Séance du 4 novembre 1999






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Candidature à un organisme extraparlementaire (p. 1 ).

3. Candidature à une commission (p. 2 ).

4. Réduction négociée du temps de travail. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 3 ).

Article 2 (suite) (p. 4 )

Amendements identiques n°s 10 de la commission et 50 de M. Arnaud ; amendements n°s 95 à 106 de M. Fischer et 81 de Mme Dieulangard. - MM. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Philippe Arnaud, Claude Domeizel, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité : MM. Alain Gournac, Jean-Luc Mélenchon, Philippe Adnot, Philippe Nogrix, Alain Vasselle. - Retrait de l'amendement n° 50 ; adoption de l'amendement n° 10 supprimant l'article, les autres amendements devenant sans objet.

Article additionnel après l'article 2 (p. 5 )

Amendement n° 82 de Mme Dieulangard. - MM. Claude Domeizel, le rapporteur, Mme le ministre. - Retrait.

Article 2 bis (p. 6 )

Amendements n°s 11 de la commission et 107 de M. Fischer. - MM. le rapporteur, Guy Fischer, Mme le ministre, M. Alain Gournac, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Jean-Luc Mélenchon, Alain Vasselle, Philippe Nogrix, Jean Arthuis, Bernard Murat. - Retrait de l'amendement n° 107 ; adoption de l'amendement n° 11 supprimant l'article.

Article additionnel après l'article 2 bis (p. 7 )

Amendement n° 108 de M. Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, Mme le ministre. - Rejet.

Article 2 ter (p. 8 )

Amendement n° 12 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre, M. Alain Vasselle. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Intitulé du chapitre Ier (suite) (p. 9 )

Amendement n° 144 (précédemment réservé) de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement rédigeant l'intitulé.

Article 3 (p. 10 )

M. Guy Fischer, Mme Nelly Olin.
Amendements n°s 13 de la commission et 109 à 111 de M. Fischer. - MM. le rapporteur, Robert Bret, Mmes Nicole Borvo, le ministre, MM. Alain Gournac, Serge Lagauche, Alain Vasselle, Jean-Luc Mélenchon. - Adoption de l'amendement n° 13 rédigeant l'article, les amendements n°s 109 à 111 devenant sans objet.

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE

Article 4 (p. 11 )

M. Alain Vasselle.
Amendements n°s 14 rectifié de la commission, 112 à 115 de M. Fischer, 51 de M. Arnaud et 52 de Mme Bocandé. - MM. le rapporteur, Guy Fischer, Philippe Arnaud, Robert Bret, Mme le ministre, MM. Bernard Murat, Alain Gournac, Jean-Luc Mélenchon. - Retrait des amendements n°s 51 et 52 ; adoption de l'amendement n° 14 rectifié, les amendements n°s 112 à 115 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.

Article 4 bis (p. 12 )

Amendement n° 15 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre, MM. Jean-Luc Mélenchon, Alain Vasselle, Mme Nicole Borvo, M. Philippe Nogrix. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 5 (p. 13 )

Mmes Danièle Pourtaud, Nelly Olin, Nicole Borvo, MM. Alain Gournac, Jean-luc Mélenchon, Charles Revet.

5. Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire (p. 14 ).

6. Nomination d'un membre d'une commission (p. 15 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 16 )

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

7. Questions d'actualité au Gouvernement (p. 17 ).

MUTATIONS AU SEIN DU PARQUET DE PARIS (p. 18 )

MM. Bernard Murat, Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.

UNIFICATION DES RÉSEAUX D'ÉTABLISSEMENT
DE L'ASSIETTE ET DE LA PERCEPTION
DES RECETTES FISCALES (p. 19 )

MM. Jean-Pierre Fourcade, Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

PROJET « SOLEIL » DE SYNCHROTRON (p. 20 )

MM. Paul Loridant, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

CONSÉQUENCES DES FUSIONS DANS LE SECTEUR
DE LA GRANDE DISTRIBUTION (p. 21 )

M. Jean-Paul Amoudry, Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

LEVÉE DE L'EMBARGO
SUR LE BOEUF BRITANNIQUE (p. 22 )

M. Charles Revet, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

DIMINUTION DU NOMBRE DES CHÔMEURS (p. 23 )

Mmes Marie-Madeleine Dieulangard, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

LEVÉE DE L'EMBARGO
SUR LE BOEUF BRITANNIQUE (p. 24 )

M. Alain Vasselle, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

8. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire slovaque (p. 25 ).

9. Questions d'actualité au Gouvernement (suite) (p. 26 ).

DEUXIÈME ENVELOPPE DES CONTRATS DE PLAN (p. 27 )

M. Paul Raoult, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

TUNNEL DU MERCANTOUR
ENTRE LA FRANCE ET L'ITALIE (p. 28 )

MM. Philippe François, Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement.

VOYAGE DU PREMIER MINISTRE AUX ANTILLES (p. 29 )

Mme Dinah Derycke, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

TAXATION DES ACTIVITÉS POLLUANTES (p. 30 )

Mme Annick Bocandé, M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Suspension et reprise de la séance (p. 31 )

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE

10. Réduction négociée du temps de travail. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 32 ).

Article 5 (suite) (p. 33 )

M. Philippe Nogrix.
Amendements n°s 16 de la commission, 117, 118, 119 rectifié, 120, 121 de M. Fischer, 83 de Mme Pourtaud, 136 à 140 de M. Mélenchon, 84 à 86 et 142 de Mme Dieulangard. - M. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Mmes Nicole Borvo, Danièle Pourtaud, MM. Jean-Luc Mélenchon, Claude Domeizel, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. - Adoption de l'amendement n° 16 rédigeant l'article, les autres amendements devenant sans objet.

Article 6 (p. 34 )

MM. Claude Domeizel, Serge Franchis, Alain Gournac, Guy Fischer.
Amendement n° 17 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Amendement n° 53 de M. Franchis. - MM. Serge Franchis, le rapporteur, Mmes le ministre, Marie-MadeleineDieulangard. - Adoption.
Amendements n°s 19 de la commission et 122 deM. Fischer. - M. le rapporteur, Mmes Hélène Luc, le ministre. - Adoption de l'amendement n° 19, l'amendement n° 122 devenant sans objet.
Amendement n° 20 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Amendements n°s 123 de M. Fischer, 61 rectifié, 78 de M. Gournac et 21 de la commission. - Mme Nicole Borvo, MM. Alain Vasselle, le rapporteur, Alain Gournac, Mme le ministre. - Rejet de l'amendement n° 123 ; adoption des amendements n°s 61 rectifié et 21, l'amendement n° 78 devenant sans objet.
Amendement n° 22 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Amendements n°s 63 et 64 de M. Gournac. - MM. Alain Gournac, le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption des deux amendements.
Amendements n°s 124 de M. Fischer, 23 de la commission, 65, 66, 62 et 67 de M. Gournac, Mme Hélène Luc, MM. le rapporteur, AlainGournac, Mme le ministre, M. Alain Vasselle. - Rejet de l'amendement n° 124 ; adoption des amendements n°s 23, 65, 66, 62 et 67.
Amendement n° 68 rectifié de M. Gournac. - Mme Nelly Olin, M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Amendement n° 24 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 6 bis (p. 35 )

Amendement n° 25 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre, MM. Claude Domeizel, Guy Fischer. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Articles additionnels après l'article 6 bis (p. 36 )

Amendements n°s 47 rectifié de M. Vallet et 73 de M. Jourdain. - MM. Jacques Bimbenet, André Jourdain, le rapporteur, Mmes Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; Marie-Madeleine Dieulangard. - Adoption des amendements insérant deux articles additionnels.

Article 7 (p. 37 )

Amendement n° 126 de M. Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 69 de M. Gournac. - MM. Alain Gournac, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 125 de M. Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 70 de M. Alain Gournac. - MM. Alain Gournac, le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 8. - Adoption (p. 38 )

Article 9 (p. 39 )

Amendement n° 26 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendements n°s 27 de la commission et 128 de M. Fischer. - MM. le rapporteur, Guy Fischer, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement n° 27, l'amendement n° 128 devenant sans objet.
Amendement n° 127 de M. Fischer. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.

Article 10 (p. 40 )

M. Guy Fischer.
Amendement n° 28 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 10 bis (p. 41 )

Amendement n° 29 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le secrétaire d'Etat, M. Jean-Luc Mélenchon. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Intitulé du chapitre VIII (réserve) (p. 42 )

Amendement n° 145 de la commission. - Réserve.

Article 11 (p. 43 )

MM. le rapporteur, Alain Vasselle.
MM. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales ; le président.

Suspension et reprise de la séance (p. 44 )

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD

Amendements n°s 30 de la commission et 130 de M. Fischer. - MM. le rapporteur, Guy Fischer, Mme le ministre, MM. Claude Domeizel, Philippe Nogrix. - Adoption de l'amendement n° 30, l'amendement n° 130 devenant sans objet.
Amendements identiques n°s 31 de la commission et 74 rectifié du Gouvernement. - M. le rapporteur, Mme le ministre, MM. Guy Fischer, le président de la commission. - Adoption de l'amendement n° 31, l'amendement n° 74 rectifié devenant sans objet.
Amendement n° 32 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Suppression de l'article à la suite de l'adoption des trois amendements n°s 30 à 32.

Article additionnel après l'article 11 (p. 45 )

Amendement n° 131 de M. Fischer. - Mme Marie-Claude Beaudeau, M. le rapporteur, Mme le ministre. - Rejet.

Article 11 bis (p. 46 )

Amendement n° 33 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre, M. Guy Fischer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, M. Jean Chérioux. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 12 (p. 47 )

Amendement n° 34 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 12 bis . - Adoption (p. 48 )

Article 12 ter (p. 49 )

Amendement n° 35 de la commission. - M. le rapporteur, Mmes le ministre, Marie-Madeleine Dieulangard, M. Jean Chérioux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 12 quater (p. 50 )

Amendement n° 36 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 12 quinquies (p. 51 )

Amendement n° 37 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 13 (p. 52 )

Amendement n° 38 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Intitulé du chapitre VIII (suite) (p. 53 )

Amendement n° 145 (précédemment réservé) de la commission. - Adoption de l'amendement rédigeant l'intitulé.

Article 14 (p. 54 )

Amendements identiques n°s 39 de la commission et 54 de M. Huriet ; amendement n° 55 de M. Franchis. - MM. le rapporteur, Philippe Nogrix, Mme le ministre. - Retrait de l'amendement n° 55 ; adoption des amendements n°s 39 et 54 supprimant l'article.

Article additionnel après l'article 14 (p. 55 )

Amendement n° 93 rectifié de M. Chérioux. - MM. Jean Chérioux, le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 15 (p. 56 )

M. Guy Fischer.
Amendements identiques n°s 132 de M. Fischer et 141 de M. Mélenchon ; amendement n°s 40 de la commission et 90 de Mme Dieulangard. - Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Jean-Luc Mélenchon, le rapporteur, Mmes Marie-Madeleine Dieulangard, le ministre. - Rejet des amendements n°s 132 et 141 ; adoption de l'amendement n° 40, l'amendement n° 90 devenant sans objet.
M. Jean-Luc Mélenchon.
Adoption de l'article modifié.

Article 15 bis (p. 57 )

Amendement n° 41 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Intitulé du chapitre X (réserve) (p. 58 )

Amendement n° 146 de la commission. - Réserve.

Article 16 (p. 59 )

Amendements n°s 42 de la commission et 133 à 135 de M. Fischer. - M. le rapporteur, Mmes Hélène Luc, Marie-Claude Beaudeau, le ministre, MM. Claude Domeizel, Jean Chérioux. - Adoption de l'amendement n° 42 supprimant l'article, les amendements n°s 133 à 135 devenant sans objet.

Intitulé du chapitre X (suite) (p. 60 )

Amendement n° 146 (précédemment réservé) de la commission. - Adoption de l'amendement supprimant l'intitulé.

Intitulé du chapitre XI (réserve) (p. 61 )

Amendement n° 147 de la commission. - Réserve.

Article 17 (p. 62 )

Amendements n°s 43 de la commission et 77 rectifié de M. Soucaret. - MM. le rapporteur, Jacques Bimbenet, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement n° 43 supprimant l'article, l'amendement n° 77 rectifié devenant sans objet.

Article additionnel après l'article 17 (p. 63 )

Amendement n° 143 du Gouvernement. - Mme le ministre, M. le rapporteur. - Rejet.

Article 18 (p. 64 )

Amendement n° 44 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 19 (p. 65 )

Amendement n° 45 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Intitulé du chapitre XI (suite) (p. 66 )

Amendement n° 147 (précédemment réservé) de la commission. - Adoption de l'amendement supprimant l'intitulé.

Article 20 (p. 67 )

Amendement n° 46 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Vote sur l'ensemble (p. 68 )

M. Emmanuel Hamel, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Alain Gournac, Guy Fischer, Jacques Bimbenet, Philippe Nogrix, le rapporteur, le président de la commission.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi.

11. Dépôt d'une proposition de loi constitutionnelle (p. 69 ).

12. Dépôt d'une proposition de loi organique (p. 70 ).

13. Dépôt d'une proposition de loi (p. 71 ).

14. Ordre du jour (p. 72 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

CANDIDATURE À UN ORGANISME
EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du conseil d'administration de la société nationale de programme Radio France internationale, en remplacement de M. Charles de Cuttoli, démissionnaire.
La commission des affaires culturelles a d'ores et déjà fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Jean-Paul Hugot pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

3

CANDIDATURE À UNE COMMISSION

M. le président. J'informe le Sénat que le groupe socialiste a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission des affaires culturelles en remplacement de M. Franck Sérusclat, démissionnaire de son mandat de sénateur.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.

4

RÉDUCTION NÉGOCIÉE
DU TEMPS DE TRAVAIL

Suite de la discussion
d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 22, 1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la réduction négociée du temps de travail. (Rapport n° 30 [1999-2000]).
Le Sénat a entamé, hier, l'examen de l'article 2, dont je rappelle les termes.

Article 2 (suite)



M. le président.
« Art. 2. _ I. _ Les cinq derniers alinéas de l'article L. 212-5 du code du travail deviennent les premier à cinquième alinéas de l'article L. 212-7-1 inséré après l'article L. 212-7.
« Au premier alinéa de l'article L. 212-7-1 du même code, les mots : "Toutefois, la" sont remplacés par le mot : "La".
« Au 2° de l'article L. 212-7-1 du même code, après les mots : "accord collectif étendu", sont insérés les mots : "ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement".
« Au cinquième alinéa de l'article L. 212-7-1 du même code, les mots : "du présent article et des articles" sont remplacés par les mots : "des articles L. 212-5," et les mots : "trente-neuf" par les mots : "trente-cinq".
« II. _ L'article L. 212-5 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 212-5 . _ Dans les établissements et professions assujettis à la réglementation de la durée du travail, les heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée hebdomadaire du travail fixée par l'article L. 212-1 ou de la durée considérée comme équivalente sont régies par les dispositions suivantes :
« I. _ Chacune des quatre premières heures supplémentaires effectuées dans les entreprises où la durée collective de travail est inférieure ou égale à la durée légale fixée par l'article L. 212-1, ou à la durée considérée comme équivalente, donne lieu à une bonification de 25 %.
« Dans les autres entreprises, chacune de ces quatre premières heures supplémentaires donne lieu à une bonification de 15 % et à une contribution de 10 %.
« Une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement détermine les modalités de la bonification qui peut donner lieu soit à l'attribution d'un repos, pris selon les modalités définies à l'article L. 212-5-1, soit au versement d'une majoration de salaire équivalente. A défaut de convention ou d'accord, la bonification est attribuée sous forme de repos.
« La contribution due par l'employeur est assise sur le salaire et l'ensemble des éléments complémentaires de rémunération versés en contrepartie directe du travail fourni.
« La contribution est recouvrée selon les règles et garanties définies à l'article L. 136-5 du code de la sécurité sociale pour le recouvrement de la contribution sociale sur les revenus d'activité.
« La contribution n'est pas due pour chacune des quatre premières heures supplémentaires lorsque le paiement d'une heure ainsi que sa bonification sont remplacés par 125 % de repos compensateur.
« II. _ Chacune des quatre heures supplémentaires effectuées au-delà de la quatrième donne lieu à une majoration de salaire de 25 %, et les heures suivantes, à une majoration de 50 %.
« III. _ Une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut, sans préjudice des dispositions de l'article L. 212-5-1, prévoir le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires, ainsi que des majorations prévues au II ci-dessus, par un repos compensateur équivalent.
« Dans les entreprises non assujetties à l'obligation visée par l'article L. 132-27, ce remplacement est subordonné, en l'absence de convention ou d'accord collectif étendu, à l'absence d'opposition, lorsqu'ils existent, du comité d'entreprise ou des délégués du personnel.
« La convention ou l'accord d'entreprise ou le texte soumis à l'avis du comité d'entreprise ou des délégués du personnel mentionné aux deux alinéas précédents peut adapter les conditions et les modalités d'attribution et de prise du repos compensateur à l'entreprise.
« Ne s'imputent pas sur le contingent annuel d'heures supplémentaires prévu à l'article L. 212-6 les heures supplémentaires donnant lieu à un repos équivalent à leur paiement et aux bonifications ou majorations y afférentes.
« Les heures supplémentaires se décomptent par semaine civile qui débute le lundi à 0 heure et se termine le dimanche à 24 heures. Toutefois, un accord d'entreprise peut prévoir que la semaine civile débute le dimanche à 0 heure et se termine le samedi à 24 heures. »
« III. _ Le produit de la contribution prévue au I de l'article L. 212-5 du code du travail et au I de l'article 992-2 du code rural est versé au fonds créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 2000 (n° du ) assurant la compensation de l'allégement des cotisations sociales défini par l'article L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale aux régimes concernés par cet allégement.
« IV. _ Les heures supplémentaires effectuées au-delà de trente-neuf heures hebdomadaires ou de la durée considérée comme équivalente dans les entreprises pour lesquelles la durée légale du travail est fixée à trente-cinq heures à compter du 1er janvier 2002 donnent lieu, jusqu'à cette date, à une majoration de salaire de 25 % pour les huit premières heures et de 50 % pour les suivantes et sont soumises aux dispositions du III de l'article L. 212-5 du code du travail.
« V. _ Pendant l'année 2000 pour les entreprises pour lesquelles la durée légale du travail est fixée à trente-cinq heures à compter du 1er janvier 2000 et pendant l'année 2002 pour les autres entreprises, chacune des quatre premières heures supplémentaires effectuées donne lieu :
« _ dans les entreprises où la durée collective de travail est inférieure ou égale à la durée légale fixée par l'article L. 212-1 du code du travail ou à la durée considérée comme équivalente, à la bonification prévue au premier alinéa du I de l'article L. 212-5 du même code au taux de 10 % ;
« _ dans les autres entreprises, à la contribution mentionnée au deuxième alinéa du I de l'article L. 212-5 du même code au taux de 10 %.
« VI. _ L'article L. 212-5-1 du code du travail est ainsi modifié :
« 1° A. Le deuxième alinéa est supprimé ;
« 1° La première phrase du quatrième alinéa est ainsi rédigée :
« Le repos peut être pris selon deux formules, la journée entière ou la demi-journée, à la convenance du salarié, en dehors d'une période définie par voie réglementaire. » ;
« 2° La deuxième phrase du quatrième alinéa est supprimée ;
« 3° Au cinquième alinéa, après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut fixer un délai supérieur, dans la limite de six mois. »
« VII. _ L'article L. 212-6 du même code est ainsi modifié :
« 1° Le premier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Ce contingent est réduit lorsque la durée hebdomadaire de travail varie dans les conditions prévues par une convention ou un accord collectif définis à l'article L. 212-8. Toutefois, cette réduction n'est pas applicable lorsque la convention ou l'accord collectif prévoit une variation de la durée hebdomadaire de travail dans les limites de trente et une et trente-neuf heures ou un nombre d'heures au-delà de la durée légale hebdomadaire inférieur ou égal à soixante-dix heures par an. » ;
« 2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Sans préjudice des dispositions du premier et du deuxième alinéas de l'article L. 212-5-1, le contingent d'heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l'inspecteur du travail peut être fixé, par une convention ou un accord collectif étendu, à un volume supérieur ou inférieur à celui déterminé par le décret prévu au premier alinéa. » ;
« 3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour le calcul du contingent fixé par le décret prévu au premier alinéa et du contingent mentionné au deuxième alinéa, sont prises en compte les heures effectuées au-delà de trente-cinq heures par semaine. »
« VIII. _ Le seuil défini au troisième alinéa de l'article L. 212-6 du code du travail est fixé à trente-sept heures pour l'année 2000 et à trente-six heures pour l'année 2001. Lorsque l'entreprise fait application d'une convention ou d'un accord mentionné à l'article L. 212-8 du même code, ce seuil est fixé respectivement pour les années 2000 et 2001 à 1 690 et 1 645 heures. Pour les entreprises pour lesquelles la durée légale du travail est fixée à trente-cinq heures à compter du 1er janvier 2002, ces seuils sont applicables respectivement en 2002 et en 2003. »
« IX. _ A la première phrase de l'article L. 212-2 du code du travail, le mot : "précédent" est remplacé par la référence : "L. 212-1".
« Au deuxième alinéa de l'article L. 620-2 du même code, la référence à l'article L. 212-5 est remplacée par celle à l'article L. 212-7-1 et les mots : "le programme indicatif de la modulation mentionnée au 4° de l'article L. 212-8-4" sont remplacés par les mots : "le programme de la modulation mentionné au septième alinéa de l'article L. 212-8". »
Sur cet article, je suis saisi de quinze amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 10 est présenté par M. Souvet, au nom de la commission.
L'amendement n° 50 est déposé par M. Arnaud et les membres du groupe de l'Union centriste.
Tous tendent à supprimer l'article 2.
Les trois amendements suivants sont présentés par M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 95 a pour objet de supprimer l'avant-dernier alinéa du I de l'article 2.
L'amendement n° 96 vise à rédiger comme suit le troisième alinéa du II de l'article 2 :
« I. - Chacune des huit premières heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale du travail fixée par l'article L. 212-1 du présent code donne lieu à une majoration de salaire de 25 %. »
L'amendement n° 97 tend à supprimer les quatrième à huitième alinéas du II de l'article 2.
Par amendement n° 81, Mmes Dieulangard, Printz, Pourtaud, MM. Domeizel, Cazeau, Weber, Mélenchon, Lagauche et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de supprimer la dernière phrase du troisième alinéa du paragraphe I du texte proposé par le II de l'article 2 pour l'article L. 212-5 du code du travail.
Les neuf amendements suivants sont présentés par M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 98 a pour objet de rédiger comme suit le neuvième alinéa du II de l'article 2 :
« II. - Chacune des heures suivantes donne lieu à une majoration de 50 %. »
L'amendement n° 99 vise à supprimer l'avant-dernier alinéa du II de l'article 2.
L'amendement n° 100 tend à supprimer le III de l'article 2.
L'amendement n° 101 a pour but de supprimer le V de l'article 2.
L'amendement n° 103 a pour objet de supprimer les deuxième et troisième alinéas du VII de l'article 2.
L'amendement n° 102 vise à remplacer le deuxième alinéa du VII de l'article 2 par deux alinéas ainsi rédigés :
« 1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le contingent d'heures supplémentaires, pouvant être effectué après information de l'inspecteur du travail, est fixé à 100 heures par an et par salarié. »
L'amendement n° 104 tend, dans le second alinéa du 2° du VII de l'article 2, à supprimer les mots : « par le décret prévu ».
L'amendement n° 105 a pour but, dans le second alinéa du 3° du VII de l'article 2, de supprimer les mots : « par le décret prévu ».
Enfin, l'amendement n° 106 vise à supprimer le VIII de l'article 2.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 10.
M. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales. L'article 2 modifie le régime des heures supplémentaires dans le cadre de l'abaissement de la durée légale du travail. Il prévoit un régime transitoire de deux ans et une distinction entre les entreprises, selon qu'elles auront ou non signé un accord de réduction du temps de travail.
Le système proposé est très complexe, puisqu'un salarié serait privé d'une partie de sa majoration pour heures supplémentaires si l'entreprise ne réduit pas son temps de travail, cette bonification prenant alors la forme d'une contribution à un fonds chargé de financer des allégements de cotisations sociales au profit des entreprises ayant réduit le temps de travail.
Cet article 2 est une conséquence directe de l'article 1er, qui fixe le principe de l'abaissement de la durée légale du travail.
Votre commission propose donc de supprimer cet article, devenu inutile du fait de la suppression de l'article 1er.
M. le président. La parole est à M. Arnaud, pour présenter l'amendement n° 50.
M. Philippe Arnaud. M. le rapporteur vient d'expliquer les motifs qui nous ont conduits à présenter cet amendement de suppression : excessive complexité et inégalité de traitement créée entre les salariés. Il y a donc là une véritable injustice, qui justifie la demande de suppression de l'article 2.
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour défendre les amendements n°s 95, 96 et 97.
M. Guy Fischer. Hier, nous nous sommes largement expliqués sur l'article 2. Notre position de fond est connue. Selon nous, certaines dispositions de cet article pourraient aller à l'encontre de la création d'emplois, ce qui, compte tenu des objectifs affichés par le texte, nous conduits à nous interroger.
Cet article 2, qui est la conséquence de l'adoption de l'article 1er, est complexe et il introduit certaines discriminations. Certes, la commission propose de le supprimer. Pour notre part, nous avons déposé une série d'amendements qui concernent la structure du dispositif retenu et qui sont la traduction de nos interrogations.
J'indique d'ores et déjà que nous nous abstiendrons lors du vote sur cet article.
Parfois, nos positions et celles de la majorité de la commission peuvent paraître similaires. Hier, M. Vasselle s'est d'ailleurs engouffré dans cette voie en parlant d'analyse commune ou de convergence de vues. Je dénie ce jugement. (M. Alain Vasselle s'exclame.) En effet, nous sommes totalement opposés sur l'ensemble du texte, tel qu'il est dénaturé par la commission. Que les choses soient claires !
M. Jean Chérioux. La commission a sa logique !
M. Guy Fischer. Puisque nous nous sommes déjà largement expliqués, j'exposerai simplement l'objet de nos amendements, sans développer les interventions que nous avions préparées.
Il n'est pas souhaitable de favoriser l'extension du travail par cycle. Aussi, nous proposons, par l'amendement n° 95, de supprimer les dispositions autorisant ce type d'organisation grâce à de simples accords d'entreprise ou d'établissement, et de maintenir l'organisation du cycle au niveau de la branche, comme le droit existant le prévoit.
L'amendement n° 96 reprend la législation actuelle en matière de majoration des heures supplémentaires.
Quant à l'amendement n° 97, il vise à supprimer la contribution de 10 % sur les quatre premières heures supplémentaires dans les entreprises ayant une durée collective de travail supérieure à la nouvelle durée légale.
M. le président. La parole est à M. Domeizel, pour défendre l'amendement n° 81.
M. Claude Domeizel. La disposition visée par notre amendement précise qu'à défaut de convention ou d'accord la bonification est attribuée sous forme de repos.
Je voudrais tout d'abord préciser que nous comprenons parfaitement la philosophie générale qui préside à la modification du régime des heures supplémentaires. L'objectif est effectivement de faire en sorte que le repos compensateur devienne la norme, de préférence à la majoration de salaire. C'est, en principe, favorable à l'emploi, puisque le salarié a moins d'intérêt pécuniaire à effectuer des heures supplémentaires.
Je vais m'efforcer d'exposer avec clarté au Sénat le point qui n'emporte pas pleinement notre adhésion. Une entreprise pourra avoir une durée collective du travail inférieure ou égale à 35 heures, auquel cas les salariés qui effectueront des heures supplémentaires auront droit sur celles-ci à 25 % de bonification. Si une entreprise a une durée du travail collective supérieure à 35 heures, les salariés n'auront, sur leurs heures supplémentaires, qu'une bonification de 15 %, les 10 % restants allant à un fonds.
La bonification, qu'elle soit de 25 % ou de 15 %, peut être accordée sous forme de majoration de salaire ou de repos. La phrase que l'amendement n° 81 tend à supprimer précise qu'en cas d'absence d'accord - c'est ce qui est important - ces 25 % ou ces 15 % seront automatiquement attribués sous forme de repos. Tel est, madame la ministre, le point qui nous gêne, et ce d'autant plus qu'il existe pour l'employeur une possibilité de ne pas régler les 10 % de contribution, qui avaient pour but de le pénaliser, si le paiement des heures supplémentaires est remplacé par un repos équivalent - ce serait le cas - et que la bonification est attribuée sous forme de jours de repos. C'est ce qui est prévu pour les quatre premières heures supplémentaires, au sixième alinéa du paragraphe I de l'article L. 212-5.
Après examen de ces différentes dispositions, il nous apparaît que l'employeur peut donc, par l'attribution du repos, contourner à la fois le paiement des heures supplémentaires et, pour le cas où la durée collective est supérieure à 35 heures, celui de la contribution au fonds. Nous craignons même que cette disposition ne puisse entraîner certains employeurs à s'interroger sur leur intérêt à signer un accord, voire à diminuer le nombre d'heures supplémentaires.
L'analyse de l'article 2 montre assez bien ce que les employeurs peuvent gagner éventuellement en flexibilité et ce qu'ils peuvent éviter de payer aussi bien à leurs salariés qu'au fonds pour l'emploi ; mais il faut aussi craindre que les salariés ne soient finalement les seuls pénalisés par l'absence d'accord. Tel n'est évidemment pas l'objectif de la réduction du temps de travail. Tel n'est en tout cas pas du tout ce qu'en attendent les salariés.
Une longue pratique de la vie de salarié et de la négociation syndicale nous amène donc à proposer la suppression de la phrase à laquelle j'ai fait allusion. Quelle que soit la volonté de dissuader les salariés de réaliser des heures supplémentaires, qui viennent d'ailleurs trop souvent pallier l'insuffisance des salaires, il convient de ne pas faire d'eux les instruments de la réduction du temps de travail, mais de les faire participer pleinement à ce processus.
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour défendre les amendements n°s 98 à 106.
M. Guy Fischer. L'amendement n° 98 est un texte de cohérence, qui vise à ce que chacune des heures supplémentaires donne lieu à une majoration de 50 %.
L'amendement n° 99 tend à supprimer la possibilité de ne pas imputer sur le contingent annuel des heures supplémentaires les heures faisant l'objet d'un remplacement par un repos compensateur, car cette disposition est défavorable à l'emploi.
L'amendement n° 100 a pour objet de supprimer l'affectation au fonds de financement des 35 heures du produit de la contribution sur les heures supplémentaires. En effet, nous considérons que la totalité de la majoration appliquée aux heures supplémentaires doit aller aux salariés.
L'amendement n° 101 vise à supprimer la période d'adaptation durant laquelle les majorations d'heures supplémentaires seront minorées. C'est un point sur lequel nous nous sommes déjà exprimés.
L'amendement n° 103 tend à interdire le cumul des heures supplémentaires avec la modulation du temps de travail.
Quant à l'amendement n° 102, il a pour objet d'inscrire dans la loi le niveau du contingent annuel d'heures supplémentaires réduit à 100 heures dans l'année.
Les amendements n°s 104 et 105 sont des textes de cohérence.
Enfin, l'amendement n° 106 vise à supprimer toute période transitoire pour le déclenchement du seuil des heures supplémentaires devant s'imputer sur le contingent annuel. Nous considérons en effet que la loi doit s'appliquer pleinement dès le 1er janvier 2000.
Nous avons fait, avec ces amendements, un très gros effort. Comme tout le monde l'a compris, notre démarche vise à éclairer le débat. Nous aurons encore l'occasion de développer nos arguments à l'article 5. Mais n'anticipons pas !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 50, 81 et 95 à 106 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Sur l'ensemble de ces amendements, je voudrais faire une déclaration d'ordre général dont j'aimerais que Mme le ministre me donne acte.
Ce Sénat réactionnaire que nous représentons, paraît-il,..
M. Jean-Luc Mélenchon. Je visais la majorité sénatoriale !
M. Louis Souvet, rapporteur. ... de ce côté-ci de l'hémicycle (M. le rapporteur désigne la droite de l'hémicycle) , comme l'a dit mon collègue et néanmoins ami M. Mélenchon - nous nous connaissons quand même depuis quelque temps déjà, et nous avons de bonnes raisons à cela : la Franche-Comté et la ville de Besançon lui rappellent en effet quelque chose - ce Sénat, disais-je, qui souhaite supprimer l'article 2, se voit critiqué de toutes parts et voué aux gémonies.
Or, je constate, mes chers collègues, que, si les autres amendements en discussion ne suppriment pas l'article, ils le grignotent néanmoins progressivement : l'amendement n° 95 tend à supprimer l'avant-dernier alinéa du I de l'article ; l'amendement n° 96 vise à reprendre la législation actuelle et non pas celle qui est proposée ; l'amendement n° 97 vise à supprimer la contribution de 10 % ; M. Domeizel, coauteur de l'amendement n° 81, vient de demander la suppression de la dernière phrase du troisième alinéa du paragraphe I du texte proposé par le II de l'article 2 pour l'article L. 212-5 du code du travail.
M. Claude Domeizel. Une seule phrase !
M. Louis Souvet, rapporteur. L'amendement n° 98, en présentant une nouvelle rédaction du neuvième alinéa du II de l'article 2, vise à supprimer le dispositif proposé par le Gouvernement et retenu par l'Assemblée nationale ; l'amendement n° 99 a pour objet de supprimer l'avant-dernier alinéa du II de l'article.
M. Alain Gournac. Tiens, tiens !
M. Louis Souvet, rapporteur. Voulez-vous que je continue ? Il en est ainsi jusqu'au bout de la liasse ! Dites-moi ce qui restera de cet article quand auront disparu toutes les dispositions que vous souhaitez supprimer ? (M. Alain Gournac s'exclame.)
Alors, ayons la franchise de nos propos et disons dans certains cas que nous ne sommes pas d'accord ! Je ne pense pas que l'on puisse me donner tort. Et si vous n'êtes pas convaincus par ma démonstration, mes chers collègues, je peux encore prendre l'exemple de l'amendement n° 101, qui vise à supprimer le V de l'article, celui de l'amendement n° 103, qui vise à supprimer les deuxième et troisième alinéas du VII de l'article, et je peux continuer : toute la liasse est ainsi faite !
Il est bien évident que chacun doit prendre ses responsabilités.
Monsieur le président, pour ma part, je dirai simplement que, si les deux amendements de suppression de l'article 2 sont adoptés, tous les autres amendements, qui sont bien évidemment contraires les uns comme les autres à l'option retenue par la commission, deviendront alors sans objet.
M. le président. Je vous remercie de me simplifier la tâche, monsieur le rapporteur ; j'y suis très sensible ! (Sourires.)
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces différents amendements ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, peut-être vous a-t-on traité de « réactionnaire ». Moi, j'ai été traitée hier de « collectiviste » ! Alors, vous savez... (Sourires.)
M. Louis Souvet, rapporteur. Le mal de l'un ne guérit pas celui de l'autre !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Oh ! Cela ne me fait pas mal ! Cela me fait à peine sourire. Il vaut mieux d'ailleurs, car, en démocratie, si l'on devait prêter attention à tout - vous êtes bien placé pour le savoir - on aurait souvent mal !
M. Philippe Nogrix. Il faut se faire une carapace !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Oui ! il faut bien, au bout d'un certain temps ! Ce n'est pas pour autant, d'ailleurs, que j'apprécie ce type de débat. Je préfère de beaucoup que nous parlions du fond, comme nous l'avons fait hier après-midi.
S'agissant de l'amendement n° 10, qui vise à la suppression de l'article, je n'ai pas grand-chose à ajouter à ce qui a été dit hier. Cet amendement est logique : à partir du moment où le Sénat a supprimé la durée légale de 35 heures, il souhaite, bien entendu, supprimer les heures supplémentaires qui vont au-delà. Je suis donc bien évidemment défavorable à cet amendement n° 10, comme à l'amendement n° 50, qui est identique.
J'en viens à l'amendement n° 95 : monsieur Fischer, le travail par cycle est beaucoup plus favorable aux salariés que la modulation, car, dans le cycle, l'organisation du temps de travail se reproduit à l'identique tout au long de l'année : tous les dix jours, vingt jours ou trente jours, le cycle reprend. Le salarié connaît donc exactement ses horaires ; il dispose d'un calendrier dès le début de l'année. Il n'y a aucune variabilité et aucune contrainte pour le salarié, ce qui n'est pas le cas de la modulation.
Par conséquent, il me paraît tout à fait souhaitable que ce cycle, qui est moins précarisant et plus protecteur pour le salarié que d'autres formes reconnues depuis longtemps dans le code du travail, qui n'est jamais soumis à des variations et qui est d'ailleurs largement pratiqué, puisse être inscrit dans le code du travail.
L'amendement n° 96 vise à remplacer la bonification des heures supplémentaires par la majoration prévue pour les heures au-delà de 39 heures. Le projet de loi prévoit de laisser les négociateurs choisir entre la bonification en temps et la bonification en argent. Ce n'est qu'en l'absence de choix - il fallait bien une règle d'ordre public - que cette bonification de 25 % prend la forme du repos.
Ce point a fait l'objet d'un débat approfondi avec les organisations syndicales, et je salue leur choix. C'était l'un des points sur lesquels j'avais le plus de doute lors de la préparation de cette loi. Il n'était en effet pas évident d'aller expliquer à des salariés que, faute d'autre accord, il était préférable que la bonification pour les heures supplémentaires soit accordée sous forme de repos plutôt que sous forme d'argent. Les organisations syndicales, dans leur grande majorité, ont fait le choix de l'emploi : nous savons bien, en effet, que le repos compensateur est plus créateur d'emplois que les heures supplémentaires. C'est un choix dont je me réjouis et qui nous a conduits à inscrire cette disposition dans le projet de loi.
L'amendement n° 97 vise à supprimer la contribution de 10 % extériorisant une partie de la rémunération. Je tiens à préciser ici, particulièrement à l'intention de M. le rapporteur, qui a prétendu le contraire, que le salarié ne voit pas sa rémunération baisser. Le salarié qui, dans l'année de transition, reste à 39 heures continue à être payé 39 heures.
Très franchement, je crois que rien ne justifie que quelqu'un dont la durée de travail reste de 39 heures voie sa rémunération augmenter de 10 % ou de 25 %. Je crois que nous avons intérêt à ce que chacun, chef d'entreprise comme entreprise, dans cette année de transition, négocie et réduise la durée du travail.
En revanche, nous savons que les heures supplémentaires sont contraires à l'emploi, et il me paraît souhaitable que les entreprises qui n'ont pas déjà négocié ou qui tardent à le faire soient taxées pendant cette année de transition pour contribuer à l'emploi. Nous avions prévu au départ de mettre le produit de cette taxation dans la réserve des charges sociales, mais nous allons l'utiliser directement, devant le refus des partenaires de l'UNEDIC de financer la baisse des charges sociales. C'est simplement une contribution demandée aux entreprises qui font le choix des heures supplémentaires et non celui de la réduction de la durée du travail.
S'agissant de l'amendement n° 81, je voudrais rassurer Mme Dieulangard et M. Domeizel. Sans doute la finalité de l'article n'est-elle pas aisée à percevoir à la première lecture dans la mesure où cet article fait référence à d'autres textes. Il est prévu essentiellement que la bonification de 10 % sera due par les entreprises qui, pendant cette année de transition, conservent une durée légale de travail supérieure à 35 heures, sauf si elles accordent d'elles-mêmes un repos compensateur de 25 % à leurs salariés, c'est-à-dire si elles remplacent déjà les heures supplémentaires par un repos compensateur de 25 %, à la fois plus élevé en termes de niveau et, surtout, créateur d'emplois. C'est à cette seule condition qu'elles ne paient pas la contribution. Peut-être cet amendement résulte-t-il donc d'une incompréhension.
J'en viens enfin à l'amendement n° 98. Je voudrais dire aux membres du groupe communiste républicain et citoyen que l'ensemble des groupes de la majorité de l'Assemblée nationale, ont voté la disposition portant la majoration de 50 % à partir de la quarante-quatrième heure. Cette majoration de 50 %, qui s'appliquait auparavant par rapport à la quarante-huitième heure, s'appliquera désormais à partir de la quarante-quatrième heure, en fonction de la baisse de la durée légale du travail de 39 à 35 heures. Mais l'amendement n° 98 est en cohérence avec les amendements présentés précédemment par le groupe communiste républicain et citoyen.
Telles sont, monsieur le président, les raisons pour lesquelles je ne suis pas favorable à ces divers amendements.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 10 et 50.
M. Alain Gournac. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Je veux d'abord remercier M. le rapporteur, qui nous a expliqué que, pour s'opposer à un article, nous avions plusieurs possibilités : le grignoter petit à petit, ou le faire de façon franche. Nous avons choisi cette dernière voie, afin d'exprimer clairement notre désaccord.
Nous avons déjà expliqué longuement les raisons de notre opposition à cet article.
Parmi les raisons de notre soutien à l'amendement de la commission des affaires sociales tendant à supprimer l'article 2 figurent les ajouts de la majorité plurielle à l'Assemblée nationale, car ils sont au moins aussi choquants que le texte lui-même.
Le déclenchement d'une majoration des heures supplémentaires de 50 % à partir de la huitième heure est une aberration. Le caractère mécanique de cette disposition est profondément injuste.
Parce que vous souhaitez abaisser la durée légale du travail de quatre heures, il vous semble logique d'abaisser également de quatre heures le déclenchement de cette majoration. Encore une fois, cela ne tient absolument pas compte de la réalité de nos entreprises.
Le déclenchement d'une majoration de 50 % à partir de la quarante-troisième heure, au lieu de la quarante-septième comme c'est le cas actuellement, provoquera un surcoût de dépenses salariales souvent insurmontable pour des entreprises qui sont aujourd'hui dans une situation difficile.
Avec cette disposition, c'est encore un coup dur que vous portez à notre économie.
Enfin, un autre amendement de complaisance adopté en première lecture à l'Assemblée nationale prévoit de limiter à six mois le délai de déclenchement de la prise de repos compensateur au lieu des douze mois actuellement en vigueur.
Là encore, c'est un signe de méconnaissance totale de la réalité sociale de nos entreprises et de leurs cycles de travail.
Une période de douze mois, donc annuelle, permet de prendre ces repos compensateurs dans les moments les plus propices à ne pas porter atteinte à la productivité de l'entreprise, puisque ces repos peuvent être pris dans les périodes de creux de l'activité.
Pour ces raisons et pour toutes celles que nous avons évoquées lors de la discussion générale, le groupe du Rassemblement pour la République votera avec la commission pour la suppression de cet article, parce qu'il est inapplicable, parce qu'il est profondément injuste et parce qu'il fait fi de la négociation sociale.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le rapporteur, je vous remercie tout d'abord de vos aimables propos sur notre communauté d'affection franc-comtoise. (M. le rapporteur sourit.)
A le survoler, l'amendement de suppression qui nous est proposé montre que la majorité sénatoriale et la commission font clairement connaître leur opposition à la réduction du temps de travail à 35 heures par la loi. C'est un amendement qui s'inscrit dans la cohérence d'une pensée politique.
Toutefois, à l'écoute des propos tenus par les uns et par les autres, on comprend qu'il ne s'agit pas de cela, mais du contenu même d'un article qui couvre un très vaste champ d'application et qui touche à des questions tout à fait essentielles par rapport à l'objectif que se donne cette loi.
Je crois que, en définitive, nous partageons tous, dans cet hémicycle, l'objectif politique : avec la réduction du temps de travail, quelles que soient nos divergences sur l'ampleur de cette réduction et sur ses modalités d'application, nous cherchons à obtenir une répercussion qui, si elle n'est pas mécanique, est néanmoins potentiellement très forte, sur le nombre des emplois nécessaires pour accomplir la même masse d'actes productifs.
Nous appelons cela répercuter sur le salariat une partie des gains de productivité. Je ne sais pas comment vous appelez cela de votre côté !
Cet article 2 peut sans doute légitimement faire l'objet de discussions, mais les critiques que je viens d'entendre à l'instant, qui étaient très précises, portent sur l'essentiel du mécanisme tendant à bloquer l'effet d'expansion des heures supplémentaires et du repos compensateur pour obliger à créer de l'emploi.
Là, je suis obligé de vous dire que nous divergeons vraiment sur le fond, pour deux raisons.
La première, c'est que je ne crois pas que ces matières doivent être renvoyées exclusivement à la négociation, comme vous le soutenez. Il y a là matière à mettre en place de l'ordre public social ! Que l'on négocie ensuite sur les manières de mettre en oeuvre cet ordre public, c'est-à-dire de l'améliorer, oui ! Mais qu'on ne renvoie pas au gré à gré la possibilité de discuter la durée du temps de travail et de la manière dont on rattrapera la fatigue. Sur ce principe, nous sommes profondément en désaccord, et cela justifie que nous combattions la suppression de l'article.
La seconde raison de notre opposition, c'est qu'il faut prendre conscience que le recours aux heures supplémentaires représente - c'est un équivalent, ce n'est qu'une image, cela ne se répercuterait pas certes directement - plus de 600 000 emplois en valeur « temps de travail ».
Bien sûr, si l'on supprimait toutes les heures supplémentaires, cela poserait deux problèmes. En effet, d'une part, il ne faut pas oublier le complément de ressources que cela procure à ceux qui les font - parce qu'ils ne les font pas pour le plaisir ! - et, d'autre part, on ne retrouverait pas mécaniquement 600 00 emplois, tout le monde le sait bien. Mais, dans une pareille amplitude, il y a quand même de quoi prendre en emplois nouveaux !
Sans supprimer les heures supplémentaires, il me paraît nécessaire de les réglementer et de faire en sorte qu'elles ne connaissent pas une expansion. C'est une question tout à fait essentielle !
Est-ce présupposer un égoïsme excessif des chefs d'entreprise que de dire que l'heure supplémentaire est tout de même souvent, par rapport à la création d'emplois, un remède assez confortable et que nous avons donc intérêt à prendre des précautions ?
S'agissant du repos compensateur, je n'entrerai pas dans le détail, car bien des aspects pourraient être évoqués à ce sujet.
Néanmoins, notre collègue M. Gournac, dans la cohérence de son argumentation - et elle est non seulement cohérente mais pertinente de son point de vue - n'a pas pu manquer, à un moment, de dire quelque chose dont je suis sûr qu'il va se le reprocher une fois que je me serai exprimé : « Vous méconnaissez, a-t-il dit, le fait qu'il faut pouvoir prendre les repos aux moments les plus propices des exigences de la production ».
Or, il se trouve que nous n'avons qu'une vie, que les journées n'ont que vingt-quatre heures et qu'il est tout à fait improbable que l'on puisse se reposer en août d'une nuit blanche passée en décembre. Ce n'est pas possible, aucun organisme humain n'est capable de faire voyager sa fatigue dans le temps. Nous avons besoin du repos compensateur qui, précisément, porte bien son nom : c'est un repos destiné à compenser un surcroît d'effort.
Mes chers collègues, je suis persuadé que vous y réfléchirez et que vous serez vite d'accord avec moi.
M. Alain Gournac. Non !
M. Jean-Luc Mélenchon. Quand on réduit la période pendant laquelle ce repos peut être pris, on rend finalement un service humain. A cet argument à mes yeux tout à fait suffisant, il faut d'ailleurs en ajouter un autre, qui est l'efficacité économique : quelqu'un qui est en bonne santé et qui est bien reposé est plus productif le reste du temps que quelqu'un qui, épuisé, vient en maugréant à son travail.
M. Philippe Adnot. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot. Je vais, bien sûr, soutenir l'amendement de la commission, et ce pour une seule et unique raison qui est assez fondamentale : je crois, moi, que les heures supplémentaires sont créatrices d'emplois.
L'entreprise qui gagne des emplois, aujourd'hui, c'est l'entreprise qui gagne des parts de marchés. Or, pour gagner des parts de marché, il faut qu'à un moment donné elle soit en position de réactivité, qu'elle dispose de gens formés. Ces parts de marché seront assurées, au début, grâce aux heures supplémentaires, mais elles permettront ensuite de créer des emplois quand les parts de marchés seront consolidées. En faisant l'inverse, on ne peut gagner aucune part de marché, et on ne peut donc pas créer d'emplois. C'est fondamental !
Votre analyse, à vous, c'est que les heures supplémentaires nuisent à l'emploi. Nous pensons, nous, que les heures supplémentaires sont favorables au développement de l'emploi.
Cela étant, puisque la mode est aux fusions, je souhaite poser une question à Mme le ministre.
Si les entreprises qui appliquent les 35 heures ne sont pas assujetties à la taxation de 10 %, les autres le sont. En cas de fusion entre une entreprise soumise au premier de ces régimes et une autre, relevant, elle, du second, comment seront calculées les heures ?
M. Philippe Nogrix. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Le groupe centriste soutient, bien sûr, l'amendement présenté par la commission.
Qu'il me soit cependant permis de dire que, pour avoir participé à la totalité des débats, je commence à en avoir assez, car je pense que nous passons complètement à côté de la véritable discussion, de la discussion sur le fond que souhaite Mme le ministre.
Monsieur Mélenchon, la vraie question, c'est que le seul moment où l'on produit de la valeur ajoutée qui permet de faire avancer la société, c'est pendant le temps de travail. Or, dans nos entreprises, que ce soient les dirigeants - ceux que vous appelez les patrons - ou les collaborateurs, - ceux que vous appelez les ouvriers - tout le monde est dans la même barque et poursuit le même objectif.
C'est vraiment être rétrograde et se tourner vers le passé que de dire tout ce que vous avez dit à propos de notre supposée conception de l'entreprise !
Pour nous, l'entreprise est une entité globale dans laquelle chacun essaie de produire de la valeur ajoutée. Puis on répartit cette dernière non seulement dans les salaires ou dans l'amélioration des conditions de travail, mais aussi dans la prévision en réalisant des provisions pour investissement, car, aujourd'hui, une entreprise qui n'investit pas est une entreprise qui meurt.
Je suis ingénieur chimiste et, à ce titre, je peux vous dire que la nouvelle taxe générale sur les activités polluantes, créée pour financer les 35 heures, représente 20 % de la capacité d'investissement de l'industrie chimique ! Quel risque d'appauvrissement, et peut-être de disparition à terme !
Je veux bien que l'on fasse miroiter aux Français, comme Mme Aubry l'a fait, qu'ils travailleront moins. Mais, ce qui m'intéresse, c'est de savoir pendant combien de temps, avec quelles entreprises et avec quelles équipes.
A qui allez-vous dire, messieurs, que vous allez diminuer le temps de travail, mais geler ensuite les salaires ? A qui allez-vous dire, messieurs, que vous allez diminuer le temps de travail, mais supprimer dans le même temps les heures supplémentaires ? (Mme le ministre proteste.)
De plus, on dit aux Français que cela ne coûtera pas cher, que les entreprises pourront sûrement gagner de la productivité. Mais, demain, quand on va appliquer les 35 heures dans le secteur public, qui va payer ? Celui dont on aura gelé le salaire ? Parce qu'il faudra bien augmenter la masse fiscale de 8 % à 10 % pour financer ces mesures ! Et combien coûteront les heures supplémentaires dans le secteur public, notamment dans le secteur médico-social ?
Non ! Il faut recentrer le débat sur son véritable objet : quelle est la valeur du travail ? Jusqu'où peut-on diminuer le temps de travail ? Mais faire miroiter aux Français que c'est en diminuant le temps de travail que l'on va augmenter la richesse nationale, je ne peux pas l'admettre.
Par ailleurs, le climat dans les entreprises est essentiel. Il faut savoir où l'on va ! C'est ainsi que, depuis une dizaine d'années, dans une grande majorité d'entreprises, on a élaboré ce que l'on a appelé des projets d'entreprise. Elaborer de tels projets, cela signifie que l'on est partenaires, quelle que soit sa place dans l'entreprise ; et, être partenaires, cela veut dire qu'on se respecte, qu'on se comprend, qu'on se fait confiance. Or, depuis quelques mois j'ai l'impression que, dans beaucoup de ces entreprises, on est en train de rétablir la lutte des classes (Mme Borvo rit) , de remonter le patronat contre les ouvriers, alors que de telles mentalités avaient disparu.
M. Guy Fischer. Bien sûr !
M. Philippe Nogrix. Alors que nous nous battons pour un projet économique, un projet de développement, un projet d'investissement, un projet d'innovation, une société moderne et mondialisée, nous nous enfermons actuellement dans notre exception française, dont Mme Aubry est fière.
Dans ces conditions, je ne veux pas vous traiter de « ringards », encore que je le pense, car vous nous ramenez en arrière, mais je tiens à vous dire que vous êtes certainement des apprentis sorciers. Méfiance !
M. Jean Arthuis. Bravo !
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Permettez-moi de dire en préambule - ce sera ma première considération - que cet article 2, comme l'article 1er, est assez révélateur de notre opposition de fond sur l'objectif visé par le Gouvernement concernant les effets à attendre de la réduction du temps de travail.
J'ignore si M. Mélenchon traduisait tout à l'heure le sentiment profond de la majorité plurielle et du Gouvernement,...
M. Jean-Luc Mélenchon. Ce n'est pas mon rôle !
M. Alain Vasselle. ... mais il a souligné que l'objectif du Gouvernement, ou tout du moins celui de la majorité, était de nature politique. Dois-je en déduire qu'il ne s'agit pas d'un objectif économique ?
Or, c'est peut-être l'un des éléments qui fondent ce qui nous sépare. En effet, notre approche est à la fois économique et politique, mais elle est d'abord économique, dans l'optique non pas tant de permettre à l'entreprise d'amasser les gains de productivité ou les bénéfices sans les partager avec l'ensemble des salariés que d'instaurer les conditions rendant possible une amélioration de la compétitivité de cette entreprise, ce qui amènera son développement et donc des créations d'emplois. Ce raisonnement est valable pour toutes les entreprises, à l'exception de celles dont l'activité dégage une très forte valeur ajoutée ou fait appel à des technologies très avancées, sans recourir à une main-d'oeuvre nombreuse.
Quoi qu'il en soit, cette divergence entre nous alimente le grand débat de société opposant, en France, la pensée de gauche et la pensée de droite. Notre approche est en effet tout à fait différente sur les plans politique, idéologique et philosophique, mais surtout économique, celui qui doit surtout retenir notre attention. Nous ne pensons pas que la réduction à trente-cinq heures du temps de travail soit la solution, la panacée qui permettra de régler le problème du chômage.
A cet égard - et ce sera ma deuxième considération - la mise en oeuvre des dispositions prévues par cet article entraînera un double effet négatif.
Le premier d'entre eux a été souligné par MM. Gournac, Adnot et Nogrix, qui ont démontré, par leurs exemples concrets fondés sur l'expérience, comment l'entreprise serait pénalisée par les mesures prévues à l'article 2.
Le second effet négatif, comme je l'ai indiqué lors de ma prise de parole sur l'article, c'est que le salarié lui-même sera pénalisé par le dispositif. Comment peut-on admettre qu'un Gouvernement qui affirme avoir le souci de la justice sociale et du dialogue entre les partenaires de l'entreprise crée des conditions qui perturberont ou même pourriront celui-ci ?
En effet, l'application des mesures prévues à l'article 2 implique que les heures supplémentaires effectuées par les salariés des entreprises où la durée du travail n'aura pas été réduite à 35 heures seront rémunérées avec une majoration non pas de 25 %, mais de 15 %, les 10 % restants devant alimenter un fonds destiné à financer le passage aux 35 heures ! Ces salariés seront donc désavantagés par rapport à leurs collègues travaillant dans des entreprises ayant signé un accord sur les 35 heures, où la rémunération des heures supplémentaires sera majorée au taux plein de 25 %.
Dès lors, où est la justice sociale et où sont les conditions favorables au dialogue entre les salariés et l'entreprise ? Vous allez au contraire créer, madame le ministre, des difficultés au sein de l'entreprise, car on peut s'attendre à des mouvements sociaux provoqués par les salariés, lesquels n'accepteront pas d'être pénalisés du fait que leur entreprise n'aura pas réduit à 35 heures la durée du travail. Il s'agit donc de mesures incitatives aux effets pervers, non seulement pour les salariés, mais également pour l'entreprise.
Je conclurai mon propos par une troisième considération relative au repos compensateur.
Comme l'a relevé M. Mélenchon, nous restons sur ce point cohérents avec notre position de départ, puisque nous voulons, là aussi, privilégier la négociation entre les salariés et l'entreprise. M. Gournac a souligné très justement que celle-ci doit porter sur l'ensemble des douze mois de l'année, mais M. Mélenchon nous a fait remarquer que notre proposition ne tient pas compte de la fatigue que peut représenter, pour un salarié, une longue durée de travail sur une journée. Selon lui, le repos compensateur doit alors suivre immédiatement cet effort prolongé, afin que le salarié concerné puisse récupérer de la fatigue qu'il a accumulée.
Certes, tout dépend sans doute de la nature de l'activité, et la discussion doit être ouverte sur ce point. Cependant, de par mon expérience d'exploitant agricole, je puis vous dire que le travail saisonnier impose un rythme soutenu pendant une partie de l'année. Il a donc été convenu avec les salariés de mon entreprise que le repos compensateur pourrait éventuellement ne pas être pris immédiatement, mais intervenir à une période creuse de l'année, par exemple en décembre si les intéressés en sont d'accord.
Si l'on veut réglementer, on finit par enfermer le dialogue social et la concertation dans des dispositions législatives et réglementaires trop contraignantes, et, bien évidemment, le fonctionnement de l'entreprise perd de sa souplesse. Au bout du compte, c'est le salarié lui-même qui risque de se trouver pénalisé.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes convaincus que nous parviendrons à redynamiser l'emploi dans ce pays plutôt par le dialogue social et la conclusion d'accords d'entreprise que par la voie réglementaire ou législative.
Mme Nicolo Borvo. Que ne l'avez-vous fait avant !
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 10 et 50.
M. Philippe Arnaud. Je retire l'amendement n° 50, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 50 est retiré.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
M. Alain Gournac. Ah ! Ah !

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 est supprimé, et les amendements n°s 81 et 95 à 106 n'ont plus d'objet.

Article additionnel après l'article 2



M. le président.
Par amendement n° 82, Mmes Dieulangard, Printz et Pourtaud, MM. Domeizel, Cazeau, Weber, Mélenchon, Lagauche et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le bulletin de paie comporte un récapitulatif des heures supplémentaires rémunérées ou donnant lieu à repos compensateur effectuées par le salarié. »
La parole est à Domeizel.
M. Claude Domeizel. Cet amendement tend à ajouter aux mentions figurant sur le bulletin de paie un récapitulatif du nombre d'heures supplémentaires effectuées par le salarié, que celles-ci soient rémunérées ou fassent l'objet d'un repos compensateur.
Nous savons qu'un groupe de travail réalise actuellement à vos côtés, madame la ministre, une sorte d'étude de faisabilité sur ce thème, et nous souhaiterions d'ailleurs connaître le degré d'avancement de ses travaux.
Sur le fond, les mutations technologiques intervenues depuis maintenant quelques décennies et, surtout, les modifications apparues dans la gestion du temps de travail conduisent à une comptabilisation de plus en plus complexe de la durée du travail accomplie par les salariés.
Le problème est particulièrement criant s'agissant des heures supplémentaires, lesquelles peuvent être rémunérées, compensées par du repos ou être comptabilisées dans un compte épargne-temps. Afin que les choses soient claires, pour l'employeur comme pour le salarié, il est nécessaire qu'un document écrit, communiqué aux deux parties, fasse office d'outil de récapitulation et, en quelque sorte, de bulletin de liaison.
En effet, chacun doit pouvoir immédiatement savoir où il en est, qu'il s'agisse, je le répète, de l'employeur ou du salarié. Cela permettra d'éviter des ambiguïtés, sources de soupçons et de contentieux qui ne peuvent qu'être préjudiciables au climat social et à la bonne marche de l'entreprise.
Après réflexion, il nous a semblé que le dispositif le plus simple et le plus opérationnel, compte tenu de la généralisation de la paie informatisée, était la mention dans le bulletin de paie, au moyen, par exemple, d'une feuille récapitulative annexée. C'est finalement ce qui peut être le plus facilement mis en place par les services comptables, la périodicité permettant une relative simplicité des opérations.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. J'ai dit en commission que cette idée était très bonne,...
M. Claude Domeizel. Ah !
M. Louis Souvet, rapporteur. ... et que la précision proposée par les auteurs de l'amendement serait utile, mais qu'elle relevait du domaine réglementaire, les mentions devant figurer sur le bulletin de paie étant répertoriées à l'article R. 143-2 du code du travail.
Cet article précise que le bulletin de paie comporte obligatoirement le nom et l'adresse de l'employeur, la référence de l'organisme, l'intitulé de la convention collective, le nom et l'emploi du salarié, la période et le nombre d'heures de travail, etc. Je ne vois pas pourquoi on devrait inscrire dans une loi une partie de ces mentions, et renvoyer tout le reste au domaine réglementaire.
Par conséquent, je suggère que la réglementation soit modifiée - je me tourne ici vers Mme le ministre - mais je ne pense pas que la précision souhaitée par M. Domeizel doive figurer dans la loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Les auteurs de l'amendement posent une vraie question, et je les en remercie. Nous devons effectivement tirer les conséquences de la loi actuelle, et il me paraît tout à fait essentiel, dans un souci à la fois de transparence et de contrôle, que les salariés puissent connaître le nombre d'heures travaillées donnant droit à un repos compensateur ou au paiement d'heures supplémentaires.
A ce propos, je peux indiquer que le Gouvernement modifiera effectivement l'article R. 143-2 du code du travail, afin que l'on distingue, sur le bulletin de paie, les heures supplémentaires effectuées donnant lieu à repos compensateur et celles ouvrant droit à rémunération. Cela sera fait dans l'optique de l'application de la loi.
Cet engagement étant pris, je demande aux auteurs de l'amendement de bien vouloir le retirer.
M. le président. Monsieur Domeizel, acceptez-vous la suggestion de Mme le ministre ?
M. Claude Domeizel. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 82 est retiré.

Article 2 bis



M. le président.
« Art. 2 bis . _ La première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 212-7 du code du travail est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« La durée hebdomadaire de travail calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives ne peut dépasser quarante-quatre heures. Un décret pris après conclusion d'une convention ou d'un accord collectif de branche peut prévoir que cette durée hebdomadaire calculée sur une période de douze semaines consécutives ne peut dépasser quarante-six heures. »
Je suis saisi de trois amendement qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 11 est présenté par M. Souvet, au nom de la commission.
L'amendement n° 75 est déposé par M. Joly.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
Par amendement n° 107, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, à la fin de la première phrase du second alinéa de l'article 2 bis, de remplacer les mots : « quarante-quatre » par les mots : « quarante-deux ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 11.
M. Louis Souvet, rapporteur. L'amendement n° 11 vise à supprimer l'article 2 bis , qui prévoit d'abaisser la durée maximale du travail hebdomadaire de 46 heures à 44 heures. Cette disposition fait partie d'une série de mesures adoptées par l'Assemblée nationale afin de « durcir » la rédaction initiale du projet de loi.
La commission observe que 21 % des accords signés dans l'optique de l'application de la loi du 13 juin 1998 prévoient une durée maximale du travail supérieure à 44 heures. L'adoption de l'article 2 bis pourrait ainsi aboutir à la remise en cause de la mise en oeuvre de certains de ces accords.
C'est pourquoi la commission vous propose, mes chers collègues, d'adopter cet amendement de suppression.
M. le président. L'amendement n° 75 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 107.
M. Guy Fischer. La commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale avait adopté un amendement tendant à ramener la durée maximale hebdomadaire du travail de 46 heures à 42 heures en moyenne sur douze semaines consécutives, ce qui permettait ainsi de prendre pleinement en compte la réduction de la durée légale du travail.
A la demande du Gouvernement, cette durée moyenne maximale du travail a été relevée à 44 heures sur douze semaines consécutives, afin de ne pas aller à l'encontre des accords signés, trente-deux accords de branche prévoyant une durée supérieure à 42 heures.
J'ai bien entendu, madame la ministre, les arguments qui ont été développés. Il s'agit tout d'abord de respecter autant que possible la teneur des accords de branche et les négociations. Nous sommes tous très attachés à ce point, à condition, bien sûr, que ces accords soient signés par des partenaires représentatifs et qu'ils reflètent les aspirations des salariés.
Il s'agit ensuite, nous a-t-on dit, de s'assurer que les clauses d'ordre public social qui constituent des protections pour les salariés ne souffrent pas de trop nombreuses dérogations.
Certes, je suis conscient que le caractère saisonnier de certaines activités peut conduire à dépasser ces maxima. Pour autant, la solution qui est proposée n'est pas vraiment satisfaisante. Vous limitez le nombre des dérogations à ce maximum en faisant intervenir le pouvoir réglementaire, soit, mais vous alignez la loi sur le plancher prévu par les accords de branche.
C'est pourquoi nous entendons, par cet amendement, revenir à la solution qui avait été initialement retenue.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 107 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 11 et 107 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ces deux amendements sont contradictoires puisque l'un vise à revenir à une durée maximale de 46 heures sur douze semaines, l'autre d'une durée minimale de 42 heures sur douze semaines.
Je rappelle quelle est la position du Gouvernement, telle que je l'ai exprimée à l'Assemblée nationale, où un amendement de la commission, identique à l'amendement n° 107, défendu par M. Fischer, au nom de son groupe, visait à fixer la durée maximale du travail à 42 heures sur douze semaines.
Bien évidemment, la durée maximale du travail est un élément majeur puisqu'elle permet de réduire les fortes durées de travail.
Cette clause d'ordre public social est fondamentale, car elle vise à protéger la vie, la santé et la sécurité même du salarié. En conséquence, les dérogations à cette clause doivent être très rares et liées non pas à des décisions économiques mais à la nature de l'activité qui impose un dépassement de la durée maximale du temps de travail.
A ce jour, vingt-neuf accords de branche ont prévu des durées du travail supérieures à 42 heures - non pas évidemment tout au long de l'année mais dans les périodes de saisonnalité, dont quelques-uns seulement avec des plafonds supérieurs à 44 heures.
Aussi, dans un souci de faire en sorte que la durée maximale reste une clause d'ordre public social à laquelle il n'est possible de déroger que dans des conditions exceptionnelles, je préfère que nous nous en tenions à un plafond de 44 heures sur douze semaines, sachant que les rares cas de dérogation sont liés à la saisonnalité, en fait au climat, c'est-à-dire essentiellement à la nature. C'est le cas, par exemple, des secteurs du sucre et de la conserverie.
Nous avons d'ailleurs complété le texte de l'article 2 bis par un double verrou, en précisant que les dérogations ne peuvent être accordées qu'après la conclusion d'une convention ou d'un accord collectif de branche, sanctionnée par un décret.
Ainsi, nous respectons la clause d'ordre public social qu'est la durée maximale du travail, à laquelle il ne peut être dérogé que de manière exceptionnelle. Réduire cette durée de deux heures par semaine sur douze semaines, alors même que nous savons qu'un certain nombre d'activités, dépendantes de la nature, nécessitent de nombreuses heures de travail pendant des périodes de l'année souvent extrêmement courtes ne me paraît pas se justifier. Le plafond de 44 heures est important mais suffisant si nous souhaitons effectivement le voir réellement appliqué.
En conséquence, je suis défavorable aussi bien à l'amendement n° 107 qu'à l'amendement n° 11 pour des raisons évidemment tout à fait opposées.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 11.
M. Alain Gournac. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Madame le ministre, s'il n'y avait qu'un seul exemple à citer du grand écart permanent que vous êtes obligée de réaliser pour vous assurer les faveurs de vos partenaires de la majorité plurielle, c'est bien celui de cet article 2 bis relatif à la durée maximale du travail hebdomadaire.
La moyenne maximale des heures travaillées sur douze semaines est de 46 heures.
Vos partenaires verts, épris de cette logique réductrice, considèrent, ainsi que nous l'avons déjà évoqué, que la réduction de la durée légale de quatre heures est censée s'accompagner également d'une réduction équivalente de quatre heures de tous les seuils.
L'amendement n° 1007, adopté par l'Assemblée nationale, a donc retenu un plafond de 42 heures pour la durée maximale du travail sur douze semaines.
Vous savez, madame le ministre, à quel point cette disposition serait néfaste pour nos entreprises.
Vous ne souhaitiez pas toucher à ce seuil et, pourtant, vous avez été obligée d'accepter un compromis en coupant la poire en deux : 46 heures pour toute personne de bon sens, 42 heures pour vos camarades verts. La réponse à ce conflit est simple vous proposez 44 heures !
L'économie française est un sujet trop sensible pour être pris en otage par des querelles d'une majorité qui ne fait pas preuve de beaucoup de responsabilité.
D'ailleurs, par un sous-amendement, vous avez aussitôt limité ce compromis en permettant aux entreprises d'obtenir des dérogations par décret. Oh ! là ! là !
Si donc vous prévoyez cette porte de sortie, c'est que vous savez à quel point cet article est inique et dangereux pour nos entreprises.
Il est absolument indispensable de supprimer cet article, qui n'est qu'une façade puisqu'il sera nécessaire d'établir de multiples dérogations par décret.
Notre droit du travail ne doit pas être pris en otage par ces palabres.
M. Jean-Luc Mélenchon. « Palabres » ?
M. Alain Gournac. Nous voterons tous unanimement l'amendement de suppression de l'article 2 bis.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je n'ai pas répondu tout à l'heure aux propos de M. Nogrix sur les apprentis sorciers, mais je tiens à dire à M. Gournac que nous ne faisons pas de grands écarts permanents !
M. Alain Gournac. Ecoutez...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Permettez que je vous réponde, monsieur le sénateur. Je vous ai écouté et, pourtant, ce n'était pas toujours agréable !
M. Alain Gournac. Il faut accepter la contestation !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. La contestation, d'accord, mais sans user de termes insultants !
M. Alain Gournac. La contestation, c'est la démocratie !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. La démocratie, c'est la contestation fondée sur des arguments, ce ne sont pas des insultes, monsieur le sénateur.
M. Alain Gournac. Je ne vous ai jamais insultée ! Citez-moi des exemples !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vous les citerai ; je peux les retrouver et en dresser une liste assez longue.
M. Alain Gournac. Il y a un compte rendu des débats !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vous répondrai donc très calmement, monsieur Gournac.
M. Alain Gournac. Vous n'acceptez pas que l'on ne soit pas d'accord avec vous !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'accepte totalement que vous ne soyez pas d'accord avec moi...
M. Alain Gournac. Mais non !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... mais je préfère simplement qu'au lieu de parler de « grand écart » avec mes partenaires vous vous intéressiez au fond du débat.
Il se trouve que l'ensemble des partenaires de la gauche plurielle veulent effectivement réussir ensemble les 35 heures, et les Français, d'ailleurs, leur donnent raison, comme le montrent les sondages, et surtout les résultats.
M. Alain Gournac. Toujours les sondages !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous sommes peut-être des apprentis sorciers. Nous ne sommes pas de grands modernistes comme vous - je ne sais d'ailleurs pas ce que cela veut dire ! - mais nous faisons reculer le chômage. C'est pour cela que nous sommes ici, et nous le faisons ensemble. (M. Alain Gournac proteste.)
Pourquoi débattons-nous ? Parce que cela me paraît essentiel, dans une majorité, au sein même d'ailleurs du parti politique auquel j'appartiens. Personne n'a la science infuse, et je serais étonnée que des sénateurs contestent le fait que le Gouvernement discute avec les sénateurs ou les députés pour enrichir un texte. Personnellement, quand je me rends devant l'Assemblée nationale, après avoir rencontré l'ensemble des groupes de la majorité et ceux de l'opposition, quand ils m'y invitent - c'est d'ailleurs ce que j'ai fait en ce qui concerne le projet de loi de financement de la sécurité sociale - priviligie le débat au fond pour améliorer le texte. Nous avons toujours procédé ainsi, et je me réjouis effectivement que, sur un grand nombre de points, l'Assemblée nationale nous ait permis, à l'occasion d'amendements socialistes, verts, communistes ou radicaux, d'améliorer ce texte.
J'avais toujours dit qu'il fallait réduire les durées maximales du travail. Nous réfléchissions à une durée comprise entre 42 et 44 heures. Nous avons eu ce débat. Le groupe communiste a souhaité que nous ayons également un débat au Parlement sur les conséquences de ce texte en matière d'emplois. Le débat nous a permis de compléter ce texte pour que les contreparties en emplois des baisses de charges soient clairement identifiées, et pour que nous soyons ainsi assurés - aucun sénateur ne pourra nous en faire le reproche - que les fonds publics sont bien utilisés. Dorénavant, un rapport transparent sera remis au Parlement, après débat contradictoire avec les organisations patronales et syndicales, pour vérifier que la baisse des charges sociales crée bien des emplois.
La démocratie, c'est discuter avec les députés, comme aujourd'hui avec les sénateurs - nous l'avons fait hier sur l'habillage - pour essayer d'améliorer le texte.
Je n'ai pas l'impression, quand je modifie mon texte, que je recule ou que j'avance. C'est tout simplement le résultat du débat démocratique. Que penseriez-vous d'un gouvernement qui se présenterait avec un texte devant l'Assemblée nationale en recourant à la procédure du vote bloqué ? Vous, vous l'avez fait très souvent contre vos propres amis parce que vous n'étiez pas capables de vous mettre d'accord entre vous. (Applaudissements sur les travées socialistes.) Nous, nous préférons la discussion qui enrichit le texte. C'est cela aussi, la démocratie !
M. Jean-Luc Mélenchon. Très bien !
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Nous avons également déposé un amendement sur l'article 2 bis , mais les choses doivent être bien claires : nous sommes opposés à la suppression de cet article, même si ce dernier ne nous satisfait qu'en partie.
Toutefois, j'ai bien écouté Mme la ministre ; nous avons aussi pris en compte l'avancée qui a été réalisée à l'Assemblée nationale. Nous ne sommes pas jusqu'au-boutistes et je dois dire que les arguments qui ont été développés par M. Gournac nous confortent dans notre idée.
En conséquence, nous retirons notre amendement n° 107, et bien entendu, nous voterons contre celui de la commission.
M. le président. L'amendement n° 107 est retiré.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Les amendements n°s 11 et 75 traduisent nettement la volonté de la droite de freiner par tous les moyens la diminution du temps de travail et de développer au maximum la flexibilité. Mais nous sommes bien au-delà du chiffre mythique des 35 heures.
Le problème est pourtant bien ici d'ordre public, et le temps de travail, lorsqu'il atteint des sommets tels que 44, 46 ou 48 heures hebdomadaires, cesse d'être une donnée seulement économique ou sociale pour devenir un élément de santé publique.
On pourrait s'étonner d'entendre des parlementaires, représentants de la collectivité nationale, n'avoir pas un seul mot pour cette donnée fondamentale et se limiter à des considérations économiques. Mais il est inutile de rappeler ici une nouvelle fois que c'est une vieille tradition sur les bancs de la droite, depuis qu'il a été question de limiter le temps de travail des enfants à moins de douze heures par jour, de prédire pour demain la ruine des entreprises ! (Exclamations sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. Alain Vasselle. Ce n'est pas sérieux !
Mme Nicole Borvo. C'est exact !
Un sénateur de l'Union centriste. C'est du Zola !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Peut-être, mais c'est la réalité !
Constatant que, depuis plus d'un siècle, les entreprises ont survécu et que l'économie a globalement prospéré, le Gouvernement et la majorité se risquent de nouveau à proposer une diminution, qui reste d'ailleurs fort modeste, des durées maximales hebdomadaires de travail.
Le groupe socialiste soutient évidemment cette disposition, qui s'inscrit, en ce qui concerne les forces de progrès, dans une tradition totalement opposée à celle de la droite.
Je voudrais, au passage, ajouter que l'efficacité économique est directement liée à la durée du temps de travail et à la protection des salariés. Il est tout à fait clair, selon les études dont on dispose, que la motivation et la qualité du travail fourni ont un lien direct avec les conditions de travail, au premier rang desquelles figure la durée de celui-ci.
Il va de soi également, si l'on veut bien toutefois considérer que les salariés peuvent encore bénéficier des prestations de l'assurance maladie, par exemple, que la préoccupation de santé publique qui est la nôtre rejoint le nécessaire équilibre des comptes sociaux. Comment négliger le fait que l'apparition des maladies dues au stress et à la fatigue, que la survenue des accidents professionnels sont liées à la fois au degré de précarité des salariés et aux horaires qui leur sont imposés ?
M. Jean Arthuis. Le chômage donne du stress aussi !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je voudrais faire remarquer, à mon tour, qu'il s'agit d'une durée « moyenne » - j'y insiste - de 44 heures sur douze semaines ! Une moyenne de 44 heures sur douze semaines, cela vous laisse tout de même de belles occasions d'être très occupé à certains moments au cours desdites douze semaines ! Il ne s'agit donc pas d'une réduction brutale, instantanée, du temps de travail qui désorganiserait la production. Je suis, dès lors, assez surpris de votre acharnement contre cette disposition.
Depuis le début de notre discussion, vous avancez toujours le même argument : « il faut que ça se discute ». Il a déjà été dit à plusieurs reprises qu'il y avait des dispositions qui ne se discutaient pas. M. Nogrix a semblé me montrer du doigt comme un parangon de rigidité. J'assume mon intention politique. C'est Jean Jaurès qui disait que la République ne s'arrêtait pas à la porte de l'entreprise. C'est ma tradition philosophique et politique.
La tendance dominante de notre époque - elle passera, vous verrez ! - qui veut que l'économique n'ait rien à voir avec la politique et que la politique n'ait pas à mettre les pieds dans l'économique pour y créer de la règle est une absurdité de civilisation. (M. Philippe Nogrix proteste.) Moi, je l'assume : je suis pour que la politique crée de la règle, notamment en matière d'ordre public social.
Là, il s'agit de l'évaluation de l'usure du point de vue de la santé, de la fatigue des personnes au travail. Et personne, à plus forte raison vous, mon cher collègue, un membre de l'Union centriste, ne peut avoir oublié son humanisme « principiel » à cette occasion-là !
Le développement de la société, des capacités de production, de la technologie ne doit-il à aucun moment revenir en bénéfice sur la personne humaine ? C'est ce que nous essayons de faire. Nous estimons que le moment est venu.
M. Bernard Murat. Ça, c'est du gaullisme !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je suis stupéfait de votre rigidité sur ce sujet. Je trouve que vous êtes excessivement dur et sans doute très involontairement cruel. (M. Nogrix proteste.) C'est bien ce que vous êtes !
Après quoi, vous pourrez me caractériser comme vous le voulez ! (M. Nogrix proteste de nouveau.)
Monsieur Nogrix, permettez-moi de m'adresser à vous. Je le fais pour la qualité du dialogue que nous avons noué et en directe proportion de l'estime que je porte à la cohérence de vos arguments.
Permettez-moi de vous dire que c'est vous qui nagez dans un angélisme, tout à fait respectable, mais naïf.
Vous nous avez fait une description de la communauté d'entreprise qui se rejoint sur un objectif de projet. Sans doute tout cela est-il vrai. Mais la réalité, ce n'est pas tout à fait ce que vous décrivez.
Vous n'avez pas besoin d'aller bien loin. Maintenant le chantier d'Eole et de Météor est terminé, mais il vous suffisait d'aller faire un petit tour dans Paris et de vous faire expliquer quelle communauté de projets il y avait dans ces souterrains-là, où l'on comptait le temps de travail à partir du moment où l'on était arrivé sur le front de taille, où l'on avait descendu l'échelle de fer et parcouru les 350 mètres... (Exclamations sur les travées du RPR.)
C'est peut-être du Zola, mais ce n'est pas moi qui fais du Zola ! Zola, c'est une réalité !
La loi, naturellement, n'a pas à être suspicieuse, elle n'a pas à montrer du doigt. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) En revanche, elle doit établir des garde-fous, des normes afin de faire revenir sur la collectivité de ceux qui produisent les avantages du progrès. Ce n'est pas plus que cela !
Je ne résiste pas au plaisir de relever quelques bonnes références, surtout quand je m'adresse à un membre de l'Union centriste.
Vous êtes attaché au vocabulaire et vous dites que M. Mélenchon exprime le point de vue traditionnel du socialisme. Figurez-vous que je ne trouve pas du tout cela insultant. J'en suis même plutôt fier, et je l'assume.
Mais mon vocabulaire, s'emploie aussi dans d'autres langues. Certains, comme Leonardo Boff ou Dom Helder Camara, parlent de « l'option préférentielle pour les pauvres ». Je ne dis pas cela de la même manière, mais je dis la même chose !
Cela se parle aussi dans la langue de John Rawls et cela s'appelle « le principe du voile d'ignorance », qui consiste à se situer toujours du point de vue de celui qui a le plus de risques à assumer, comme si on ne savait pas quelle est sa propre position.
M'adressant toujours à un membre du groupe de l'Union centriste, je vais me référer à Dom Helder Camara. Ce n'est pas dans mes habitudes, c'est seulement pour lui faire plaisir et pour le conduire à méditer sur les implications humaines de ses propositions. Voici donc ce que disait Dom Helder Camara : « Quand je donne à manger aux pauvres, on me loue comme un saint, quand je dénonce la pauvreté, on me condamne comme un communiste. » Voilà !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Très belle phrase !
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je n'avais pas l'intention d'expliquer mon vote sur cet article, mais je le fais parce que l'intervention de Mme Dieulangard - plus, d'ailleurs, que celle de Mme le ministre - m'y incite.
En effet, on ne peut pas continuer à laisser faire des procès d'intention à la majorité sénatoriale, en faisant notamment référence au fait qu'il fut une époque - quand même très lointaine - où la droite - et Mme Dieulangard semble penser que la droite est toujours dans le même état d'esprit aujourd'hui -, alors que les enfants travaillaient douze heures par jour, dénonçait le fait que l'on puisse diminuer leur temps de travail au motif que l'entreprise devrait, de ce fait, renoncer à faire du profit.
Madame, je vous en prie, ne lancez pas, à la veille d'un nouveau millénaire, des affirmations de cette nature et ne laissez pas croire à l'opinion publique que la majorité sénatoriale d'aujourd'hui est exactement dans le même état d'esprit !
Ainsi, si nous combattons le texte sur les 35 heures, ce serait précisément pour faire souffrir les salariés au travail, pour leur en demander plus - bref ne pas être humain - et pour les exploiter au maximum afin de permettre à l'entreprise de réaliser les plus grands profits.
Non, vraiment, on a l'impression de vivre une autre époque, une époque moyenâgeuse !
M. Jean Chérioux. Cette époque est révolue, en France du moins !
M. Alain Vasselle. Madame Dieulangard, je vous en prie ! Que la majorité et le groupe que vous représentez ne tiennent plus de tels propos, qui m'apparaissent complètement déplacés ! (M. Chérioux applaudit.)
Monsieur Mélenchon, à côté de Mme Dieulangard, vous êtes beaucoup plus mesuré. C'est d'ailleurs un paradoxe ! (Sourires.) Force est de le constater.
Vous défendez votre philosophie. Soit ! Nous ne vous le reprochons pas. Mais acceptez que nous ayons la nôtre.
Je note par ailleurs que, si Mme Aubry accepte de nouer le dialogue - quoi de plus naturel d'ailleurs ? - avec la majorité qui soutient le Gouvernement, convenez qu'elle est plutôt sourde aux propos et aux propositions de la majorité sénatoriale !
J'ai d'ailleurs souvent eu l'occasion de constater, lors de la discussion d'autres textes de loi, que, même lorsque le Sénat défend des propositions techniques et dépourvues d'arrière-pensée politicienne ou politique, le Gouvernement n'accepte pas de nous entendre ; il fait la sourde oreille.
A cet égard, la discussion de l'article 2 ter sera instructive. La commission des affaires sociales y fait une proposition. Ce sera l'heure de vérité qui permettra de voir si le Gouvernement est effectivement prêt à adopter une position constructive à l'égard des propositions du Sénat plutôt que de se retrancher sur une vérité qu'il considère être le seul à détenir.
Permettez-moi de le relever, car une telle attitude à l'égard de la Haute Assemblée n'est pas plus digne de vous, madame le ministre, que de vous, madame Dieulangard. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Philippe Nogrix. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Nous sommes en train d'oublier un mot qui, lors d'une certaine campagne électorale, avait pourtant pris tout son sens : subsidiarité.
Je trouve un peu décevant que vous méprisiez tant la capacité des ouvriers et des syndicats à négocier. N'est-ce pas à eux de se défendre ? N'en ont-ils pas les capacités réglementaires de par les instances qui existent dans les entreprises, et par les argumentaires qu'ils tirent de leur connaissance des lois sociales ?
Madame la ministre, avant de vous approprier les emplois qui sont aujourd'hui créés, vous devriez attendre un peu, car je crois, moi, que les emplois créés le sont par le marché, par les entreprises. Même si ce sont là deux mots que vous voulez rayer de votre vocabulaire, ils existent encore !
M. Jean-Luc Mélenchon. Ce que vous dites là est excessif !
M. Philippe Nogrix. Quant à vous, monsieur Mélenchon, je vous remercie d'avoir reconnu que l'Union centriste avait des gens de qualité et défendait des valeurs qui étaient de bonnes valeurs.
Je note cependant que, si vous n'employez pas d'injures, vous nous injuriez tout de même, car faire accroire à la France que la droite n'a pas évolué depuis la discussion sur le travail des enfants, de votre part et de celle de Mme Dieulangard, c'est aller un peu loin.
Une telle attitude, madame Dieulangard, n'est pas dans vos habitudes et vous m'avez fait mal ! (Sourires sur les travées socialistes.)
L'évolution politique correspond à l'évolution de la société et l'on ne peut pas continuer à remonter ainsi dans le temps et à accrocher des étiquettes à tous les hommes et à toutes les femmes de la majorité sénatoriale.
Mme Danièle Pourtaud. Dans cinquante ans, on dira encore la même chose !
M. Philippe Nogrix. Par ailleurs, monsieur Mélenchon, je veux vous dire que l'organisation de la société, ce n'est pas simplement de la méditation. Il faut avoir un peu les pieds sur terre et se rendre compte que l'artisan, avec ses six ou sept ouvriers, à qui vous allez imposer de plus en plus de rigidité, n'aura plus l'esprit disponible pour gérer son entreprise.
Soyons suffisamment intelligents pour faire confiance aux gens, pour penser que les chefs d'entreprise, avec leur équipe, sont capables de s'organiser, qu'il est inutile d'en rajouter encore, d'en rajouter toujours, car trop c'est trop.
Imaginez ce que représente l'adaptation continuelle d'une petite entreprise à la vie moderne. Il y a eu l'euro, il y aura le bogue de l'an 2000, et on en ajouterait encore !
Il faut laisser aux gens le temps. C'est ce que nous demandons. Faisons évoluer la société, mais respectons un certain rythme, car les ruptures n'assurent pas la pérennité de ce que l'on voudrait voir instituer.
Par ailleurs, madame la ministre, si nous avons vraiment des marges de manoeuvre, nous pourrions peut-être penser à nos partenaires, à ceux qui frappent à la porte de l'Europe, à ceux qui voudraient bien nous rejoindre, à ceux qui voudraient participer à notre communauté de projet.
Oui, monsieur Mélenchon, nous avons une communauté d'objectifs ! Pour qu'ils entrent dans cette communauté, peut-être faut-il les aider avant de se donner encore des avantages supplémentaires.
M. Jean Arthuis. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis. Monsieur le président, je soutiendrai, bien sûr, l'amendement de la commission, mais je voudrais, à ce stade de la discussion, dire à M. Mélenchon que ce qui est excessif est insignifiant et que l'évocation nostalgique de l'industrie à la Zola n'est pas appropriée.
M. Jean-Luc Mélenchon. De quel droit me parlez-vous sur ce ton ?
M. Jean Arthuis. Parce que vous nous avez suspecté de je ne sais quelle cruauté, tout à l'heure, quand vous avez évoqué le travail des enfants, la sécurité et la santé des travailleurs. De grâce !
M. Jean-Luc Mélenchon. Moi, je n'ai pas parlé du travail des enfants !
Laissez de côté vos grands airs que rien ne justifie !
Vous n'êtes pas la chaisière et l'on n'est pas au bal des petits lits blancs !
M. Jean Arthuis. Vos propos sont parfaitement blessants. Permettez que je vous réponde, monsieur Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Ne me parlez pas sur ce ton hautain. Moi, je ne vous parle pas de cette manière.
M. le président. Monsieur Arthuis, veuillez poursuivre votre intervention au titre des explications de vote.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je n'ai pas de leçon à recevoir de M. Arthuis, ce réactionnaire des bocages !
M. le président. Je vous en prie, monsieur Mélenchon, M. Arthuis, et lui seul, a la parole.
M. Jean Arthuis. Pour ma part, je n'ai pas interrompu M. Mélenchon.
Ce projet de loi a été conçu pour réduire le chômage et créer de l'emploi, et nous avons eu l'occasion, dans la discussion générale, de dire notre opinion et de faire part des réflexions que nous inspire cette contribution législative.
Mais, en fait, si aujourd'hui on crée de l'emploi, ce dont chacun se réjouit, c'est d'abord parce qu'il y a de la croissance. Evitons d'enfermer les entreprises dans des corsets réglementaires. Il me semble que la voie d'avenir, c'est la reconnaissance de l'entreprise comme un lieu de partenariat et non pas comme un lieu d'affrontement. Organisons la transparence et faisons vivre une authentique participation à l'intérieur de chaque entreprise !
Mes chers collègues, vous avez eu l'occasion de voir, lorsque nous pratiquions l'économie administrée, lorsque l'Etat était l'actionnaire totalitaire ou majoritaire d'entreprises publiques, que, bien souvent, les entreprises publiques prenaient les PME comme des variables d'ajustement.
Tel constructeur automobile, telle grande entreprise de la chimie ou de quelque autre domaine majeur s'ajustait sur les petites et moyennes entreprises. Autrement dit, ceux qui étaient à l'intérieur de la structure parapublique bénéficiaient d'un statut privilégié et, dans le même temps, on écrasait les petites et moyennes entreprises.
De grâce, ayons suffisamment d'humilité pour reconnaître ces mécanismes de la vie économique ! Cela ne signifie pas que le politique n'ait pas son rôle à jouer. Au contraire ! Son rôle n'a peut-être jamais été aussi important.
A nous de définir des règles claires et simples que l'on puisse faire respecter. A nous de mettre en place des autorités de régulation, de leur donner les moyens d'accomplir leurs diligences et d'exercer leur autorité.
Faisons confiance aux partenaires sociaux. Que chaque entreprise soit un lieu de dialogue, un lieu de partenariat et d'authentique participation. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Bernard Murat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. Monsieur Mélenchon, j'espère que je vais mettre suffisamment de forme dans mon propos ! Je ne voudrais surtout pas égratigner votre susceptibilité. Je vais donc m'efforcer de m'exprimer simplement, comme on le fait dans le Sud-Ouest.
Le débat est intéressant, parce que nous avons - vous avez raison de le dire - deux visions différentes de la société.
M. Jean Chérioux. C'est notre droit !
M. Bernard Murat. La vôtre s'apparente à un néo-marxisme. La nôtre est libérale, libérale mais gaulliste.
J'étais d'ailleurs tout à fait d'accord avec vous, monsieur Mélenchon, quand vous disiez que la politique et l'homme réalisent une sorte de synthèse avec l'entreprise. C'est cela le gaullisme !
C'est tout simplement ce que le général de Gaulle nous a appris et que nous essayons, dans nos rangs et dans notre vie au quotidien, de mettre en application. Et c'est pour cela que, parfois, nos amendements ne sont pas tout à fait en accord avec les vôtres. Les plus grands adversaires du gaullisme, c'étaient d'ailleurs vous, les socialistes.
De ce point de vue, il y a un véritable débat. Vous vous êtes rapprochés, c'est vrai, mais il reste tout de même encore beaucoup de chemin à faire ensemble.
S'agissant du travail des enfants de douze ans - mes petits-enfants, vos petits-enfants, madame ! - comment pouvez-vous faire un tel procès à notre génération, alors que nous sommes en train d'assumer les turpitudes de vos générations, sans bénéfice d'inventaire, à tous les niveaux ? Dieu sait si c'est dur à vivre aujourd'hui sur le terrain !
En revanche, chaque fois que vous accentuez la pression fiscale sur les entreprises, celles-ci sont obligées de délocaliser leurs productions dans des pays du tiers monde pour rester compétitives dans les grandes surfaces françaises, et ce sont ces pays du tiers monde, que vous connaissez aussi bien que moi, qui utilisent, c'est vrai, des enfants de douze ans et de moins de douze ans !
Parmi tous mes collègues au sein de cet hémicycle, je suis l'un des rares à avoir commencé à travailler dès l'âge de dix-huit ans. J'étais apprenti dans une tannerie. Je sais donc ce que c'est que le travail dans une entreprise, monsieur Mélenchon !
Mme Danièle Pourtaud. Nous aussi !
M. Bernard Murat. Je ne pense pas que vous ayez eu beaucoup de feuilles de paie d'entreprise !
M. Jean-Luc Mélenchon. Si !
M. Bernard Murat. Je dis « d'entreprise » !
Alors vous pouvez comprendre ce que je suis en train de vous dire.
Le débat que nous avons aujourd'hui est, je crois, complètement idéologique ; il ne reflète absolument pas la réalité sur le terrain.
M. Alain Gournac. Malheureusement !
M. Bernard Murat. Moi, j'ai été apprenti, j'ai été patron et, ensuite, j'ai été employé. Je tiens à le dire, les relations au sein des entreprises, surtout les petites entreprises, entre les salariés, les cadres et les patrons, c'est-à-dire ceux qui détiennent le capital - j'entends le petit capital, qui n'a rien à voir, bien sûr, avec celui des grands groupes - traduisent une véritable fraternité de projet, et les employés sont fiers quand leurs enfants peuvent travailler aussi dans la même entreprise.
Mme Nicole Borvo. C'est un vrai conte de Noël !
Mme Danièle Pourtaud. On va vous en faire visiter quelques-unes !
M. Bernard Murat. Cela, c'est du concret et non de l'idéologie, et je peux vous citer de nombreux exemples, madame ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
Mme Danièle Pourtaud. On va vous emmener dans certaines entreprises !
M. Bernard Murat. Mais, madame, nous ne serons jamais d'accord, car vous êtes marxiste et, moi, je ne le suis pas. Je suis gaulliste !
C'est votre droit et je le respecte, madame ! Mais on sait parfaitement ce qui a été fait au nom du marxisme !
M. Jean Chérioux. Je n'en serais pas fier !
M. Bernard Murat. Nous avons deux positions différentes.
Pour conclure - je vais vous titiller un peu, monsieur Mélenchon - je suis d'accord avec vous pour dire qu'il faut que le politique soit à l'intérieur de l'entreprise et que notre rôle de politique est précisément d'être une alternative à un capitalisme sauvage. Mais celui qui a théorisé sur ce point il y a peu et qui a dit qu'il fallait baisser les bras devant la position de Michelin, c'est M. Jospin ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 bis est supprimé.

