Séance du 4 novembre 1999
M. le président. « Art. 4. _ I. _ L'article L. 212-9 du code du travail est ainsi rétabli :
« Art. L. 212-9 . _ I. _ La durée hebdomadaire de travail peut être réduite, en tout ou partie, en deçà de trente-neuf heures, par l'attribution sur une période de quatre semaines, selon un calendrier préalablement établi, d'une ou plusieurs journées ou demi-journées de repos équivalant au nombre d'heures effectuées au-delà de la durée hebdomadaire de travail fixée par l'article L. 212-1 ou de la durée conventionnelle si elle est inférieure. Les heures effectuées au-delà de trente-neuf heures par semaine ainsi que, à l'exclusion de ces dernières, celles effectuées au-delà de la durée résultant de l'application sur cette période de la durée légale du travail sont des heures supplémentaires auxquelles s'appliquent les dispositions des articles L. 212-5, L. 212-5-1 et L. 212-6. En cas de modification des dates fixées pour la prise des jours de repos, ce changement doit être notifié au salarié dans un délai de sept jours au moins avant la date à laquelle cette modification doit intervenir.
« II. _ Une convention ou un accord étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire moyenne sur l'année est réduite, en tout ou partie, en deçà de trente-neuf heures, par l'attribution de journées ou de demi-journées de repos. Lorsque la durée du travail constatée excède trente-cinq heures en moyenne sur l'année et, en tout état de cause, une durée annuelle de 1 600 heures, les heures effectuées au-delà de cette durée sont des heures supplémentaires auxquelles s'appliquent les dispositions des articles L. 212-5, L. 212-5-1 et L. 212-6. Ces dispositions sont également applicables aux heures non déjà décomptées à ce titre et qui auraient été effectuées au-delà de trente-neuf heures ou d'un plafond inférieur fixé par la convention ou l'accord.
« La convention ou l'accord détermine les modalités de prise des journées ou des demi-journées de repos, pour partie au choix du salarié et pour partie au choix de l'employeur et, dans la limite de l'année, les délais maxima dans lesquels ces repos sont pris. En cas de modification des dates fixées pour la prise des jours de repos, ce changement doit être notifié au salarié dans un délai de sept jours au moins avant la date à laquelle cette modification doit intervenir. Ce délai peut être réduit dans des conditions fixées par la convention ou l'accord collectif. L'accord précise également les modalités de répartition dans le temps des droits à rémunération en fonction du calendrier de ces repos. L'accord collectif peut en outre prévoir qu'une partie de ces jours de repos alimente un compte épargne-temps dans les conditions définies par l'article L. 227-1.
« Les absences rémunérées ou indemnisées, les congés et autorisations d'absence auxquels les salariés ont droit en application de stipulations conventionnelles ainsi que les absences justifiées par l'incapacité résultant de maladie ou d'accident ne peuvent faire l'objet d'une récupération par le salarié. Les absences donnant lieu à récupération doivent être décomptées en fonction de la durée de travail que le salarié devait effectuer.
« II. _ L'article 4 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail est abrogé. Toutefois, les stipulations des conventions ou accords collectifs intervenues sur le fondement dudit article et applicables à la date de publication de la présente loi demeurent en vigueur. »
Sur l'article, la parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, avant d'exposer le sentiment qui est le nôtre sur l'article 4, je dois donner acte à Mme Aubry qu'elle a pour partie raison sur l'article 2 ter, après les éléments d'information complémentaires qu'elle a apportés. Je tiens toutefois à souligner qu'en utilisant le terme « incohérence » je me plaçais par rapport à la logique gouvernementale, qui tend à traduire, dans la législation française, les dispositions des directives européennes. Je ferme la parenthèse.
M. Claude Domeizel. Il vaut mieux !
M. Alain Vasselle. Je pense qu'on arrêtera là la polémique sur l'article 2 ter.
J'en viens maintenant à l'article 4. Je relève, dans cet article, que le Gouvernement a été sensible à des souhaits exprimés par les partenaires sociaux.
Dans le cadre de la négociation consécutive à la première loi, un grand nombre de branches professionnelles ont eu recours à cette formule de réduction du temps de travail. Les partenaires sociaux, qui ne sont pas dupes quant à la possibilité de créer de vrais emplois avec votre réforme, madame le ministre, ont privilégié cette voie de réduction du temps de travail. Ainsi, tout en continuant de travailler trente-neuf heures par semaine, les salariés bénéficieront d'une augmentation des repos compensateurs, qu'ils pourront prendre par journée ou par demi-journée. Cela va dans le bon sens !
