échelon local.
Néanmoins, les handicaps démographiques et territoriaux pris en compte dans le
calcul des dotations de l'Etat aux collectivités constituent les éléments
fondamentaux pour assurer l'équilibre des prochains budgets communaux.
Vous avez d'ailleurs présenté, monsieur le ministre, au nom du Gouvernement,
un projet de loi relatif à la prise en compte du recensement général de la
population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux
collectivités locales.
Je souhaiterais donc savoir dans quel délai exact le recensement de 1999 sera
pris en compte dans le calcul des dotations de l'Etat aux collectivités. Par
ailleurs, quelles mesures concrètes le Gouvernement entend-il adopter afin
d'atténuer les effets de l'exode rural sur le montant de ses dotations dans le
cadre de l'enveloppe normée ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le sénateur, à la suite des opérations
de recensement intervenues en 1999, la population de chaque commune sera
authentifiée par décret à la date du 31 décembre 1999. Cette nouvelle
population sera utilisée, en 2000, dans la répartition des différentes
dotations de l'Etat qui font intervenir ce critère.
Le recensement général de 1999 fait apparaître une augmentation de la
population, résidences secondaires incluses, de l'ordre de 1,8 million
d'habitants par rapport à la population de 1998 utilisée dans la répartition
des différents concours financiers effectuée en 1999.
La dotation forfaitaire des communes en expansion démographique devrait donc
être majorée d'un montant global de près de 1,6 milliard de francs. Cela
aboutirait, si aucune mesure n'était prise, à une baisse de la dotation
d'aménagement de la dotation globale de fonctionnement, c'est-à-dire une baisse
de la dotation de solidarité urbaine de 24 % et une baisse de la dotation de
solidarité rurale de 29 %, ce qui vous alarme très légitimement.
Pour éviter une telle évolution des dotations de péréquation, le Gouvernement,
après consultation du comité des finances locales, a transmis au Parlement un
projet de loi permettant de tenir compte de l'impact sur la dotation globale de
fonctionnement des futures variations de population.
Ce texte prévoit que les hausses mais aussi, et j'y insiste, les baisses de
population seront lissées par tiers jusqu'en 2002 pour éviter de trop brutales
variations dans les mécanismes d'éligibilité et de répartition des dotations
qui font intervenir des critères liés à la population.
Concernant le calcul de la dotation forfaitaire, qui vous intéresse
particulièrement, les communes en déclin démographique - celles du Cantal,
notamment - verront leur dotation gelée au montant dû au titre de 1999 jusqu'en
2002, c'est-à-dire pendant la durée du lissage. Corrélativement, bien sûr, les
communes en expansion enregistreront une hausse de leur dotation forfaitaire
étalée sur trois exercices.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2000, le Gouvernement propose,
par ailleurs, d'abonder la DSU et la DSR à hauteur de 200 millions de francs,
afin que ces deux dotations conservent le montant qu'elles avaient atteint en
1999.
Le Premier ministre a, en outre, décidé un abondement complémentaire de la DSU
de 500 millions de francs qui devrait permettre à celle-ci de progresser de
plus de 15 %, ce qui intéresse certaines collectivités de votre département,
par exemple Aurillac.
Enfin, la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté des
amendements qui devraient soutenir la dotation de solidarité urbaine des
bourgs-centres - nombre d'entre eux sont concernés dans le Cantal - à hauteur
de 150 millions de francs.
Voilà qui, je l'espère, vous aura pleinement rassuré, monsieur le sénateur,
sur les intentions du Gouvernement.
M. Pierre Jarlier.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Jarlier.
M. Pierre Jarlier.
Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse, en partie rassurante
pour les responsables des très nombreuses communes rurales qui abordent avec
inquiétude la préparation du budget pour 2000.
Néanmoins, les conditions d'un nouvel équilibre des territoires ne pourront
réellement être retrouvées qu'au prix d'une réforme profonde du dispositif des
dotations affectées aux collectivités locales. Une politique d'aménagement du
territoire volontariste impose aujourd'hui la prise en compte de nouveaux
critères tenant compte de la spécificité de certains territoires et, surtout,
de leur handicap naturel.
Cette démarche passe par une solidarité nationale forte, si nous voulons
donner une nouvelle chance à nos secteurs ruraux, qui sont actuellement en
pleine mutation sociale, et éviter les risques imminents d'une fracture
territoriale.
INCIDENTS SURVENUS À L'OCCASION
DES FÊTES DU 14 JUILLET
DANS LE VIe ARRONDISSEMENT DE PARIS
M. le président.
La parole est à M. Plasait, auteur de la question n° 577, adressée à M. le
ministre de l'intérieur.
M. Bernard Plasait.
Monsieur le ministre, ma question concerne les événements qui se sont produits
dans le VIe arrondissement de Paris à l'occasion des fêtes du 14 juillet.
En effet, comme chaque année, il était prévu, pour les soirées des 13 et 14
juillet, un bal dans la cour de la caserne des sapeurs-pompiers de la rue du
Vieux-Colombier, bal traditionnel, annoncé par la presse, et qui se déroule
sous surveillance constante, les entrées étant filtrées.
Aucune autre manifestation festive n'était apparemment prévue ni portée à la
connaissance du maire du VIe arrondissement, encore moins des habitants. Or un
bal a été organisé sur la place Saint-Sulpice, avec l'autorisation de la
préfecture de police, pour les deux soirées des 13 et 14 juillet, de vingt-deux
heures à quatre heures du matin.
Le commissariat principal du VIe arrondissement en a été avisé à la dernière
minute, et la mairie d'arrondissement, qui, je le souligne, est implantée dans
le même bâtiment, n'en a jamais été informée.
Organisé par la coordination des étudiants communistes, ce bal était, en
réalité, une manifestation de propagande politique, pour laquelle les
organisateurs avaient planté alternativement des drapeaux tricolores et des
drapeaux rouges, ce qui, en la circonstance, me paraît choquant.
Mais ce bal était aussi une opération commerciale. Deux tentes avaient été
dressées, l'une destinée aux frites et aux merguez, et l'autre aux boissons.
Dans cette dernière, étaient distribués, sans licence, non seulement de la
bière, mais aussi du punch, de la vodka, du rhum pur et du whisky, tout cela
sans restriction aucune, et à des prix « cassés » : 20 francs le verre de
whisky ou de vodka. Or, les consommateurs étaient principalement des mineurs,
et même de jeunes adolescents.
Pendant toute la première soirée, des pétards ont éclaté dans la foule, dont,
après deux heures du matin, certains de très forte intensité.
Dans la nuit, des jeunes ont franchi les grilles de l'église Saint-Sulpice et
sont montés très haut dans l'énorme échafaudage qui couvre la tour nord, pour y
chahuter. A aucun moment la police n'est intervenue. Il semble qu'elle avait
reçu l'ordre général de ne pas intervenir.
Au petit matin, d'autres incidents ont émaillé la dispersion de ces jeunes,
censés célébrer la fête nationale. Des jeunes ont tagué en rouge un certain
nombre d'immeubles aux alentours du métro Saint-Sulpice et essayé de forcer les
serrures de plusieurs commerces.
Par conséquent, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous nous indiquiez,
d'une part, les raisons pour lesquelles aucune sanction n'a été prise contre
les infractions à la législation relative à la distribution de boissons
alcoolisées sur la voie publique - en l'espèce, l'absence de licence et la
vente à des mineurs - et, d'autre part, s'il vous paraît normal de ne
communiquer aucune information aux élus de la capitale,
a fortiori
au
maire du VIe arrondissement, sur la tenue d'un bal susceptible de donner lieu à
tant de débordements.
Ce bal n'ayant aucun lien avec le VIe arrondissement, je vous rappelle,
monsieur le ministre, la promesse faite, il y a quelques années, par le
président du groupe communiste au Conseil de Paris, de lui trouver une autre
localisation.
Je vous saurais gré de bien vouloir confirmer que cette manifestation ne sera
pas autorisée en juillet 2000 et que, dès à présent, les démarches constantes
du maire de l'arrondissement seront prises en considération.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le sénateur, il est bon que la
célébration de la fête nationale réconcilie tous les Français, quelle que soit
leur tendance.
Il est vrai qu'un bal se déroule à la caserne des pompiers de la rue du
Vieux-Colombier, où, comme vous l'avez vous-même observé, les entrées sont
filtrées. Il n'est cependant pas choquant que d'autres manifestations puissent
être organisées par ailleurs. Vous pointez particulièrement celle que l'Union
des étudiants communistes, le VIe arrondissement symbolisant la vie
universitaire, organise depuis de très nombreuses années déjà, les 13 et 14
juillet, sur la place Saint-Sulpice.
Les organisateurs de cette manifestation ont d'ailleurs de nouveau présenté,
en 1999, une demande tendant à l'organisation sur ce site de leur traditionnel
bal du 14 juillet.
Je ne sais pas s'il s'agit d'une manifestation politique. Il est vrai qu'il y
a des drapeaux rouges - cela date de 1936 - mais à mes yeux, l'essentiel est
qu'il y ait aussi des drapeaux français.
M. le président.
Ils ne sont pas à l'intérieur de l'église au moins !
(Rires.)
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Je ferai observer, en outre, monsieur le
président, puisque vous m'en donnez l'occasion, qu'il est très rare que les
étudiants communistes se rendent à l'église Saint-Sulpice.
(Sourires.)
Je ne sais pas si la grâce a pu les illuminer à cette
occasion, comme en d'autres temps elle l'a fait pour Paul Claudel. Il est vrai
que c'était à la cathédrale de Paris, à Notre-Dame. Quoi qu'il en soit, je
crois qu'il vous faudrait avoir la foi plus assurée, monsieur le sénateur, et
que vous devriez penser qu'une telle manifestation a pu occasionner quelques
bienfaits !
Je passe sur les pétards devant l'hôtel Récamier.
Il me semble, par ailleurs, que la mairie de Paris, consultée sur ces projets,
avait donné son accord, le 8 juillet 1999, au déroulement de ces
manifestations. C'est la raison pour laquelle, entre autres, la tenue de ces
bals avait été autorisée.
L'organisateur, il est vrai, n'avait pas sollicité d'autorisations spécifiques
relatives à la vente de boissons alcoolisées ou de produits de restauration
rapide. J'observe toutefois que les surveillances effectuées par les services
de police n'ont pas permis de constater d'incidents dans le quartier. C'est du
moins ce qui résulte de la lecture des rapports.
Il est vrai que la multiplicité des animations organisées à l'occasion de la
fête nationale dans le VIe arrondissement et le souci de conserver l'aspect
festif de notre fête nationale n'avaient peut-être pas permis aux
fonctionnaires de police d'exercer des contrôles systématiques de police
administrative pour chaque manifestation.
Je puis vous assurer, monsieur le sénateur, que la préfecture de police ne
manquera pas de porter une attention particulière à l'éventuelle demande qui
pourrait lui être présentée l'année prochaine par les organisateurs de ce bal
et aux conditions d'organisation.
Je me permets de vous suggérer une concertation qui serait utile, entre
vous-même et le président du groupe communiste à l'Hôtel de ville. A moins que
vous considériez qu'il est préférable de détourner l'attention des mésententes
au sein de la majorité municipale !
(Sourires.)
M. Bernard Plasait.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait.
Je goûte votre humour, monsieur le ministe !
Vous avez raison de dire que le 14 juillet est l'occasion de réconcilier les
Français. Mais je ne crois pas que le maire du VIe arrondissement sera
satisfait de votre réponse.
S'il a attiré votre attention sur ce sujet par mon intermédiaire, c'est qu'il
a constaté de nombreux débordements qui, loin de réconcilier les Français à
l'occasion du 14 juillet, risquent, au contraire, de créer des crispations et
des oppositions dont on pourrait parfaitement faire l'économie.
Je m'adresserai au président actuel du groupe communiste au Conseil de Paris
pour lui demander de bien vouloir respecter la parole donnée par son
prédécesseur. Je transmettrai par ailleurs votre réponse, monsieur le ministre,
au maire du VIe arrondissement, qui est très attaché à la qualité de la vie
dans son arrondissement.
M. le président.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
interrompre maintenant nos travaux ; nous les reprendront à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à midi, est reprise à seize heures sous la présidence de
M. Guy Allouche.)
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT
M. le président.
M. le président a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la gestion en
1998 des crédits du Fonds national pour le développement du sport, établi en
application de l'article 43 de la loi de finances pour 1980.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
5
CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
M. le président.
La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des
prochaines séances du Sénat :
Mercredi 27 octobre 1999 :
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, portant diverses mesures relatives à l'organisation d'activités
physiques et sportives (n° 443, 1998-1999).
La conférence des présidents a fixé au mardi 26 octobre 1999, à dix-sept
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de
loi.
Jeudi 28 octobre 1999 :
Journée européenne à Strasbourg.
Mardi 2 novembre 1999 :
A dix heures :
1° Onze questions orales sans débat ;
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
N° 570 de M. Roland du Luart à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à
l'action sociale (lutte contre le tabagisme des jeunes) ;
N° 588 de M. Pierre Laffitte à M. le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie (développement et sécurisation du commerce électronique) ;
N° 599 de M. Guy Vissac à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
(situation des entrepreneurs de travaux forestiers) ;
N° 601 de M. Martial Taugourdeau à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (réductions d'effectifs prévues dans le budget du
ministère de l'équipement) ;
N° 602 de M. Jean Huchon à M. le ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de la décentralisation (agents contractuels de La Poste en
attente de titularisation) ;
N° 606 de M. Christian Bonnet à M. le ministre de l'intérieur (financement des
secours en mer) ;
N° 608 de M. Rémi Herment à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et
de l'environnement (négociations du contrat de Plan dans la Meuse) ;
N° 611 de M. Gérard César à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie (fonds d'allégement des charges des agriculteurs FAC) ;
N° 612 de M. Michel Charzat à M. le secrétaire d'Etat au logement (squat de la
rue d'Avron, Paris 20e) ;
N° 614 de Mme Gisèle Printz à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à
l'action sociale (statut des praticiens adjoints contractuels) ;
N° 616 de M. Christian Demuynck à M. le ministre de l'intérieur (dissolution
de la compagnie départementale d'intervention de Seine-Saint-Denis) ;
A seize heures et le soir :
Ordre du jour prioritaire
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, relatif à la réduction négociée du temps de travail (n° 22,
1999-2000).
La conférence des présidents a fixé :
- à l'ouverture de la discussion générale le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce projet de loi ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant onze
heures, le mardi 2 novembre 1999.
Mercredi 3 novembre 1999 :
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, relatif à la réduction négociée du temps de travail (n° 22,
1999-2000).
Jeudi 4 novembre 1999 :
A neuf heures trente :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, relatif à la réduction négociée du temps de travail (n° 22,
1999-2000).
A quinze heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la
séance avant onze heures.
Ordre du jour prioritaire
3° Suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 9 novembre 1999 :
A neuf heures trente :
1° Neuf questions orales sans débat :
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
N° 563 de M. Daniel Hoeffel à Mme le ministre de la culture et de la
communication (ratification par la France de la Convention Unidroit) ;
N° 603 de M. Serge Lepeltier à Mme le ministre de l'aménagement du territoire
et de l'environnement (mise en place d'une filière de recyclage des pneus
usagés) ;
N° 604 de Mme Marie-Claude Beaudeau à Mme le ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement (protocole de Kyoto de la Convention sur les
changements climatiques) ;
N° 605 de M. Georges Mouly à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie (situation
de La Poste en milieu rural) ;
N° 613 de Mme Nicole Borvo à M. le secrétaire d'Etat au logement (réquisitions
de logements vacants) ;
N° 615 de M. Jean-François Picheral à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (tracé du TGV Sud-Est) ;
N° 617 de M. Henri de Richemont à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (projet d'autoroute Niort-Limoges) ;
N° 618 de M. Xavier Darcos à M. le ministre de l'éducation nationale, de la
recherche et de la technologie (présidence de la Société des agrégés) ;
N° 620 de M. Auguste Cazalet à M. le ministre de l'équipement, des transports
et du logement (mise en oeuvre d'un dépistage systématique du cancer
colorectal).
Ordre du jour prioritaire
A 16 heures et, éventuellement, le soir :
2° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, relatif à la réduction négociée du temps de travail (n° 22,
1999-2000) ;
3° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le
Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République
fédérale d'Allemagne, le Gouvernement de la République italienne, le
Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, portant
création de l'organisation conjointe de coopération en matière d'armement
(OCCAR) (ensemble quatre annexes) (n° 487, 1998-1999) ;
4° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, instituant un
médiateur des enfants (n° 76, 1998-1999) ;
5° Proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à
l'inéligibilité du médiateur des enfants (n° 77, 1998-1999).
Mercredi 10 novembre 1999 :
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures :
1° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant sur diverses
professions relevant du ministère de la justice, la procédure civile et le
droit comptable (n° 416, 1998-1999) ;
La conférence des présidents a fixé à l'ouverture de la discussion générale le
délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de loi.
2° Projet de loi modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et
relatif à la lutte contre la corruption (n° 179, 1998-1999) ;
La conférence des présidents a fixé au mardi 9 novembre 1999, à dix-sept
heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.
Mardi 16 novembre 1999 :
Ordre du jour prioritaire
A dix heures trente :
1° Projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à
l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du
Royaume de Suède à la convention concernant la compétence judiciaire et
l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, ainsi qu'au
protocole concernant son interprétation par la Cour de justice, avec les
adaptations y apportées par la convention relative à l'adhésion du Royaume de
Danemarck, de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du
Nord, par la convention relative à l'adhésion de la République hellénique et
par la convention relative à l'adhésion du Royaume d'Espagne et de la
République portugaise (n° 307, 1998-1999).
2° Projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à
l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du
Royaume de Suède à la convention sur la loi applicable aux obligations
contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, ainsi qu'aux
premier et deuxième protocoles concernant son interprétation par la Cour de
justice (n° 308, 1998-1999) ;
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient
l'objet d'une discussion générale commune.
3° Projet de loi autorisant la ratification de la convention établie sur la
base de l'article K 3 du traité sur l'Union européenne, concernant la
compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière
matrimoniale (n° 384, 1998-1999) ;
4° Projet de loi autorisant la ratification du protocole, établi sur la base
de l'article K 3 du traité sur l'Union européenne, relatif à l'interprétation,
par la Cour de justice des Communautés européennes, de la convention concernant
la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière
matrimoniale (n° 385, 1998-1999).
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient
l'objet d'une discussion générale commune ;
5° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de
la République française et la Ligue des Etats arabes relatif à l'établissement,
à Paris, d'un bureau de la Ligue des Etats arabes et à ses privilèges et
immunités sur le territoire français (ensemble une annexe) (n° 371, 1998-1999)
;
6° Projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan sur
l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un
protocole) (n° 482, 1998-1999) ;
7° Projet de loi autorisant l'adhésion de la République française à la
convention internationale contre la prise d'otages (n° 339, 1998-1999) ;
8° Projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement de la République de Slovénie sur
l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un
protocole) (n° 456, 1998-1999) ;
9° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement des Etats-Unis du Mexique sur
l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 479,
1998-1999) ;
10° Projet de loi autorisant l'approbation du protocole visant à amender le
paragraphe 2 de l'article X de la convention internationale pour la
conservation des thonidés de l'Atlantique (n° 501, 1998-1999) ;
11° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du
Kazakhstan en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et
la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (n° 481,
1998-1999) ;
12° Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 10
mars 1964 entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles
impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique
réciproque en matière d'impôts sur les revenus (n° 486, 1998-1999).
A seize heures et le soir :
13° Sous réserve de sa transmission, projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000 (n° 1835, AN) ;
La conférence des présidents a fixé :
- à l'ouverture de la discussion générale le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce projet de loi ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant onze
heures, le mardi 16 novembre 1999.
Mercredi 17 novembre 1999 :
Ordre du jour prioritaire
A quinze heures et le soir :
Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (AN, n°
1835).
Jeudi 18 novembre 1999 :
Ordre du jour prioritaire
A neuf heures trente, à quinze heures et, éventuellement, le soir :
Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (AN, n°
1835).
Mardi 23 novembre 1999 :
Ordre du jour réservé
A neuf heures trente :
1° Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la conférence
ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce à Seattle ;
La conférence des présidents a fixé à :
- dix minutes le temps réservé au président de la commission des affaires
économiques et au président de la commission des affaires étrangères ;
- trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les
orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant
dix-sept heures, le lundi 22 novembre 1999.
A seize heures :
2° Eventuellement, conclusions de la commission des lois sur la proposition de
loi organique de M. Gaston Flosse et des membres du groupe du Rassemblement
pour la République tendant à améliorer le régime électoral applicable à la
formation de l'Assemblée de la Polynésie française (n° 471, 1998-1999) ;
3° Eventuellement, conclusions de la commission des lois sur :
- la proposition de loi de M. Michel Dreyfus-Schmidt et des membres du groupe
socialiste tendant à interdire les candidatures multiples aux élections
cantonales (n° 493, 1997-1998) ;
- la proposition de loi de M. Michel Dreyfus-Schmidt et des membres du groupe
socialiste relative à l'élection des députés et à l'élection des conseillers
généraux (n° 494, 1997-1998) ;
- la proposition de loi de M. Bernard Joly, visant à généraliser
l'interdiction des candidatures multiples aux élections (n° 465, 1997-1998)
;
4° Eventuellement, conclusions de la commission des lois sur la proposition de
loi de M. Jacques Pelletier permettant au juge des tutelles d'autoriser un
majeur sous tutelle à être inscrit sur une liste électorale (n° 185, 1998-1999)
;
5° Eventuellement, conclusions de la commission des lois sur la proposition de
loi organique de M. Jacques Pelletier relative à l'inéligibilité des majeurs
sous tutelle (n° 186, 1998-1999).
Mercredi 24 novembre 1999 :
A neuf heures trente :
1° Question orale européenne avec débat de M. Hubert Haenel à Mme le ministre
de la jeunesse et des sports sur la politique européenne en matière de sport
(n° QE-6).
La discussion de cette question orale européenne s'effectuera selon les
modalités prévues à l'article 83
ter
du règlement.
A quinze heures et, éventuellement, le soir :
Ordre du jour prioritaire
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des
ordonnances n° 98-522 du 24 juin 1998, n° 98-731 du 20 août 1998, n° 98-773 du
2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998
portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures
législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit
applicable outre-mer (n° 420, 1998-1999) ;
3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des
ordonnances n° 98-580 du 8 juillet 1998, n° 98-582 du 8 juillet 1998, n° 98-728
du 20 août 1998, n° 98-729 du 20 août 1998, n° 98-730 du 20 août 1998, n°
98-732 du 20 août 1998, n° 98-774 du 2 septembre 1998 prises en application de
la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre,
par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à
l'adaptation du droit applicable outre-mer (n° 421, 1998-1999) ;
4° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des
ordonnances n° 98-524 du 24 juin 1998, n° 98-525 du 24 juin 1998, n° 98-581 du
8 juillet 1998, n° 98-775 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi
n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par
ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à
l'adaptation du droit applicable outre-mer (n° 422, 1998-1999).
5° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des
ordonnances n° 98-520 du 24 juin 1998, n° 98-521 du 24 juin 1998, n° 98-523 du
24 juin 1998, n° 98-526 du 24 juin 1998, n° 98-776 du 2 septembre 1998, n°
98-777 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars
1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les
mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit
applicable outre-mer (n° 423, 1998-1999).
Pour ces quatre projets de loi, la conférence des présidents a :
- décidé qu'il serait procédé à une discussion générale commune ;
- fixé au mardi 23 novembre 1999, à dix-sept heures, le délai limite pour le
dépôt des amendements.
Jeudi 25 novembre 1999 :
A quinze heures et le soir :
1° Questions d'actualité au Gouvernement.
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la
séance avant onze heures.
Ordre du jour prioritaire
2° Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2000 (AN n°
1805).
Les règles et le calendrier de la discussion budgétaire du jeudi 25 novembre
au mardi 14 décembre 1999 seront déterminés lors de la conférence des
présidents du 2 novembre 1999.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence
des présidents s'agissant de l'ordre du jour réservé ?...
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence
des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
6
RÉFORME DU CODE DE JUSTICE MILITAIRE
Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi
(n° 478, 1998-1999), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, en
deuxième lecture, portant réforme du code de justice militaire et du code de
procédure pénale. [Rapport n° 23 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, j'ai l'honneur de vous présenter, en deuxième lecture, ce projet de
loi portant réforme du code de justice militaire.
Ce texte a pour objet de rapprocher autant que faire se peut la procédure
pénale militaire de la procédure pénale de droit commun. Il concrétise une
réforme de la justice militaire jugée nécessaire par tous, mais plusieurs fois
repoussée en fonction de l'orientation parlementaire. La justice militaire se
trouvera donc à l'avenir en phase avec l'ensemble de notre procédure pénale.
La Haute Assemblée, tout particulièrement sa commission des lois, partage
pleinement les objectifs du Gouvernement, ce qui nous réjouit. Les débats de
grande qualité qui se sont tenus dans cette enceinte ont permis, j'en conviens,
d'améliorer le projet initial du Gouvernement, et nous sommes progressivement
parvenus à un texte de qualité.
A cet égard, je veux remercier la commission des lois et son rapporteur M.
René Garrec, de leur rapport très constructif, ainsi que la commission de la
défense, que je n'aurai garde d'oublier, laquelle a été saisie pour avis en
première lecture, et dont le rapporteur était M. Serge Vinçon.
Le texte que nous examinons aujourd'hui est issu de l'examen du projet de loi,
le 30 juin dernier, à l'Assemblée nationale. Il recueille, pour l'essentiel,
l'approbation des deux chambres et du Gouvernement, à l'exception de quelques
points à propos desquels la commission propose au Sénat de s'en tenir au texte
déjà discuté.
Je souhaite résumer la portée du texte que nous avons collectivement
réalisé.
Nous avons assuré le rapprochement entre la procédure pénale applicable devant
les juridictions militaires et la procédure pénale de droit commun, poursuivant
en cela les objectifs de la réforme de 1982 et de la loi du 4 janvier 1993.
Cet alignement se manifeste notamment par l'instauration du jury populaire
pour le jugement des affaires criminelles, par la suppression des restrictions
relatives aux infractions permettant la mise en mouvement de l'action publique
par les victimes et par un rapprochement des terminologies du code de procédure
pénale et du code de justice militaire qui sera, je crois, utile pour les
praticiens.
Désormais, les justiciables des juridictions militaires bénéficieront des
mêmes garanties qu'en droit commun, notamment en ce qui concerne l'intervention
d'un avocat pendant la garde à vue. Ils pourront également bénéficier d'un
double degré de juridiction par l'exercice du droit d'appel. Enfin, les
articles du code de justice militaire adoptés par les deux assemblées, qui
renvoient à chaque fois au code de procédure pénale, permettront qu'à l'avenir
les réformes de procédure pénale soient applicables de plein droit aux
juridictions militaires, sauf mention contraire.
Nous avons retenu le principe de la compétence exclusive du tribunal aux
armées de Paris, avec la possibilité de créer des chambres détachées, pour
connaître de l'ensemble des infractions commises par des militaires français
hors du territoire de la République. A la suite du vote de la loi, le tribunal
aux armées des forces françaises stationnées en Allemagne sera dissous, d'un
commun accord, par décret, son activité étant, aujourd'hui, très limitée.
Le code de justice militaire ne conservera plus, en temps de paix, que les
dispositions minimales strictement nécessaires, destinées à garantir la
stabilité de l'institution militaire, la spécificité de la condition militaire
et la protection des intérêts de la défense nationale.
Ce texte, tel qu'il est issu de la seconde lecture à l'Assemblée nationale,
diverge cependant sur un point encore avec la position du Gouvernement et celle
de votre assemblée.
En effet, lors de son examen, le 30 juin dernier, l'Assemblée nationale a
supprimé l'article 46 du projet de loi, qui précisait explicitement que la
juridiction saisie par la partie lésée - par une victime - devait recueillir
l'avis du ministre sur les poursuites engagées à l'encontre d'un militaire. Le
Gouvernement n'a pas souhaité cette suppression, les termes de l'article 46
présentant l'avantage de la clarté de la procédure applicable, même si, en
pratique, ceux de l'article 45
bis
, en particulier, suffisent à fonder
légalement l'avis du ministre de la défense.
Je souhaite, à cet égard, rappeler les motivations profondes qui expliquent le
maintien de cette procédure de l'avis ministériel.
Les droits statutaires des militaires comportent, chacun le sait, des
restrictions par rapport à ceux dont bénéficient d'autres citoyens. Ils n'ont
pas la liberté d'association professionnelle, et leur droit d'expression est
encadré.
Dans ce contexte, l'avis du ministre permet d'assurer la sauvegarde des
intérêts du militaire, en portant à la connaissance de l'autorité judiciaire,
dès le début de la procédure, les éléments de l'espèce, notamment ceux qui
procèdent de la connaissance interne de l'institution militaire.
C'est dans le souci de réaffirmer cette prérogative essentielle pour la
protection des droits des justiciables et pour la complète information de la
justice que le Sénat, suivant la suggestion du Gouvernement, avait adopté les
articles 45
bis
et 46.
L'Assemblée nationale, je crois, a été influencée dans sa position sur cet
article 46 par les travaux de réforme de la justice engagés par ailleurs par le
Gouvernement, travaux qui visent à assurer au parquet les conditions
nécessaires à l'exercice indépendant de ses prérogatives. Or, comme je l'ai
rappelé à l'Assemblée nationale, l'avis du ministre de la défense, au début
d'une telle procédure, est sans rapport avec les instructions au parquet et ne
peut nullement présenter le caractère d'une injonction adressée à la
juridiction de jugement.
Mais, finalement, les points de vue sont voisins quant au déroulement effectif
de la procédure, comme l'écrit très justement M. Garrec dans son rapport.
La rédaction de l'article 698-2 du code de procédure pénale, telle qu'elle a
été confirmée par l'Assemblée nationale, ne remet pas en cause la procédure de
l'avis ministériel.
Quant au cas d'un engagement de poursuite sur l'action d'une partie lésée à la
demande d'une victime, l'analyse juridique conduit à le ramener au cas général,
comme je l'avais d'ailleurs suggéré devant l'Assemblée nationale.
En effet, la possibilité de mise en mouvement de l'action publique par la
partie lésée est restreinte par le texte à une seule formule qui est la plainte
avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction. Dans ce cas,
l'article 86 du code du procédure pénale, qui, lui, n'est pas affecté par notre
texte, fait obligation au juge d'instruction saisi d'une plainte de la
communiquer au procureur de la République, lequel, en vertu du texte de
l'article 698-1, devra, avant de prendre ses réquisitions, solliciter l'avis du
ministre de la défense. C'est pourquoi, en cas de plainte avec constitution de
partie civile, le ministre de la défense sera amené à donner son avis de toute
manière. Cette conclusion me paraît coïncider avec la volonté exprimée par la
Haute Assemblée.
Par sagesse, la commission des lois souhaite éviter une navette
supplémentaire, alors que presque tout, sous réserve de ce point, a été dit sur
ce texte. De plus, je le répète, ce dernier a été bien amélioré.
Le Gouvernement se range à cette position, car il estime ne pas devoir
alourdir le travail parlementaire dans un contexte où l'analyse juridique, que
je viens de résumer, indique que nous avons sauvegardé la possibilité pour le
ministre de donner son avis, ce qui était le dernier point clé du projet de loi
encore en débat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ainsi enrichi des
travaux parlementaires, le texte qui vous est soumis aujourd'hui met enfin la
procédure pénale applicable devant les juridictions militaires en conformité
avec les progrès de la procédure de droit commun, tout en sauvegardant
l'autorité nécessaire de l'Etat. A cet égard, il représente une avancée
considérable pour les droits des justiciables militaires et répond à une
attente formulée depuis 1993.
C'est donc avec confiance que je vous demande d'adopter ce texte.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. René Garrec,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat est appelé à
examiner en deuxième lecture le projet de loi modifiant le code de justice
militaire et le code de procédure pénale. Ce texte est en discussion depuis
plus de dix-huit mois et, au vu des amendements adoptés par l'Assemblée
nationale, il me semble que nous aurions pu nous épargner cette deuxième
lecture.
Avant d'évoquer les articles restant en discussion, je rappellerai brièvement
la situation actuelle et le contenu du projet de loi. Je le ferai de nouveau,
après M. le ministre, mais la pédagogie, c'est aussi la répétition !
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Il n'y a ici que d'excellents élèves !
M. René Garrec,
rapporteur.
En tout cas, ce sont tous d'excellents pédagogues. Or ceux-ci
ont quelquefois besoin de se recycler.
(Sourires.)
Aujourd'hui, les infractions commises sur le territoire national par des
militaires dans l'exercice de leurs fonctions relèvent de juridictions de droit
commun spécialisées en matière militaire.
La procédure devant ces juridictions spécialisées est très proche de la
procédure de droit commun, à quelques exceptions près. En particulier, les
possibilités pour la victime de mettre en mouvement l'action publique sont très
limitées : il faut qu'il y ait décès, mutilation ou infirmité permanente. En
outre, le procureur de la République doit demander un avis au ministre de la
défense avant la mise en mouvement de l'action publique.
En ce qui concerne les infractions commises hors du territoire, elles relèvent
des tribunaux aux armées lorsque de tels tribunaux ont été établis auprès d'une
force stationnant à l'étranger. En pratique, il n'existe actuellement que le
tribunal de Baden-Baden. En l'absence de tels tribunaux, les affaires relèvent
des juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire. La
procédure demeure très dérogatoire par rapport au droit commun.
Le projet de loi a pour objet de rapprocher fortement la procédure applicable
devant les juridictions militaires de la procédure de droit commun, notamment
en ce qui concerne la garde à vue, la détention provisoire et la mise en
examen. A l'avenir, toutes les réformes de procédure pénale seront
automatiquement applicables devant le tribunal aux armées de Paris.
Au cours de la première lecture, l'Assemblée nationale et le Sénat sont tombés
d'accord pour rapprocher la procédure militaire de la procédure de droit
commun. Ainsi, l'Assemblée nationale a supprimé la possibilité d'établir des
tribunaux aux armées auprès des forces stationnant à l'étranger, de sorte que
le tribunal aux armées de Paris va devenir la seule juridiction compétente pour
les infractions commises par des militaires hors du territoire de la
République. La question pouvait se poser compte tenu des événements survenus
dans les Balkans et ailleurs. L'Assemblée nationale a tranché ; nous avons
suivi.
Le Sénat s'est vu proposer - et a donc accepté - de supprimer toute allusion
au tribunal de Baden-Baden dans le code de justice militaire, ce tribunal étant
appelé à disparaître définitivement.
Quels sont les points de désaccord ?
Cinq articles restent en discussion, qui portent, en fait, sur trois
sujets.
Le premier désaccord - et cette appréciation n'est pas péjorative - me semble
tout à fait anecdotique.
L'Assemblée nationale souhaite à tout prix que l'on fasse mention, au début du
code de justice militaire, de certaines équivalences fonctionnelles entre les
juridictions ordinaires et le tribunal aux armées.
Il s'agit, par exemple, de dire que les attributions du procureur sont
exercées par le procureur près le tribunal aux armées. Cette précision ne
m'avait pas paru indispensable, pas plus qu'à la commission des lois, mais on
ne peut qualifier cela de désaccord grave.
Le deuxième désaccord porte sur le jugement des crimes. En première lecture,
le Sénat a modifié le texte pour tenir compte du fait que le tribunal aux
armées de Paris va devenir la seule juridiction militaire. Nous avons notamment
prévu des modalités spécifiques pour la constitution du jury, car il était
difficile d'appliquer sans rien changer les règles des cours d'assises.
Nous avons, en outre, prévu que des chambres détachées du tribunal aux armées
de Paris auprès des forces stationnées à l'étranger puissent délibérer en
matière criminelle. Nous avons donc précisé que, dans un tel cas, la
juridiction serait composée d'un président et de six assesseurs. L'Assemblée
nationale a refusé que les chambres détachées puissent statuer en matière
criminelle et a préféré que les militaires poursuivis pour crime soient
rapatriés afin qu'un jury populaire puisse être constitué. La commission des
lois a décidé d'accepter cette modification.
Enfin, le troisième désaccord - peut-être le seul sur le fond - porte sur
l'avis du ministre de la défense en cas de poursuites contre les militaires.
En 1992, on a ouvert, dans des conditions très encadrées, la possibilité pour
la victime de mettre en mouvement l'action publique, mais l'avis du ministre de
la défense n'a pas été explicitement prévu, alors qu'il l'est quand le
procureur met en mouvement l'action publique.
Le Gouvernement avait souhaité réparer cet oubli dans le présent projet de
loi. L'Assemblée nationale ne l'a pas suivi. Elle a considérablement élargi les
possibilités pour la victime de mettre en mouvement l'action publique et a
refusé d'inscrire l'avis du ministre de la défense dans la loi. Le Sénat a
accepté l'élargissement des possibilités de mettre en mouvement l'action
publique, mais a estimé normal que le ministre de la défense puisse donner un
avis pour éclairer les juges sur le contexte de l'infraction.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a refusé de se ranger à nos
arguments et a de nouveau supprimé l'avis, malgré vos exhortations, monsieur le
ministre.
La commission des lois considère qu'il n'y a aucune raison d'exclure l'avis du
ministre de la défense quand la partie lésée met en mouvement l'action
publique. L'avis du ministre de la défense n'est en rien comparable à ces
instructions du garde des sceaux que le Gouvernement souhaite aujourd'hui
supprimer.
Il faut cependant rappeler que l'article 698-1 du code de procédure pénale
indique que le procureur demande l'avis du ministre avant tout acte de
poursuite. Or, quand la victime met en mouvement l'action publique, on peut
considérer que les réquisitions du procureur sont un acte de poursuite, auquel
cas l'avis est nécessaire. En s'appuyant sur cette interprétation, la
commission considère que l'avis devra être demandé en tout état de cause, même
s'il aurait été préférable de l'inscrire explicitement dans la loi.
A ce stade, afin de faciliter l'entrée en vigueur rapide d'un texte utile, la
commission des lois vous propose, mes chers collègues, de l'adopter sans
modification.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la
discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du
Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
TITRE Ier
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE
DE JUSTICE MILITAIRE
Article 2
M. le président.
« Art. 2. _ L'article 2 du même code est ainsi rédigé :
«
Art. 2
. _ En temps de paix, les infractions de la compétence du
tribunal aux armées sont poursuivies, instruites et jugées selon les
dispositions du code de procédure pénale, sous réserve des dispositions
particulières édictées par les articles 698-1 à 698-9 de ce code et de celles
édictées par le présent code.
« Les attributions conférées par le code de procédure pénale au juge
d'instruction, au procureur de la République, au président du tribunal et au
président de la cour d'assises sont exercées respectivement par le juge
d'instruction du tribunal aux armées, le procureur de la République près le
tribunal aux armées et le président du tribunal aux armées.
« Le procureur général exerce vis-à-vis du tribunal aux armées les
attributions qui lui sont dévolues par le code de procédure pénale à l'égard
des juridictions de droit commun.