Article additionnel après l'article 2 bis



M. le président.
Par amendement n° 108, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 2 bis , un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa et dans le quatrième alinéa de l'article L. 212-7 du code du travail, le nombre : "quarante-huit" est remplacé par le nombre : "quarante-quatre". »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Partant toujours du principe qu'il convient, pour rendre la loi la plus opérante possible, de jouer sur toutes les variables qui permettent de diminuer le nombre d'heures supplémentaires, nous considérons que les durées maximales doivent être réduites de la même ampleur que la réduction de la durée globale du travail.
Cet amendement vise donc à modifier la durée hebdomadaire maximale en l'abaissant de 48 heures à 44 heures.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il est également défavorable ; je m'en suis expliquée tout à l'heure.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 108, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 2 ter



M. le président.
« Art. 2 ter . _ L'article L. 221-4 du code du travail est complété par les mots : "auxquelles s'ajoutent les onze heures de repos quotidien prévu à l'article L. 220-1". »
Par amendement n° 12, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« L'article L. 221-4 du code du travail est complété par les dispositions suivantes : "auxquelles s'ajoutent les onze heures de repos quotidien prévu à l'article L. 220-1. Si des conditions objectives, techniques ou d'organisation du travail le justifient, une convention ou un accord collectif peut ramener le repos hebdomadaire minimal en deçà de 35 heures, dans la limite de la durée minimale de vingt-quatre heures consécutives". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement a pour objet de compléter l'article 2 ter , qui transcrit de manière incomplète une directive européenne prévoyant un repos hebdomadaire continu de 35 heures, en reprenant une disposition dérogatoire qui figure dans cette directive et selon laquelle un repos minimal de 24 heures pourrait être retenu si les conditions objectives, techniques ou d'organisation du travail le justifient.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Il s'agit, en fait, de supprimer un article qui se contente de transcrire la directive européenne du 23 novembre 1993 dans notre texte.
Les dérogations que nous avons prévues sont conformes à celles qui sont autorisées par la directive européenne, laquelle énonce des règles qui doivent être transposées, et c'était, je crois, le moment de le faire dans cette loi sur la durée du travail.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 12.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Comme l'a rappelé à l'instant même notre rapporteur, c'est l'article L. 221-4 du code du travail qui prévoit que le repos hebdomadaire doit avoir une durée minimale de vingt-quatre heures. Bien évidemment, l'initiative gouvernementale, à travers l'article 2 ter, mérite considération, d'autant plus, comme vient de le rappeler Mme Aubry, qu'elle reprend la directive européenne n° 93/104/CE, qui prévoit que les onze heures de repos quotidien s'ajoutent aux 24 heures de repos hebdomadaire.
Néanmoins, permettez-moi d'être surpris par l'attitude que le Gouvernement a décidé d'adopter à la suite de l'initiative prise par la commission des affaires sociales et qui consiste à reprendre l'ensemble des dispositions de la directive et à définir les conditions dans lesquelles il pourrait y être dérogé, puisque la commission précise que si des conditions objectives, techniques ou d'organisation du travail le justifient, une période minimale de repos de 24 heures pourra être retenue.
Je suis assez surpris que Mme le ministre soit défavorable à l'amendement n° 12 de la commission. En acceptant ce dernier, nous restons, nous, dans notre logique de négociations par accords d'entreprise ou par voie conventionnelle. Si c'est uniquement pour cette raison qu'elle ne souhaite pas nous suivre, dont acte. Mais il y a là un manque de cohérence de sa part dans la mesure où elle reconnaît la nécessité d'introduire dans la loi les dispositions de la directive européenne, mais qu'elle n'en prend qu'une partie, celle qui correspond à sa philosophie, et non la totalité !
Si l'on veut être cohérent et logique jusqu'au bout, il faut introduire dans la loi la totalité des dispositions. C'est ce qu'a fait notre rapporteur. On pourrait donc reconnaître au Sénat qu'il est cohérent avec cette proposition technique et qu'il obéit à des considérations dépourvues de caractère politique pur !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur Vasselle, je ne pense pas être incohérente, car ces dérogations existent déjà dans le code du travail, je ne vais donc pas les réécrire deux fois ! C'est la raison pour laquelle je m'oppose à cet amendement.
Le code du travail contient, pour l'application des règles qui sont relatives à la fois au repos quotidien et au repos hebdomadaire, des possibilités de dérogation qui vont bien plus loin que celles que propose votre rapporteur. C'est vous dire que nous ne sommes pas incohérents !
S'agissant des dérogations au repos quotidien, le principe en est prévu à l'article L. 220-1 du code du travail. Quatre types de dérogations existent : premièrement, par accord étendu pour certaines activités énumérées à l'article D. 220-1, par exemple les activités de surveillance de transport ; deuxièmement, par accord de branche étendu, par accord d'entreprise en cas de surcroît d'activité - c'est l'article D. 220-2, troisièmement, par décision de l'inspecteur du travail en cas de surcroît d'activité à défaut d'accord collectif - c'est l'article D. 220-4 ; enfin, l'employeur, sous sa responsabilité, peut déroger à la règle du repos quotidien en cas de travaux urgents nécessités par des mesures de sauvetage ou par la prévention d'accidents - c'est l'article D. 220-5.
Par ailleurs, ce repos hebdomadaire peut être suspendu par l'employeur en cas de travaux urgents nécessités par des mesures de sauvetage ou par la prévention d'accidents, selon l'article L. 221-12.
Monsieur Vasselle, avant de nous traiter d'incohérents, il faudrait relire le code du travail. Cela permettrait parfois d'éviter certaines critiques !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 ter est ainsi rédigé.
Nous en revenons à l'intitulé du chapitre Ier, avant l'article 1er, qui a été précédemment réservé.

Intitulé du chapitre Ier (suite)



M. le président.
Par amendement n° 144, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit l'intitulé du chapitre Ier : « Développement de la négociation collective et temps de travail ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. C'est un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 144, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'intitulé du chapitre Ier est ainsi rédigé.

Chapitre II


Répartition et aménagement du temps de travail

Article 3



M. le président.
« Art. 3. _ I. _ L'article L. 212-8 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 212-8 . _ Une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire du travail peut varier sur tout ou partie de l'année à condition que, sur un an, cette durée n'excède pas en moyenne trente-cinq heures par semaine travaillée et, en tout état de cause, le plafond de 1 600 heures au cours de l'année. La durée moyenne est calculée sur la base de la durée légale ou de la durée conventionnelle hebdomadaire si elle est inférieure, diminuée des heures correspondant aux jours de congés légaux et aux jours fériés mentionnés à l'article L. 222-1. La convention ou l'accord doit préciser les données économiques et sociales justifiant le recours à la modulation.
« Les conventions ou accords définis par le présent article doivent respecter les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires définies par les deuxièmes alinéas des articles L. 212-1 et L. 212-7.
« Les heures effectuées au-delà de la durée légale, dans les limites fixées par la convention ou l'accord, ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 212-5 et L. 212-5-1 et ne s'imputent pas sur les contingents annuels d'heures supplémentaires prévus à l'article L. 212-6.
« Constituent des heures supplémentaires soumises aux dispositions des articles L. 212-5, L. 212-5-1 et L. 212-6 les heures effectuées au-delà de la durée maximale hebdomadaire fixée par la convention ou l'accord, ainsi que, à l'exclusion de ces dernières, les heures effectuées au-delà de la durée moyenne annuelle calculée sur la base de la durée légale selon la règle définie au premier alinéa et, en tout état de cause, de 1 600 heures.
« Les conventions et accords définis par le présent article doivent fixer le programme indicatif de la répartition de la durée du travail, les modalités de recours au travail temporaire, les conditions de recours au chômage partiel pour les heures qui ne sont pas prises en compte dans la modulation, ainsi que le droit à rémunération et à repos compensateur des salariés n'ayant pas travaillé pendant la totalité de la période de modulation de la durée du travail et des salariés dont le contrat de travail a été rompu au cours de cette même période.
« Le programme de la modulation est soumis pour avis avant sa mise en oeuvre au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel. Le chef d'entreprise communique au moins une fois par an au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, un bilan de l'application de la modulation.
« Les salariés doivent être prévenus des changements de leurs horaires de travail dans un délai de sept jours ouvrés au moins avant la date à laquelle ce changement doit intervenir. Ce délai peut être réduit dans des conditions fixées par la convention ou l'accord collectif lorsque les caractéristiques particulières de l'activité, précisées dans l'accord, le justifient.
« Les modifications du programme de la modulation font l'objet d'une consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.
« La convention et l'accord définis par le présent article fixent les règles selon lesquelles est établi le programme indicatif de la modulation pour chacun des services ou ateliers concernés et organisent, le cas échéant, l'activité des salariés selon des calendriers individualisés. Dans ce cas, la convention ou l'accord doit préciser les conditions de changement des calendriers individualisés, les modalités selon lesquelles la durée du travail de chaque salarié sera décomptée ainsi que la prise en compte et les conditions de rémunération des périodes de la modulation pendant lesquelles les salariés ont été absents.
« Les conventions et accords définis par le présent article peuvent prévoir qu'ils sont applicables aux salariés titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée ou d'un contrat de travail temporaire, ou à certaines catégories d'entre eux.
« Les absences rémunérées ou indemnisées, les congés et autorisations d'absence auxquels les salariés ont droit en application de stipulations conventionnelles, ainsi que les absences justifiées par l'incapacité résultant de maladie ou d'accident ne peuvent faire l'objet d'une récupération par le salarié. Les absences donnant lieu à récupération doivent être décomptées en fonction de la durée de travail que le salarié devait effectuer.
« En cas de rupture du contrat de travail pour motif économique, intervenant après ou pendant une période de modulation, il ne peut être opéré aucune retenue ni sur le salaire ni sur les sommes dues au salarié au motif qu'il serait redevable d'un temps de travail. »
« II. _ Au premier alinéa de l'article L. 212-8-5 du même code, les mots : "tel que mentionné à l'article L. 212-2-1, au onzième alinéa (2° ) de l'article L. 212-5 ou à l'article L. 212-8" sont remplacés par les mots : "mentionnés aux articles L. 212-7-1 et L. 212-8".
« III. _ L'article L. 212-9 du même code devient l'article L. 212-10. Au premier alinéa de cet article, les mots : "au deuxième alinéa de l'article L. 212-5" sont remplacés par les mots : "aux premier alinéa du I de l'article L. 212-5, quatrième alinéa de l'article L. 212-5-1 et à l'article L. 212-7-1".
« IV. _ Les articles L. 212-2-1, L. 212-8-1, L. 212-8-2, L. 212-8-3 et L. 212-8-4 du même code sont abrogés.
« V. _ Les stipulations des conventions ou accords collectifs intervenues sur le fondement des articles L. 212-2-1 et L. 212-8 du code du travail applicables à la date de publication de la présente loi demeurent en vigueur. Toutefois, à compter de la date à laquelle la durée légale du travail est fixée à trente-cinq heures, les heures excédant une durée moyenne sur l'année de trente-cinq heures par semaine travaillée et, en tout état de cause, une durée annuelle de 1 600 heures sont des heures supplémentaires soumises aux dispositions des articles L. 212-5, L. 212-5-1 et L. 212-6 du même code. »
Sur l'article, la parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Le présent article fond en un seul les trois régimes actuels de modulation des horaires de travail en mettant en place un dispositif inspiré de la modulation de type III, modulation instituée en 1995 par la loi quinquennale pour l'emploi et qui liait - enfin, en principe ! - l'annualisation à la réduction du temps de travail.
Vous comprendrez, madame la ministre, qu' a priori nous soyons un peu réticents ! En effet, le bilan de ces quinze dernières années de modulation est, à notre sens, plutôt négatif. Enfin, cela dépend de quel côté on se place ! Car, pour les entreprises qui relèvent de secteurs où la nature de l'activité n'appelait pas ce type de souplesse, la modulation a été profitable.
Bien souvent, en contrepartie d'une baisse de la durée moyenne annuelle de quelques jours de congés supplémentaires, on a imposé aux salariés des fluctuations non planifiées, on a fait exploser les amplitudes horaires. Résultat : aujourd'hui, le nombre de salariés ne disposant pas régulièrement de deux jours de congés consécutifs est estimé à cinq ou six millions. Les salariés n'ayant pas d'horaires réguliers sont donc de plus en plus nombreux.
Et pour vous, messieurs, « la formulation d'un horaire sur l'année est un progrès incontestable » !
Ce formidable outil à gommer et à passer outre le paiement des heures supplémentaires a profondément contribué à faire évoluer les règles, bousculant ainsi le droit du travail, flexibilisant le marché de l'emploi.
Le projet gouvernemental ambitionne « de lier une modulation du temps de travail mieux maîtrisée, justifiée, encadrée, à une vraie réduction du travail ». Soit, mais alors pourquoi ne pas avancer le principe selon lequel tout aménagement du temps de travail doit se faire sur des heures inférieures à la durée légale ?
Le texte précise seulement que la durée annuelle de travail ne doit en aucun cas dépasser 1 600 heures et 35 heures en moyenne hebdomadaire pour conditionner la validité de l'accord. Cela exclut de fait la réalisation des 35 heures par étapes dans le cadre de la modulation, mais les nouvelles modalités d'aménagement ne sont plus subordonnées à une réduction de l'horaire pratiqué précédemment dans l'entreprise.
Pour que l'on parvienne, effectivement, à une modulation programmée, conciliable avec la vie de chacun, fondée sur des variations saisonnières, les parlementaires communistes ont fait un certain nombre de propositions visant soit à réduire fortement les amplitudes de modulation autorisées, soit à interdire les dérogations conventionnelles au délai de prévenance ou à augmenter ce dernier à quinze jours, soit à justifier le recours à la modulation ou encore à prévoir que les modifications du programme de modulation doivent recevoir l'accord du comité d'entreprise.
Seules ces deux dernières dispositions ont été adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture. Ces ajouts au projet de loi seront autant de points d'appui dans les négociations.
Toutefois, les garanties apportées aux salariés restent faibles, les risques de banalisation grands, surtout pour les salariés à temps partiel.
Enfin, nous craignons qu'en autorisant les accords pour mettre en place des calendriers individualisés on n'ouvre la voie à l'annualisation de l'horaire individuel de travail.
Autant de raisons qui font qu'en l'état nous souhaitons que le dispositif figurant dans cet article soit renforcé.
Bien sûr, ce n'est pas au sein de la Haute Assemblée que les choses vont évoluer, la commission proposant, évidemment, d'alléger le plus possible les garanties offertes aux salariés !
M. le président. La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, en m'exprimant sur cet article, je commencerai par saluer l'évolution majeure du Gouvernement sur le sujet.
Certes, le texte proposé souffre encore de bien des contraintes, mais qui aurait cru qu'un jour la majorité plurielle nous rejoindrait sur le terrain de la flexibilité, car c'est bien de flexibilité qu'il s'agit ? (MM. Gournac et Vasselle applaudissent.)
Certes, le terme « modulation », qui est employé, semble plus acceptable. Il n'en demeure pas moins, madame le ministre, que ce n'est qu'un synonyme, plus politiquement correct pour votre majorité, du terme « flexibilité ».
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Nelly Olin. La possibilité de recourir à l'annualisation est une bonne chose pour nos entreprises. Elle permettra à bon nombre de branches de coller un peu plus à la réalité du travail, à la réalité des activités de production de nos entreprises.
Madame le ministre, est-il besoin de dire qu'on ne travaille pas autant l'hiver que l'été dans une entreprise fabriquant des réfrigérateurs ?
La « modulation » - puisque c'est le terme que vous avez choisi - est donc une avancée notable dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Néanmoins, nous regrettons toutes les barrières que vous érigez aussitôt quant à la mise en oeuvre de cette saine disposition.
Notre première interrogation va vers le seuil plafond de 1 600 heures. Comment avez-vous obtenu ce chiffre ?
Vous prétendez qu'il correspond très exactement aux 35 heures hebdomadaires converties en temps annuel. Soit ! Mais si l'on prend en compte le repos hebdomadaire de deux jours par semaine, les semaines de congés payés et les onze jours fériés, d'une année sur l'autre, on n'obtient pas le même total horaire.
Personne ne peut décider que Noël tombera chaque année un dimanche ou empêcher les jours fériés de ne pas coïncider systématiquement avec des jours de week-end !
C'est la raison pour laquelle bon nombre d'accords de branche ont prévu des seuils supérieurs à 1 6000 heures, notamment dans le bâtiment, où sont prévus des accords de modulation à 1 645 heures.
Nous formulerons sur ce point la même critique que précédemment.
De quel droit des accords de branche qui avaient prévu une modulation supérieure à 1 645 heures ne seraient pas validés ?
De quel droit dénier aux partenaires sociaux le droit de définir eux-mêmes ce qui est le plus juste pour leur propre vie et pour celle de leur entreprise ?
Si la modulation est une bonne évolution, nous ne pouvons admettre qu'une fois encore vous empêchiez les partenaires sociaux d'établir eux-mêmes les règles qui leur conviennent le mieux. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Sur l'article 3, je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 13, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« I. - L'article L. 212-8 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 212-8. - Une convention ou un accord collectif étendus ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire du travail peut varier sur tout ou partie de l'année à condition que, sur un an, cette durée n'excède pas en moyenne 35 heures par semaine travaillée.
« Les conventions ou accords définis par le présent article peuvent déroger aux durées maximales quotidiennes et hebdomadaires définies par les deuxièmes alinéas des articles L. 212-1 et L. 212-7. A défaut d'une telle clause dans la convention ou l'accord, l'employeur doit demander une dérogation à l'inspecteur du travail.
« Les heures effectuées au-delà de la durée légale, dans les limites fixées par la convention ou l'accord, ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 212-5 et L. 212-5-1 et ne s'imputent pas sur les contingents annuels d'heures supplémentaires prévus à l'article L. 212-6.
« Constituent des heures supplémentaires soumises aux dispositions des articles L. 212-5, L. 212-5-1 et L. 212-6, les heures effectuées au-delà de la durée maximale hebdomadaire fixée par la convention ou l'accord, ainsi que, à l'exclusion de ces dernières, les heures effectuées au-delà de la durée moyenne annuelle calculée sur la base de la durée légale.
« La convention ou l'accord défini par le présent article doivent fixer le programme indicatif de la répartition de la durée du travail, les conditions de recours au chômage partiel pour les heures qui ne sont pas effectuées dans le cadre de la modulation, ainsi que le droit à la rémunération et à repos compensateur des salariés n'ayant pas travaillé pendant la totalité de la période de modulation de la durée du travail et des salariés dont le contrat de travail a été rompu au cours de cette même période.
« Le programme de la modulation est soumis pour avis avant sa mise en oeuvre au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel. Le chef d'entreprise communique au moins une fois par an au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, un bilan de l'application de la modulation.
« Les salariés doivent être prévenus des changements de leurs horaires de travail dans un délai de sept jours ouvrés au moins avant la date à laquelle ce changement doit intervenir. Ce délai peut être réduit dans des conditions fixées par la convention ou l'accord collectif.
« La convention ou l'accord défini par le présent article fixe les règles selon lesquelles est établi le programme indicatif de la modulation pour chacun des services ou ateliers concernés, et organisent, le cas échéant, l'activité des salariés selon des calendriers individualisés. Dans ce cas, la convention ou l'accord doit préciser les conditions de changement des calendriers individualisés, les modalités selon lesquelles la durée du travail de chaque salarié sera décomptée ainsi que la prise en compte et les conditions de rémunération des périodes de la modulation pendant lesquelles les salariés ont été absents.
« En cas de rupture du contrat de travail pour motif économique, intervenant après ou pendant une période de modulation, il ne peut être opéré aucune retenue ni sur le salaire ni sur les sommes dues au salarié au motif qu'il serait redevable d'un temps de travail.
« II. - Au premier alinéa de l'article L. 212-8-5 du même code, les mots "tel que mentionné à l'article L. 212-2-1, au onzième alinéa (2°) de l'article L. 212-5 ou à l'article L. 212-8" sont remplacés par les mots "mentionnés aux articles L. 212-7-1 et L. 212-8".
« III. - L'article L. 212-9 du même code devient l'article L. 212-10. Au premier alinéa de cet article, les mots "au deuxième alinéa de l'article L. 212-5" sont remplacés par les mots : "aux premier alinéa du I de l'article L. 212-5, quatrième alinéa de l'article L. 212-5-1 et à l'article L. 212-7-1".
« IV. - Les articles L. 212-2-1, L. 212-8-1, L. 212-8-2, L. 212-8-3 et L. 212-8-4 du même code sont abrogés.
« V. - Les stipulations des conventions ou accords collectifs intervenues sur le fondement des articles L. 212-2-1 et L. 212-8 du code du travail, applicables à la date de publication de la présente loi, demeurent en vigueur. »
Les trois amendements suivants sont présentés par M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 109 tend, après les mots : « doivent respecter », à rédiger ainsi la fin du deuxième alinéa du texte proposé par le I de l'article 3 pour l'article L. 212-8 du code du travail : « une durée de travail hebdomadaire minimale de trente heures et maximale de quarante heures ».
L'amendement n° 110 vise à rédiger ainsi la dernière phrase du septième alinéa du texte présenté par le I de l'article 3 pour l'article L. 212-8 du code du travail : « Ce délai peut être réduit sur dérogation accordée par l'inspecteur du travail ».
L'amendement n° 111 a pour objet, dans la seconde phrase du septième alinéa du texte proposé par le I de l'article 3 pour l'article L. 212-8 du code du travail, après le mot : « réduit », d'insérer les mots : « jusqu'à un minimum de cinq jours ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 13.
M. Louis Souvet, rapporteur. L'article 3 du projet de loi, qui simplifie et unifie le régime des modulations du temps de travail, comporte certaines dispositions contraignantes, telles que la limitation à 1 600 heures de la durée annuelle du travail. C'est pourquoi la commission en propose une nouvelle rédaction qui modifie de nombreuses dispositions.
Ainsi, le plafond de 1 600 heures est supprimé.
La souplesse inhérente à un dispositif de modulation est préservée grâce à la suppression des consultations, des programmations, des délais, qui ne présentent pas un caractère de nécessité évidente.
En particulier, l'amendement ne reprend pas le principe d'une mention des données économiques et sociales justifiant le recours à la modulation.
Par ailleurs, il prévoit des possibilités maîtrisées de dérogation aux durées maximales de travail et la consultation du comité d'entreprise, en cas de modification du programme de modulation, est supprimée.
M. le président. La parole est à M. Bret, pour défendre l'amendement n° 109.
M. Robert Bret. Depuis la mise en application de la loi visant à encourager la réduction du temps de travail du 13 juin 1998, les accords de branche et d'entreprise ont recouru assez largement à la modulation.
La moitié des accords d'entreprise prévoient ce dispositif et fixent, le plus souvent, un plafond inférieur à 48 heures et un délai de prévenance moyen de sept jours.
Concernant les plafonds et les planchers hebdomadaires, le nombre de semaines d'utilisation de ces derniers, le bilan des accords sur les 35 heures permet de dire que, globalement, les négociations ont permis de réduire les amplitudes des horaires et de mieux planifier l'organisation du travail.
Dans le secteur du BTP, bâtiments et travaux publics, l'annualisation sur la base de 1 645 heures est accessible à toutes les entreprises. La durée hebdomadaire de travail effectif peut atteindre 46 heures par semaine ou 45 heures en moyenne.
Toutes les négociations n'ont pas permis d'apporter les réponses équilibrées. Au législateur de fixer un certain nombre de garde-fous contre la flexibilité, pour équilibrer les négociations, afin que la modulation ne désorganise pas complètement la vie quotidienne des salariés et que l'intensification du travail induite n'ait pas d'effets catastrophiques sur leur santé.
Pour réduire les effets pervers de la modulation et donner tout son sens au temps libéré, nous proposons, par cet amendement, de fixer l'amplitude horaire du travail hebdomadaire entre 30 et 40 heures.
M. le président. La parole est à Mme Borvo, pour défendre les amendements n°s 110 et 111.

Mme Nicole Borvo. Madame la ministre, vous comprendrez que, quand nous entendons Mme Olin, nous nous méfiions de la trop grande facilité donnée aux entreprises pour pratiquer la flexibilité !
Mme Nelly Olin. C'est paroles n'engagent que vous !
M. Jean-Pierre Raffarin. La vérité fait réfléchir !
Mme Nicole Borvo. Dans le cadre du dispositif prévu pour la modulation, les députés communistes ont proposé d'allonger le délai de prévenance de sept à quinze jours, lors d'un changement d'horaire.
Craignant qu'un délai trop long n'incite à multiplier les dérogations, le rapporteur de l'Assemblée nationale a suggéré de retenir sept jours ouvrés. Cela apporte une petite garantie supplémentaire au salarié, qui peut s'appuyer sur une certaine prévisibilité de ses horaires pour s'organiser en conséquence.
Toutefois, par accord, ce délai peut être réduit, ce qui renforce le pouvoir de l'employeur d'imposer des changements d'horaires et réduit la liberté du salarié.
Opposés à cette possibilité, nous considérons que, si ce délai peut être réduit pour des raisons liées à l'urgence, cela doit demeurer exceptionnel. C'est pourquoi, par l'amendement n° 110, nous proposons qu'une telle possibilité de dérogation soit accordée par l'inspecteur du travail.
Enfin, si une telle solution ne pouvait être retenue, afin d'éviter que, dans le silence de la loi, le délai de prévenance tellement abaissé qu'il ne soit réduit à rien, nous envisageons de fixer un plancher de cinq jours minimum.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 109, 110 et 111 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 109, qui est incompatible avec la nouvelle rédaction adoptée par la commission.
Elle est également défavorable à l'amendement n° 110, car, contrairement à Mme Borvo, elle souhaite s'en remettre à la négociation collective plutôt qu'à l'inspecteur du travail.
Ces explications valent également pour l'amendement n° 111, sur lequel nous émettons un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 13, 109, 110 et 111 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. L'amendement n° 13 vise à modifier de manière très importante notre système de modulation, puisqu'il supprime le plafond annuel de 1 600 heures, le mode de calcul de la durée annuelle, les durées maximales quotidiennes et les durées hebdomadaires légales, l'obligation d'indiquer dans l'accord les modalités de recours au travail temporaire, la consultation obligatoire du comité d'entreprise, le régime des absences prévu par la loi et l'obligation d'indiquer dans l'accord si la modulation s'applique au travail à durée déterminée ou au travail temporaire.
Je remarque néanmoins, monsieur le rapporteur, que vous adhérez au principe de réserver la possibilité d'une modulation des horaires à la pratique d'une durée du travail inférieure ou égale à 35 heures. J'y vois donc un progrès par rapport à la loi quinquennale, puisque, dans cette dernière, la modulation pouvait être appliquée dès que la durée du travail était réduite d'une heure. Dans le projet de loi, bien évidemment, la modulation ne peut intervenir que pour une durée hebdomadaire de 35 heures, c'est-à-dire de 1 600 heures annuelles, les jours fériés ne pouvant être comptés dans la durée du travail.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, je crois que l'obligation de préciser les données économiques et sociales justifiant le recours à la modulation fait partie d'un souci de transparence indispensable pour une négociation claire et saine. Si un chef d'entreprise a des motivations valables, il n'aura aucun mal à les exposer. En revanche, s'il veut moduler parce qu'il ne sait pas anticiper les évolutions, parce qu'il est dans l'incapacité de gérer l'évolution du travail dans l'entreprise, il est bon que les salariés puissent s'en rendre compte.
Je ferai remarquer que la moitié des 16 000 accords signés traitent des problèmes de modulation et que la justification de la modulation a été précisée dans chacun d'eux.
Telles sont les raisons pour lesquelles je suis défavorable à l'amendement n° 13.
J'en viens aux amendements n°s 109, 110 et 111.
Comme je l'ai dit hier en répondant à plusieurs remarques, dont celles du groupe communiste, la modulation annuelle, telle qu'elle était prévue précédemment, pouvait entraîner une précarisation pour les salariés, car elle pouvait être très large. Or, aujourd'hui, dans la majorité des cas, elle s'est instituée entre 30 et 39 heures et dans 62 % des cas elle ne va pas au-delà de 42 heures. On voit que, par la négociation, on est arrivé à une maîtrise des périodes de haute durée du travail. Je souhaite donc que l'on reste dans le domaine de la négociation, d'autant qu'il est prévu dans le projet de loi que la baisse des charges soit liée à un accord des salariés, ce qui constitue un élément favorable aux syndicats dans la négociation.
Quant au délai de prévenance, il a été fixé à sept jours parce qu'il est nécessaire de prévenir à temps les salariés. Je crois cependant qu'il faut prévoir qu'en cas d'urgence ou de force majeure ce délai puisse être réduit. Dans cette hypothèse, l'intervention de l'inspecteur du travail est déjà prévue. Dans les autres cas, c'est à la négociation collective de prévoir, en fonction des spécificités de chaque entreprise, le délai le plus approprié dans les limites prévues.
Je ne peux donc pas être favorable aux amendements n°s 109, 110 et 111.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 13.
M. Robert Bret. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Considérant que les amendements adoptés à l'Assemblée nationale « limitent de façon excessive le pouvoir de gestion des chefs d'entreprise », qu'ils encadrent trop le dispositif de modulation dont l'objectif est la souplesse, la commission nous propose une réécriture inacceptable de cet article.
Dans la droite ligne de la loi quinquennale, qui a permis de généraliser la flexibilité des horaires, l'annualisation envisagée renforce un peu plus les pouvoirs des employeurs, fait fi du plafond de 1 600 heures et des durées maximales quotidiennes et hebdomadaires, sans accorder aux salariés de réelles contreparties.
Les ajouts positifs intégrés au texte par les députés, comme la justification du recours à la modulation ou l'accord du comité d'entreprise lors de modifications apportées au programme de modulation, disparaissent.
En conséquence, nous voterons contre l'article tel qu'amendé par la commission des affaires sociales, qui conduit, entre autres, à valider un certain nombre d'accords de branche allant jusqu'à 1 645 heures.
Nous ne dénoncerons jamais assez les incidences néfastes de la flexibilité, si chère à nos collègues de la droite, sur la précarisation et sur la détérioration des conditions de vie et de travail. Belle vision de la justice sociale ! Vous avez raison, mes chers collègues, nous avons bien deux conceptions différentes de la société !
M. Alain Gournac. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. L'amendement de notre rapporteur, qui tend à réécrire l'article 3, en en faisant disparaître toutes les dispositions autoritaires et contraignantes, va dans le sens de la sagesse.
Il s'agit, pour notre assemblée, de supprimer les contraintes imposées aux entreprises qui souhaitent procéder à l'annualisation du temps de travail, et donc de permettre le recours à la modulation du temps de travail sans contreparties excessives, qui rendraient cette bonne disposition inopérante.
Il faut laisser aux partenaires sociaux le libre choix de recourir à cette forme de travail, a fortiori s'ils considèrent unanimement qu'elle est une bonne chose pour l'avenir de l'entreprise ou de la branche.
En conséquence, nous voterons cet amendement.
M. Serge Lagauche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Le groupe socialiste votera évidemment contre l'amendement présenté par la commission.
Cet amendement introduit en effet un déséquilibre sur deux points : il néglige le fait que la modulation est d'abord une sujétion pour le salarié, dont elle déstabilise l'organisation personnelle et familiale ; il diminue la force de l'accord collectif au profit, comme à l'accoutumée, du seul employeur.
Pour notre part, nous approuvons d'autant plus les dispositions de cet article que des garanties nouvelles ont été apportées par l'Assemblée nationale. En particulier, celle-ci a précisé que 1 600 heures constituent un plafond, elle a rendu nécessaire la justification du recours à la modulation, elle a prévu un délai de prévenance de sept jours ouvrés qui garantit que les salariés ne peuvent être corvéables à merci et elle a encadré les modalités de recours au travail temporaire.
La commission s'attache à faire disparaître ces garanties, qui n'ont rien de paralysant pour l'entreprise, mais sont au contraire une assurance de respect mutuel des salariés et de l'employeur, un élément de clarté des relations sociales.
Il est, par exemple, important que l'accord mentionne les raisons du recours à la modulation. C'est une conception étrange des relations entre employeur et salariés que celle qui admet que le patron puisse décider seul, sans avoir à s'en expliquer auprès de qui que ce soit dans l'entreprise, de bousculer les horaires, les conditions de travail et de vie des salariés.
En quoi est-il problématique, compliqué, voire attentoire au statut patronal, d'expliquer aux salariés pourquoi la modulation est nécessaire pour l'entreprise ? N'est-ce pas là, au contraire, le meilleur moyen de recueillir leur adhésion ? A quelles règles antédiluviennes de gestion du personnel cette conception se réfère-t-elle ?
Au demeurant, cet amendement est en retrait par rapport à ce qui se pratique dans de nombreuses entreprises et à ce que prévoient des accords déjà en vigueur.
C'est donc aussi au nom du respect de la négociation collective et des partenaires sociaux que nous y sommes tout à fait opposés.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, mes chers collègues, je vous en demande pardon, je vais faire preuve de l'esprit de l'escalier en revenant sur l'article précédent. Mais c'est le mode de fonctionnement de notre assemblée qui me conduit à agir ainsi.
Mme le ministre a réagi à mon intervention sur l'article 2 ter en expliquant que l'incohérence était non du côté du Gouvernement mais plutôt du mien.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je n'ai pas dit ça !
M. Alain Vasselle. Elle m'a dit aussi que, si j'avais lu attentivement le code du travail, je n'aurais pas été amené à présenter les remarques que je croyais devoir faire sur l'article 2 ter.
Eh bien, madame le ministre, je persiste et signe !
Vous avez affirmé que l'amendement de la commission était superfétatoire dans la mesure où le code du travail permet de répondre aux préoccupations qui sous-tendaient cet amendement. En fait, il y a plus qu'une nuance entre les dispositions du code du travail et ce qu'a proposé la commission à l'article 2 ter.
C'est d'une manière tout à fait restrictive que l'article L. 220-1 du code du travail autorise des mesures dérogatoires puisqu'il ne vise que quatre cas bien définis.
M. Alain Gournac. Eh voilà ! Ce n'est pas la même chose !
M. Alain Vasselle. A l'inverse, la mesure préconisée par notre rapporteur est d'ordre général et elle reprend la directive européenne. Je suis d'ailleurs assez surpris qu'un membre du Gouvernement fasse ainsi fi de certains éléments d'une directive européenne.
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Alain Vasselle. Je pense donc que la cohérence, en l'occurrence, est plutôt de notre côté, et non du vôtre.
Je reviens maintenant à l'article 3, et d'abord pour relever un propos de Mme Borvo.
Vous ne pouvez pas, madame Borvo, laisser croire à l'opinion publique que, par son amendement, M. Souvet permet à l'employeur d'imposer son point de vue aux salariés. En effet, comme le rapporteur l'a dit, et comme Mme le ministre l'a elle-même rappelé, c'est par la voie conventionnelle que seront décidées les modalités d'application de cet article.
Arrêtez donc de donner à croire à l'opinion publique que chaque fois que le Sénat intervient c'est en définitive pour permettre à l'employeur de traiter les salariés d'une manière qui n'est pas digne de notre époque, en les contraignant à travailler dans des conditions qu'il définit souverainement.
A partir du moment où l'on parle de convention, d'accord, cela signifie bien que salariés et employeurs se mettent autour d'une table, discutent et définissent des conditions qui soient satisfaisantes à la fois pour l'entreprise et pour les salariés. Qu'on cesse donc de décrire les initiatives du Sénat de manière partielle et partiale !
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin. Excellent !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur Vasselle, le procès-verbal en fera foi, je n'ai pas dit que vous étiez incohérent. J'ai dit qu'avant de nous taxer d'incohérence vous devriez relire le code du travail.
Je crois qu'il vaut mieux essayer de s'écouter, plutôt que de s'invectiver. Je n'ai pas l'habitude d'invectiver. Je réponds quand on me pose des questions et quand on m'invective.
Moi aussi, je persiste et signe, monsieur Vasselle : la proposition du rapporteur est en-deçà de ce que prévoit aujourd'hui le code du travail et, là, je peux effectivement dire que vous êtes incohérent. Avant de nous critiquer, regardez donc les choses de manière un peu plus précise !
J'ai la prétention de connaître l'entreprise. J'y ai, aussi, travaillé, figurez-vous. Or, il y a un cas qui n'est pas prévu dans l'amendement qu'a présenté M. le rapporteur. Je pourrais dire que, pour une fois, le Sénat méconnaît la réalité de l'entreprise et ne prend pas en compte l'ensemble des cas qui sont visés par le code du travail. Lorsqu'on évoque les « conditions objectives, techniques ou d'organisation du travail », on laisse nécessairement de côté la situation du surcroît d'activité, qui ressortit aux conditions économiques. Nous, nous visons aussi le cas du surcroît d'activité. Ce cas peut être prévu par une convention collective ou par un accord d'entreprise, ou même faire l'objet d'une simple demande à l'inspection du travail.
Puisque vous tenez à parler d'incohérence, monsieur le sénateur, je vous en signale une autre : en cas d'urgence, le chef d'entreprise peut suspendre le repos quotidien ou en réduire la durée sans aucun accord, contrairement à ce que prévoit l'amendement de la commission.
Tout à l'heure, moi, je n'avais pas parlé d'incohérence, mais il est vrai que cet amendement sur lequel vous êtes revenu, monsieur Vasselle, est incohérent en ce qu'il ne permet pas, contrairement aux dispositions actuelles du code du travail, de répondre, comme les entreprises en ont besoin, à certaines situations.
Vous vouliez des réponses, monsieur Vasselle, vous les avez !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. L'intervention de Mme la ministre me permet de faire l'économie de la démonstration que je comptais entreprendre et confirme, à moins que l'un de nos collègues ne vienne à faire la démonstration contraire, que, sur ce point au moins, les propositions de la commission se situent en deçà du code du travail actuel.
Lorsque, dans la discussion générale, j'ai avancé cet argument, vous avez vivement réagi et m'avez soupçonné d'exagérer. Or, il est clair que nous sommes bien en face de la situation que j'ai décrite.
En fait, M. Vasselle, je le lui dis amicalement, a parfaitement vu ce qui, au fond, est en jeu dans cette discussion. Lors de débats antérieurs concernant des problèmes de liberté individuelle - la parité, le PACS - nous avions dit que nous pouvions tirer le fil de votre argumentation et démontrer que, quoique vous vous en défendiez, vous étiez opposés à l'évolution de la législation dans les domaines en cause.
Eh bien, dans le cas présent, il en est de même. Nous sommes en train de démontrer que, en réalité, ce n'est pas seulement aux 35 heures que vous vous opposez. Au reste, je le répète, il me paraît légitime que vous vous y opposiez, car vous ne vous êtes jamais engagés sur cette perspective des 35 heures. C'est la nôtre, et c'est notamment sur elle que nous avons été élus. Donc, je ne vous en veux pas de rester fidèles à votre vision.
Cela étant, ce débat est aussi pour vous l'occasion de faire valoir une certaine conception des relations de travail en vous opposant systématiquement à la mise en place de garde-fous quant à la durée du travail.
Non seulement vous êtes contre les 35 heures, mais vous voulez nous faire revenir en deçà de ce que prévoit aujourd'hui la législation du travail.
Evidemment, vous le faites avec élégance, et on n'en attendait pas moins de vous ! (Sourires.)
M. Jean Chérioux. C'est gentil !
M. Jean-Luc Mélenchon. Chaque fois que vous revenez sur une disposition, vous ne le dites pas. Vous soutenez qu'il suffit d'inclure le point en question dans la négociation.
Je ne peux, en cet instant, qu'invoquer une nouvelle fois la notion d'ordre public social... Je vois que M. Chérioux me fait les gros yeux. (Nouveaux sourires.) Mais je sais que M. Chérioux est aussi un partisan de l'ordre public social, parce que c'est un républicain.
Cette notion, mes chers collègues, s'impose aussi bien à l'employeur qu'aux salariés. L'ordre public social veut que le législateur, qui a en charge l'intérêt général, n'accepte pas que l'on discute de gré à gré de certaines questions, de telle manière que le salarié serait lui-même conduit à accepter de travailler à des conditions moins favorables que celles qui sont fixées par les textes. La contrainte s'exerce donc sur les deux parties.
Nous savons tous comment est faite l'humanité ! Il y a toujours le gars ou la fille qui dit : « Je veux en faire davantage, moi, cela ne m'embête pas. » Mais la société lui dit alors : « Nous prenons en compte ton intérêt personnel, ta santé. Nous ne te permettons pas d'en disposer d'une manière qui n'est pas raisonnable. » C'est la même logique qui nous conduit à légiférer sur l'alcoolémie, sur tout ce que vous voudrez !
M. Jean Chérioux. N'est-il pas interdit d'interdire ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Dans les relations de travail, c'est pareil !
Cette quasi-digression va m'obliger à conclure en abordant l'essentiel de mon propos...
M. le président. Il faudrait conclure rapidement, mon cher collègue ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Dans ces questions de cycle du travail, il faut marquer les bornes, c'est ma conviction.
Une société fonctionne au rythme de son temps dominant. Je renvoie mes collègues à l'excellent livre de M. Roger Sue : Temps et Ordre social. La société respire au rythme d'un temps social qui est un temps dominant. Ce fut le temps de l'agriculture, puis celui de l'industrie. Aujourd'hui, c'est celui du mouvement quasi instantané du capital transnational, qui ajuste tous les autres rythmes sociaux à son propre rythme. Et cela touche jusqu'à la vie personnelle.
Nous avons tous été contemporains d'une évolution foudroyante du système des représentations culturelles qui fait qu'aujourd'hui - et vous savez bien combien on en souffre ! - nous sommes dans l'instantané, dans l'immédiateté, dans le « sans-mémoire ». Tout cela forme un bloc.
Il faut savoir que le temps dégage une espèce d'énergie sociale. Une fois que vous avez réussi à faire du flux tendu, à faire du stock zéro, il vous reste l'homme, à qui vous dites qu'il faut tout de même être là quand il y a du travail. On est toujours dans cette idée que le travail doit correspondre à une activité productive immédiate.
Eh bien, toute cette synchronie que vous avez gagnée dans l'ordre de la production dégage une énergie qui irradie tout le reste de la vie sociale. Cela se paie en termes de cohérence de la vie familiale, de partage des temps collectifs.
Je demande qu'on y réfléchisse. Il faut mettre des bornes. Il ne faut pas renvoyer à la négociation et aux rapports de force, même si l'expression vous déplaît, à l'intérieur de l'entreprise la définition de quelque chose qui est un bien commun. Le temps social est un bien commun et nous, législateur, nous sommes les premiers gardiens de cette grammaire-là : nous ne pouvons pas accepter qu'il soit mis en miette et négocié de gré à gré, d'entreprise en entreprise, voire d'individu en individu, même si ces négociations, sur un plan humain, peuvent nous paraître légitimes. Nous sommes les gardiens de l'intérêt général.
Ce sont donc de grandes questions qui se faufilent à travers des problèmes qui peuvent paraître, en cet instant, strictement techniques. Ce sont des questions aussi fondamentale que celle-ci : quel modèle de société voulons-nous ?
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé et les amendements n°s 109, 110 et 111 n'ont plus d'objet.
(M. Guy Allouche remplace M. Jacques Valade au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président

Article 4



M. le président.
« Art. 4. _ I. _ L'article L. 212-9 du code du travail est ainsi rétabli :
« Art. L. 212-9 . _ I. _ La durée hebdomadaire de travail peut être réduite, en tout ou partie, en deçà de trente-neuf heures, par l'attribution sur une période de quatre semaines, selon un calendrier préalablement établi, d'une ou plusieurs journées ou demi-journées de repos équivalant au nombre d'heures effectuées au-delà de la durée hebdomadaire de travail fixée par l'article L. 212-1 ou de la durée conventionnelle si elle est inférieure. Les heures effectuées au-delà de trente-neuf heures par semaine ainsi que, à l'exclusion de ces dernières, celles effectuées au-delà de la durée résultant de l'application sur cette période de la durée légale du travail sont des heures supplémentaires auxquelles s'appliquent les dispositions des articles L. 212-5, L. 212-5-1 et L. 212-6. En cas de modification des dates fixées pour la prise des jours de repos, ce changement doit être notifié au salarié dans un délai de sept jours au moins avant la date à laquelle cette modification doit intervenir.
« II. _ Une convention ou un accord étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire moyenne sur l'année est réduite, en tout ou partie, en deçà de trente-neuf heures, par l'attribution de journées ou de demi-journées de repos. Lorsque la durée du travail constatée excède trente-cinq heures en moyenne sur l'année et, en tout état de cause, une durée annuelle de 1 600 heures, les heures effectuées au-delà de cette durée sont des heures supplémentaires auxquelles s'appliquent les dispositions des articles L. 212-5, L. 212-5-1 et L. 212-6. Ces dispositions sont également applicables aux heures non déjà décomptées à ce titre et qui auraient été effectuées au-delà de trente-neuf heures ou d'un plafond inférieur fixé par la convention ou l'accord.
« La convention ou l'accord détermine les modalités de prise des journées ou des demi-journées de repos, pour partie au choix du salarié et pour partie au choix de l'employeur et, dans la limite de l'année, les délais maxima dans lesquels ces repos sont pris. En cas de modification des dates fixées pour la prise des jours de repos, ce changement doit être notifié au salarié dans un délai de sept jours au moins avant la date à laquelle cette modification doit intervenir. Ce délai peut être réduit dans des conditions fixées par la convention ou l'accord collectif. L'accord précise également les modalités de répartition dans le temps des droits à rémunération en fonction du calendrier de ces repos. L'accord collectif peut en outre prévoir qu'une partie de ces jours de repos alimente un compte épargne-temps dans les conditions définies par l'article L. 227-1.
« Les absences rémunérées ou indemnisées, les congés et autorisations d'absence auxquels les salariés ont droit en application de stipulations conventionnelles ainsi que les absences justifiées par l'incapacité résultant de maladie ou d'accident ne peuvent faire l'objet d'une récupération par le salarié. Les absences donnant lieu à récupération doivent être décomptées en fonction de la durée de travail que le salarié devait effectuer.
« II. _ L'article 4 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail est abrogé. Toutefois, les stipulations des conventions ou accords collectifs intervenues sur le fondement dudit article et applicables à la date de publication de la présente loi demeurent en vigueur. »
Sur l'article, la parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, avant d'exposer le sentiment qui est le nôtre sur l'article 4, je dois donner acte à Mme Aubry qu'elle a pour partie raison sur l'article 2 ter, après les éléments d'information complémentaires qu'elle a apportés. Je tiens toutefois à souligner qu'en utilisant le terme « incohérence » je me plaçais par rapport à la logique gouvernementale, qui tend à traduire, dans la législation française, les dispositions des directives européennes. Je ferme la parenthèse.
M. Claude Domeizel. Il vaut mieux !
M. Alain Vasselle. Je pense qu'on arrêtera là la polémique sur l'article 2 ter.
J'en viens maintenant à l'article 4. Je relève, dans cet article, que le Gouvernement a été sensible à des souhaits exprimés par les partenaires sociaux.
Dans le cadre de la négociation consécutive à la première loi, un grand nombre de branches professionnelles ont eu recours à cette formule de réduction du temps de travail. Les partenaires sociaux, qui ne sont pas dupes quant à la possibilité de créer de vrais emplois avec votre réforme, madame le ministre, ont privilégié cette voie de réduction du temps de travail. Ainsi, tout en continuant de travailler trente-neuf heures par semaine, les salariés bénéficieront d'une augmentation des repos compensateurs, qu'ils pourront prendre par journée ou par demi-journée. Cela va dans le bon sens !
Vous avez laissé la raison l'emporter en acceptant cette solution préconisée par les acteurs sociaux, en pérennisant cette formule et en faisant le choix d'assouplir le dispositif prévu sur la question dans la première loi par l'abrogation de l'article 4 de la loi de 1998.
Néanmoins, la commission des affaires sociales, par la voix de son rapporteur, nous proposera de légères modifications qui nous paraissent de nature à améliorer le dispositif. Si je m'en tiens aux déclarations qui ont été faites antérieurement sur les travées de gauche de cet hémicycle et par Mme le ministre, j'ai la faiblesse de croire qu'au moins sur ces points il devrait y avoir un assentiment du Gouvernement, puisque le rapporteur viendra conforter une partie des dispositions du texte initial.
M. le président. Sur l'article 4, je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 14 rectifié , M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 4 pour rétablir l'article L. 212-9 du code du travail :
« Art. L. 212-9. - I. La durée hebdomadaire de travail peut être réduite, en tout ou partie, en deçà de trente-neuf heures, par l'attribution, sur une période de douze semaines, selon un calendrier préalablement établi, d'une ou plusieurs journées ou demi-journées de repos équivalant au nombre d'heures effectuées au-delà de la durée hebdomadaire de travail fixée par l'article L. 212-1 ou de la durée conventionnelle si elle est inférieure. Les heures effectuées au-delà de la durée résultant de l'application sur cette période de la durée légale du travail sont des heures supplémentaires auxquelles s'appliquent les dispositions des articles L. 212-5, L. 212-5-1 et L. 212-6. En cas de modification des dates fixées pour la prise des jours de repos, ce changement doit être notifié au salarié dans un délai de sept jours au moins avant la date à laquelle cette modification doit intervenir.
« II. Une convention ou un accord étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire moyenne sur l'année est réduite, en tout ou partie, en deçà de 39 heures, par l'attribution de journées ou de demi-journées de repos. Lorsque la durée du travail constatée excède trente-cinq heures en moyenne sur l'année, les heures effectuées au-delà de cette durée sont des heures supplémentaires auxquelles s'appliquent les dispositions des articles L. 212-5, L. 212-5-1 et L. 212-6.
« La convention ou l'accord étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut déterminer les modalités de prise des journées ou des demi-journées de repos, pour partie au choix du salarié et pour partie au choix de l'employeur et, dans la limite de deux ans, les délais maxima dans lesquels ces repos sont pris. L'accord précise également les modalités de répartition dans le temps des droits à rémunération en fonction du calendrier de ces repos. L'accord collectif peut en outre prévoir qu'une partie de ces jours de repos alimente un compte épargne-temps dans les conditions définies par l'article L. 227-1. »
Par amendement n° 112, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer le I du texte présenté par le I de l'article 4 pour l'article L. 212-9 du code du travail.
Par amendement n° 51, M. Arnaud et les membres du groupe de l'Union centriste proposent, dans la deuxième phrase du I du texte présenté par le I de l'article 4 pour l'article L. 212-9 du code du travail, après les mots : « par semaine », d'insérer les mots : « ou de la durée fixée par l'accord collectif ».
Par amendement n° 113, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans la première phrase du premier alinéa du II du texte présenté par le I de l'article 4 pour l'article L. 212-9 du code du travail, de remplacer les mots : « l'année » par les mots : « le mois ».
Par amendement n° 114, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après les mots : « demi-journées de repos », de rédiger ainsi la fin de la première phrase du deuxième alinéa du II du texte présenté par le I de l'article 4 pour l'article L. 212-9 du code du travail : « pour 70 % au choix du salarié et pour les 30 % restants selon les modalités prévues pour l'attribution des congés payés annuels et, dans la limite du mois, le délai maximum dans lequel ces repos sont pris ».
Par amendement n° 52, Mme Bocandé et les membres du groupe de l'Union centriste proposent, après la première phrase du deuxième alinéa du II du texte présenté par le I de l'article 4 pour l'article L. 212-9 du code du travail, d'insérer une phrase ainsi rédigée : « Les jours de repos sont décidés d'un commun accord entre le salarié et l'employeur. »
Enfin, par amendement n° 115, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer la troisième phrase du deuxième alinéa du II du texte présenté par le I de l'article 4 pour l'article L. 212-9 du code du travail.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 14 rectifié.
M. Louis Souvet, rapporteur. L'article 4 prévoit les modalités de réduction du temps de travail par journée ou demi-journée de repos.
Cette disposition existait déjà dans la loi du 13 juin 1998 et elle a fait l'objet, dans le présent article, d'une codification et de quelques modifications.
La commission propose une nouvelle rédaction de cet article tendant à faciliter le recours à ce dispositif conventionnel. On remarque en effet que les délais de prévenance en cas de modification des dates fixées pour la prise des jours de repos ne s'imposent pas dans ce type de modulation. En outre, la fixation dans la loi des absences ne pouvant pas donner lieu à récupération pourrait poser des problèmes, notamment dans les périodes hautes de la modulation.
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 112.
M. Guy Fischer. Avec l'article 4, le Gouvernement ne se contente pas de codifier et de pérenniser les dispositions prévues par l'article 4 de la loi du 13 juin 1998, qui mettait en place la réduction du temps de travail sous forme de jours de repos, il les assouplit.
En effet, le paragraphe I prévoit que, désormais, la réduction du temps de travail pourra être réalisée conventionnellement par l'attribution de demi-journées de repos et non plus exclusivement par jour entier sur une période de quatre semaines. Seules les heures au-delà de trente-neuf heures ainsi que celles qui dépassent la moyenne de trente-cinq heures sur quatre semaines seront considérées comme des heures supplémentaires.
En l'absence d'accord collectif, l'employeur aura tout loisir, unilatéralement, de répartir à l'intérieur d'une période de quatre semaines la durée du travail.
A priori, le dispositif ainsi proposé peut paraître attrayant pour les salariés. Toutefois, il bouscule le cadre hebdomadaire, sans que la souplesse ainsi accordée à l'employeur soit soumise à la consultation des salariés, à leur accord.
De plus, comme l'a noté, à l'Assemblée nationale,Gaëtan Gorce, dans son rapport, ce dispositif de mensualisation du temps de travail apparaît imprécis. En effet, aucune disposition ne détermine le temps préalable à la présentation aux salariés du planning des journées. Qu'adviendra-t-il si les journées de congé proposées ne conviennent pas aux salariés ?
Nous ne pouvons souscrire à cette forme d'accès direct à la flexibilité. C'est pourquoi nous vous demandons d'adopter notre amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Arnaud, pour défendre l'amendement n° 51.
M. Philippe Arnaud. Cet amendement tend à donner plus de souplesse et de liberté au dispositif proposé. Cependant, je constate qu'il est satisfait par celui de la commission. Par conséquent, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 51 est retiré.
La parole est à M. Bret, pour défendre l'amendement n° 113.
M. Robert Bret. Le paragraphe II de l'article prévoit que, par accord de branche ou d'entreprise, un dispositif de congé réduction du temps de travail pourra être mis en place sur l'année.
Plusieurs de nos interventions précédentes ont pointé les dangers de la modulation, source de flexibilité pour le salarié. Considérant qu'en définitive cette réduction annuelle du temps de travail conduit à mettre en place une forme d'annualisation individuelle du temps de travail, nous proposons, par cet amendement, de retenir comme cadre de la réduction du temps de travail le mois et non l'année.
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 114.
M. Guy Fischer. Avec votre permission, monsieur le président, je défendrai dans le même temps l'amendement n° 115.
Lorsque la réduction du temps de travail s'effectue dans le cadre de l'année, il convient de renforcer les protections des salariés.
Ces amendements visent ainsi à s'assurer que le salarié restera effectivement maître de choisir en grande partie ses jours de congés. A cet effet, nous proposons de préciser qu'à 70 % la prise des jours de repos s'effectuera au choix du salarié, le reste faisant l'objet d'une planification élaborée par l'employeur, au regard des besoins de l'entreprise.
Par ailleurs, nous tenons à ce qu'en cas de modification des dates prévues pour la prise de congés le salarié soit prévenu au moins sept jours avant, sans possibilité de réduire ce délai de notification par un accord.
Je ne me fais aucune illusion sur le sort qui sera réservé à ces amendements par le Sénat, étant entendu que la réécriture de l'article 4 proposée par la commission a pour objet de faciliter le recours à ce dispositif en supprimant les maigres garanties qui l'entourent, notamment le délai de prévenance.
M. le président. La parole est à M. Arnaud, pour défendre l'amendement n° 52.
M. Philippe Arnaud. Cet amendement procède du même esprit que notre amendement précédent.
Les jours de repos sont décidés d'un commun accord entre le salarié et l'employeur. Afin de répondre aux aspirations des salariés, il serait souhaitable que les heures de récupération puissent être globalisées en demi-journées ou journées de repos.
Toutefois, cet amendement étant également satisfait par celui de la commission, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 52 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 112 à 115 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces quatre amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 14 rectifié, 112, 113, 114 et 115 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Comme l'a très bien dit M. Vasselle, l'article 4, tel qu'il a été rédigé par le Gouvernement, correspond au souhait des partenaires sociaux.
De nombreux accords, notamment dans les petites et moyennes entreprises, prévoient la possibilité d'une réduction de la durée du travail sous la forme de jours de repos dans le mois. Toutefois, dans l'esprit du Gouvernement, cette faculté ne peut en aucun cas constituer, contrairement à ce qu'a dit M. le rapporteur, un dispositif de modulation. Or, l'amendement de la commission, qui vise à étendre la période d'attribution des jours de repos de quatre semaines à douze semaines, reviendrait, effectivement, à moduler le temps de travail de manière infra-annuelle, à l'intérieur du trimestre, ce qui ne correspond absolument pas à notre souhait.
Nous désirons tout simplement, par cet article, ouvrir cette possibilité aux petites et moyennes entreprises mais également à certains salariés - je pense notamment à ceux de la région parisienne, dont les temps de transport sont importants - qui préfèrent bénéficier d'une demi-journée, voire d'une journée mensuelle de repos, plutôt que de voir réduit un jour de travail de plusieurs minutes.
Ces dispositions vont dans le sens de l'intérêt des salariés, me semble-t-il, ce qui ne serait pas le cas si l'on arrivait à une modulation sur douze semaines.
Par conséquent, je ne peux pas être favorable à l'amendement n° 14 rectifié de la commission, qui, par ailleurs, supprime un certain nombre des garanties prévues concernant la seconde modalité de jours de repos sur l'année : le seuil de 1 600 heures permet au chef d'entreprise de décider unilatéralement de la modalité de ces prises de congés, alors que notre texte renvoie à un accord ; le délai de prévenance en cas de modification d'horaires est supprimé.
L'amendement n° 112 tend à supprimer la modalité de réduction du temps de travail sous forme d'attribution de jours de repos à l'intérieur d'une période de quatre semaines en l'absence d'un accord collectif. Aujourd'hui, sans accord collectif, un employeur peut organiser le temps de travail sur la semaine soit en réduisant la durée quotidienne de travail, soit en accordant une demi-journée de congé supplémentaire. Je ne vois pas pourquoi ce qui est possible sur la semaine ne le serait pas sur le mois.
J'ajoute - et cet argument est pour moi beaucoup plus fort - que, dès lors que nous avons lié la baisse des charges sociales à la conclusion d'un accord collectif, nous sommes absolument convaincus - c'est d'ailleurs ce qui se passe actuellement - que la majorité des entreprises ne prendront pas de décisions unilatérales. Elles rechercheront, au contraire, un accord et, par voie de conséquence, elles trouveront des modalités qui correspondent aussi au souhait des salariés.
S'agissant de l'amendement n° 113, la possibilité de donner des congés annuels par la voie d'accords - puisque nous imposons l'accord - permet à certaines catégories, notamment les cadres, de bénéficier, effectivement, de la réduction de la durée du travail. Il n'en serait sans doute pas de même, je le crains, si nous supprimions cette possibilité.
En ce qui concerne l'amendement n° 115, contrairement au souhait de M. le rapporteur, nous ne laissons pas aux chefs d'entreprise la liberté de réduire le délai de prévenance. Nous prévoyons qu'un accord précisera les dispositions applicables.
Pour ce qui est de ce dernier amendement, comme de l'amendement n° 114, le Gouvernement considère qu'il faut faire confiance aux organisations syndicales. Dans la mesure où nous lions la signature de l'accord à la baisse des charges, elles auront des moyens de faire avancer les propositions des salariés.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 14 rectifié.
M. Bernard Murat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. On parlait tout à l'heure de cohérence.
Madame le ministre, vous dont je connais les origines corréziennes, vous savez parfaitement que les Corréziens sont des gens de bon sens, et je veux, en toute amitié, vous interpeller sur un événement sportif connu de tous.
Mme le ministre de la jeunesse et des sports, dimanche après-midi, est allée féliciter l'équipe de France de rugby.
M. Jean-Luc Mélenchon. Ils ont été bons !
Mme Nicole Borvo. Très bons !
M. Bernard Murat. Ils ont même été excellents, et « Titou » Lamaison, qui est un Briviste, a été le meilleur ! (Sourires.)
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est Abdelatif Benazzi le meilleur français !
M. Bernard Murat. Mais le problème n'est pas là, monsieur Mélenchon.
Mme le ministre, qui était présente, a-t-elle pu comptabiliser le temps nécessaire aux joueurs pour revêtir leur maillot puis pour le retirer ? (Vives exclamations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Guy Fischer. C'est de la caricature !
M. Bernard Murat. Comment peut-on appliquer la loi à ces professionnels ? Comment comptabiliser une activité multiple entre l'entraînement, le transport et les matches ? Sans parler des prolongations, pour lesquelles je ne pense pas que les joueurs soient payés en heures supplémentaires !
On voulait parler de cohérence ? Parlons-en : voilà un exemple concret que tous les Français connaissent !
Croyez-moi, pour tout responsable d'un club professionnel de sport en France, c'est un vrai problème.
Je pose la question tout simplement, madame le ministre, car nous n'avons toujours pas de réponse. C'est un cas concret de l'application de la flexibilité.
M. Alain Vasselle. Très bien !
Mme Nicole Borvo. Vive le rugby !
M. Alain Gournac. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Je souhaite répondre à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Encore moi ? Je n'ai pourtant rien dit, cette fois ! (Rires.)
M. Alain Gournac. Monsieur Mélenchon, m'autorisez-vous à vous dire un mot ? (Nouveaux rires.)
Vous avez souligné, tout à l'heure, que notre collègue Alain Vasselle s'était exprimé avec beaucoup d'élégance. Pour ma part, je suis étonné que Mme le ministre ait pu lui répondre avec si peu d'élégance, tranchant par là avec l'élégance de sa réponse sur la précédente question. (Exclamations sur les travées socialistes.)
Comme, de temps en temps, Mme le ministre nous donne quelques leçons, je veux simplement lui dire que j'ai été très étonné.
Je tiens à dire une deuxième chose : à force de grossir le trait, on finirait presque par faire de la gauche ce grand coeur qui met tout en oeuvre pour aider les salariés. Sachez que cela fait rire à l'extérieur ! (Exclamations sur les travées socialistes ainsi que les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Guy Fischer. C'est pourtant l'histoire de notre pays !
M. Alain Gournac. Nous, gaullistes, nous avons bien fait avancer les choses, mais vous avez du mal à le reconnaître ! (Rires sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mais je reviens à l'amendement n° 14 rectifié.
La nouvelle rédaction que propose M. le rapporteur consiste à faciliter de manière substantielle le recours à un dispositif dont nous venons de vanter les mérites.
Le délai de prévenance en cas de modification des dates fixées ne s'impose pas dans ce type de modulation, comme vient de nous l'expliquer M. le rapporteur.
De plus, la fixation dans la loi des dispositions relatives aux absences qui ne pourraient donner lieu à récupération semble effectivement poser un certain nombre de problèmes.
Il ne nous paraît donc pas judicieux d'inscrire ces dispositions dans la loi. En conséquence, nous voterons cet amendement, qui modifie et, surtout, améliore incontestablement l'article 4 de ce projet de loi.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je vous fais un aveu, monsieur le président, je n'avais pas songé à m'exprimer sur ce point. Mais je m'y résous, puisqu'il semble que je tienne lieu de « surmoi » social, pour prendre dans le vocabulaire freudien (Mme le ministre s'esclaffe), à M. Gournac, qui éprouve le besoin de m'interpeller alors que je suis là, tranquillement en train de préparer mes arguments.
M. Alain Gournac. Oh !
M. Jean-Luc Mélenchon. Mais cela ne me dérange pas du tout. Cela me fait même très plaisir de voir l'attention que vous portez à la cohérence de ma pensée ! (Sourires.) De toute manière, vous l'avez bien cherché.
M. Alain Gournac. Oui !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Mais cela tourne à la conversation de salon !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je suis obligé de vous dire que, une fois de plus, ce ne sera pas à votre gloire quand il faudra aller expliquer aux travailleurs la loi et ses souplesses.
Vous savez, les souplesses n'ont pas forcément bonne réputation sur toutes les travées de gauche. On discute aussi entre nous et puis, certes, il faut bien suivre notre gouvernement, qui propose un arbitrage. Plusieurs de mes collègues, qui ont d'ailleurs précisé qu'ils le faisaient sans illusion, demandent que l'on resserre un peu le dispositif, tout de même. Et quand je m'exprime de cette manière, je ne fais que manifester quelque chose qui existe aussi parmi les salariés. Mais vous, cela ne vous suffit pas ; vous n'êtes donc pas dans notre registre. Vous proposez de supprimer les délais de prévenance. Evidemment, comme vous n'osez pas le dire comme cela, à chaque fois vous renvoyez à la négociation.
En plus, vous vous recommandez du gaullisme pour le faire !
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Robert Bret. C'est du gaullisme perverti !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je ne sais pas ce que le gaullisme a à voir avec le délai de prévenance. (Rires sur les travées socialistes.- Mme le ministre rit également.) Ou, sinon, pour le coup, cela devient une pensée très globalisante et très systématique.
Vous nous reprochez de vouloir nous mêler du casse-croûte, mais au moins, c'est consistant, on voit de quoi il s'agit. Et voilà que le gaullisme a une doctrine concernant le délai de prévenance ! (Exclamations sur les travées du RPR.) Bon, pourquoi pas ?
Mais si c'est une doctrine, franchement, elle est cruelle. Parce que le délai de prévenance, c'est une expression qui signifie que l'on prévient le gars ou la fille qu'il va falloir venir travailler alors que ce n'était pas prévu ; on se donne donc un délai. Il est normal que ceux qui, en l'occurrence, représentent au plus proche les salariés fassent valoir que plus le délai est grand, mieux l'on se porte.
A part travailler et défendre la compétitivité de l'entreprise - pour que le consommateur paie moins cher, paraît-il, parce que, jusqu'ici, les profits ont disparu de la comptabilité dans vos raisonnements - il y a un truc qui s'appelle la vie, la vie de famille !
M. Alain Gournac. Oh !
Mme Nicole Borvo. Allez parler aux caissières des grandes surfaces : elle savent ce que c'est, le délai de prévenance !
M. Jean-Luc Mélenchon. Il y a les vacances que l'on prend, les imprévus, les sorties avec les gosses parce qu'on leur a dit qu'on y serait. Bref, le délai de prévenance, c'est à cela que cela sert, à s'organiser. Franchement, ce n'est pas bestial. (Protestations sur les travées du RPR. - Rires sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Ce n'est pas du marxisme « goulaguiste » que d'exiger que l'on prévienne les gens dans un délai raisonnable qui leur permette de s'organiser. Déjà que cela ne doit pas leur faire trop plaisir !
Mais si la doctrine gaulliste en matière de délai de prévenance prévoit qu'il n'y a pas besoin de délai de prévenance, alors, bon ! (Rires sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Gournac. C'est affligeant !
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est vrai qu'il y a là une confrontation philosophique. (Sourires.) Pour l'instant, dans cette assemblée, la philosophie et la doctrine gaullistes de l'absence de délai de prévenance vont sans doute l'emporter, et je suis très content de savoir que les odieux marxistes goulaguistes de l'Assemblée nationale vont rétablir un peu d'humanité dans cette affaire !
M. Bernard Murat. Heureusement que vous êtes là !
Mme Nelly Olin. C'est affligeant !
M. Alain Gournac. Et consternant !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, le texte proposé pour rétablir l'article L. 212-9 du code du travail est ainsi rédigé et les amendements n°s 112 à 115 n'ont plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Article 4 bis