Vous avez laissé la raison l'emporter en acceptant cette solution préconisée par les acteurs sociaux, en pérennisant cette formule et en faisant le choix d'assouplir le dispositif prévu sur la question dans la première loi par l'abrogation de l'article 4 de la loi de 1998.
Néanmoins, la commission des affaires sociales, par la voix de son rapporteur, nous proposera de légères modifications qui nous paraissent de nature à améliorer le dispositif. Si je m'en tiens aux déclarations qui ont été faites antérieurement sur les travées de gauche de cet hémicycle et par Mme le ministre, j'ai la faiblesse de croire qu'au moins sur ces points il devrait y avoir un assentiment du Gouvernement, puisque le rapporteur viendra conforter une partie des dispositions du texte initial.
M. le président. Sur l'article 4, je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 14 rectifié , M. Souvet, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le texte présenté par l'article 4 pour rétablir l'article L. 212-9 du code du travail :
« Art. L. 212-9. - I. La durée hebdomadaire de travail peut être réduite, en tout ou partie, en deçà de trente-neuf heures, par l'attribution, sur une période de douze semaines, selon un calendrier préalablement établi, d'une ou plusieurs journées ou demi-journées de repos équivalant au nombre d'heures effectuées au-delà de la durée hebdomadaire de travail fixée par l'article L. 212-1 ou de la durée conventionnelle si elle est inférieure. Les heures effectuées au-delà de la durée résultant de l'application sur cette période de la durée légale du travail sont des heures supplémentaires auxquelles s'appliquent les dispositions des articles L. 212-5, L. 212-5-1 et L. 212-6. En cas de modification des dates fixées pour la prise des jours de repos, ce changement doit être notifié au salarié dans un délai de sept jours au moins avant la date à laquelle cette modification doit intervenir.
« II. Une convention ou un accord étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire moyenne sur l'année est réduite, en tout ou partie, en deçà de 39 heures, par l'attribution de journées ou de demi-journées de repos. Lorsque la durée du travail constatée excède trente-cinq heures en moyenne sur l'année, les heures effectuées au-delà de cette durée sont des heures supplémentaires auxquelles s'appliquent les dispositions des articles L. 212-5, L. 212-5-1 et L. 212-6.
« La convention ou l'accord étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut déterminer les modalités de prise des journées ou des demi-journées de repos, pour partie au choix du salarié et pour partie au choix de l'employeur et, dans la limite de deux ans, les délais maxima dans lesquels ces repos sont pris. L'accord précise également les modalités de répartition dans le temps des droits à rémunération en fonction du calendrier de ces repos. L'accord collectif peut en outre prévoir qu'une partie de ces jours de repos alimente un compte épargne-temps dans les conditions définies par l'article L. 227-1. »
Par amendement n° 112, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer le I du texte présenté par le I de l'article 4 pour l'article L. 212-9 du code du travail.
Par amendement n° 51, M. Arnaud et les membres du groupe de l'Union centriste proposent, dans la deuxième phrase du I du texte présenté par le I de l'article 4 pour l'article L. 212-9 du code du travail, après les mots : « par semaine », d'insérer les mots : « ou de la durée fixée par l'accord collectif ».
Par amendement n° 113, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans la première phrase du premier alinéa du II du texte présenté par le I de l'article 4 pour l'article L. 212-9 du code du travail, de remplacer les mots : « l'année » par les mots : « le mois ».
Par amendement n° 114, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après les mots : « demi-journées de repos », de rédiger ainsi la fin de la première phrase du deuxième alinéa du II du texte présenté par le I de l'article 4 pour l'article L. 212-9 du code du travail : « pour 70 % au choix du salarié et pour les 30 % restants selon les modalités prévues pour l'attribution des congés payés annuels et, dans la limite du mois, le délai maximum dans lequel ces repos sont pris ».