« En temps de guerre, les infractions de la compétence des tribunaux
territoriaux des forces armées et des tribunaux militaires aux armées sont
instruites et jugées selon :
« _ les dispositions du code de procédure pénale avant l'entrée en application
de la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale ;
« _ et celles du code de justice militaire dans sa rédaction résultant de la
loi n° 82-621 du 21 juillet 1982 relative à l'instruction et au jugement des
infractions en matière militaire et de sûreté de l'Etat et modifiant les codes
de procédure pénale et de justice militaire. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Articles 3, 5 et 27 bis
M. le président.
« Art. 3. _ I. _
Non modifié
.
« II. _ Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour le jugement des contraventions et des délits, des chambres détachées du
tribunal aux armées de Paris peuvent, en cas de besoin, être instituées à titre
temporaire hors du territoire de la République, par décret pris sur le rapport
conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre de la
défense. »
- (Adopté.)
« Art. 5. _ L'article 6 du même code est ainsi rédigé :
«
Art. 6
. _ Pour le jugement des contraventions, le tribunal aux armées
est composé de son président ou d'un magistrat qu'il délègue.
« Pour le jugement des délits, il est composé d'un président et de deux
assesseurs ou, dans les cas prévus par l'article 398-1 du code de procédure
pénale, d'un seul de ces magistrats exerçant les pouvoirs conférés au
président.
« Pour le jugement des crimes, la formation de jugement est composée selon les
dispositions des articles 698-6 et 698-7 du code de procédure pénale sous
réserve des dispositions de la présente section et de l'article 205 du présent
code. »
- (Adopté.)
« Art. 27
bis.
_ L'article 205 du même code est ainsi rédigé :
«
Art. 205
. _ Pour le jugement des crimes, le tribunal aux armées est
composé d'un président et de six assesseurs. Les dispositions des deuxième à
cinquième alinéas de l'article 698-6 du code de procédure pénale sont
applicables au tribunal ainsi composé. Toutefois, ces dispositions ne sont
applicables, pour le jugement des crimes de droit commun commis dans
l'exécution du service par les militaires, que s'il existe un risque de
divulgation d'un secret de la défense nationale. L'arrêt de mise en accusation
prononcé par la chambre d'accusation du tribunal aux armées constate, s'il y a
lieu, qu'il existe un risque de divulgation d'un secret de la défense et
ordonne que le tribunal aux armées soit composé conformément aux dispositions
du présent alinéa.
« Pour le jugement des crimes de droit commun commis par des militaires dans
l'exécution du service, lorsqu'il n'a pas été fait application des dispositions
de l'alinéa précédent, le tribunal aux armées comprend le tribunal proprement
dit et le jury. Le tribunal proprement dit est composé d'un président et de
deux assesseurs. Le jury est composé conformément aux articles 254 à 258-1, 293
à 305-1 du code de procédure pénale, sous réserve des dispositions prévues aux
troisième à cinquième alinéas.
« Trente jours au moins avant l'audience, le président du tribunal aux armées
ou son délégué établit la liste du jury de la juridiction et la liste des jurés
suppléants, en procédant comme il est dit à l'article 266 du code de procédure
pénale. Pour l'application de ces dispositions, il est fait usage de la liste
annuelle établie pour la cour d'assises de Paris. Si, parmi les noms tirés au
sort, figurent ceux d'une ou plusieurs personnes déjà inscrites sur les listes
de session ou les listes des jurés suppléants établies précédemment pour la
cour d'assises de Paris par tirage au sort sur la même liste annuelle, il
procède comme il est dit au deuxième alinéa de l'article 266 du code de
procédure pénale.
« Le préfet notifie à chacun des jurés et jurés suppléants l'extrait de la
liste le concernant dans les formes et délais prévus par l'article 267 du code
de procédure pénale.
« A l'ouverture de l'audience, le tribunal procède à la révision de la liste
du jury conformément aux dispositions des articles 288 à 292 du code de
procédure pénale. »
- (Adopté.)
Article 46
M. le président.
L'article 46 a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la deuxième
lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Peyronnet pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite
très rapidement exprimer la position du groupe socialiste au moment du vote, en
deuxième lecture, du projet de loi portant réforme du code de justice militaire
et du code de procédure pénale.
Nous approuvons, bien sûr, la philosophie de ce projet de loi, qui s'inscrit
dans le cadre de la réforme globale de la justice et répond à la nécessité de
rapprocher la procédure applicable devant les juridictions militaires de la
procédure de droit commun en vigueur depuis l'adoption du nouveau code de
procédure pénale en 1993.
Ce projet de loi permettra aux justiciables des juridictions militaires de
bénéficier des garanties offertes aux autres justiciables, en particulier en ce
qui concerne la garde à vue et la détention provisoire. Il permettra aussi que,
dorénavant, l'ensemble des réformes de la procédure pénale soient applicables
aux justiciables militaires.
Nous adhérons également au rapprochement de la procédure pénale militaire et
de la procédure pénale de droit commun par réduction du particularisme des
juridictions militaires.
Aujourd'hui, le projet de loi portant réforme du code de justice militaire et
du code de procédure pénale arrive donc en deuxième lecture au Sénat.
L'Assemblée nationale, en juin dernier, a apporté quelques modifications sans
pour autant dénaturer l'esprit du texte que nous avions adopté en mars 1999 ;
elle a même repris un nombre important des dispositions adoptées en première
lecture par le Sénat.
Afin de ne pas retarder plus longtemps l'entrée en vigueur de ce texte
nécessaire, la commission des lois du Sénat, dans sa grande sagesse, monsieur
le rapporteur, a décidé de l'approuver sans modification. Nous nous en
félicitons et nous voterons donc ce projet de loi, qui nous semble aller dans
le sens d'une double modernisation : celle de la justice, d'abord - je
n'insiste pas, un grand chantier est en cours - celle de l'institution
militaire, ensuite.
La professionnalisation des armées, la disparition à terme du service national
sous sa forme actuelle, la nouvelle donne de la défense en Europe obligent
l'institution militaire à engager une action profonde de renouvellement.
A sa manière, ce texte participe à cette action de modernisation puisqu'il
permet d'assurer une nouvelle déclinaison du lien entre les citoyens et l'armée
en rapprochant encore plus le citoyen-militaire du citoyen-civil.
M. le président.
La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart.
Mes amis du groupe communiste républicain et citoyen et moi-même portons une
appréciation très positive sur ce projet de loi portant réforme du code de
justice militaire et du code de procédure pénale.
Cette réforme est induite par les profondes modifications de notre armée
républicaine, avec la fin du service national et le développement des
interventions hors du territoire français.
Elle s'inscrit également dans le cadre du vaste chantier de réforme de la
justice qui est engagé par le Gouvernement.
Le présent projet de loi vise à « rapprocher la procédure suivie devant les
juridictions militaires du droit commun procédural » pour les infractions
commises en temps de paix.
Avec ce rapprochement, les militaires pourront désormais bénéficier des mêmes
garanties procédurales que l'ensemble des justiciables : présence d'un avocat
en garde à vue, droits de la défense au cours de l'instruction, bénéfice du
référé-liberté. Enfin, et surtout, leur est désormais reconnu le droit de faire
appel des décisions.
Nous espérons, en outre, que le bénéfice de la présence de l'avocat dès le
début de la garde à vue pourra être prochainement appliqué à la procédure
pénale militaire.
Le groupe communiste républicain et citoyen approuvera donc ce texte, qui tend
à faire du droit militaire en temps de paix un droit de moins en moins
d'exception. Par ailleurs, les évolutions de la procédure pénale de droit
commun en faveur d'un meilleur respect des droits des justiciables et, plus
généralement, des droits de l'homme nous renforcent dans notre intention
d'émettre un vote positif.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe du
RPR se ralliera, naturellement, à la position de la commission et votera le
texte en l'état. Je tiens toutefois à attirer l'attention sur une lacune de
notre droit que n'a pas résolue ce texte : il s'agit du cas où serait déclaré
l'état de siège en temps de paix.
En effet, l'état de siège implique que les atteintes à l'ordre public soient
jugées par les tribunaux militaires. Or, ces derniers n'existent plus en temps
de paix.
Je sais bien que c'est là une hypothèse d'école, monsieur le ministre, mais,
lorsque vous aurez le temps, il sera peut-être opportun de déposer un court
projet de loi permettant de résoudre cette anomalie. Si jamais le Gouvernement
décidait de déclarer l'état de siège, nous serions en effet démunis.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Ou trop bien munis !
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
M. Emmanuel Hamel.
Je ne le voterai pas.
M. le président.
Je vous en donne acte, mon cher collègue.
(Le projet de loi est adopté.)
7
SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION D'ÉTUDIANTS CHINOIS
M. le président.
Mes chers collègues, au nom du président du Sénat et en votre nom à tous, je
suis heureux d'accueillir une délégation d'étudiants de Chine qui poursuivent
des études équivalentes à celles que dispense notre Ecole nationale
d'administration.
Au nom du Sénat, je leur souhaite une cordiale bienvenue. J'espère qu'ils
tireront profit du séjour qu'ils effectuent actuellement en France. Qu'ils
soient heureux parmi nous et qu'ils retournent chez eux en ayant profité de
tous les enseignements qu'ils pourront trouver dans notre pays.
(M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
M. Pierre Fauchon.
Notamment sur la notion d'Etat de droit !
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux pendant
quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures
quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
8
RAPPELS AU RÈGLEMENT
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Il est clair qu'un problème de droit
est aujourd'hui posé, celui de la faculté, dont ne dispose pas actuellement la
cour d'assises, de décerner un mandat de dépôt contre un accusé à la fin de son
procès lorsqu'il a comparu libre.
Or, d'après certaines déclarations, qui ne correspondent d'ailleurs pas à ce
qui a été dit à l'Assemblée nationale, on aurait pu penser que Mme le garde des
sceaux estimait nécessaire de prendre une initiative sur ce point. Mais il est
non moins clair que la modification pertinente a d'ores et déjà été apportée :
il ne reste plus à l'Assemblée nationale qu'à approuver l'initiative du Sénat,
sur ce point comme sur beaucoup d'autres, d'ailleurs - mais c'est un autre
problème !
(Sourires.)
Madame, vous avez dit, je crois, lors de la séance de questions
d'actualité au Gouvernement, et nous avons pu le comprendre à la lecture de vos
déclarations dans la presse, notamment dans
Le Monde
, que ce problème
restait à traiter. Or il a été résolu grâce à une initiative de M.
Dreyfus-Schmidt. Vous vous en étiez remise à la sagesse du Sénat sur un
amendement de notre collègue, amendement qui avait été adopté sans aucun
problème, avec l'avis favorable de la commission des lois.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Sur un sujet de cette importance, je tiens à dire et à
redire ici, comme je l'ai fait d'ailleurs la semaine dernière lors de la séance
de questions d'actualité au Gouvernement, que, en effet, un amendement a bien
été déposé, sur l'initiative de M. Michel Dreyfus-Schmidt, visant à donner la
possibilité à la cour d'assises de décerner un mandat de dépôt à l'audience, ce
qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Cette démarche montre bien que le Parlement, aussi bien le Sénat que
l'Assemblée nationale, s'était déjà préoccupé de cette question bien avant la
fuite de M. Papon.
Nous verrons, lors du débat à l'Assemblée nationale, la rédaction que nous
retenons. A cet égard, je ne suis pas absolument certaine que ce soit
exactement cette rédaction-là qu'il faille retenir finalement.
Mais nous sommes d'accord sur le principe, puisque le Sénat a voté
l'amendement de M. Dreyfus-Schmidt et que l'Assemblée nationale n'a été
empêchée de faire de même que par une seule considération, à savoir que le
dossier Papon n'était pas encore refermé. Cette condition est désormais
remplie.
Par conséquent, nous pourrons tout à fait demander à l'Assemblée nationale
d'examiner l'amendement du Sénat et voir, le cas échéant, quelles sont les
modifications de rédaction que nous souhaitons y apporter.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Monsieur le président, je tenais simplement à présenter les excuses de nos
collègues qui siègent à la commission des affaires culturelles depuis seize
heures trente, de ceux qui s'apprêtent à se rendre en commission des affaires
économiques et du Plan à dix-sept heures, de ceux qui siègent en commission des
affaires sociales depuis seize heures...
M. Emmanuel Hamel.
Excellente remarque !
(Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
... et de ceux qui siègent également depuis seize heures, mais en commission
des finances.
M. Emmanuel Hamel.
Quelle mauvaise organisation !
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous qui siégez parmi nous depuis si longtemps, vous
êtes trop averti de ces questions pour découvrir tout à fait une situation dont
vous avez eu à connaître dans les mêmes termes lorsque vous occupiez ce
fauteuil. Cette question concerne l'organisation de nos travaux, surtout en
période budgétaire.
M. Michel Charasse.
Il faut que le Gouvernement règle l'ordre du jour des commissions !
(Sourires.)
M. le président.
Mais je vous donne acte de votre rappel au règlement. Du reste, c'est un
problème que M. Hamel ne manque jamais de soulever. Pourtant, mes chers
collègues, il faut bien que les commissions travaillent !
M. Emmanuel Hamel.
Organisons-nous mieux !
9
ACTION PUBLIQUE EN MATIÈRE PÉNALE
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 470,
1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'action publique en
matière pénale et modifiant le code de procédure pénale. [Rapport n° 11
(1999-2000).]
Le Sénat a commencé, lors de sa séance du 21 octobre dernier, l'examen de
l'article 2, dont je rappelle les termes :
Article 2 (suite)
M. le président.
« Art. 2. _ Les articles 35 à 37 du même code sont remplacés par les articles
35 à 37-2 ainsi rédigés :
«
Art. 35
. _ Le procureur général veille à l'application de la loi
pénale dans le ressort de la cour d'appel. Il a autorité sur tous les
magistrats du ministère public de son ressort. Il a, dans l'exercice de ses
fonctions, le droit de requérir directement la force publique.
«
Art. 36
. _ Le procureur général anime l'action des procureurs de la
République de son ressort et coordonne l'application par ceux-ci des directives
générales du ministre de la justice. Il précise et, le cas échéant, adapte ces
directives générales en fonction des circonstances propres au ressort. Il
procède à l'évaluation de leur application par les procureurs de la
République.
«
Art. 37
. _ Le procureur général peut dénoncer aux procureurs de la
République de son ressort les infractions à la loi pénale dont il a
connaissance.
« Il peut leur enjoindre par des instructions, écrites et motivées qui sont
versées au dossier, d'engager des poursuites ou de saisir la juridiction
compétente des réquisitions écrites qu'il juge opportunes. Il ne peut donner
aucune instruction faisant obstacle à la mise en mouvement de l'action publique
dans les affaires individuelles.
«
Art. 37-1
. _ Le procureur général informe, au moins une fois par an,
l'assemblée des magistrats de la cour d'appel des conditions de mise en oeuvre,
dans le ressort, des directives générales du ministre de la justice.
« Cette information est rendue publique.
«
Art. 37-2
. _ Le procureur général informe le ministre de la justice
des affaires lui paraissant devoir être portées à sa connaissance ainsi que du
déroulement des procédures dans lesquelles il a été fait application des
dispositions de l'article 30-1. Le ministre de la justice est informé à sa
demande de toute autre affaire dont les parquets sont saisis.
« Le procureur général adresse chaque année au ministre de la justice un
rapport sur la mise en oeuvre, dans son ressort, des directives générales du
ministre. »
Au sein de l'article 2, le Sénat a entamé la discussion du texte proposé pour
l'article 36 du code de procédure pénale.
ARTICLE 36 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
(suite)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 13, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de
compléter le texte présenté par l'article 2 pour l'article 36 du code de
procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :
« Le procureur général prend des réquisitions écrites conformes aux
instructions qui lui sont données dans les conditions prévues aux articles 30
et 30-4. »
Par amendement n° 53 rectifié, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste
et apparentés proposent de compléter le texte présenté par l'article 2 pour
l'article 36 du code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :
« Les membres du parquet ne peuvent prendre des réquisitions écrites qui ne
s'inscrivent pas dans le cadre des directives générales. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 13.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, il s'agit des
réquisitions qui doivent être prises par le procureur général.
Nous avons décidé, la semaine dernière, que le garde des sceaux conserverait
ses responsabilités dans les domaines de la sécurité de l'Etat et du terrorisme
et que, dans les autres domaines, un procureur général de la République
assurerait, à l'avenir, la coordination que le garde des sceaux ne veut plus
assurer.
Il faut donc prévoir que les procureurs généraux prendront des réquisitions
écrites conformes aux instructions qui leur seront données dans les conditions
prévues aux articles 30 et 30-4 du code de procédure pénale que nous avons déjà
adoptés, c'est-à-dire en tenant compte des instructions soit du ministre de la
justice dans le domaine que nous lui avons réservé, soit du procureur général
de la République pour le reste des affaires.
En réalité, c'est un amendement de conséquence, résultant de dispositions que
nous avons adoptées jeudi dernier.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke, pour défendre l'amendement n° 53 rectifié.
Mme Dinah Derycke.
Cet amendement s'inscrit dans la cohérence de ceux que nous avons développés
précédemment.
L'application de la politique pénale, approuvée par le Parlement, relève du
seul pouvoir exécutif par délégation de la souveraineté nationale dont « aucune
section du peuple, ni aucun individu ne peut s'attribuer l'exercice ».
Les directives générales de la politique pénale doivent donc avoir un
caractère obligatoire pour les réquisitions écrites des magistrats du parquet.
Naturellement, ces magistrats conserveront leur droit de développer verbalement
des réquisitions différentes.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 53 rectifié ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission est défavorable à cet amendement pour des
raisons déjà exposées à l'occasion de l'examen de l'amendement n° 45 rectifié,
présenté par M. Charasse. En effet, si la rédaction est un peu différente, on y
retrouve néanmoins la même idée.
Est-il nécessaire de préciser que « les membres du parquet ne peuvent prendre
des réquisitions écrites qui ne s'inscrivent pas dans le cadre des directives
générales » ?
Sur le plan juridique, ce n'est pas correct, car, nous l'avons rappelé, et
tout le monde en est d'accord, les directives générales étant des circulaires
et non pas des normes, elles ne peuvent servir de fondement à une vérification
de conformité des réquisitions.
Sur le plan pratique, le dispositif proposé ne peut pas non plus avoir de
portée, étant donné le caractère non normatif de ces orientations générales.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 13 et 53 rectifié ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Je suis défavorable à
l'amendement n° 13, par cohérence avec la position adoptée précédemment.
Au travers de l'amendement n° 53 rectifié, Mme Derycke soulève une question
importante et complexe, que nous avons déjà évoquée lors de l'examen de
l'amendement n° 45 rectifié, présenté par M. Charasse.
J'indique d'emblée que, sur le principe, je suis favorable à l'amendement de
Mme Derycke, dans la mesure où il tend à clarifier les conséquences juridiques
des directives - ou des « orientations » - du garde des sceaux.
Il est vrai qu'il est difficile de mettre en relation des directives
générales, qui, par nature, sont générales et n'interdisent pas des adaptations
au cas par cas, avec des réquisitions écrites, qui, nécessairement, concernent
des affaires individuelles.
Cependant, il peut y avoir des cas où, prenant prétexte d'une affaire
individuelle, le parquet développerait par écrit des considérations prenant le
contre-pied des directives générales. Que ferait-on, dans ce cas ? Si la parole
est libre, de telles réquisitions écrites, en revanche, me semblent contraires
aux obligations du ministère public.
Supposons, par exemple, que, dans des réquisitions écrites devant un juge
d'instruction ou devant le tribunal, pour un petit délit relevant de la
procédure de composition pénale, un procureur soutienne que des poursuites sont
nécessaires, car cette procédure alternative aux poursuites, bien que
préconisée par des directives du garde des sceaux, est contraire à la
conception que ce magistrat a des rôles respectifs du parquet et du siège. Un
tel comportement ne serait pas acceptable.
Je suis donc favorable à cet amendement, ou, plutôt, je l'étais avant qu'il ne
soit rectifié, c'est-à-dire avant que l'expression initiale « développer des
réquisitions écrites » ne soit remplacée par les termes « prendre des
réquisitions écrites ».
Cette rectification pose problème, car seuls les « développements » figurant
dans des réquisitions écrites peuvent s'inscrire, ou non, dans le cadre de
directives ou d'orientations générales. Une réquisition non motivée, qui ne
vise que des éléments purement factuels liés à une affaire individuelle, ne
peut, en tant que telle, être considérée comme conforme ou non à une directive
générale.
Pour reprendre mon exemple précédent, le seul fait que, dans une directive
générale, soit préconisée l'utilisation de la procédure de composition pénale
pour certains délits urbains de faible gravité ne permet pas de considérer
qu'un réquisitoire introductif délivré pour de tels faits constitue une
réquisition écrite non conforme à ces directives. L'ouverture d'une information
peut être en effet justifiée en l'espèce par la complexité des faits ou par la
nécessité d'identifier, par exemple, un receleur professionnel.
Je le répète, ce sont donc uniquement les « développements » qui peuvent
figurer dans des réquisitions écrites qui sont susceptibles de contredire des
directives générales et d'être, à ce titre, prohibés.
Je serais donc favorable à l'amendement s'il était de nouveau rectifié pour en
revenir au texte initial, qui précisait : « Les membres du parquet ne peuvent
développer des réquisitions écrites qui ne s'inscrivent pas dans le cadre des
orientations générales. »
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 13.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Afin d'éviter que l'amendement n° 53 rectifié ne devienne sans objet, je
souhaiterais le transformer en sous-amendement à l'amendement n° 13, complétant
ainsi l'article 36 du code de procédure pénale par un second alinéa.
Au sein de ce sous-amendement seront visées des « orientations générales »
puisque, provisoirement, nous ne parlons plus de « directives ».
Enfin, une dernière rectification devrait satisfaire Mme le garde des sceaux.
Elle tient aussi, à franchement parler, à ce que nous n'avons pas vu de
différence essentielle entre les verbes « développer » et « prendre ». S'il n'y
a pas de développement, un procureur prend des réquisitions. Son réquisitoire
est au dossier et il est soit conforme, soit non conforme aux directives
générales.
Nous sommes d'accord, madame le garde des sceaux, et c'est l'essentiel, sur le
fait que doit subsister la preuve que, dans ses réquisitions écrites, parce que
la plume est serve, le magistrat du parquet aura respecté les directives
générales. Il appartient au Gouvernement de déterminer ces directives générales
; et la responsabilité du procureur, qui a charge de les appliquer, pourrait
être engagée dès lors que ses réquisitions écrites n'y seraient pas
conformes.
En tenant compte de ces différents impératifs, notre sous-amendement serait
ainsi libellé : « Les membres du parquet ne peuvent développer des réquisitions
écrites qui ne s'inscrivent pas dans le cadre des orientations générales. »
M. le président.
Je suis donc saisi par Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et
apparentés d'un sous-amendement n° 53 rectifié
bis
tendant à insérer,
dans l'amendement n° 13, un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« Les membres du parquet ne peuvent développer des réquisitions écrites qui ne
s'inscrivent pas dans le cadre des orientations générales. »
Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
D'abord, je remercie M. Dreyfus-Schmidt d'avoir remplacé le
mot « directives » par le mot « orientations », puisque c'est ce dernier que
nous avons adopté.
S'agissant du fond, les explications de Mme le garde des sceaux, comme celles
de mon collègue M. Dreyfus-Schmidt, me conduisent à penser qu'il ne faut pas
retenir une telle disposition. En effet, elle compliquerait les choses. Dans un
texte où l'on prétend rendre les procureurs plus responsables, elle tend, en
réalité, à les enserrer dans des contraintes, d'ailleurs non assorties de
sanctions.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Cela viendra !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Or, il ne faut pas multiplier les contraintes non assorties
de sanctions.
De plus, la disposition proposée comporte désormais l'expression « ne peuvent
développer ». Or, dans le langage courant - je parle ici en professionnel, et
M. Dreyfus-Schmidt ne me contredira pas - développer des conclusions, c'est
l'intervention orale. C'est ce que j'ai toujours entendu dire en trente ans de
métier. Le mot « développer » fait clairement allusion aux explications
orales.
Or, le principe, c'est que les procureurs sont libres de développer leurs
explications orales. Jusqu'à nouvel ordre, personne ne conteste ce principe.
Madame le garde des sceaux, seul Saint-Just ne supportait pas un tel principe.
Hormis Saint-Just, tout le monde admet donc que les procureurs sont libres de «
développer » leurs conclusions et que, là, ils retrouvent leur liberté ; nous
en avons eu des exemples significatifs récemment.
Il ne faut donc pas créer une nouvelle équivoque.
Aussi, je demande à notre assemblée de ne pas voter cette disposition,
modifiée à plusieurs reprises et qui me semble de plus en plus mauvaise.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je préférerais que nous en restions à l'amendement n°
53 rectifié, tel qu'il avait été rédigé initialement. S'agissant des termes «
orientations » et « directives », j'ai donné mon opinion et je n'ai pas changé
d'avis.
Par ailleurs, je reste défavorable à l'amendement n° 13.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 53 rectifié
bis
.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
La question que nous examinons est importante et notre intérêt bien compris,
me semble-t-il, est d'aboutir à un texte qui ait quelque chance de survivre au
débat du Sénat. Aussi, je souhaiterais faire une proposition transactionnelle,
en mariant l'amendement n° 13 et le sous-amendement n° 53 rectifié
bis
.
La rédaction qui pourrait être acceptée par les uns et par les autres,
correspondant à la démarche de la commission, à la position du Gouvernement et
à celle de mes amis, naturellement, serait la suivante : « Le procureur général
ne peut soutenir » - ce terme est sans doute un peu plus fort que le mot «
développer » - « que des réquisitions écrites qui s'inscrivent dans le cadre
des orientations générales visées aux articles 30 et 30-4. »
(M. le rapporteur fait un signe de dénégation.)
Il s'agit, bien sûr, d'un
sous-amendement à l'amendement n° 13.
En effet, j'ai le sentiment que, si nous retenons l'amendement n° 13 en l'état
ou modifié par le sous-amendement n° 53 rectifié
bis
, cette disposition
ne survivra pas à l'Assemblée nationale.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 76, présenté par M. Charasse, et
tendant à compléter le texte présenté par l'amendement n° 13 pour l'article 36
du code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :
« Le procureur général ne peut soutenir des réquisitions écrites qui ne
s'inscrivent pas dans le cadre des orientations générales. »
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, de
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Il conviendrait de mettre un terme à
la confusion actuelle.
Il y a, d'une part, l'écrit et, d'autre part, l'oral. La formulation choisie
par M. le rapporteur est tout à fait claire : le procureur général « prend des
réquisitions écrites ». L'écrit est serf, tandis que l'oral est libre.
Or, le mot « développer », comme cela a été justement dit tout à l'heure,
implique évidemment une intervention plus proche de l'oral que de l'écrit.
Essayons de nous en tenir à des choses précises : il y a ce qui est écrit : on
obéit ; il y a ce qui est oral : on fait ce que l'on veut. Ainsi, c'est clair
!
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 76.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
L'article 39-32 prévoit que les procureurs prennent des réquisitions écrites -
c'est le texte même du projet de loi. Si l'on change de terminologie en cours
de débat !
Pour ma part, je ne comprends pas. On ne peut, en effet, préciser que le
procureur général prend des réquisitions écrites conformes aux instructions et
supposer, dans le même temps, et qu'il peut soutenir des réquisitions écrites
qui ne s'inscrivent pas dans le cadre des orientations générales.
Ce serait tout de même bizarre - mais il est vrai qu'on a aujourd'hui une
curieuse manière de légiférer - d'autant qu'il faudrait évidemment ajouter que,
s'il ne prend pas les réquisitions écrites conformément aux instructions, il ne
subira pas de sanction.
Je ne vois vraiment pas pourquoi on écrirait cela dans un texte de loi,
surtout dans le code de procédure pénale. C'est pourquoi ce sous-amendement n'a
pas d'utilité.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
J'irai dans le même sens que M. Hyest, en soulignant que, quelle que soit la
rédaction retenue, on se trouvera devant une situation aberrante.
Supposons que le garde des sceaux n'ait pas adopté d'orientations générales
sur un problème particulier que doit traiter le procureur. Le procureur est
alors libre, bien évidemment. Quel est l'intérêt de faire figurer dans un texte
de loi un principe qui a valeur constitutionnelle en ce qui concerne les
procureurs ?
Je ne vois pas l'intérêt de ce sous-amendement. Il n'apporte rien par rapport
à la pratique, aux usages, aux traditions et aux principes fondamentaux du
droit.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Les orientations générales n'ont pas valeur constitutionnelle !
M. le président.
Monsieur Charasse, le sous-amendement n° 76 est-il maintenu ?
M. Michel Charasse.
Je voudrais tout de même faire observer qu'il y a une petite différence entre
l'amendement n° 13 et le sous-amendement n° 53 rectifié
bis.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Une grande différence !
M. Michel Charasse.
Il y en a au moins une, qui n'est pas mince - j'ai effectivement eu tort de
dire qu'elle était petite, l'amendement n° 13 vise le seul procureur général,
alors que le sous-amendement n° 53 rectifié
bis
concerne l'ensemble des
membres du parquet. En l'occurrence, la distinction est importante.
Je veux bien retirer mon sous-amendement puisque, apparemment, nous ne
réussissons pas à nous mettre d'accord. Mais je le redis de la façon la plus
claire : si nous n'aboutissons pas à un texte qui a des chances de perdurer
au-delà de cette enceinte, nous aurons raté l'occasion d'affirmer dans la loi
un principe constitutionnel fondamental. Compte tenu de la position du garde
des sceaux, qui me paraît très claire, et de ce que nous savons des positions
d'un certain nombre de nos collègues à l'Assemblée nationale, je préférerais
que l'on aboutisse à un texte qui, tout en préservant les prérogatives
régaliennes de l'Etat, puisse recueillir l'accord des députés.
C'est pour cette raison que j'avais proposé, à titre transactionnel, ce
sous-amendement. Puisqu'il semble soulever des problèmes incommensurables, je
le retire.
Je me rallie, bien sûr, au sous-amendement n° 53 rectifié
bis.
Je ferai
tout de même observer à la commission qu'elle aurait intérêt à rectifier son
amendement n° 13, s'il doit être adopté sans le sous-amendement de M.
Dreyfus-Schmidt, en remplaçant les mots « le procureur général » par les mots «
les membres du parquet ».
M. le président.
Le sous-amendement n° 76 est retiré.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
D'abord, il est essentiel de clarifier un point très
important : il n'y a, en réalité, que très peu de rapport entre l'amendement n°
13 et le sous-amendement n° 53 rectifié
bis.
Certes, l'amendement n° 13 vise le procureur général, alors que le
sous-amendement vise les membres du parquet en général.
Mais la différence essentielle, c'est que, par l'amendement n° 13, nous qui
avons maintenu le pouvoir et le devoir pour le garde des sceaux de donner des
instructions écrites et versées au dossier dans les affaires particulières qui
tiennent à la sécurité de l'Etat et au terrorisme, nous qui avons confié le
pouvoir de donner des instructions écrites et versées au dossier pour les
autres affaires à un procureur général de la République - il s'agit donc, dans
les deux cas, d'instructions particulières - nous tenons à ce que ces
instructions soient suivies. C'est pourquoi nous écrivons : « Le procureur
général prend des réquisitions écrites conformes aux instructions qui lui sont
données dans les conditions prévues aux articles 30 et 30-4. »
C'est parfaitement cohérent avec ce que nous avons voté jeudi dernier. Aussi,
je vous demande, mes chers collègues, d'adopter cet amendement, qui est la
simple conséquence de nos décisions précédentes.
En revanche, le respect des orientations générales - puisque nous avons dit «
orientations », merci d'avoir fait la correction ! - est un autre domaine, par
définition insaisissable. En effet, le respect des circulaires et des
orientations générales, d'une part, n'est pas sanctionné et, d'autre part, est
difficilement vérifiable.
J'ajoute que le mot « développer », comme je l'ai déjà dit, est tout à fait
inacceptable. En effet, « développer », dans le langage courant des tribunaux,
c'est l'intervention à la barre, l'intervention orale, dont tout le monde admet
qu'elle doit rester libre.
Aussi, je vous demande instamment de voter l'amendement n° 13, sinon on ne
saurait plus du tout où on en est, et de rejeter le sous-amendement n° 53
rectifié
bis
parce qu'il ne peut que nuire à la clarté de ce texte ; en
réalité, il n'apporte rien, et surtout rien de clair.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 53 rectifié
bis.
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
En l'occurrence, et l'intervention de M. le rapporteur le montre bien, deux
logiques s'affrontent.
Il y a, d'une part, la logique du texte voté par la majorité sénatoriale, et
je comprends bien que M. le rapporteur maintienne l'amendement n° 13.
Il y a, d'autre part, une autre logique, celle dans laquelle nous nous
inscrivons.
C'est pourquoi nous allons voter notre sous-amendement n° 53 rectifié
bis,
comme nous l'avons fait tout à l'heure pour d'autres propositions que nous
avions formulées. Nous sommes dans notre logique !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 53 rectifié
bis,
repoussé par la
commission et par le Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 13.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Nous en revenons donc à l'amendement n° 13 intact, si je puis dire.
Je souhaite appeler l'attention de M. le rapporteur sur un point particulier :
à l'article 30-4 figurent des instructions, ce qui n'est pas le cas à l'article
30.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Si !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Elles ont en effet été ajoutées !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Ce sont les titres Ier et II du livre IV du code pénal !
M. Michel Charasse.
Dans ce cas, je propose un sous-amendement visant, dans le texte proposé par
l'amendement n° 13, à remplacer les mots : « Le procureur général » par les
mots : « Les membres du parquet ».
M. le président.
Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 77, présenté par M. Charasse, et
tendant, dans le texte proposé par l'amendement n° 13 pour compléter l'article
36 du code de procédure pénale, à remplacer les mots : « Le procureur général
prend » par les mots : « Les membres du parquet prennent ».
Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Restons dans la logique du texte : une partie concerne les
procureurs généraux, une autre partie est relative aux procureurs. Nous sommes
dans l'article relatif aux procureurs généraux. Donc, nous parlons des
procureurs généraux. Tout à l'heure - dans dix minutes, allais-je dire, mais je
crains que ce ne soit dans une heure
(Sourires)
- nous parlerons des procureurs.
M. Michel Charasse.
Il s'agit d'une errreur de ma part, monsieur le président. Aussi, je retire ce
sous-amendement.
M. le président.
Le sous-amendement n° 77 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 36 du code de
procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 37 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 14, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de
supprimer la seconde phrase du second alinéa du texte présenté par l'article 2
pour l'article 37 du code de procédure pénale.
Par amendement n° 54, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent, dans la seconde phrase du second alinéa du texte présenté
par l'article 2 pour l'article 37 du code de procédure pénale, de remplacer les
mots : « à la mise mouvement » par les mots : « à l'exercice ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 14.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Cet amendement concerne les instructions susceptibles d'être
données par les procureurs généraux aux procureurs de la République dans les
affaires individuelles.
Je rappelle que la première phrase du texte proposé pour l'article 37 du code
de procédure pénale, s'inspirant de l'ancien texte, était ainsi rédigée : « Le
procureur général peut dénoncer aux procureurs de la République de son ressort
les infractions à la loi pénale dont il a connaissance, leur enjoindre, par des
instructions écrites et motivées qui sont versées au dossier de la procédure,
d'engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente des
réquisitions écrites qu'il juge opportunes. »
Il est évident que le procureur général est autorisé à procéder d'une manière
positive, et tout le monde l'a toujours interprété ainsi et comme signifiant
qu'il ne pouvait pas faire obstacle à la poursuite.
L'Assemblée nationale a complété la seconde phrase du texte proposé pour
l'article 37 du code de procédure pénale, en ajoutant : « Il ne peut donner
aucune instruction faisant obstacle à la mise en mouvement de l'action publique
dans les affaires individuelles. » Cela nous paraît superflu ; il nous paraît
préférable d'en rester à la première phrase.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke, pour défendre l'amendement n° 54.
Mme Dinah Derycke.
Le deuxième alinéa de l'article 37 du code de procédure pénale prévoit que le
procureur général peut enjoindre aux procureurs de la République, « par des
instructions écrites et motivées qui sont versées au dossier, d'engager des
poursuites ou de saisir la juridiction compétente des réquisitions écrites
qu'il juge opportunes ».
Par ailleurs, il est précisé qu'« il ne peut donner aucune instruction faisant
obstacle à la mise en mouvement de l'action publique dans les affaires
individuelles ». Il ne peut donc s'opposer à ce que l'action soit portée devant
une juridiction répressive.
Ainsi, le cours de la justice ne pourra plus être bloqué. Toutefois, une
lecture littérale de cet article laisse penser que le procureur général
pourrait faire obstacle à l'exercice de l'action publique, par exemple par des
manoeuvres dilatoires ou en en ralentissant le cours.
Nous proposons donc, par l'amendement n° 54, de préciser que le procureur
général ne peut pas faire obstacle à la mise en mouvement et à l'exercice de
l'action publique.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 54 ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Cet amendement vise à modifier une phrase dont je viens de
demander la suppression, au nom de la commission. Cette dernière ne peut donc
être que défavorable à ce raffinement, dont elle ne voit d'ailleurs pas
l'intérêt.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 14 et 54 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur
l'amendement n° 14, qui vise à supprimer l'interdiction des instructions de
classement.
Je précise que, depuis très longtemps, l'article 36 du code de procédure
pénale a donné lieu à des divergences d'interprétation : certains soutenaient
que, parce qu'il n'interdisait pas expressément des instructions de classement,
ces dernières étaient possibles du fait de l'autorité hiérarchique générale du
garde des sceaux sur les magistrats du parquet ou encore du procureur général
sur les procureurs de la République ; d'autres soutenaient que ces instructions
étaient implicitement prohibées puisque l'article 36 ne faisait référence qu'à
des instructions de poursuite. Cette seconde interprétation est aujourd'hui la
plus répandue, mais ce n'est qu'une interprétation.
Pour lever toute équivoque, le projet de loi que j'ai l'honneur de vous
présenter propose d'interdire purement et simplement les instructions de
classement. Je ne vois pas l'intérêt de maintenir l'équivoque, ou du moins la
possibilité d'une équivoque, sur un sujet aussi essentiel. Mieux vaut, à mon
avis, que la loi dise les choses clairement, sous peine de voir les soupçons et
les procès d'intention perdurer.
Je vous demande donc avec fermeté, mesdames, messieurs les sénateurs, de
rejeter cet amendement.
En revanche, le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 54,
qui vise à préciser que sont interdites non seulement les instructions qui font
obstacle à la mise en mouvement de l'action publique, mais également celles qui
font obstacle à l'exercice de l'action publique.
M. Michel Charasse.
Oui ! C'est plus large !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Ainsi, des instuctions qui tendraient, par exemple, à
laisser prescrire une procédure en n'audiençant pas devant le tribunal
correctionnel une affaire renvoyée par le juge d'instruction doivent être
expressément prohibées.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 14.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je m'exprime contre cet amendement, qui vise précisément à supprimer la phrase
que nous voulions améliorer. En effet, les instructions peuvent faire obstacle
non seulement à la mise en mouvement de l'action publique mais aussi au
développement de l'action publique. Or, j'avais cru comprendre que c'était ce
que nous ne voulions ni les uns ni les autres.
Il existe trente-six moyens de paralyser une action : par exemple, mettre le
dossier en dessous de la pile, le mettre dans le tiroir ou poser le coude par
dessus ! Il en existe bien d'autres - n'est-il pas vrai ? - tout au long de la
procédure : prendre son temps afin de ne pas faire des réquisitions, etc.