M. le président.
« Art. 4 bis . _ Après l'article L. 221-16 du code du travail, il est inséré un article L. 221-16-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 221-16-1 . _ L'inspecteur du travail peut, nonobstant toutes poursuites pénales, saisir en référé le président du tribunal de grande instance pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser dans les établissements de vente au détail et de prestations de services au consommateur l'emploi illicite de salariés en infraction aux dispositions des articles L. 221-5 et L. 221-16 ou en infraction aux articles 41 ( a et b ) et 105 ( i ) du code des professions applicable dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.
« Le président du tribunal peut notamment ordonner la fermeture le dimanche du ou des établissements concernés. Il peut assortir sa décision d'une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor. »
Par amendement n° 15, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission propose de supprimer un article...
M. Claude Domeizel. Encore ?
M. Louis Souvet, rapporteur. ... qui renforce le contrôle de l'interdiction du travail hebdomadaire. L'article n'est pas directement lié à la réduction du temps de travail et ne traite la question du travail dominical que sous l'aspect répressif.
Encore, mon cher collègue ? Je viens de vérifier ce qui se passe dans votre majorité plurielle : j'ai compté pas moins de quarante et un amendements de suppression déposés par vos amis. Je vous en prie, faites preuve d'un peu plus de discernement !
M. Alain Gournac. Un peu de calme !
Mme Nelly Olin. La cohérence n'est pas leur fort !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Si je peux me permettre, monsieur le rapporteur, les amendements ne vont pas tout à fait dans le même sens.
Mme Nicole Borvo. Nous le savons bien !
M. Guy Fischer. C'est de l'amélioration rédactionnelle !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est du moins ce que j'ai cru comprendre du débat jusqu'à présent.
Je croyais que, dans cette assemblée, on était très attaché au repos dominical, qui fait d'ailleurs partie de notre histoire, une histoire ancienne qui remonte au temps où l'Etat et l'Eglise n'étaient pas séparés comme ils le sont dans notre République.
Quand on fait voter une loi pour que le repos dominical reste la règle, sauf dans certains cas où, pour des raisons techniques ou pour des raisons de services rendus à la population, on ne peut pas faire autrement, il est bien de se donner les moyens de la faire appliquer. C'est tout simplement ce que permettait cet article.
Cette procédure, qui voulait rendre toute son effectivité à l'utilisation du référé dominical, c'est-à-dire à la possibilité d'obtenir une décision de justice pour arrêter le travail le dimanche lorsqu'il est interdit, avait été prévue par un décret qui a été déclaré illégal par le Conseil d'Etat au motif, tout à fait légitime, effectivement, que seule la loi peut conférer à l'inspection du travail le pouvoir de saisir le juge des référés. Nous l'avons donc réinscrite dans ce projet de loi.
Le recours au référé permet d'obtenir une décision de justice dans un délai relativement bref. En effet, délivrer un simple procès-verbal une fois que tout est terminé, cela ne suffit pas, d'autant que, nous le savons bien, dans un certain nombre de cas, le coût du procès-verbal est inférieur au chiffre d'affaires enregistré le dimanche. D'où l'inefficacité du dispositif actuel.
La seule solution efficace, c'est la fermeture immédiate, si l'on veut, comme nous, que le repos dominical soit la règle dans notre pays et que les exceptions soient uniquement celles qui sont prévues dans le code du travail.
M. Guy Fischer. Très bien !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il nous a paru extrêmement important de respecter ce qui est une longue tradition dans notre pays et qui permet aux familles et aux amis de se retrouver et à la société de penser qu'au-delà du travail et de la consommation, il y a peut-être autre chose à faire un jour dans la semaine.
C'est parce que nous tenons à faire respecter ce repos dominical que nous voulons introduire dans la loi le seul moyen pertinent d'y arriver, je veux dire le référé.
M. Louis Souvet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. J'ai trouvé un peu trop facile la manière dont notre collègue aglosé il y a un instant, sur le gaullisme, et je ne l'ai pas appréciée.
M. Alain Gournac. C'était bas !
M. Louis Souvet, rapporteur. C'est tout un état d'esprit. De même, je trouve un peu léger de faire croire...
M. Alain Gournac. Très léger !
M. Louis Souvet, rapporteur. ... que, parce que la commission propose la suppression de cet article, elle est contre le repos dominical.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Pas « contre », mais contre l'application !
M. Louis Souvet, rapporteur. Madame le ministre, nous n'en sommes pas là. La commission n'est pas opposée au repos dominical.
M. Alain Gournac. Nous sommes vraiment des affreux, pour eux !
Mme Nicole Borvo. Ils sont contre le repos dominical !
M. Louis Souvet, rapporteur. Ecoutez, madame, je reviens de Chine, où je me suis rendu d'ailleurs plusieurs fois. Vous avez soutenu ce régime. Permettez-moi de vous dire qu'on y travaille le dimanche comme les autres jours, et sans salaire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR. - Exclamations sur les travées du groupe communiste, républicain et citoyen.)
M. Guy Fischer. La Chine n'est pas notre modèle !
M. Louis Souvet, rapporteur. Il y a des limites à ne pas dépasser. On sait où nous conduisent les idées que vous avez défendues.
M. Alain Gournac. Pas les communistes !
M. Louis Souvet, rapporteur. Je vous en prie, un peu d'humilité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Ah, où est le bon temps de la guerre froide ?
M. Louis Souvet, rapporteur. On pourrait même dire que la suppression de l'article 4 bis permet de préserver le repos dominical des inspecteurs du travail !
Plus sérieusement, la commission est opposée à une disposition qui ne traite de cette question que sous l'aspect répressif, alors qu'il serait nécessaire d'ouvrir un débat afin de ne pas empêcher le travail du week-end de manière trop générale. Du reste, vous le savez, certaines catégories de salariés n'y sont pas opposées ; je pense notamment aux célibataires ou aux étudiants.
Cet article a été, je crois, adopté à l'Assemblée nationale plus pour satisfaire la majorité dans un moment agité de la vie du couple pluriel que pour apporter une réponse à un véritable problème.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Pour tout vous dire, monsieur le rapporteur, parce que j'ai tout de même de la suite dans les idées, c'est moi qui avais pris, en tant que directeur des relations du travail, le décret qui a été annulé par le Conseil d'Etat. Vous voyez donc que ce n'est pas une décision prise pour faire plaisir à une majorité plurielle, c'est tout simplement pour faire ce que je crois bon, c'est-à-dire pour faire respecter la loi.
Aussi, lorque ce décret a été annulé par le Conseil d'Etat, pour des raisons qui, effectivement, sont tout à fait légitimes - nous avions cru pouvoir nous appuyer sur une disposition de la loi, mais elle n'était pas suffisante - j'ai été très heureuse que l'on puisse reprendre, dans cette loi, le moyen de faire appliquer le repos dominical.
Encore une fois, monsieur le rapporteur, si l'on est favorable au repos dominical - et je ne conteste pas que vous le soyez - on ne peut pas renoncer à l'idée de le faire appliquer, ou alors on n'est pas cohérent dans sa position.
Même lorsqu'on est étudiant, même lorsqu'on est célibataire, on peut avoir une vie sociale, participer à la vie collective, à la vie culturelle, faire du sport, avoir des loisirs, tout simplement, et ce à un moment où, dans un pays, l'activité s'arrête pour que les uns et les autres puissent se retrouver. C'est là toute la logique du repos dominical. On peut la contester. Certains pays n'ont pas la même tradition que nous. Personnellement, j'y suis très attachée, car, encore une fois, je pense que, dans la vie, il y a le travail, il y a les moments de consommation, mais il y a aussi la vie tout court, quand on retrouve sa famille, ses amis, ces moments de la vie sociale où l'on peut vivre ensemble. Ce sont ces moments-là qui nous font penser que la vie, c'est autre chose que la consommation et le travail.
Telle est la loi de notre pays, et depuis longtemps. Je souhaite nous donner les moyens de la faire respecter. Or, sans ce référé, et nous le constatons depuis des années, les procès-verbaux des inspecteurs du travail s'accumulent, les entreprises paient ce qu'elles ont à payer et continuent à ouvrir le dimanche.
Alors, si nous souhaitons le repos dominical, donnons-nous en les moyens !
M. Louis Souvet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Madame, vous avez de la suite dans les idées. Alors pourquoi n'aviez-vous pas introduit cette disposition dans votre projet de loi ?
M. Alain Gournac. Bizarre !
M. Louis Souvet, rapporteur. Pourquoi a-t-il fallu une intervention extérieure pour que vous l'acceptiez ?
M. Alain Gournac. Ce n'était pas dedans !
M. Louis Souvet, rapporteur. Le dimanche, dites-vous, serait fait pour les retrouvailles.
Je m'étais promis de ne pas le faire, mais je vais revenir sur ce qu'a dit notre collègue M. Mélenchon hier, et vous comprendrez que j'accorde quelque vertu au travail. Il y a des étudiants qui ne peuvent payer leurs études que parce qu'ils ont la possibilité de travailler le dimanche.
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Louis Souvet, rapporteur. Peut-on ne pas tenir compte de ce fait ?
Hier, M. Mélenchon a montré le côté droit de l'hémicycle en disant : ils sont nés avec une cuillère d'argent dans la bouche.
Mon cher collègue, je ne suis pas de ceux-là !
M. Alain Gournac. Moi non plus !
M. Louis Souvet, rapporteur. Je suis né de parents pauvres. Cela ne m'a pas empêché d'être le premier de la classe. Cela ne m'a pas empêché d'exercer des responsabilités importantes dans mon travail. Cela ne m'a pas empêché de sortir de l'armée avec les épaulettes d'officier. Cela ne m'a pas empêché d'être sénateur aujourd'hui. Alors, je vous en prie !
Pour ce qui me concerne, j'accorde quelque vertu au travail. J'ai appris l'économie et le travail non pas dans les livres mais sur le tas. Aussi, j'ai une autre conception que la vôtre de la vie au travail. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 15.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je vais pouvoir être bref.
D'une manière assez surprenante - est-ce la fatigue ? - plusieurs registres de discussions, qui n'ont pas lieu d'être, s'emmêlent.
Là où il y a interdiction du travail le dimanche, la loi doit être respectée. Je ne pense pas que M. Souvet ou quiconque dans cette assemblée puisse ou veuille soutenir le point de vue qu'on ne fasse pas respecter ce que la loi prévoit.
En l'occurrence, on était dans l'impossibilité de le faire dans des conditions qui soient efficaces et dissuasives pour un certain nombre de contrevenants.
Mes chers collègues, je vous rappelle notre indignation, assez collective je crois, lorsqu'un grand magasin sur les Champs-Elysées a maintenu une ouverture le dimanche alors qu'on lui avait fait observer qu'il contrevenait à la loi et qu'en attendant que celle-ci soit modifiée, le cas échéant, dans cette zone touristique, il devait se plier à la règle commune. Souvenez-vous de ce que le P-DG avait dit : « La loi ne me concerne pas ; si vous n'êtes pas content, je m'en vais. » Une amende lui avait, bien sûr, été infligée ; il avait considéré qu'elle entrait dans les frais de production. Voilà ce à quoi il s'agit de répondre !
Dans le passé, Mme Aubry a déjà voulu, par un procédé qui, ensuite, s'est révélé inapproprié, faire respecter la loi. La loi est le seul moyen de mettre en place un dispositif qui soit assez contraignant. C'est tout ce que l'on fait !
Vous reprochez à Mme le ministre de ne pas avoir inscrit un tel dispositif dans le projet de loi initial. Or, l'introduction de ce dispositif à l'Assemblée nationale participe du dialogue normal. Les parlementaires de l'Assemblée nationale avaient le droit de le faire. Ils savaient qu'ils obtiendraient l'assentiment de Mme le ministre puisqu'elle s'était déjà prononcée sur le sujet. Aussi, monsieur le rapporteur, ne nous reprochez pas de savoir intervenir de manière opportune !
M. Louis Souvet, rapporteur. On sait ce qu'est la vie politique !
M. Jean-Luc Mélenchon. Il ne s'agit de rien d'autre. Moi, je trouve qu'il est normal que l'on puisse donner aux inspecteurs du travail le moyen de faire respecter la loi. Je pense, en cet instant, à un inspecteur du travail qui avait beaucoup été cité dans la presse à l'époque pour ses grands efforts pour tâcher de faire respecter la loi, sans grand succès.
Je rappelle que, dans la dernière loi d'amnistie qui nous a été présentée, on a rayé d'un trait de plume les contraventions de cinquième catégorie, ruinant ainsi des années de travail des inspecteurs du travail. Je pense à l'inspecteur Filoche, qui, en ce moment, doit être très satisfait de savoir qu'il existe une majorité parlementaire pour lui permettre de faire le travail dans lequel il a été si souvent malmené.
Je terminerai mon intervention en m'adressant à M. le rapporteur. Je ne suis pas habitué à voir notre éminent collègue perdre son sang-froid de cette manière. D'abord, dans l'Est, on n'est pas comme ça d'habitude ; on se retient ! S'il s'agit de venir mettre ses tripes fumantes sur la table pour convaincre, nous entrons là dans une compétition tout à fait étrange.
Vous avez évoqué les étudiants qui travaillent pour payer leurs études, monsieur le rapporteur. Vous parlez à quelqu'un qui, à Besançon, a été un employé de l'entreprise d'horlogerie Maty et de Néo Typo.
M. Louis Souvet, rapporteur . On n'y travaillait pas le dimanche !
M. Jean-Luc Mélenchon. J'ai également travaillé à la station-service à la sortie de la ville.
Je ne vois pas l'intérêt de voir chacun venir ici exposer les vertus qu'il attribue au travail et les efforts qu'il a faits dans la vie. Ce n'est pas de cela qu'il est question.
M. Alain Gournac. La cuillère en argent !
M. Jean-Luc Mélenchon. Il s'agit de faire en sorte qu'il reste des temps collectifs. Et lorsque la loi a décidé, il faut la faire respecter. Moi, je suis partisan de la plus extrême sévérité dans ce domaine.
Monsieur le rapporteur, je connais vos convictions. Avec votre système, le septième jour, le carnet de commandes aurait toujours été rempli ; le « tout autre » était parti, mais le magasin était toujours ouvert. Avec vos méthodes, qu'aurait-il dû faire ?
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. J'aurais souhaité, mais le débat ne l'a pas permis et je le regrette, que la conclusion sur cet article soit celle qu'a tirée M. le rapporteur.
Par ses propos, il nous a fait percevoir l'essentiel et il a exposé notre philosophie sur le sujet. En la matière, nous devons, les uns et les autres, faire preuve de plus d'humilité et ne pas nous cacher derrière une idéologie pour faire valoir un certain nombre de théories totalement déconnectées du quotidien et de la réalité de l'entreprise.
Pour ma part, je remercie M. le rapporteur d'avoir rappelé d'une manière concrète, fondée sur l'expérience, ce qu'est un homme de droite. Un homme de droite a autant droit à la considération de nos concitoyens et des partis politiques qu'un homme qui se dit de gauche.
Si nous avions pu nous en tenir là, cela aurait été la meilleure conclusion, le meilleur hommage rendu au travail et au monde du travail.
Cela étant dit, permettez-moi, au nom de mon groupe, d'apporter quelques considérations sur l'amendement visant à supprimer l'article 4 bis.
Ne nous faites pas dire ce que nous n'avons jamais dit : personne ici, et chacun se plaît à le reconnaître, n'est contre le repos dominical.
Il faut évoluer avec son temps, et certaines dispositions législatives autorisent d'ailleurs déjà le travail du dimanche dans certains cas, notamment dans les grandes surfaces commerciales.
Il est arrivé sans doute à plusieurs d'entre nous de voir certains de nos concitoyens prendre leur voiture le dimanche pour aller faire leurs courses chez Leclerc ou Intermarché. Il y a des salariés qui travaillent le dimanche. Il y a donc des dispositions législatives ou réglementaires qui donnent cette possibilité.
Il y a une règle générale qui est le repos dominical. Personne ne le conteste. Cependant, il faudrait dorénavant plutôt parler de repos heddomadaire que de repos dominical. S'il devait y avoir une évolution sémantique et législative, ce devrait bien être celle-ci. En effet, se réfugier derrière le repos dominical et dire qu'il s'agit du seul repos possible, c'est laisser à penser que nous n'acceptons pas d'évoluer avec notre temps, en prenant en compte les habitudes, les comportements, les conditions de vie des étudiants, des célibataires, des familles, des entreprises, des salariés, des syndicats, et j'en passe.
Aussi, ne nous faites pas dire que nous ne voulons pas que soient respectées des dispositions réglementaires concernant le repos dominical. Toutefois, s'agissant de la disposition visée par cet amendement, un certain nombre d'objections peuvent être avancées, qui méritent réflexion et qui devraient conduire à une adaptation législative.
Tout d'abord, sur le plan pratique, cette disposition sera difficilement applicable - notre collègue Louis Souvert l'a rappelé tout à l'heure - car il est rare que les inspecteurs du travail travaillent le dimanche. (Sourires sur les travées du RPR.)
Par ailleurs, comme certains l'on reconnu, nombre de nos concitoyens aspirent à travailler le dimanche.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Oh !
M. Alain Vasselle. Pour eux, il ne s'agit pas d'une brimade. Pour un certain nombre d'entre eux, c'est bel et bien le moyen de gagner un peu plus par la majoration des heures travaillées ce jour-là.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Oh !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il n'y a pas de majoration le dimanche !
M. Alain Vasselle. Il faut être réaliste. Des salariés sont contents de travailler le dimanche et souhaitent pouvoir continuer. Comme l'a dit tout à l'heure M. le rapporteur, les célibataires, qui n'ont pas de contraintes familiales, sont souvent dans ce cas. De même, les étudiants sont très souvent heureux de travailler le week-end puisqu'ils étudient dans la semaine. Enfin, nos concitoyens qui ne veulent pas travailler le dimanche - c'est leur droit - sont souvent les premiers satisfaits de voir des commerces ou des lieux de loisir ouverts ce jour-là.
Aussi, la disposition proposée mérite, selon nous, plus de réflexion, car il est essentiel de bien observer tous les aspects de la question. C'est pourquoi il nous semble préférable, en l'état actuel de la discussion et des dispositions, de supprimer cet article et d'ouvrir un débat plus large sur le travail dominical.
Je le répète - mais cette appréciation engage plus moi-même que mon groupe, même si certains de ses membres ne sont pas loin de la partager - on devrait plutôt parler de repos hebdomadaire que de repos dominical.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le rapporteur, l'esclavage sévit dans un certain nombre de pays avec lesquels vos amis politiques entretiennent des relations, à l'instar du Président de la République.
M. Alain Gournac. Du Premier ministre aussi !
Mme Nicole Borvo. Je précise d'ailleurs que le Président de la République semble au mieux avec les autorités chinoises. Il ne me viendrait pas à l'esprit de vous reprocher l'existence de l'esclavage dans certains pays. Aussi, je vous en prie, évitez de telles invectives ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
J'en viens aux repos dominical. Monsieur Vasselle, je souhaiterais que nos concitoyens aient plus de loisirs et de temps pour faire leurs courses un autre jour que le dimanche. En effet, l'ouverture des commerces le dimanche, ce sont des milliers de femmes que l'on oblige à travailler ce jour-là pour satisfaire les besoins de ceux qui ne peuvent faire leurs courses un autre jour. C'est une conception très rétrograde de la société.
M. Alain Gournac. Alors, il faudrait fermer les cinémas le dimanche !
Mme Nicole Borvo. Voilà des années, des milliers d'employées du commerce ont mené des luttes exemplaires. Je voudrais leur rendre hommage, car elles ont évité à un grand nombre de femmes d'aller travailler le dimanche.
Je me souviens de banderoles sur lesquelles ont pouvait lire : « Le dimanche, c'est pour les enfants et pour faire l'amour. » Grâce à ces femmes, et même si les exceptions à la règle générale sont nombreuses, on respecte encore un tant soit peu le repos dominical pour que les femmes le consacrent à leur famille. De ce point de vue, c'est la loi qui protège ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. Philippe Nogrix. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Les membres de l'Union centriste sont bien évidemment favorables au repos dominical, comme tous les orateurs qui se sont exprimés.
Mme Danièle Pourtaud. Avec M. Vasselle, on n'a pas compris cela !
M. Philippe Nogrix. Il y a simplement un problème de société, et personne ne peut le nier. Nous le vivons tous, en province. Nous sommes parfois gênés pour soutenir ou ne pas soutenir, pour réprimer ou ne pas réprimer. Il est donc nécessaire d'examiner les situations et, de ce fait, de ne pas prendre rapidement des décisions que nous pourrions ensuite regretter. Il faut donner du temps au temps quand la société bouge. Je suis hostile aux ruptures, je l'ai dit tout à l'heure, monsieur Mélenchon. En effet, ce n'est pas ainsi que l'on fait avancer une société.
Et puis, je reviendrai sur les propos réitérés et récurrents de M. Mélenchon sur le temps social, le temps des loisirs. Cela me rappelle le temps où un gouvernement avait institué une ministre du temps libre. Je pense que la place vous siérait fort bien. (M. Jean-Luc Mélenchon s'exclame.)
Monsieur Mélenchon, si vous vivez votre temps libre, votre temps social sans que la société, par le travail des uns et des autres, vous donne les moyens de le meubler, ce sera très triste et très pénible.
Il ne faut pas tout mélanger. Il n'y a pas que le temps social et le temps des loisirs. Il y a aussi le temps de travail, et ce temps-là, il faut savoir l'organiser avec responsabilité, et non pas selon l'idéologie.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 4 bis est supprimé.

Chapitre III

Dispositions relatives aux cadres

Article 5



M. le président.
« Art. 5. _ Le chapitre II du titre Ier du livre II du code du travail est complété par une section 5 ainsi rédigée :

« Section 5

« Dispositions particulières relatives aux cadres

« Art. L. 212-15-1 . _ Les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions du titre Ier et aux chapitres préliminaire, Ier et II du titre II du livre II. Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise ou leur établissement.
« Art. L. 212-15-2 . _ Les salariés ayant la qualité de cadre au sens des conventions collectives de branche, occupés selon l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés et pour lesquels la durée de leur temps de travail peut être prédéterminée, sont soumis aux dispositions relatives à la durée du travail, au repos et aux congés des chapitres II et III du titre Ier et à celles du titre II du livre II.
« Art. L. 212-15-3 . _ I. _ Les salariés ayant la qualité de cadre au sens des conventions collectives de branche et qui ne relèvent pas des dispositions des articles L. 212-15-1 et L. 212-15-2 doivent bénéficier d'une réduction effective de leur durée de travail. Leur durée de travail peut être fixée par des conventions individuelles de forfait qui peuvent être établies sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle. La conclusion de ces conventions de forfait doit être prévue par une convention ou un accord collectif étendu ou par une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement qui détermine les catégories de cadres susceptibles de bénéficier de ces conventions individuelles de forfait ainsi que les modalités et les caractéristiques principales des conventions de forfait susceptibles d'être conclues. A défaut de convention ou d'accord collectif étendu ou de convention ou d'accord d'entreprise ou d'établissement, des conventions de forfait peuvent être établies sur une base hebdomadaire ou mensuelle.
« II. _ Lorsque la convention ou l'accord prévoit la conclusion de conventions de forfait en heures sur l'année, l'accord collectif doit fixer la durée annuelle de travail sur la base de laquelle le forfait est établi, sans préjudice du respect des dispositions des articles L. 212-1-1 et L. 611-9 relatives aux documents permettant de comptabiliser les heures de travail effectuées par chaque salarié. La convention ou l'accord, sous réserve du respect des dispositions des articles L. 220-1, L. 221-2 et L. 221-4, peut déterminer des limites journalières et hebdomadaires se substituant à celles prévues au deuxième alinéa des articles L. 212-1 et L. 212-7, à condition de prévoir des modalités de contrôle de l'application de ces nouveaux maxima conventionnels et de déterminer les conditions de suivi de l'organisation du travail et de la charge de travail des salariés concernés.
« III. _ Lorsque la convention ou l'accord prévoit la conclusion de conventions de forfait en jours, l'accord collectif doit fixer le nombre de jours travaillés. Ce nombre ne peut dépasser le plafond de deux cent dix-sept jours. La convention ou l'accord définit les catégories de salariés concernés ainsi que les modalités de décompte des journées et des demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos. Il détermine les conditions de contrôle de son application et prévoit des modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés, de l'amplitude de leurs journées d'activité et de la charge de travail qui en résulte. L'accord peut en outre prévoir que des jours de repos peuvent être affectés sur un compte épargne-temps dans les conditions définies par l'article L. 227-1. La convention ou l'accord peut également préciser que le décompte de la durée du travail en jours est applicable aux salariés itinérants n'appartenant pas à la catégorie des cadres et dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée.
« Les salariés concernés ne sont pas soumis aux dispositions de l'article L. 212-1 et du deuxième alinéa de l'article L. 212-7. Les dispositions des articles L. 220-1, L. 221-2 et L. 221-4 leur sont applicables. La convention ou l'accord doit déterminer les modalités concrètes d'application de ces dernières dispositions.
« Art. L. 212-15-4 . _ Lorsqu'une convention de forfait en heures a été conclue avec un salarié relevant des dispositions des articles L. 212-15-2 ou L. 212-15-3, la rémunération afférente au forfait doit être au moins égale à la rémunération que le salarié recevrait compte tenu du salaire minimum conventionnel applicable dans l'entreprise et des bonifications ou majorations prévues à l'article L. 212-5. »
Sur l'article, la parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet article 5 traite de la réduction du temps de travail des cadres.
Je souhaiterais d'abord saluer le fait que, en intégrant les cadres dans la loi sur les 35 heures, vous affirmez clairement, madame la ministre, que les cadres aussi ont droit à la réduction du temps de travail. Comme vous l'avez dit avant-hier, c'est même la catégorie la plus « demanderesse ».
Nous connaissons tous les objectifs de cette loi : créer des emplois, permettre aux salariés de trouver un nouvel équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.
Les cadres sont non seulement concernés par ces deux objectifs, mais ils sont même la catégorie pour laquelle les attentes sont les plus fortes. En effet, à quelques exceptions près sur lesquelles nous reviendrons tout à l'heure, les cadres se vivent, dans notre pays, comme des salariés comme les autres dont les conditions de travail et les conditions de vie doivent être défendues. Cela est particulièrement vrai pour les femmes cadres.
Il ne me semble pas inutile de rappeler quelques faits qui expliquent aisément ce que l'on a appelé le « malaise des cadres » : l'importance du taux de chômage de cette catégorie de salariés, la baisse de leur pouvoir d'achat et, enfin, l'inflation de leur temps de travail, véritable « exception française ».
Les statistiques de l'INSEE montrent que le taux de chômage de cette catégorie n'a cessé d'augmenter entre 1962 et 1997, passant de 0,5 % à 5,1 %. Le chômage des cadres a littéralement explosé entre 1990 et 1997, le nombre de demandeurs d'emplois cadres ayant doublé sur cette période. Après une amélioration depuis un an à laquelle la loi du 13 juin 1998 n'est sans doute pas étrangère, puisque 80 % des accords signés prévoient une réduction du temps de travail des cadres, le chômage toucherait aujourd'hui 146 000 cadres, soit environ 4,5 % de cette population. Les quelques données sexuées dont nous disposons révèlent aussi que ce sont les femmes cadres qui sont les plus touchées, soit 5,4 %, contre 4 % des hommes.
Pour parvenir à tout prix aux « résultats » escomptés par leurs entreprises, les cadres multiplient les heures au bureau, le plus souvent sans aucune compensation financière. En contrepartie, leur pouvoir d'achat ne cesse de se dégrader. Une enquête récente révèle que l'évolution en francs constants de leur salaire est, sur treize ans, inférieur de 9 % en moyenne à celle des salaires toutes catégories confondues.
Cette situation de dépassement permanent des horaires normaux n'a pourtant rien d'inéluctable, en comparaison avec ce qui se passe dans des pays de niveau de développement comparable, et en particulier dans d'autres pays européens. La France, avec 46,4 heures par semaine, connaît la durée du travail des cadres masculins la plus longue en Europe, après la Grande-Bretagne et très loin devant les Pays-Bas, où les cadres masculins ne travaillent que 39 heures.
Cette « exception française » est certainement l'une des causes principales de l'existence de ce fameux « plafond de verre » auquel se heurte la carrière des femmes, puisque 80 % des tâches domestiques et des responsabilités familiales sont encore assumées par celles-ci. Alors que les femmes sont aujourd'hui plus diplômées que les hommes - en mars 1998, 25 % des femmes actives détenaient un diplôme supérieur au baccalauréat contre seulement 20 % des hommes - elles ne représentent pourtant que 32 % des cadres. Il est d'ailleurs frappant de constater qu'à diplôme universitaire égal les chances d'exercer un jour un emploi de cadre sont seulement de 57 % pour les femmes et de 76 % pour les hommes. Il est clair que la conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale est un problème crucial dans notre société.
La réduction du temps de travail permettra sans doute d'y apporter des débuts de solutions.
De ce point de vue, nous ne devons pas oublier non plus que le temps partiel choisi est une autre voie possible. C'est pourquoi toutes les dispositions de votre projet de loi qui donnent des garanties en matière de passage au temps partiel nous semblent importantes, madame la ministre.
Pour en revenir à l'article 5, il est donc nécessaire à nos yeux de trouver des solutions qui permettront à la fois de faire bénéficier le maximum de cadres des dispositions de la loi et de leur assurer une réelle diminution de leur temps de travail. C'est le sens des amendements que nous proposerons sur cet article.
M. le président. La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, il est indéniable qu'il y a eu, ces dernières années, une évolution de la perception de leur travail par les cadres.
L'image traditionnelle que nous avons du cadre est celle d'un homme ou d'une femme motivé par son travail, corvéable à merci, bête de somme effectuant heures supplémentaires sur heures supplémentaires, autant par conscience professionnelle que par souci de montrer sa valeur à son patron.
Cette image d'Epinal - nous devons en convenir - est dépassée.
Nous n'avons pas su, pas plus que vous-mêmes, appréhender à sa juste valeur cette évolution. J'en veux pour preuve les nombreux courriers d'associations de cadres que nous avons reçus, ainsi que les nombreux témoignages oraux.
La pression fiscale si forte, la baisse de certaines rétributions symboliques, la crainte ou l'expérience du chômage ont petit à petit démotivé les cadres. Et aujourd'hui, ces derniers cherchent leur épanouissement personnel au moins autant dans leur vie privée qu'auparavant dans leur travail.
Il faut reconnaître que la différence de salaire ne compense parfois que très peu l'effet de seuil, le changement de tranche d'imposition tombant comme un couperet. Il faut reconnaître que le nombre d'heures supplémentaires non rémunérées effectuées par les cadres ramènent souvent ces derniers à un salaire horaire à peine supérieur à celui des salariés sous leur propre responsabilité.
Tout cela a évidemment créé un malaise qu'il n'est que trop temps de réparer.
Pourtant, la formule que vous préconisez, madame le ministre, ne semble pas convenir à la réalité.
Je ne peux que vous féliciter d'avoir tenté de trouver une formule applicable aux cadres. Mais je crains que celle que vous avez retenue ne provoque des maux plus grands que ceux d'aujourd'hui.
Je crains que l'effet obtenu ne soit exactement contraire à l'effet escompté. Comme les 35 heures ne créeront pas d'emplois ou en créeront très peu, le résultat immédiat de cette réforme sera une baisse de l'activité de l'entreprise. Les cadres non concernés par un contrat de travail prévoyant un forfait horaire auront la charge de réduire cette baisse par une suractivité, alors qu'ils travaillent déjà beaucoup plus.
Dans les entreprises qui pratiquent déjà les 35 heures, cette plainte est une constante de la part des cadres. Ces derniers le vivent d'autant plus mal que, pour assurer la réduction du temps de travail des autres, ils travaillent d'autant plus eux-mêmes.
La réduction du temps de travail provoquera un gel des salaires que les cadres devront assumer également, même s'ils ne sont pas directement concernés.
En effet, la réduction du temps de travail est illusoire pour eux. Cela n'aura pour conséquence qu'un transfert du lieu de travail : au lieu de rester au sein de l'entreprise, ils emporteront leur ouvrage chez eux.
Le travail, et surtout le travail des cadres, ne se découpe pas en parts comme un gâteau, ainsi que nous l'avons déjà dit. Il n'y a pas de doute que les cadres emporteront chez eux le travail à faire.
Le plafond de 217 jours travaillés est source aussi d'inquiétude, puisque les cadres travailleront peut-être encore plus tard le soir pour compenser ces journées octroyées.
Pour toutes ces raisons, l'article 5 m'inspire plus de méfiance que de satisfaction. Mais il a au moins le mérite de soulever un juste débat sur les conditions de travail des cadres en France. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Il est assez difficile de dire une chose et son contraire, ma chère collègue !
Mme Nelly Olin. Cessez vos interpellations !
M. Alain Gournac. Argumentez plutôt ! Laissez les autres !
Mme Nicole Borvo. Parlant des cadres, l'un de vos collègues à l'Assemblée nationale, lors du débat sur ce projet de loi, disait ceci : « La loi impose une réduction du temps de travail à une catégorie qui n'en veut pas ». Voilà bien le signe que, comme ici, certains ont une vision sélective de la réalité ou ne voient pas le temps passer !
En effet - d'ailleurs, Mme Olin vient de nous le démontrer -...
Mme Nelly Olin. Je suis ravie que mes propos vous intéressent à ce point !
Mme Nicole Borvo. ... les cadres ont évolué : toutes les études récentes montrent que leur état d'esprit a considérablement changé ces dernières années. (M. Alain Gournac s'exclame.)
Je ne sais pas qui ne l'a pas vu ! En tout cas, le Gouvernement a quand même eu le mérite de proposer que la réduction du temps de travail s'applique aux cadres, parce que vous, vous proposez le contraire.
Les cadres ont donc beaucoup évolué, et c'est là aussi le signe que l'idylle entre les patrons, les cadres et les salariés, dont M. Nogrix nous vantait les mérites, n'est plus ce qu'elle était.
M. Alain Gournac. C'est la guerre !
Mme Nicole Borvo. C'est dommage ! Mais il faut voir la réalité sous toutes ses facettes.
M. Alain Gournac. A bas les patrons !
Mme Nicole Borvo. L'enquête récente de Liaisons sociales, que j'ai citée lors de la discussion générale, révèle que, massivement, les cadres aspirent à voir leurs conditions de travail s'améliorer - dont acte - et que 73 % d'entre eux estiment qu'ils doivent bénéficier des 35 heures au même titre que les salariés, madame Olin !
Mme Nelly Olin. Encore une fois, je suis ravie de l'intérêt que vous m'accordez !
Mme Nicole Borvo. La grande majorité des cadres ne veut pas se distinguer du reste des salariés.
En réalité, les cadres, comme les autres salariés, n'acceptent pas qu'une petite poignée de personnes empochent des centaines de millions de stock-options et qu'un patron puisse annoncer 7 500 licenciements en même temps qu'une bonne récolte de profits. Vous le voyez, les cadres sont comme les autres, de ce point de vue.
M. Alain Gournac. Les cadres vont bientôt voter pour le parti communiste !
Mme Nicole Borvo. Les enquêtes montrent bien que, comme l'ensemble des salariés, les cadres souhaitent consacrer plus de temps à leur vie privée, à leur vie familiale, à leurs loisirs, à autre chose qu'au travail.
Les cadres, en France, travaillent 46 heures en moyenne par semaine, et un quart d'entre eux travaillent 50 heures et plus par semaine.
Si les cadres jouissent d'une certaine liberté pour déterminer leurs horaires, ils la paient par un surcroît de durée de travail. C'est indiscutable. Plus de la moitié d'entre eux restent au travail plus de dix heures par jour. A ces journées à rallonge, il convient d'ajouter le temps passé à travailler à domicile,...
M. Alain Gournac. Ah ! Mme Olin en a parlé !
Mme Nicole Borvo. ... le tout, bien sûr, sans réelle contrepartie, sans paiement de ces heures supplémentaires.
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Nicole Borvo. Les dépassements acceptés ou subis de la durée légale et des maxima ont contribué à répandre l'idée, qui vous est chère, selon laquelle la législation du travail ne s'appliquerait pas entièrement aux cadres. C'est faux ! Certaines grandes entreprises se sont vu condamner justement pour ne pas avoir appliqué la législation concernant les cadres. La durée de travail horaire concerne également les cadres, même si les entreprises cherchent à la détourner.
Nous pensons, pour notre part, que la nouvelle loi devrait précisément renforcer les garde-fous. C'est la raison pour laquelle nous présenterons des amendements.
Or, en distinguant une catégorie de cadres, assez floue, pour laquelle l'employeur peut échapper aux durées maximales horaires, la loi encourage à y faire entrer beaucoup de monde. De fait, elle prive les cadres d'une garantie essentielle. J'insiste encore une fois sur le caractère particulièrement discriminant pour les femmes au moment où nous voulons agir - madame la ministre, je sais que vous y êtes attachée aussi - pour obtenir l'égalité des femmes et des hommes dans les responsabilités et les salaires, dans tous les domaines de la vie sociale.
J'ajoute que le dispositif, tel qu'il est, est critiqué par quatre organisations syndicales représentatives des cadres unies - c'est tout de même une première ! - qui revendiquent les garanties de maxima horaires. Madame la ministre, c'est nouveau ! Peut-être les organisations syndicales ont-elles mis du temps à s'en apercevoir ! mais on ne peut pas leur reprocher aujourd'hui de prendre en considération les souhaits de leurs mandants. Aussi, j'espère que les débats nous permettront d'avancer. En tout cas, nous défendrons des amendements en ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. J'aimerais développer plus particulièrement le caractère irréaliste de la catégorisation des cadres en trois groupes distincts.
Alors même que les cadres sont difficiles à appréhender en une seule catégorie parfois très floue, vous souhaitez, madame le ministre, les subdiviser en trois catégories bien définies.
Les cadres dirigeants appellent tout d'abord mon attention.
Vous considérez que ceux-ci, de par leurs responsabilités, sont exemptés de la réglementation sur la réduction du temps de travail. C'est souhaitable pour la bonne marche de nos entreprises.
Néanmoins, la définition très restrictive des cadres à laquelle aboutissent les ajouts de votre majorité ne tient pas compte de la réalité de nos entreprises.
Tout d'abord, vous considérez comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées « des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps ». C'est remarquable !
Il me semble pour le moins que c'est légitime, puisque c'est souvent ce qui fait la nature même de leur fonction !
Mais, au lieu de s'arrêter là, le texte prévoit deux autres critères restrictifs, et d'abord le fait qu'ils soient habilités à prendre des décisions de façon largement autonome.
Là, je dois reconnaître que je ne vois pas bien l'écart subtil entre un cadre ne prenant pas de décisions largement autonomes et un cadre en prenant ! Je ne vois d'ailleurs pas bien ce que peut être la définition d'une décision « largement autonome ». Si l'on souhaite préciser la définition des cadres dirigeants, autant que les critères puissent être objectivement appréhendés afin d'éviter tout obscurcissement de cette approche.
Enfin, votre second élément de définition restrictif concerne la perception d'une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunérations pratiqués dans leur entreprise ou leur établissement.
Est-il besoin de préciser que le niveau de rémunération n'a malheureusement pas toujours un lien direct avec le niveau de responsabilité ? Les exemples se trouvent à la pelle au sein de chaque entreprise !
La catégorie des cadres dits « postés » pose également problème. Qui peut croire qu'un cadre pourra travailler d'ici au 1er janvier autant que ses subordonnés sous prétexte qu'il dirige un service soumis à un horaire collectif de référence ? Ce cadre est souvent là le matin avant les autres et part très souvent après les autres ! Quelle sera sa fonction d'encadrement s'il n'y a plus de différence entre lui et les salariés sous son autorité ?
Les mesures proposées pour cette catégorie ne sont pas facilement applicables.
Reste enfin la dernière catégorie - belle catégorie que la gauche affectionne ! - celle des « ni-ni » : celle des cadres qui ne correspondent pas à la première catégorie très restrictive des dirigeants ni à la deuxième, totalement illusoire, des cadres « intégrés ».
Cette dernière catégorie sera la plus nombreuse puisque les deux autres seront presque vides. Et là, nous tombons dans le flou le plus complet en ce qui concerne leur passage aux trente-cinq heures puisque cette catégorie est à la fois la plus vaste et la moins définie.
Les cadres savent bien qu'ils auront toutes les chances de se retrouver dans cette dernière catégorie et ils sont inquiets, car ils auront l'impression légitime d'être lésés.
Ils savent bien que la réduction du temps de travail ne voudra rien dire pour eux, car les jours de congés qui leur seront donnés seront symboliques puisqu'ils emporteront du travail chez eux, comme l'a souligné précédemment Mme Olin. Ils savent bien que la réduction du temps de travail n'aura aucune incidence, bien au contraire, puisqu'elle se traduira par un allongement des journées. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Nous parlons ici d'une catégorie de salariés qui a connu une très grande évolution à la fois en nombre et - pour faire court - en représentation de soi-même. En effet, les cadres d'aujourd'hui ne perçoivent plus leur fonction dans l'entreprise comme il y a dix ou quinze ans. Nous avons tous pu observer cette évolution.
L'augmentation du nombre des cadres dans le pays résulte d'abord de l'élévation du niveau de qualification des emplois proposés, et nous avons maintenant affaire à une génération hyper-formée dont l'approche de la vie professionnelle est assez sensiblement différente de ce qu'elle était dans le passé.
De plus, cette génération tire le bilan de ce qui est arrivé à celle qui l'a précédée, en une période où les cadres se sont beaucoup donnés à l'entreprise en adhérant à l'idéologie du « pot commun », en se « défonçant », en usant leur vie, puis en se voyant rejetés à cinquante-cinq ans après avoir été bien pressés comme des écorces. Aujourd'hui, on ne voit plus les choses de la même manière, et je trouve que c'est très bien ainsi, car la situation était à proprement parler pénible.
Nous sommes passés de la folle idéologie des « yuppies » des années quatre-vingt, lorsque chaque cadre se sentait investi d'une mission de réussite extraordinaire, à une résistance de plus en plus pressante de la part des intéressés, qui sont même allés jusqu'à demander que soient installées des pointeuses. Cela, c'est une révolution culturelle !
Les cadres, qui n'ont pas échappé à ce mécanisme universel d'allongement et d'intensification de la durée du travail, n'en veulent maintenant plus. Comme Mme la ministre l'a parfaitement décrit hier, ils demandent eux aussi à bénéficier des mêmes avantages et des mêmes droits au repos que tout le monde.
Il est vrai, monsieur Gournac, que nous nous employons, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, à témoigner de cet état d'esprit et de cette demande car, les statistiques le montrent, 73 % des cadres estiment qu'ils doivent bénéficier des 35 heures au même titre que les autres et 79 % d'entre eux souhaitent consacrer davantage de temps à leur vie privée et familiale. Cette revendication est d'autant plus fondée qu'on observe que, en 1998, 50 % des cadres restaient au travail plus de dix heures par jour, soit 9 % de plus qu'en 1984. Par ailleurs, sur les douze derniers mois, les cadres n'ont pris que 83 % de leurs droits à congés. Ce n'est pas une bonne situation !
Mme la ministre a bien dit hier que les cadres ont dorénavant une perception différente de leurs conditions de travail.
Elle a pu elle-même constater que, dans certains pays, on sait fermer les bureaux à certaines heures pour reprendre le travail le lendemain. Or, nous n'avons pas entendu dire que les entreprises concernées étaient devenues moins performantes depuis !
Il est temps de rompre avec cette espèce de culture franchouillarde absurde qui fait du temps de présence le révélateur du degré d'implication du cadre dans son travail. Ce n'est pas sérieux, les choses ne se passent plus ainsi !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Mélenchon, je vous prie.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je vais conclure, mais vous savez, monsieur le président, que je suis besogneux dans mes arguments ! (Sourires.)
Pour ce qui me concerne, il est vrai que je suis pour un contingentement : il ne s'agit pas de confondre la durée et les horaires, qui peuvent être différents, mais nous voulons que la durée soit la même pour tous les types de travailleurs. C'est pourquoi, je le dis à titre personnel, je suis pour des maxima à tous les niveaux, quotidien, hebdomadaire, mensuel et annuel.
C'est dans cet état d'esprit qu'a été déposée toute une série d'amendements socialistes.
Nous savons - et ce sera ma conclusion, monsieur le président - que la tâche de Mme la ministre n'est pas simple et que les discussions ont déjà été très amples sur ce sujet. Mais notre opinion doit être exprimée et j'attire votre attention sur le fait que le contingentement de 217 jours de travail représente tout de même 2 730 heures possibles de travail. C'est beaucoup trop ! Nous nous battons, quant à nous, pour 35 heures pour tout le monde.
M. Alain Vasselle. Egalement pour les parlementaires ?
M. le président. La parole est à M. Revet.
M. Charles Revet. Monsieur Mélenchon, nous sommes tous des besogneux !
Cela étant, mes chers collègues, n'est-il pas temps d'arrêter de marcher sur la tête dans ce pays ? Nous nous plaignons tous, sur le terrain - et de tous bords - des réglementations qui s'accumulent. De plus en plus, nous sommes enfermés dans des carcans quelle que soit l'activité, qu'elle soit économique ou qu'elle soit du ressort des collectivités locales.
M. Alain Vasselle. C'est vrai !
M. Charles Revet. On additionne toujours les réglementations...
M. Alain Vasselle. On en rajoute !
M. Charles Revet. ... catégorie par catégorie.
M. Alain Vasselle. Eh oui !
M. Charles Revet. Tout à l'heure, Mme Borvo a cité ces pancartes sur lesquelles on pouvait lire que le week-end est fait pour être en famille et faire l'amour. C'est sympathique !
M. Guy Fischer. Vous êtes d'accord ?
M. Charles Revet. Toutefois, le temps libre, il faudra bien l'occuper à quelque chose, par-delà l'amour et les occupations familiales ! On pourra, par exemple, aller au restaurant. Or, si vous allez au restaurant, il faudra bien quelqu'un pour vous servir et pour faire la cuisine !
M. Alain Vasselle. Oui, et ce sera le samedi ou le dimanche !
M. Charles Revet. Vous souhaitez qu'il y ait plus de réglementation pour les cadres ? Aujourd'hui, la France est ouverte sur l'étranger, elle ouvre ses frontières. Laissez un peu de souplesse aux gens !
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Charles Revet. Mme Pourtaud disait tout à l'heure que de plus en plus de femmes et d'hommes - et, semble-t-il, plus de femmes - ont un niveau de responsabilité et de formation élevé. C'est bien, mais laissez les gens libres de ce qu'ils souhaitent faire !
Mme Danièle Pourtaud. De travailler 46 heures par semaine ? Oui, bien sûr !
M. Charles Revet. Qu'il y ait un cadre général, pourquoi pas ? Mais laissez les gens respirer sur le terrain !
Mme Nelly Olin et M. Alain Vasselle. Très bien !
Mme Nicole Borvo. La loi protège, elle n'oblige pas !
M. Charles Revet. On ne peut pas, d'un côté, se plaindre qu'il y a trop de réglementation et continuer, de l'autre, à en ajouter.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Revet.
M. Charles Revet. J'ai terminé, monsieur le président : je ne suis pas certain, madame le ministre, que les pays qui nous entourent et qui ne sont pas si éloignés de nous aient à subir des réglementations aussi nombreuses que celles que nous nous apprêtons à édicter. Et je le dis avec beaucoup de solennité, parce que les conséquences risquent d'être extrêmement graves au réveil ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous propose de renvoyer la suite du débat à seize heures, après les questions d'actualité au Gouvernement.

5

NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle que la commission des affaires culturelles a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Jean-Paul Hugot membre du conseil d'administration de la société nationale de programme Radio France Internationale.

6

NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste a présenté une candidature pour la commission des affaires culturelles.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Gérard Collomb membre de la commission des affaires culturelles en remplacement de M. Franck Sérusclat, démissionnaire de son mandat de sénateur.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est reprise.

7

QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Conformément à la règle posée par la conférence des présidents, je rappelle que l'auteur de la question et le ministre qui lui répond disposent chacun de deux minutes trente, et pas davantage.
Chaque intervenant aura à coeur de respecter le temps imparti, afin que toutes les questions et toutes les réponses puissent bénéficier de la retransmission télévisée.
Mes chers collègues, je vous indique que M. le Premier ministre entame cet après-midi un voyage officiel au Maroc et que, contrairement à son habitude, il ne pourra donc pas être présent parmi nous. Nous comprenons son absence, tout en la regrettant.
Il est accompagné dans son déplacement par Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste), M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, M. Alain Richard, ministre de la défense,...
M. Charles Revet. Il n'y a plus personne !
M. le président. ... M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, et M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Alain Gournac. C'est formidable !
M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues !
M. René-Pierre Signé. C'était prévu depuis longtemps !
M. le président. Je viens de le dire, monsieur Signé, ce n'est pas la peine de le rappeler !

MUTATIONS AU SEIN DU PARQUET DE PARIS

M. le président. La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. Ma question est celle d'un élu du peuple, libre, responsable, qui n'a fait l'objet ni d'accord ni de censure, et elle s'adressait à Mme le ministre de la justice, garde des sceaux.
Depuis l'affaire de la Mutuelle nationale des étudiants de France, la MNEF, ce gouvernement ressemble à un bateau ivre (Protestations sur les travées socialistes,...)
M. Roland Courteau. Vous l'avez perdu, le bateau !
M. Bernard Murat. ... et le capitaine déboussolé a perdu le cap.
Les Français ont découvert, hier, la véritable nature du Premier ministre ; elle est indigne d'un homme d'Etat. Sa réponse est choquante sur la forme et totalement irresponsable sur le fond. (Très bien ! sur les travées du RPR. - Protestations sur les travées socialistes.)
Nous avons appris, durant le week-end, la décision du procureur Dintilhac, ancien directeur de cabinet d'Henri Nallet, de muter subitement et contre son gré Mme Fulgéras, chef de la section des affaires financières du parquet de Paris.
M. Claude Estier. Vous êtes mal informé !
M. André Rouvière. C'est mesquin !
M. Bernard Murat. Ce magistrat supervisait notamment l'enquête sur la MNEF.
M. René-Pierre Signé. Et l'Himalaya ?
M. Bernard Murat. Même si l'application de cette décision a été repoussée au mois de décembre, doit-on considérer, madame le ministre, que le gouvernement auquel vous appartenez tente de dissimuler aux Français l'existence d'un lien financier trop étroit entre de hauts responsables du parti socialiste et la MNEF ? Doit-on lier le « vrai-faux » départ de Mme Fulgéras à son jugement sur les conclusions de la commission d'enquête parlementaire sur la MNEF, dont le rapporteur socialiste, également député de la Corrèze, avait vainement tenté de masquer les réels dysfonctionnements ?
Votre conception de l'indépendance de la justice est une supercherie. (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Jacques Mahéas. C'est choquant !
M. Bernard Murat. Votre discours vertueux se heurte aujourd'hui au mur de la réalité.
Plusieurs sénateurs socialistes. La question !
M. Jacques Mahéas. Heureusement qu'il ne parle pas souvent !
M. Bernard Murat. Madame le ministre, est-il bien sérieux de prôner, comme vous le faites, l'indépendance de la justice alors que, d'une part, vous facilitez les changements d'affectation de magistrats compétents, chargés d'enquêter sur l'affaire de la MNEF, qui visiblement encombre et dérange le gouvernement auquel vous appartenez...
M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur le sénateur.
M. Bernard Murat. J'y viens, monsieur le président.
... et que, d'autre part, vous décidez de supprimer d'un trait de plume la sous-direction des affaires économiques et financières de votre ministère, dirigée par Michel Dobkine, qui, justement, chapeautait l'enquête sur la MNEF ?
Madame le ministre, expliquez-vous !
M. Jacques Mahéas. Vous avez raison de ne pas applaudir, mes chers collègues !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne reviendrai pas sur les premiers propos de M. Murat, le Premier ministre ayant répondu hier avec sang-froid à une question de M. Ollier, député des Hautes-Alpes. (Exclamations sur les travées du RPR, ainsi que sur certaines travées des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Alain Lambert. Nous sommes au Sénat !
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. En ce qui concerne le véritable objet de la question, comme Mme le garde des sceaux l'a déjà expliqué à plusieurs reprises à l'Assemblée nationale, l'organisation interne des juridictions et l'affectation des magistrats, qu'ils soient du siège ou du parquet, dans les différents services du tribunal sont de la compétence exclusive des chefs de juridiction et ne relèvent ni du garde des sceaux ni du Conseil supérieur de la magistrature.
Pour en venir à la situation de Mme Fulgéras, celle-ci est l'un des quarante premiers substituts en poste au parquet de Paris. Depuis plus de cinq ans, elle est l'un des chefs de section du parquet financier. Elle est placée, à ce titre, sous l'autorité hiérarchique du premier procureur adjoint chargé de la division économique et financière et du procureur de Paris.
En outre, je rappelle que le parquet est un et indivisible, que c'est non pas Mme Fulgéras qui est chargée de l'affaire de la MNEF, mais deux juges d'instruction, M. Riberrolles et Mme Neher, et que, par ailleurs, c'est l'ensemble du parquet de Paris qui suit l'ensemble des affaires de délinquance économique et financière, comme l'ensemble des affaires de délinquance.
Depuis plus d'un an, le procureur de Paris a entrepris la réorganisation des services du parquet pour permettre une plus grande territorialisation de ceux-ci et une meilleure harmonisation avec les services de police judiciaire. Le garde des sceaux a approuvé ces orientations permettant de faire coïncider une justice de proximité et une police de proximité.
Cette nouvelle organisation, qui a fait l'objet d'une concertation interne, a donné lieu à une présentation à la presse en mai dernier. Elle s'est traduite, pour l'ensemble du parquet, par des mutations et des changements d'affectation. Ainsi, outre le cas de Mme Fulgéras, quatre chefs de section ont changé de service.
Un sénateur socialiste. Eh oui !
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Dès l'été, le procureur de la République a avisé Mme Fulgéras de sa décision. Comme vous avez pu le lire dans la presse, le procureur de la République a différé l'application de cette mesure à la fin de l'année. Cette décision lui appartient.
Voilà donc, monsieur Murat, vous qui êtes un sénateur de Corrèze manifestement toujours intéressé par ce qui se passe à Paris, des éléments de réponse à votre question. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Bernard Murat. Vous ne m'avez pas répondu !

UNIFICATION DES RÉSEAUX D'ÉTABLISSEMENT
DE L'ASSIETTE ET DE LA PERCEPTION
DES RECETTES FISCALES

M. le président. La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Qu'il me permette, tout d'abord, de le féliciter de sa promotion. J'espère que la grande maison qu'il dirige retrouvera rapidement sa sérénité.
M. René-Pierre Signé. Elle ne l'a jamais perdue !
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le ministre, votre prédécesseur a engagé, en mai dernier, une réflexion approfondie sur la modernisation du ministère. Parmi les thèmes retenus figure celui de l'unification des services qui collectent, sur l'ensemble du territoire, les impôts et les taxes alimentant le budget de l'Etat et ceux des collectivités locales.
Bien que les premiers résultats de cette réflexion ne soient pas encore connus, malgré l'établissement de rapports d'étape, le bruit a couru que c'est autour de la direction générale des impôts que se réaliserait l'unification de l'ensemble des recouvrements, ce qui rendrait caduc le réseau des comptables publics avec lequel travaillent les élus locaux et que connaissent tous les contribuables.
Je souhaiterais savoir si cette rumeur est fondée, car je suis inquiet à la pensée de voir une seule administration publique, déjà gigantesque, chargée à la fois de l'établissement de l'assiette et du recouvrement des impôts et taxes que paient les entreprises et les ménages.
De même que la séparation entre les ordonnateurs et les comptables apparaît comme une règle de bonne gestion, voire une règle prudentielle, pour le maniement des deniers publics, de même la distinction entre les services chargés d'asseoir l'impôt et ceux qui sont chargés de le percevoir est une garantie de bon fonctionnement de nos institutions.
Monsieur le ministre, pouvez-vous m'indiquer si votre choix est déjà fait et quel sera, le cas échéant, le calendrier de la réforme ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et sur celles des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre, auquel je renouvelle tous mes compliments pour l'importante et difficile mission qui vient de lui être confiée.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je vous remercie, monsieur le président.
Cette question me donne l'occasion de rendre hommage à M. Dominique Strauss-Kahn, car c'est lui qui, après avoir organisé la fusion entre le ministère de l'économie et des finances et celui de l'industrie, a engagé, au mois de mai dernier, comme vous l'avez fort bien indiqué, monsieur Fourcade, une grande réforme visant à moderniser le service public fiscal et financier.
Nous avons adopté une démarche consistant d'abord à poser un diagnostic, ensuite à entamer un dialogue approfondi avec les agents et enfin à prendre des décisions.
S'agissant du diagnostic, la volonté de M. Dominique Strauss-Kahn - et c'est évidemment aussi la mienne - est de recentrer le service public, en l'occurrence le service fiscal, sur les usagers. Nous avons demandé à ces derniers ce qu'ils pensaient de ce service. Leur réponse a été double : d'une part, ils estiment, pour 80 % d'entre eux, que les fonctionnaires concernés, qu'ils appartiennent à la direction générale des impôts ou aux services du Trésor, sont compétents et courtois, ce qui est flatteur ; d'autre part, les mêmes enquêtes ont montré que l'organisation actuelle était incompréhensible pour les contribuables. Nos concitoyens ne savent pas où demander des renseignements, où déposer leur déclaration, où payer, où rencontrer un service public qui réponde à leurs préoccupations.
Nous avons également étudié ce qui se passe à l'étranger, sans chercher de modèle mais pour enrichir notre réflexion. Nous avons ainsi constaté que, en général, les nouvelles technologies d'information étaient utilisées et que l'organisation était plus simple.
Ensuite, le dialogue a été lancé au sein du ministère par une mission dite « mission 2003 », dirigée par deux hauts fonctionnaires. Cela n'avait, je crois, jamais eu lieu dans le passé.
J'en viens maintenant plus précisément à votre question, monsieur le sénateur.
La « mission 2003 » me remettra d'ici à quelques semaines un rapport visant à proposer une démarche. Il s'agit non pas de faire triompher telle direction par rapport à telle autre, ainsi que le voudraient certaines rumeurs dont vous vous êtes fait l'écho, mais d'améliorer le service public apporté à l'usager, c'est-à-dire de faire en sorte que les contribuables puissent obtenir des réponses claires à leurs questions.
Je peux vous garantir que cette réforme ouvrira aux services du Trésor et à ceux des impôts l'avenir qu'ils méritent. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

PROJET « SOLEIL » DE SYNCHROTRON

M. le président. La parole est à M. Paul Loridant.
M. Paul Loridant. Ma question s'adresse à M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Elle concerne l'avenir de la recherche française.
Monsieur le ministre, la communauté scientifique nationale et les élus essonniens sont en émoi. En effet, vous avez annoncé, au début du mois d'août, votre intention d'abandonner le projet de création d'un centre de rayonnement synchrotron dénommé « Soleil », et ce au profit d'une participation minoritaire à la construction du projet britannique Diamond , financé principalement par le Wellcome Trust et, accessoirement, par le gouvernement britannique.
Cette décision, prise sans concertation, porte atteinte à l'excellence de la recherche française et aux entreprises liées à ce projet.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. Paul Loridant. « Soleil », synchrotron de la troisième génération, devait en effet permettre d'explorer la matière de façon beaucoup plus performante que son ancêtre, le LURE, situé à Orsay, et, ainsi, de faire progresser la recherche, notamment dans le domaine du vivant.
Cette décision, si elle venait à être confirmée, rendrait impossibles les synergies avec les sciences du vivant, les biotechnologies et la thérapie génique, autant de secteurs essentiels pour le bien-être de nos concitoyens, dans lesquels notre pays est en pointe et qui, de l'avis de tous les experts, seront des atouts majeurs dans la compétition économique internationale.
Comment la France pourrait-elle maintenir son avance dans une collaboration avec Wellcome Trust alors que ce dernier est lié à un groupe pharmaceutique privé, Glaxo Wellcome, concurrent direct du génopole d'Evry ?
Le « Diamant » britannique, monsieur le ministre, aurait-il plus d'éclats que le « Soleil » français ?
Enfin, cet abandon de la construction d'un nouveau synchrotron en France signifierait des pertes importantes d'emplois directs et indirects pour l'Ile-de-France et, notamment, pour le département de l'Essonne.
Nous ne pouvons admettre l'argument fondé sur le coût élevé du projet Soleil pour justifier son abandon, d'autant que le département de l'Essonne s'était engagé à participer, aux côtés du ministère de la recherche, au financement du projet à hauteur de 225 millions de francs. De plus, la région d'Ile-de-France avait inscrit une enveloppe de près de 450 millions de francs à son budget.
Monsieur le ministre, l'ambition industrielle et scientifique de la France et l'intérêt national commandent que l'on réalise en France le projet européen Soleil. Aussi, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen souhaitent savoir si vous comptez surseoir à cette décision afin d'approfondir l'examen de ce dossier avec les chercheurs et les élus.
Enfin, monsieur le ministre, quelles solutions proposez-vous pour maintenir intact le potentiel de recherche français ? Bref, quelles perspectives mobilisatrices voulez-vous offrir à nos chercheurs ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre, que je prie de répondre en français. (Sourires.)
M. Emmanuel Hamel. Il n'est pas question qu'il répondre en anglais !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le sénateur, permettez moi d'abord de vous rappeler quelques éléments relatifs à la politique du Gouvernement dans le domaine de la recherche.
Lors de deux comités interministériels, le Gouvernement a fait connaître ses priorités en matière de recherche : priorité à la reprise du recrutement des jeunes, avec 3 000 maîtres de conférence et d'enseignants chercheurs recrutés l'année dernière ; priorité à l'octroi de plus de responsabilités aux jeunes ; priorité au soutien de base des laboratoires - je rappelle que le budget du Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, est aujourd'hui consacré pour 85 % aux salaires et seulement pour 15 % au fonctionnement ; enfin, priorité à l'innovation, à la création d'entreprises innovantes.
Le concours de création d'entreprises innovantes a connu, vous le savez, un immense succès. A ce sujet, je veux remercier le Sénat d'avoir permis l'adoption de la loi sur l'innovation qui est un élément essentiel de cette politique.
M. Alain Gournac. Le Sénat sert donc à quelque chose !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Ces priorités ont conduit à un redéploiement des crédits du budget de la recherche et du développement technologique.
A cette occasion, le ministère a constaté - et je voudrais que vous en soyez conscients, mesdames, messieurs les sénateurs - qu'en dix ans, alors que le budget de la recherche a augmenté de 30 %, les crédits consacrés aux gros équipements ont augmenté de 70 %. La France se trouve ainsi être l'un des pays au monde qui investit le plus en gros équipements, et ce à cause de la vétusté de nos laboratoires et de notre recherche.
De plus, nous avons changé les priorités thématiques. Contrairement à ce que vous dites, monsieur le sénateur, la biologie ne figurait pas dans le projet Soleil, hélas !
Nous avons donc placé la biologie et la médecine en priorité numéro un, car si nous sommes les premiers en gros équipements, nous sommes les derniers au niveau du financement de la recherche médicale et de la recherche biologique - pourtant garantes de l'avenir - et pas loin des derniers s'agissant du financement des nouvelles technologies.
Sur un budget d'investissement qui représente pour l'Etat quelque 5 milliards de francs sur les cinq prochaines années, nous ne pouvions donc pas consacrer 2 milliards de francs au projet Soleil.
Mais il s'est trouvé une opportunité, sinon de remplacer le projet Soleil, tout au moins d'éviter que la communauté scientifique ne soit totalement frustrée.
C'est pourquoi nous avons décidé que, quoi qu'il en soit, les gros équipements seraient européens. Le projet Soleil, monsieur le sénateur - j'ai le regret de vous le dire - n'était pas européen, il ne comptait aucun partenaire européen. Nous avons donc décidé d'élaborer un projet avec les Britanniques et avec le Wellcome Trust.
Nous possédons déjà sur notre sol le plus gros synchrotron européen, à Grenoble, et nous sommes le pays du monde qui, actuellement, dépense le plus pour le rayonnement synchrotron entre Grenoble et Paris ; aucun autre pays au monde ne dépense autant pour cela.
Mais vous avez raison, il y a un problème, celui de l'avenir de la recherche en Ile-de-France et, notamment, sur le plateau de Saclay.
M. Yves Fréville. C'est vrai !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Nous sommes en train de préparer le contrat de Plan de l'Ile-de-France : il n'y avait aucun projet scientifique. C'est pourquoi nous avons nommé le professeur Duby pour nous faire une proposition de politique scientifique.
Par ailleurs, je me permets de dire à la représentation nationale que l'Ile-de-France n'est plus la première région scientifique de France et qu'elle n'a toujours pas d'ambition puisqu'elle a classé - contrairement à nombre d'autres régions - la recherche et l'enseignement supérieur en quatrième priorité.
Plusieurs sénateurs du RPR. Que fait Huchon ?
M. Alain Vasselle. Demandez à Christian Sautter, il a été préfet de la région d'Ile-de-France !

CONSÉQUENCES DES FUSIONS
DANS LE SECTEUR DE LA GRANDE DISTRIBUTION

M. le président. La parole est à M. Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry. Madame le secrétaire d'Etat, depuis plusieurs années, le secteur de la grande distribution connaît une forte tendance au regroupement des entreprises. Cette évolution aboutit à la constitution de sociétés d'un poids économique d'autant plus considérable que ces concentrations entraînent le regroupement des centrales d'achats des hyper et supermarchés.
Le phénomène s'est encore amplifié avec la fusion, le 29 août dernier, de deux des enseignes parmi les plus importantes du secteur. Le nouveau groupe représente près de 30 % du marché français de la distribution de détail.
Si l'on peut éprouver un sentiment de fierté nationale à l'égard d'une société française accédant au deuxième rang mondial dans son secteur d'activité, force est pourtant de constater que l'inquiétude croît sans cesse chez les fournisseurs, face aux pratiques commerciales de centrales d'achats qui pèsent de plus en plus sur l'équilibre économique de leurs entreprises.
La précédente majorité s'était inquiétée de ce problème, et je salue ici le travail accompli par notre collègue Jean-Pierre Raffarin, alors ministre du commerce et de l'artisanat, qui fut à l'initiative d'une loi qui a permis de stabiliser l'ouverture des hypermarchés.
Il n'en demeure pas moins que des pans importants de notre économie sont fragilisés par les pratiques de la grande distribution : certaines tendent à resserrer toujours plus les marges en aval des filières au détriment des producteurs, qui sont soumis à une intense pression pour qu'ils diminuent leurs prix de vente ; d'autres consistent à imposer aux fournisseurs de participer aux frais de publicité et de commercialisation.
Le monde agricole est au premier rang des victimes de ces pratiques commerciales, comme l'a révélé la crise survenue cet été sur le marché des fruits et légumes.
Mais les milieux industriels ne sont pas épargnés : en témoigne la demande d'interdiction des regroupements de centrales d'achats récemment formulée par les responsables de plusieurs multinationales européennes, dont une très importante société agroalimentaire française.
De même, les commerces de proximité ne peuvent résister à la véritable « guerre des prix » que se livrent les grandes surfaces.
C'est pourquoi je vous demande, madame le secrétaire d'Etat, d'indiquer à la Haute Assemblée quelles solutions propose le Gouvernement face à ces pratiques commerciales à la fois destructrices d'emplois et dangereuses pour notre agriculture, notre commerce de détail et notre industrie.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Monsieur le sénateur, certes, en la matière, les textes de loi ne font pas défaut, mais malheureusement, en même temps que le record du nombre de texte visant à protéger la petite distribution contre la grande, nous détenons aussi, avec un taux de 91,3 %, le record absolu de surfaces commerciales consacrées à la grande distribution. Cela prouve bien que les textes ne sont pas toujours adaptés à la régulation économique ! (M. Lambert fait un signe d'approbation.)
Deux opérations importantes de centrale d'achats communes, Opéra et Lucie, ont été déjà soumises au conseil de la concurrence par M. Dominique Strauss-Kahn au mois d'août, et M. Christian Sautter, aussitôt que les conclusions de la Commission européenne concernant l'opération Promodès-Carrefour auront été rendues, demandera le rapatriement de ce dossier pour étudier quelles seront les conséquences locales en France de la constitution de ce nouveau grand groupe.
Mais, au-delà de ce nécessaire encadrement de la concurrence que tous appellent de leurs voeux ici, il faut que les états généraux de la grande distribution demandés par le Premier ministre nous conduisent à alimenter la loi de régulation économique qui avait été proposée par le Premier ministre lui-même et par Dominique Strauss-Kahn pour que l'on puisse parler ensemble de l'arrêt de pratiques commerciales qui écrasent l'échelle de la valeur dans notre pays.
L'échelle de la valeur est normale du producteur à la distribution. Toutes les marges sont logiques. En revanche, certaines pratiques qui sont les conséquences d'une loi qui visait à interdire, à juste raison, la revente à perte ont conduit à la constitution de marges en amont qui écrasent cette échelle de valeur.
Avant que l'on propose dans des articles de loi bien précis ce que sera cette régulation économique, parlant souvent de solidarité dans ce pays, j'aimerais trouver une solidarité économique entre les chefs d'entreprise, entre les distributeurs et les producteurs, entre les grands donneurs d'ordres et leurs sous-traitants et cotraitants. On peut se réunir, par exemple contre les 35 heures, mais quand on s'écrase les uns les autres, quand on écrase l'échelle de valeur dans le pays, on provoque une délocalisation massive et une perte d'emploi, ce que personne ici ne veut. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

LEVÉE DE L'EMBARGO
SUR LE BOEUF BRITANNIQUE

M. le président. La parole est à M. Revet.
M. Charles Revet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, les Français s'interrogent. Deux événements de nature différente font l'actualité et les interpellent directement.
Le premier de ces événements est la démission du ministre de l'économie et des finances, liée au scandale financier de la MNEF.
Les étudiants, à juste titre, souhaitent savoir, eux qui, souvent, ont des difficultés de fin de mois et, globalement, de faibles moyens, si leurs cotisations ont servi à alimenter indirectement les caisses d'un parti, voire ont enrichi personnellement certains. (Oh ! sur les través socialistes.)
M. le Premier ministre et Mme le garde des sceaux n'étant pas là, les éclaircissements propres à satisfaire l'attente légitime de nos concitoyens ne peuvent nous être donnés aujourd'hui. Cela est plus que regrettable, mais nous serons amenés à en reparler prochainement.
L'autre sujet d'actualité est lié à la réunion qu'a eue M. le ministre de l'agriculture avec son homologue anglais et la Commission européenne concernant l'importation de viande bovine de Grande-Bretagne.
M. Jacques Mahéas. Quel amalgame !
M. Charles Revet. Ce sujet interpelle lui aussi au plus haut point tant les consommateurs que les producteurs français.
Je constate, là encore, que M. le ministre de l'agriculture n'est pas présent. Je m'adresserai donc à Mme le secrétaire d'Etat à la santé.
Il semble que le Gouvernement s'achemine vers un « compromis scientifique et politique ». Ce compromis est-il responsable alors que l'épidémie d'ESB n'est pas complètement éradiquée ?
Le professeur Dormont, président du groupe d'experts de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, n'écarte pas tout risque pour la viande britannique.
M. Jacques Mahéas. C'est une question bicéphale !
M. Charles Revet. La France ne doit pas prendre le risque de sacrifier la protection de ses concitoyens aux intérêts commerciaux britanniques. Il nous faut, certes, sortir de la crise, mais pas à n'importe quel prix, et donc dans la plus grande transparence. Nos concitoyens consommateurs doivent être pleinement rassurés.
Mes questions seront donc précises : (Ah ! sur les travées socialistes.) Aurez-vous les mêmes exigences de traçabilité pour les viandes étrangères que pour les viandes françaises ? Prévoyez-vous un étiquetage, dès maintenant, pour informer le consommateur de l'origine de toutes les viandes ? Les contrôles seront-ils renforcés ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Monsieur le sénateur, effectivement, la question de la levée de l'embargo sur les viandes bovines britanniques préoccupe la France depuis plusieurs semaines, et Jean Glavany et moi-même nous en sommes fait l'écho au niveau européen, mardi dernier.
Vous avez d'ailleurs fait état de nombreuses questions que nous avons posées aussi bien au commissaire européen David Byrne qu'au ministre de l'agriculture britannique, de manière à leur faire partager notre préoccupation après l'avis rendu par les experts réunis et consultés par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments qui a conduit le Gouvernement à dire que les conditions de levée de l'embargo de la viande bovine britannique n'avaient pas donné les résultats escomptés et que des doutes et des interrogations subsistaient, qui portent essentiellement sur des questions de santé publique et de protection des consommateurs, non seulement des consommateurs français, bien évidemment, mais aussi des consommateurs britanniques et européens.
Cette approche ouverte du dialogue et de la discussion, permettant d'élargir nos préoccupations et nos questions à l'ensemble de nos partenaires, a permis de créer les conditions d'un dialogue confiant. Nous sommes convenus, à l'issue de notre entretien, de cinq points qui méritaient approfondissement au niveau européen.
Le premier est la traçabilité des animaux. Il faut absolument être en mesure d'identifier l'origine des animaux quel que soit le type d'alimentation et d'élevage du troupeau.
Le deuxième est la mise en oeuvre et l'utilisation de ces nouveaux tests qui nous permettront, aussi bien en France qu'en Grande-Bretagne ou sur l'ensemble de la Communauté européenne, de connaître l'étendue de l'épidémie et de l'infectiosité des différentes cheptels.
Le troisième est une garantie de traçabilité affermie sur les produits dérivés de viande bovine fabriqués en Grande-Bretagne.
Le quatrième est le renforcement des contrôles, en particulier sur les méthodes d'abattage. Nous appliquerons ce contrôle en France.
Le cinquième point est une garantie sur l'étiquetage, sachant que la Commission s'est engagée à mettre en place une traçabilité et un étiquetage pour 2003. Cela nous paraît trop tardif, et nous souhaitons donc raccourcir ce délai.
Nous devons vraiment obtenir des garanties sérieuses sur ces cinq points avant d'envisager la levée de l'embargo. Tel est l'objet de cette réunion d'experts qui associera, dès demain, une délégation de Britanniques, de Français et de représentants de la Commission européenne.
Nous étudierons l'avancée dans les garanties et les assurances qui nous seront données pour savoir si nous pouvons lever l'embargo comme le préconise la Commission. (Applaudissement sur les travées socialistes.)