Par amendement n° 52, Mme Bocandé et les membres du groupe de l'Union centriste proposent, après la première phrase du deuxième alinéa du II du texte présenté par le I de l'article 4 pour l'article L. 212-9 du code du travail, d'insérer une phrase ainsi rédigée : « Les jours de repos sont décidés d'un commun accord entre le salarié et l'employeur. »
Enfin, par amendement n° 115, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer la troisième phrase du deuxième alinéa du II du texte présenté par le I de l'article 4 pour l'article L. 212-9 du code du travail.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 14 rectifié.
M. Louis Souvet, rapporteur. L'article 4 prévoit les modalités de réduction du temps de travail par journée ou demi-journée de repos.
Cette disposition existait déjà dans la loi du 13 juin 1998 et elle a fait l'objet, dans le présent article, d'une codification et de quelques modifications.
La commission propose une nouvelle rédaction de cet article tendant à faciliter le recours à ce dispositif conventionnel. On remarque en effet que les délais de prévenance en cas de modification des dates fixées pour la prise des jours de repos ne s'imposent pas dans ce type de modulation. En outre, la fixation dans la loi des absences ne pouvant pas donner lieu à récupération pourrait poser des problèmes, notamment dans les périodes hautes de la modulation.
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 112.
M. Guy Fischer. Avec l'article 4, le Gouvernement ne se contente pas de codifier et de pérenniser les dispositions prévues par l'article 4 de la loi du 13 juin 1998, qui mettait en place la réduction du temps de travail sous forme de jours de repos, il les assouplit.
En effet, le paragraphe I prévoit que, désormais, la réduction du temps de travail pourra être réalisée conventionnellement par l'attribution de demi-journées de repos et non plus exclusivement par jour entier sur une période de quatre semaines. Seules les heures au-delà de trente-neuf heures ainsi que celles qui dépassent la moyenne de trente-cinq heures sur quatre semaines seront considérées comme des heures supplémentaires.
En l'absence d'accord collectif, l'employeur aura tout loisir, unilatéralement, de répartir à l'intérieur d'une période de quatre semaines la durée du travail.
A priori, le dispositif ainsi proposé peut paraître attrayant pour les salariés. Toutefois, il bouscule le cadre hebdomadaire, sans que la souplesse ainsi accordée à l'employeur soit soumise à la consultation des salariés, à leur accord.
De plus, comme l'a noté, à l'Assemblée nationale,Gaëtan Gorce, dans son rapport, ce dispositif de mensualisation du temps de travail apparaît imprécis. En effet, aucune disposition ne détermine le temps préalable à la présentation aux salariés du planning des journées. Qu'adviendra-t-il si les journées de congé proposées ne conviennent pas aux salariés ?
Nous ne pouvons souscrire à cette forme d'accès direct à la flexibilité. C'est pourquoi nous vous demandons d'adopter notre amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Arnaud, pour défendre l'amendement n° 51.
M. Philippe Arnaud. Cet amendement tend à donner plus de souplesse et de liberté au dispositif proposé. Cependant, je constate qu'il est satisfait par celui de la commission. Par conséquent, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 51 est retiré.
La parole est à M. Bret, pour défendre l'amendement n° 113.
M. Robert Bret. Le paragraphe II de l'article prévoit que, par accord de branche ou d'entreprise, un dispositif de congé réduction du temps de travail pourra être mis en place sur l'année.
Plusieurs de nos interventions précédentes ont pointé les dangers de la modulation, source de flexibilité pour le salarié. Considérant qu'en définitive cette réduction annuelle du temps de travail conduit à mettre en place une forme d'annualisation individuelle du temps de travail, nous proposons, par cet amendement, de retenir comme cadre de la réduction du temps de travail le mois et non l'année.
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 114.
M. Guy Fischer. Avec votre permission, monsieur le président, je défendrai dans le même temps l'amendement n° 115.
Lorsque la réduction du temps de travail s'effectue dans le cadre de l'année, il convient de renforcer les protections des salariés.
Ces amendements visent ainsi à s'assurer que le salarié restera effectivement maître de choisir en grande partie ses jours de congés. A cet effet, nous proposons de préciser qu'à 70 % la prise des jours de repos s'effectuera au choix du salarié, le reste faisant l'objet d'une planification élaborée par l'employeur, au regard des besoins de l'entreprise.
Par ailleurs, nous tenons à ce qu'en cas de modification des dates prévues pour la prise de congés le salarié soit prévenu au moins sept jours avant, sans possibilité de réduire ce délai de notification par un accord.
