Séance du 16 novembre 1999
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Election d'un sénateur
(p.
1
).
3.
Modification de l'ordre du jour
(p.
2
).
4.
Dépôt du rapport d'une commission d'enquête
(p.
3
).
5.
Dépôt de rapports du Gouvernement
(p.
4
).
6.
Souhaits de bienvenue à M. le ministre de la défense d'Australie
(p.
5
).
7.
Conventions relatives à la compétence judiciaire et aux obligations
contractuelles.
- Adoption de deux projets de loi (p.
6
).
Discussion générale commune : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la
coopération et à la francophonie ; André Boyer, rapporteur de la commission des
affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale commune.
Adoption des articles uniques des deux projets de loi.
8.
Conventions relatives aux décisions en matière matrimoniale.
- Adoption de deux projets de loi (p.
7
).
Discussion générale commune : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la
coopération et à la francophonie ; André Boyer, rapporteur de la commission des
affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale commune.
Adoption des articles uniques des deux projets de loi.
9.
Accord relatif à l'établissement à Paris d'un bureau de la Ligue des Etats
arabes.
- Adoption d'un projet de loi (p.
8
).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération
et à la francophonie ; André Dulait, rapporteur de la commission des affaires
étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
10.
Accord avec le Kazakhstan sur l'encouragement et la protection réciproques des
investissements.
- Adoption d'un projet de loi (p.
9
).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération
et à la francophonie ; André Dulait, rapporteur de la commission des affaires
étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
11.
Adhésion à la convention internationale contre la prise d'otages.
- Adoption d'un projet de loi (p.
10
).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération
et à la francophonie ; André Rouvière, rapporteur de la commission des affaires
étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
12.
Accord avec la Slovénie sur l'encouragement et la protection réciproques des
investissements.
- Adoption d'un projet de loi (p.
11
).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération
et à la francophonie ; Serge Vinçon, rapporteur de la commission des affaires
étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
13.
Accord avec le Mexique sur l'encouragement et la protection réciproques des
investissements.
- Adoption d'un projet de loi (p.
12
).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération
et à la francophonie ; Hubert Durand-Chastel, rapporteur de la commission des
affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
14.
Protocole à la convention internationale pour la conservation des thonidés de
l'Atlantique.
- Adoption d'un projet de loi (p.
13
).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération
et à la francophonie ; Mme Danielle Bidard-Reydet, rapporteur de la commission
des affaires étrangères.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
15.
Convention fiscale avec le Kazakhstan.
- Adoption d'un projet de loi (p.
14
).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération
et à la francophonie ; Michel Charasse, en remplacement de M. Jacques Chaumont,
rapporteur de la commission des finances.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
16.
Convention fiscale avec la Belgique.
- Adoption d'un projet de loi (p.
15
).
Discussion générale : MM. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération
et à la francophonie ; Michel Charasse, en remplacement de M. Jacques Chaumont,
rapporteur de la commission des finances.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l'article unique du projet de loi.
17.
Rappel au règlement
(p.
16
).
MM. Emmanuel Hamel, Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la
francophonie ; le président.
Suspension et reprise de la séance (p. 17 )
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
18.
Eloge funèbre de Jean-Paul Bataille, sénateur du Nord
(p.
18
).
M. le président, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à
l'action sociale.
Suspension et reprise de la séance (p. 19 )
19.
Hommage aux victimes des inondations
(p.
20
).
M. le président, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité.
20.
Financement de la sécurité sociale pour 2000.
- Discussion d'un projet de loi (p.
21
).
Discussion générale : Mmes Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité ; Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action
sociale.
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
M. Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les
équilibres financiers généraux de la sécurité sociale et l'assurance
maladie.
MM. Henri de Raincourt, le président.
21.
Organismes extraparlementaires
(p.
22
).
Suspension et reprise de la séance (p. 23 )
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
22.
Financement de la sécurité sociale pour 2000.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
24
).
Discussion générale
(suite)
: MM. Alain Vasselle, rapporteur de la
commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse ; Jacques Machet,
rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille ; Jean
Delaneau, président de la commission des affaires sociales ; Jacques Oudin,
rapporteur pour avis de la commission des finances.
MM. le président de la commission, Jean-Pierre Fourcade.
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
MM. François Autain, Jean-Pierre Fourcade, le président, Alain Lambert, Louis
Boyer, Philippe Adnot, Francis Giraud, Mme Nicole Borvo, MM. Guy Cabanel,
Gilbert Chabroux.
M. le président de la commission, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la
santé et à l'action sociale.
Renvoi de la suite de la discussion.
23.
Dépôt d'une proposition de loi
(p.
25
).
24.
Textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
26
).
25.
Dépôts de rapports
(p.
27
).
26.
Dépôt d'un rapport d'information
(p.
28
).
27.
Ordre du jour
(p.
29
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le procès-verbal de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté.
2
ÉLECTION D'UN SÉNATEUR
M. le président. En application des articles LO 325 et LO 179 du code électoral, M. le président a reçu de M. le ministre de l'intérieur une communication de laquelle il résulte que, à la suite des opérations électorales du 14 novembre 1999, M. Jean-Pierre Vial a été proclamé élu sénateur du département de la Savoie, en remplacement de M. Michel Barnier.
3
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président.
M. le président a reçu de M. le ministre des relations avec le Parlement une
lettre par laquelle le Gouvernement modifie l'ordre du jour prioritaire de la
séance du mercredi 24 novembre, en avançant à quinze heures la discussion des
conclusions de la commission des affaires sociales sur deux propositions de loi
relatives au régime local d'assurance maladie complémentaire, qui étaient
initialement inscrites en fin d'ordre du jour.
Acte est donné de cette communication.
L'ordre du jour de la séance du mercredi 24 novembre est modifié en
conséquence.
4
DÉPÔT DU RAPPORT
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE
M. le président.
Je vous rappelle que M. le président a reçu de M. René Garrec un rapport fait
au nom de la commission d'enquête sur la conduite de la politique de sécurité
menée par l'Etat en Corse, créée en vertu d'une résolution adoptée par le Sénat
le 19 mai 1999.
Ce dépôt a été publié au
Journal officiel - Edition des lois et décrets
du jeudi 11 novembre 1999. Cette publication constitue, conformément au
paragraphe III du chapitre V de l'instruction générale du bureau, le point de
départ du délai de six jours nets pendant lequel la demande de constitution du
Sénat en comité secret peut être formulée.
Ce rapport sera imprimé sous le n° 69 et distribué le mercredi 17 novembre
1999, sauf si le Sénat, constitué en comité secret, décide, par un vote
spécial, de ne pas autoriser la publication de tout ou partie du rapport.
5
DÉPÔT DE RAPPORTS DU GOUVERNEMENT
M. le président.
M. le président a reçu de M. le Premier ministre :
- le premier rapport sur la mise en oeuvre de la convention relative aux
droits de l'enfant, établi en application de l'article 76 de la loi n° 93-121
du 27 janvier 1993, portant diverses mesures d'ordre social ;
- le rapport d'exécution pour 1998, établi en application de l'article 6 de la
loi de programme du 6 janvier 1995 relative à la justice.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
6
SOUHAITS DE BIENVENUE À
M. LE MINISTRE DE LA DÉFENSE D'AUSTRALIE
M. le président.
J'ai le très grand plaisir de saluer la présence dans notre tribune officielle
de M. John Moore, ministre de la défense australien.
Nous sommes particulièrement sensibles à l'intérêt et à la sympathie qu'il
porte à notre institution.
Au nom du Sénat de la République, je lui souhaite la bienvenue et je forme des
voeux pour que son séjour en France contribue à renforcer les liens d'amitié
entre nos deux pays.
(Mmes et MM. le sénateurs se lèvent et applaudissent.)
7
CONVENTIONS RELATIVES
À LA COMPÉTENCE JUDICIAIRE
ET AUX OBLIGATIONS CONTRACTUELLES
Adoption de deux projets de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion :
- du projet de loi (n° 307, 1998-1999) autorisant la ratification de la
convention relative à l'adhésion de la République d'Autriche, de la République
de Finlande et du Royaume de Suède à la convention concernant la compétence
judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, ainsi
qu'au protocole concernant son interprétation par la Cour de justice, avec les
adaptations y apportées par la convention relative à l'adhésion du Royaume de
Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du
Nord, par la convention relative à l'adhésion de la République hellénique et
par la convention relative à l'adhésion du Royaume d'Espagne et de la
République portugaise. [Rapport n° 398 (1998-1999).]
- du projet de loi (n° 308, 1998-1999) autorisant la ratification de la
convention relative à l'adhésion de la République d'Autriche, de la République
de Finlande et du Royaume de Suède à la convention sur la loi applicable aux
obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980,
ainsi qu'aux premier et deuxième protocoles concernant son interprétation par
la Cour de justice. [Rapport n° 398 (1998-1999).]
La conférence des présidents a décidé qu'il serait procédé à une discussion
générale commune de ces deux projets de loi.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les
accords internationaux dont le Gouvernement vous demande aujourd'hui
d'autoriser la ratification concernent l'adhésion du Royaume de Suède et des
Républiques d'Autriche et de Finlande à deux conventions de droit international
privé et à leurs protocoles annexes.
Il s'agit, d'une part, de la convention européenne concernant la compétence
judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale,
ouverte à la signature à Bruxelles le 27 mars 1968, et du protocole concernant
son interprétation par la Cour de justice des Communautés européennes, signé à
Luxembourg le 3 juin 1971, et, d'autre part, de la convention sur la loi
applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19
juin 1980, et de deux protocoles concernant son interprétation par la Cour de
justice, signés le 19 décembre 1988.
S'agissant de la convention de Bruxelles, je vous rappelle qu'elle est fondée
sur les dispositions de l'article 220 du traité de Rome, aux termes desquelles
les Etats membres sont convenus d'engager entre eux des négociations en vue
d'assurer en faveur de leurs ressortissants la simplification des formalités de
reconnaissance et d'exécution réciproques des décisions judiciaires ainsi que
des sentences arbitrales.
La convention de Bruxelles ne répond qu'en partie à cet objectif car elle ne
concerne ni les sentences arbitrales ni toutes les décisions judiciaires ; elle
ne vise que certaines d'entre elles en matière civile et commerciale.
Néanmoins, son apport est fondamental.
En effet, elle ne se limite pas à simplifier la reconnaissance et l'exécution
de certaines décisions judiciaires, elle régit aussi, en amont, la compétence
directe des juridictions des Etats contractants. Ces deux aspects visent à
instaurer un « espace judiciaire européen » en matière civile et commerciale.
Lors de leur adhésion à la Communauté, les nouveaux Etats membres se sont
toujours engagés à adhérer à la convention de Bruxelles et à son protocole
additionnel, moyennant certaines modifications du texte initial.
C'est dans ces conditions qu'ont été conclues les conventions d'adhésion de
l'Autriche, de la Suède et de la Finlande le 29 novembre 1996.
Cette convention d'adhésion fait suite à la convention de Lugano du 16
septembre 1988 instituant entre les Etats de la Communauté européenne et ceux
de l'Association européenne de libre-échange, l'AELE, un système analogue à
celui qui a été mis en place dans la Communauté par la convention de
Bruxelles.
L'adhésion de ces trois Etats de l'ex-AELE à la convention de Bruxelles et à
son protocole n'en constitue pas moins une avancée utile dans le sens de « la
libre circulation des jugements », et de l'interprétation uniforme de
l'instrument par la Cour de justice des Communautés européennes.
La convention de Rome du 19 juin 1980 s'inscrit pour sa part dans la suite
logique de la convention de Bruxelles.
Son objet est d'harmoniser entre les Etats contractants les règles permettant
de résoudre les conflits de loi en matière d'obligations contractuelles à
caractère international.
Elle comporte des règles de droit commun ainsi que des dispositions
spécifiques concernant divers éléments contractuels et certains types de
contrats comme ceux qui sont conclus par les consommateurs ou les contrats
individuels de travail.
Deux protocoles, ouverts à la signature le 19 décembre 1988, ont confié à la
Cour de justice des Communautés européennes le soin d'assurer l'interprétation
uniforme de la convention, sur renvoi à titre préjudiciel des juridictions
nationales.
La convention de Rome est entrée en vigueur à l'origine entre neuf Etats
membres. Elle a donné lieu à l'adhésion de la Grèce le 10 avril 1984, de
l'Espagne et du Portugal le 18 mai et, enfin, de l'Autriche, de la Suède et de
la Finlande le 29 novembre 1996.
Comme pour la convention de Bruxelles, l'adhésion de ces trois nouveaux Etats
de l'Union européenne à la convention de Rome et à ses protocoles annexes
constitue une étape significative vers la réalisation d'un « espace judiciaire
européen ».
Telles sont, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle
la convention d'adhésion de la République d'Autriche, de la République de
Finlande et du Royaume de Suède aux deux instruments juridiques que je viens de
vous présenter.
M. Emmanuel Hamel.
Madame et messieurs les sénateurs !
(Sourires.)
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
M. le sénateur Hamel, une fois de plus, fait preuve de
l'extraordinaire clairvoyance qu'on lui attribue depuis très longtemps, et pas
seulement dans cette enceinte.
Je vous prie de m'excuser, madame la sénatrice.
M. Emmanuel Hamel.
Vous êtes pardonné !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. André Boyer,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, nous sommes aujourd'hui saisis de deux textes prévoyant l'adhésion
des trois plus récents membres de l'Union européenne - la Finlande, l'Autriche
et la Suède - à deux conventions dont l'objet n'est pas exactement identique,
mais qui ont en commun de constituer des mécanismes d'harmonisation juridique
entre pays membres.
Tout d'abord, la définition des règles de compétence juridictionnelle et de
règles de reconnaissance et d'exécution des jugements dans les matières civiles
et commerciales - c'est la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 à
laquelle adhèrent les trois nouveaux membres - fait l'objet du premier
projet.
Ensuite, la fixation de la loi applicable aux contrats présentant un élément
international, déterminé par la convention de Rome du 19 juin 1980 à laquelle
adhèrent également les trois nouveaux Etats, est l'objet du second projet de
loi, par lequel je commencerai mon bref exposé.
Les objectifs de la convention de Rome s'inscrivent dans le cadre, plus
général, d'harmonisation des règles juridiques entre pays membres de l'Union
européenne, singulièrement en ce qui concerne certains aspects du droit
international privé, d'harmonisation des règles de conflits de lois pour toutes
les relations juridiques et contractuelles qui comportent un élément
international.
L'adhésion de la Finlande, de l'Autriche et de la Suède à la convention de
Rome n'entraîne que des modifications mineures de coordination. La seule
modification de fond apportée à la convention de Rome est entraînée par
l'adhésion des deux pays nordiques qui ont souhaité préserver leurs
dispositions nationales - coordonnées avec la législation danoise - concernant
la loi applicable aux questions relatives au transport de marchandises par
mer.
L'article 3 de la convention soumise à notre examen adapte par ailleurs le
premier protocole de 1988 en y insérant les noms des juridictions des trois
nouveaux adhérents, qui auront la faculté de demander à la Cour de justice des
Communautés européennes de statuer à titre préjudiciel sur les litiges
d'interprétation.
Le second projet de loi concerne la convention de Bruxelles du 27 septembre
1968 qui constitue un cadre d'harmonisation des règles de compétence judiciaire
entre pays de l'Union européenne tendant à prévoir une « libre circulation des
jugements ».
L'objectif de la convention de Bruxelles élaborée à cette époque dans le cadre
de l'article 220 du traité de Rome est de déterminer la compétence des
juridictions dans l'ordre international, de faciliter la reconnaissance des
jugements et, enfin, d'instaurer une procédure rapide permettant d'assurer
l'exécution des décisions, des actes authentiques et des transactions
judiciaires. A cette fin, la convention de Bruxelles tend à déterminer des
critères permettant aux justiciables de connaître, à l'avance, la ou les
juridictions compétentes, dont la décision sera reconnue et exécutée dans les
autres Etats de l'Union.
Cette convention de Bruxelles, signée en 1968, a été complétée le 3 juin 1971
par un protocole consacrant la compétence de la Cour de justice des Communautés
européennes en matière d'interprétation de la convention. Elle a, par ailleurs,
été amendée à trois reprises, à l'occasion de l'adhésion à la CEE de nouveaux
Etats membres : en 1978 pour le Danemark, l'Irlande et le Royaume-Uni ; en
1982, à la suite de l'adhésion de la Grèce ; en 1989, enfin, lors de celle de
l'Espagne et du Portugal.
L'adhésion de ces deux derniers membres avait également été l'occasion de
procéder à l'adaptation de la convention originelle, en y introduisant des
précisions issues d'une autre convention, signée le 16 septembre à Lugano, dont
l'objet et le dispositif sont très comparables à celle de Bruxelles et qui
liait les six Etats parties à l'Association européenne de libre-échange -
Autriche, Suisse, Norvège, Suède, Finlande et Islande - aux douze membres
d'alors de la Communauté européenne. Il faut signaler qu'en vertu des nouvelles
dispositions du traité d'Amsterdam, en vigueur depuis le 1er mai dernier,...
M. Emmanuel Hamel.
Hélas !
M. André Boyer,
rapporteur.
... concernant la coopération judiciaire en matière civile
cette convention de Bruxelles de 1968 fait désormais l'objet, dans le cadre
communautaire, d'une négociation tendant à sa mise à jour, notamment au regard
de la convention voisine de Lugano. Le présent texte s'appliquera aux trois
nouveaux adhérents, ce qui ne lui laisse qu'une espérance de vie législative
limitée. Ce point sera également évoqué pour les deux textes que nous
examinerons tout à l'heure.
Au total, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
ces deux textes s'inscrivent dans la logique d'harmonisation juridique destinée
à instaurer entre les pays de l'Union sinon un droit unique, au moins des
règles de simplification des différents droits nationaux entre eux, afin de
faciliter et d'accélérer les procédures judiciaires civiles et commerciales et
de conférer une meilleure sécurité juridique aux contrats passés entre des
ressortissants de l'Union.
Je ne peux donc qu'inviter le Sénat à adopter ces deux textes.
(M. André
Dulait applaudit.)
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.
CONVENTION RELATIVE A` LA COMPÉTENCE JUDICIAIRE
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi autorisant
la ratification de la convention relative à la compétence judiciaire.
«
Article unique. -
Est autorisée la ratification de la convention
relative à l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande
et du Royaume de Suède à la convention concernant la compétence judiciaire et
l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, ainsi qu'au
protocole concernant son interprétation par la Cour de justice, avec les
adaptations y apportées par la convention relative à l'adhésion du Royaume de
Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du
Nord, par la convention relative à l'adhésion de la République hellénique et
par la convention relative à l'adhésion du Royaume d'Espagne et de la
République portugaise, faite à Bruxelles le 29 novembre 1996 et dont le texte
est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
CONVENTION RELATIVE
AUX OBLIGATIONS CONTRACTUELLES
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi autorisant
la ratification de la convention relative aux obligations contractuelles.
«
Article unique. -
Est autorisée la ratification de la convention
relative à l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande
et du Royaume de Suède à la convention sur la loi applicable aux obligations
contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, ainsi qu'aux
premier et deuxième protocoles concernant son interprétation par la Cour de
justice, faite à Bruxelles le 29 novembre 1996, et dont le texte est annexé à
la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
8
CONVENTIONS RELATIVES AUX DÉCISIONS
EN MATIÈRE MATRIMONIALE
Adoption de deux projets de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion :
- du projet de loi (n° 384, 1998-1999) autorisant la ratification de la
convention établie sur la base de l'article K3 du traité sur l'Union
européenne, concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des
décisions en matière matrimoniale. [Rapport n° 12 (1999-2000).]
- du projet de loi (n° 385, 1998-1999) autorisant la ratification du
protocole, établi sur la base de l'article K3 du traité de l'Union européenne,
relatif à l'interprétation, par la Cour de justice des Communautés européennes,
de la convention concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des
décisions en matière matrimoniale. [Rapport n° 12 (1999-2000).]
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient
l'objet d'une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai
l'honneur de soumettre aujourd'hui au vote de votre assemblée un projet de loi
destiné à autoriser la ratification de la convention établie sur la base de
l'article K3 du traité sur l'Union européenne, concernant la compétence, la
reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et du
protocole concernant son interprétation par la Cour de justice des Communautés
européennes.
Cette convention est l'aboutissement de quatre ans de négociations difficiles
et de compromis délicats. Elle répond à une nécessité impérieuse, compte tenu
de l'internationalisation de plus en plus fréquente des conflits familiaux et
de l'extrême diversité du droit de la famille entre les Etats membres de
l'Union.
L'absence de coordination de règles de compétence concurrentes, l'existence de
privilèges de juridiction au profit des nationaux, l'étendue du contrôle de la
régularité internationale de la décision étrangère, tout cela conduit à des
situations préjudiciables qui ne font qu'exacerber davantage les conflits
familiaux.
On observe ainsi une multiplication des déplacements illicites d'enfants à
travers les frontières, source de nombreuses souffrances. Les conventions
multilatérales conclues en matière de divorce et de garde d'enfants n'ont pas
permis de répondre à l'ensemble de ces questions qui touchent aux
préoccupations concrètes des citoyens en Europe.
Voilà les raisons pour lesquelles le 28 mai 1998 les quinze ministres de la
justice de l'Union européenne ont adopté la présente convention, qui étend à la
dissolution du mariage les mécanismes de la convention de Bruxelles de
septembre 1968 concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des
décisions en matière civile et commerciale.
Cette convention reprend les principes de base dégagés afin d'uniformiser les
règles de compétence judiciaire internationale dès l'instance d'origine et de
faciliter la reconnaissance et l'exécution des décisions.
Cette convention s'applique au contentieux relatif et consécutif à la désunion
de la famille légitime, c'est-à-dire à l'annulation du mariage, à la séparation
de corps et au divorce.
Elle ne couvre pas, en revanche, les effets patrimoniaux de la séparation et
les autres mesures accessoires concernant les époux ainsi que le contentieux de
l'autorité parentale dit de « l'après-divorce ».
Les règles concernant la compétence directe des juridictions s'inspirent du
principe de proximité territoriale ou procédurale. Ces règles instituent des
chefs de compétence alternatifs et non hiérarchisés. Les critères considérés
comme exorbitants sont écartés, notamment celui qui est fondé sur la seule
nationalité d'un époux.
La convention distingue la compétence pour statuer sur le lien matrimonial de
celle qui concerne l'exercice de l'autorité parentale.
Ces règles de compétence sont exclusives pour les litiges s'inscrivant dans le
cadre de l'Union européenne. Par conséquent, les privilèges exclusifs de
juridiction au profit des nationaux, tels qu'ils sont consacrés par les
articles 14 et 15 du code civil français, pourront être invoqués par un
résident français seulement pour les litiges extracommunautaires.
Cette disposition est fondamentale. Je vous rappelle en effet que ces articles
du code civil empêchent, dès lors qu'un membre du couple est français, de
reconnaître en France une décision étrangère de divorce au seul motif de
l'incompétence du juge étranger.
Cela empêche également d'accueillir l'exception de litispendance
internationale au profit d'un juge étranger déjà saisi.
Les règles sur la reconnaissance et l'exécution des décisions contribuent
sensiblement à faciliter la circulation et l'effectivité des décisions en
matière familiale.
Désormais, les décisions définitives de divorce et celles qui sont relatives à
l'autorité parentale seront reconnues de plein droit dans tous les Etats de
l'Union européenne. Ainsi, le remariage et les mentions de mise à jour des
actes de naissance et de mariage pourront être réalisés à l'étranger sans
procédure d'
exequatur.
L'entrée en vigueur de la convention est subordonnée à la ratification de
celle-ci par les quinze Etats membres, sauf application anticipée entre les
Etats qui en font la déclaration.
La France et l'Allemagne envisagent de faire une déclaration en ce sens, ce
qui permettra de conférer un effet immédiat aux dispositions de la convention,
sans attendre sa reprise sous la forme d'un règlement suite à la
communautarisation de la matière par le traité d'Amsterdam.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales dispositions de la convention établie
sur la base de l'article K3 du traité sur l'Union européenne, concernant la
compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière
matrimoniale et du protocole concernant son interprétation, tels qu'ils ont été
signés à Bruxelles le 28 mai 1998, et que le Gouvernement a l'honneur de
soumettre à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. André Boyer,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, le premier texte qui nous est soumis, au demeurant le plus
important, s'inscrit dans la suite logique de la convention de Bruxelles du 27
septembre 1968 qui vient d'être évoquée, et il étend son champ d'application
aux questions matrimoniales. Cette extension est importante à l'heure où la
libre circulation des personnes au sein de l'Union européenne se traduit, entre
autres, par l'accroissement des mariages entre ressortissants d'Etats
membres.
Le domaine couvert par la convention de Bruxelles II est essentiel pour la vie
quotidienne de bon nombre de nos concitoyens mariés à des ressortissants
d'autres Etats membres. Les procédures judiciaires nationales liées au divorce,
à la séparation de corps, à l'annulation des mariages ou à l'exercice de
l'autorité parentale engendrent aujourd'hui des difficultés, souvent
douloureuses, du fait de décisions judiciaires contradictoires entre les
juridictions d'Etats membres et de l'absence de procédure uniforme de
reconnaissance et d'exécution des jugements rendus en ces matières
sensibles.
L'importance de la convention de Bruxelles II justifie donc un débat devant
notre assemblée. Pourtant, la saisine du Parlement n'allait pas de soi.
En effet, l'entrée en vigueur, depuis le 1er mai 1999, du traité
d'Amsterdam,...
M. Emmanuel Hamel.
Hélas ! Trois fois hélas !
M. André Boyer,
rapporteur.
... a abouti à transférer ces questions de coopération
judiciaire civile du domaine intergouvernemental, sur la base duquel la
convention de Bruxelles II a été conclue, au domaine communautaire. De ce fait,
l'élaboration de normes communes dans ce domaine ne relève plus de la même
procédure. Un projet de règlement communautaire, portant sur les mêmes
questions que celles qui sont couvertes par Bruxelles II, est en cours de
négociation, à Bruxelles, depuis quelques semaines.
Je me trouve donc placé dans une position singulière, où il me revient de
présenter un texte appelé à être, à plus ou moins brève échéance, remplacé par
un règlement européen. Je ne crois cependant pas opportun de renoncer à
examiner les deux projets qui nous sont soumis, et cela pour les deux raisons
suivantes.
Tout d'abord, le caractère désormais communautaire du domaine couvert par les
conventions de Bruxelles II et la procédure qui s'y rattache ne garantissent
pas automatiquement une adoption rapide du règlement actuellement en cours de
négociation. Il faut rappeler que le paragraphe 1 de l'article 67 du traité
d'Amsterdam exige que le Conseil soit unanime pour adopter ledit règlement, ce
qui peut, sur certains points, provoquer des retards.
La convention de Bruxelles II, qui est soumise aujourd'hui à notre examen,
n'encourt pas ce risque. Adoptée par les quinze ministres de la justice de
l'Union, il lui reste, certes, à passer le cap des ratifications
parlementaires. Toutefois, une de ses dispositions prévoit que deux pays qui
auront ratifié la convention pourront, par déclaration, décider de l'appliquer
entre eux par anticipation. Cette faculté sera utilisée, les ministres
compétents l'ont déjà indiqué, tant par la France que par l'Allemagne, pays
avec lequel nous rencontrons, sur ces questions matrimoniales couvertes par la
convention, les problèmes les plus fréquents et les plus complexes.
A cette première raison s'ajoute un second motif qui me paraît aussi important
: la procédure de la convention permet un débat parlementaire. Or, sur un sujet
aussi sensible, l'occasion qui nous est ainsi offerte d'analyser et de débattre
des dispositions proposées doit être saisie.
Cela étant, pour que notre démarche garde une quelconque signification,
juridique et même politique, il est indispensable que l'Assemblée nationale,
saisie après notre Haute Assemblée, procède à l'examen des textes dans un délai
rapproché. A défaut, cette procédure de ratification que le Gouvernement
lui-même entend conduire à son terme, si elle ne devait aboutir qu'après
l'adoption du règlement européen, perdrait tout son sens.
M. le ministre a explicité les principales dispositions juridiques d'un traité
qui se propose de répondre à des situations souvent délicates.
La facilitation de la circulation et de l'établissement des personnes dans
l'espace communautaire a entraîné une augmentation considérable des mariages
entre ressortissants communautaires de nationalités différentes. Lorsque ces
unions en viennent à se distendre ou à se rompre, les personnes concernées se
trouvent trop souvent confrontées à des décisions judiciaires contradictoires,
du fait des différences entre les législations.
Aux complexités juridiques et administratives qui en découlent s'ajoutent très
souvent les problèmes liés à la séparation ou au divorce des époux en ce qui
concerne l'exercice de l'autorité parentale, ce qui conduit parfois à
l'enlèvement du ou des enfants par l'un des deux parents, soit dans l'attente
d'une décision judiciaire sur le droit de garde, soit après qu'a été prise, à
cet égard, une décision que l'un des deux parents n'accepte pas.
L'actualité récente a mis en lumière, à travers de nombreux cas concrets, les
difficultés qu'a pu subir tel ou tel parent français - notamment dans le cas de
couples franco-allemands - confronté à ce type de situation.
M. Emmanuel Hamel.
Eh oui, hélas !
M. André Boyer,
rapporteur.
Il est évident que ces agissements se nourrissent des
disparités législatives et des décisions contradictoires rendues par les
juridications des Etats concernés.
Les règles de détermination de la compétence judiciaire exclusive que pose la
convention, de même que celles qui sont relatives aux modalités de
reconnaissance et d'exécution de ses décisions, sont donc particulièrement
positives. Je ne reviendrai pas ici sur leur économie générale, que M. le
ministre a rappelée et que j'ai précisée dans le rapport écrit.
J'aborderai brièvement le texte qui concerne le protocole sur la compétence de
la Cour de justice des Communautés européennes pour l'interprétation de la
convention de Bruxelles II.
La Cour de justice des Communautés européennes peut être saisie d'une question
d'interprétation de la convention dans deux hypothèses : lorsque, en cours
d'examen d'une affaire, une juridiction nationale est confrontée à un problème
d'interprétation, et c'est le recours préjudiciel ; lorsqu'une autorité
judiciaire souhaite consulter la Cour de justice sur l'interprétation qu'elle
fait de telle ou telle disposition de la convention, et c'est le recours
consultatif en interprétation.
Sur le fond, il me semble clair que le texte qui nous est soumis constituera
un réel progrès, dans un domaine où les contradictions entre tribunaux
entaînent souvent des situations de détresse, en particulier pour les enfants
communs du couple. Au surplus, dans l'Europe qui se construit, de telles
frontières judiciaires n'ont plus lieu d'être et la convention, à cet égard,
permet de réaliser une avancée significative.
Sur la forme, force est de constater le caractère très particulier d'une
démarche qui consiste à demander au Parlement de légiférer sur une convention
vouée à se trouver prochainement remplacée par un règlement communautaire.
Compte tenu, cependant, de l'importance politique et juridique des
dispositions qui nous sont soumises et des cas humains très douloureux qu'elles
visent à régler, j'invite le Sénat, sous réserve des conditions de calendrier
parlementaire que j'ai évoquées en introduction, à voter les deux textes qui
nous sont soumis.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.
CONVENTION RELATIVE AUX DÉCISIONS
EN MATIÈRE MATRIMONIALE
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi autorisant
la ratification de la convention concernant les décisions en matière
matrimoniale.
«
Article unique. -
Est autorisée la ratification de la convention
établie sur la base de l'article K 3 du traité sur l'Union européenne
concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en
matière matrimoniale faite à Bruxelles le 28 mai 1998, et dont le texte est
annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
PROTOCOLE RELATIF AUX DÉCISIONS
EN MATIÈRE MATRIMONIALE
M. le président.
Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi autorisant
la ratification du protocle relatif à l'interprétation de la convention
concernant les décisions en matière matrimoniale.
«
Article unique. -
Est autorisée la ratification du protocole, établi
sur la base de l'article K 3 du traité sur l'Union européenne, relatif à
l'interprétation par la Cour de justice des Communautés européennes, de la
convention concernant la compétence, la reconnaissance et l'exécution des
décisions en matière matrimoniale, signé à Bruxelles le 28 mai 1998, et dont le
texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
9
ACCORD RELATIF À L'ÉTABLISSEMENT
À PARIS D'UN BUREAU DE LA LIGUE
DES ÉTATS ARABES
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 371, 1998-1999)
autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République
française et la Ligue des Etats arabes relatif à l'établissement, à Paris, d'un
bureau de la Ligue des Etats arabes et à ses privilèges et immunités sur le
territoire français (ensemble une annexe). [Rapport n° 472 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la France
et la Ligue des Etats arabes ont signé au Caire, le 26 novembre 1997, un accord
relatif à l'établissement à Paris d'un bureau de la Ligue des Etats arabes et à
ses privilèges et immunités sur le territoire français.
Le secrétaire général de la Ligue des Etats arabes, M. Esmat Abdel Meguid,
francophone et francophile convaincu, avait pris l'initiative de demander un
tel accord à la France, ainsi qu'à certains de nos partenaires européens.
L'Espagne, la Belgique, la Grèce et l'Italie ont déjà répondu à cette demande
et signé un accord de siège avec la Ligue arabe. Le Royaume-Uni devrait bientôt
les rejoindre.
Il faut noter que les représentations de la Commission européenne dans les
Etats membres de la Ligue arabe jouissent d'ores et déjà d'un statut
diplomatique.
Le principe d'accorder le statut diplomatique au bureau parisien de la Ligue a
été entériné par le Président de la République et le Premier ministre en 1992,
puis confirmé une nouvelle fois en 1995 par le Président de la République.
Cet accord, destiné à faciliter le travail de la représentation de la Ligue
des Etats arabes dans ses contacts avec les autorités françaises, officialise
l'activité du bureau de la Ligue en France et lui consent, avec les réserves
d'usage, des immunités et privilèges similaires à ceux dont bénéficient
habituellement les organisations internationales établies en France.
L'accord garantit l'inviolabilité des locaux, mais aussi l'immunité de
juridiction et d'exécution dans le cadre des activités officielles. Le statut
du personnel du bureau de la Ligue est également décrit, notamment les
privilèges et immunités diplomatiques accordés au directeur et à ses
adjoints.
L'approbation de cet accord intervient au moment où la Ligue arabe sort d'une
période d'éclipse due à la crise du Golfe, ce qui lui permet de retrouver une
certaine autorité au sein du monde arabe. La France, acteur majeur et
historique dans le monde méditerranéen, a le plus grand intérêt à développer
toute les formes de concertation et de coopération avec une organisation qui
symbolise l'unité arabe et apporte sa contribution à la recherche de la paix.
L'accord qui a été signé permet d'avancer dans cette voie.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, madame, messieurs
les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'accord entre le
Gouvernement de la république française et la Ligue des Etats arabes relatif à
l'établissement à Paris d'un bureau de la Ligue des Etats arabes et à ses
privilèges et immunités sur le territoire français.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. André Dulait,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, l'accord conclu le 26 novembre 1997 entre le Gouvernement français
et la Ligue arabe vise à reconnaître au bureau de cette organisation établi à
Paris et à ses personnels le statut diplomatique.
La Ligue arabe est très certainement l'une des plus anciennes organisations
politiques régionales puisqu'elle a été fondée en mars 1945 par sept pays
arabes : l'Arabie Saoudite, l'Egypte, l'Irak, le Liban, la Syrie, la Jordanie
et le Yémen. Elle compte aujourd'hui vingt-deux membres ayant en commun l'arabe
comme langue officielle.
Après une phase difficile liée aux divisions du monde arabe à propos des
accords de Camp David de 1979, à l'exclusion de l'Egypte, alors que ce pays
abritait le siège de l'organisation, puis à la guerre du Golfe, la Ligue arabe
a connu, au cours de la période récente, un certain regain d'activité et
d'influence en redevenant un cadre de concertation et de dialogue sur les
difficultés du processus de paix ou sur les relations euro-méditerranéennes.
Les relations entre la France et la Ligue arabe se sont singulièrement
renforcées lors du transfert à Tunis du siège de l'organisation, qui a alors
donné une place de tout premier rang au français. Le retour de la Ligue arabe
au Caire, après la réintégration de l'Egypte, n'a pas remis en cause notre
influence linguistique, l'actuel secrétaire général, M. Meguid, étant ancien
ambassadeur d'Egypte à Paris.
Par ailleurs, les positions françaises sur le processus de paix et sur le
dialogue euro-méditerranéen sont globalement très appréciées au sein de la
Ligue arabe. L'accord qui nous est proposé s'inscrit dans le cadre de ces
bonnes relations.
Depuis 1974, la Ligue arabe possède à Paris un bureau qui ne bénéficie pas
officiellement des privilèges et immunités diplomatiques. Il s'agit donc, par
cet accord, de répondre à une demande de la Ligue arabe, soucieuse de clarifier
la situation juridique de ses locaux et de ses personnels en voyant consentir à
son bureau parisien les immunités et privilèges similaires à ceux qui sont
habituellement reconnus aux organisations internationales établies dans notre
pays.
La commission des affaires étrangères a émis un avis favorable et unanime sur
l'intérêt qu'il y avait à conclure un tel accord, et c'est sans réserve qu'elle
vous propose d'adopter le présent projet de loi.
M. Emmanuel Hamel.
Avis très favorable et unanime, vous avez raison de le souligner !
M. André Dulait,
rapporteur.
Je suis heureux de bénéficier de l'approbation du « choeur
antique » !
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. -
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le
Gouvernement de la République française et la Ligue des Etats arabes relatif à
l'établissement, à Paris, d'un bureau de la Ligue des Etats arabes et à ses
privilèges et immunités sur le territoire français (ensemble une annexe), fait
au Caire le 26 novembre 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi.
»
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
10
ACCORD AVEC LE KAZAKHSTAN
SUR L'ENCOURAGEMENT
ET LA PROTECTION RÉCIPROQUES
DES INVESTISSEMENTS
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 482, 1998-1999)
autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan sur l'encouragement
et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole).
[Rapport n° 13 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous
présente aujourd'hui trois accords d'encouragement et de protection réciproques
des investissements. Ces accords, qui ont tous pour objet d'établir un cadre
juridique sûr, permettent de favoriser l'activité de nos entreprises à
l'étranger et procèdent du souci d'offrir la plus grande sécurité possible à
nos investisseurs.
Le premier de ces accords a été signé avec le Kazakhstan le 3 février 1998.
Comme tous les accords de ce type, l'accord avec le Kazakhstan contient les
grands principes qui constituent la base de la protection des investissements,
telle que la conçoivent aujourd'hui les pays de l'OCDE : octroi aux
investisseurs d'un traitement juste et équitable, conforme au droit
international ; garantie de libre transfert des revenus et du produit de la
liquidation des investissements ; versement, en cas de dépossession, d'une
indemnisation prompte et adéquate ; faculté de recourir à une procédure
d'arbitrage international en cas de différend entre l'investisseur et le pays
d'accueil ; possibilité pour le Gouvernement français d'accorder sa garantie
aux investissements que réaliseront à l'avenir nos entreprises dans le pays
considéré, conformément aux dispositions de la loi de finances rectificative
pour 1971.
Comme vous le voyez, les principes auxquels nous sommes attachés et qui
fondent la protection des investissements sont inscrits dans cet accord.
Je crois également utile de souligner l'intérêt qu'il représente dans nos
rapports avec ce pays.
Depuis l'éclatement de l'Union soviétique, en 1991, le Kazakhstan est en effet
devenu l'une des destinations priviligiées des investissements étrangers dans
la Communauté des Etats indépendants. La France n'arrive qu'au dixième rang de
ces investisseurs, loin derrière les Etats-Unis, le Japon et la
Grande-Bretagne.
Certaines entreprises françaises ont néanmoins fait le pari de l'ouverture du
Kazakhstan, à la suite, notamment, du permis d'exploration pétrolière obtenu
par Elf-Aquitaine. Environ cinquante entreprises françaises y sont désormais
implantées, notamment Bouygues, Technip-Speichim pour la construction d'une
distillerie de blé, Thomson-CSf, Gegelec et Total, qui va explorer le gisement
pétrolier
off shore
de Kasaghan.
Le Kazakhstan a adopté, en matière d'investissements étrangers, une
législation libérale qui apporte de sérieuses garanties aux investisseurs.
L'accord de protection et d'encouragement des investissements signé avec la
France vient compléter ce dispositif. Il devrait permettre à nos entreprises de
renforcer leurs positions sur le marché kazakh.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appellent l'accord
entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la
République du Kazakhstan sur l'encouragement et la protection réciproques des
investissements, qui est aujourd'hui soumis à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. André Dulait,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, le projet de loi qui vous est soumis a pour objet l'approbation d'un
accord signé à Paris, le 3 février 1998, entre la France et le Kazakhstan sur
l'encouragement et la protection réciproques des investissements.
Je rappelle brièvement quelques données relatives à ce pays. Le Kazakhstan
constitue, de par sa superficie de 2,7 millions de kilomètres carrés, la plus
importante des républiques de l'ex-URSS après la Russie. Ses quelque 16
millions d'habitants sont répartis en de nombreuses ethnies ou nationalités,
les deux plus importantes étant les Kazakhs et les Russes ; viennent ensuite
les Ukrainiens et les Allemands, notamment. Cette République a été l'un des
lieux où, à l'époque stalinienne, de nombreuses nationalités se sont retrouvées
transplantées, ce qui explique la multiplicité des ethnies et des nationalités
aujourd'hui.
Malgré sa diversité ethnique, le Kazakhstan, où se pratique un islam modéré,
n'est pas confronté à des tendances séparatistes. La pratique personnelle et
autoritaire du pouvoir par le Président de la République assure, dans le cadre
d'une « démocratie naissante », une stabilité politique propre à attirer les
investisseurs étrangers désireux de s'impliquer dans un pays en
développement.
A l'instar des autres républiques d'Asie centrale, le régime politique
kazakhstanais est fortement marqué par la personnalité du Président de la
République, qui concentre tous les pouvoirs et s'appuie sur des allégeances
claniques. Dans ce contexte, il ne reste au Parlement bicaméral que des
attributions virtuelles. Les conditions de préparation et le déroulement des
élections présidentielles de janvier 1999 ont suscité une réprobation assez
générale de l'Union européenne, notamment de l'organisation pour la sécurité et
la coopération en Europe, l'OSCE.
Le seul rival crédible du président en titre, un ancien ministre, avait été au
demeurant exclu de la compétition électorale. Pourtant, depuis quelques années,
une pratique relativement démocratique avait abouti à l'instauration de
quelques mesures significatives comme le relâchement de la censure, une
certaine indépendance de la presse ou l'émergence d'une opposition
politique.
Tenant compte des critiques portées sur les conditions de sa réélection, le
président Nazarbaëv s'est engagé à mettre en oeuvre, par étapes, un programme
de démocratisation. Les élections législatives du 10 octobre dernier ont eu
lieu dans des conditions meilleures que les précédentes, mais qui ont toutefois
suscité un certain nombre de commentaires critiques de l'OSCE.
Les ressources naturelles du pays, liées à une main-d'oeuvre qualifiée,
confèrent au Kazakhstan un fort potentiel de développement.
Comme l'a souligné M. le ministre, des conditions réglementaires et légales
favorables ont été offertes aux investisseurs étrangers, ce qui a également
contribué à faire du Kazakhstan, parmi tous les pays de l'ex-empire soviétique,
celui qui a reçu le plus d'investissements étrangers. Toutefois, comme dans
toutes ces républiques émergentes, quelques obstacles demeurent encore ; ils
sont liés à la complexité de la législation fiscale et à une bureaucratie très
pesante.
Les cinq premiers investisseurs étrangers sont les Etats-Unis, la Corée du
Sud, le Royaume-Uni, la Turquie et la Chine. La France, avec un stock
d'investissements de 110 millions de dollars, se place au dixième rang. Les
principaux investisseurs français sont Total Fina, la Société générale, la
Cogema et les Ciments français. Nous pouvons regretter - c'est un point de
détail qu'il faut souligner - l'absence d'Air France sur la ligne qui nous
relie au Kazakhstan.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Très bien !
M. André Dulait,
rapporteur.
D'autres compagnies ont pris la place, mais malheureusement
elles ne sont pas françaises.
Sur le plan des échanges commerciaux internationaux, le Kazakhstan, où la
Russie dispose encore de 33 % de parts de marché, ce qui fait d'elle, et de
loin, son premier fournisseur, est parvenu à diversifier ses partenaires
commerciaux.