DIMINUTION DU NOMBRE DES CHÔMEURS

M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Elle a trait à la situation du chômage dans notre pays.
Madame la ministre, le gouvernement de Lionel Jospin a fait de la lutte pour l'emploi sa priorité et il la mène sur tous les fronts, que ce soit à travers la lutte contre les exclusions, la revalorisation du pouvoir d'achat des ménages, la réforme des cotisations sociales afin de favoriser l'embauche dans les entreprises de main-d'oeuvre et, tout récemment, la réduction du temps de travail.
Le volontarisme des politiques que vous mettez en oeuvre porte ses fruits, n'en déplaise à la droite sénatoriale... (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants,...)
M. Alain Gournac. Quelle est la question ?
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. ... qui, depuis deux jours, remet systématiquement en cause les fondements de la loi sur le passage aux 35 heures, tout comme elle a combattu, en 1997, le lancement des emplois-jeunes.
Les dernières statistiques confirment la poursuite de la décrue du chômage : plus de 8 % en une année.
Mme Nelly Olin. Il y avait 3 millions de chômeurs !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Ce mouvement s'est nettement accéléré au cours des derniers mois.
Depuis 1997, près de 450 000 chômeurs ont trouvé un travail. Cette reprise commence à profiter, phénomène nouveau, aux femmes, aux jeunes, aux chômeurs de longue durée, dont l'insertion ou la réinsertion dans le monde du travail se révélait jusqu'ici plus difficile.
Nous y voyons le résultat encourageant des actions initiées par le Gouvernement depuis maintenant deux années.
M. Bernard Murat. C'est le résultat de la croissance !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Toutefois, un grand nombre de nos concitoyens sont encore à la recherche d'un travail.
Par ailleurs, en dépit d'une croissance qui nous permet d'envisager des perspectives en emplois durablement favorables, certains secteurs éprouvent des difficultés de recrutement. Je pense, par exemple, à celui des nouvelles technologies et des télécommunications, qui font appel à des personnels techniquement qualifiés dont les besoins en matière de formation sont permanents.
D'autres secteurs, plus traditionnels, comme l'artisanat et le bâtiment, souhaitent attirer et former des jeunes, mais ils sont parfaitement conscients...
M. Alain Gournac. Votre question !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. ... que le nombre très important d'heures et la pénibilité de certaines tâches constituent des obstacles.
Madame la ministre, quelles sont vos analyses sur cette évolution du chômage ? Quelle sera votre démarche pour accompagner ces nouvelles demandes dans des secteurs qui sont d'importants gisements d'emplois ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Madame la sénatrice, comme vous venez de le rappeler, la baisse du chômage atteint effectivement un chiffre record, avec 83 600 personnes en moins au chômage.
Ce qui est surtout encourageant, c'est que depuis plusieurs mois l'ensemble des catégories sont touchées, notamment les chômeurs de longue durée. Ainsi, depuis dix ou onze mois consécutifs, pour la première fois depuis la crise du pétrole, le nombre des chômeurs de longue durée est en diminution.
Depuis deux ans, nous comptons 440 000 chômeurs en moins, alors que la population active s'accroît d'environ 200 000 personnes par an. C'est l'une des baisses les plus fortes des pays industrialisés. Je crois qu'il faut le souligner.
Bien sûr, cette évolution résulte en très large partie de la croissance. (Murmures sur les travées du RPR.)
Cette croissance, nous l'avons stimulée en relançant la consommation, en faisant en sorte, contrairement à nos prédécesseurs, de ramener la confiance, par l'augmentation des minima sociaux : l'allocation logement, l'allocation de rentrée scolaire, le SMIC. Ainsi, certains peuvent consommer, eux aussi, et ils consomment.
Les emplois-jeunes ont par ailleurs permis à 220 000 jeunes de trouver un emploi, à leurs familles de retrouver l'espoir et, sans doute, de consommer au lieu d'épargner pour l'avenir par crainte pour leurs enfants.
Enfin, la réduction de la durée du travail commence à porter ses fruits, avec plus de 130 000 emplois d'ores et déjà créés et préservés.
Mais il y a aussi la réforme sur la baisse des charges, que nous sommes en train de mettre en place. Comme vous l'avez dit, madame la sénatrice, l'important aujourd'hui, c'est que toutes les catégories sont concernées : une baisse de 25 % du chômage des jeunes en deux ans, cela n'était jamais arrivé.
Certains secteurs connaissent toutefois des difficultés de recrutement : le commerce, l'artisanat et le bâtiment, par exemple.
Depuis un an, nous travaillons avec les entreprises de ces secteurs, notamment dans le cadre de l'union professionnelle artisanale. Nous avons lancé en début d'année, conjointement avec Mme Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat, une grande campagne de sensibilisation et de formation.
Ces professionnels ont bien compris que si, aujourd'hui, leurs secteurs sont moins attractifs que les autres, c'est parce que les conditions de travail qu'ils offrent, notamment quant à la durée du travail, sont moins bonnes. Dès lors, nous travaillons avec eux pour les aider.
Je suis convaincue que, dans les tout prochains mois, cette réduction continue du chômage sera appelée à se poursuivre. C'est d'ailleurs la première fois, depuis quinze ans, que les Français y croient. Je pense que nous y sommes pour beaucoup, même si cela heurte ceux qui ont voté contre ces lois.
Cela étant, nous avons encore beaucoup à faire, compte tenu de tous ceux qui restent encore sur le bord de la route. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

LEVÉE DE L'EMBARGO
SUR LE BOEUF BRITANNIQUE

M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Ma question s'adressait à M. Glavany, qui brille aujourd'hui par son absence, sans doute pour des raisons justifiées, mais qui ne nous ont pas été expliquées. (Murmures sur les travées socialistes.)
Cette question ou, plus exactement, ces deux questions, s'inscrivent dans le prolongement de celle qui a été posée par notre collègue M. Charles Revet, sur la sécurité alimentaire. Je ne me livrerai donc pas à un exposé d'ensemble sur le sujet.
Je tiens cependant à préciser que la France n'est pas isolée dans sa position relative à l'embargo sur la viande britannique, puisque les Allemands, onze Lander allemands plus précisément, ont adopté une attitude identique.
Nous assistons aujourd'hui à une bataille entre les experts européens et les experts français. A ce jour, le gouvernement français semble vouloir donner raison aux experts français. Nous ne pouvons que nous en réjouir, à la fois pour les consommateurs français, mais également pour les consommateurs de l'Europe tout entière, voire du monde entier.
Madame Gillot, puisque c'est vous qui me répondrez, pourrez-vous m'indiquer si le gouvernement français est prêt, avec le gouvernement britannique, à un éventuel compromis sur les cinq points que vous avez évoqués ou s'il est au contraire décidé à faire preuve de fermeté.
M. Raymond Courrière. On vous a déjà répondu !
M. Alain Vasselle. Le Gouvernement français est-il prêt à défendre devant les experts européens la position des experts français afin d'assurer la plus grande sécurité aux consommateurs français ?
M. René-Pierre Signé. Mais oui !
M. Alain Vasselle. Par ailleurs, quelle sera l'attitude de la France à Seattle sur le volet sécurité alimentaire des prochains accords de l'OMC, alors qu'elle n'a pas encore reçu d'assurances des Britanniques dans le cadre de l'Union européenne ? Quelle sera l'attitude de la France dans les négociations qui vont être menées avec les Américains, alors que l'on sait que ces derniers ne partagent pas notre point de vue, notamment quant à la sécurité alimentaire sur la viande bovine ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Monsieur le sénateur, je tiens à vous présenter les excuses de M. Jean Glavany, qui s'est envolé pour les Etats-Unis il y a quelques heures, pour représenter la France dans la préparation de la réunion sur l'OMC qui aura lieu à la fin du mois de novembre prochain.
Nous sommes deux secrétaires d'Etat dans cet hémicycle à traiter de la question de la viande bovine et de l'embargo. Avec Marylise Lebranchu, qui est à mes côtés, nous allons faire un effort toutes les deux pour satisfaire votre curiosité. (Ah ! sur les travées du RPR.)
Vous avez rappelé que la France n'était pas le seul pays à s'être inquiété et à avoir posé des conditions à la levée de l'embargo. D'autres pays, qui n'ont pas cristallisé la colère ou l'attention des Britanniques, sont exactement dans la même situation.
Vous avez cité l'Allemagne, mais quarante-sept autres pays dans le monde, parmi lesquels la Nouvelle-Zélande et les Etats-Unis, n'ont pas décidé d'importer de nouveau de la viande britannique. Ces pays-là sont passés sous silence, ce qui pose un certain nombre de questions sur les rapports que la presse populaire anglaise a voulu faire naître entre les responsables britanniques et français.
Monsieur le sénateur, je vous rassure, il ne s'agit pas de s'engager dans un compromis politique ou technique. Il s'agit de faire partager par nos collègues britanniques, mais aussi par nos collègues de la Communauté européenne, les préoccupations, les doutes et les interrogations qui sont les nôtres concernant la transmission de la maladie à l'homme, les conditions de préservation de la santé publique, mais aussi l'étendue de l'épidémie sur le cheptel britannique ainsi que sur les cheptels français, autrichien, portugais ou espagnol, de sorte que nous ayons une meilleure connaissance de l'épidémie et que nous prenions les dispositions de nature à garantir une plus grande sécurité et une meilleure information des consommateurs.
Le dialogue qui a été engagé mardi au sein de l'Union européenne doit apporter des réponses à la fois scientifiques, techniques et opérationnelles de nature à rassurer les opinions publiques française et britannique, mais aussi européenne.
Pour ce qui est de notre volonté, elle sera la même lors des discussions au sein de l'Organisation mondiale du commerce. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

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SOUHAITS DE BIENVENUE
À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE
SLOVAQUE

M. le président. J'informe le Sénat qu'une délégation de députés du Conseil national de la République slovaque, conduite par M. Jean Budaj, vice-président de la commission de la culture et des médias, assiste à nos débats.
Nous les saluons et leur exprimons notre cordiale sympathie. (Mmes et MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

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QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT (suite)

M. le président. Nous reprenons les questions d'actualité au Gouvernement.

DEUXIÈME ENVELOPPE DES CONTRATS DE PLAN

M. le président. La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'environnement et de l'aménagement du territoire.
Madame la ministre, le Gouvernement a annoncé, lors du comité interministériel pour l'aménagement et de développement du territoire du 23 juillet dernier, à Arles, le montant de la première enveloppe de crédits mise à la disposition des préfets de région pour mettre en oeuvre les objectifs prioritaires des prochains contrats de plan Etat-régions : 95 milliards de francs ont été répartis pour concrétiser une politique de solidarité, d'égalité et de développement équilibré et durable du territoire.
La négociation en cours des contrats de plan est une étape importante pour l'avenir de nos régions. Leur préparation est l'occasion unique d'identifier les principaux enjeux de développement à la fois à l'échelle régionale et au plan des bassins de vie et des territoires organisés. Elle permettra de définir, dans la concertation, les priorités et les orientations de l'action publique pour les sept prochaines années.
Dans cette négociation, l'Etat garde toutefois la maîtrise des leviers décisionnels et des ressources publiques, grâce à votre action intelligente et persévérante, madame la ministre. (Exclamations moqueuses sur les travées du RPR.)
Le Gouvernement s'est ainsi donné les moyens de participer et de contribuer activement à la nécessaire recomposition des territoires, au travers, notamment, de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, votée le 25 juin dernier.
C'est donc, madame la ministre, une volonté clairement affichée du Gouvernement, qui se traduira, dès l'an 2000, par un renforcement notable des moyens financiers dans votre projet de budget et par l'application d'une véritable territorialisation des politiques publiques. La nouvelle génération des contrats de plan se distingue en cela des précédentes.
Aussi, madame la ministre, face aux attentes légitimes et aux besoins des régions, des pays, des agglomérations ou des parcs naturels régionaux, le Gouvernement se doit d'abonder de manière satisfaisante la seconde enveloppe attendue au titre des contrats de plan dont la répartition doit intervenir prochainement.
Pouvez-vous madame la ministre, nous indiquer aujourd'hui l'ampleur de cet effort, indispensable au regard d'une juste et équitable répartition des fruits de la croissance, notamment en faveur des territoires organisés ou des régions cumulant un certain nombre de handicaps structurels ?
Plusieurs sénateurs du RPR. La question !
M. Paul Raoult. Par ailleurs, la réforme des fonds structurels européens, qui coïncide avec la préparation des futurs contrats de plan, nous oblige à veiller à une plus grande complémentarité et à une meilleure convergence des politiques d'aménagement du territoire.
Elu du sud du département du Nord, qui est classé, comme la Corse, en « objectif 1 », je peux témoigner de l'importance de ces mesures, notamment pour la Sambre-Avesnois, où l'on a pu regretter le manque de coordination de ces politiques.
M. Alain Gournac. Arrêtez-le !
M. Paul Raoult. Quelles règles d'utilisation comptez-vous fixer, madame la ministre, afin d'assurer plus d'efficacité dans la coordination des interventions nationales et européennes et dans la consommation effective de ces crédits ? (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, vous avez brièvement rappelé la démarche adoptée par le Gouvernement, à savoir la fixation, lors du CIADT du 23 juillet dernier, d'une première enveloppe de reconduction correspondant à un rythme annuel d'engagement au moins égal au rythme annuel d'exécution de la période qui s'achève, avec un premier rattrapage pour certaines régions métropolitaines particulièrement maltraitées dans le passé ou dont la situation a beaucoup évolué. Je pense notamment aux régions d'outre-mer qui doivent faire face à la concentration des moyens au titre de l'« objectif 1 » et pour lesquelles des contreparties sont nécessaires.
A l'occasion de ce CIADT, outre cette première enveloppe de 95 milliards de francs, une seconde enveloppe a été annoncée, qui correspond aux priorités complémentaires des régions ainsi qu'à des programmes interrégionaux, par exemple pour les massifs montagneux, les grands bassins, dont l'ampleur excéderait les moyens d'une seule région.
Les préfets m'ont adressé l'état des négociations sur le contenu de la première part et les projets que les régions souhaitent voir pris en compte au titre de la seconde part. Ces propositions sont en cours d'examen.
Il reviendra à M. le Premier ministre d'arbitrer le montant de la seconde enveloppe. Il a promis de le faire avant la fin du mois de novembre pour permettre de réaliser les documents uniques de programmation et de préciser la négocation à venir avec les régions. Il portera attention à la façon dont les régions répondent aux priorités arrêtées : l'emploi, la cohésion sociale, le développement durable, l'importance donnée aux questions de créations d'activités, de politique de la ville, de culture, de santé. Cela concerne, bien évidemment, votre région.
Une attention particulière sera portée à l'engagement des régions elles-mêmes. Le principe de parité d'engagement entre l'Etat et la région doit être apprécié en fonction de la capacité contributive de cette dernière. L'Etat est disposé à fournir un effort supérieur à celui de la région dans des proportions toujours significatives, en tenant compte du redressement engagé dans la durée par cette région dans la dernière décennie.
J'en viens aux dispositions concernant le Nord - Pas-de-Calais.
La première enveloppe de reconduction s'élevait à 8,375 milliards de francs et représentait le deuxième montant en valeur absolue après l'Ile-de-France, beaucoup plus peuplée, et le troisième montant en intensité par habitant pour la métropole. Cela tient compte aussi de la situation économique et sociale de la région, qui, si elle a opéré largement sa mutation, reste aujourd'hui fortement marquée par son histoire industrielle et minière.
Je n'évoquerai que pour mémoire, parce que je n'ai plus le temps, le programme spécifique de traitement durable de la situation laissée par le retrait des Charbonnages après l'exploitation minière. J'insisterai simplement sur les moyens mobilisables pour permettre au projet du département du Nord, notamment dans sa partie méridionale, de monter en puissance. Les parcs naturels régionaux de Scarpe-Escaut, de l'Avesnois, les intercommunalités, les « agglo » ou parcs à constituer sont au premier rang de nos priorités, vous le savez bien, et je ne doute pas que nous saurons mener à bien ce travail. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

TUNNEL DU MERCANTOUR
ENTRE LA FRANCE ET L'ITALIE

M. le président. La parole est à M. François.
M. Philippe François. Ma question est toute simple : nous sommes nombreux à nous réjouir du résultat du sommet qui s'est tenu à Nîmes entre le gouvernement français et le gouvernement italien à propos de la remise en état du tunnel du Mont-Blanc, et notamment de la liaison du TGV Lyon-Turin, qui devrait être réalisée vers 2013.
Je remercie M. Besson de répondre à ma question ; je connais toutes ses compétences en la matière ; aussi, je me réjouis par avance des éléments qu'il va nous apporter.
Je serais heureux de connaître l'opinion du Gouvernement sur les délais, les perspectives et les moyens employés pour la remise en état du tunnel du Mont-Blanc, et la réalisation des mesures nécessaires à la sécurité des usagers.
Il est une autre question qui nous préoccupe et qui n'a pas été évoquée à Nîmes, c'est celle du désengorgement des Alpes du Sud. Vous le savez, les Italiens sont allés très loin dans la perspective éventuelle d'une liaison sud Italie - sud France - Espagne - Portugal, qui désengorgerait toute cette région et faciliterait les échanges entre l'Italie et la France.
Les Italiens attendent avec une certaine impatience de savoir quelle est l'intention du gouvernement français dans l'hypothèse de la réalisation d'un tunnel sous le Mercantour, qui faciliterait la liaison entre le Piémont, le Val d'Aoste, la Vénétie et le Midi de la France. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser M. Gayssot, qui présente en ce moment même son budget à l'Assemblée nationale et qui m'a donc demandé de le suppléer.
Bien évidemment, après la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc, mais plus généralement après les choix prioritaires qui ont été faits par le Gouvernement en faveur du ferroviaire, priorité est donnée aux améliorations des itinéraires ferroviaires existants. Des décisions ont d'ores et déjà été prises par les ministres des transports italien et français.
L'heure est aussi à l'accélération de nouveaux projets, pour lesquels la priorité est donnée aux marchandises sur les voyageurs. Je me permets de vous donner cette indication dans la mesure où vous avez parlé de TGV. C'est une ligne nouvelle ; la dominante devrait être les marchandises.
Lors du dernier sommet franco-italien des 23 et 24 septembre auquel vous faites allusion, il a été décidé - c'est donc une décision franco-italienne - de mettre en place dès cet automne une nouvelle commission intergouvernementale chargée de faire des propositions d'amélioration de l'ensemble des liaisons franco-italiennes dans les Alpes du Sud.
A ce titre, deux priorités seront examinées : non seulement la mise en sécurité du tunnel de Tende, qui répond, je crois, à une forte attente des élus locaux du département des Alpes-Maritimes, mais également l'exploration de l'idée avancée par les élus du département voisin des Hautes-Alpes concernant une éventuelle liaison ferroviaire par Montgenèvre.
Cela veut bien dire, monsieur le sénateur, que la priorité n'est pas à la création d'un nouveau percement routier. S'agissant notamment de la Lombarde, puisque c'est d'elle que vous me parliez, elle n'est pas prévue dans le schéma de services des transports qui est en cours d'études. Dans l'hypothèse où elle serait retenue, elle ne serait réalisée qu'à plus long terme.
En conclusion, l'essentiel à retenir est que M. Gayssot - et il souhaite que je sois insistant sur ce point - a élaboré, pour le compte du gouvernement français, un mémorandum sur l'ensemble des question des traversées alpines en Europe. Ce mémorandum, qui a déjà été évoqué le 6 octobre au dernier Conseil européen des ministres des transports, sera repris, travaillé et approfondi dès le prochain Conseil européen des ministres des transports.
Je crois que ce sont là des éléments pour que ce problème soit effectivement traité dans sa globalité, priorité étant donnée, sur les bases que je viens d'indiquer, aux transports ferroviaires. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

VOYAGE DU PREMIER MINISTRE AUX ANTILLES

M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous venez d'effectuer, avec M. Lionel Jospin et quatre ministres du Gouvernement, un voyage aux Antilles, où la population vous a réservé un accueil chaleureux.
Ce déplacement a été l'occasion de rencontrer les élus locaux et les responsables économiques, culturels et sociaux de Martinique et de Guadeloupe.
Le Premier ministre a ainsi démontré une nouvelle fois sa volonté de dialogue et de proposition.
A l'écoute des élus, il a su entendre l'aspiration d'une majorité d'entre eux à une prise de responsabilités plus importantes et s'est prononcé, notamment sur la base de l'excellent rapport qui lui a été remis par nos collègues MM. Lise et Tamaya, sur le principe d'une décentralisation accrue et adaptée.
Tout en conservant les institutions existantes, la réforme à venir devrait permettre aux assemblées locales de rééquilibrer leurs compétences et de mieux organiser leurs relations avec les pays voisins, notamment les Etats indépendants des Caraïbes et les pays du plateau de Guyane.
Mais il apparaît, dans un récent sondage, que si une large majorité de domiens - comme l'on dit -, soit 79 % d'entre eux, se prononcent pour le statut actuel avec ou sans amélioration, la question institutionnelle vient après les problèmes économiques et sociaux.
Même s'ils présentent des situations différentes, les départements de la Guyane, de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion sont en effet touchés par une crise économique sévère. Je rappelle que 30 % de la population active en moyenne est au chômage et que 15 % de la population totale vit du RMI. Cette crise est caractérisée par un déséquilibre important de la balance des échanges commerciaux ; elle est aggravée, aux Antilles, par l'absence de dialogue social.
Les départements d'outre-mer ne manquent pourtant pas d'atouts : leur position géographique doit leur permettre de jouer un rôle important d'interface entre les pays émergents et l'Union économique européenne.
Deux rapports, en particulier celui qui vous a été remis par Bertrand Fragonard, proposent un certain nombre de mesures pour remédier à cette situation difficile et pour réaliser, enfin ! l'égalité sociale entre les DOM et la métropole.
M. le président. Posez votre question, madame !
Mme Dinah Derycke. J'y viens, monsieur le président !
Nous ne doutons pas que cette égalité constitue l'objectif principal de la politique du Gouvernement.
Cette visite, monsieur le secrétaire d'Etat, avait pour but de préparer les grandes lignes de la future loi d'orientation pour l'outre-mer. Pourriez-vous en tracer le cadre et nous annoncer le calendrier de son élaboration ? (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Madame la sénatrice, ce voyage avait d'abord pour objet de répondre à des préoccupations urgentes qui s'expriment aux Antilles ; je pense notamment à la crise des producteurs de bananes.
Le Gouvernement a engagé un plan pour faire face aux difficultés et aux problèmes de sécurité en renforçant les effectifs.
Dans une perspective plus lointaine, nous avons présenté les grandes lignes de la future loi d'orientation pour l'outre-mer, dont le Parlement aura à discuter au premier semestre 2000. Les élus et les responsables socio-économiques recevront dans les prochains jours un document définissant les grandes orientations. Puis la consultation des assemblées aura formellement lieu au début de l'année et, enfin, nous aurons à en discuter à l'Assemblée nationale et au Sénat.
Même si vous avez souligné à juste titre l'attachement réel au statut de département d'outre-mer créé en 1946 avec la volonté de tendre vers l'égalité, il faut prendre en compte les problèmes institutionnels et approfondir la décentralisation. Il faut permettre aux départements d'outre-mer de mieux s'insérer dans leur zone géographique.
Il n'en demeure pas moins que les problèmes sont surtout économiques et sociaux. Les départements d'outre-mer connaissent des marchés étroits et souffrent non seulement du handicap de l'insularité, mais aussi de la vague démographique. A titre d'exemple, 35 % des habitants des Antilles ont moins de vingt ans, contre 25 % seulement en métropole. Cela explique, malgré les performances de l'économie, les problèmes du chômage.
Dans cette loi d'orientation, nous devrons donc donner aux départements d'outre-mer les moyens de leur développement économique, en particulier pour répondre à l'attente des jeunes avec le contrat initiative-jeunes, permettre les investissements et abaisser le coût du travail. Telles sont les grandes orientations : plus de responsabilité et plus de développement pour les départements d'outre-mer. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

TAXATION DES ACTIVITÉ POLLUANTES

M. le président. La parole est à Mme Bocandé.
Mme Annick Bocandé. Monsieur le président, ma question s'adressait à M. le Premier ministre.
Il est envisagé de financer en partie l'abaissement de la durée légale du temps de travail à 35 heures grâce aux recettes de la TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes, dont l'assiette sera élargie dès 2000 aux produits phytosanitaires, aux lessives et aux granulats de minéraux naturels.
Etant, comme la plupart de nos concitoyens, favorable aux efforts consentis en faveur de l'environnement, je regrette ce détournement de l'affectation des ressources fiscales de la TGAP.
Par ailleurs, je souhaite me faire l'interprète des agriculteurs et des chefs d'entreprise concernés, qui s'inquiètent de l'augmentation constante des coûts et des prélèvements liés à leurs activités.
En effet, à l'actuelle TGAP se substituera en 2001 l'écotaxe, qui concernera en outre les consommations intermédiaires d'énergie.
Je prends pour exemple concret la situation de la Chapelle-Darblay, entreprise papetière située en Seine-Maritime. Cette entreprise, qui consomme beaucoup d'énergie, a déjà consenti des efforts considérables, sur le plan financier notamment, pour préserver l'environnement.
Si les projets de taxation évoqués sont mis en application, le montant de la contribution de cette entreprise atteindra près de deux fois la somme qu'elle verse déjà au titre de la taxe professionnelle, somme à laquelle il conviendra d'ajouter dès 2000, et toujours pour financer l'abaissement de la durée légale du temps de travail à 35 heures, la nouvelle contribution sociale sur les bénéfices.
Ma question est triple.
Sur quel budget finance-t-on désormais les actions en faveur de la préservation de l'environnement ?
Envisage-t-on des modalités destinées à atténuer ces nouvelles charges en faveur des industries grandes consommatrices d'énergie ?
Ne craint-on pas d'agir contre l'emploi en alourdissant encore les prélèvements fiscaux de ceux qui créent les richesses de notre pays et de favoriser ainsi les délocalisations ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Madame la sénatrice, vous avez posé plusieurs questions à propos de l'utilisation de la taxe générale sur les activités polluantes.
Je vous rappelle d'abord que ce n'est pas une nouvelle taxe : elle figure dans le budget de 1999 au titre du regroupement de taxes anciennes.
Elle sera en effet, si la majorité sénatoriale le veut bien, et peut-être même dans le cas contraire, (Exclamations et rires sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste) transférée à un fonds dont le but est non pas de financer la réduction de la durée légale du travail mais de financer des baisses de cotisations sociales sur le travail peu qualifié ou moyennement qualifié.
Je crois que le principe adopté est bon : avec une seule taxe, d'une part, nous ferons reculer la pollution, d'autre part, nous ferons progresser l'emploi non qualifié.
Que va devenir le budget de l'environnement, avez-vous demandé, madame ? A la place de ma collègue Dominique Voynet, je répondrai qu'il progressera l'an prochain de 8 %, soit une progression de l'ordre de 33 % en deux ans. Ce sont donc autant de moyens financiers qui viendront soutenir l'effort gouvernemental en faveur de l'environnement.
La réponse à votre question sur l'emploi est claire. Les effets de la disposition prévue seront positifs. En effet, tous les experts sont d'accord pour affirmer - je pense notamment au professeur Malinvaud, que certains d'entre nous respectent beaucoup - que les charges qui pèsent sur le travail non qualifié sont un véritable handicap à l'insertion des travailleurs peu qualifiés dans le monde du travail.
Enfin, vous avez évoqué le cas des entreprises qui allaient supporter le poids de la taxe.
Je vous répondrai brièvement d'abord, que toutes les entreprises ne verront pas leurs prélèvements augmenter puisque certaines verront leurs cotisations sociales baisser. Certes, certaines supporteront un accroissement de prélèvements, notamment celles qui sont consommatrices d'énergie. Mais le Gouvernement a, comme vous, le souci de la compétitivité de ces entreprises et le souci de l'emploi. C'est pourquoi, sur la base d'un livre blanc qui a été publié au mois de juillet dernier, mon collègue Christian Pierret procède à une large concertation dont nous aurons les résultats avant de procéder à la définition de l'écotaxe en 2001. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, avant d'aborder le point suivant de l'ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Guy Allouche.)

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

10

RÉDUCTION NÉGOCIÉE
DU TEMPS DE TRAVAIL

Suite de la discussion
et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la réduction négociée du temps de travail.
Le Sénat a entamé, ce matin, l'examen de l'article 5, dont je rappelle les termes.

Article 5 (suite)



M. le président.
« Art. 5. _ Le chapitre II du titre Ier du livre II du code du travail est complété par une section 5 ainsi rédigée :

« Section 5

« Dispositions particulières relatives aux cadres

« Art. L. 212-15-1 . _ Les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions du titre Ier et aux chapitres préliminaire, Ier et II du titre II du livre II. Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise ou leur établissement.
« Art. L. 212-15-2 . _ Les salariés ayant la qualité de cadre au sens des conventions collectives de branche, occupés selon l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés et pour lesquels la durée de leur temps de travail peut être prédéterminée, sont soumis aux dispositions relatives à la durée du travail, au repos et aux congés des chapitres II et III du titre Ier et à celles du titre II du livre II.
« Art. L. 212-15-3 . _ I. _ Les salariés ayant la qualité de cadre au sens des conventions collectives de branche et qui ne relèvent pas des dispositions des articles L. 212-15-1 et L. 212-15-2 doivent bénéficier d'une réduction effective de leur durée de travail. Leur durée de travail peut être fixée par des conventions individuelles de forfait qui peuvent être établies sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle. La conclusion de ces conventions de forfait doit être prévue par une convention ou un accord collectif étendu ou par une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement qui détermine les catégories de cadres susceptibles de bénéficier de ces conventions individuelles de forfait ainsi que les modalités et les caractéristiques principales des conventions de forfait susceptibles d'être conclues. A défaut de convention ou d'accord collectif étendu ou de convention ou d'accord d'entreprise ou d'établissement, des conventions de forfait peuvent être établies sur une base hebdomadaire ou mensuelle.
« II. _ Lorsque la convention ou l'accord prévoit la conclusion de conventions de forfait en heures sur l'année, l'accord collectif doit fixer la durée annuelle de travail sur la base de laquelle le forfait est établi, sans préjudice du respect des dispositions des articles L. 212-1-1 et L. 611-9 relatives aux documents permettant de comptabiliser les heures de travail effectuées par chaque salarié. La convention ou l'accord, sous réserve du respect des dispositions des articles L. 220-1, L. 221-2 et L. 221-4, peut déterminer des limites journalières et hebdomadaires se substituant à celles prévues au deuxième alinéa des articles L. 212-1 et L. 212-7, à condition de prévoir des modalités de contrôle de l'application de ces nouveaux maxima conventionnels et de déterminer les conditions de suivi de l'organisation du travail et de la charge de travail des salariés concernés.
« III. _ Lorsque la convention ou l'accord prévoit la conclusion de conventions de forfait en jours, l'accord collectif doit fixer le nombre de jours travaillés. Ce nombre ne peut dépasser le plafond de deux cent dix-sept jours. La convention ou l'accord définit les catégories de salariés concernés ainsi que les modalités de décompte des journées et des demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos. Il détermine les conditions de contrôle de son application et prévoit des modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés, de l'amplitude de leurs journées d'activité et de la charge de travail qui en résulte. L'accord peut en outre prévoir que des jours de repos peuvent être affectés sur un compte épargne-temps dans les conditions définies par l'article L. 227-1. La convention ou l'accord peut également préciser que le décompte de la durée du travail en jours est applicable aux salariés itinérants n'appartenant pas à la catégorie des cadres et dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée.
« Les salariés concernés ne sont pas soumis aux dispositions de l'article L. 212-1 et du deuxième alinéa de l'article L. 212-7. Les dispositions des articles L. 220-1, L. 221-2 et L. 221-4 leur sont applicables. La convention ou l'accord doit déterminer les modalités concrètes d'application de ces dernières dispositions.
« Art. L. 212-15-4 . _ Lorsqu'une convention de forfait en heures a été conclue avec un salarié relevant des dispositions des articles L. 212-15-2 ou L. 212-15-3, la rémunération afférente au forfait doit être au moins égale à la rémunération que le salarié recevrait compte tenu du salaire minimum conventionnel applicable dans l'entreprise et des bonifications ou majorations prévues à l'article L. 212-5. »
Sur l'article, la parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Selon la presse de ce matin, les quatre principaux syndicats de cadres - CGT, FO, CFTC et CGC - ont publié une déclaration mettant en garde le Gouvernement contre les dispositions du projet de deuxième loi sur les 35 heures qui intéressent les cadres. Ils demandent notamment que chacune des formes de réduction du temps de travail applicables aux cadres, y compris les forfaits en jours, respecte le principe fondamental du décompte horaire en laissant ouverte - et c'est ce qui m'intéresse - la définition des modalités à la négociation conventionnelle.
Il me semble en effet - et je reste cohérent, madame le ministre, dans mes déclarations - que nous n'avons pas à légiférer sur tout et que la subsidiarité doit guider notre action, tout en nous assurant d'une application de ce que nous votons au bon niveau et de la bonne façon.
Qu'est-ce qu'un cadre ? Selon le Petit Larousse, c'est un « salarié exerçant généralement une fonction de direction, de conception ou de contrôle dans une entreprise et bénéficiant d'un statut particulier ». Ce statut est précisé dans de nombreuses conventions. Par définition, un cadre « encadre » un ensemble de personnes et assume la responsabilité de ce groupe.
Est-il vraiment utile de légiférer sur cette catégorie de salariés qui, par essence, ont la responsabilité d'organiser et de concevoir la façon dont l'entreprise doit fonctionner ?
Restons simples ! Ne réglementons pas pour réglementer ! Laissons aux gens leurs entières responsabilités. Je crois qu'ils sont suffisamment armés pour se défendre. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Charles Revet. Très bien ! C'est le bon sens !
M. le président. Sur l'article 5, je suis saisi de seize amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Mais pour la clarté du débat, je les appellerai successivement.
Par amendement n° 16, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« Une convention ou un accord collectif étendu peut déterminer les modalités particulières applicables à l'organisation et à la rémunération du travail des cadres qui, du fait de leurs fonctions, de leurs responsabilités et de leur niveau de rémunération, doivent bénéficier d'une large indépendance dans l'organisation de leur temps de travail, excluant l'application des règles de droit commun relatives à la durée du travail. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. L'article 5 a pour objet de distinguer trois catégories de cadres : les cadres dirigeants, les cadres occupés selon l'horaire collectif et les cadres qui ne relèvent d'aucune des deux premières catégories. Ces derniers pourraient être rémunérés sur la base d'un forfait, dans la limite de 217 jours par an.
L'Assemblée nationale a durci la définition du régime des cadres dirigeants sans clarifier la distinction entre les deux autres catégories.
Le débat sur la première loi relative aux 35 heures tout comme la discussion du présent projet de loi ont mis en évidence le problème de la durée du travail des cadres. Le nombre d'heures hebdomadaires habituellement travaillées par les cadres est de 44,6 en France, contre 44,3 en Allemagne et 41,4 en Italie.
Toutefois, la situation française est spécifique du fait que nombre d'heures ne sont pas déclarées et peuvent, de ce fait, être considérées par la jurisprudence comme du travail dissimulé.
Le Sénat est favorable à la réduction du temps de travail, je l'ai déjà dit, en particulier pour les cadres, mais cette réduction ne peut dépendre de dispositions définies par la loi, d'autant que cet article 5 pose de nombreux problèmes de frontière entre les différentes catégories de cadres.
De plus - et c'est, bien sûr, un exemple extrême -, le forfait journalier n'étant pas limité en termes d'horaire, il se pourrait que l'adoption de ce principe permette de porter de 2 100 à 2 800 heures la durée annuelle du temps de travail des cadres si la durée journalière du temps de travail était portée à 13 heures. On le voit, cet article 5 ne répond pas au souci de réduction de la durée du travail des cadres.
Votre commission considère que la définition d'un régime des cadres doit relever de la négociation collective. Elle vous propose, en conséquence, un amendement qui présente une nouvelle rédaction de cet article 5.
J'indique d'ores et déjà que la commission donnera un avis défavorable sur l'ensemble des autres amendements à l'article 5, qui sont tous incompatibles avec cette nouvelle rédaction.
M. le président. Par amendement n° 117, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger ainsi le texte présenté par l'article 5 pour l'article L. 212-15-1 du code du travail :
« Art. L. 212-15-1. - Les cadres dirigeants, membres des comités exécutifs de direction d'entreprises ou d'établissements, mandataires sociaux, inscrits dans le collège employeurs aux élections prud'hommales, ne sont pas soumis aux dispositions du titre Ier et aux chapitres préliminaire, Ier et II du titre II du livre II. »
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Je dirai d'abord à M. Nogrix que nous ne faisons pas la même lecture que lui de la déclaration des quatre organisations syndicales qu'il a évoquée.
M. Philippe Nogrix. Ce n'est pas étonnant !
Mme Nicole Borvo. Si ces organisations se réfèrent à la voie conventionnelle, elles veulent aussi que la loi pose des garde-fous.
Nous l'avons dit, le dispositif tel qu'il nous est proposé nous paraît insuffisant. Nous nous situons ainsi à l'opposé de la logique de la majorité de la commission, qui entend supprimer purement et simplement le droit des cadres aux 35 heures. C'est pourquoi nous avons déposé, sur cet article, un certain nombre d'amendements.
Le premier d'entre eux, n° 117, vise à préciser la notion de cadre dirigeant afin d'éviter que, dans certaines entreprises, la proportion des cadres dirigeants ne tende à augenter à raison des protections accordées à telle ou telle autre catégorie de cadres.
Il nous semble que notre définition devrait permettre de circonscrire la notion de cadre dirigeant de manière plus précise que ne le fait le texte actuel du projet de loi.
M. le président. Par amendement n° 83, Mmes Pourtaud, Dieulangard et Printz, M. Domeizel, Cazeau, Weber, Mélenchon, Lagauche et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit la seconde phrase du texte présenté par l'article 5 pour l'article L. 212-15-1 du code du travail : « Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres membres de comités exécutifs de directions d'entreprise ou d'établissement, les mandataires sociaux et les cadres inscrits dans le collège employeurs aux élections prud'homales. »
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud Cet amendement vise à faire figurer dans la loi une définition claire, et assise sur des bases juridiques solides, de la qualité de cadre dirigeant.
Il ne nous semble pas, en effet, que le juge, dans l'avenir, ou le législateur, dès aujourd'hui, puissent se satisfaire du texte actuel de l'article 5.
La rédaction qui nous parvient de l'Assemblée naionale n'est fondée que sur des éléments épars de jurisprudence qui ne permettent pas d'aboutir à une définition des cadres dirigeants : il s'agit seulement d'une tentative de discerner leurs caractéristiques à travers un faisceau d'indices. Encore ces indices ont-ils un caractère non pas juridique mais plutôt sociologique, voire journalistique, prenant en compte une réalité variable et évolutive dans le temps comme dans l'espace.
Quelles sont les responsabilités dont l'importance implique une grande autonomie dans l'emploi du temps ? De quelle nature sont-elles, où commencent-elles, où s'arrêtent-elles ? Comment apprécie-t-on des décisions prises de façon largement autonome ? L'autonomie se définit-elle de la même façon dans toutes les entreprises par rapport à tous les employeurs ?
Le critère de rémunération, en apparence plus simple, soulève les mêmes difficultés. Aujourd'hui, des salariés ayant une compétence très élévée dans un domaine technique pointu et bénéficiant d'une rémunération correspondante disposent d'une large autonomie de temps et de décision sans être en rien, pour autant des cadres dirigeants.
Sur un autre plan, des cadres travaillant dans un établissement situé dans une région où les salaires sont relativement bas, mais au sein d'une grande entreprise, risquent de se trouver, par le jeu de cette définition, considérés comme des cadres dirigeants. En réalité, il n'ont rien de commun, en termes de pouvoirs, avec les membres du comité de direction de la multinationale pour laquelle ils travaillent.
En un mot, cette approche par indices est trop large. Son inconvénient majeur est de permettre d'intégrer dans cette catégorie une grande partie des cadres et de leur imposer ainsi des charges de travail sans limitation d'horaires. C'est d'ailleurs ce qui se passe dans un certain nombre d'entreprises qui exercent sur leurs cadres un véritable chantage à l'emploi.
Du reste, le MEDEF a clairement indiqué qu'il souhaitait que les cadres soient sous le régime a du forfait.
Afin de mettre fin à cette ambiguïté, le groupe socialiste du Sénat propose de fixer trois critères permettant précis de déterminer qui est cadre dirigeant : le fait d'être membre du comité de direction d'une entreprise ou d'un établissement, l'existence d'un mandat social, l'inscription dans le collège employeurs aux élections prud'homales.
A notre connaissance, cette définition a l'approbation des représentants des salariés - quatre centrales syndicales sont d'accord sur cette question, comme l'a indiqué encore à l'instant Mme Borvo - qui ont par ailleurs exprimé leur inquiétude sur le caractère flou de l'actuelle rédaction de ce cexte.
M. le président. Par amendement n° 136, M. Mélenchon propose, dans la première phrase du II du texte présenté par l'article 5 pour l'article L. 212-15-3 du code du travail, de remplacer les mots : « sans préjudice » par les mots : « et préciser les modalités ».
La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. J'ai déjà eu l'occasion d'exprimer mon point de vue et celui des membres du groupe socialiste lors de mon intervention sur l'article 5. Je tiens à souligner que notre intention, à ce point du débat, est non pas de harceler le Gouvernement mais d'exposer un point de vue.
Plusieurs sénateurs du RPR. Ah !
M. Jean-Luc Mélenchon Mais croyez bien que nous en serions capables, mes chers collègues, avec un autre grouvernement ! D'ailleurs, nous l'avons déjà prouvé ! Mais tel n'est pas l'état d'esprit dans lequel nous abordons cette question.
Nous avons voulu nous faire l'écho d'une inquiétude, celle qui se fait jour dans les prises de position syndicales. Celles-ci ont été exprimées de manière unitaire et, il faut bien le dire, assez surprenante puisque, fait sans précédent, on a vu converger les organisations confédérales et les organisations catégorielles sur une même revendication d'alignement du temps de travail des cadres sur les 35 heures.
Différents amendements du groupe socialiste permettent de préciser la définition des catégories de cadres, de manière à éviter que, du moins pour ce qui est du temps de travail, des gens qui ne devraient pas relever de telle ou telle catégorie y soient inclus pour d'évidentes raisons d'opportunité.
D'autres de nos amendements portent sur les cycles.
Le groupe socialiste a permis que je présente, à titre personnel, une formulation visant à amplifier l'alerte que nous voulons donner, puisque, pour ma part, je suis attaché - je l'ai dit ce matin - à ce que les maxima horaires soient absolument respectés, que ce soit dans la semaine ou dans la journée.
Je fais le pari que l'on peut être compétent et performant - de nombreux exemples l'attestent - sans que le travail envahisse totalement la journée. Plusieurs collègues ont fait remarquer qu'il s'agissait d'une approche peut-être trop rigide. Je leur ferai observer que, souvent, en ces matières, on confond la durée et l'horaire de travail. Or, ce sont deux choses totalement différentes.
Aujourd'hui, les cadres revendiquent le bénéfice de la réduction du temps de travail ; ils ne demandent pas l'homogénéisation des horaires. D'ailleurs à l'heure actuelle, personne, dans le monde du travail, n'a la certitude absolue de ses horaires de travail, vous le savez bien, puisque l'on a recours aux heures supplémentaires : souvent, il n'est pas possible de les refuser. C'est particulièrement vrai pour les cadres.
Je veux vraiment vous montrer, mes chers collègues, que, pour l'encadrement, cette explosion du temps de travail - j'ai donné les chiffres ce matin : 2 700 ou 2 800 heures - aboutit, en réalité, à une dévalorisation du travail. En effet, si vous ramenez le salaire au temps réellement consacré au travail, vous vous apercevez qu'il est loin d'être aussi flambant qu'il peut d'abord en donner l'apparence lorsque le cadre lit sa feuille de paie.
En se soumettant totalement, au fonctionnement de l'entreprise, quel que soit le niveau hiérarchique occupé, on évacue la vie elle-même. Je n'en démordrai pas !
Il en résulte que c'est, entre autres, le principal facteur de discrimination sexiste dans le recrutement de l'encadrement. Personne ici ne peut, mes chers collègues, démontrer le contraire ! Il faut le prendre en compte.
On peut fournir un travail d'un haut niveau intellectuel tout en respectant les horaires. Si l'on veut qu'il y ait une vraie vie après le travail, si l'on veut être plus performant, il faut être plus libre, plus disponible ; il ne faut pas être envahi par le travail.
Comme je l'ai déjà dit ce matin, la mesure du degré d'engagement d'un cadre en fonction du temps qu'il passe dans son bureau est un mythe. C'est plus une mode qu'une réalité, nous le savons tous très bien.
C'est pourquoi j'ai déposé cet amendement à titre personnel. Il est, je le reconnais, beaucoup plus volontariste que d'autres, mais il n'amoindrit nullement ma solidarité avec les autres amendements déposés par le groupe socialiste et dans lesquels je me reconnais pleinement.
M. le président. Par amendement n° 118, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger ainsi la seconde phrase du II du texte présenté par l'article 5 pour l'article L. 212-15-3 du code du travail : « La convention ou l'accord doit respecter les dispositions des articles L. 220-1, L. 221-2 et L. 221-4, ainsi que celles prévues au deuxième alinéa des articles L. 212-1 et L. 212-7. »
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Cet amendement, qui s'inscrit dans la même logique que l'amendement n° 117, tend à préciser la notion de cadre dirigeant.
En effet, si l'on s'acheminait vers une définition restrictive des cadres dirigeants et à l'identique des cadres intégrés, à l'inverse, les autres cadres, c'est-à-dire ceux qui peuvent être au forfait, constitueraient l'essentiel du personnel d'encadrement, échappant ainsi à toute notion de durées maximales journalières ou hebdomadaires du temps de travail.
Toujours dans le même ordre d'idée, des personnels qui, jusqu'alors, voyaient leur durée de travail relativement encadrée, se verraient soumis aux dispositions de l'article L. 212-15-3 du code du travail ; je pense notamment aux VRP. La rédaction prévue pour ledit article est donc, nous le voyons, dangereuse en l'état, notamment en ce qu'elle déroge aux mesures d'ordre public social dont notre pays s'est doté, à savoir les durées maximales du temps de travail appréciées sur la journée ou de manière hebdomadaire.
Si nous comprenons, madame la ministre, votre volonté de laisser à la concertation et à la convention le soin de fixer les règles concernant la durée du travail pour les cadres -, c'est ce que demandent les organisations syndicales - qui verraient leur temps décompté de manière forfaitaire, on ne peut pour autant se passer d'un certain nombre de mesures visant à encadrer, dans le sens de l'ordre public social, le temps de travail.
Il nous paraît essentiel que le texte que nous examinons ne déroge pas aux durées maximales journalières ou hebdomadaires du temps de travail.
Les négociations gagneront en clarté, me semble-t-il, pour l'ensemble des salariés si la durée du travail est fixée, sinon strictement, au moins partiellement par la loi. Ce faisant, le texte que nous examinons serait plus lisible pour nombre de salariés et, à n'en pas douter, mieux accueilli.
En outre, il est loisible de déterminer a priori la durée du travail d'un cadre, quand bien même celui-ci semble échapper aux critères traditionnels entrant dans le calcul de la durée de son travail.
La loi, notamment la loi sur la réduction négociée du temps de travail, se doit de donner à tous un cadre juridique permettant une diminution effective de la durée du travail, quelle que soit la place occupée dans l'entreprise.
Aussi notre amendement a-t-il pour objet de réintroduire dans le texte prévu pour l'article L. 212-15-3 du code du travail la référence aux durées maximales journalières ou hebdomadaires du temps de travail, références qui existent dans la législation actuelle.
M. le président. Par amendement n° 84, Mmes Dieulangard, Printz et Pourtaud, MM. Domeizel, Cazeau, Weber, Mélenchon, Lagauche et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit le début de la deuxième phrase du paragraphe II du texte présenté par l'article 5 pour l'article L. 212-15-3 du code du travail : « La convention ou l'accord, sous réserve du respect des dispositions des articles L. 220-1, L. 221-2 et L. 221-4, peut déterminer des limites journalières se substituant à celles prévues au deuxième alinéa de l'article L. 212-1,... »
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. L'article 5 relatif au temps de travail des cadres pose de redoutables problèmes et, comme vous pouvez le constater, madame la ministre, nombreux sont ceux qui considèrent qu'il ne peut rester en l'état.
Si l'on met de côté la catégorie des cadres dirigeants, peut-on inscrire dans le code du travail une règle selon laquelle il existerait une catégorie de salariés, nombreux et manifestement appelés à augmenter, qui ne serait soumise à aucune règle en matière de durée du travail, si ce n'est celle des onze heures de repos quotidien ?
En tant que socialistes, nous ne le pensons pas. Connaissant le monde du travail, nous connaissons aussi la condition des cadres. Je fais allusion à leur besoin d'autonomie et au calcul du temps de travail qui peut être différent du temps réel consacré à leur activité parce qu'ils ont la responsabilité et la volonté de mener à bien tel projet qui leur a été confié.
Mais la condition de cadre, c'est aussi l'obligation de réaliser des horaires démentiels, avec une charge de travail d'une telle intensité que nombreux sont ceux qui mettent en péril leur santé, leur équilibre personnel ou leur vie familiale.
Beaucoup n'hésitent plus à dire qu'ils se sentent exploités et mal considérés au regard des efforts considérables qui sont exigés d'eux.
Ces différents aspects - la situation des cadres et la nécessité de prévoir des règles juridiques claires et socialement acceptables - nous amènent à présenter deux amendements sur le décompte du temps de travail de cette catégorie dite « intermédiaire ».
Dans les deux cas, forfait annuel ou forfait journalier, nous proposons qu'une limite maximale hebdomadaire soit fixée et ne puisse être dépassée. Cette limite est simplement celle du droit commun : quarante-huit heures ou quarante-quatre heures sur douze semaines. Il s'agit déjà d'un temps de travail très important, notre intention étant, je l'indique avec force, que ce temps ne puisse en aucun cas être dépassé. La limite hebdomadaire doit s'intégrer dans le forfait annuel.
Ce cliquet hebdomadaire permet une souplesse journalière facile à calculer et remet enfin les cadres dans une norme acceptable de temps de travail qui respecte les conditions de vie des personnes.
M. le président. Les trois amendements suivants sont présentés par M. Mélenchon.
L'amendement n° 137 a pour objet, dans la seconde phrase du II du texte présenté par l'article 5 pour l'article L. 212-15-3 du code du travail, de remplacer les mots : « des limites journalières et hebdomadaires » par les mots : « des variations journalières et hebdomadaires ».
L'amendement n° 139 tend, dans la seconde phrase du II du texte présenté par l'article 5 pour l'article L. 212-15-3 du code du travail, à supprimer les mots : « se substituant à celles prévues au deuxième alinéa des articles L.212-1 et L. 212-7 ».
L'amendement n° 138 vise à compléter in fine la seconde phrase du II du texte présenté par l'article 5 pour l'article L. 212-15-3 du code du travail par les mots : « et de respecter les durées maxima quotidiennes et hebdomadaires du travail ».
La parole est à M. Mélenchon, pour les défendre.
M. Jean-Luc Mélenchon. J'ai déjà développé l'essentiel de mon argumentation ; je la résume.
Je souhaite que l'on ne s'en tienne pas à une transposition d'un décompte en jours de travail pour les cadres, même si les dispositions qui ont déjà été votées par l'Assemblée nationale constituent un progrès par rapport à la situation antérieure. De l'avis unanime des syndicats de cette catégorie, cela représente tout de même 217 fois 13 heures par jour, c'est-à-dire bien plus que pour les salariés. Je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, je n'y reviens pas.
Je tiens à attirer l'attention de mes collègues de la majorité sénatoriale qui accueillent mes arguments avec scepticisme : de façon inéluctable, cette question du décompte horaire fera l'objet d'une revendication centrale de l'encadrement dans notre pays, en même temps que sera abordée la question des maxima quotidiens.
J'ai en main plusieurs arguments qui permettent de l'illustrer, en particulier trois décisions de justice qui confirment l'importance du décompte horaire. Si je mentionne ces décisions de justice, c'est parce que les sondages d'opinion sur l'approche qu'ont les cadres de leur temps de travail font apparaître, d'après une enquête de l'INSEE concernant les abus d'horaires de travail exigés d'eux, que 60 % des cadres se sentiraient aujourd'hui disposés à recourir aux conseils de prud'hommes. Ce chiffre paraît extrêmement fort. D'ailleurs, cela pose problème aux décideurs : il va bien falloir qu'ils comprennent que les temps ont changé et que les mentalités ont évolué.
Il me paraît donc opportun de vous faire savoir, par exemple, que la décision qui a été prise le 21 juin 1999 à l'encontre du président-directeur général de Thomson pour délit de travail dissimulé s'est fondée en grande partie, sur les décomptes qui ont été présentés du temps de travail effectif réalisé en heures ; ce ne pouvait pas être à la journée. D'ailleurs, d'une manière quelque peu indirecte, mais quand même d'assez près, j'en ai été le témoin, puisque l'une des entreprises concernées se trouve dans ma commune.
Franchement, les responsables des grands groupes devraient se mettre à l'abri de telles situations qui conduisent à les faire condamner. C'est tout à fait ubuesque ! Ainsi, lorsque l'inspecteur du travail se rend dans l'entreprise pour vérifier les horaires de travail effectués, on voit certains cadres membres de la haute direction courir dans les couloirs en disant : "Sauvez-vous, voilà l'inspecteur du travail !" Tout cela est grotesque et montre bien que l'on a dépassé les bornes, que l'on n'est pas dans des formes raisonnables de travail.
Je ferai observer que l'accord de réduction du temps de travail dans les banques a également été annulé pour divers motifs. L'une des multiples conséquences de cette annulation est, précisément, de remettre à l'ordre du jour la question du décompte en heures plutôt qu'en jours. Il en est de même dans la métallurgie, où des décisions ont été prises dans le même sens.
L'essentiel est dit ! Je demande à mes collègues qui ne sont pas de mon avis d'apporter la preuve - à part l'argument de la réalité de la vie des entreprises, etc., argument dont nous avons déjà eu l'occasion de souligner la relativité ce matin - qu'il n'est pas possible de contenir la durée tout en garatntissant la souplesse des horaires.
Mes chers collègues, je suis certain qu'il s'agira, demain, de la revendication de la fraction la plus formée, la plus éduquée, la plus allante peut-être, de notre salariat, et en particulier, - j'y reviens car cela me paraît fondamental dans la société telle qu'elle est aujourd'hui - des femmes.
J'ai sous les yeux une interview de Jacqueline Laufer, professeur au groupe HEC, auteur, avec Anne Fouquet, d'une recherche intitulée : « Effet de plafonnement de carrière des femmes cadres et accès des femmes à la décision dans la sphère économique ».
Je conviens que c'est un argument d'autorité que de citer un professeur, mais peut-être cette référence créera-t-elle une distance suffisante avec le sujet pour que quelques-uns de mes collègues m'écoutent avec une oreille un peu plus bienveillante.
Que fait remarquer Jacqueline Laufer ? A la question : « La situation professionnelle des femmes cadres a-t-elle évolué ? », elle répond : « A peine 125 000 en 1982, elles sont aujourd'hui près de 300 000 et représentent 29 % de la catégorie des cadres administratifs et commerciaux, mais seulement 13 % des ingénieurs et cadres techniques - chiffres de 1994 -... elles continuent à occuper des postes plus spécifiques... Les femmes représentent 48 % des cadres de relations publiques, contre à peine 13 % des postes d'ingénieurs et cadres techniques. » Elle observe ensuite qu'il s'agit, en quelque sorte, d'une situation d'impasse.
A la question : « Peut-on dire que les femmes cadres sont plus égales que les autres ? », elle répond : « Oui et non. Oui, parce que les entreprises hésitent de moins en moins à recruter des femmes à des postes très qualifiés. Non, parce qu'elles sont confinées toujours aux mêmes tâches. »
Elle ajoute : « Sur le plan professionnel, les années cruciales sont celles de la jeunesse, entre trente et quarante ans. C'est aussi la période où l'on a des enfants. Quand arrive le premier enfant, les hommes ont tendance à renforcer leur investissement professionnel, tandis que les femmes cherchent à mieux maîtriser leur temps. C'est là que se créent les inégalités. Les femmes doivent faire tout en même temps : prendre des décisions stratégiques, réussir leur vie professionnelle et la rendre compatible avec leur vie familiale, avec tout ce que cela implique en stress et en charge mentale. »
La remarque suivante, je vous la livre également : « Le modèle présence = investissement reste prégnant même s'il n'est plus aussi dominant ...
« L'on assiste au paradoxe suivant : en même temps que les entreprises recrutent de plus en plus de femmes, parce qu'elles apprécient leur haut niveau de formation, elles les renvoient dans leur rôle "naturel" dès qu'elles ont des enfants et bloquent leur carrière. »
Voilà, tout est dit ! Inutile d'en ajouter après ce que vous avez eu la bienveillance d'écouter jusqu'à présent.
L'un des amendements - est-ce le n° 139 ou le n° 140 ? Pardonnez-moi, monsieur le président, de ne pas m'en souvenir - prévoit que, pour finir, la globalisation soit un jour ramenée à un nombre d'heures représentant, sur une année, une durée équivalente à celle de × fois 35 heures, et non pas × fois 13 heures maximum de travail par jour.
M. le président. Je suis persuadé, monsieur Mélenchon, que vous avez été compris !
M. Charles Revet. Vous vous avancez beaucoup, monsieur le président !
M. le président. Comprendre n'est pas admettre, mon cher collègue.
Je suis maintenant saisi de deux amendements quasiment identiques.
L'amendement n° 119 rectifié, présenté par M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tend à compléter in fine la deuxième phrase du premier alinéa du III du texte proposé par l'article 5 pour l'article L. 212-15-3 du code du travail par les mots : « dans le respect d'une durée horaire maximale annuelle de 1 730 heures. »
L'amendement n° 142, déposé par Mmes Dieulangard, Printz et Pourtaud, MM. Cazeau, Domeizel, Lagauche, Mélenchon, Weber et les membres du groupe socialiste et apparentés, vise à compléter in fine cette même phrase par les mots : « dans le respect de la durée horaire maximale annuelle de 1 730 heures. »
La parole est à Mme Borro, pour présenter l'amendement n° 119 rectifié.
Mme Nicole Borvo. Les seules règles citées à l'heure actuelle sont donc celles des onze heures de repos journalier et du maximum de 217 jours travaillés, pour les cadres. En l'état, et pour reprendre un argument souvent avancé lors de la première lecture de ce texte à l'Assemblée nationale, il serait possible de travailler treize heures par jour et 78 heures par semaine, le total pour l'année pouvant ainsi atteindre plus de 2 820 heures !
Le décompte en jours sans référence horaire permettrait donc le maintien de durées de travail excessives, attentatoires à la qualité de vie des salariés et, il faut bien le dire, peu rentables en termes de créations d'emplois. Il placerait les cadres dans des conditions juridiques moins favorables que celles qui existent actuellement au regard de la durée du travail.
En outre, le schéma proposé introduit une inégalité flagrante de nos concitoyens devant la loi, puisqu'il y aurait une différence de statut juridique entre les salariés et les cadres.
De fait, la question n'est pas, selon nous, de choisir entre la liberté, qui serait la négociation collective, et la contrainte, qui serait la loi. Nous voulons par la loi fixer un certain nombre de limites, des limites, je le rappelle qu'attendent nombre de salariés, mais aussi, parmi eux, les cadres comme l'ont exprimé leurs quatre organisations les plus représentatives.
Notre amendement tend donc à introduire dans la loi la référence maximale de 1 730 heures lorsque le temps de travail est décompté, dans le cadre du forfait, en jours.
M. le président. La parole est à M. Domeizel, pour défendre l'amendement n° 142.
M. Claude Domeizel. Il est défendu !
M. le président. Par amendement n° 120, M. Fischer, Mme Borvoy et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans la troisième phrase du premier alinéa du III du texte présenté par l'article 5 pour l'article L. 212-15-3 du code du travail, de remplacer les mots : « de salariés » par les mots : « de cadres. »
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Au-delà des problèmes du personnel d'encadrement que nous avons considérés à l'instant, le paragraphe III de l'article 5, que nous examinons maintenant, élargit le dispositif du décompte forfaitaire aux salariés itinérants, qui, tels que définis, n'appartiennent pas nécessairement à la catégorie des cadres.
L'expression « salariés itinérants » reste pour le moins ambiguë. Faut-il, en effet, faire entrer dans cette catégorie les salariés VRP, ce qui reviendrait à remettre en cause un certain nombre de garanties collectives dont ils bénéficiaient dans le cadre de l'accord national interprofessionnel ?
Force est de constater qu'en l'état la formulation de cette partie de l'article 5 ouvre une brèche dans laquelle il serait facile de faire entrer un certain nombre de salariés qui bénéficient aujourd'hui de statuts reconnus ou de régimes plus avantageux que ceux que prévoit la loi.
Il pourrait en être ainsi pour des milliers de techniciens et d'ouvriers travaillant sur les chantiers, par exemple, ou pour tous ceux qui, pour des raisons diverses, doivent exercer leur travail sur des lieux de travail très souvent différents.
Aussi, nous proposons d'éliminer dans la troisième phrase du paragraphe III de l'article que nous examinons la référence aux « salariés itinérants », préférant la référence aux « cadres itinérants », même si, une fois encore, et au risque de nous répéter, nous pensons mal adapté le dispositif prévu par le projet de loi pour l'emploi des cadres.
M. le président. Par amendement n° 86, Mmes Dieulangard, Printz et Pourtaud, MM. Domeizel, Cazeau, Weber, Mélenchon, Lagauche et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans la dernière phrase du premier alinéa du paragraphe III du texte présenté par l'article 5 pour l'article L. 212-15-3 du code du travail, après les mots : « salariés itinérants », d'insérer les mots : « mentionnés à l'article L. 751-1 du code du travail ».
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Notre amendement répond à un objectif de clarification et de précision.
Beaucoup de choses ont été dites sur cette notion de « salariés itinérants », salariés que le projet de loi prévoit d'assimiler aux cadres en ce qui concerne le calcul du temps de travail au forfait en jours.
Il s'agit tout d'abord d'une extension du forfait à des salariés qui ne bénéficient pas par ailleurs des avantages relatifs du statut de cadre. Je dois vous le dire, cela constitue une brèche, dont on espère qu'elle ne s'élargira pas.
Parce qu'il s'agit précisément d'une extension, il convient d'être vigilant quant à la définition des salariés itinérants en cause. S'il semble clair qu'un livreur de pizzas, par exemple, ne peut être considéré comme itinérant dans la mesure où il est obligé de retourner à la boutique entre chaque livraison, il n'en est pas de même pour les livreurs qui partent au moins pour la journée ou pour les réparateurs qui partent aussi pour la journée, avec un itinéraire qui peut varier.
Nous proposons donc, pour éviter toute ambiguïté, de préciser que les salariés itinérants concernés par le projet de loi sont bien les seuls réprésentants de commerce ou attachés commerciaux dont le métier est, par définition, itinérant. L'avantage est que le code du travail apporte une définition claire et limitative de ces professionnels et de leur statut.
En revanche, il n'y a pas lieu, à notre sens, de considérer les livreurs et réparateurs, quel que soit leur degré de spécialisation, comme des salariés itinérants. Le caractère itinérant doit au moins s'apprécier sur plusieurs jours, et l'absence d'une définition suffisamment simple, même restrictive, serait la porte ouverte à tous les abus. Il serait en effet paradoxal que les salariés les plus soumis à de rudes sujétions soient en même temps les moins protégés par cette loi.
Dans le souci de préserver les intérêts de ces salariés, qui ne sont en rien privilégiés, mais sont soumis à des contraintes fortes et à un stress important, nous souhaitons donc apporter une définition limitative de l'itinérance dans le cadre du travail.
M. le président. Par amendement n° 140, M. Mélenchon propose de supprimer le second alinéa du III du texte présenté par l'article 5 pour l'article L. 212-15-3 du code du travail.
Cet amendement a déjà été présenté par son auteur.
Par amendement n° 121, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans la première phrase du second alinéa du III du texte présenté par l'article 5 pour l'article L. 212-15-3 du code du travail, de remplacer les mots : « ne sont pas soumis » par les mots : « sont soumis ».
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Les cadres ont vu, au cours de ces dernières années, leur durée du travail s'allonger et, au-delà de la durée de travail effective elle-même, la perception qu'ils peuvent en avoir révèle une aspiration réelle à voir diminuer le temps qu'ils y consacrent. Mon collègue a cité des cadres qui réclamaient la pointeuse, ce qui est tout de même assez significatif !
Il y a à cela bien des motifs : la dégradation des conditions de vie, le passage de la crise et les formes de précarité qu'elle développe, la valeur symbolique du travail dans notre société, sa valeur marchande elle-même, de plus en plus souvent remises en cause. Ce sont là autant d'éléments qui amènent les cadres, comme l'essentiel des salariés de notre pays, à revendiquer une réduction du temps de travail.
A cette exigence, la loi se doit de répondre non par la seule convention mais bel et bien par la loi elle-même ; d'autant qu'au sein du monde du travail largement déstructuré maintenant par plusieurs années de chômage et de précarité la convention n'est pas le moyen le plus adapté pour garantir à tous des règles équitables et partagées.
La durée du travail peut s'apprécier comme le cumul du temps passé à exercer sa fonction, l'horaire étant, lui, la manière dont cette durée s'accomplit dans la journée, dans la semaine ou dans l'année.
Si certaines fonctions peuvent justifier, bien entendu, et je ne dirai pas le contraire, l'existence d'horaires particuliers, il en va autrement de la durée du travail, qui peut et doit s'apprécier de manière égale pour des raisons d'égalité de nos concitoyens devant la loi.
La suppression des références horaires, valable tant pour les maxima que pour les durées, permettrait aux entreprises d'alourdir au-delà du supportable les objectifs et les charges de travail. Comme vous l'avez remarqué, nous pensons en particulier aux femmes, dont il est important de permettre l'accès à égalité de responsabilités et de salaires.
Comme vous l'aurez compris, madame la ministre, nous sommes attachés à la réintroduction dans le texte qui nous est soumis de durées maximales journalières ou hebdomadaires.
Deux siècles d'action syndicale et de mouvement social ont permis de construire, voire très souvent d'imposer des garanties collectives parmi lesquelles figure le décompte horaire de la durée du travail.
Adopter l'article 5 dans sa rédaction actuelle serait consacrer une remise en cause importante de cette avancée sociale que la modernité ne peut justifier. Etant donné que l'on est capable de tout décompter, on peut compter en termes horaires y compris le travail des cadres !
En tout état de cause, il convient d'encadrer les conventions et les accords à venir par des maxima légaux.
La perte de référence horaire moyenne n'aurait-elle pas comme autre conséquence de rendre impossible l'évaluation des besoins d'emplois nouveaux ? Or, comme vous le savez, nous sommes attachés à ce que la loi permette la création d'emplois.
Aussi notre amendement prévoit-il la réintroduction, même dans le cadre du calcul forfaitaire de la durée du travail, des maxima journaliers et hebdomadaires.
M. le président. Par amendement n° 85, Mmes Dieulangard, Printz et Pourtaud, MM. Domeizel, Cazeau, Weber, Mélenchon, Lagauche et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans la première phrase du second alinéa du paragraphe III du texte présenté par l'article 5 pour l'article L. 212-15-3 du code du travail, de supprimer les mots : « et du deuxième alinéa de l'article L. 212-7 ».
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. Cet amendement tend à fixer la limite hebdomadaire de droit commun au temps de travail des cadres calculé au forfait en jours. Je ferai sur ce point deux observations, sans reprendre le détail des arguments qui ont été exposés précédemment.
Le nombre maximum de jours retenus pour le travail des cadres est de 217, soit une diminution par rapport à la situation actuelle. Nous voulons néanmoins espérer qu'il s'agira bien d'un plafond. En effet, une réduction du travail qui accorderait aux cadres, comme c'est le cas dans un certain nombre d'accords, une réduction d'une journée toutes les deux semaines hors congés et jours fériés, conduirait à faire passer le nombre de jours travaillés de 232 à 208, et non à 217. On peut donc souhaiter que les accords iront dans ce sens, mais ce chiffre, de l'avis des salariés, demeure une limite réellement maximale. A défaut, la réduction du temps de travail ne concernerait plus ces catégories de personnel.
Ma seconde observation, qui découle de la première, est que, à l'intérieur de ce forfait en jours plus encore sans doute qu'à l'intérieur du forfait annuel, il est indispensable de poser des cliquets de manière à empêcher que des cadres ne soient contraints de travailler treize heures par jour, moins, évidemment, l'heure de déjeuner.
Dans l'état actuel du texte, rien ne s'y oppose en effet, puisque seule la réglementation européenne du repos journalier de onze heures et de la pause de vingt minutes toutes les six heures s'applique. Il ne nous paraît pas concevable que le droit français maintienne ce régime. Et les cadres, grâce au comportement de certains employeurs, ont aujourd'hui clairement pris conscience qu'ils sont des salariés comme les autres.
Là encore, et nous estimons que cette proposition respecte la souplesse nécessaire et qu'elle est très raisonnable, nous souhaitons que le temps du travail des cadres au forfait journalier soit subdivisé et que la limite hebdomadaire de droit commun ne puisse être dépassée. Il nous apparaît qu'à cette condition les effets de la réduction du temps de travail se feront rééllement sentir pour eux et qu'il pourra être mis un terme aux abus dont ils sont encore victimes.
M. le président. Je rappelle que la commission a d'ores et déjà émis un avis défavorable sur l'ensemble des amendements autres que le sien.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 16, 117, 83, 136, 118, 84, 137, 139, 138, 119 rectifié, 142, 120, 86, 140, 121 et 85 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Permettez-moi, sur l'ensemble de ces amendements, une intervention un peu générale.
Tout d'abord, je souligne que, pendant très longtemps, le code du travail n'a pas traité le problème des cadres. Donc, pendant très longtemps, la réglementation sur la durée du travail ne s'est pas appliquée aux cadres de notre pays.
Il a fallu attendre une jurisprudence récente, alors même que les cadres constituent aujourd'hui 12 % des salariés du secteur privé, pour que l'on considère effectivement qu'un certain nombre de dispositions étaient applicables à des catégories de cadres.
Je reprends l'exemple soulevé par M. Mélenchon, celui des cadres de la société Thomson : ils faisaient partie d'une équipe avec un horaire collectif. C'est parce que cet horaire collectif n'était pas appliqué qu'a été dressé, à juste titre, un procès-verbal et que la société a été sanctionnée.
Le texte tel qu'il a été proposé par le Gouvernement et tel qu'il est issu de la première lecture à l'Assemblée nationale sera, bien sûr, applicable aux cadres.
Monsieur le rapporteur, le Gouvernement ne peut pas accepter que l'on considère les cadres comme devant rester à l'écart du mouvement de réduction de la durée du travail, et ce d'autant moins, comme vous l'avez très bien remarqué, que la France est déjà une exception pour ce qui est de la durée du travail des cadres.
Beaucoup parmi vous, Mme Pourtaud, Mme Dieulangard et, hier, Mme Borvo, ont insisté sur le malaise des cadres et sur le fait que les femmes, notamment, hésitent à prendre certaines responsabilités tant il leur est difficile, sans culpabiliser ou sans se poser des problèmes, d'articuler vie familiale et vie professionnelle.
Donc, nous souhaitons que la durée du travail des cadres puisse également être réduite et, à chaque fois que c'est possible, qu'elle soit la même que celle des autres salariés.
J'aimerais que nous revenions un an en arrière pour rappeler que, parmi les organisations syndicales qui, hier, ont appelé à une amélioration du texte, certaines - je pense à celles qui représentent spécifiquement les cadres - s'opposaient à la loi sur les 35 heures, car elles étaient persuadées que nous n'arriverions pas à réduire la durée du travail des cadres. Un an plus tard, nous avons 16 000 accords d'entreprises, dont 85 % ont traité le problème des cadres et ont trouvé des solutions concrètes pour réduire leur temps de travail. Nous savons d'ailleurs, beaucoup l'ont rappelé, combien c'est aujourd'hui une attente de la part de l'ensemble des cadres.
Quelles ont été les solutions retenues par le Gouvernement ?
Tout d'abord, contrairement à ce que propose M. le rapporteur, il s'agit de ne pas faire des cadres une catégorie spécifique, qui ne serait traitée que par la voie conventionnelle. Le code du travail se doit de traiter de ces salariés comme des autres. En même temps, je le dis très clairement, alors que nous savons pertinemment que ces horaires de 46 heures affichés en moyenne sont loin d'être la réalité de nombreux cadres, je souhaite qu'au moment où nous rénovons la loi sur la durée du travail nous fassions un texte qui soit réellement applicable, c'est-à-dire qui soit aussi réaliste au regard de nos ambitions pour que nous soyons capables de l'appliquer.
Nous pouvons toujours afficher que, demain, tous les cadres seront à 35 heures, nous savons pertinemment que ce ne sera pas le cas. En effet, les entreprises feront sortir leurs cadres pour les faire pointer avant l'heure ou ceux-ci emmèneront du travail chez eux pour rester dans les limites. Ce n'est pas ce que nous voulons. Nous voulons pouvoir effectivement contrôler la durée du travail des cadre. (M. Philippe Nogrix s'exclame.) C'est la raison pour laquelle, en nous appuyant, monsieur le sénateur, sur les accords d'entreprise - faisons confiance aux négociateurs, ils ont trouvé des solutions car ils savent que les cadres n'acceptent plus la situation actuelle - nous souhaitons faire une avancée significative, qui néanmoins prenne en compte la réalité de la situation des cadres et de leur fonctionnement.
Aussi, nous avons distingué, en nous appuyant sur les accords d'entreprise, trois catégories de salariés.
La première, ce sont les cadres dirigeants. Eu égard aux amendements qui ont été déposés, je dirai que, à la suite d'un amendement introduit à l'Assemblée nationale, nous avons prévu le cumul de trois conditions très particulières : l'indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, le fait de prendre des décisions de façon largement autonome et des rémunérations qui se situent dans les plus hautes rémunérations de l'entreprise où ils travaillent. C'est bien le cumul de ces trois conditions - ce qui signifie que cela ne concerne pas un nombre très important de personnes, notamment dans les entreprises moyennes - qui permet de définir un cadre dirigeant.
Je pense pouvoir dire, à la suite des contacts que nous avions eus avec les organisations syndicales, que cette rédaction, qui est d'ailleurs actuellement à l'étude dans une rédaction extrêmement proche dans une directive européenne, paraît bien représenter aujourd'hui ce que sont les cadres dirigeants, ceux à qui on ne peut pas appliquer la réduction du temps de travail.
A l'inverse - je prends la catégorie opposée - nombre de cadres sont aujourd'hui dans une équipe de travail, avec un horaire collectif ; 58 % des cadres, d'après l'enquête que nous avons faite et qui vient d'être rendue publique - et c'est d'ailleurs ce que nous montraient les accords d'entreprise signés - seront soumis à la loi sur la durée du temps de travail, appliqueront les 35 heures et l'ensemble des durées maximales, car ils font partie d'un travail collectif.
Il s'agit d'une avancée importante car, jusqu'à aujourd'hui, rien de tel n'était spécifié dans le code du travail. Il a fallu attendre la jurisprudence Thomson pour que les cadres, lorsqu'ils font partie d'un horaire collectif, se voient appliquer l'ensemble des éléments du code du travail.
Reste la catégorie intermédiaire, ces cadres qui, par leur niveau de responsabilités ou par la spécificité de leurs tâches - je pense à des cadres qui travaillent sur des marchés financiers, à des cadres commerciaux, à des ingénieurs qui terminent un projet extrêmement lourd sur lequel ils doivent répondre dans des délais bien déterminés - ne sont ni des cadres dirigeants ni des cadres intégrés dans une équipe de travail avec un horaire collectif. Cette catégorie intermédiaire donne lieu ici à un certain nombre d'amendements.
Je dirai tout de suite, car un certain nombre de ces amendements me semblent satisfaits par le texte actuel, que l'article L. 212-15-3 tel qu'il est rédigé apporte un certain nombre de garanties à ces cadres de la catégorie intermédiaire.
Tout d'abord, on définit la convention de forfait. Aux termes de la convention de forfait qui est aujourd'hui définie par la jurisprudence, un cadre peut effectivement avoir un forfait en termes de rémunération qui correspond à un certain travail. Mais il est dit très clairement - et sur ce point nous reprenons la jurisprudence - que le cadre, qu'il appartienne à une catégorie où on décompte le temps de travail ou dans une catégorie où on ne le décompte pas, peut toujours demander aux tribunaux de vérifier que son forfait en termes de rémunération correspond bien au salaire prévu par la convention collective auquel est ajoutée la rémunération des heures supplémentaires avec la taxation de ces dernières.
Par conséquent, les cadres, y compris ceux qui appartiennent à cette catégorie intermédiaire - je reviendrai sur ceux qui peuvent se voir décompter la durée du temps de travail - peuvent se rendre devant les tribunaux et apporter toute preuve nécessaire. Dans les entreprises, les cadres peuvent en fin de semaine déclarer eux-mêmes les horaires qu'ils ont faits, car lorsqu'ils assistent à des réunions à l'extérieur - je pense, par exemple, aux commerciaux - il est impossible de contrôler. En tout état de cause, la convention de forfait ne signifie pas une absence de contrôle.
A partir de là, cette catégorie intermédiaire se scinde en deux catégories de cadres. Il y a d'abord ceux pour lesquels la convention ou l'accord prévoit une durée annuelle du travail sur la base du forfait. Pour ceux-là, je tiens à le dire à l'intention de ceux qui ont déposé des amendements sur le paragraphe II, et ils sont nombreux, il est inutile de prévoir un suivi des horaires puisque l'article 5 dispose : « sans préjudice du respect des dispositions des articles L. 212-1-1 et L. 611-9 du code du travail ».
L'article L. 212-1-1 dispose : « En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. »
L'article L. 611-9 du code du travail dispose : « Les chefs d'établissement doivent tenir à la disposition de l'inspecteur du travail et pendant une durée d'un an, y compris dans le cas d'horaires individualisés, le ou les documents existant dans l'établissement qui lui permettent de comptabiliser les heures de travail effectuées par chaque salarié. »
Lorsque dans cette catégorie intermédiaire, qui n'est pas constituée par les cadres dirigeants ni par les cadres intégrés dans un horaire collectif, ce qui a été choisi c'est le forfait annuel, il doit y avoir un suivi des horaires de travail, qui peut être effectué soit directement par l'entreprise, soit par auto-déclaration lorsque l'accord le prévoit pour certaines catégories de salariés. Pour ces mêmes salariés, l'ensemble des durées maximales s'appliquent, qu'il s'agisse de la durée journalière, de la durée maximale ou de la durée sur douze semaines.
Il a été prévu que les conventions collectives pouvaient, dans certaines conditions et en mettant en place des conditions de suivi de l'organisation du travail et de la charge de travail, déroger à ces durées maximales. Nous avons institué une telle disposition pour une raison extrêmement simple. D'abord, nous sommes convaincus que les accords ne comporteront pas des durées supérieures à ces durées maximales s'il n'existe pas de réelle justification. Ensuite, nous sommes aussi convaincus que, pour la première fois, nous aurons la possibilité de contrôler effectivement les horaires de travail, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.
Je le répète : je souhaite élaborer une législation qui s'applique. La partie du code du travail qui traite de la durée du travail est sans doute celle qui est la moins appliquée, car elle est trop complexe - bien que nous l'ayons simplifiée, notamment avec la modulation - et ne prend pas en compte, dans un certain nombre de cas, la réalité concrète des salariés.
Donc, pour tous ces salariés dont le forfait est annuel, les durées maximales s'appliquent et, encore une fois, l'employeur se doit de tenir à la disposition et du juge et de l'inspecteur du travail les modes de calcul de ces horaires.
J'en arrive au forfait en jours, et vous voyez bien que nous sommes là au bout du bout, si je puis dire.
Lorsque les cadres ne sont pas dans un horaire collectif, lorsqu'ils ne sont pas dans un forfait annuel où les heures doivent être décomptées, où les maxima s'appliquent, nous avons prévu la possibilité de forfait en jours.
Aujourd'hui, il serait inopérant d'écrire que les trente-cinq heures ou la durée maximale sur douze semaines s'appliquent aux cadres supérieurs, car nous savons pertinemment que cela ne sera pas le cas. Nous pouvons certes l'écrire, cela nous fera plaisir, mais nous ne pourrons ni le vivre ni le contrôler et on trouvera le moyen de faire travailler ces cadres ailleurs.
Aussi, nous avons prévu, pour ces cadres, la possibilité, si l'employeur ne veut pas leur fixer un forfait annuel contrôlable avec la durée maximale, d'avoir des jours de congés complémentaires parce que ceux-là, au moins, on peut les vérifier. Nous avons aussi prévu, comme je l'ai dit, le nombre maximal de jours travaillés, car la loi fixe des maxima, à savoir ces 217 jours. Ce n'est que pour cette catégorie qu'il n'est pas prévu d'application des durées maximales car, par définition, si les cadres se situent dans cette catégorie, c'est que nous n'arrivons pas à décompter leurs horaires, même si, encore une fois, rien n'empêcherait un cadre de cette catégorie ayant la preuve que ces horaires dépassent les durées maximales et que son forfait ne prend pas en compte ces rémunérations d'aller devant le juge pour le démontrer.
Cela paraît un peu compliqué, mais nous partons d'une situation qui est extrêmement diverse. Je voudrais dire très simplement les choses : nous sommes en train de faire une véritable révolution sur le temps de travail des cadres dans les entreprises.
Les dispositions que je viens d'évoquer sont fondées sur un accord collectif. L'entreprise ne pourra pas d'elle-même prévoir un forfait de jours non travaillés, de jours de repos dans l'année, s'il n'y a pas un accord collectif. Donc, faisons confiance aux organisations syndicales pour reconnaître ces forfaits annuels avec des jours de repos uniquement dans des cas où on ne peut pas faire autrement. Faisons leur confiance aussi pour suivre l'application de ces durées de travail. S'il s'avérait que les cadres concernés ne sont pas d'accord, ils le feraient savoir.
Comme vous le savez, nous avons prévu que ces accords, pour donner droit à la baisse des charges, doivent être signés par des syndicats majoritaires ou doivent donner lieu à une consultation ayant entraîné l'adhésion de la majorité des salariés. Personnellement, je ne connais pas de syndicat en France qui signerait un accord sans être certain d'être suivi par les salariés. Je dois dire d'ailleurs que, dans 90 % des cas, les salariés ont été consultés et les taux d'avis positifs ont varié entre 85 % et 100 %. Voilà la réalité ! Il y a sur ces sujets, un débat - et c'est bien normal puisque l'on touche à l'intimité même de l'organisation de la vie des salariés - entre les organisations syndicales et les salariés.
Ce texte est-il parfait ? Certainement pas. On peut sans doute toujours rêver d'aller plus loin ? Mais ce que j'ai essayé de faire, en m'appuyant sur les accords, c'est d'élaborer un texte ambitieux. Pour 58 % des cadres, il rendra les 35 heures effectives. Les autres bénéficieront de dispositions qui seront négociées avec les organisations syndicales et, dans la plupart des cas, ils se verront appliquer les durées maximales journalières, hebdomadaires, qu'elles soient sur une semaine ou sur douze semaines.
Enfin, deux amendements traitent le problème des itinérants non-cadres, à savoir les voyageurs-représentants-placiers, les VRP, et les commerciaux qui se déplacent. Or, ce sont les personnels qui sont peut-être les mieux protégés par les conventions collectives. En effet, les VRP sont traités par un chapitre particulier du code du travail. Par ailleurs, les conventions collectives traitent de manière assez proche les commerciaux qui se déplacent, qui ont des forfaits horaires et des forfaits transports, sur le plan de la rémunération comme sur le plan du calcul de la durée du travail. Aussi, je ne pense pas que l'on puisse considérer que cette catégorie soit maltraitée par ce texte, d'autant qu'il s'agit sans doute de l'une de celles qui sont le mieux traitées dans les conventions collectives.
Pour toutes ces raisons, nous sommes en train de faire un pas important dans la réglementation à l'égard des cadres. Il n'y a pas beaucoup de pays au monde où les cadres vont obtenir au moins dix jours de repos complémentaire après cinq semaines de congés et dix jours fériés ! En effet, c'est cela la catégorie qui est considérée comme la moins protégée aujourd'hui. Et tous les autres salariés se verront appliquer les durées maximales et la vérification que leur forfait en termes de rémunération prend bien en compte leur durée réelle de travail.
Je crois réellement que nous faisons là un progrès tout à fait décisif. Je sais que certains souhaiteraient que nous allions plus loin. Personnellement, je souhaite parvenir à une réglementation qui s'applique et qui puisse effectivement être sanctionnée en cas de non-application. Je fais confiance aux syndicats qui fixeront ces dispositions dans l'accord et aux fonctionnaires du ministère qui contrôleront leur application.
En conclusion, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'ensemble des amendements.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 5 est ainsi rédigé et les amendements n°s 117, 83, 136, 118, 84, 137, 139, 138, 119 rectifié, 142, 120, 86, 140, 121 et 85 n'ont plus d'objet.