Je ne me fais aucune illusion sur le sort qui sera réservé à ces amendements par le Sénat, étant entendu que la réécriture de l'article 4 proposée par la commission a pour objet de faciliter le recours à ce dispositif en supprimant les maigres garanties qui l'entourent, notamment le délai de prévenance.
M. le président. La parole est à M. Arnaud, pour défendre l'amendement n° 52.
M. Philippe Arnaud. Cet amendement procède du même esprit que notre amendement précédent.
Les jours de repos sont décidés d'un commun accord entre le salarié et l'employeur. Afin de répondre aux aspirations des salariés, il serait souhaitable que les heures de récupération puissent être globalisées en demi-journées ou journées de repos.
Toutefois, cet amendement étant également satisfait par celui de la commission, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 52 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 112 à 115 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces quatre amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 14 rectifié, 112, 113, 114 et 115 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Comme l'a très bien dit M. Vasselle, l'article 4, tel qu'il a été rédigé par le Gouvernement, correspond au souhait des partenaires sociaux.
De nombreux accords, notamment dans les petites et moyennes entreprises, prévoient la possibilité d'une réduction de la durée du travail sous la forme de jours de repos dans le mois. Toutefois, dans l'esprit du Gouvernement, cette faculté ne peut en aucun cas constituer, contrairement à ce qu'a dit M. le rapporteur, un dispositif de modulation. Or, l'amendement de la commission, qui vise à étendre la période d'attribution des jours de repos de quatre semaines à douze semaines, reviendrait, effectivement, à moduler le temps de travail de manière infra-annuelle, à l'intérieur du trimestre, ce qui ne correspond absolument pas à notre souhait.
Nous désirons tout simplement, par cet article, ouvrir cette possibilité aux petites et moyennes entreprises mais également à certains salariés - je pense notamment à ceux de la région parisienne, dont les temps de transport sont importants - qui préfèrent bénéficier d'une demi-journée, voire d'une journée mensuelle de repos, plutôt que de voir réduit un jour de travail de plusieurs minutes.
Ces dispositions vont dans le sens de l'intérêt des salariés, me semble-t-il, ce qui ne serait pas le cas si l'on arrivait à une modulation sur douze semaines.
Par conséquent, je ne peux pas être favorable à l'amendement n° 14 rectifié de la commission, qui, par ailleurs, supprime un certain nombre des garanties prévues concernant la seconde modalité de jours de repos sur l'année : le seuil de 1 600 heures permet au chef d'entreprise de décider unilatéralement de la modalité de ces prises de congés, alors que notre texte renvoie à un accord ; le délai de prévenance en cas de modification d'horaires est supprimé.
L'amendement n° 112 tend à supprimer la modalité de réduction du temps de travail sous forme d'attribution de jours de repos à l'intérieur d'une période de quatre semaines en l'absence d'un accord collectif. Aujourd'hui, sans accord collectif, un employeur peut organiser le temps de travail sur la semaine soit en réduisant la durée quotidienne de travail, soit en accordant une demi-journée de congé supplémentaire. Je ne vois pas pourquoi ce qui est possible sur la semaine ne le serait pas sur le mois.
J'ajoute - et cet argument est pour moi beaucoup plus fort - que, dès lors que nous avons lié la baisse des charges sociales à la conclusion d'un accord collectif, nous sommes absolument convaincus - c'est d'ailleurs ce qui se passe actuellement - que la majorité des entreprises ne prendront pas de décisions unilatérales. Elles rechercheront, au contraire, un accord et, par voie de conséquence, elles trouveront des modalités qui correspondent aussi au souhait des salariés.
S'agissant de l'amendement n° 113, la possibilité de donner des congés annuels par la voie d'accords - puisque nous imposons l'accord - permet à certaines catégories, notamment les cadres, de bénéficier, effectivement, de la réduction de la durée du travail. Il n'en serait sans doute pas de même, je le crains, si nous supprimions cette possibilité.
En ce qui concerne l'amendement n° 115, contrairement au souhait de M. le rapporteur, nous ne laissons pas aux chefs d'entreprise la liberté de réduire le délai de prévenance. Nous prévoyons qu'un accord précisera les dispositions applicables.