L'Allemagne détient 3,3 % des parts de marché, la Turquie 2,5 %, le
Royaume-Uni 1,3 % et les Etats-Unis 1,1 %. La part de la France serait de
l'ordre de 1 %. Nos exportations sont essentiellement constituées de produits
agro-alimentaires, de biens d'équipement professionnel et de biens de
consommation courante. Nos importations concernent, bien sûr, le pétrole et les
métaux non ferreux.
Ces chiffres illustrent bien les opportunités qui restent encore ouvertes aux
entreprises françaises dans ce pays.
En conclusion, la commission unanime vous invite, mes chers collègues, à
adopter ce projet de loi.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique. -
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le
gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du
Kazakhstan sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements
(ensemble un protocole), signé à Paris le 3 février 1998, et dont le texte est
annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
11
ADHÉSION À LA CONVENTION INTERNATIONALE
CONTRE LA PRISE D'OTAGES
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 339, 1998-1999)
autorisant l'adhésion de la République française à la convention internationale
contre la prise d'otages. [Rapport n° 473 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la
convention internationale contre la prise d'otages a été adoptée par
l'Assemblée générale des Nations unies le 17 décembre 1979 ; elle est entrée en
vigueur le 6 mars 1983 et soixante-dix-sept Etats l'ont déjà ratifiée ou y ont
adhéré ; c'est le cas de tous les pays membres de l'Union européenne, à
l'exception de l'Irlande, de la Belgique et de la France.
Elaborée dans un contexte de recrudescence des prises d'otages, la convention
internationale contre la prise d'otages est une convention d'incrimination qui
définit une nouvelle infraction à l'échelon international. Elle donne une
compétence très large aux Etats pour réprimer cette infraction. Ses
dispositions permettent aux juridictions nationales de bénéficier d'une
compétence universelle et de connaître ainsi tous les actes de ce type.
Cette convention comporte un dispositif de coopération internationale en
matière de prévention et de répression fondé sur le principe « juger ou
extrader » et sur des mesures facilitant l'entraide judiciaire et
opérationnelle. Elle contient également plusieurs dispositions visant à
garantir les droits des personnes poursuivies.
Notre adhésion nous paraît se justifier pour deux raisons.
En premier lieu, les prises d'otages constituent un phénomène en augmentation
et qui prend des formes nouvelles. La France figure d'ailleurs parmi les
premières victimes de ce type de terrorisme. Je rappelle que quinze de nos
compatriotes ont été retenus en otage en 1997, dix-huit en 1998, et nous avons
tous présents à l'esprit certains des plus douloureux de ces évènements.
D'ailleurs, l'année 1999 n'y échappe pas.
M. Emmanuel Hamel.
Hélas !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
La coopération entre Etats ne peut que favoriser la
résolution de ces situations et permettre de mieux traquer et punir les
responsables.
En second lieu, notre adhésion se justifie par l'environnement international.
Dans le cadre de l'Union européenne et du G8, nous avons appelé à la
ratification universelle des conventions antiterroristes existantes, dont celle
contre la prise d'otages. Il fallait que la France se mît en règle, en quelque
sorte, avec ces engagements internationaux.
Nos réticences, qui se traduisent notamment par le retard mis à cette
ratification, tenaient à deux types d'objections.
La première concernait la procédure de règlement des différends. La convention
pose le principe de la compétence de la Cour internationale de justice. Or nous
avons dénoncé, en 1974, la compétence universelle de la Cour. Cette difficulté
est aujourd'hui levée. Nous avons en effet accepté en 1998, à l'occasion de la
ratification de la Convention internationale contre les attentats terroristes à
l'explosif, la compétence de la Cour internationale de justice sur une
convention spécifique relative au terrorisme.
La seconde objection tenait à la formulation de l'article 12. Cet article peut
en effet laisser à penser que la prise d'otages est justifiée sous certaines
circonstances liées au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Nos réserves
n'ont pas complètement disparu sur cette formulation, qui n'est d'ailleurs plus
invoquée dans une déclaration indiquant que « la France considère que l'acte de
prise d'otages est interdit en toutes circonstances ».
Notre adhésion sera également assortie de deux autres déclarations
interprétatives.
La première concerne l'article 6, qui évoque la possibilité, sous certaines
conditions, de détenir une personne préalablement à l'engagement de poursuites
pénales. Nous déclarerons que, conformément aux principes de sa procédure
pénale, la France n'entend pas procéder à la détention d'un auteur présumé ou à
toute autre mesure coercitive, préalablement à l'engagement de poursuites
pénales, hors les cas de demande d'arrestation provisioire.
S'agissant des dispositions de l'article 9 sur l'extradition, nous préciserons
également que nous excluons l'extradition d'un de nos ressortissants ou d'une
personne de nationalité étrangère si l'infraction est punie de la peine de mort
par l'Etat requérant.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la Convention
internationale contre la prise d'otages qui fait l'objet du projet de loi
aujourd'hui proposé à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. André Rouvière,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, ainsi que vient de le préciser M. le ministre, le présent projet de
loi vise à autoriser la ratification de la convention internationale contre la
prise d'otages. Cette convention a été adoptée en 1979 à New York, dans le
cadre des Nations unies, et est entrée en vigueur en 1983 ; soixante-dix-sept
Etats y ont adhéré.
Comme l'a rappelé M. le ministre, deux motifs principaux avaient conduit la
France à ne pas ratifier cette convention.
Tout d'abord, l'article 12 de la convention considère la prise d'otage comme
légitime dans certains cas, par exemple pour libérer un pays du colonialisme ou
d'une occupation étrangère. Pour la France, toute prise d'otage doit être
condamnée, quelles que soient les circonstances. Autrement dit, nous affirmons
que la fin ne justifie pas les moyens.
Ensuite, l'article 16 reconnaît à la Cour internationale de justice une
compétence très étendue pour régler les différends entre les Etats.
Depuis 1974 - la condamnation des essais nucléaires dans le Pacifique - la
France ne reconnaissait plus une compétence élargie de la Cour internationale
de justice. Sur ce dernier point, la position de la France a évolué.
Quelles sont les raisons qui nous incitent à proposer la ratification de cette
convention ?
En premier lieu, force est de constater que, malheureusement, les prises
d'otages sont toujours d'actualité et vous avez rappelé, monsieur le ministre,
que la France, hélas ! n'y échappait pas.
De 1970 à 1980, les prises d'otages avaient non pas uniquement, mais
principalement, un objet politique. Mais, depuis 1980, elles ont tendance à
revêtir un aspect mafieux.
En deuxième lieu, la lutte contre le terrorisme en général, et contre les
prises d'otages en particulier, doit être organisée à l'échelon international.
Cette convention y contribue fortement.
Enfin, en troisième lieu, cette convention fait partie d'un ensemble de onze
conventions internationales. Or la France a ratifié toutes ces conventions ou
se trouve sur le point de le faire.
Quel est le contenu de cette convention du 17 décembre 1979 ?
Tout d'abord, elle donne une définition large, universelle, claire et précise
de la prise d'otages : « Commet l'infraction de prise d'otages... quiconque
s'empare d'une personne... ou la détient et menace de la tuer, de la blesser ou
de continuer à la détenir afin de contraindre une tierce partie, à savoir un
Etat, une organisation internationale intergouvernementale, une personne
physique ou morale ou un groupe de personnes, à accomplir un acte quelconque ou
à s'en abstenir en tant que condition explicite ou implicite de la libération
de l'otage. » Toutefois, vous l'avez indiqué, monsieur le ministre, l'article
12 en réduit la portée. La France refuse l'article 12, ainsi que je l'ai
rappelé voilà un instant.
La tentative et la complicité de prise d'otages sont également réprimées par
la présente convention.
Par ailleurs, cette convention vise à instaurer une coopération entre les
Etats parties, en matière de prévention, à travers des échanges d'informations
entre les polices et entre les administrations.
Elle vise à mettre en oeuvre le principe « juger ou extrader », aux termes
duquel les Etats doivent systématiquement poursuivre les auteurs et/ou les
complices de prises d'otages, et ce sans exception.
De même, la convention assure aux personnes soupçonnées et éventuellement
poursuivies des garanties quant aux droits de se défendre.
Enfin, elle prévoit l'intervention de la Cour internationale de justice en cas
de litige entre les Etats parties.
En conclusion, la France ayant ratifié ou allant ratifier la quasi-totalité
des conventions internationales contre le terrorisme, nul ne comprendrait
qu'elle ne ratifie pas celle-ci, relative à la lutte contre les prises
d'otages. Toutefois, la France précise une nouvelle fois sa position dans trois
déclarations contenues dans l'annexe 1 du présent rapport.
Tout d'abord, la prise d'otages est interdite en toutes circonstances.
Ensuite, la France ne procédera pas à la détention d'un auteur présumé avant
l'engagement de poursuites pénales. Enfin, l'extradition ne sera pas accordée
vers un pays où l'infraction est punie de la peine de mort, sauf si l'Etat
requérant garantit la non-application de la peine capitale.
Pour les raisons que je viens d'exposer, et pour celles que j'ai développées
dans mon rapport écrit, la commission des affaires étrangères, de la défense et
des forces armées, à l'unanimité, vous propose, mes chers collègues, d'adopter
le présent projet de loi.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique
. - Est autorisée l'adhésion de la République française
à la convention internationale contre la prise d'otages, faite à New York le 17
décembre 1979, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
12
ACCORD AVEC LA SLOVÉNIE
SUR L'ENCOURAGEMENT ET LA PROTECTION
RÉCIPROQUES DES INVESTISSEMENTS
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 456, 1998-1999)
autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement de la République de Slovénie sur l'encouragement
et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole).
(Rapport n° 6 [1999-2000]).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, à
l'occasion de la présentation de l'accord précédent, je vous ai indiqué les
principes qui guident l'action du Gouvernement pour établir le cadre juridique
sûr destiné à favoriser l'activité de nos entreprises à l'étranger.
La Slovénie, qui a acquis son indépendance en 1991, est, certes, un pays
modeste par sa population, qui s'élève à deux millions d'habitants, mais n'en
constitue pas moins un marché non négligeable dont nos investisseurs auraient
tort de se désintéresser. Le projet de loi qui est soumis à votre approbation a
précisément pour ambition d'inviter nos entreprises à s'y intéresser davantage
en sécurisant le cadre juridique de leur intervention.
Le niveau de vie élevé de la Slovénie la distingue des autres Etats issus de
l'ex-Yougoslavie et la rapproche des pays de l'Union européenne, qu'elle a
vocation à rejoindre. Ce pays a su réorienter ses échanges vers les marchés de
l'Union européenne, et son propre marché ouvre un accès privilégié aux actions
en direction des pays des Balkans, dont la reconstruction constitue, vous le
savez, l'une de nos priorités.
Rapportés à l'ensemble des pays d'Europe centrale et orientale, ou PECO, nos
échanges font de la Slovénie notre troisième partenaire, à égalité avec la
République tchèque. La présence déjà ancienne de Renault à Novo Mesto témoigne
de l'intérêt que manifestent nos investisseurs - depuis longtemps pour certains
d'entre eux - pour ce marché qui peut être utilisé comme une plate-forme
régionale. Des opportunités existent pour l'agroalimentaire, la distribution et
les biens de consommation courante, secteurs dans lesquels l'offre française
n'est pas assez représentée.
Il est d'ailleurs nécessaire d'observer que la relative faiblesse des
investissements directs étrangers s'est expliquée longtemps par la volonté du
gouvernement d'éviter des prises de contrôle des entreprises slovènes par des
investisseurs étrangers. Toutefois, la création en 1999 d'une agence de
promotion des investissements constitue un signe d'ouverture que la signature
de l'accord de protection et d'encouragement des investissements avec la France
vient confirmer. Cet accord devrait permettre à nos entreprises de renforcer
leurs positions sur le marché slovène.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'accord sur
l'encouragement et la protection réciproques des investissements conclu par la
France avec la Slovénie et qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis
à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Serge Vinçon,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, au-delà des termes classiques de cet accord d'investissement,
rappelés à l'instant par M. le ministre, j'organiserai mon propos autour de
deux idées : la Slovénie est le candidat le plus avancé sur le chemin de
l'adhésion à l'Union européenne ;...
M. Emmanuel Hamel.
Ouvrons-lui la porte !
M. Serge Vinçon,
rapporteur.
... la Slovénie représente un important potentiel pour nos
investisseurs.
La Slovénie est donc le pays le plus proche de l'adhésion à l'Union
européenne, car elle a l'économie la plus riche et est très avancée dans les
négociations d'adhésion.
La Slovénie a de bons fondamentaux économiques. Son produit intérieur brut,
égal à 68 % de la moyenne communautaire, la place juste derrière le Portugal et
la Grèce, mais devant tous les autres concurrents des PECO.
Depuis son indépendance, en 1991, la Slovénie a mené une politique
macro-économique prudente, qui lui a permis un rattrapage rapide et une
croissance moyenne depuis 1993 de 4 % par an.
La grande force de l'économie slovène est sa capacité exportatrice. Ses
exportations sont à l'origine de 60 % de sa croissance. Les produits
manufacturés représentent la quasi-totalité de ses échanges. Ses deux premiers
partenaires sont l'Allemagne et l'Italie, qui représentent respectivement 33 %
et 16 % de ses échanges.
L'adhésion à l'Union européenne est l'objectif principal de la Slovénie.
La Slovénie fait partie du premier groupe de pays avec qui les négociations
d'adhésion sont ouvertes. Elle voudrait adhérer rapidement, dès le 1er janvier
2003.
La Slovénie est déjà liée à l'Union européenne par un accord d'association qui
est entré en vigueur le 1er février 1999. Les négociations d'adhésion sont bien
entamées. Le criblage des trente chapitres d'acquis communautaire est achevé
depuis juillet et, sur les quinze chapitres ouverts à la négociation, huit sont
clos avec la Slovénie. La principale difficulté réside dans la période de
transition demandée par la Slovénie pour régulariser ses relations commerciales
avec l'ex-Yougoslavie.
Par ailleurs, après le rapport très critique de la Commission, en novembre
1998, la Slovénie a fait un important effort pour accélérer la reprise de
l'acquis communautaire.
Les relations économiques entre la France et la Slovénie se développent
rapidement.
Nos ventes ont progressé de 22 % en 1998 et atteignent 7,1 milliards de
francs. La Slovénie est notre quatrième client en Europe de l'Est. Nous
dégageons un excédent de 1,9 milliard de francs. Notre commerce est, pour
moitié, lié à l'implantation de l'usine Renault de Novo Mesto.
Mais il existe encore un important potentiel de développement dans le domaine
de l'agroalimentaire et des biens de consommation courante.
La France est le quatrième investisseur étranger, avec 8 % du total.
Il existe en Slovénie un important potentiel d'investissements car, jusqu'à
présent, les privatisations avaient peu fait appel aux investisseurs étrangers.
Mais la situation évolue et la Slovénie est de plus en plus ouverte aux
capitaux étrangers pour moderniser son économie.
La Slovénie est devenue l'un des partenaires les plus importants de la France
dans cette partie de l'Europe. La France a tout intérêt à développer sa
présence en Slovénie en favorisant l'ouverture de ce pays aux investissements
étrangers.
La Slovénie est économiquement un pays d'avenir. Son économie est dynamique et
déjà proche des standards d'Europe occidentale. Elle a un fort potentiel de
rattrapage et de développement dans la perspective de l'adhésion à l'Union
européenne.
La Slovénie est également un partenaire politique solide. C'est un pays stable
et réellement démocratique. Il peut jouer un rôle important dans l'équilibre de
la région.
C'est pourquoi, au nom de la commission des affaires étrangères, je vous
propose l'approbation du présent projet de loi.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique.
- Est autorisée l'approbation de l'accord entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de
Slovénie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements
(ensemble un protocole), signé à Paris le 11 février 1998, et dont le texte est
annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
13
ACCORD AVEC LE MEXIQUE SUR L'ENCOURAGEMENT ET LA PROTECTION RÉCIPROQUES DES
INVESTISSEMENTS
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 479, 1998-1999)
autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République
française et le Gouvernement des Etats-Unis du Mexique sur l'encouragement et
la protection réciproques des investissements. (Rapport n° 14 [1999-2000.])
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne
reprendrai pas l'analyse du texte de l'accord sur l'encouragement et la
protection réciproques des investissements signé avec le Mexique le 12 novembre
1998, ce texte étant pratiquement identique à celui de l'accord avec le
Kazakhstan.
Je me contenterai de rappeler que la France arrive au sixième rang des
investisseurs étrangers au Mexique. Cependant, cette position ne reflète pas la
réalité des investissements des entreprises françaises, dont beaucoup
investissent au Mexique à partir de leur filiale nord-américaine.
De fait, nombre d'entreprises françaises se sont installées au Mexique ou ont
renforcé leurs positions depuis la signature de l'accord de libre-échange
nord-américain, l'ALENA. Ainsi, France Télécom a profité de la privatisation de
l'opérateur Telmex pour s'implanter sur le marché des télécommunications ; Gaz
de France a investi 100 millions de dollars pour la distribution de gaz naturel
dans la vallée de Mexico ; Alstom regroupe six filiales et 6 000 employés.
D'autres grands groupes français, ainsi que certaines petites et moyennes
entreprises qui se sont ouvertes à l'international, sont également présents au
Mexique.
Le Mexique a adopté une législation libérale en matière d'investissements
étrangers, investissements qu'il cherche à attirer afin de développer sa base
productive. L'accord de protection et d'encouragement des investissements signé
avec la France vient compléter ce dispositif incitatif. Il devrait permettre à
nos entreprises de renforcer leurs positions sur le marché mexicain et, plus
largement, de développer leurs exportations en direction du marché
nord-américain.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les quelques indications que je voulais vous donner en
vous demandant d'autoriser l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement du Mexique sur l'encouragement et la
protection réciproques des investissements, signé à Mexico le 12 novembre
1998.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Hubert Durand-Chastel,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, l'accord d'investissements entre la France et le Mexique est
important. Il s'agit de conforter le statut de nos investissements dans un pays
au potentiel économique fort, avec un marché de 100 millions d'habitants, mais
à l'économie fragile.
Dans le bref temps qui m'est imparti, je concentrerai mon propos sur les
particularités juridiques de l'accord franco-mexicain.
L'accord d'investissements signé avec le Mexique est, en effet,
particulièrement intéressant, car il met bien en valeur les garanties
juridiques très importantes qu'offrent de tels accords à nos entrepreneurs et
même aux particuliers.
Les négociations avec le Mexique ont été délicates, car c'est un pays qui a
une forte tradition « souverainiste ». La partie mexicaine souhaitait limiter
la portée de l'accord pour garder la plus grande marge de manoeuvre possible en
matière de contrôle des changes et de statut des investissements étrangers.
Mais, sur tous les points en litige, des concessions réciproques ont permis de
trouver un terrain d'entente.
Ainsi, la partie mexicaine voulait réduire le champ d'application de l'accord.
Elle souhaitait notamment en exclure les créances liées à des transactions
commerciales, l'ensemble de la dette publique ainsi que les biens qui ne sont
pas directement liés à une activité économique.
Elle revendiquait, par ailleurs, que l'accord ne s'applique pas aux
investissements effectués avant son entrée en vigueur, dérogeant en cela au
principe constant selon lequel les protections offertes aux investisseurs sont
valables pour les investissements passés et à venir.
Enfin, elle entendait limiter l'accord aux seuls investissements directs, ce
qui aurait considérablement restreint la portée de l'accord, car nombre
d'investissements français sont réalisés à travers des filiales implantées dans
des pays tiers.
Ces demandes font donc ressortir, comme un négatif, le champ d'application
extrêmement large des accords d'investissements en assurant la protection de
tous les investissements économiques ou non de manière rétroactive.
Ce sont d'ailleurs les Etats parties eux-mêmes qui garantissent ces
investissements contre tous les risques d'expropriation, de spoliation ou de
destruction liés à un conflit, à une guerre ou à une révolution.
Le principe de la liberté des transferts, qui avait été contesté par le
Mexique compte tenu de sa situation spécifique, a été maintenu avec un
aménagement prévu par l'article 7 de l'accord. En cas de grave déséquilibre ou
de menace de déséquilibre de la balance des paiements, il est possible
d'appliquer exceptionnellement des restrictions aux transferts, à condition que
ces restrictions s'inscrivent dans un programme conforme aux critères du FMI,
le Fonds monétaire international, et qu'elles soient équitables et non
discriminatoires.
Enfin, le Mexique répugnait à se soumettre, en cas de différend, à un
arbitrage international, comme c'était encore le cas de la France voilà
quelques années. Cependant, pour les investisseurs, le recours à un arbitrage
international est une garantie importante. Il les assure qu'une solution
indépendante et rapide sera trouvée à leurs difficultés. A cet égard, l'accord
prévoit deux procédures : l'une, traditionnelle, concerne les différends entre
Etats, l'autre, spécifique, les différends entre un investisseur et un Etat.
Elle est régie par l'article 9 de l'accord. Sans entrer dans les détails de
cette procédure, il suffit d'indiquer qu'elle offre toutes les garanties
habituelles en matière de droit du commerce international et de l'arbitrage, en
faisant appel à des organismes internationalement reconnus.
Cet accord d'investissement devrait favoriser le développement de la présence
française au Mexique. La France doit ainsi mieux profiter de l'essor de
l'économie mexicaine et du tremplin qu'il constitue pour la pénétration des
marchés nord et sud-américains.
Si le Mexique connaît aujourd'hui une période d'incertitudes politique et
économique, c'est un pays au fort potentiel, auquel s'intéressent nos
principaux concurrents et partenaires. Il est nécessaire que la France y soit
plus présente.
C'est pourquoi je vous propose, au nom de la commission des affaires
étrangères, d'approuver le présent projet de loi.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique. -
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le
Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis du
Mexique sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements,
signé à Mexico le 12 novembre 1998, et dont le texte est annexé à la présente
loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
14
PROTOCOLE
À LA CONVENTION INTERNATIONALE
POUR LA CONSERVATION
DES THONIDÉS DE L'ATLANTIQUE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 501, 1998-1999)
autorisant l'approbation du protocole visant à amender le paragraphe 2 de
l'article X de la convention internationale pour la conservation des thonidés
de l'Atlantique. [Rapport n° 45 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le présent
projet de loi a pour objet d'autoriser l'approbation du protocole de Madrid du
5 juin 1992 amendant la convention internationale pour la conservation des
thonidés de l'Atlantique, appelée, pour des raisons de commodité et pas
nécessairement de meilleure compréhension, CICTA.
Cette convention, dont l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et
l'agriculture, plus connue sous le sigle anglo-saxon FAO,...
M. Emmanuel Hamel.
Don't use it !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
... a établi une commission, organisation
internationale dotée d'un budget annuel, comprenant actuellement vingt-cinq
membres, parmi lesquels l'Union européenne, plusieurs pays développés - le
Canada, les Etats-Unis, le Japon, la France et le Royaume-Uni, au titre de
leurs territoires d'outre-mer - ainsi que de nombreux pays en développement,
dont les pays francophones comme le Gabon, la Tunisie, la Côte d'Ivoire ou la
Guinée. Cette commission est chargée de l'évaluation et de la gestion des
stocks de thonidés de l'Atlantique et de la Méditerranée.
La France a été membre de la CICTA pour tous les territoires relevant de sa
souveraineté et riverains de l'Atlantique et de la Méditerranée - métropole et
collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon - jusqu'à l'adhésion de
la Communauté européenne en janvier 1997.
La compétence exclusive de la Communauté en matière de pêche maritime a amené
la France à se retirer cette même année 1997 de la convention. Elle est
néanmoins restée membre de l'organisation au titre de la collectivité
territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, non soumise aux dispositions du
traité de Rome.
Le protocole de Madrid de 1992 a pour objet d'amender l'article X de la
convention relatif au barème des contributions des parties contractantes, afin
d'alléger la charge financière pesant sur les Etats en développement membres de
l'organisation en augmentant les contributions des pays développés. La question
du non-paiement des contributions par certains Etats connaissant des
difficultés économiques majeures est en effet un problème récurrent,
susceptible d'amener certains de ces pays à ne plus coopérer avec
l'organisation.
Les implications financières sont relativement modestes, puisque la
contribution française passera de quelque 82 000 francs aujourd'hui à 164 000
francs, somme qui représente 2 % du budget total de la commission.
L'approbation par la France, qui est actuellement le seul pays développé à
n'avoir pas encore adhéré, permettra l'entrée en vigueur du protocole et
l'adoption du nouveau règlement financier de la commission.
Telles sont, monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs
les sénateurs, les principales observations qu'appelle le protocole de Madrid
du 5 juin 1992, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre
approbation.
M. le président.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Danielle Bidard-Reydet,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, je ne reviendrai pas sur les aspects techniques de ce protocole, qui
ont déjà été évoqués par M. le ministre, pour insister sur deux aspects qui me
paraissent importants afin de mieux en comprendre l'enjeu : le rôle de la CICTA
dans la gestion internationale de la pêche aux thonidés, l'intérêt de la France
en la matière.
La CICTA est une organisation reconnue, qui a des pouvoirs importants.
Elle a été créée par la convention adoptée à Rio le 14 mai 1966, sous l'égide
de la FAO, Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture.
Elle est en vigueur depuis 1969 et réunit aujourd'hui les principaux pays
côtiers et pêcheurs.
La France est membre de cette organisation depuis l'origine. Depuis 1997, la
Communauté européenne y a adhéré directement et s'est substituée aux pays
européens qui en étaient membres. La France en est restée membre au titre de
Saint-Pierre-et-Miquelon.
Cette convention a pour objet non pas de protéger les espèces mais d'organiser
l'exploitation la plus rationnelle possible de la ressource alimentaire et
économique que représentent les thonidés.
Le champ de compétence de la convention est très large. Le terme « thonidés »
recouvre plus de trente espèces. Géographiquement, la zone de la convention
couvre l'Atlantique, la Méditerranée et les Caraïbes.
Cette commission internationale effectue des recherches scientifiques qui
servent de fondement aux mesures de gestion.
La réussite de cette organisation a conduit à en créer d'autres semblables
comme celle qui gère les thonidés dans l'océan Indien.
La France a d'importants intérêts économiques dans la pêche aux thonidés.
Au titre de Saint-Pierre-et-Miquelon, l'intérêt matériel est très marginal, la
pêche au thon y étant presque inexistante. En revanche, la flotte de métropole
s'inscrit au second rang en Europe derrière la flotte espagnole.
La pêche dans les mers tempérées s'élève à environ 4 000 tonnes.
La pêche aux thons tropicaux représente l'essentiel des intérêts économiques
de la France. En 1997, les captures s'élevaient à plus de 120 000 tonnes, soit
20 % de la production totale, et représentaient plus de 761 millions de
francs.
Toutefois, l'Atlantique totalise un peu moins de la moitié des prises.
En conclusion, il faut souligner que les problèmes de la pêche ont pris une
dimension internationale qui nécessite une coopération entre Etats pêcheurs et
Etats côtiers. Le recours à des institutions multilatérales est devenu
indispensable pour développer une pêche responsable.
A cet égard, le rôle de la CICTA est essentiel pour l'organisation de la pêche
aux thonidés. Organisation reconnue et respectée à l'échelon international pour
ses travaux de recherche scientifique, elle est aussi parvenue à faire
respecter des mesures de gestion et de contrôle.
La France, compte tenu de l'importance de ses intérêts économiques, a donc
intérêt à favoriser le bon fonctionnement de la CICTA en approuvant une
répartition plus équitable du financement entre pays riches et pays pauvres.
Cette nouvelle répartition conduira les pays développés à assumer une part du
budget plus conforme à leurs avantages, soit les deux tiers du budget
annuel.
Je vous propose donc d'approuver le présent projet de loi.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans le discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique
. - Est autorisée l'approbation du protocole visant à
amender le paragraphe 2 de l'article X de la convention internationale pour la
conservation des thonidés de l'Atlantique, fait à Madrid le 5 juin 1992 et dont
le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)15
CONVENTION FISCALE
AVEC LE KAZAKHSTAN
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 481, 1998-1999)
autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan en vue
d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales
en matière d'impôts sur le revenu et la fortune. [Rapport n° 59
(1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la
convention conclue à Paris le 3 février 1998 entre la France et le Kazakhstan,
et qui est soumise aujourd'hui à votre approbation, est appelée à combler un
vide juridique en succédant à la convention franco-soviétique du 4 octobre 1985
en matière d'impôts sur le revenu, qui a été dénoncée par le Kazakhstan à la
fin de l'année 1994.
La nouvelle convention, avec une entrée en vigueur rétroactive au 1er janvier
1996, permettra d'assurer la continuité du cadre juridique dans nos relations
avec cet Etat et d'éviter une double imposition fâcheuse pour nos
entreprises.
Ses dispositions vous sont déjà très largement connues puisqu'elles
respectent, pour l'essentiel, celles du modèle de convention fiscale élaboré
par l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, qui
inspire l'ensemble de l'activité conventionnelle en la matière.
La France s'est attachée à obtenir le même traitement que ses partenaires
occidentaux afin que nos entreprises ne soient pas placées dans une situation
concurrentielle moins favorable sur le marché kazakh.
Les taux de retenue à la source applicables par un Etat aux dividendes ont été
améliorés par rapport à la convention fiscale franco-soviétique du 4 octobre
1985.
La définition de l'établissement stable marque une concession de la part de la
France. Si la durée des chantiers est conforme au modèle de l'OCDE,
c'est-à-dire douze mois, une définition particulièrement élargie de
l'établissement stable a été acceptée pour s'aligner sur les accords obtenus
avec cet Etat par nos partenaires.
Enfin, outre le fait que cette nouvelle convention comporte des dispositions
relatives à l'impôt sur la fortune correspondant aux besoins français, elle
permet, grâce à ses dispositions relatives à l'assistance administrative, de
lutter plus efficacement contre la fraude et l'évasion fiscales entre les deux
Etats.
Cette convention répond à un enjeu économique majeur. Le Kazakhstan est le
plus grand pays d'Asie centrale. En 1998, le volume des échanges commerciaux
entre les deux Etats a atteint 1 milliard de francs. Le Kazakhstan dispose d'un
potentiel important. Il a connu, vous vous en souvenez, en 1991, lors de la
dissolution de l'Union soviétique, une grave crise économique, ce qui l'a
d'ailleurs incité à s'ouvrir sur l'extérieur, ce qu'il a surtout fait depuis
1994.
La part des investissements privés français au Kazakhstan est modeste, 4 %.
Les Etats-Unis représentent, à titre de comparaison, 66 % des investissements
privés. Il convient donc d'accompagner les efforts des entreprises françaises
pour s'implanter dans une région caractérisée par l'importance de ses réserves
énergétiques.
Cette convention fiscale permettra de créer un cadre juridique plus sûr, plus
stable pour nos investisseurs dans cet Etat, et renforcera la coopération
économique entre la France et le Kazakhstan.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention
entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la
République du Kazakhstan en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir
l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la
fortune qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre
approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Charasse,
en remplacement de M. Jacques Chaumont, rapporteur de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne suis
pas sûr que M. Chaumont soit déjà allé voir sur place comment les choses se
passent au Kazakhstan. En tout cas, il n'est pas là aujourd'hui et il m'a
demandé de le suppléer, bien sûr avec l'accord de la commission.
La convention fiscale signée entre la France et le Kazakhstan le 3 février
1998 remplace la convention franco-soviétique du 4 octobre 1985 qui, comme l'a
dit M. Josselin voilà un instant, a été dénoncée par le Kazakhstan à la fin de
1994, avec effet au 1er janvier 1996.
Le Parlement kazakh a déjà approuvé cette convention, le 9 septembre 1998. Il
est donc plus que temps pour le Parlement français de statuer sur ce texte pour
apporter à nos entreprises qui sont attirées par les richesses potentielles du
Kazakhstan les indispensables garanties commerciales et d'investissements.
Le Kazakhstan dispose en effet d'un potentiel économique important. Son
immense territoire - près de trois millions de kilomètres carrés - recèle
d'énormes ressources naturelles : hydrocarbures, or, cuivre, chrome...
Toutefois, ce pays souffre de son enclavement géographique qui entrave
l'évacuation des hydrocarbures et le rend très dépendant des Etats frontaliers,
en particulier de la Russie.
En outre, les crises asiatique et russe ont plongé le Kazakhstan dans un
profond marasme économique et financier.
Les relations économiques entre la France et le Kazakhstan sont encore peu
développées. Les échanges commerciaux restent faibles : seulement un milliard
de francs en 1998.
La présence française au Kazakhstan est également modeste puisque la France
n'est que le onzième investisseur étranger. La signature de cette convention
devrait donc faciliter le développement des relations économiques entre la
France et le Kazakhstan tout en offrant à nos entreprises les garanties
nécessaires.
La convention franco-kazakhe est globalement conforme à la convention-type de
l'OCDE. Les dispositions qui s'en écartent résultent, dans la majorité des cas,
soit de demandes de la partie française liées aux spécificités de notre modèle
de convention fiscale, soit de demandes kazakhes qui ont été acceptées dans la
mesure où elles correspondent aux clauses figurant dans les conventions passées
entre la France et les principaux Etats de cette zone géographique.
Concrètement, la convention qui nous est soumise s'écarte donc du modèle de la
convention-type de l'OCDE sur divers points.
Première dérogation : la notion d'établissement stable est étendue aux
installations utilisées pour l'exploration des ressources naturelles, les
activités de surveillance de ces installations et des chantiers ainsi que les
fournitures de services.
Deuxième dérogation : les revenus des parts ou actions conférant à leur
détenteur la jouissance de biens immobiliers situés dans un Etat contractant
sont imposables dans cet Etat. Ce paragraphe additionnel permet d'adapter la
convention au droit interne français selon lequel les personnes qui détiennent
des parts dans une société civile immobilière sont considérées fiscalement
comme si elles étaient directement propriétaires des immeubles gérés par ladite
société.
Troisième dérogation : les règles de détermination des bénéfices imposables
sont plus strictes que dans le modèle de convention de l'OCDE puisque la
convention n'admet pas la déduction de paiements par l'établissement stable à
son siège central à l'exception des remboursements de dépenses engagées aux
fins de cet établissement. Les redevances, les honoraires ou autres paiements
au titre de l'usage de brevets ne peuvent donc être considérés comme des
charges déductibles dans la détermination du bénéfice imposable de
l'établissement stable.
Quatrième dérogation : l'Etat de résidence de la société peut appliquer une
retenue à la source à un taux réduit de 5 % sur les dividendes lorsque ces
derniers sont payés à une société qui détient, directement ou indirectement, au
moins 10 % du capital de la société au lieu de 25 % dans le droit commun.
En outre, l'Etat où est installé l'établissement stable est autorisé à
prélever un impôt au titre des bénéfices non réinvestis réalisés par cet
établissement stable. Cette clause permet d'adapter la convention au droit
interne français tel qu'il est défini dans l'article 115
quinquies
du
code général des impôts. Elle vise à assurer la neutralité fiscale de la nature
juridique du choix de l'implantation en tant que filiale ou établissement
stable.
En effet, le régime des filiales est
a priori
moins intéressant que
celui des établissements stables puisque seuls les bénéfices de ces premières
font l'objet d'une taxation dans le pays où est exercée l'activité lorsque
lesdits bénéfices sont inclus dans le résultat comptable de la société mère.
L'introduction d'une taxation des bénéfices non réinvestis de l'établissement
stable assure la neutralité fiscale.
Toutefois, le taux de ce prélèvement est plafonné à 5 % dans la convention, au
lieu de 25 % dans notre droit interne.
Cinquième dérogation : l'Etat de la source conserve la possibilité d'imposer
les intérêts qui ne sont normalement imposables que dans l'Etat de résidence, à
un taux maximum de 10 %.
Toutefois, les intérêts sont exonérés de retenue à la source si l'une des
conditions suivantes est remplie : ou bien les intérêts sont payés ou reçus par
un Etat contractant, sa banque centrale, l'une de ses subdivisions politiques
ou collectivités locales ou l'une de ses personnes morales de droit public ; ou
bien les intérêts correspondent à un prêt garanti ou assuré par la COFACE dans
le cas de la France ou par un organisme analogue dans le cas du Kazakhstan.
Sixième et dernière dérogation : alors que le modèle de convention de l'OCDE
prévoit que les redevances sont imposables dans l'Etat de résidence de leur
bénéficiaire, cette convention dispose que l'Etat de la source peut imposer les
redevances à un taux n'excédant pas 10 % de leur montant brut.
En conclusion, monsieur le président, mes chers collègues, la commission des
finances vous propose d'adopter l'article unique du projet de loi qui nous est
soumis.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique. -
Est autorisée l'approbation de la convention entre
le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République
du Kazakhstan en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion
et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune
(ensemble un protocole), signée à Paris le 3 février 1998 et dont le texte est
annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
16
CONVENTION FISCALE AVEC LA BELGIQUE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 486, 1998-1999)
autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 10 mars 1964 entre la
France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des
règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts
sur les revenus. [Rapport n° 60 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la France
et la Belgique ont conclu à Bruxelles, le 8 février 1999, un avenant à la
convention fiscale en matière d'impôts sur les revenus du 10 mars 1964.
Les deux Etats y sont convenus de confirmer l'accord sur le régime fiscal des
travailleurs frontaliers qui avait été conclu entre eux le 16 juin 1971.
Ce régime permet aux résidents d'un Etat exerçant une activité salariée dans
l'autre Etat et remplissant certaines conditions d'être imposés à raison de
leurs salaires dans l'Etat de leur résidence dès lors qu'ils sont en mesure de
produire une carte frontalière.
Cette confirmation était nécessaire pour la Belgique dans la mesure où, les
tribunaux belges ayant constaté que le statut des travailleurs frontaliers
n'avait fait l'objet d'aucune ratification ou approbation, ils ont considéré
que ce régime d'imposition ne revêtait qu'un caractère optionnel compte tenu de
la suppression de la carte frontalière dès 1968, ce qui rend singulière la
référence à cette même carte dans un accord conclu en 1971, mais les juristes
s'y retrouveront...
C'est ainsi que, sur le fondement de ces décisions de justice,...
M. Michel Charasse,
en remplacement de M. Jacques Chaumont, rapporteur de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Des décisions de justice belges prononcées par des juges belges !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
... les frontaliers résidents de Belgique exerçant
leurs activités en France pouvaient choisir entre une imposition en Belgique,
résultant du régime spécifique des travailleurs frontaliers, et une imposition
en France, découlant de la règle générale d'imposition dans l'Etat d'activité
prévue par la convention fiscale. Cette règle est beaucoup plus attractive car
l'impôt sur le revenu français est sensiblement inférieur à l'impôt sur le
revenu belge.
Dès lors, pour pallier ces anomalies qui risquaient d'entraîner des
impositions injustifiées en France, ou encore des cas de double exonération, il
est apparu nécessaire de conclure un avenant à la convention de 1964 pour
confirmer le régime des travailleurs frontaliers sans attendre qu'aboutissent
les discussions relatives à la conclusion d'une nouvelle convention d'ensemble,
actuellement en cours.
Sur le plan des principes, l'avenant reprend, pour l'essentiel, les
dispositions de la convention fiscale de 1964 relatives aux travailleurs
frontaliers en maintenant le principe de l'imposition exclusive des traitements
et des salaires perçus par ces personnes dans l'Etat de la résidence. Cet
avenant définit également les zones frontalières et introduit dans la
convention une nouvelle clause de non-discrimination.
Onze mille frontaliers français bénéficient à ce jour des avantages du régime
fiscal des travailleurs frontaliers. En permettant le rétablissement du régime
fiscal prévu par la convention fiscale de 1964 et par l'accord du 16 juin 1971,
l'avenant les autorise à continuer de bénéficier en France d'un impôt sur le
revenu inférieur à ce qu'il serait en Belgique et d'y acquitter des cotisations
sociales plus faibles.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'avenant à la
convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles
impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique
réciproque en matière d'impôts sur les revenus, qui fait l'objet du projet de
loi aujourd'hui soumis à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Charasse,
en remplacement de M. Jacques Chaumont, rapporteur de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on a gardé
l'histoire belge pour la fin !
(Sourires.)
Il s'agit en effet,
aujourd'hui, de nous prononcer sur le projet de loi tendant à autoriser
l'approbation de l'avenant à la convention fiscale franco-belge de non-double
imposition du 10 mars 1964.
Selon l'article 11 de la convention, les traitements, salaires et autres
rémunérations analogues ne sont imposables que dans l'Etat contractant sur le
territoire duquel s'exerce l'activité personnelle qui est la source du
revenu.
Toutefois, par dérogation à ce principe, il était prévu que les travailleurs
frontaliers qui justifient de cette qualité grâce à la production de la carte
frontalière instituée par les conventions particulières intervenues entre les
Etats contractants, et dont M. le ministre a rappelé tout à l'heure
l'existence, ne sont imposables sur les traitements, salaires et rémunérations
qu'ils perçoivent à ce titre que dans l'Etat contractant dont ils sont
résidents.
Les frontaliers français qui exercent leur activité professionnelle en
Belgique sont donc imposés en France et, inversement, les frontaliers belges
qui exercent leur activité professionnelle en France sont imposés, en
Belgique.
Or, le régime fiscal des frontaliers a été remis en question par deux arrêts
de la Cour de cassation et de la cour d'appel belges - il n'y a pas qu'en
France que l'on a des problèmes avec les cours !
(Sourires)
- qui ont
estimé que ce régime d'imposition revêtait un caractère optionnel.
En conséquence, elles ont conclu que les travailleurs frontaliers belges
exerçant leurs activités en France peuvent choisir entre une imposition en
Belgique, résultant du régime spécifique des travailleurs frontaliers, et une
imposition en France, découlant de la règle générale d'imposition dans l'Etat
d'activité, prévue dans la convention.
Or, à salaire égal, l'impôt sur le revenu est moins élevé en France qu'en
Belgique, contrairement à ce que l'on croit quelquefois !
M. André Dulait.
C'est à cause du franc belge !
M. Michel Charasse,
rapporteur.
Les travailleurs frontaliers belges ont donc intérêt à être
imposés en France. Mais la remise en cause du régime fiscal applicable aux
travailleurs frontaliers entraînerait une perte de recettes fiscales pour
l'Etat belge, qui a donc intérêt au maintien de ce statut.
La France est également attachée à la confirmation du régime des travailleurs
frontaliers, car sa remise en cause aurait deux conséquences négatives : d'une
part, les travailleurs frontaliers français seraient désormais imposés en
Belgique et devraient acquitter un impôt sur le revenu plus important, d'où les
vives réactions que l'on peut imaginer ; d'autre part, les recettes d'impôt sur
le revenu de la France diminueraient, car, au lieu d'imposer près de 14 000
frontaliers français, la France n'imposerait que 6 000 frontaliers belges.
La France et la Belgique ont donc conclu un avenant à la convention fiscale de
1964 afin de rendre toute leur portée aux dispositions relatives au régime
fiscal des travailleurs frontaliers.
L'article 1er de l'avenant confirme, d'abord, le régime fiscal spécifique des
travailleurs frontaliers. Il réaffirme, ensuite, le principe de l'imposition
exclusive des traitements et salaires reçus par ces personnes dans l'Etat de la
résidence. Il supprime, enfin, l'ambiguïté d'interprétation qu'avaient soulevée
la Cour de cassation et la cour d'appel belges sur le caractère optionnel du
régime d'imposition des travailleurs frontaliers. Ces derniers devront utiliser
les formulaires actuellement en vigueur pour faire connaître leur statut de
travailleur frontalier et être imposés dans leur Etat de résidence. La valeur
juridique de ces formulaires est donc établie par la convention.
Selon l'article 3, les dispositions de l'avenant s'appliqueront de manière
rétroactive aux revenus perçus, réalisés, payés ou attribués à compter du 1er
janvier 1999, pour éviter une perte fiscale pour l'Etat belge au titre de
1999.
La France et la Belgique ont également décidé d'introduire une nouvelle clause
de non-discrimination qui va au-delà des obligations prévues par le modèle de
convention de l'OCDE. Elle permettra d'accorder aux résidents d'un Etat, qui
exercent leur activité professionnelle dans l'autre Etat et qui y sont
imposables, le bénéfice de certains avantages en matière de détermination du
revenu professionnel imposable et de charges de famille.
Cette clause aura surtout pour effet de donner aux résidents français qui
exercent leur activité en Belgique les avantages fiscaux prévus par la
législation belge pour ses propres résidents.
Il avait été constaté que les Français qui travaillaient en Belgique, hors
zone frontalière, étaient soumis à une forte pression fiscale non seulement
parce que l'impôt sur le revenu belge est plus élevé que l'impôt français, mais
aussi parce que ceux qui ne tiraient pas 75 % de leurs revenus de leur activité
en Belgique étaient taxés comme des non-résidents, sans qu'il soit tenu compte
des avantages liés à l'activité, comme la déduction des frais professionnels,
ni de la situation familiale.