J'avoue que je ne comprends pas !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il ne comprend jamais !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Du moins, je crains de comprendre pourquoi la commission s'oppose au contraire
à cette phrase, qui permettrait d'affirmer encore une fois que le parquet ne
peut pas stopper une affaire. Mes chers collègues, vous savez bien que c'est
absolument ce que nos concitoyens demandent !
C'est pourquoi je vous invite à rejeter l'amendement n° 14 et à adopter
l'amendement n° 54.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Je trouve les explications de M. le rapporteur un peu courtes, ce qui n'est
pas son habitude. Selon lui, l'amendement n° 14 vise à supprimer la seconde
phrase du second alinéa dans la mesure où, au fond, elle ne sert à rien. Mais
elle ne sert à rien avec l'expression : « mise en mouvement ».
Je voudrais savoir si M. le rapporteur pense qu'avec le mot « exercice » au
lieu des mots « mise en mouvement » cette phrase ne sert toujours à rien. Tel
n'est pas mon avis ! A la limite, je veux bien admettre, compte tenu des votes
précédents, que la question de l'utilité de l'amendement n° 14 sans
l'amendement n° 54 puisse se poser. Cependant, à mon avis, avec l'amendement n°
54, le dernier alinéa en question, que l'amendement n° 14 tend à supprimer, est
utile.
Par conséquent, je n'accepte pas, pas plus que mes amis, l'amendement n° 14,
et j'en tiens pour l'amendement n° 54 !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 54 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 37 du code de
procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 37-1 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 55, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 2
pour l'article 37-1 du code de procédure pénale :
«
Art. 37-1. -
Le procureur général expose en audience publique et au
moins une fois par an lors de l'audience solennelle de rentrée, les conditions
de mise en oeuvre des directives générales du ministre de la justice
éventuellement adaptées dans les conditions prévues à l'article 36. »
Par amendement n° 15, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, à la fin
du premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 37-1 du code
de procédure pénale, de remplacer les mots : « directives générales du ministre
de la justice » par les mots : « orientations générales de la politique pénale
».
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 55.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le texte proposé pour l'article 37-1 du code de procédure pénale par le projet
de loi initial était ainsi rédigé : « Le procureur général informe, au moins
une fois par an, au cours d'une assemblée générale les magistrats de la cour
d'appel des conditions de mise en oeuvre dans le ressort des orientations
générales de la politique pénale.
« Cette information peut, en tout ou partie, être rendue publique. »
La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale est la suivante : « Le
procureur général informe, au moins une fois par an, l'assemblée des magistrats
de la cour d'appel des conditions de mise en oeuvre, dans le ressort, des
directives générales du ministre de la justice.
« Cette information est rendue publique. »
Le système prévoit donc que le procureur général - c'est vrai également du
procureur - s'adresse à l'assemblée des magistrats de la cour d'appel - du
tribunal, s'agissant du procureur - pour faire connaître les orientations de la
politique pénale.
L'Assemblée nationale - et la commission partage son point de vue - considère
que tout doit être rendu public.
Nous ne voyons pas pourquoi, dans ce cas, il faudrait en passer par le
truchement d'une assemblée générale des magistrats, c'est-à-dire non seulement
les magistrats du parquet, mais aussi ceux du siège, et nous ne voyons pas
pourquoi il faudrait que les procureurs, qu'ils soient généraux ou non,
s'adressent en particulier aux magistrats du siège en même temps qu'à ceux du
parquet pour dire ce que doit être la politique pénale. Pourquoi ne le
diraient-ils pas directement publiquement, c'est-à-dire - et c'est ce à quoi
tend notre amendement - lors de l'audience solennelle de rentrée, qui paraît
faite pour cela dans la mesure où l'ensemble des magistrats, les autorités,
ainsi que la presse, sont présents ? On pourrait alors rendre compte de ce que
doivent être « les orientations générales de la politique pénale », et non «
les directives générales du ministre de la justice », comme cela figure dans
l'amendement n° 55, que je rectifie sur ce point.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 55 rectifié, présenté par Mme Derycke et
les membres du groupe socialiste et apparentés, et tendant à rédiger comme suit
le texte proposé par l'article 2 pour l'article 37-1 du code de procédure
pénale :
«
Art. 37-1. -
Le procureur général expose en audience publique et au
moins une fois par an lors de l'audience solennelle de rentrée, les conditions
de mise en oeuvre des orientations générales de la politique pénale
éventuellement adaptées dans les conditions prévues à l'article 36. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 15 et pour
donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 55 rectifié.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
L'amendement n° 15 vise simplement à remplacer les mots «
directives générales du ministre de la justice » par les mots « orientations
générales de la politique pénale ».
S'agissant de l'amendement n° 55 rectifié, la commission n'est pas
défavorable. Elle aurait certes souhaité entendre d'abord Mme le garde des
sceaux. D'une manière générale, la commission trouve que l'un des aspects tout
à fait positifs du système de définition de la politique pénale est son
caractère public à tous les niveaux puisqu'il est prévu, d'une part, un débat
devant le Parlement et, d'autre part, des communications sur le plan local.
Ces communications sur le plan local trouveraient-elles mieux leur place lors
d'audiences publiques telles que l'audience solennelle de rentrée, ou au cours
d'assemblées générales des magistrats ? J'avoue que nous nous en rapportons à
la sagesse du Sénat, en souhaitant toutefois connaître l'avis de Mme le garde
de sceaux sur cette modalité.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 55 rectifié et 15 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
L'amendement n° 55 rectifié me semble viser deux
objectifs.
Le premier, qui me paraît être le plus important, est de prévoir que
l'information donnée par le procureur général aux magistrats de la cour d'appel
sur les conditions de mise en oeuvre des directives générales devra préciser
les éventuelles adaptations apportées à ces directives.
Sur ce point, je suis tout à fait favorable. Il convient en effet que la
nature de ces adaptations soit précisément connue parce que, d'une part, il
convient de vérifier qu'il s'agit bien de simples adaptations et non d'une
remise en cause des directives et, d'autre part, si ces adaptations sont
justifiées par des circonstances locales, qu'elles présentent donc localement
une importance particulière, ce qui justifie qu'il en soit fait état et que les
magistrats en soient pleinement informés.
En revanche, la seconde conséquence de cet amendement - mais je la crois
secondaire - est d'exiger que cette information se fasse en audience publique
ou en audience solennelle de rentrée, et donc qu'elle soit donnée en même temps
aux magistrats et au public.
Cette conséquence me paraît soulever plus de problèmes. En effet, je considère
que les magistrats doivent être pleinement informés de la mise en oeuvre des
directives et de leurs adaptations. En revanche, il peut y avoir des cas dans
lesquels l'information du public n'a pas, sur certains points au moins, à être
aussi complète.
Permettez-moi de vous donner un exemple. S'il est prévu de faire procéder à
des opérations de contrôle d'identité sur instruction du parquet dans tel ou
tel quartier de la ville pour constater certains trafics,...
M. Jean-Jacques Hyest.
Evidemment !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... il n'est pas opportun, c'est évident, que le public
en soit précisément informé, alors qu'il est souhaitable que les magistrats le
soient.
C'est la raison pour laquelle il me semble préférable que l'amendement n° 55
rectifié se borne à compléter le premier alinéa du texte proposé pour l'article
37-2 du code de procédure pénale, qui vise l'information des magistrats, par
les mots : « éventuellement adaptées dans les conditions prévues à l'article 36
» et que le deuxième alinéa, en revanche, relatif à la diffusion de
l'information au public, information qui comportera donc les précisions sur les
adaptations, soit complété pour préciser que l'information du public peut se
faire « le cas échéant au cours de l'audience solennelle de rentrée », car
c'est évidemment le moment le plus adéquat.
S'il était ainsi rectifié, votre amendement recueillerait le plein accord du
Gouvernement, monsieur Dreyfus-Schmidt.
Je précise par ailleurs que le Gouvernement émet un avis défavorable sur
l'amendement n° 15, qui est un texte de coordination.
M. le président.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, acceptez-vous la rectification de Mme le garde des
sceaux ?
M. Jean-Jacques Hyest.
Ce n'est pas une rectification, c'est un autre amendement !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
En l'état, non, et je vais m'en expliquer.
Il me semble que Mme le garde des sceaux vient d'expliquer pourquoi, dans le
texte du projet de loi, il était dit : « Cette information peut en tout ou
partie être rendue publique » ; mais l'Assemblée nationale a transformé cette
phrase de la façon suivante : « Cette information est rendue publique »,
rédaction sur laquelle la commission des lois du Sénat est d'accord.
Comment fera-t-on si des choses ne doivent pas être dites ? Le procureur
général, lui, pourra toujours prendre son téléphone.
Mais les orientations générales sont publiques puisque, de toute façon, elles
sont débattues. Je ne pense pas qu'il faille entrer dans le détail d'une
vérification d'identité qui peut toujours être ordonnée à tout moment par
quelque procureur que ce soit.
Permettez-moi de vous dire, madame le garde des sceaux, que votre exemple ne
m'a pas convaincu. L'Assemblée nationale, la commission des lois du Sénat et le
groupe socialiste veulent que les orientations générales soient publiques,
qu'il n'y ait pas de rétention d'information. On ne peut pas dire une chose aux
magistrats et une autre au public puisque, les mots « en tout ou en partie »
ayant été supprimés, les orientations générales doivent être intégralement
diffusées.
Je me demande pourquoi les magistrats du parquet devraient s'adresser
spécialement aux magistrats du siège. Si une vérification d'identité doit être
opérée, c'est l'affaire des procureurs et non des magistrats du siège. Ces
derniers sont indépendants. Ils entendront avec le reste du public les
orientations générales. Ils en auront donc connaissance et en feront ce qu'ils
voudront. Il n'en est pas de même pour les magistrats du parquet. C'est
pourquoi, en l'état, nous ne modifierons pas l'amendement n° 55 rectifié.
M. le président.
Quel est, dans ces conditions, l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 55
rectifié ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Puisque M. Dreyfus-Schmidt n'accepte pas de rectifier
son amendement, j'y suis défavorable.
M. Jean-Jacques Hyest.
Très bien ! C'est plus simple !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Oui : c'est du harcèlement textuel !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 55 rectifié.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Tel qu'il a été amendé par la commission et par l'Assemblée nationale, le
texte nous convient très bien. Les assemblées de magistrats existent ! Il ne
s'y déroule quand même pas un dialogue singulier et les magistrats peuvent, eux
aussi, poser des questions.
Cela étant, s'il peut y avoir dialogue dans une assemblée générale de
magistrats, ce n'est pas le cas lors d'une audience publique : tous les ans, le
président du tribunal ou de la cour, le procureur général ou le procureur
s'expriment dans une telle audience pour dire qu'ils manquent de moyens -
n'est-ce pas, Madame le garde des sceaux ? - et ils font le bilan de leur
juridiction.
En revanche, l'assemblée générale me paraît être le lieu qui convient pour
informer de la politique pénale et de ses adaptations : l'article 30 du code de
procédure pénale est explicite à cet égard.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Non !
M. Jean-Jacques Hyest.
Vous voulez toujours tout répéter ! Nous devons simplifier, et cet amendement
me paraît complètement inutile. Mieux vaut garder le texte tel qu'il nous est
proposé par le Gouvernement, même avec des orientations générales.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Je suis assez séduit par la proposition de Mme le garde des sceaux, même après
avoir entendu mon ami M. Dreyfus-Schmidt.
On nous dit que cette information sera rendue publique et, si j'ai bien
compris, Mme le garde des sceaux nous propose de dire que ce sera, le cas
échéant, au cours de l'audience solennelle de rentrée. La situation est simple
!
Cela étant, le procureur général, pour rendre publique l'information, fera ce
qu'il voudra puisque,
a priori,
il n'y a pas de sanction pénale s'il
oublie certains éléments d'information, ni de contentieux administratif. M.
Dreyfus-Schmidt a donc raison : si l'on ne précise pas ce point et si le
procureur général oublie volontairement, pour les raisons que Mme le garde des
sceaux a indiquées et qui sont très compréhensibles, de citer un point parce
que cela peut nuire à l'efficacité de l'action publique, tel syndicat de
magistrats pourra pousser des hurlements en disant que le procureur n'a pas
tout dit, tel groupe d'avocats fera pareil, après quoi le garde se trouvera
saisi d'un problème quasiment disciplinaire.
C'est la raison pour laquelle, pour éviter toute conséquence disciplinaire, il
me paraît de sage précaution de compléter le dispositif en écrivant : « le cas
échéant au cours de l'audience solennelle de rentrée ».
M. le président.
Monsieur Charasse, vous expliquez votre vote sur l'amendement n° 55 rectifié,
vous ne pouvez pas déposer de sous-amendement !
M. Michel Charasse.
Le garde des sceaux a bien proposé un sous-amendement ?
M. le président.
Non, et M. Dreyfus-Schmidt a refusé de rectifier son amendement dans le sens
souhaité par Mme le garde des sceaux.
M. Michel Charasse.
Pardonnez-moi, monsieur le président : je m'en tenais au sous-amendement de
Mme le garde des sceaux. Mais, s'il n'existe plus, tant pis ! J'aurai tout de
même dit ce que j'avais à dire !
(Sourires.)
M. Robert Bret.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Je veux exprimer mon soutien à l'amendement du groupe socialiste, car il va
dans le sens d'un renforcement de la transparence.
Néanmoins, je voudrais exprimer, à mon tour, une préoccupation sur les
conséquences d'un tel dispositif. Il ne faudrait pas que cette audience
publique et la couverture médiatique qui ne manquera pas d'en résulter
aboutissent à écarter la représentation nationale du débat. L'application de la
politique pénale risque en effet de n'être abordée qu'en dernier lieu, alors
que la question aura été, en fait, préalablement épuisée par la présentation
publique des rapports des parquets et des parquets généraux.
Je crois qu'il s'agit d'une vraie question !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 55 rectifié, repoussé par le Gouvernement et
pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 37-1 du code
de procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 37-2 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 16, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit le premier alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article
37-2 du code de procédure pénale :
« Le procureur général près la cour d'appel informe le ministre de la justice
et le procureur général de la République des affaires lui paraissant devoir
être portées à leur connaissance. Le ministre de la justice et le procureur
général de la République sont informés, à leur demande, de toute autre affaire
dont les parquets sont saisis. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Comme précédemment, il s'agit là de l'information que le
procureur général doit adresser au ministre de la justice pour les affaires qui
paraissent devoir être portées à sa connaissance.
Etant donné la teneur de nos précédents votes, il est nécessaire que ces
informations soient adressées au ministre de la justice et au procureur général
de la République afin que ce dernier puisse agir, car, pour pouvoir agir, il
doit être informé.
Cet amendement est donc, encore une fois, une conséquence de ce que nous avons
voté voilà quelques jours.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, repoussé par le Gouvernement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous votons contre le chancelier !
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 17, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, à la fin
du second alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article 37-2 du code
de procédure pénale, de remplacer les mots : « directives générales du ministre
» par les mots : « orientations générales de la politique pénale ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable, par coordination.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 57, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent de compléter
in fine
le second alinéa du texte
présenté par l'article 2 pour l'article 37-2 du code de procédure pénale par
les mots suivants : « éventuellement adaptées en application de l'article 36
».
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Cet amendement de coordination se situe dans la logique du groupe socialiste,
qui est également celle du projet de Mme le garde des sceaux.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission considère qu'une fois de plus nous sommes dans
ce que j'appelais tout à l'heure
mezza voce
le harcèlement textuel, qui
est bien aussi dangereux que les autres formes de harcèlement, et peut-être
même plus encore puisqu'il est de portée générale.
Cela étant, il ne faut pas dire que la commission a une logique différente ;
en effet, elle a accepté l'ensemble des dispositions concernant la définition
de la politique pénale du Gouvernement ! Nous avons même dit à plusieurs
reprises quels en étaient les aspects positifs. Il n'y a donc pas de
contradiction sur ce point.
Le Sénat votera comme il l'entendra, mais je répète qu'il s'agit là de
raffinements qui, vraiment, j'y insiste, relèvent du harcèlement textuel.
En résumé, la commission, par résignation, s'en remet à la sagesse de la Haute
Assemblée.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Personnellement, je ne considère pas que ce soit du
harcèlement textuel : Mme Derycke poursuit sa logique, qui est d'ailleurs aussi
la mienne, et je la remercie.
M. Jean-Jacques Hyest.
Vous auriez pu le proposer vous-même !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Tout à fait, monsieur Hyest !
C'est la raison pour laquelle j'approuve l'amendement n° 57. En effet, comme
je l'ai dit à propos de l'amendement n° 55 rectifié, je souhaite que puissent
clairement apparaître les adaptations éventuellement apportées aux directives
générales.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 57, accepté par le Gouvernement et pour
lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 18, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de
compléter le second alinéa du texte présenté par l'article 2 pour l'article
37-2 du code de procédure pénale par une phrase ainsi rédigée : « Le ministre
de la justice transmet ce rapport au procureur général de la République. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Cet amendement de conséquence concerne le rapport qui doit
être adressé chaque année au ministre de la justice par les procureurs de la
République.
Pour assurer la bonne information du procureur général de la République, nous
prévoyons encore une fois que le ministre de la justice doit lui transmettre ce
rapport.
C'est une conséquence de ce que nous avons déjà voté.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?... Je mets aux voix l'amendement n° 18,
repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?... Je mets aux voix, modifié, le texte proposé
pour l'article 37-2 du code de procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?... Je mets aux voix l'ensemble de l'article 2,
modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3 (vote réservé)
M. le président.
« Art. 3. _ Il est inséré, après l'article 39 du même code, les articles 39-1
à 39-5 ainsi rédigés :
«
Art. 39-1
. _ Le procureur de la République fait assurer l'application
de la loi pénale dans le ressort du tribunal de grande instance. Il a, dans
l'exercice de ses fonctions, le droit de requérir directement la force
publique.
«
Art. 39-2
. _ Il met en oeuvre les directives générales mentionnées à
l'article 36, qui lui sont transmises par le procureur général pour
application. Il précise et, le cas échéant, adapte ces directives générales en
fonction des circonstances propres au ressort.
«
Art. 39-3
. _ Le procureur de la République prend des réquisitions
écrites conformes aux instructions qui lui sont données dans les conditions
prévues aux articles 37 et 48-1.
« Il met en mouvement l'action publique lorsque la commission prévue à
l'article 48-2 lui en fait la demande.
«
Art. 39-4
. _ Le procureur de la République informe, au moins une fois
par an, l'assemblée générale des magistrats du tribunal de grande instance des
conditions de mise en oeuvre, dans le ressort, des directives générales du
ministre de la justice.
« Cette information est rendue publique.
«
Art. 39-5
. _ Le procureur de la République informe le procureur
général des affaires lui paraissant devoir être portées à sa connaissance ainsi
que du déroulement des procédures dans lesquelles il a été fait application de
l'article 30-1. Le procureur général est informé à sa demande de toute autre
affaire dont le procureur est saisi.
« Le procureur de la République adresse chaque année au procureur général un
rapport sur la mise en oeuvre, dans son ressort, des directives générales du
ministre de la justice. »
ARTICLE 39-1 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 58 rectifié, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste
et apparentés proposent de compléter
in fine
le texte présenté par
l'article 3 pour l'article 39-1 du code de procédure pénale par un alinéa ainsi
rédigé :
« Les membres du parquet ne peuvent prendre des réquisitions écrites qui ne
s'inscrivent pas dans le cadre des directives générales. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il s'agit d'un amendement homothétique de celui qui a été refusé tout à
l'heure, et nous le retirons compte tenu des votes précédemment émis.
M. le président.
L'amendement n° 58 rectifié est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le texte proposé pour l'article 39-1 du code de procédure
pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 39-2 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 19, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, dans la
première phrase du texte présenté par l'article 3 pour l'article 39-2 du code
de procédure pénale, de remplacer le mot : « directives » par le mot : «
orientations ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est textuel !
(Sourires.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 20, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, dans la
seconde phrase du texte présenté par l'article 3 pour l'article 39-2 du code de
procédure pénale, de remplacer le mot : « directives » par le mot : «
orientations ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 59, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent, dans la seconde phrase du texte présenté par l'article 3
pour l'article 39-2 du code de procédure pénale, après les mots : « directives
générales » d'insérer les mots : « après accord du ministre de la justice ».
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 59 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 39-2 du code de
procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 39-3 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
(réserve)
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Monsieur le président, je demande la réserve des amendements
n°s 21 et 22, déposés sur l'article 39-3 du code de procédure pénale,
jusqu'après l'examen de l'article 5 du projet de loi. En effet, selon ce que
nous voterons à l'article 5, ces amendements auront ou n'auront pas de raison
d'être.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
La réserve est ordonnée.
En conséquence, le vote sur le texte proposé pour l'article 39-3 du code de
procédure pénale est réservé.
ARTICLE 39-4 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 61, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 3
pour l'article 39-4 du code de procédure pénale :
«
Art. 39-4. -
Le procureur de la République expose en audience
publique et au moins une fois par an lors de l'audience solennelle de rentrée
les conditions de mise en oeuvre des directives générales et éventuellement
adaptées dans les conditions prévues à l'article 39-2. »
Par amendement n° 23, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, dans le
premier alinéa du texte présenté par l'article 3 pour l'article 39-4 du code de
procédure pénale, après le mot : « assemblée », de supprimer le mot : «
générale ».
Par amendement n° 24, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, à la fin
du premier alinéa du texte présenté par l'article 3 pour l'article 39-4 du code
de procédure pénale, de remplacer les mots : « directives générales du ministre
de la justice » par les mots : « orientations générales de la politique pénale
».
La parole est à Mme Derycke, pour présenter l'amendement n° 61.
Mme Dinah Derycke.
Il est retiré, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 61 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre les amendements n°s 23 et
24.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
L'amendement n° 23 est un amendement rédactionnel et
l'amendement n° 24 un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur
l'amendement n° 23 et il est défavorable à l'amendement n° 24.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 23, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 24, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 39-4 du code de
procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 39-5 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 25, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, à la fin
de la première phrase du premier alinéa du texte présenté par l'article 3 pour
l'article 39-5 du code de procédure pénale, de supprimer les mots : « ainsi que
du déroulement des procédures dans lesquelles il a été fait application de
l'article 30-1 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Cet amendement de conséquence résulte du fait que nous avons
précédemment supprimé le droit d'action propre du ministre qui figurait dans le
projet de loi initial du Gouvernement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 25, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 26, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, à la fin
du second alinéa du texte présenté par l'article 3 pour l'article 39-5 du code
de procédure pénale, de remplacer les mots : « directives générales du ministre
de la justice » par les mots : « orientations générales de la politique pénale
».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 63, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent de compléter,
in fine,
le second alinéa du texte
présenté par l'article 3 pour l'article 39-5 du code de procédure pénale par
les mots : « éventuellement adaptées en application de l'article 39-2 ».
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Cet amendement est également retiré, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 63 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 39-5 du code de
procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
M. le président.
Les amendements n°s 21 et 22 ayant été réservés, le vote sur l'ensemble de
l'article 3 est lui-même réservé.
Chapitre II
Dispositions relatives aux classements sans suite
M. le président.
Monsieur le rapporteur, sans doute convient-il de réserver l'amendement n° 27,
qui vise à rédiger différemment l'intitulé du chapitre II, jusqu'après l'examen
de l'article 5 ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
En effet, monsieur le président.
M. le président.
Madame le garde des sceaux, acceptez-vous cette réserve ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
En conséquence, la réserve est ordonnée.
Article 4
(vote réservé)
M. le président.
« Art. 4. _ Il est inséré, après l'article 40 du code de procédure pénale, un
article 40-1 ainsi rédigé :
«
Art. 40-1
. _ Le procureur de la République notifie par écrit la
décision de classement de l'affaire au plaignant, ainsi qu'à la victime lorsque
celle-ci est identifiée. Cette décision est motivée en distinguant les
considérations de droit et de fait.
« La décision précise les conditions dans lesquelles la victime, le plaignant
ou la personne ayant dénoncé les faits peuvent, selon les cas, soit engager des
poursuites par voie de citation directe ou de plainte avec constitution de
partie civile, ainsi que les conditions dans lesquelles elles peuvent
bénéficier de l'aide juridictionnelle, soit exercer un recours contre la
décision de classement dans les conditions prévues aux articles 48-1 à 48-5.
« Cette décision rappelle également les dispositions du code pénal et du code
de procédure pénale relatives aux dénonciations calomnieuses et aux
constitutions de partie civile abusives ou dilatoires. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 28 rectifié, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de
rédiger comme suit la première phrase du premier alinéa du texte présenté par
l'article 4 pour l'article 40-1 du code de procédure pénale :
« Le procureur de la République notifie par écrit à l'auteur de la plainte ou
de la dénonciation ainsi qu'à la victime, lorsqu'elle est identifiée, sa
décision de ne pas poursuivre. »
Par amendement n° 64, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent, dans la première phrase du premier alinéa du texte
présenté par l'article 4 pour l'article 40-1 du code de procédure pénale, de
remplacer les mots : « au plaignant » par les mots : « à l'auteur de la plainte
ou de la dénonciation ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 28
rectifié.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
J'ai le sentiment assez plaisant que nous allons sans doute
pouvoir nous mettre un peu plus facilement d'accord : il s'agit, cette fois, du
problème de la dénomination des classements sans suite, qui, à la réflexion,
nous paraît être devenue - alors que ce n'était pas le cas il y a dix ou quinze
ans - tout à fait inadaptée.
En effet, la notion de classement sans suite n'a plus la signification qu'elle
avait autrefois. Elle recouvre maintenant des réalités qui sont très
différentes, puisque les solutions de rechange aux poursuites auxquelles nous
sommes, vous comme nous, madame le garde des sceaux, si attachés, aboutissent
formellement à un classement, alors qu'elles constituent, en réalité, une
véritable réponse de la société face à la délinquance. D'ailleurs, dans bien
des cas, cette réponse nous paraît mieux adaptée, préférable à l'envoi à des
audiences surchargées qui, souvent, ne permettent pas de traiter les affaires
avec la même attention.
Il semble donc souhaitable de faire disparaître la notion de classement sans
suite du code de procédure pénale, où elle avait été introduite en 1985. A
cette époque, les procédures pouvant être substituées aux poursuites, comme la
médiation, n'existaient pas ou presque. Mais aujourd'hui, elles se développent
considérablement, et nous avons voté des textes qui permettent, avec la
composition pénale, d'étendre leur champ d'application.
Par conséquent, il faut éviter de maintenir cette expression de « classement
sans suite », qui donne lieu, ensuite, à l'établissement de statistiques un peu
démoralisantes. Certes, il y trop de classements sans suite véritables, mais il
n'y en a tout de même pas autant que l'on peut en dénombrer par le biais de
cette dénomination, qui ne correspond plus à la réalité du traitement du
contentieux pénal.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 64.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous remarquons que la commission a bien voulu reprendre notre proposition, en
prévoyant que doivent être avisés par écrit l'auteur de la plainte ou de la
dénonciation ainsi que la victime. Mais, pour le reste, nous ne sommes pas du
tout d'accord.
Bien entendu, si son amendement était repoussé, la commission accepterait le
nôtre. Toutefois, l'amendement de la commission - et c'est ce en quoi nous
n'avons pas satisfaction - prévoit que l'on parle non plus des « classements
sans suite », mais des « décisions de ne pas poursuivre ». Or, nous ne sommes
pas d'accord sur ce point.
Il est vrai que la médiation, chère à M. le rapporteur, n'existe pas, mais on
peut recourir à d'autres procédures. Ainsi, le procureur a déjà la possibilité
de classer provisoirement une affaire, à condition que l'intéressé, par
exemple, dédommage la victime ou rembourse la collectivité locale dont il avait
utilisé les employés à des fins personnelles.
Le problème, c'est que cette solution peut ne pas donner satisfaction aux
plaignants.
Dès lors, je pense que cette formule n'est pas bonne. On ne demande pas
seulement au procureur de poursuivre ou de ne pas poursuivre, on lui demande de
donner la suite correspondant à la plainte et aux directives générales qui sont
données.
Par conséquent, nous ne sommes pas favorables à la proposition de la
commission. Il s'agit d'une idée qui semble chère à M. Fauchon, si j'en crois
son rapport, mais je me permets d'insister auprès de lui : doit-on accepter que
le procureur donne n'importe quelle suite à une plainte, même si cette suite
paraît tout à fait insuffisante eu égard à ce que l'on attend de lui, à savoir
des poursuites devant un tribunal ? La médiation est une bonne chose, mais elle
peut ne pas paraître suffisante à la victime, qui n'acceptera pas forcément de
se contenter d'un dédommagement.
L'expression « classement sans suite » doit donc être maintenue dans le texte,
car on ne peut se contenter de faire référence aux « décisions de ne pas
poursuivre ». Nous verrons d'ailleurs plus loin, à la section V, que le texte
traite non pas de tous les classements sans suite, mais seulement de certains
d'entre eux.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 64 ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il est, à mon sens, satisfait par l'amendement de la
commission.
(M. Dreyfus-Schmidt s'esclaffe.)
Cela étant, je n'ai pas bien compris les explications de M. Dreyfus-Schmidt,
et je persiste à penser qu'il faut retenir l'expression « décision de ne pas
poursuivre ». Cela ne préjuge pas du fond ; il s'agit simplement d'une
formulation qui correspond mieux à la réalité et qui, encore une fois, permet
d'éviter ce fâcheux aspect d'affichage de l'expression « classement sans suite
».
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
La médiation, c'est une poursuite ?
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 28 rectifié et 64 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je voudrais tout d'abord indiquer que je suis tout à
fait favorable à l'amendement n° 28 rectifié, qui vise à substituer
l'expression : « décision de ne pas poursuivre » à l'expression : « classement
sans suite ».
En effet, la formule : « classement sans suite » recouvre des réalités très
variées, qu'il s'agisse de classements sans suite purs et simples pour des
raisons d'opportunité, de classements sans suite pour des raisons juridiques ou
de classements faisant suite à une procédure de médiation ou de réparation
pénale. Dans ce dernier cas, le moins que l'on puisse dire est que le parquet a
bien réservé une suite à la procédure, même si cette suite ne consiste pas en
des poursuites pénales.
M. Jean-Jacques Hyest.
Eh oui !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je signale d'ailleurs que, dans la dernière édition des
chiffres clés de la justice d'octobre 1999, l'expression « classements sans
suite » est réservée aux classements sans suite « secs », c'est-à-dire décidés
en pure opportunité. Les chiffres que j'ai donnés l'autre jour font état d'un
peu plus de 250 000 cas de ce genre, tandis que 4,9 millions de plaintes ont
été enregistrées.
Par conséquent, l'expression : « décision de ne pas poursuivre » me semble
préférable. Elle présente par ailleurs l'avantage d'englober la procédure de
composition pénale décidée par la loi du 27 juin 1999, qui ne constitue ni une
poursuite ni un classement sans suite.
Je suis également favorable à l'amendement n° 64, qui me paraît devoir
renforcer la cohérence du dispositif. Il me semble normal que les personnes
ayant dénoncé une infraction au procureur soient avisées de la décision de
celui-ci ne pas poursuivre, afin de leur permettre, le cas échéant, de la
contester.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 28 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Madame le garde des sceaux, vous avez donné l'exemple de la composition
pénale, qui suppose l'accord des deux parties. J'en suis d'accord, mais bien
d'autres exemples pourraient être cités qui ne supposent pas l'accord de la
victime ou du plaignant. On dira qu'il y a eu poursuite, même s'il n'y a pas eu
de citation devant le tribunal ou d'ouverture d'information. Les plaignants
pourraient tout de même souhaiter avoir leur mot à dire sur la décision qui est
prise par le procureur si la poursuite leur paraît insuffisante.
J'ai donné tout à l'heure l'exemple, en m'excusant de ne pas en trouver
d'autre, d'une personne non citée en correctionnelle parce qu'elle aurait
accepté de rembourser le préjudice qu'elle aurait causé. Or, cela peut ne pas
suffire à la victime. Dans ce cas, s'agit-il ou non d'une décision de ne pas
poursuivre ?
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 28 rectifié, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 64 n'a plus d'objet.
Par amendement n° 29, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, dans la
seconde phrase du premier alinéa du texte présenté pour l'article 40-1 du code
de procédure pénale, de supprimer les mots : « en distinguant les
considérations de droit et de fait ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Préciser dans le texte qu'il faut distinguer les
considérations de droit et de fait relève du raffinement. Nous savons qu'il ne
faut pas surcharger d'obligations les procureurs, lesquels motivent les
décisions de non-poursuite en cochant des cases dans des formulaires. Leur
demander de rédiger ces décisions, alors que l'on a déjà bien du mal à obtenir
que les jugements soient convenablement motivés, nous paraît excessif.
Ne chargeons donc pas trop la barque, et ne demandons pas davantage de
précisions. La portée de cet amendement de simplification est d'ordre purement
pratique.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je ne suis pas favorable à cet amendement, car il me semble opportun que les
décisions de ne pas poursuivre soient motivées en droit et en fait.
Les motivations en droit concernent les classements sans suite pour des motifs
juridiques, mais alors la motivation prend également en compte des éléments de
fait. Il est est ainsi lorsque le classement est justifié par la prescription :
les faits en cause ont été commis il y a un certain temps - c'est un élément de
fait - et le délai écoulé est supérieur à la durée de la prescription prévue
compte tenu de la nature contraventionnelle, délictuelle ou criminelle de ces
faits - c'est un élément de droit.
De même, un classement décidé à la suite, par exemple, d'une plainte déposée
pour escroquerie au motif que l'infraction n'est pas caractérisée suppose
l'application d'une règle de droit - c'est la définition légale du délit
d'escroquerie - aux faits dénoncés.
Une motivation de pur fait intervient, quant à elle, par exemple, en cas de
classement justifié par l'absence d'identification de l'auteur ou par des
motifs de pure opportunité, tels que le retrait de la plainte ou la réparation
du préjudice.
Cette distinction entre le fait et le droit peut, bien sûr, ne pas apparaître
avec suffisamment de clarté dans les courriers actuellement adressés aux
victimes. L'inscription de cette obligation dans la loi permettrait de remédier
à cette situation.
Telles sont les raisons pour lesquelles je suis opposée à cet amendement.
Je pense toutefois que, s'il était adopté, une solution pourrait être trouvée
lors de la navette. L'exigence d'une distinction entre les considérations de
droit et de fait pourrait sans doute être présentée différemment, en insistant,
par exemple, sur les motifs juridiques ou d'opportunité justifiant le
classement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 29.
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Le projet de loi vise précisément à faire évoluer les pratiques, afin de
rapprocher la justice de nos concitoyens. Aussi est-il important que les juges
fassent apparaître les considérations de droit et de fait qui les ont amenés à
ne pas poursuivre - puisque tels sont les termes qui ont été retenus.
Tout cela s'inscrit dans une optique de transparence et de responsabilisation
du magistrat, et il nous paraît donc tout à fait utile de maintenir cette
disposition.
M. Gérard Delfau.
Très bien !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Depuis très longtemps, les membres du parquet ont l'habitude de classer avec,
par exemple, la mention : « insuffisamment caractérisé ». Or, cela ne suffit
justement pas. Nous voulons que les personnes intéressées soient mieux
informées, d'où cette proposition de distinguer considérations de droit et de
fait.
J'avoue que je ne comprends pas qu'un praticien du droit aussi distingué que
M. le rapporteur puisse la rejeter.
M. Gérard Delfau.
Moi non plus !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 29, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Monsieur le rapporteur, il m'apparaît qu'il convient de réserver l'amendement
n° 30 au même titre que, précédemment, les amendements n°s 21 et 22.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
En effet, monsieur le président.
M. le président.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
En conséquence, le vote sur l'article 4 est également réservé jusqu'après
l'examen de l'article 5.
Article 5
M. le président.
« Art. 5. _ Il est inséré, après l'article 48 du même code, une section 5
ainsi rédigée :
« Section 5
« Des recours contre les classements sans suite
«
Art. 48-1
. _ Dans le cas prévu à l'article 40-1, toute personne ayant
dénoncé des faits au procureur de la République et n'ayant pas qualité pour se
constituer partie civile peut, si elle justifie d'un intérêt suffisant, former
un recours contre la décision de classement prise à la suite de cette
dénonciation.
« Ces dispositions sont applicables aux décisions de classement sans suite
prises en application des dispositions de l'article 80.
« Le recours est adressé au procureur général dans le mois suivant la
notification du classement ou, à défaut de notification, à l'expiration d'un
délai de huit mois à compter de la dénonciation. Le procureur général peut
alors enjoindre au procureur de la République d'engager des poursuites. Dans le
cas contraire, le procureur général avise la personne dans les conditions
prévues au premier alinéa de l'article 40-1.
« Dans un délai d'un mois à compter de la notification de la confirmation du
classement par le procureur général ou, à défaut de réponse de ce dernier, à
compter d'un délai de deux mois suivant la saisine du procureur général, le
requérant peut saisir la commission de recours compétente.
«
Art. 48-2
. _ Les commissions de recours sont compétentes sur le
ressort de plusieurs cours d'appel.
« Elles sont composées de magistrats du parquet des différentes cours d'appel
situées dans leur ressort, désignés pour cinq ans par les assemblées générales
des magistrats du parquet des cours d'appel intéressées. Dans les mêmes formes,
il est procédé à la désignation de membres suppléants. Les magistrats
titulaires désignent parmi eux le président et le vice-président de la
commission.
« Un décret fixe le nombre des commissions de recours, leur ressort
territorial, leur siège et le nombre de magistrats de chaque cour d'appel qui
les composent.
« Les magistrats de la cour d'appel dans le ressort de laquelle un recours a
été formé ne siègent pas lors de l'examen de ce recours.
«
Art. 48-3
. _ Sous peine d'irrecevabilité, le recours formé devant le
procureur général en application du troisième alinéa de l'article 48-1 doit
faire l'objet d'une requête motivée adressée par lettre recommandée avec
demande d'avis de réception et à laquelle est joint soit l'avis de classement
du procureur de la République, soit la copie de la dénonciation adressée
initialement à ce magistrat lorsque celle-ci est restée sans réponse.
« La saisine de la commission de recours doit également faire l'objet, à peine
d'irrecevabilité, d'une requête motivée adressée par lettre recommandée avec
demande d'avis de réception et à laquelle sont joints l'avis de classement du
procureur de la République ainsi que la décision confirmative du procureur
général ou, si ce dernier n'a pas répondu dans le délai de deux mois, la
justification du recours qui lui a été adressé.
«
Art. 48-4
. _ La commission statue sur dossier, au vu des avis de
classement du procureur de la République et du procureur général, et des
documents qui lui ont été adressés par le requérant. Elle peut se faire
communiquer, s'il y a lieu, copie de la procédure d'enquête ou d'instruction
faisant apparaître l'infraction dont la poursuite est sollicitée. Elle peut
également demander au requérant ou au procureur général des éléments
d'information supplémentaires.
« La commission statue par une décision motivée qui est notifiée au procureur
de la République, au procureur général et au requérant. Cette décision n'est
pas susceptible de recours.
« Si la commission estime que la poursuite est justifiée, elle demande au
procureur de la République de mettre en mouvement l'action publique.