Chapitre IV

Travail à temps partiel et contrat intermittent

Article 6



M. le président.
« Art. 6. _ I. _ Dans la section 2 du chapitre II du titre Ier du livre II du code du travail, le paragraphe 3 devient le paragraphe 4 et l'article L. 212-4-8 devient l'article L. 212-4-16.
« Les articles L. 212-4-4, L. 212-4-5, L. 212-4-6 et L. 212-4-7 du code du travail deviennent respectivement les articles L. 212-4-8, L. 212-4-9, L. 212-4-10 et L. 212-4-11.
« II. _ L'article L. 212-4-2 du même code est ainsi modifié :
« 1° Le huitième alinéa est inséré après le premier alinéa de l'article L. 212-4-9 ;
« 2° Les cinq derniers alinéas deviennent les premier, deuxième, troisième, quatrième et dernier alinéas du nouvel article L. 212-4-5 ;
« 3° Les sept premiers alinéas sont remplacés par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Dans les entreprises, professions et organismes mentionnés à l'article L. 212-4-1, des horaires de travail à temps partiel peuvent être pratiqués sur la base d'une convention collective ou d'un accord de branche étendu ou d'une convention ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement. En l'absence d'accord, ils peuvent être pratiqués après avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Cet avis est transmis dans un délai de quinze jours à l'inspecteur du travail. En l'absence de représentation du personnel, les horaires de travail à temps partiel peuvent être pratiqués à l'initiative du chef d'entreprise ou à la demande des salariés après information de l'inspecteur du travail.
« Sont considérés comme salariés à temps partiel les salariés dont la durée du travail est inférieure :
« _ à la durée légale du travail ou, lorsque ces durées sont inférieures à la durée légale, à la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l'entreprise ou aux durées du travail applicables dans l'établissement ;
« _ à la durée mensuelle résultant de l'application, sur cette période, de la durée légale du travail ou, si elles sont inférieures, de la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l'entreprise ou des durées du travail applicables dans l'établissement ;
« _ à la durée de travail annuelle résultant de l'application sur cette période de la durée légale du travail ou, si elles sont inférieures, de la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l'entreprise ou des durées du travail applicables dans l'établissement, diminuée des heures correspondant aux jours de congés légaux et aux jours fériés mentionnés à l'article L. 222-1. »
« III. _ L'article L. 212-4-3 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 212-4-3 . _ Le contrat de travail des salariés à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations d'aide à domicile, la répartition de la durée du travail au sein de chaque journée travaillée entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Il définit, en outre, les conditions de la modification éventuelle de cette répartition, qui doit être notifiée au salarié sept jours au moins avant la date à laquelle cette modification doit intervenir. La convention ou l'accord collectif doit prévoir les contreparties apportées au salarié en cas de modification de cette répartition.
« Le contrat de travail détermine également les limites dans lesquelles peuvent être effectuées des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat. Le nombre d'heures complémentaires effectuées par un salarié à temps partiel au cours d'une même semaine ou d'un même mois ne peut être supérieur au dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue dans son contrat.
« Les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail effectuée par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement.
« Le refus d'effectuer les heures complémentaires proposées par l'employeur au-delà des limites fixées par le contrat ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement. Il en est de même, à l'intérieur de ces limites, lorsque le salarié est informé moins de trois jours avant la date à laquelle les heures complémentaires sont prévues.
« Le refus d'accepter une modification de la répartition des horaires de travail ou de la répartition de la durée du travail prévus au contrat de travail ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement.
« Lorsque, pendant une période de douze semaines consécutives ou pendant douze semaines au cours d'une période de quinze semaines, l'horaire moyen réellement effectué par un salarié a dépassé de deux heures au moins par semaine, ou de l'équivalent mensuel de cette durée, l'horaire prévu dans son contrat, celui-ci est modifié, sous réserve d'un préavis de sept jours et sauf opposition du salarié intéressé, en ajoutant à l'horaire antérieurement fixé la différence entre cet horaire et l'horaire moyen réellement effectué. »
« IV. _ L'article L. 212-4-4 du même code est ainsi rétabli :
« Art. L. 212-4-4 . _ Une convention ou un accord collectif de branche étendu peut faire varier en deçà de sept jours, jusqu'à un minimum de trois jours ouvrés, le délai prévu au premier alinéa de l'article L. 212-4-3, dans lequel la modification de la répartition de la durée du travail doit être notifiée au salarié. La convention ou l'accord collectif de branche étendu doit prévoir des contreparties apportées au salarié lorsque le délai de prévenance est réduit en deçà de sept jours ouvrés. Cet accord ou cette convention peut également porter jusqu'au tiers de la durée stipulée au contrat la limite dans laquelle peuvent être effectuées des heures complémentaires, fixée au deuxième alinéa du même article.
« Pour pouvoir être étendu, l'accord ou la convention collective de branche doit comporter des garanties relatives à la mise en oeuvre, pour les salariés à temps partiel, des droits reconnus aux salariés à temps complet, et notamment de l'égalité d'accès aux possibilités de promotion, de carrière et de formation, ainsi qu'à la fixation d'une période minimale de travail continue et à la limitation du nombre des interruptions d'activité au cours d'une même journée. Lorsque la limite dans laquelle peuvent être effectuées des heures complémentaires est portée au-delà du dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle fixée au contrat de travail, chacune des heures complémentaires effectuées au-delà du dixième de la durée précitée donne lieu à une majoration de salaire de 25 %.
« Les horaires de travail des salariés à temps partiel ne peuvent comporter, au cours d'une même journée, plus d'une interruption d'activité ou une interruption supérieure à deux heures, que si une convention ou un accord collectif de branche étendu, ou agréé en application de l'article 16 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales le prévoit soit expressément, soit en définissant les amplitudes horaires pendant lesquelles les salariés doivent exercer leur activité et leur répartition dans la journée de travail, moyennant des contreparties spécifiques et en tenant compte des exigences propres à l'activité exercée. A défaut de convention ou d'accord collectif étendu, un décret en Conseil d'Etat peut prévoir, pour les activités de transport de voyageurs présentant le caractère de service public, les conditions dans lesquelles des dérogations aux dispositions du présent alinéa peuvent être autorisées par l'inspection du travail. »
« V. _ L'article L. 212-4-6 du même code est ainsi rétabli :
« Art. L. 212-4-6 . _ Une convention ou un accord collectif étendu ou un accord d'entreprise ou d'établissement n'ayant pas fait l'objet de l'opposition prévue à l'article L. 132-26 peut prévoir que la durée hebdomadaire ou mensuelle peut varier dans certaines limites sur tout ou partie de l'année à condition que, sur un an, la durée hebdomadaire ou mensuelle n'excède pas en moyenne la durée stipulée au contrat de travail.
« La convention ou l'accord collectif doit fixer :
« 1° Les catégories de salariés concernés ;
« 2° Les modalités selon lesquelles la durée du travail est décomptée ;
« 3° La durée minimale de travail hebdomadaire ou mensuelle ;
« 4° La durée minimale de travail pendant les jours travaillés ; seul une convention ou un accord collectif de branche étendu peut prévoir plus d'une interruption d'activité ou une interruption supérieure à deux heures ;
« 5° Les limites à l'intérieur desquelles la durée du travail peut varier, l'écart entre chacune de ces limites et la durée stipulée au contrat de travail ne pouvant excéder le tiers de cette durée ; la durée du travail du salarié ne peut être portée à un niveau égal ou supérieur à la durée légale hebdomadaire ;
« 6° Les conditions et les délais dans lesquels les horaires de travail sont notifiés au salarié ;
« 7° Les modalités et les délais selon lesquels ces horaires peuvent être modifiés, cette modification ne pouvant intervenir moins de sept jours après la date à laquelle le salarié en a été informé ; ce délai peut être ramené à trois jours par convention ou accord collectif de branche étendu.
« Par dérogation aux dispositions des articles L. 143-2 et L. 144-2, la convention ou l'accord peut prévoir que la rémunération versée mensuellement aux salariés est indépendante de l'horaire réel et est calculée dans les conditions prévues par la convention ou l'accord.
« Le contrat de travail mentionne la qualification du salarié, les éléments de sa rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle de référence.
« Lorsque sur une année l'horaire moyen réellement effectué par un salarié a dépassé la durée hebdomadaire ou mensuelle fixée au contrat et calculée sur l'année, l'horaire prévu dans le contrat est modifié, sous réserve d'un préavis de sept jours et sauf opposition du salarié intéressé, en ajoutant à l'horaire antérieurement fixé la différence entre cet horaire et l'horaire moyen réellement effectué. »
« VI. _ L'article L. 212-4-7 du même code est ainsi rétabli :
« Art. L. 212-4-7 . _ Les salariés qui en font la demande peuvent bénéficier d'une réduction de la durée du travail sous forme d'une ou plusieurs périodes d'au moins une semaine en raison des besoins de leur vie familiale. Leur durée de travail doit être fixée dans la limite annuelle fixée à l'article L. 212-4-2.
« Pendant les périodes travaillées, le salarié est occupé selon l'horaire collectif applicable dans l'entreprise ou l'établissement.
« Donnent lieu à l'application des dispositions prévues par les articles L. 212-5 et L. 212-5-1 les heures effectuées au cours d'une semaine au-delà de la durée légale fixée à l'article L. 212-1 ou, en cas d'application d'une convention ou d'un accord défini à l'article L. 212-8, les heures effectuées au-delà des limites fixées par cet accord.
« L'avenant au contrat de travail doit préciser la ou les périodes non travaillées. »
« VII. _ Le deuxième alinéa de l'article L. 212-4-9 du même code est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Les conditions de mise en place d'horaires à temps partiel à la demande des salariés sont fixées par une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement. Cette convention ou cet accord prévoit :
« 1° Les modalités selon lesquelles les salariés à temps complet peuvent occuper un emploi à temps partiel et les salariés à temps partiel occuper un emploi à temps complet dans le même établissement ou, à défaut, dans la même entreprise ;
« 2° La procédure devant être suivie par les salariés pour faire part de leur demande à leur employeur ;
« 3° Le délai laissé au chef d'entreprise pour y apporter une réponse motivée. En particulier, en cas de refus, celui-ci doit expliquer les raisons objectives qui le conduisent à ne pas donner suite à la demande.
« En l'absence de convention ou d'accord collectif, la demande du salarié doit être communiquée au chef d'entreprise par lettre recommandée avec accusé de réception. Elle doit préciser la durée du travail souhaitée ainsi que la date envisagée pour la mise en oeuvre du nouvel horaire. La demande doit être adressée six mois au moins avant cette date. Le chef d'entreprise est tenu de répondre au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de trois mois à compter de la réception de la demande. Celle-ci ne peut être refusée que si le chef d'entreprise justifie de l'absence d'emploi disponible ressortissant de la catégorie professionnelle du salarié ou de l'absence d'emploi équivalent ou s'il peut démontrer que le changement d'emploi demandé aurait des conséquences préjudiciables à la production et à la bonne marche de l'entreprise. »
« VIII. _ A l'article L. 212-4-11 du même code, la référence à l'article L. 212-4-6 est remplacée par celle à l'article L. 212-4-10. »
Sur l'article, la parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. Avec l'article 6, nous abordons ce qui peut être à la fois la meilleure ou la pire des choses : le travail à temps partiel.
En effet, selon que le temps partiel est subi ou choisi, il devient ou un élément important de confort de vie ou un supplice quotidien. Tout a déjà été dit sur la condition scandaleuse faite aux salariés de la grande distribution ou de secteurs comme le nettoyage, où l'on cumule allègrement précarité et flexibilité sans respect - est-il besoin de préciser ? - des délais de prévenance.
La première loi de 1998 a permis d'améliorer les choses en réduisant le nombre de pauses infligées aux salariés dans une journée. Notre société - soulignons-le - se dirige progressivement vers le développement du temps partiel choisi, mais permettez-moi de dire que les progrès sont encore lents.
Cela renforce l'impact de l'article 6, dont les apports sont essentiels, en dehors de la transposition de la directive européenne du 17 décembre 1997 dans notre droit.
Cet article assure un meilleur encadrement du recours au temps partiel et de nouvelles garanties pour les salariés. La répartition de la durée du travail sur les jours et les semaines ainsi que les conditions de la modification éventuelle de cette répartition devront être mentionnées au contrat.
Très attendu par tous les salariés à temps partiel, un progrès important a été introduit dans ce texte : il s'agit de l'obligation de majorer de 25 % la rémunération des heures complémentaires accomplies au-delà de 10 % de la durée prévue. Auparavant, les heures complémentaires n'étaient en aucun cas majorées, ce qui les rendait particulièrement attractives pour l'employeur mais nettement moins pour le salarié qui était contraint de les réaliser.
Le salarié pourra refuser une nouvelle répartition horaire en cas d'obligations familiales impérieuses ou d'incompatibilité avec une activité chez un autre employeur. Son refus ne pourra pas être invoqué comme motif de licenciement.
Ce dernier point est important pour permettre au salarié de préserver la possibilité d'employer ses compétences chez plusieurs employeurs, s'il souhaite disposer d'une certaine liberté et compléter ses revenus en toute légalité. En toute hypothèse, et grâce à un amendement de nos collègues socialistes, des contreparties à ces modifications horaires sous forme pécuniaire ou de jours de repos pourront être prévues par l'accord collectif.
Une autre garantie importante au regard des accords déjà signés est l'obligation d'un accord collectif pour organiser une modulation sur l'année du temps partiel.
S'il ne peut y avoir de modulation individuelle, l'accord devra détailler les catégories de salariés concernés et les modalités de décompte horaire. Cela implique que la modulation soit fondée sur une nécessité et non laissée à la seule appréciation de l'employeur. Ce point est tout à fait capital, s'agissant d'une modalité de décompte du temps de travail qui est la plus flexible qui soit.
Au total, c'est donc toute une série de garde-fous qui sont posés pour faire en sorte non seulement que le temps partiel soit choisi par les salariés, mais surtout qu'il le reste.
Si l'on ajoute à l'ensemble des nouvelles garanties qui viennent d'être rappelées, d'une part, la suppression de l'abattement de 30 % sur les cotisations sociales patronales pour toute embauche à temps partiel et, d'autre part, la garantie que les salariés à temps partiel au SMIC bénéficieront en toute justice du complément différentiel de salaire accordé aux salariés au SMIC, on constate que c'est la nature du travail à temps partiel qui est profondément modifiée.
L'égalité de traitement entre les salariés à temps partiel et les salariés à temps plein peut être mise en oeuvre en matière d'évolution de carrière et de formation, par exemple, et le passage de l'un à l'autre sera favorisé par les dispositions du présent projet de loi.
Ce qui, jusqu'à présent, justifiait pleinement la méfiance des salariés quant au temps partiel doit disparaître.
Contrairement à ce que souhaite l'opposition, ce n'est pas par une déréglementation et par une précarisation du temps partiel que l'on développera celui-ci. En effet, en agissant ainsi, on n'obtiendra jamais l'adhésion des salariés. Il faut au contraire, comme nous le faisons, cesser de traiter les personnes travaillant à temps partiel comme des salariés de second rang, leur donner clairement les mêmes garanties qu'aux autres salariés et leur témoigner le même respect.
Je ne vous étonnerai donc pas, mes chers collègues, en indiquant que nous soutenons le texte qui nous a été transmis par l'Assemblée nationale et que nous voterons contre l'ensemble des amendements.
M. le président. La parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis. Les dispositions prévues à l'article 6 soulèvent quelques difficultés.
Certes, le travail à temps partiel est tout aussi fréquemment subi que choisi, et il faut éviter de nous diriger vers un plein emploi à l'américaine, avec un emploi aussi précaire qu'abondant.
Mais les mesures votées par l'Assemblée nationale, notamment la suppression de l'abattement de 30 % sur les charges afférentes aux salariés à temps partiel, sont susceptibles de se retourner contre l'emploi.
Les entreprises s'interrogent sur leurs réelles capacités à remplir certaines des conditions envisagées. C'est le cas notamment des entreprises de propreté. Elles emploient 320 000 salariés, ce qui n'est pas rien ! Elles exécutent des prestations qui exigent une grande souplesse d'organisation.
Les contreparties imposées en cas de non-respect du délai de prévenance de sept jours ou en cas de modification d'horaires vont se traduire par des surcoûts salariaux.
Cela s'ajoute à la mise en cause de l'accord étendu, autorisant une dérogation pour élever le nombre d'heures complémentaires à un tiers de la durée contractuelle. Cette mise en cause va détruire un équilibre qui, semble-t-il, avait fait, en 1997, l'unanimité des partenaires sociaux de la branche.
Il y a temps partiel et temps partiel ! Cela mérite d'être approfondi branche par branche. En effet, si, pour les salariés, le temps partiel subi se distingue du temps partiel choisi, certaines entreprises de services ne peuvent, quant à elles, s'exonérer de la pratique du temps partiel ; elles ne doivent pas être pénalisées pour autant. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Avec cet article 6 relatif au travail à temps partiel, nous attaquons le point de ce texte qui nous semble quasiment le plus important. En effet, le temps partiel, le temps choisi est sans doute l'un des leviers les plus efficaces pour lutter activement contre le chômage en France, tout en se préoccupant réellement des aspirations des salariés.
Si personne n'aspire à travailler 35 heures ni plus ni moins, en revanche, tout le monde aspire à choisir son temps de travail.
En France, le travail à temps partiel est beaucoup moins développé que chez nos voisins européens. Alors que la moyenne européenne est de 25 % - et ce taux est largement dépassé chez nos voisins de l'Europe du Nord - en France, le travail à temps partiel ne concerne que moins de 20 % de la population salariée. Nous ferions donc mieux de tendre, plutôt que vers les 35 heures pour tous, vers le mi-temps pour ceux qui le souhaitent.
En effet, avec votre majorité, madame le ministre, vous partagez une vision fausse du temps partiel : vous imaginez qu'il s'agit d'un pis-aller pour des salariés qui ne rêveraient que d'obtenir un temps plein.
Pourtant, les chiffres sont là : 60 % des salariés à temps partiel ont adopté de plein gré cette formule ; 60 % des salariés à temps partiel travaillent en réalité à temps choisi.
Ce texte, malgré ses défauts, offrait tout de même la possibilité de transposer enfin dans notre droit les dispositions fort intéressantes de la directive européenne de 1997 relative au temps partiel. Il aurait pu créer la formidable occasion de rattraper le retard que nous avons, en la matière, en France, sur nos partenaires européens.
Pourtant - une fois n'est pas coutume - c'est la déception qui accompagne cette transposition.
Il semble, en réalité, que tout a été fait pour rendre cette transposition la plus restrictive possible : d'une part, votre ministère s'est ingénié à supprimer bon nombre de dispositions qui auraient pu créer un appel d'air pour l'emploi ; d'autre part, l'Assemblée nationale a fait le reste pour bien s'assurer que le recours au temps partiel sera suffisamment contraignant pour dissuader tout entrepreneur d'y recourir.
C'est une occasion manquée pour tous nos concitoyens qui aspiraient à cette nouvelle forme de travail qu'est le temps choisi.
Pourquoi imposer la nécessité du recours à un accord collectif ou à un accord de branche étendu pour justifier le recours au temps partiel ?
M. Alain Vasselle. Pour ne pas laisser de place à la liberté !
M. Alain Gournac. Certes, il est important de protéger les salariés contre des dérives ; mais la vraie dérive, ici, c'est la nouvelle contrainte qui, une fois de plus, pèsera sur les entreprises souhaitant embaucher.
Pourquoi priver des allégements de charges les entreprises qui recourent au temps partiel inférieur à la moitié de la durée légale du travail ? Cela créera une nouvelle inégalité entre des entreprises pourtant en compétition entre elles sur un même marché.
Cet article est, à nos yeux, extrêmement important.
Nous félicitons la commission pour son travail et pour sa volonté de remettre le temps partiel sur ses deux pieds, si je puis dire.
Le groupe du RPR a souhaité apporter sa pierre à ce débat en déposant quelques amendements visant à améliorer ce qui pouvait l'être dans cet article. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Alain Vasselle. Son intervention n'ira certainement pas dans le même sens !
M. Guy Fischer. Les débats à l'Assemblée nationale sur l'article 6 relatif au temps partiel ont permis de mettre en exergue la nécessité de s'attaquer aux abus et à la précarité que ce type de contrat engendre.
Nous ne considérons pas, comme certains de nos collègues de la majorité sénatoriale, que le temps partiel contribue toujours à l'épanouissement de nos concitoyens pour la bonne raison que, le plus souvent, ce dernier est subi et non choisi, notamment pour ce qui concerne les femmes.
M. Alain Vasselle. Ce n'est pas ce qu'a dit M. Gournac !
M. Guy Fischer. Vous ne serez pas étonné que je ne partage pas le point de vue de M. Gournac !
Mme Hélène Luc. Vous le savez bien, d'ailleurs !
M. Alain Vasselle. Et réciproquement !
M. Guy Fischer. Dois-je vous rappeler les statistiques ? Aujourd'hui, un peu plus de deux millions de salariés travaillent à temps partiel. Ils en subissent de plein fouet les conséquences en termes de salaires, d'horaires imprévisibles, variables selon les semaines, et d'heures complémentaires imposées, sans pour autant être correctement rémunérés.
Les femmes et les jeunes sont particulièrement touchés. Voie de sortie du chômage, le temps partiel est malheureusement un état qui s'impose de plus en plus, alors que la moitié des salariés à temps partiel aspirent à travailler à temps plein.
Des garanties nouvelles doivent être apportées.
A ce titre, je ne suis pas sûr que la nouvelle définition du temps partiel retenue par le projet de loi soit entièrement satisfaisante. Les employeurs risquent fort de se saisir de cette nouvelle opportunité pour faire travailler un salarié à temps partiel avec le même horaire qu'un salarié à temps plein, mais avec en prime toutes les souplesses du dispositif.
Un amendement important a été voté à l'Assemblée nationale afin de supprimer les aides publiques incitatives en 2001. Par ailleurs, un dépassement régulier des horaires de travail prévus dans le contrat pourra entraîner sa révision.
D'autres amendements sont venus aménager le dispositif du temps partiel, sans pour autant en changer la nature contraignante. Je pense, notamment, aux contreparties accordées aux salariés en cas de modification de la répartition des horaires prévus au contrat.
Ce sont autant de dispositions que la commission des affaires sociales prend un malin plaisir à supprimer en considérant que « l'encadrement strict du recours au travail à temps partiel pourrait contrarier le développement de l'emploi » ! Mais de quel emploi s'agit-il ? Sûrement pas d'un emploi stable, qualifié et correctement rémunéré !
Nous aurions évidemment souhaité que le texte gouvernemental aille beaucoup plus loin, qu'il permette de rompre avec cette forme inégalitaire de réduction et d'aménagement du travail. Je me contente de reprendre là l'appréciation du Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts !
Alors, vous comprendrez que la réécriture de l'article proposé ne puisse nous satisfaire, et nous nous y opposerons.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. Par amendement n° 17, M. Souvet, au nom de la commission, propose, à la fin du dernier alinéa du 3° du II de l'article 6, de remplacer les mots : « des heures correspondant aux jours de congés légaux et aux jours fériés mentionnés à l'article L. 222-1 » par les mots : « des heures correspondant aux jours de congés légaux ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'exclure les jours fériés du décompte du temps de travail annuel des salariés à temps partiel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
S'agissant du mode de calcul de la durée annuelle, tant dans le cadre de la modulation que pour les contrats à temps partiel sur une base annuelle, le Gouvernement a entendu opérer une clarification.
Je comprend qu'il s'agit là d'un amendement qui s'inscrit dans la logique de ceux qui ont été adoptés précédemment par le Sénat, mais le Gouvernement ne peut qu'y être défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 53, M. Franchis et les membres du groupe de l'Union centriste proposent de supprimer les deux dernières phrases du premier alinéa du texte présenté par le III de l'article 6 pour l'article L. 212-4-3 du code du travail.
La parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis. Les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale sont susceptibles de contraindre les entreprises à verser des contreparties financières, car les salariés à temps partiel sont rarement demandeurs de repos.
Certaines entreprises ne pourront faire face à leurs obligations légales en raison de la nature même de leur activité et seront fragilisées dans l'exécution des contrats en cours de validité compte tenu de l'augmentation directe ou indirecte des coûts salariaux que la mesure dont nous demandons la suppression risquerait d'entraîner.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Favorable.
Je rappelle que la commission a retiré son amendement n° 18, qui contenait une erreur matérielle de décompte des phrases, au profit de cet amendement n° 53.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable : je crois qu'il est souhaitable, lorsque les délais de prévenance ne sont pas respectés, que l'accord prévoie des contreparties en faveur des salariés.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 17.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je m'exprimerai à la fois contre cet amendement et contre l'ensemble de ceux que la commission a déposés sur cet article 6.
Ces amendements visent, nous dit-on, à favoriser le développement du travail à temps partiel. Pour parvenir à cet objectif, la commission prévoit de supprimer ou de revoir ce qui lui paraît être un encadrement trop strict des modalités entourant l'exercice de ces contrats.
On nous cite l'exemple des pays environnants, notamment celui des Pays-Bas, où le travail à temps partiel s'est particulièrement développé. Méfions-nous cependant, mes chers collègues, des comparaisons, car, aux Pays-Bas, précisément, le temps partiel a permis aux femmes, jusqu'à une époque encore très récente, de ne pas revenir sur le marché du travail après la naissance de leur enfant. C'était pour des raisons économiques, certes, mais surtout pour des raisons culturelles.
Notre collègue Jean-Luc Mélenchon a exprimé avec force tout à l'heure notre incompréhension : il va falloir faire preuve de beaucoup d'imagination pour nous expliquer comment on prétend favoriser le développement du temps partiel choisi et le revaloriser tout en supprimant les garanties les plus essentielles qui doivent entourer ces contrats de travail !
L'économiste Gilbert Cette s'est penché sur cette question dans le cadre d'un rapport qu'il vient de remettre au Premier ministre, où il démontre notamment que le temps partiel est profondément inégalitaire selon qu'on est pauvre ou riche. Aux personnes les moins qualifiées les temps partiels les moins rémunérateurs et les plus flexibles, qui constituent parfois la seule ressource du ménage ! C'est souvent le cas, par exemple, des agents de nettoyage : je lisais ainsi dans les débats de l'Assemblée nationale que les élus de l'opposition regrettaient que l'article relatif aux allégements de charges prévoie précisément que les petits temps partiels n'ouvrent pas droit à ces nouvelles modalités, prenant le cas, précisément, des entreprises de nettoyage.
Je ne prendrai qu'un exemple pour expliquer les raisons pour lesquelles les sénateurs socialistes voteront résolument contre ces amendements. Je relève en effet dans vos propositions que la référence faite à des obligations familiales impérieuses pour refuser légitimement une modification de la répartition des horaires sans encourir une menace de licenciement a disparu.
N'est ce pas la droite sénatoriale qui, un soir de juin dernier - souvenez-vous, mes chers collègues ! - se permettait de nous donner de grandes leçons sur la politique familiale, notamment sur les mesures à prendre pour permettre aux femmes d'appréhender de front carrière et vie familiale ? Or, nous découvrons, au détour de vos amendements, que vous supprimez cette possibilité de refuser des heures au-delà de ce qui est déjà autorisé !
M. Guy Fischer. Très bien ! Voilà !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Nous saurons nous souvenir de votre proposition, et je pense que les associations familiales s'en souviendront aussi. (Applaudissements sur les travée socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Guy Fischer. Nous leur en ferons part !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 53, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 19, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer la seconde phrase du quatrième alinéa du texte proposé par le III de l'article 6 pour l'article L. 212-4-3 du code du travail.
Par amendement n° 122, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter in fine la seconde phrase du quatrième alinéa du texte présenté par le paragraphe III de l'article 6 pour l'article L. 212-4-3 du code du travail par les mots : « ou si ces heures ne peuvent être accomplies pour des raisons familiales, scolaires ou universitaires ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 19.
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer une disposition qui permettrait au salarié à temps partiel de refuser une modification des heures complémentaires dans la limite des heures prévues par son contrat de travail.
M. le président. La parole est à Mme Luc, pour présenter l'amendement n° 122.
Mme Hélène Luc. Le quatrième alinéa du texte proposé par le paragraphe III de l'article 6 dispose que le refus d'effectuer des heures complémentaires proposées par l'employeur au-delà des limites fixées par le contrat ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement.
Il en est de même, à l'intérieur de ces limites, lorsque le salarié est informé moins de trois jours avant la date à laquelle les heures complémentaires sont prévues.
Je ne développerai pas maintenant l'appréciation que nous portons sur le fait que le délai de prévenance puisse être réduit.
Concernant les heures complémentaires, non seulement ces dernières doivent rester exceptionnelles, mais encore il convient d'éviter qu'elles puissent être imposées aux salariés.
Pour ce faire, nous proposons que le salarié ait la possibilité de refuser d'accomplir ces dernières pour des raisons familiales, mais aussi en raison d'obligations scolaires et universitaires.
Lorsque nous avons préparé cette deuxième loi, nous avons auditionné les syndicats, bien sûr, mais aussi un collectif regroupant treize associations de jeunesse dont la jeunesse ouvrière chrétienne, la JOC, mais aussi les jeunes communistes, les jeunes socialistes, l'UNEF et la CGT, toutes signataires d'une lettre ouverte aux parlementaires.
Contrairement à l'idée que vous vous plaisez à répandre, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, les 35 heures intéressent les jeunes au plus haut point.
La réflexion menée, les propositions avancées témoignent qu'eux aussi tiennent à la réduction du temps de travail, véritablement créatrice d'emplois stables, et sans réduction de salaire.
Tous ont insisté sur le fait que le temps partiel choisi devait être compatible avec une activité extérieure, en l'occurrence un cursus universitaire.
Tel est l'objet de notre amendement, que nous vous demandons d'adopter sans trop d'illusion, mais que vous devriez voter si vous teniez compte des intérêts des jeunes comme des adultes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 122 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement apporte une réponse qui n'est pas satisfaisante à une question que peuvent utilement traiter les partenaires sociaux. Nous renvoyons donc à la négociation collective.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 19 et 122 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 19. En effet, si M. Souvet nous a dit qu'il s'agissait de supprimer la possibilité pour le salarié de refuser des heures supplémentaires dans la limite des heures fixées par le contrat de travail, il n'a pas précisé que c'est lorsque le délai de prévenance n'est pas respecté.
Nous, nous souhaitons que, lorsque le délai de prévenance prévu au contrat n'est pas respecté, le salarié puisse refuser d'effectuer les heures supplémentaires qui lui sont proposées.
Comme Mme Dieulangard l'a fort bien dit tout à l'heure, dans notre pays, le travail à temps partiel n'est pas reconnu à sa juste valeur parce qu'il est, dans la majorité des cas, un travail subi. Si, aux Pays-Bas, cette formule s'est développée, c'est non seulement pour les raisons que Mme Dieulangard a exposées, mais aussi parce qu'il existe de très nombreuses clauses protectrices pour faire de cette forme de travail un travail à temps choisi. On ne peut pas à la fois vouloir développer le travail à temps partiel et ne pas accepter une liberté de choix de la part du salarié !
S'agissant de l'amendement n° 122, j'ai également reçu les treize organisations de jeunes qu'a évoquées Mme Luc. Leur demande, qui vise à permettre à un salarié de refuser d'effectuer des heures non prévues au contrat de travail pour des raisons non seulement familiales mais aussi scolaires ou universitaires, est fondée.
Si je suis favorable à cette proposition, je considère cependant qu'elle devrait figurer non pas dans le quatrième alinéa du texte proposé par le paragraphe III de l'article 6 pour l'article L. 212-4-3 du code du travail, mais dans le paragraphe IV de ce même texte, car il est bien évidemment nécessaire que les étudiants, auxquels tient beaucoup M. le rapporteur, et qui travaillent pour payer leurs études puissent respecter leur contrat de travail quand celui-ci prévoit des horaires de travail et des heures complémentaires.
En revanche, il faut leur donner la possibilité de refuser la modification des horaires prévus pour des raisons tenant à la poursuite de leur cursus scolaire ou universitaire.
Je suis donc tout à fait d'accord avec vous, madame Luc, et je suis prête, en deuxième lecture, à accepter un amendement qui permettrait de faire figurer cette disposition dans la loi, puisqu'il s'agit d'une protection.
Je vous demanderai cependant de bien vouloir retirer, pour l'instant, votre amendement, car j'espère que nous arriverons à trouver une formule satisfaisante lors de la deuxième lecture.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 122 n'a plus d'objet.
Par amendement n° 20, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit l'avant-dernier alinéa du texte présenté par le III de l'article 6 pour l'article L. 212-4-3 du code du travail :
« Le refus d'accepter une modification de la répartition des horaires prévus au contrat de travail, dès lors que ces nouveaux horaires de travail ne sont pas compatibles avec une période d'activité fixée chez un autre employeur, ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Nous proposons de limiter les cas de refus de modification de la répartition des horaires de travail aux multi-salariés.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, qui vise, une fois de plus, à supprimer des garanties offertes aux salariés.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, repoussé par le Gouvernement.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 123, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer le premier alinéa du texte présenté par le paragraphe IV de l'article 6 pour l'article L. 212-4-4 du code du travail.
Par amendement n° 61 rectifié, MM. Gournac, Esneu, Jourdain et Lassourd, Mme Olin, MM. Ostermann, Trégouët et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent, dans la première phrase du premier alinéa du texte présenté par le IV de l'article 6 pour l'article L. 212-4-4 du code du travail, après les mots : « accord collectif de branche étendu », d'insérer les mots : « ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ».
Par amendement n° 21, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer la deuxième phrase du premier alinéa du texte présenté par le IV de l'article 6 pour l'article L. 212-4-4 du code du travail.
Par amendement n° 78, MM. Gournac, Esneu, Jourdain et Lassourd, Mme Olin, MM. Ostermann, Trégouët et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent, dans la deuxième phrase du premier alinéa du texte présenté par le IV de l'article 6 pour l'article L. 212-4-4 du code du travail, après les mots : « accord collectif de branche étendu », d'insérer les mots : « ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ».
La parole est à Mme Borvo, pour défendre l'amendement n° 123.
Mme Nicole Borvo. Cet amendement tend à supprimer la possibilité de déroger, par accord de branche, à la durée du délai de prévenance prévue par le code du travail.
Le délai fixé par le premier alinéa de l'article L. 212-4-3 est de sept jours. Il a pour objet d'apporter des garanties aux salariés travaillant à temps partiel en cas de modification de la répartition de leur temps de travail.
Ce délai de prévenance est actuellement fixé au minimum. Lors des débats à l'Assemblée nationale, les députés communistes et Verts ont proposé de le prolonger de sept jours supplémentaires. Cette proposition, loin de relever du domaine de la surenchère, tient compte de la réalité de la situation et du vécu des salariés travaillant à temps partiel, dont le nombre s'accroît de façon exponentielle. En effet, plus de 15 % des salariés travaillent à temps partiel ; 85 % d'entre eux sont des femmes - cela a été souligné - et, dans la majorité des cas, cette situation n'a pas été choisie. Elle est subie, notamment sur le plan financier.
Les parlementaires communistes voudraient que le travail à temps partiel puisse être un choix pour les salariés, comme vous l'avez vous-même souhaité, madame la ministre. Afin qu'il le devienne, il nous paraît primordial d'accorder des garanties au salarié quant au délai minimal que son employeur doit respecter pour l'informer d'une modification d'emploi du temps.
Or, un délai de sept jours ne permet pas à une femme seule ayant la charge d'une famille ou à un couple dont les deux membres travaillent à temps partiel de prendre les dispositions nécessaires pour concilier vie professionnelle et vie familiale.
Notre amendement vise donc à supprimer l'alinéa autorisant l'employeur à réduire le délai de prévenance à trois jours. Nos collègues députés ont, certes, assorti la réduction du délai de prévenance d'une contrepartie, mais, comme l'a souligné avec justesse ma collègue Muguette Jacquaint, cette proposition, qui peut paraître intéressante, ne suffira pas à éviter les dérapages en ce domaine.
C'est pourquoi nous vous proposons, mes chers collègues, de supprimer la possibilité de réduire le délai de prévenance.
M. le président. La parole est à M. Vasselle, pour présenter l'amendement n° 61 rectifié.
M. Alain Vasselle. Cet amendement est relatif au délai de prévenance s'imposant aux entreprises qui ne sont pas couvertes par une convention ou un accord collectif de branche.
Les dispositions prévues par le présent texte et par le premier alinéa de l'article L. 212-4-4 du code du travail énoncent que le délai de prévenance est de sept jours - cela est légitime - mais les entreprises couvertes par une convention ou un accord collectif de branche pourront l'abaisser à trois jours ouvrés s'agissant de la modification de la répartition des horaires des salariés travaillant à temps partiel.
Du coup, cela crée une situation totalement injuste et inéquitable entre, d'une part, les entreprises relevant d'une convention ou d'un accord, qui peuvent réduire à trois jours ouvrés le délai de prévenance et, d'autre part, celles qui n'auront absolument aucune possibilité de déroger à la règle des sept jours. Il nous a donc semblé qu'il convenait d'ouvrir cette faculté à ces dernières, en soumettant tout de même cette modification à la signature d'une convention ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement, idée que nous défendons depuis le début de l'examen du texte.
Cet accord d'entreprise ou d'établissement protégera les salariés. Simultanément, les entreprises pourront faire face à un surcroît d'activité en abaissant par dérogation, elles aussi, le délai de prévenance à trois jours ouvrés. Il serait en effet parfaitement injuste d'instaurer une inégalité de ce type entre entreprises.
Nous proposons, par ailleurs, d'étendre l'application de ces dispositions, dans le paragraphe V du projet de loi, aux cas soumis au régime de la modulation horaire.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 21.
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la référence aux contreparties dont doit bénéficier le salarié en cas de réduction du délai de prévenance en deçà de sept jours. Les partenaires sociaux doivent être libres et sont capables, me semble-t-il, de fixer ou non des contreparties en fonction des cas particuliers.
M. le président. La parole est à M. Gournac, pour défendre l'amendement n° 78.
M. Alain Gournac. Il s'agit d'un amendement de conséquence de l'amendement n° 61 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 123, 61 rectifié et 78 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 123.
En revanche, elle accepte l'amendement n° 61 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 123, 61 rectifié, 21 et 78 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 123.
Le délai de prévenance, tel qu'il est prévu aujourd'hui par la loi, s'appuie sur un accord de branche étendu, qui apporte des garanties aux salariés et fixe dans la plupart des cas une durée minimale de travail continu. Je crois donc que nous avons, par ce moyen, largement amélioré la protection des salariés travaillant à temps partiel.
Par ailleurs, je ne puis évidemment pas émettre un avis favorable sur l'amendement n° 61 rectifié, qui vise à ce que ce soit non pas seulement un accord de branche étendu, mais aussi un accord d'entreprise qui ouvre la possibilité de réduire le délai de prévenance.
Je remarque d'ailleurs que, depuis l'entrée en vigueur de la loi de 1998, de nombreux accords de branche ont prévu des durées minimales de travail : vingt heures dans la restauration collective, vingt heures dans la restauration rapide, vingt-six heures dans la grande distribution, seize à vingt-deux heures pour les parcs de loisirs, dix heures dans le secteur de la propreté. L'on voit donc bien que cette méthode est la bonne.
Pour les mêmes raisons, le Gouvernement est opposé aux amendements n°s 21 et 78.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 123, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 61 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 21, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 78 n'a plus d'objet.
Par amendement n° 22, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer la seconde phrase du deuxième alinéa du texte présenté par le IV de l'article 6 pour l'article L. 212-4-4 du code du travail.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la majoration automatique de la rémunération des heures complémentaires au-delà du dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue au contrat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Il me semble en effet souhaitable que soient considérées comme des heures supplémentaires les heures complémentaires au-delà de 10 % de l'horaire prévu au contrat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 22, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 63, MM. Gournac, Esneu, Jourdain et Lassourd, Mme Olin, MM. Ostermann, Trégouët et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent, dans la première phrase du dernier alinéa du texte présenté par le IV de l'article 6 pour l'article L. 212-4-4 du code du travail, après les mots : « et médico-sociales », d'insérer les mots : « ou encore si une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ».
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai également l'amendement n° 64.
M. le président. Je suis en effet saisi d'un amendement n° 64, présenté par MM. Gournac, Esneu, Jourdain et Lassourd, Mme Olin, MM. Ostermann, Trégouët et les membres du groupe du Rassemblement pour la République, et visant, au début de la seconde phrase du dernier alinéa du texte présenté par le IV de l'article 6 pour l'article L. 212-4-4 du code du travail, après les mots : « A défaut de convention ou d'accord collectif étendu », à insérer les mots : « ou accord d'entreprise ou d'établissement ».
Veuillez poursuivre, monsieur Gournac.
M. Alain Gournac. Le paragraphe IV de l'article 6 du présent projet de loi prévoit que l'horaire journalier des salariés travaillant à temps partiel peut être réparti de telle façon qu'il comporte plusieurs interruptions d'activité d'une durée totale supérieure à deux heures dans le seul cas où une convention ou un accord collectif de branche étendu ou agréé en application de l'article 16 de la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales le prévoit.
Cette exigence d'une convention ou d'un accord de branche étendu ou agréé est trop restrictive. En effet, les entreprises qui ne relèvent pas d'une branche professionnelle ayant pu conclure un accord vont se trouver dans l'impossibilité d'organiser les horaires journaliers des salariés à temps partiel conformément aux nécessités de fonctionnement de l'entreprise.
Il conviendrait donc de prévoir la possibilité de réglementer les interruptions d'activité à l'intérieur de l'horaire journalier de travail par accord collectif d'entreprise ou d'établissement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 63 et 64 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur les deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement a émis un avis défavorable sur ces deux amendements, d'autant que, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 13 juin 1998, de nombreux accords de branche ont prévu des interruptions d'activité et ont ainsi apporté des garanties aux salariés.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 63, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 64, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de six amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 124, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer le V de l'article 6.
Par amendement n° 23, M. Souvet, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du texte présenté par le V de l'article 6 pour l'article L. 212-4-6 du code du travail, de supprimer les mots : « n'ayant pas fait l'objet de l'opposition prévue à l'article L. 132-26 ».
Les quatre amendements suivants sont présentés par MM. Gournac, Esneu, Jourdain et Lassourd, Mme Olin, MM. Ostermann, Trégouët et les membres du groupe du Rassemblement pour la République.
L'amendement n° 65 vise, dans le sixième alinéa (4°) du texte présenté par le V de l'article 6 pour l'article L. 212-4-6 du code du travail, à remplacer les mots : « seul une convention ou un accord de branche étendu » par les mots : « la convention ou l'accord collectif étendu ou l'accord d'entreprise ou d'établissement ».
L'amendement n° 66 tend, après les mots : « peut varier », à supprimer la fin du septième alinéa (5°) du texte présenté par le V de l'article 6 pour l'article L. 212-4-6 du code du travail.
L'amendement n° 62 a pour objet de compléter le neuvième alinéa (7°) du texte présenté par le V de l'article 6 pour l'article L. 212-4-6 du code du travail par les mots : « ou par convention ou accord d'entreprise ou d'établissement ».
L'amendement n° 67 vise, dans le dernier alinéa du texte présenté par le V de l'article 6 pour l'article L. 212-4-6 du code du travail, après les mots : « un salarié a dépassé », à insérer les mots : « d'une heure par semaine en moyenne sur l'année ».
La parole est à Mme Luc, pour présenter l'amendement n° 124.
Mme Hélène Luc. Le paragraphe V de l'article 6 ouvre la possibilité d'organiser, par le biais d'un accord de branche étendu ou d'entreprise, une modulation sur l'année de l'horaire à temps partiel.
Il y a ici cumul de deux conditions défavorables aux salariés.
Tout d'abord, le recours au travail à temps partiel est déjà un facteur de flexibilité, dont les entreprises ont su se servir afin de faire face à la fluctuation des besoins et aux variations saisonnières d'activité. Malheureusement, le temps partiel est imposé aux salariés, sans qu'il soit tenu compte de la nécessité, pour eux, de concilier vie professionnelle et vie familiale.
Or, la modulation du temps de travail sur l'année amplifie considérablement les dangers pour les salariés, particulièrement pour les femmes. Lors du débat sur l'article 3, notre groupe s'est félicité de ce que l'annualisation du temps plein ait été assortie de quelques garanties. Vous avez préféré, mesdames, messieurs les membres de la majorité sénatoriale, permettre l'annualisation sans prévoir aucune contrepartie, y compris en termes de réduction du temps de travail.
Dans le cas présent, vous optez pour une méthode similaire, alors que l'annualisation du temps partiel est encore moins favorable. Cela frise l'irrespect pour les salariés qui subissent de telles conditions de travail.
De plus, les dispositions du paragraphe V de l'article 6 sont en contradiction avec l'évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui tend, depuis quelques années, à encadrer précisément les conditions du travail à temps partiel, afin que la pratique d'une activité répartie entre plusieurs employeurs reste possible ou que l'activité à temps partiel soit conciliable avec la vie familiale.
Les souplesses permises par les possibles modifications des horaires et par les heures complémentaires sont déjà suffisantes. Si, en plus, on annualise, on fragilise encore davantage la situation des salariés.
Voilà autant de raisons qui nous poussent à refuser catégoriquement l'annualisation du temps partiel et à vous demander d'en faire autant, en votant la suppression du paragraphe V de l'article 6.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 23.
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer une référence au droit d'opposition des syndicats à un accord prévoyant une modulation du travail à temps partiel.
M. le président. La parole est à M. Gournac, pour défendre les amendements n°s 65, 66, 62 et 67.
M. Alain Gournac. J'ai déjà présenté l'amendement n° 65 en défendant l'amendement n° 63, et je passe donc directement à l'amendement n° 66.
Les accords de modulation sont une bonne chose, nous l'avons déjà dit. Nous nous sommes félicités, à l'article 3, de l'évolution du Gouvernement sur ce sujet pourtant tabou de la flexibilité.
L'objectif est de pouvoir répondre à des périodes de suractivité tout en travaillant moins en période d'activité restreinte. Il est évident que cela correspond à l'aspiration de bon nombre de branches et celles-ci n'ont d'ailleurs pas manqué l'occasion de la négociation sur la première loi pour généraliser ce principe. Or, à peine cette facilité a-t-elle été accordée que vous vous empressez de la reprendre et de la réencadrer !
Ainsi votre projet de loi prévoit-il qu'en cas de modulation des horaires à temps partiel, pourtant programmée pour s'adapter à des périodes de productivité plus intenses, l'écart entre chacune des limites à l'intérieur desquelles le temps peut varier ne peut excéder le tiers de la durée du travail prévue au contrat.
Une telle contrainte, d'ailleurs excessivement difficile à appréhender, va empêcher d'aligner les variations des horaires des salariés à temps partiel sur celles des salariés à temps plein, ce qui aura pour conséquence immédiate de compliquer la gestion du travail à temps partiel dont l'horaire est apprécié sur l'année.
Tout cela aura une conséquence : le recours au temps partiel annualisé ne sera que très peu utilisé, car inutilisable.
J'ai déjà défendu l'amendement n° 62, en présentant l'amendement n° 61 rectifié, et j'en viens donc à l'amendement n° 67.
Sur le fond, nous sommes d'accord avec le principe de l'article 6, qui prévoit que, lorsque, sur une année, l'horaire moyen réellement effectué par un salarié a dépassé la durée fixée au contrat, l'horaire est effectivement modifié en conséquence. Cela est légitime. A moins que le salarié ne marque son désaccord et continue de préférer son contrat initial, il faut prévoir la possibilité de transformation automatique dudit contrat.
Néanmoins, un aspect de cette rédaction nous chagrine puisqu'il semble laisser entendre que tout dépassement provoquerait ce changement de l'horaire inscrit au contrat, y compris dans le cadre d'un dépassement de quelques minutes seulement.
Nous pensons, quant à nous, que, s'il est indispensable d'harmoniser le contrat de travail avec les heures réellement effectuées par le salarié, il semble néanmoins nécessaire de fixer un seuil en dessous duquel il n'y aura pas forcément d'automaticité de la modification du contrat.
De ce point de vue, il nous semble que la limite d'une heure, en plus d'être médiane, est la plus légitime. En effet, nous savons bien que la quasi-totalité des contrats de travail prévoient un nombre d'heures complètes de travail et ne s'expriment que très rarement en minutes.
Ce seuil d'une heure serait donc une bonne chose à double titre. Il permettrait, d'une part, de simplifier la paperasserie administrative déjà contraignante pour les entreprises et, d'autre part, de prévoir une marge tampon qui ne provoquerait pas de modification du contrat.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 124, 65, 66, 62 et 67 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 124.
En revanche, elle a émis un avis favorable sur les amendements n° 65, 66, 62 et 67.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 124, 23, 65, 66, 62 et 67 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Au sujet de l'amendement n° 124, je dirai que le projet de loi revient déjà sur une pratique qui était celle du travail à temps partiel annuel. Essentiellement prévu jusqu'à présent dans le contrat de travail, cette pratique pouvait entraîner effectivement toutes les flexibilités et précarisations pour le salarié. C'était la disposition prévue dans la loi quinquennale.
Nous pensons que, si le travail à temps partiel annuel peut être une bonne chose, il faut qu'il soit prévu dans un accord. Je citerai l'exemple d'une grande entreprise de la distribution : Leroy Merlin. Ayant signé un accord avec toutes les organisations syndicales, cette dernière met en place un système d'aménagement du temps de travail sur les îlots caisses, ce qui permet à des groupes autonomes de caissières de programmer eux-mêmes leur calendrier de travail en fonction de la charge d'activité tout au long de l'année.
Le projet de loi offre donc déjà des garanties et des protections aux salariés ; il peut également leur permettre d'aménager avec souplesse leur horaires lorsqu'ils le souhaitent.
Je ne peux donc qu'être défavorable à l'amendement n° 23, lequel, alors qu'il s'agit d'accords dérogatoires, prévoit de supprimer le droit à l'opposition prévu à l'article L. 132-23 du code du travail, ainsi qu'aux amendements n°s 65, 66, 62 et 67.
Monsieur Gournac, nous souhaitons que la durée annuelle de travail soit respectée puisque la souplesse est déjà possible à l'intérieur de l'année. Ajouter une heure supplémentaire ne ferait que déplacer le problème.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 124.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je m'oppose à l'amendement présenté par Mme Luc qui, depuis le début de la discussion de ce projet de loi, souhaite réglementer toujours un peu plus l'organisation du temps de travail, alourdir encore le dispositif réglementaire applicable aux entreprises, avec le souci, au demeurant tout à fait légitime, et que l'on peut comprendre, de défendre l'intérêt des salariés, mais sans se soucier ni de l'intérêt ni de la compétitivité de l'entreprise, et donc des effets induits pour les salariés qui risquent d'être les victimes du carcan dans lequel se trouverait placée l'entreprise.
Madame Luc, je vous invite à prendre connaissance d'un article d'un journal que vous connaissez certainement, Force ouvrière, en date du 3 novembre dernier. Ce journal est l'organe officiel de la CGT-FO, que l'on ne peut pas taxer en la matière d'être défavorable au Gouvernement et opposé aux 35 heures, encore que j'aie eu l'occasion de dire tout à l'heure que M. Blondel doutait des résultats et même contestait le nombre d'emplois nouveaux résultant du dispositif de la première loi de Mme Aubry.
Permettez-moi de vous lire un extrait de ce texte très intéressant puisqu'il concerne la flexibilité maximum et l'emploi minimum. CGT-FO se fait l'écho de la position du FMI. Le FMI apprécie les 35 heures. « Les 35 heures semblent avoir un effet positif sur le dialogue social et l'organisation du travail... » - en entendant cela, vous êtes certainement très satisfaite « ... mais ne devraient guère contribuer à la réduction du chômage. » C'est pourtant l'objectif avoué des 35 heures. « Ce sont les conclusions du conseil d'administration du Fonds monétaire international rendues publiques le jeudi 28 octobre 1999. Les membres du conseil estiment que cette initiative - les 35 heures - ne contribue guère à la réduction du chômage. Elle a un coût budgétaire élevé et elle aggrave l'effet du choc démographique à venir. Le conseil d'administration du FMI souligne par ailleurs que la réduction des cotisations sociales sur les bas salaires et les incitations fiscales en faveur du travail à temps partiel ont contribué à soutenir la demande de main-d'oeuvre. Le FMI souligne que les 35 heures doivent être mises en oeuvre avec la plus grande souplesse et sans restreindre indûment le nombre d'heures supplémentaires autorisées ou les horaires librement arrêtés dans le cadre des négociations au niveau de l'entreprise. »
Lorsque le syndicat CGT-FO se fait l'écho dans ses colonnes de l'avis du FMI, c'est qu'il n'est pas loin de le partager...
M. Guy Fischer. Oh, cela, c'est votre interprétation !
M. Alain Vasselle. ... et lorsque l'on avance ici que, dans le fond, tout cela est le résultat d'un accord des partenaires sociaux, qui adhèrent à la loi sur les 35 heures, permettez-moi donc d'en douter.
Cet article est tout à fait éloquent et me permet de vous renvoyer, excusez-moi de le dire, madame Luc, à vos chères études !
Mme Hélène Luc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Je ne peux que constater la pauvreté des arguments de M. Vasselle, obligé d'aller se plonger dans certaines lectures ! (Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Alain Gournac. Lisez la presse !
M. Jean Chérioux. Vous ne le faites jamais, vous ?
Mme Hélène Luc. Vous citez le FMI. Or, vous savez très bien que nous n'avons pas les mêmes analyses des décisions du FMI. (Exclamations sur les mêmes travées.)
Dans vos propos, vous avez insisté sur l'intérêt des entreprises. Pour notre part, l'intérêt bien compris des entreprises, c'est aussi que les salariés, notamment les femmes - je le redis parce que cela ne vous plaît pas quand nous le disons ! -...
M. Alain Gournac. J'adore cela !
Mme Hélène Luc. Vous comptez une femme dans votre groupe ; elle pourrait réagir puisqu'elle parle de temps en temps des problèmes des femmes !
Mme Nelly Olin. Madame Luc, vous êtes désobligeante !
Mme Hélène Luc. L'intérêt bien compris des entreprises, dis-je, c'est que les salariés s'y sentent bien et que le travail à temps partiel ne vienne pas encore aggraver la situation dans laquelle ils se trouvent.
Vous faites état de vos lectures. Moi, j'en ai d'autres, et notamment des articles écrits par des médecins qui parlent des femmes, des salariés qui travaillent à temps partiel, souvent contre leur gré, et qui en connaissent les désagréments.
Nous ne voulons pas que cette loi sur les 35 heures, qui doit améliorer la vie des salariés, vienne, au contraire, apporter encore plus de flexibilité, donc aggraver les conditions de vie des salariés.
M. Jean Chérioux. C'est loin d'être prouvé !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 124, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 23, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 65, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?
Je mets aux voix l'amendement n° 66, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 62, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 67, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 68 rectifié, MM. Gournac, Esneu, Jourdain et Lassourd, Mme Olin, MM. Ostermann, Trégouët et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent, dans la première phrase du premier alinéa du texte présenté par le VI de l'article 6 pour l'article L. 212-4-7 du code du travail, après les mots : « peuvent bénéficier, » d'insérer les mots : « , en accord avec l'employeur, ».
La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin. Les choses vont mieux quand elles sont dites. Cet amendement rédactionnel évitera bien des soucis, des actions en justice et des contentieux.
S'il est souhaitable que les salariés à temps partiel qui en font la demande puissent bénéficier d'une réduction du temps de travail pour raison familiale - cela entre d'ailleurs parfaitement dans notre logique de temps choisi - il est aussi normal que cela ne porte pas préjudice à l'entreprise. Il est donc naturel de préciser qu'ils pourront bénéficier de cette réduction en accord avec leur employeur.
C'est un amendement de simple bons sens, mais, encore une fois, les choses vont mieux lorsqu'elles sont dites clairement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement. En effet, le texte de loi prévoit déjà que cette forme d'organisation du travail, qui répond à un souhait individuel du salarié, pour des raisons liées à sa vie familiale, peut être refusée par le salarié.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 68 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 24, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer le VII de l'article 6.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer un paragraphe qui détaille les modalités de passage du temps complet au temps partiel. Ces dispositions peuvent tout à fait être définies par les partenaires sociaux, qui ont évidemment capacité à le faire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Je ne comprends pas pourquoi M. le rapporteur souhaite supprimer une disposition qui vise précisément à développer le travail à temps partiel choisi, celui dont nous espérons qu'il se développe en France dans les années qui viennent.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 24, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, modifié.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(L'article 6 est adopté.)

Article 6 bis



M. le président.
« Art. 6 bis . _ Les dispositions prévues à l'article L. 322-12 du code du travail sont supprimées au plus tard un an après l'abaissement de la durée légale du travail à trente-cinq heures. Toutefois, le bénéfice de l'abattement reste acquis aux contrats qui y ouvraient droit à la date d'entrée en vigueur de la réduction de la durée légale du travail. »
Par amendement n° 25, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet article met fin au dispositif d'exonération des charges sociales pour les contrats de travail à temps partiel. Je rappelle que cette exonération ne joue que pour les salariés travaillant plus de dix-huit heures.
Le temps partiel choisi doit être encouragé en France.
Les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale, en visant à la fois à ne pas pénaliser le temps partiel et à encourager les 35 heures, aboutissent à un texte dont l'application serait très complexe.
Le temps partiel, qui a fait l'objet d'un rapport récent de M. Gilbert Cette dans le cadre du conseil d'analyse économique, mérite à l'évidence mieux qu'une décision prise de manière hâtive, sans réflexion préalable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Comme vous le savez, nous mettons en place un dispositif de baisse des charges extrêmement important. Il nous semble utile que l'ensemble des entreprises puissent en bénéficier dès lors qu'elles réduiront leur durée du temps de travail à 35 heures.
Il ne nous paraît pas souhaitable, dans ces conditions, de maintenir des incitations financières plus favorables pour le temps partiel, sachant que, dans notre pays - je l'ai dit tout à l'heure - une majorité de travailleurs à temps partiel souhaiteraient travailler plus et subissent actuellement ces horaires de travail.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 25.
M. Claude Domeizel. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. Je ne peux pas laisser passer cet amendement sans intervenir.
Par cet amendement, la commission propose de supprimer l'article 6 bis du projet de loi, lequel a été introduit par amendement à l'Assemblée nationale.
Cet article est très important et il correspond à une forte demande. Il supprime, en effet, dans le délai d'un an à partir de l'abaissement de la durée légale du travail à 35 heures, l'abattement de 30 % sur les cotisations sociales patronales sur les embauches ou les transformations d'emplois à temps partiel. Il faut préciser que cet abattement reste acquis pour les contrats signés avant la conclusion d'un accord de réduction du temps de travail.
La mesure n'est donc pas une mesure couperet. Il s'agit, au contraire, d'une mesure d'assainissement.
On a pu constater, en effet, après son entrée en vigueur en 1993, une explosion du travail à temps partiel, qui ne correspondait à aucune demande manifestée auparavant par les salariés ou les demandeurs d'emploi. Ce n'était à l'évidence que du temps partiel contraint. Sa part a augmenté dans le nombre des créations d'emplois au prix d'effets d'aubaine fort onéreux pour les finances publiques et d'une dégradation de la qualité des emplois offerts, des revenus et de la qualité de vie des salariés, essentiellement des femmes.
Il était donc nécessaire, pour la revalorisation du statut du temps partiel, de mettre un terme à la dépense. La réduction du temps de travail rend cette suppression à la fois indispensable et opportune. Cet allégement de cotisation ne peut plus être cumulé avec la ristourne dégressive sur les bas salaires, sauf à inciter les employeurs à maintenir les salariés à temps partiel hors de la réforme, ce qui est l'inverse du but que nous cherchons à atteindre.
De plus, la transposition de la directive relative au temps partiel permettra désormais de calculer celui-ci sur la base de 34 heures, en fonction de la nouvelle heure légale, ce qui pourrait inciter à embaucher des salariés à temps partiel et à leur faire réaliser des heures complémentaires pour obtenir un temps plein non seulement à moindre coût mais subventionné comme un temps partiel.
Maintenir l'allégement de cotisation dans ces conditions apparaîtrait comme un encouragement à la précarisation et au temps partiel subi.
Il est donc indispensable de maintenir l'article 6 bis, et nous voterons, en conséquence, contre l'amendement n° 25 de la commission.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Je rappelle que la suppression de l'abattement de 30 % des cotisations sociales versées pour l'emploi de salariés à temps partiel a été introduite à l'Assemblée nationale par un amendement déposé par la gauche plurielle.
Les contrats en cours continueront toujours à en bénéficier, il convient de le préciser.
Par la suppression de cet abattement, il s'agit, pour nous, d'adopter une mesure de moralité et de lutter contre le temps partiel subi, non choisi.
Selon nous, la décision prise à l'Assemblée nationale est un moyen de limiter le développement de la précarité. Nous nous opposerons donc à cet amendement qui tend à supprimer l'article 6 bis .
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 25, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 6 bis est supprimé.

Articles additionnels après l'article 6 bis



M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 47 rectifié, MM. Vallet et Bimbenet proposent d'insérer, après l'article 6 bis , un article additionnel ainsi rédigé :
« Lorsqu'une entreprise emploie des salariés en temps partagé, les allégements de cotisations sociales sont appréciés en fonction de la totalité du temps de travail du salarié, puis attribués à chaque entreprise au prorata du temps de travail effectué par le salarié dans chacune d'entre elles. »
Par amendement n° 73, M. Jourdain propose d'insérer, après l'article 6 bis , un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est créé après le paragraphe 2 de la section 2 du chapitre II du titre I du livre II du code du travail, un paragraphe additionnel comprenant un article additionnel après l'article L. 212-4-7, ainsi rédigé :
« Paragraphe ... - Travail à temps partagé
« Art. L. ... - Le travail à temps partagé est l'exercice par un salarié pour le compte de plusieurs employeurs de ses compétences professionnelles dans le respect des dispositions applicables à la réglementation de la durée du travail.
« Le contrat de travail du salarié à temps partagé est un contrat écrit à durée déterminée ou indéterminée. Il mentionne notamment :
« - la qualification du salarié ;
« - les éléments de la rémunération ; le contrat peut prévoir les modalités de calcul de la rémunération mensualisée indépendamment du temps accompli au cours du mois lorsque le salarié à temps partagé est occupé sur une base annuelle ;
« - la convention collective éventuellement appliquée par l'employeur et, le cas échéant, les autres dispositions conventionnelles applicables ;
« - la durée du travail hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle ou annuelle ;
« - la répartition de cette durée entre les jours de la semaine ou entre les semaines du mois ou de l'année ; quand cette répartition ne peut être préalablement établie, un avenant au contrat de travail la définit ultérieurement ;
« - la possibilité de modifier cette répartition ou la durée du travail par accord entre les parties ;
« - la procédure selon laquelle le salarié à temps partagé pourra exercer son droit à congés annuels ;
« - la liste des autres contrats de travail dont le salarié est titulaire ; toute modification de cette liste est portée à la connaissance de chacun des employeurs par lettre recommandée avec accusé de réception ; il en est de même de toute modification d'un contrat de travail portant sur la durée du travail ou sa répartition ou sur tout élément de nature à entraver l'exécution d'un autre contrat de travail ;
« - l'engagement de l'employeur de ne prendre aucune mesure qui serait de nature à entraver l'exécution par le salarié de ses obligations à l'égard de ses autres employeurs ;
« - l'engagement du salarié de respecter, pendant la durée du contrat comme après sa rupture, une obligation de discrétion sur toutes informations concernant chaque employeur ;
« - l'engagement du salarié à temps partagé de respecter les limites fixées par l'article L. 212-7 ».
La parole est à M. Bimbenet, pour défendre l'amendement n° 47 rectifié. M. Jacques Bimbenet. Nous proposons que le nouveau système d'exonération de charges puisse prendre en compte le cas des salariés à employeurs multiples, c'est-à-dire que l'exonération soit appréciée en fonction du temps de travail total du salarié et non pas en fonction de son temps de travail dans chaque entreprise.
L'allégement serait réparti dans chaque entreprise au prorata du temps de travail effectué par le salarié, ce qui nous semble normal.
M. le président. La parole est à M. Jourdain, pour défendre l'amendement n° 73.
M. André Jourdain. L'amendement que vient d'exposer M. Jacques Bimbenet et le mien reprennent des articles d'une proposition de loi relative au multisalariat en temps partagé que le Sénat a votée le 11 mars dernier.
J'ajoute que, dans l'amendement que j'ai déposé, j'ai tenu compte des observations de Mme Péry, en supprimant une phrase relative à la concurrence.
Ce jour-là aussi, madame Péry, vous aviez engagé le Gouvernement en disant qu'il traiterait des problèmes de multisalariat, de groupements d'employeurs dans la deuxième loi sur les 35 heures. Or, manifestement, rien, dans le présent texte, ne concerne le multisalariat.
Je suis d'autant plus surpris que, dans le plan national pour l'emploi, à la suite des demandes, des orientations de la Commission européenne, vous reteniez qu'il faut développer le groupement d'employeurs et le multisalariat.
Je suis également frappé par le fait que, dans certains départements ou certaines régions, le ministère du travail soutienne des organisations qui se créent pour aider au développement du multisalariat sans aucun cadre juridique.
C'est un tel cadre que je prévois avec cet amendement, qui répond à la demande de tous ceux qui étudient la question du multisalariat et qui sentent bien que son développement est entravé par un manque de cadre juridique.
Je signale, en outre, que, du fait de ce qui est prévu en ce qui concerne le temps partiel, cet amendement apporte des garanties et un plus grand choix au salarié. Le salarié est partie prenante dans le cadre d'un tel contrat, alors que ce n'est pas le cas dans un contrat à temps partiel, qui peut être modifié unilatéralement par l'employeur.
Je pense que le Sénat sera logique avec lui-même. Il a voté un tel dispositif le 11 mars dernier et je demande à mes collègues de renouveler leur vote.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 47 rectifié et 73 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Sur l'amendement n° 47 rectifié, la commission a émis un avis favorable.
S'agissant de l'amendement n° 73, mon ami M. Jourdain est malin, car il a essayé de faire en sorte que ce multisalariat, auquel il est très attaché, puisse enfin naître un jour, peut-être même aujourd'hui dans cette assemblée.
Je rappelle que notre collègue avait rapporté sa proposition de loi relative au multisalariat en temps partagé le 16 décembre 1998 devant la commission des affaires sociales.
Je me réjouis aujourd'hui que la commission, qui a de nouveau examiné ces dispositions, ait émis un avis favorable sur son amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le président, je ferai une réponse synthétique, tant il est vrai que je me suis déjà exprimée sur ce sujet à une autre occasion.
M'adressant à M. Bimbenet, je rappellerai la position défavorable du Gouvernement sur l'amendement n° 47 rectifié, en soulignant que nous n'ignorons nullement la situation du multisalariat.
La condition d'emploi pour un minimum égal au mi-temps assure une cohérence entre l'allégement et les autres dispositions du projet de loi tendant à favoriser le développement du temps partiel choisi.
Je dirai également que l'allégement doit pouvoir profiter à chaque employeur qui offre un mi-temps.
Peut-être puis-je ajouter que le groupement d'employeurs offre seul, me semble-t-il, un cadre adéquat à la prise en compte du multisalariat.
S'agissant de l'amendement n° 73, le Gouvernement ne méconnaît nullement que le développement de cette multiactivité, qualifiée de multisalariat à temps partagé par M. Jourdain, répond à la fois aux besoins des entreprises, qui veulent se procurer des salariés aux compétences précises sans être toujours en mesure de procéder à des embauches à temps plein, et aux souhaits des salariés employés à temps partiel, qui veulent compléter leur revenu par un second emploi.
Cela dit, le Gouvernement n'est pas favorable à la création d'un nouveau type de contrat de travail visant exclusivement la situation du multisalariat.
Il souhaite par ailleurs rechercher la meilleure solution possible dans l'application optimale du dispositif des groupements d'employeurs.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 47 rectifié, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6 bis.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 73.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Nous retrouvons, à l'occasion de ce texte, l'amendement de notre collègue André Jourdain, que l'on sait être un ardent défenseur d'un statut du travail à temps partagé.
Je tiens à dire que nous avons été en désaccord sur ce point dans le passé, notamment au moment de la discussion de la proposition de loi de notre collègue, car son texte nous paraissait alors dépourvu des garanties les plus élémentaires pour les salariés. Nous y voyions un texte permettant aux employeurs de bénéficier de plusieurs allégements de charges, tandis que la liberté du salarié à conclure d'autres contrats, ses droits, par exemple en matière de convention collective, de congés payés, n'étaient pas pris en considération.
Sur ces points, l'amendement n° 73 constitue un progrès, avec la mention des conventions collectives applicables, la mention de l'exercice du droit à congés et même l'amélioration du mode de relations envisagées entre le salarié et chacun de ses employeurs.
Néanmoins, si notre collègue prend maintenant en compte les droits des salariés, le problème de fond demeure.
Le travail à temps partagé laisse le salarié dans une situation de précarité face à ses différents employeurs. On voit aisément les bénéfices que ces derniers retirent de ce statut, même si la suppression de l'allégement de 30 % des cotisations sociales patronales risque de rendre le travail précaire moins attractif. Mais on voit moins l'intérêt des salariés !
Pour la gestion du travail à temps partagé, le groupe socialiste continue de faire porter sa préférence sur le groupement d'employeurs. Le travail à temps partagé est une réalité issue des mutations technologiques, de l'évolution des modes d'organisation du travail liée à l'augmentation de la productivité par tête et à la disparition des grandes unités de production.
Certes, les petites entreprises de création récente n'ont souvent ni les moyens ni la volonté d'avoir un salarié à plein temps pour tel ou tel poste de travail, la comptabilité par exemple. Le législateur doit en tenir compte, mais il doit aussi veiller à assurer au salarié la sécurité d'une situation juridique stable.
Il est important de régler rapidement la situation juridique du travail à temps partagé, chacun en est conscient. Pour notre part, nous attendons beaucoup du groupement d'employeurs, au sujet duquel un rapport a été remis à Mme Aubry par M. Praderie, président de la fédération française des groupements d'employeurs.
Pour le moment, cette formule concerne environ 2 000 groupements et 7 000 salariés, la majorité dans le secteur agricole, où une tradition de mise en commun des ressources existe depuis fort longtemps.
L'industrie et les services commencent à s'intéresser à la formule, mais des réticences restent à vaincre : réticences psychologiques, de par la tradition très individualiste des entreprises, de par l'incapacité aussi de certains employeurs à organiser la gestion prévisionnelle de leur charge de travail et de leurs effectifs. Il semble parfois plus facile, même si cela se fait dans l'urgence et s'avère plus coûteux, d'avoir recours aux contrats à durée déterminée, à la sous-traitance ou à l'intérim.
Pourtant, l'utilisation du groupement d'employeurs pour les très petites entreprises pourrait permettre à celles-ci de remplir les conditions nécessaires pour bénéficier des aides à la réduction du temps de travail. Déjà, l'obstacle juridique du seuil de moins de 300 salariés pour adhérer à un groupement d'entreprises est levé par ce projet de loi.
Avant de légiférer à la hâte sur le travail à temps partagé, il serait préférable, nous semble-t-il, d'entendre l'auteur du rapport sur le groupement d'employeurs, M. Praderie, et de consulter les partenaires sociaux. Il y a là une voie sûre à explorer, qui offre aux entreprises la souplesse dont elles ont besoin, sans que cela signifie la précarité totale pour les salariés.
M. André Jourdain. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jourdain.
M. André Jourdain. Je remercie ma collègue Marie-Madeleine Dieulangard d'avoir reconnu que j'avais fait des efforts pour améliorer mon texte, mais je signale que les points qu'elle a abordés concernant les conventions collectives et l'exercice du droit à congés figuraient déjà dans la proposition de loi que nous avons examinée le 11 mars dernier.
Je ne voudrais pas que l'on oppose groupement d'employeurs et multisalariat à temps partagé, car ce sont deux notions qui sont complémentaires. Là où il est possible de faire un groupement, pourquoi pas ? Mais là où ce n'est pas possible, pourquoi ne pas appliquer le multisalariat à temps partagé ?
Je voudrais vous faire observer, madame le secrétaire d'Etat, qu'il n'existe pas de multisalariat en groupement d'employeurs - mais c'était sans doute un lapsus de votre part - puisqu'il n'y a qu'un seul employeur. C'est du monosalariat. En revanche, comme l'a dit Mme Dieulangard, c'est du travail à temps partagé.
Effectivement, il faut faire une recherche, mais sans exclure d'office cette possibilité du multisalariat.
Madame Dieulangard, vous évoquiez le problème des groupements d'employeurs, surtout dans l'agriculture. Je vais vous donner un exemple.
La fédération nationale des coopératives d'utilisation en commun de matériel agricole s'intéresse à ma proposition. Une CUMA est un groupement d'employeurs, en l'occurrence des agriculteurs, pour lesquels travaillent un salarié ou plusieurs salariés.
Mais il arrive que ces groupements d'employeurs n'aient plus suffisamment d'heures à donner à leurs salariés. Ils se tournent alors vers le garagiste voisin, vers le petit artisan, vers la petite entreprise. Ce garagiste, cet artisan, cette petite entreprise vont-ils entrer dans un groupement formé d'agriculteurs ? C'est un problème. Ils m'ont dit que mon contrat serait la solution pour eux.
M. Emmanuel Hamel. Allons vers l'idéal !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 73, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6 bis.