Cependant, ces avantages seront calculés au prorata du montant des revenus par
rapport au montant total des revenus professionnels des contribuables
concernés, car le traitement fiscal des avantages par la Belgique se traduit
souvent par un abattement en valeur absolue.
Un non-résident exerçant son activité professionnelle en Belgique pourrait
alors être mieux traité que le résident belge s'il pouvait bénéficier de la
totalité de l'abattement tout en ne retirant qu'une part réduite de ses revenus
de ses activités dans ce pays.
Cette nouvelle clause de non-discrimination entrera en vigueur de manière
rétroactive pour les revenus perçus, réalisés, payés ou attribués à compter du
1er janvier 1996.
Notons que le droit interne français accorde déjà aux non-résidents les
avantages octroyés aux résidents en ce qui concerne la détermination des
revenus catégoriels et le quotient familial.
J'indique au Sénat, en terminant, qu'une nouvelle convention fiscale est
actuellement en négociation entre la France et la Belgique pour remplacer celle
de 1964, qu'il nous est aujourd'hui proposé de modifier. Toutefois, certaines
dispositions n'ont pas encore fait l'objet d'un accord entre les deux parties,
et c'est parce qu'il y avait urgence à remédier à la mise en cause du statut
fiscal des frontaliers belges que les deux pays ont choisi de conclure sans
attendre un avenant à l'actuelle convention, dont l'existence est, à terme,
menacée.
C'est donc une mesure d'urgence qui nous est proposée, en particulier à cause
de son caractère rétroactif.
Ce n'est sans doute pas la plus drôle des histoires belges, mais la commission
des finances vous propose, mes chers collègues, d'adopter l'article unique du
projet de loi.
M. Emmanuel Hamel.
Quel grand rapporteur !
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique.
- Est autorisée l'approbation de l'avenant à la
convention du 10 mars 1964 entre la France et la Belgique tendant à éviter les
doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et
juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus, signé à Bruxelles le
8 février 1999 et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
17
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. Emmanuel Hamel.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel.
La France tout entière est profondément émue à la suite des inondations
catastrophiques dont viennent d'être victimes nos concitoyens dans plusieurs
départements du Sud de la France.
D'où ma question, que je vous pose en présence de M. le ministre délégué à la
coopération, monsieur le président : quand le Sénat sera-t-il directement
informé par le Gouvernement de ses intentions en ce qui concerne la
manifestation active de la solidarité nationale pour compenser tous les
dommages suscités par cette catastrophe et dont sont victimes tant de nos
compatriotes ? En effet, nous ne pouvons pas attendre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Monsieur le sénateur, je n'ai pas d'information
particulière à vous fournir sur le sujet que vous venez d'évoquer, mais il est
permis de penser qu'à l'occasion de la séance des questions d'actualité le
Gouvernement répondra aux questions que les sénateurs ne manqueront pas de lui
poser sur la situation, en effet très douloureuse, de nos compatriotes dans au
moins trois départements du Sud de la France.
M. le président.
Monsieur Hamel, je vous informe, ainsi que tous nos collègues, que M. le
président Poncelet interviendra sur ce sujet après l'éloge funèbre de Jean-Paul
Bataille. Vous aurez donc tous les éléments d'information que vous souhaitez à
ce moment-là.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons
maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à seize heures cinq,
sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est reprise.
18
ÉLOGE FUNÈBRE DE JEAN-PAUL BATAILLE,
SÉNATEUR DU NORD
M. le président.
Madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je vais prononcer l'éloge
funèbre de Jean-Paul Bataille.
(Mme le secrétaire d'Etat, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Notre collègue et ami Jean-Paul Bataille, sénateur du Nord, nous a
quittés le 17 octobre dernier, à l'âge de soixante-dix ans.
Admirateur d'Antoine de Saint-Exupéry, il aimait souvent à citer cette phrase
: « On n'a rien à attendre d'une cathédrale sans architecte, d'une année sans
fêtes, ni d'une patrie sans coutumes. Préparer l'avenir, ce n'est que fonder le
présent. »
Fidèle à ses convictions, c'est à cette tâche et à cet objectif que Jean-Paul
Bataille a consacré sa vie politique.
Jean-Paul Bataille était un homme de grande rigueur intellectuelle et
morale.
Les valeurs auxquelles il était profondément attaché - la primauté de l'esprit
sur la matière, l'affirmation de la liberté dans le respect de celle de
l'autre, l'amour du prochain, le sens des responsabilités, l'intégrité et la
conscience professionnelle - le décrivent tout entier. C'est dans l'ancrage de
ces valeurs chrétiennes, dont il était persuadé qu'elles seules permettaient un
plein épanouissement de l'homme, qu'il avait fondé son engagement politique et
humain.
Jean-Paul Bataille est né à Saint-Omer, le 18 août 1929, dans cette terre si
particulière, l'Odomarois, sertie comme un joyau au bout de ses marais.
Après des études secondaires au collège Saint-Bertin, dans sa ville natale de
Saint-Omer, il s'engage dans la voie des études scientifiques en s'inscrivant à
la faculté libre de médecine et de pharmacie de Lille.
Après avoir obtenu brillamment le diplôme d'Etat de pharmacien, Jean-Paul
Bataille se marie le 28 juillet 1954 et s'installe peu après à Steenvoorde,
comme pharmacien, en 1955.
Très tôt, il se passionne pour une profession qu'il a toujours considérée
comme une école du service public, c'est-à-dire, pour lui, du service du
public.
Cette expérience professionnelle l'a, ainsi, tout naturellement préparé à ses
responsabilités d'élu.
Constamment à l'écoute des autres, il l'est également de sa profession et de
ses collègues et il joue un rôle important dans le mouvement syndicaliste
professionnel ainsi qu'à la jeune chambre économique du Nord.
En 1965, il devient maire de Steenvoorde. Ce succès était pour lui pour la
concrétisation d'un engagement très naturel envers la cité. Il expliquait cet
engagement en disant : « Mon père faisait de la politique et j'ai toujours
entendu parler de politique ». A quelques jours de son élection au Sénat, il
exprimait la chance, pour un élu - chance qui était la sienne - d'avoir une
femme qui s'intéresse à la politique. Il fondait ainsi son action publique sur
deux sources pour lui fondamentales : la famille et l'éducation.
Ç'aurait été, nous en sommes convaincus, une grande joie et une grande
satisfaction pour lui de voir que cet engagement familial s'est perpétué. C'est
en effet à son fils Jean-Pierre que le conseil municipal de Steenvoorde a
confié l'honneur de poursuivre la tâche de Jean-Paul Bataille à la tête de la
municipalité de cette cité du houblon.
C'est la qualité de son action, la profondeur de ses convictions, son goût des
réalités locales et rurales, son sens du contact qui ont valu à Jean-Paul
Bataille de conserver la confiance de ses électeurs. Cette passion pour la
démocratie locale et pour l'action politique ne se démentira pas.
En 1967, Jean-Paul Bataille est l'un des membres fondateurs de la fédération
Nord - Pas-de-Calais des Républicains indépendants. Il a été président de la
fédération du Nord des Républicains indépendants, puis de la fédération du Nord
du Parti républicain de 1973 à 1986 et, à nouveau, de 1988 à 1992. Il en était
depuis cette date président d'honneur.
Au Sénat, il était vice-président du groupe des Républicains et
Indépendants.
Il fut également l'un des éléments moteurs de l'UDF dans sa région. Se
laissant convaincre d'accroître ses responsabilités directes au sein même de sa
famille politiquee, il devient vice-président, président et, depuis 1992,
président délégué de l'Union pour la démocratie française du Nord.
Conseiller général du Nord depuis 1970, il a été vice-président du conseil
général du Nord de 1992 à 1998. A deux reprises, il siégea au conseil régional,
de 1973 à 1976, puis de 1983 à 1986.
Enfin, il est élu sénateur de 1983 à 1992.
N'ayant pas alors été reconduit au Sénat, il avait retrouvé notre assemblée en
1998, malheureusement à l'occasion de la disparition de cette très grande
figure qu'était notre collègue et ami Maurice Schumann, dont il était le
suivant de liste.
Au Sénat, il siège à la commission des affaires sociales, puis à celle des
affaires culturelles où son action, sa présence amicale et son apport
législatif ont laissé de profonds souvenirs auprès de tous ceux de nos
collègues qui ont siégé avec lui.
Jean-Paul Bataille disait sa conviction que les valeurs qui fondaient son
action ne pouvaient « s'épanouir que dans une société où la législation
encourageait leur épanouissement en favorisant la cellule familiale, la
ruralité et l'éducation ».
La famille tout d'abord, au sein de laquelle, avec son épouse et leurs cinq
enfants, il a su, surmontant la douleur de la perte de son fils Jean-François,
trouver un élan et un soutien constants. S'il est évident que ses convictions
chrétiennes sous-tendaient son action politique, il a milité sans relâche pour
redonner à la cellule familiale toute sa dimension. Il lui attribuait une place
éminente, celle de « pierre angulaire d'une société paisible et de progrès »,
dont il aimait à souligner, la « mission civilisatrice ».
La ruralité ensuite : Jean-Paul Bataille était, depuis 1981, président du
mouvement national des élus locaux du Nord. Il a été le défenseur passionné de
la pérennité des cantons ruraux, dont il soulignait le « caractère
indispensable de lieux de rencontre et de convivialité ». Ne justifiait-il pas
jusqu'à son franc parler en rappelant qu'il était « provincial, fier de l'être,
élu rural, élu de cette France réelle où les circonlocutions ne sont pas de
mise » ?
L'éducation était pour Jean-Paul Bataille un devoir impérieux. Il souffrait de
la voir négligée. Il regrettait son inadéquation au monde du travail.
N'hésitant pas à défendre des valeurs qu'il estimait décriées, il aimait à
citer les instructions envoyées par des inspecteurs généraux de l'éducation
nationale en 1938 : « Le rôle de l'enseignement du second degré est de
favoriser le libre et complet développement des facultés des élèves et d'en
faire des hommes, en cultivant chez eux tout ce qui fait l'excellence de
l'homme : l'intelligence, le coeur, le sens moral et le goût du beau. »
La haute idée que Jean-Paul Bataille avait de la démocratie se résumait pour
lui en une formule lapidaire : « La démocratie est fondée sur la vertu. »
C'est au nom de la vertu et de la démocratie qu'il a inlassablement défendu
les grands principes fondateurs de la République : la liberté, notamment celle
de l'enseignement ; l'égalité, en particulier celle des chances, de l'accès aux
charges, à l'éducation ; la fraternité, enfin, qu'il vivait tous les jours et
qu'il trouvait aussi dans la représentation territoriale, dans cette ruralité
où il se reconnaissait.
Faut-il rappeler que, pour Jean-Paul Bataille, l'exercice de ses charges
électives était un acte de dévouement qu'il assumait avec courage et sérénité ?
Il regrettait que la vie politique soit « privative de liberté » et avouait
avec simplicité : « Les loisirs, je vous le dis franchement, on n'en a pas.
»
C'est donc cet homme de conviction, d'amitié et de simplicité que nous avons
perdu. Son action manquera dans sa région comme elle manque au Sénat.
Au nom du Sénat tout entier, j'assure de notre profonde sympathie attristée
ses amis et collègues du groupe des Républicains et Indépendants, ainsi que
ceux de la commission des affaire culturelles.
Au nom de tous les sénateurs, j'adresse mes sincères condoléances à son épouse
ainsi qu'à ses trois fils et à sa fille.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, Mme Aubry souhaitait s'associer à l'hommage que vous avez rendu à
Jean-Paul Bataille. Mais, comme elle tarde à revenir de l'Assemblée nationale,
si vous le permettez, je vais joindre mes propos aux vôtres.
Par ma voix, le Gouvernement souhaite s'associer à l'hommage que vous rendez
aujourd'hui à votre collègue et ami Jean-Paul Bataille.
Sénateur du Nord, maire de Steenvoorde, son engagement politique a toujours
été guidé par des convictions fortes, qu'il n'a jamais manqué d'animer de
multiples actions sur le terrain.
Certes, nous ne partagions pas les mêmes opinions et nos prises de position
étaient souvent divergentes. Mais force est de lui reconnaître cette constance,
cette cohérence entre les idées qui l'animaient et les actions qu'il
conduisait, son opiniâtreté dans le débat lorsqu'il s'agissait de défendre les
pensées inscrites dans l'histoire de son groupe politique : les valeurs
familiales, l'école libre, la liberté de l'information ou encore, dernièrement,
la modernisation du système judiciaire.
Ces valeurs, il les a aussi représentées dans le département du Nord, que ce
soit à la tête de son parti, à la vice-présidence du conseil général, au sein
de l'association départementale des élus locaux ou encore dans l'animation des
syndicats intercommunaux.
Des gens du Nord il avait ce tempérament, ce caractère franc et entier. Avec
sa disparition, c'est un peu de cette présence qui manquera désormais dans
votre hémicycle comme à sa famille et à ses concitoyens.
M. le président.
Madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, selon la tradition, nous
allons, en signe de deuil, interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures
trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
19
HOMMAGE AUX VICTIMES
DES INONDATIONS
M. le président.
Madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avant de
passer à la suite de l'ordre du jour, et après une pensée à la mémoire des
nombreuses victimes du nouveau séisme en Turquie, j'estime de mon devoir
d'évoquer les catastrophes naturelles - le mot n'est pas trop fort - qui se
sont abattues sur le grand Sud-Ouest vendredi et samedi derniers.
Selon un bilan encore provisoire, plus d'une trentaine de personnes, parmi
lesquelles des enfants, sont mortes ou portées disparues dans les départements
du Tarn, de l'Aude, des Pyrénées-Orientales et de l'Hérault.
Outre le nombre considérable de sans-abri, les dégâts matériels s'annoncent
très importants. Il nous faut souhaiter que le Gouvernement et les compagnies
d'assurance veillent à une mise en oeuvre la plus rapide possible des
mécanismes de solidarité et d'assurance, afin que nos compatriotes retrouvent
leurs logis et soient indemnisés dans un délai acceptable. J'espère que notre
appel sera entendu dans les heures qui viennent.
Vous me permettrez d'exprimer, en votre nom à tous, la sympathie de notre
assemblée aux populations des régions sinistrées. A ceux qui déplorent des
morts parmi leurs proches, nous adressons nos condoléances vives et émues. A
ceux qui ont tout perdu au cours de ces heures terribles, nous manifestons
notre soutien.
Pour sa part, le bureau du Sénat a décidé, ce matin même, d'attribuer une aide
financière d'urgence au bénéfice des victimes.
Nous saluons enfin le courage et l'abnégation de tous ceux, en particulier
pompiers professionnels ou bénévoles, militaires et bien d'autres encore, qui,
parfois au péril de leur vie, sont venus en aide aux victimes.
Nos collègues sénateurs des quatre départements concernés voudront bien se
considérer comme nos porte-parole auprès des victimes et leur manifester la
solidarité des représentants de la nation.
Je vous propose d'observer une minute de silence.
(Mme le ministre, Mme le
secrétaire d'Etat, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et observent une minute
de silence.)
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, au nom du Gouvernement, et comme vient de le
faire le Premier ministre à l'Assemblée nationale, je souhaite m'incliner
devant la douleur des familles des victimes de cette catastrophe. Nous
déplorons, en effet, à l'heure où nous parlons, vingt-neuf morts et quatre
disparus.
Le Président de la République et le ministre de l'intérieur se sont rendus sur
place. Le Premier ministre vient d'exprimer la solidarité de la nation non
seulement envers les familles de ces victimes, mais aussi envers tous les
habitants de l'Aude, du Tarn, des Pyrénées-Orientales et de l'Hérault qui ont
souffert de ces inondations et qui ont souvent perdu de manière tragique
l'ensemble de leurs biens, et parfois des parents.
Il convient de saluer, me semble-t-il, le grand mouvement de solidarité qui se
manifeste à travers tout le pays, notamment de la part des collectivités
locales, et, bien sûr, de rendre hommage au courage et au travail exemplaire
des sauveteurs et de tous ceux, bénévoles ou non, qui ont travaillé pour
essayer de rendre la vie un peu plus facile et de sauver des vies, ainsi qu'aux
agents des services publics qui ne ménagent pas leurs efforts pour que la
situation redevienne à peu près normale dans ces départements.
Comme vous le savez, le Gouvernement a mobilisé tous ses efforts dès le début
de la catastrophe. Les plans ORSEC ont été déclenchés dans la nuit de vendredi
à samedi par les préfets des départements concernés : mille sept cents
sapeurs-pompiers professionnels, huit cents gendarmes, qui ont reçu le renfort
de quatre cents militaires et de sept cents militaires des forces armées. Les
sauveteurs ont effectué près de cinq mille interventions, dont mille
évacuations et cinq cents hélitreuillages.
Bien entendu, le Gouvernement maintient une forte pression, afin que les
services publics soient remis en état de marche le plus vite possible. D'ores
et déjà, les sapeurs-pompiers et les forces armées apportent leur aide aux
collectivités locales pour procéder au déblaiement et au nettoyage
indispensables.
Au-delà des premiers secours d'urgence aux personnes les plus démunies qui ont
été mis en place par mon ministère et par le ministère de l'intérieur, le
Gouvernement a décidé, compte tenu de l'ampleur exceptionnelle des dégâts,
d'apporter une aide rapide et importante aux collectivités locales pour la
remise en état des voiries et des ouvrages hydrauliques.
Le Premier ministre vient d'annoncer qu'un travail interministériel
d'évaluation est en cours. D'ici à quarante-huit heures, nous aurons
connaissance des estimations. L'arrêté constatant l'état de catastrophe
naturelle sera publié sans délai après la réunion de la commission qui se
tiendra demain.
Des instructions ont été données aux services fiscaux et aux
trésoriers-payeurs généraux pour que la situation des personnes les plus
démunies soit prise en compte.
S'agissant des exploitations agricoles, les directeurs départementaux de
l'agriculture se sont mobilisés pour évaluer dans les meilleurs délais les
dégâts causés, en vue d'un examen rapide des dossiers par la Commission
nationale des calamités agricoles.
Le Premier ministre se rendra jeudi prochain dans l'Aude. Il rencontrera à
cette occasion les élus, les responsables économiques et les autorités
administratives, et il indiquera les mesures exceptionnelles qui auront été
décidées.
Que les populations touchées sachent qu'elles pourront compter sur la
mobilisation sans faille du Gouvernement et sur la solidarité de la nation tout
entière.
20
FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
POUR 2000
Discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion. du projet de loi (n° 40, 1999-2000) de
financement de la sécurité sociale pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale.
[Rapport n° 58 (1999-2000) et avis n° 68 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, le droit à la santé et à l'accès à des soins
de qualité, quels que soient le niveau de revenu et la situation sociale de
chacun, est le fondement même de notre République.
Notre sécurité sociale repose sur des principes de solidarité et de justice
sociale, et nous savons combien, dans une société où perdurent le chômage et
l'exclusion, elle constitue un élément majeur de sécurité, au vrai sens du
terme, et de cohésion sociale.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons poursuivre avec détermination
l'effort engagé depuis plus de deux ans pour pérenniser ce système de sécurité
sociale : tel est l'enjeu du projet de loi qui vous est aujourd'hui soumis. Là
est bien l'essentiel et il faut le souligner.
L'équilibre financier est la première condition d'une sécurité sociale
efficace et protectrice. C'est grâce à cet équilibre financier que le système
sera pérennisé, que seront pris en compte de nouveaux besoins et que l'aide
apportée pourra être améliorée, que ce soit dans le domaine de la maladie, du
handicap ou de la dépendance, par exemple, sans parler de l'aide aux familles
ou aux accidentés du travail.
Cette exigence de justice sociale n'a que plus de valeur en période de
croissance économique. Nous savons bien, en effet, que c'est au moment où notre
pays va mieux qu'il est encore plus difficile pour ceux qui se trouvent sur le
bord de la route de ne pas monter dans le train et de ne pas se voir assurer
une existence convenable.
Notre responsabilité politique, que je n'hésite pas à considérer comme
commune, est aussi d'anticiper l'avenir et les changements démographiques qui
vont affecter la pyramide des âges dans notre pays, à savoir le veillissement
de la population avec les maladies et les problèmes qui y sont liés, la prise
en charge de la dépendance mais aussi, bien évidemment, l'avenir des
retraites.
De tels enjeux s'accommodent mal d'un déficit pesant et inhibant. Il nous
fallait réagir et ramener la sécurité sociale à un équilibre qui lui permette
d'agir à nouveau vers le progrès.
En 1999, le régime de la sécurité sociale devrait être proche de l'équilibre,
avec un déficit prévu de 4 milliards de francs, ce qui représente, je le
rappelle, 0,3 % des dépenses et 1,5 % de l'ensemble des déficits publics. Par
conséquent, de 1997 à 1999, le déficit a été divisé par sept. Nous tenons donc
nos objectifs, puisque ces chiffres sont meilleurs que les prévisions faites
voilà six mois, ce qui ne fut pas toujours le cas dans le passé.
Je rappelle cette réalité pour expliquer la réduction de ce déficit.
La bonne tenue des recettes s'explique par trois facteurs.
Ce redressement est dû, d'abord, aux entrées liées à la croissance, à la
réduction du chômage, donc à un nombre de cotisants plus importants, mais aussi
à la réforme structurelle que nous avons engagée, à savoir le transfert des
cotisations d'assurance maladie sur la CSG et la taxation sur les prélèvements
du patrimoine, qui ont rapporté 2 milliards de francs de plus que ce qui était
prévu.
La réduction du déficit s'explique aussi par les mesures correctrices que nous
avons été amenés à prendre pour faire face aux dépassements de la part de
certains professionnels.
Nous avons engagé l'année dernière, vous le savez, le dialogue avec les
professionnels - les spécialistes, les laboratoires de biologie et l'industrie
pharmaceutique - qui ne respectaient pas les limites qui avaient été fixées par
la représentation nationale.
Nous nous sommes toujours efforcés de faire prévaloir la conciliation et la
négociation sur la coercition. Dans un certain nombre de cas, nous y sommes
parvenus. Parfois même, les deux méthodes se sont succédé.
J'ai été amenée à prendre des mesures sur la lettre clé des radiologues. Elles
étaient certes unilatérales, mais elles ont heureusement abouti à un accord
extrêmement intéressant avec la profession. D'autres accords ont été signés
avec les cardialogues, avec les biologistes, avec les pharmaciens, et des
mesures intéressantes ont été prises pour réguler les dépenses des
cliniques.
Elément déterminant également : pour la première fois, cette année, les
honoraires tant des spécialistes que des généralistes sont restés dans les
limites prévues dans la loi de financement de la sécurité sociale.
Enfin, dernier élément majeur qui explique la réduction du déficit : les
résultats des politiques structurelles que nous menons. L'accentuation des
recompositions hospitalières, la mise en place d'une politique du médicament
ambitieuse - je pense, bien évidemment, au développement des médicaments
génériques, mais aussi à l'action que nous menons aujourd'hui avec les
professionnels du médicament - ont contribué à améliorer notre système de
santé.
Cette politique a donc permis de ralentir la croissance des dépenses maladies
dans un contexte de forte reprise de la consommation. Vous savez que, chaque
fois que la croissance revient, que la consommation redémarre, les dépenses de
santé augmentent. Or, malgré tout, je crois que nous commençons à recueillir
les fruits des politiques structurelles qui ont été menées.
Certains se sont complu à alimenter les discours catastrophiques sur
l'assurance maladie. Je tiens à souligner que, sur les deux années 1998-1999,
les dépenses de santé devraient évoluer comme la richesse nationale,
c'est-à-dire d'environ 7 %. Nous ne pouvons parler dans ce cas de dérapage
inouï alors que, dans les pays les plus développés, les dépenses qui croissent
plus vite que la croissance sont les dépenses d'éducation et les dépenses de
santé.
Si l'ONDAM, tel que nous l'avons prévu, a été dépassé, c'est largement à cause
du dérapage de 8,3 milliards de francs constaté en 1998, l'année 1999
n'enregistrant qu'un déficit de 1,3 milliard de francs. Si tout dépassement est
par nature toujours de trop, je crois qu'il faut ramener à leur juste mesure
ces dépassements.
Si le déficit du régime général concentre tous les commentaires, cela ne doit
pas faire oublier que les autres régimes sont aujourd'hui en excédent, qu'il
s'agisse des régimes spéciaux, des régimes complémentaires, de l'assurance
chômage, et que, au total, la sphère des finances sociales apporte une
contribution déterminante au redressement des finances publiques, puisque, dès
1999, les comptes sociaux sont en excédent de 10 milliards de francs.
En ce qui concerne l'an 2000, le régime général devrait dégager un excédent
d'environ 2 milliards de francs. Pour la première fois depuis quatorze ans, le
régime général devrait connaître une situation excédentaire. Dans ces résultats
et ces prévisions, nous trouvons matière à nous réjouir tous ensemble, au-delà
de nos différences, car la sécurité sociale paraît enfin sortir de la zone
rouge.
J'avoue avoir un peu de mal à comprendre certaines critiques ou certaines
manifestations de mécontentement face à de tels résultats.
Il est vrai que nous avons dû discuter, parfois âprement, avec certaines
professions, mais je me réjouis de voir aujourd'hui que c'est la négociation
qui prend le pas sur des mesures unilatérales.
Evidemment, il fallait parfois avoir le courage de dire les choses et
d'assumer devant les Français des décisions qui n'étaient pas toujours faciles
à prendre. Mais les résultats sont là.
Je crois que cet excédent sera effectif en l'an 2000 et même que nous
enregistrerons un excédent de l'ensemble des comptes des administrations
sociales de l'ordre de 20 milliards de francs.
Ces résultats, si encourageants soient-ils, ne doivent en rien infléchir notre
détermination à poursuivre la politique impulsée depuis plus de deux ans. En
effet, si des progrès majeurs ont été obtenus s'agissant des honoraires des
médecins de l'hôpital, de la clinique, qui répondent aujourd'hui aux objectifs,
les médicaments, même si leur évolution est moindre que celle de ces dernières
années, s'établissant à hauteur de 4 % à 5 % cette année contre 10 % en moyenne
dans les pays du G 7, les matériels médicaux et les indemnités journalières
sont autant d'éléments sur lesquels nous devons continuer à travailler car les
évolutions sont plus rapides que prévu.
En ce qui concerne la maladie, nous devons donc poursuivre les politiques
structurelles. La pérennité de notre système de protection sociale et les
progrès que nous devrons réaliser pour améliorer la protection de nos
concitoyens sont effectivement à ce prix.
La réduction de la part des dépenses de santé dans la richesse nationale n'est
pas évidente. Elle est cependant la condition première d'une égalité d'accès à
des soins de qualité.
La maîtrise de l'évolution des dépenses, jointe à l'instauration de la
couverture maladie universelle, donnera à 6 millions de nos concitoyens les
moyens de se faire soigner gratuitement comme les autres.
Nous allons engager une rénovation profonde du cadre conventionnel qui régit
les relations entre les caisses d'assurance maladie et les professionnels de
santé.
Comme la CNAM nous l'avait réclamé dans le cadre de son plan stratégique, une
étape nouvelle et décisive va être franchie dans ce projet de loi. Le
Gouvernement propose que la régulation de la médecine de ville soit désormais
placée sous l'entière responsabilité des caisses et des professionnels de
santé. Nous faisons le choix clair de l'autonomie et de la responsabilité des
acteurs. Tous les moyens seront mis à la disposition de la CNAM.
Les parties conventionnelles pourront agir sur les pratiques professionnelles,
les contrôler, fixer les objectifs de dépenses et modifier la nomenclature,
inciter à des pratiques qui soient positives en termes de qualité des soins
comme de régulation de nos dépenses de santé.
Il s'agit là d'un pas important dans la construction d'une véritable
démocratie sociale dans notre pays. A un moment où beaucoup se plaisent à tenir
des discours sur le paritarisme, nous voulons le faire vivre, y compris dans le
domaine de la santé, en donnant les moyens aux caisses d'agir concrètement,
nous l'espérons, par la voie conventionnelle, avec l'ensemble des acteurs.
Nous nous proposons par ailleurs d'abroger le mécanisme de reversement imposé
aux médecins en cas d'évolution excessive des prescriptions. Nous voulons
associer plus étroitement les professionnels de santé à la maîtrise desdites
prescriptions.
Les caisses pourront prévoir une valorisation des médecins qui acceptent
d'adopter des pratiques positives. Je pense, bien évidemment, à des réseaux,
mais aussi à la mise en application de programmes de bon usage des soins. Tout
cela pourra être réalisé sur le plan conventionnel.
J'ai entendu tel ou tel dire que nous entrions dans un système de lettres clés
flottantes, c'est-à-dire dans un système automatique de remise à niveau des
lettres clés, soit du montant des honoraires des médecins ; il n'en est
rien.
Cette politique, totalement automatique, n'est pas celle que nous avons
retenue. Nous souhaitons que les caisses, comme elles l'ont demandé, puissent
agir sur l'ensemble des dispositifs existants : les bonnes pratiques, la
nomenclature, les tarifs.
Je rappellerai que, l'année dernière, alors que la lettre clé des généralistes
a été augmentée, ceux-ci sont restés dans les normes qui leur avaient été
proposées par le Parlement, ce qui signifie que l'on peut arriver à améliorer
le système de santé sans dépenser plus dans un certain nombre de domaines.
Ce n'est évidemment pas le cas partout. Mais si nous souhaitons disposer de
marges de manoeuvre pour prendre en compte les nouvelles maladies et les
nouveaux besoins de santé, nous devons faire preuve d'une plus grande rigueur
là où celle-ci n'est pas suffisante aujourd'hui.
En ce qui concerne le médicament, depuis deux ans, nous menons une politique
ambitieuse et globale autour de quatre axes principaux.
Il s'agit tout d'abord de garantir la sécurité et la qualité des médicaments
en améliorant le dispositif de sécurité sanitaire, l'information des
professionnels de santé et la lutte contre la iatrogénie médicamenteuse, qui
est très importante dans notre pays.
Il s'agit ensuite d'améliorer l'accès aux médicaments. La mise en oeuvre de la
couverture maladie universelle, bien sûr, le permettra, mais je pense aussi à
la mise à disposition d'innovations thérapeutiques majeures à l'hôpital avant
leur autorisation de mise sur le marché, à l'amélioration de la lutte contre la
douleur grâce à l'utilisation de nouveaux antalgiques adaptés à l'usage
pédiatrique, au développement de la contraception d'urgence et à la mise à
disposition en ville de certains médicaments contre les maladies graves.
L'ensemble de ces dispositions, que je rappelle rapidement et en bloc et qui
mériteraient, chacune, un développement, vont dans le sens d'un meilleur accès
de tous aux médicaments les plus innovants et les plus performants.
Enfin, pour permettre une meilleure allocation des ressources, des mesures
fondées sur des critères de santé publique sont prises pour rationaliser les
dépenses collectives consacrées au médicament.
La première concerne le développement du médicament générique qui est pour
nous une priorité. L'année dernière, vous avez voté le droit de substitution
pour les pharmaciens... Vous ne l'aviez peut-être pas voté, d'ailleurs,
monsieur le rapporteur ?
M. Charles Descours,
rapporteur de la commission des affaires sociales, pour les équilibres
financiers généraux de la sécurité sociale et l'assurance maladie.
Si ; il
ne faut pas croire que nous soyons systématiquement contre ce que vous proposez
!
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Vous avez bien fait, car les
résultats de la mesure sont tout à fait intéressants. En effet, la croissance
de 40 % à 50 % des ventes de médicaments génériques entre septembre 1998 et
septembre 1999 montre que les pharmaciens, avec qui nous avons signé un accord
global, lequel porte non pas seulement sur les médicaments génériques ou sur
leurs rémunérations, mais aussi sur leur rôle en tant que véritables acteurs du
système de santé, jouent complètement le jeu. Ils peuvent en être remerciés,
car, grâce à ces médicaments génériques, on soigne mieux à un moindre coût pour
la sécurité sociale.
Par ailleurs, nous avons entrepris, vous le savez, de réévaluer les
médicaments de manière générale. A cette fin, un travail portant sur l'ensemble
des classe médicamenteuses a été entrepris avec des experts. Une plus grande
transparence et une meilleure allocation des ressources doivent en découler. Le
programme de réévaluation des médicaments a été accéléré et sera achevé dès la
fin 2000.
D'ores et déjà, nous avons sollicité de la commission de la transparence une
évaluation concernant 1 100 spécialités. Nous en sommes actuellement à la phase
contradictoire avec les laboratoires. La plupart d'entre eux répondent
d'ailleurs positivement aux propositions qui leur sont faites. Nous
disposerons, à la fin du mois de novembre, des conclusions de cette commission
pour prendre les décisions qui s'imposent.
La plupart de ces décisions consistent, en fait, en des baisses de prix d'un
certain nombre de médicaments qui ont été dépassés en matière thérapeutique par
de nouveaux médicaments ou dont l'investissement initial est largement
amorti.
Enfin, j'en viens au développement de l'approche conventionnelle.
Je me réjouis que le syndicat national de l'industrie pharmaceutique ainsi que
les laboratoires aient accepté d'entrer dans la logique de cette politique qui
s'oriente autour de deux axes : l'axe de la santé publique puisque c'est le
service médical rendu qui sera le fondement de la réévaluation des prix des
médicaments et des taux de remboursement, mais aussi l'axe économique car la
fixation des prix fera dorénavant l'objet d'une plus grande transparence. En
évitant de maintenir artificiellement certains médicaments qui engendrent des
coûts élevés pour la sécurité sociale, nous pourrons mieux financer les
laboratoires qui font de la recherche et qui innovent en matière
pharmaceutique.
J'en viens à l'hôpital.
La poursuite de l'adaptation de notre système hospitalier aux besoins de la
population est indispensable. Chaque année, 290 milliards de francs sont
dépensés pour que le patient et son entourage soient bien accueillis et pour
que le premier soit bien traité, bien soigné, mais aussi bien accompagné à sa
sortie de l'hôpital.
L'ouverture de l'hôpital, la lutte contre la douleur, l'attention portée aux
personnes âgées, la lutte contre les dangers de l'alcoolisme et du tabagisme,
notamment chez les jeunes, l'accompagnement des mourants, mais également le
renforcement de la sécurité sanitaire, de la qualité par l'accréditation, la
poursuite de l'effort de réduction des inégalités entre régions constituent
autant de volets prioritaires de notre politique hospitalière.
Nous devons promouvoir la qualité et la sécurité des soins.
L'accréditation de tous les établissements de santé est au coeur de cette
démarche. Aujourd'hui, quarante établissements qui se sont portés volontaires
entrent dans l'accréditation mise en oeuvre par l'Agence nationale
d'accréditation et d'évaluation en santé - l'ANAES - ; ils seront environ deux
cents d'ici à la fin de cette année.
Nous devons également réduire les inégalités dans l'accès aux soins. C'est
l'hôpital qui doit sortir de ses murs et aller à la rencontre de ceux qui n'ont
pas de soins, en collaboration avec les associations de lutte contre
l'exclusion.
Pour ce qui est de la montée en charge des permanences d'accès aux soins de
santé, l'objectif était de créer 300 structures de ce type d'ici à la fin 2000
: 250 fonctionneront déjà au 31 décembre 1999.
Notre autre priorité concerne, vous le savez, la réduction des inégalités
entre les régions et au sein d'une même région. Les taux d'évolution des
dépenses hospitalières que nous avons annoncés varient de manière très
importante d'une région à l'autre : c'est précisément dû à notre volonté de
combler le retard des régions en difficulté.
Nous devons aussi, bien sûr, adapter l'offre de soins aux besoins de la
population. Répondre aux exigences de qualité, de sécurité et d'amélioration de
l'accès aux soins nécessite la poursuite de la politique de l'adaptation de
l'offre de soins.
A cette fin, la révision des SROS, les schémas régionaux d'organisation
sanitaire, de deuxième génération, qui s'achève actuellement, a été engagée au
début de l'année 1998.
En ayant en perspective la satisfaction des besoins de santé dans chaque
région, dans chaque bassin de vie, nous avons demandé aux directeurs des
agences régionales hospitalières de réfléchir, en liaison avec les élus, les
dirigeants des hôpitaux et le personnel hospitalier, à un hôpital plus sûr, de
meilleure qualité, susceptible d'atteindre l'excellence dans les domaines les
plus avancés de la médecine et, en même temps, de répondre à l'exigence de
proximité pour traiter les maladies chroniques ou pour prendre en charge les
personnes âgées en long séjour.
Au-delà des priorités nationales, qui ont été traitées par la quasi-totalité
des régions, qu'il s'agisse de la cancérologie, de la périnatalité, des
urgences, chaque région a défini les priorités qui correspondaient à des
problèmes spécifiques.
Tous les SROS s'attachent à promouvoir un meilleur accès aux soins, un niveau
optimal de technicité et une amélioration de la sécurité et de la qualité.
Ces schémas régionaux permettent aussi d'organiser la recomposition de notre
tissu hospitalier. Si nous souhaitons investir pour améliorer un certain nombre
d'équipements - et nous le faisons dans chacune des régions où les besoins sont
importants - nous devons également adapter le système hospitalier.
Dans un certain nombre de régions, des services de chirurgie ou d'obstétrique,
par exemple, étaient soit obsolètes, soit trop importants. Beaucoup d'entre eux
vont être reconvertis, en particulier dans la prise en charge des personnes
âgées.
Aujourd'hui, en France, il n'est guère concevable qu'un service d'obstétrique
puisse exister sans anesthésiste ni réanimation périnatale ; or c'était parfois
le cas. Là aussi, nous devons avancer.
De même, nous devons prendre en compte les évolutions technologiques : une
cataracte entraînait cinq jours d'hospitalisation il y a encore quelques années
; aujourd'hui, c'est une demi-journée. Pourquoi ne ferions-nous pas évoluer les
services en fonction de l'évolution des techniques ?
En ce qui concerne les cliniques privées, je souhaite qu'elles connaissent une
avancée parallèle à celle de l'hôpital public, et à partir des mêmes outils.
La tarification est aujourd'hui obsolète - les représentants des cliniques
privées eux-mêmes nous le disent - et les tarifs peuvent être différents dans
un même lieu pour des prestations égales. Nous devons donc aller dans le même
sens que pour l'hôpital public, avec des évolutions de tarifs différenciées
entre les régions et au sein de chaque région, en prenant en compte
l'efficacité des cliniques et en nous souciant d'une allocation des ressources
aussi rationnelle que possible.
Au-delà de ces éléments plutôt quantitatifs, naturellement mis en avant dans
une loi de financement de la sécurité sociale, nous devons continuer à
moderniser notre système de santé.
Une loi de financement de la sécurité sociale a d'ailleurs quelque chose d'un
peu frustrant, car on n'y traite pas des grands problèmes de santé publique,
ceux sur lesquels nos concitoyens ont justement insisté lors des états
généraux. C'est pourquoi Dominique Gillot et moi-même pensons qu'il faut une
grande loi sur la modernisation de notre système de santé et sur les droits des
malades.
Notre système de santé appelle une rénovation profonde, nous le savons. Les
états généraux ont été l'occasion d'organiser de très nombreuses réunions
publiques, qui ont rassemblé des professionnels de santé, des représentants des
institutions de santé, mais aussi des usagers de l'hôpital. Ils nous ont dit ce
qu'ils attendaient du système de santé dans notre pays. Ils souhaitent tous que
progresse l'idée de démocratie sanitaire, et c'est tout à fait essentiel. C'est
pourquoi nous estimons qu'il convient d'organiser chaque année, avant l'été, en
amont de la loi de financement de la sécurité sociale, un grand débat au
Parlement sur les grandes orientations de santé publique.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Très bien !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Bonne proposition !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
La procédure sera articulée
autour des conférences régionales et de la conférence nationale de santé pour
que nous partions des besoins de la population tels qu'ils ressortent d'une
analyse sur le terrain et des études et recherches qui peuvent être menées.
Pour faire avancer la démocratie sanitaire dans notre pays, il faudra
également régionaliser plus encore le système de santé.
Il était absolument nécessaire de mettre en place des réformes structurelles
qui ramènent la sécurité sociale à l'équilibre. Dès lors que ces réformes
structurelles apportent un équilibre pérenne - et j'espère qu'il en sera ainsi
- nous pouvons envisager ces réformes de fond, dont la régionalisation, car
nous savons que, dans ce domaine, la proximité des besoins et des acteurs est
un élément majeur pour améliorer la prise en compte des problèmes de nos
concitoyens et la qualité des réponses qui y sont apportées.
En outre, les droits des malades vont être réaffirmés, complétés et adaptés
aux attentes qui se sont exprimées lors des états généraux de la santé. C'est
un des volets sur lesquels Dominique Gillot et moi-même travaillons.
Enfin, des dispositions relatives à la qualité des soins trouveront place dans
cette loi qui sera présentée au Parlement au printemps : développement des
réseaux, fixation de normes sanitaires, développement de référentiels de bonne
pratique, adaptation des systèmes d'information. Ce sont là autant d'éléments
qui appellent une modernisation de notre système de santé.
Pour ce qui est de la modernisation de l'assurance maladie, nous devons donner
à la caisse nationale de l'assurance maladie, la CNAM, qui prévoit actuellement
un projet de branche, les moyens de mieux fonctionner. Nous attendons ses
propositions pour les intégrer dans le cadre de cette grande loi sur la réforme
de la santé publique et les droits des malades.
Cette loi partira des besoins en matière de santé, de prévention, de
réorganisation des systèmes de soins pour aller jusqu'aux droits des malades et
prévoira, si le Parlement en décide ainsi, un grand débat annuel sur les
priorités de santé. Je crois que c'est ainsi que nous avancerons vers la
démocratisation de la santé.
M. Dominique Braye.
Les Français ont surtout besoin d'être soignés !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Chacun a sa conception des
choses. Je considère que les Français ont droit à la parole. Ils l'ont
d'ailleurs montré lors de la tenue des états généraux. Ils souhaitent
s'exprimer et chacun d'entre eux le fait bien lorsqu'il a une personne âgée
dépendante à charge, lorsqu'il veut savoir quel est le meilleur service pour
soigner le cancer d'un de ses proches.
Sur tous ces sujets, monsieur le sénateur, nous n'avons peut-être pas la même
conception !
M. François Autain.
Lui, il est vétérinaire !
(Sourires sur les travées socialistes.)
M. le président.
Mes chers collègues, seule Mme le ministre a la parole.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Nous, nous pensons que chacun
doit bénéficier de cet accès aux soins, doit avoir le choix de son mode de vie,
et que c'est le rôle du Gouvernement de proposer au Parlement les améliorations
du système de santé publique qui nous sont demandées.
M. Dominique Braye.
Tout cela, ce sont des paroles !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le sénateur, je me
permets de vous dire que, derrière les paroles, il y a une sécurité sociale qui
va être en excédent. J'aurais aimé qu'il en soit ainsi dans les années
précédentes,...
M. Dominique Braye.
Remerciez Juppé !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... quand le déficit de la
sécurité sociale a atteint 266 milliards de francs en quatre ans ! Record battu
!
(Applaudissements sur les travées socialistes. - Protestations sur les
travées du RPR.)
M. Dominique Braye.
Mais c'est vous qui récoltez ce qu'a semé Juppé !
M. le président.
Je vous en prie, mes chers collègues. Seule Mme le ministre a la parole. La
courtoisie commande que nous l'écoutions. Veuillez poursuivre, madame le
ministre.
M. Dominique Braye.
Elle nous interpelle !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le sénateur, je ne
vous interpelle pas, je réponds à vos interpellations, ce qui est un peu
différent !
M. René-Pierre Signé.
Ce sont plutôt des provocations !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Vous avez pu le remarquer, je
n'ai tenu aucun propos sur les gouvernements qui nous ont précédés, même s'il y
aurait eu beaucoup à dire...
M. Dominique Braye.
Vous pourriez leur dire merci, cela suffirait !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'en viens à la question des
retraites.
Le Premier ministre l'a dit, il annoncera un certain nombre de décisions, en
début d'année, après le rapport...
(Exclamations sur les travées du
RPR.)
Monsieur le président, puis-je parler sans être interrompue en permanence ?
J'essaierai d'écouter l'ensemble des intervenants et de leur répondre le plus
complètement possible. Je n'y peux rien si nous réussissons là où d'autres ont
échoué.
(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Dominique Braye.
Vous, vous avez la chance de cueillir des fruits qui sont mûrs !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Cela vous gêne, je le
comprends, mais c'est ainsi !
(Protestations sur les mêmes travées.)
M. Ivan Renar.
Qu'on leur administre un calmant !