«
Art. 48-5
. _ Quand la commission estime qu'elle a été abusivement
saisie par un requérant, elle peut demander au ministère public de citer
celui-ci devant le tribunal correctionnel. Le tribunal peut condamner l'auteur
du recours abusif à une amende civile dont le montant n'excède pas 10 000
francs.
«
Art. 48-6
. _ Les recours formés sur le fondement des articles 48-1 et
suivants suspendent, au seul bénéfice du ministère public, la prescription de
l'action publique à l'égard des faits dénoncés. »
Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 31, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit cet article :
« Il est inséré, après l'article 40 du code de procédure pénale, un article
40-2 ainsi rédigé :
«
Art. 40-2. -
Toute personne ayant dénoncé des faits au procureur de
la République peut former un recours hiérarchique contre la décision de ne pas
poursuivre prise à la suite de cette dénonciation.
« Le recours est adressé au procureur général dans les mois suivant la
notification de la décision ou, à défaut de notification, à l'expiration d'un
délai de huit mois à compter de la dénonciation. Le procureur général peut
alors enjoindre au procureur de la République d'engager des poursuites. Dans le
cas contraire, le procureur général avise la personne dans les conditions
prévues au premier alinéa de l'article 40-1. »
Par amendement n° 65, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 5
pour l'article 48-1 du code de procédure pénale, après les mots : « à l'article
40-1 », d'insérer les mots : « et en l'absence de plaignant ou de victime ».
Par amendement n° 66, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 5
pour l'article 48-1 du code de procédure pénale, de supprimer les mots : « , si
elle justifie d'un intérêt suffisant, ».
Par amendement n° 67, Mme Derycke, M. Charasse et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent de remplacer les trois premiers alinéas du
texte présenté par l'article 5 pour l'article 48-2 du code de procédure pénale
par les deux alinéas suivants :
« Il est institué une commission de recours dans chaque cour d'appel.
« Elle est composée de magistrats du parquet n'appartenant pas à la cour
d'appel du ressort, désignés pour cinq ans par l'assemblée générale des
magistrats du parquet des cours d'appel désignés par le garde des sceaux ainsi
que, pour les affaires de chaque département, de quatre citoyens figurant sur
la liste départementale du jury criminel et désignés par tirage au sort. »
Par amendement n° 68, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent de rédiger comme suit le début de la deuxième phrase du
premier alinéa du texte présenté par l'article 5 pour l'article 48-4 du code de
procédure pénale : « Elle se fait communiquer copie... »
Par amendement n° 69, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent, après le premier alinéa du texte présenté par l'article 5
pour l'article 48-4 du code de procédure pénale, d'insérer un alinéa ainsi
rédigé :
« La commission peut entendre le requérant, à la demande de ce dernier,
éventuellement assisté de son avocat. »
Par amendement n° 70, MM. Charasse et Dreyfus-Schmidt proposent de compléter
le dernier alinéa du texte présenté par l'article 5 pour l'article 48-4 du code
de procédure pénale par les mots suivants : « et la juridiction saisie alloue,
sur sa demande, au requérant une indemnité représentative des frais engagés à
bon droit par lui. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 31.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Nous en arrivons à l'examen du dispositif que le projet de
loi nous présente à propos de ce que l'on appelait jusqu'à présent le «
classement sans suite ».
Le texte, dans le souci sans doute louable de permettre aux personnes
concernées de comprendre les motivations du classement sans suite et de
s'élever éventuellement contre celui-ci, leur ouvre des voies de recours, mais
il le fait dans des conditions qui nous semblent singulièrement compliquées.
Permettez-moi de donner lecture du texte du projet de loi, car chacun en sera
édifié :
« Art. 48-1.
- Dans le cas prévu à l'article 40-1, toute personne ayant
dénoncé des faits au procureur de la République et n'ayant pas qualité pour se
constituer partie civile » - ce n'est donc pas tout le monde, cela ne fait
d'ailleurs pas tellement de monde - « peut, si elle justifie d'un intérêt
suffisant, former un recours contre la décision de classement prise à la suite
de cette dénonciation.
« Ces dispositions sont applicables aux décisions de classement sans suite
prises en application des dispositions de l'article 80.
« Le recours est adressé au procureur général dans le mois suivant la
notification du classement ou, à défaut de notification, à l'expiration d'un
délai de huit mois à compter de la dénonciation. Le procureur général peut
alors enjoindre au procureur de la République d'engager des poursuites. Dans le
cas contraire, le procureur général avise la personne dans les conditions
prévues au premier alinéa de l'article 40-1.
« Dans un délai d'un mois à compter de la notification de la confirmation du
classement par le procureur général ou, à défaut de réponse de ce dernier, à
compter d'un délai de deux mois suivant la saisine du procureur général, le
requérant peut saisir la commission de recours compétente.
« Art. 48-2.
- Les commissions de recours sont compétentes sur le
ressort de plusieurs cours d'appel.
« Elles sont composées de magistrats du parquet des différentes cours d'appel
situées dans leur ressort, désignés pour cinq ans par les assemblées générales
des magistrats du parquet des cours d'appel intéressées. Dans les mêmes formes,
il est procédé à la désignation de membres suppléants. Les magistrats
titulaires désignent parmi eux le président et le vice-président de la
commission.
« Un décret fixe le nombre des commissions de recours, leur ressort
territorial, leur siège et le nombre de magistrats de chaque cour d'appel qui
les composent.
« Les magistrats de la cour d'appel dans le ressort de laquelle un recours a
été formé ne siègent pas lors de l'examen de ce recours.
« Art. 48-3.
- Sous peine d'irrecevabilité, le recours formé devant le
procureur général en application du troisième alinéa de l'article 48-1 doit
faire l'objet d'une requête motivée adressée par lettre recommandée avec
demande d'avis de réception et à laquelle est joint soit l'avis de classement
du procureur de la République, soit la copie de la dénonciation adressée
initialement à ce magistrat lorsque celle-ci est restée sans réponse.
« La saisine de la commission de recours doit également faire l'objet, à peine
d'irrecevabilité, d'une requête motivée adressée par lettre recommandée avec
demande d'avis de réception et à laquelle sont joints l'avis de classement du
procureur de la République ainsi que la décision confirmative du procureur
général ou, si ce dernier n'a pas répondu dans le délai de deux mois, la
justification du recours qui lui a été adressé.
« Art. 48-4.
- La commission statue sur dossier, au vu des avis de
classement du procureur de la République et du procureur général, et des
documents qui lui ont été adressés par le requérant. Elle peut se faire
communiquer, s'il y a lieu, copie de la procédure d'enquête ou d'instruction
faisant apparaître l'infraction dont la poursuite est sollicitée. Elle peut
également demander au requérant ou au procureur général des éléments
d'information supplémentaires.
« La commission statue par une décision motivée qui est notifiée au procureur
de la République, au procureur général et au requérant. Cette décision n'est
pas susceptible de recours. » Si j'osais, je dirais : « Ouf ! ».
« Si la commission estime que la poursuite est justifiée, elle demande au
procureur de la République de mettre en mouvement l'action publique.
« Art. 48-5.
- Quand la commission estime qu'elle a été abusivement
saisie par un requérant, elle peut demander au ministère public de citer
celui-ci devant le tribunal correctionnel. Le tribunal peut condamner l'auteur
du recours abusif à une amende civile dont le montant n'exède pas 10 000 francs
».
Voilà, dans sa simplicité biblique,...
M. Michel Charasse.
Biblique ? Pauvre Bible !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
... le texte qui nous est proposé pour permettre aux
personnes ayant déposé une plainte non suivie d'effet faisant l'objet d'un
classement sans suite de se pourvoir encore, en quelque sorte, contre cette
décision de classement sans suite.
Je n'ai pas besoin d'insister sur la complexité de ce texte, sa lecture y
suffit !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Nous l'avions lu aussi !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Ce texte très compliqué ne concerne, en fait, que ceux qui
n'ont pas qualité pour se constituer partie civile, donc un nombre très
restreint de personnes. Les autres, au contraire - et c'est une première
anomalie - ne disposent pas de ce recours. Or, chaque plaignant peut souhaiter
exercer celui-ci. Il en sera toutefois privé. Il n'a, argue-t-on, qu'à procéder
par voie de citation directe. Ce n'est pas si facile, car cette procédure
engendre des frais. En outre, les citations directes ne sont pas très
appréciées par de nombreux tribunaux correctionnels, ils estiment, en effet,
que si le parquet n'a pas estimé opportun de poursuivre, c'est que cela n'en
valait probablement pas la peine. Je ne souhaite à personne d'avoir à soutenir
une citation directe.
Cela dit, rappelons en toute hypothèse qu'il existe - c'est une constante de
notre droit - le recours hiérarchique. Tout particulier peut utiliser ce
recours à l'encontre d'une décision de classement qu'il considère comme non
fondée. Il est de droit.
Or, le texte qui nous est proposé aurait pour effet, me semble-t-il, car ce
n'est pas très clair, de priver du recours hiérarchique la plupart des
plaignants, ce qui constituerait, de ce point de vue, une régression.
En outre, une série d'amendements, qui participent à ce que je me suis permis
d'appeler du « harcèlement textuel », visent à instaurer, au sein des
commissions de recours, des jurés, comme en cour d'assises, à prévoir des
indemnités de toutes sortes, etc.
Ce dispositif nous paraît impraticable, excessif et dangereux sur le fond : il
aboutit à conférer à ce qui n'est qu'une décision de gestion courante une
valeur juridictionnelle. En effet, dès lors qu'une telle décision peut faire
l'objet d'un premier recours, puis d'un recours sur le recours devant une
commission, elle prendra une importance extraordinaire. Cette espèce de système
juridictionnel en quelque sorte préalable risque de confisquer l'autonomie de
la juridiction du fond : une fois qu'il aura été décidé de poursuivre, il sera
difficile de contester que les éléments constitutifs du délit sont acquis.
Pour toutes ces raisons, il nous semble qu'il n'est pas nécessaire, surtout
pour un si petit nombre de bénéficiaires, d'instaurer un système aussi
compliqué. Certains, parmi les membres les plus autorisés de la commission des
lois, ont osé parler d'« usine à gaz ». Personnellement, je n'ai pas recours à
des comparaisons aussi pittoresques ; je dirai simplement que le système est
tout de même un peu compliqué.
La commission a donc estimé qu'il fallait s'en tenir, purement et simplement,
au recours hiérarchique, qu'il suffit de consacrer, et c'est l'objet de son
amendement. Notre système est fondé sur l'opportunité des poursuites ; cette
notion doit conserver tout son sens, de même que les procureurs doivent
conserver toutes leurs responsabilités. Dans cet esprit, la commission demande
au Sénat d'adopter l'amendement n° 31.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour défendre les amendements n°s 65 à
69.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
L'intitulé du chapitre II a été réservé. Aux termes du texte adopté par
l'Assemblée nationale, sans modification, l'intitulé de la nouvelle section V
dudit chapitre est le suivant : « Des recours contre les classements sans suite
». Or le texte adopté par l'Assemblée nationale, également sans modification,
organise des recours qui sont non pas contre « les » classements sans suite
mais contre « des » classements sans suite - ceux qui sont exercés par « toute
personne ayant dénoncé des faits au procureur de la République et n'ayant pas
qualité pour se constituer partie civile... »
Nous demanderons d'ailleurs tout à l'heure à M. le rapporteur, s'agissant de
l'amendement n° 31, pourquoi seules les personnes ayant dénoncé les faits au
procureur de la République pourraient former un recours hiérarchique.
En effet, un blessé dans un accident de la circulation ne dénonce aucun fait
au procureur de la République ; il est embarqué à l'hôpital, puis il est avisé
de la suite donnée en tant que victime mais pas en tant que dénonciateur. Cette
personne n'aurait donc pas le droit de protester contre un classement sans
suite ?
De même, monsieur le rapporteur, si la victime, par exemple - c'est pourquoi
nous proposons d'écrire en tout état de cause dans notre amendement n° 65 : «
en l'absence de plaignant ou de victime » - a été invitée par le procureur de
la République à faire une citation directe ou un procès civil, le procès pénal
ou civil sera-t-il paralysé pendant le recours fait par le dénonciateur devant
le procureur général ? Cela ne serait pas normal ! Cette question me paraît
importante.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le rapporteur, si vous deviez
maintenir votre amendement, il serait bon d'y préciser en tête : « En l'absence
de plaignant ou de victime,... ». Si les victimes n'ont pas le droit de faire
un recours, au moins auront-elles le droit de faire une citation directe, comme
vous l'avez dit vous-même, ou un procès civil et, dans ce cas, il n'y a pas de
raison de paralyser leur action parce que le dénonciateur aurait engagé un
recours.
Tel est l'objet de l'amendement n° 65.
L'amendement n° 66 tend à supprimer les mots : « , si elle justifie d'un
intérêt suffisant, ». C'est le texte adopté par l'Assemblée nationale, qui
n'ouvre, en effet, un recours au dénonciateur, lorsqu'il n'a pas qualité pour
se constituer partie civile, que s'il justifie d'un intérêt suffisant. Or, nous
ne savons pas ce que signifie l'expression « un intérêt suffisant ».
Dans l'objet de notre amendement n° 65 figure l'explication de notre série
d'amendements. En effet, la notion d'intérêt suffisant est trop vague pour que
son application ne soit pas subjective, et donc, éventuellement, contraire au
principe d'égalité devant la loi.
Le procureur général d'abord, la commission ensuite, décideront que telle
personne a un intérêt suffisant et que telle autre n'en a pas. On se souvient
de cette affaire d'appartement à Paris, qui avait fait l'objet d'un recours
contre un classement sans suite... Y avait-il un intérêt suffisant ou pas ? Qui
décidera ? Les parquetiers ?
En outre, le dispositif n'empêchera aucun recours ; cela ne limitera pas leur
nombre, puisque tous ceux qui en feront un prétendront qu'ils ont un intérêt
suffisant.
Enfin, le problème, en cas de recours contre une décision de non-poursuite -
pour reprendre les termes adoptés tout à l'heure - est de savoir s'il doit y
avoir poursuite ou non, c'est tout. L'intérêt - suffisant ou non - n'a rien à
voir là-dedans.
Pour le reste, nos amendements prévoient, entre autres, qu'au sein de la
commission de recours - que condamne sans appel la commission des lois du
Sénat, la qualifiant même d'usine à gaz - siègent non seulement des magistrats
du parquet, mais également des représentants des justiciables, en l'occurrence
quatre citoyens figurant sur la liste départementale du jury criminel désignés
par tirage au sort, de manière que les parquetiers ne soient pas les seuls à
donner un avis sur un classement sans suite.
Par amendement n° 68, nous proposons que la commission de recours puisse se
faire communiquer copie de la procédure d'enquête et d'instruction. En effet,
il est bien évident - ce qui va sans dire devrait aller mieux encore en le
disant - que ceux qui doivent juger d'un dossier doivent le connaître, et donc
l'avoir sous les yeux.
Nous demandons également - c'est notre amendement n° 69 - que la commission
entende le requérant si ce dernier le demande, éventuellement assisté de son
avocat.
Enfin, tout de même ! Il y a un recours contre un classement sans suite ; on
va devant le procureur, on va devant le procureur général, on va devant la
commission. Et la commission déciderait, sans entendre l'intéressé, sans qu'il
ait le droit de faire valoir ses arguments et sans d'ailleurs qu'il ait vu le
dossier ? Cela nous paraît absolument inconcevable ! Il doit avoir, lui aussi,
communication du dossier ; il doit avoir la possibilité de faire valoir ses
arguments. A défaut, la commission est effectivement inutile.
M. le président.
La parole est à M. Charasse, pour défendre l'amendement n° 70.
M. Michel Charasse.
Il s'agit de préciser que, dès lors qu'une amende pour recours abusif - qui a
été ramenée par l'Assemblée nationale à 10 000 francs - peut être infligée en
cas de recours abusif à la commission, le requérant doit pouvoir obtenir une
indemnité représentative des frais qu'il a engagés, notamment pour couvrir ses
frais de déplacement et pour payer un avocat.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 65 à 70 ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission, pour les raisons que j'ai exposées tout à
l'heure, ne peut qu'être opposée à l'ensemble de ces amendements.
On s'aperçoit bien que, dès lors que l'on crée une voie de recours, on n'en
finit pas, pour satisfaire aux exigences de l'équité, de compliquer les choses.
Il faudrait des avocats, il faudrait ceci, il faudrait cela ; certains ont même
parlé des jurés !
Tout cela n'est vraiment pas opportun et relève même d'une méconnaissance
fondamentale du principe de l'opportunité des poursuites.
Tantôt on nous dit qu'il faut faire confiance aux procureurs, qui sont, à cet
égard, de véritables magistrats au sens plein du terme, tantôt on veut
multiplier les moyens d'enserrer leurs décisions, ce qui revient, en
définitive, à introduire une cause supplémentaire de paralysie dans le
fonctionnement de notre justice.
La commission des lois en reste donc à ce qu'elle a proposé et qui lui paraît
correct : le recours hiérarchique devant le procureur général pour tout le
monde.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 31 et 65 à 70 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Il me semble nécessaire de prendre le temps de donner
une réponse circonstanciée.
Tout d'abord, je suis évidemment défavorable à l'amendement n° 31 puisqu'il
vise à supprimer l'une des dispositions essentielles du projet de loi que je
défends devant vous : la commission chargée d'examiner les recours exercés
contre des décisions de classement sans suite.
Je regrette d'ailleurs que le Sénat, contrairement aux représentants de
l'opposition qui siègent à l'Assemblée nationale, ait renoncé à proposer
d'éventuelles améliorations à un dispositif qui est nouveau et qui crée des
droits pour les citoyens.
Quant à l'expression « usine à gaz », elle est très souvent employée quand il
s'agit d'innovations. Je ne me laisserai donc pas impressionner.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Ce n'était pas la mienne !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Tant mieux, monsieur le rapporteur !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
J'ai rapporté qu'elle avait été employée !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Absolument, monsieur le rapporteur ! Et mon propos
s'adresse donc plutôt à d'autres que vous.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
A son auteur !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Absolument, et il se reconnaîtra.
Sur le fond, il convient de rappeler que le Gouvernement a estimé que le
dispositif institutionnel existant devait être réformé pour que les citoyens ne
puissent plus avoir le sentiment que le ministère public n'a aucun compte à
rendre en matière de mise en mouvement de l'action publique. Il s'agit donc
d'accentuer le contrôle démocratique de l'action du procureur de la République.
Voilà un objectif simple et clair.
Je vous ferai grâce du rappel du dispositif. Il figure dans le texte. La
commission estime qu'il est complexe. Mais je vais citer deux exemples qui,
peut-être, vous éclaireront et vous permettront de mieux comprendre.
Premier exemple : un maire peut dénoncer auprès du procureur de la République
un trafic de stupéfiants. Le procureur, après avoir ordonné une enquête
préliminaire sans résultat probant, classe la dénonciation du maire.
M. Michel Charasse.
C'est un très bon exemple !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le maire apparaît comme un tiers intéressé à la
disparition du trafic de drogue sur le territoire de la commune et il peut
exercer un recours, selon les dispositions légales.
Deuxième exemple : l'ordre des avocats peut dénoncer des violences dont a été
victime un de ses membres. Pour des raisons d'éthique personnelle, cet avocat a
renoncé à le faire. Au vu de l'abstention de la victime, le procureur de la
République a classé la plainte. L'ordre, qui est intéressé à ce que ses membres
exercent leur profession sans risque de pressions physiques, peut exercer un
recours au nom de l'avocat victime.
Il est donc clair, dans mon esprit, que c'est la jurisprudence des commissions
inter-cours d'appel qui précisera cette notion innovante de « tiers intéressé »
pouvant saisir, tout d'abord, le procureur général, puis la commission des
recours.
Cette notion de « tiers intéressé » ne sort pas de nulle part, elle a déjà été
précisée. Ainsi, selon le rapport Truche, il s'agit d'une personne ayant
intérêt à ce qu'une infraction soit poursuivie du fait qu'elle est lésée par la
commission de cette infraction, mais ne pouvant se constituer partie civile
parce que l'une, ou plusieurs, des trois conditions posées par l'article 2 du
code de procédure pénale ne sont pas remplies : le préjudice n'est pas
personnel - il peut s'agir d'un préjudice collectif ; le préjudice n'est pas
direct - il peut être indirect ; le préjudice n'est pas certain - il peut être
éventuel.
Je citerai quelques exemples de « tiers intéressés » ; les premiers sont tirés
de cas où la Cour de cassation a refusé à certains de se constituer partie
civile.
Pourront être considérés comme des tiers intéressés : le créancier d'une
société victime d'un abus de biens sociaux ayant intérêt à ce que cette
infraction soit poursuivie ; le client d'un faux médecin souhaitant des
poursuites pour exercice illégal de la médecine ; un ordre professionnel -
c'est l'exemple que j'ai déjà cité - dont l'un des membres a été victime de
violences dans l'exercice de sa profession ; le Conseil supérieur de
l'audiovisuel qui a dénoncé une infraction en matière de communication
audiovisuelle ; le contribuable d'une commune qui n'a pas demandé ou obtenu
l'action de substitution prévue par l'article L. 316-5 du code des communes
lorsqu'une infraction a été commise au préjudice de la collectivité
territoriale.
Les autres exemples sont tirés de la pratique judiciaire : le maire d'une
ville qui dénonce un trafic de stupéfiants ; le directeur d'une école pour des
faits de racket qui ont lieu dans son établissement ; une association de
parents d'élèves pour des violences commises dans une école, etc.
J'ajoute que, pour éviter les abus et les manoeuvres de recours abusifs ou
dilatoires - car ce risque existe, bien évidemment -, ces derniers pourront
être sanctionnés par le tribunal correctionnel d'une amende civile d'un montant
de 10 000 francs maximum.
Il m'apparaît, enfin, que le dispositif proposé est équilibré : une voie de
recours qui accroît le contrôle démocratique sur l'action des procureurs de la
République est créée. Mais les débordements sont exclus, tout d'abord par la
jurisprudence, qui fixe l'étendue du concept de « tiers intéressés », ensuite
par la possibilité de sanctionner d'une amende civile les recours abusifs et
dilatoires.
J'en termine sur cet amendement en remarquant qu'il est normal que cette
réforme suscite des réticences, notamment de la part des magistrats du parquet.
Qui accepterait d'ailleurs, de bon coeur, de voir ses actes contrôlés alors
qu'ils ne l'étaient pas auparavant ? C'est un réflexe humain, tout simplement.
Mais cette réticence me paraît démontrer l'intérêt de la proposition.
J'en viens maintenant à la solution de remplacement que propose la commission
des lois. Cette dernière souhaite accorder la possibilité d'un recours devant
le procureur général à toute personne ayant dénoncé les faits au procureur de
la République, notamment aux victimes directes des infractions qui disposent
d'ores et déjà de la possibilité de mettre elles-mêmes en mouvement l'action
publique.
Je suis très réservée sur cette proposition. Bien sûr, j'admets que le recours
hiérarchique est effectivement aujourd'hui, et par définition, ouvert à tous
les plaignants et dénonciateurs, notamment aux victimes. Mais inscrire un tel
droit dans la loi ainsi que son corollaire, qui est l'information des
intéressés de ce droit, présente, à mes yeux, deux inconvénients majeurs.
Tout d'abord, cela risquerait de susciter de multiples recours devant les
procureurs généraux, recours auxquels ces derniers n'auraient matériellement
pas les moyens de faire face.
Ensuite et surtout, cela donnerait le plus souvent de faux espoirs aux
victimes, car, dans la plupart des cas, il est vraisemblable que la décision de
non-poursuites à l'initiative du parquet sera confirmée, ne serait-ce que parce
que la victime dispose du droit de mettre elle-même en mouvement l'action
publique.
Telles sont les raisons pour lesquelles cette proposition ne me paraît pas
raisonnable, en l'état actuel de l'institution du ministère public. J'y suis
donc défavorable.
J'en viens maintenant aux amendements défendus tout à l'heure par MM. Michel
Dreyfus-Schmidt et Michel Charasse.
L'amendement n° 65 présente, selon moi, un intérêt certain.
Il est en effet paradoxal de donner un recours contre les classements à un
tiers, alors qu'il existe une victime qui pourrait engager l'action publique,
mais qui ne le fait pas.
On peut même imaginer qu'une victime ne souhaite pas de poursuites, mais qu'un
tiers intente un recours et réussisse à faire mettre l'action publique en
mouvement.
On peut même se demander si une procédure pénale ainsi engagée ne risquerait
pas de nuire aux intérêts de la victime, qui se verrait par exemple « bloquée »
dans un procès civil en raison de la règle selon laquelle « le criminel tient
le civil en l'état ».
Ces difficultés doivent toutefois être relativisées : il y a, notamment, peu
de chances que la commission ordonne des poursuites si le classement est
justifié, en opportunité, par la volonté de la victime de ne pas porter
plainte.
Par ailleurs, la règle envisagée par l'amendement présente en elle-même
certains inconvénients.
D'abord, on peut imaginer qu'une victime ne veuille pas engager elle-même des
poursuites - pour des raisons de principe, ou parce qu'elle a peur - mais
qu'elle serait très satisfaite que le parquet le fasse.
Ensuite, les infractions dans lesquelles il n'y a pas de victimes sont très
rares. Imaginons une affaire de corruption mettant en cause une municipalité
qui ne souhaite pas porter plainte, comme elle en a le droit. Aucun recours ne
pourrait alors être porté devant la commission.
(M. Michel Charasse
s'exclame.)
C'est une question complexe, qui mérite d'être approfondie lors de la navette.
C'est pourquoi je m'en remets à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 65.
J'aurai le même avis sur l'amendement n° 66.
Cet amendement supprime la condition de « l'intérêt suffisant » pour exercer
un recours contre une décision du ministère public.
Il présente, comme le précédent, des avantages et des inconvénients, et il
permet d'approfondir de façon fort utile la réflexion.
Un de ses avantages, c'est qu'il évite à la commission de rejeter un recours
pour défaut d'intérêt, alors qu'elle estimerait qu'une infraction grave a bien
été commise, que l'absence de poursuites est effectivement injustifiée.
Un de ses inconvénients est qu'il transforme tout citoyen en procureur, qui a
pour tâche de veiller à l'application de la loi, ce qui me semble excessif.
Il est donc délicat d'ouvrir le recours à tout dénonciateur, d'où l'utilité
d'exiger un intérêt à agir.
Peut-être devrait-on revoir la qualification déterminant cet intérêt. Doit-on
évoquer un intérêt suffisant, un intérêt à agir ou tout simplement un intérêt
?
Cette question mérite d'être posée, je le reconnais. Pour ces différentes
raisons, je m'en remets à la sagesse du Sénat, en souhaitant la poursuite de
cette réflexion lors de la navette.
En revanche, je suis défavorable à la première proposition avancée par
l'amendement. Il ne me paraît pas nécessaire de prévoir une commission des
recours par cour d'appel, car le nombre des recours à examiner sera fort
probablement insuffisant pour justifier la création de trente-trois structures
de ce type.
Par ailleurs, l'intérêt majeur d'une commission inter-cours d'appel est de
faire examiner un recours contre une décision d'un procureur de la République
confirmée par un procureur général par des avocats généraux ou des substituts
généraux en fonction dans une autre cour d'appel. Ainsi, ils ne pourront se
trouver dans la situation ambiguë d'avoir à désavouer leur propre autorité
hiérarchique.
La seconde proposition portée par cet amendement ne me paraît pas non plus
devoir recevoir l'approbation et le soutien du Gouvernement. J'ai déjà expliqué
devant votre assemblée ce que celui-ci avait voulu créer, en l'occurrence une
voie de recours nouvelle ayant pour objet d'assurer un contrôle plus
démocratique du fonctionnement du ministère public, mais qui ne soit en aucun
cas une nouvelle voie juridictionnelle. Il ne faut pas se tromper sur
l'objectif.
M. Jean-Jacques Hyest.
Voilà !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Il n'est pas dans mon intention de créer une
juridiction souveraine, ce que l'introduction des citoyens tirés au sort sur la
liste départementale des jurés risquerait d'impliquer, et même impliquerait
forcément, à mes yeux.
Je pense que ces citoyens n'auraient aucune légitimité particulière pour
statuer sur la question complexe de la mise en mouvement de l'action publique,
spécialement quand celle-ci est justifiée par des considérations juridiques.
Enfin, je crains que l'on n'aboutisse à une nouvelle forme de privatisation de
l'action publique, en demandant à des particuliers de statuer sur ces
questions.
Souvenons-nous des propos que nous avons tenus, ici même, sur les
constitutions de parties civiles.
Cela étant, je ne suis pas opposée à ce que la réflexion sur la composition de
la commission se poursuive. Je crois vraiment que la présence des jurés n'est
pas une bonne solution, mais j'estime que nous pouvons sans doute améliorer le
texte.
En revanche, je suis favorable à l'amendement n° 68, parce que je pense que la
communication systématique de la procédure d'enquête ou de la procédure
d'instruction facilitera le travail de la commission des recours.
S'agissant de l'amendement n° 69, j'en comprends tout à fait les intentions,
inspirées par un souci démocratique, que les auteurs de l'amendement exposent
clairement en indiquant que, pour eux, l'idéal serait que la procédure soit
totalement contradictoire.
Mais je dois rappeler qu'il n'a jamais été dans l'intention du Gouvernement de
créer une procédure de type contradictoire devant ce qui serait alors une
juridiction des recours. La mise en mouvement de l'action publique par le
ministère public ne doit pas être une procédure juridictionnelle avec appel et
- pourquoi pas ? - pourvoi en cassation.
Il faut faire très attention à ne pas proposer des modifications susceptibles
d'introduire une méprise dans l'esprit de nos concitoyens sur la nature même de
la commission.
La solution serait peut-être de permettre à la commission de désigner l'un de
ses membres pour entendre le requérant et son avocat.
Là encore, la navette va sans doute nous permettre d'approfondir les choses.
En l'état, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
Pour récapituler sur l'ensemble des amendements défendus par M.
Dreyfus-Schmidt, l'opportunité des poursuites est maintenue et la décision de
poursuite ne doit pas être une décision juridictionnelle ; il faut éviter tout
ce qui judiciariserait la décision de poursuites.
Je suis défavorable à l'amendement n° 70, présenté par M. Charasse, donc à
l'indemnité au requérant lorsque des poursuites sont engagées. D'ailleurs, ces
poursuites peuvent aboutir à un non-lieu, à une relaxe, à un acquittement. Il
serait alors paradoxal que la juridiction prononçant cette décision alloue une
indemnité à la personne qui est à l'origine des poursuites.
M. Michel Charasse.
C'est l'indemnité de frais !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 31.
M. Robert Bret.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le rapporteur, vous proposez de supprimer purement et simplement la
commission des recours contre les classements sans suite.
Si la commission des lois maintient l'obligation de motivation des décisions
de classement - ou de ne pas poursuivre - elle retire au système prévu par le
projet de loi adopté par l'Assemblée nationale tout ce qui fait son originalité
et son intérêt. En effet, ne subsisterait alors que la possibilité d'un recours
hiérarchique, ce qui, je dois le dire, n'est guère original dans notre droit
français et découle du principe même de la subordination.
Au contraire, le recours devant une commission présente une supériorité
incontestable sur le principe du recours hiérarchique : c'est un gage de
neutralité supplémentaire, car on peut craindre que, dans certaines affaires
sensibles, le procureur général n'ait tendance à se solidariser avec son
subordonné. Ce risque est d'autant moins improbable qu'il faut considérer que
le procureur général n'a pas fait usage de la faculté qui lui est conservée à
l'article 37 du code de procédure pénale de donner des instructions tendant à
la mise en mouvement de l'action publique.
En outre, la commission des recours est collégiale. C'est pour nous une
garantie supplémentaire de l'impartialité qui est au coeur du projet de loi.
Compétents sur le ressort de plusieurs cours d'appel, ne pourront siéger au
sein de la commission que les magistrats n'appartenant pas à la cour d'appel
dans le ressort de laquelle a été prise et confirmée la décision de
classement.
Nous voterons donc contre l'amendement n° 31 de la commission des lois- et les
amendements subséquents - qui reste, encore une fois, très en retrait des
évolutions contemporaires en faveur d'une extension des droits des
justiciables.
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Nous voterons également contre cet amendement, qui vise à supprimer une
disposition extrêmement importante du projet de loi.
La commission des recours était une innovation intéressante qui avait pour
objet de créer de nouveaux droits pour nos concitoyens - Mme la ministre l'a
rappelé -, afin de rendre la justice toujours plus proche et démocratique. Nous
étions tous convenus qu'il y avait une crise de confiance et que nos
concitoyens ressentaient le besoin d'avoir de nouveau confiance dans leur
justice, de la sentir au plus proche de leurs préoccupations.
La commission des recours avait l'intérêt, toujours dans la même logique, de
responsabiliser les procureurs généraux.
Alors que la commission Truche avait, je le rappelle, préconisé l'instauration
d'un tel système, supprimer cette commission reviendrait à priver le projet de
loi d'une partie importante de son architecture. Nous ne pouvons pas accepter
une telle mutilation du texte.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
J'ai bien écouté M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux et ceux de mes
collègues qui viennent de s'exprimer.
Je ne sais pas si la commission des recours, composée comme elle l'est dans le
texte qui nous est transmis par l'Assemblée nationale, est la meilleure
solution.
Nous avions proposé, nous, de l'ouvrir à des personnes extérieures, précaution
utile pour ne pas que les magistrats restent entre eux, ce qui ne serait pas
sain. Mais, en fait, la commission des recours - je fais allusion à une
intervention du rapporteur, voilà un instant - a pour moi, entre autres
mérites, même si ce n'est pas général, même si cela ne s'applique pas à tout le
monde, d'éviter les déviations du principe de l'opportunité des poursuites.
On fait dire beaucoup de choses à l'indépendance des magistrats du siège et à
l'opportunité des poursuites. La première est souvent le paravent derrière
lequel se cachent des choses parfois inavouables et la seconde me paraît subir,
compte tenu de l'afflux des affaires, des dérives importantes.
Mme le garde des sceaux a cité le cas d'un maire dans lequel certains d'entre
nous se sont peut-être reconnus. Combien d'affaires donnant lieu à des plaintes
de maires ou d'adjoints, à des démarches auprès de la gendarmerie ou du
commissariat de police sans constitution de partie civile sont classées au bout
de quelques mois avec pour mention « auteur inconnu », alors qu'on sait très
bien qu'on ne l'a pas vraiment cherché, car, si on l'avait fait on l'aurait
facilement trouvé ?
Mes chers collègues, l'opportunité des poursuites, ce n'est pas l'impuissance,
volontaire ou non, face à l'afflux des affaires. C'est, me semble-t-il,
l'appréciation que le parquet doit porter au regard des intérêts de la société.
Il ne s'agit pas de communiqués du type : « Ils nous cassent les pieds », «
Toujours des plaintes », « Il y en a assez », « Elles ne sont pas assez
importantes ». C'est ainsi qu'on arrive à instaurer en France un certain
sentiment d'impunité face à de petites et moyennes malversations pour
lesquelles les parquets s'abstiennent dans des conditions qui sont souvent
incompréhensibles.
La proposition du Gouvernement avait le mérite de clarifier les choses et de
ramener l'opportunité des poursuites à ce qu'elle doit être, c'est-à-dire
l'opportunité par rapport aux intérêts de la société, à la nécessité de la
défendre, de l'affirmer, et pas seulement à des problèmes de commodité.
C'est la raison pour laquelle je regrette vraiment la position prise par la
commission, par le biais de son amendement n° 31, que, bien entendu, avec mes
amis, je m'empresserai de ne pas voter.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
J'ai déjà posé quelques questions tout à l'heure à M. le rapporteur. Je serais
heureux qu'il veuille bien m'éclairer pour le cas où cet amendement serait
provisoirement adopté par le Sénat.
Pourquoi s'en tenir à toute personne ayant dénoncé des faits au procureur de
la République ? Mme le garde des sceaux a pensé que cette mesure concernait
tout le monde. En vérité, dans le code, les mots « dénonciation », « plainte »,
« victime » ont un sens ! Je me demande si, en visant les personnages qui ont
dénoncé des faits, on n'exclut pas le plaignant et la victime.
M. Michel Charasse.
Eh oui !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Si tel est le cas, ne craignez-vous pas, en retenant le délai de huit mois
pour permettre au procureur général de se décider, de paralyser le système ? Je
sais bien que vous reprenez ce délai dans le projet, mais nous avions déposé
des amendements pour y porter remède en prévoyant de n'ouvrir le recours qu'en
l'absence de plaignant ou de victime. Mme le garde des sceaux envisage les cas,
tout à fait exceptionnels, où la victime voudrait que soient engagées des
poursuites, mais sans le dire elle-même. Du moment qu'il y a une victime, le
parquet est saisi.
Mais ne pensez-vous pas que nous devrions prendre en considération
l'inconvénient qui résulterait de la paralysie de l'action civile, voire de
l'action directe engagée par la victime ? Va-t-on attendre que le procureur
général ait statué - dans les huit mois - pour juger l'action de la victime qui
aura attaqué aussitôt après le classement sans suite ? Franchement, cela nous
paraît incompréhensible et inacceptable. Cet inconvénient que nous dénoncions
et que nous dénonçons encore dans le texte dont nous sommes saisis vaut
également pour votre propre amendement.
Pour le reste, vous l'avez dit vous-même d'ailleurs, monsieur le rapporteur,
tout le monde a le droit de saisir le procureur général.
Ouvrir la voie du recours à tout le monde, c'est sans doute donner trop de
travail au procureur général et à la commission de recours. Ayons alors
l'honnêteté de faire apparaître dans le texte que le recours est ouvert contre
« des » classements sans suite et non contre « les » classements sans suite. Il
ne faut pas que l'opinion croie que n'importe qui pourra exercer un recours
contre un classement sans suite ou une décision de ne pas poursuivre, alors que
ce n'est pas vrai. Il faut absolument éclairer l'opinion à cet égard.
Par ailleurs, s'il y a une commission, il ne faut pas qu'elle ne soit composée
que de parquetiers. Nous avions eu cette idée, on peut bien le dire ; plus
précisément, notre ami Michel Charasse avait pensé y faire figurer des élus,
comme des conseillers généraux siégeaient jadis autour du président du tribunal
d'instance pour choisir les jurés proposés par les maires. Puis nous avons
pensé que des citoyens devraient être associés à des membres du parquet pour
donner un autre point de vue. Mme le garde des sceaux, en écartant des jurés
tirés au sort, vous avez fait une ouverture en proposant d'y réfléchir, mais
sans dire à quelle solution vous pensiez.,
Il existe beaucoup de pays où ce sont les juridictions qui peuvent décider de
la nécessité de donner suite lorsque le parquet a décidé qu'il n'y en aurait
pas. De même, les juridictions peuvent décider, au contraire, à la demande de
n'importe quel citoyen, d'interrompre des poursuites engagées. Je l'ai dit dans
mon intervention lors de la discussion générale, en donnant des exemples.
Aussi ne voit-on pas pourquoi il faudrait absolument réserver la décision à
des parquetiers, dont il est permis de penser que, même s'ils n'appartiennent
pas à la même cour d'appel, ils peuvent légitimement avoir une espèce d'esprit
de corps et penser que, si l'on statue aujourd'hui sur la décision de ne pas
poursuivre M. Dupont, demain M. Dupont sera peut-être appelé à statuer sur leur
propre décision de ne pas poursuivre.