Article 7



M. le président.
« Art. 7. _ I. _ Il est créé, dans la section 2 du chapitre II du titre Ier du livre II du code du travail, un paragraphe 3, comprenant les articles L. 212-4-12 à L. 212-4-15, ainsi rédigé :

« Paragraphe 3

« Travail intermittent

« Art. L. 212-4-12 . _ Dans les entreprises, professions et organismes mentionnés à l'article L. 212-4-1 pour lesquels une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement n'ayant pas fait l'objet de l'opposition prévue à l'article L. 132-26 le prévoit, des contrats de travail intermittent peuvent être conclus afin de pourvoir les emplois permanents, définis par cette convention ou cet accord, qui par nature comportent une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées.
« Art. L. 212-4-13 . _ Le contrat de travail intermittent est un contrat à durée indéterminée. Ce contrat doit être écrit. Il mentionne notamment :
« 1° La qualification du salarié ;
« 2° Les éléments de la rémunération ;
« 3° La durée annuelle minimale de travail du salarié ;
« 4° Les périodes de travail ;
« 5° La répartition des heures de travail à l'intérieur de ces périodes.
« Les heures dépassant la durée annuelle minimale fixée au contrat ne peuvent excéder le tiers de cette durée sauf accord du salarié.
« Dans les cas où la nature de l'activité ne permet pas de fixer avec précision les périodes de travail et la répartition des heures de travail au sein de ces périodes, la convention ou l'accord collectif détermine les adaptations nécessaires et notamment les conditions dans lesquelles le salarié peut refuser les dates et les horaires de travail qui lui sont proposés.
« Art. L. 212-4-14 . _ Les salariés titulaires d'un contrat de travail intermittent bénéficient des droits reconnus aux salariés à temps complet sous réserve, en ce qui concerne les droits conventionnels, de modalités spécifiques prévues par la convention ou l'accord étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement.
« Pour la détermination des droits liés à l'ancienneté, les périodes non travaillées sont prises en compte en totalité.
« Art. L. 212-4-15 . _ Par dérogation aux dispositions des articles L. 143-2 et L. 144-2, une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la rémunération versée mensuellement aux salariés titulaires d'un contrat de travail intermittent est indépendante de l'horaire réel et est calculée dans les conditions prévues par la convention ou l'accord. »
« II. _ Les stipulations des contrats de travail conclus sur le fondement de l'article L. 212-4-3 du code du travail dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la présente loi et prévoyant une durée du travail calculée sur l'année demeurent en vigueur. »
Par amendement n° 126, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit le début du texte présenté par le I de l'article 7 pour l'article L. 212-4-12 du code du travail :
« Dans les branches d'activités, où la nature de l'activité le justifie, déterminées par décret en Conseil d'Etat, pour lesquelles une convention ou un accord collectif... ».
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. La notion de travail intermittent tend à se développer dans des secteurs jusque-là épargnés par cette organisation du travail. A cet égard, la notion de travail saisonnier nous semblait préférable, étant, par son sens même, moins susceptible d'interprétation que ne l'est le travail intermittent, la notion de saison étant encore plus stable que bien des notions répondant aux simples sommations du marché.
Ainsi avons-nous vu ces dernières années se développer l'intermittence et, avec elle, de nouvelles formes d'organisation de la société. Bien des emplois occupés par le passé à temps plein, dans les métiers de la culture notamment, sont aujourd'hui pourvus pas des intermittents, techniciens par exemple, avec les conséquences que l'on sait pour les salariés mais aussi pour les structures du spectacle vivant.
Dans une société qui se construit de plus en plus souvent dans l'événementiel, y compris dans ses modes d'organisation économique, cette notion de travail intermittent, pourrait bien, si nous n'y prenions garde, prendre une place de plus en plus grande.
C'est pourquoi nous proposons d'encadrer ce dispositif du travail intermittent, en prévoyant notamment que le travail intermittent est limité aux branches d'activités dans lesquelles la nature de l'activité le justifie. En outre, ces branches d'activités devraient être déterminées par décret en Conseil d'Etat.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Il a semblé à la commission que le recours au pouvoir réglementaire constituerait un obstacle au développement du travail intermittent. Elle a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est sensible au souci du groupe communiste républicain et citoyen d'encadrer le travail intermittent afin d'apporter des garanties aux salariés.
Ce dispositif, il faut le rappeler, se substitue à celui du temps partiel annualisé, qui pouvait être mis en place sans accord collectif, par simple contrat de travail, ce qui a abouti à une forte précarisation des salariés.
Le présent projet apporte déjà un certain nombre de garanties aux salariés dans la mesure où il impose la conclusion d'une convention ou d'un accord collectif de branche étendu ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement préalablement à la conclusion d'un contrat de travail intermittent.
Il prévoit, en outre, que les salariés titulaires d'un contrat de travail intermittent, comme les salariés titulaires d'un contrat de travail à temps partiel, bénéficient des droits reconnus aux salariés à temps plein.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 126, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 69, MM. Gournac, Esneu, Jourdain et Lassourd, Mme Olin, MM. Ostermann, Trégouët et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent, dans le texte présenté par le I de l'article 7 pour l'article L. 212-4-12 du code de travail, après les mots : « ou un accord d'entreprise ou d'établissement », de supprimer les mots : « n'ayant pas fait l'objet de l'opposition prévue à l'article L. 132-26 »
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Le contrat de travail à temps partiel annualisé, créé en 1993 avec le succès dont nous avons parlé, avait entraîné l'abrogation du contrat de travail intermittent.
Néanmoins, la nouvelle rédaction de l'article 6 relative au temps partiel, dont nous venons de discuter, peut effectivement nécessiter de recréer un régime particulier pour le travail intermittent.
La rédaction proposée par le Gouvernement nous semble équilibrée, d'autant que le recours à de tels contrats sera limité à des secteurs connaissant des périodes d'inactivité, comme le tourisme et l'agriculture.
Toutefois, le recours au travail intermittent devra être encadré par un accord collectif de branche étendu ou par un accord d'entreprise n'ayant pas fait l'objet d'une opposition.
Nous proposons un amendement tendant à supprimer la restriction de l'opposition.
Il s'agit d'un amendement de conséquence de l'amendement n° 23 de la commission, que nous avons adopté tout à l'heure à propos du travail à temps partiel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Cet amendement vise à ne pas soumettre les accords collectifs qui prévoient la mise en place du travail intermittent au droit d'opposition.
Je rappelle que l'ensemble des dispositions relatives au temps partiel prévues par le projet de loi sont destinées à éviter les pratiques conduisant à faire du temps partiel un temps de travail trop fragmenté pour le faire évoluer davantage vers le temps partiel maîtrisé et choisi, tout en conservant à ce mode de travail la souplesse nécessaire.
C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité soumettre le temps partiel intermittent à l'accord collectif, pour que les partenaires sociaux puissent trouver, à l'intérieur du cadre fixé par la loi, les règles les plus adaptées à un bon usage du temps partiel.
Enfin, s'agissant du travail intermittent, cette disposition vise à mettre en place des mécanismes de régulation dont l'accord collectif constitue le point de passage incontournable.
Il était dès lors logique, comme c'est le cas pour le temps partiel modulé, de soumettre ces accords à l'exercice du droit d'opposition. Cela permettra à une ou à des organisations non signataires de s'opposer à l'entrée en vigueur d'un accord mettant en place un dispositif de travail intermittent qui n'offrirait pas, le cas échéant, des garanties suffisantes aux salariés concernés.
C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. Alain Gournac. Vous avez tort !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 69, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
M. Jean-Luc Mélenchon. Le groupe socialiste vote résolument contre !

(L'amendement est adopté.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Hélas ! Une cruauté de plus !
M. le président. Par amendement n° 125, M. Fisher, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer le dernier alinéa du texte présenté par le I de l'article 7 pour l'article L. 212-4-13 du code du travail.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Au-delà du temps du travail lui-même, les salariés ont eu à souffrir, ces dernières années, d'un éclatement de la structure du travail. Développement du temps partiel, croissance exponentielle de l'intérim, précarité, non-respect des principes d'ordre public du code du travail sont devenus - il faut bien le constater - la règle pour un nombre de plus en plus grand de salariés, et ce quel que soit le niveau occupé par le salarié dans l'entreprise.
Outre le fait qu'il convient d'encadrer avec précision la notion de travail intermittent et de la circonscrire à des secteurs d'activités particuliers, la rédaction du dernier alinéa du paragraphe III de l'article 7 pose, à notre sens, un problème.
En effet, en l'état, un employeur peut déroger à l'obligation de fixer des périodes de travail et des horaires pour les titulaires de contrat de travail intermittent.
L'alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées repose sur une nouvelle conception du marché qui tente de cerner au mieux les évolutions de la demande et qui y répond dans un souci de « rentabilité » à très court terme au coup par coup, avec les conséquences que l'on sait sur l'organisation du travail.
Cette réalité se doit d'être dite afin d'éviter que ne se développe dans notre pays cette forme « nouvelle » d'organisation du travail au détriment d'une forme plus traditionnelle, plus conforme aux intérêts des salariés.
Considérant que l'indétermination ne doit pas devenir la règle en matière de contrat de travail, nous suggérons de supprimer le dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 212-4-3 du code du travail.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission souhaite que soit conservé un maximum de souplesse dans le recours au travail intermittent. Aussi émet-elle un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Il faut avoir à l'esprit que certaines activités, notamment touristiques ou agricoles, ont un caractère saisonnier qui ne permet pas que soient prévues avec précision, dans le contrat de travail, les périodes de travail et la répartition des horaires au sein de celles-ci. Ainsi, la durée exacte des périodes saisonnières dans l'hôtellerie ou la restauration en zone touristique, par exemple, est tributaire en pratique de facteurs climatiques par nature difficiles à anticiper parfaitement.
M. Guy Fischer. Absolument !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. C'est pourquoi un accord collectif doit prévoir la possibilité d'adaptation.
Mais la loi pose aussi le principe que le salarié pourra, selon les modalités fixées par l'accord, refuser les dates et les horaires de travail qui lui seront proposés. C'est la meilleure solution pour résoudre le réel problème qui se pose dans certaines branches.
Enfin, et j'en arrive à l'essentiel, pour lutter contre la précarité, mieux vaut sécuriser les relations entre les employeurs et leurs salariés dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée que dans une succession de contrats à durée déterminée.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 125, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 70, MM. Gournac, Esneu, Jourdain et Lassourd, Mme Olin, MM. Ostermann, Trégouët et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent de compléter in fine l'article 7 par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Par dérogation aux dispositions de l'article L. 212-4-12 et jusqu'au 1er janvier 2001, s'il n'existe pas d'accord collectif étendu ou d'accord d'entreprise, il peut être conclu des contrats de travail intermittents. »
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. L'encadrement du travail intermittent est légitime, nous venons de le dire clairement voilà un instant.
Néanmoins, à trop vouloir l'encadrer, nous risquons de provoquer exactement l'inverse du résultat escompté.
Soumettre le recours au contrat de travail intermittent à un accord de branche ou d'entreprise est légitime. Pourtant, la conclusion d'un tel accord suppose des délais de négociation non pris en compte dans ce texte.
Il est donc nécessaire de prévoir une période transitoire pour permettre aux entreprises de conclure des contrats intermittents pendant une période d'un an et de faire face ainsi à des impératifs de production ou d'organisation.
Ainsi, en cas de rupture d'un contrat de travail à temps partiel annualisé quelques jours après l'entrée en vigueur de la seconde loi, l'entreprise doit pouvoir procéder à une nouvelle embauche en contrat à durée indéterminée correspondant à l'organisation du travail existante.
Il faut bien comprendre qu'à trop vouloir encadrer le travail intermittent on risque, finalement, de nuire aux salariés eux-mêmes. En effet, les entrepreneurs auront recours de manière généralisée au contrat à durée déterminée, ce qui me semble contraire à l'objectif de lutte contre le travail précaire.
Pour conclure, il me semble qu'instaurer une période dérogatoire d'un an jusqu'au 1er janvier 2001 est juste et serait de nature à éviter tout effet pervers du système.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Dans la mesure où il s'agit d'une utile précision pour la transition en 2000 vers le nouveau régime, la commission a donné un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Il faut rappeler que les contrats de travail intermittents conclus aux termes de l'ordonnance de 1996 passaient également par la négociation collective avant que la loi quinquennale ne vienne supprimer cette formule. J'ai ici la liste des vingt-cinq accords qui concernent des branches telles que les ateliers de découpe de volaille, l'industrie de la conserve ou le secteur de l'agriculture.
Ces contrats et ces clauses conventionnelles sont toujours légaux en vertu de la loi quinquennale de 1993, et je ne vois, dès lors, aucune justification sérieuse, notamment du point de vue de la continuité des contrats, qui n'est pas ici en cause, à créer de toutes pièces, pour une durée d'un an, un accès direct en dehors de tout accord collectif.
C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 70, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Chapitre V

Dispositions relatives aux congés

Article 8



M. le président.
« Art. 8. _ I. _ A la deuxième phrase de l'article L. 223-4 du code du travail, après les mots : "les périodes de repos des femmes en couches prévues aux articles L. 122-25 à L. 122-30", sont insérés les mots : ", les jours de repos acquis au titre de la réduction du temps de travail".
« II. _ La première phrase du troisième alinéa de l'article L. 223-7 du même code est complétée par les mots : "ainsi que, le cas échéant, de leur activité chez un ou plusieurs autres employeurs".
« III. _ Après l'article L. 223-8 du code du travail, il est rétabli un article L. 223-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 223-9 . _ Lorsque la durée du travail d'un salarié est décomptée, en vertu d'une disposition légale, à l'année, une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que les droits à congés ouverts au titre de l'année de référence en application de l'article L. 223-2 peuvent être exercés durant l'année civile suivant celle pendant laquelle a débuté l'année comprenant la période de prise de ces congés, sans préjudice des articles L. 122-32-25 et L. 227-1. L'accord doit préciser :
« _ les modalités de rémunération des congés payés reportés, sans préjudice de l'article L. 223-11 ;
« _ les cas précis et exceptionnels de report ;
« _ les conditions, à la demande du salarié après accord de l'employeur, dans lesquels ces reports peuvent être effectués ;
« _ les conséquences de ces reports sur le respect des seuils annuels fixés aux articles L. 212-4-2, L. 212-4-6, L. 212-8, L. 212-9 et L. 212-15-3 (III) ; ce report ne doit pas avoir pour effet de majorer ces seuils dans une proportion plus importante que celle correspondant à la durée ainsi reportée. »
« IV. _ Après le premier alinéa de l'article L. 223-2 du code du travail, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :
« Sauf dispositions contraires prévues par une convention ou un accord collectif mentionné aux articles L. 212-8 et L. 212-9, un décret en Conseil d'Etat fixe le début de la période de référence.
« Les congés peuvent être pris dès l'ouverture des droits, sans préjudice des articles L. 223-7 et L. 223-8. »
« V. _ Les conventions ou les accords collectifs étendus ou les conventions ou accords d'entreprise où d'établissement relatifs à la réduction du temps de travail peuvent prévoir des stipulations spécifiques applicables aux salariés exerçant des responsabilités à titre bénévole au sein d'une association déclarée en application de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ou inscrite au registre des associations en application de la loi du 19 avril 1908 applicable au contrat d'association dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, afin que soient prises en compte les contraintes résultant de l'exercice de leurs fonctions. Ces stipulations spécifiques peuvent porter entre autres sur le délai de prévenance, les actions de formation, la prise des jours de repos. » - (Adopté.)

Chapitre VI

Compte épargne-temps

Article 9



M. le président.
« Art. 9. _ L'article L. 227-1 du code du travail est ainsi modifié :
« 1° Le deuxième alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Le congé doit être pris avant l'expiration d'une période de cinq ans à compter de la date à laquelle le salarié a accumulé un nombre de jours de congé égal à la durée minimale définie au huitième alinéa du présent article. Lorsque le salarié a un enfant âgé de moins de seize ans à l'expiration de ce délai et lorsque l'un des parents du salarié est dépendant, la période dans laquelle il doit utiliser ses droits à congé est portée à dix ans. »
« 2° Au quatrième alinéa, après les mots : "de primes conventionnelles", sont insérés les mots : "ou indemnités";
« 3° Les sixième et septième alinéas sont ainsi rédigés :
« Peuvent également être affectées au compte épargne-temps du salarié, dans les conditions fixées par la convention ou l'accord collectif, les heures de repos acquises au titre de la bonification prévue aux premier et deuxième alinéas du I de l'article L. 212-5, du repos compensateur de remplacement défini au premier alinéa du III du même article et une partie des jours de repos issus d'une réduction collective de la durée du travail.
« La totalité des jours affectés au compte épargne-temps en application des troisième et sixième alinéas du présent article ne peut excéder vingt-deux jours par an. Dans les conditions prévues par la convention ou l'accord collectif, l'employeur peut compléter le crédit inscrit au compte épargne-temps. » ;
« 4° Au huitième alinéa, les mots : "six mois" sont remplacés par les mots : "deux mois"; le même alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le compte épargne-temps est également utilisé pour indemniser tout ou partie des heures non travaillées lorsque le salarié choisit de passer à temps partiel dans les conditions définies aux articles L. 122-28-1, L. 122-28-9 et L. 212-4-9. » ;
« 5° Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le compte épargne-temps peut être utilisé, notamment dans le cadre des actions de formation prévues aux articles L. 932-1 et L. 932-2, pour rémunérer les temps de formation effectués hors du temps de travail. Il peut également être utilisé par les salariés âgés de plus de cinquante ans désirant cesser leur activité, de manière progressive ou totale, sans que la limite fixée au deuxième alinéa leur soit opposable. » ;
« 6° Au dixième alinéa, après les mots : "accord interprofessionnel", sont insérés les mots : "ou une convention ou un accord collectif étendu". »
Par amendement n° 26, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le second alinéa du 1° de cet article :
« Le congé doit être pris avant l'expiration d'une période fixée par l'accord à compter de la date à laquelle le salarié a accumulé un nombre de jours de congé égal à la durée minimale définie au huitième alinéa du présent article. Ce délai peut être majoré pour tenir compte de la situation familiale du salarié, notamment losque celui-ci a un enfant âgé de moins de seize ans ou lorsque l'un de ses parents est dépendant. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. L'article 9, je vous le rappelle mes chers collègues, est relatif au compte épargne-temps.
La commission vous propose de le modifier sur deux points. Il s'agit, premièrement, du délai de cinq ans au terme duquel les salariés doivent avoir pris leur congé et, deuxièmement, de l'alimentation du compte épargne-temps par des heures acquises consécutivement à l'abaissement de la durée légale du travail.
Ainsi, le premier amendement que nous avons déposé sur l'article vise à renvoyer à l'accord la détermination du délai limite pour la prise de congé.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Un décret d'application de la première loi prévoyait déjà que, pour bénéficier de l'aide, les accords devaient aboutir à une utilisation des repos affectés sur un CET, compte épargne-temps, avant quatre ans.
Cette disposition avait été instituée pour permettre une réduction effective et durable de la durée du travail afin de créer des emplois. Elle est donc logiquement reprise dans le projet de loi, le délai étant porté à cinq ans afin de donner une plus grande souplesse dans l'utilisation de ce compte.
Le Gouvernement ne souhaite pas que l'utilisation du CET permette de reporter indéfiniment des congés, ce qui risquerait d'amoindrir l'effet sur l'emploi de la réduction du temps de travail. C'est bien le rôle du législateur que de fixer un butoir dans le temps !
Des aménagements à ce délai sont toutefois prévus puisqu'il est porté à dix ans si le salarié a un enfant âgé de moins de seize ans et qu'aucun délai n'est fixé pour les salariés de plus de cinquante ans qui utilisent leur compte épargne-temps dans le cadre d'une cessation d'activité.
L'ensemble de ces dispositions doit permettre de conserver au compte épargne-temps la vocation d'outil de gestion pluriannuel pour les salariés tout en restant compatible avec les objectifs de la réduction du temps de travail.
C'est pourquoi, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 26.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 27, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le 3° de l'article 9 :
« 3° Le troisième alinéa est complété par la phrase suivante :
« Il peut être alimenté par tout ou partie des jours de repos issus d'une réduction collective de la durée du travail. »
Par amendement n° 128, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit le deuxième alinéa du 3° de l'article 9 :
« Peuvent également être affectés au compte épargne-temps du salarié, dans les conditions fixées par la convention ou l'accord collectif, les jours issus d'une réduction collective de la durée du travail pour la tranche de réduction portant la durée du travail en dessous de 35 heures hebdomadaires. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 27.
M. Louis Souvet, rapporteur. Ce second amendement à l'article 9 prévoit, mes chers collègues, que le compte épargne-temps peut être alimenté par tout ou partie des jours de repos issus d'une réduction collective de la durée du travail.
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 28.
M. Guy Fischer. Si vous le permettez, monsieur le président, je m'exprimerai à la fois sur les amendements n°s 128 et 127.
En ce qui concerne le compte épargne-temps, dispositif mis en place en 1994, notre appréciation est plus que réservée.
Alors qu'actuellement les cadres en sont les principaux bénéficiaires, le projet de loi entend en développer l'utilisation.
Si, d'un côté, le texte encadre les modalités de son utilisation en plafonnant à vingt-deux jours par an l'alimentation en temps ou en fixant à cinq ans le délai dans lequel doit être pris le congé, d'un autre côté, il apporte quelques assouplissements à la législation en vigueur, notamment en ramenant la durée minimale de l'épargne-temps, en permettant de prendre un congé d'une durée de deux mois ou en ajoutant des cas d'utilisation.
La commission souhaiterait que cet outil soit utilisé avec beaucoup plus de souplesse et de liberté par les salariés tout au long de leur vie active. L'amendement de la commission visant à laisser aux partenaires sociaux le soin de fixer le délai dans lequel le salarié doit exercer ses droits à congé en témoigne.
Notre souci est quelque peu différent. Il s'agit pour nous de faire en sorte que ce compte épargne-temps ne permette pas de contourner la réduction du temps de travail, d'intensifier le travail ou de déplacer la prise effective de repos.
C'est pourquoi, par l'amendement n° 128, nous proposons l'affectation sur le compte épargne-temps des seuls jours de repos issus d'une réduction collective de la durée de travail à moins de 35 heures.
Enfin, pour marquer notre crainte de voir le salarié autofinancer aujourd'hui sa formation professionnelle et demain, peut-être, son chômage partiel - dédouanant ainsi l'entreprise de toute responsabilité et de toute contribution financière - notre second amendement vise à supprimer la possibilité d'utiliser le compte épargne-temps pour la formation professionnelle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 128, ainsi que, par avance, sur l'amendement n° 127, que M. Fischer a déjà présenté ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Compte tenu de la position adoptée par la commission sur cet article, il est évident que je ne peux qu'émettre un avis défavorable sur l'amendement n° 128, de même que sur l'amendement n° 127.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 27 et 128, ainsi que sur l'amendement n° 127 ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Le compte épargne-temps a vocation à permettre au salarié qui le désire d'accumuler sur plusieurs années des droits à congé rémunéré. Il ne peut être mis en place que par un accord collectif.
Ces limites devraient garantir un usage du compte épargne-temps compatible avec l'emploi, sans que l'on ait à recourir à des restrictions supplémentaires susceptibles d'empêcher les salariés de se constituer des droits à congé pour une utilisation future à leur convenance, en utilisant, par exemple, une partie des jours de repos issus de la réduction du temps de travail dans leur entreprise.
C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 128.
S'agissant de l'amendement n° 27, je dirai que les modifications contenues dans le projet de loi ont pour vocation de faciliter l'utilisation du compte épargne-temps tout en préservant l'objectif d'une réduction effective et durable de la durée du travail afin d'engendrer un besoin de personnel et de créer des emplois.
Les sources d'utilisation du compte épargne-temps sont diversifiées de manière à conserver à cet outil toute sa souplesse, et c'est dans cet esprit que le projet de loi permet à la bonification et au repos compensateur de remplacement d'alimenter ce compte.
Le projet de loi réalise un bon équilibre quant au mode de fonctionnement du compte. C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 27.
J'en viens à l'amendement n° 127.
La majorité des accords d'entreprise qui mettent en place un compte épargne-temps prévoient que ce dernier peut-être utilisé pour des congés-formation sur la base du volontariat. Huit accords de branches ouvrent la possibilité d'utiliser le compte épargne-temps pour financer ces temps de formation.
Le projet de loi prévoit la possibilité, par accord uniquement, de rémunérer en partie certains types de formation par le biais du compte. Il s'agit de formations dont l'objet doit être le développement des compétences du salarié, à l'exclusion des formations d'adaptation, d'entretien ou d'actualisation des compétences.
Cette faculté ouverte par le projet de loi correspond donc à une demande forte des partenaires sociaux, qui l'ont d'ores et déjà mise en place dans un nombre significatif d'accords collectifs.
C'est pourquoi j'exprime un avis défavorable sur l'amendement n° 127.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 27, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 128 n'a plus d'objet.
Par amendement n° 127, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer la première phrase du second alinéa du 5° de l'article 9.
Cet amendement a déjà été présenté, et la commission comme le Gouvernement se sont déjà exprimés à son sujet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 127, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9, modifié.

(L'article 9 est adopté.)

Chapitre VII

Formation et réduction du temps de travail

Article 10



M. le président.
« Art. 10. _ I. _ Au chapitre II du titre III du livre IX du code du travail, l'article L. 932-2 devient l'article L. 932-3 et l'article L. 932-2 est ainsi rétabli :
« Art. L. 932-2 . _ L'employeur a l'obligation d'assurer l'adaptation de ses salariés à l'évolution de leurs emplois. Toute action de formation suivie par le salarié dans le cadre de cette obligation constitue un temps de travail effectif.
« Sans préjudice des dispositions du premier alinéa du présent article, un accord de branche ou d'entreprise peut prévoir les conditions dans lesquelles le développement des compétences des salariés peut être organisé pour partie hors du temps de travail effectif, sous réserve que les formations correspondantes soient utilisables à l'initiative du salarié ou reçoivent son accord écrit.
« Un accord national interprofessionnel étendu fixe le cadre de ces négociations. Pour les entreprises ne relevant pas de cet accord, le cadre de ces négociations est défini par un accord de branche étendu.
« Les dispositions relatives à la formation négociées postérieurement à la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail sont applicables pour une durée maximale de trois ans, sous réserve du respect de l'obligation légale d'adaptation mise à la charge de l'employeur et de l'initiative du salarié ou de son accord écrit. Au terme de cette période, elles doivent être mises en conformité avec les dispositions de l'accord national interprofessionnel étendu. A défaut, un nouveau cadre sera fixé par la loi.
« Pendant la durée de ces formations, le salarié bénéficie de la législation de la sécurité sociale relative à la protection en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles. »
« II. _ Au deuxième alinéa de l'article L. 933-3 du même code, les mots : "à l'article L. 933-2" sont remplacés par les mots : "aux articles L. 932-1, L. 932-2 et L. 933-2". »
Sur l'article, la parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Inspiré largement des accords signés sur la réduction du temps de travail prévoyant des formes de « co-investissement formation », l'article 10 du présent projet de loi a suscité un certain nombre de critiques de la part des syndicats, quasi unanimes pour en demander le retrait pur et simple, et ce pour deux raisons.
D'abord, madame la secrétaire d'Etat, vous préparez un projet de loi réformant dans son ensemble le système français de formation professionnelle. Il paraît donc peu opportun de commencer à légiférer sur l'articulation entre temps de formation et temps de travail, sauf à orienter dès à présent les réflexions futures.
Ensuite, la rédaction retenue met à mal le principe selon lequel la formation professionnelle fait partie intégrante du temps de travail en permettant que des actions de formation puissent être menées en partie sur le temps libre des salariés.
Considérant que la formulation initiale, faute de certaines précisions, pouvait servir de point d'appui pour instrumenter et élargir le co-investissement, et dédouaner ainsi les chefs d'entreprise de leurs obligations, l'Assemblée nationale a modifié le texte, en intégrant un amendement du rapporteur.
Pour autant, il nous semble que des dangers et des imprécisions demeurent. En effet, une distinction est opérée entre, d'une part, l'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi, dont on réaffirme qu'elle constitue une obligation de l'employeur et qui correspond à du temps de travail effectif et, d'autre part, le développement des compétences des salariés, qui peut être organisé hors du temps de travail à condition que le salarié ait donné son accord écrit et qu'un accord de branche ou d'entreprise le prévoie. Or, cette distinction maintient l'exclusion légale d'une partie de la formation du temps de travail effectif.
Cautionner un tel glissement est dangereux. De nombreuses entreprises ont déjà tenté de s'engouffrer dans cette brèche. L'accord de réduction du temps de travail signé par l'Association française des banques, et annulé récemment par le tribunal de grande instance de Paris, prévoyait d'imputer une partie du temps de formation sur le temps hors travail.
Enfin, avec l'intégration dans le code du travail de la notion de compétences, un coup est porté aux garanties collectives et au droit du travail, fondés essentiellement sur les qualifications. Un droit individuel à la formation existe, mais il ne faudrait pas qu'on le préfère, voire qu'on le substitue au dispositif collectif. C'est dans sa globalité que la formation doit être traitée.
Vous l'aurez compris, madame la secrétaire d'Etat, nous attendons votre projet de loi. Nous sommes prêts à débattre du droit à la formation tout au long de la vie, à rendre plus accessible notre système de formation et à le faire évoluer pour intégrer aussi bien les innovations technologiques que la modification des structures des entreprises, mais nous ne sommes pas prêts à le faire dans le cadre de la présente discussion.
M. le président. Par amendement n° 28, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger ainsi le texte présenté par le I de l'article 10 pour l'article L. 932-2 du code du travail :
« Art. L. 932-2 - L'employeur a l'obligation de fournir à ses salariés les moyens de s'adapter à l'évolution de leur poste de travail. Toute action de formation suivie par le salarié dans le cadre de cette obligation constitue un temps de travail.
« Une convention ou un accord collectif étendus ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement définissant les modalités d'une réduction de la durée du travail, ou un avenant à cette convention ou à cet accord, peut prévoir les conditions dans lesquelles des actions de formation peuvent être organisées pour partie sur le temps de travail et pour partie en dehors du temps de travail.
« Pendant la durée de ces formations, le salarié bénéficie de la législation de la sécurité sociale relative à la protection en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement vise à préciser les conditions dans lesquelles une formation peut être pour partie organisée en dehors du temps de travail. Il limite cependant cette possibilité aux seuls accords visant à réduire le temps de travail.
Votre commission estime, en effet, et je rejoins M. Fischer sur ce point, qu'une réflexion plus générale sur les rapports entre temps de travail et temps de formation doit s'insérer dans un projet de loi spécifique sur la formation professionnelle.
Notre amendement permet seulement de parer au plus pressé en évitant les possibles effets pervers d'une réduction du temps de travail sur les programmes de formation.
Le temps de formation ne doit pas servir de variable d'ajustement à une diminution du temps de travail.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Je reconnais bien volontiers que l'exercice était délicat, qui consistait à répondre à l'exigence de réduction du temps de travail et à redéfinir la formation à l'intérieur des entreprises sans pour autant enlever de la cohérence à la future réforme.
Pour ma part, je soutiens totalement l'article 10 tel qu'il a été voté par l'Assemblée nationale, car il répond à cette double exigence : d'une part, prendre en compte la réalité des négociations et, d'autre part, préserver toute la cohérence de la future réforme.
Je le rappelle, nous n'enlevons rien à l'obligation, pour les chefs d'entreprise, de former leurs salariés, cette formation, si elle concerne l'emploi ou son évolution, étant alors évidemment prise sur le temps de travail effectif.
Bien entendu, l'ouverture d'un co-investissement supposera l'accord écrit du salarié. Il y aura du « donnant-donnant », ce qui peut s'exprimer aussi par du « gagnant-gagnant », le salarié pouvant donner de son temps et le chef d'entreprise assumant le coût de la formation.
Le texte répond donc à la fois au souci de préserver les acquis et les droits du salarié tout en ouvrant une nouvelle réflexion sur ce que doivent être, demain, un développement professionnel et un développement personnel beaucoup plus exigeants.
Enfin, je rappelle que, dans trois ans, les accords devront, si c'est nécessaire, se mettre en conformité avec la nouvelle loi.
J'émets donc un avis défavorable sur l'amendement n° 28.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 28, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 10, ainsi modifié.

(L'article 10 est adopté.)

Article 10 bis



M. le président.
« Art. 10 bis. _ Les articles L. 212-13 et L. 221-4 du code du travail sont ainsi modifiés :
« 1° Au premier alinéa de l'article L. 212-13, après les mots : "de moins de dix-huit ans", sont insérés les mots : "ainsi que les jeunes de moins de dix-huit ans qui accomplissent des stages d'initiation ou d'application en milieu professionnel dans le cadre d'un enseignement alterné ou d'un cursus scolaire";
« 2° L'article L. 212-13 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il est tenu compte du temps consacré à la formation dans un établissement d'enseignement par les jeunes visés au premier alinéa pour l'appréciation du respect des dispositions des premier et troisième alinéas. » ;
« 3° L'article L. 221-4 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les jeunes travailleurs de moins de dix-huit ans ainsi que les jeunes de moins de dix-huit ans qui accomplissent des stages d'initiation ou d'application en milieu professionnel dans le cadre d'un enseignement alterné ou d'un cursus scolaire bénéficient de deux jours de repos consécutifs.
« Lorsque les caractéristiques particulières de l'activité le justifient, une convention ou un accord collectif étendu peut définir les conditions dans lesquelles il peut être dérogé aux dispositions du précédent alinéa pour les jeunes libérés de l'obligation scolaire, sous réserve qu'ils bénéficient d'une période minimale de repos de trente-six heures consécutives. A défaut d'accord, un décret en Conseil d'Etat définit les conditions dans lesquelles cette dérogation peut être accordée par l'inspecteur du travail. »
Par amendement n° 29, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. L'article 10 bis a pour objet la transposition de certaines dispositions de la directive européenne du 22 juin 1999 relative à la protection des jeunes au travail. Cette transposition est très incomplète puisque seuls deux articles sont partiellement transposés alors que onze des articles de la directive appellent une modification de notre législation.
Cet article est, en outre, sans véritable rapport avec l'objet du présent projet de loi.
Dans ces conditions, il nous a semblé préférable d'attendre le futur projet de loi portant diverses mesures d'ordre social, qui visera notamment à assurer la transposition de plusieurs directives européennes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Cet article prévoit en effet la transposition d'une directive européenne visant à étendre aux jeunes de moins de dix-huit ans effectuant des stages d'initiation et d'application en entreprise les dispositions relatives à la protection des jeunes travailleurs et apprentis, notamment celles qui sont relatives à la durée du travail.
Le Gouvernement souhaite le maintien de cet article et demande donc le rejet de l'amendement n° 29.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 29.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je ne peux pas faire moins que de relever ce qui vient de nous être expliqué !
Comment pouvez-vous prétendre, monsieur le rapporteur, que cette disposition n'a pas de rapport avec le projet de loi que nous discutons ? Nous débattons de la réduction du temps de travail. Une directive européenne prévoit des dispositions particulières pour les jeunes de moins de dix-huit ans. Elle prévoit notamment qu'ils doivent avoir droit à deux jours de congé consécutifs. Une orgie de paresse ! Et vous sautez sur l'occasion pour dire que non, vous ne voulez pas ! Même de cela, vous n'en voulez pas ! Quel motif trouvez-vous ? Que la directive porte sur d'autres sujets et que l'on attendra le jour de sa transposition intégrale !
Franchement, ce prétexte est lamentable et, naturellement, ne masquera pas, mes chers collègues, le fait que vous êtes d'accord pour ôter de ce projet de loi une prérogative incroyable : qu'un jeune de moins de dix-huit ans ait deux jours de repos consécutifs ! Pensez donc !
Mais qu'est-ce que cela peut vous faire ? Qu'est-ce-que cela perturbe dans la production ? Qui cela gêne-t-il ? Quelle industrie cela va-t-il ruiner ? Non, vous y êtes défavorables tout simplement parce qu'il est question de donner quelque chose !
Excusez-moi, vous êtes vraiment très conformes à votre caricature.
Mais je veux espérer qu'une majorité va se dégager à l'instant pour rejeter cette proposition d'une dureté sans explication et sans justification.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 29, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 10 bis est supprimé.

Chapitre VIII

Développement de la négociation
et allégement des cotisations sociales

M. le président. Par amendement n° 145, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet intitulé : « Adaptation de la loi du 13 juin 1998 ».
Il m'apparaît qu'il convient de réserver cet amendement jusqu'après l'examen de l'article 13, monsieur le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. En effet, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. En conséquence, la réserve est ordonnée.

Article 11



M. le président.
« Art. 11. _ I. _ Les entreprises qui appliquent un accord collectif fixant la durée collective du travail au plus soit à trente-cinq heures hebdomadaires, soit à 1 600 heures sur l'année et s'engagent dans ce cadre à créer ou à préserver des emplois bénéficient d'un allégement de cotisations sociales défini à l'article L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale.
« II. _ Pour ouvrir droit à l'allégement, la durée collective du travail applicable dans l'entreprise doit être fixée :
« 1° Dans les entreprises dont l'effectif est au moins égal à cinquante salariés, par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement conclu dans les conditions prévues au III ou IV ;
« 2° Dans les entreprises dont l'effectif est inférieur à cinquante salariés :
« _ soit par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement conclu dans les conditions prévues aux III, IV et V ;
« _ soit en application d'une convention ou d'un accord de branche étendu ou d'un accord conclu dans les conditions définies à l'article L. 132-30 du code du travail.
« II bis. _ 1. La convention ou l'accord détermine la durée du travail, les catégories de salariés concernés, les modalités d'organisation et de décompte du temps de travail, les incidences sur la rémunération de la réduction du temps de travail.
« 2. La convention ou l'accord d'entreprise détermine le nombre d'emplois créés ou préservés du fait de la réduction du temps de travail et les incidences prévisibles de celle-ci sur la structure de l'emploi dans l'entreprise.
« En outre, la convention ou l'accord doit comporter des mesures visant à favoriser le passage d'un emploi à temps partiel à un emploi à temps complet et d'un emploi à temps complet à un emploi à temps partiel selon les modalités prévues aux deuxième à sixième alinéas de l'article L. 212-4-9 du code du travail ainsi qu'à favoriser l'égalité professionnelle entre hommes et femmes et notamment à faire obstacle aux discriminations à l'embauche.
« L'accord prévoir le cas échéant les modalités de consultation du personnel. Il est transmis pour information aux institutions représentatives du personnel.
« Lorsque la convention ou l'accord prévoit des embauches, celles-ci doivent être effectuées dans un délai d'un an à compter de la réduction effective du temps de travail, sauf stipulation contraire de l'accord.
« II ter. _ 1. La convention ou l'accord d'entreprise ou d'établissement fixe les modalités de suivi de l'accord. Ce suivi peut être effectué par une instance paritaire spécifiquement créée à cet effet.
« 2. Il est établi chaque année un bilan de la réduction du temps de travail comportant notamment des données relatives à son incidence sur :
« _ le nombre et la nature des emplois créés ou préservés ainsi que les perspectives en ce domaine, et notamment les objectifs en termes d'emploi pour l'année suivante ;
« _ l'égalité professionnelle entre hommes et femmes ;
« _ le travail à temps partiel ;
« _ la rémunération des salariés, y compris des nouveaux embauchés ;
« _ la formation.
« 3. Le bilan établi en vertu du 2 du présent paragraphe est transmis à l'ensemble des organisations syndicales présentes dans l'entreprise, le cas échéant aux salariés mandatés, et aux institutions représentatives du personnel de l'entreprise.
« 4. La convention ou l'accord de branche mentionné au 2 ci-dessus doit prévoir les conditions dans lesquelles est assuré un suivi paritaire de l'impact de la réduction du temps de travail sur l'évolution de l'emploi dans les entreprises de la branche.
« III. _ Pour ouvrir droit à l'allégement, l'accord d'entreprise doit être signé par une ou des organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections au comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Lorsque le quorum a été atteint au premier tour des élections, le nombre de voix à prendre en compte est le total de celles recueillies par les candidats titulaires lors de ce tour.
« Si cette condition n'est pas satisfaite, une consultation du personnel peut être organisée à la demande d'une ou plusieurs organisations syndicales signataires. L'accord ouvre droit à l'allégement s'il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés. Il en est de même lorsque le texte définitif de l'accord, préalablement à sa conclusion, a été soumis à la consultation du personnel à l'initiative d'une ou des organisations syndicales signataires et a été approuvé par ce dernier à la majorité des suffrages exprimés.
« Participent à la consultation prévue à l'alinéaci-dessus les salariés satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 433-4 ou L. 423-7 du code du travail. Les modalités d'organisation et de déroulement du vote font l'objet d'un accord entre le chef d'entreprise et les organisations syndicales. Cet accord doit respecter les principes généraux du droit électoral. Les modalités sur lesquelles aucun accord n'a pu intervenir peuvent être fixées par une décision du juge d'instance statuant en dernier ressort en la forme des référés. La consultation a lieu pendant le temps de travail.
« IV. _ Dans les entreprises ou établissements dépourvus de délégué syndical ou de délégué du personnel désigné comme délégué syndical, l'accord collectif d'entreprise peut être conclu par un salarié expressément mandaté par une organisation syndicale reconnue représentative sur le plan national ou départemental pour ce qui concerne les départements d'outre-mer.
« Les organisations syndicales définies ci-dessus doivent être informées au plan départemental ou local par l'employeur de sa décision d'engager des négociations.
« Ne peuvent être mandatés les salariés qui, en raison des pouvoirs qu'ils détiennent, peuvent être assimilés au chef d'entreprise, ainsi que les salariés apparentés au chef d'entreprise mentionnés au premier alinéa des articles L. 423-8 et L. 433-5 du code du travail.
« Le mandat ainsi assigné doit préciser les modalités selon lesquelles le salarié a été désigné et fixer précisément les termes de la négociation et les obligations d'information pesant sur le mandataire, notamment les conditions selon lesquelles le projet d'accord est soumis au syndicat mandant au terme de la négociation, ainsi que les conditions dans lesquelles le mandant peut à tout moment mettre fin au mandat. Le mandat précise également les conditions dans lesquelles le salarié mandaté participe, le cas échéant, au suivi de l'accord.
« L'accord signé par un salarié mandaté doit avoir été approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés. Participent à la consultation les salariés satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 433-4 ou L. 423-7 du code du travail. Les modalités d'organisation et de déroulement du vote font l'objet d'un accord entre le chef d'entreprise et le salarié mandaté. Cet accord doit respecter les principes généraux du droit électoral. Les modalités sur lesquelles aucun accord n'a pu intervenir peuvent être fixées par une décision du juge d'instance statuant en dernier ressort en la forme des référés. La consultation a lieu pendant le temps de travail.
« L'accord est communiqué au comité départemental de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi.
« Le temps passé par les salariés mandatés à la négociation de l'accord ainsi qu'aux réunions nécessaires à son suivi est de plein droit considéré comme temps de travail et payé à l'échéance normale. En cas de contestation par l'employeur de l'usage fait du temps ainsi alloué, il lui appartient de saisir la juridiction compétente.
« Le salarié mandaté peut être accompagné lors des séances de négociation par un salarié de l'entreprise auquel sont dans ce cas applicables les dispositions du précédent alinéa.
« Les salariés mandatés au titre du présent article bénéficient de la protection prévue par les dispositions de l'article L. 412-18 du code du travail dès que l'employeur aura eu connaissance de l'imminence de leur désignation. La procédure d'autorisation administrative est applicable au licenciement des anciens salariés mandatés pendant une période de douze mois à compter de la date à laquelle il a été mis fin à leur mandat.
« V. _ Dans les entreprises de moins de cinquante salariés dépourvues de délégués syndicaux, en l'absence d'une convention ou d'un accord de branche étendu et lorsqu'aucun salarié n'a été mandaté dans le délai d'un mois à compter de la date à laquelle les organisations syndicales ont été informées, au plan départemental ou local, par l'employeur de sa décision d'engager des négociations, les délégués du personnel peuvent négocier un accord collectif d'entreprise. L'accord doit être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés et validé dans les trois mois suivant cette approbation par une commission paritaire nationale de branche ou par une commission paritaire locale mise en place dans les conditions prévues à l'article L. 132-30 du code du travail. Participent à la consultation les salariés satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 433-4 ou L. 423-7 du même code. La consultation a lieu pendant le temps de travail.
« VI. _ A compter du 1er janvier 2002 et par dérogation aux dispositions du II, en l'absence d'une convention ou d'un accord de branche étendu et quand aucun salarié n'a été mandaté dans le délai d'un mois à compter de la date à laquelle les organisations syndicales ont été informées au plan départemental ou local par l'employeur de sa décision d'engager des négociations, les entreprises dont l'effectif est inférieur à onze salariés peuvent bénéficier de l'allégement si le document précisant les modalités selon lesquelles la durée du travail est fixée dans les limites définies au I est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés et validé, lorsqu'elle existe, par une commission paritaire nationale de branche ou par une commission paritaire locale mise en place dans les conditions prévues à l'article L. 132-30 du code du travail.
« VII. _ Bénéficient de l'allégement les entreprises qui ont réduit ou réduisent leur durée du travail en application d'une convention ou d'un accord collectif étendu ou d'une convention ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement conclu dans les conditions prévues à l'article 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail ou d'une convention ou d'un accord fixant la durée du travail dans les limites prévues au I.
« VIII. _ Dès lors que la durée du travail des salariés travaillant de façon permanent en équipes successives selon un cycle continu n'excède pas trente-trois heures trente-six minutes en moyenne sur l'année, les entreprises bénéficient, pour ces salariés, de l'allégement.
« IX. _ Supprimé .
« X. _ Pour bénéficier de l'allégement, l'employeur doit transmettre aux organismes de recouvrement des cotisations sociales une déclaration précisant la durée du travail applicable dans l'entreprise accompagnée, le cas échéant, de l'accord d'entreprise ainsi que du document attestant de l'approbation des salariés.
« L'allégement résultant de l'application des dispositions de l'article L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale prend effet le premier jour du mois qui suit la date à laquelle la durée du travail applicable dans l'entreprise a été fixée dans les limites définies au I ou, si elle lui est postérieure, la date de réception par les organismes mentionnés ci-dessus de la déclaration de l'employeur et au plus tôt à compter du 1er janvier 2000.
« XI. _ Pour l'application du présent article, l'effectif de l'entreprise est déterminé selon les modalités prévues au deuxième alinéa de l'article L. 421-1 et à l'article L. 421-2 du code du travail.
« XII. _ Les organisations syndicales reconnues représentatives au plan national ou au plan départemental pour ce qui concerne les départements d'outre-mer peuvent bénéficier d'une aide de l'Etat destinée à soutenir, notamment financièrement, les actions de formation des salariés qu'elles mandatent pour la négociation des accords mentionnés au II.
« XIII. _ Les entreprises dont l'effectif maximal sera fixé par décret, qui engagent ou qui mettent en oeuvre des réorganisations préalablement ou postérieurement à la réduction du temps de travail, ainsi que les branches peuvent bénéficier d'un dispositif d'appui et d'accompagnement, individuel ou collectif, auxquelles les régions peuvent, le cas échéant, participer.
« XIV. _ Le bénéfice de l'allégement est supprimé ou suspendu dans les cas suivants.
« Il est suspendu lorsque les durées et les horaires de travail pratiqués dans l'entreprise sont incompatibles avec les limites définies au I. Il est par ailleurs suspendu pour le salarié ayant effectué un nombre d'heures supplémentaires dépassant le contingent fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 212-6 du code du travail.
« Il est également suspendu lorsque l'engagement en termes d'embauche prévu par l'accord n'est pas réalisé dans un délai d'un an à compter de la réduction effective du temps de travail, sauf circonstances exceptionnelles.
« Le bénéfice de l'allégement est supprimé en cas de dénonciation intervenue dans les conditions définies au troisième alinéa de l'article L. 132-8 du code du travail, lorsque la convention ou l'accord mentionné au II et VII n'a pas été remplacé dans un délai de douze mois suivant la dénonciation et que l'autorité administrative a constaté que la durée collective dépasse les limites fixées au I.
« Il est également supprimé en cas de fausse déclaration.
« XIV bis. _ Lorsque les organisations syndicales signataires ou les représentants du personnel estiment que l'employeur ne respecte pas les engagements souscrits dans l'accord en matière d'emploi, ils peuvent saisir l'autorité administrative. Cette dernière, après avoir entendu l'employeur et les organisations syndicales ou les représentants du personnel l'ayant saisi, établit le rapport prévu à l'alinéa ci-dessous.
« La suspension ou la suppression du bénéfice del'allégement, assortie le cas échéant du remboursement de son montant, est notifiée à l'employeur par l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale sur le rapport de l'autorité administrative désignée par décret, ou après avis de cette autorité lorsque la suspension ou la suppression est consécutive à un contrôle effectué par un agent assermenté appartenant à cet organisme. Le droit à l'allégement est à nouveau ouvert lorsque l'autorité administrative estime que l'entreprise satisfait à nouveau ses engagements.
« XV. _ Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités de suppression ou de suspension du bénéfice de l'allégement et du remboursement du montant de l'aide, ainsi que les conditions dans lesquelles l'employeur recueille l'approbation des salariés en application des III, IV, V et VI. Un décret détermine les autres conditions d'application du présent article.
« XVI. _ Le fonds créé par l'article ... de la loi n° ... de financement de la sécurité sociale pour l'année 2000 (n° ... du ...) assure la compensation intégrale, prévue à l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, de l'allégement des cotisations sociales défini par le I ci-dessus aux régimes concernés par cet allégement.
« L'Etat et les organismes gérant des régimes de protection sociale relevant du code de la sécurité sociale et du code rural et ceux visés à l'article L. 351-21 du code du travail contribuent à ce fonds. Leur contribution est déterminée à partir du surcroît de recettes et des économies de dépenses induits par la réduction du temps de travail pour l'Etat et les organismes précités. Les règles de calcul de leur montant et de leur évolution sont définies par décret en Conseil d'Etat après consultation de la Commission des comptes de la sécurité sociale.
« XVII. _ Les dispositions du présent article entrent en vigueur au 1er janvier 2000. »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet. Mon intervention sur l'article 11 me permettra d'être très bref sur les amendements n°s 30, 31, 32 et 34.
La commission propose la suppression des articles 11 et 12, qui traitent à la fois de la compensation du coût des 35 heures et de l'allégement des charges sur les bas salaires.
Ce dispositif est en effet contestable, précisément parce qu'il symbolise la confusion qui marque le projet de loi et qui a été stigmatisée par M. Edmond Maire, ancien responsable de la CFDT.
Confusion, d'abord, entre la compensation des 35 heures et l'allégement des charges sur les bas salaires, qui exclut de l'une mais également de l'autre bon nombre d'entreprises au motif qu'elles n'auraient pas conclu un accord de réduction du temps de travail.
Seront ainsi exclues les entreprises qui, bien qu'ayant réduit la durée du travail, n'auront pu conclure un accord. Seront également exclues celles qui n'auront pas pu réduire la durée du travail parce que, techniquement, elles ne le peuvent pas et qui, pourtant, supporteront le coût de l'abaissement de la durée légale et ne méritent pas davantage d'être exclues de l'abaissement des charges sur les bas salaires.
Confusion, ensuite, sur l'objectif. En définitive, nous ne saurons pas, à la lecture du projet de loi, si les créations d'emplois sont ou non une condition pour bénéficier de l'aide prévue.
Mais le dispositif des articles 11 et 12 est également fondamentalement contestable quant à son financement.
Il est contestable quant à la partie connue de ce financement : le Sénat devra examiner dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale deux impôts nouveaux, la contribution sur les bénéfices des sociétés et la TGAP, telle qu'étendue et alourdie.
Il est contestable davantage encore quant à sa partie incertaine.
Le projet initial, adopté sans modification par l'Assemblée nationale, prévoyait la création d'une imposition sur les organismes paritaires gérant la protection sociale - la sécurité sociale, l'UNEDIC, le régime complémentaire.
Le Gouvernement a renoncé à cette imposition, d'ailleurs dépourvue d'assiette et de taux. Il propose, en conséquence, un amendement de suppression du paragraphe XVI du présent article 11 du projet de loi, comme nous.
Le reste de l'histoire se passe à l'Assemblée nationale, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 : c'est le « nouveau financement » des 35 heures.
Le Gouvernement remplace la taxation de l'UNEDIC - 7 à 8 milliards de francs - par la taxation des heures supplémentaires, dont il avait initialement prudemment affecté le produit à la seule trésorerie du fonds de financement.
Le Gouvernement remplace la taxation du régime général, soit 5,6 milliards de francs, par un prélèvement sur les droits sur les alcools dont bénéficie le FSV, le fonds de solidarité vieillesse.
Mais, sensible probablement à la critique selon laquelle il assécherait ainsi l'alimentation du fonds de réserve pour les retraites, le Gouvernement propose - c'est l'article 10 - du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale - de compenser cette perte de recettes pour le FSV par l'affectation à son profit d'une partie du 2 % social revenu du patrimoine et des placements.
Ce faisant, il diminue les recettes du régime général de 5,6 milliards de francs.
In fine le régime général contribue bien au financement des 35 heures à hauteur de 5,6 milliards de francs, selon la clef initialement fixée.
Pour la CNAM, la situation est pour le moins inquiétante : une part du 2 % social lui avait été affectée par la loi portant création de la couverture maladie universelle, la CMU, pour... financer la couverture maladie universelle. Cette recette destinée à la CMU, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 en supprime l'essentiel.
Au total, et en simplifiant, le Parlement a pu croire un moment que le Gouvernement allait financer les 35 heures par le fonds de réserve des retraites. Il n'en est rien : il les finance au détriment de la CMU.
En outre, pour le financement « à terme », le Gouvernement cherche 15 à 20 milliards de francs. Il considère que c'est peu ; c'est pourtant le tiers du surcoût du projet de loi.
Or, les effets d'un dispositif d'allégement de charges sociales dépendent de son mode de financement. Il est fondamental de savoir qui aura en définitive la charge... des allégements de charges ! Il est fondamental de savoir comment s'opéreront les transferts de charges.
Force est de constater que le projet de loi ne le dit pas. Et c'est autrement important que de savoir si le collectif budgétaire de fin d'année doit prévoir ou non une rallonge de crédits budgétaires ; je pense ici aux critiques que vous avez formulées sur le financement de la ristourne Juppé et à celles qui auraient été les vôtres si nous avions fait la même chose.
Ponction sur la sécurité sociale, notamment sur le financement de la CMU, incertitude fondamentale sur le financement, à terme, du dispositif, donc incertitude sur son équilibre, telles sont les raisons qui ont conduit la commission à proposer la suppression de l'article 11 et, par cohérence, de l'article 12.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous abordons la question du financement du dispositif des 35 heures.
Chacun l'aura compris, le financement de cette réforme est complexe et les multiples volte-face du Gouvernement auxquelles nous avons assistée, les uns et les autres, ont largement alimenté le dernier feuilleton de cet automne sur le sujet qui nous réunit ce soir.
Dans quatre ou cinq ans, le système, tel qu'il a été conçu, coûtera au minimum 105 milliards de francs par an ; il contrôle déjà 65 milliards de francs la première année, ce qui n'est pas rien. Pour financer la différence, le Gouvernement a décidé de créer la CSB, la contribution sociale sur les bénéfices, pour un montant estimé à 4,3 milliards de francs. Nous en avons parlé lors de la discussion générale ; le moins qu'on puisse dire, c'est que cette taxe est choquante.
Mais il est bien connu qu'en France il est toujours suspect de gagner de l'argent. On crie donc haro sur les entreprises, et on les taxe, ce qui doit faire plaisir au groupe communiste, qui ne demande rien d'autre, sans cesse, à chaque occasion.
M. Guy Fischer. Oh, vous savez, les moyens existent !
M. Alain Gournac. C'est comme cela que vous défendez les travailleurs ?
M. Alain Vasselle. La taxe sur les activités polluantes, quant à elle, va toucher les lessiviers, en particulier. Le bénéfice estimé est de l'ordre de 3,2 milliards de francs. Là encore, mes chers collègues, l'affectation de cette taxe aux 35 heures est une véritable provocation pour celles et ceux qui sont soucieux de la protection de notre environnement. Sur ce point, je constate que vous avez réussi à museler le ministre de l'environnement, Mme Voynet, mais aussi une partie de la majorité plurielle, que l'on n'entend pas beaucoup.
M. Alain Gournac. Eh non !
M. Alain Vasselle. A quoi bon une taxe sur les activités polluantes si elle ne sert pas à préserver ou à reconstituer notre environnement ? Et lorsqu'on connaît les effets de la TGAP et les effets que cela aura sur le coût du service rendu aux particuliers, notamment pour les déchets ménagers, l'on voit bien que la réflexion sur les effets pervers d'une telle disposition n'a pas été assez approfondie.
L'Etat a prévu de participer par voie budgétaire à hauteur de 4,3 milliards de francs.
Quant au reste, il était prévu qu'il soit supporté par les organismes sociaux, comme l'a rappelé à l'instant notre rapporteur. Ainsi, ces organismes devaient financer le dispositif à hauteur de 15 milliards de francs. Le Gouvernement a remplacé le financement de l'UNEDIC par le produit de la nouvelle taxation sur les heures supplémentaires prévue pour les entreprises qui ne seront pas passées aux 35 heures. Le gain attendu est de 7 milliards de francs la première année. Or, par définition, cette somme sera éphémère puisque, de par la loi, à moyen terme, toutes les entreprises passeront aux 35 heures. Dans cette éventualité, cette taxation ne devrait plus engendrer de recettes, ce qui montre bien, comme pour beaucoup d'initiatives prises par le Gouvernement, d'ailleurs, que ce dernier travaille à crédit.
Restent les 5,6 milliards de francs provisionnés initialement sur les comptes de la sécurité sociale, dont vient de parler avec justesse et pertinence notre rapporteur.
En la matière, le Gouvernement a réussi un tour de passe-passe abracadabrant : les 5,6 milliards de francs n'ont pas disparu ; ils ont simplement changé d'origine. En effet comme l'a rappelé notre rapporteur, cette somme devait initialement être prélevée sur les excédents de la sécurité sociale, tandis que les excédents du FSV devaient, eux, alimenter le fonds de réserve pour les retraites.
Après un tour de magie, les excédents de la sécurité sociale iront désormais aux retraites, tandis que ceux du FSV vont se diriger vers les 35 heures, puisqu'il est prévu de prélever sur ce fonds une fraction des droits sur les alcools à hauteur de 5,6 milliards de francs en 2000. Au bout du compte, le résultat est rigoureusement le même.
Cette nouvelle mesure est critiquable pour trois raisons essentielles.
Premièrement, et je souhaite, madame le secrétaire d'Etat, en ma qualité de président du comité de surveillance du fonds de solidarité vieillesse, que vous vous fassiez l'écho de mes propos auprès de Mme Aubry, vous allez fragiliser le fonds en le privant d'une ressource pérenne, celle de la taxe sur les alcools.
Le FSV jouit aujourd'hui d'une situation positive en raison d'un effet de ciseau favorable, mais si par malheur, un retournement de la conjoncture économique et sociale intervenait, on mettrait durablement en difficulté ce fonds qui, alors, ne pourrait plus faire face aux engagements que lui imposent la loi de 1993 et d'autres mesures qui ont été prises depuis, notamment sur l'initiative de votre gouvernement, lors de la création du fonds de réserve.
Deuxièmement, vous jouez l'effet d'annonce sur les retraites en privant la sécurité sociale - M. le rapporteur a parlé du 2 % social - d'une recette qui lui permettait de contribuer à son équilibre, voire de dégager, pour des raisons conjoncturelles et démographiques, un excédent en ce qui concerne notamment la branche vieillesse. Nous sommes en effet actuellement dans le creux démographique. Et, au moment où il faudrait profiter de ce creux pour permettre à la branche vieillesse de se garder ses excédents pour faire face à ses besoins futurs, on les lui prend, comme on prend une partie de l'excédent de la sécurité sociale pour venir alimenter les 35 heures.
Troisièmement, enfin, vous avez complètement omis de respecter le principe de la séparation des branches, pourtant consacré par la loi. Cela ne répond pas à la volonté du législateur.
De toute façon, quel que soit le montage que vous reteniez, dans les deux cas, les grands perdants seront nos retraités.
Il est tout de même aberrant de prétendre vouloir garantir l'avenir de notre système de répartition et de détourner, dans le même temps, des sommes qui auraient pu profiter aux retraités.
Admettons que votre dispositif soit bouclé pour l'an 2000. Mais d'ici quatre ou cinq ans, il faut que les Français le sachent, le financement sera le suivant : 40 milliards de francs de ristourne ; 12,5 milliards de francs de CSD ; 12,5 milliards de francs de TGAP - la fameuse écotaxe ! - 7,2 milliards de francs de la part de l'Etat ; 12,5 milliards de francs du fonds de solidarité vieillesse. Soit un total de 84,7 milliards de francs. Quand on le rapporte aux 105 milliards de francs annoncés par le Gouvernement pour le coût du service en année pleine, on constate une impasse de plus de 20 milliards de francs par an.
Je déduis de tout cela que ces 35 heures sont une bombe à retardement de plus - le Gouvernement n'en est pas à une près dont les Français seront, à terme, les victimes. Mais cela semble être le moindre de vos soucis.
Excusez-moi de le dire, mais ce gouvernement fait de l'électoralisme et de la démagogie à outrance !
M. Guy Fischer. Il y en a eu d'autres !
M. Alain Vasselle. Il se contente d'effets d'annonce, il arrête des mesures qui vont satisfaire son électorat dans un premier temps...
M. Alain Gournac. C'est exact !
M. Alain Vasselle. ... et, prenant pour principe le célèbre « après moi, le déluge », il compte sur l'alternance pour jouer peut-être à son profit de la droite le moment venu, une droite qui devra se débrouiller pour redresser la situation...
M. Alain Gournac. Comme d'habitude !
M. Alain Vasselle. ... et ainsi préparer une autre alternance en permettant le retour de la gauche au pouvoir.
C'est ce que nous vivons depuis 1981 ; le schéma est toujours le même.
Il va bien falloir qu'un jour nous mettions un terme à cette machine infernale qui est en train d'affaiblir la France un peu plus chaque année.
Voilà à quoi conduit votre politique. Elle est désastreuse et, malheureusement, quand les Français s'en rendront véritablement compte, il sera trop tard et cela leur coûtera cher ! (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heure quarante-cinq.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Delaneau, président de la commission. Monsieur le président, si je prends la parole en cet instant - vous voudrez bien m'en excuser - c'est parce que, alors qu'il n'est pas encore tout à fait dix-neuf heures trente, je viens de vous entendre annoncer la reprise de la séance à vingt et une heures quarante-cinq.
Depuis le début, nous perdons du temps !
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Jean Delaneau, président de la commission. Nous avons commencé l'examen du projet de loi avec plus d'une heure et demie de retard. La nuit dernière, la séance a été levée à minuit quinze, alors que nous aurions pu aller jusqu'à minuit trente.
M. Alain Gournac. Oui, pourquoi ?
M. Jean Delaneau, président de la commission. Comme chacun semble souhaiter que nous achevions l'examen du texte cette nuit, je ne comprends pas bien. Mais, je le sais, la présidence a seule le pouvoir de décider.
M. le président. Monsieur le président de la commission, les collaborateurs de Mme le ministre viennent de me faire savoir que Mme Aubry regagnera l'hémicycle à vingt et une heures trente. Par conséquent, nous reprendrons nos travaux à cette heure-là.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Paul Girod.)

PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la réduction négociée du temps de travail.
Le Sénat a abordé cet après-midi l'examen de l'article 11.
Nous allons maintenant procéder à la discussion des amendements qui affectent cet article.
Je suis tout d'abord saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 30, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer les I à XV de cet article.
Par amendement n° 130, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après le mot : « bénéficient », de remplacer la fin du I de l'article 11 par les dispositions suivantes : « d'un allégement de charges selon deux modalités alternatives, au gré de l'accord d'entreprise, pour une période de sept ans :
« - soit un allégement de cotisations sociales défini à l'article L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale dans les conditions prévues au présent article ;
« - soit un allégement des charges d'intérêt et de remboursement des crédits à moyen et long terme pour leurs investissements, sous forme d'une bonification modulée en fonction du nombre d'emplois créés et du nombre de salariés mis en formation à la charge de l'entreprise. Le barème correspondant de bonification sera défini par décret.
« Les entreprises remplissant les conditions fixées au présent article bénéficient de l'allégement de cotisations à la charge de l'employeur au titre de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale jusqu'au 31 décembre 2007.
« Les entreprises ou établissements dont la durée du travail excède trente cinq heures hebdomadaires ou 1 600 heures sur l'année bénéficient de l'allégement des cotisations sociales défini à l'article 241-13 du code de la sécurité sociale jusqu'au 31 décembre 2003. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 30.
M. Louis Souvet, rapporteur. Les paragraphes I à XV de l'article 11 prévoient que les entreprises qui s'engagent à réduire la durée collective du travail au niveau de la nouvelle durée légale pourront bénéficier d'un allégement de cotisations sociales qui correspondra, pour une part, à une compensation du coût de la réduction du travail et, pour l'autre part, à un allégement du coût du travail.
Votre commission vous propose tout d'abord un amendement tendant à supprimer ces paragraphes I à XV, qui limitent le bénéfice de l'allégement du coût du travail aux seules entreprises qui s'engagent dans une démarche de réduction du temps de travail alors qu'il conviendrait, au contraire, de généraliser ces allégements.
La commission vous proposera, en fait, de supprimer l'ensemble de l'article 11 en adoptant trois amendements différents, car elle a souhaité réserver, avec son amendement n° 31, un sort particulier au paragraphe XVI de cet article. Je pense que vous aurez compris pourquoi, madame le ministre !
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour présenter l'amendement n° 130.
M. Guy Fischer. Profondément attachés au fait que les aides publiques accordées aux entreprises pour accompagner la réduction du temps de travail soient non seulement conditionnées à un engagement en termes de création ou de préservation d'emplois - ce qui était le cas dans la première loi - mais aussi contrôlées et que leur impact sur la création d'emplois soit évalué, les parlementaires communistes sont intervenus pour faire évoluer la seconde loi afin de la rendre la plus efficace possible.
Je me félicite que, sur ce point sensible des contreparties en emplois, les débats en première lecture aient permis d'avancer.
J'espère que, très prochainement, une commission de contrôle nationale décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises pourra être mise en place. Les Français sont tous demandeurs de plus de transparence concernant la politique menée par chaque entreprise !
Pour ce qui est du choix fait par le Gouvernement de financer les 35 heures en couplant une aide pérenne - 4 500 francs par salarié pour les entreprises dont le temps de travail sera réduit à 35 heures - et des allégements de charges sur les bas salaires jusqu'à 1,8 SMIC, nous continuons à penser que ce type d'aide, enfermé dans une logique de baisse des coûts salariaux, joue contre l'emploi stable qualifié et correctement rémunéré et contribue, pour une part, à déstabiliser les comptes sociaux.
Considérant que ce dispositif de financement pourrait être différent, avec l'amendement n° 130, nous proposons non de le supprimer, mais de le transformer.
Notre objectif est double : il s'agit, d'une part, de prévoir l'extinction progressive du dispositif d'allégements dégressifs des cotisations sociales d'employeurs sur les bas salaires, communément appelé « ristourne Juppé », et, d'autre part, de promouvoir, à l'occasion du passage aux 35 heures, un nouveau dispositif d'incitation par allégement des charges sociales ou financières, en contrepartie de créations effectives d'emplois et de mises en formation.
L'extinction de la « ristourne Juppé » se réaliserait fin 2003 pour les entreprises dont la durée du travail excède 35 heures hebdomadaires ou 1 600 heures sur l'année et qui bénéficient de ces allégements sans aucun engagement en matière d'emploi et de formation à leur charge.
Pour les entreprises dont la durée du travail est fixée soit à 35 heures hebdomadaires soit à 1 600 heures sur l'année et qui augmentent l'emploi en conséquence, l'extinction se réaliserait fin 2007.
Deux modalités alternatives d'allégement de charges pour passer aux 35 heures en créant des emplois sont envisagées, laissées au choix de l'accord d'entreprise : soit l'allégement de cotisations sociales prévu par le présent projet, soit un allégement de charges financières sous forme de bonification des crédits à moyen et long terme pour les investissements des entreprises passant à la nouvelle durée légale du travail. Plus ces investissements programmeraient de créations d'emplois et de mises en formation, plus l'aide permettant de bonifier les crédits bancaires pour le financer serait importante.
La baisse ainsi encouragée des charges financières des entreprises passant aux 35 heures permettrait donc de soutenir la demande globale de formation et d'investissement, tout en fortifiant parallèlement l'offre de formation et de modernisation d'équipements.
Elle favoriserait une décrue sélective des taux d'intérêts réels à long terme par une mobilisation nouvelle du crédit des banques, alors que ces taux, toujours supérieurs au taux de croissance du PIB, tendent aujourd'hui à remonter.
Le reflux ainsi organisé des charges financières des entreprises contribuerait à faire reculer leurs besoins de produits financiers et, donc, leur soif de placements financiers au détriment d'un investissement réel.
Le bénéfice de ces deux types d'allégements serait limité dans le temps et prendrait effet pour une durée de sept ans - soit l'horizon d'un crédit à moyen terme - à dater de la fin des premières négociations de réduction du temps de travail. Ils pourraient être renouvelés, selon le choix des entreprises, en fonction de nouveaux efforts, en matière de création d'emplois et de formation associés à de nouveaux investissements.
Je vous prie de m'excuser d'avoir été long, mais il s'agit d'un amendement très technique, très complexe. A notre sens, il contribuerait au progrès de la démocratie. Sans remettre en cause la liberté d'initiative des entrepreneurs, il commencerait à modifier le système d'incitation de l'Etat et l'orientation du crédit des banques dans un sens plus favorable à l'emploi et à la formation.
Mme Hélène Luc. Très bien ! M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Outre que cet amendement me paraît compliqué, je me demande s'il n'a pas pour effet d'ajouter des charges supplémentaires.
M. Guy Fischer. Non !
Mme Hélène Luc. Il est pourtant intéressant !
M. Louis Souvet, rapporteur. Cela dit, la commission n'a pas suivi cette voie puisqu'elle propose la suppression de l'article 11.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 30 et 130 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. A l'amendement n° 30 de la commission le Gouvernement est évidemment opposé.
Comme vous le savez, nous souhaitons mettre en place un dispositif de réduction des charges sociales qui, contrairement à la ristourne dégressive, puisse à la fois être financé en partie par les entreprises capitalistiques ou les entreprises réalisant des profits - et, donc, des résultats financiers - et avoir des contreparties en matière d'emploi, par le biais de la signature d'accords validés par les organisations syndicales majoritaires ou par la majorité du personnel.
Avec l'amendement n° 130, M. Fischer souhaite limiter l'allégement des cotisations sociales à sept ans.
Nous sommes en train de mettre en place une réforme structurelle des cotisations patronales qui vise à financer à moyen et à long terme la sécurité sociale sur des cotisations assises non plus uniquement sur les salaires mais aussi sur les bénéfices, en l'occurrence sur ceux des entreprises polluantes. C'est notre intérêt si nous souhaitons moins peser sur les salaires, et donc sur l'emploi.
Je ne pense pas que le Gouvernement puisse s'engager dans la voie que propose M. Fischer, même si les modes de calcul par la bonification ou l'allégement des charges d'intérêt et de remboursement de crédits rejoignent largement, par certains aspects, la taxation sur les bénéfices mise en place par le Gouvernement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 30.
M. Claude Domeizel. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. La commission ne fait pas de quartier sur l'article 11, dont elle propose la suppression !
Nous voterons, bien entendu, contre l'amendement n° 30, puisque nous sommes ici au coeur du dispositif qui permettra la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail : la négociation collective et l'allégement des charges.
Il est d'ailleurs tout à fait inédit pour nous de voir la majorité sénatoriale refuser un dispositif d'allégement des cotisations patronales, alors même que le système reste souple et équilibré et qu'il permet de clarifier le régime actuel.
Il est vrai que le texte précise que l'accord collectif devra indiquer le nombre d'emplois créés ou préservés du fait de la réduction du temps de travail et les incidences prévisibles de celle-ci sur la structure de l'emploi dans l'entreprise. Cette disposition est assortie d'une sanction, la suspension du bénéfice de l'allégement des cotisations en cas de non-respect par l'employeur de ses engagements.
Dans le respect de la négociation collective, c'est l'entreprise qui déterminera elle-même ses objectifs en matière d'embauche ou de préservation des emplois.
Dans un souci de simplification et de pérennisation, le projet de loi fusionne en effet la ristourne dégressive sur les bas salaires et l'aide pérenne, avec un barème unique d'allégement pour les entreprises qui auront opté pour une durée du travail de 35 heures hebdomadaires ou de 1 600 heures sur l'année.
Parallèlement, les salariés obtiennent de nouvelles garanties, au nombre desquelles figurent le passage du temps plein au temps partiel, et réciproquement, ainsi que des mesures visant à assurer l'égalité professionnelle.
Mais surtout, et cela est important pour le développement de la négociation collective dans l'avenir, la finalisation des accords collectifs sera garantie par la signature d'un syndicat majoritaire ou par une consultation du personnel. A ce propos, je n'ignore pas qu'une controverse existe sur cette question de la consultation du personnel, le « référendum », comme on l'appelle parfois. Mais, dans l'optique de ce projet de loi, s'agissant de bouleversements aussi importants dans la vie des travailleurs, un tel dispositif se révèle indispensable pour atteindre l'objectif visé, c'est-à-dire la création d'emplois.
Cependant, madame la ministre, il serait regrettable qu'un tel processus de consultation masque le problème de la présence syndicale dans l'entreprise, car celle-ci est indispensable à une implication équilibrée et efficace des salariés. Sachant que vous partagez ce point de vue, je souhaite que vous poursuiviez vos efforts en vue de donner aux syndicats la place qui leur revient.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Alain Gournac. Je suis d'accord !
M. Claude Domeizel. Nous nous félicitons également de ce que ce texte favorise le développement de la négociation entre les entreprises, là où le tissu économique ne comporte que de petites unités. Il appartiendra cependant aux partenaires locaux de mettre en place de nouvelles commissions paritaires locales, qui sont encore trop peu nombreuses.
Au total, ce dispositif de négociation reste souple, tout en garantissant la force des accords et le contrôle des fonds alloués. Sans doute ce contrôle appellera-t-il le renforcement des moyens qui lui sont dévolus. Nous aurons l'occasion d'en reparler lors du prochain débat budgétaire.
Pour le moment, nous donnons notre pleine approbation à ce dispositif, pour les raisons que je viens d'énoncer. Nous voterons donc contre l'amendement n° 30 de la commission.
M. Philippe Nogrix. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Vous vous étonnez, monsieur Domeizel, que nous ne vous suivions pas sur la question de la réduction des charges patronales. Mais donner d'une main et retirer de l'autre, c'est ce que l'on appelle un marché de dupes ! Or, c'est exactement ce que vous proposez aux entreprises.
Plus nous progressons dans l'examen de ce texte, plus je m'aperçois que vous défendez une idéologie fondée uniquement sur ce que vous croyez possible.