Pour ce qui est de ce dernier amendement, comme de l'amendement n° 114, le Gouvernement considère qu'il faut faire confiance aux organisations syndicales. Dans la mesure où nous lions la signature de l'accord à la baisse des charges, elles auront des moyens de faire avancer les propositions des salariés.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 14 rectifié.
M. Bernard Murat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. On parlait tout à l'heure de cohérence.
Madame le ministre, vous dont je connais les origines corréziennes, vous savez parfaitement que les Corréziens sont des gens de bon sens, et je veux, en toute amitié, vous interpeller sur un événement sportif connu de tous.
Mme le ministre de la jeunesse et des sports, dimanche après-midi, est allée féliciter l'équipe de France de rugby.
M. Jean-Luc Mélenchon. Ils ont été bons !
Mme Nicole Borvo. Très bons !
M. Bernard Murat. Ils ont même été excellents, et « Titou » Lamaison, qui est un Briviste, a été le meilleur ! (Sourires.)
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est Abdelatif Benazzi le meilleur français !
M. Bernard Murat. Mais le problème n'est pas là, monsieur Mélenchon.
Mme le ministre, qui était présente, a-t-elle pu comptabiliser le temps nécessaire aux joueurs pour revêtir leur maillot puis pour le retirer ? (Vives exclamations sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Guy Fischer. C'est de la caricature !
M. Bernard Murat. Comment peut-on appliquer la loi à ces professionnels ? Comment comptabiliser une activité multiple entre l'entraînement, le transport et les matches ? Sans parler des prolongations, pour lesquelles je ne pense pas que les joueurs soient payés en heures supplémentaires !
On voulait parler de cohérence ? Parlons-en : voilà un exemple concret que tous les Français connaissent !
Croyez-moi, pour tout responsable d'un club professionnel de sport en France, c'est un vrai problème.
Je pose la question tout simplement, madame le ministre, car nous n'avons toujours pas de réponse. C'est un cas concret de l'application de la flexibilité.
M. Alain Vasselle. Très bien !
Mme Nicole Borvo. Vive le rugby !
M. Alain Gournac. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Je souhaite répondre à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Encore moi ? Je n'ai pourtant rien dit, cette fois ! (Rires.)
M. Alain Gournac. Monsieur Mélenchon, m'autorisez-vous à vous dire un mot ? (Nouveaux rires.)
Vous avez souligné, tout à l'heure, que notre collègue Alain Vasselle s'était exprimé avec beaucoup d'élégance. Pour ma part, je suis étonné que Mme le ministre ait pu lui répondre avec si peu d'élégance, tranchant par là avec l'élégance de sa réponse sur la précédente question. (Exclamations sur les travées socialistes.)
Comme, de temps en temps, Mme le ministre nous donne quelques leçons, je veux simplement lui dire que j'ai été très étonné.
Je tiens à dire une deuxième chose : à force de grossir le trait, on finirait presque par faire de la gauche ce grand coeur qui met tout en oeuvre pour aider les salariés. Sachez que cela fait rire à l'extérieur ! (Exclamations sur les travées socialistes ainsi que les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Guy Fischer. C'est pourtant l'histoire de notre pays !
M. Alain Gournac. Nous, gaullistes, nous avons bien fait avancer les choses, mais vous avez du mal à le reconnaître ! (Rires sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mais je reviens à l'amendement n° 14 rectifié.
La nouvelle rédaction que propose M. le rapporteur consiste à faciliter de manière substantielle le recours à un dispositif dont nous venons de vanter les mérites.
Le délai de prévenance en cas de modification des dates fixées ne s'impose pas dans ce type de modulation, comme vient de nous l'expliquer M. le rapporteur.
De plus, la fixation dans la loi des dispositions relatives aux absences qui ne pourraient donner lieu à récupération semble effectivement poser un certain nombre de problèmes.
Il ne nous paraît donc pas judicieux d'inscrire ces dispositions dans la loi. En conséquence, nous voterons cet amendement, qui modifie et, surtout, améliore incontestablement l'article 4 de ce projet de loi.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je vous fais un aveu, monsieur le président, je n'avais pas songé à m'exprimer sur ce point. Mais je m'y résous, puisqu'il semble que je tienne lieu de « surmoi » social, pour prendre dans le vocabulaire freudien (Mme le ministre s'esclaffe), à M. Gournac, qui éprouve le besoin de m'interpeller alors que je suis là, tranquillement en train de préparer mes arguments.