(Sourires.)
M. le président.
Un peu de silence !
M. Dominique Braye.
Nous sommes interpellés, il faut répondre quand même !
M. le président.
Les provocations sont terminées : un partout !
(Sourires.)
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
La balle étant au centre,
monsieur le président, je continue avec le calme et la détermination qui sont
les vôtres.
Nous agirons sur les retraites avec détermination, sans précipitation, mais
sans temporiser non plus, car il faut effectivement prendre des mesures. Cela
étant, il faut le faire de manière correcte, c'est-à-dire en ne montrant pas du
doigt telle ou telle catégorie, en examinant soigneusement le niveau de
cotisation de chacun par rapport à son niveau de retraite, en évaluant les
avantages de chacun des régimes de retraites.
Ce qu'attendent aujourd'hui les Français c'est, bien sûr, que le Gouvernement
les rassure sur l'avenir de leurs retraites - et nous sommes les premiers à en
être convaincus - mais c'est aussi que nous soyons capables de traiter un
certain nombre d'autres problèmes qui se posent aujourd'hui aux personnes
âgées.
En ce qui concerne les retraites, le présent projet de loi de financement de
la sécurité sociale prévoit de faire en sorte que le fonds de réserve pour les
retraites soit doté de plus de 20 milliards de francs à la fin de l'année. Il
recevra notamment les excédents de la CNAV de 1999 et de 2000, mais aussi des
excédents de 5,6 milliards de francs qui étaient prévus par ailleurs pour le
financement de la réduction des charges sociales.
S'agissant de la revalorisation des retraites, le Gouvernement propose une
hausse de 0,5 % au 1er janvier 2000, ce qui aboutira à une progression du
pouvoir d'achat de 1 % sur deux ans. Par ailleurs, j'ai annoncé à l'Assemblée
nationale une revalorisation de 1 % du minimum vieillesse.
Améliorer la prise en charge des maladies professionnelles : c'est ce que nous
essayons de faire depuis deux ans grâce à une meilleure reconnaissance de ces
maladies. Nous avons, pour cela, modifié les délais de prescription, ouvert les
dossiers des victimes de l'amiante, rendu le barème d'invalidité opposable à
l'ensemble des caisses et mis en place de nouveaux tableaux, notamment pour les
lombalgies et les dorsalgies graves, ce qui était attendu depuis longtemps.
Je dois dire que j'ai été amenée récemment à saisir de nouveau la CNAM pour
lui demander une plus grande célérité dans le traitement des dossiers de
maladie professionnelle, notamment ceux des salariés de l'amiante, car beaucoup
d'entre eux, nous le savons bien, ne peuvent pas attendre.
L'année dernière, nous avons ouvert une possibilité de cessation anticipée
d'activité aux salariés victimes de l'amiante ayant travaillé à sa fabrication.
Je m'étais engagée à établir une seconde liste en faveur des salariés ayant
travaillé au traitement de l'amiante et qui sont aujourd'hui touchés par les
maladies qui y sont liées.
Aussi, cette année, proposons-nous d'étendre ce dispositif de préretraite aux
salariés des entreprises de flocage et de calorifugeage, aux secteurs de la
construction et de la réparation navale, ainsi qu'aux dockers ayant travaillé
dans des ports où transitait l'amiante.
Enfin, répondant à une demande des députés, le Gouvernement a introduit une
réforme visant à éviter que les victimes d'accidents successifs aient, pour un
même taux d'incapacité, une indemnisation inférieure à celle qu'elles auraient
obtenue dans le cas d'un accident unique.
Nous voulons également poursuivre la rénovation de la politique familiale. La
conférence de la famille de 1999 a retenu quatre principaux axes d'actions en
ce sens.
Premier axe : mieux aider les familles à prendre en charge les jeunes adultes
en relevant à vingt et un ans l'âge limite pris en compte pour le calcul des
allocations logement et le versement du complément familial, âge qui avait été
porté à vingt ans, je le rappelle, en 1998.
Deuxième axe : conforter les parents dans leur rôle éducatif à travers un
appui renforcé des services publics. Aujourd'hui, un réseau d'appui et d'écoute
est mis en place sur tout le territoire, avec la caisse nationale des
allocations familiales et les associations familiales, pour aider les parents à
remplir, lorsqu'ils ont des difficultés, leur fonction parentale et leur rôle
éducatif.
M. Dominique Braye.
Très bien !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Troisième axe : améliorer
l'articulation entre la vie familiale et la vie professionnelle
via
la
réduction du temps de travail, le soutien à la reprise d'activité des femmes et
un renforcement des dispositifs d'accueil des enfants. Ce thème a d'ailleurs
été retenu comme un thème prioritaire de la prochaine conférence de la famille.
Nous essayons de faire en sorte que les familles disposent d'un vrai choix
quant aux modes de garde et qu'il y ait plus d'équité dans le soutien
qu'apporte la collectivité.
Quatrième axe : simplifier et améliorer les aides au logement sur la base des
conclusions d'une mission interministérielle qui va rendre ses conclusions ces
jours-ci.
J'en viens à la réforme du financement de la protection sociale.
Le Gouvernement a souhaité, au-delà du soutien à la croissance qu'il a pu
apporter avec l'appui donné à la consommation et le retour de la confiance,
favoriser l'émergence de nouvelles activités, aussi bien dans le cadre des
nouveaux services - les emplois-jeunes - que dans le domaine des nouvelles
technologies, réduire la durée du travail et aussi, comme nous nous y étions
engagés, réformer les cotisations patronales pour alléger les charges sur les
bas et les moyens salaires, notamment dans les secteurs de main-d'oeuvre.
Il s'agit d'une des plus importantes innovations de ce projet de loi. A la
suite de ce que nous avions fait, voilà deux ans, en transférant les
cotisations maladie des salariés vers la CSG, c'est-à-dire en faisant financer
les cotisations salariées non plus seulement sur les salaires mais aussi sur
l'ensemble des autres revenus, notamment ceux du capital et ceux du patrimoine,
j'avais annoncé l'année dernière, au nom du Gouvernement, une réforme visant à
élargir l'assiette des cotisations sociales payées par les entreprises. C'est
maintenant chose faite, au moyen d'une taxe sur les bénéfices des entreprises
de plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires et d'une taxe sur les
activités polluantes.
Pour 2000, un nouveau dispositif d'allégement unifié viendra remplacer la
ristourne Juppé par un mécanisme à la fois plus ample, puisqu'il va jusqu'à 1,8
fois le SMIC, et plus puissant, puisqu'il permettra une baisse du coût du
travail de 5 % en moyenne pour les salaires inférieurs à 10 000 francs, une
fois pris en compte le coût du financement de la réduction de la durée du
travail.
Donc, sur les 105 milliards de francs prévus pour les cinq prochaines années,
voilà 65 milliards de francs de réduction des charges sociales et 40 milliards
de francs correspondant à l'aide pérenne aux 35 heures, qui atteint 4 500
francs en moyenne par salarié et que nous avions annoncée dès la première loi
de financement de la sécurité sociale.
M. Charles Descours,
rapporteur.
C'est scandaleux !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Nous avons prévu que les 65
milliards de francs seraient atteints, au-delà des 40 milliards de francs dont
nous disposons déjà de par le financement de la « ristourne Juppé », par
l'addition de 25 milliards de francs qui proviendront, pour moitié d'une taxe
sur les sociétés, pour l'autre moitié d'une taxe frappant les activités
polluantes. Ainsi 40 milliards de francs ajoutés à ces deux fois 12,5 milliards
de francs, cela fait bien 65 milliards de francs sur les cinq ans qui
viennent.
M. Dominique Braye.
Eh bien ! Il faudra polluer et boire pour payer tout cela !
M. le président.
Je vous en prie, mon cher collègue !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je vous remercie de cette
interruption, monsieur le sénateur, car elle me permet de confirmer qu'il y a
non pas accroissement de la pression globale pesant sur les entreprises, mais
redistribution depuis les entreprises capitalistiques vers les entreprises de
main-d'oeuvre.
(Rires sur les travées du RPR.)
Il suffit, messieurs, d'entendre le président de l'Union professionnelle
artisanale, qui ne représente, il est vrai, que 830 000 commerçants, artisans,
hôtels, cafés et restaurants dans notre pays, applaudir à cette réforme...
M. Charles Descours,
rapporteur.
C'est le seul !
M. Dominique Braye.
Ils sont contents !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
C'est peut-être le seul, mais
il a derrière lui 830 000 entreprises, ce qui ne représente rien, peut-être !
En tout cas, les artisans et commerçants que vous représentez verront ce qu'ils
doivent penser de cette réforme !
Personnellement, pour être intervenue devant leur assemblée générale voilà
quelques jours, j'ai cru comprendre qu'ils attendaient cette réforme des
charges sociales depuis très longtemps. Il n'était pas normal que, dans notre
pays, ceux qui préfèrent les hommes aux machines soient pénalisés au titre des
cotisations patronales.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé.
La droite n'a jamais rien compris à tout cela !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je crois qu'il est bon que la
sécurité sociale soit enfin financée non seulement sur les salaires, mais aussi
sur les revenus financiers et les profits.
S'agissant de la réforme structurelle de la durée du travail, nous avons
envisagé au départ, et les partenaires sociaux l'avaient appelé de leurs voeux,
un financement par activation des dépenses passives, c'est-à-dire par le retour
dans cette baisse des charges des cotisations, des impôts ou des moindres
dépenses vers l'UNEDIC, la sécurité sociale et l'Etat.
Devant le refus des organisations patronales et syndicales, nous proposons de
financer en l'an 2000 la partie concernant la réduction de la durée du travail
par 7 milliards de francs correspondant à la contribution sur les heures
supplémentaires, conformément à ce qui était prévu sur la contribution de
l'UNEDIC, par 5,3 milliards de francs versés par l'Etat et inscrits au budget
du ministère de l'emploi et de la solidarité et par 5,6 milliards de francs
provenant des droits sur les alcools, qui étaient jusqu'à présent affectés au
fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et qui le seront dorénavant au fonds
d'abaissement des charges sociales.
A cet égard, le FSV est aujourd'hui en excédent de 11 milliards à 12 milliards
de francs. Même dans l'avenir, nous pouvons continuer à affecter au financement
de la baisse des charges ces droits sur les alcools tels qu'ils existent
aujourd'hui, et sans augmentation.
Aussi, pour le régime de croisière, c'est-à-dire sur les 105 milliards de
francs environ que devraient coûter ces exonérations, 85 milliards à 90
milliards de francs de ressources sont d'ores et déjà dégagés. Je connais peu
de gouvernements qui financent à quatre ou cinq ans 85 % d'une dépense
engagée.
M. Dominique Braye.
Tout cela est merveilleux !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le sénateur,...
M. le président.
Madame le ministre, ne vous laissez pas interrompre !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je ne me laisse pas
interrompre, monsieur le président, mais je réponds simplement à M. Braye que
j'aurais souhaité que ce soit le cas pour mes prédécesseurs.
M. Dominique Braye.
Merci la croissance ! Merci Juppé !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Alors que la ristourne
dégressive n'existait que depuis un an, dès la première année et dès mon
arrivée, j'ai dû trouver les 7 milliards de francs qui manquaient pour financer
une réforme qui, encore une fois, avait moins d'un an !
M. Charles Descours,
rapporteur.
On verra la CMU !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Il me semble que, petit à
petit, vous finissez par admettre que ce que nous faisons n'est pas
obligatoirement mauvais, puisque la sécurité sociale revient à l'équilibre.
(M. Charles Descours, rapporteur, fait des signes de dénégation.)
Si je
me réfère aux discours que vous me teniez l'année dernière, je pense que,
l'année prochaine, vous pourrez applaudir aux résultats de la baisse des
charges, baisse que vous avez toujours prônée, il faut bien le dire, comme un
élément indispensable pour réduire le chômage dans notre pays, mais que vous
n'avez jamais vraiment décidée. Et lorsque vous l'avez faite, vous ne l'avez
pas financée.
M. René-Pierre Signé.
Ils sont définitivement dans l'opposition !
M. Alain Gournac.
Oh !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Enfin, ce projet de loi de
financement de la sécurité sociale contient, dans la continuité, un nouveau
train de réformes structurelles, avec toujours la même finalité, à savoir
pérenniser notre système de protection sociale fondé sur une plus grande
justice sociale, sur l'égalité des droits et la solidarité entre les individus
et les générations.
Les résultats sont là. Depuis trois ans, la sécurité sociale va
incontestablement mieux.
M. Alain Gournac.
Tout va bien !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Non, monsieur le sénateur, tout
ne va pas bien, et il nous faut poursuivre dans la voie du redressement.
M. Alain Gournac.
J'avais cru le comprendre !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je n'oublie pas que des
excédents supplémentaires permettront non seulement de mieux rembourser
l'optique et la dentisterie,...
M. François Autain.
Très bien !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... aujourd'hui mal remboursées
dans notre pays, mais aussi de mieux prendre en compte les maladies de la
sénilité précoce.
Ces mêmes excédents nous permettront aussi, à l'instar de ce que nous ferons
cette année en augmentant de 4,9 % les fonds versés au profit des personnes
handicapées et des personnes âgées, de mieux prendre en compte...
M. Dominique Braye.
C'est toujours pour le futur, toujours pour demain !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Non, pas pour demain mais dès
aujourd'hui, si vous votez ce projet de loi, monsieur le sénateur. Nous
prévoyons en effet une augmentation de 4,9 % au profit du secteur sanitaire et
social.
C'est bien parce que nous avons rétabli cet équilibre que nous pouvons
aujourd'hui décider ces dépenses et que nous pourrons, demain encore, continuer
à mieux protéger nos concitoyens.
M. Alain Gournac.
Pourquoi pas ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Conforter notre sécurité
sociale, c'est garantir à chacun une égale protection contre les risques de la
maladie et de la vieillesse. C'est garantir, tout simplement, un droit à
l'avenir pour tous.
Un tel projet mérite, je le crois, la mobilisation de tous et, sans doute,
beaucoup plus que des slogans et des anathèmes. Mais vous pouvez compter sur
moi pour essayer de faire en sorte que ce débat soit à la hauteur de ce
qu'attendent nos concitoyens : une sécurité sociale qui soit en mesure de
répondre à leurs problèmes lorsqu'ils sont dans la difficulté, une sécurité
sociale qui accompagne les évolutions des familles, des handicapés, des
accidentés du travail. C'est, en tout cas, la volonté du Gouvernement ;
j'espère qu'elle sera le plus largement possible partagée.
(Bravo ! et
applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. François Autain.
La droite n'applaudit pas ? Quel sectarisme ! Heureusement que nous sommes là
!
M. le président.
Monsieur Autain, vous souhaitez intervenir ?
(Sourires.)
M. François Autain.
Quand vous le voulez, monsieur le président.
M. le président.
Il vous faudra patienter.
M. François Autain.
Mais c'est qu'on nous provoque, monsieur le président !
(Nouveaux sourires.)
M. Alain Vasselle,
rapporteur de la commission des affaires sociales, pour l'assurance
vieillesse.
La provocation se trouve des deux côtés !
(MM. Alain Gournac et Dominique Braye s'esclaffent.)
M. le président.
Monsieur Braye, monsieur Gournac, je vous en prie.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Il faut les séparer, monsieur le président.
M. Ivan Renar.
Comme à l'école !
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat, que nous écoutons tous.
M. René-Pierre Signé.
Oui, et avec plaisir !
M. le président.
Mon cher collègue, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat, et à elle seule
!
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Monsieur le
président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, il me
revient de vous exposer les engagements du Gouvernement en matière de santé et
d'action sociale.
La politique que nous menons poursuit quatre objectifs fondamentaux. Ils
fondent le rôle de l'Etat en matière de santé et d'action sociale. Il s'agit
d'assurer une égalité d'accès au système de santé pour tous les citoyens, de
réduire les inégalités devant la maladie ou la prise en charge, de garantir la
qualité des services proposés et, enfin, d'assurer le respect de l'homme au
sein du système de santé.
Pour l'action sociale, l'assurance maladie finance, à raison de 42 milliards
de francs, et ce dans le cadre d'une dépense en progression constante, les
structures sociales et médico-sociales. La politique engagée à ce titre vise à
adapter quantitativement et qualitativement les réponses aux besoins importants
et évolutifs des personnes âgées, notamment dépendantes, et des personnes
handicapées.
Dans ces domaines, nous avons un devoir de solidarité qui impose une action
déterminée et qui s'inscrit dans la durée. Celle-ci est engagée, elle va se
poursuivre.
Nous avons, pour premier objectif, la réduction des inégalités de santé et
l'accès aux soins pour tous. Nous le savons, la démarche est difficile, mais
c'est une priorité du Gouvernement, tant certaines disparités entre régions ou
entre catégories socioprofessionnelles sont encore importantes et choquantes à
bien des égards dans un pays développé comme le nôtre.
Nous savons aussi maintenant de façon précise qu'une grande partie de ces
disparités sont en rapport avec des conduites individuelles, notamment une
consommation excessive d'alcool ou de tabac, et une pratique routière à
risque.
Devons-nous l'accepter comme une fatalité ? Notre réponse est non.
Pour réduire les inégalités, il nous faut mieux connaître, mieux observer
l'état de santé des régions et, également, répartir les moyens en
conséquence.
La création de l'institut de veille sanitaire, d'une part, de la direction de
la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, d'autre part,
représente des avancées importantes dans le domaine de la connaissance.
Dès l'année prochaine, des moyens supplémentaires seront consacrés à ce
dispositif, afin de développer de nouveaux domaines de surveillance, à savoir
les pathologies liées au travail, les maladies chroniques et les accidents de
la vie quotidienne ainsi que les déterminants de santé.
La réduction des inégalités passe également par la meilleure répartition des
moyens.
Il s'agit d'une démarche de fond, dans la mesure où aucun indicateur pris
isolément ne reflète précisément une disparité dans l'accès à une offre de
soins.
Néanmoins, nous avançons, et il est évident qu'une meilleure connaissance des
besoins permettra d'améliorer les mécanismes de dotation et de progresser
encore.
Il nous faut aussi permettre à tous nos concitoyens d'accéder à des soins de
qualité. La loi relative à la couverture maladie universelle, votée cette
année, a constitué un projet majeur pour garantir à tous l'accès aux soins.
Cette couverture médicale universelle ouvre le droit également à une couverture
complémentaire pour les plus modestes de nos concitoyens. Six millions de
personnes sont concernées, vous le savez.
L'année 2000 verra donc la mise en oeuvre concrète de ce dispositif et
marquera une avancée sociale majeure.
En parallèle, doit être poursuivie une politique d'égal accès à des soins de
qualité.
L'accréditation des établissements, qui a débuté cette année, ne résume pas à
elle seule la politique en faveur de la qualité qui doit être conduite dans le
monde hospitalier. Elle ne doit pas faire oublier tout le travail d'évaluation,
qui reste l'obligation des établissements et des professionnels, évaluation des
pratiques professionnelles, des modalités d'organisation des soins et de toutes
les actions qui concourent à une prise en charge adéquate du malade.
Le deuxième objectif est le renforcement des actions de prévention et de
promotion de la santé.
Je veux insister sur l'importance des facteurs de risque en rapport avec les
conduites individuelles. La consommation excessive d'alcool, le tabac, les
accidents et les suicides sont autant de facteurs qui expliquent une large part
de la surmortalité, mortalité prématurée le plus souvent, qui place mal la
France parmi nos voisins européens comparables.
Face à ce constat, d'importants programmes ont été lancés cette année.
Ainsi, s'agissant de la prévention des pratiques addictives, le Gouvernement
entend renforcer l'efficacité et la cohérence de la politique de lutte contre
les dépendances dangereuses pour la santé ou la sécurité publique. A cette fin,
un ambitieux plan triennal tenant compte des nouvelles modalités de
consommation, en particulier chez les jeunes, a été adopté le 16 juin
dernier.
Pour mieux prendre en charge les personnes souffrant de maladies chroniques,
nous voulons promouvoir une politique volontariste d'éducation thérapeutique de
la personne malade. Il s'agit d'améliorer l'efficacité de la prise en charge et
de permettre une plus grande autonomie de la personne malade. Le diabète et
l'asthme feront l'objet, dès l'année prochaine, d'expérimentations locales et
régionales.
Pour diminuer le nombre de grossesses non désirées et renforcer la politique
de contraception, un plan national d'information et d'actions a été élaboré,
selon deux axes. Il s'agit, d'une part, de mieux informer, pour mieux maîtriser
la contraception, par une campagne nationale de communication, et, d'autre
part, de prévenir dans la mesure du possible les interruptions volontaires de
grossesse, mais aussi de garantir l'accès à l'IVG sur l'ensemble du
territoire.
Quant à diminuer les morts dues au suicide, qui représente encore trop de
décès évitables, les actions entreprises dans le cadre du programme national de
prévention du suicide 1998-2000 seront poursuivies. Je vous rappelle que notre
objectif est de passer au-dessous de la barre symbolique des dix mille morts
par an dues au suicide en France.
Enfin, j'aimerais insister sur un thème qui me semble encore insuffisamment
pris en compte dans notre pays : la politique de nutrition. Les troubles du
comportement alimentaire progressent en effet de façon alarmante dans notre
pays. Ainsi, 13 % des jeunes Français de douze à dix-neuf ans seraient obèses.
Pendant la présidence française de l'Europe en 2000, je souhaite que les
problèmes de nutrition soient l'un des thèmes prioritaires de travail des
ministres de la santé des pays de l'Union européenne.
Il nous faut également renforcer la lutte contre les grandes causes de
mortalité dans notre pays. J'insisterai en particulier sur la lutte contre le
cancer et les maladies transmissibles.
Pour renforcer la politique de lutte contre le cancer, les examens de
dépistage bénéficient maintenant d'une prise en charge à 100 %. Les programmes
de dépistage du cancer du sein et du col de l'utérus se mettent en place
progressivement. De nombreuses mesures ont déjà été prises. Le comité national
de prévention a été installé en décembre dernier.
Par ailleurs, la qualité de l'organisation des soins en cancérologie sera
renforcée sur la base de deux principes, largement déclinés dans la réflexion
conduite pour l'élaboration des SROS de deuxième génération, à savoir la
pluridisciplinarité dans la prise en charge, d'une part, la coordination et la
continuité des soins, d'autre part.
De plus, une politique active de lutte contre les maladies transmissibles sera
poursuivie.
Les actions de lutte contre le VIH-sida seront renforcées avec, en
particulier, la mise à disposition précoce de nouveaux médicaments et de
nouveaux tests pour les personnes malades en échec thérapeutique. Les
programmes de prévention seront développés, notamment en direction des plus
vulnérables : les jeunes, les femmes, les personnes migrantes et les personnes
en situation de précarité.
Les missions des centres de dépistage anonyme et gratuit ont été étendues au
dépistage de l'hépatite B et de l'hépatite C et aux maladies sexuellement
transmissibles. A partir de l'année prochaine, ce dépistage sera entièrement
pris en charge par l'assurance maladie.
M. Alain Gournac.
L'année prochaine !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Oui, en l'an 2000 ! C'est prévu dans le plan de
financement que nous vous proposons aujourd'hui.
Un ambitieux programme national de lutte contre l'hépatite C a été mis en
place cette année, parallèlement à la mise à disposition de nouveaux schémas de
traitement.
Ce programme d'une durée de quatre ans prévoit des priorités nationales qui
sont mises en oeuvre aux échelons local et régional, en vue notamment d'obtenir
d'ici à 2002 que plus de 75 % des personnes porteuses du VHC connaissent leur
état sérologique, de réduire les risques actuels de nouvelles contaminations
par le VHC en favorisant notamment les comportements préventifs et d'améliorer
les connaissances sur le virus, la maladie, la thérapeutique et l'épidémiologie
pour mieux agir.
Au-delà de la santé physique, chacun a droit à la protection de la santé
mentale. Voilà pourquoi je souhaite que notre pays intègre à tout moment de
l'offre de soins celle qui concerne la santé mentale.
Si la psychiatrie constitue un enjeu fort, il est aussi en partie méconnu.
Chaque année en France, plus de 1 000 000 de personnes recourent aux soins des
services de psychiatrie publique. Plus de 350 000 enfants et adolescents sont
suivis annuellement par les secteurs de psychiatrie infanto-juvénile.
Parallèlement, 20 % des consultations en médecine générale et 30 % des
consultations d'urgence au sein des hôpitaux sont motivées par un problème de
santé mentale.
Mais nous sommes confrontés actuellement à la désaffection des psychiatres
pour l'exercice dans le secteur psychiatrique public.
Une concertation a été engagée cette année avec les professionnels ; elle
devra se poursuivre afin de rechercher une meilleure organisation pour répondre
aux besoins, qui par ailleurs augmentent, de la part de la société.
La sécurité sanitaire a été et demeure la priorité du Gouvernement depuis son
arrivée.
Nous devons poursuivre et compléter la mise en place de ce dispositif,
instauré par la loi du 1er juillet 1998, à laquelle la Haute Assemblée a
pleinement contribué. Désormais, l'Institut de veille sanitaire, l'Agence
française de sécurité sanitaire des produits de santé et l'Agence française de
sécurité sanitaire des aliments sont opérationnels.
Nous leur avons consacré dès cette année des moyens importants.
La réorganisation de la transfusion sanguine est en cours : l'Agence française
du sang fera place au 1er janvier 2000 au nouvel Etablissement français du
sang.
Enfin, la création d'une Agence santé-environnement, qui est à l'étude, doit
permettre de mieux expertiser et d'évaluer l'impact potentiel sur la santé des
perturbations de l'environnement.
Il nous faut aussi apporter des réponses adaptées aux besoins importants et
évolutifs des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées.
L'espérance de vie et l'espérance de vie sans incapacité continuent de
progresser en France. Toutefois, du fait de la structure par âges et de la
population, le nombre des personnes dépendantes est appelé à s'accroître.
Pour répondre à cette évolution, 2 000 places de services de soins infirmiers
à domicile et 7 000 lits de sections de cure médicale ont été financés l'an
passé. Cet effort sera poursuivi en 2000.
Afin que soient mieux prises en compte les situations de dépendance, l'action
du Gouvernement vise à permettre le bon fonctionnement du secteur de l'aide à
domicile et à préparer, dans les meilleures conditions, l'entrée en vigueur de
la tarification des établissements pour personnes âgées. Cette réforme
permettra également d'améliorer la qualité des prestations fournies et de mieux
affirmer les droits des personnes.
Par ailleurs, près de trois millions de personnes sont confrontées à un
handicap plus ou moins grave.
Dans le cadre fixé par la loi d'orientation du 30 juin 1975, la politique
globale conduite par le Gouvernement en faveur des personnes handicapées est
déterminée par un double objectif : favoriser l'intégration de ces personnes
dans le milieu de vie ordinaire, pour répondre à une demande de plus en plus
récurrente ; améliorer la prise en charge des plus gravement handicapées
d'entre elles, lorsque le besoin s'en fait sentir.
Ces objectifs commandent trois grandes catégories de mesures : promouvoir les
dispositifs les plus intégratifs pour les enfants et les adultes, notamment par
le développement des services ambulatoires ; apporter une réponse adaptée et
durable à l'insuffisance de places dans les établissements spécialisés pour les
adultes à travers le plan pluriannuel ; répondre à des besoins de prises en
charge spécifiques insuffisamment développées pour les handicaps trops lourds
ou mal connus tels que l'autisme, les traumatismes crâniens ou les handicaps
rares.
(Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Guy Fischer applaudit
également.)
(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur de la commission des affaires sociales, pour les équilibres
financiers généraux de la sécurité sociale et l'assurance maladie.
Madame
le ministre, si nous partageons tous les grands enjeux que vous avez évoqués
concernant le maintien de notre système de protection sociale, nous ne faisons
pas la même lecture que vous du présent projet de loi.
L'an 2000 sera non seulement l'an I du troisième millénaire, mais aussi l'an I
de la nouvelle protection sociale...
M. François Autain.
La dernière année du deuxième millénaire !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Certes, mais ce sera tout de même l'an I de la nouvelle
protection sociale. En effet, Mme le ministre nous annonce une loi de santé
publique, une loi sur les retraites. Bref, à partir du 31 décembre 1999, tout
ira bien pour le système de protection sociale.
Cela étant, aujourd'hui, nous devons examiner le projet de loi de financement
de la sécurité sociale pour 2000. Quatrième exercice du genre, ce projet de loi
marque, selon nous, des évolutions inquiétantes. En effet, il ne répond pas aux
grandes questions de notre protection sociale et il s'avère, en définitive,
dangereux pour son avenir même.
Mais, avant d'aborder l'examen de ce texte, comme le projet de loi de
financement de la sécurité sociale ne comporte pas de projet de loi de
règlement, contrairement au projet de loi de finances, et comme il n'y a pas de
projet de loi de financement rectificative, un retour s'impose sur les comptes
de la sécurité sociale pour 1998 et 1999, retour que vous avez ébauché, madame
le ministre, mais que je vais reprendre.
Au premier abord, le bilan peut en effet apparaître globalement positif. Les
comptes des régimes obligatoires de base de sécurité sociale sont passés, en
trois ans de lois de financement, du déficit à l'équilibre. Est-ce à dire que «
les réformes portent leurs fruits », pour reprendre votre expression ? Je crois
que cette formulation est beaucoup trop optimiste.
Le redressement des comptes sociaux est dû d'abord à l'accroissement des
prélèvements affectés à la sécurité sociale. Les lois de financement de la
sécurité sociale pour 1997, 1998 et 1999 ont créé des prélèvements nouveaux ou
étendu l'assiette de prélèvements existants. Ces mesures de redressement ont eu
un impact. On peut chiffrer, sur trois ans, à une cinquantaine de milliards de
francs le fruit, que je considère comme amer, de ces prélèvements
supplémentaires. L'évolution à la hausse des prélèvements obligatoires affectés
à la sécurité sociale en témoigne.
Le redressement des comptes sociaux s'explique par des prélèvements opérés
principalement sur l'épargne, avec la hausse de la CSG maladie sur les revenus
du patrimoine et les produits de placements - que nous ne contestons d'ailleurs
pas, en partie - et l'élargissement de l'assiette du prélèvement social de 2 %
sur les revenus du patrimoine, affecté à la branche famille et à la branche
vieillesse du régime général.
Le bilan de la substitution entre la CSG et la cotisation maladie fait
apparaître un prélèvement supplémentaire sur le revenu global des ménages. Ce
prélèvement, qui aurait été de 8 milliards de francs en 1998, serait de 11
milliards de francs en 2000. Si ce transfert des cotisations d'assurance
maladie vers la CSG a certes été - et Dieu sait si le Gouvernement nous l'a dit
- une augmentation de pouvoir d'achat des salariés, il constitue, au regard du
revenu global des ménages, un prélèvement supplémentaire. Par conséquent, le
redressement est à mettre d'abord à l'actif des Français, à qui on a pris
davantage.
Ensuite, cet effort est à mettre bien sûr à l'actif de la croissance retrouvée
dès la fin de 1996. Nous, nous disons qu'elle est due à l'ambiance mondiale ;
le Gouvernement dit que c'est grâce à lui. Bref, il existe une croissance
retrouvée et nous nous en réjouissons tous.
En conséquence, le solde des différents comptes sociaux s'améliore. Le solde
des administrations de sécurité sociale - solde de Maastricht - qui était
déficitaire de 0,05 % du PIB en 1998, serait excédentaire de 0,10 % du PIB en
1999.
Le déficit du régime général se réduit. Il serait de quelque 16 milliards de
francs en 1998 et de 4 milliards de francs en 1999, alors que le Gouvernement
prévoyait un retour à l'équilibre. (
M. Alain Gournac s'exclame.)
En effet - c'est là que le bât blesse et c'est le point sur lequel nous ne
faisons pas la même lecture que vous, madame le ministre - l'effort de maîtrise
des dépenses sociales qui s'était manifesté en 1997 ne s'est pas poursuivi.
Depuis la fin de 1997, les dépenses maladie continuent de connaître une
progression alarmante. Force est de constater que, en l'absence de dérapage de
ces dépenses, le régime général aurait connu un déficit inférieur à 10
milliards de francs en 1998 et un excédent de 9 milliards de francs en 1999.
Telles sont les raisons pour lesquelles 1998 et 1999 sont deux années
gâchées.
En période de croissance prolongée, le régime général devrait être en fort
excédent. Ce n'est pas le cas. Un retournement de conjoncture similaire à celui
que nous avons observé en 1992-1993 serait catastrophique pour les finances
sociales, et probablement pour notre régime de protection sociale. Le
redressement des comptes sociaux demeure fragile.
Pourtant, le Gouvernement a décidé, avec le présent projet de loi, non pas de
créer les conditions d'un excédent franc et massif de la sécurité sociale, mais
de ponctionner les comptes de celle-ci.
Le Gouvernement, par diverses dispositions, dégrade les comptes de la sécurité
sociale. Nous l'avons d'ailleurs constaté dès la réunion de la commission des
comptes de la sécurité sociale. En effet, l'essentiel des mesures décidées par
le Gouvernement, notamment la prise en charge de la majoration de l'allocation
de rentrée scolaire à hauteur de 2,5 milliards de francs et la provision
comptable de 5,5 milliards de francs au titre des contributions des branches du
régime général au financement des 35 heures, ont été anticipées dans le compte
tendanciel par le secrétaire général de la commission des comptes de la
sécurité sociale. Cela pose d'ailleurs le problème du fonctionnement de cette
commission. Nous présenterons des amendements à cet égard. Ce problème ne
concerne d'ailleurs pas uniquement le présent gouvernement.
Ainsi, le montant de l'excédent tendanciel du régime général de 6 milliards de
francs, annoncé lors de la réunion de la commission des comptes de la sécurité
sociale, est faux. Il se situe, en fait, aux alentours de 14 milliards de
francs. Il faut, je crois, être aussi clair que possible dans ces présentations
compliquées.
Le Gouvernement fait passer cet excédent à 2 milliards de francs, par les
mesures qu'il propose dans le projet de loi. La dégradation dont il est
responsable en raison des mesures qu'il présente est donc de 12 milliards de
francs.
La confusion atteint un sommet avec les modifications qui ont été introduites
à la hâte par le Gouvernement à l'Assemblée nationale, et qui correspondent à
ce qu'il faut bien appeler « un bricolage financier » sur les 35 heures. En
effet, renonçant à taxer le régime général - car la « contribution » prévue
était bien une imposition - le Gouvernement finance le « fonds de financement
de la réforme des cotisations patronales » par une partie des droits sur les
alcools, en diminuant au passage les recettes du Fonds de solidarité
vieillesse, le FSV, de 5,6 milliards de francs. Mais comme les excédents du FSV
devaient, à l'origine, alimenter le Fonds de réserve pour les retraites, il
décide d'effectuer un « prélèvement sur recettes » du même montant par
l'intermédiaire du prélèvement social de 2 %, au détriment des branches du
régime général. Ces 5,6 milliards de francs seraient affectés au Fonds de
réserve pour les retraites.
C'est pourquoi nous estimons que le régime général contribue toujours, mais de
manière indirecte, au financement des 35 heures. A creuser des trous pour en
combler d'autres, on finit par faire une victime : la couverture maladie
universelle, la CMU.
En effet, il était prévu dans le cadre du « plan de financement de la CMU »
d'affecter 28 % du prélèvement social de 2 % à la CNAMTS qui ne touchera
finalement que 8 %, soit une perte de 2,3 milliards de francs qui aura
probablement des incidences sur le financement de la CMU.
Faut-il croire que le financement de la couverture maladie des plus démunis
est désormais relégué, aux yeux du Gouvernement, au second plan devant
l'urgence dictée par le financement des trente-cinq heures ?
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous discutons se
caractérise donc par une « mesure phare », la création d'un « fonds de
financement de la réforme des cotisations patronales », proposée à l'article 2,
dont vous avez longuement parlé tout à l'heure, madame le ministre.
Ce fonds vise en fait à financer à la fois la décision d'extension de la
ristourne sur les bas salaires existante et les allégements de charges
spécifiques aux trente-cinq heures.
Par coordination avec la position que vient d'exprimer le Sénat sur le projet
de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail, la commission vous
propose la suppression de cet article. Le Gouvernement dilapide les fruits de
la croissance en voulant financer, coûte que coûte, les trente-cinq heures. De
plus, il mélange financement de la sécurité sociale et financement de la
politique de l'emploi, alors qu'ils doivent rester distincts.
M. Dominique Braye.
Tout à fait !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Un financement de la politique de l'emploi doit être inscrit
en loi de finances. Le Gouvernement dénature « l'outil » loi de financement de
la sécurité sociale, qui doit normalement permettre d'aborder les questions
essentielles de notre protection sociale : assurance vieillesse et financement
des retraites, assurance maladie et politique de santé, politique familiale.
Le Gouvernement a-t-il fait ce choix pour cacher son incapacité à régler les
vrais problèmes ?
Il paraît que nous y viendrons l'année prochaine. Nous verrons bien quelles
seront alors ses propositions. Pour l'heure, nous n'en considérons pas moins
que les articles 2, 3 et 4 n'ont pas leur place dans ce texte et nous ne
parvenons pas à discerner sur ces sujets la politique du Gouvernement.
J'aborde maintenant cette « réforme des cotisations patronales » qui ne mérite
d'ailleurs pas son nom.
Nous sommes d'accord, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, sur le
fait qu'il ne faut dorénavant pas asseoir les cotisations patronales sur les
salaires dans un pays développé où la masse salariale va sans doute diminuer
par rapport à d'autres critères.
M. Guy Fischer.
Elle diminue !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Oui, elle diminue.
En fait, ce texte de loi ne modifie pas le calcul des cotisations patronales
et se borne à créer trois prélèvements supplémentaires, que vous nous avez
décrits : la contribution sociale sur les bénéfices, la taxe générale sur les
activités polluantes et la taxation des heures supplémentaires. Par ailleurs,
le financement de ce fonds repose sur les droits sur les tabacs et sur les
alcools.
Force est de constater qu'aucun de ces prélèvements n'a pour finalité de
financer des allégements de charges sociales. Vous connaissez mieux que nous,
madame le ministre, les rapports consacrés à la réforme des cotisations
patronales qui, à défaut de suivre rigoureusement la même orientation, avaient
le mérite d'ouvrir de vrais débats. Il faudra bien que nous abordions l'examen
du rapport demandé par ce gouvernement et par celui qui l'a précédé. Le fonds
qui est créé aujourd'hui ne répond pas à l'objectif de faire porter l'essentiel
des prélèvements sur les salaires.
Nous considérons donc que ce projet de loi ne comporte aucune mesure de
financement à long terme. Il se contente de pré-affecter les « excédents » de
la sécurité sociale en opérant des mesures de débudgétisation, notamment sur
l'allocation de rentrée scolaire qui, bizarrement, ne figure pas dans le projet
de loi de finances ou en alimentant par une baisse des recettes des branches
famille, vieillesse et maladie le Fonds de réserve pour les retraites dont les
objectifs n'ont toujours pas été définis.
En dehors du fait que la branche maladie est loin d'être encore en excédent,
je vous rappelle que la commission des affaires sociales du Sénat a manifesté
sous tous les gouvernements son attachement extrême au principe de la
séparation des branches en vertu duquel l'excédent de la branche famille ne
saurait alimenter un fonds de réserve pour les retraites.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Face à ce projet de loi, la commission des affaires sociales
continue de réaffirmer son souci d'une clarification des comptes sociaux dans
le respect du principe de la séparation des branches.
L'intelligibilité des comptes sociaux - c'est-à-dire la possibilité pour
chacun, assuré, contribuable, voire parlementaire, de comprendre la destination
et la raison d'être des prélèvements sociaux - est le fondement des lois de
financement de la sécurité sociale et la condition du redressement de celle-ci.
Nous en sommes encore loin.
Nous vous proposerons donc un autre projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000, qui repose sur une autre idée de la sécurité
sociale.
Son premier axe est le respect des comptes.
Nous considérons en effet que, jusqu'à présent, les lois de financement de la
sécurité sociale allaient dans le sens d'une plus grande transparence. Or, avec
les mesures actuellement proposées et la confusion des genres, nous en revenons
à l'opacité.
Nous vous proposerons donc d'adopter des articles additionnels visant à
renforcer le rôle de la commission des comptes de la sécurité sociale et à
inscrire dans la loi le double principe d'une remise des comptes avant le 31
mars de l'année suivante et de l'établissement d'un plan comptable unique des
organismes de sécurité sociale.
Telles sont les réformes que nous demandons, qui, au-delà de ce Gouvernement,
s'imposent pour améliorer la transparence. Nous pensons que ce plan comptable
unique permettra un établissement des comptes en droits constatés et non en
encaissements-décaissements. C'est une mesure certes très technique, mais ceux
qui participent aux travaux de la commission des comptes de la sécurité sociale
connaissent son enjeu.
Nous estimons donc que ces amendements rendront plus transparent et homogène
le processus d'établissement des comptes. Ils s'inscrivent dans l'optique du
groupe de travail que la commission des affaires sociales avait mis en place et
que j'avais l'honneur de présider.
Le deuxième axe est le respect des partenaires sociaux.
Je crois que le paritarisme est l'un des fondements de notre pacte républicain
et que tout ce qui peut être entrepris par le Gouvernement pour le fragiliser
doit être combattu. Nous avons vu qu'une première mesure a été repoussée par
les partenaires sociaux.
Si les artisans ont voté pour le texte initial, ils ont été les seuls dans ce
cas parmi les quatre caisses de sécurité sociale, les syndicats salariés et les
organisations patronales s'étant tous prononcés contre le projet de loi tel
qu'il avait été présenté en conseil des ministres.
Néanmoins, aujourd'hui encore, nous ne pouvons pas accepter la perte des
recettes des branches du régime général, à travers le détournement du
prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine qui leur est
affecté.
Nous ne pouvons pas davantage accepter que le Gouvernement inscrive dans les
comptes tendanciels une prise en charge partielle de l'allocation de rentrée
scolaire, alors que son principe n'a pas été adopté par le Parlement. La «
pré-affectation » des excédents de la sécurité sociale, soit en faveur de
l'Etat, soit en faveur du Fonds de réserve pour les retraites est, je le
répète, inacceptable.
Si tel n'avait pas été le cas, l'excédent du régime général aurait été
nettement plus important que celui qui nous est présenté. Vous auriez pu,
madame le ministre, être encore plus satisfaite de votre gestion puisqu'il se
serait élevé à 12 milliards de francs, tandis que la branche maladie serait en
quasi-équilibre, la branche famille en excédent de six milliards de francs et
la branche vieillesse également en excédent de sept milliards de francs.
Dans ce domaine, il convient de prévoir la création de « sections comptables
de réserve » permettant d'affecter le résultat comptable de l'exercice clos
pour « sanctuariser » les éventuels excédents à venir et éviter aux ministres
successifs de succomber aux tentations de prélèvements. Si des excédents
massifs se perpétuaient dans une branche, il faudrait envisager une baisse des
prélèvements affectés à cette branche.
Le troisième axe vise à respecter les échéances.
L'échéance principale concerne, bien entendu, le financement des retraites.
Confirmant le propos de M. le Premier ministre, vous nous avez annoncé, madame
le ministre, comme vous l'aviez fait devant la commission des comptes, une
réforme des retraites pour l'année prochaine. Dommage que ce ne soit jamais le
bon moment pour en discuter ! Enfin, peut-être y reviendrons-nous.
Cette réforme, dont vous avez souligné l'urgence, doit en effet être conduite
rapidement pour que soit préservé notre système de retraite. M. Vasselle
reviendra plus longuement sur ce point.
M. Machet évoquera pour sa part la branche famille. Je me bornerai à indiquer
qu'il faut réfléchir à la simplification des règles relatives aux prestations
qui sont versées.
Sachez enfin, madame le ministre, que, sur un certain nombre d'autres points,
le désaccord dépasse les divergences de nos options politiques.
Si nous sommes d'accord pour préserver l'acquis essentiel que constitue le
régime de protection sociale - je vous l'ai dit au début de mon propos, je le
répète en cet instant - nous considérons que les mesures proposées par le
Gouvernement aggravent encore les menaces qui pèsent sur notre système de
protection sociale. Le paritarisme est en crise. Incapable de parvenir à
l'équilibre budgétaire sans une reprise extrêmement forte, l'Etat puise, le cas
échéant, dans les excédents des caisses de la sécurité sociale. Il faut
respecter l'autonomie des finances sociales et la séparation des branches, sur
laquelle repose la sécurité sociale elle-même.
J'en viens à l'assurance maladie.
Madame le ministre, il semble, au vu des dispositions qui nous sont
présentées, que vous souhaitiez gérer ce dossier seule. En effet, les
dispositifs qui nous sont soumis tendent à se passer du Parlement, des
professionnels de la santé et de l'assurance maladie.