Pourquoi faut-il les laisser entre eux ? Vous nous dites que vous pouvez y
réfléchir. Mais nous aimerions bien, madame le garde des sceaux, que vous nous
indiquiez à quelles hypothèses vous pensez.
Je me retourne vers M. le rapporteur et je le remercie surtout d'avoir
l'obligeance de bien vouloir répondre aux deux questions que je lui ai posées :
pourquoi seul le dénonciateur pourrait-il recourir ? Ne risque-t-on pas de
paralyser l'action de la victime ?
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Il est vrai que le classement sans suite a toujours provoqué, de la part d'un
certain nombre de victimes, en particulier d'accidents de la route ou autres,
des réactions vives et qu'on pouvait suspecter des motifs susceptibles de ne
pas être conformes strictement à l'intérêt général. Mais je suis tout de même
désolé de le constater : la solution que l'on nous propose pour remédier à ce
mal est, à mon avis, pire que le mal !
Elle consiste d'abord à mettre en place une commission de recours, qui, j'en
suis sûr, sera embouteillée compte tenu de la multiplicité des recours émanant
de n'importe quelle victime, de n'importe quel plaignant. Cela va créer une
situation d'insécurité juridique, alors que le classement crée une sécurité
juridique.
M. Gérard Delfau.
A quel prix !
M. Patrice Gélard.
Pour l'instant, c'est comme cela que l'on vit ; il ne faut tout de même pas se
faire d'illusion ! Cela ne marche pas si mal et il n'y a pas tellement de
plaintes.
Mais le système que l'on va mettre en place va multiplier les plaintes et
embouteiller la machine, de telle sorte qu'on va compliquer des problèmes
relativement simples au lieu de les résoudre.
C'est la raison pour laquelle je me rallie pleinement à la solution proposée
par notre rapporteur, solution conforme à notre tradition et qui ne met pas en
place une institution qui nous mènera on ne sait où et dont on ne connaît pas
les conséquences sur l'ensemble du procès pénal. Cela revient à s'engager sur
une voie beaucoup trop dangereuse pour les justiciables eux-mêmes !
M. Gérard Delfau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau.
Monsieur le président, je n'avais pas prévu d'intervenir dans ce débat, mais,
à ce stade de la discussion, je voudrais très brièvement dire à la fois mon
soutien total au garde des sceaux à propos de la mise en place des commissions
de recours et mon insatisfaction profonde quant à la perception de la justice
par les citoyens et par les élus que nous sommes - ou, en tout cas, par de
nombreux élus, y compris sur ces travées.
Qu'il soit par la suite procédé à des ajustements, comme le proposent nos
collègues du groupe socialiste, pour déboucher sur une structure un peu plus
ouverte, sans toutefois prendre le risque de créer une nouvelle instance de
juridiction et sans y mêler les élus, innovation, à mon sens très dangereuse,
je le dis au passage, que la navette permette d'améliorer le texte, pourquoi
pas ? En tout cas, sur le fond, je tiens à affirmer mon opposition à la
proposition de la commission.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Bien des réflexions ont été faites, et je ne prétends pas
répondre à toutes les questions qui m'ont été posées, notamment à toutes celles
qui l'ont été par M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne saurais y parvenir ; c'est
une gageure que je ne suis pas en mesure de relever.
M. Michel Charasse.
Il pose pourtant des questions pertinentes !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je me permets toutefois de lui répondre sur un point
précis.
Mon cher collègue, mettons un peu de bon sens dans cette affaire. La mention :
« Toute personne ayant dénoncé des faits au procureur de la République »
englobe bien le plaignant. Forcément, le plaignant dénonce des faits. Le
plaignant est donc compris.
Les victimes, quant à elles, ne seraient pas plaignantes ? Mais enfin !
Comment imaginer qu'une victime qui ne voudrait pas déposer une plainte
tiendrait quand même à faire un recours contre le classement sans suite de son
affaire ?
Si elle est capable de faire un recours, elle est capable, si elle est
réellement victime, de se plaindre. Qu'elle se plaigne, et elle entrera dans
notre système ! Je ne peux donc pas vous suivre sur le terrain où vous voulez
m'entraîner.
Nous avons parlé, les uns et les autres, en particulier M. Bret, des droits
fondamentaux des justiciables. Je rappellerai donc que le dispositif proposé
par le Gouvernement ne profitera qu'à un tout petit nombre de justiciables - on
les a indiqués tout à l'heure - et que la grande masse des justiciables n'a pas
accès à ce système. Elle reste dans le droit commun. En outre, si j'ai bien
compris - il me semble que Mme le garde des sceaux ne m'a pas démenti - on la
prive du recours hiérarchique auquel elle a droit actuellement, de sorte que,
pour l'ensemble des justiciables, c'est à une réduction et non pas un
renforcement de protection qu'on va aboutir.
Enfin, M. Charasse, très justement, a élevé en quelque sorte le débat et a
posé le problème des classements en opportunité.
Bien sûr, c'est le vrai problème ! Bien sûr, ce n'est pas avec ce genre de
texte que l'on résoudra ce problème ! En vérité, disons-le, le vrai problème de
la justice, c'est qu'elle est submergée ! Si l'on avait résolu ce problème, on
n'aurait plus besoin de tous ces raffinements.
Dans un précédent rapport, j'ai dit que la justice était en état d'hémiplégie
; je le maintiens.
J'ai lu récemment que le procureur de la République de Paris se plaignait de
ce que ses audiences commençaient à quatorze heures pour finir à quatre heures
du matin. Qu'est-ce qu'une justice qui fonctionne dans ces conditions ? Je vous
le demande !
On ne peut pas faire fonctionner correctement la justice dans ce qui est sa
mission la plus évidente parce qu'on n'en a pas les moyens.
Bien entendu, madame le garde des sceaux, nous traînons cette situation depuis
des dizaines d'années, et vous faites partie des gardes des sceaux qui ont
plutôt amélioré les moyens de la justice, je ne le conteste pas. Je ne fais pas
du tout le procès du gouvernement actuel ; c'est le procès de la France, des
Français, qui, en général, n'ont pas fait ce qu'il fallait pour le service
public de la justice, et ce depuis très longtemps.
Dans ces conditions, les tribunaux ne peuvent pas traiter les dossiers les
plus élémentaires. Dès lors, est-il raisonnable d'ajouter un raffinement de
procédure qui, forcément, prendra du temps ? Naturellement, comme tout
raffinement et comme tout perfectionnement, par certains côtés il se justifie
en théorie. Mais la justice n'est pas vécue dans la théorie ; elle est vécue
dans la pratique.
Aussi, nous ne croyons pas raisonnable d'aller au-delà du rappel que tout le
monde a droit au recours hiérarchique. Tout autre dispositif, si perfectionné
soit-il, ne fera qu'accroître l'encombrement de notre justice et produira,
finalement, des conséquences négatives plus grandes que ne le sera l'avantage
que l'on croit pouvoir retirer.
M. Patrice Gélard.
C'est exact !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 31, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 5 est ainsi rédigé et les amendements n°s 65 à 70
n'ont plus d'objet.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
La dénonciation équivaut à une plainte !
Article 3
(suite)
M. le président.
Nous en revenons, au sein de l'article 3, au texte proposé pour l'article 39-3
du code de procédure pénale.
ARTICLE 39-3 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
(suite)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements.
Par amendement n° 21, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, à la fin
du premier alinéa du texte présenté par l'article 3 pour l'article 39-3 du code
de procédure pénale, de remplacer la référence : « 48-1 » par la référence : «
40-2 ».
Par amendement n° 22, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de
supprimer le second alinéa du texte présenté par l'article 3 pour l'article
39-3 du code de procédure pénale.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il s'agit d'amendements de conséquence.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 21, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 22, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 39-3 du code de
procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
(suite)
M. le président.
Nous en revenons à l'article 4, précédemment réservé.
Par amendement n° 30, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, à la fin
du deuxième alinéa du texte présenté par l'article 4 pour l'article 40-1 du
code de procédure pénale, de remplacer les mots : « contre la décision de
classement dans les conditions prévues aux articles 48-1 à 48-5 » par les mots
: « contre la décision de ne pas poursuivre dans les conditions prévues à
l'article 40-2 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de conséquence.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 30, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Intitulé du chapitre II
(précédemment réservé)
M. le président.
Par amendement n° 27, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit l'intitulé du chapitre II : « Dispositions relatives aux décisions
de ne pas poursuivre ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
C'est un amendement de conséquence.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 27.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'intitulé du chapitre II est ainsi rédigé.
Chapitre III
Dispositions renforçant le contrôle
de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire
Article 6
M. le président.
« Art. 6. _ A l'article 14 du code de procédure pénale, après les mots : "Elle
est chargée, suivant les distinctions établies au présent titre", sont insérés
les mots : "et dans le cadre des directives générales mentionnées à l'article
39-2". »
Par amendement n° 32, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, dans cet
article, de remplacer le mot : « directives » par le mot : « orientations ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 32.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, ainsi modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
M. le président.
« Art. 7. _ Les deuxième à cinquième alinéas de l'article 41 du même code sont
remplacés par six alinéas ainsi rédigés :
« Il a tous les pouvoirs et prérogatives attachés à la qualité d'officier de
police judiciaire prévus par la section 2 du chapitre Ier du titre Ier du
présent livre, ainsi que par les lois spéciales.
« En cas d'infractions flagrantes, il exerce les pouvoirs qui lui sont
attribués par l'article 68.
« Le procureur de la République contrôle le déroulement des enquêtes ainsi que
les mesures de garde à vue.
« Il dirige l'activité des officiers et agents de police judiciaire dans le
ressort de son tribunal. Il leur donne connaissance des directives générales de
la politique pénale qui doivent être mises en oeuvre dans son ressort.
« Le procureur de la République et les chefs des services de police ou de
gendarmerie se tiennent informés au moins une fois par trimestre des moyens à
mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs fixés par les directives
générales mentionnées à l'article 39-2.
« Lorsque la durée ou la complexité d'une enquête le justifie, le procureur de
la République et le chef du service saisi définissent d'un commun accord les
moyens à mettre en oeuvre pour procéder aux investigations nécessaires. Ces
moyens peuvent être adaptés au cours de l'enquête. »
Sur l'article, la parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Nous abordons le coeur du troisième volet du projet de loi relatif à l'action
publique en matière pénale, à savoir le contrôle de l'autorité judiciaire sur
la police judiciaire.
Nous savons que cet aspect de l'action publique est essentiel à l'impartialité
des parquets : M. Hubert Haenel, très au fait de ces questions, nous a rappelé
que « l'indépendance de l'autorité judiciaire en matière pénale dépend moins
des liens entre les parquets et le ministère de la justice que de la qualité
des relations entre le procureur de la République, le juge d'instruction et les
services de police judiciaire ». De même, on sait que le procès pénal - et donc
les classements sans suite - dépend d'abord de l'enquête de police.
Parallèlement au mouvement tendant à accroître l'autonomie et la
responsabilité du ministère public, la garantie judiciaire implique un contrôle
renforcé du parquet sur la police : c'est ce qu'on constate dans la majorité
des pays européens, exception faite de la Grande-Bretagne, qui connaît une
police très forte, hermétique à toute initiative tendant à réduire son rôle.
Le débat sur le contrôle de la police judiciaire n'est pas nouveau en
France.
Régulièrement remis au goût du jour, on légifère, on réglemente, pour tenter
de résoudre la dichotomie induite par la double hiérarchie qui s'exerce sur les
officiers de police judiciaire : à l'autorité des magistrats s'ajoute en effet
celle, potentiellement contradictoire, car relevant d'une autre logique, du
ministre de l'intérieur ou du ministre de la défense.
Un décret du 23 décembre 1998 est venu renforcer le pouvoir des parquets sur
la notation des OPJ en prévoyant, notamment, qu'elle porte sur la qualité du
travail réalisé dans l'accomplissement de la mission de police judiciaire.
Aujourd'hui, au vu des difficultés constatées dans le déroulement des
enquêtes, on souhaite renforcer l'effectivité du contrôle des parquets sur les
enquêtes en cours et favoriser le dialogue avec les services de police de deux
façons essentielles : d'une part, en prévoyant une information trimestrielle
des chefs de service et du procureur de la République sur les moyens à mettre
en oeuvre pour l'application des directives de politique pénale ; d'autre part,
en priviliégiant la définition en commun des moyens à mobiliser en cas
d'enquête complexe ou longue.
On comprend mal l'hostilité de la majorité sénatoriale à cette tentative de
rééquilibrage, renforcée par l'institution de délais dans lesquels les OPJ
doivent rendre compte au procureur de leurs enquêtes.
Autant elle a affirmé vouloir faire « oeuvre nouvelle » sur les relations
entre les parquets et l'exécutif, autant on s'étonne qu'elle soit relativement
muette sur la question des rapports police-justice. Le contrôle disciplinaire
des OPJ par l'IGSJ, inspection générale des services de police judiciaire,
n'épuise certainement pas la question.
Il s'agit donc d'un timide rééquilibrage, voulu et assumé par le garde des
sceaux ; nous regrettons qu'il en soit ainsi.
Tel est le sens des propos que je souhaitais développer, en précisant que nous
sommes néanmoins favorables à la démarche suivie par le Gouvernement.
D'abord, la question des rapports entre la justice et la police ne peut pas
éternellement rester en suspend. On se doit de poser clairement la question du
rattachement ou non de la police judiciaire à l'autorité judiciaire, de la
création ou non de brigades judiciaires.
Faute d'aborder ces points essentiels, la réforme reste, selon nous, au milieu
du gué, d'autant qu'elle passe sous silence les cas où il y aurait désaccord
entre les chefs de la police et le procureur ou le juge d'instruction. A défaut
de trancher réellement, on peut craindre que cet article ne soit source de
conflit.
Comme on le sait, il ne s'agit pas d'une simple hypothèse d'école. Qui ne se
souvient d'un certain directeur de la police judiciaire de la préfecture de
Paris qui avait refusé son assistance au juge d'instruction dans la
perquisition et qui avait été maintenu dans son poste malgré une décision de la
chambre d'accusation ?
Nous regrettons, ensuite, que, faute d'aborder de manière globale le problème,
on finisse par avoir une appréciation essentiellement circonstancielle de la
question. La réforme qui nous est proposée semble se focaliser sur la
délinquance financière et criminelle, au détriment de ce que l'on appelle
habituellement « la petite délinquance ».
C'est en effet à travers ce prisme qu'il faut lire les sixième et septième
alinéas proposés à l'article 7, qui, en faisant des chefs de service des
interlocuteurs privilégiés du parquet, ne tiennent pas compte du fait que les
procureurs sont le plus souvent directement en relation avec les OPJ.
Si les nouvelles dispositions peuvent contribuer à une meilleure coopération
entre les services de police et la justice, n'aurait-il pas été opportun de
s'interroger sur les moyens d'enrichir les pôles financiers déjà constitués en
prévoyant, par exemple, un système de détachement ou de mise à disposition
d'OPJ spécialisés ?
Sous réserve de ces quelques observations, les sénateurs communistes voteront
le texte du Gouvernement, afin de marquer leur souci de voir le débat se
poursuivre dans l'avenir.
M. le président.
Par amendement n° 33, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, dans la
seconde phrase du cinquième alinéa de cet article, de remplacer le mot : «
directives » par le mot : « orientations ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?..
Je mets aux voix l'amendement n° 33.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements proposés par M. Fauchon, au nom de la
commission.
Le premier, n° 34, vise à supprimer l'avant-dernier alinéa de l'article 7.
Le second, n° 35, tend à supprimer le dernier alinéa de l'article 7.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Nous en arrivons aux questions relatives à la police
judiciaire. M. Bret a assez justement évoqué les problèmes récurrents, pour
employer un mot à la mode, qui se posent à cet égard.
Au vu de ce texte, qui ne marque pas une avancée réellement caractérisée, on
comprend que Mme le garde des sceaux s'est rendue compte que le sujet n'était
pas facile et qu'il ne fallait pas prendre le risque d'attribuer des mesures
d'autorité aux juges et aux procureurs à l'égard de la police, mesures qui
pourraient avoir des contre-effets et des conséquences qui, finalement, se
révéleraient négatives. Pour une satisfaction purement verbale, on provoquerait
chez les intéressés des mouvements de rétraction, de mauvaise volonté ou de
mauvaise réception. L'effet obtenu serait ainsi contraire à l'objectif
recherché.
Nous le comprenons parfaitement. Il s'agit là d'un problème culturel,
d'organisation des pouvoirs publics. Il faut chercher à remédier à cette
situation en renforçant sur le terrain les bonnes relations qui existent déjà,
plus souvent qu'on ne le croit ; les magistrats que nous avons rencontrés nous
l'ont confirmé. Certes, comme toujours, il y a des affaires spectaculaires. Ce
qui est important ce sont les relations entre hommes ; nous devons nous
attacher à les améliorer pour leur donner toute leur efficacité en vue du but
commun à atteindre.
Nous comprenons bien cette partie du texte, mais nous sommes gênés de
constater que, à deux reprises, on donne l'impression d'établir une sorte
d'équivalence en mettant pratiquement sur le même niveau les procureurs et les
services de police.
Je lis le texte : « Pour le bon déroulement des enquêtes, le procureur de la
République et les chefs des services de police et de gendarmerie se tiennent
informés régulièrement des moyens à mettre en oeuvre. » Mais j'espère bien
qu'ils se tiennent informés régulièrement ! En plus, ils ont l'air d'être
placés sur un pied d'égalité.
Ne voyez dans mes propos, madame le garde des sceaux, aucun esprit critique ou
aucun esprit d'opposition. En fait, je ne comprends pas bien cette formule.
M. Patrice Gélard.
Voilà !
M. Michel Charasse.
Il y a un tel amour entre les services !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Un peu plus loin, je lis : « Lorsque la durée ou la
complexité d'une enquête le justifie, le procureur de la République et le chef
du service saisi définissent d'un commun accord, les moyens à mettre en oeuvre.
» C'est possible qu'ils le définissent d'un commun accord, mais, là encore, on
a l'impression qu'ils sont sur un pied d'égalité.
M. Michel Charasse.
C'est constitutionnel !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Excusez-moi, monsieur Charasse, mais je lis dans le code
pénal...
M. Jean-Jacques Hyest.
Mais il abonde dans votre sens !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je vous remercie, j'avais mal compris ; on ne peut regarder à
la fois ses papiers, monsieur Charasse, et Mme la garde des sceaux. Moi, je
n'ai qu'un oeil ou deux, c'est tout !
(Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest.
Moi, j'en ai deux !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Parfois il vaut mieux fermer l'un des deux pour bien viser
!
Toujours dans le code de procédure pénale, je lis : « La police judiciaire est
exercée, sous la direction du procureur de la République, par les officiers,
fonctionnaires et agents... », puis, plus loin : « Le procureur de la
République procède ou fait procéder à tous les actes nécessaires à la recherche
et à la poursuite des infractions à la loi pénale.
« A cette fin, il dirige l'activité des officiers et agents de la police
judiciaire dans le ressort de son tribunal. »
Dans le texte même de l'article 7 qui nous est proposé, on retrouve bien la
même formulation : « Il dirige l'activité des officiers et agents de police
judiciaire dans le ressort de son tribunal. »
M. Patrice Gélard.
Et voilà !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je comprends bien pourquoi vous avez souhaité faire figurer
cette disposition, madame le garde des sceaux. Encore une fois, il n'entre pas
du tout d'esprit polémique dans ces observations. Toutefois, il nous semble
que, finalement, on a l'air de poser comme principe l'égalité de niveau entre
les personnes qui sont chargées de donner les consignes et celles qui sont
chargées de les exécuter.
On nous a fait remarquer que ce n'était peut-être pas opportun,...
M. Jean-Jacques Hyest.
Oui !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
... lors des nombreuses auditions auxquelles nous avons
procédé.
Il est possible que cela se passe ainsi dans les faits, mais faut-il pour
autant l'écrire en toutes lettres ?
M. Michel Charasse.
Non, il ne faut pas l'écrire !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Faut-il permettre aux personnels de la police de répliquer au
procureur en ces termes : « Mais monsieur, nous devons nous concerter. Je ne
suis pas d'accord avec vous. Vous ne dirigez pas. Et il faut savoir encore
quels moyens seront affectés » ?
Il nous apparaît donc que ces deux textes peuvent se révéler plus négatifs que
positifs et qu'il est, dès lors, souhaitable de les supprimer. Sont visés
particulièrement, à l'amendement n° 34, les mots : « se tiennent informés » -
c'est admirable ! - et, à l'amendement n° 35, les mots : « définissent d'un
commun accord ». Ces formules ne nous semblent pas correspondre à la situation
réelle des parties dont nous parlons.
Voyez-vous, monsieur Bret, je me permets de vous le dire, c'est nous qui
cherchons le véritable équilibre !
M. Robert Bret.
Permettez-moi d'en douter !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 34 et 35 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je veux dire pourquoi je suis défavorable aux deux
amendements proposés par M. le rapporteur.
La commission me semble attachée, comme moi-même, au renforcement du contrôle
de la police judiciaire. Nous avons donc le même but, ainsi d'ailleurs que M.
Bret. Mais, de façon assez paradoxale, la commission propose de supprimer deux
des dispositions du projet qui vont dans ce sens.
Je voudrais éviter tout malentendu. Non, je ne crois pas que les dispositions
du projet de loi soient inutiles, et encore moins qu'elles constituent un recul
par rapport au droit actuel.
Certes, le procureur dirige la police judiciaire, mais celle-ci n'est pas,
d'un point de vue organique, sous son autorité. La gendarmerie nationale dépend
du ministère de la défense ; la police nationale dépend du ministère de
l'intérieur. C'est une réalité qui tient à des raisons historiques autant que
structurelles, notamment l'imbrication des missions de police administrative et
des missions de police judiciaire. Il faut prendre en compte cette réalité.
Le parquet définit les missions, mais il ne maîtrise pas les moyens. D'où
l'intérêt d'institutionnaliser une information ou une concertation obligatoire
dans la gestion de ces moyens.
C'est une véritable nouveauté ; c'est vrai.
Je rappelle, car je crois que la commission n'a pas vu ce point, que le
deuxième alinéa de l'article D. 2 du code de procédure pénale, qui existe
depuis 1982, précise que le chef de la formation de police ou de gendarmerie
saisie « coordonne l'exécution des opérations de police judiciaire effectués
dans son service ».
C'est donc lui, actuellement, qui décide des moyens à affecter à telle ou
telle mission confiée par l'autorité judiciaire. C'est lui qui décide de
confier telle commission rogatoire à deux ou à dix enquêteurs. C'est lui qui,
face à plusieurs demandes d'enquête du parquet ne pouvant être exécutées en
même temps, va fixer les priorités.
C'est cela, la réalité judiciaire. C'est cela qui résulte des textes, qui
résulte du fait que les policiers et les gendarmes relèvent des ministères de
l'intérieur et de la défense, qu'ils ne sont pas des substituts qu'un procureur
peut affecter dans son parquet à telle ou telle tâche.
Face à une telle situation, je crois qu'il ne faut pas être naïf. Aucun texte
ne prévoit en la matière que le parquet - ou le juge d'instruction - ait son
mot à dire. Or, à quoi bon donner des instructions, ce qui est prévu dans le
code, si les moyens nécessaires à leur mise en oeuvre dépendent d'une autre
autorité ?
C'est pour éviter ce type de difficultés que le projet de loi prévoit, selon
les cas, une information ou une concertation obligatoire sur la question des
moyens.
Certes, dans certains ressorts, les excellentes relations existant entre les
magistrats et les services d'enquête font que ces dispositions viendront
simplement consacrer des pratiques.
M. Christian Bonnet.
Dans la plupart des ressorts !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Mais ce n'est pas le cas partout, car ces relations
privilégiées, dont je me réjouis, évidemment, vont au-delà de la logique des
institutions. D'où l'intérêt d'institutionnaliser, de généraliser ces «
relations privilégiées », avec un dispositif à deux niveaux.
De façon générale, au regard des objectifs de politique pénale, une
information obligatoire des magistrats doit avoir lieu sur l'utilisation des
moyens par rapport à ces objectifs ; c'est ce que prévoit l'avant-dernier
alinéa de l'article 41.
Pour certaines affaires particulières, difficiles et complexes, les moyens à
mettre en oeuvre doivent faire l'objet d'une concertation et d'un accord ;
c'est ce que prévoit le dernier alinéa.
Quand ces nouveaux textes entreront en vigueur, il faudra évidemment modifier
en conséquence l'article D. 2, auquel j'ai fait allusion tout à l'heure, mais
cette modification exige un préalable législatif.
Ces dispositions ne reviennent nullement à mettre sur un « pied d'égalité »
les magistrats et les chefs des services d'enquête. Je réponds là à une autre
objection de M. le rapporteur.
Le parquet et le juge d'instruction demeurent en effet les directeurs
d'enquête, sans aucune espèce de contestation possible, mais ils auront
désormais un rôle à jouer dans la gestion des moyens, ce qui constitue une
évolution considérable par rapport à la réalité d'aujourd'hui.
Depuis plusieurs années, les dispositions du code de procédure pénale ont
évolué pour permettre une meilleure maîtrise des moyens de la police judiciaire
par l'institution judiciaire, dont n'était initialement reconnu que le rôle de
direction.
Je veux rappeler ces évolutions.
C'est, par exemple, l'article 15-1 sur les catégories de services de police
judiciaire, qui sont désormais déterminées par décret soumis au contre-seing du
garde des sceaux, alors qu'auparavant une simpe circulaire du ministre de
l'intérieur ou du ministre de la défense pouvait librement créer ou supprimer
certains services.
C'est l'article 19-1 sur la notation des officiers de police judiciaire, qui a
donné lieu au décret du 28 décembre 1998.
Ce sont les deux alinéas de l'article 41 que prévoit d'ajouter le présent
projet de loi.
C'est l'amendement de votre commission sur l'inspection des services
judiciaires.
Chacune de ces dispositions constitue une pierre de l'édifice que nous voulons
construire ensemble.
Je vous le demande donc avec une particulière insistance : n'adoptez pas ces
amendements de suppression ! Soyez cohérents avec vos objectifs de renforcement
du contrôle de la police judiciaire.
Il ne faut pas avoir la naïveté de penser que ces dispositions résoudront tous
les problèmes à l'avenir, mais il ne faut pas non plus faire l'erreur de
prendre ce qui constitue une réelle avancée pour un recul.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Compte tenu des explications que vient de donner Mme le garde
des sceaux, je retire les amendements n°s 34 et 35.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. le président.
Les amendements n°s 34 et 35 sont retirés.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
M. le président.
« Art. 8. _ Il est inséré, après l'article 75 du même code, les articles 75-1
et 75-2 ainsi rédigés :
«
Art. 75-1
. _ Lorsqu'il donne instruction aux officiers de police
judiciaire de procéder à une enquête préliminaire, le procureur de la
République fixe le délai dans lequel cette enquête doit être effectuée. Il peut
le proroger au vu des justifications fournies par les enquêteurs.
« Lorsque l'enquête est menée d'office, les officiers de police judiciaire
rendent compte au procureur de la République de son état d'avancement
lorsqu'elle est commencée depuis plus de six mois.
«
Art. 75-2
. _ L'officier de police judiciaire qui mène une enquête
préliminaire concernant un crime ou un délit avise le procureur de la
République dès qu'une personne à l'encontre de laquelle existent des indices
faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre l'infraction est
identifiée. »
- (Adopté.)
Article 9
M. le président.
« Art. 9. _ Il est inséré, après l'article 152 du même code, un article 152-1
ainsi rédigé :
«
Art. 152-1
. _ Les dispositions du septième alinéa de l'article 41
sont applicables aux commissions rogatoires délivrées par le juge
d'instruction. »
Par amendement n° 36, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de
supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Par coordination, je retire cet amendement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. le président.
L'amendement n° 36 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
Article 10
M. le président.
« Art. 10. _ L'article 227 du même code est complété par une phrase ainsi
rédigée :
« Cette décision prend effet immédiatement. »
- (Adopté.)
Article additionnel après l'article 10
M. le président.
Par amendement n° 37, M. Fauchon, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 10, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les enquêtes administratives relatives au comportement d'un officier ou d'un
agent de police judiciaire dans l'exercice d'une mission de police judiciaire
associent l'inspection générale des services judiciaires au service d'enquête
compétent dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat. Elles
peuvent être ordonnées par le ministre de la justice et sont alors dirigées par
un magistrat. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La proposition que nous allons étudier émane de notre
collègue M. Haenel, qui connaît fort bien ces questions. Il l'avait d'ailleurs
fait adopter, sous une forme un peu différente, dans le texte relatif à la
présomption d'innocence.
Il s'agissait de créer une inspection générale de la police judiciaire qui
aurait été placée sous l'autorité du ministre de la justice.
Il ne nous paraît guère réaliste de créer un nouveau service. Ceux qui
existent sont déjà nombreux. De surcroît, nous risquerions de nous voir opposer
un article de la Constitution qui interdit toute dépense nouvelle.
Au surplus, cette mesure serait mal comprise.
M. Haenel pense avec nous qu'il faut envisager un autre système, mais
procédant de la même idée. Ce système comporte deux propositions.
Premièrement, il faut associer systématiquement l'inspection générale des
services judiciaires au service d'enquête compétent en cas d'enquête
administrative lorsqu'une telle enquête est relative au comportement d'un
officier ou d'un agent de police judiciaire dans l'exercice d'une mission de
police judiciaire. Par conséquent, en cas d'enquête administrative concernant
un agent de police judiciaire dans l'exercice d'une mission de police
judiciaire, on associera des inspecteurs du service de police compétent et des
inspecteurs des services judiciaires.
Par ailleurs, notre amendement tend à faire en sorte que de telles inspections
puissent avoir lieu à la demande du garde des sceaux, ce qui n'est pas le cas
actuellement.
Il nous semble que cette possibilité d'inspection, que M. Bret avait l'air de
traiter comme une mesure un peu secondaire tout à l'heure, constituerait un
progrès sensible et appréciable. Je me réfère aux exemples que, lui comme
d'autres, ont cités pour estimer que la possibilité de diligenter de telles
enquêtes, sur l'initiative du garde des sceaux, est tout de même à mettre au
nombre des moyens dont nous disposerons pour améliorer le « positionnement » de
la justice par rapport à la police.
C'est dans cet esprit que nous vous proposons d'adopter cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je suis favorable à l'essentiel de cet amendement, qui
correspond aux engagements que j'ai pris et annoncés, au nom du Gouvernement,
dans ma communication au conseil des ministres du 29 octobre 1997. Voilà ce que
j'indiquais à l'époque : « Afin de renforcer le contrôle de la police
judiciaire, les enquêtes administratives relatives au comportement d'un
officier de police judiciaire dans l'exécution d'une mission de police
judiciaire associeront l'inspection générale des services judiciaires au
service d'enquête compétent. »
La participation de l'inspection générale des services judiciaires, avec les
services d'inspection de la police nationale ou de la gendarmerie nationale,
aux enquêtes administratives concernant l'activité des officiers ou agents de
police judiciaire contribue en effet à renforcer le souci de transparence et de
responsabilité de la police judiciaire.
Je ne suis, en revanche, pas favorable, et ce pour plusieurs raisons, aux
précisions figurant dans la dernière phrase de cet amendement, selon laquelle
ces inspections pourront être ordonnées par le ministre de la justice et seront
alors dirigées par un magistrat.
Dans cette dernière phrase, les précisions apportées soulèvent deux types de
difficultés.
D'abord, elles posent des difficultés au regard de la nature des services
d'inspection de la police nationale et de la gendarmerie nationale, qui
dépendent respectivement du ministère de l'intérieur et du ministère de la
défense. On voit donc difficilement comment ces services pourraient être
saisis, même conjointement avec l'inspection des services judiciaires, par le
seul ministre de la justice.
Par ailleurs, je pense que, selon les situations, le choix de la personne
devant diriger l'enquête, magistrat ou non-magistrat, doit être laissé ouvert,
la possibilité d'une direction bicéphale devant d'ailleurs être envisagée.
Par conséquent, je souhaite que cet amendement soit rectifié par suppression
de la dernière phrase, ce qui me permettrait, alors, d'y être totalement
favorable.
A défaut, si vous ne supprimiez pas cette dernière phrase, monsieur le
rapporteur, je souhaiterais que le Sénat procède à un vote par division, le
Gouvernement donnant un avis favorable à la première phrase de l'amendement
jusqu'aux mots « service d'enquête compétent » - la référence au décret n'est,
selon moi, pas nécessaire - et un avis défavorable à la seconde phrase de
l'amendement.
M. le président.
Monsieur le rapporteur, que pensez-vous des propositions de Mme le garde des
sceaux ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Malheureusement, elles ne me convainquent pas, monsieur le
président.
Il nous paraît normal - nous avons bien délibéré sur ce point - et tout à fait
convenable que de telles enquêtes administratives - qui portent, je le répète,
uniquement sur des activités de police dans des missions de police judiciaire -
puissent être ordonnées par le ministre de la justice, concurremment avec le
ministre de l'intérieur, lequel n'est donc pas dépossédé de ses pouvoirs.
Il est bon pour vous, madame - je vous demande de m'excuser si nous sommes
plus royalistes que la reine, mais cela peut arriver ! - que vous puissiez
ordonner ces enquêtes, et il serait excellent qu'elles soient alors dirigées
par un magistrat.
M. le président.
Nous allons procéder au vote par division sur l'amendement n° 37.
Je vais mettre aux voix la première partie de cet amendement.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Monsieur le président, je m'exprimerai sur l'ensemble de l'amendement, ce qui
m'évitera d'intervenir ultérieurement sur ce sujet.
Je souhaite poser une question qui déterminera mon vote. J'ai bien compris les
intentions de la commission et de M. Haenel, comme j'ai bien compris ce qu'a
dit Mme le garde des sceaux. Cependant, que se passera-t-il si un juge est
saisi du comportement de l'officier de police judiciaire concerné ?
Selon moi, il faudrait sans doute préciser qu'il ne peut pas y avoir d'enquête
administrative parallèle à une instruction judiciaire. C'est la raison pour
laquelle j'aurais tendance à suggérer que l'on complète le texte en précisant :
« Les enquêtes administratives engagées en l'absence de poursuites judiciaires
et relatives au comportement d'un officier... ». En effet, on n'imagine pas, au
regard de la séparation des pouvoirs, qu'il puisse y avoir simultanément des
poursuites judiciaires et une enquête administrative.
Quant à la dernière phrase, dont Mme le garde des sceaux souhaite la
suppression, je pense qu'en réalité les statuts des agents ou officiers de
police judiciaire concernés sont du domaine réglementaire. Donc, l'autorité qui
a compétence pour engager des enquêtes administratives sur des fonctionnaires
relevant de statuts différents ne peut être que l'autorité qui est le chef de
service ou qui dirige le service, c'est-à-dire au fond, en remontant au sommet,
pour ainsi dire, le ministre de la défense pour la gendarmerie, le ministre de
l'intérieur pour la police, etc.
C'est la raison pour laquelle je suis favorable à la suppression de cette
phrase, car cela relève du domaine réglementaire.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Depuis très longtemps, je suis, dans cette enceinte, le porte-parole du groupe
socialiste pour demander que la police judiciaire dépende du garde des
sceaux.
Notre collègue M. Hamel se souvient certainement avoir remplacé un soir M.
Haenel pour présenter des amendements qui allaient dans ce sens.
M. Emmanuel Hamel.
C'est un honneur insigne de le remplacer !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Or, il avait dû - à notre regret et au sien - les retirer à la demande du
garde des sceaux ; s'agissait-il de M. Toubon ou de M. Méhaignerie ? J'avoue ne
pas m'en souvenir.
Quoi qu'il en soit, chaque fois qu'il était proposé de progresser dans cette
voie, la majorité sénatoriale s'y opposait. Aujourd'hui, elle s'y engage, et
nous nous en félicitons, comme nous l'avons dit au cours de la discussion
générale.
Cette séparation va d'ailleurs dans le sens des engagements pris par Lionel
Jospin. En effet, dans sa déclaration de politique générale, il avait indiqué :
« Je m'engage également à prendre des mesures permettant aux autorités
judiciaires d'exercer effectivement le contrôle et l'évaluation de l'activité
des services chargés de la police judiciaire. »
On sait bien que, parmi les membres de la police judiciaire, il en est qui
accomplissent exclusivement des tâches de police judiciaire. Aucune raison
n'empêche qu'ils soient, eux au moins, placés directement sous le contrôle de
la justice. Puis, il y a ceux qui ont d'autres tâches. Le travail des uns comme
des autres est organisé par leurs supérieurs, qui ne sont pas des magistrats,
qui dépendent non pas du ministère de la justice mais du ministère de
l'intérieur. Le travail de police judiciaire avance donc plus ou moins vite.
Nous nous souvenons tous de conférences de presse de ministres de l'intérieur,
souvenirs lointains ou récents,...
M. Jean-Jacques Hyest.
... et même d'un Président de la République !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
... où le ministre donnait les résultats des enquêtes...
M. Jean-Jacques Hyest.
Les Irlandais de Vincennes !
M. Michel Charasse.
C'était l'époque où l'on terrorisait les terroristes !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
... avant même que la Chancellerie ou les procureurs les connaissent. Je me
souviens, en ce qui concerne l'affaire de Broglie, de faits qui avaient été
élucidés...
Les exemples sont nombreux, et on pourrait en citer, je le répète, de plus
récents.
C'est cela que notre groupe veut éviter. Nous n'en sommes pas encore là. Nous
progressons grâce au texte proposé par le garde des sceaux et que la majorité
sénatoriale - elle a bien fait - va accepter, mais grâce aussi à l'amendement
de la commission, dont j'ai dit, au nom du groupe socialiste, dans la
discussion générale, que nous l'acceptions.
Et voilà qu'on nous propose un vote par division !
Je dois dire, tout d'abord, que le décret en Conseil d'Etat est nécessaire
pour savoir comment cela fonctionnera, qui décidera, quels ministères seront
concernés. Le décret serait d'autant plus nécessaire, madame le garde des
sceaux, si vous supprimez la dernière phrase, pour savoir qui va présider
puisque, selon vous, ce ne serait pas forcément un magistrat.
Pour ma part, il ne me gêne pas que l'enquête puisse être ordonnée par le
ministre de la justice. Il n'est pas dit : « seulementpar le ministre de la
justice », il est dit : « par le ministre de la justice ». Le règlement
pourrait apporter toute précision. Personnellement, même cela ne me choquerait
pas que cela ne puisse être que par le ministre de la justice.
De même, monsieur le rapporteur, - j'attire votre attention sur ce point - je
ne vois pas pourquoi vous indiquez qu'elles peuvent être ordonnées par le
ministre de la justice et sont alors » - cela prouve bien qu'elles peuvent être
ordonnées par d'autres que par le ministre de la justice ! - « dirigées par un
magistrat. ».
J'aurais préféré que vous disiez : « Elles peuvent être ordonnées par le
ministre de la justice. Elles sont dirigées par un magistrat. » Dès lors, dans
tous les cas, un magistrat présiderait la mission associant l'inspection
générale des services judiciaires et le service d'enquête compétent.
Nous sommes quelque peu gênés, car nous avions annoncé que nous voterions cet
amendement. Si vous vouliez le modifier en mettant un point après « le ministre
de la justice », les mots : cette rédaction aurait, et de beaucoup, notre
préférence.