Vous nous reprochez de ne pas écouter ce que les gens pensent. Heureusement, les Français sont sains d'esprit ! On leur propose de travailler 35 heures et on leur dit que cela ne leur coûtera rien : il serait vraiment ridicule de ne pas l'accepter !
Pour notre part, nous écoutons les gens qui sont responsables, ceux qui font des comptes, ceux qui établissent des prévisions, ceux qui évaluent ce qui peut être demain. Or ceux-là nous ont dit que votre projet n'est pas réaliste, madame le ministre.
Par ailleurs, certains de ceux qui ont fait un bout de chemin avec vous dans le passé trouvent aussi que votre texte ne correspond pas à la réalité. Ainsi, j'ai pu lire dans la presse la déclaration suivante d'Edmond Maire : « Les 35 heures sont une erreur gravissime. Ce ne peut être le projet que d'une gauche jacobine, centralisatrice et étatique. Il est absolument aburde aujourd'hui de vouloir réussir une réduction du temps de travail sans l'implication des employeurs. On arrive alors à la caricature avec un texte complexe, difficile à lire et, surtout, inadapté à la réalité des entreprises. »
Ne serait-ce qu'à cause de ces quelques phrases, je voterai l'amendement de la commission. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 30, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 130 n'a plus d'objet.
Je suis maintenant saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 31 est présenté par M. Souvet, au nom de la commission.
L'amendement n° 74 rectifié est déposé par le Gouvernement.
Tous deux tendent à supprimer le paragraphe XVI de l'article 11.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 31.
M. Louis Souvet rapporteur. Le paragraphe XVI de l'article 11 fait référence au fonds chargé d'assurer le financement des allégements de cotisations sociales. Il prévoit une contribution à ce fonds des régimes de sécurité sociale et de l'assurance chômage, les règles de calcul et l'évolution de cette contribution étant renvoyées à un décret en Conseil d'Etat pris après consultation de la commission des comptes de la sécurité sociale.
L'amendement de la commission tend à supprimer ce paragraphe XVI, qui est inacceptable, car il porte atteinte de manière insupportable au paritarisme. Il est, en outre, inconstitutionnel, car il ne fixe ni le taux ni l'assiette de ce qui constitue une imposition.
Cette disposition représente, nous semble-t-il, un exemple significatif de la démarche du Gouvernement, à savoir tenter de passer en force puis, éventuellement, négocier, au prix d'une totale confusion du travail législatif.
J'observe en effet que le Gouvernement prétend négocier depuis le 7 septembre jor, le projet de loi a été déposé le 28 juillet et adopté sans modification sur ce point par l'Assemblée nationale le 19 octobre dernier, et l'exposé des motifs de la première loi sur les 35 heures annonçait clairement, dès le 10 décembre 1997 - je dis bien 1997 - ce projet de taxation.
M. le président. La parole est à Mme le ministre, pour défendre l'amendement n° 74 rectifié.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Cet amendement est identique au précédent, mais sa justification sera sans doute un peu différente.
En effet, lors du débat sur la première loi relative à la réduction du temps de travail, nous avions effectivement envisagé de mettre en place un tel dispositif. Certains d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, notamment M. Cabanel, avaient déposé un amendement ayant le même objet. En outre, M. Gournac lui-même, lorsqu'il avait défendu la baisse des charges, avait considéré, à juste raison d'ailleurs, qu'il n'était pas aberrant, dès lors qu'il y avait des créations d'emplois, que ceux qui en bénéficient, à savoir les organismes paritaires, l'UNEDIC, la sécurité sociale, mais aussi l'Etat, puissent contribuer au financement de ces opérations. Je pense donc que ce qui était hier un bon dispositif n'est pas devenu aujourd'hui un racket exercé au détriment des organismes de sécurité sociale.
Cela dit, chacun a le droit de changer d'avis, y compris les organisations syndicales, qui avaient soutenu cette proposition,...
M. Alain Gournac. Y compris le Gouvernement !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Absolument ! Vous savez, il ne s'agit que des modalités financières, il ne s'agit pas des objectifs, sur lesquels nous restons fermes.
M. Jean Chérioux. Ce n'était pas une critique !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. S'agissant des modalités financières, je crois effectivement que, si les partenaires sociaux les rejettent, il est sage de changer d'optique, ce que nous avons fait.
Je l'ai dit très clairement et je ne le regrette pas, car je pense que, dans une démocratie, le débat fait avancer les choses. Chacun a donc le droit de changer d'avis, même M. Gournac, même M. Cabanel, même M. le rapporteur, même les organisations syndicales, et même, bien sûr, le Gouvernement !
M. Alain Gournac. Même les cadres ont évolué !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Oui, bien sûr, les cadres étaient, à l'origine, opposés aux 35 heures, et ils y sont maintenant tout à fait favorables. Je vous remercie, monsieur Gournac, de compléter mon argumentation !
Les organisations patronales et syndicales n'ayant pas souhaité que des cotisations patronales ou syndicales puissent financer la baisse des charges sociales, le Gouvernement a présenté un autre dispositif que nous discuterons lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Comme je m'y était engagée la semaine dernière devant le Parlement, nous en tirons toutes les conséquences dans ce projet de loi, en proposant la suppression du paragraphe XVI de l'article 11.
Tel est l'objet de l'amendement n° 74 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 31 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Compte tenu du fait que les exposés des motifs de nos amendements sont très différents, je préfère celui du Gouvernement. Cela étant, nous sommes d'accord pour demander la suppression du paragraphe XVI de l'article 11. Pour des raisons différentes, nos chemins se croisent, ce dont je ne peux que me réjouir !
M. Jean Chérioux. Nous sommes en plein consensus !
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 31 et 74 rectifié.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Nous avons écouté les partenaires sociaux, dont nous nous étions d'ailleurs fait le relais. Aujourd'hui, il faut en tirer les conséquences. Nous voterons donc la suppression du paragraphe XVI de l'article 11.
M. Jean Delaneau, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Delaneau, président de la commission. Je demande que soit d'abord mis aux voix l'amendement n° 31, qui a été déposé bien avant l'amendement n° 74 rectifié. (Exclamations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Nous allons donc procéder ainsi, monsieur le président de la commission.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 31.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 74 rectifié n'a plus d'objet.
Par amendement n° 32, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer le XVII de l'article 11.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 32, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je constate que, du fait de l'adoption des amendements n°s 30, 31 et 32, l'ensemble de l'article 11 est supprimé.

Article additionnel après l'article 11



M. le président.
Par amendement n° 131, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républiciain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article L. 132-26 du code du travail est ainsi rédigé :
« Dans un délai d'un mois à compter de la notification aux organisations syndicales affiliées, aux confédérations syndicales représentatives au niveau national d'une convention ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement ou d'un avenant ou d'une annexe, comportant des clauses qui dérogent soit à des dispositions législatives ou réglementaires, lorsque lesdites dispositions l'autorisent, soit, conformément à l'article L. 132-24, à des dispositions salariales conclues au niveau professionnel ou interprofessionnel, la ou les organisations syndicales qui n'ont pas signé l'un des textes en question peuvent s'opposer à son entrée en vigueur, à condition d'avoir recueilli plus de la moitié des suffrages valablement exprimés lors des dernières élections au comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Lorsque le texte en cause ne concerne qu'une catégorie professionnelle déterminée relevant d'un collège électoral, les organisations susceptibles de s'opposer à son entrée en vigueur sont celles qui ont obtenu la majorité des suffrages valablement exprimés dans ledit collège. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le débat déjà ancien sur la représentativité syndicale a été relancé à la suite, notamment, de la signature d'accords sur la réduction du temps de travail qui avaient été négociés par des organisations syndicales minoritaires. Je pense ici, par exemple, aux accords conclus avec l'IUMM.
Comment admettre, en effet, qu'un syndicat réputé représentatif à l'échelon national de par le décret du 31 mars 1966 engage, par sa seule signature, l'ensemble des salariés d'une entreprise ou d'une branche professionnelle sur des questions fondamentales touchant à leur vie, alors même qu'il ne représente pas, loin s'en faut, la majorité des syndicats ?
A l'inverse de ce qui se passe pour les accords d'entreprise, rares sont les accords de branche signés par les cinq syndicats représentatifs.
Contrairement à ce qui a pu être affirmé à propos du « principe majoritaire, principe démocratique de base » et de la consultation des salariés, le projet de loi ne bouleversera pas les règles du jeu de la négociation ; il permettra simplement qu'un premier pas soit franchi afin que les aspirations et les droits des salariés soient mieux pris en compte. De plus, il convient de noter que ce principe majoritaire ne s'appliquera qu'aux accords d'entreprise, les 35 heures ouvrant droit aux exonérations.
De fait, sont exclus les accords par lesquels le chef d'entreprise ne demande pas d'exonération ou les accords de branche, alors que les difficultés se situent bien entendu surtout à ce niveau. Si révolution il y a, son ampleur est donc bien limitée, mes chers collègues !
Nos collègues de l'Assemblée nationale ont eu tout loisir de défendre des amendements visant tous à étendre le champ d'application de cette règle de la signature d'accords par les syndicats majoritaires.
Nous souhaitons que, dans les mois à venir, le droit à la négociation soit amélioré et que l'on réfléchisse au rôle, à la place et à la légitimité des syndicats.
Pour l'heure, afin d'engager le débat au sein de la Haute Assemblée sur une question intimement liée à celle que nous venons d'examiner, nous vous proposons d'adopter un amendement qui a pour objet d'élargir le droit d'opposition, droit d'opposition que, pour des raisons à la fois techniques et tactiques, les syndicats majoritaires ont du mal à exercer.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission souhaite favoriser la négociation collective. Cet amendement renforçant le droit d'opposition aux accords dérogatoires, il nous paraît contradictoire avec notre objectif. En conséquence, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je rappelle qu'il existe aujourd'hui une procédure de double opposition à la convention collective et à son extension au niveau de la branche ou au niveau interprofessionnel. Il est, en effet, extrêmement difficile de mesurer la représentativité des organisations syndicales au niveau d'une branche ou au niveau interprofessionnel et la possibilité qu'a le syndicat majoritaire de s'opposer à un accord dérogatoire au niveau de l'entreprise ou de l'établissement.
Ces deux dispositions, si elles ne sont pas parfaites, parce qu'il est difficile de mesurer ce que sont les majorités des organisations syndicales, par exemple à l'échelon de la branche, pourraient être traitées dans le cadre d'une étude sur la représentativité des organisations syndicales. Un certain nombre d'organisations syndicales souhaitent en effet reparler de ce sujet entre elles.
Je ne pense pas que l'objet de ce projet de loi soit de traiter ce problème, qui devrait être revu à l'occasion d'un travail en commun entre les organisations syndicales.
Je suis donc défavorable à cet amendement, tout en en comprenant l'esprit et en pensant que des améliorations pourraient effectivement être apportées dans les mois à venir.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 131, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 11 bis



M. le président.
« Art. 11 bis . _ I. _ Les entreprises créées postérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi dont la durée collective de travail est fixée soit à trente-cinq heures hebdomadaires, soit à 1 600 heures sur l'année, dès lors qu'elles versent à leurs salariés à temps complet un salaire mensuel au moins égal à 169 fois le salaire minimum de croissance en vigueur à la date de la première embauche, bénéficient du montant de l'aide prévue par l'article 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 précitée.
« La durée collective du travail applicable et la rémunération minimale définies au premier alinéa doivent figurer dans un accord collectif ou, en l'absence d'accord, être mentionnées dans le contrat de travail des salariés concernés. Dans ce dernier cas, le maintien de l'aide visée à l'alinéa précédent est subordonné à la conclusion, au plus tard à l'expiration d'une période de deux années à compter de la première embauche, d'un accord collectif dans les conditions définies aux II à VI de l'article 11.
« La rémunération minimale visée au premier alinéa doit être revalorisée selon les modalités déterminées au deuxième alinéa du I de l'article 16. La rémunération minimale applicable pour les durées collectives inférieures à trente-cinq heures hebdomadaires ou à 1 600 heures sur l'année ainsi que celle applicable aux salariés à temps partiel est calculée à due proportion.
« II. _ Pour le calcul de l'allégement prévu à l'article L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale, dans les entreprises créées postérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi, il est fait application des dispositions du quatrième alinéa du V de l'article précité. »
Par amendement n° 33, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission propose de supprimer l'article 11 bis , qui soulève la question de la mise en place du double SMIC du fait du choix du Gouvernement de procéder à une diminution autoritaire de la durée légale du travail.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il a paru souhaitable à l'Assemblée nationale, et ce avec raison, me semble-t-il, d'aider les créateurs d'entreprises qui appliquent directement les 35 heures et la garantie de ressources aux smicards. Il est donc proposé d'aider ces entreprises en leur accordant des allégements de charges sociales.
Il s'agit à la fois d'une incitation forte à l'application de la rémunération mensuelle garantie pour les smicards, mais aussi d'une aide aux créateurs d'entreprises.
Je suis étonnée que le Sénat ne souhaite pas les aider ni revaloriser les bas salaires. En effet, nous avons entendu à plusieurs reprises combien la majorité du Sénat souhaitait que la réduction de la durée du travail n'entraîne pas une perte de pouvoir d'achat pour les salariés.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement de suppression.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 33.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Nous sommes contre cet amendement qui vise à supprimer un allégement de cotisations sociales pour les entreprises créées postérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi.
Cette disposition résulte d'un amendement présenté à l'Assemblée nationale par la gauche plurielle. Nous sommes d'autant plus opposés à cet amendement de suppression que ce dispositif visait à garantir un niveau de rémunération mensuelle minimum égal au SMIC calculé sur 39 heures.
Nous concrétisons ainsi notre volonté d'aider les entreprises et, surtout, d'assurer une rémunération mensuelle à des personnes payées au SMIC.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Nous voterons bien évidemment contre cet amendement de suppression de la commission.
L'article 11 bis est un article de justice et d'équité auquel nous sommes particulièrement attachés, puisqu'il garantit l'égalité de traitement entre les salariés de toutes les entreprises, anciennes ou nouvelles, rémunérés au SMIC.
Compte tenu de la modicité de ce salaire, une rémunération fondée sur le seul SMIC horaire sans compensation salariale pour les salariés des nouvelles entreprises aurait été inconcevable et socialement inacceptable.
Cet article est donc particulièrement important pour la réussite du passage aux 35 heures.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je voterai l'amendement présenté par la commission, mais pas parce que je suis contre la mesure qui est présentée par le Gouvernement.
Je suis étonné que le Gouvernement, comme Mme Dieulangard et M. Fischer, ait insisté sur le fait que le Sénat voulait supprimer cet avantage. Comme l'a exposé M. le rapporteur, cet amendement s'explique en effet par la philosophie d'ensemble de la commission.
Pour nous, il s'agit non pas d'instaurer les 35 heures par une obligation légale, mais d'aboutir à une réduction de travail négociée. Par conséquent, nous ne refusons pas cette mesure, nous estimons qu'elle est inutile dans le texte que nous votons.
M. Jean Delaneau, président de la commission. Tout à fait !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 33, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 11 bis est supprimé.

Article 12



M. le président.
« Art. 12. _ I. _ La section 4 du chapitre Ier du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 241-13-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 241-13-1 . _ I. _ Les entreprises remplissant les conditions fixées à l'article 11 de la loi n° du relative à la réduction négociée du temps de travail bénéficient d'un allégement des cotisations à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des maladies professionnelles et des allocations familiales qui sont assises sur les gains et rémunérations tels que définis à l'article L. 242-1, versés au cours d'un mois civil aux salariés.
« II. _ Peuvent bénéficier de cet allégement les entreprises soumises aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 212-1 du code du travail ainsi que, d'une part, les entreprises d'armement maritime et, d'autre part, les entreprises de transport public urbain de voyageurs ou exploitant des chemins de fer secondaires d'intérêt général ou des voies ferrées d'intérêt local, que ces entreprises soient constituées sous forme de sociétés ou organismes de droit privé, de sociétés d'économie mixte ou d'établissements publics industriels et commerciaux.
« Toutefois, ne peuvent bénéficier de cet allégement, eu égard au caractère de monopole de certaines de leurs activités ou à l'importance des concours de l'Etat dans leurs produits d'exploitation, certains organismes publics dépendant de l'Etat dont la liste est fixée par décret. Pour ces organismes, les modalités d'accompagnement de l'application de la durée légale du travail seront déterminées dans le cadre des procédures régissant leurs relations avec l'Etat.
« Peuvent également bénéficier de l'allégement les groupements d'employeurs prévus à l'article L. 127-1 du code du travail.
« III. _ Les entreprises appartenant aux catégories mentionnées au II ci-dessus bénéficient de l'allégement pour leurs salariés occupés selon une durée collective de travail ou une durée de travail stipulée au contrat fixées dans les limites définies au I de l'article 11 de la loi n° du précitée.
« Par dérogation aux dispositions du précédent alinéa, les entreprises appartenant aux catégories mentionnées au II ci-dessus bénéficient de l'allégement pour leurs salariés cadres ou itinérants dont la durée de travail est fixée par une convention de forfait établie dans les conditions prévues à l'article L. 212-15-3 du code du travail au plus soit à trente-cinq heures hebdomadaires, soit à 1 600 heures sur l'année, ou à la durée conventionnelle si elle est inférieure.
« Il est majoré dans les zones de revitalisation rurale mentionnées à l'article L. 322-13 du code du travail.
« Le montant de cet allégement est calculé chaque mois civil, pour chaque salarié, en fonction décroissante de la rémunération et dans la limite d'un minimum, selon un barème déterminé par décret.
« Dans les entreprises où la durée du travail est fixée conformément aux dispositions de l'article 11 de la loi n° du précitée et au plus soit à trente-deux heures hebdomadaires, soit à 1 460 heures sur l'année, le montant de l'allégement auquel ouvrent droit les salariés dont la durée du travail est fixée dans ces limites est majoré d'un montant forfaitaire fixé par décret.
« Il est revalorisé dans les mêmes conditions que celles prévues au deuxième alinéa du I de l'article 16 de la même loi.
« IV. _ L'allégement auquel ouvrent droit les salariés est calculé au prorata du nombre d'heures rémunérées rapporté à la durée collective du travail applicable dans l'entreprise calculée sur le mois. Si la durée collective du travail est inférieure ou égale à trente-deux heures hebdomadaires, le nombre d'heures rémunérées est rapporté à la durée mensuelle correspondant à la durée hebdomadaire de trente-deux heures.
« Les salariés dont la durée stipulée au contrat de travail est inférieure à la moitié de la durée collective du travail applicable n'ouvrent pas droit à l'allégement.
« IV bis. _ Dans les professions dans lesquelles le paiement des congés des salariés et des charges sur les indemnités de congés est mutualisé entre les employeurs affiliés aux caisses de compensation prévues à l'article L. 223-16 du code du travail, l'allégement, déterminé selon des modalités prévues aux III et IV ci-dessus, est majoré d'un taux fixé par décret.
« V. _ Le bénéfice des dispositions du présent article est cumulable :
« a) Avec l'aide prévue à l'article 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail ou avec l'exonération prévue à l'article 39 ou à l'article 39-1 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle,
« b) Avec la réduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-14.
« Dans le cas prévu au a ci-dessus, le montant de l'allégement est minoré d'un montant forfaitaire fixé par décret.
« Le cumul ne peut excéder le montant total des cotisations à la charge des employeurs dues au titre des gains et rémunérations versés au cours du mois à l'ensemble des salariés titulaires d'un contrat de travail employés dans l'entreprise ou l'établissement, que leur emploi ouvre ou non droit à l'une des mesures précitées.
« Le bénéfice des dispositions du présent article ne peut être cumulé avec celui d'une autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales que celles mentionnées au a et au b du présent article ou l'application de taux spécifiques, d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations. »
« II. _ Le VI de l'article 9 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 précitée est abrogé.
« III. _ Les dispositions des articles L. 241-13, L. 711-13 du code de la sécurité sociale et L. 322-12 du code du travail ne sont pas applicables aux salariés des entreprises ouvrant droit au bénéfice de l'allégement prévu au I ci-dessus. Toutefois, les dispositions de l'article L. 322-12 du code du travail continuent à s'appliquer aux salariés dont le contrat de travail en a ouvert le bénéfice avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi.
« III bis. _ Il est inséré, dans le code de la sécurité sociale, un article L. 711-13-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 711-13-1 . _ Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application de l'article L. 241-13-1 aux employeurs mentionnés à cet article et relevant des régimes spéciaux de sécurité sociale mentionnés au présent titre ainsi qu'à ceux relevant du régime spécial de sécurité sociale des clercs et employés de notaires pour les salariés affiliés à ces régimes. »
« IV. _ Les dispositions du présent article sont applicables au plus tôt aux cotisations dues au titre des gains et rémunérations versés à compter du 1er janvier 2000 et compte tenu des dispositions du X de l'article 11 de la présente loi. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 34, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
Par amendement n° 48, M. Vallet propose de compléter in fine le second alinéa du IV du texte présenté par le I de l'article 12 pour l'article L. 241-13-1 du code du travail par deux phrases ainsi rédigées : « Cette exclusion du mécanisme de compensation ne concerne en 2000 que les salariés à moins de 45 heures, et en 2001 ceux de moins de 60 heures. L'exclusion totale du bénéfice des allégements au dessous du mi-temps, prend effet en 2002. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 34.
M. Louis Souvet, rapporteur. L'article 12 définit le nouvel allégement de cotisations sociales patronales lié à la réduction du temps de travail opérée dans les conditions fixées à l'article 11. Il s'agit donc d'un amendement de suppression par coordination, pour les raisons que j'ai déjà exposées à l'article précédent.
Il est par ailleurs évident que je rejoins tout à fait les explications que vient de donner M. Chérioux.
M. le président. L'amendement n° 48 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 34 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Même avis que précédemment : défavorable, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 34, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 12 est supprimé.

Article 12 bis



M. le président.
« Art. 12 bis. - Dans le premier alinéa du I de l'article 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 précitée, après les mots : "transport public urbain de voyageurs", sont insérés les mots : ", les groupements d'employeurs prévus à l'article L. 127-1 du code du travail". » - ( Adopté.)

Article 12 ter



M. le président.
« Art. 12 ter. - L'article 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 précitée est ainsi modifié :
« 1° Le deuxième alinéa du I est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Dans les entreprises dont l'effectif est inférieur ou égal à vingt salariés, la réduction peut être organisée en trois étapes au maximum, sous réserve de porter l'horaire de travail au maximum de la durée légale fixée par l'article L. 212-1 du code du travail au plus tard le 1er janvier 2002. » ;
« 2° Dans le deuxième alinéa du II, après les mots : "en référence à la durée initiale du travail", sont insérés les mots : ", le cas échéant, les dates et l'ampleur des étapes de la réduction du temps de travail" ;
« 3° La dernière phrase du quatrième alinéa du IV est complétée par les mots : "ou, pour les entreprises réduisant le temps de travail par étapes en application du I ci-dessus, de la date d'entrée en vigueur de la première étape de la réduction du temps de travail" ;
« 4° Le dernier alinéa du IV est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour les entreprises réduisant le temps de travail par étapes en application du I ci-dessus, l'aide est attribuée à compter de l'entrée en vigueur de la première étape prévue par l'accord. » ;
« 5° La première phrase du dernier alinéa du V est complétée par les mots : "ou, pour les entreprises réduisant le temps de travail par étapes en application du I ci-dessus, de la date d'entrée en vigueur de la première étape prévue par l'accord" ;
« 6° Après le troisième alinéa du VI, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les entreprises réduisant le temps de travail par étapes en application du I ci-dessus, le montant de l'aide est calculé au prorata de la réduction du temps de travail effectivement réalisée par rapport à celle prévue par l'accord. »
Par amendement n° 35, M. Souvet, au nom de la commission, propose, à la fin du second alinéa du 1° de cet article, de supprimer les mots : « sous réserve de porter l'horaire de travail au maximum de la durée légale fixée par l'article L. 212-1 du code du travail au plus tard le 1er janvier 2002 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement a pour objet de permettre aux entreprises de moins de vingt salariés de réduire la durée du temps de travail en trois étapes au maximum, sans que soit fixé a priori le niveau de l'abaissement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement a accepté, en première lecture, à l'Assemblée nationale, la disposition qui figure à l'article 12 ter. Cette disposition était demandée par l'Union professionnelle artisanale et elle a été adoptée après une large concertation entre le Gouvernement, les parlementaires et l'UPA.
Il s'agit de permettre aux entreprises de moins de vingt salariés de réduire le temps de travail par étapes et d'obtenir, lorsque la première étape est réalisée, une partie de l'aide incitative et de l'allégement structurel.
Nous répondons ainsi aux demandes des petites entreprises, qui se sont réjouies de cette décision. Je suis donc défavorable à l'amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 35.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Cet article a pour objet de répondre aux difficultés des petites entreprises qui, dans certaines branches, pratiquent aujourd'hui des horaires très élevés. Le problème se double ici du fait que le tissu économique est éclaté en une multitude de petites unités.
L'introduction de cet article dans le projet de loi manifeste que le Gouvernement et la majorité parlementaire ont pris conscience de cette difficulté et veulent y porter remède en aidant les petites entreprises à passer aux 35 heures et en améliorant la condition salariale.
Il faut néanmoins fixer un objectif. Or, celui qui est proposé est tout à fait raisonnable et réalisable.
Ne rien proposer en la matière revient à dire que l'on ne veut pas aller vers la réduction du temps de travail, ce qui est, nous semble-t-il, dans la logique de la majorité sénatoriale.
J'observe par ailleurs que les activités dont il est question ici sont, par exemple, les « métiers de bouche » ou le bâtiment, qui ont le plus grand mal à attirer des jeunes. En effet, non seulement le travail y est souvent dur, mais les horaires y sont démentiels.
Ces deux facteurs sont très dissuasifs, et les employeurs en sont tout à fait conscients. Ils sont donc souvent prêts à s'engager dans la réduction du temps de travail, pourvu qu'on les y aide.
Il ne serait donc pas si avantageux pour ces entreprises de laisser les choses en l'état, comme vous proposez de le faire, monsieur le rapporteur.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Mon intervention sera du même ordre que celle que j'ai faite tout à l'heure. Si M. le rapporteur propose de supprimer ce membre de phrase de l'article 12 ter, c'est parce qu'il se place dans l'optique du texte qu'il souhaite voir adopté.
Le projet de loi présenté par le Gouvernement affiche bien les difficultés soulevées par le système qui a été élaboré. Dans une certaine mesure, le Gouvernement a donc été amené à proposer un certain nombre de dispositions. Mais comme nous n'acceptons pas la fixation légale et obligatoire de la durée du travail à 35 heures, à l'évidence, le problème se pose différemment pour nous.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 35, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 12 ter, ainsi modifié.

(L'article 12 ter est adopté.)

Article 12 quater



M. le président.
« Art. 12 quater. - I. - Au début de la première phrase du dernier alinéa du IV de l'article 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 précitée, sont insérés les mots : "Pour les entreprises de plus de vingt salariés,".
« II. - Ce même alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour les entreprises de vingt salariés et moins, l'aide est attribuée sur la base d'une déclaration de l'employeur à l'autorité administrative, précisant notamment la durée du travail applicable dans l'entreprise et le nombre d'emplois créés. »
Par amendement n° 36, M. Souvet, au nom de la commission, propose de compléter in fine cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :
« III. - Au début du troisième alinéa du V du même article, sont ajoutés les mots : "Pour les entreprises de plus de vingt salariés,". »
« IV. - Ce même alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour les entreprises de vingt salariés ou moins, l'aide est attribuée sur la base d'une déclaration de l'employeur à l'autorité administrative, précisant notamment la durée du travail applicable dans l'entreprise et les mesures de prévention et d'accompagnement des licenciements. »
« V. - Dans la seconde phrase du dernier alinéa du V du même article, après les mots : "entre l'Etat et l'entreprise", sont insérés les mots : "pour les entreprises de plus de vingt salariés ou par une demande de l'employeur à l'autorité administrative pour les entreprises de vingt salariés ou moins". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. L'article 12 quater vise à alléger les formalités administratives des entreprises employant vingt salariés ou moins pour bénéficier des aides financières liées à la diminution du temps de travail dans le cadre de la loi « Aubry I » dans le seul cas des accords offensifs de réduction du temps de travail.
Afin d'instaurer une plus grande souplesse et l'égalité entre les entreprises, l'amendement n° 36 étend cette mesure aux entreprises employant vingt salariés ou moins ayant signé des accords défensifs de réduction du temps de travail.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 36, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 12 quater, ainsi modifié.

(L'article 12 quater est adopté.)

Article 12 quinquies



M. le président.
« Art. 12 quinquies. - Il est inséré, dans l'ordonnance n° 77-1102 du 26 septembre 1977 portant extension et adaptation au département de Saint-Pierre-et-Miquelon de diverses dispositions relatives aux affaires sociales, un article 8-2 ainsi rédigé :
« Art. 8-2. - L'allégement de cotisations prévu à l'article L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale est applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les conditions prévues à cet article, aux cotisations à la charge de l'employeur mentionnées à l'article 7-1.
« La contribution prévue à l'article L. 212-5 du code du travail et à l'article 992-2 du code rural est recouvrée selon les règles et garanties prévues à l'article 8-1. »
Par amendement n° 37, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. L'article 12 quinquies vise à adapter les dispositions du projet de loi à la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, notamment la contribution de 10 % sur les quatre premières heures supplémentaires.
La rédaction de cet article est loin d'être parfaite. Par ailleurs, elle ne prend pas en compte la situation de Mayotte.
La commission s'étant prononcée contre les allégements de charges prévus à l'article 12 et contre la taxation des heures supplémentaires prévue à l'article 2, elle propose, par cohérence, la suppression de l'article 12 quinquies.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. En supprimant l'article 12 quinquies, la commission propose de supprimer l'allégement des charges sociales lié aux trente-cinq heures pour les entreprises de Saint-Pierre-et-Miquelon. Ce dispositif nous paraît défavorable pour les entreprises de cette collectivité territoriale. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement ne peut que s'y opposer.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 37, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 12 quinquies est supprimé.

Article 13



M. le président.
« Art. 13. - I. - L'intitulé de la section 4 du chapitre II du titre III du livre Ier du code du travail est ainsi rédigé : "Dispositions particulières aux entreprises de moins de cinquante salariés".
« II. - L'article L. 132-30 du code du travail est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, les mots : "les entreprises occupant moins de onze salariés, ainsi que celles occupant moins de cinquante salariés" sont remplacés par les mots : "les entreprises occupant moins de cinquante salariés" ;
« 2° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Dans le cas où les accords mentionnés au deuxième alinéa sont conclus dans le périmètre d'un groupement d'employeurs constitué dans les formes prévues à l'article L. 127-1, ce seuil d'effectif ne s'applique pas. » ;
« 3° Le deuxième alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Les accords conclus dans le cadre des commissions locales peuvent prendre la forme d'accords professionnels, interprofessionnels ou d'accords interentreprises signés par chacun des chefs des entreprises visées par ces accords. Les accords interentreprises sont soumis au régime prévu à l'article L. 132-19.
« III. - Le cinquième alinéa de l'article L. 127-1 du code du travail est complété par les mots : ", sauf dans le cas prévu à l'article L. 127-1-1".
« IV. - Après l'article L. 127-1 du code du travail, il est inséré un article L. 127-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 127-1-1. - L'adhésion à un groupement d'employeurs des entreprises et organismes mentionnés à l'article L. 431-1 occupant plus de trois cents salariés est subordonnée à la conclusion, dans l'entreprise ou l'organisme concerné, d'un accord collectif définissant les garanties accordées aux salariés du groupement.
« Cette adhésion ne peut prendre effet qu'après communication de l'accord à l'autorité compétente de l'Etat.
« V. - L'article L. 127-8 du code du travail est abrogé.
« VI. - Les groupements locaux d'employeurs constitués avant la date de publication de la présente loi peuvent recevoir de nouvelles adhésions dans des conditions définies aux cinquième et sixième alinéas de l'article L. 127-1 du code du travail. »
Par amendement n° 38, M. Souvet, au nom de la commission, propose d'insérer, après le II de cet article, un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« II bis. - Le quatrième alinéa de l'article L. 127-1 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée : "Une personne morale possédant plusieurs établissements enregistrés séparément soit au registre de commerce, soit au registre des métiers, soit au registre de l'agriculture, peut, au titre de chacun de ces établissements, appartenir à un groupement différent". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. L'abrogation, par cet article, de l'article L. 127-8 du code du travail, relatif aux groupements locaux d'employeurs, pose un problème.
Le quatrième alinéa de l'article L. 127-1 du code du travail, qui prévoit qu'une personne physique ou morale ne peut être membre que de deux groupements, n'était en effet pas applicable aux groupements locaux d'employeurs.
La disparition du statut des groupements précités va poser un problème aux entreprises qui disposent de plusieurs établissements bient distincts qui, jusqu'à présent, adhéraient à un groupement correspondant à leur bassin d'emploi.
Il paraît donc nécessaire de maintenir la possibilité de raisonner au niveau de l'établissement, sans quoi le présent article 13 constituerait non pas une avancée, mais un recul par rapport à la loi quinquennale de 1993.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Cet amendement vise à permettre aux entreprises d'adhérer à autant de groupements d'employeurs qu'elles disposent d'établissements. Je ne suis pas opposée à cette vision des choses. Ce n'est d'ailleurs l'objectif ni du Gouvernement ni de l'Assemblée nationale d'empêcher une telle mesure.
Je ne suis pas cependant pas sûre que la rédaction actuelle de cet amendement soit parfaite. Par conséquent, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 38, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 13, ainsi modifié.

(L'article 13 est adopté.)

Intitulé du chapitre VIII (précédemment réservé)



M. le président.
Par amendement n° 145, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit l'intitulé du chapitre VIII : « Adaptation de la loi du 13 juin 1998 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. C'est un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 145, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'intitulé du chapitre VIII est ainsi rédigé.

Chapitre IX

Sécurisation juridique

Article 14



M. le président.
« Art. 14. - I. - Sont réputées signées sur le fondement de la présente loi les stipulations des conventions ou accords collectifs étendus ou des accords d'entreprise ou d'établissement conclus en application de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail et qui sont conformes aux dispositions de la présente loi.
« II. - A l'exception des stipulations contraires aux articles L. 212-5 et L. 212-5-1 du code du travail issus de l'article 2 de la présente loi, les clauses des accords conclus en application des dispositions de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 précitée et contraires aux dispositions de la présente loi continuent à produire leurs effets jusqu'à la conclusion d'un accord collectif s'y substituant, et au plus tard pendant une durée d'un an à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 39 est présenté par M. Souvet, au nom de la commission.
L'amendement n° 54 est présenté par M. Huriet et les membres du groupe de l'Union centriste.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
Par amendement n° 55, M. Franchis et les membres du groupe de l'Union centriste proposent, dans le II de l'article 14, après les mots : « d'un an », d'insérer les mots : « ou, pour les entreprises de plus de 500 salariés, de deux ans ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 39.
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission a proposé un amendement n° 2 qui valide pour une durée de cinq ans l'ensemble des accords conclus. L'article 14, qui opère une régulation partielle, n'a donc plus d'objet. C'est pourquoi la commission vous propose d'adopter cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Nogrix, pour défendre l'amendement n° 54.
M. Philippe Nogrix. Je défendrai également, si vous le voulez bien, monsieur le président, l'amendement n° 55.
Avec ces amendements, nous demandons au Gouvernement de reconnaître les accords qui ont été signés et qui ont sans doute nécessité beaucoup de négociations et demandé beaucoup de travail aux uns et aux autres.
L'amendement n° 54 vise à supprimer la condition du délai d'un an pour la conclusion d'accords visant à remplacer ceux qui ont été conclus par les partenaires sociaux.
L'amendement n° 55 vise à ce que les accords continuent à produire leurs effets après la promulgation de cette seconde loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 55 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission, qui propose de supprimer l'article 14, a ce faisant pris une autre voie que connaît bien notre collègue.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 39, 54 et 55 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable aux amendements n°s 39 et 54, qui visent à la sécurisation juridique des accords.
Je comprends assez mal que l'on nous explique que les accords signés doivent - ce que je souhaite - être reconnus, dès lors que les clauses qui étaient illégales avant le vote de la loi le restent après le vote de la loi.
Je suis donc également défavorable à l'amendement n° 55.
M. Philippe Nogrix. Je retire l'amendement n° 55, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 55 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 39 et 54, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 14 est supprimé.

Article additionnel après l'article 14



M. le président.
Par amendement n° 93 rectifié, MM. Chérioux et Gournac proposent d'insérer, après l'article 14, un article additionnel ainsi rédigé :
« Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les versements effectués au titre de la rémunération des périodes de permanence nocturne, comportant des temps d'inaction, effectuées sur le lieu de travail en chambre de veille par le personnel en application des clauses des conventions collectives nationales et accords collectifs nationaux du travail agréés en vertu de l'article 16 de la loi n° 75-535 relative aux institutions sociales et médico-sociales, en tant que leur montant serait contesté par le moyen tiré de l'absence de validité desdites clauses. »
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Cet amendement est important, non pas parce que je le présente (Exclamations amusées sur les travées socialistes), mais en raison de son objet. Il concerne un problème que nous avons évoqué au début de nos travaux, à savoir la rémunération par équivalence des périodes de permanence effectuées sur le lieu de travail.
Les conventions collectives nationales de travail du secteur sanitaire, social et médico-social privé sans but lucratif, soumises à agrément ministériel au titre de l'article 16 de la loi du 30 juin 1975, contiennent des dispositions prévoyant une telle rémunération.
Mais la Cour de cassation, on l'a dit, a opéré un revirement de jurisprudence par une décision du 29 juin 1999, en décidant que les conventions collectives nationales agréées ne pouvaient édicter de dispositifs d'heures d'équivalence, au motif que cette faculté dérogatoire était limitée aux conventions ou accords collectifs étendus ou aux accords d'entreprise ou d'établissement.
Pour l'avenir, la situation semble réglée par l'article 1er quater , légèrement modifié par notre texte, qui l'a étendu, pour que la décision soit inattaquable, aux conventions agréées. Mais il reste le passé, qui peut être extrêmement coûteux.
Je m'étais permis de poser le problème en commission des affaires sociales à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité en lui faisant part des craintes du milieu associatif. En effet, si des actions étaient intentées par tous ceux dont les rémunérations pourraient être remises en cause, cela représenterait des sommes considérables, évaluées par le syndicat national des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales à 4 milliards de francs.
On a constaté qu'à la suite d'un certain nombre de décisions de justice définitives déjà prises des associations ont été condamnées à verser des sommes qui représentent jusqu'à 30 % de leur budget annuel ! Vous mesurez le risque que représenterait toute généralisation des contentieux pour les associations qui, connaissant de graves déséquilibres budgétaires, seraient amenées à déposer leur bilan, et aussi pour la collectivité nationale par le biais des collectivités locales.
Il importait de trouver une solution. Or, le seul moyen d'éviter un tel risque est de procéder à une validation législative de décisions, notamment salariales, prises sur la base des clauses des conventions collectives aujourd'hui contestées. Le Conseil constitutionnel a admis la procédure de validation pour « éviter que ne se développent des contestations dont l'aboutissement pourrait entraîner, soit pour l'Etat, soit pour les collectivités territoriales, des conséquences dommageables ».
C'est bien le cas et tel est l'objet de cet amendement n° 93 rectifié. Par conséquent, mes chers collègues, j'espère que vous serez d'accord pour le voter à l'unanimité, d'autant que Mme le ministre avait bien voulu dire qu'elle me rejoignait sur ce plan.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Absolument, je vous rejoins sur ce plan !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Je voudrais d'abord féliciter les auteurs de cet amendement, que nous devons à la pugnacité de M. Chérioux. Ce dernier a de grandes ambitions puisqu'il espère un vote à l'unanimité. Ce serait d'autant plus magnifique que cela ne s'est pratiquement jamais produit depuis le début de l'examen de ce texte !
M. le président. Monsieur le rapporteur, permettez-moi de vous faire observer qu'un tel vote est intervenu sur des amendements identiques du Gouvernement et de la commission ! (Sourires.)
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement n'est pas seulement important, il est essentiel, car il permet de régler, pour le passé, la délicate question des équivalences pour les établissements du secteur sanitaire, social et médico-social.
La solution proposée, qui valide les clauses des conventions collectives qui n'ont pas donné lieu à contentieux, devrait permettre de préserver l'équilibre financier de ces établissements, qui, sinon, est gravement menacé. C'est pourquoi la commission est vivement favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Comme d'habitude, M. Chérioux a posé une vraie question et y répond par une vraie réponse.
En effet, l'amendement n° 93 rectifié tend à valider le dispositif conventionnel actuel d'équivalences. Même si le droit et la jurisprudence ont évolué depuis la mise en place par les partenaires sociaux de ce dispositif, une telle validation semble nécessaire et conforme aux critères posés par le juge constitutionnel, car elle repose sur un motif d'intérêt général et ne porte pas atteinte aux décisions de justice devenues définitives.
Sur le fond, comme l'a dit M. Chérioux, il convient de noter que les partenaires ont engagé depuis une négociation de branche qui vise à rendre le dispositif conforme au droit actuel en maintenant une comptabilisation des temps d'inaction différente de celle du temps de travail effectif, à raison des spécificités des activités concernées.
C'est une bonne chose pour éviter à ces organismes des difficultés relatives à des décisions passées, dès lors qu'ils ont réglé le problème pour l'avenir ; je suis par conséquent favorable à cet amendement.
M. Alain Gournac. Bravo !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 93 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 14.
M. Alain Gournac. Les socialistes ont voté contre !
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est une erreur, nous voulions voter pour !
M. le président. Vous pourrez rectifier votre vote dans les conditions prévues par le règlement.
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous êtes sévère, monsieur le président !

Article 15



M. le président.
« Art. 15. - I. - Après l'article L. 212-2-2 du code du travail, il est rétabli un article L. 212-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 212-3. - La seule diminution du nombre d'heures stipulé au contrat de travail, consécutive à une réduction de la durée du travail organisée par une convention ou un accord collectif, ne constitue pas une modification du contrat de travail. »
« II. - Lorsqu'un ou plusieurs salariés refusent une modification de leur contrat de travail consécutive à une réduction de la durée du travail organisée par un accord conclu conformément aux dispositions de l'article 11 de la présente loi, leur licenciement est réputé reposer sur une cause réelle et sérieuse et est soumis à la procédure applicable en cas de licenciement individuel. »
Sur l'article, la parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Avec cet article, nous arrivons à un point essentiel du projet de loi. Nous ne sommes pas certains que sa portée a été bien mesurée et analysée, en tout cas si l'on en juge par les débats dont il a fait l'objet devant l'Assemblée nationale.
Le texte qui nous est proposé, sous couvert de sécurisation juridique, ne vise ni plus ni moins qu'à réformer un pan essentiel du droit des licenciements économiques.
Puisqu'il est question de sécurité juridique, objectif auquel chacun ne peut que souscrire, la première des conditions est de bien mesurer à quoi l'on touche et ce que l'on fait.
Evitons donc les faux-fuyants et abordons le sujet sous son angle juridique, parce que, si le législateur n'a pas lui-même les idées claires sur les règles qu'il crée, nous n'aurons pas avancé sur l'objectif de sécurité juridique.
Le premier paragraphe de cet article prévoit que la seule diminution du nombre d'heures stipulé au contrat de travail consécutive à un accord de réduction du temps de travail ne constitue pas une modification du contrat de travail. Cela signifie donc que le salarié, pris individuellement, ne peut s'opposer à cette réduction de son horaire de travail.
Voilà donc satisfait l'objectif de sécurisation juridique.
Comme l'indique le texte même de ce paragraphe, et c'est bien là que le bât blesse, le problème est que la réduction de l'horaire de travail n'est pas la seule modification résultant d'un accord de réduction de la durée du travail.
Il y a les compensations, comme il y en a dans tout accord collectif, et c'est bien l'objet du second paragraphe qui, lui, pose un problème grave.
On y envisage le cas où un salarié ou plusieurs salariés refusent une modification consécutive à un accord de réduction du temps de travail. Cette modification ne peut pas être la réduction de l'horaire, puisque nous venons de voir dans le paragraphe I que cette réduction n'est plus considérée comme une modification.
Alors, nous sommes bien d'accord, le paragraphe II concerne les modifications réflétant les concessions faites à l'employeur en échange de la réduction de la durée hebdomadaire, c'est-à-dire la partie de l'accord défavorable au salarié.
Or, que prévoit-on en pareil cas ?
Premièrement, que la procédure applicable est alors la procédure individuelle. Deuxièmement, que le licenciement est alors réputé fondé sur un motif réel et sérieux.
En autres termes, voilà supprimé le contrôle en amont et annulée la jurisprudence Framatome et Majorette de la Cour de cassation, tant décriée par un patronat, qui trouve ici la satisfaction de sa revendication !
En effet, se trouve annulée l'obligation faite à l'employeur de présenter un projet de plan social dès lors qu'il envisage de modifier le contrat de plus de dix salariés sur une période de moins de trente jours, obligation sanctionnée par la possible annulation dudit plan social et de ses conséquences, c'est-à-dire des licenciements subséquents.
J'observe que notre interprétation de cet article est confirmée par le rapporteur de la commission de l'Assemblée nationale. Il indiquait, en effet, le 15 octobre dernier, que si l'on supprimait ce paragraphe : « on pourrait alors imaginer qu'un salarié puisse, en refusant l'application d'un accord, provoquer son licenciement et l'obtenir pour des raisons abusives avec dommages et intérêts. Et si plusieurs salariés sont concernés, le respect des règles fixées dans une entreprise importante imposera le déclenchement d'un plan social ».
On ne peut être plus clair quant à l'objectif.
Par ailleurs, se trouve également supprimé le contrôle en aval, celui qui est effectué par le conseil des prud'hommes, puisque le licenciement prononcé dans ces conditions est réputé fondé sur un motif réel et sérieux.
Vous avez indiqué, madame la ministre, toujours le 15 octobre dernier devant nos collègues de l'Assemblée nationale, que l'adjectif « réputé » laissait au salarié toute latitude pour contester son licenciement puisqu'il ne s'agirait que d'une simple présomption. C'est inexact.
Vous n'ignorez pas que l'adjectif « réputé » est interprété par la jurisprudence comme significatif d'une présomption irréfragable, c'est-à-dire dont on ne peut apporter la preuve contraire, et non comme une présomption simple.
Par exemple, lorsque le code du travail dispose, en son article L. 122-3-1, qu'à défaut d'écrit un contrat à durée déterminée est réputé conclu pour une durée indéterminée, la requalification en contrat à durée indéterminée est automatiquement prononcée par le juge et la démarche de l'employeur visant à apporter la preuve contraire, par exemple en invoquant l'existence d'un contrat verbal, est irrecevable.
Nous dressons le même constat s'agissant de l'article L. 321-1-2 du code du travail, lequel dispose que le salarié qui n'a pas fait connaître à l'employeur, dans le délai d'un mois, sa position sur une proposition de modification de son contrat pour motif économique est réputé avoir accepté la modification proposée.
Selon la jurisprudence, cette modification est définitivement acquise et la présomption est bien irréfragable.
Certes, le ou les salariés concernés pourront toujours tenter leur chance, et les portes du conseil des prud'hommes ne leur seront pas formellement fermées, mais le résultat est connu d'avance.
Le sens que la jurisprudence donne à l'adjectif « réputé » est tellement connu, et ce depuis longtemps, que nous ne pouvons pas croire qu'il s'agisse d'une erreur de plume.
Le contrôle en aval ne sera donc plus possible, ce qui pose, au-delà du problème social et de l'éternelle opposition du pot de terre contre le pot de fer, un problème de constitutionnalité. En effet, le juge judiciaire est, constitutionnellement, gardien des libertés individuelles, notamment de celle de contracter. A ce titre, nulle loi ne peut interdire à un contractant de faire sanctionner la rupture abusive de ce contrat.
Telles sont les raisons de notre inquiétude, qui n'ont pas été levées - loin s'en faut ! - par les débats de l'Assemblée nationale. C'est pourquoi nous déposons, comme ce fut le cas à l'Assemblée nationale, un amendement de suppression du second paragraphe de cet article.
Nos questions n'ont rien d'académique, et nous souhaitons que, cette fois-ci, une réponse y soit vraiment apportée.
M. le président. Sur l'article 15, je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
Le premier, n° 132, est présenté par M. Fischer, Mme Borvo, et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Le second, n° 141, est présenté par M. Mélenchon.
Tous deux visent à supprimer le II de l'article 15.
Par amendement n° 40, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le II de l'article 15 :
« II. - Lorsqu'un ou plusieurs salariés refusent une modification de leur contrat de travail consécutive à une réduction de la durée du travail organisée par une convention ou un accord collectif de travail, leur licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse. Cette procédure de licenciement individuel ne constitue pas une modalité du licenciement pour motif économique. »
Par amendement n° 90, Mmes Dieulangard, Printz et Pourtaud, MM. Domeizel, Cazeau, Weber, Mélenchon, Lagauche et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le II de l'article 15, de remplacer le mot : « réputé » par le mot : « présumé ».
La parole est à Mme Beaudeau, pour présenter l'amendement n° 132.
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'un des arguments avancés pour justifier le second paragraphe de l'article 15 est que, en toute hypothèse, l'accord collectif, à l'origine des modifications que le salarié ne pourra de facto plus contester, devra recueillir l'aval des syndicats majoritaires au sens de l'article 11 du projet de loi. En d'autres termes, toute tentative de détournement de l'esprit de la loi serait par avance promise à l'échec par le contrôle des syndicats majoritaires.
Fort bien ! Mais, s'il en est ainsi, pourquoi ne pas avoir écrit dans cette deuxième partie du paragraphe de l'article 15 : « Lorsqu'un ou plusieurs salariés refusent une modification de leur contrat de travail prévue par un accord conclu conformément aux dispositions de l'article 11... ».
Au lieu et place de cette rédaction claire, on vise une modification « consécutive à une réduction de la durée du travail organisée par un accord conclu... ».
Evidemment, une question très simple vient à l'esprit : qui décidera qu'une modification est consécutive à un accord de réduction de temps de travail, donc rendue nécessaire par ledit accord ?
La rédaction qui nous est proposée établit non pas un lien direct mais un lien indirect entre l'accord et la modification du ou des contrats. Cela signifie qu'un acte de volonté est intercalé entre les deux.
Dans l'absence totale d'explication sur cette rédaction sybilline, nous somme fondés à penser que cet acte de volonté - celui qui interprétera les clauses de l'accord collectif comme rendant nécessaires les modifications consécutives - ne pourra émaner que de l'employeur, et de l'employeur seul.
Il en sera alors fini du filtre constitué par l'exigence de la signature de l'accord par les syndicats majoritaires au sens de l'article 11.
Dès lors, nous interprétons le paragraphe II de l'article 15 comme un instrument permettant au mieux de rendre les syndicats codécideurs de licenciements que plus personne ne pourra contrôler ni sanctionner, au pire de donner à l'employeur la possibilité de se prévaloir de leur signature sur un accord pour décider seul, et toujours, bien entendu, sans contrôle.
Et que l'on ne nous réponde pas qu'il faut faire confiance à la jurisprudence ! Certes, nous en sommes convaincus, la jurisprudence peut faire oeuvre utile - elle l'a montré au cours de la dernière décennie, notamment dans le domaine des licenciements pour motif économique - mais à condition que les termes de la loi votée soient dépourvus de toute ambiguïté et, évidemment, qu'on n'utilise pas un mot pour un autre.
Or, la rédaction qui nous est proposée est une manifestation de défiance à l'égard de cette jurisprudence.
Notre préoccupation demeurera aussi longtemps que l'on n'aura pas adopté une rédaction moins alambiquée et très concrète ; telle est la raison d'être de l'amendement n° 132.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon, pour présenter l'amendement n° 141.
M. Jean-Luc Mélenchon. Nous traitons là d'une question sérieuse, qui pourrait être douloureuse si nous ne prenions pas toutes les précautions. Evidemment, elle a un aspect technique qui peut la rendre rebutante. Pour ma part, j'avoue ne pas faire partie de ceux de nos collègues qui sont experts en législation du travail. Je consulte, j'écoute. Bien des gens se sont ouverts à nous, et je ne peux cacher que les membres du groupe socialiste sont très inquiets : il nous semble que nos amis de l'Assemblée nationale n'ont peut-être pas bien fait ce qu'ils avaient à faire.
Je vais résumer la situation dans les mots simples qui sont les miens.
Imaginons qu'un accord sur le temps de travail intervienne, impliquant des modifications dans les conditions de vie quotidienne d'un travailleur. De telles modifications peuvent, pour certains, provoquer de très graves perturbations dans leurs conditions de vie, qu'il s'agisse d'une modification d'horaire, de salaire, de cycle de travail, etc., au point qu'il leur devienne impossible de remplir leur emploi.
Légitimement, on peut s'attendre, dans ce cas, à ce qu'un arrangement intervienne dans le cadre de l'entreprise et qu'une proposition soit faite au salarié concerné.
Mais cela peut ne pas se produire, soit parce que les relations sociales ne sont pas bonnes dans l'entreprise, soit parce qu'untel veut régler des comptes avec tel autre.
Que se passe-t-il alors ?
D'après le texte, si l'intéressé refuse la modification de son contrat de travail, il peut être licencié, et ce dans des conditions qui constituent une première dans le code du travail. Je crois que c'est en effet un cas unique : est ainsi prévu un cas de licenciement « réputé reposer sur une cause réelle et sérieuse ». Dès lors, le travailleur ne peut plus se retourner vers les prud'hommes en disant : « On m'a jeté dehors, alors qu'on aurait pu me faire une proposition qui m'aurait arrangé. On n'a pas fait d'effort, on m'en veut. » Le texte disant que le licenciement est réputé reposer sur des causes réelles et sérieuses, il y a présomption de culpabilité.
Je fais l'amitié à ceux qui ont rédigé le texte, et que je pense bienveillants, de croire qu'ils ont utilisé le mot « réputé » pour laisser, malgré tout, une certaine ouverture. En fait, ils ont mal travaillé, parce qu'on en déduit que le caractère définitif du licenciement et sa cause réelle et sérieuse sont établis.
D'ailleurs, à la lecture de l'amendement n° 40, on voit que cette tentation existe puisque M. le rapporteur, lui, n'y va pas par quatre chemins. Il ne ménage même plus la moindre petite ouverture : « leur licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse », y est-il dit. Au revoir, merci, et à la prochaine ! Monsieur le rapporteur, je vous trouve d'une brutalité extraordinaire ! Essayez de vous situer dans la vie quotidienne !
Je vais vous citer un exemple, à vous qui êtes si amateur de négociations depuis quarante-huit heures.
Un accord est conclu dans une entreprise employant trente personnes. Dix-huit sont pour et douze contre. Parmi ces salariés - le cas n'est pas si rare - figurent huit femmes à qui la modification de l'horaire rend la vie impossible. Elles sont licenciées. Il ne s'agit pas d'un licenciement collectif ni d'un licenciement économique. Si elles plaident leur cause devant le conseil de prud'hommes, le juge est en droit de leur dire que, en application de tel article de telle loi, leur licenciement est réputé établi sur des causes réelles et sérieuses. Elles ont perdu leur temps et leur travail !
Je comprends bien la motivation sous-jacente à ce texte qui est de garantir les accords. On ne peut pas tout contester dès lors qu'une majorité s'est mise d'accord. Mais cette garantie est déjà assurée dans le premier alinéa de l'article L. 212-3, qui dispose : « La seule diminution du nombre d'heures stipulé au contrat de travail, consécutive à une réduction de la durée du travail organisée par une convention ou un accord collectif, ne constitue pas une modification du contrat de travail. »
A celui qui ne serait pas intéressé par la réduction du temps de travail mais qui voit son horaire de travail, modifié, cet alinéa permet de répondre : « C'est ainsi, il ne s'agit pas d'une modification du contrat du travail ; vous devez donc accepter cette réduction du temps de travail. » Sur ce point, la sécurisation juridique existe. Mais l'article L. 213-3 dispose également : « Lorsqu'un ou plusieurs salariés refusent une modification de leur contrat de travail consécutive à une réduction du temps de la durée du travail... »
Dès lors, ce qui est en cause, ce n'est pas la réduction elle-même, ce sont les conséquences collatérales du processus de réduction du temps de travail.
Je pense donc, mes chers collègues, qu'il faut prendre une mesure, sinon - involontairement, j'en suis sûr, sauf pour les partisans de l'amendement n° 40 - nous allons créer un précédent qui peut avoir des conséquences terribles.
Pour répondre à cette préoccupation, mon groupe a déposé un amendement, auquel je m'associe pleinement, visant à remplacer le mot « réputé » par le mot « présumé ». Nous pensons ainsi améliorer la situation. Notre souci est de donner une chance au salarié devant le conseil des prud'hommes dans le cas que j'ai décrit tout à l'heure ; et vous savez bien qu'il en va ainsi quotidiennement dans les entreprises.
Nous avons consulté certains juristes, qui ont estimé que « réputé » valait « présumé » ; nous avons donc décidé, d'abord, de proposer la suppression du second alinéa de l'article, qui est un facteur de confusion extraordinaire. Ainsi, nous rétablirons l'équilibre entre l'employeur et l'employé dans les conditions que je viens de décrire.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 40.
M. Louis Souvet, rapporteur. Je ne reviendrai pas sur les considérations qui viennent d'être exposées : « réputé », « présumé »...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. C'est pourtant un vrai débat !
M. Louis Souvet, rapporteur. Je dirai seulement que le paragraphe II de l'article 15, en prévoyant que le licenciement d'un salarié qui refuse une modification de son contrat de travail consécutive à la réduction du temps de travail repose sur une cause réelle et sérieuse, exclut l'hypothèse du licenciement abusif.
En précisant que le licenciement est individuel, il dispense l'employeur d'adopter un plan social dans l'hypothèse d'un licenciement collectif.
La commission propose de considérer que ce licenciement ne constitue pas un licenciement pour motif économique afin qu'il n'emporte pas l'application de dispositions comme la priorité de réembauche ou la convention de reconversion.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard, pour présenter l'amendement n° 90.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Notre amendement tend à remplacer, dans le paragraphe II de l'article 15, le mot « réputé » par le mot « présumé ».
Je rappelle que cet article participe à la clarification de la situation des salariés liés à l'entreprise par un contrat de travail, par définition individuel, et auxquels s'applique un accord, par définition collectif.
L'existence du contrat et de l'accord en parallèle n'a, longtemps, posé aucun problème. Ce n'est qu'avec l'évolution de la situation de l'emploi au cours des dernières décennies et celle, parallèle, des rapports sociaux que sont apparus les accords dits « donnant-donnant ».
Il s'agit des accords où chacun des partenaires sociaux fait un pas, abandonne un avantage, mais en reçoit un autre en échange, et cela, espère-t-on, dans l'intérêt commun.
C'est là qu'est apparue la difficulté : comment arbitrer entre le contrat, dont les stipulations lient l'employeur et le salarié, et l'accord qui s'applique à tous, mais peut comporter pour tel salarié des inconvénients que celui-ci jugera inacceptables ? En l'espèce, il convient de trouver un équilibre entre d'une part, les clauses de l'accord, qui sera signé par une organisation syndicale majoritaire et, le cas échéant, approuvé par une consultation du personnel, et, d'autre part, les intérêts éventuellement divergents du salarié.
La rédaction de l'article 15 répond donc à la légitime préoccupation du Gouvernement de sécuriser les accords collectifs et d'éviter des recours dilatoires qui mettraient en péril l'application d'un accord profitable à l'entreprise et à la grande majorité, voire à la quasi-totalité, des salariés.
Le paragraphe I de l'article indique que la seule réduction du nombre d'heures dans le cadre d'un accord collectif n'est pas une modification du contrat de travail. Cela ne pose pas de problème. On imagine d'ailleurs mal qu'un salarié présente une requête au seul motif que son temps de travail a été diminué.
En revanche, le paragraphe II nous pose un sérieux problème. Vous avez d'ailleurs parlé à ce sujet, madame la ministre, de licenciement sui generis .
Une modification du contrat de travail est un changement affectant de manière substantielle les conditions d'exécution du contrat : on peut citer une baisse de la rémunération ou un changement important de lieu de travail, impliquant des temps de transports sensiblement plus longs ou même un déménagement.
Selon la rédaction qui nous arrive de l'Assemblée nationale, la modification du contrat de travail ne serait pas constituée. Il en est déduit, dans la foulée, que le licenciement du salarié serait « réputé » reposer sur une cause réelle et sérieuse.
Il résulte de l'emploi du mot « réputé » que la décision des prud'hommes est liée, sauf non-respect de la procédure, cela va de soi, et que le salarié qui s'estimerait lésé n'aurait aucune chance de voir son licenciement déclaré abusif. Il n'aurait même pas accès à une convention de conversion.
Si l'on peut fort bien comprendre la préoccupation du Gouvernement, et éventuellement de certains partenaires sociaux, de voir primer la solidité des accords, cette rédaction peut aboutir à ce que des salariés réellement lésés ne puissent faire valoir leurs droits et obtenir réparation d'un dommage.
C'est, pour celui qui prend la responsabilité d'être le législateur, un point de droit tout à fait - sans jeu de mot - réel et sérieux.
C'est pourquoi, madame la ministre, nous proposons de remplacer le mot « réputé » par le mot « présumé ». Cela laisserait un pouvoir d'appréciation aux prud'hommes en faisant de la cause réelle et sérieuse du licenciement une présomption simple.
Cette solution nous paraît, sans être parfaite, respectueuse des droits de chacun et garantit l'équilibre entre le contrat de travail individuel et l'accord collectif.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 132, 141 et 90 ?
M. Louis Souvet. rapporteur. La commission ayant retenu une autre voie, elle a émis, sur ces trois amendements, un avis défavorable.
M. le président. Que est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 132, 141, 40 et 90 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il s'agit là d'un débat tout à fait important à la fois pour les salariés et pour les entreprises.
N'oublions pas que les entreprises qui signent des accords de réduction de la durée du travail le font dans le cadre d'une loi votée par le Parlement et s'inscrivent donc, en quelque sorte, dans ce qui a été voulu par le pouvoir politique. Il est donc tout à fait nécessaire que les entreprises qui se conforment à la loi et signent l'accord conformément à celle-ci ne puissent pas se retrouver en situation d'insécurité juridique, ce que la jurisprudence pouvait donner à penser jusqu'à présent. Il ne faudrait pas, par exemple, qu'elles soient ainsi conduites à réaliser un plan social.
Ce serait d'ailleurs là un singulier paradoxe. Imaginons qu'une entreprise réduise la durée du travail et crée des emplois. Dans le cadre législatif actuel, si plus de neuf salariés refusaient l'accord signé, elle serait obligée de faire un plan social, alors même qu'elle crée des emplois.
Par conséquent, nous devons absolument garantir la sécurité juridique à l'employeur.
Cependant, nous devons parallèlement assurer au salarié - et c'est le lien entre l'accord et le contrat de travail - qu'il peut, dès lors que son contrat de travail subit des modifications portant atteinte à ses conditions de vie et de travail, refuser ces modifications en ayant droit à une procédure de licenciement, c'est-à-dire à une justification, à la possibilité de le contester devant les tribunaux et à des indemnités de licenciement.
Si la loi n'intervenait pas sur ce point, il s'ensuivrait une insécurité pour les entreprises mais aussi pour les salariés. En effet, la jurisprudence pourrait assimiler le refus par le salarié de la nouvelle organisation de l'entreprise à une démission. Elle pourrait même aller jusqu'à y voir une faute si elle estimait que l'accord ne modifiait pas réellement le contrat de travail.
Il nous faut donc trouver la juste voie qui permet de sécuriser l'entreprise pour l'avenir tout en évitant au salarié de se trouver dans une situation délicate.
Nous avons distingué deux cas.
Contrairement à ce qu'avance la commission, M. Fischer, M. Mélenchon et Mme Dieulangard viennent de le dire : le premier alinéa ne pose pas de problème. Si l'accord prévoit une simple réduction de la durée du travail sans aucun changement dans les conditions de vie et les conditions de travail du salarié - par exemple, la durée hebdomadaire passe de trente-neuf à trente-cinq heures avec quatre heures de moins le vendredi après-midi, sans diminution du salaire, sans modération salariale, sans la moindre modification négative des conditions de travail - l'employeur n'est alors évidemment pas obligé de payer des indemnités de licenciement, puisqu'il s'agit d'un accord totalement favorable à l'employé.
Dans la situation actuelle, on pourrait rencontrer des cas - notamment dans des secteurs où l'on recherche des salariés ayant une certaine qualification, par exemple des informaticiens - où le salarié refuserait l'accord uniquement pour quitter l'entreprise, empocher les indemnités de licenciement et aller aussitôt se faire réembaucher ailleurs.
M. Philippe Nogrix. Très bien ! Voilà un exemple réaliste !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il faut évidemment éviter cela. Mais votre rapporteur supprime la disposition qui permet précisément de l'éviter. Je ne comprends pas !
M. Jean Delaneau, président de la commission. Nous ne touchons pas au paragraphe I !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vous prie de m'excuser. J'ai sans doute mal lu l'amendement de la commission !
J'en viens au second cas, celui qui est visé par le paragraphe II.
Dans ce cas-là, il n'y a pas seulement réduction dans l'intérêt du salarié ; il y a, par exemple, changement sensible des horaires de travail, travail le samedi matin, réduction du salaire ou modération salariale. Le salarié peut alors refuser de se voir appliquer cet accord. Il faut que ce soit, pour lui, une rupture du contrat de travail du fait de l'employeur, et non pas de son propre fait. Il ne faut pas que ce soit, pour l'employeur, un licenciement économique. Il faut que ce soit pour le salarié un licenciement sui generis, c'est-à-dire ni un licenciement pour faute ni un licenciement économique. Bref, il faut que ce licenciement puisse lui donner droit à des indemnités de licenciement.
Notre objectif, c'est cela, et il est vrai que la rédaction actuelle du II, qui a d'ailleurs été modifiée en Conseil d'Etat, ne correspond pas totalement, comme l'ont dit Mme Dieulangard, M. Fischer et M. Mélenchon, à cet objectif : que le licenciement soit réputé reposer sur une cause réelle et sérieuse pourrait donner à penser que le juge ne dispose d'aucune marge d'appréciation.
A l'inverse, je ne souhaite pas que le juge puisse, dans tous les cas, remettre en cause la validité du refus par un salarié de certaines modifications de ses conditions de travail.
Nous travaillons à une nouvelle rédaction qui corresponde à l'objectif qui a été mis en avant par les uns et par les autres. D'ores et déjà, j'estime que la rédaction proposée par Mme Dieulangard constitue une amélioration du texte. J'émets donc un avis favorable sur l'amendement n° 90, même si je pense que nous pourrons encore apporter de nouvelles améliorations en seconde lecture.
Par voie de conséquence, j'émets un avis défavorable sur les amendements identiques n°s 132 et 141, même si je partage la préoccupation de MM. Fischer et Mélenchon.
En revanche, je ne peux pas du tout acquiescer à l'amendement de M. Souvet, qui reviendrait à considérer qu'un salarié dont on modifie les conditions de vie et de travail ne pourrait pas avoir droit à un licenciement assorti d'indemnités.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 132 et 141.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous avez dit, madame le ministre, que le débat sur l'article 15 était important, et il est bien vrai qu'il y a là un enjeu considérable.
L'histoire récente est pleine de ces réformes qui suscitaient un grand espoir et qui n'ont engendré que la désillusion parce que intrinsèquement viciées par des dispositions contraires à l'objectif premier de la loi.
M. Emmanuel Hamel. Très bien ! C'est très important !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous ne saurions accepter que, dans certaines entreprises où s'appliquera la conception « défensive » de la loi, le seul contact que les salariés auront eu avec la loi sur les 35 heures se traduise par un licenciement collectif sans plan social, incontrôlable en amont par les représentants du personnel et en aval par les salariés concernés.
Et il ne s'agit pas de politique-fiction !
Nous observons d'ailleurs que le MEDEF, si prompt à critiquer ou à caricaturer d'autres dispositions de ce projet de loi, est resté très silencieux sur cet article 15.
Non, décidément, nous ne pouvons admettre une rédaction qui va bien au-delà de ce qu'exige la sécurité juridique des accords à venir.
Nous maintenons que la rédaction de ce second paragraphe permet aux employeurs d'utiliser la loi sur les 35 heures pour échapper à leurs obligations en matière de plan social, ce qui est tout de même un comble !
Un tel article est, au demeurant, parfaitement contradictoire avec l'amendement dit « amendement Michelin », que les groupes de la majorité ont adopté ensemble à l'Assemblée nationale.
Avec cet amendement Michelin, nous voulons faire - et nous le ferons, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale ! - de l'accord sur les 35 heures un rempart, fût-il encore insuffisant, contre les licenciements collectifs injustifiés.
Avec l'article 15, on permet aux employeurs de procéder à des licenciements collectifs sans plan social et sans contrôle grâce à un accord sur les 35 heures.
Pendant que l'on remet aux calendes grecques le nécessaire débat sur la non moins nécessaire réforme du droit des licenciements économiques, nous ne pouvons admettre que l'on profite de la loi sur les 35 heures pour procéder à une réforme qui ne va certainement pas dans le sens souhaité par celles et ceux qui, en juin 1997, ont exprimé leur volonté de changement.
Nous maintenons qu'il n'est pas admissible de procéder ainsi alors que la réforme du droit des licenciements économiques figurait au nombre des engagements pris par le Premier ministre dans son discours de politique générale de juin 1997.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 132 et 141, répoussés par la commision et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 40, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 90 n'a plus d'objet.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'article 15, ainsi modifié.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. L'article 15, après ce que la majorité sénatoriale vient de lui faire subir, ne trouvera vraiment pas grâce à mes yeux !
Je veux appeler l'attention de Mme Beaudeau sur ce qui vient de nous être dit par Mme la ministre. Nous devons en tenir compte, car c'est très important. Nous ne pouvons pas camper sur la position que nous avions au début de cette discussion.
J'ai bien compris, et mes collègues ont bien entendu, que nous sommes en phase sur le premier paragraphe. Il n'y a pas de discussion entre nous sur ce point.
S'agissant du second paragraphe, je ne récapitulerai pas mes arguments, car il est trop tard pour cela, et je sais que vous les avez entendus et que vous les prenez en compte. Vous avez, comme nous, madame la ministre, identifié la difficulté. Vous avez indiqué que le texte serait modifié pour répondre à la demande présentée par plusieurs d'entre nous, demande partiellement satisfaite par l'amendement du groupe socialiste auquel vous avez donné votre approbation. J'ai toutefois bien noté votre : « On peut faire encore mieux. »
Dans ces conditions, pour ce qui me concerne, j'estime que cette discussion a été très fructueuse et je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 15, modifié.

(L'article 15 est adopté.)

Article 15 bis



M. le président.
« Art. 15 bis. - Après le deuxième alinéa de l'article L. 321-13 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 1° bis Licenciement en cas de refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail consécutif à une réduction de la durée du travail organisée par un accord conclu conformément aux dispositions de l'article 11 de la loi n° du relative à la réduction négociée du temps de travail ; ».
Par amendement n° 41, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger ainsi cet article :
« Après le deuxième alinéa (1°) de l'article L. 321-13 du code du travail, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Licenciement en cas de refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail consécutive à une réduction de la durée du travail organisée par une convention ou un accord collectif. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet rapporteur. Cet article additionnel a été introduit par l'Assemblée nationale. Il exempte l'employeur du versement de la contribution Delalande lorsque le licenciement trouve son origine dans le refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail consécutive à une réduction de la durée du travail. L'amendement qui vous est proposé améliore la rédaction de cet article et supprime la référence à l'article 11 du projet de loi, que nous venons de supprimer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry ministre de l'emploi et de la solidarité. L'avis est défavorable. Il faut en effet maintenir les conditions prévues à l'article 11 puisque, dans l'article 15 bis, nous prévoyons que sont exonérés de la contribution Delalande les accords signés dans les conditions de l'article 11.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 41, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 15 bis est ainsi rédigé.

Chapitre X

Rémunération

M. le président. Par amendement n° 146, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer cette division et son intitulé.
Il m'apparaît que cet amendement doit être réservé jusqu'au terme de l'examen de l'article 16.
M. Louis Souvet, rapporteur. Effectivement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Favorable.
M. le président. En conséquence, la réserve est ordonnée.

Article 16



M. le président.
« Art. 16. - I. - Les salariés dont la durée du travail a été réduite à trente-cinq heures ou plus à compter de l'entrée en vigueur de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail ne peuvent percevoir, postérieurement au 1er janvier 2000, un salaire mensuel inférieur au produit du salaire minimum de croissance en vigueur à la date de la réduction par le nombre d'heures correspondant à la durée collective qui leur était applicable, dans la limite de cent soixante-neuf heures. Cette garantie est assurée par le versement d'un complément différentiel de salaire.
« Le minimum applicable à chaque salarié concerné par le premier alinéa du présent article est revalorisé au 1er juillet en fonction de l'évolution de l'indice des prix à la consommation mentionné à l'article L. 141-3 du code du travail et de la moitié de l'augmentation du pouvoir d'achat du salaire mensuel de base ouvrier enregistré par l'enquête trimestrielle du ministère du travail. Le taux de la revalorisation est fixé par arrêté.
« Si la durée collective est réduite en deçà de trente-cinq heures, les salariés perçoivent au minimum le salaire mensuel tel que défini ci-dessus à due proportion de la réduction de la durée du travail en deçà de trente-cinq heures.
« II. - Les salariés embauchés à temps complet postérieurement à la réduction de la durée collective de travail et occupant des emplois équivalents à ceux occupés par des salariés bénéficiant du minimum prévu au I ne peuvent percevoir une rémunération inférieure à ce minimum.
« III. - Les salariés à temps partiel, employés dans les entreprises où la durée collective est réduite en dessous de trente-neuf heures, et dont la durée du travail est réduite ne peuvent percevoir un salaire inférieur au minimum défini au I calculé à due proportion. Il en va de même pour les salariés embauchés à temps partiel postérieurement à la réduction de la durée collective de travail et occupant des emplois équivalents.
« III bis. - Dans les cas où, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 122-12 du code du travail, les contrats de travail se poursuivent à la suite d'une modification intervenue dans la situation juridique de l'employeur, le nouvel employeur est tenu de verser aux salariés concernés le même complément différentiel de salaire que celui dont ils bénéficiaient à la date de cette modification. Le minimum applicable à chaque salarié est ensuite revalorisé dans les mêmes conditions que celles définies au deuxième alinéa du I.
« IV. - Avant le 31 décembre 2002, le Gouvernement, après consultation de la Commission nationale de la négociation collective, présentera au Parlement un rapport retraçant l'évolution des rémunérations des salariés bénéficiant de la garantie définie ci-dessus et précisant les mesures envisagées, en tant que de besoin, pour rendre cette garantie sans objet au plus tard le 1er juillet 2005 compte tenu de l'évolution du salaire mensuel de base ouvrier mentionné au I et de la progression du salaire minimum de croissance prévu à l'article L. 141-2 du code du travail.
« V. - Sous réserve des dispositions du III, lorsque les salariés dont la durée du travail a été réduite perçoivent le complément prévu au I du présent article ou un complément de même nature destiné à assurer le maintien de tout ou partie de leur rémunération en application des stipulations d'une convention ou d'un accord collectif étendu ou d'une convention ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement, ce complément n'est pas pris en compte pour déterminer la rémunération des salariés à temps partiel telle que définie au troisième alinéa de l'article L. 212-4-5 du code du travail, sauf stipulation contraire de l'accord collectif. »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 42, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
Les trois amendements suivants sont présentés par M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 133 tend à compléter in fine le premier alinéa du I de l'article 16 par une phrase ainsi rédigée : « La rémunération des heures supplémentaires, ainsi que les primes diverses, ne s'imputent pas sur le complément différentiel, lequel est pris en compte pour le calcul de la valeur des heures supplémentaires. »
L'amendement n° 134 vise à compléter in fine le III de l'article 16 par une phrase ainsi rédigée : « La rémunération des heures supplémentaires, ainsi que les primes diverses, ne s'imputent pas sur le complément différentiel, lequel est pris en compte pour le calcul des heures complémentaires. » L'amendement n° 135 a pour objet de rédiger ainsi le paragraphe V de l'article 16 :
« V - Lorsque les salariés, dont la durée du travail a été réduite, perçoivent le complément prévu au I du présent article, ou un complément de même nature destiné à assurer le maintien de tout ou partie de leur rémunération en application des stipulations d'une convention ou d'un accord collectif étendu ou d'une convention ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement, ce complément est pris en compte pour déterminer la rémunération des salariés à temps partiel, telle que définie au troisième alinéa de l'article L. 212-4-5 du code du travail, sauf stipulation contraire de l'accord collectif. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 42.
M. Louis Souvet, rapporteur. Dans le cadre de l'abaissement de la durée légale du temps de travail, se pose la question du SMIC, qui est un taux horaire.
La réduction de la durée légale du travail entraînerait, à SMIC horaire inchangé, une baisse du SMIC mensuel. Le projet de loi prévoit que les salariés qui passent à 35 heures bénéficient d'un complément de salaire leur permettant d'avoir un revenu égal au SMIC perçu en travaillant 39 heures. Cela peut créer des effets pervers.
Dans les entreprises de moins de vingt salariés, certains salariés au SMIC travailleront 39 heures payées 39 heures, tandis que, dans les entreprises plus importantes, des salariés qui travaillent 35 heures continueront à être payés 39 heures. Dans la mesure où nous ne sommes pas dans cette logique de passage autoritaire à 35 heures, nous proposons un amendement de suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Luc, pour présenter les amendements n°s 133 et 134.
Mme Hélène Luc. Ces amendements visent à préciser que les majorations pour heures supplémentaires ne s'imputeront pas sur le montant du complément différentiel prévu pour garantir le maintien de la rémunération des salariés au SMIC ; à défaut, les quatre premières heures supplémentaires deviendraient gratuites jusqu'en juillet 2005.
Le Lamy social, revue juridique sérieuse, a identifié cette difficulté dans son numéro d'août 1999.
En janvier 2000, l'article 16 peut être interprété de deux manières différentes : le SMIC pour 152 heures mensuelles plus le complément différentiel ou le SMIC pour 152 heures mensuelles plus 17,66 francs les heures supplémentaires. Dans les deux cas, le salaire mensuel de janvier 2000 sera bien au niveau de celui de décembre 1999.
Les entreprises seraient donc fortement incitées à se servir de toutes les possibilités légales pour maintenir une durée de travail supérieure à 35 heures en utilisant systématiquement le quota d'heures supplémentaires, même si elles appliquent un accord relatif aux 35 heures ouvrant droit aux allégements de cotisations de sécurité sociale.
Dans ces conditions, non seulement l'objectif « emploi » serait compromis, mais, en plus, les salariés concernés pourraient être payés 6 882 francs lorsqu'ils effectuent 35 heures par semaine et pas un sou de plus quand ils accomplissent des heures supplémentaires !
Afin que la réduction du temps de travail ne s'accompagne d'aucune baisse de rémunération pour les salariés payés au SMIC, nous proposons au Sénat d'adopter les amendements n°s 133 et 134.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° 135.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le sort des salariés rémunérés au SMIC a été réglé pour ceux qui travaillent à temps plein, pour les nouveaux embauchés ainsi que pour les nouvelles entreprises. Reste à débattre du sort des salariés à temps partiel.
En l'état actuel du texte, les salariés à temps partiel payés ou non au SMIC et qui conserveront leur ancien horaire ne pourront plus se prévaloir de la règle de proportionnalité des salaires lorsque la durée du travail des salariés à temps complet aura été réduite sans diminution de rémunération.
Avec notre amendement, ce problème peut trouver une solution. On éviterait qu'un salarié soit payé 6 882 francs pour 35 heures et qu'un autre, pour le même travail, gagne 6 000 francs pour 34 heures, soit une différence de 882 francs pour une heure hebdomadaire.
Outre que le principe « salaire égal à travail égal » n'est alors pas respecté, cet écart de salaire risque d'être difficilement gérable dans les entreprises et source de conflits, car évidemment ressenti comme profondément injuste par les salariés.
Les salariés à temps partiel payés au SMIC sont les plus pauvres des salariés de notre pays ; 80 %, d'ailleurs, sont des femmes, souvent des femmes seules ayant des enfants à charge.
Du côté employeur, le secteur le plus utilisateur est celui de la grande distribution, qui réalise - tout le monde le sait - des profits gigantesques. Vient ensuite le secteur de la propreté et du nettoyage, dominé par les grands groupes de travail temporaire. Les dirigeants de ces entreprises sont d'ailleurs au premier rang des contribuables soumis à l'impôt de solidarité sur la fortune.
La question de la concurrence étrangère et des risques de délocalisation ne se pose bien évidemment pas dans ces branches d'activités ni, par exemple, dans la restauration rapide, secteur d'activité qui recourt pourtant beaucoup au travail à temps partiel.
En outre, le Gouvernement déclare qu'il faut favoriser le temps partiel et lutter contre le temps partiel contraint. Or, le dispositif prévu fait qu'une salariée employée actuellement 30 heures par semaine percevrait le même salaire si elle passait à 27 heures. Elle est ainsi contrainte à diminuer son temps de travail. Dans cinq ans, le complément différentiel aura été absorbé par l'évolution du SMIC. Le salarié perdra donc 10 % d'un salaire déjà bien modeste.
Enfin, le coût pour les entreprises serait, à notre avis, infime. Le supplément d'allégement des cotisations patronales sera en effet de 6 908 francs au niveau du SMIC. Le maintien de la règle de la proportionnalité des salaires conduirait à une hausse de salaire de 7 275 francs par an. Autrement dit, des entreprises prospères seraient aidées à concurrence de 6 908 francs par salarié et par an sans obligation d'embauche, puisque leurs salariés ne diminuent pas leur temps de travail, et refuseraient 7 275 francs à des caissières ou à des femmes de ménage au motif qu'elles ne réduisent pas leur temps de travail. La différence de traitement, reconnaissez-le, est injustifiable. M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 133, 134 et 135 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Nos collègues viennent de démontrer, me semble-t-il, la complexité du système, qui est, si j'ai bien entendu, « ingérable ». C'est effectivement très complexe.
La commission a émis, sur ces trois amendements, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 42, 133, 134 et 135 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. En effet, monsieur le rapporteur, si l'on supprime toute protection pour les salariés, c'est beaucoup plus simple, mais c'est en même temps sans doute beaucoup plus injuste !
M. Alain Gournac. Oh !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. En première lecture, à l'Assemblée nationale, nous avons essayé de traiter l'ensemble des problèmes pour éviter des traitements inéquitables entre les salariés.
Le système n'est peut-être pas parfait, mais, en tout cas, il vise, d'une part, à empêcher que la rémunération des salariés payés au SMIC diminue et même à faire qu'elle évolue non seulement comme le pouvoir d'achat mais aussi comme la moitié du salaire mensuel, c'est-à-dire exactement comme le SMIC horaire repris au niveau mensuel.
Ce système tend, d'autre part, et je réponds là à l'un des amendements qui ont été présentés par le groupe communiste républicain et citoyen, à appliquer la même règle aux salariés à temps partiel dont la réduction de la durée du temps de travail est réelle, au prorata de cette réduction, aux salariés embauchés dans des emplois de même nature, avec le même type d'horaire, ainsi qu'aux nouveaux embauchés. Il en va de même pour les salariés des nouvelles entreprises, comme nous l'avons vu tout à l'heure.
L'amendement n° 42 a pour objet de réduire le salaire des salariés payés au SMIC. C'est simple, mais cela nous apparaît tout à fait injuste, et le Gouvernement ne peut évidemment pas l'accepter.
Je voudrais revenir quelques instants sur l'amendement n° 133, qui me paraît tout à fait important et me donne l'occasion d'apporter quelques précisions complémentaires.
Le mécanisme de garantie que nous avons mis en place assure à tout salarié payé au SMIC dont l'horaire est réduit du fait de l'application de la réduction du temps de travail non seulement le maintien de son salaire antérieur par le versement d'un complément différentiel de salaire, mais aussi une garantie de son évolution.
Trois questions sont soulevées par cet amendement.
Tout d'abord, sur la garantie du SMIC et les primes, je voudrais vous assurer que le mécanisme de garantie mis en place s'entend indépendamment des primes qui ne sont pas intégrées aujourd'hui dans l'assiette du SMIC ; je pense aux primes d'ancienneté et aux primes d'assiduité, qui continueront à s'ajouter à la garantie mensuelle telle qu'elle est prévue. Ces primes sont donc versées en plus de la garantie. Il n'y a pas lieu de le préciser dans la loi, puisque nous ne modifions pas l'actuelle assiette du SMIC.
La deuxième question posée par l'amendement n° 133 est celle des heures supplémentaires.
Pour tenir compte de la diversité des situations des salariés selon la date à laquelle l'entreprise passe effectivement à 35 heures, le dispositif, de nature transitoire, a été conçu pour couvrir de manière équitable toutes les situations intermédiaires. Ainsi, le maintien de sa rémunération antérieure est garanti au salarié, que son horaire collectif soit réduit à 38 heures, 37 heures, 36 heures ou 35 heures. Mais, bien évidemment, les salariés dont la durée de travail sera supérieure à la nouvelle durée légale devront bénéficier des majorations attachées aux heures supplémentaires.
Cela va sans dire, de par le texte, mais je ne vois aucun inconvénient à le préciser, si vous le souhaitez, en seconde lecture, car il est bien clair que cette garantie prend en compte le calcul des heures en tant que telles, mais pas le calcul des majorations. Je suis tout à fait prête à le préciser par amendement - bien qu'il n'y ait pour moi aucune ambiguïté sur ce point - pour que les choses soient totalement claires, en seconde lecture.
Enfin, troisième question, en ce qui concerne le complément différentiel et l'assiette des heures supplémentaires, je précise que la jurisprudence fonde la définition de l'assiette des heures supplémentaires sur la notion de salaire versé en contrepartie directe du travail fourni. C'est, du reste, la référence qui a été reprise pour le définition de l'assiette de la contribution due par l'employeur à l'article 2.
Le complément différentiel de salaire versé pour maintenir la rémunération dans le cadre de la réduction du temps de travail, tout en étant un élément du salaire à part entière, soumis en tant que tel à cotisations sociales, ne peut être inclus dans l'assiette des heures supplémentaires, car il ne constitue pas la contrepartie directe des heures effectuées.
J'espère ainsi avoir répondu aux questions soulevées par l'amendement n° 133 et je suis prête, au cours de la seconde lecture, à rendre explicite, sur la majoration des heures supplémentaires, ce qui ne l'est pas, bien que cela découle de la logique de la loi.
Donc, pour les raisons que j'ai dites tout à l'heure, je suis défavorable aux amendements n°s 134 et 135, considérant d'ailleurs qu'ils sont déjà pour partie pris en compte dans la rédaction actuelle du texte.
M. le président. Madame la ministre, une formule est revenue à plusieurs reprises dans votre bouche qui fait que je m'interroge.
Vous avez en effet parlé d'une seconde lecture. Mais, dans l'état actuel des choses, ce texte étant examiné au bénéfice de l'urgence il y a donc une seule lecture dans chaque assemblée, puis commission mixte paritaire, puis, éventuellement, nouvelle lecture.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. En nouvelle lecture, si vous préférez, monsieur le président !
M. le président. Je tenais à clarifier ce point, car, si, par hasard, le Gouvernement avait renoncé à l'urgence dans le cours de la discussion, comme c'est toujours son droit, c'eût été une nouvelle importante.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vois bien là toute la subtilité de votre interrogation, monsieur le président, et je reconnais mon erreur : il s'agira, bien évidemment, d'une nouvelle lecture.
Mme Hélène Luc. C'est pourquoi il serait préférable que vous émettiez un avis favorable sur notre amendement n° 133 !
M. Louis Souvet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Je voudrais simplement apporter une précision, madame le ministre.
L'article 16 est, à l'évidence, la conséquence directe du choix du Gouvernement d'une baisse de la durée légale du travail. Le Gouvernement a créé un problème et il essaie de le résoudre. Très bien !
Dans les accords Robien, cette question ne s'est jamais posée, car la réduction de la durée du travail était librement négociée et sans conséquence sur les entreprises non concernées. On ne peut pas dire que nous sommes opposés à tel ou tel dispositif.
Madame le ministre, vous avez créé un problème en instaurant une nouvelle durée légale, et il faut effectivement le régler.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, je suis totalement d'accord : lorsqu'on ne fait rien, on n'a assurément pas à traiter des conséquences de ce rien !
M. Louis Souvet, rapporteur. La loi Robien, ce n'est pas « rien » !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je ne pense pas que l'on puisse dire que nous avons créé un problème. Nous mettons en place un progrès social et nous faisons en sorte que celui-ci soit total pour les salariés, qu'il ne comporte aucun écueil, et c'est bien le problème de cet article.
Vous êtes contre la réduction de la durée du travail, je comprends que vous soyez contre le maintien du salaire pour les smicards. Nous sommes en désaccord et, bien évidemment, nous le restons.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 42.
M. Claude Domeizel. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. S'agissant de l'équité, les arguments ont déjà été évoqués lors de la discussion de l'amendement visant à supprimer l'article 11 bis . Il va de soi qu'aucun salarié ne doit subir une réduction de rémunération en raison de la loi sur les 35 heures. Cela est d'autant plus évident pour les bas salaires et pour les salariés à temps partiel, qui doivent bénéficier du complément différentiel au prorata de leur nombre d'heures.
Le groupe socialiste votera sans aucune hésitation contre cet amendement, qui supprimerait un article auquel il tient beaucoup.
M. Alain Gournac. C'est un scoop !
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Vous ne serez pas surpris d'apprendre que je voterai l'amendement de la commission, d'autant plus que, contrairement à ce que Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité vient de dire, le texte dont nous délibérons en ce moment au Sénat et tel qu'il est proposé par M. le rapporteur, ce n'est pas rien.
En effet, ce n'est pas rien que de prévoir la réglementation de la réduction des horaires de travail dans le cadre d'accords contractuels ! Ce n'est certes pas une réduction légale, mais on ne peut pas dire que nous sommes contre la réduction des heures de travail. Simplement, nous n'avons pas choisi le même système juridique pour y arriver.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 42, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 16 est supprimé et les amendements n°s 133, 134 et 135 n'ont plus d'objet.