Qu'en est-il du Parlement ? Les dépassements successifs et importants de
l'ONDAM vident le vote du Parlement de sa substance. Sans revenir sur les
effets bénéfiques de la croissance économique, je me contenterai de rappeler
que, selon la commission des comptes de la sécurité sociale, la branche maladie
a reçu, en 1999, 25 milliards de francs de plus qu'en 1998. Certains peuvent y
voir la preuve que le Gouvernement a pris les mesures qui s'imposaient, tandis
que d'autres n'y voient que la conséquence de la croissance mondiale. Malgré ce
gain pour l'assurance maladie, le déficit des comptes persiste : 15 milliards
de francs en 1998, 12 milliards de francs en 1999.
L'explication est simple, elle réside dans un dérapage continu des dépenses
qui progressent à un rythme annuel de 3,5 %, alors que le Gouvernement s'était
certes engagé sur ce chiffre... mais cumulé sur trois ans, entre 2000 et
2002.
L'écart entre l'ONDAM et les réalisations s'est ainsi creusé en 1998 et en
1999, passant de près de 10 milliards de francs en 1998 à 13 milliards de
francs en 1999.
Pour réduire ce dérapage, le Gouvernement ne présente aucune mesure tendant à
financer le déficit de 1999, ce qui pose du même coup un problème de gestion
globale de la sécurité sociale. Cette carence est contraire à l'esprit de la
réforme constitutionnelle qui avait institué les lois de financement de la
sécurité sociale, puisque les déficits commencent, cette année comme par le
passé, à s'accumuler de façon non maîtrisée en dettes non financées.
Je ne dis pas du tout qu'il faut rouvrir la CADES, mais j'aimerais savoir
comment le Gouvernement compte traiter ce déficit de l'assurance maladie.
Envisage-t-il de le faire peser notamment en charge financière sur l'assurance
maladie ?
Par ailleurs, et il en a été abondamment question, le Gouvernement propose
dans ce projet de loi un ONDAM pour 2000 calculé à partir d'une méthode
qualifiée de « rebasée ». En effet, le projet de loi fixe à 658 milliards de
francs l'ONDAM pour 2000. Selon l'exposé des motifs, cet objectif est en
progression de 2,5 % par rapport aux dépenses attendues pour 1999.
En fait, l'objectif pour 2000 progresse de 4,5 % par rapport à l'objectif fixé
pour 1999, qui s'élevait à 629 milliards de francs.
Cet artifice est destiné à dissimuler la progression réelle des dépenses,
puisque le taux de progression de l'ONDAM est calculé, non pas par rapport à
l'ONDAM pour 1999, mais par rapport aux dépenses réalisées. C'est d'ailleurs la
première fois que nous sommes en présence de ce qu'il faut bien appeler une
manipulation.
Je le dis d'emblée, nous ne sommes pas opposés par principe à une remise à
zéro des compteurs, et nous vous proposerons d'adopter cet article sans
modification. Mais - car il y a un mais - une telle opération mériterait d'être
accompagnée, d'une part, des mesures tendant à financer le déficit de
l'assurance maladie de 1999 - je tiens à le répéter, car on laisse ce déficit
en suspens - d'autre part, de réformes de structures manifestement absentes de
ce texte.
A en croire les propos que vous avez tenus devant la commission des affaires
sociales du Sénat, madame le ministre, l'ONDAM serait, non pas un objectif à
tenir, mais une simple prévision économique, du même ordre que l'indice des
prix. Si tel était le cas - et j'espère bien que non - le vote du Parlement
perdrait tout sens et le mécanisme de régulation qui devrait en découler serait
dépourvu de toute crédibilité.
Mais j'en viens à mon deuxième constat.
Il me semble que, après avoir voulu se passer du Parlement, le Gouvernement
veut aussi se passer des professionnels de la santé. En effet, le système
conventionnel est aujourd'hui dans une situation de blocage.
Nous avons auditionné - comme d'habitude ! - tous les syndicats médicaux. Et,
si le syndicat MG France a accepté d'apposer sa signature au bas d'un texte
conventionnel s'appliquant aux médecins généralistes, cette convention a fait
l'objet d'un recours contentieux, car elle ne comportait aucun mécanisme de
régulation des dépenses.
Vous nous avez dit que vous l'annuleriez, madame le ministre, et vous avez eu
bien raison !
Au demeurant, dans la mesure où le Conseil constitutionnel l'a lui-même
sanctionnée à la suite du recours que nous avions présenté concernant la base
légale des reversements prévus par anticipation le 26 novembre 1998, je ne vois
pas comment vous auriez pu agir autrement ! Quoi qu'il en soit, je ne peux que
constater que même les dirigeants de MG France sont très désabusés vis-à-vis de
votre politique conventionnelle.
Dans le même registre, nous venons d'apprendre ce matin que, à la suite d'une
décision du Conseil d'Etat, les références médicales opposables, les RMO, ne
sont plus opposables aux médecins.
Il ne reste donc vraiment plus rien du dispositif de maîtrise médicalisée mis
en place à partir de 1994, puis en 1996. Le système conventionnel est donc vidé
de sa substance.
Vous nous avez expliqué tout à l'heure encore que vous aviez repris les
relations avec les médecins, relations que le gouvernement précédent aurait
rompues. Excusez-moi, madame le ministre, de vous contredire sur ce point -
avec tout le respect que je dois à votre fonction - mais...
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je n'ai jamais dit cela !
J'aurais pu le dire, mais je ne l'ai pas dit.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Vous auriez en effet pu le dire...
En tous cas, je constate qu'il n'y a pas de convention pour les spécialistes.
Ainsi, certains chirurgiens-dentistes sont sous le coup de la décision
unilatérale que vous avez prise en juin 1998, il n'y a pas d'accord sur les
cliniques, il y a des menaces sur la cotation des actes réalisés par les
sages-femmes. Par conséquent, le dialogue conventionnel est aujourd'hui plus
encore qu'hier, soit rompu, soit fragilisé.
Seule existe - et je vous en donne acte, vous en avez d'ailleurs également
parlé tout à l'heure - une politique sectorielle acceptée par les
professionnels, celle du médicament. Nous attendons cependant la conclusion des
accords individuels entre le comité et les laboratoires pour établir un premier
bilan de cette politique.
Le système conventionnel ne fonctionne donc pas et nous considérons que les
dispositions que vous nous présentez, notamment à l'article 17, y mettent un
terme définitif. Cet article est une merveille : je ne sais pas s'il faut le
montrer à titre d'exemple ou de contre-exemple aux élèves de l'Ecole nationale
d'administration - je n'ai aucune compétence pour juger de cette affaire - mais
je qualifierai ce texte, qui comporte treize ou quatorze pages, de
bouillonnement créatif, et je sais que mon opinion est partagée par de nombreux
collègues sur l'ensemble des travées de cette assemblée... et même par ceux qui
ne le disent pas tout haut !
Je l'ai dit, ce fameux article 17 met fin au système conventionnel institué
depuis 1971. En effet, le mécanisme des lettres clés flottantes est instauré
sans que le mot soit utilisé.
A ce sujet, madame la ministre, m'efforçant de ne jamais trop caricaturer vos
positions, je vous remercie de ne pas trop caricaturer les miennes : je n'ai
jamais dit que les lettres clés flottantes étaient une régulation automatique
des tarifs !
Depuis 1971, les professionnels et l'assurance maladie - la CNAM et les autres
caisses - fixent annuellement les tarifs applicables. Ce système fonctionne
avec des hauts et des bas, c'est vrai. Mais vous prévoyez de votre côté, avec
l'article 17, une baisse potentielle tous les quatre mois sans que les
professionnels de santé ne puissent rien dire. Comment un syndicat pourrait-il
accepter de signer en décembre une convention alors que la valeur des lettres
clefs qu'elle contient risquerait d'être mise à mal en avril ou en août ?
De plus, si les intéressés ne signent pas la baisse de leurs tarifs, la CNAM
devra, aux termes de la loi, le faire à leur place. Et, si la CNAM refuse,
alors, avec votre système, l'Etat le fera à sa place. Je ne vois pas pourquoi
les professionnels de santé et les partenaires conventionnels auraient intérêt
à négocier et à signer des tarifs susceptibles de bouger tous les quatre mois
au gré de tout dépassement conjoncturel des dépenses !
Vous nous avez dit tout à l'heure - je vous ai écoutée avec beaucoup
d'attention, comme d'habitude - que les tarifs ne baisseraient pas en cas de
dépassement conjoncturel, mais vous avez eu l'honnêteté de dire que vous avez
quand même fait le contraire en juin 1998, en supprimant une mesure de
nomenclature prévue par la convention des chirurgiens-dentistes à la suite d'un
dépassement que le président de la CNAM avait qualifié de conjoncturel dans une
lettre qu'il vous avait adressée.
Et, comme si la rédaction initiale de l'article 17 ne suffisait pas,
l'Assemblée nationale a adopté des dispositions complémentaires qui permettent
à la CNAM, en cas de vide conventionnel, de négocier des accords séparés avec
les représentants de certaines spécialités. Je sais bien que, pour gouverner,
il faut être Machiavel et favoriser la division...
M. Emmanuel Hamel.
Pas fatalement !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Ce n'est pas le Gouvernement, c'est l'Assemblée nationale
!
Cerise sur le gâteau, ces accords tarifaires par spécialité pourront même être
signés pendant la durée d'application d'une convention, soit avec un syndicat
membre d'une organisation non signataire de la convention, soit avec un
syndicat membre d'une organisation signataire.
Pour être certaine de mettre fin au système conventionnel, il importe pour
vous non seulement de lui ôter tout intérêt, mais aussi de semer la division au
sein des syndicats de spécialistes - qui, entre nous soit dit, n'ont pas besoin
de cela.
M. Guy Cabanel.
Ce n'est pas difficile !
M. Charles Descours,
rapporteur.
En effet !
Vos amis ont dit en commission qu'un projet de loi sur la modernisation du
système de santé aurait pour ambition de redonner vie au système conventionnel.
Vous venez de nous annoncer ce projet de loi, comme vous l'aviez d'ailleurs
fait devant la commission des comptes de la sécurité sociale.
Sur le principe, nous sommes favorables à ce texte. Mais il ne faut pas
seulement engager un débat d'orientation au printemps ! Il faut une loi de
programmation pluriannuelle définissant, comme Mme Gillot l'a dit, un certain
nombre d'axes en matière de santé publique. Mais nous verrons bien ce qu'il en
sera quand le projet nous sera présenté !
Après avoir tué le système conventionnel en décembre, vous voulez le
ressusciter à Pâques. Il est vrai qu'à Pâques d'autres personnes ont ressuscité
! Je ne sais pas si le système conventionnel connaîtra la même réussite...
M. Jean Chérioux.
Il y faudra plus de trois jours !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Oui, mais Mme le ministre m'a pris en défaut récemment au
sujet d'une citation biblique. Cette fois-ci, avec Pâques, il n'en sera pas de
même, parce que je suis sûr de moi !
M. René-Pierre Signé.
Elles sont angéliques, elles ne sont pas bibliques !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Quoi qu'il en soit, nous vous proposerons un dispositif
alternatif à celui du Gouvernement. Au lieu de compter treize pages, il tiendra
sur une seule page et le système que nous proposons aura l'avantage d'être
médicalisé, régionalisé, individualisé et, je l'espère, efficace. Et, surtout,
il s'intégrera dans le système conventionnel dans lequel nous fonctionnons
depuis 1971.
Enfin, troisième constat, les mesures qui nous sont proposées traduisent la
volonté du Gouvernement de se passer de la CNAM. Celle-ci a en effet - crime de
lèse-majesté ! - proposé en juillet un plan stratégique de refondation de
l'assurance maladie, notamment concernant l'hôpital. Nous avons tous constaté
le dialogue un peu ferme qui en a résulté entre le ministère et la CNAM !
A ce propos, je ne partage pas toutes les propositions formulées par cette
caisse. En effet, le système avait le mérite d'exister, il émanait des
partenaires sociaux et il aurait pu faire l'objet d'un débat au Parlement,
notamment à l'occasion de la discussion du projet de loi que vous avez annoncé,
madame la ministre.
Dans la mesure où nous considérons que la gestion du système de santé par les
partenaires sociaux est la base de notre système de protection sociale, on
aurait pu en faire plus de cas. Mais il ne s'est rien passé et vous nous avez
annoncé un projet de loi relatif à la modernisation du système de santé. Nous
verrons bien s'il contient des mesures importantes, outre le droit des malades
! D'autres dispositions sont en effet nécessaires.
Au même moment, certains députés socialistes ont tenté de faire quelques
propositions sur la réforme de l'assurance maladie alors qu'un rapport de la
Cour des comptes a critiqué la CNAM. Vous-même, madame la ministre, en cours
d'année, vous avez négocié séparément et à l'insu de la CNAM avec des
représentants de quelques spécialités - les biologistes, les cardiologues, les
radiologues - bref, l'audace de la CNAM a été punie par un certain nombre de
tirs en salve et personne n'en a tenu compte.
Enfin, je rappelle que le présent projet de loi de financement de la sécurité
sociale fait sortir la CNAM de la régulation de l'hospitalisation privée.
Je vous proposerai donc de réintroduire l'assurance maladie dans la gestion de
l'hospitalisation privée, car le système tripartite existant fonctionnait bien
et nous considérons que cette mise sous tutelle directe de l'Etat de
l'hospitalisation privée est une manière d'étatisation d'une partie de la
sécurité sociale et de l'assurance maladie alors que, au contraire - nous le
verrons dans la discussion des articles - l'évolution des techniques médicales
pousse à la coordination entre l'hospitalisation et la ville.
Il faut éviter les dichotomies et globaliser les dépenses de santé, réaliser
une fongibilité des masses. Mettre l'hôpital et les cliniques sous tutelle de
l'Etat, l'assurance maladie ne s'occupant plus au niveau national des cliniques
privées, c'est approfondir le fossé qui existe entre les dépenses d'assurance
maladie, ce qui n'est pas bon...
M. René-Pierre Signé.
Ce n'est pas clair !
M. Charles Descours,
rapporteur.
C'est très clair, nous le verrons au moment de la discussion
des articles !
M. le président.
Ne vous laissez pas influencer, monsieur le rapporteur !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Oh, il me bouleverse !
(Sourires.)
M. François Autain.
L'article 17 est plus clair !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Quoi qu'il en soit, une seconde réponse directe du
Gouvernement à la CNAM est contenue dans l'article 17 du projet de loi : la
CNAM n'a pas les moyens de réussir dans sa tentative de signer des conventions
comportant des lettres clés flottantes avec les professionnels, mais le texte
du projet de loi paralysera son action en lui imposant de rédiger chaque année
- mais aussi tous les quatre et huit mois - de multiples rapports
d'équilibre.
Je ne voudrais pas que l'on pense que c'est parti pris de ma part,...
M. René-Pierre Signé.
Ah si !
M. Charles Descours,
rapporteur.
... mais je rappelle quand même que M. Spaeth a qualifié...
(M. Autain proteste.)
Monsieur Autain, je crois que M. Spaeth est plus proche politiquement de
vous que de moi ! Or il a qualifié cette demande du Gouvernement d'ubuesque :
la CNAM aurait à rédiger cent rapports par an !
M. François Autain.
Il a dramatisé !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Il a retiré ce mot !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Il l'a retiré parce que vous avez froncé les sourcils, madame
le ministre !
« Ubuesque », ce texte l'est en effet car - ce sera mon dernier point -...
M. François Autain.
C'est trop long !
M. Charles Descours,
rapporteur.
... les lignes directrices de la politique du Gouvernement en
matière d'assurance maladie n'apparaissent pas clairement.
C'est ainsi que, si vous avez parlé de l'hôpital, le terme lui-même ne figure
ni dans le présent projet de loi de financement ni dans les deux qui l'ont
précédé. J'en veux pour exemple la pétition que nous avons reçue ces jours-ci
et qui est signée par cent professeurs de l'Assistance publique de Paris nous
signalant la dégradation de leurs conditions de travail.
Certes, le texte relatif à la couverture maladie universelle a apporté
quelques modifications concernant la législation hospitalière sur la
coopération sanitaire et le Gouvernement a accepté une disposition prévoyant
qu'une expérimentation de la tarification serait réalisée. Mais vous avez prévu
pour cela un délai de cinq ans ! Nous vous proposerons d'accélérer cette
procédure.
Je voudrais également évoquer les dispositions concernant la
contractualisation des établissements de santé avec les agences régionales
d'hospitalisation, pour regretter le retard pris en la matière.
Par ailleurs, je souhaiterais qu'au cours du débat nous éclaircissions la
question de l'accréditation des établissements de santé par l'Agence nationale
d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES.
Je sais bien que les agences régionales d'hospitalisation ont dû signer les
contrats en priorité avec les établissements privés et préparer les schémas
régionaux d'organisation sanitaire, les SROS, et que les missions de l'ANAES
sont larges. Mais il faut noter que le collège d'accréditation vient seulement
d'être nommé alors que les ordonnances ont été publiées en avril 1996 !
Quarante établissements ont participé à l'expérimentation, c'est vrai ; mais,
d'après les chiffres en notre possession, trente seulement ont entamé la
procédure, en 1999, et non 200, comme vous l'avez affirmé. De toute façon, au
regard des milliers d'établissements hospitaliers à accréditer, cela témoigne
d'une lenteur quelque peu désespérante.
Madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, l'ensemble des établissements
de santé pourront-ils, d'ici à la fin de l'an 2000, comme le prévoyait
l'ordonnance, fait avoir la démarche de l'accréditation. Si tel n'est pas le
cas, il faut nous le dire, car il est normal que la représentation nationale en
soit informée.
Enfin, je veux insister sur le profond désenchantement que traduit le discours
des représentants de tous les syndicats de praticiens hospitaliers. J'ai fait
état, il y a un instant, de cette pétition que nous avons reçue. J'ai regardé
avec attention la prise de position et les griefs de chacun.
A l'évidence, les médecins hospitaliers éprouvent aujourd'hui une inquiétude
très grande, dont leurs syndicats se sont fait l'écho lors des auditions
auxquelles nous avons procédé.
Les problèmes qu'il faut soulever, s'agissant de l'hôpital public, sont ceux
de son recrutement, de la motivation pour ceux qui y sont d'y rester, de son
ambition. Actuellement, les médecins hospitaliers ressentent une absence de
politique hospitalière, et je partage leur sentiment. Ils ne sont pas
demandeurs de demi-journées hors de leur service. Ce qu'il faut, c'est leur
donner l'envie de rester à l'hôpital.
Telles sont, monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, les réflexions que m'inspire ce projet de loi.
Nous soumettrons, évidemment, au Sénat un certain nombre d'amendements qui,
s'ils sont adoptés, feront du projet de loi de financement de la sécurité
sociale un projet sensiblement différent de celui que nous présente le
Gouvernement.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Henri de Raincourt.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt.
Monsieur le président, au nom des présidents des groupes de la majorité
sénatoriale, je demande une suspension de séance d'une heure.
(Murmures sur
les travées socialistes.)
M. le président.
Cette demande étant de droit, nous allons y accéder.
21
ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
M. le président.
J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de procéder à
la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de deux organismes
extraparlementaires.
En conséquence, j'invite la commission des finances à présenter un candidat
appelé à siéger en qualité de suppléant au sein du Conseil national de
l'enseignement supérieur et de la recherche, et la commission des affaires
économiques à présenter quatre candidats - deux titulaires et deux suppléants -
pour siéger au sein du Conseil national des transports.
Les nominations des sénateurs appelés à siéger au sein de ces organismes
extraparlementaires auront lieu ultérieurement dans les conditions prévues par
l'article 9 du règlement. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre
maintenant nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à vingt et une
heures trente, sous la présidence de M. Jacques Valade.)
PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
22
FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
POUR 2000
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi (n° 40, 1999-2000) de
financement de la sécurité sociale pour 2000, adopté par l'Assemblée
nationale.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Vasselle,
rapporteur.
M. Alain Vasselle,
rapporteur de la commission des affaires sociales, pour l'assurance
vieillesse.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, la branche vieillesse du régime général a connu en 1998 un
redressement spectaculaire de ses comptes.
La commission des comptes de la sécurité sociale prévoyait pourtant en 1998
que le déficit de la branche atteindrait cette année-là 5,6 milliards de
francs. En réalité, les comptes définitifs font apparaître un déficit de
seulement 224 millions de francs, soit une situation proche de l'équilibre. On
ne peut donc que s'en réjouir !
M. Claude Domeizel.
Cela commence bien !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ne vous réjouissez pas trop tôt, mon cher collègue !
La différence entre ces deux chiffres - 5,4 milliards de francs - résulte pour
l'essentiel de 4,6 milliards de francs de recettes, attendues, largement
imputable à l'instauration, en 1998, du nouveau système de répartition des
recettes entre branches, dit RACINE. En procédant ainsi, on peut bien sûr
améliorer facilement les comptes !
Le système RACINE a en effet profondément modifié la répartition des
encaissements entre branches du régime général. Mais cette modification a un
revers. En effet, ce nouveau mode de répartition des encaissements a été
défavorable à la branche maladie et, au contraire, très favorable à la branche
vieillesse, qui a bénéficié en 1998 d'un surcroît de recettes de 5,2 milliards
de francs.
L'impact du système RACINE sur les recettes de la branche s'est répercuté par
un effet de base sur l'année 1999, et la loi de financement de la sécurité
sociale pour 1999 prévoyait ainsi un déficit de 3,87 milliards de francs pour
la branche vieillesse. Le solde devrait finalement présenter un excédent de 4,4
milliards de francs, les recettes se révélant supérieures de 7,7 milliards de
francs à ce qui avait été anticipé un an plus tôt.
Pour leur part, les dépenses évoluent malgré tout de manière tout à fait
prévisible. Le rythme d'évolution en volume des prestations financées par le
régime général a continué à fléchir de 1996 à 1999, puisque des générations
creuses arrivent actuellement à l'âge de la retraite. C'est ainsi que les
droits directs ont crû de 3,2 % en 1996, de 3 % en 1997, de 2,9 % en 1998 et de
2,8 % en 1999. La hausse est donc chaque fois moins sensible d'une année sur
l'autre, mais on constate malgré tout une hausse.
Ce fléchissement tient d'abord à une évolution favorable du nombre des
bénéficiaires, due à l'arrivée à l'âge de la retraite des générations peu
nombreuses des années précédant la Seconde Guerre mondiale.
Madame le secrétaire d'Etat, je ne doute pas que vous ferez part du propos que
je vais tenir maintenant à Mme Aubry, laquelle reprochait tout à l'heure aux
membres de la majorité sénatoriale qui avaient soutenu les gouvernements
précédents d'avoir adopté une position attentiste à propos des réformes de la
sécurité sociale à mettre en oeuvre.
Je puis témoigner ici, sous le contrôle de nos collègues, que, en matière de
retraite, s'il est vraiment des élus qui ont engagé des réformes, ce sont, bien
entendu, ceux qui composent aujourd'hui la majorité du Sénat et en aucun cas
ceux qui appartiennent à sa minorité. En effet, en ce qui concerne les
retraites - j'y reviendrai tout à l'heure - c'est l'attentisme le plus complet.
Or toute année perdue aura des conséquences douloureuses pour les cotisants ;
cela se traduira inévitablement par une augmentation sensible des cotisations
pour assurer le financement des retraites.
Cette amélioration de la situation s'explique également par les premiers
effets de la réforme de 1993 qui a été initiée par le Premier ministre de
l'époque, M. Balladur, et la majorité qui le soutenait, et dont l'impact
financier est évalué à 1,5 milliard de francs en 1997, à 2 milliards de francs
en 1998 et à 2,5 milliards de francs en 1999. Voilà donc des acquis positifs
dont le Gouvernement actuel bénéficie mais qui sont le résultat des politiques
qui ont été conduites avec courage et ténacité par les gouvernements
précédents.
A législation constante, cette tendance à la moindre progression des dépenses
ne devrait commencer à s'inverser qu'avec l'arrivée à l'âge de la retraite des
générations nombreuses d'après-guerre.
En 2000, l'excédent « spontané » de la branche vieillesse, c'est-à-dire avant
toute mesure nouvelle décidée par le Gouvernement, serait de 8,3 milliards de
francs, et non de 6,5 millards de francs comme il a été annoncé par le
Gouvernement. En effet, ce dernier chiffre tient compte du prélèvement de 1,8
milliard de francs au titre du financement des 35 heures.
A l'évidence, la branche vieillesse du régime général jouit aujourd'hui d'une
situation exceptionnellement favorable, résultant de la conjugaison d'une
croissance économique forte - sur ce point, nous rejoignons le constat dressé
par Mme Aubry -...
M. Claude Domeizel.
Tout de même !
M. Jean Chérioux.
Un peu de modestie : la croissance n'est pas de votre fait ! La croissance ne
se décrète pas !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Monsieur Domeizel, la croissance économique est-elle
uniquement le résultat de l'action gouvernementale ? N'est-elle pas plutôt due
à un environnement européen et international favorable à la France ?
M. Jean Chérioux.
La croissance ne se décrète pas !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Mais elle se soutient
!
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
La situation exceptionnellement favorable de la branche
vieillesse résulte également d'un nouveau mode d'affectation des recettes de la
sécurité sociale - j'en ai parlé au début de mon propos - d'une croissance très
modérée des dépenses liée au creux démographique des générations d'avant-guerre
et, en sus, je l'ai dit tout à l'heure, des réformes engagées par M. Balladur
en 1993.
Sur deux points, nous pouvons être d'accord avec le Gouvernement : la
croissance qui est au rendez-vous et qui permet d'améliorer la situation de la
branche ; la diminution du chômage qui est la conséquence de la croissance.
Mme Aubry s'est vantée que cette amélioration de la situation de la sécurité
sociale était due aux réformes structurelles qui « auraient » été engagées par
le Gouvernement. C'est vrai peut-être pour partie pour la branche maladie ;
mais ce n'est que le prolongement des mesures mises en place par le
gouvernement de M. Juppé, à l'époque, avec toutes les difficultés qu'il a
connues. En revanche, en ce qui concerne la branche vieillesse, aucune réforme
structurelle n'a été engagée par le Gouvernement actuel. Nous attendons
toujours !
Le calme relatif avant la tempête ne doit pas faire illusion. M. Domeizel se
réjouissait tout à l'heure des chiffres que je citais. Je lui rappelle, ainsi
qu'à ses collègues, que le rapport Charpin, qui a été remis au Gouvernement en
avril dernier, insistait sur les menaces qui pèsent sur notre système de
retraite, menaces toujours présentes.
Le rapport Charpin a en effet confirmé le diagnostic formulé à deux reprises
en 1991 et en 1995. En raison du vieillissement de la population française,
notre système de retraite sera confronté à un choc financier inéluctable à
partir de 2006. Tous les experts en conviennent, comme tous ceux qui
connaissent bien la situation de la branche vieillesse.
A réglementation inchangée, le maintien de la parité de niveau de vie entre
retraités et actifs conduirait à multiplier par 1,55 le taux de cotisation
d'équilibre à l'horizon 2040. A législation inchangée, la part de la richesse
nationale consacrée aux retraites s'accroîtrait de 30 % à l'horizon 2040.
Dans l'hypothèse où la règle actuelle d'indexation des retraites du régime
général sur les prix serait maintenue, les charges de retraite des régimes
seraient multipliées, en terme réels, par un facteur de 2,8 et progresseraient
de 12,1 % du PIB en 1998 à 15,8 % en 2040.
Compte tenu de ces évolutions, le besoin de financement du système de retraite
par répartition s'élèverait en francs constants à 190 milliards de francs en
2020 et à 700 milliards de francs en 2040, soit environ 4 points de PIB.
Dans ce contexte, le Commissariat général du Plan a examiné plusieurs pistes
de réformes susceptibles d'assurer la viabilité du système de retraite par
répartition : l'allongement à 170 trimestres de la durée d'assurance nécessaire
à l'obtention de la retraite à taux plein, la constitution de réserves
permettant d'amortir le choc démographique, l'élargissement de l'assiette des
cotisations et l'aménagement de différents dispositifs susceptibles d'avoir un
impact sur le besoin de financement des régimes.
En conclusion, le rapport du Commissariat général du Plan recommande d'engager
dès à présent la réforme du système de retraite avant que le choc démographique
ne fasse sentir ses effets.
L'accent mis sur l'urgence des décisions à prendre n'a, à l'évidence, pas
convaincu le Gouvernement puisque ce dernier annonce l'ouverture d'une nouvelle
concertation. Les décisions sont encore une fois différées et le présent projet
de loi témoigne d'un attentisme coupable.
M. Claude Domeizel.
Il a créé le fonds de réserve !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
On sait ce qu'il y a dans ce fonds de réserve. Il fait
complètement illusion, monsieur Domeizel, vous le savez bien !
M. Jean Chérioux.
C'est infime : 2 milliards de francs !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Si le Gouvernement ne s'est pas résolu à engager la réforme
des retraites, il n'hésite pas, pour autant, à ponctionner sévèrement la
branche vieillesse.
La CNAVTS se voit ainsi doublement ponctionnée par la diminution de 2,3
milliards de francs de recettes qui lui sont affectées et par l'affectation de
ces excédents au fonds de réserve pour les retraites. Mme le ministre l'a
confirmé lors de son propos introductif.
L'article 2 du projet de loi prévoyait initialement, il faut le rappeler, la
création d'un fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de
sécurité sociale, chargé en réalité du financement de la réduction du temps de
travail, qui devait notamment être alimenté par une contribution de 5,5
milliards de francs versée par les différentes branches du régime général.
Chacun se souvient dans quelles conditions le Gouvernement a été contraint
d'abandonner cette mesure, à la suite de la réaction des partenaires sociaux,
mais aussi d'une partie de sa majorité plurielle.
Je pense que nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen qui
sont ici présents pourraient, s'ils le souhaitaient, en témoigner parce que je
crois que plusieurs de leurs collègues du groupe communiste à l'Assemblée
nationale n'ont pas manqué d'interpeller le Gouvernement sur ce point et ont
réussi d'ailleurs à le faire reculer !
M. Guy Fischer.
Ne parlez pas à notre place !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Evidemment, c'est toujours ennuyeux pour vous de montrer que
la majorité plurielle est divisée sur des points essentiels !
(M. Guy Fischer et Mme Nicole Borvo protestent.)
Elle ne se retrouve qu'à
force de négociations ! Vous reprochez souvent à la majorité du Sénat de se
concerter sur un certain nombre de dossiers. Nous n'avons pas de leçons à
recevoir : la concertation est certainement plus utile et plus indispensable
chez vous, sinon vous auriez quelques difficultés à gérer ce pays !
M. Guy Fischer.
Vous faites de la provocation, monsieur Vasselle !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Pour compenser la perte des 5,6 milliards de francs attendus
du régime général, le nouveau dispositif adopté en définitive par l'Assemblée
nationale prévoit l'affectation au fonds de financement de la réforme des
cotisations patronales de 47 % des droits sur les alcools mentionnés à
l'article 403 du code général des impôts, dits « droits 403 ».
Or, une part de ces droits constitue une des recettes du fonds de solidarité
vieillesse, dont les excédents peuvent être affectés, depuis la loi de
financement de la sécurité sociale pour 1999, au fonds de réserve pour les
retraites.
En conséquence, le Gouvernement a décidé d'affecter au fonds de réserve pour
les retraites 49 % du produit du prélèvement social de 2 % sur les revenus du
patrimoine qui était affecté à la CNAMTS, à la CNAVTS et à la CNAF.
Le Gouvernement, en définitive, n'a donc pas renoncé à ponctionner le régime
général. Les différentes branches contribueront ainsi, de manière indirecte, au
financement des 35 heures, non pas par un prélèvement classé dans leurs «
dépenses », mais par une perte de recettes.
L'opération n'est pas neutre pour la branche vieillesse initialement « taxée »
de 1,771 milliard de francs sous le régime de la contribution initiale : elle
perd désormais 2,26 milliards de francs de recettes au titre du prélèvement
social de 2 %, soit une ponction supplémentaire de 490 millions de francs.
Si la branche vieillesse contribue au financement du fonds de réserve pour les
retraites par la perte de recettes qui lui sont affectées, elle est également
mise à contribution de manière plus directe, sous la forme d'une affectation
permanente de ses excédents.
L'article 10 du projet de loi prévoit en effet l'affectation des excédents de
la CNAVTS au fonds de réserve pour les retraites.
Cette affectation se ferait sous une double forme : d'une part, l'affectation
du résultat excédentaire de l'exercice clos et, d'autre part, le cas échéant,
dans la mesure où des excédents seraient dégagés, l'affectation en cours
d'exercice d'un montant représentatif d'une fraction de l'excédent prévisionnel
de l'exercice.
L'annexe C du projet de loi prévoit ainsi en 2000, « à titre de provision pour
acompte sur le versement de l'excédent de la branche », un versement de 2,9
milliards de francs au fonds de réserve, versement qui prendrait la forme d'une
dépense de la branche.
Au total, la contribution - tant en perte de recettes qu'en dépenses - de la
branche vieillesse au financement du fonds de réserve pour les retraites serait
de 5,2 milliards de francs en 2000.
L'article 2 du présent projet de loi tel qu'il a été adopté par l'Assemblée
nationale baisse de 55 % à 8 %, à compter du 1er janvier 2000, le taux de la
fraction des droits sur les alcools mentionnés à l'article 403 du code général
des impôts, dont vous avez parlé tout à l'heure, qui est affectée au FSV.
Parallèlement, cette fraction de 47 % des droits sur les alcools est affectée
par ledit article au fonds de financement de la réforme des cotisations
patronales, c'est-à-dire au financement des trente-cinq heures.
Je ne sais pas si nos administrés parviendront à suivre l'exercice auquel le
Gouvernement s'est livré pour arriver au résultat que nous connaissons
aujourd'hui, mais j'avoue qu'il est d'une telle complexité qu'il faut vraiment
s'y reprendre à deux fois pour bien comprendre le dispositif. Evidemment, plus
on complexifie les choses, moins c'est lisible, et plus c'est facile pour faire
passer la pilule. Mais les sénateurs, qui ont l'habitude de travailler au fond
l'ensemble des dossiers, ne se sont pas trompés sur l'artifice auquel a fait
appel le Gouvernement pour financer les trente-cinq heures.
De plus, le FSV se voit dès lors fragilisé. Il aurait dû être excédentaire de
8,5 milliards de francs en 2000 si ce dispositif n'avait pas été mis en place ;
mais le financement des droits sur les alcools étant court-circuité pour le FSV
en vue des trente-cinq heures, l'excédent ne sera plus que de 2 milliards de
francs.
L'analyse des comptes révèle en outre que le fonds de solidarité vieillesse ne
sera excédentaire en 2000 que parce qu'il percevra l'excédent du compte de la C
3 S au titre de l'année 1999, soit 3,2 milliards de francs seulement, car le
Gouvernement a décidé en même temps, par un article additionnel au projet de
loi de finances pour 2000, de prélever 1 milliard de francs sur ce compte pour
alimenter le BAPSA en 2000. Voilà le système tel qu'il a été mis en place.
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
C'est une usine à gaz !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Si le compte de la C 3 S dégageait un moindre excédent dans
les prochaines années, et si la conjoncture devenait moins favorable - le FSV
subissant alors l'effet de ciseau - l'équilibre du FSV pourrait par conséquent
être sérieusement menacé.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 avait prévu d'affecter
une partie des excédents du fonds de solidarité vieillesse au fonds de réserve
pour les retraites. Cette possibilité existe toujours juridiquement ; elle
devient cependant, avec le nouveau dispositif, complètement virtuelle, les
excédents futurs du FSV prenant un caractère beaucoup plus hypothétique. Vous
l'avez compris, je pense, après les explications que je viens de vous
donner.
Le Gouvernement a, il est vrai, choisi un moyen d'alimentation plus direct du
fonds de réserve pour les retraites : la ponction sur les recettes affectées à
la sécurité sociale, c'est-à-dire que l'on prélève une partie des recettes qui
vont à la sécurité sociale
(Exclamations sur les travées socialistes)
pour alimenter le fonds de
réserve.
Le plan de financement des trente-cinq heures révélant à terme, il faut le
savoir et le rappeler, un trou d'une vingtaine de milliards de francs - il est
peut-être équilibré aujourd'hui, mais on sait qu'il ne le sera pas à terme - la
tentation sera grande pour le Gouvernement - qui l'a d'ailleurs déjà
ouvertement évoquée - d'ôter au fonds de solidarité vieillesse les 8 % restants
des droits sur les alcools, ce qui lui ferait perdre 1 milliard de francs
supplémentaire, voire la totalité des autres droits sur les boissons dont il
bénéficie, ce qui le priverait alors de 5,6 milliards de francs
supplémentaires. Après une mesure de cette nature, l'équilibre du FSV serait
alors durablement compromis.
Votre rapporteur, qui est aussi président du comité de surveillance du fonds
de solidarité vieillesse, ne peut que regretter solennellement, madame le
secrétaire d'Etat, que le Gouvernement ait choisi, en diminuant le montant des
ressources affectées au FSV, de fragiliser cet organisme, dont le rôle est
désormais essentiel dans le financement de la protection sociale qui a pris
l'ampleur importante que nous avions voulue en 1993. M. Fourcade, qui présidait
la commission des affaires sociales et qui avait joué un rôle déterminant au
côté du Premier ministre M. Balladur et de Mme Veil en ce qui concerne ce
texte, sait très bien quelles sont les conséquences qui pourront résulter du
nouveau dispositif mis en place.
J'exprime ma crainte que cette mesure ne soit que le prélude à d'autres
ponctions destinées à financer la réduction du temps de travail. Je souhaite
instamment que le Gouvernement s'engage à assurer la pérennité des ressources
affectées au fonds de solidarité vieillesse et garantisse ainsi l'équilibre
futur de ce fonds qui était initialement destiné à financer uniquement tout ce
qui ne fait pas partie du contributif, c'est-à-dire toutes les dépenses de
solidarité de la branche vieillesse.
Sur l'initiative de votre commission, le Sénat n'avait pas rejeté, lors de
l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, le
principe d'un fonds de réserve pour les retraites. Nous avions cependant
souligné à l'époque que la constitution d'un tel fonds n'a véritablement de
sens que si cinq conditions sont effectivement respectées, conditions que nous
avions posées au Gouvernement et sur lesquelles nous n'avons reçu aucune
réponse à ce jour. Nous avions pourtant récidivé au moment où M. Strauss-Kahn
est venu nous présenter la réforme qu'il souhaitait engager sur les caisses
d'épargne, une partie des fonds devant être ponctionnée pour alimenter le fonds
de réserve.
J'en arrive à la première condition qu'il nous paraissait nécessaire de
remplir : la constitution d'un fonds de réserve suppose que les pouvoirs
publics mènent effectivement une politique de retraite dans une perspective à
long terme. Ce n'est manifestement pas le cas aujourd'hui.
Deuxième condition : ce fonds de réserve doit avoir une mission claire et
définie de manière préalable - ce n'est pas le cas - en l'occurrence, le
lissage de la hausse des cotisations. Or aucun objectif n'a encore été assigné
au fonds créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Un
décret paru au
Journal officiel
du 24 octobre dernier a certes prévu les
modifications relatives au comité de surveillance du fonds de solidarité
vieillesse. Mais la finalité et les modalités de gestion du fonds de réserve
restent dans le flou le plus complet pour le moment.
Troisième condition : un fonds de lissage ne résout pas le problème du
financement futur des retraites et ne peut donc constituer en tout état de
cause qu'une mesure d'accompagnement d'une réforme d'ensemble des retraites. Or
cette réforme n'est toujours pas engagée.
Quatrième condition : la constitution d'un fonds de lissage exige des
ressources importantes et durables, et pas simplement 20 milliards de francs ou
les 40 milliards de francs, que, selon Mme Aubry, la loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000 permettra d'inscrire au fonds de réserve. Je mets en
face de ces 40 milliards de francs les 400 milliards ou 500 milliards de francs
qui seraient nécessaires en 2020 pour le seul régime général. Sans compter que
cela s'accompagnera, en tout état de cause, d'une augmentation des cotisations
!
Près d'une année après sa création, le fonds de réserve reste, de ce point de
vue, parfaitement virtuel, puisqu'il est encore vide aujourd'hui.
Alors que la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 avait prévu
que les excédents du FSV iraient alimenter le fonds de réserve, le Gouvernement
a finalement décidé d'amputer les excédents du FSV en diminuant ses recettes et
de faire bénéficier le fonds de réserve d'une fiscalité affectée, par
l'intermédiaire de 49 % du prélèvement social de 2 % sur les revenus du
patrimoine, ce qui, je vous le rappelle, correspond aux 5,5 milliards de francs
que n'a pas versés le régime général au financement des trente-cinq heures.
Je me sens le devoir de dénoncer un tel tour de passe-passe, qui m'apparaît
tout à fait inacceptable. En effet, comme l'a dit très justement notre
rapporteur, Charles Descours, il fait financer de manière directe le fonds de
réserve par toutes les branches de la sécurité sociale, y compris les branches
famille et maladie, au mépris du principe de séparation des branches que nous
avions réussi à introduire dans la loi après avoir - et M. Fourcade se le
rappelle - bataillé fort sur ce point avec le gouvernement que nous soutenions
à l'époque.
Ce tour de passe-passe prive, ce faisant, la CNAMTS d'une recette qui lui
avait été attribuée pour le financement de la CMU, selon un dispositif que nous
avions imaginé dans un texte adopté avant l'été et déjà remis en cause dans le
cadre de la présente loi de financement de la sécurité sociale.
Il contribue, de plus, à faire financer de manière indirecte les trente-cinq
heures par la sécurité sociale.
Parallèlement, le Gouvernement racle « les fonds de tiroirs » en mettant à
contribution, de manière ponctuelle, les caisses d'épargne ou la Caisse des
dépôts et consignations.
Cette agitation un peu désordonnée, cette politique au coup par coup révèlent,
à n'en pas douter, l'absence totale de plan de financement à moyen ou long
terme pour le fonds de réserve. Le Gouvernement s'efforce, à l'évidence, de
masquer une terrible réalité : il ne sait nullement comment alimenter ce
fonds.
La cinquième condition que je tiens à rappeler est la suivante : la
constitution d'un tel fonds exige de définir de manière préalable les
conditions de gestion financière de ce fonds. Rien de tel n'a été fait à ce
jour.
Aucune des cinq conditions que j'ai évoquées n'étant aujourd'hui respectée, le
fonds de réserve apparaît dès lors pour le Gouvernement comme un alibi destiné
à masquer son incapacité à entreprendre les vraies réformes nécessaires à
assurer la pérennité de notre système de retraite.
Je comprends d'ailleurs pourquoi Mme Aubry, a été aussi rapide, dans son
intervention, en ce qui concerne la branche vieillesse : deux petits
paragraphes
(Exclamations sur les travées socialistes),
alors que les trois quarts de
ses propos étaient consacrés à la branche maladie ! Certes, celle-ci elle est
importante, mais les retraites ne le sont-elles pas également ? C'est demain
que va se poser le problème des retraites. Si des mesures ne sont pas prises
immédiatement, ce sont évidemment nos concitoyens qui en souffriront.
De concertation en concertation, le Gouvernement essaie surtout de gagner du
temps ; c'est le sentiment qu'il donne. S'agit-il de nier l'évidence ?
S'agit-il d'une incapacité à imposer la réforme à sa majorité plurielle ou d'un
refus d'assumer les risques politiques de décisions difficiles et pourtant
indispensables, qui, pour certains, auront inévitablement un caractère
impopulaire ?
Il faut tout de même rappeler que ce sont les gouvernements de MM. Balladur et
Juppé qui avaient engagé des réformes courageuses ; celui de M. Jospin, pour sa
part, a décidé d'attendre 2000 pour faire part de ses « orientations », fuyant
ainsi, je le dis, ses responsabilités.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Oh !
M. Jean Chérioux.
Et surtout l'impopularité !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Il y a pourtant urgence. Le Président de la République l'a
lui-même solennellement rappelé à deux reprises, le 31 mai et le 10 septembre
derniers. Estimant que la question de l'avenir des retraites était « une
priorité », le Président de la République a ainsi rappelé que l'échéance de
2006 était maintenant très proche et qu'il convenait par conséquent d'agir
rapidement.
Ces propos contrastent avec l'apparente insouciance du Premier ministre qui
répétait, dans un entretien accordé au
Parisien
du 29 avril : « La
précipitation serait une erreur... Nous avons le temps. »
M. Jean Chérioux.
Oh oui !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Comme le souligne pertinemment M. Charpin, chargé d'une
révision sur ce sujet, « si l'on décide de ponctionner les revenus des actifs
pour rééquilibrer financièrement le système, sans faire de capitalisation, il
n'y a aucune nécessité de le faire aujourd'hui ».