Pour le reste, pourquoi Mme le garde des sceaux ne veut-elle pas que les
enquêtes administratives puissent être ordonnées par le ministre de la justice,
alors que le texte lui-même, par cet « alors » dont je demande la suppression,
démontre bien qu'elles peuvent l'être par d'autres ? A cet égard, le décret en
Conseil d'Etat donnerait des éclaircissements aux uns et aux autres.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je souhaite revenir très brièvement sur la question du
décret en Conseil d'Etat.
Selon moi, le texte se suffit à lui-même. Il prévoit, en effet, que : « Les
enquêtes administratives relatives au comportement d'un officier ou d'un agent
de police judiciaire dans l'exercice d'une mission de police judiciaire
associent l'inspection générale des services judiciaires au service d'enquête
compétent. » Il s'agit d'un principe, qui va de soi. Si l'on précise : « dans
des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat », cela risque de
soulever de nombreuses difficultés, qui compliqueront la mise en oeuvre de
cette disposition. Au regard de notre objectif commun, il n'est pas nécessaire
de préciser « dans des conditions déterminées par décret », qu'il s'agisse ou
non d'un décret en Conseil d'Etat.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
S'agissant de la mention du décret, nous avons été animés par
un souci diplomatique. Toutefois, compte tenu de l'avis fondé de Mme le garde
des sceaux, nous supprimons les mots : « dans des conditions déterminées par
décret en Conseil d'Etat ».
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 37 rectifié, présenté par M. Fauchon, au
nom de la commission, et tendant à insérer, après l'article 10, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Les enquêtes administratives relatives au comportement d'un officier ou d'un
agent de police judiciaire dans l'exercice d'une mission de police judiciaire
associent l'inspection générale des services judiciaires au service d'enquête
compétent. Elles peuvent être ordonnées par le ministre de la justice et sont
alors dirigées par un magistrat. »
Je rappelle que, à la demande de Mme le garde des sceaux, nous allons procéder
à un vote par division sur cet amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la première phrase de l'amendement n° 37 rectifié, acceptée
par le Gouvernement.
(Ce texte est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la seconde phrase, repoussée par le Gouvernement.
(Ce texte est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'amendement n° 37 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 10.
Chapitre IV
Dispositions diverses
Article 11
M. le président.
« Art. 11. _ I. _ La première phrase de l'article 33 du code de procédure
pénale est supprimée.
« II. - A l'article 34 et au premier alinéa de l'article 39 du même code, les
mots : "sans préjudice des dispositions de l'article 105 du code forestier et
de l'article 446 du code rural" sont supprimés.
« II
bis.
_ Les deuxième et troisième phrases du premier alinéa de
l'article 40 du même code sont supprimées.
« II
ter.
- L'article 42 du même code est abrogé.
« II
quater
. - Dans le premier alinéa de l'article 51 du même code,
après les mots : "procureur de la République", sont insérés les mots : "ou du
ministre de la justice dans les conditions prévues à l'article 30-1".
« III. - Le premier alinéa de l'article 80 du même code est complété par les
mots : "ou du ministre de la justice dans les conditions prévues à l'article
30-1."
« III
bis.
- L'article 497 du même code est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« 7° Au ministre de la justice dans les conditions prévues à l'article 30-1.
»
« III
ter.
- Dans le premier alinéa de l'article 546 du même code, les
mots : "et à l'officier du ministère public près le tribunal de police" sont
remplacés par les mots : ", à l'officier du ministère public près le tribunal
de police et au ministre de la justice dans les conditions prévues à l'article
30-1".
« IV. - La première phrase de l'article 551 du même code est complétée par les
mots : "ainsi que du ministre de la justice dans les conditions prévues à
l'article 30-1".
« V. - Dans le premier alinéa de l'article 567 du même code, après les mots :
"ministère public", il est inséré les mots : ", par le ministre de la justice
dans les conditions prévues à l'article 30-1".
« VI. - Après l'article 720 du même code, il est inséré un article 720-1 A
ainsi rédigé :
«
Art. 720-1 A
. - Les députés et sénateurs sont autorisés à visiter à
tout moment tout établissement de l'administration pénitentiaire situé dans
leur département. »
Par amendement n° 38, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de
supprimer le II
quater
de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de conséquence, tout comme les
amendements n°s 39 à 43.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 38, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 39, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de
supprimer le III de l'article 11.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 39, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 40, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de
supprimer le III
bis
de l'article 11.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 40, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 41, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de
supprimer le III
ter
de l'article 11.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 41, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 42, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de
supprimer le IV de l'article 11.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 42, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 43, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de
supprimer le V de l'article 11.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 43, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 71, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent, dans le texte présenté par le VI de l'article 11 pour
l'article 720-1 A du code de procédure pénale, après les mots : «
l'administration pénitentiaire », d'insérer les mots : « et les locaux utilisés
pour les gardes à vue ».
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
En l'occurrence, il ne s'agit pas d'un amendement de conséquence.
Après un débat court mais intéressant, cet article 720-1 A a été adopté par
l'Assemblée nationale avec un large consensus. Il dispose que : « Les députés
et sénateurs » - on aurait pu dire les parlementaires - « sont autorisés à
visiter à tout moment tout établissement de l'administration pénitentiaire
situé dans leur département. » M. Montebourg avait donné pour exemple une loi
qui est en vigueur en Italie depuis 1975. Il avait d'ailleurs précisé que les
initiatives de l'Italie en matière judiciaire n'avaient pas toujours été
heureuses mais qu'en l'occurrence, la disposition concernée s'appliquait sans
aucun problème depuis 1975. Cette loi accorde l'entrée sans autorisation dans
les prisons au président du conseil des ministres, au président du conseil
constitutionnel, aux ministres, aux membres du Parlement, aux préfets et même
aux conseillers régionaux.
Nous savons que les rapporteurs spéciaux de la commission des finances ont le
droit d'enquêter sur pièces et sur place dans toute administration. Heureux
usage ! Les membres de cette commission qui sont rapporteur spécial et sont
présents dans cet hémicycle ne me démentiront pas.
Souvent, nous avions regretté que ce contrôle ne s'exerce pas plus. En
l'occurrence, il s'agit simplement de donner ce droit aux parlementaires du
département en ce qui concerne les prisons.
Par notre amendement, nous proposons d'étendre le même droit aux
parlementaires en ce qui concerne les locaux utilisés pour les gardes à vue.
Nous connaissons tous les abus qui se produisent dans ces locaux. Nous ne
connaissons pas tous le caractère scandaleux au regard des droits de l'homme de
l'aspect d'un local de garde à vue, à savoir un local équipé en tout et pour
tout d'une planche et plongé dans l'obscurité.
Dans ce même débat, Mme le garde des sceaux avait cru devoir nous opposer
l'article 40 de la Constitution lorsque nous demandions qu'en matière de garde
à vue il n'y ait pas de prolongation sans que l'intéressé soit déféré toutes
les vingt-quatre heures au procureur ou au juge d'instruction, à moins que ce
soit le procureur ou le juge qui se déplace. L'invocation de cet article se
fondait sur des raisons financières, même s'il est choquant que le coût de ce
qui est la règle soit tel que cela permette l'invocation de l'article 40. Il
reste que les locaux utilisés pour les gardes à vue doivent être contrôlés.
Je me souviens que la commission des lois avait désigné une mission. Nous
avions vu notamment un enfant de seize ans qui n'avait pas encore dîné à
vingt-trois heures, alors qu'il était en garde à vue depuis l'après-midi. Il y
avait à l'époque une grève totale des transports publics à Paris, et peu de
monde était en garde à vue.
D'aucuns prétendent que, si le parlementaire connaît le gardé à vue, des
contacts très regrettables risquent de s'établir. Pour ma part, je trouve
regrettable que l'on puisse tenir de tels propos !
Il est évident qu'un parlementaire agit en qualité de parlementaire. On ne
s'est jamais posé la question de savoir si certains policiers ou certains
gardiens de prison étaient des amis ou des camarades de personnes gardées à vue
ou emprisonnées. La garde à vue ou la prison sont des privations de liberté.
Dans les deux cas, il est sain, enrichissant, salutaire qu'un parlementaire du
département - cette disposition se limite en effet aux parlementaires du
département - puisse se rendre sur place et observer ce qui se passe aussi bien
en prison - beaucoup en parlent souvent sans vraiment savoir ce que c'est - que
dans les locaux de garde à vue.
Telle est la philosophie de l'amendement n° 71, qui ne fait que compléter,
heureusement, nous semble-t-il, les dispositions déjà fort opportunes arrêtées
par l'Assemblée nationale.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission est perplexe, et finalement hostile à cet
amendement.
Tout d'abord, il faut cadrer le droit de visite reconnu aux parlementaires
dans les principes constitutionnels généraux.
M. Jean-Jacques Hyest.
Eh oui !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Le Parlement a un droit de contrôle en tant que Parlement.
M. Jean-Jacques Hyest.
Exactement !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Autant que je sache, il n'existe pas dans la Constitution un
principe particulier définissant les droits des parlementaires,...
M. Jean-Jacques Hyest.
Il n'y en a aucun !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
... leur reconnaissant le droit de contrôler ceci ou de faire
cela.
Nous sommes là dans une matière d'ordre constitutionnel ou quasi
constitutionnel.
(M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.)
Il faut donc adopter une démarche extrêmement prudente. En effet, lorsque
l'on commence à faire la liste des endroits où les parlementaires peuvent
aller, on n'en finit pas. On peut penser qu'il leur faut aller dans des
services publics divers, dans les commissariats de police, etc. On n'en sort
pas ! Il y a là une pente qui nous paraît appeler à tout le moins une réflexion
plus approfondie que ne le permet l'examen de ce texte.
L'Assemblée nationale a admis cette autorisation de visite pour les
établissements pénitentiaires. La commission est d'accord sur ce point, mais
elle ne pense pas que l'on puisse aller au-delà, pour les raisons que je viens
d'indiquer.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Les locaux de garde à vue ne sont-ils pas des locaux de détention ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Cela nous paraît en effet devoir appeler une réflexion plus
approfondie. Transférer le pouvoir de contrôle, qui appartient au Parlement,
aux parlementaires pris individuellement nous semble quelque peu hasardeux.
Cela étant, nous nous doutons tous, bien sûr - il faut y être allé pour le
savoir - que les locaux de garde à vue posent des problèmes graves. Je crois
d'ailleurs savoir que vous n'y êtes pas indifférente, madame la garde des
sceaux, et que vous vous êtes souciée de cette question assez récemment. Tout
cela est effectivement grave, et les moyens d'améliorer la situation doivent
être recherchés. On les cherche d'ailleurs, je crois, mais il y a probablement
pour beaucoup des problèmes de financement.
En tout cas, je ne crois pas ce soit par la création d'un droit exorbitant de
visite pour les parlementaires que l'on résoudra en réalité le problème.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Les parlementaires peuvent donner l'alerte !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Telles sont toutes les raisons pour lesquelles la commission
des lois regrette de ne pouvoir émettre un avis favorable sur l'amendement n°
71.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je comprends, évidemment, les objectifs de cet
amendement, qui tend à renforcer le contrôle parlementaire sur les institutions
dont la mission est d'exercer la contrainte en exécution et sous le contrôle de
la justice. C'est le cas des établissements pénitentiaires, c'est le cas de la
garde à vue.
J'avais toutefois fait part de mes réserves devant l'Assemblée nationale en ce
qui concerne la possibilité donnée aux parlementaires de visiter à tout moment
les établissements pénitentiaires.
Le texte a été adopté sur ce point. Je ne souhaite pas sa suppression.
La visite des locaux de garde à vue soulève toutefois, me semble-t-il,
certaines difficultés particulières.
La première est, bien évidemment, celle de la séparation des pouvoirs.
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est évident !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Mais il convient également d'avoir présentes à l'esprit
la règle du secret de l'enquête et de l'instruction, et celle de la présomption
d'innocence.
Il est difficilement imaginable, au regard de ces règles, qu'un parlementaire
rencontre une personne gardée à vue à l'occasion de sa visite des locaux.
Il est difficile aussi de concevoir, sur le plan de la sécurité, qu'un
parlementaire, par exemple, visite un commissariat alors que, dans le cadre
d'une enquête concernant des infractions qui ont été commises sur sa commune et
qui ont gravement troublé l'opinion publique - par exemple des violences
urbaines - plusieurs personnes y sont en garde à vue.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il est officier de police judiciaire !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
J'ajoute que le contrôle - les contrôles - de la garde
à vue sont largement renforcés par les projets de loi en cours d'examen.
J'attire votre attention sur ce point.
Je ne reviendrai pas sur les nombreuses améliorations, que vous connaissez,
qui figurent dans le projet de loi renforçant la protection de la présomption
d'innocence. Je pense notamment à la disposition relative à l'avocat dès la
première heure.
Je souhaite évoquer également la commission nationale de déontologie de la
sécurité, qui comprendra parmi ses membres un député et un sénateur, commission
qui est instituée par un projet de loi adopté en première lecture par
l'Assemblée nationale et que le Sénat examinera bientôt. C'est mon collègue
Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, qui le défendra devant
vous.
Je crois vraiment que, sur un sujet aussi complexe, qui met en jeu des
principes aussi cardinaux dans une démocratie, la réflexion doit être
approfondie.
C'est la raison pour laquelle je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 71.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Mme le garde des sceaux a dit que l'amendement, mais aussi, et surtout,
l'article voté par l'Assemblée nationale posent un problème constitutionnel. Il
n'y a aucun pouvoir pour un parlementaire en tant que tel d'interférer dans
l'administration. C'est un principe absolu. Imaginez un peu : on pourrait
étendre cela à tous les services publics !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Et alors ?
M. Jean-Jacques Hyest.
Cela ne correspond pas à nos principes constitutionnels !
Le Parlement doit contrôler l'administration, mais c'est le Parlement qui
désigne les membres chargés de contrôler : les rapporteurs budgétaires, les
commissions d'enquête. Ce n'est certainement pas un parlementaire pris
individuellement qui a des pouvoirs d'enquête ou de contrôle.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Si la loi les lui donne ?
M. Jean-Jacques Hyest.
Non, parce que c'est contraire à nos principes constitutionnels !
Les auteurs de l'amendement n° 71, en proposant l'extension aux locaux de
garde à vue du contrôle des députés et sénateurs, se situent dans la logique de
la rédaction adoptée par les députés. Mais, pour ma part, je suis contre cette
dernière ! Pour moi, les centres de détention ou les maisons d'arrêt, c'est
pareil !
Je voterai donc contre l'amendement n° 71.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 71, repoussé par la commission et pour lequel
le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 11, modifié.
(L'article 11 est adopté.)
M. le président.
Mes chers collègues, il est dix-neuf heures quarante, et il nous reste trois
amendements, dont deux très importants, et un sous-amendement à examiner.
Je vous invite donc à faire preuve de concision, sans pour autant, bien sûr,
négliger le débat de fond, si vous souhaitez achever l'examen de ce texte à une
heure raisonnable. Sinon, je serai dans l'obligation de suspendre nos travaux
pour les reprendre après le dîner. Je n'en dis pas plus, la décision vous
appartient, mes chers collègues.
Articles additionnels après l'article 11
M. le président.
Par amendement n° 72, MM. Charasse, Dreyfus-Schmidt, Autain, Bony, Carrère,
Courrière, Godard, Lejeune, Pastor, Picheral, Rouvière, Signé et Trémel
proposent d'insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé
:
« Après l'article 80 du code de procédure pénale, il est inséré un article
additionnel ainsi rédigé :
«
Art. ... -
Dans les cas prévus aux articles 121-3 du code pénal, L.
2123-34, L. 3123-28, L. 4135-28, L. 4422-10-1 et L. 5211-8 du code général des
collectivités territoriales, la mise en examen ne peut intervenir que si
l'enquête préliminaire diligentée par le procureur de la République ou
l'information conduite par le juge d'instruction leur fait estimer que l'auteur
des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant,
de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences, du
pouvoir et des moyens dont il disposait ainsi que, s'il y a lieu, des
difficultés propres aux missions que la loi lui confie.
« Le procureur de la République ou le juge d'instruction ont la faculté de
solliciter du président du tribunal de grande instance la désignation de tout
expert. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Ce débat, qui met en jeu, au fond, l'engagement des poursuites, les modalités
d'engagement et le rôle des parquets, a paru opportun à plusieurs de mes amis
et à moi-même pour poser une question concernant les modalités de mise en
examen dans les cas d'accident, d'incident où est mis en cause pour négligence
un particulier, un élu, un fonctionnaire, un responsable privé ou autre.
Nous avons, bien entendu, présente à l'esprit la situation des élus locaux,
mais cet amendement ne concerne pas qu'eux. Nous considérons, en effet, qu'il
n'y a pas à faire, autant que l'on peut l'éviter, de loi spéciale pour
certaines catégories de citoyens. Mais ayant présente à l'esprit la situation
des élus locaux, nous savons bien que la mise en examen vaut condamnation dans
l'opinion publique. L'opinion est en effet complètement indifférente à la
décision de non-lieu qui intervient, la plupart du temps, un ou deux ans après.
Seul reste le souvenir de la mise en examen.
L'amendement n° 72 vise à prévoir que, dans les cas visés par l'article 121-3
du code pénal, appelé autrefois la loi Delevoye, dispositif qui concerne tout
le monde et pas une catégorie particulière de citoyens et qui est repris, même
si mon ami Michel Dreyfus-Schmidt fait toujours remarquer que la rédaction
n'est pas identique, dans plusieurs articles du code général des collectivités
territoriales, lequel concerne les diverses catégories d'élus locaux, il ne
puisse jamais y avoir de mise en examen sans que le procureur saisi au cours de
l'enquête préliminaire ou le juge d'instruction, si un juge d'instruction est
saisi, ait d'abord déterminé si l'intéressé a fait ou non toutes les diligences
normales pour éviter l'incident, l'accident ou le drame.
Ainsi, pour employer une formule un peu brutale, je dirai que le système
actuel aboutit à tirer avant de discuter, et que, avec l'amendement n° 72, je
propose de discuter avant de tirer.
Permettez-moi de vous dire que, pour de très nombreux responsables publics et
privés comme pour les citoyens en général, le système que nous proposons serait
une grande délivrance. En effet, les choses seraient claires : quand la mise en
examen interviendrait, c'est que l'enquête préliminaire diligentée par le
parquet ou l'information conduite par le juge d'instruction conclurait, après
démonstration et, éventuellement, expertise, à l'existence de présomptions très
lourdes, presque des preuves, que les diligences normales n'auraient pas été
faites ; dans ce cas-là, la mise en examen s'imposerait.
Tel est l'objet de l'amendement n° 72. Je répète, afin de ne pas voir
dénaturer demain mes propos dans la presse, qu'il concerne tous les citoyens et
pas seulement les responsables publics ou privés, les fonctionnaires et les
élus.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission ne peut pas être favorable à cet amendement,
bien que, vous le savez, elle souhaite de tout coeur améliorer la situation des
maires, notamment, et, d'une manière générale, de tous ceux qui sont attraits
devant les tribunaux pour des délits par imprudence.
Mais - ce sera ma première observation - il ne me paraît pas nécessaire,
monsieur Charasse, de dire que le procureur de la République ou le juge
d'instruction a la faculté de désigner des experts. Il peut en effet désigner
des experts, et je ne vois donc pas l'intérêt de cet ajout.
M. Michel Charasse.
C'est un point de détail !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Lorsque j'aurai réglé chaque détail, il ne restera plus rien
!
(Sourires.)
Je vous « grignote » !
M. Michel Charasse.
Je vous attends à la sortie !
(Nouveaux sourires.)
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Par ailleurs, l'amendement n° 72 donne l'impression que la
mise en examen peut être décidée soit par le procureur de la République, soit
par le juge d'instruction. Vous m'accorderez que seul le juge d'instruction -
je vous « grignote » également sur ce point - peut mettre en examen.
M. Michel Charasse.
Ce n'est pas ce que j'ai dit !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Non, ce n'est pas ce qu'il a dit !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Un peu de patience, mes chers collègues. A cette heure, vous
allongez inutilement les débats !
(M. Michel Charasse s'exclame.)
Je vous dis que votre amendement donne cette impression !
J'en viens au fond de la question. Permettez-moi de dire que je connais bien
le texte que vous évoquez. J'étais en effet le rapporteur de la commission qui
l'a proposé et qui était présidée par M. Delevoye. Et vous savez assez comment
sont répartis les travaux entre le rapporteur et le président d'une
commission.
Très personnellement concerné par ce texte, je suis très attentif aux
résultats qu'il produira et aux appréciations des uns et des autres. Je crois
d'ailleurs que l'on ne pourra l'apprécier réellement que lorsque l'on aura
laissé s'écouler le temps nécessaire pour les appels, les pourvois en cassation
et les arrêts sur renvoi. Et si, effectivement, ce délai est trop long, c'est
tout de même comme cela que la jurisprudence se forme !
M. Michel Charasse.
En attendant, quelle injustice !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
J'en viens, si vous voulez bien me laisser un peu la parole,
monsieur Charasse, au fond du problème.
Vous dites que l'on ne pourra mettre quelqu'un en examen que lorsque seront
réunies toutes les preuves de la culpabilité.
M. Michel Charasse.
Non !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
On disposera non seulement d'indices graves ou concordants,
ce que nous avons décidé au moment de l'examen du projet de loi relatif à la
présomption d'innocence, mais on aura aussi vérifié que le prévenu ou la
personne concernée n'aura pas accompli toutes les diligences. Mais je vous
renvoie au texte que nous avons adopté alors !
Pratiquement, nous serons à la fin de l'instruction !
Votre amendement concerne la procédure pénale et relève du texte sur la
présomption d'innocence, que nous avons examiné en première lecture, il est en
navette et il pourra être amélioré, puis il reviendra en seconde lecture au
Sénat. Laissons donc les choses à leur place ! C'est à la lumière du texte sur
la présomption d'innocence qu'il faudra, éventuellement, revoir cet amendement
! Vous savez que c'est une question de méthode à laquelle, à juste titre, nous
sommes attachés à la commission des lois, parce que c'est notre devoir.
Par ailleurs, je me permets de vous rappeler que nous avons examiné la
question de la mise en examen de près : nous avons prévu qu'elle ne pourrait
avoir lieu que s'il y avait des indices graves ou concordants et nous avons
insisté sur le statut du témoin assisté. Nous espérons bien que ce statut se
développera et qu'il y aura moins de mises en examen.
Nous pensons en tout cas que ce n'est pas le moment ici de remettre en
question toute l'analyse de l'excellent rapporteur du texte sur la présomption
d'innocence, notre collègue M. Jolibois, et je ne vais pas empiéter sur ses
réflexions, qui ont été très approfondies en la circonstance.
Pour l'essentiel, votre système revient pratiquement à supprimer la notion de
mise en examen et à la confondre, finalement, avec l'ordonnance de renvoi. En
effet, s'il faut avoir réuni toutes les conditions de la culpabilité avant de
mettre quelqu'un en examen, cela signifie que l'on supprime purement et
simplement la mise en examen. C'est une conception !
A titre personnel, je me demande d'ailleurs s'il ne faudra pas, finalement,
renoncer un jour à la mise en examen, et des voix très autorisées se sont
exprimées en ce sens. C'est cependant un débat que nous ne pouvons pas aborder
sérieusement ce soir ! Nous ne pouvons pas, en un revers d'amendement,
bousculer tout le système de l'instruction qui, jusqu'à nouvel ordre, suppose,
à un certain stade qui n'est pas le stade final mais celui des indices graves
ou concordants, la mise en examen.
Pour toutes ces raisons, nous ne sommes pas favorables à l'amendement n°
72.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je suis moi aussi défavorable à cet amendement, qui
soulève de nouveau l'importante question de la responsabilité pénale des
décideurs publics...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Pas seulement !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... pour faits d'imprudence, et je considère, vous le
savez, que cette question est extrêmement importante.
D'une manière générale, cet amendement revient, en quelque sorte, à
subordonner les poursuites à la démonstration préalable de la culpabilité de la
personne. La mise en examen ne serait possible, si l'on vous suivait, que si le
juge d'instruction estimait la personne coupable, ce qui serait paradoxal
puisque l'information a précisément pour objet de rechercher les éventuelles
responsabilités pénales des personnes mises en cause.
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est exact !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Notre procédure pénale est actuellement imparfaite,
sans doute, puisqu'elle permet des mises en examen trop faciles. Mais des
réponses ont déjà été apportées à cette question par les dispositions adoptées
par le Sénat lors de l'examen du projet de loi renforçant la présomption
d'innocence.
Lorsque cette dernière loi entrera en vigueur, la mise en examen d'une
personne - et donc d'un décideur public, tel un maire mis en cause pour des
faits d'imprudence - ne pourra intervenir qu'en cas d'indices graves ou
concordants, alors qu'actuellement un simple indice suffit. Dans les autres
cas, la personne ne pourra être entendue que comme témoin assisté.
Par ailleurs, la loi du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure
pénale a étendu les possibilités de procéder lors de l'enquête à des examens
techniques, qui sont de véritables expertises, pour éviter l'ouverture d'une
information. Ces examens techniques permettront donc de mieux cerner les
éventuelles responsabilités.
En réalité, les objectifs visés par cet amendement l'ont déjà été dans le
projet de loi renforçant la présomption d'innocence et dans la loi du 23 juin
1999. De plus, j'ai indiqué, lors de la discussion générale, la semaine
dernière, que des améliorations pourraient encore être apportées lors de la
navette au projet de loi renforçant la présomption d'innocence.
A mon avis, il est donc inutile de vouloir de nouveau instituer des garanties
similaires sous des formes différentes et critiquables.
Je ne suis pas opposée à ce que des textes spécifiques soient adoptés si
nécessaire ; je l'ai montré en acceptant la disposition sur les associations de
maires, et j'ai engagé une réflexion spécifique sur le sujet en instituant la
commission présidée par M. Massot. Mais j'estime vraiment, en l'état, que cet
amendement ne peut être accepté, et je vous demande donc de le rejeter.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 72.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Les choses évoluent lentement !
Nous attendons avec intérêt le rapport de la commission présidée par M.
Massot, et je me souviens que, lorsque nous avons discuté du texte auquel
faisait allusion tout à l'heure M. Fauchon, nous demandions à cor et à cri le
rapport d'une commission que présidait un autre conseiller d'Etat, M. Jacques
Fournier, mais que, à l'époque, M. Goasguen ne voulait pas nous communiquer ce
rapport. M. Fauchon doit s'en souvenir !
Il se souviendra peut-être aussi qu'à l'époque nous défendions le point de vue
selon lequel il n'y avait pas de raison de faire des cas particuliers pour les
élus, les militaires ou les fonctionnaires et que c'était - et que c'est
toujours ! - pour l'ensemble des justiciables qu'il fallait - et qu'il faut ! -
légiférer, même si, en effet, en proportion, les élus paient une part
particulière aux délits par imprudence.
Personnellement, j'ai toujours pensé, quand j'étais enfant - et je le pense
encore - qu'il n'était pas juste de punir l'enfant qui dit : « Je ne l'ai pas
fait exprès. » Au demeurant, le code pénal lui-même prévoit qu'il n'y a de
délit que lorsqu'il y a intention de le commettre ! Il faudra donc bien, un
jour, en arriver là.
C'est pourquoi c'est avec plaisir que j'ai vu M. Fauchon - qui, à l'époque,
s'opposait à ce que je proposais - déposer une proposition de loi dans laquelle
il s'oriente dans ce sens. Certes, il ne va pas jusqu'à supprimer tous les
délits involontaires, mais il fait une différence selon que le dommage est
direct ou indirect ; bref, il s'oriente dans cette direction, et nous pourrons,
évidemment, en reparler.
Je pense toutefois qu'il ne suffit pas de faire cette différence et qu'il faut
purement et simplement décider que, en l'absence de violation de la loi, on ne
saurait faire état d'une faute si elle est involontaire : on ne doit pas punir
ce qui est involontaire.
Pourquoi ne pas saisir l'occasion qui nous est offerte par l'amendement n° 72,
qui a été signé par un certain nombre de sénateurs socialistes à la suite de M.
Charasse, pour régler ce problème ?
Quoi qu'il en soit, monsieur le rapporteur, il ne faut pas faire dire à M.
Charasse autre chose que ce qu'il a dit.
M. Michel Charasse.
Bien sûr !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il n'a pas dit que c'était le procureur qui se livrait à la mise en examen !
Vous interprétez son amendement, alors qu'il faudrait s'intéresser au fond, et
j'ai l'impression que j'ai lu votre proposition de loi avec plus d'attention
que vous n'avez lu l'amendement n° 72 du groupe socialiste !
Aux termes de cet amendement, la mise en examen ne peut intervenir que si,
premièrement, « l'enquête préliminaire diligentée par le procureur de la
République », ou, deuxièmement, « l'information conduite par le juge
d'instruction »...
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
« leur » fait estimer !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
A l'un ou à l'autre, évidemment !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Ce n'est pas au procureur de la République de mettre en
examen !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Non, mais c'est le procureur de la République qui, bien souvent, défère devant
le juge d'instruction ou ouvre l'instruction. Vous chicanez !
Je poursuis : « leur fait estimer »...
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Fait estimer au juge d'instruction !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
... « que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales... »
Ils estiment ! Il n'est pas question d'en faire quelque chose d'établi, il
faut qu'eux au moins aient recherché, avant de procéder à une mise en examen,
si la cause de non-responsabilité que prévoit d'ores et déjà la loi pour
l'ensemble des citoyens et pour les élus est ou non remplie.
Cela me paraît tout à fait normal si l'on veut tenter de limiter ces
inculpations, ces mises en examen dont nous estimons tous qu'elles sont trop
rapides.
Voilà pourquoi je pense que cet amendement mérite pour le moins de retenir
l'attention. Si ce n'est pas aujourd'hui, ce sera demain ; mais, de toute
façon, il faudra intervenir en la matière, en n'oubliant pas qu'est en effet en
cause le sort de tous les justiciables poursuivis pour des délits
involontaires. L'expression elle-même - ces deux mots accolés - jure d'ailleurs
puisque, je vous le rappelle, le code pénal lui-même exclut la poursuite des
délits involontaires en prévoyant qu'il n'y a délit que lorsqu'on a l'intention
de commettre une infraction pénale.
M. Robert Bret.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Avec cet amendement, il s'agit de revenir sur les conditions de mise en examen
des élus, ...
M. Michel Charasse.
Non !
M. Robert Bret.
... mais pas seulement des élus, nous ont précisé nos collègues MM. Charasse
et Dreyfus-Schmidt.
Les signataires de l'amendement souhaitent que la mise en examen ne puisse
avoir lieu qu'après enquête préliminaire destinée à apprécier si les conditions
de la cause exonératoire sont réunies.
Une telle modification permettrait, selon les auteurs, d'éviter que les élus
soient déclarés « coupables » par les médias, alors même que l'enquête du
procureur conclura à l'absence de délit.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen souhaitent quant à
eux exprimer leurs doutes quant à l'intérêt du système proposé, même s'ils
comprennent le bien-fondé des préoccupations qu'il vise à satisfaire.
Sur le fond, d'une part, il semble que, s'il était adopté, l'amendement
modifierait profondément la procédure pénale française : c'est tout le système
de la mise en examen qui serait alors remis en question.
Actuellement, la procédure est régie par l'article 80-1 du code de procédure
pénale, qui donne la possibilité au juge d'instruction de « mettre en examen
toute personne à l'encontre de laquelle il existe des indices laissant présumer
qu'elle a participé, comme auteur ou complice des faits dont il est saisi ».
Indice et non pas preuve !
C'est ensuite sur la méthode que nous sommes réservés.
Comme nous l'avions déjà indiqué lors de la discussion du projet de loi
renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des
victimes, il ne nous semble pas de bon ton de légiférer ainsi, au coup par
coup, sur une question qui mériterait une réflexion plus large.
En juin dernier, un groupe d'études sur la responsabilité pénale des décideurs
publics a été mis en place sous la présidence de M. Massot, membre éminent du
Conseil d'Etat, vice-président de la section des finances. Mme la garde des
sceaux nous a précisé que ce groupe avait été spécialement interrogé sur la
notion de faute pouvant être opposée aux décideurs publics, et nous a informés
que ce groupe rendrait ses conclusions avant la fin de l'année.
Laissons ce groupe achever ses travaux en toute sérénité : nous disposerons
ainsi de tous les éléments pour aborder le problème de façon globale et pour y
apporter les meilleures réponses.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
J'ai bien écouté ce qui a été dit par les uns et par les autres.
Je ne reviendrai pas sur les observations rédactionnelles de M. le rapporteur
: on peut remplacer les mots « leur fait estimer » par les mots « fait estimer
au juge », je veux bien admettre qu'il s'agit d'une erreur de rédaction. Mais
il n'a jamais été dans mon idée que le procureur de la République puisse mettre
en examen, il ne faut pas me faire dire ce que je n'ai pas voulu dire !
Sans vouloir prolonger ce débat, je poserai une question très simple, monsieur
le président : nous nous trouvons dans la situation visée par l'article 121-3
du code pénal ainsi que par certains articles du code général des collectivités
territoriales, et la mise en examen signifie, pour l'opinion publique, la
condamnation. En effet, il y a l'interpellation à grand renfort de sirènes, il
y a l'affolement sur les marches du Palais, il y a les photos, il y a les
reportages, bref, l'intéressé est coupable avant d'avoir été déclaré
coupable.
Je pose donc la question à la fois au garde des sceaux et au Sénat : que
propose-t-on pour que ce ne soit plus le cas ?
Vous me direz qu'il y a deux solutions : on peut changer l'opinion publique,
ou on peut changer la loi. Mais comme l'opinion publique est chauffée à blanc
au sujet de tous les responsables, qu'ils soient publics ou privés - parce que,
une fois de plus, il n'y a pas que les élus qui sont concernés par ce texte ! -
on a peu de chances de pouvoir la changer. Par conséquent, il faut adapter les
textes, et c'est pourquoi j'ai modestement essayé de trouver une solution.
Laquelle, mes chers collègues ? J'ai pensé écrire noir sur blanc ce qui me
paraît être le devoir élémentaire de celui dont la Constitution fait le gardien
de la liberté individuelle. Dans la mesure où il ne faut pas faire n'importe
quoi avec la liberté individuelle, on doit commencer, avant de mettre quelqu'un
en examen, voire en détention, par se poser un minimum de questions pour savoir
s'il y a présomption de culpabilité.
Or on constate que, pour des affaires graves, on va généralement très vite, et
la mise en examen intervient tout de suite. Je me demande ce que l'on a eu le
temps d'examiner dans ces cas-là ! On nous a ainsi montré ce pauvre moniteur de
ski en menottes à la télévision, alors qu'il va être jugé - le procès est en
cours - et que l'on ne sait pas encore ce que le tribunal va décider. Mais, peu
importe, pour l'opinion, il est coupable !
Pour ma part, je cherche une solution. J'entends bien ce que nous disent un
certain nombre de collègues : un groupe de travail présentera ses propositions
avant la fin de l'année. Mais combien de temps va-t-il falloir attendre ?
Combien d'injustices seront-elles commises à l'égard d'un certain nombre de
responsables d'associations - y compris privées, parce que les associations
publiques ne sont pas les seules concernées - de fonctionnaires, d'élus ?
Combien de maires faudra-t-il pousser au désespoir et au retrait de leurs
fonctions d'ici aux élections municipales, avant que l'on aboutisse à une autre
solution ?
On me reproche de démanteler la mise en examen.
Mais à partir du moment où la mise en examen est considérée par nos
compatriotes comme une condamnation, elle porte en elle-même sa propre mort, et
il faudra bien trouver un autre système. Pour ces cas-là, au moins, alors que
l'on sait que, neuf fois sur dix, l'instruction aboutit à un non-lieu, j'ai
proposé une solution par le biais de l'amendement n° 72.
Je ne veux pas être plus royaliste que le roi, et je veux bien admettre que
cet amendement qui, à mon avis, présente un caractère d'urgence - vous verrez,
mes chers collègues, ce que le congrès des maires de France nous dira à ce
sujet, même si nous ne sommes pas aux ordres d'un congrès des maires - pourra
être revu lors de la deuxième lecture du projet de loi renforçant la
présomption d'innocence et les droits des victimes.
Par conséquent, je retire mon amendement...
(Exclamations amusées sur les
travées du RPR.)
Mais vous pouvez le reprendre, mes chers collègues !
Je retire donc mon amendement, mais je ne me le tiens pas pour dit. Si, d'ici
à la deuxième lecture - si deuxième lecture il y a - du projet de loi
renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes, Mme le garde
des sceaux pouvait progresser vers une solution, fût-ce en anticipant sur les
conclusions des travaux de la commission Massot, laquelle ira sans doute plus
loin dans de nombreux domaines, ou sur les réflexions de nos amis et collègues
de la commission des lois, ce serait, croyez-moi, très utile.
C'est dans cet esprit - mais on ne m'y prendra pas deux fois - que je retire
mon amendement.
M. le président.
L'amendement n° 72 est retiré.
Par amendement n° 73, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 11, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 432-4 du code pénal, il est inséré un article additionnel
ainsi rédigé :
«
Art. ...
- Le fait, pour les membres du pouvoir exécutif ou leurs
délégués, pour ceux du pouvoir législatif et pour les magistrats de l'ordre
judiciaire, administratif et financier et les officiers de police, de
méconnaître, à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions, le principe et les
règles de la séparation des pouvoirs est puni de deux ans d'emprisonnement et
de 200 000 francs d'amende.
« L'action publique est mise en mouvement à l'initiative du ministère public,
du ministre de la justice, du ministre ou des fonctionnaires concernés ainsi
que par les élus du suffrage universel concernés. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
J'ai été très heureux d'entendre Mme le garde des sceaux évoquer tout à
l'heure, à propos de l'amendement de M. Dreyfus-Schmidt, le principe de la
séparation des pouvoirs ; je me suis dit : « Tiens, il n'est pas mort ! »
Cet amendement a pour objet de mettre au clair l'application du principe de la
séparation des pouvoirs, étant entendu que, si une autorité exécutive ou
législative - il s'agit ici d'un principe fondamental, ai-je besoin de le dire,
de nos institutions - porte atteinte à l'indépendance de l'autorité judiciaire,
des dispositions du code pénal permettent d'engager des poursuites. En
revanche, si l'autorité judiciaire, qu'il s'agisse d'ailleurs de l'ordre
judiciaire, de l'ordre administratif ou de l'ordre financier - je pense aux
chambres régionales des comptes - porte atteinte aux deux pouvoirs exécutif ou
législatif, il n'existe aucune disposition permettant de poursuivre depuis que
la réforme du code pénal a supprimé la forfaiture et les textes anciens qui
prévoyaient des sanctions.
J'ai donc fait une proposition. Cela étant, monsieur le président, à cette
heure tardive, je ne suis pas acharné à défendre cet amendement.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
On ne le dirait pas !
M. Michel Charasse.
Je vais prendre connaissance des avis de la commission des lois et du
Gouvernement, mais de toute façon nous nous retrouverons lors de l'examen du
projet de loi organique concernant la responsabilité des magistrats, s'il vient
un jour en discussion, ce dont je ne suis pas encore persuadé !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Avec cet amendement, M. Charasse atteint un haut degré de
perfectionnement dans ses exercices de recherche juridique.
M. Michel Charasse.
Merci !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il me plonge toujours dans un mélange d'admiration et de
consternation.