Intitulé du chapitre X
(précédemment réservé)précis



M. le président.
Par amendement n° 146, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer le chapitre X et son intitulé.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 146, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, cette division et son intitulé sont supprimés.

Chapitre XI

Application dans les professions agricoles

M. le président. Par amendement n° 147, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer cette division et son intitulé.
Monsieur le rapporteur, il m'apparaît qu'il convient de réserver cet amendement jusqu'après l'examen de l'article 19.
M. Louis Souvet, rapporteur. En effet !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Favorable.
M. le président. La réserve est ordonnée.

Article 17



M. le président.
« Art. 17. - La première phrase du premier alinéa de l'article 992 du code rural est ainsi rédigée :
« La durée légale du travail effectif des salariés agricoles énumérés à l'article 1144 (1° à 3° , 5° à 7° , 9° et 10° ) est fixée à trente-cinq heures par semaine sauf pour ceux employés par les établissements publics administratifs cités au 7° dudit article. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 43, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer l'article 17.
Par amendement n° 77 rectifié, MM. Soucaret, Vallet, de Montesquiou, Bimbenet, Laffitte, Joly et Fourcade proposent de compléter in fine le texte présenté par l'article 17 pour la première phrase du premier alinéa de l'article 992 du code rural par les mots : « ainsi qu'aux saisonniers agricoles. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 43.
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet article fixe à 35 heures par semaine la durée légale du travail des salariés agricoles. Par cohérence avec la position adoptée à l'article 1er, la commission propose de supprimer l'article.
M. le président. La parole est à M. Bimbenet, pour présenter l'amendement n° 77 rectifié.
M. Jacques Bimbenet. Le travail saisonnier est une obligation pour la plupart des exploitations agricoles à l'occasion des moissons, des vendanges et des autres récoltes, plus particulièrement les fruits et légumes.
La durée légale du temps de travail fixée à 35 heures ne peut en aucun cas être appliquée à ces agriculteurs employeurs de main-d'oeuvre saisonnière puisque cette dernière ne travaille que quelques semaines à des périodes et des époques définies en fonction de la climatologie et de la maturité pour ce qui est des fruits et légumes, et qu'il n'y a aucun moyen d'annualiser son temps de travail. Du reste, je crois que Mme la ministre a employé les mêmes termes dans certains de ses propos. La mission des saisonniers agricoles doit, par conséquent, être exclue des impératifs posés par le présent projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 77 rectifié ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, car elle a demandé la suppression de l'article 17.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 43 et 77 rectifié ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements. En effet, rien ne justifie un traitement discriminatoire qui serait préjudiciable aux salariés agricoles, d'autant qu'il existe déjà un certain nombre d'accords de branche dans ce secteur, qui a anticipé l'application de la loi.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 43, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 17 est supprimé et l'amendement n° 77 rectifié n'a plus d'objet.

Article additionnel après l'article 17



M. le président.
Par amendement n° 143, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 17, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 992 du code rural est ainsi modifié :
« 1. Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives, sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. »
« 2. Il est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque les critères définis à l'alinéa précédent sont réunis. Même s'ils ne sont pas reconnus comme du temps de travail, ils peuvent faire l'objet d'une rémunération par voie conventionnelle ou contractuelle. Le temps nécessaire à l'habillage et au déshabillage, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions législatives ou réglementaires ou par le règlement intérieur ou par le contrat de travail, est considéré comme du temps de travail effectif.
« Une durée équivalente à la durée légale peut être instituée dans les professions et pour des emplois déterminés comportant des périodes d'inaction soit par décret, pris après conclusion d'une convention ou d'un accord de branche, soit par décret en Conseil d'Etat. Ces périodes ne constituent pas du temps de travail effectif mais peuvent être rémunérées conformément aux usages ou aux conventions ou accords collectifs. »
« II. - La durée prévue par l'article 992 du code rural est applicable à compter du 1er janvier 2000 pour les exploitations et entreprises dont l'effectif à cette date est de plus de vingt salariés, ainsi que pour les unités économiques et sociales de plus de vingt salariés reconnues par convention ou par décision de justice. Pour les autres exploitations, entreprises et unités économiques et sociales, elle est réduite de trente-neuf heures à trente-cinq heures à compter du 1er janvier 2002. L'effectif est apprécié dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 421-1 et à l'article L. 421-2 du code du travail.
« III. - Il est inséré dans le code rural un article 992 bis ainsi rédigé :
« Art. 992 bis. - Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif.
« Ces astreintes sont mises en place par des conventions ou accords collectifs étendus ou des accords d'entreprise ou d'établissement, qui en fixent le mode d'organisation ainsi que la compensation financière ou sous forme de repos à laquelle elles donnent lieu. A défaut de conclusion d'une convention ou accord, les conditions dans lesquelles les astreintes sont organisées et les compensations financières ou en repos auxquelles elles donnent lieu sont fixées par l'employeur après information et consultation du comité d'entreprise ou, en l'absence de comité d'entreprise, des délégués du personnel s'il en existe, et après information de l'inspecteur du travail.
« La programmation individuelle des périodes d'astreintes doit être portée à la connaissance de chaque salarié concerné quinze jours à l'avance, sauf circonstances exceptionnelles et sous réserve que le salarié en soit averti au moins un jour franc à l'avance. En fin de mois, l'employeur doit remettre à chaque salarié concerné un document récapitulant le nombre d'heures d'astreintes effectuées par celui-ci au cours du mois écoulé ainsi que la compensation correspondante. Ce document, qui est tenu à la disposition des agents de contrôle de l'inspection du travail, est conservé pendant une durée d'un an. »
« IV. - L'article 992-2 du code rural est ainsi rédigé :
« Art. 992-2. - Dans les établissements ou les exploitations assujetties à la réglementation de la durée du travail, les heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée hebdomadaire de travail fixée par l'article 992 ou de la durée considérée comme équivalente sont régies par les dispositions suivantes :
« I. - Chacune des quatre premières heures supplémentaires effectuées dans les entreprises où la durée collective du travail est inférieure ou égale à la durée légale fixée par l'article 992 ou à la durée considérée comme équivalente donne lieu à une bonification de 25 %.
« Dans les autres entreprises et exploitations, chacune de ces quatre premières heures supplémentaires donne lieu à une bonification de 15 % et à une contribution de 10 %.
« Une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement détermine les modalités de la bonification qui peut donner lieu soit à l'attribution d'un repos, pris selon les modalités définies par l'article 993-1, soit au versement d'une majoration de salaire équivalente. A défaut de convention ou d'accord, la bonification est donnée sous forme de repos.
« La contribution due par l'employeur est assise sur le salaire et l'ensemble des éléments complémentaires de rémunération versés en contrepartie directe du travail fourni.
« La contribution est recouvrée selon les règles et garanties définies à l'article L. 136-5 du code de la sécurité sociale pour le recouvrement de la contribution sociale sur le revenu d'activité.
« La contribution n'est pas due pour chacune des quatre premières heures supplémentaires lorsque le paiement d'une heure ainsi que sa bonification sont remplacés par 125 % de repos compensateur.
« II. - Chacune des quatre heures supplémentaires effectuées au-delà de la quatrième donne lieu à une majoration de salaire de 25 % et les heures suivantes à une majoration de 50 %.
« III. - Une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut, sans préjudice des dispositions de l'article 993, prévoir le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires, ainsi que des majorations prévues au II ci-dessus, par un repos compensateur équivalent.
« Dans les entreprises non assujetties à l'obligation visée par l'article L. 132-27 du code du travail, ce remplacement est subordonné, en l'absence de convention ou d'accord collectif étendu, à l'absence d'opposition, lorsqu'ils existent, du comité d'enterprise ou des délégués du personnel.
« La convention ou l'accord d'entreprise ou le texte soumis à l'avis du comité d'entreprise ou des délégués du personnel mentionnés aux deux alinéas précédents peut adapter les conditions et les modalités d'attribution et de prise du repos compensateur à l'entreprise.
« Ne s'imputent pas sur le contingent annuel d'heures supplémentaires prévu à l'article 993-2, les heures supplémentaires donnant lieu à un repos équivalent à leur paiement et aux bonifications ou majorations y afférentes.
« Les heures supplémentaires se décomptent par semaine civile qui débute le lundi à 0 heure et se termine le dimanche à 24 heures. Toutefois, un accord d'entreprise peut prévoir que la semaine civile débute le dimanche à 0 heure et se termine le samedi à 24 heures. »
« V. - Il est inséré dans le code rural un article 992-3 ainsi rédigé :
« Art. 992-3. - Les dispositions des articles L. 212-1-2, L. 212-3, L. 212-7-1 et L. 221-16 du code du travail sont applicables aux salariés mentionnés à l'article 992. »
« VI. - L'article 993-1 du code rural est ainsi modifié :
« I. - La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :
« Le repos prévu à l'article 993 peut être pris selon deux formules, la journée entière ou la demi-journée, à la convenance du salarié, en dehors d'une période définie par voie réglementaire. »
« II. - Après la première phrase du sixième alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut fixer un délai supérieur dans la limite de six mois. »
« VII. - L'article 993-2 du même code est ainsi modifié :
« 1° Le premier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées : "Ce contingent est réduit lorsque la durée hebdomadaire de travail varie dans des conditions prévues par une convention ou un accord collectif définis à l'article L. 212-8 du code du travail. Toutefois, cette réduction n'est pas applicable lorsque la convention ou l'accord collectif prévoit une variation de la durée hebdomadaire de travail dans les limites de trente et une et trente-neuf heures ou un nombre d'heures au-delà de la durée légale hebdomadaire inférieur ou égal à soixante-dix heures par an. »
« 2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour le calcul du contingent fixé par le décret prévu au premier alinéa et du contingent mentionné au deuxième alinéa, sont prises en compte les heures effectuées au-delà de trente-cinq heures par semaine. »
« VIII. - L'article 994 du code rural est ainsi modifié :
« 1° Aux premier, deuxième et cinquième alinéas de l'article, le nombre : "quarante-six" est remplacé par le nombre : "quarante-quatre".
« 2° Le deuxième alinéa est complété par la phrase suivante : « Un décret pris après conclusion d'une convention ou d'un accord collectif de branche peut prévoir que la durée hebdomadaire calculée sur douze semaines consécutives ne peut dépasser quarante-six heures. »
« IX. - L'article 997 du code rural est ainsi modifié :
« 1° Le premier alinéa est complété par les mots : "auquel s'ajoute le repos prévu à l'article 997-2 du présent code".
« 2° Il est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les jeunes travailleurs de moins de dix-huit ans ainsi que les jeunes de moins de dix-huit ans qui accomplissent des stages d'initiation ou d'application en milieu professionnel dans le cadre d'un enseignement alterné ou d'un cursus scolaire bénéficient de deux jours de repos consécutifs.
« Lorsque les caractéristiques particulières de l'activité le justifient, une convention ou un accord collectif étendu peut définir les conditions dans lesquelles il peut être dérogé aux dispositions du précédent alinéa pour les jeunes libérés de l'obligation scolaire, sous réserve qu'ils bénéficient d'une période minimale de repos de trente-six heures consécutives. A défaut d'accord, un décret en Conseil d'Etat définit les conditions dans lesquelles cette dérogation peut être accordée par l'inspecteur du travail. »
« X. - Il est inséré dans le code rural un article 997-2 ainsi rédigé :
« Art. 997-2. - Tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives.
« Une convention ou un accord collectif étendu peut déroger aux dispositions de l'alinéa précédent, dans des conditions fixées par décret, notamment pour des activités caractérisées par la nécessité d'assurer une continuité du service ou par des périodes d'intervention fractionnées.
« Ce décret prévoit également les conditions dans lesquelles il peut être dérogé aux dispositions du premier alinéa à défaut de convention ou d'accord collectif étendu, et en cas de travaux urgents en raison d'un accident ou d'une menace d'accident ou de surcroît exceptionnel d'activité.
« Aucun temps de travail quotidien ne peut atteindre six heures sans que le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes, sauf dispositions conventionnelles plus favorables fixant un temps de pause supérieur. »
« XI. - Les dispositions des articles 2 (IV, V, VIII), 3, 4, 4 bis et 5 et des chapitres VIII, IX et X sont applicables aux entreprises ou exploitations occupant des salariés mentionnés à l'article 992 du code rural, sous réserve, en ce qui les concerne, du remplacement des références aux articles L. 212-1, L. 212-2-1, L. 212-4, L. 212-5, L. 212-5-1, L. 212-6, L. 212-7, L. 220-1, L. 221-2, L. 221-4, L. 221-5 et L. 611-9 du code du travail par les références aux articles correspondants du code rural.
« XII. - Aux articles 1062-1, 1031 (dernier alinéa) et 1157-1 du code rural, après la référence : "L. 241-13", est insérée la référence : "et L. 241-13-1". »
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je serai brève, car je crains de ne pas être entendue par la majorité du Sénat.
Cet amendement tend à rendre applicable au secteur agricole l'ensemble des dispositions du présent projet de loi en intégrant dans le code rural le texte tel qu'il a été modifié en première lecture par l'Assemblée nationale. Le projet de loi introduit également dans le code rural certains articles du code du travail issus de la loi du 13 juin 1998, afin d'en faire bénéficier les salariés agricoles.
Les I, II et III de l'amendement portent ainsi sur la définition du travail effectif, le régime des équivalences, les dates d'application de la nouvelle durée légale du travail selon l'effectif de l'entreprise et sur les dispositions relatives aux astreintes.
La section IV est relative au régime des heures supplémentaires, à leurs taux de majoration, à la contribution de 10 % et au repos de remplacement.
Les points V, VI et VII rendent applicables aux entreprises agricoles : les dispositions du code du travail relatives à la modification du contrat de travail en cas d'accord collectif de réduction de la durée du travail et au cycle ; des dispositions précisant les conditions de prise du repos compensateur ; des dispositions relatives à la réduction du contingent d'heures supplémentaires.
Les VIII, IX et X sont relatifs à la réduction de la durée moyenne du travail fixée à 44 heures, au repos hebdomadaire, au repos quotidien et à la pause.
La section XI rend applicable au secteur agricole les dispositions non codifiées des articles précédents du projet de loi. Il s'agit notamment des dispositions relatives au régime transitoire pour les heures supplémentaires et à la progressivité du seuil d'application du contingent des heures supplémentaires. Il s'agit aussi des dispositions relatives aux cadres, au développement de la négociation et à l'allégement des cotisations sociales, à la sécurisation juridique des accords déjà conclus et à la garantie de rémunération pour les salariés rémunérés au SMIC.
Pour finir, au XII, l'amendement prévoit de reprendre dans le code rural les dispositions introduites par le projet de loi dans le code de la sécurité sociale concernant l'allégement des cotisations sociales.
Il s'agit, par cet amendement, de montrer la volonté du Gouvernement de ne laisser personne, et évidemment pas les salariés agricoles, à côté du mouvement de réduction de la durée du travail.
Jean Delaneau, président de la commission. Il est un peu tard pour y penser !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous avions déjà déposé cette disposition à l'Assemblée nationale, monsieur le président de la commission !
M. Jean Delaneau, président de la commission. Et l'Assemblée nationale ne l'avait pas retenue ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement balai de cinq pages, madame le ministre, vise à transcrire dans le code rural des dispositions qui sont inscrites par ailleurs dans le code du travail.
Notre commission - et son président vient de le faire directement devant vous, madame le ministre - s'étonne que le Gouvernement dépose un amendement aussi expéditif.
Elle ne peut accepter les termes mêmes de cet amendement qui, vous en conviendrez, sont contraires à sa logique. Elle aurait pu, elle aussi, modifier le code rural en y introduisant son propre dispositif. Compte tenu de la nécessité d'adopter des dispositions tenant compte des spécificités de l'agriculture, elle demande au Sénat de rejeter cet amendement, qui est contraire à son propre dispositif.
Par ailleurs, je voudrais dire, pour avoir reçu la représentation agricole, en particulier la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, que cette loi sur les 35 heures est très mal reçue, à ce niveau en tout cas.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Sauf par les salariés !
M. Louis Souvet, rapporteur. Si, à vos yeux, les syndicats ne représentent rien !
Je le répète : la commission demande le rejet de cet amendement.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Les salariés agricoles apprécieront !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 143, repoussé par la commission.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 18



M. le président.
« Art. 18. - L'article L. 120-3 du code du travail est abrogé. »
Par amendement n° 44, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer l'article qui est relatif à la suppression de la présomption d'activité indépendante pour les personnes immatriculées au registre du commerce.
M. le président. Que est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 44, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 18 est supprimé.

Article 19



M. le président.
« Art. 19. - Dans la première phrase du sixième alinéa de l'article L. 432-4 du code du travail, après les mots : "avantages financiers", sont insérés les mots : ", notamment les aides à l'emploi, en particulier celles créées par l'article 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail et l'article 11 de la loi n° du relative à la réduction négociée du temps de travail,". »
Par amendement n° 45, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l'article qui est relatif à l'information du comité d'entreprise.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 45, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 19 est supprimé.

Intitulé du chapitre XI

(précédemment réservé)

M. le président. Par amendement n° 147, M. Souvet, au nom de la commission, propose de supprimer le chapitre XI et son intitulé.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 147, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, cette division et son intitulé sont supprimés.

Chapitre XII

Bilan pour l'emploi

Article 20



M. le président.
« Art. 20. - Chaque année, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur la mise en oeuvre de l'allégement de cotisations prévu à l'article L. 241-13-1 du code de la sécurité sociale.
« Ce rapport porte notamment sur l'impact sur l'emploi de la réduction du temps de travail et de cet allégement. Il présente les enseignements et les orientations à tirer du bilan de la situation.
« Ce rapport est soumis pour avis à la Commission nationale de la négociation collective prévue à l'article L. 136-2 du code du travail.
« Il est transmis au conseil de surveillance du fonds créé par l'article de la loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 2000 (n° du ) et dont la composition, fixée par décret en Conseil d'Etat, comprend notamment des membres du Parlement et des représentants des organisations syndicales de salariés les plus représentatives au plan national et des représentants des organisations d'employeurs les plus représentatives au plan national. »
Par amendement n° 46, M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger ainsi cet article :
« Chaque année, le Gouvernement présente au Parlement un rapport relatif à l'impact sur l'emploi de la réduction du temps de travail et au coût pour les finances publiques des différentes aides accordées dans ce cadre.
« Ce rapport est soumis pour avis à la commission nationale de la négociation collective prévue à l'article L. 136-2 du code du travail. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Par ce dernier amendement, la commission propose qu'une évaluation ait lieu afin que les partenaires sociaux puissent disposer de manière régulière d'une évaluation comptable de la loi. Cette dernière ne doit, bien évidemment, pas s'arrêter au seul coût de l'exonération et des aides forfaitaires attribuées. Elle doit aussi apprécier l'adéquation entre l'effort financier réalisé et les résultats en termes d'emplois.
Sur le plan intellectuel, la commission ne peut qu'approuver un tel article. En coordination avec les amendements de suppression des articles 11 et 12, elle propose, par cet amendement, une nouvelle rédaction de l'article 20.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je suis défavorable à cet amendement. Nous souhaitons que le Gouvernement puisse présenter un rapport complet et un bilan de l'application de la réduction du temps de travail qui présente des orientations, ce que ne prévoit pas la rédaction proposée par la commission.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 46, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 20 est ainsi rédigé.

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Hamel pour explication de vote. M. Emmanuel Hamel. L'heure avancée de ce débat me crée le devoir de brièveté.
Madame le ministre, je ne voudrais pas que vous puissiez croire que ceux d'entre nous qui vont voter le projet de loi tel qu'il a été amendé par la commission des affaires sociales sont des parlementaires qui ignorent les aspirations ouvrières et salariales, comme celles des cadres, à plus de progrès, à plus de sécurité dans l'emploi et à une amélioration des conditions de vie.
L'espoir de progrès social, nous l'avons autant que vous, madame le ministre. Cependant nous pensons que, pour faire progresser la société, il ne suffit pas de répondre aux aspirations populaires, car incontestablement ce texte peut être actuellement populaire auprès des jeunes et des salariés, qui croient qu'il va garantir l'emploi et améliorer le niveau de vie.
Nous devons aussi tenir compte du contexte international : certaines entreprises françaises sont confrontées, vous le savez mieux que nous, madame le ministre, à la terrible compétitivité des entreprises étrangères. Votre projet de loi tel qu'il a été amendé par l'Assemblée nationale n'aura-t-il pas pour conséquence, à terme, au-delà de l'espérance d'un progrès social, la détérioration réelle de l'emploi, en France, dans tous les secteurs qui doivent affronter la compétition internationale ?
Après le vote des traités de Maastricht et d'Amsterdam, après l'abandon de la souveraineté monétaire par le texte de 1994 - que je n'avais pas voté ! - je constate que la France a, hélas ! perdu le contrôle des mouvements de capitaux au-delà de ses frontières et ne peut donc plus surveiller les importations étrangères, mettant en péril l'emploi dans les entreprises françaises qui sont confrontées à la compétition internationale.
Dans ces conditions, le monde étant ce qu'il est et la compétition internationale ce qu'elle est, est-il raisonnable d'imposer à tous les secteurs de l'activité nationale, y compris à ceux qui subissent la compétition étrangère, cette obligation de réduire à 35 heures la durée du travail quand on sait les conséquences qu'aura une telle réduction sur la compétitivité de nos entreprises ?
Je crains donc que l'espoir que vous avez - et que je salue - n'aboutisse, à terme, à une détérioration réelle des conditions de l'emploi et de la compétitivité française.
C'est la raison pour laquelle, quelle que soit mon espérance de progrès social en France, je ne peux pas accepter le projet de loi que vous nous avez proposé. Je voterai donc, tel qu'il a été amendé par la commission des affaires sociales, le texte de la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
Mme Hélène Luc. C'est bien dommage !
M. le président. Mon cher collègue, permettez-moi de préciser qu'il s'agit du texte amendé par le Sénat sur proposition de la commission des affaires sociales !
M. Emmanuel Hamel. Dont acte !
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard. Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste va se trouver de nouveau confronté au paradoxe de devoir voter contre un projet de loi qu'il approuve pleinement et dont il appelle la réussite de tous ses voeux.
Il nous est difficile de dire que le texte est vidé de sa substance : il serait plus exact de dire, au vu du peu qu'il en reste, qu'il n'y a pratiquement plus de texte.
Tout au long de ces trois jours de débat, amendement après amendement, vous nous avez démontré, messieurs de la majorité sénatoriale, votre refus profond de toute réduction du temps de travail. Sans doute cela n'est-il pas nouveau, mais vous venez de nous en administrer une nouvelle preuve, très symboliquement, dès le premier article, que vous avez transformé en une sorte d'invitation à une conférence en vue d'envisager pour beaucoup plus tard des possibilités de réduction du temps de travail.
Il est particulièrement éclairant, à l'issue de ce débat, lorsque l'on parcourt les principaux éléments de ce projet de loi, de voir où se porte votre effort.
Toutes les dispositions qui avaient pour objet d'apporter une sécurité ou de nouvelles garanties aux salariés ont disparu. Vous refusez même toute diminution des horaires maximaux hebdomadaires, vous placez l'ensemble des cadres au forfait « tous horaires » - nul doute qu'ils apprécieront ! - vous facilitez le développement de la précarité, vous faites disparaître les garanties sur le SMIC, vous assouplissez encore les règles du travail à temps partiel et vous maintenez, bien entendu, l'allégement des cotisations sociales sur les embauches à temps partiel.
Vous privilégiez la décision unilatérale de l'employeur au détriment de la négociation, vous faites même passer la famille, tout au moins celle du salarié, après la volonté de l'employeur.
En prenant ces options, vous vous inscrivez en opposition avec le cheminement de l'histoire depuis que l'on mesure le temps de travail, c'est-à-dire depuis le début de l'industrialisation. Le temps de travail a été divisé par deux depuis cette époque, mais, à chaque fois, dans notre pays, une impulsion de l'Etat a été nécessaire.
Il fallait donc reprendre ce mouvement séculaire pour réduire le temps de travail et la peine des travailleurs. Depuis la diffusion des grandes mutations technologiques de l'information, coïncidant avec la mondialisation et la mise en concurrence des travailleurs sur l'ensemble de la planète, il s'était interrompu. Il a été remplacé par la répartition la plus inégale qui soit entre ceux qui travaillent sans horaire, ploient sous une charge écrasante, et ceux qui ont été débarqués et sont condamnés au chômage, à la précarité et aux minima sociaux.
Hommes et femmes de gauche, nous ne pouvons accepter que cette situation perdure. Nous ne pouvons accepter que la prétendue loi du marché soit, en fait, le dérèglement absolu du monde du travail, que le contrat de mission remplace le contrat de travail, que le chômage soit l'instrument de pression le plus efficace pour faire baisser les salaires et que la peur du lendemain ou, pis, peut-être que la résignation soit le moyen de faire disparaître toute revendication des salariés pour bénéficier aussi de la croissance revenue.
Contrairement à ce que les dirigeants de certains mouvements patronaux veulent accréditer - et que vous relayez malheureusement ici - le projet de loi sur la réduction négociée du temps de travail n'est pas une révolution. C'est un texte en réalité très prudent, qui fixe des objectifs, qui prévoit un cheminement pour y parvenir par la négociation collective, avec des modulations et avec l'aide de la collectivité nationale ; c'est un texte qui est équilibré.
Depuis la loi de 1998, est apparu dans les entreprises - et cela va continuer - un considérable renouveau de la négociation collective et du dialogue. Ce n'est pas le moindre mérite de ce processus, parce qu'il faut maintenant tout mettre sur la table, tout examiner, tout négocier. Il est vrai que, pour certains employeurs, peut-être finalement moins solides que d'autres, c'est insupportable.
Ce projet de loi est aussi un pari sur la capacité des entreprises à se réorganiser, à mieux utiliser leurs capacités de production et à créer de la motivation autre que la peur chez les salariés. On crée aujourd'hui de la richesse non pas seulement en ayant l'obsession de la réduction des coûts, mais aussi en permettant aux salariés de développer leurs qualifications et de faire valoir leurs compétences.
L'environnement économique est devenu plus porteur, et le chômage poursuit sa décrue à un rythme accéléré de 9 % sur un an ; 400 000 personnes ont trouvé un emploi depuis deux ans.
Déjà, cela modifie le contexte dans lequel se déroulent les négociations. Les salariés n'ont plus de raison de se résigner au chômage et à la précarité !
Ce projet de loi sera un levier pour eux afin de remettre un peu de justice, après toutes ces années, dans le partage de la richesse, que ce soit sous forme pécuniaire ou en temps de loisirs, ce qui est une autre forme de richesse.
A cette heure tardive et sous les dorures du Palais du Luxembourg, c'est pourtant une vieille histoire qui se poursuit, une histoire qui a commencé non pas avec les lois de 1936 sur les quarante heures et les congés payés, mais depuis bien plus longtemps.
Il a été important pour nous, durant ces trois jours, d'y prendre notre part avec vous, madame la ministre, et de tenter de faire entendre ici la voix du monde du travail.
Enfin, monsieur le président, je confirme ici le vote positif du groupe socialiste sur l'amendement n° 93 rectifié, tendant à insérer un article additionnel après l'article 14.
Cela étant, nous voterons, bien entendu, contre l'ensemble de ce texte tel qu'il ressort des débats du Sénat. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je tiens à exprimer ma satisfaction et celle de mes collègues du groupe du RPR pour ce qui est de la qualité de nos débats.
Je tiens également à remercier notre rapporteur - et je le dis sans flatterie - car il a su surmonter, grâce à son pragmatisme, la complexité de sa tâche. Jamais en effet, à ma connaissance, un projet de loi n'aura été présenté dans une telle confusion, notamment sur le plan de son financement.
Nous avons reçu de l'Assemblée nationale un texte boursouflé par les multiples ajouts de la majorité plurielle à une rédaction déjà autoritaire.
Partout où le centralisme l'emportait, nous avons privilégié la concertation et la négociation collective.
Au terme de ce débat, c'est un texte équilibré que nous allons adopter ; un texte qui montre clairement que nous sommes favorables à une réduction de la durée du temps de travail sur la base d'une démarche volontaire et adaptée à la situation de chaque entreprise.
Nos concitoyens, qu'ils soient salariés ou employeurs - car ils sont avant tout unis dans l'entreprise - y trouveront leur compte.
Le dialogue social, qui risquait de sortir chancelant de ce projet de loi, s'en retrouvera revigoré.
Ce texte mérite seulement maintenant son titre de réduction « négociée » du temps de travail.
Par ailleurs, notre Haute Assemblée - nous ne pouvons que nous en réjouir - a réaffirmé explicitement le principe de la compensation intégrale au régime de sécurité sociale des exonérations de charges décidées par l'Etat. Ce faisant, elle a manifesté son attachement au paritarisme qui caractérise l'organisation de notre système de protection sociale et que vous avez tenté de mettre à mal, madame le ministre.
Mes collègues du groupe RPR et moi-même voterons ce projet tel qu'il ressort des travaux du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au terme de ces trois jours de débat, les craintes que j'ai eu l'occasion d'exprimer dans la discussion générale au nom du groupe communiste républicain et citoyen se sont malheureusement confirmées.
Les chômeurs et les salariés précaires n'ont rien à attendre de la majorité sénatoriale pour que leur aspiration légitime de réappropriation du temps, leur revendication de travailler moins pour travailler tous, se concrétisent.
Alors que les inégalités sociales demeurent, voire se creusent, que les revenus des ménages des salariés ne progressent pas encore au niveau souhaité, la Bourse et la santé financière de nos entreprises explosent. Et vous voudriez nous faire croire que ce projet de loi sur les 35 heures assassinera les entreprises !
Ce qui dérange profondément le patronat et qui vous pousse, messieurs, à mépriser un projet de loi porteur de progrès tant économique que social, c'est que, à l'occasion des négociations au sein des entreprises, les salariés réfléchissent à une autre organisation du travail, pensent l'efficacité de l'outil de travail au service non de la rentabilité financière mais de la promotion de l'individu.
En fait, la réduction du temps de travail touche au rapport de forces, existant, à la répartition des richesses entre salaires et profits. Voilà pourquoi elle suscite autant de rejet de votre part !
Alors que l'emploi demeure la préoccupation essentielle des Français, vous balayez d'un revers de main ce projet de loi au motif qu'il remettrait en question la place du travail pour chacun d'entre nous dans la société.
Vous reprochez au texte de court-circuiter, d'encadrer les négociations. Avant l'annonce de la première loi, le dialogue social était en panne. Là où la réduction du temps de travail était envisagée, elle était le plus souvent conjuguée avec l'annualisation, la flexibilité et l'intensification du travail.
Vous êtes parvenus, avec la loi quinquennale, à faire sauter de nombreux verrous. Les solutions que vous nous proposez aujourd'hui ne favoriseront pas davantage le processus de négociation, elles le bloqueront. Que les salariés puissent être consultés sur les accords de réduction du temps de travail vous échappe !
Par idéologie, parce que, pour vous, l'entreprise est seule maîtresse de ses décisions, vous refusez que, avant de proposer un plan social, des négociations sur la réduction du temps de travail s'ouvrent.
Ainsi, vous avez piétiné l'« amendement Michelin », et toutes les dispositions relatives à la durée légale du travail ont disparu. Vous avez vidé de toute sa substance progressiste le projet de loi tel qu'il avait été adopté à l'Assemblée nationale. Vous l'avez mis en charpie !
En revanche, vous conservez des outils tels que la modulation, l'annualisation, le temps partiel ou le compte épargne-temps, pour les mettre au service de la flexibilité. De la flexibilité ! Voilà le leitmotiv qui vous anime.
Vous comprendrez aisément que tout nous oppose. Les parlementaires communistes, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, ont abordé les débats avec le souci de tout mettre en oeuvre pour que ce texte amène effectivement les créations d'emplois, les améliorations des conditions de travail et la meilleure maîtrise du temps attendues. L'homme était au centre de nos préoccupations.
Nous avons eu l'occasion de rappeler que, sur des points précis tels que le régime des heures supplémentaires, le temps partiel et l'application des dispositions du texte aux cadres et dans la fonction publique, nous souhaitions aller plus loin, et nous avons fait de multiples propositions à cet égard.
Cela étant, la seconde lecture à l'Assemblée nationale permettra, j'en suis sûr, de rétablir le dispositif que la majorité sénatoriale a démantelé. Contrairement à elle, nous croyons que les 35 heures permettront de créer des emplois. Nous croyons en cette évolution historique, mais à la vue du champ de mines que vous avez semé, nous comprenons que le chemin sera long.
Par conséquent, nous voterons contre le texte tel qu'il a été modifié par la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Bimbenet.
M. Jacques Bimbenet. Monsieur le président, madame la ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à la suite d'un long et parfois tumultueux débat, nous parvenons au terme de l'examen de ce texte. Chacun a pu exposer librement son point de vue, nous avons tous constaté qu'il existe une incompatibilité notoire entre la position de la majorité gouvernementale et celle de la majorité sénatoriale. Ce sont deux philosophies bien différentes qui s'affrontent.
La majorité des membres du RDSE voteront le texte tel qu'il est issu de nos travaux. Ce sera néanmoins un vote sans enthousiasme, car le projet de loi était critiquable dans son essence, et les efforts du rapporteur, auquel je tiens à rendre hommage, n'ont pu rendre bon un texte qui ne l'était pas.
M. le président. La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le groupe de l'Union centriste a bien évidemment soutenu les propositions de M. le rapporteur. En effet, le travail qui a été effectué est de grande qualité, et les auditions auxquelles a procédé la commission nous ont permis de comprendre l'étendue du problème posé.
Cependant, il me semble que, dans ce débat, nous avons totalement oublié la réalité des choses, puisque le tissu des PME en a été absent.
Nous avons eu sans cesse présente à l'esprit l'affaire Michelin.
Mais est-ce là véritablement le visage des entreprises françaises ?
Si nous nous sommes opposés au projet de loi, c'est essentiellement parce que nous ne voulons pas prendre le risque de voir s'effondrer la majorité de nos entreprises, qui ne pourront pas forcément faire le sacrifice de 11 % de leur productivité, même s'il est sans doute vrai que les entreprises en croissance n'auront pas de problème pour passer ce cap, au moins dans un premier temps.
En outre, je regrette d'avoir dû constater le manque de confiance de certains d'entre nous dans la capacité de dialogue des acteurs de l'entreprise. Je n'ai absolument pas compris comment la majorité gouvernementale pouvait nier à ce point le rôle que peuvent jouer les syndicats, le patronat et les diverses instances qui ont été instaurées tout au long de notre histoire sociale.
Au terme de trois journées de débats intéressants, mais sur lesquels je ne me faisais aucune illusion - nous ne pouvions pas nous rencontrer, puisque nous défendions des points de vue totalement différents ! - je souhaite, madame le ministre, que la croissance se poursuive et que le chômage continue à refluer. Les membres du groupe de l'Union centriste espèrent que tous ceux qui retrouveront un travail le garderont longtemps, malgré le choc que subiront nos entreprises.
M. Louis Souvet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur. Au terme de notre débat, je voudrais d'abord remercier ceux qui m'ont soutenu ou qui m'ont aidé dans des moments parfois difficiles, puis rappeler les grandes lignes du projet de loi tel qu'il va sans doute être adopté par notre assemblée.
Le Sénat a réaffirmé son accord de principe sur la réduction du temps de travail lorsqu'elle résulte d'une négociation volontaire entre les partenaires sociaux. La loi Robien du 11 juin 1996 constitue à cet égard une preuve suffisante, nous semble-t-il, de notre conviction, tout comme le dispositif présenté par la commission lors de la discussion de la loi du 13 juin 1998.
Dans ces conditions, je ne peux accepter les propos tenus par Mme Dieulangard à l'instant et par Mme le ministre au cours du débat et donnant à penser que, parce que nous refusons la baisse de la durée légale du temps de travail, nous serions opposés à la réduction de celui-ci.
De même, nous ne pouvons accepter un certain amalgame tendant à assimiler notre refus du « double SMIC » à une volonté de réduire les garanties offertes aux salariés. Le Sénat ayant supprimé les dispositions de l'article 1er, la suppression des articles 2, 11, 12 et 16 était, je le répète, une conséquence logique.
Je souhaiterais d'ailleurs rappeler la teneur des quatre articles additionnels adoptés par le Sénat. Ils constituent des apports importants, qui étaient réclamés par les partenaires sociaux.
Ces articles additionnels prévoient en effet la tenue d'une conférence nationale sur le développement de la négociation collective, la validation des accords signés en vertu de la loi du 13 juin 1998, la validation de l'accord signé par les partenaires sociaux le 8 avril 1999 sur le mandatement. Enfin, une disposition particulière vise les établissements du secteur sanitaire, social et médico-social, qui sont pénalisés par les délais supplémentaires liés à la procédure d'agrément, et dont les responsables ne sont pas satisfaits des réponses du Gouvernement.
En outre je rappelle que l'application de la loi du 13 juin 1998 n'a permis la création que de 30 000 à 40 000 emplois, selon les chiffres mêmes du Gouvernement, alors que la croissance a amené à elle seule la création de 500 000 emplois. Le remède au chômage réside donc dans une croissance soutenue, dont le renforcement repose sur des réformes structurelles du marché du travail, mais aussi sur la capacité à maîtriser les dépenses publiques et à inciter les entreprises à investir et à développer la formation.
Par ailleurs, la mise en oeuvre des dispositions du projet de loi n'est pas financée, et cela devrait avoir des conséquences importantes en termes d'aggravation des dépenses publiques. Le surcoût qu'entraînera, pour les entreprises, le passage aux 35 heures ne pourra que pénaliser leurs investissements et leurs efforts de formation, et donc, à terme, affaiblir la croissance.
Le dispositif proposé par le Gouvernement, qui est fondé sur la contrainte et sur la réglementation, pourrait ainsi, et je le regrette, se révéler défavorable aux entreprises et à l'emploi.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Jean Delaneau, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Delaneau, président de la commission. Notre débat, qui a duré trois jours, a mis en évidence - M. le rapporteur l'a rappelé à juste titre - deux conceptions différentes de la société.
Mme Hélène Luc. Ça, c'est clair !
M. Jean Delaneau, président de la commission. Je ne vous le reproche pas, madame Luc, et pas davantage à Mme le ministre, de ne pas partager notre vision des choses. Nous avons notre logique, qui est peut-être aussi valable que la vôtre. L'avenir le dira. En tout cas, nous ne faisons pas le même pari !
Mme Hélène Luc. On est pour le progrès ou on ne l'est pas !
M. Jean Delaneau, président de la commission. Madame Luc, je ne vous ai pas interrompue, alors, s'il vous plaît, ne m'interrompez pas non plus !
Je voudrais d'abord souligner, à la suite de notre collègue Alain Gournac, que nous n'avons pas modifié l'intitulé du projet de loi, car il prend enfin toute sa signification dans le texte tel qu'il sera, je le pense, adopté par le Sénat. C'est en effet la négociation qui devra entraîner, le cas échéant, et progressivement, la réduction du temps de travail, à laquelle nous avons les uns et les autres souscrit, et ce depuis longtemps.
Par ailleurs, on a beaucoup parlé de l'emploi, au cours de ce débat, mais nous ne pensons pas qu'il ait été la motivation première du Gouvernement. Ainsi, j'avais cherché le mot « emploi » dans le texte de l'article 11 avant que le projet de loi ait été examiné par l'Assemblée nationale, et je ne l'avais trouvé qu'une seule fois. Il a fallu que des amendements d'origine parlementaire soient adoptés à l'article 11, à l'Assemblée nationale, pour que la création ou la préservation d'emplois devienne effectivement une condition de l'allégement des charges supportées par les entreprises qui s'orientent vers une réduction du temps de travail.
Votre objectif, madame le ministre, c'était donc non pas l'emploi - il l'est devenu par la force des choses - mais, comme pour tous les autres membres du Gouvernement, cet horizon que représente la ligne rose de 2002. Vos propositions sont certes nappées - et le contraire serait vraiment anormal - d'une sauce sociale très généreuse (Mme Dieulangard s'esclaffe), mais tout cela n'est, en fait, que l'enveloppe de votre projet politique pour 2002.
Dès lors, évitez de nous raconter trop d'histoires ! Nous avons entendu les réactions jacobines de M. Mélenchon, qui nous aurait sans doute coupé la tête si nous avions été en 1792 ! (Sourires.)
Il est vrai que vous avez mis en avant la force de la loi, qui, je vous le rappelle, est au service du citoyen, et non l'inverse. Tels sont les quelques mots que je voulais prononcer, même s'ils ne font pas très plaisir. Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit par M. le rapporteur.
Madame le ministre, vous allez dépenser une centaine de milliards de francs par an. Savez-vous que ce montant permettrait de créer, si vous l'injectiez dans l'économie, que ce soit dans la construction ou dans les travaux publics, 400 000 emplois ? En effet, 1 million de francs représentent quatre emplois, y compris les emplois induits. D'autres choix étaient donc possibles.
M. Claude Domeizel. Vous ne les avez pas faits !
M. Jean Delaneau, président de la commission. Nous ne l'avons pas fait, mais attendez, nous reviendrons peut-être !
En tout cas, je souhaite que la majorité sénatoriale suive la position de la commission, au nom de laquelle je demande un scrutin public.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 12:

Nombre de votants 309
Nombre de suffrages exprimés 309
Majorité absolue des suffrages 155
Pour l'adoption 211
Contre 98

11

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
DE LOI CONSTITUTIONNELLE

M. le président. J'ai reçu de M. Philippe Marini une proposition de loi constitutionnelle limitant le recours aux dispositions fiscales rétroactives.
La proposition de loi constitutionnelle sera imprimée sous le n° 53, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

12

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
DE LOI ORGANIQUE

M. le président. J'ai reçu de M. Philippe Marini une proposition de loi organique limitant le recours aux dispositions fiscales rétroactives.
La proposition de loi organique sera imprimée sous le n° 54, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

13

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de MM. Jean Chérioux, Jacques Bimbenet, Paul Blanc, Louis Boyer, Jean Delaneau, Christian Demuynck, Charles Descours, Jacques Dominati, Michel Esneu, Francis Giraud, Alain Gournac, André Jourdain, Dominique Leclerc, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. André Pourny, Henri de Raincourt, Louis Souvet, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle et Guy Vissac une proposition de loi tendant à favoriser le développement de l'actionnariat salarié.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 52, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

11

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 9 novembre 1999 :
A neuf heures trente.
1. Questions orales sans débat suivantes :
I. - M. Daniel Hoeffel attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur l'importance de la ratification de la convention Unidroit.
L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a adopté à l'unanimité la recommandation 1372 demandant aux quarante Etats membres du Conseil de l'Europe de ratifier la convention Unidroit qui impose à l'acquéreur d'un objet d'art un minimum de diligence pour s'assurer de la régularité de son achat et bénéficier ainsi de la présomption de bonne foi.
Notre pays ne serait-il pas dans son rôle en prenant l'initiative de la ratification de cette convention et en invitant nos partenaires de l'Union européenne ainsi que les candidats à l'adhésion à la ratifier également ?
Nos concitoyens ne s'attacheront durablement à l'Europe que si la disparition des frontières s'accompagne du respect des cultures et d'une meilleure sécurité. Une large ratification de la convention Unidroit compléterait cet effort nécessaire en rendant plus difficile la revente d'objets arrachés au patrimoine des différentes nations européennes. (N° 563.)
II. - M. Serge Lepeltier appelle l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur la nécessité du développement rapide d'une véritable filière adaptée et pérenne de recyclage des pneus usagés.
En effet, telle qu'elle existe aujourd'hui, la filière de collecte et de traitement de ces pneus ne permet pas le recyclage de la totalité des quelque 350 000 tonnes de pneumatiques usagés qui sont annuellement remplacés dans notre pays.
A l'heure actuelle, c'est près de 60 % de l'ensemble de ces pneus qui, chaque année, ne sont ni réutilisés ni broyés, mais dispersés dans la nature française - décharges, stocks sauvages... - et polluent visiblement nos paysages. Depuis l'arrêté du 9 septembre 1997 prévoyant l'interdiction de la mise en décharge des pneumatiques usagés à compter du 1er juillet 2002, force est de constater qu'aucune décision n'a été prise pour constituer une filière de recyclage de ces déchets.
A moins de trois ans de la date d'application de cette mesure, les maires, responsables de la gestion des déchets sur leur commune, comme les professionnels de ce secteur économique sont légitimement inquiets de cette situation.
C'est pourquoi il lui demande quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour aboutir à la constitution de cette filière de recyclage et permettre son financement. (N° 603.)
III. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur l'application de l'article 3 du protocole de Kyoto à la convention sur les changements climatiques. Elle lui rappelle que cet article précise que les pays signataires du protocole en 1997, dont la France, se doivent de réduire leurs émissions de dioxyde de carbone, des gaz à effet de serre, d'au moins 5 % par rapport au niveau de 1990 au cours de la période d'engagement allant de 2008 à 2012.
Elle lui rappelle que chaque Etat signataire devra rendre compte en 2005, dans l'exécution de ses engagements au titre du présent protocole, des progrès dont il pourra apporter la preuve.
Elle lui demande de lui faire connaître les mesures envisagées par le Gouvernement pour que la France puisse atteindre l'objectif fixé, et plus particulièrement dans les secteurs des transports, de l'énergie et de l'agriculture. (N° 604.)
IV. - M. Georges Mouly attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur la situation de La Poste en milieu rural, dont les fréquentes restructurations semblent menacer la survie de ce service public.
Il lui demande en conséquence comment, à la veille de l'an 2000 et dans le cadre du contrat passé entre l'Etat et La Poste, il entend conjuguer la notion d'un service public de qualité pour tous et celle de productivité de l'établissement, tout en satisfaisant à la fois les attentes de la clientèle et les revendications professionnelles des agents de l'établissement, principalement à l'heure où se prépare, à l'intérieur de celui-ci, le passage aux 35 heures. (N° 605.)
V. - Mme Nicole Borvo appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat au logement sur les chiffres du recensement 1999 publiés par l'INSEE - Institut national de la statistique et des études économiques - et qui indiquent qu'en neuf ans le nombre de logements vacants dans la capitale est passé de 117 561 à 137 570, ce qui représente aujourd'hui plus de 10 % du parc des logements existants à Paris.
Dans le même temps, 36 000 Parisiens ont quitté la capitale et le nombre de familles en attente d'un logement social ou vivant dans des logements insalubres n'a cessé d'augmenter. De plus, malgré le cri d'alarme lancé, le 28 avril dernier, par le collectif Solidarité Paris, qui regroupe une dizaine d'associations caritatives, il manquerait toujours au minimum 300 places pour accueillir, cet hiver, les sans-abri dans les centres d'accueil d'urgence de la capitale. Les chiffres publiés par l'INSEE ne peuvent que conforter l'exigence de voir les pouvoirs publics utiliser l'ensemble des possibilités offertes par la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions de juillet 1998. Celle-ci offre, en effet, de nouveaux moyens d'intervention, notamment la procédure de réquisition des logements vacants - article 52.
De plus, l'article 51 prévoit de taxer les logements vacants sous deux conditions : la commune doit appartenir à une zone urbaine de plus de 200 000 habitants et il faut qu'il y ait un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements sociaux. Il semblerait que Paris fasse partie des communes où cette taxe est instituée. Celle-ci s'applique, depuis le 1er janvier 1999, pour chaque logement vacant depuis au moins deux années consécutives. Les logements vacants détenus par les organismes d'habitations à loyer modéré et les sociétés d'économie mixte en sont exclus.
Ainsi l'Etat a mis en place les outils nouveaux et cohérents pour lutter contre les exclusions. Comme l'on fait récemment remarquer un grand nombre d'associations de lutte contre les exclusions, il est nécessaire et urgent de leur donner l'impulsion politique à la hauteur des problèmes posés.
Pour toutes ces raisons, elle lui demande, premièrement, de lui faire connaître le nombre de logement à Paris, arrondissement par arrondissement, concernés par cette taxe prévue par l'article 52 de la loi relative à la lutte contre les exclusions ainsi que le nombre d'appartements vacants appartenant à l'OPAC - l'Office public d'aménagement et de construction - et à d'autres bailleurs sociaux et, deuxièmement, de prendre les mesures pour mettre en oeuvre d'urgence un plan de réquisition pour les logements inoccupés appartenant à des grands propriétaires, qui pourraient servir à loger des familles actuellement en attente d'un logement social ou en grande difficulté. (N° 613.)
VI. - M. Jean-François Picheral attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les interpellations dont il est l'objet de la part de nombreuses associations représentant les particuliers résidant en pays d'Aix-en-Provence.
Il s'agit de la position du Gouvernement en matière d'évolution ferroviaire dans la région, et plus précisément de l'éventualité de la construction d'une ligne de TGV Sud-Est dont le tracé traverserait les communes de Saint-Carmat - Aix-en-Provence - Trévaresse - Le Puy-Sainte-Réparade, Venelles, Meyrargues, Vauvenargues, pour se diriger vers Nice, via Saint-Raphaël.
Sachant que ce tracé serait susceptible de passer au pied de la montagne Sainte-Victoire, dont le classement par l'UNESCO est en cours d'étude, il lui demande de bien vouloir l'informer de la position du Gouvernement à ce sujet. (N° 615.)
VII. - M. Philippe Richert attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le différend qui oppose la direction générale des impôts aux entreprises de chocolaterie relativement à la taxe sur la valeur ajoutée, la TVA applicable au chocolat noir.
Selon les textes réglementaires, le chocolat noir est un des produits de chocolaterie taxé à 5,5 %. Or, l'administration fiscale multiplie à l'encontre des entreprises de chocolat des redressements fiscaux arguant d'une TVA à 20,6 %, et réclame ainsi des différentiels de TVA qui ne sont pas justifiés au regard des textes réglementaires.
La conséquence de ces actions est de mettre gravement en péril ce secteur d'activité. Nombre de ces affaires ont été portées devant les juridictions administratives, qui se sont prononcées en faveur des industriels du chocolat.
Aussi, il souhaiterait qu'il lui confirme clairement la position des tribunaux administratifs, qui est aussi celle soutenue par la Commission européenne et la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes, la DGCCRF, et qu'il réaffirme sans ambiguïté que le chocolat noir doit être taxé à 5,5 %. (N° 619.)
VIII. - M. Auguste Cazalet souhaite attirer l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale sur l'indispensable mise en oeuvre d'un dépistage de masse des cancers colorectaux. Il lui rappelle que ces cancers sont responsables de 15 000 à 16 000 décès par an.
Il est de pratique courante d'attendre la survenance de symptômes significatifs pour explorer et pour opérer. Mais, malgré la chirurgie la plus performante, malgré la chimiothérapie et la radiothérapie, 59 % des patients meurent dans les cinq ans.
L'on sait que le dépistage individuel et familial des sujets à haut risque, à qui les cliniciens proposent d'emblée une coloscopie, est efficace et utile. L'on sait peut-être moins que 75 % des cancers du côlon surviennent chez des adultes d'âge moyen sans risque individuel ou familial particulier.
C'est donc en amont, vers quarante-cinq - cinquante ans, qu'il faut intervenir en proposant à la population le test, appelé Hémoccult, pour recherche de saignement occulte dans les selles. Ce moyen de dépistage du cancer colorectal, dont la communauté scientifique s'accorde à dire qu'il permet de diminuer d'un tiers les décès, est fiable et peu coûteux.
En matière de santé publique, il arrive un moment où l'inertie n'est plus justifiée. Or, le succès du dépistage de masse du cancer colorectal ne pourra être obtenu sans la mobilisation des pouvoirs publics, des organismes d'assurance maladie, des médecins et, plus largement, des professionnels de santé et, avant tout, de la population.
Il lui demande de bien vouloir lui indiquer l'action que le Gouvernement entend conduire dans ce domaine. (N° 620.)
IX. - M. Gérard Delfau attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur l'inquiétude suscitée par M. le directeur de la comptabilité publique concernant un plan de fermeture des perceptions. Mille établissements de ce type, sur les 4 000, seraient menacés, soit ceux qui comptent au plus trois fonctionnaires.
Ce nouveau désengagement de l'Etat et cette nouvelle atteinte au service public méconnaissent le rôle du percepteur de proximité dans la collecte des impôts : le ministère pourrait-il communiquer au Parlement le taux de rentrée de la collecte en fonction des strates de communes ?
N'est-il pas avéré que l'agent qui connaît la population a une efficacité économique supérieure à celui qui est perdu dans l'anonymat des villes ? Et que dire de son efficacité sociale, que connaissent bien les élus ?
S'agissant des municipalités, il n'a pas échappé au ministère des finances que le rôle de conseil auprès des maires et des secrétaires de mairie s'est considérablement accru depuis les lois de décentralisation et en fonction d'une inflation réglementaire et législative préoccupante, sans parler d'une dérive procédurière qui fragilise l'élu.
Une fois de plus, supprimer un tel service public reviendrait à éloigner l'Etat et à laisser démunies des communes petites et moyennes, qui n'ont pas accès à des services privés spécialisés, en raison de la modicité de leur budget.
Cette orientation est d'autant plus choquante que, par une pente naturelle, les fonctionnaires ont tendance à se regrouper dans les services centraux de leur administration : niveau national, régional et départemental, selon une sorte de reconcentration qui viole l'esprit des lois Defferre, bien oubliées aujourd'hui.
Il lui demande, en conséquence, d'ouvrir une vraie discussion avec le Parlement avant d'entreprendre une telle démarche et de fournir les éléments chiffrés rappelés par cette question. (N° 622.)
X. - M. Marcel Bony attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les modalités de recouvrement de la taxe de séjour.
Perçue directement par les logeurs, hôteliers, propriétaires pour le compte des stations classées, elle doit être versée au receveur municipal dans les vingt jours qui suivent la période définie pour sa perception. A cette occasion, une déclaration indiquant le montant total de la taxe doit être produite.
Or, les fraudes sont d'autant plus faciles que les moyens de contrôle sont limités, que le régime est déclaratif et que les sanctions sont difficiles à mettre en oeuvre. Les maires des communes touristiques ne sont pas toujours en mesure de vérifier l'état qui doit être tenu par les hébergeurs et encore moins de leur demander la communication des pièces et documents comptables s'y rapportant.
Si aucune déclaration n'est faite, il n'est pas possible d'émettre de titre de recettes, la commune ayant pour seul choix d'envoyer une lettre de rappel à l'efficacité modeste ou de porter plainte pénalement.
Puisque le produit de cette taxe constitue la base de la subvention des offices du tourisme de ces collectivités, lesquelles contribuent à grossir la clientèle de ces hébergeurs, il lui demande s'il ne trouve pas anachronique ce type de recouvrement de l'impôt par des particuliers et comment améliorer son rendement ? (N° 624.)
XI. - M. René-Pierre Signé interroge Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur le problème des zonages de nos territoires et, plus particulièrement, les enjeux de limites entre pays et parc naturel régional.
L'aménagement du territoire fait l'objet, depuis plusieurs années, d'une attention soutenue des services de l'Etat, due, entre autres, à des inégalités spatiales de plus en plus alarmantes. Aujourd'hui, une véritable volonté d'innovation politique a vu le jour, principalement à travers la promotion d'un développement « durable » du territoire.
Par leur capacité de fédération des ressources locales et d'innovation, les parcs naturels régionaux apparaissent, bel et bien, comme un exemple fécond de territoire de projet.
Il apparaît à l'évidence que les PNR ont donc constitué la principale source d'inspiration dans l'élaboration de la politique de pays. L'expérience réussie des parcs naturels régionaux peut être une utile référence sur le plan de la méthode. Ces deux territoires procèdent, en effet, du même souci de faire des citoyens les acteurs de la reconquête de leur territoire.
Il s'agit, en fait, de deux outils pour une même démarche de développement local. Loin de lui l'idée d'opposer ces deux types de territoire qui ne sont en rien des structures rigides, jalouses de leurs compétences respectives, c'est là d'ailleurs leur principale valeur ajoutée. Mais il y a cependant, dans la pratique, sur le terrain, non pas une concurrence, mais un problème de lisibilité entre eux.
L'organisation du chevauchement est prévue dans la loi. Celle-ci précise qu'un pays ne pourra comprendre des communes déjà incluses dans un parc naturel régional que s'il se concerte avec ce dernier en déterminant, par voie de convention, leurs champs d'intervention respectifs.
Le décret d'application de la LOADT relatif aux pays est en route. Ce décret permettra-t-il d'assurer un traitement équitable entre pays et parc ?
Il faut donner suffisamment de garanties à chacun. On peut souhaiter que le décret les fournisse et que confiance soit faite au terrain, à l'initiative et à la discussion. (N° 625.)
XII. - M. André Vallet attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la révision de la carte judiciaire, notamment quant à ses implications dans les Bouches-du-Rhône.
Il lui rappelle qu'au vu des solutions envisagées par la commission en charge de la révision l'avenir de la juridiction salonnaise paraît très compromise, alors que la qualité de son activité n'est nullement en cause, tant au plan quantitatif - 1 467 affaires contentieuses ont pris fin en 1997 - qu'au plan qualitatif - 95 % des jugements sont rendus à moins d'un mois, avec un taux d'appel d'à peine 8 % et une inversion des résultats concernant 2 % des dossiers.
Il lui rappelle également que la vitalité du bassin économique placé sous la compétence du tribunal de commerce de Salon justifie pleinement le maintien de cette juridiction, et que la suppression de ce tribunal n'aurait aucune cohérence alors que la chambre de commerce de Marseille vient d'installer une structure à Salon-de-Provence, que la chambre des métiers va prochainement y implanter une partie de ses activités, que cette ville a été la commune ayant créé le plus grand nombre d'emplois en 1998 pour l'ensemble de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Il lui indique en outre que cette éventuelle disparition serait également supportée par le justiciable qui, outre des frais de déplacement supplémentaires, se verrait imposer des délais de traitement des affaires plus longs et que cette situation serait tout à fait contraire à la politique tendant à développer une justice de proximité.
Dès lors, il lui demande quelles raisons objectives seraient de nature à justifier la suppression, ou la forte diminution, de l'activité du tribunal de commerce de Salon-de-Provence. (N° 627.)
XIII. - M. Michel Duffour appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les conséquences qu'entraîne pour la vie des salariés l'intransigeance des directions des grandes entreprises. C'est ainsi que CEGELEC, filiale d'Alcatel-Alsthom pour le bâtiment, se permet de licencier et de mettre à pied du personnel protégé et non protégé dont la seule faute est d'avoir fait grève pour faire respecter des avantages acquis et d'avoir occupé les locaux de Nanterre, décision prise par la majorité des salariés devant le refus de négocier de la direction.
C'est une remise en cause inacceptable du droit de grève. Le groupe entier refuse d'aborder les questions de la réduction du temps de travail avec les représentants du personnel et, en préalable à toute discussion, procède à une remise en cause des avantages acquis dans le cadre des conventions collectives.
Ce faisant, le groupe se comporte comme s'il voulait faire payer, par anticipation, les 35 heures en supprimant la prime d'outillage, les temps de pause dans la durée effective du temps de travail.
L'émoi est grand parmi les salariés qui ont pris au pied de la lettre les décisions gouvernementales et parlementaires concernant la réduction du temps de travail.
Rappelant que des collègues députés l'ont également interpellée sur cette question, il lui demande ce qu'elle compte faire pour ramener à la raison les dirigeants des grandes entreprises et que cesse leur jeu de massacre de vies humaines. (N° 628.)
XIV. - M. Thierry Foucaud attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les manquements graves à l'exercice des libertés d'information syndicale qui ont cours à l'usine Renault de Cléon.
Le 27 décembre 1968 était adoptée une loi n° 68-1179 au caractère progressiste qui comportait de réelles avancées pour l'exercice des mandats des élus du personnel dans les entreprises ainsi que pour l'activité syndicale. Ce texte était le fruit du grand mouvement social de mai et juin de la même année, lequel marque encore de son empreinte l'histoire de notre pays.
Au terme de l'alinéa 4 de l'article L. 412-8 du code du travail, le droit à l'information était reconnu pour les salariés. Il stipule en effet que les « publications et tracts de nature syndicale peuvent être librement diffusés aux travailleurs dans l'entreprise, dans l'enceinte de celle-ci, aux heures d'entrée et de sortie du travail ».
Ainsi, les délégués pouvaient-ils dès ce moment rendre compte de leurs mandats et les syndicats et leurs militants bénéficier de libertés nouvelles.
Depuis, bien des changements sont intervenus dans l'organisation du travail : horaires variables, flexibilité introduite dans nombre d'entreprises.
Les conditions d'application des dispositions auxquelles il fait référence plus haut sont donc devenues différentes. C'est le cas à l'usine Renault de Cléon, en Seine-Maritime. Il existe désormais sept accès différents pour les employés de cette unité de production, et pour ne prendre l'exemple que d'un seul bâtiment (bât. E), soixante-quatre portes d'entrée et des dizaines de vestiaires.
Les horaires principaux qui étaient au nombre de quatre il y a vingt ans sont devenus plus de deux cents si on prend en compte l'individualisation du travail et les reprises et cessations d'activités à heures décalées.
Comme elle le voit, la législation est devenue inapplicable au sens strict. Dans le même temps, la direction de ce site s'emploie à l'interpréter à la lettre, c'est-à-dire de façon restrictive. Elle s'obstine à ne pas vouloir ouvrir de négociations.
Les conséquences sont graves. Plus de cinquante sanctions ont été prononcées. Un tel blocage ne concourt qu'à dégrader le climat social.
C'est la raison pour laquelle il souhaite savoir quelles mesures elle compte prendre pour que la liberté d'information des salariés par leurs élus ne subisse pas d'entraves. (N° 631.)
XV. - M. Pierre Martin attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les conséquences induites par la modification du zonage de la PAT, la prime à l'aménagement du territoire, envisagée par la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR, pour la région Picardie, et en particulier le département de la Somme.
Les critères retenus par le Gouvernement pour l'attribution de la PAT manquent de cohérence tant du point de vue géographique que du point de vue économique.
En réponse à une question écrite posée le 22 avril 1999, elle a précisé que « le zonage, en France comme ailleurs, ne pourra plus épouser les contours des zones industrielles, mais il devra incorporer la population des bassins d'emploi dans la totalité ».
Ce dernier zonage menace d'isolement économique de nombreux cantons. Le canton d'Hallencourt en constitue un exemple parfait. Celui-ci bénéficiait jusqu'alors de la PAT comme du FEDER, le Fonds européen de développement économique régional. Or, aujourd'hui, dans le zonage de la PAT présenté par le Gouvernement, le canton d'Hallencourt en est exclu.
Cette situation constitue, à l'évidence, une anomalie géographique et historique. Mme le ministre avait pourtant montré certains signes de souplesse dans l'élaboration de ce nouveau zonage, mais cette souplesse n'a pas atténué la rigidité des nouveaux critères déterminés par le Gouvernement et les conséquences désastreuses qui en découlent pour de nombreux cantons.
C'est pourquoi, se faisant l'interprète des élus de la Somme, il lui demande, d'une part, quelles sont les intentions du Gouvernement pour remédier à cette situation, notamment pour réintégrer le canton d'Hallencourt dans le futur zonage de la PAT, et, d'autre part, quelles sont ses intentions concernant le zonage « Objectif 2 » puisque la Picardie, plus particulièrement le département de la Somme, apparaissent une nouvelle fois victimes d'une décision pénalisante compte tenu des derniers critères d'éligibilité déterminés par le gouvernement. (N° 633.)
A seize heures et, éventuellement, le soir :
2. Discussion du projet de loi (n° 487, 1999-2000) autorisant l'approbation de la convention entre le gouvernement de la République française, le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le gouvernement de la République italienne, le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord portant création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement, l'OCCAR (ensemble quatre annexes).
Rapport (n° 44, 1999-2000) de M. Jean-Guy Branger, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
3. Discussion de la proposition de loi (n° 76, 1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, instituant un médiateur des enfants.
Rapport (n° 43, 1999-2000) de M. Christian Bonnet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
4. Discussion de la proposition de loi organique (n° 77, 1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'inéligibilité du médiateur des enfants.
Rapport (n° 43, 1999-2000) de M. Christian Bonnet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble de la proposition de loi organique.
La conférence des présidents a décidé qu'il serait procédé à une discussion générale commune.
Délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux textes : lundi 8 novembre 1999, à dix-sept heures.

Délai limite pour les inscriptions
de parole et pour le dépôt des amendements

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant sur diverses professions relevant du ministère de la justice, la procédure civile et le droit comptable (n° 416, 1998-1999) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : ouverture de la discussion générale.
Projet de loi modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption (n° 179, 1998-1999) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 9 novembre 1999, à dix-sept heures.
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale (n° 40, 1999-2000) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 16 novembre 1999, à onze heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : ouverture de la discussion générale.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée, le 5 novembre 1999, à zéro heure cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ERRATUM
Au compte rendu intégral de la séance du 26 octobre 1999
ACTION PUBLIQUE EN MATIÈRE PÉNALE

Page 5448, 1re colonne, dans le texte proposé par l'amendement n° 31 à l'article 5 (art. 40-2 du code de procédure pénale), à la 2e ligne du troisième alinéa :
Au lieu de : « les mois » ;
Lire : « le mois ».

ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
CONSEIL D'ADMINISTRATION DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE
DE PROGRAMME RADIO-FRANCE INTERNATIONALE

Lors de sa séance du 4 novembre 1999, le Sénat a désigné M. Jean-Paul Hugot pour siéger au sein du conseil d'administration de la Société nationale de programme Radio France internationale, en remplacement de M. Charles de Cuttoli, démissionnaire.

NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION PERMANENTE

Dans sa séance du jeudi 4 novembre 1999, le Sénat a nommé M. Gérard Collomb, membre de la commission des affaires culturelles, en remplacement de M. Franck Sérusclat, démissionnaire de son mandat de sénateur.

NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

M. Michel Souplet a été nommé rapporteur de la proposition de résolution n° 46 (1999-2000) de MM. Marcel Deneux, Jean Bizet et plusieurs de leurs collègues sur la communication de la Commission européenne au Conseil et au Parlement européen relative à l'approche de l'Union européenne en vue du cycle du millénaire de l'Organisation mondiale du commerce (n° E 1285).
M. Michel Souplet a été nommé rapporteur de la proposition de résolution n° 47 (1999-2000) de MM. Jean Bizet et Marcel Deneux sur la communication de la Commission européenne au Conseil et au Parlement européen relative à l'approche de l'Union européenne en vue du cycle du millénaire de l'Organisation mondiale du commerce (n° E 1285).

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

M. Charles Descours (Equilibres financiers généraux de la sécurité sociale et assurance maladie), M. Jacques Machet (Famille) et M. Alain Vasselle (Assurance vieillesse) ont été nommés rapporteurs du projet de loi n° 40 (1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2000.

COMMISSION DES FINANCES

M. Jacques Chaumont a été nommé rapporteur du projet de loi n° 26 (1999-2000) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Arménie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole).
M. Jacques Oudin a été nommé rapporteur pour avis du projet de loi n° 40 (1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2000, dont la commission des affaires sociales est saisie au fond.

DÉLAIS LIMITES POUR LE DÉPÔT DES AMENDEMENTS À DES PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION EUROPÉENNES

En application de l'article 73 bis, alinéa 6 du règlement, la commission des affaires économiques et du Plan examinera, le mercredi 10 novembre 1999, à 9 h 15, le rapport sur la proposition de résolution n° 46 (1999-2000) présentée, en application de l'article 73 bis du règlement, par MM. Marcel Deneux, Jean Bizet et plusieurs de leurs collègues, sur la communication de la Commission européenne au Conseil et au Parlement européen relative à l'approche de l'Union européenne en vue du cycle du millénaire de l'Organisation mondiale du commerce (n° E 1285), ainsi que les éventuels amendements qui seront présentés sur cette proposition de résolution.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est fixé au mardi 9 novembre 1999, à 17 heures. Les amendements devront être déposés directement au secrétariat de la commission.
(Il est rappelé que, conformément à l'article 73 bis, alinéa 6, du règlement, les amendements dont aucun des auteurs n'appartient à la commission saisie au fond sont présentés devant celle-ci par leur premier signataire. La présente publication vaut, à leur égard, convocation à la réunion de la commission.)
En application de l'article 73 bis, alinéa 6, du règlement, la commission des affaires économiques et du Plan examinera, le mercredi 10 novembre 1999, à 9 h 15, le rapport sur la proposition de résolution n° 47 (1999-2000) présentée, en application de l'article 73 bis du règlement, par MM. Jean Bizet et Marcel Deneux, au nom de la délégation pour l'Union européenne, sur la communication de la Commission européenne au Conseil et au Parlement européen relative à l'approche de l'Union européenne en vue du cycle du millénaire de l'Organisation mondiale du commerce (n° E 1285), ainsi que les éventuels amendements qui seront présentés sur cette proposition de résolution.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est fixé au mardi 9 novembre 1999, à 17 heures. Les amendements devront être déposés directement au secrétariat de la commission.
(Il est rappelé que, conformément à l'article 73 bis, alinéa 6, du règlement, les amendements dont aucun des auteurs n'appartient à la commission saisie au fond sont présentés devant celle-ci par leur premier signataire. La présente publication vaut, à leur égard, convocation à la réunion de la commission.)

NOMINATION DU BUREAU PROVISOIRE
D'UNE DÉLÉGATION

Dans sa séance du jeudi 4 novembre 1999, la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a procédé à la nomination de son bureau provisoire, qui est ainsi constitué :
Présidente : Mme Dinah Derycke.
Membres : Mme Paulette Brisepierre, M. Jean-Louis Lorrain, Mme Janine Bardou, M. Guy Cabanel, Mme Odette Terrade.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Développement de Radio France

639. - 4 novembre 1999. - M. Jack Ralite attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur le développement de Radio France, à l'heure des technologies du numérique. Aussi, il lui demande quelles mesures budgétaires elle entend prendre pour développer le réseau national et local de Radio France.



ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du jeudi 4 novembre 1999


SCRUTIN (n° 12)



sur l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la réduction négociée du temps de travail.

Nombre de votants : 309
Nombre de suffrages exprimés : 309
Pour : 211
Contre : 98

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :

Pour : 16.
Contre : 5. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin et Gérard Delfau.
N'ont pas pris part au vote : 2. _ MM. Paul Girod, qui présidait la séance, et Pierre Jeambrun.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (98) :

Pour : 97.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat.

GROUPE SOCIALISTE (78) :

Contre : 77.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Gérard Collomb.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :

Pour : 52.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :

Pour : 46.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :

N'ont pas pris part au vote : 7.

Ont voté pour


Nicolas About
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Alain Peyrefitte
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac

Ont voté contre


François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber

N'ont pas pris part au vote


MM. Philippe Adnot, Gérard Collomb, Philippe Darniche, Jacques Donnay, Hubert Durand-Chastel, Alfred Foy, Pierre Jeambrun, Bernard Seillier et Alex Türk.

N'ont pas pris part au vote


MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Paul Girod, qui présidait la séance.

Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.