Evidemment, si c'est cela, on peut attendre !
« En clair » - poursuit M. Charpin - « si l'on veut atteindre l'équilibre
financier par une hausse des cotisations, il suffit de commencer en 2005. »
Est-ce ce que veut le Gouvernement ! Mais qu'il le dise clairement !
En revanche, et je cite toujours M. Charpin, « si l'on décide d'agir
autrement, » - c'est-à-dire si le Gouvernement veut vraiment agir autrement - «
il faut démarrer tout de suite ». Il ne faut donc pas attendre l'an 2000 ! « Si
l'on veut constituer un complément au financement du régime par répartition, en
accumulant du capital dans un fonds de réserve, il faut prendre de l'avance par
rapport à la dégradation des comptes. Et si l'on veut jouer sur l'âge de la
retraite, il faut que l'ajustement soit étalé sur une très longue période pour
préserver l'équité entre les générations. »
M. Guy Fischer.
C'est suspect !
M. Jean Chérioux.
Il faut vingt-cinq ans pour faire de la capitalisation !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Personne ne peut contester cette réalité. En repoussant
indéfiniment des décisions indispensables, le Gouvernement fait en réalité un
choix implicite : celui de la hausse future des cotisations.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Non !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Chaque année de perdue, ce sont des augmentations de
cotisations supplémentaires pour les actifs.
M. Guy Fischer.
Des cotisations patronales !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
A moins que vous ne vous laissiez séduire par les fonds de
pension,...
M. Guy Fischer.
Surtout pas !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... dont vous reportez toujours la mise en oeuvre.
M. Jean Chérioux.
A cause de la majorité plurielle !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous avez raison de le dire, monsieur Chérioux.
M. le président.
Il vous faut conclure, monsieur Vasselle.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je conclus, monsieur le président.
Deux réformes paraissent dès à présent particulièrement indispensables : la
réforme des régimes spéciaux de retraite et l'introduction d'un complément de
retraite par capitalisation.
Le rapport Charpin a confirmé de manière irréfutable que les perspectives
financières des régimes spéciaux ne sont pas plus favorables que celles du
régime des salariés. On parle toujours de la réforme des régimes spéciaux, mais
rien ne se passe non plus !
Il a également montré que ces régimes, dont l'équilibre est assuré par une
contribution massive de l'employeur sous forme d'une subvention d'équilibre ou
d'une « contribution fictive », sont en réalité plus avantageux que les régimes
des salariés du secteur privé.
Dans les prochaines années, les écarts vont encore s'accroître entre les
assurés des régimes spéciaux et les assurés des régimes qui ont déjà connu des
réformes, au détriment de ces derniers. Ce phénomène n'est pas acceptable.
Dans un souci d'équité et afin de limiter les déséquilibres futurs des régimes
spéciaux, il apparaît nécessaire d'aligner progressivement la durée de
cotisation exigée sur celle qui est en vigueur dans le régime général, soit
quarante années de cotisation à partir de 2003.
S'agissant de l'introduction d'un complément de retraite par capitalisation,
je rappellerai que les conclusions de la commission des affaires sociales sur
les propositions de loi de nos collègues Charles Descours et Jean Arthuis
visant à permettre aux 14 millions de salariés relevant du régime général de se
constituer un complément de retraite par capitalisation ont été adoptées par le
Sénat, le 14 octobre dernier.
Face à l'inertie gouvernementale, il était devenu temps d'agir, et je félicite
par conséquent nos deux collègues d'avoir pris cette initiative.
Monsieur le président, je vous prie d'excuser la longueur de mon propos, mais
l'enjeu est tel qu'un long développement...
M. Claude Domeizel.
Compliqué !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... était nécessaire.
Mes chers collègues, sous réserve de ces observations et des amendements que
je vous proposerai avec mes collègues Charles Descours et Jacques Machet, au
nom de la commission des affaires sociales, je vous demanderai d'adopter le
projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 pour ses
dispositions relatives à l'assurance vieillesse.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Machet, rapporteur.
M. Jacques Machet,
rapporteur de la commission des affaires sociales, pour la famille.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les
perspectives de la branche famille pour l'année 2000 devraient constituer un
motif de satisfaction : le retour à une situation structurellement excédentaire
permet en effet d'envisager l'avenir avec confiance et d'afficher de nouvelles
ambitions pour la famille.
C'est pourtant, madame la secrétaire d'Etat, un sentiment de déception et
d'inquiétude qui l'emporte, car cette situation favorable ne profitera en rien
aux familles, ni à celles d'aujourd'hui ni à celles de demain.
Renouant avec des pratiques que l'on croyait pourtant révolues et bafouant le
principe de la séparation des branches de la sécurité sociale, le Gouvernement
confisque à la branche famille ses excédents et affecte une partie de ses
ressources, en apparence, au financement du fonds de réserve pour les retraites
et, en réalité, au financement des trente-cinq heures.
Dès lors, les moyens consacrés à des mesures nouvelles en faveur des familles
apparaissent fatalement limités et trahissent le manque d'ambition qui
caractérise la politique familiale menée par le Gouvernement.
Dans ces conditions, comment ne pas être sceptique devant le projet du
Gouvernement de favoriser un « renouveau de la politique familiale » ?
L'heure semble être plutôt au « recyclage » des excédents de la branche
famille qu'à la nécessaire relance de notre politique familiale, que le Sénat
appelle pourtant de ses voeux.
Pour sa part, la Haute Assemblée a souhaité rappeler solennellement, à
l'occasion de l'examen en juin dernier d'une proposition de loi relative à la
famille déposée par les quatre présidents de groupe de la majorité sénatoriale,
MM. Jean Arthuis, Guy Cabanel, Henri de Raincourt et Josselin de Rohan, tout
l'attachement qu'elle portait à une politique familiale ambitieuse, à même de
préserver la cohésion sociale et le dynamisme de notre pays.
La branche famille constituera en 2000 un instrument de débudgétisation.
Après avoir été longtemps excédentaire, cette branche connaissait depuis 1994
des déficits importants : 18,5 milliards de francs en 1994, 38,9 milliards de
francs en 1995, 9,7 milliards de francs en 1996, 14 milliards de francs en 1997
et, finalement, 1,9 milliard de francs en 1998.
En revanche, les comptes prévisionnels font apparaître une nette amélioration
en 1999 du solde de la branche, qui s'établirait finalement à 3,3 milliards de
francs d'excédents. En 2000, la situation de la branche famille sera bien
meilleure que ce que fait apparaître la présentation des comptes choisie par le
Gouvernement.
Quelle est la présentation du Gouvernement ?
Le compte tendanciel de la sécurité sociale ferait apparaître en 2000 des
recettes de 268,2 milliards de francs et des dépenses de 265,6 milliards de
francs, dégageant un excédent de 2,5 milliards de francs. Cet excédent serait
amené à 1,4 milliard de francs après les différentes mesures nouvelles
annoncées par le Gouvernement en faveur de la famille et dont l'impact, au
total, est estimé à 1,1 milliard de francs.
Cette présentation des comptes est largement biaisée : elle ne reflète en rien
la situation de la branche famille.
Le compte tendanciel présenté par le Gouvernement tient en effet compte d'un
certain nombre d'hypothèses dont certaines sont déjà erronées.
(M. le
rapporteur s'interrompt.)
M. le président.
Mon cher collègue, je vous suggère de vous reposer un peu.
M. Jacques Machet,
rapporteur.
Je vais poursuivre.
M. le président.
Mais non, monsieur le rapporteur.
(M. le rapporteur est alors pris d'un
malaise ; il quitte la tribune, soutenu par les huissiers.)
Madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous allons laisser M.
Machet se reposer et, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, demander à M. le
président de la commission des affaires sociales de nous présenter la fin du
rapport.
Acceptez-vous, monsieur le président de la commission, de suppléer notre
collègue ?
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Tout à fait, monsieur
le président, quitte à lasser quelque peu mes collègues, puisque je reprendrai
la parole tout à l'heure en mon nom personnel. En tout cas, j'espère que M.
Machet va se rétablir rapidement.
M. le président.
Vous avez donc la parole, mon cher collègue.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales, en remplacement de M.
Jacques Machet, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour la
branche famille.
Je reprends donc le propos de M. Machet, là où il l'a
arrêté.
La présentation des comptes est largement biaisée, disait-il : elle ne reflète
en rien la situation de la branche famille.
Le compte tendanciel, présenté par le Gouvernement prend en considération un
certain nombre d'hypothèses, dont certaines sont déjà erronées, qui affectent
de manière très significative les comptes de la branche, à la fois en recettes
et en dépenses. Elles intègrent ainsi : d'une part, la prise en compte, dans la
limite de 2,5 milliards de francs, à titre provisionnel, d'une majoration de
l'allocation de rentrée scolaire à la charge de la CNAF - la Caisse nationale
des allocations familiales ; d'autre part, la prise en compte, à titre
provisionnel, d'une contribution de 1,010 milliard de francs de la branche
famille au financement de la réduction du temps de travail.
Si l'on souhaite avoir une idée de la situation de la branche famille plus
conforme à la réalité, il convient par conséquent de soustraire ces sommes des
dépenses de la branche.
On obtient alors un total de dépenses « spontanées », c'est-à-dire avant toute
mesure nouvelle décidée par le Gouvernement, de 262,1 milliards de francs,
soit, pour un montant de recettes inchangé, un solde excédentaire de 6
milliards de francs.
La branche famille serait donc - je le répète - spontanément excédentaire de 6
milliards de francs en 2000.
La présentation choisie par le Gouvernement poursuit en réalité un double
objectif : d'une part, dissimuler l'ampleur de l'excédent que connaît la
branche ; d'autre part, minorer l'impact de la dégradation des comptes
imputable aux mesures décidées par le Gouvernement.
Si l'excédent spontané de la branche famille s'élève à plus de 6 milliards de
francs, l'excédent prévisionnel après le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000 ne s'élève plus qu'à 1,4 milliard de francs.
Cette dégradation de 4,6 milliards de francs du solde de la branche ne se
traduit en réalité que par 1,1 milliard de francs de mesures nouvelles en
faveur des familles, le solde restant, soit 3,5 milliards de francs, provenant
des décisions du Gouvernement de diminuer le montant des ressources affectées à
la branche et de lui imposer la prise en charge progressive de la majoration de
l'allocation de rentrée scolaire, auparavant financée par le budget de
l'Etat.
Chacun se souvient que le Gouvernement avait prévu initialement un prélèvement
de 5,5 milliards de francs sur les différentes branches de la sécurité sociale
afin de financer la réduction du temps de travail.
Contraint de reculer sur cette mesure, le Gouvernement n'a pas pour autant
renoncé à ponctionner le régime général.
Il a en effet décidé de diminuer les ressources affectées aux différentes
branches de 5,5 milliards de francs pour alimenter le fonds de réserve pour les
retraites.
De ce fait, la contribution des organismes de sécurité sociale est maintenue ;
elle devient désormais indirecte.
Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement
prévoit ainsi de diminuer de 22 % à 13 % la part du prélèvement social de 2 %
sur les revenus du patrimoine dont bénéficiait la branche famille.
La perte de recettes ainsi engendrée se révèle équivalente à la somme qui
devait être prélevée sur la branche famille pour financer la réduction du temps
de travail, soit 1 milliard de francs.
La branche famille sera donc toujours ponctionnée de 1 milliard de francs.
Elle finançait les trente-cinq heures, elle finance désormais le fonds de
réserve pour les retraites !
En réalité, elle continue à financer indirectement les trente-cinq heures. En
effet, la contribution du régime général au fonds de réserve est justifiée par
l'affectation au financement des trente-cinq heures d'une partie des droits sur
les alcools, qui constituait une recette du fonds de solidarité vieillesse.
Se voyant privé d'une recette importante, ce fonds de solidarité vieillesse ne
pourra plus alimenter le fonds de réserve pour les retraites. C'est donc au
régime général qu'incombera désormais cette charge. La boucle est bouclée !
En outre, la branche famille devra désormais prendre en charge de manière
progressive la majoration de l'allocation de rentrée scolaire. Les modalités de
cette prise en charge progressive ne sont pas connues : tout juste sait-on
qu'elle se fera à hauteur de 2,5 milliards de francs en 2000.
En contrepartie, la prise en charge par l'Etat du fonds d'action sociale des
travailleurs immigrés et de leurs familles, si elle a effectivement lieu, ne
déchargerait la branche famille que de 1 milliard de francs par an. Le coût net
pour la branche de cette opération est donc au moins de 1,5 milliard de francs
en 2000.
Le Gouvernement a beau jeu de présenter cette mesure comme un progrès pour les
familles. En réalité, l'allocation de rentrée scolaire était déjà
de
facto
pérennisée au niveau de 1 600 francs depuis 1997.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Non, elle n'était pas pérennisée !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Elle l'était de fait puisqu'elle était renouvelée tous les
ans !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Elle était de 400 francs.
M. Jean Delaneau.
président de la commission des affaires sociales.
Pour l'an 2000, le
chiffre est le même que celui de 1999, nous sommes bien d'accord.
M. Charles Descours,
rapporteur.
C'est l'ACOSS qui fait le financier pour l'Etat !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Cette prétendue
pérennisation de l'allocation de rentrée scolaire n'apportera donc rien de plus
aux familles. Elle constitue surtout le prétexte d'une opération massive de
débudgétisation, aux dépens de la branche famille. L'Etat se décharge ainsi sur
la sécurité sociale d'une dépense qu'il a lui-même créée.
Votre rapporteur observe qu'il est toujours facile, pour l'Etat, de faire le
généreux avec l'argent de la sécurité sociale !
Au total, les mesures nouvelles dont bénéficieront effectivement des familles
se limitent : au « coup de pouce » de 0,3 % accordé en matière de
revalorisation des prestations familiales ; au relèvement de vingt à vingt et
un ans de l'âge limite d'ouverture du droit au complément familial et aux aides
au logement ; à l'augmentation de 250 millions de francs des moyens du fonds
d'action sociale de la CNAF.
Outre qu'elles affectent l'équilibre de la branche famille en 2000, les
décisions du Gouvernement ont également pour effet de priver cette branche du
bénéfice de ses excédents futurs.
En annonçant ainsi la prise en charge de la majoration de l'allocation de
rentrée scolaire par la branche famille, le Gouvernement accroît à terme de 7
milliards de francs par an les dépenses de cette branche et pré-affecte les
excédents qu'elle pourrait connaître à l'avenir.
En outre, la prise en charge, pourtant promise en juillet dernier, du fonds
d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles, le FASTIF,
par l'Etat, ne trouve sa traduction dans aucun document législatif ou
budgétaire. Je m'étonne ainsi que cette mesure, dont le coût pour le budget de
l'Etat sera de 1 milliard de francs par an, ne figure pas dans le projet de loi
de finances pour 2000.
Si, par aventure, la branche famille parvenait à dégager un nouvel excédent
après le financement de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, le
Gouvernement pourrait alors très aisément, comme il vient de le faire à
l'occasion de ce projet de loi, modifier les règles d'affectation du
prélèvement de 2 % sur les revenus de placement pour diminuer, voire supprimer,
la part dont bénéficie la branche famille.
L'avenir de la branche famille est désormais tout tracé : elle financera,
selon le choix du Gouvernement, la majoration de l'allocation de rentrée
scolaire ou,
via
le fonds de réserve pour les retraites, les trente-cinq
heures.
La nouvelle garantie de ressources pour la branche famille instituée par
l'article 9 du projet de loi paraît, dans ces conditions, très illusoire. On
peut en effet se demander quelle peut être l'utilité réelle d'une garantie de
ressources si l'on multiplie parallèlement les ponctions sur la branche famille
sous la forme de dépenses nouvelles, telle la prise en charge de la majoration
de l'allocation de rentrée scolaire.
La branche famille se retrouve une nouvelle fois victime des décisions du
Gouvernement. Lorsqu'elle est en déficit, ce dernier prend prétexte de cette
situation pour imposer des mesures drastiques pénalisant les familles ;
lorsqu'elle est en excédent, on la prive du bénéfice de cet excédent, sans pour
autant revenir sur les mesures décidées.
En limitant artificiellement l'excédent affiché de la branche famille, le
Gouvernement rend impossible le nécessaire débat sur l'affectation de ces
excédents. Quatre options peuvent en effet être envisagées et méritent d'être
débattues : premièrement, l'accroissement des dépenses en faveur des familles
par la création de nouvelles prestations familiales ou l'assouplissement des
conditions d'obtention de prestations existantes ; deuxièmement, la baisse des
cotisations familiales à la charge des employeurs ou de la CSG famille ;
troisièmement, le remboursement des dettes accumulées au titre de la branche «
dettes » qui sont reprises par la caisse d'amortissement de la dette sociale,
la CADES ; enfin, quatrièmement, la mise en réserve de ces excédents, afin de
faire face à une dégradation ultérieure de la situation de la branche
famille.
Il n'appartient pas à votre rapporteur de trancher aujourd'hui entre ces
différentes options. A tout le moins, la prudence et le respect de l'autonomie
des branches voudraient que ces excédents soient, dans un premier temps,
affectés en réserve de la branche famille.
Malgré leur caractère indéniablement positif, les quelques mesures favorables
aux familles qui ont été évoquées ne traduisent aucun engagement politique
fort. La juxtaposition de simples mesures techniques d'aménagement, de
consolidation, d'ouvertures de chantiers ne saurait constituer une politique
familiale ambitieuse.
En outre, soucieux de faire disparaître un article dont la portée symbolique
est évidente, le Gouvernement profite de ce projet de loi pour abroger
l'article 22 de la loi relative à la famille de 1994 ; il renonce ainsi à
l'objectif de relèvement progressif jusqu'à vingt-deux ans de l'âge limite
d'ouverture du droit à l'ensemble des prestations familiales.
M. Jean Chérioux.
Qui est pourtant demandé par les associations familiales !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Eh oui ! mais elles ne
sont pas forcément écoutées !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Oh si !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
La politique familiale
que mène le Gouvernement se caractérise, à l'évidence, par son absence
d'ambition.
Considérant que la famille est un lieu d'amour, d'épanouissement personnel et
de solidarité, votre rapporteur partage la conviction exprimée par le Président
de la République lors de la remise de la médaille de la famille française au
Palais de l'Elysée le 31 mai dernier : « Notre société, pour le xxie siècle,
aura plus que jamais besoin de la famille, une famille forte et reconnue, une
famille capable de remplir pleinement sa fonction irremplaçable auprès de
l'individu. »
Le Président de la République a souhaité à cette occasion « que la France se
dote d'une nouvelle ambition familiale, qu'elle redonne souffle et vigueur à sa
politique de la famille, une politique qui doit se traduire non par une
redistribution entre familles, mais par un accroissement régulier des
ressources que la nation leur consacre. »
Votre rapporteur considère, pour sa part, que toute politique familiale
suppose d'investir dans la durée. Elle doit reposer sur cinq valeurs
permanentes : en premier lieu, la simplicité ; en deuxième lieu, la neutralité
vis-à-vis des choix des familles en termes, notamment, de logement,
d'éducation, de travail ou non des deux parents ; en troisième lieu, la
responsabilité : une politique familiale doit aider les familles - chaque
famille - à assumer son rôle, soutenir celles d'entre elles qui sont les plus
fragiles et veiller à leur bonne intégration dans la vie de la cité ; en
quatrième lieu, l'universalité : une politique familiale doit être ouverte à
toutes les familles, avec une attention particulière aux plus modestes d'entre
elles, et non pas se résumer à cette seule et dernière hypothèse ; enfin, en
cinquième lieu, l'équité dans la prise en charge des coûts de l'enfant sur le
cycle de vie familiale.
La définition de notre politique familiale doit prendre en compte trois
exigences : tout d'abord, l'exigence des nouvelles aspirations des femmes ;
ensuite, l'exigence démographique - notre pays n'assure pas aujourd'hui le
renouvellement des générations ; enfin, l'exigence de l'éducation des enfants.
A cet égard, il est urgent de revaloriser le rôle des pères en les incitant,
par des mesures législatives favorables, à exercer encore davantage leur
fonction éducative au sein de la famille. Votre rapporteur souhaite également
que soit pleinement reconnu, à cette occasion le rôle essentiel que jouent très
souvent les grands-parents au sein de la famille.
Sous réserve de ces observations et des amendements que je vous proposerai, je
vous demande d'adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 2000 pour ses dispositions relatives à la famille.
M. le président.
Monsieur le président de la commission, je vous remercie de nous avoir
présenté la fin de ce rapport. Quant à votre propre intervention, elle
interviendra après que M. Oudin aura présenté son rapport pour avis, au nom de
la commission des finances.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame la
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la loi de financement de la sécurité
sociale constitue le moment privilégié où le Parlement peut étudier les
différents comptes sociaux, évaluer l'état des réformes entreprises par les
gouvernements successifs dans le domaine des politiques sociales et décider
d'un certain nombre de mesures d'ajustement aux conséquences financières
lourdes pour la sécurité sociale.
Or, sur aucun de ces sujets, le projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 2000 n'offre de perspective satisfaisante.
Premièrement, s'agissant des comptes, ceux-ci sont brouillés par des
présentations trompeuses et des astuces techniques.
Deuxièmement, pour ce qui est des finances sociales, celles-ci se mêlent
tellement avec les finances de l'Etat que personne ne semble plus en avoir une
vision cohérente.
Troisièmement, en ce qui concerne les politiques sociales, celles-ci ne sont
qu'annoncées et elles n'apparaissent pas à la hauteur des enjeux ; les
rapporteurs qui se sont succédé l'ont bien souligné.
Enfin, quatrièmement, s'agissant des réformes d'ampleur, la seule qui nous est
proposée n'a pas sa place dans la loi de financement : il s'agit du financement
inadapté d'une mesure incohérente. Je fais allusion, bien entendu, aux
trente-cinq heures.
Bref, l'exercice pour 2000 est non seulement peu sincère, mais il n'engage
aucune des mesures urgentes qu'attendent nos concitoyens.
Dans ce cadre, la commission des finances a souhaité faire porter sa réflexion
sur trois grands thèmes : d'abord, la place des finances sociales dans les
finances publiques ; ensuite, l'erreur du financement des trente-cinq heures ;
enfin, l'absence de toute décision majeure en matière de politiques
sociales.
Les finances sociales dégradent l'ensemble des finances publiques. Cette
dynamique forte des finances sociales peut se lire de trois manières : les
recettes et les dépenses, toujours croissantes ; les liens entre les projets de
loi de finances et de financement ; la non-sincérité des comptes.
Je tiens tout d'abord à réfuter toute approche par le solde, madame la
secrétaire d'Etat. Il est trop facile de dire qu'il y aura 2 milliards de
francs d'excédent ! Il n'est pas difficile d'améliorer un solde quand les
recettes augmentent plus vite que les dépenses grâce à la croissance économique
- celle-ci a généré 190 milliards de francs supplémentaires depuis 1997 - et
aux hausses de prélèvements sociaux : elles représentent, depuis deux ans, 50
milliards de francs.
Il n'y aura pas de redressement durable et profond des comptes sociaux tant
que les dépenses ne seront pas maîtrisées et qu'il subsistera une dette aussi
importante dans la CADES : 227 milliards de francs, mes chers collègues !
Alors, on peut parler d'excédent, mais lorsqu'on voit ce qui a été mis en
réserve à la CADES, cela donne à réfléchir !
L'analyse des recettes de la protection sociale montre le poids des
prélèvements obligatoires sociaux à la fois dans l'ensemble de l'activité
nationale - 21,3 % du produit intérieur brut - dans l'ensemble des prélèvements
obligatoires - 42 % du total - et par rapport aux autres pays européens. A
titre d'exemple, les prélèvements sociaux des pays européens représentent, en
moyenne, près de 10 % du PIB, soit moitié moins, et 30 % de l'ensemble des
prélèvements, soit dix points de moins.
Or la tendance en matière de prélèvements sociaux est à la hausse. Depuis
1997, et uniquement dans le domaine social, pas moins de douze impositions et
taxes sociales ont été soit créées, soit élargies. Je citerai seulement celles
qui figurent dans le présent projet de loi de financement, à savoir la taxe
générale sur les activités polluantes, la TGAP, la taxation des heures
supplémentaires et la cotisation sociale sur les bénéfices ; je vous épargnerai
l'énoncé des neuf autres.
Bref, les recettes du régime général ne cessent d'augmenter. Elles ont
bénéficié à la fois de la hausse de la base grâce à la croissance économique et
des augmentations de prélèvements que je viens de mentionner.
Est-ce à dire que cette conjoncture sans précédent a été utilisée pour freiner
les dépenses et amorcer les réformes de structures permises par les instruments
mis en place, notamment, par les ordonnances du gouvernement Juppé ? Absolument
pas ! Les dépenses du régime général ont augmenté de plus de 3 % par an depuis
1997 - certains s'en félicitent, d'autres craignent des répercussions à long
terme - sans aucune réforme profonde ni de l'assurance maladie, ni de l'hôpital
public, ni des retraites, ni de la politique familiale ; on vient de l'entendre
abondamment.
La croissance n'a servi qu'à alimenter un système par nature inflationniste de
dépenses, sans les adapter à l'évolution des besoins et, bien entendu, sans en
profiter pour réduire l'endettement de la sécurité sociale ou même diminuer les
prélèvements. Le Gouvernement portera une lourde responsabilité, madame la
secrétaire d'Etat, celle d'avoir laissé passer ce moment exceptionnel et unique
où des recettes supplémentaires permettaient d'engager des réformes
importantes.
Cette politique qui consiste à profiter des recettes pour augmenter les
dépenses hypothèque gravement l'avenir. Les dépenses ainsi créées ont un
caractère rigide, alors que les recettes qui les couvrent ont un caractère à la
fois fluctuant et exceptionnel. Un retournement risque donc d'emporter les
finances sociales dans des voies inconnues, mais de toute façon
déséquilibrées.
Sans maîtrise des dépenses et des prélèvements, il n'y aura jamais d'équilibre
significatif du solde de la protection sociale.
Les finances sociales ont également des répercussions directes sur les
finances publiques par le biais des liens étroits qu'entretiennent les projets
de loi de finances et de financement. Ces imbrications ont deux conséquences :
la première, c'est qu'il est impossible, à l'heure actuelle, et c'est fâcheux,
de disposer d'une vision globale et cohérente des finances publiques ; la
seconde, c'est qu'aucun des deux textes n'est sincère puisque chacun est
influencé par l'autre sans être coordonné avec lui. Je crois que vous avez bien
compris la démonstration !
L'ampleur des liens peut se mesurer aux dispositions nécessaires à
l'application du passage aux trente-cinq heures. Les 65 milliards de francs de
recettes budgétaires, dont 45 milliards de francs proviennent directement du
budget de l'Etat, ne permettent pas de financer complètement cette mesure. Elle
peut aussi se lire dans la masse des incertitudes qui pèsent sur le budget
général par le biais des subventions d'équilibre, comme celle qui est mise en
place pour la CMU, et des mécanismes à guichets ouverts - nous aurons
l'occasion d'y revenir - comme le RMI.
D'autres éléments illustrent également à la fois ces liens et cette absence de
sincérité. C'est notamment le cas - on vient de le dire - pour la majoration de
l'allocation de rentrée scolaire. Sa non-figuration dans la loi de finances
initiale, alors que sa pérennisation a été décidée par le Premier ministre,
altère gravement la sincérité de la loi de finances et fait peser une lourde
incertitude sur les comptes de la branche famille, comme vient de le souligner
M. le rapporteur.
Tout cela montre bien la nécessité de disposer d'une lecture consolidée des
finances publiques et des comptes publics. La commission des finances estime
qu'il convient de s'engager sur ce chantier, énorme mais urgent.
Les aménagements sont tout autant nécessaires s'agissant de la fiabilité des
comptes de la sécurité sociale. Vos comptes ne sont pas fiables, madame la
secrétaire d'Etat, et aucun commissaire aux comptes ne vous les certifierait
dans une entreprise.
En effet, qui accepterait de signer des comptes établis selon deux méthodes
différentes, celle de la comptabilité de caisse, que vous retenez, et celle de
la comptabilité en droits constatés, que les organismes sociaux retiennent ? La
différence n'est pas mince : elle porte sur 8 milliards de francs, soit le
quadruple de l'excédent prévisionnel du régime général, dont on se gausse.
De même, qui accepterait de signer des comptes qui imputent des dépenses de
l'exercice à venir, mais pas toutes les dépenses ?
Vous nous présentez, madame la secrétaire d'Etat, un excédent de 6 milliards
de francs pour le régime général, ramené à 2 milliards de francs après la loi
de financement. Cette présentation fait cependant l'impasse sur deux mesures
que vous avez intégrées dans les comptes pour ne pas les faire trop ressortir :
il s'agit des 5,6 milliards de francs prélevés pour financer les trente-cinq
heures et des 2,5 milliards de francs imputés pour la majoration de
l'allocation de rentrée scolaire. En réalité, vous aviez un excédent de 14
milliards de francs que vous grevez par 12 milliards de francs de dépenses
nouvelles, au lieu de désendetter la sécurité sociale ou de baisser la pression
fiscale.
Cette même logique d'occultation est à l'oeuvre ave l'ONDAM, l'objectif
national de dépenses d'assurance maladie, dont le « rebasage » - je n'aime pas
ce vocable, mais c'est celui que vous utilisez - n'a d'autre objectif que de
passer l'éponge comptable sur près de 13 milliards de francs de dépassement.
Dans ce cadre dégradé et peu fiable, l'introduction dans le projet de loi des
trente-cinq heures, dispositif dont le mode de financement n'est pas
complètement assuré, vient à la fois écarter le débat des vrais enjeux et
éclairer d'une lumière particulièrement forte les incohérences financières de
votre politique.
Dans ses articles 2, 3 et 4, le projet de loi prévoit une véritable « usine à
gaz » destinée à financer le passage aux trente-cinq heures. Après avoir
débudgétisé cette mesure par le biais d'un fonds dont on espère qu'il sera mis
en place plus rapidement que le fonds de réserve pour les retraites, vous avez
recours à pas moins de cinq prélèvements obligatoires, dont trois nouveaux, et
à une subvention de l'Etat.
Les prélèvements nouveaux ont un lien plutôt lointain avec les trente-cinq
heures : droits sur les tabacs, droits sur les alcools, taxe générale sur les
activités polluantes, cotisation sociale sur les bénéfices des entreprises et
taxe sur les heures supplémentaires réalisées par les salariés des entreprises
dépourvues des trente-cinq heures. Enfin, l'Etat verse une subvention sur son
budget.
Au total, mis à part 2 ou 3 milliards de francs, ce qui représente déjà une
incertitude coûteuse, les 65 milliards de francs destinés au financement des
trente-cinq heures seront trouvés en l'an 2000.
En 2001, les choses se compliquent. La taxation des heures supplémentaires
disparaissant et les dépenses augmentant d'au moins 40 milliards de francs, ce
sont près de 50 milliards de francs supplémentaires qu'il s'agira de trouver.
Or le texte est muet sur ce point ; mais je vous donne rendez-vous l'année
prochaine pour que nous examinions ensemble le quadruplement de la TGAP et de
la cotisation sur le bénéfice des sociétés, le doublement du prélèvement sur le
fonds de réserve pour les retraites, la réinstauration d'une contribution
directe des régimes sociaux ainsi que le doublement de la subvention de l'Etat.
Et même avec tout cela, le compte n'y sera pas. Il manquera en effet 20
milliards de francs sur les 105 milliards de francs nécessaires.
Ainsi, indirectement, la sécurité sociale, la couverture maladie universelle
et le fonds de réserve pour les retraites contribuent à financer les
trente-cinq heures, ce qui révèle les incohérences fortes de votre politique,
madame la secrétaire d'Etat. Chacun perd des recettes au passage. Vous avez en
effet remplacé, dans les conditions que l'on sait et que Mme la ministre a
relevées tout à l'heure, le prélèvement provisionnel sur les caisses inscrit
dans les comptes présentés à la commission des comptes, à laquelle j'ai
participé, sous la forme de dépenses nouvelles, par un prélèvement sur leurs
recettes aux conséquences en chaîne étonnantes. Je ne reprendrai pas ici la
démonstration, elle a été fort brillamment faite tout à l'heure par M.
Vasselle, et je vous épargnerai de plus amples développements sur l'attribution
de droits sur les alcools et les conséquences qui en découlent.
La mise en oeuvre des trente-cinq heures se traduit cette année par de
nouveaux prélèvements de 15 milliards de francs ; il s'agira de 30 milliards de
francs l'année prochaine. La même réforme fragilise les régimes sociaux. Elle
aura un effet insignifiant sur l'emploi, tout le monde en convient. Elle fausse
le débat sur la loi de financement en l'éloignant de son véritable objet, qui
est non pas le financement de la politique de l'emploi, mais bien celui de la
sécurité sociale, et elle prive de recettes le fonds de réserve et la CMU.
C'est pourquoi je comptais vous proposer la suppression des trois articles
relatifs aux trente-cinq heures.
Ayant constaté que la commission des affaires sociales le faisait également,
je retirerai mes amendements au profit des siens.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Très bien !
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Est-ce à dire pour autant que ce projet de loi
trace les grandes lignes de politiques sociales ambitieuses, adaptées aux
attentes actuelles de nos concitoyens et aux évolutions futures qui
concerneront l'ensemble de la société ? Aucunement !
Ce projet de loi ne reconstruit pas de système de régulation des dépenses
d'assurance maladie. Il n'entame pas la réforme des systèmes de retraite. Il
n'amorce pas une vraie politique hospitalière publique passant par l'adaptation
du format de nos hôpitaux. Il n'utilise pas les marges de manoeuvre de la
croissance pour baisser les prélèvement sociaux et désendetter la sécurité
sociale.
Bref, madame la secrétaire d'Etat, vous augmentez les prélèvements
obligatoires et les dépenses. Vous morcelez le système de régulation de
l'assurance maladie. Mais votre projet de loi est muet sur les retraites, muet
sur l'hôpital public, muet sur les réformes comptables.
J'ai déjà évoqué l'occultation comptable à laquelle procède ce texte au sujet
de l'ONDAM. Celui-ci progresserait en apparence de 2,5 %, ce qui est faux. En
réalité, il augmentera de 4,5 % ! La méthode est astucieuse et nouvelle, mais
elle n'est pas sincère. Changer de mode de calcul revient à gommer tous les
dépassements des années précédentes, c'est-à-dire à tirer un trait sur plus de
13 milliards de francs de dépenses. Au total, l'ONDAM sera passé de 599,5
milliards de francs en 1997 à plus de 658 milliards de francs en 2000.
Or il s'agit d'une question essentielle quand on sait que les dépenses de
santé sont le premier poste d'augmentation de l'ensemble de la protection
sociale. Le Gouvernement nous propose non pas de maîtriser ces dépenses mais,
au contraire, d'avaliser des dépassements très importants et de poursuivre sur
la voie de la hausse.
Parallèlement, il propose, en apparence, un nouveau système de maîtrise des
dépenses de santé qui revient à morceler chaque partie de ces dernières. Le
coeur du dispositif est constitué par les soins de ville dont la régulation
reviendrait à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs
salariés, la CNAMTS. En pratique, cela prendrait la forme d'un système
extrêmement complexe. Il sera également inefficace parce que la CNAMTS n'aura
qu'un moyen à sa disposition, les lettres clefs flottantes, bien que Mme Aubry
s'en soit défendue, ce qu'aucune profession de santé n'acceptera. Il y aura
donc l'apparence de la concertation, mais la réalité d'un système ingérable et
inefficace.
(Mme la secrétaire d'Etat fait un signe de dénégation.)
Il en va de même pour le médicament. Pour récompenser la bonne volonté des
industries pharmaceutiques, le Gouvernement rétablit une contribution
exceptionnelle sur leur chiffre d'affaires, déjà censurée par le Conseil
d'Etat, la Cour de justice des communautés européennes et le Conseil
constitutionnel, excusez du peu ! Par ailleurs, il met en place un système de
remboursement différencié qui incite les laboratoires bénéficiant d'innovations
thérapeutiques à ne pas en demander le remboursement pour demeurer libres de
leurs prix. En ne faisant pas de profondes réformes, le Gouvernement en arrive
ainsi à limiter aux plus aisés l'accès à certains médicaments nouveaux. C'est
une démarche intéressante !
Quant à l'hôpital public, il ne fait pas l'objet des réformes nécessaires. En
trois lois de financement successives sous l'actuel gouvernement, il n'y a pas
eu une seule mesure majeure concernant les hôpitaux publics. Leurs dépenses
augmenteront encore de 2,4 % en 2000. Pour quelles réformes ? Les fonds de
restructuration hospitaliers ne sont pas mis en oeuvre en raison de la parution
tardive des décrets, et ils restent sous-dotés. Les charges de personnel
absorbent 70 % de la hausse des dépenses prévues pour 2000. Comment, alors,
mener une politique de rattrapage des disparités régionales criantes que nous
constatons tous ? Quant aux prescriptions hospitalières non encadrées - vous
voyez ce dont je veux parler - elles augmentent deux fois plus vite que le
reste des dépenses de santé.
La politique du Gouvernement concernant l'assurance maladie se caractérise par
un immobilisme qui ne peut déboucher que sur plus de dépenses et de besoins non
satisfaits.
En matière de retraites, M. Alain Vasselle a tout dit de l'insuffisance
notoire du fonds de réserve pour les retraites et de l'absence totale de
décisions sur l'ensemble du système, je n'y reviendrai donc pas.
En matière de politique familiale, dont nous venons largement d'évoquer les
insuffisances, le projet de loi de financement prévoit une augmentation de
prestations sans ambition ni logique. La hausse des allocations familiales est
ainsi faite de manière arbitraire : le taux de progression retenu de 0,5 % ne
correspond ni à l'inflation ni au mécanisme instauré par la loi relative à la
famille de 1994.
Par ailleurs, il intègre une partie de la majoration de rentrée scolaire aux
dépenses de la CNAF, tandis que le projet de loi de finances est muet sur les
promesses faites par le Premier ministre à l'occasion de la conférence sur la
famille de juillet dernier.
Enfin, le projet de financement prévoit une garantie de ressources à la
branche famille d'ici à l'an 2000, au moment même où il la prive de près de 2
milliards de francs de recettes pour les trente-cinq heures !
J'aborde le dernier volet du projet de loi de financement de la sécurité
sociale : la politique de trésorerie.
Cette politique de trésorerie est tout à fait incohérente. En effet, la
sécurité sociale doit recourir à des avances à cause des retards de paiement de
l'Etat, soit 8 milliards de francs l'an passé, et du déficit cumulé non soldé
faute de procédure de loi de règlement, soit 8,5 milliards de francs à la fin
de 1999. Si l'Etat payait en temps et en heure et si le Gouvernement proposait
des mesures permettant de sanctionner les dépassements, l'Agence centrale des
organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, n'aurait besoin que d'un plafond
diminué de moitié et, surtout, aurait beaucoup moins recours dans l'année à ce
tirage.
La question de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités
locales, la CNRACL, rejoint ce problème de trésorerie : la caisse de retraite
est obligée de recourir à des avances de la Caisse des dépôts et consignations,
parce que les régimes bénéficiaires de la surcompensation lui imposent leur
propre rythme de versement des échéances. Cette question de la CNRACL rejoint
d'ailleurs l'ensemble des problèmes de notre politique sociale. Du fait de
l'absence de réforme des retraites, la CNRACL est contrainte de prélever sur
ses réserves pour verser la compensation, sans amorcer une hausse des
cotisations des salariés. Une politique de trésorerie aberrante a contraint à
emprunter quand les régimes souffrant d'un déficit démographique en ont besoin.
L'incohérence des finances publiques fait que les mesures concernant la CNRACL
en loi de finances et en loi de financement de la sécurité sociale ne se
coordonnent pas.
En conclusion, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale n'est
pas bon. Pire, il s'apparente, au vu de la croissance économique et des
possibilités de recettes, à une formidable occasion manquée. Il n'engage aucune
réforme d'avenir. Il n'amorce aucune maîtrise des dépenses.
Ayant travaillé en collaboration étroite avec la commission des affaires
sociales, je suis certain que les amendements que cette dernière vous proposera
permettront d'améliorer ce texte.
La commission des finances, quant à elle, dénonce les hausses de prélèvements,
les dérives des dépenses et l'absence de vraies politiques sociales. Elle
s'attachera dans l'avenir à vous donner la vision la plus claire et la plus
globale possible des finances publiques. Elle réfléchira aux moyens de baisser
les prélèvements obligatoires, désendetter la sécurité sociale et de stabiliser
la part collective de nos dépenses sociales.
En clair, il s'agit de dépenser mieux et non pas de dépenser toujours plus. Ce
souci devrait nous rassembler tous. Seule sa prise en compte permettra
d'inscrire véritablement nos politiques sociales dans l'avenir.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, intervenant après les trois
rapporteurs de la commission des affaires sociales et le rapporteur pour avis
de la commission des finances, je voudrais brièvement vous faire part d'une
inquiétude et renouveler une proposition.
Tout d'abord, l'inquiétude.
Le plan de redressement de la sécurité sociale présenté en 1996 reposait sur
quatre piliers, comme toute construction solide : une mise à zéro des compteurs
par la reprise de la dette de la sécurité sociale, un ajustement des recettes,
ces deux bouffées d'oxygène étant indissociables d'une maîtrise des dépenses et
d'une réforme institutionnelle profonde : la création des lois de financement
de la sécurité sociale.
Je passerai rapidement sur les trois premiers points ; M. Charles Descours a
constaté tout à l'heure que le redressement des comptes sociaux était dû non à
une véritable maîtrise des dépenses mais à l'accroissement des prélèvements
affectés à la sécurité sociale amplifié par la bonne conjoncture actuelle.
Seule, en réalité, la branche famille a fait l'objet de mesures d'économie
sous la forme d'une mise sous condition de ressources des allocations
familiales, transformée par la suite en un abaissement du quotient familial.
J'aimerais m'arrêter plus longuement sur l'avenir des lois de financement de
la sécurité sociale.
L'actuel gouvernement présente son troisième projet de loi de financement.
Autant dire, madame la secrétaire d'Etat, qu'il lui est revenu de mettre en
oeuvre cette réforme fondamentale.
Or j'ai le sentiment que le Gouvernement, aujourd'hui, ne respecte guère
l'esprit de la réforme et malmène singulièrement l'instrument dont il a
hérité.
Ainsi, quatre ans après, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie,
l'ONDAM, n'a toujours pas reçu un contenu en santé publique. Il est resté
l'agrégat comptable constitué initialement pour la première loi de financement.
Son dérapage manifeste en 1998 et en 1999, par rapport aux votes du Parlement,
est resté sans conséquences, sinon qu'il a contribué à l'institution, pour
2000, d'une sorte d'ONDAM flottant fondé - si l'on peut dire - sur la dérive
prévisionnelle des comptes de l'année en cours.
Mais, surtout, les enjeux de la protection sociale ont cessé d'être
intelligibles dans les montages financiers qui, désormais, caractérisent les
lois de financement.
La fiscalisation de la sécurité sociale, menée sans vision d'ensemble et sans
cohérence, ainsi que la multiplication des fonds spéciaux menacent l'ensemble
du dispositif.
Comment, par exemple, le contribuable peut-il se convaincre du bien-fondé des
prélèvements effectués sur les revenus de son épargne lorsqu'il constate que
l'affectation des ces prélèvements varie quasiment au jour le jour ? Qu'on en
juge : à l'origine, on l'affecte à la branche famille et à la branche
vieillesse, puis, en juillet 1999, à la branche maladie pour financer la
couverture maladie universelle, enfin, soudainement, fin octobre, au fonds de
réserve pour les retraites.
Affecter les droits sur les tabacs et les alcools à l'assurance maladie se
comprend dans une logique de santé publique. Les affecter au financement de la
réduction du temps de travail dépasse la raison, surtout lorsque cette mesure
est présentée comme l'élément d'une réforme d'ampleur de l'assiette des
cotisations patronales.
A quel moment aura-t-on expliqué aux contribuables la logique qui préside à
ces affectations ? Jamais, car il n'y a pas de logique, mais il y a des
urgences financières successives et aujourd'hui, alors que la sécurité sociale
engrange chaque année plus de 50 milliards de francs de recettes
supplémentaires, un goût malsain pour la plomberie qui consiste à « pomper »
ici, à « dériver » là et à multiplier les transferts dans l'opacité.
Nous sommes aujourd'hui en présence de trois questions fondamentales que les
rapporteurs de la commission des affaires sociales ont bien posées.