Quoi qu'il en soit, voilà que l'on nous propose de créer un nouveau délit pour
punir ceux qui ont le tort de confondre le législatif, l'exécutif et le
judiciaire ! Cela fait beaucoup de délinquants depuis que la République a été
proclamée en France ! En effet, je me permets de signaler à notre collègue M.
Michel Charasse que, depuis la Révolution française, depuis Saint-Just et
quelques autres, il n'est, hélas ! pas dans notre tradition de distinguer
sérieusement les pouvoirs. Les Américains l'ont fait, mais pas nous.
En tout état de cause, est-ce ce soir, à cette heure tardive, que nous allons
inscrire un nouveau délit dans le code pénal, que nous ne sommes d'ailleurs pas
en train de réviser ? Est-ce ce soir que nous allons définir un délit aussi
flou et insaisissable que celui qui consiste à méconnaître, dans l'exercice de
ses fonctions, la règle de la séparation des pouvoirs ? Il n'existe pas de
pouvoir judiciaire, au sens constitutionnel du mot, dans nos institutions.
M. Jean-Jacques Hyest.
On en crée un !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Le pouvoir législatif lui-même comporte une zone
d'interférence assez étendue avec le pouvoir exécutif. La séparation des
pouvoirs, je le répète, ne fait donc pas partie de notre tradition
constitutionnelle - je suis de ceux qui le déplorent, et elle ne figure pas
vraiment non plus dans nos institutions actuelles, ni dans notre droit positif
- il s'agit plutôt d'un effet d'annonce.
En conclusion, je ne vois pas du tout le moyen d'entrer dans cette voie, qui
me semble relever davantage, je le répète, de la recherche scientifique, voire
du pittoresque, que du travail législatif positif.
Par ailleurs - je le rappelle à notre collègue -, existent tout de même les
recours pour excès de pouvoir, lesquels sont encadrés, donnent lieu à une
jurisprudence et permettent de sanctionner, au moins par la voie civile, les
abus susceptibles d'être commis.
Enfin, nous passons notre temps - et cela est vrai aussi de M. Charasse en
d'autres circonstances - à dire que nous avons la manie de « pénaliser » à tour
de bras, ce qui soulève ensuite de nombreuses difficultés.
Pour toutes ces raisons, la commission des lois ne peut donner un avis
favorable à l'amendement de M. Charasse.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je remercie, tout d'abord, M. Charasse d'avoir bien
voulu retirer l'amendement n° 72.
Je suis opposée à l'amendement n° 73 parce qu'il prévoit de créer une nouvelle
infraction, ce qui peut quelquefois se justifier, mais non pas, à mon avis,
dans le cas présent.
L'ancien code pénal napoléonien sanctionnait du crime de forfaiture les
atteintes à la séparation des pouvoirs commises par des magistrats qui se
seraient immiscés dans l'exercice du pouvoir exécutif ou du pouvoir
législatif.
De façon intentionnelle et réfléchie, ces dispositions n'ont pas été reprises
dans l'avant-projet de nouveau code pénal élaboré par la commission de révision
présidée par M. Robert Badinter, alors garde des sceaux. Elles n'ont pas non
plus été reprises par le Parlement lors de l'adoption du nouveau code, en
1992.
La suppression de ces infractions demeure, à mon sens, justifiée.
Il n'est donc pas, dans ces conditions, souhaitable de vouloir rétablir une
telle infraction, aussi imprécise que les précédentes et au surplus élargie,
dans un souci de parallélisme, aux empiétements commis par l'exécutif ou le
législatif sur le judiciaire.
Si un juge judiciaire ne respecte pas la séparation des pouvoirs, je rappelle
que deux types de sanctions existent actuellement : il s'agit, d'une part, de
la nullité de la procédure, prononcée par la Cour de cassation et, si
nécessaire, par le tribunal des conflits, et, d'autre part, des poursuites
disciplinaires, fondées notamment sur les articles 10 et 13 de la loi des 16 et
24 août 1790 sur l'organisation judiciaire, qui n'ont pas été abrogés. Je
rappelle à cet égard que, au début des années quatre-vingt, une sanction
disciplinaire a été prononcée contre un juge spécifiquement pour atteinte à la
séparation des pouvoirs.
Il est donc inutile, me semble-t-il, de créer une nouvelle infraction. Au
Sénat, qui regrette, avec raison, une pénalisation excessive de la société en
général et de la vie publique en particulier, je pose la question suivante :
faut-il réellement créer une nouvelle incrimination susceptible d'être invoquée
à tout moment par des citoyens mécontents de leur maire, d'un juge
d'instruction ou d'un préfet ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
C'est tous azimuts !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Voilà pourquoi je vous demande, mesdames, messieurs les
sénateurs, de rejeter cet amendement.
Je précise que le Sénat, lors de la discussion sur le projet de loi tendant à
renforcer la protection de la présomption d'innocence et les droits des
victimes, a déjà rejeté un amendement analogue.
M. le président.
Monsieur Charasse, maintenez-vous l'amendement n° 73 ?
M. Michel Charasse.
Je propose, pour ma part, au Sénat de trouver une réponse à un problème qui
n'a plus de solution depuis la révision du code pénal.
J'avais proposé, lors du débat sur le projet de loi tendant à renforcer la
présomption d'innocence et les droits des victimes, de rétablir les anciens
textes relatifs à la forfaiture. Le Sénat ne l'a pas voulu, après avoir
pourtant adopté deux ans plus tôt une disposition allant dans ce sens.
Je pose simplement la question suivante : que se passe-t-il aujourd'hui, par
exemple, quand les chambres régionales des comptes se prononcent sur
l'opportunité de projets municipaux ou départementaux, alors même que ces
interventions portent incontestablement atteinte au domaine de compétence des
assemblées élues, lesquelles ne relèvent que des citoyens quant à cette
appréciation ?
En un mot, monsieur le président, ne voulant pas retarder le débat, je retire
cet amendement, mais je ne renonce pas. Nous reparlerons de cette disposition
lors du débat sur le statut des magistrats.
M. le président.
L'amendement n° 73 est retiré.
Article 12
M. le président.
« Art. 12. _ La présente loi est applicable dans les territoires d'outre-mer,
en Nouvelle-Calédonie et dans la collectivité territoriale de Mayotte. »
Par amendement n° 44, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit cet article :
« La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie
française, dans les îles Wallis-et-Futuna et dans la collectivité territoriale
de Mayotte. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 75, déposé par M. Gélard et
tendant, dans le texte présenté par l'amendement n° 44 pour l'article 12, après
les mots : « La présente loi », à insérer les mots : « entrera en vigueur après
promulgation d'une loi organique modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22
décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature et
».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 44.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Après le vote du projet de loi constitutionnelle qui est en
cours de discussion, je rappelle que la Polynésie française ne sera plus un
territoire d'outre-mer. Il faut le prévoir dès maintenant, et il convient donc
de procéder à une énumération des territoires dans lesquels s'appliquera la loi
d'ordre. Cet amendement est rédactionnel.
M. le président.
La parole est à M. Gélard, pour défendre le sous-amendement n° 75.
M. Patrice Gélard.
Après avoir discuté avec quelques collègues qui ont, au cours de ce débat,
joué un rôle capital, il m'a semblé que le texte que nous allons bientôt voter
n'aura de sens que si la réforme du statut des magistrats intervient, en
d'autres termes que si la loi organique est adoptée.
En effet, le nouveau statut des procureurs imposera une redéfinition des
règles de liaison hiérarchique entre les procureurs, et la nouvelle institution
que nous avons créée doit aussi être prise en compte pour définir le rôle que
jouera le procureur général de la République par rapport aux autres
procureurs.
C'est la raison pour laquelle je propose, par le sous-amendement n° 75,
d'indiquer que le texte de loi que nous allons adopter ce soir ne sera
applicable que lorsque la loi organique aura été modifiée.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 75 ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission n'a malheureusement pas pu étudier ce
sous-amendement, qui vient d'ailleurs un peu bizarrement en discussion en même
temps qu'un amendement relatif notamment à la Nouvelle-Calédonie. Mais pourquoi
pas !
A titre personnel, je comprends très bien, intellectuellement, la démarche de
notre collègue, mais surtout eu égard au texte initial du Gouvernement. Etant
donné les modifications que nous venons de voter, qui visent notamment à
maintenir les responsabilités du Gouvernement dans le domaine essentiel de la
sécurité de l'Etat et du terrorisme et à créer une autorité tendant à assurer
une coordination d'ensemble de l'action des magistrats du parquet dans les
autres domaines, il me semble, en effet, que nous n'avons pas les mêmes
précautions à prendre par rapport au texte futur.
C'est pourquoi j'estime que ce sous-amendement trouverait mieux sa place lors
de la deuxième lecture, si nous n'avons pas, alors, obtenu la prise en
considération, par l'Assemblée nationale, des idées cependant si fondées, à mon
sens que nous avons fait prévaloir dans cette enceinte.
Cela dit, encore une fois, la commission n'a pas de position officielle sur ce
sous-amendement.
M. le président.
Monsieur Gélard, avez-vous compris ce que suggérait M. le rapporteur ?
M. Patrice Gélard.
Monsieur le président, je crois avoir compris : en d'autres termes, M. le
rapporteur me demande de retirer mon sous-amendement,...
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Et de le garder au frais !
M. Patrice Gélard.
... et de le garder en réserve pour la deuxième lecture.
Cela étant, je ne partage pas les certitudes de M. le rapporteur en ce qui
concerne le fonctionnement des procureurs dans le cadre défini par le texte,
mais, pour lui faire plaisir, et si mes collègues en sont d'accord, je suis
prêt à mettre temporairement mon sous-amendement au réfrigérateur !
(Sourires.)
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
J'ai bien envie de reprendre ce
sous-amendement, parce que je considère que l'idée de M. Gélard est
importante.
En effet, nous allons - veuillez m'excusez d'employer cette expression - «
lâcher dans la nature » des procureurs qui, désormais, ne seront plus nommés
autrement que selon la procédure du Conseil supérieur de la magistrature. Or,
la loi organique que nous attendons devra traiter de la responsabilité et de la
mise en cause de cette responsabilité.
Certes, on nous annonce des intentions qui nous paraissent très positives,
mais nous savons bien, à l'heure actuelle, que les quelques cas de mise en
cause de responsabilité le sont pour des défaillances personnelles. Il faudra
résoudre un problème extraordinairement difficile : faire le partage entre ce
qui sera le fait du juge et ce qui sera la conséquence du jugement. C'est là
qu'il faudra faire intervenir une technique de responsabilité que nous n'avons
pas encore inventée, et je trouve donc l'idée avancée par notre collègue M.
Patrice Gélard intéressante.
Sans doute notre rapporteur a-t-il raison de dire que nous avons peut-être,
dans ce texte, diminué quelques-uns des risques, mais rien ne nous dit que nos
propositions seront retenues.
En tout cas, je voudrais, pour ma part, qu'une idée indicative importante soit
donnée : nous attachons au problème même de la responsabilité des magistrats
une importance fondamentale.
Nous sommes tout à fait d'accord pour réorganiser les liens entre le parquet
et la Chancellerie ; nous avons fait des pas relativement importants dans le
sens qui était proposé par le Gouvernement. Mais demeure quand même une
novation considérable : la rupture du lien.
Les magistrats seront ce que l'on souhaite qu'ils soient, c'est-à-dire
autonomes, indépendants, mais il y a une limite, qui est tout de même celle du
pouvoir judiciaire, et cette limite, c'est la mise en cause de la
responsabilité, qui, peut-être, permettra qu'elle ne soit pas franchie.
Je reprends donc à mon compte le sous-amendement de M. Gélard.
M. le président.
Il s'agit donc du sous-amendement n° 75 rectifié, déposé par M. Jacques
Larché, président de la commission des lois.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 44 et sur le
sous-amendement n° 75 rectifié ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Si je suis favorable à l'amendement n° 44, je suis, en
revanche, hostile au sous-amendement n° 75 rectifié, déposé puis retiré par M.
Gélard et repris par M. le président de la commission, comme je l'ai été à un
amendement similaire à l'Assemblée nationale qui avait d'ailleurs été retiré à
la suite de mes observations.
M. Michel Charasse.
De vos efforts !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je vais vous exposer les raisons de mon opposition en
espérant vous convaincre, comme j'ai convaincu l'Assemblée nationale.
Je dirai d'abord que le renforcement indispensable de la responsabilité des
magistrats ne s'opère pas seulement dans les textes constitutionnels et
organiques. Plusieurs textes que vous avez examinés contiennent déjà des
dispositions en ce sens. Tel est le cas du présent projet de loi, qui réaffirme
le principe de la hiérarchie du parquet et, qui instaure un recours contre les
classements sans suite ; tel est également le cas du projet de loi sur la
présomption d'innocence, qui instaure un deuxième juge pour décider du
placement en détention provisoire, qui crée des délais pour l'instruction et
les enquêtes préliminaires et qui accroît les droits de la défense tout au long
de la procédure.
De plus, je confirme mes engagements de mener à bien l'étude de l'adaptation
éventuelle du régime de la responsabilité de l'Etat en cas de
dysfonctionnement...
M. Michel Charasse.
Eventuelle !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... - certes, rien n'est jamais acquis en ce bas monde
- et celle de la responsabilité personnelle des magistrats.
Mes services étudient les conséquences financières, statutaires et pratiques
d'un passage de la faute lourde à la faute simple. Le récent colloque de
l'Ecole nationale de la magistrature a d'ailleurs posé clairement les termes de
ce débat. Je crois ce sujet d'actualité puisque, de 1993 à 1998, les
contentieux engagés sur le fondement de la faute lourde sont passés de neuf à
soixante-huit.
Ma pratique, je le souligne aussi, intègre déjà une mise en jeu plus fréquente
de la responsabilité. Ma volonté n'est pas seulement affirmée, elle peut d'ores
et déjà se vérifier dans les faits ; c'est l'augmentation de 50 % des effectifs
de l'inspection générale des services judiciaires ; elle atteindra quasiment
les 100 %, si vous votez le projet de budget que j'aurai bientôt l'honneur de
défendre devant vous. Ainsi, nous aurons quasiment doublé les effectifs de
cette inspection en deux ans.
J'ai également effectué quinze saisines du Conseil supérieur de la
magistrature en un an. Je vous en ai donné quelques exemples lors de la
discussion générale ; ils montrent que ce n'est pas simplement pour des
défaillances tenant à la vie personnellle, mais également pour des défaillances
professionnelles que j'ai saisi le Conseil supérieur de la magistrature. Ces
exemples montrent, s'il en était besoin, que ma pratique traduit concrètement
mes engagements.
De surcroît, le renforcement de la formation initiale et continue à l'Ecole
nationale de la magistrature sur la responsabilité et la déontologie est déjà
bien engagé. M. Haenel n'est pas là.
M. Emmanuel Hamel.
Il est présent par l'esprit !
(Sourires.)
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Nous en parlions au moment du quarantième anniversaire
de cette école, voilà peu de temps.
Nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer ce sujet à diverses reprises,
notamment à l'occasion des débats sur le projet de loi constitutionnelle
relatif au Conseil supérieur de la magistrature. Ce texte, adopté dans les
mêmes termes par l'Assemblée nationale et le Sénat le 10 novembre 1998, peut
donc être présenté au Congrès pour être définitivement intégré à la
Constitution. Mais il est vrai que le Gouvernement n'a pas compétence pour
convoquer le Congrès !
Dès que la réforme constitutionnelle sera adoptée, je présenterai au Parlement
des lois organiques - auxquelles vous avez fait allusion - achevant le
processus de rénovation de la magistrature. Ces dispositions concerneront le
fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature et le statut de la
magistrature. Je vous ai indiqué au début de la discussion que, d'ici à
quelques semaines, ces textes seront finalisés et pourront vous être
communiqués.
Je voudrais cependant rappeler brièvement les dispositions du projet de loi
constitutionnelle et des projets de lois organiques sur la responsabilité.
La révision constitutionnelle, je le rappelle, prévoit une modification de la
composition du Conseil supérieur de la magistrature, qui ne sera plus désormais
composé majoritairement de magistrats. Les modifications organiques qui
suivront prévoiront, notamment en matière de responsabilité, de nouvelles
procédures disciplinaires publiques pour les magistrats du parquet devant le
Conseil supérieur de la magistrature et ouvriront aux chefs de cour la
possibilité de saisir cette instance directement, alors que cette saisine
appartient aujourd'hui au seul garde des sceaux. De plus, les justiciables
pourront saisir directement une commission de leur plainte à l'encontre des
magistrats.
Vous le voyez, monsieur Larché, nous partageons la même préoccupation de fond,
qui est de coupler plus grande autonomie et responsabilité, et ma réforme, dans
son ensemble, prévoit bien un renforcement de la responsabilité des
magistrats.
Même si nous nous rejoignons sur le fond, je ne puis être favorable à votre
sous-amendement, car il introduit une incertitude quant à l'entrée en vigueur
d'une loi qui est attendue par les professionnels de la justice et aussi, je le
crois, par l'opinion.
J'espère que, compte tenu de ces indications, vous pourrez sinon retirer - je
ne me fais guère d'illusions - votre sous-amendement, du moins, peut-être,
modifier votre jugement. C'est, en tout cas, ce que je souhaite.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 75 rectifié.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Je comprends les motivations de notre collègue M. Gélard, relayé par M. le
président Jacques Larché, et je veux bien croire Mme le garde des sceaux quant
à sa volonté de renforcer la responsabilité civile, pénale et disciplinaire des
magistrats de l'ordre judiciaire.
Mais, madame le garde des sceaux, nous restons les uns et les autres largement
sur notre faim, quant au contenu sinon forcément réel, du moins approché des
textes actuellement en préparation. Je dois vous dire que nous n'aurions pas ce
débat au Sénat si le Gouvernement avait un peu plus ouvert ses cartons, sans
prendre forcément des engagements fermes. De même, l'incertitude ne pèserait
pas sur le vote de nombre de collègues dans un Congrès, demain, si cette
question avait été clarifiée.
Par conséquent, je comprends, bien entendu, la démarche de nos collègues,
surtout lorsque, malgré ce que vous nous dites et que je connais, malgré les
efforts que vous avez faits pour reprendre en main sur le plan disciplinaire un
certain nombre de choses, nous voyons se dérouler sous nos yeux des phénomènes
assez étonnants qui, apparemment, n'entraînent aucune réaction de la part de la
Chancellerie.
Il y a huit, dix, quinze jours, le célèbre juge Bruguière, pour qui on s'est
dérangé pour créer un poste spécial de vice-président de tribunal de grande
instance à Paris, tout en le laissant à une instruction à laquelle il restera
cramponné jusqu'à la fin de ses jours, à la suite d'une erreur de procédure -
évidemment, on ne peut pas être en même temps au four et au moulin, on ne peut
pas être dans la presse, donner des
interviews,
se faire photographier,
etc., et suivre ses dossiers ! - le juge Bruguière, dis-je, a été obligé de
libérer un assassin iranien qui a du sang sur les mains, et qui est vite
reparti en Iran. On ne le rattrapera plus jamais !
Alors, moi, je vous interroge, madame le garde des sceaux - vous n'êtes pas
obligée de répondre maintenant ; vous n'êtes obligée à rien - et je vous dis
que je suis de ceux qui attendent des poursuites disciplinaires parce que c'est
aussi disciplinaire. Si l'on n'est pas capable, dans ce cas-là, de poursuivre
un magistrat qui commet une faute aussi grave, qui croira que, demain, il y
aura dans des textes qui renforceront la discipline autre chose que des «
queues de pâquerettes » et que, pour des choses vraiment sérieuses touchant à
la déontologie, au travail, à la compétence, au sérieux, il y aura
véritablement des poursuites disciplinaires, sans parler du pénal et du civil
?
C'est la raison pour laquelle je dois dire que je suis très perplexe sur ce
sous-amendement, car j'en comprends parfaitement les motivations.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien ! Quel courage !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Celui qui a repris le sous-amendement que M. Gélard a retiré a vraiment la
mémoire courte ! En effet, depuis dix-neuf ans que je siège dans cette maison,
je ne l'ai jamais vu faire quelque proposition que ce soit pour responsabiliser
les magistrats ou pour les mettre en cause.
Nous nous souvenons même qu'il y a peu c'était presque le contraire, lorsqu'il
voulait que les procureurs généraux continuent d'être nommés en conseil des
ministres. Et il nous propose maintenant que la nomination d'un procureur
général de la Répubique revienne au Président de la République.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je ne l'avais pas obtenu !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il faudrait tout de même arrêter de jouer au chat et à la souris !
Le Gouvernement de M. Lionel Jospin et Mme le garde des sceaux ont eu le
mérite de mettre au point une réforme d'ensemble de la politique pénale. Depuis
le début, il a été dit, voire convenu, que, dans le prolongement de ce que M.
le Président de la République avait lui-même demandé à la commission Truche,
deux textes - l'un sur la présomption d'innocence, l'autre sur l'action
publique - seraient présentés après l'adoption par les deux chambres du
Parlement du projet de loi relatif au Conseil supérieur de la magistrature.
Tout le monde sait qu'un accord était intervenu selon lequel, après qu'une
lecture eu lieu devant chacune des deux assemblées des textes sur l'action
publique et sur la présomption d'innocence, le Président de la République
convoquerait le Congrès à Versailles.
M. Jean-Jacques Hyest.
Cela n'a jamais été convenu !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il est tout à fait évident qu'il ne sera possible de statuer sur la
responsabilité des magistrats qu'après que le Congrès aura adopté le projet de
la loi relatif au Conseil supérieur de la magistrature. Et après, vous nous
demanderez de surseoir jusqu'au vote de telle ou telle loi !
Mme le garde des sceaux s'est engagée la semaine dernière à vous communiquer
le contenu de ses projets de loi organique sur la magistrature. C'est ce que
vous lui demandiez. Elle était d'autant moins obligée de le faire que les
gouvernements qui se sont succédé depuis des années s'en sont abstenus.
M. Jean-Jacques Hyest.
Il faut attendre le vote du texte sur le Conseil supérieur de la magistrature
!
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Oui, bien sûr, je l'ai dit !
Et voici que vous entendez maintenant, par une astuce subalterne, réduire à
néant les efforts qui ont été faits à l'Assemblée nationale et ici !
(Protestations sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
Franchement, ce n'est pas sérieux ! Prenez vos responsabilités ! Faites ce que
vous voulez ! Vous n'arriverez pas à paralyser la réforme en cours !
M. Jean-Jacques Hyest.
Vous n'avez pas davantage de succès à l'Assemblée nationale, dominée par une
majorité de gauche !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 75 rectifié, repoussé par le
Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 44.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 12, ainsi modifié.
(L'article 12 est adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M.
Bret pour explication de vote.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons
au terme de nos débats après une discussion qui a été riche en enseignements,
après une discussion de qualité, je crois que nous en convenons tous !
A ce stade, deux conceptions de la justice s'affrontent.
La première est fondée sur l'idée traditionnelle d'une justice émanation du
pouvoir exécutif.
Partant de ce postulat, on refuse l'idée d'une justice indépendante. Le
parquet, interface du pouvoir et de la justice, doit être maintenu dans un lien
de subordination hiérarchique étroit avec la Chancellerie. Ses membres sont
perçus moins comme des magistrats que comme des fonctionnaires. On a même pu
entendre pendant le débat que les membres du parquet n'étaient pas des
magistrats !
Aujourd'hui, c'est bien vers une « fonctionnarisation » du parquet, entendue
comme la volonté de reléguer les magistrats au rang de simples exécutants, que
certains voudraient nous entraîner. Assez curieusement, ce sont les mêmes qui
réclament un renforcement du contrôle de la police judiciaire !
L'institution d'un procureur général de la République ne doit pas faire
illusion : quoiqu'en dise M. le rapporteur, il s'agit bien de substituer une
tutelle à une autre ; pis encore, d'ajouter une tutelle à une autre, puisque
les procureurs seront amenés à recevoir des instructions du ministre de la
justice et du procureur général de la République, sans même revenir sur les
difficultés en cas de conflit de compétences.
Certains ont montré combien les exemples étrangers étaient peu pertinents pour
justifier l'institution du procureur général de la République. M. le rapporteur
a pourtant persisté, contre toute logique, à les citer comme un élément de
démonstration de la qualité du système qu'il propose.
D'aucuns ont émis des doutes sur la constitutionnalité du système ? Las !
hermétiques à toute critique de fond, y compris lorsqu'elle émane des travées
de la majorité sénatoriale, vous n'avez pas su convenir, monsieur le
rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, qu'il s'agissait
avant tout de faire un « coup » pour ne pas dire un « mauvais coup », ainsi que
l'a souligné mon collègue M. Dreyfus-Schmidt.
Il vous a même fallu avoir recours à un scrutin public pour être sûrs que
votre amendement allait être adopté.
Par votre attitude, vous montrez bien, en tout cas, que vous êtes fort
éloignés de l'esprit de conciliation que vous revendiquez !
A cette conception traditionaliste, réfractaire à toute évolution qui irait
dans le sens d'une autonomie accrue de la justice, s'oppose une conception
résolument moderne de la justice, qui confie la gestion des affaires
individuelles aux parquets, le pouvoir exécutif gardant - c'est logique dans un
système d'opportunité des poursuites - la définition de la politique pénale à
l'échelon national.
Paradoxalement, la droite sénatoriale a souhaité limiter la portée de ce
garde-fou en substituant le terme d' « orientation » à celui de « directive »,
qui induisait pourtant une idée de contrainte.
C'est donc un système équilibré où les rôles de chacun sont clairement
précisés et s'exercent en toute transparence que la droite sénatoriale a
souhaité rejeter.
A l'heure où la création d'un espace judiciaire européen prend consistance
avec la mise en place, décidée par le dernier sommet de Tampere, d'Eurojust,
sorte d'embryon de parquet européen, composé de magistrats, il est à déplorer
que le Sénat aille à rebours des évolutions de ses voisins européens.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
C'est le contraire ! Vous n'avez rien compris.
M. Robert Bret.
En Allemagne, le ministre ne peut pas intervenir directement dans le procès
pénal, alors que le système de légalité des poursuites s'avère pourtant atténué
en pratique.
La Grande-Bretagne, que vous avez citée à loisir, monsieur le rapporteur, se
caractérise par l'absence d'intervention politique de l'
attorney general.
C'est là d'ailleurs son seul mérite, si l'on se réfère aux multiples
critiques qui continuent de s'élever à l'encontre du
Crown Prosecution
Office.
Contrepartie de l'autonomie accrue des parquets, il vous était proposé
d'accroître les droits des justiciables.
Mais vous avez également refusé ces avancées, notamment celle qui créait une
commission des recours contre les classements sans suite pour éviter que ne
soit « enterrées » trop vite ou trop volontiers certaines affaires.
De même, tout en affichant la volonté d'un contrôle renforcé sur la police
judiciaire, il semble que « l'originalité » que vous revendiquiez haut et fort
pour justifier l'institution du procureur général de la République se soit
émoussée en chemin : vous vous êtes en effet contentés, pour l'essentiel, de
supprimer les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale.
Les sénateurs communistes ne peuvent que déplorer l'attitude rigide de la
majorité de droite. Une fois de plus, le Sénat apparaît à la traîne des
évolutions. Nous voterons contre le texte tel qu'il a été amendé et dénaturé
par la majorité sénatoriale.
M. Guy Fischer.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Bien entendu, tous les parlementaires sont favorables à une moralisation des
relations entre le pouvoir politique et la justice, et, même si un ancien garde
des sceaux a écrit que les magistrats étaient « les bouffons de la République
», je crois qu'il faut donner aux magistrats du parquet, qui ne sont pas des
juges - dois-je le rappeler ? - des garanties.
Voilà pourquoi nous avons été d'accord pour réformer le Conseil supérieur de
la magistrature, dans la ligne de ce qui avait été fait par vos prédécesseurs.
C'est une pratique courante ! Nous avions d'ailleurs hésité, lors de la
précédente révision constitutionnelle, à aller jusqu'où nous avons décidé
d'aller cette fois-ci.
Je crois dans le même temps qu'il ne faut pas confondre la justice, qui est
indépendante dans ses décisions, et l'action publique, qui est de la
responsabilité de l'Etat et du Gouvernement. C'est pour cela, madame le garde
des sceaux, que vous devez donner des « directives » ou des « orientations »,
selon la terminologie souhaitée par le Sénat ou par l'Assemblée nationale et
vous-même.
Désormais, cependant, vous ne voulez plus donner d'« instructions
individuelles » pour ne pas faire naître de soupçon. Pour ma part, je considère
qu'il s'agit là d'une démission du politique.
Cela me paraît dangereux pour l'avenir, surtout quand il s'agit de s'en
remettre à des personnes. La plupart feront bien leur métier ; mais il suffira
d'un procureur ou d'un substitut qui le fasse mal pour que le scandale soit
énorme. Et l'administration de la justice sera plus perturbée par ces
initiatives individuelles que par des initiatives hasardeuses de certains
gardes des sceaux.
Nous sommes aujourd'hui sous le contrôle de l'opinion publique et, madame le
garde des sceaux, garder une arme de dissuasion par des instructions
individuelles positives sur le parquet me paraît indispensable pour assurer la
cohérence de l'ensemble.
En matière de terrorisme, d'atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation,
par ailleurs, il n'est pas possible, compte tenu de la nature de ces
criminalités, de ne pas instaurer une coordination au plus haut niveau, ne
serait-ce, madame le garde des sceaux, que pour vous permettre d'exercer toutes
vos fonctions, toutes vos prérogatives par rapport à l'autre service qui est
également chargé de ces questions : le ministère de l'intérieur.
Alors que l'on souhaite mieux contrôler les officiers de police judiciaire, le
garde des sceaux se prive des moyens d'assurer une coordination des actions en
matière de défense des intérêts fondamentaux de la nation et de lutte contre le
terrorisme. Tout cela est quelque peu incohérent.
Notre groupe, qui est attaché au maintien des prérogatives du garde des sceaux
s'agissant de la préservation des intérêts fondamentaux de la nation et de la
lutte contre le terrorisme, accepte qu'un procureur général de la République se
substitue désormais au garde des sceaux pour remplir ses fonctions. Mais nous
serons particulièrement attentifs à l'évolution du statut des magistrats.
L'indépendance donnée aux parquets doit être compensée par un strict
encadrement de leurs pouvoirs, notamment dans le domaine disciplinaire.
Madame le garde des sceaux, nous voterons le texte tel qu'il a été amendé par
le Sénat. Pour la suite, nous attendrons pour savoir si l'on peut « lâcher »
des garanties disciplinaires sans avoir des garanties sur le reste.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Monsieur le président, à cette heure avancée, je serai très brève. Tout a été
dit et redit, d'emblée d'ailleurs, dans la discussion générale.
Pour le groupe socialiste, ce projet de loi s'inscrit dans une réforme
d'ensemble visant à conforter la justice, avec des moyens en augmentation
constante depuis trois ans, mais aussi à la moderniser et à la crédibiliser,
c'est-à-dire à lever le soupçon d'une justice aux ordres des politiques en
place.
Mme le ministre nous a présenté un projet de loi qui s'inscrit dans un
ensemble équilibré et cohérent. Le groupe socialiste du Sénat s'est efforcé de
l'enrichir, de présenter des propositions. Le garde des sceaux a pris en compte
certains de nos arguments et en a repoussé d'autres. Les navettes permettront
peut-être d'approfondir certaines dispositions.
En revanche, le contre-projet - on ne peut pas l'appeler autrement - présenté
par M. le rapporteur dénature le texte. Il est dangereux et peu conforme à nos
traditions républicaines.
Notre rapporteur nous a semblé sur ce sujet assez peu convaincant et assez peu
convaincu. On peut se demander quels objectifs il visait avec ces
propositions.
Le groupe socialiste se voit contraint de voter contre un projet ainsi
dénaturé.
(Applaudissments sur les travées socialistes.)
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Nombre de magistrats trouvent notre projet excellent. Un
jour, je citerai des noms, et vous serez étonnée !
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Au sein du groupe du RPR, nous avons réfléchi à la position que nous devions
adopter sur ce texte, et notre vote montrera les divisions, que nous avons dû
surmonter.
Je dois dire qu'une partie non négligeable des membres du groupe du RPR était
favorable au maintien du
statu quo.
Elle estimait, dans la tradition
républicaine qui est la nôtre, qu'on ne pouvait rompre le lien qui unit le
procureur au garde des sceaux.
Un certain nombre d'entre nous ont estimé qu'il était peut-être possible de
faire évoluer les choses, mais pas dans le sens que Mme le garde des sceaux
nous proposait. La direction qu'elle a choisie est une direction imparfaite,
une direction qui laisse la réflexion au milieu du gué, qui ne pose pas les
véritables problèmes, ceux de l'engorgement, de l'embouteillement de la
justice, ceux de l'image de marque que la justice a auprès de l'opinion
publique.
Je crois également qu'il ne faut pas non plus, en raison de quelques affaires,
discréter les liens qui doivent unir le garde des sceaux et les procureurs.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ils sont déjà bien discrédités !
M. Patrice Gélard.
Non ! C'est aller un peu trop loin !
Selon moi, nous aurions dû repenser différemment le problème que Mme le garde
des sceaux nous a posé. Peut-être aurions nous dû avoir le courage de rompre le
cordon ombilical qui unit les procureurs et le garde des sceaux. Je crois que
c'est là que se situe le véritable problème.
On a voulu garder le statut de magistrat au procureur, garantir l'indépendance
des procureurs comme celle des magistrats. A partir de là, non seulement nous
nous éloignons du modèle européen, non seulement nous nous érigeons en un cas
unique, à part, et qui, à mon avis, ne sera pas viable à terme, mais, en même
temps, nous avons dénaturé - les exposés et les réflexions de chacun en
témoignent - l'image des systèmes qui sont en vigueur à l'étranger.
On nous en a cités quelques-uns. On a surtout insisté sur les
dysfonctionnements, en oubliant de souligner ce qui fonctionnait bien.
Il n'a pas été question une seule fois du procureur hollandais et de la
collégialité hollandaise. Le fonctionnement des
procuratura
a été
déformé - je ne pense pas au système russe, mais à celui qui fonctionne bien
dans d'autres pays de l'Est. On n'a pas parlé suffisamment du ministère public
en Allemagne et on a donné une idée quelque peu fausse de ce qui se passe dans
les pays anglo-saxons.
(M. Dreyfus-Schmidt proteste.)
Je crois que nous n'avons pas assez réfléchi à ce que nous aurions dû
faire en ce domaine, que nous ne sommes parvenus, en réalité, qu'à une
mini-réforme et qu'il faudra, un beau jour, en concevoir une autre.
J'irai plus loin : chacun sait très bien que cette réforme n'est pas viable
sans la réforme du statut des magistrats. Un certain nombre d'amendements ont
été déposés, précisément pour renforcer la responsabilité des magistrats. Pour
l'instant, nul ne sait ce qu'il en adviendra.
Mais je suis convaincu que cette réforme va aboutir au résultat suivant :
jusqu'à maintenant, c'était le garde des sceaux, homme politique, qui était en
première ligne et que l'on montrait du doigt parce qu'il aurait donné des
instructions. Désormais, celui qui sera en première ligne et qui fera l'objet
de la vindicte de la presse, ce sera le procureur, et il n'y aura plus rien,
plus personne pour le protéger.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je répondrai en quelques mots, sans reprendre
l'intégralité du débat, puisque je me suis déjà abondamment exprimée.
D'abord, je le redis, il n'y a pas rupture du lien ; il y a une transformation
de ce lien entre la Chancellerie et le parquet sur la base de l'intérêt
général, et non plus sur la base d'affaires particulières qui ont donné lieu,
dans le passé, à des dénaturations de ce lien. Par conséquent, ce lien continue
d'exister, mais il est activé de façon différente et avec la garantie que ce
sera uniquement sur la base de l'intérêt général. Il n'y a ni coupure ni
désarmement de l'Etat puisque ce lien existe et qu'il est même réaffirmé dans
la loi avec la réaffirmation du principe hiérarchique. Certains magistrats
trouvent d'ailleurs - vous l'avez noté - que ce projet de loi va trop loin dans
ce sens.
M. Michel Charasse.
C'est la moindre des choses !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Ma deuxième observation portera sur le terrorisme
puisque, M. Hyest, notamment, est revenu sur cette question dont nous avions
déjà discuté au moment de l'examen des amendements. Je conçois que cette
question soit particulièrement insistante, compte tenu des enjeux.
M. Christian Bonnet.
C'est vrai !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
M. Bonnet s'était exprimé à ce sujet avec beaucoup
d'éloquence, ainsi que d'autres également.
Ma doctrine et l'expérience personnelle que j'ai acquise depuis deux ans et
demi - vous me direz que c'est court, mais nous avons traversé et nous
continuons à combattre différentes formes de terrorisme - me permettent
d'affirmer, sans inquiétude sur nos procédures, que nous avons tous les moyens
de combattre le terrorisme.
Le problème des instructions individuelles, à cet égard, n'est pas
l'essentiel. L'essentiel, c'est que les poursuites sur les actes de terroristes
soient menées sans hésitation ni arrière-pensées et que les magistrats
disposent, d'abord, de toutes les garanties et protections pour mener les
investigations et, ensuite, de toutes les informations dont ils ont besoin.
Notre dispositif, mis en pratique depuis deux ans, sans instruction
individuelle, je peux vous le dire, fonctionne et aurait fonctionné aussi dans
les temps agités qui ont été évoqués : OAS, tensions dans un département ou
territoire d'outre-mer, chantage. J'observe qu'il fonctionne, actuellement,
s'agissant notamment de la Corse et du terrorisme de l'ETA.
Quelles sont les caractéristiques de notre dispositif antiterroriste actuel
?
M. Michel Charasse.
Dirigé par M. Bruguière !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Ce dispositif est à la fois centralisé et organisé.
Il est centralisé par la loi de 1986, qui existe et qui n'est pas remise en
cause. Je me suis exprimée à plusieurs reprises sur ce sujet. L'article 706-17
du code de procédure pénale prévoit la centralisation non seulement des
poursuites - c'est le parquet de Paris qui est en charge -, mais aussi de
l'instruction - ce sont les juges d'instruction spécialisés à Paris - et du
jugement, puisque c'est le tribunal correctionnel de Paris ou la cour d'assises
de Paris qui juge ces affaires.
Sont centralisées toutes les affaires dont le caractère terroriste apparaît
nettement : les attentats, les commandos, les réseaux internationaux.
Les procureurs et procureurs généraux gèrent d'ailleurs la répartition des
compétences, éclairés par une jurisprudence désormais bien établie, qu'il
s'agisse de la Corse, de l'ETA ou des islamistes, et je vous signale que cela a
été le cas lors de l'assaut contre la maison d'arrêt de Roubaix mené par le
RAID.
J'ajoute que, s'il le fallait, le droit d'action propre du garde des sceaux
serait là, évidemment, pour permettre en toute circonstance à l'action publique
d'être engagée.
Voilà pour la centralisation et le contrôle.
Comment procédons-nous pour l'organisation ?