M. Alain Gournac. Oh !
M. Jean-Luc Mélenchon. Mais cela ne me dérange pas du tout. Cela me fait même très plaisir de voir l'attention que vous portez à la cohérence de ma pensée ! (Sourires.) De toute manière, vous l'avez bien cherché.
M. Alain Gournac. Oui !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Mais cela tourne à la conversation de salon !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je suis obligé de vous dire que, une fois de plus, ce ne sera pas à votre gloire quand il faudra aller expliquer aux travailleurs la loi et ses souplesses.
Vous savez, les souplesses n'ont pas forcément bonne réputation sur toutes les travées de gauche. On discute aussi entre nous et puis, certes, il faut bien suivre notre gouvernement, qui propose un arbitrage. Plusieurs de mes collègues, qui ont d'ailleurs précisé qu'ils le faisaient sans illusion, demandent que l'on resserre un peu le dispositif, tout de même. Et quand je m'exprime de cette manière, je ne fais que manifester quelque chose qui existe aussi parmi les salariés. Mais vous, cela ne vous suffit pas ; vous n'êtes donc pas dans notre registre. Vous proposez de supprimer les délais de prévenance. Evidemment, comme vous n'osez pas le dire comme cela, à chaque fois vous renvoyez à la négociation.
En plus, vous vous recommandez du gaullisme pour le faire !
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Robert Bret. C'est du gaullisme perverti !
M. Jean-Luc Mélenchon. Je ne sais pas ce que le gaullisme a à voir avec le délai de prévenance. (Rires sur les travées socialistes.- Mme le ministre rit également.) Ou, sinon, pour le coup, cela devient une pensée très globalisante et très systématique.
Vous nous reprochez de vouloir nous mêler du casse-croûte, mais au moins, c'est consistant, on voit de quoi il s'agit. Et voilà que le gaullisme a une doctrine concernant le délai de prévenance ! (Exclamations sur les travées du RPR.) Bon, pourquoi pas ?
Mais si c'est une doctrine, franchement, elle est cruelle. Parce que le délai de prévenance, c'est une expression qui signifie que l'on prévient le gars ou la fille qu'il va falloir venir travailler alors que ce n'était pas prévu ; on se donne donc un délai. Il est normal que ceux qui, en l'occurrence, représentent au plus proche les salariés fassent valoir que plus le délai est grand, mieux l'on se porte.
A part travailler et défendre la compétitivité de l'entreprise - pour que le consommateur paie moins cher, paraît-il, parce que, jusqu'ici, les profits ont disparu de la comptabilité dans vos raisonnements - il y a un truc qui s'appelle la vie, la vie de famille !
M. Alain Gournac. Oh !
Mme Nicole Borvo. Allez parler aux caissières des grandes surfaces : elle savent ce que c'est, le délai de prévenance !
M. Jean-Luc Mélenchon. Il y a les vacances que l'on prend, les imprévus, les sorties avec les gosses parce qu'on leur a dit qu'on y serait. Bref, le délai de prévenance, c'est à cela que cela sert, à s'organiser. Franchement, ce n'est pas bestial. (Protestations sur les travées du RPR. - Rires sur les travées socialistes ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Ce n'est pas du marxisme « goulaguiste » que d'exiger que l'on prévienne les gens dans un délai raisonnable qui leur permette de s'organiser. Déjà que cela ne doit pas leur faire trop plaisir !
Mais si la doctrine gaulliste en matière de délai de prévenance prévoit qu'il n'y a pas besoin de délai de prévenance, alors, bon ! (Rires sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Gournac. C'est affligeant !
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est vrai qu'il y a là une confrontation philosophique. (Sourires.) Pour l'instant, dans cette assemblée, la philosophie et la doctrine gaullistes de l'absence de délai de prévenance vont sans doute l'emporter, et je suis très content de savoir que les odieux marxistes goulaguistes de l'Assemblée nationale vont rétablir un peu d'humanité dans cette affaire !
M. Bernard Murat. Heureusement que vous êtes là !
Mme Nelly Olin. C'est affligeant !
M. Alain Gournac. Et consternant !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, le texte proposé pour rétablir l'article L. 212-9 du code du travail est ainsi rédigé et les amendements n°s 112 à 115 n'ont plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 4 bis