Comment, d'abord, maîtriser les dépenses d'assurance maladie, non seulement
pour obtenir un retour à l'équilibre, mais encore pour apurer la dette qui se
reconstitue depuis 1998 et pour disposer d'une marge de manoeuvre en vue de
temps conjoncturellement plus difficiles qu'aujourd'hui ?
Comment, ensuite, préparer la branche vieillesse à la crise financière qu'elle
affrontera du fait du choc démographique annoncé ?
Comment, enfin, utiliser au mieux les excédents de la branche famille s'ils se
révèlent durables ?
Quelles réponses le Gouvernement apporte-t-il à ces questions ?
La première réponse passe par la constitution d'un fonds de réserve pour les
retraites dont la mission, comme M. Vasselle l'a excellement dit, reste
indéterminée dès lors que le Gouvernement n'a toujours pas engagé la réforme
indispensable des régimes de retraite.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
C'est pour prévoir !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande à voir ! Les
recettes de ce fonds sont aspirées dès la deuxième année par un système de
vases communicants : ses sources,
via
le fonds de solidarité vieillesse,
se tarissent dès lors que le droit sur les alcools est affecté aux trente-cinq
heures et une part de la C3S au BAPSA. Elles se reconstituent toutefois
partiellement grâce à un prélèvement sur les recettes des trois branches de la
sécurité sociale.
Pourquoi la branche famille et la branche maladie devraient-elles financer le
fonds de réserve pour les retraites ?
Vous savez, madame la secrétaire d'Etat, que cette question reste sans réponse
car ces deux branches financent en réalité indirectement les trente-cinq
heures. Tel est en effet le grief dont notre projet de loi peut faire l'objet :
pour l'analyser, il faut, en permanence, alterner les « en apparence » et les «
en réalité ».
Pourquoi les excédents de la branche vieillesse sont-ils affectés à ce fonds ?
Pourquoi cette branche ne conserverait-elle pas ses excédents en attendant que
le Gouvernement clarifie sa position sur l'avenir des retraites et dise
clairement comment il compte répartir les efforts ?
La deuxième réponse du Gouvernement consiste à ponctionner les excédents de la
branche famille. Elle financera donc, « en apparence », le fonds de réserve
pour les retraites ; elle prendra également à sa charge progressivement le
financement de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, soit 7
milliards de francs. Le Gouvernement trouve là une réponse « simple et durable
» - si l'on peut dire ! - aux excédents de la branche famille, sans que la
situation des familles en soit naturellement améliorée de quelque façon que ce
soit.
Enfin, troisième réponse du Gouvernement à une question qui, cette fois, ne
lui était pas posée : vous ne renoncez pas, madame la secrétaire d'Etat, à
prélever sur la sécurité sociale de quoi financer les trente-cinq heures. Votre
système est simplement plus compliqué que l'imposition que vous aviez envisagée
dans le projet initial.
En réalité, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000
est tout, sauf l'occasion de débattre clairement devant le Parlement des enjeux
financiers de la protection sociale, qui sont pourtant la raison d'être des
lois des financement. L'évolution à laquelle nous assistons aujourd'hui me
semble très inquiétante.
Je tiens maintenant à renouveler la proposition que j'avais déjà formulée lors
du débat d'orientation budgétaire de juin dernier : il s'agit d'organiser un
véritable - et nécessaire - débat d'orientation sur les finances publiques, au
sens large, en amont des projets de loi de finances et de financement de la
sécurité sociale, débat qui serait également l'occasion de faire le point à
mi-parcours sur l'exécution de ces deux lois.
Jamais ces deux textes financiers n'auront été autant imbriqués que cette
année. J'en citerai quelques exemples : la débudgétisation d'une partie de la
majoration de l'allocation de rentrée scolaire qui était traditionnellement
inscrite dans le collectif de fin d'année ; la débudgétisation des crédits de
la ristourne dégressive ; l'affectation des crédits consacrés à l'application
de la loi de juin 1998 sur la réduction du temps de travail sous la forme d'une
contribution de l'Etat au fonds de financement des trente-cinq heures - on
déplace simplement une ressource existante ; l'affectation à ce même fonds de
trois impôts, à savoir la taxe générale sur les activités polluantes, au
passage majorée et étendue, la majoration de l'impôt sur les sociétés qui
disparaît en loi de finances pour renaître en loi de financement, les droits
sur les tabacs ; l'affectation d'une partie de la C3S au budget annexe des
prestations sociales agricoles, le BAPSA.
La liste est longue de ces mouvements financiers croisés entre les deux
projets de loi.
Les lois de financement de la sécurité sociale, qui ont leur spécificité, ne
sauraient être réduites à de simples lois de finances sociales. Il importe
notamment de ne pas oublier la place qu'y tiennent ou devraient y tenir les
partenaires sociaux. Nous l'avons rappelé à l'occasion de l'examen du projet de
loi sur les trente-cinq heures.
Je crois que les lois de financement de la sécurité sociale sont un acquis
essentiel - pour reprendre l'expression de l'excellent rapport de Charles
Descours publié en juin dernier. Elles devraient permettre chaque année au
Parlement de se prononcer sur les enjeux de la protection sociale, de
confronter, dans le cadre d'un équilibre, les besoins qui sont naturellement
considérables et les ressources que la nation peut leur consacrer, qui sont,
non moins naturellement, limitées.
Auparavant, ce débat n'avait pas lieu, de sorte que la sécurité sociale était
traitée dans l'urgence, sous la forme de plans de redressement successifs.
Mais les lois de financement ont une autre vertu en ce sens qu'elles
contraignent le Gouvernement à la cohérence.
Sur cette voie, il reste certes du chemin à faire. Car si l'on veut mettre fin
à un double discours ou à des arbitrages ambigus, il faudra bien que le
Gouvernement accepte de débattre avec le Parlement des finances publiques dans
leur ensemble.
Et c'est au printemps, au moment où le Gouvernement arrête ses premières
orientations, que ce débat d'ensemble doit avoir lieu, de sorte qu'en amont, la
cohérence des deux projets de loi puisse être, sinon garantie, du moins
débattue...
Je suis heureux que M. le président du Sénat ait bien voulu donner son
assentiment à cette initiative, qui rejoint d'ailleurs une préoccupation de M.
le président de la commission des finances.
Il nous reste maintenant à convaincre le Gouvernement ; je doute d'autant
moins que nous y parviendrons pour le mois de juin prochain que Mme la ministre
nous annonçait tout à l'heure un certain nombre de débats qui pourraient d'ici
là aller dans le sens souhaité par la commission.
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 59 minutes ;
Groupe socialiste, 50 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 39 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 36 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 26 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 22 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
8 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
lorsque je me suis inscrit dans ce débat, j'ai eu la naïveté de penser que le
projet de loi qui nous serait soumis pourrait relever de la volonté politique
de prendre en compte les nombreux défis auxquels notre protection sociale est
confrontée. Le rapport Charpin, dont j'avais lu avec intérêt un certain nombre
de propositions, et plusieurs déclarations émanant du Premier ministre ne
m'avaient-ils pas donné à penser que ce projet de loi de financement de la
sécurité sociale aurait pu être porteur de quelques innovations ? C'est, hélas,
avec une certaine tristesse que j'aborde pourtant ce soir ce débat.
Madame la secrétaire d'Etat, je me suis trop longtemps battu pour que le
Parlement puisse examiner chaque année les comptes de la sécurité sociale et
discuter de la politique de santé de notre pays pour ne pas regretter que le
projet de loi qui nous est soumis soit quelque peu bouleversé par la prise en
compte du financement de la réduction du temps de travail.
Or, tel qu'il nous arrive de l'Assemblée nationale, le projet de loi de
financement de la sécurité sociale semble résulter de longues discussions entre
les différentes composantes de la majorité plurielle suivies d'un armistice
avec les partenaires sociaux. Il est le fruit d'un équilibre instable plutôt
que d'une approche volontariste destinée à assurer la pérennité de nos régimes
de protection sociale.
M'exprimant au nom de la majorité du groupe du Rassemblement démocratique et
social européen, et laissant à mes amis MM. Cabanel et Bimbenet le soin de
traiter d'autres aspects, je me bornerai à poser trois questions relatives au
financement.
Première question : le redressement des comptes sociaux, dont je vous donne
acte, signifie-t-il que la situation s'améliore ?
Deuxième question : le financement de la réduction du temps de travail
sera-t-il vraiment assuré avec le montage compliqué que vous nous avez décrit
pour les années à venir ?
Troisième question, la plus grave, parce que je la pose depuis plusieurs
années sans obtenir de réponse : qu'en est-il de l'avenir de nos régimes de
retraite ?
Sur le premier point, les rapporteurs qui se sont succédé à cette tribune ont
unanimement souligné que l'amélioration de la situation des comptes sociaux
devait beaucoup à la croissance.
Elle tient aussi, et je reprends là le terme employé par M. Oudin, à quelques
artifices comptables, notamment au passage de la comptabilité des encaissements
à la comptabilité des droits constatés. Pour permettre un certain nombre
d'équilibres, ce genre d'opérations, faute de pouvoir être répétées, ne
fonctionnent malheureusement qu'une fois.
J'ai lu en outre, dans l'excellent rapport de notre collègue Charles Descours,
que je salue comme les autres rapporteurs de la commission des affaires
sociales, que l'amélioration des comptes sociaux résultait davantage, madame la
secrétaire d'Etat, de l'augmentation des prélèvements que de la réduction des
dépenses.
M. Jean Chérioux.
Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Descours, dont l'argumentation a été reprise par M. Vasselle, a bien montré
que, de 1997 à aujourd'hui, une cinquantaine de milliards de francs de
prélèvements nouveaux ont été mis à la charge des entreprises et des ménages,
mouvement tout à fait compatible avec l'harmonisation dans le cadre de la
monnaie unique et qui nous prépare des lendemains radieux lorsque nous serons
confrontés à une compétition très difficile à l'intérieur de l'espace
économique monétaire européen !
Il est clair que les diverses inventions qui vont de la taxe sur les ventes
directes de médicaments à la taxe de santé publique sur les tabacs en passant
par l'extension de l'assiette des prélèvements sur les revenus du patrimoine ou
par les produits de placement montrent bien que, si le souci a été d'arriver à
l'équilibre, il se solde toutefois par un niveau supérieur de prélèvement
fiscal.
Madame la secrétaire d'Etat, puisque nous persistons tout de même à faire ici
un peu de politique, c'est bien là le point de divergence entre la majorité et
l'opposition actuelles.
M. Jean Chérioux.
Eh oui !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Le point de divergence de fond, c'est que nous pensons, nous, que la réduction
des déficits, qui est nécessaire pour améliorer la gestion de nos comptes
sociaux, doit provenir, non de majorations de recettes mais d'économies.
M. Alain Lambert.
Et voilà !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Sinon, notre pays sera en mauvaise posture dans l'Union européenne. Et, dès
que la croissance fléchira, tendance inéluctable compte tenu des menaces que
font peser sur nous la déliquescence de la Russie conjuguée à l'arrivée de la
Chine et de l'Inde dans le concert mondial, nous nous heurterons à des
difficultés.
A Mme Aubry, dont je regrette l'absence ce soir, et qui s'est fait tout à
l'heure un devoir d'attaquer le gouvernement précédent, je répondrai, moi dont
la mémoire est plus fidèle, que le gouvernement de M. Jospin fait aujourd'hui
une politique identique à celle du gouvernement de M. Rocard.
M. Yves Fréville.
Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Rocard a eu l'extrême chance de se trouver porté par une croissance
conjoncturelle très forte. Or, au lieu de procéder à des réformes et de dégager
quelques excédents, il a engagé un certain nombre de dépenses nouvelles,
exposant ainsi le Gouvernement suivant aux critiques entendues cet après-midi
sur un certain nombre de travées.
Ce dernier, en effet, a été contraint de consacrer beaucoup d'efforts et
d'énergie pour réparer les bêtises de son prédécesseur.
M. François Autain.
C'est la faute à Rocard !
M. Jean Chérioux.
C'est la vérité !
M. Jean-Pierre Fourcade.
En effet, en matière de gouvernement - et j'ai, voyez-vous, quelque expérience
à cet égard - il faut commencer par réparer les bêtises de ses
prédécesseurs.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
C'est ce que l'on a fait !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Le mien était illustre, donc je n'en parlerai pas. Mais il faut remettre les
choses en ordre et le reproche que je vous adresse, sur cette question de
l'amélioration actuelle des comptes sociaux, c'est que l'on aurait pu, en 2000,
dégager un excédent dépassant la dizaine de milliards de francs. Comme l'ont
très bien noté les rapporteurs, l'imbrication entre la loi de financement de la
sécurité sociale et la loi de finances conduit à une perspective réduite à deux
milliards de francs, ce qui est extrêmement dangereux pour l'avenir de nos
comptes sociaux.
Par ailleurs, vous devez être lassée, madame la secrétaire d'Etat, d'entendre
tous les rapporteurs s'exprimer à propos de cette espèce d'« usine à gaz » (ou
plutôt de cette raffinerie, parce qu'une raffinerie, c'est un peu plus
compliqué qu'une usine à gaz),...
M. Ivan Renar.
Quoique...
M. le président.
Si, et puis les usines à gaz ont été supprimées !
(Sourires.)
M. Jean-Pierre Fourcade.
... qu'est le financement de la réduction du temps du travail.
Lors du débat sur ce texte, voilà quinze jours, j'avais émis quelques réserves
à propos de cette méthode de financement et du renvoi de ce qui relevait du
budget de l'Etat, pour le financement notamment de la ristourne dégressive sur
les bas salaires, à la loi de financement de la sécurité sociale. Je suis tout
aussi réservé quant à cette imbrication entre le financement de la ristourne et
celui de la réduction du temps de travail.
En fait, vous imputez sur la loi de financement de la sécurité sociale
l'atténuation des augmentations du coût du travail dues à la réduction du temps
de travail. C'est là, je crois, que réside toute la logique de ce gouvernement
: on a mis en place une réduction obligatoire de la durée du travail, laquelle
a un coût pour les entreprises, qui sont toutes plus ou moins confrontées à la
compétition européenne ou mondiale ; par conséquent, il faut essayer d'atténuer
ce coût et, pour cela, une centaine de milliards de francs sont nécessaires ;
on va donc chercher, de-ci, de-là, un certain nombre de prélèvements pour
essayer de l'atténuer.
La question qui se pose est de savoir si, dans la phase de création de la
monnaie unique européenne et de grande compétition que nous allons rencontrer
au cours des prochaines années, il n'aurait pas été possible d'éviter de
surcharger l'économie française avec la réduction obligatoire du temps de
travail, obligeant ainsi à augmenter les prélèvements fiscaux.
Tel est, je crois, le problème de fond car, que vous le vouliez ou non - et
tous les rapporteurs l'ont dit - la réduction du temps de travail entraînera
une majoration des prélèvements fiscaux. Comme l'a dit très justement M. Oudin,
la majoration de l'impôt sur les sociétés ne figure pas dans le budget de
l'Etat, mais on l'a recréée dans le cadre du financement social avec
l'extension du champ de la taxe générale sur les activités polluantes.
Avec toutes les petites astuces que l'on a trouvé de-ci, de-là, finalement, le
taux des prélèvements publics va augmenter, ce qui me paraît tout à fait
grave.
Ce qui m'ennuie encore plus, c'est que cette ponction est opérée au détriment
de l'équilibre de nos régimes sociaux. Dans ces conditions, vous nous présentez
pour l'an 2000 un projet qui est extrêmement sensible aux variations
conjoncturelles.
On aurait pu essayer de dégager des excédents et de les engranger en période
de haute conjoncture - c'est la théorie du cycle, que les macroéconomistes
connaissent bien - pour financer les déficits en basse conjoncture. Mais je
sais bien que vous laisserez aux gouvernements qui vous suivront le soin de
combler les trous que vous n'aurez pas su provisionner alors que la conjoncture
était bonne.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Et l'échéance de 2002
sera passée !
M. Jean-Pierre Fourcade.
La troisième question que je souhaite évoquer est évidemment celle du
financement des retraites et, là, j'avoue ma consternation. En effet, au lieu
d'agir, nous continuons à attendre. Or, à partir de 2005, tout le monde le
sait, nous ne pourrons plus financer les retraites. Le régime général pourra
s'en tirer grâce à quelques modulations, mais ce ne sera pas le cas des régimes
spéciaux. C'est là notre problème majeur et il est bien évident que nous ne
parviendrons pas à le régler, M. Vasselle l'a parfaitement expliqué tout à
l'heure.
J'ajoute que, dans la catégorie des palinodies comptables, vous avez modifié
la présentation des comptes de l'assurance vieillesse avec l'effet « racine ».
Vous avez ainsi inventé une nouvelle théorie astucieuse de partage des
ressources entre les différents régimes pour appauvrir un peu les régimes
maladie et famille et pour gonfler un peu le régime vieillesse. Toutefois, le
procédé ne marche qu'une fois, il s'agit d'un fusil à un coup et on ne peut pas
multiplier ce genre d''astuces.
J'en viens, madame la secrétaire d'Etat, au dernier point de mon exposé, avec
l'abrogation de la loi Thomas. N'est-ce pas là sacrifice à un mythe politique
?
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Non, c'est une excellente idée !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Nous serons obligés de créer un jour des fonds de retraite par capitalisation,
car ce sera le seul moyen d'assurer à un certain nombre de nos concitoyens,
d'ici dix à quinze ans, une véritable retraite. Tous les experts, y compris
votre commissaire au Plan, M. Charpin, le savent. Eh bien non ! Le
Gouvernement, dans un sursaut d'indignation, veut abroger le système que nous
avions mis en place.
Il aurait été plus responsable et plus sérieux de garder la loi Thomas et de
l'expurger des dispositions qui ne vous convenaient pas. Il y en a, je les
connais : je pense notamment à la possibilité pour un chef d'entreprise de
décider la création d'un fonds sans l'accord de ses salariés. Vous pouviez
amender ce texte ! Mais vous ne l'avez pas fait et nous avons perdu des années,
pendant lesquelles les fonds de pension américains et suisses sont venus
acheter nos entreprises, faire des investissements dans notre pays et nous
mettre dans la difficulté. Je crois que le gouvernement actuel portera
longtemps cette responsabilité de la non-réforme !
Je m'étonne que, dans un texte censé présenter une vue prospective en matière
de comptes sociaux, rien ne soit prévu aujourd'hui, hormis, comme l'a dit
l'excellent M. Vasselle, le fonds virtuel de réserve.
M. François Autain.
Attendez, soyez patient ! Dans deux mois, vous aurez satisfaction !
M. Jean-Pierre Fourcade.
C'est pourquoi, madame la secrétaire d'Etat, vous ne serez pas étonnée que la
majorité des membres de mon groupe soutienne les positions communes de la
commission des affaires sociales et de la commission des finances et modifie
assez profondément le projet que vous nous présentez, lequel projet relève plus
du bricolage que de la prévision de ce qui va se passer en 2000 et dans les
années suivantes.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
(M. Paul Girod remplace M. Jacques Valade au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Autain.
M. François Autain.
Madame la secrétaire d'Etat, je veux tout d'abord saluer votre performance au
côté de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, bien que vous ayez
très récemment pris vos fonctions.
Il n'est pas inutile de le rappeler ici : il est si rare, dans cette enceinte,
d'entendre de telles paroles que j'aurais tort de m'en priver, même si ce
rappel ne fait pas plaisir à tout le monde.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
A nous, si !
M. François Autain.
Précisément, c'est un peu pour cela que je le fais, madame la secrétaire
d'Etat,...
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Merci !
M. François Autain.
... parce que je sais que vous allez avoir le sentiment d'être bien seule ce
soir, et cela ne fait que commencer ! Mais, rassurez-vous, nous sommes là pour
vous soutenir.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Enfin vint Autain !
(Sourires.)
M. François Autain.
Votre collègue Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité a trouvé, en
arrivant à son ministère, un déficit de 50 milliards de francs. Cela aussi, il
faut le rappeler !
Vous nous proposez aujourd'hui, avec ce projet de loi, un exercice
excédentaire pour l'année prochaine, ce qui ne s'était pas vu depuis quatorze
ans. Mme la ministre a eu raison de le rappeler dans son intervention, parce
que cela n'arrive que tous les quatorze ans !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Cela va recommencer l'année prochaine !
M. François Autain.
Alors, effectivement, si nos collègues de la majorité sénatoriale reviennent
au pouvoir plus tôt, peut-être aurons-nous la chance de voir réapparaître le
déficit dans un nombre d'années au moins aussi important.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cela fait deux septennats !
M. François Autain.
Devant un tel bilan, madame la secrétaire d'Etat, les critiques marginales que
peut vous faire l'opposition, comme s'y est essayé tout à l'heure notre
rapporteur avant certains que, malheureusement, je n'ai pas pu entendre dans
cet hémicycle, tombent d'autant plus à plat que cette résorption spectaculaire
du déficit s'est accomplie sans déremboursements,...
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Absolument !
M. François Autain.
... sans augmentations de cotisations et, qui plus est, en préservant
intégralement un système de sécurité sociale que beaucoup de pays nous envient,
quoi qu'on en pense.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Oui !
M. François Autain.
Pourtant, madame la secrétaire d'Etat, Mme la ministre, votre collègue - cela
me complique un peu la tâche que votre collègue Mme Aubry soit absente ce soir,
parce que j'avais préparé une intervention qui s'adressait à elle - ...
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Ce n'est pas grave, je lui en ferai part !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Elle ne sait pas ce qu'elle manque !
M. François Autain.
Hélas !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je lui raconterai !
M. François Autain.
Pourtant, dis-je, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité n'a pas
toujours été comprise, et nous en avons encore eu un exemple ce soir : elle n'a
pas toujours obtenu des acteurs de notre système de santé le concours qu'elle
était en droit d'attendre au vu des résultats très positifs auxquels sa
politique nous a conduits.
Je consacrerai pour ma part l'essentiel de mon propos aux dispositions
relatives à la santé et à l'assurance maladie. Il appartiendra à mon collègue
Gilbert Chabroux de s'exprimer sur les questions relatives à la famille, tandis
que mon collègue Claude Domeizel commentera les dispositions relatives à
l'assurance vieillesse.
Je voudrais toutefois au préalable, sans anticiper sur l'exposé que ma
collègue Marie-Madeleine Dieulangard fera à l'occasion de cette discussion
générale, évoquer brièvement l'article 2 que l'on a, je crois, qualifié tout à
l'heure de « raffinerie ».
M. le président.
C'est le mot moderne !
M. François Autain.
Je ne sais pas si c'est véritablement le mot qui convient car, avec cet
article, se trouve clairement affirmé, pour une fois, un instrument essentiel
de notre politique en faveur de l'emploi, à savoir l'exonération des charges
sociales patronales, maintes fois annoncée par d'autres gouvernements et sans
cesse repoussée, M. Fourcade s'en souviendra sans doute.
M. Charles Descours,
rapporteur.
C'est M. Juppé qui a commencé !
M. François Autain.
On en parlait même avant le gouvernement Juppé, sous le gouvernement Balladur,
et même avant encore !
Il revient en tout cas au gouvernement actuel le mérite d'avoir enfin traduit
dans les faits cette réforme que nous appelions tous de nos voeux depuis
quelques années.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Ah, enfin !
M. François Autain.
Je vous félicite donc, madame la ministre - madame la secrétaire d'Etat -
d'avoir manifesté pleinement l'esprit d'ouverture du Gouvernement en acceptant
d'adapter votre dispositif aux sollicitations unanimes des partenaires sociaux.
Ainsi se trouvent clairement définies les modalités de son financement.
Qu'on ne vienne pas nous dire, dès lors, comme l'a fait M. le rapporteur et
comme vient de le faire M. Fourcade, que l'amélioration de la situation de
l'emploi et le rétablissement corrélatif des équilibres de nos comptes sociaux
doivent tout à la croissance, en omettant de rappeler que la croissance
économique doit beaucoup à la politique de l'actuel gouvernement ! J'ai, sur ce
point, énormément apprécié le raisonnement comique de M. Fourcade, qui, si j'ai
bien compris, était le suivant : « Si Balladur et Juppé ont échoué, c'est la
faute à Rocard, et si Jospin a réussi, c'est grâce à Juppé. » Effectivement,
comprenne qui pourra !
Au passage, monsieur le rapporteur, permettez-moi de rappeler que
l'élargissement de l'assiette de la contribution sociale généralisée, mais
aussi sa substitution aux créations de cotisations d'assurance maladie, ont
contribué à la croissance du pouvoir d'achat accordée aux salariés. Et les
sacrifices qui ont été consentis à cette occasion par les mieux nantis sur le
revenu de leur patrimoine ou sur leurs biens n'ont pas été, à mon sens,
inutiles, bien au contraire.
Quant au procès en sorcellerie fait par nos rapporteurs - là, j'embrasse très
large - il laisse rêveur.
Depuis le milieu des années soixante-dix, tout a été sacrifié, dans
l'organisation du financement de la sécurité sociale, à l'obsession que
j'appellerai « l'équilibre du tout » : afin de réduire autant que possible les
déficits apparents de nos comptes publics et de nos comptes sociaux, l'Etat
s'est livré pendant vingt ans - quel que soit le gouvernement, d'ailleurs - à
des gymnastiques financières qui ont multiplié les transferts de charge et les
financements croisés, alimentant ainsi la confusion et les débats récurrents
sur les charges indûment supportées par les uns et par les autres.
A rechercher ainsi l'équilibre du tout, rien n'a été fait pour garantir
convenablement le financement de chaque action entreprise ; rien n'a été fait
suffisamment non plus pour réduire les poches de déficit, ainsi que le
rappellera certainement une fois de plus mon collègue Claude Domeizel.
A financer le déficit de certains régimes spéciaux par les ressources des
autres, on a finalement abouti au déficit de tous sans prendre des mesures
propres à le résorber...
M. Charles Descours,
rapporteur.
C'est qui, la surcompensation ?
M. François Autain.
La surcompensation, c'est une succession de responsabilités !
(Sourires.)
M. Charles Descours,
rapporteur.
Ah bon ? Je ne savais pas qu'il s'appelait comme ça ! Mais il
n'est pas là ce soir !
(Nouveaux sourires.)
M. François Autain.
Je ne me souviens plus qui en a le mérite premier, mais je crois bien que
c'est tout de même M. Juppé, alors qu'il était secrétaire d'Etat au
budget,...
M. Charles Descours,
rapporteur.
Non, pas du tout !
M. François Autain.
... qui a mis en oeuvre la surcompensation !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Non, c'est le gouvernement Bérégovoy !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Me permettez-vous de vous interrompre, mon cher collègue ?
M. François Autain.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. Fourcade, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Je vous remercie, monsieur Autain.
En fait, celui qui a eu l'idée de la surcompensation, c'est M. Bérégovoy -
paix à son âme ! -...
M. Charles Descours,
rapporteur.
Avec M. Charasse - paix à son absence ! -...
M. Jean-Pierre Fourcade.
... mais je reconnais qu'aucun gouvernement, par la suite, ne l'a modifiée.
M. François Autain.
Voilà !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Cela étant, il faut tout de même savoir que M. Bérégovoy avait démarré avec un
taux faible, que ce taux est resté constant pendant un certain nombre d'années
mais que M. Charasse l'a majoré ensuite. Sur cette affaire, je crois donc que
vous avez intérêt à ne pas trop en rajouter !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Autain.
M. François Autain.
Je n'avais pas besoin d'en rajouter, monsieur Fourcade, puisque, de toute
façon, vous l'avez fait !
(Sourires.)
Encore une fois, il s'agit de responsabilités croisées ; tous les
gouvernements ont eu, dans cette affaire, leur part de responsabilité. C'est
d'ailleurs ce que j'avais dit. Je n'ai donc pas intérêt à m'éloigner de mon
texte en ce domaine.
N'en déplaise à nos amis de la commission des finances - certains, dont le
président lui-même, sont ici présents -...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Ils vous écoutent !
M. François Autain.
... qui craignent que la loi de financement ne mette en péril l'unité de la
réflexion sur l'évolution des charges et des ressources publiques, je
considère, au contraire, qu'à séparer ainsi budget de l'Etat et budget social
on a accompli un progrès capital. Et s'il est un acte, monsieur Fourcade, à
mettre au crédit du gouvernement Juppé - nous serons au moins d'accord sur ce
point - c'est bien celui-là !
J'en viens maintenant à la politique de santé et d'assurance maladie.
Si j'en crois les accusations de notre rapporteur, qui soupçonne le
Gouvernement de vouloir se passer tout à la fois du Parlement, des
professionnels de santé et de la Caisse nationale d'assurance maladie pour
mener à bien sa politique, je sais au moins que le Gouvernement devra, cette
année encore, se passer de son soutien et de celui de la majorité
sénatoriale.
Mais il n'y a rien là de surprenant. Depuis trois ans, c'est constant, et même
si, selon vos dires, il semble que le Gouvernement n'ait pas changé de
politique par rapport à celle qu'avait menée M. Juppé lorsqu'il était Premier
ministre, je constate que vous avez voté la loi de financement de sécurité
sociale présentée par M. Juppé, mais jamais celle qui a été présentée par son
successeur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Nous l'avons votée,... amendée !
M. François Autain.
Pour mener cette politique, pourtant courageuse, de maîtrise des dépenses de
santé et d'assurance maladie, il ne faudra donc pas compter, cette fois encore,
sur la majorité sénatoriale.
Comment peut-on prétendre, monsieur le rapporteur, que le Gouvernement entend
se passer du Parlement alors que l'article 17 expose complètement les moyens
d'une rénovation profonde de notre politique conventionnelle ?
(M. le
rapporteur s'esclaffe.)
A lire les propositions du rapporteur et l'intérêt qu'il porte ainsi à cet
effort de rénovation, il faudra, en tout cas, que Mme la ministre se passe du
soutien du Sénat, comme je viens de le dire !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Et des syndicats médicaux !
M. François Autain.
C'est à voir ; tout peut évoluer !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Nous verrons, en effet !
M. François Autain.
Comment pouvez-vous prétendre aussi, monsieur le rapporteur, que le
Gouvernement entend se passer de la Caisse nationale d'assurance maladie, quand
vous proposez, au contraire, de tourner le dos à un tripartisme hypocrite en
lui rendant en plein exercice ses compétences naturelles ?
Si Mme la ministre doit être privée du soutien de la caisse nationale, elle le
devra, nous le savons, à une attitude patronale fondée sur des motifs qui ne
doivent rien - nous en sommes sûrs, cette fois - à la préservation de notre
protection sanitaire.
Et si Mme la ministre doit, enfin, se passer trop souvent du soutien des
professionnels de santé, c'est malheureusement parce que les instruments de la
politique conventionnelle ne permettent plus de faire autrement. C'est
précisément l'objet de l'article 17 d'y remédier. Je veux croire qu'il
permettra de renouer le dialogue avec ceux des professionnels de santé qui y
sont prêts.
Ainsi en va-t-il de l'organisation syndicale représentative de la médecine
générale, dont le sentiment de découragement, qu'elle parvient mal à réprimer,
tranche singulièrement avec la créativité de ses responsables et l'esprit de
dialogue qui les anime pourtant encore.
Aussi juste soit-elle, une politique conventionnelle ne peut être mise en
oeuvre qu'avec le concours des deux parties. Je forme le voeu que, au-delà de
sa complexité textuelle, que je reconnais, monsieur le rapporteur,...
M. Charles Descours,
rapporteur.
Voilà au moins un point sur lequel nous sommes d'accord !
M. François Autain.
... malheureusement dictée par la nécessité de prévenir les effets des
contentieux sur la vie conventionnelle, mais qui peut inspirer l'inquiétude des
professions, si promptes à dénoncer le complot technocratique, je forme le
voeu, dis-je, que le dispositif permette de renouer le dialogue.
A cet égard, sans doute conviendrait-il de redéfinir, un jour prochain, le
champ conventionnel, qui s'est trouvé amputé au profit de la loi à la suite des
annulations successives auxquelles ont procédé tantôt le juge constitutionnel,
tantôt le juge administratif, réduisant d'autant l'espace laissé à la
négociation conventionnelle.
L'annulation, il y a quelques jours, des dispositions conventionnelles
concernant les RMO, les références médicales opposables, en est l'illustration
la plus récente. Elle démontre qu'il y a urgence en la matière.
Certes, l'instauration des contrats de bonne pratique des soins tente d'ouvrir
un nouvel espace, mais on peut se demander comment ces contrats vont
s'articuler, par exemple, avec l'option conventionnelle ou avec le règlement
conventionnel minimum. S'agira-t-il d'une nouvelle option conventionnelle ?
S'agissant des contrats individuels, n'y a t-il pas un risque qu'ils entrent en
concurrence avec l'option « médecin référent », d'autant qu'ils semblent moins
contraignants ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cessez de poser des questions séditieuses !
M. François Autain.
Je veux être constructif, monsieur le rapporteur !
Enfin, l'articulation des dispositifs relatifs au contrat national, au contrat
régional ou au contrat individuel aurait mérité d'être plus explicite.
Autant de questions que l'on peut se poser. Mais peut-être la réponse à ces
questions relève-t-elle de la négociation conventionnelle ! Le législateur ne
peut pas tout prévoir, même s'il est souvent démenti par le juge, et il était
difficile, je le conçois, à peine d'encourir la critique, d'allonger encore
l'article 17.
(M. le rapporteur rit.)
Quoi qu'il en soit, il faut faire renaître le dialogue conventionnel. Sans
lui, nous ne parviendrons pas à maintenir la coexistence entre médecine
libérale et financement public, qui fait pourtant l'originalité du système
français et son efficacité.
Quant au fond, quel est l'objet de l'article 17 ? Après avoir été contrainte
par le juge - je l'indiquais à l'instant - de renoncer à la mise en oeuvre d'un
système cohérent de correction
a posteriori
des dépassements de
l'objectif, Mme la ministre nous propose de définir en amont les moyens de
corriger, dès qu'elles apparaissent, et donc avant qu'il ne soit trop tard, les
dérives constatées. Elle s'en remet, pour cela, au dialogue conventionnel.
A l'Etat d'engager ce dialogue avec le système hospitalier, public ou privé,
et avec l'industrie pharmaceutique. Aux caisses d'assurance maladie,
maintenant, de discuter avec les professions libérales, selon des règles qui
seraient communes à toutes ces professions.
Cet effort de clarification ne menace en rien l'unité de notre politique de
santé, dont Mme la ministre a en charge la définition, et je sais qu'elle nous
présentera au printemps prochain - elle l'a d'ailleurs répété lors de son
intervention, tout à l'heure - un projet de loi destiné à démocratiser les
modalités de cette définition.
La politique de santé ainsi définie doit être mise en oeuvre au niveau
régional. L'action coordonnée des agences régionales hospitalières et des
unions régionales, pourvu que les acteurs veuillent bien s'y prêter, doit
permettre d'établir à ce niveau de nouvelles complémentarités entre les acteurs
du système de soins.
Compte tenu du temps qui m'est imparti, j'aborderai très rapidement la
question du plan stratégique, monsieur le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Ce n'est pas le mien !
M. François Autain.
Parmi les mesures contenues dans le plan stratégique - que vous dites, dans
votre rapport, « ambitieux et audacieux » - de la caisse nationale d'assurance
maladie, quelles sont celles qui provoquent le plus fortement votre
enthousiasme ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Aucune !
M. François Autain.
Je regrette, mais vous n'avez pas rejeté complètement le plan stratégique, si
j'ai bien lu votre rapport. Bien au contraire, vous dites qu'il contient un
certain nombre de dispositions avec lesquelles vous ne seriez pas forcément en
désaccord. Vous en avez donc dit trop ou pas assez !
Voilà pourquoi j'aimerais savoir avec quelles mesures vous êtes d'accord. Le
conventionnement sélectif ? La non-prise en charge des cures thermales ? Une
réduction drastique de l'enveloppe hospitalière, conduisant à un licenciement
de 100 000 agents hospitaliers, selon les propos de M. Gérard Larcher,
président de la fédération hospitalière de France, qui n'est d'ailleurs pas là
? Encore une fois, quelles sont, parmi ces mesures, celles qui vous agréent. Il
aurait été intéressant de le savoir.
Il ne suffit pas de dire que ce plan, Mme la ministre n'en parle pas du tout,
alors que, vous, vous aimeriez bien en parler...
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Qui vous empêche d'en
parler ?
M. François Autain.
... parce qu'il y a un certain nombre d'éléments avec lesquels vous êtes
d'accord, mais sans dire lesquels !
Nous, vous l'avez compris, nous ne sommes pas d'accord avec ce plan, et je
crois que le texte de loi qui est présenté le prouve.
Il serait plus honnête de dire quelles sont les mesures avec lesquelles vous
seriez d'accord, auquel cas je vous proposerais de divulguer votre position
auprès des médecins, qui ont tout à gagner à savoir exactement quels sont les
projets de l'opposition dans ce domaine.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Nous ne sommes pas l'exécutif !
M. François Autain.
Dites-le-nous, monsieur le rapporteur, je me chargerai de le faire savoir aux
élus locaux et aux professions de santé !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
A vous de gérer, pour
l'instant !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Nous ne sommes pas l'exécutif, nous sommes dans l'opposition
!
M. François Autain.
Enfin, monsieur le rapporteur, pourriez-vous cesser, tout au long de votre
rapport, de souligner les dérives des dépenses médicales - on peut
effectivement en discuter - tout en remettant, dans le même temps, en question
l'action que le Gouvernement entreprend pour y mettre fin ? On ne peut à la
fois dénoncer les dérives et s'opposer aux moyens qui permettent d'y mettre
fin. Cette logique n'est absolument pas la nôtre.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
C'est une critique
simpliste !
M. François Autain.
C'est l'analyse qui donne lieu à cette critique. Quand l'analyse est
simpliste, la critique peut difficilement ne pas l'être.
Je vais être obligé d'abréger considérablement mon propos.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Quel dommage !
M. le président.
Les seules victimes seraient vos collègues du groupe socialiste !
M. François Autain.
C'est bien la raison pour laquelle je veux abréger.
S'agissant de la politique du médicament, je tenais à faire devant Mme la
ministre - malheureusement, elle n'est pas là, mais Mme la secrétaire d'Etat
lui transmettra - une constatation.
Où en serions-nous, si, l'an dernier, le Sénat n'avait pas - c'est votre
prédécesseur, madame la secrétaire d'Etat, qui était présent ce jour-là -
soutenu son désir de rétablir, tout en l'enrichissant, certes, son dispositif
initial, qui avait été si promptement et si malencontreusement mis à mal par
les députés ?
(M. le rapporteur rit.)
A l'évidence, les instruments nouveaux de la politique du médicament
s'avèrent efficaces et ont commencé à porter leurs fruits. Mme la ministre
avait rappelé ici, comme à l'Assemblée nationale, son souci d'une meilleure
adéquation entre le service médical rendu par le médicament, son prix et son
niveau de prise en charge par l'assurance maladie.
Si l'on ne peut qu'être d'accord avec ce principe, il ne faut pas dissimuler
que se trouvent posés, à terme, un certain nombre de problèmes. J'en citerai un
ou deux.
D'abord, un problème économique résultant du transfert vers les mutuelles de
la prise en charge du médicament qui verra son taux de remboursement baisser,
mais qui continuera à être prescrit. La conséquence en sera inévitablement une
augmentation des cotisations complémentaires.
Ensuite, un problème politique lié au déremboursement total de certains
médicaments jugés inefficaces, comme les veinotoniques, puisque, dans ce cas,
les mutuelles ne pourront plus relayer la sécurité sociale défaillante, même
si, formellement, elles en ont la possibilité.
Par ailleurs, s'il est souhaitable que notre nouveau système de sécurité des
produits ne permette plus aux pouvoirs publics de ne pas autoriser un produit
dont la valeur thérapeutique est reconnue, l'effet bénéfique de cette mesure
risque d'être annihilé si, dans le même temps, la politique de la sécurité
sociale ne permet pas son remboursement.
Certes, je ne pense pas que la mise en oeuvre d'une telle politique soit
facile. On se heurte à la volonté, qui semble actuellement se dessiner chez les
industriels, de ne pas demander le remboursement des nouveaux médicaments,
pourtant très efficaces, sans doute pour créer un rapport de forces favorable à
la fixation d'un prix élevé pour le remboursement égal ou voisin à celui du
marché, ce qui signifie que, dans l'intervalle, ce médicament sera prescrit
sans être remboursé, avec les conséquences que l'on peut imaginer pour les
malades ayant de faibles revenus et, de surcroît, une couverture complémentaire
médiocre.
Mais il y a pire : ces médicaments pourraient être pris en charge par des
assureurs privés.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
L'horreur !
M. François Autain.
Ce n'est pas l'horreur, mais cela va à l'encontre de deux principes fondateurs
de notre système de santé, à savoir l'égal accès de tous au médicament et le
monopole de la sécurité sociale.
Le nouvel antigrippe
Relenza,
mis récemment sur le marché par un grand
laboratoire mais non encore admis par la sécurité sociale, peut justifier ces
craintes.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Et le
Viagra
!
M. François Autain.
En effet, démarche inédite, la branche « assurance santé » du groupe AXA
remboursera à tous ses assurés, quel que soit leur âge, intégralement ce
médicament. C'est la première fois - j'y insiste - qu'un assureur privé
rembourse dès le premier franc un médicament en France. Cet exemple pourrait
bien être suivi et, cette fois, pour des médicaments reconnus utiles, ce qui ne
semble pas être le cas du
Relenza
,...
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Absolument !
M. François Autain.
... qui vient d'ailleurs d'essuyer un refus de remboursement au
Royaume-Uni.
Je constate, madame la secrétaire d'Etat, que vous êtes d'accord avec moi, et
je m'en félicite.
Voilà pourquoi le Gouvernement serait bien avisé d'examiner ce problème pour
tenter de lui trouver une solution. Nous ne pouvons nous contenter de dire,
comme le fait la CNAM, que nous n'avons pas à juger ce que fait un assureur
privé.
Telles sont les quelques réflexions que je souhaitais vous livrer, madame la
secrétaire d'Etat.
En conclusion, car je dois malheureusement abréger,...
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Quel dommage !
M. François Autain.
... je dirai que toutes les remarques que j'ai faites ne doivent pas nous
détourner de l'essentiel : je soutiens, avec l'ensemble des membres de mon
groupe, l'action déterminée que vous avez entreprise.
Associée à votre politique de lutte contre le chômage, votre action sanitaire
et sociale contribue à mieux protéger nos concitoyens et à renforcer l'équité
de cette protection. Elle est ainsi au coeur même de l'action gouvernementale.
Elle lui donne tout son sens. C'est à vous, à votre énergie, que nous le
devons, ainsi qu'à l'équipe qui vous entoure. Soyez en remerciée !
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
M. le président du Sénat me fait savoir que M. Machet est hospitalisé au
Val-de-Grâce, que tout va bien et qu'il sortira demain. Tout le monde ne peut
que s'en réjouir.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Lambert.
M. Alain Lambert.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
peut-être pourrait-on s'étonner qu'à ce stade du débat s'exprime le président
de la commission des finances puisqu'il s'agit du financement de la sécurité
sociale.
Pourtant, je veux témoigner ici devant la Haute Assemblée, aux côtés de
Jacques Oudin, rapporteur pour avis de la commission des finances, en écho aux
propos de M. Delaneau président de la commission des affaires sociales, que
j'ai écouté tout à l'heure, qu'il n'est plus, selon moi, responsable, devant la
nation, de fractionner ainsi l'examen des comptes publics.
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Alain Lambert.
Le budget de l'Etat et le financement de la sécurité sociale, quoi que l'on en
dise, et quoi qu'en disait tout à l'heure M. François Autin, sont aujourd'hui
indissociables. Nos obligations européennes nous contraignent d'ailleurs à
examiner nos finances publiques dans leur globalité. L'absence d'approche
globale conduit à toujours plus d'impôts, à toujours plus de dépenses et, à
terme, au sacrifice des générations futures.
A ce propos, monsieur Delaneau, je trouverai tout à fait légitime qu'en votre
qualité de président de la commission des affaires sociales vous vous exprimiez
tôt dans le débat qui s'ouvrira la semaine prochaine lors de l'examen du budget
de l'Etat, en attendant qu'une discussion commune s'engage à l'occasion du
débat d'orientation budgétaire, l'année prochaine, comme vous l'avez proposé
voilà un instant et comme le président du Sénat nous en a informé.
Cela étant, madame le secrétaire d'Etat, le projet de loi de financement de la
sécurité sociale aurait dû, de nombreux orateurs vous l'ont rappelé, être un
grand rendez-vous pour un vrai large débat sur les évolutions profondes -
qu'elles soient démographiques, sociologiques ou technologiques - de la
protection sociale, et sur les résultats et les moyens qui y sont consacrés.