Tout d'abord, les responsables des parquets et les officiers de police
judiciaire compétents ont des réunions régulières d'échanges et de travail en
commun pour mener la lutte antiterroriste. Le procureur général de Paris joue,
naturellement, du fait de la centralisation, avec le procureur de Paris, un
rôle particulier et déterminant ; mes représentants participent, sur
l'initiative du ministère de l'intérieur, aux comités interministériels de
lutte antiterroriste qui se tiennent périodiquement et qui sont - croyez-le
bien ! - opérationnels. Chaque fois que nécessaire, je réunis autour de moi les
procureurs généraux et les procureurs compétents pour faire le point sur les
stratégies antiterroristes de poursuite de l'action publique.
Sans avoir à donner des instructions individuelles sur la manière de
poursuivre ou de ne pas poursuivre tel ou tel, nous examinons, dans ces
réunions, les orientations nationales et internationales de la lutte
antiterroriste. A tout moment, je suis en mesure de tenir ou de faire tenir
toute réunion de crise ou de cellule de crise visant à vérifier la bonne mise
en oeuvre des orientations générales pénales antiterroristes.
Voilà ce que je voulais préciser, car je ne pouvais pas laisser s'achever ce
débat en laissant dire que nous nous sommes démunis, à plus forte raison sur
cette très importante question.
Je terminerai en disant à M. Charasse que l'Iranien qu'il a cité tout à
l'heure dans son explication de vote a exécuté jusqu'à son terme légal une
peine de prison de plusieurs années. Il était en même temps, depuis plusieurs
années, en détention provisoire pour une autre infraction. C'est la longueur de
cette détention provisoire que la chambre d'accusation a sanctionnée.
D'ailleurs, le projet de loi sur la présomption d'innocence apportera une
réponse, en particulier, à cette question puisqu'il s'appliquera pour le droit
commun comme pour l'antiterrorisme et qu'il limitera la durée de la détention
provisoire. Nous éviterons ainsi ce type de condamnation par la chambre
d'accusation puisque le délai sera désormais fixé.
M. Michel Charasse.
Condamnation du juge !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RPR.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
11:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 311 |
Majorité absolue des suffrages | 156 |
Pour l'adoption | 193 |
Contre | 118 |
10
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. Michel Pelchat une proposition de loi relative à l'attribution
de la nationalité française à l'étranger qui a combattu dans une unité de
l'armée française.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 28, distribuée et renvoyée à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
11
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de M. Claude Huriet un rapport fait au nom de la commission des
affaires sociales sur la proposition de résolution présentée par Mme Odette
Terrade, M. Gérard Le Cam, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes
Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Robert Bret, Michel Duffour, Guy
Fischer, Thierry Foucaud, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM.
Jack Ralite et Ivan Renar, tendant à créer une commission d'enquête sur la
sécurité sanitaire et alimentaire des produits destinés à la consommation
animale et humaine en France et dans l'Union européenne (n° 447, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 29 et distribué.
12
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mercredi 27 octobre 1999, à quinze heures et, éventuellement, le soir
:
Discussion de la proposition de loi (n° 443, 1998-1999), adoptée par
l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant diverses mesures
relatives à l'organisation d'activités physiques et sportives.
Rapport (n° 24, 1999-2000) de M. James Bordas, fait au nom de la commission
des affaires culturelles.
Aucun amendement à cette proposition de loi n'est plus recevable.
Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
relatif à la réduction négociée du temps de travail (n° 22, 1999-2000) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mardi 2 novembre 1999, à onze heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : ouverture de la discussion
générale.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures cinquante-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES DU SÉNAT
établi par le Sénat dans sa séance du mardi 26 octobre 1999
à la suite des conclusions de la conférence des présidents
Mercredi 27 octobre 1999 :
Ordre du jour prioritaire
A
15 heures
et, éventuellement, le soir :
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, portant diverses mesures relatives à l'organisation d'activités
physiques et sportives (n° 443, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 26 octobre 1999, à 17 heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de
loi.)
Jeudi 28 octobre 1999 :
Journée européenne à Strasbourg
Mardi 2 novembre 1999 :
A
10 heures :
1° Onze questions orales sans débat (l'ordre d'appel des questions sera
fixé ultérieurement) :
- n° 570 de M. Roland du Luart à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à
l'action sociale (Lutte contre le tabagisme des jeunes) ;
- n° 588 de M. Pierre Laffitte à M. le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie (Développement et sécurisation du commerce électronique) ;
- n° 599 de M. Guy Vissac à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
(Situation des entrepreneurs de travaux forestiers) ;
- n° 601 de M. Martial Taugourdeau à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (Réductions d'effectifs prévues dans le budget du
ministère de l'équipement) ;
- n° 602 de M. Jean Huchon à M. le ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de la décentralisation (Agents contractuels de La Poste en
attente de titularisation) ;
- n° 606 de M. Christian Bonnet à M. le ministre de l'intérieur (Financement
des secours en mer) ;
- n° 608 de M. Rémi Herment à Mme le ministre de l'aménagement du territoire
et de l'environnement (Négociations du contrat de Plan dans la Meuse) ;
- n° 611 de M. Gérard César à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie (Fonds d'allégement des charges des agriculteurs [FAC]) ;
- n° 612 de M. Michel Charzat à M. le secrétaire d'Etat au logement (Squat de
la rue d'Avron [Paris 20e]) ;
- n° 614 de Mme Gisèle Printz à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à
l'action sociale (Statut des praticiens adjoints contractuels) ;
- n° 616 de M. Christian Demuynck à M. le ministre de l'intérieur (Dissolution
de la compagnie départementale d'intervention de Seine-Saint-Denis) ;
A
16 heures
et le soir :
Ordre du jour prioritaire
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, relatif à la réduction négociée du temps de travail (n° 22,
1999-2000).
(La conférence des présidents a fixé :
- à l'ouverture de la discussion générale le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce projet de loi ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 11
heures, le mardi 2 novembre 1999.)
Mercredi 3 novembre 1999,
à
15 heures
et le soir :
Ordre du jour prioritaire
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, relatif à la réduction négociée du temps de travail (n° 22,
1999-2000).
Jeudi 4 novembre 1999 :
A
9 h 30 :
Ordre du jour prioritaire
1° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, relatif à la réduction négociée du temps de travail (n° 22,
1999-2000).
A
15 heures :
2° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de
la séance avant 11 heures.)
Ordre du jour prioritaire
3° Suite de l'ordre du jour du matin.
Mardi 9 novembre 1999 :
A
9 h 30 :
1° Neuf questions orales sans débat (l'ordre d'appel des questions sera fixé
ultérieurement) :
- n° 563 de M. Daniel Hoeffel à Mme le ministre de la culture et de la
communication (Ratification par la France de la convention Unidroit) ;
- n° 603 de M. Serge Lepeltier à Mme le ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement (Mise en place d'une filière de recyclage des
pneus usagés) ;
- n° 604 de Mme Marie-Claude Beaudeau à Mme le ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement (Protocole de Kyoto de la convention sur les
changements climatiques) ;
- n° 605 de M. Georges Mouly à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie
(Situation de La Poste en milieu rural) ;
- n° 613 de Mme Nicole Borvo à M. le secrétaire d'Etat au logement
(Réquisitions de logements vacants) ;
- n° 615 de M. Jean-François Picheral à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (Tracé du TGV Sud-Est) ;
- n° 617 de M. Henri de Richemont à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement (Projet d'autoroute Niort-Limoges) ;
- n° 618 de M. Xavier Darcos à M. le ministre de l'éducation nationale, de la
recherche et de la technologie (Présidence de la Société des agrégés) ;
- n° 620 de M. Auguste Cazalet à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à
l'action sociale (Mise en oeuvre d'un dépistage systématique du cancer
colorectal).
A
16 heures
et, éventuellement, le soir :
Ordre du jour prioritaire
2° Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration
d'urgence, relatif à la réduction négociée du temps de travail (n° 22,
1999-2000).
3° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le
Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République
fédérale d'Allemagne, le Gouvernement de la République italienne, le
Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord portant
création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement
(OCCAR) (ensemble quatre annexes) (n° 487, 1998-1999).
4° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, instituant un
Médiateur des enfants (n° 76, 1998-1999).
5° Proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à
l'inéligibilité du Médiateur des enfants (n° 77, 1998-1999).
Mercredi 10 novembre 1999 :
A
15 heures :
Ordre du jour prioritaire
1° Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant sur diverses
professions relevant du ministère de la justice, la procédure civile et le
droit comptable (n° 416, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé à l'ouverture de la discussion
générale le délai limite pour le dépôt des amendements à cette proposition de
loi.)
2° Projet de loi modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et
relatif à la lutte contre la corruption (n° 179, 1998-1999).
(La conférence des présidents a fixé au mardi 9 novembre 1999, à 17 heures,
le délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.)
Mardi 16 novembre 1999 :
Ordre du jour prioritaire
A
10 h 30 :
1° Projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à
l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du
Royaume de Suède à la convention concernant la compétence judiciaire et
l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, ainsi qu'au
protocole concernant son interprétation par la Cour de justice, avec les
adaptations y apportées par la convention relative à l'adhésion du Royaume de
Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du
Nord, par la convention relative à l'adhésion de la République hellénique et
par la convention relative à l'adhésion du Royaume d'Espagne et de la
République portugaise (n° 307, 1998-1999).
2° Projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à
l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du
Royaume de Suède à la convention sur la loi applicable aux obligations
contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, ainsi qu'aux
premier et deuxième protocoles concernant son interprétation par la Cour de
justice (n° 308, 1998-1999).
(La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient
l'objet d'une discussion générale commune.)
3° Projet de loi autorisant la ratification de la convention établie sur la
base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, concernant la
compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière
matrimoniale (n° 384, 1998-1999).
4° Projet de loi autorisant la ratification du protocole, établi sur la base
de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, relatif à l'interprétation,
par la Cour de justice des Communautés européennes, de la convention concernant
la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière
matrimoniale (n° 385, 1998-1999).
(La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient
l'objet d'une discussion générale commune.)
5° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de
la République française et la Ligue des Etats arabes relatif à l'établissement,
à Paris, d'un bureau de la Ligue des Etats arabes et à ses privilèges et
immunités sur le territoire français (ensemble une annexe) (n° 371,
1998-1999).
6° Projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan sur
l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un
protocole) (n° 482, 1998-1999).
7° Projet de loi autorisant l'adhésion de la République française à la
convention internationale contre la prise d'otages (n° 339, 1998-1999).
8° Projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement de la République de Slovénie sur
l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un
protocole) (n° 456, 1998-1999).
9° Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement des Etats-Unis du Mexique sur
l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 479,
1998-1999).
10° Projet de loi autorisant l'approbation du protocole visant à amender le
paragraphe 2 de l'article X de la convention internationale pour la
conservation des thonidés de l'Atlantique (n° 501, 1998-1999).
11° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du
Kazakhstan en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et
la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (n° 481,
1998-1999).
12° Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 10
mars 1964 entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles
impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique
réciproque en matière d'impôts sur les revenus (n° 486, 1998-1999).
A
16 heures
et le soir :
13° Sous réserve de sa transmission, projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000 (n° 1835, AN).
(La conférence des présidents a fixé :
- à l'ouverture de la discussion générale, le délai limite pour le dépôt des
amendements à ce projet de loi ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la
discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la
liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 11
heures, le mardi 16 novembre 1999.)
Mercredi 17 novembre 1999 :
Ordre du jour prioritaire
A
15 heures
et le soir :
Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (AN, n°
1835).
Jeudi 18 novembre 1999 :
Ordre du jour prioritaire
A
9 h 30,
à
15 heures
et, éventuellement, le soir :
Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (AN, n°
1835).
Mardi 23 novembre 1999 :
Ordre du jour réservé
A
9 h 30 :
1° Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la conférence
ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce, à Seattle.
(La conférence des présidents a fixé à :
- dix minutes le temps réservé au président de la commission des affaires
économiques et au président de la commission des affaires étrangères ;
- trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les
orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe.
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les
inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17
heures, le lundi 22 novembre 1999.)
A
16 heures :
2° Eventuellement, conclusions de la commission des lois sur la
proposition de loi organique de M. Gaston Flosse et des membres du groupe du
Rassemblement pour la République tendant à améliorer le régime électoral
applicable à la formation de l'Assemblée de la Polynésie française (n° 471,
1998-1999).
3° Eventuellement, conclusions de la commission des lois sur :
- la proposition de loi de M. Michel Dreyfus-Schmidt et des membres du groupe
socialiste tendant à interdire les candidatures multiples aux élections
cantonales (n° 493, 1997-1998) ;
- la proposition de loi de M. Michel Dreyfus-Schmidt et des membres du groupe
socialiste relative à l'élection des députés et à l'élection des conseillers
généraux (n° 494, 1997-1998) ;
- la proposition de loi de M. Bernard Joly visant à généraliser l'interdiction
des candidatures multiples aux élections (n° 465, 1997-1998) ;
4° Eventuellement, conclusions de la commission des lois sur la proposition de
loi de M. Jacques Pelletier permettant au juge des tutelles d'autoriser un
majeur sous tutelle à être inscrit sur une liste électorale (n° 185, 1998-1999)
;
5° Eventuellement, conclusions de la commission des lois sur la proposition de
loi organique de M. Jacques Pelletier relative à l'inégibilité des majeurs sous
tutelle (n° 186, 1998-1999).
Mercredi 24 novembre 1999 :
A
9 h 30 :
1° Question orale européenne avec débat de M. Hubert Haenel à Mme la
ministre de la jeunesse et des sports sur la politique européenne en matière de
sport (n° QE 6) ;
(La discussion de cette question orale européenne s'effectuera selon les
modalités prévues à l'article 83
ter
du règlement.)
A
15 heures
et, éventuellement, le soir :
Ordre du jour prioritaire
2° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des
ordonnances n° 98-522 du 24 juin 1998, n° 98-731 du 20 août 1998, n° 98-773 du
2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998
portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures
législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit
applicable outre-mer (n° 420, 1998-1999) ;
3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des
ordonnances n° 98-580 du 8 juillet 1998, n° 98-582 du 8 juillet 1998, n° 98-728
du 20 août 1998, n° 98-729 du 20 août 1998, n° 98-730 du 20 août 1998, n°
98-732 du 20 août 1998, n° 98-774 du 2 septembre 1998 prises en application de
la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre,
par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à
l'adaptation du droit applicable outre-mer (n° 421, 1998-1999) ;
4° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des
ordonnances n° 98-524 du 24 juin 1998, n° 98-525 du 24 juin 1998, n° 98-581 du
8 juillet 1998, n° 98-775 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi
n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par
ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à
l'adaptation du droit applicable outre-mer (n° 422, 1998-1999) ;
3° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des
ordonnances n° 98-520 du 24 juin 1998, n° 98-521 du 24 juin 1998, n° 98-523 du
24 juin 1998, n° 98-526 du 24 juin 1998, n° 98-776 du 2 septembre 1998, n°
98-777 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars
1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les
mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit
applicable outre-mer (n° 423, 1998-1999) ;
(Pour ces quatre projets de loi, la conférence des présidents a :
- décidé qu'il serait procédé à une discussion générale commune ;
- fixé au mardi 23 novembre 1999, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt
des amendements.)
Jeudi 25 novembre 1999,
à
15 heures
et le soir :
1° Questions d'actualité au Gouvernement.
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de
la séance, avant 11 heures.)
Ordre du jour prioritaire
2° Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2000 (AN,
n° 1805).
(Les règles et le calendrier de la discussion budgétaire du jeudi 25
novembre au mardi 14 décembre 1999 seront déterminés ultérieurement.)
A N N E X E
Questions orales sans débat inscrites à l'ordre du jour
de la séance du mardi 2 novembre 1999
N° 570. - M. Roland du Luart interroge Mme le secrétaire d'Etat à la santé et
à l'action sociale sur la lutte contre le tabagisme des jeunes. Différentes
mesures ont déjà été prises, à savoir l'interdiction de publicité, la hausse de
la fiscalité, des campagnes de sensibilisation et enfin une récente initiative
en faveur du remboursement du coût du sevrage. Mais, malgré ces mesures, le
tabagisme des jeunes n'est qu'en très léger déclin. En France, aujourd'hui,
n'importe quel jeune peut entrer chez un débitant et acheter du tabac. Ne
serait-il pas judicieux d'interdire la vente du tabac aux jeunes ? L'usage des
produits du tabac doit être réservé aux adultes informés des risques sanitaires
associés à la consommation de ces produits. Aussi il lui demande s'il compte
mettre en place un dispositif de limitation de l'accès des jeunes au tabac
comme, par exemple, une interdiction au-dessous d'un certain âge ? Et, dans
cette perspective, quel serait l'âge retenu pour distinguer un jeune d'un
adulte ?
N° 588. - M. Pierre Laffitte attire l'attention de M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie sur la libéralisation de la
cryptologie, qui facilite le commerce électronique mais qui n'est que
partielle. Le projet de loi sur la signature électronique, pourtant fondamental
et urgent d'après les informations données, n'est pas inscrit dans les
priorités du débat parlementaire. Ne conviendrait-il pas de l'inscrire avant
les débats budgétaires, notamment au Sénat ? Les pouvoirs publics, enfin,
devraient donner l'exemple. Ainsi, tous les appels d'offres de l'Etat, des
services publics et des collectivités locales ainsi que les réponses devraient
se faire par voie de messagerie électronique (sécurisée pour les réponses).
C'est le sens d'une proposition de loi déposée au Sénat assortie de la mise en
place d'un corpus de logiciels libres avec code source public. Le Premier
ministre a affirmé à plusieurs reprises que ces questions étaient prioritaires.
La dynamisation de l'économie française, la diminution des dépenses budgétaires
pour les services publics et les collectivités locales et le rattrapage du
retard français en matière de commerce électronique par rapport à certains pays
ne méritent-ils pas que le ministère appuie fortement ces diverses mesures ?
N° 599. - M. Guy Vissac attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture
et de la pêche sur les difficiles conditions d'exercice du métier
d'entrepreneur de travaux forestiers (ETF). Il lui rappelle qu'actuellement
deux cas de figure se présentent pour cette profession : soit le travailleur de
travaux forestiers est employé d'entreprise et connaît les problèmes de bas
salaires, de formation, de saisonnalité, soit l'entrepreneur - souvent seul -
ne peut faire face aux dépenses induites par l'achat d'équipements ou le
règlement des charges. Il lui rappelle également que son chiffre d'affaires
varie dangereusement au regard des aléas du marché, des contraintes climatiques
et de la pression de la concurrence. Il lui rappelle enfin, dans la perspective
de la future loi sur la forêt et le bois, qu'un statut du travailleur et de
l'entrepreneur des travaux forestiers apparaît indispensable. Les travailleurs
de travaux forestiers (salariés et entrepreneurs) constituant le maillon le
plus sensible de la filière bois, il lui demande donc quelles mesures il entend
prendre afin d'apporter une solution aux graves difficultés de cette
profession.
N° 601. - M. Martial Taugourdeau attire l'attention de M. le ministre de
l'équipement, des transports et du logement sur les réductions d'effectifs
prévues dans le budget du ministère de l'équipement pour l'an 2000. Venant
après 1 000 suppressions d'emplois en 1998 et 490 suppressions d'emplois en
1999, cette nouvelle baisse des effectifs aura des conséquences lourdes sur le
fonctionnement du service public. Il craint une nouvelle dégradation du service
rendu par les directions départementales de l'équipement aux collectivités
locales, notamment pour les communes et les conseils généraux, là où la
partition n'est pas encore intervenue. Il souhaiterait connaître son avis à ce
sujet.
N° 602. - M. Jean Huchon attire l'attention de M. le ministre de la fonction
publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur la situation
des agents contractuels de La Poste en attente de titularisation avec mobilité
obligatoire en Ile-de-France. En 1985, deux circulaires nationales relatives à
la titularisation des auxiliaires de droit public mettaient en oeuvre un plan
prévoyant une nomination sur place, ou dans le département ou la région, selon
les situations. Une des conditions à cette titularisation était l'occupation
d'un poste à temps complet. Un arrêt du Conseil d'Etat du 29 décembre 1993 a
annulé l'article 13 de la circulaire du 2 août 1985, supprimant ainsi la
condition d'occupation du poste à temps complet. En 1997, de nouvelles
procédures de mise en oeuvre furent élaborées au niveau national pour tenir
compte de cet arrêt et une phase de titularisation consécutive à ces
dispositions s'est déroulée en 1997 et 1998. Il semble, qu'à ce jour, près de
800 auxiliaires de droit public, remplissant toutes les conditions pour la
titularisation soient encore en attente. La Poste compte-t-elle procéder à une
vague complémentaire de titularisations en qualité de fonctionnaires afin de se
conformer à l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat ? De plus, ces agents
seront-ils titularisés sur place comme en 1985 ou bien en région Ile-de-France
? En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui indiquer quelles mesures
il entend prendre afin de résoudre ce délicat problème.
N° 606. - M. Christian Bonnet appelle l'attention de M. le ministre de
l'intérieur sur l'augmentation du nombre d'interventions en mer pour porter
secours à des personnes imprudentes et négligentes, avec pour corollaire des
coûts très élevés supportés par la collectivité. Il lui demande si, sans
remettre en question l'esprit de la loi n° 67-545 du 7 juillet 1967 qui pose le
principe de la gratuité des secours en mer, on ne pourrait en adapter la lettre
pour tenir compte du développement très important de la navigation de
plaisance, d'une part, de l'évolution des comportements individuels, parfois
révoltants d'égoïsme et d'inconscience, d'autre part. Ainsi, de même qu'aux
termes de la loi montagne n° 85-30 du 9 janvier 1985, les communes peuvent
organiser le remboursement des opérations de secours pour le ski alpin et le
ski de fond, il apparaîtrait logique que les intervenants mis à contribution
dans le cas de sauvetage en mer aient la faculté de faire de même, au moins
dans les cas où il apparaît de toute évidence que l'intervention aurait pu être
évitée par l'observation de la réglementation en vigueur. Il le remercie donc
de bien vouloir lui donner son opinion sur cette suggestion.
N° 608. - Alors que s'engage la négociation du contrat de plan Etat-région, M.
Rémi Herment souligne à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement que les collectivités lorraines, et plus particulièrement le
conseil général de la Meuse, ont fait part de leurs vives inquiétudes liées aux
décisions du dernier conseil interministériel d'aménagement du territoire.
L'examen de ce dossier par les élus concernés apparaît indissociable du futur
zonage européen et aides d'Etat en région. Elle partage les éléments de
diagnostic et les fondements de l'action proposée sur les sept prochaines
années. Cette stratégie nécessite de poursuivre une mobilisation forte de
moyens conséquents. Or, force est de constater que les enveloppes disponibles
sont très insuffisantes par rapport à la période qui s'achève. Dans ces
conditions, et pour cette raison essentielle, il apparaît difficile aux
représentants du département d'envisager une contractualisation avec l'Etat. De
plus, il lui rappelle les réactions engendrées par la réduction des territoires
départementaux à la prime d'aménagement du territoire, situation qui aggrave
encore l'avenir du développement du département puisque cette décision
pénalisante s'ajoute à la menace qui pèse sur les fonds structurels européens
et à la baisse des ressources nécessaires à la mise en oeuvre du contrat de
plan. Il lui demande de prendre en compte « ces points noirs » qui rendent
impossible toute évolution stratégique cohérente d'aménagement et de
développement du territoire en Meuse, et la remercie de bien vouloir lui
indiquer ce qu'elle entend décider pour rassurer les légitimes inquiétudes des
populations et des élus concernés.
N° 611. - Le 1er avril 2000, seule la Caisse des dépôts et consignations
pourra collecter et gérer les dépôts des notaires ruraux. La question du
devenir du fonds d'allégement des charges des agriculteurs est donc posée. En
effet, le Crédit agricole, précédemment chargé de ces fonctions, affectait les
produits financiers tirés de la gestion des dépôts à des actions d'intérêt
général en faveur de l'agriculture. Le dispositif, en place depuis dix ans,
avait montré son efficacité. M. Gérard César demande à M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie de lui apporter des précisions sur
la reconduction de ce dispositif par le nouveau gestionnaire.
N° 612. - M. Michel Charzat attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat au
logement relativement au devenir du squat sis 61, rue d'Avron, dans le 20e
arrondissement de Paris. Depuis décembre 1997, l'immeuble, anciennement à usage
de bureaux du 61, rue d'Avron, actuellement propriété du CDR (Consortium de
réalisation), est occupé par 75 familles totalisant 400 personnes, dont 280
enfants. Ces familles, qui vivent dans des locaux inadaptés, connaissent des
conditions d'insalubrité et d'insécurité inacceptables. Cet immeuble est
destiné à être transformé en logements sociaux. Le programme prévoit 120
logements. A cet effet, un accord a été conclu entre le CDR, propriétaire de
l'immeuble, et LOGIREP, promoteur de logements sociaux. Cet accord arrive à
échéance fin septembre 1999. La réalisation de ce programme est conditionnée à
la libération par les occupants actuels de l'immeuble. Il est urgent de reloger
les familles à la fois pour des raisons sociales évidentes et pour permettre la
réalisation du programme de construction de logements sociaux. Malgré les
efforts de la mairie du 20e arrondissement, qui a entrepris de nombreuses
démarches et organisé trois « tables rondes » regroupant les représentants de
la mairie du 20e, de la préfecture de Paris, de la préfecture de police, du
CDR, de LOGIREP, la situation reste en l'état. La solution du problème
nécessite : qu'une enquête sociale soit réalisée immédiatement afin de
connaître le nombre de familles à reloger et leur composition ; que le
relogement des familles soit effectué rapidement. Ces deux points nécessitent
un partenariat actif entre la mairie de Paris et la préfecture de Paris. La
préfecture de Paris s'engage à participer, en partenariat avec la ville de
Paris, au financement de l'enquête sociale et au relogement des familles et son
effort sera à la hauteur de celui de la ville de Paris. LOGIREP, de son côté, a
donné son accord pour participer au relogement des familles. La mairie du 20e
participera également à ce relogement à la hauteur de ses capacités. En
revanche, jusqu'à présent, et malgré de nombreuses sollicitations de la mairie
du 20e arrondissement, la mairie de Paris refuse de participer au financement
de l'enquête sociale et au relogement des familles concernées. Cette attitude
de principe ne peut être recevable car elle interdit toute résolution d'un
problème dont la ville ne peut, par ailleurs, se désintéresser. Pour éviter
l'enlisement de cette affaire, et compte tenu de l'urgence sociale, il lui
demande quelles sont les dispositions qu'il entend prendre pour contribuer au
règlement de ce dossier.
N° 614. - Mme Gisèle Printz interroge Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à
l'action sociale sur le statut des praticiens adjoints contractuels (PAC). La
loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie
universelle a régularisé en partie la situation des médecins étrangers ayant un
diplôme hors Communauté européenne et, notamment, celle des praticiens adjoints
contractuels. Pourtant, quelques points restent en suspens concernant leur
statut, encore précaire. En effet, alors qu'ils ont les mêmes responsabilités
que les praticiens hospitaliers et effectuent le même travail, ils touchent un
salaire nettement inférieur à leurs homologues, et leur développement de
carrière progresse beaucoup plus lentement. Ce point touche profondément,
moralement et matériellement les intéressés. En outre, la loi du 27 juillet
1999 ne reconnaît la compétence des PAC qu'en médecine générale, alors que la
majorité d'entre eux possède des diplômes de spécialistes effectués et validés
en France. Cette situation pose également problème aux intéressés qui
souhaiteraient que leur spécialité soit reconnue, comme l'est celle de leurs
homologues français. Enfin, malgré le fait qu'ils aient déjà passé un concours
complet, ils doivent repasser le même concours pour accéder au statut du
praticien hospitalier dans les services publics de santé, ce qui représente un
obstacle supplémentaire sur le long parcours que les PAC doivent franchir pour
pouvoir exercer leur vocation. Elle lui demande donc de bien vouloir lui
préciser si ces points ont été pris en compte dans la réflexion sur le statut
des PAC et, le cas échéant, quelles mesures le Gouvernement entend prendre afin
de mettre un terme à ces situations qui lui semblent inéquitables ?
N° 616. - Inquiet devant la montée de la violence et de la délinquance dans
son département, M. Christian Demuynck souhaite attirer l'attention de M. le
ministre de l'intérieur sur l'incompréhensible dissolution récente de la
compagnie départementale d'intervention. Cet acte sans explications, dans un
département synonyme de non-droit, risque fort d'accroître l'insécurité vécue
au quotidien par les Séquano-Dyonisiens. En outre, se pose la délicate question
des fonctionnaires de cette compagnie qui, si cette dissolution n'est pas
reportée
sine die,
devront trouver une nouvelle affectation. Il entend,
par conséquent, connaître avec précision les motifs de la suppression de cette
compagnie de Seine-Saint-Denis, ainsi que les mesures prévues quant à l'avenir
des 88 fonctionnaires concernés. Au surplus, il souhaite que le ministre
présente la politique envisagée par le Gouvernement, afin que cette déplorable
mesure ne laisse pas la Seine-Saint-Denis désarmée face à l'insécurité
quotidienne.
NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
M. Guy Fischer a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 489
(1998-1999) de Mme Marie-Claude Beaudeau relative à l'amélioration du
recouvrement des créances des salariés en cas de défaillance de leur
entreprise.
COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL,
DU RÈGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
M. Christian Bonnet a été nommé rapporteur de la proposition de loi organique
n° 77 (1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à
l'inéligibilité du médiateur des enfants, dont la commission des lois est
saisie au fond.
M. Christian Bonnet a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 76
(1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, instituant un médiateur des
enfants, dont la commission des lois est saisie au fond.
M. Jean-Paul Delevoye a été nommé rapporteur du projet de loi n° 460
(1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'accueil et à
l'habitat des gens du voyage, dont la commission des lois est saisie au fond.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Plan de fermeture des perceptions
622.
- 22 octobre 1999. -
M. Gérard Delfau
attire l'attention de
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
sur les inquiétudes suscitées par M. le directeur de la comptabilité publique
concernant un plan de fermeture des perceptions. Mille établissements de ce
type (sur les 4 000) seraient menacés, soit ceux qui comptent au plus trois
fonctionnaires. Ce nouveau désengagement de l'Etat et cette nouvelle atteinte
au service public méconnaissent le rôle du percepteur de proximité dans la
collecte des impôts : le ministère pourrait-il communiquer au Parlement le taux
de rentrée de la collecte en fonction des strates de communes ? N'est-il pas
avéré que l'agent qui connaît la population a une efficacité économique
supérieure à celui qui est perdu dans l'anonymat des villes ? Et que dire de
son efficacité sociale, que connaissent bien les élus ? S'agissant des
municipalités, il n'a pas échappé au ministère des finances que le rôle de
conseil auprès des maires et des secrétaires de mairie s'est considérablement
accru depuis les lois de décentralisation et en fonction d'une inflation
réglementaire et législative préoccupante, sans parler d'une dérive
procédurière qui fragilise l'élu. Une fois de plus, supprimer un tel service
public reviendrait à éloigner l'Etat et à laisser démunies des communes petites
et moyennes, qui n'ont pas accès à des services privés spécialisés, en raison
de la modicité de leur bubget. Cette orientation est d'autant plus choquante
que, par une pente naturelle, les fonctionnaires ont tendance à se regrouper
dans les services centraux de leur administration : niveau national, régional
et départemental, selon une sorte de reconcentration qui viole l'esprit des
lois Defferre, bien oubliées aujourd'hui. Il lui demande, en conséquence,
d'ouvrir une vraie discussion avec le Parlement avant d'entreprendre une telle
démarche et de fournir les éléments chiffrés rappelés par cette question.
Avenir des tribunaux de commerce
623.
- 25 octobre 1999. -
M. Bernard Fournier
demande à
Mme le garde des sceaux, ministre de la justice,
de bien vouloir lui indiquer quel est l'état de la réflexion du Gouvernement
sur la question du devenir des tribunaux de commerce, notamment sur la question
des greffes, mais aussi sur la réforme de la carte judiciaire. S'agissant des
greffes, il la remercie de lui préciser si elle entend, compte tenu des
réformes des tarifs télématiques, revenir sur le statut d'officier ministériel
qui régit la profession. Sur le même sujet, il souhaite connaître l'état
d'avancement des travaux de la commission tarifaire qu'elle a annoncé en
février 1998. Concernant la réforme de la carte judiciaire, le décret du 30
juillet 1999 a annoncé la suppression de 36 de 227 tribunaux de commerce dans
le ressort de 8 cours d'appel. Si chacun s'accorde sur la nécessité d'une
réorganisation du paysage des juridictions consulaires, il lui demande de lui
confirmer que la concertation avec les professionnels et les élus locaux est à
la base de sa réflexion sur les suppressions de tribunaux et, subsidiairement,
il souhaite connaître l'avis de la chancellerie relativement au maintien du
tribunal de grande instance de Montbrison dans la Loire, qui, actuellement fait
office de tribunal de commerce.
Difficultés de recouvrement de la taxe de séjour
624.
- 25 octobre 1999. -
M. Marcel Bony
attire l'attention de
M. le ministre de l'intérieur
sur les modalités de recouvrement de la taxe de séjour. Perçue directement par
les logeurs, hôteliers, propriétaires pour le compte des stations classées,
elle doit être versée au receveur municipal dans les vingt jours qui suivent la
période définie pour sa perception. A cette occasion, une déclaration indiquant
le montant total de la taxe doit être produite. Or, les fraudes sont d'autant
plus faciles que les moyens de contrôle sont limités, que le régime est
déclaratif et que les sanctions sont difficiles à mettre en oeuvre. Les maires
des communes touristiques ne sont pas toujours en mesure de vérifier l'état qui
doit être tenu par les hébergeurs et encore moins de leur demander la
communication des pièces et documents comptables s'y rapportant. Si aucune
déclaration n'est faite, il n'est pas possible d'émettre de titre de recettes,
la commune ayant pour seul choix d'envoyer une lettre de rappel à l'efficacité
modeste ou de porter plainte pénalement. Puisque le produit de cette taxe
constitue la base de la subvention des offices du tourisme de ces
collectivités, lesquelles contribuent à grossir la clientèle de ces hébergeurs,
il lui demande s'il ne trouve pas anachronique ce type de recouvrement de
l'impôt par des particuliers et comment améliorer son rendement ?
Aménagement du territoire : limites entre pays
et parcs naturels régionaux
625.
- 25 octobre 1999. -
M. René-Pierre Signé
interroge
Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement
sur le problème des zonages de nos territoires et plus particulièrement, les
enjeux de limites entre pays et parc naturel régional. L'aménagement du
territoire fait l'objet, depuis plusieurs années, d'une attention soutenue des
services de l'Etat, due, entre autres, à des inégalités spatiales de plus en
plus alarmantes. Aujourd'hui, une véritable volonté d'innovation politique a vu
le jour, principalement à travers la promotion d'un développement « durable »
du territoire. Par leur capacité de fédération des ressources locales et
d'innovation, les parcs naturels régionaux apparaissent, bel et bien, comme un
exemple fécond de territoire de projet. Il apparaît à l'évidence que les parcs
naturels régionaux ont donc constitué la principale source d'inspiration dans
l'élaboration de la politique de pays. L'expérience réussie des parcs naturels
régionaux peut être une utile référence sur le plan de la méthode. Ces deux
territoires procédent, en effet, du même souci de faire des citoyens les
acteurs de la reconquête de leur territoire. Il s'agit, en fait, de deux outils
pour une même démarche de développement local. Loin de lui l'idée d'opposer ces
deux types de territoire qui ne sont en rien des structures rigides, jalouses
de leurs compétences respectives (c'est là d'ailleurs leur principale valeur
ajoutée). Mais il y a, cependant, dans la pratique, sur le terrain, non pas une
concurrence, mais un problème de lisibilité entre eux. L'organisation du
chevauchement est prévue dans la loi. Celle-ci précise qu'un pays ne pourra
comprendre des communes déjà incluses dans un parc naturel régional que s'il se
concerte avec ce dernier en déterminant, par voie de convention, leurs champs
d'intervention respectifs. Le décret d'application de la LOADT relatif aux pays
est en route. Ce décret permettra-t-il d'assurer un traitement équitable entre
pays et parcs ? Il faut donner suffisamment de garanties à chacun. On peut
souhaiter que le décret les fournisse et que confiance soit faite au terrain, à
l'initiative, à la discussion.
Situation des diffuseurs de presse et des libraires
626.
- 26 octobre 1999. -
M. Gérard Delfau
attire l'attention de
Mme le ministre de la culture et de la communication
sur la dégradation continue des conditions de travail et de la rémunération des
diffuseurs de presse et des libraires. Le gonglement des titres (périodiques et
ouvrages), la gestion opaque des Nouvelles messageries de la presse parisienne
(NMPP), la fuite en avant de la plupart des éditeurs conduisent à des stocks
excessifs (50 % d'invendus) et à un système de facturation qui fait peser sur
le petit dépôt l'avance de trésorerie qui devrait incomber aux éditeurs et aux
messageries. Si rien n'est fait, les kiosques à journaux ainsi que les
dernières librairies indépendantes vont disparaître, l'écrit sera devenu pur
objet de consommation et notre civilisation sera atteinte en plein coeur. Il
lui demande quelles mesures d'urgence elle compte prendre pour faire face à
cette situation alarmante.
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mardi 26 octobre 1999
SCRUTIN (n° 11)
sur l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à
l'action publique en matière pénale et modifiant le code de procédure
pénale.
Nombre de votants : | 315 |
Nombre de suffrages exprimés : | 308 |
Pour : | 192 |
Contre : | 116 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre :
15.
Abstention :
1. _ M. Paul Vergès.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
17.
Contre :
4. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, Yvon Collin et
Gérard Delfau.
Abstentions :
2. _ MM. André Boyer et Pierre Jeambrun.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (98) :
Pour :
76.
Contre :
17. _ MM. Pierre André, Dominique Braye, Michel Caldaguès,
Jean Chérioux, Charles de Cuttoli, Désiré Debavelaere, Philippe François,
Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, Paul Masson, Paul
d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Jean-Jacques Robert, Jean-Pierre
Schosteck et Alain Vasselle.
Abstentions :
2. _ MM. Yann Gaillard et Adrien Gouteyron.
N'ont pas pris part au vote :
3. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat, et MM. François Gerbaud et Jacques Valade.
GROUPE SOCIALISTE (78) :
Contre :
77.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Guy Allouche, qui présidait la
séance.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
50.
Abstentions :
2. _ MM. Denis Badré et Alain Lambert.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :
Pour :
46.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
3.
Contre :
3.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Jacques Donnay.
Ont voté pour
Nicolas About
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Xavier Darcos
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Jean François-Poncet
Yves Fréville
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Patrice Gélard
Alain Gérard
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
André Vallet
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Ont voté contre
François Abadie
Philippe Adnot
Pierre André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
Yolande Boyer
Dominique Braye
Robert Bret
Michel Caldaguès
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jean Chérioux
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Philippe François
Philippe de Gaulle
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Christian de La Malène
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Paul Masson
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Paul d'Ornano
Charles Pasqua
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Alain Peyrefitte
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Jean-Jacques Robert
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Alain Vasselle
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstentions
MM. Denis Badré, André Boyer, Yann Gaillard, Adrien Gouteyron, Pierre
Jeambrun, Alain Lambert et Paul Vergès.
N'ont pas pris part au vote
MM. Jacques Donnay, François Gerbaud et Jacques Valade.
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Guy Allouche, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 318 |
Nombre de suffrages exprimés : | 311 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 156 |
Pour l'adoption : | 193 |
Contre : | 118 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.