Or le projet de loi qui nous est soumis, qualifié par M. Jacques Oudin d'«
occasion manquée », n'offre pas de solution d'avenir. Il peine à financer le
passé et reflète un tableau bien sombre : des dépenses en hausse constante, des
prélèvements toujours plus lourds et plus nombreux, une dette persistante.
D'ailleurs, les chiffres surprennent même ceux qui les manient tous les jours.
Depuis 1997, si j'ai bien écouté les orateurs qui m'ont précédé, le
Gouvernement - je parle sous le contrôle de M. Jacques Oudin, qui a cité ce
chiffre tout à l'heure - a créé ou augmenté douze impôts et taxes en faveur de
la sécurité sociale. Quelle productivité ! Les objectifs de dépenses sociales
ont augmenté de 160 milliards de francs. La dette s'élève à plus de 230
milliards de francs.
Vous êtes tentée, on le voit bien, de faire apparaître que le solde du régime
général s'est redressé, sans hausse des cotisations, disait M. Autain tout à
l'heure, ni baisse des prestations. Cette présentation ne résiste pas à une
analyse sérieuse. Si les cotisations n'ont pas augmenté, vous avez en revanche
augmenté et créé douze autres prélèvements. Si les prestations n'ont pas
baissé, vous n'avez, en revanche, engagé aucun processus de maîtrise des
dépenses.
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Exact !
M. Alain Lambert.
Si le solde se redresse, c'est le simple effet mécanique de la croissance dont
chacun connaît, hélas ! le caractère aléatoire.
La croissance et les prélèvements nouveaux vous ont apporté depuis 1997 plus
de 240 milliards de francs de recettes supplémentaires. Dans le même temps, les
dépenses ont dérivé de plus de 3 % en moyenne. Bénéficiant d'une situation très
favorable, votre gouvernement n'a pas résisté à la tentation de consommer
immédiatement les fruits de la croissance, en laissant filer les dépenses
courantes au lieu de réduire les prélèvements et la dette, ou d'investir dans
les nouveaux besoins.
Quelles que soient les précautions comptables choisies - et vous avez
incontestablement pris des précautions - il ne fait pas de doute que les
dépenses de maladie ont dépassé l'objectif fixé de plus de 13 milliards de
francs depuis 1997, que s'ajoutent 12 milliards de francs de dépenses nouvelles
au régime général et qu'un prélèvement sur des recettes de la sécurité sociale
est effectué pour financer les trente-cinq heures.
Mais le montage financier des trente-cinq heures - qu'il s'agisse de
raffinerie, cher Jean-Pierre Fourcade, ou d'usine à gaz, peu importe ; je crois
qu'on peut même les mettre en ligne s'agissant d'engins de cette nature - ne
doit pas nous détourner du vrai débat sur le contenu de vos politiques
sociales. Cette mesure n'est pas financée, puisque, malgré cinq prélèvements
obligatoires, il faudra encore trouver 20 milliards de francs en 2001. Au
surplus, malgré le montage de savantes « tuyauteries » financières, il a abouti
à détourner l'argent du fonds de réserrve pour les retraites et de la
couverture maladie universelle, qui sont pourtant des priorités que vous avez
affichées.
Non, décidément, madame la secrétaire d'Etat, le Gouvernement prépare mal
l'avenir avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il «
brouille » - c'est encore une expression de Jacques Oudin tout à l'heure - les
comptes sociaux ; il crée des prélèvements obligatoires supplémentaires ; il ne
prévoit aucun mécanisme efficace et cohérent de maîtrise des dépenses ; il
reste muet sur les choix de santé, sur l'hôpital, sur les retraites, sur la
politique familiale.
La commission des finances estime nécessaire d'ouvrir des voies nouvelles. La
part collective de la protection sociale doit davantage correspondre aux choix
des Français, à leurs attentes, aux enjeux auxquels l'avenir proche va
inévitablement les confronter. Quand il s'agira de trouver les moyens
supplémentaires pour la dépendance, la prise en charge de la vieillesse, la
reconversion d'un système de soins aujourd'hui calé sur l'hôpital, alors,
madame la secrétaire d'Etat, sonnera l'heure douloureuse des choix, des choix
de santé publique et des choix financiers. Enfin, il faudra avoir le courage de
freiner certaines dépenses pour dégager des marges de manoeuvre nécessaires
afin de couvrir d'autres dépenses incontournables. Dépenser mieux ne signifie
donc pas seulement éviter les gaspillages. Sur ce point, tout le monde est
d'accord. Cela signifie désormais dépenser en regardant la réalité en face.
La commission des finances, dans l'avis émis en son nom par son rapporteur
Jacques Oudin, esquisse des grandes lignes d'action qui, toutes, s'attachent à
préserver l'avenir.
Nous voulons vraiment insister sur la nécessité de cesser d'affecter
immédiatement les recettes supplémentaires à des dépenses nouvelles, alors que
nous avons déjà un niveau de pression sociale très élevé, sans doute le plus
élevé d'Europe, alors que nos enfants et petits-enfants sont d'ores et déjà
assignés à rembourser la dette de la sécurité sociale contenue dans la
CADES.
La clarté des comptes passe par une amélioration nette du cadre de cette loi
de financement. Elle ne pourra se passer longtemps de principes qui guident les
finances de l'Etat, à commencer par les règles d'universalité et d'unité.
Cette saine pratique, madame la secrétaire d'Etat, aboutirait enfin à ne plus
esquiver ce face-à-face sincère et nécessaire avec la réalité et à permettre à
votre ministère de ne plus être seulement le ministère de la solidarité du
moment, mais aussi celui de la solidarité entre les générations.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Louis Boyer.
M. Louis Boyer.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
projet de loi dont nous discutons aujourd'hui présente au moins trois défauts :
les comptes sociaux ne sont pas maîtrisés, le dispositif de régulation des
dépenses de santé est inadapté, et cette absence de maîtrise explique la
modicité des mesures prises pour les autres branches de la sécurité sociale.
Premier défaut, l'effort de maîtrise des dépenses est insuffisant.
Les comptes du régime général de la sécurité sociale seront encore
déficitaires, en 1999, de 4 milliards de francs. Certes, c'est mieux que le
solde négatif de plus de 16 milliards de francs de 1998, mais cette relative
amélioration tient moins à une meilleure gestion ou à des restructurations de
notre protection sociale qu'à la croissance économique et aux rentrées de la
CSG, qui permettent de dégager un surplus de recettes de plusieurs dizaines de
milliards de francs par rapport aux prévisions initiales, déjà très
optimistes.
Les dépenses restent en réalité mal maîtrisées. Le Gouvernement annonçait un
retour à l'équilibre en 1999 pour l'assurance maladie. Le déficit atteindra au
moins 13 milliards de francs ! Comment, dès lors, donner crédit à l'objectif de
retour à l'équilibre des comptes du régime général en 2000 ?
La croissance très forte des dépenses de santé n'est en rien atténuée pour
l'année prochaine. L'évolution des dépenses d'assurance maladie des régimes de
base sera ainsi supérieure de 4,1 % en 2000 par rapport aux dépenses
prévisionnelles fixées dans la loi de financement pour 1999.
L'importance de ce taux témoigne du retard pris dans les réformes de
l'assurance maladie. Le Gouvernement n'a tenu quasiment aucun compte de
l'ambitieux « plan stratégique » de la CNAM, qui cherche pourtant à réduire les
dépenses de santé non par une maîtrise comptable mais par des réformes de
structure. A l'inverse, le Gouvernement semble persister dans le travers de la
maîtrise purement financière du système de soins.
Deuxième défaut, le dispositif de maîtrise des dépenses de santé est
inadapté.
Le Gouvernement nous propose un nouveau système de régulation. Il donne une
pleine délégation de responsabilité aux caisses d'assurance maladie et aux
représentants des professionnels de santé pour réguler l'évolution des dépenses
de médecine de ville ; c'est une bonne chose.
Mais il ne leur donne qu'un seul outil, les baisses de tarifs, pour jouer sur
les revenus des professionnels de santé en cas de dérapage des dépenses. Ce
système des lettres clefs flottantes instaure bel et bien une maîtrise
comptable et collective des dépenses, même si ce n'est pas votre avis, madame
la secrétaire d'Etat. Il rétablit un système de sanction collective qui
décourage les meilleurs des praticiens. Le Gouvernement, répétons-le, ne
parvient pas à maîtriser les dépenses sociales. Cela explique pourquoi les
mesures prises dans les autres branches de la sécurité sociale sont aussi
modestes.
Troisième défaut, les réponses sont insuffisantes pour les autres branches de
la sécurité sociale.
En ce qui concerne les retraites, le Gouvernement poursuit sa politique
aveugle. Le fonds de réserve des retraites ne sera doté que de 15 milliards à
20 milliards de francs, et en 2001 seulement, alors qu'il faudrait dès
maintenant dix à quinze fois plus. Les vraies réformes attendent toujours.
Nous devons également nous interroger sur l'évolution du pouvoir d'achat des
retraités, comme le fera plus amplement mon collègue Jean Boyer.
De même, le défi de la dépendance n'est guère abordé. Les problèmes de la
prestation spécifique et de la tarification des établissements ne sont toujours
pas réglés.
Quant aux veuves, madame la secrétaire d'Etat, qu'est-il fait pour améliorer
leur situation ? Elles demandent non pas l'assistance, mais une juste part de
solidarité nationale et les moyens de se réinsérer dans la société.
Pour la famille, on peut regretter la timidité de la revalorisation des
prestations familiales et, surtout, déplorer le recul par rapport à la loi de
juillet 1994 qui prévoyait que toutes les prestations seraient prolongées
jusqu'à vingt-deux ans au 1er janvier 2000. Vous ne prolongez que trois
allocations et seulement jusqu'à vingt et un ans.
Cette décision fait suite à la diminution des aides pour la garde d'enfant à
domicile, à la suppression des aides au travail à temps partiel et à la baisse
du plafond du quotient familial, dont nous connaissons les conséquences tant
sur l'impôt sur le revenu que sur les impôts locaux.
Votre absence de volonté politique en faveur des familles, à un moment où la
branche famille est bénéficiaire, est donc très claire.
Quatre-vingt pour cent des Français pensent que les prestations familiales
sont insuffisantes pour les grands jeunes ; 600 000 familles espéraient le
versement des prestations juqu'à vingt-deux ans au 1er janvier 2000.
En ce qui concerne les personnes handicapées, les lois de finances et les lois
de financement de la sécurité sociale se succèdent sans améliorer autant qu'il
le faudrait leur situation.
Certes, des efforts sont faits, mais les besoins sont loin d'être satisfaits.
On estime le déficit à au moins 10 000 places dans les structures adaptées.
Cela ne peut être fait en une seule fois, nous le reconnaissons, mais un effort
particulier aurait pu être accompli.
Quelle réponse concrète apportez-vous, madame la secrétaire d'Etat, en ce qui
concerne la prise en charge des affections de longue durée, l'amélioration de
l'aide à domicile et celle du remboursement du matériel médical, le maintien de
l'allocation aux adultes handicapés en cas d'hospitalisation, le bénéfice de
l'assurance vieillesse obligatoire pour qui fait office de tierce personne
auprès de son conjoint handicapé ?
Ces défauts et ces lacunes ont été, pour la plupart, relevés par les
rapporteurs, auxquels je tiens à rendre hommage pour le travail qu'ils ont
accompli.
Les amendements proposés par la commission des affaires sociales y remédient
sur plusieurs points.
D'abord, les prélèvements indirects opérés sur la sécurité sociale sont
supprimés.
Ensuite, la responsabilité des branches est mieux reconnue : celles-ci
bénéficient ainsi des excédents qu'elles créent ou assument les dettes qu'elles
génèrent.
Enfin, pour la régulation des dépenses de santé, la commission substitue au
dispositif de sanction collective du Gouvernement un mécanisme alternatif de
régulation des dépenses médicales faisant appel à la responsabilité
individuelle des médecins.
Le projet de loi ainsi amendé ira dans le sens de la clarté et de la
responsabilité. C'est pourquoi les sénateurs du groupe des Républicains et
Indépendants voteront le texte qui résulte des travaux de notre Haute
Assemblée.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot.
Mes collègues ayant déjà, avec beaucoup de lucidité et de clairvoyance, dit
l'essentiel, je me contenterai d'évoquer deux points qui me semblent
particulièrement importants.
Nous n'avons pas, dans le cadre présent, à examiner le problème de la Caisse
d'amortissement de la dette sociale, la CADES qui, pourtant, je crois, le
mériterait. Aussi, je voudrais, madame la secrétaire d'Etat, faire quelques
observations et vous poser une question.
La CADES a été mise en place pour apurer les déficits successifs de la
sécurité sociale. On peut, à la rigueur, concevoir que l'on emprunte pour
combler des déficits de fonctionnement, mais uniquement si la démarche
accompagne un plan d'apurement drastique.
Lorsqu'en 1998 le Gouvernement a voulu augmenter la dette prise en compte et a
fait passer de treize à dix-huit années son remboursement, je m'étais
vigoureusement élevé contre cette pratique dangereuse pour les générations
futures, et j'avais attiré l'attention sur les risques encourus.
Aujourd'hui, la situation est la suivante : la CADES rembourse à l'Etat
jusqu'en 2009 une annuité de 12,5 milliards de francs, intérêts et capital. La
dette de la CADES auprès des institutions financières, au 31 décembre 1998, est
de 224 milliards de francs. La CADES, pour ces 224 milliards de francs, verse
12 milliards de francs d'intérêts - un peu moins parce qu'en réalité il y a
aussi des rentrées, ce qui porte la somme à 10 milliards de francs nets - et ne
rembourse en capital que 3,5 milliards de francs.
Arrêtons-nous un instant sur ces chiffres : un emprunt de 224 milliards de
francs commencé en 1998, qui doit se terminer en 2014, soit au bout de seize
ans. Avec l'annuité prévue, je suis désolé, on ne peut couvrir une telle dette.
On va donc se trouver très rapidement devant un problème : des frais financiers
très importants et pas de remboursement du capital.
L'endettement de la CADES ne décroît pas aussi vite qu'il le devrait. Les
frais financiers me paraissent relativement élevés. Aujourd'hui, on doit
pouvoir gérer sa dette avec un rendement meilleur ! De plus, je le disais, au
rythme de 3,5 milliards de francs de remboursement en capital - 4,5 milliards
de francs sont prévus en 1999 - jamais la CADES n'aura soldé sa dette en
2014.
Ma question, madame la secrétaire d'Etat, est donc la suivante : pouvez-vous
nous présenter le plan d'amortissement de la dette de la CADES ? Pourquoi
l'Etat - dont les recettes, aux dires du ministre des finances, explosent -
privilégie-t-il le remboursement qui lui est affecté plutôt que celui qui est
destiné aux institutions financières ? Car il continue pourtant de percevoir
tout ce qui est prévu. A titre d'exemple, pour à peu près 100 milliards de
francs, contre 224 milliards, l'annuité pour l'Etat est de 12,5 milliards de
francs et l'Etat prend bien soin de se servir en premier. On aurait pu imaginer
un système permettant de rembourser d'abord les institutions financières,
compte tenu des bonnes rentrées actuelles de l'Etat.
Accélérer le désendettement de la CADES me paraîtrait opportun dans cette
période économique favorable et nous prémunirait contre un retournement de
conjoncture.
Je voulais attirer l'attention de mon collègue M. Oudin pour lui suggérer un
travail de réflexion à venir. J'ai remarqué que, pour percevoir ses recettes,
la CADES supporte 400 millions de francs de prélèvements qui sont liés aux
frais de recouvrement. Je me demandais si, un jour, on pourrait faire une
analyse globale de tous les frais de recouvrement de tous les prélèvements pour
voir s'il n'y a pas de doubles comptes et si ce ne sont pas les mêmes personnes
qui font les mêmes recouvrements. On aurait ainsi peut-être une idée tout à
fait intéressante. Selon moi, 400 millions de francs pour ce recouvrement-là,
c'est extrêmement cher !
Le second point que je veux évoquer concerne la TGAP.
Beaucoup ayant déjà été dit sur le sujet, je serai bref.
Le Gouvernement, en imposant les trente-cinq heures aux entreprises, leur a
créé des charges nouvelles dont le bilan sera nuisible à l'emploi.
Pour compenser cette situation, il a prévu un allégement de charges qu'il
compte financer par un impôt nouveau, l'extension de la TGAP, ce qui appelle
quelques observations.
Financer un allégement de charges par un impôt nouveau est absurde
économiquement.
Ce sont les entreprises des secteurs primaire et secondaire qui financeront
cet impôt, alors que ce sont elles qui dégagent le moins de valeur ajoutée, qui
sont les plus fragiles et qui sont le plus confrontées à la compétition
internationale.
Les produits importés ne participeront pas à cet effort et le consommateur,
sur lequel tout cela se répercutera finalement, fera, je le pense, vite son
choix !
Le plus grave dans cette affaire, c'est qu'en réalité on se sert de l'alibi
moral - la protection de l'environnement - alors que le seul but est de trouver
des recettes nouvelles.
L'amendement n° 119 qui a été adopté à l'Assemblée nationale par votre
majorité, madame le secrétaire d'Etat, le prouve excellement puisque les taux
sur les lessives sans phosphates ont été augmentés, alors que les taux sur les
lessives phosphatées ont été allégés.
Si l'on voulait une démonstration de l'ambition réelle du Gouvernement sur le
plan de l'écologie, on l'a trouvé avec l'adoption de cet amendement n° 119,
tout de même assez sidérante !
L'environnement n'est en réalité qu'un prétexte et l'actualité dramatique
vient, hélas ! de nous rappeler une évidence qui devrait s'imposer. Si «
écotaxes » il doit y avoir, elles doivent en priorité financer les solutions
aux problèmes environnementaux.
Mes chers collègues, si, comme moi, vous pensez que des aménagements doivent
être faits afin d'atténuer les effets de catastrophes naturelles comme celles
que trois de nos départements connaissent actuellement, vous refuserez que les
« écotaxes » soient détournées de leur objet et vous voterez, en conséquence,
la suppression de l'article 4.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
C'est bien notre
intention !
M. le président.
La parole est à M. Francis Giraud.
M. Francis Giraud.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
Gouvernement présente aujourd'hui au Sénat la quatrième loi de financement de
la sécurité sociale. Mais, en entendant Mme la ministre nous présenter ce
projet de loi, j'ai eu quelques doutes ; je me demandais si nous étions dans le
même pays !
En effet, ce que je connaissais de la médecine, de l'hôpital, de la sécurité
sociale ne correspondait pas exactement au propos et au projet qui nous étaient
présentés. Comme mes collègues médecins, ayant passé de très nombreuses années
dans les centres hospitaliers et universitaires, j'avais, me semble-t-il,
quelques lueurs sur l'évolution de la santé et de la protection sociale dans
notre pays. De plus, ayant été nommé, il y a quelques mois, membre du Haut
comité de la santé publique, à la suite de mon collègue Claude Huriet, je suis
encore plus attentif aux mesures prises ou, le plus souvent, aux mesures non
prises dans ce domaine par les gouvernements successifs.
Bien entendu, madame le secrétaire d'Etat, les propositions que vous présentez
ne rencontreront pas toutes notre adhésion ; certaines susciteront même notre
franche hostilité, nos idées sur l'organisation de la société étant
différentes. Toutefois, sur les sujets de la santé et de la protection sociale,
toute polémique agressive me paraît de part et d'autre déplacée et,
personnellement, je m'en abstiendrai.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Très bien !
M. Francis Giraud.
L'objet même des lois de financement de la sécurité sociale est d'arrêter,
selon les termes de la loi organique, « les orientations de la politique de
santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions
générales de l'équilibre financier ».
Face à cette mission, il faut bien constater que votre texte, même s'il
comporte des mesures utiles à la santé et à la protection sociale, laisse de
côté les grandes réformes attendue par tous s'agissant de la politique
familiale, du financement des retraites et d'une vraie politique de santé.
Mais on nous les promet pour bientôt !
Les premiers articles de ce projet de loi portent sur les dispositifs
financiers nécessaires pour mener à bien ces orientations.
Si les procédés utilisés semblent complexes et quelque peu obscurs, la
philosophie de vos choix, madame le secrétaire d'Etat, est, elle, on ne peut
plus claire.
Grâce à la croissance économique et à l'augmentation des prélèvements affectés
à la sécurité sociale, les comptes sociaux des régimes obligatoires de base
sont passés en trois ans du déficit à l'équilibre.
Dans cette situation, la préparation de la loi relative à la réduction du
temps de travail vous avait conduite, pour assurer son financement, à utiliser
les fonds sociaux. Devant les hurlements justifiés des partenaires sociaux
unanimes, vous avez renoncé à cette méthode directe et vous avez choisi la voie
indirecte que l'on pourrait appeler un prélèvement à la source par détournement
de recettes, ce qui, au bout du compte, revient au même. Cela a été
excellemment démontré par les rapporteurs de la commission des affaires
sociales pour les différentes branches.
Les moyens sont connus : contribution sociale sur le bénéfice des entreprises,
taxation des heures supplémentaires, détournement du produit des taxes sur les
activités polluantes et sur les tabacs ou des droits sur les alcools, toutes
taxes initialement affectées à l'environnement, à la santé et aux retraites.
Tout cela, en fin de compte, vise à financer des mesures imputables au budget
de l'Etat.
Les résultats sont facilement prévisibles : des effets néfastes se produiront
sur la politique de la famille et surtout sur le financement des retraites.
Les articles 7, 8 et 9 concernent la branche famille.
Madame le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, voilà quelques
mois, nous avons participé ensemble, en tant que représentants du parlement
français, à La Haye, à un forum international de parlementaires consacré aux
problèmes démographiques. Si, bien entendu, la surpopulation dans de nombreux
pays était l'objet principal de cette rencontre, il ne vous a pas échappé que
certains intervenants, essentiellement européens, évoquaient le déficit
démographique. La France aujourd'hui, malgré quelques variations positives,
n'assure pas le renouvellement des générations.
Notre rapporteur, M. Jacques Machet, à qui nous souhaitons un bon
rétablissement, l'a excellemment souligné en parlant d'« une menace grave pour
l'équilibre de notre société, pour son dynamisme et pour le financement des
retraites ».
Pour cette branche excédentaire de 6 milliards de francs, vous proposez des
mesures nouvelles pour seulement 1,1 milliard de francs, correspondant à une
revalorisation de 0,3 % des prestations familiales, au relèvement de 20 ans à
21 ans de l'âge limite pour le droit au complément familial et aux aides au
logement, ainsi qu'à l'augmentation de 250 millions de francs du fonds d'action
sociale de la CNAF.
Certaines de ces décisions, présentées comme une avancée, sont en réalité en
recul par rapport à la loi de 1994 sur la famille.
C'est, on peut le dire, une politique des petits pas, bien loin de la
politique ambitieuse souhaitée par le Président de la République, présentée par
le Sénat et dont le pays a grand besoin. Jacques Machet souligne fort justement
le désir des familles d'avoir plus d'enfants ; il faut leur en donner les
moyens.
Les articles 10 à 13 sont consacrés à la branche vieillesse.
Ils devraient logiquement tenir compte des problèmes démographiques. Or ils
brillent, on l'a dit et démontré, par une absence totale de projet à long terme
concernant les retraites.
Exit
le rapport Charpin. Mais vous nous dites : « Nous allons consulter
et dialoguer. »
Notre rapporteur Alain Vasselle a très clairement posé le problème : « Face à
un décalage démographique, il n'y a que deux solutions : attendre 2005 pour
augmenter les cotisations ou abonder réellement un fonds de réserve. » Cet
objectif, vous le savez, est irréalisable ; la création de retraites par
capitalisation sera donc inéluctable.
En raison de l'urgence de la situation et devant, là encore, l'immobilisme du
Gouvernement, le Sénat a adopté, le 14 octobre dernier, les conclusions de la
commission des affaires sociales sur deux propositions de loi, déposées par la
majorité sénatoriale, tendant à favoriser le développement de l'épargne
retraite.
Ce sont, bien entendu, les articles 14 à 25 consacrés à l'assurance maladie
qui ont retenu, vous vous en doutez, toute mon attention.
Oui, il faut être juste et se réjouir de certaines orientations et mesures
ponctuelles présentées dans ce texte.
Qui pourrait être contre la pluridisciplinarité des prises en charge des
cancéreux et les actions garantissant la coordination et la continuité des
soins ?
Qui pourrait être contre une demande identique en faveur des diabétiques ?
Créateur à Marseille du centre de génétique médicale et, avec mon
collaborateur et ami Jean-François Mattel, du centre de diagnostic prénatal, je
me réjouis de l'annonce d'une politique périnatale centrée sur la prévention,
avec un premier entretien spécialisé pour toute femme enceinte.
Vous accorderez au médecin de terrain dans cette discipline que je fus le
droit de se poser des questions sur les moyens réellement mis en oeuvre pour la
réalisation de cet ambitieux programme.
Oui, le programme de lutte contre la douleur, la prise en charge à domicile
des personnes en fin de vie sont des objectifs généreux. Mais où en sont les
textes d'application ?
Notre assemblée est impatiente que soit mis en oeuvre ce programme. C'est
elle, sa commission des affaires sociales, sous l'instigation de notre collègue
Lucien Neuwirth, qui a permis que de telles mesures soient inscrites dans la
loi et deviennent une priorité.
Vous annoncez une série de mesures pour l'an 2000 concernant le renforcement
de la lutte contre l'hépatite C, les maladies sexuellement transmissibles, le
tabagisme ou la drogue... Tout cela est très bien, mais où sont les moyens
dégagés pour remédier à ces maux sur l'ensemble du territoire ? Ne peut-on
légitimement s'interroger quand on sait que les décrets d'application de
mesures votées dans la loi de financement de la sécurité sociale de 1998 ne
sont pas encore parus ?
Enfin, vous entendez promouvoir le droit des malades et construire la
démocratie sanitaire. C'est là une bien belle formule qui ne peut que recevoir
notre adhésion, mais qui suscite de ma part deux réflexions.
Pour un malade grave, il est sûrement plus utile de pouvoir disposer, quelle
que soit sa situation sociale ou géographique, des soins les plus efficaces que
d'avoir le droit de consulter son dossier. Les deux droits ne sont pas
incompatibles. Mais est-on sûr que le premier est réalisé sur tout le
territoire ?
Seconde remarque : dans l'intérêt des citoyens, il me semble nécessaire de
maintenir le secret médical, quels que soient les circonstances ou les motifs
de santé publique qui s'y opposeraient. Nous le savons, seule la protection des
mineurs autorise sa levée.
En dépit de certaines mesures proposées, Mme le ministre de l'emploi et de la
solidarité sait bien que le vrai débat n'est pas là, puisqu'elle annonce, au
printemps 2000, la modernisation de notre système de santé.
Bravo ! Mais, en attendant, l'immobilisme prévaut. On peut d'ailleurs le
comprendre. Les professionnels de santé étant nombreux et influents, ils
peuvent, à eux seuls, déplacer des majorités. Nous en savons quelque chose les
uns et les autres.
En attendant ce printemps béni où nous saurons enfin comment maîtriser les
dépenses de santé, vous avez dans votre texte retenu des solutions pour le
moins discutables, dont les conséquences sont graves.
Alors que l'ensemble des responsables considèrent que les liens existant entre
les différents aspects d'une politique sanitaire et sociale doivent être
renforcés en créant des complémentarités et des réseaux, Mme le ministre fait
exactement le contraire en divisant les responsabilités de gestion : la CNAM se
voit confier la redoutable charge d'une enveloppe englobant la rémunération de
l'ensemble des professionnels libéraux pour réguler les dépenses de la médecine
de ville alors que l'Etat conserve la gestion des établissements
d'hospitalisation publics, auxquels s'ajoutent dorénavant les établissements
privés.
Pour maîtriser les dépenses au sens médical et non comptable du terme, de
nombreuses propositions ont vu le jour. L'une des dernières en date, émanant de
la CNAM, propose des économies en se fondant sur des réformes structurelles,
notamment pour les hôpitaux. Nous avons attendu du Gouvernement des réponses à
ces propositions ou des explications qui ne sont pas venues.
La CNAM, pour réguler les dépenses, depuis de nombreuses années, négociait des
conventions avec les professionnels de santé. Le système est réduit à néant,
puisque les termes des accords tarifaires peuvent être autoritairement modifiés
plusieurs fois dans l'année. Curieux partenariat !
Ave l'institution des lettres clefs flottantes, on en revient, en fait, à la
sanction collective que le Sénat et le Conseil constitutionnel avaient rejetée,
l'an dernier.
Pour l'hôpital, vous affichez un programme que l'on ne peut qu'approuver. Je
cite Mme le ministre : « Promouvoir la qualité des soins, adapter notre offre
hospitalière aux besoins, favoriser la coopération entre établissements et la
médecine de ville, améliorer l'efficience globale du système hospitalier et
adapter le financement correspondant à ces besoins constituent les objectifs
généraux de la politique hospitalière du Gouvernement. »
Fort bien ! Mais est-ce compatible avec la dichotomie que vous instituez entre
la gestion de la médecine de ville et la gestion de l'hospitalisation publique
et privée ?
Pourquoi aucune mesure concernant l'hôpital ne figure dans le projet de loi de
financement pour 2000 ?
La possibilité d'engager pendant une durée de cinq ans une expérimentation de
la tarification à la pathologie dans les établissements publics et privés,
mesure votée à l'occasion de la loi sur la couverture maladie universelle, vous
paraît-elle suffisante ?
Aurons-nous les réponses au printemps ?
Pourtant, les agences régionales d'hospitalisation ont accompli un travail de
qualité en préparant les schémas régionaux d'organisation sanitaire. Mais où en
sont les accréditations ? Combien de contrats d'objectifs ont-ils été signés
?
En fait, pour l'hospitalisation publique ou privée, se posent trois problèmes
: le mode de financement, l'architecture entre les différents établissements et
la situation des personnels.
En ce qui concerne le financement, vous assurez souvent que les hôpitaux sont
« dans les clous ». Peut-être, mais ils ne vont pas bien !
Le système actuel du budget global est suicidaire. Il reconduit d'année en
année une masse financière globale qui empêche les établissements les plus
performants de se développer. La fédération hospitalière de France réclame, à
juste titre, qu'un financement à double mécanisme soit mis en oeuvre. Ce double
financement devrait comporter : d'une part, une dotation globale correspondant
aux missions de service public ; d'autre part, un système tarifaire fondé sur
l'activité et la performance, qui, lui, s'appliquerait de manière identique à
l'hôpital public et à l'hôpital privé.
Un système tarifaire unique, fixé au niveau national, mettrait un terme aux
disparités constatées d'une région à l'autre dans notre pays pour des soins
similaires. Comment justifier qu'une prostatectomie - j'ai pris cet exemple au
hasard, bien entendu ! - soit remboursée entre 12 000 et 20 000 francs selon
qu'il s'agit d'établissements de la région Rhône-Alpes ou de l'Ile-de-France ?
Comment admettre que, dans les établissements de post-cure psychiatrique, en
moyen séjour, le forfait de surveillance pour le psychiatre soit de 11,25
francs par jour en région Provence-Alpes-Côte d'Azur et de 40,09 francs en
Midi-Pyrénées ?
S'agissant des structures, comment faire admettre aux médecins, aux personnels
paramédicaux, voire aux élus locaux, la nécessité absolue d'une hiérarchie dans
la chaîne des soins, chacun à sa place ?
A propos des centres hospitaliers et universitaires, l'un des maillons de la
chaîne que je connais bien, vous me permettrez quelques réflexions.
Vous évoquez ce problème en une phrase à propos de la tarification à la
pathologie. Vous dites : « Une attention particulière sera portée dans ce cadre
à la prise en compte des charges liées aux exigences du service public -
permanence des soins, recherche, formation. »
Nés des ordonnances de 1958, les CHU ont joué un rôle déterminant, reconnu de
tous, dans l'organisation de l'excellence de la médecine française. Pourtant,
des adaptations s'avèrent nécessaires. Je suis bien placé pour exonérer, en
partie, les politiques des dérives constatées tant le poids des rigidités est
présent dans ce milieu, comme dans d'autres d'ailleurs !
La triple mission impartie aux médecins hospitaliers et universitaires -
soins, enseignement, recherche - est certes difficile à remplir, mais elle
conditionne une émulation créatrice des progrès médicaux. Les moyens financiers
affectés à ces structures par les ARH, le ministère de l'éducation nationale et
celui de la recherche, doivent être mieux appréciés même si l'on exige une plus
grande rigueur dans l'organisation des services.
La recherche médicale appliquée ne peut se passer des CHU. Directeur d'une
unité de recherche médicale de l'INSERM pendant douze ans, j'ai vécu une
aventure extraordinaire où tous les acteurs de l'hôpital et de l'université
travaillaient en parfaite harmonie à la réalisation de programmes
scientifiques.
J'en viens aux médecins.
Les praticiens hospitaliers, clef de voûte de l'édifice, malgré des
modifications statutaires récentes, se déclarent insatisfaits de leur
situation. La sanction est d'ailleurs immédiate : le nombre de postes vacants
dans certaines disciplines et dans certaines régions apporte la réponse des
jeunes médecins à cette réalité.
Je voudrais évoquer enfin la question fondamentale de la réforme des études
médicales que vous signalez en deux lignes en nous annonçant, là encore, que
les mesures seront proposées au Parlement au cours de l'an 2000. Notre
impatience ne fait que grandir.
Comment faire pour accélérer le cours du temps pour que nous ayons enfin les
réponses ?
La médecine n'est pas une science. C'est un art, un comportement, bien
entendu, appuyés sur des données scientifiques. Il y a des années,
l'enseignement se faisait presque uniquement au lit du malade, dans un
compagnonnage qui assurait la transmission du savoir de génération en
génération. Le développement des sciences a obligé à remodeler l'enseignement
vers les disciplines scientifiques. Cela était indispensable. Mais on est allé
trop loin en éliminant les « humanistes » lors de la sélection du premier
cycle. Ils auraient pu faire d'excellents médecins.
Il faut par ailleurs, sans transformer les médecins en « boutiquiers »,
imprégner fortement l'enseignement de données économiques. Je souhaite très
sincèrement le succès des mesures que l'on s'apprête à prendre dans ce domaine,
car il y va de la qualité des soins.
Pour les mêmes raisons, la formation continue doit être repensée. Mais, là
plus qu'ailleurs, les mesures coercitives sont à proscrire. Les médecins ne
sont pas des véhicules soumis à des contrôles techniques ! Pourtant, compte
tenu de l'évolution extraordinairement rapide des connaissances scientifiques,
le principe n'est pas choquant. Les médecins, et ils le font souvent, doivent
organiser eux-mêmes ces mises à jour.
Madame le secrétaire d'Etat, tous les sénateurs et spécialement ceux qui sont
issus du monde de la santé, souhaitent sans arrière-pensée que la protection
sociale et le système de soins dans notre pays retrouvent leur équilibre, et
pas seulement sur le plan financier.
Vous regrettez souvent que l'opposition critique les textes du Gouvernement,
ce qui est son rôle et son devoir, sans présenter de projet alternatif. Pour ce
texte de loi, ce n'est pas le cas. Le travail remarquable effectué par la
commission des affaires sociales, et singulièrement par son rapporteur, M.
Descours, permet de soumettre au Sénat des propositions constructives et
réalistes qui associent pleinement les professionnels de santé, sans lesquels
il ne peut y avoir de politique de santé efficace.
La commission propose un mécanisme alternatif de régulation des dépenses
médicales faisant appel à la responsabilité individuelle des médecins et
contribuant à l'amélioration des pratiques médicales dans l'intérêt des
patients.
Les sénateurs du RPR soutiennent et voteront donc les modifications apportées
par la commission des affaires sociales au projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
souhaite terminer ce propos sur la médecine en évoquant une question empreinte
de gravité.
Après une vie professionnelle bien remplie, me voilà sénateur. Je m'étais
promis que, lors de ma première intervention à la tribune, j'évoquerais un
problème des plus douloureux qui soient dans notre pays : la situation des
familles qui ont un enfant souffrant d'un handicap mental.
Ayant côtoyées ces familles et ayant essayé, modestement, d'organiser une
prévention, notamment en ce qui concerne la trisomie 21, je suis parvenu à la
conclusion que, dans ce pays si riche, on ne se rend pas toujours bien compte
du calvaire de ces familles qui, jour après jour, année après année, voient les
portes se refermer parce qu'il n'y a pas assez de places. Je m'étais promis
d'évoquer ce problème. Je suis certain que, quelles que soient les travées de
cette assemblée, quels que soient les gouvernements, chacun aura à coeur
d'essayer de résoudre cette douloureuse question.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale est un acte
politique important non seulement en raison des masses financières engagées - 1
800 milliards de francs - mais aussi parce que ces masses financières
concernent des choix essentiels pour notre pays en matière de justice et de
cohésion sociales. Or ce débat n'a pas vraiment lieu : les contraintes et la
rigidité de la discussion sur ce texte sont telles qu'elles limitent, en fait,
la marge de manoeuvre et les droits des parlementaires, qui doivent se
contenter de débats assez techniques pour valider ou non des objectifs de
recettes ou de dépenses.
Seul le rapport annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale
traite des objectifs de santé et des orientations qui conditionnent l'avenir de
la protection sociale. Nous partageons nombre de ces objectifs, que vous avez
rappelés, madame la secrétaire d'Etat. J'ai noté, parmi les questions qui me
tiennent à coeur, la mise en application de la CMU, la gynécologie médicale, le
dépistage des cancers féminins, la lutte contre le saturnisme, la sécurité au
travail, l'amélioration de la prise en charge des dialysés ou encore l'accueil
de la petite enfance.
Malheureusement, ce rapport annexé est dépourvu de valeur normative. Cette
conception du débat parlementaire est finalement réductrice, s'agissant des
besoins les plus fondamentaux de nos concitoyens. De ce point de vue, le
décalage est patent entre le débat sur le financement de la sécurité sociale
tel qu'il est encadré et les multiples réunions qui se sont tenues dans le
cadre des états généraux de la santé auxquels vous avez fait référence.
Beaucoup de gens se sont mobilisés. Ils ont avancé de nombreuses propositions
à la fois pour pérenniser le système de protection sociale, auquel ils sont
particulièrement attachés, et pour réformer en profondeur la santé. Ils ont
exprimé de nombreuses attentes.
Le Premier ministre a annoncé - Mme Aubry et vous-même, madame la secrétaire
d'Etat, l'avez confirmé - qu'au printemps prochain serait déposé un projet de
loi relatif à la santé. Bien entendu, il s'agit d'un point positif. Les
préoccupations exprimées par nos concitoyens sur la prévention et sur la
démocratie notamment devraient être prises en compte. En définitive, j'en suis
certaine, cela permettrait de faire « mieux ».
Beaucoup sont demandeurs, par exemple, d'une loi pluriannuelle définissant les
objectifs d'une réelle politique nationale de santé.
J'espère, madame la secrétaire d'Etat, que le Gouvernement traduira
concrètement cette revendication légitime de démocratie sanitaire permettant
d'engager un débat de fond sur la politique de santé au Parlement comme dans le
pays.
Une telle démarche s'impose, d'autant que de nombreuses évolutions de notre
système de soins mettent en péril son principe même, à savoir l'accès pour tous
à des soins de qualité.
En 1996, les tenants d'une privatisation de la sécurité sociale arguaient du
grave déficit du régime général pour prôner la mise en concurrence des caisses
et des assurances.
Aujourd'hui, les comptes sont en équilibre et nous ne pouvons que nous en
satisfaire. Pourtant, nous continuons d'entendre les mêmes sirènes. Le MEDEF
envisage comme seule solution possible pour éviter la faillite du système des
réductions drastiques de dépenses concrétisées par le plan Johanet, par
exemple. Comment ne pas voir que cela va de pair avec la volonté d'ouvrir
largement le marché des assurances complémentaires santé pour les couches
sociales les plus favorisées ?
Avant même que l'on entame la discussion sur la couverture maladie
universelle, l'année dernière, l'accord signé entre la CNAM, la Mutualité
française et la Fédération des assurances, définissant le panier de biens et
services de soins médicaux remboursables, avançait déjà sur cette voie
inacceptable de limitation des dépenses sociales remboursables.
De même, les projets entre le groupe AXA et certains syndicats médicaux voient
le jour pour la constitution de filières de soins concurrentielles
sélectionnant risques et malades.
Or, intervenant à l'Assemblée nationale pour défendre une motion de procédure
déposée par la droite contre le projet de loi de financement de la sécurité
sociale, M. François Mattéi, proposant que la concurrence s'impose dans la
gestion de l'assurance maladie, n'a-t-il pas regretté que l'expérimentation de
dispositifs de filières de soins soit trop limitée et pas assez ambitieuse ?
La grande majorité des Français ne veut pas de la sélection par le risque, pas
plus qu'elle ne souhaite supporter demain les conséquences d'autres
restrictions des dépenses de santé envisagées, alors qu'une part du coût des
soins de plus en plus importante est laissée à la charge des patients, avec
l'amputation du ticket modérateur, le non-remboursement de médicaments, les
dépassements d'honoraires des médecins, le secteur privé à l'hôpital, sans
compter les problèmes liés au manque de moyens pour la prévention, les urgences
à l'hôpital, etc.
Le plan stratégique de la CNAM, que la commission des affaires sociales a
qualifié « d'ambitieux et d'audacieux », prévoit, à l'inverse, des coupes
claires dans les dépenses d'assurance maladie et notamment une diminution de 32
milliards de francs des crédits alloués aux hôpitaux publics, ce qui équivaut à
cent soixante mille suppressions d'emplois, en généralisant la tarification à
la pathologie.
Il faut être cohérent ! On ne peut pas, d'un côté, décider de confier à
l'hôpital de nouvelles missions, par exemple de développer des unités de soins
palliatifs, ce que nous approuvons, et, de l'autre, cautionner l'amputation des
crédits de l'hôpital public !
Je citerai d'autres mesures phares du plan Johanet : la limitation de la prise
en charge des cures thermales à deux applications, de nouvelles vagues de
déremboursement ou de remboursement réduit à 35 % pour les médicaments ou le
relèvement des remboursements pour les seuls patients qui acceptent la filière
du médecin référent limitant l'accès aux spécialistes.
Contrairement à vous, messieurs de la majorité, je suis satisfaite que ce plan
n'ait pas été repris,...
M. Charles Descours,
rapporteur.
Nous aussi !
Mme Nicole Borvo.
... en tout cas dans son intégralité, par le Gouvernement.
Depuis de nombreuses années, nous avançons l'idée qu'avant tout les maux dont
souffre la sécurité sociale, qu'il s'agisse de la maladie, de la vieillesse, ou
de la famille, proviennent non pas principalement d'une croissance excessive de
ses dépenses, mais de l'insuffisance de ses recettes, au regard des besoins
sociaux.
Comment ne pas faire le lien entre les déficits chroniques enregistrés jusqu'à
présent par la sécurité sociale et la situation de l'emploi ?
Le chômage massif, la forte précarité, les bas salaires et les exonérations
importantes de cotisations patronales ont privé, de fait, la sécurité sociale
de recettes durables.
Financée par des cotisations assises sur les revenus du travail, et
principalement sur les salaires, la sécurité sociale subit les conséquences de
la faiblesse de la masse salariale.
Je rappelle que M. Chadelat, inspecteur général des affaires sociales, chargé
en décembre 1996 d'étudier les différentes pistes de modification de l'assiette
des cotisations patronales de sécurité sociale, observait que « le
déséquilibre, avec 54 milliards de francs de déficit en 1996 et 35 milliards de
francs en 1997, tenait largement dans une insuffisance de la croissance des
recettes, plus que dans un non-succès de la maîtrise des dépenses de santé
engagée alors depuis plusieurs années ». Il préconisait, notamment, une
nouvelle cotisation dont le taux serait modulé à partir d'un critère de valeur
ajoutée.
Cela va dans le sens d'une réforme des cotisations patronales que nous
défendons depuis longtemps non seulement pour conforter, mais également pour
augmenter les recettes de la sécurité sociale en faisant jouer à ces
cotisations un rôle actif.
Modulée en fonction du rapport de la masse salariale, de la part des salaires
dans la valeur ajoutée, la nouvelle assiette des cotisations serait ainsi
favorable à la promotion de l'emploi, mais pénaliserait les entreprises qui
privilégient la croissance et la rentabilité financière au détriment de la
masse salariale.
C'est parce qu'elle touche à la logique même de gestion des entreprises,
qu'elle pose la question du nécessaire rééquilibrage entre les revenus du
travail et ceux du capital pour financer notre système de protection sociale,
que notre proposition soulève tant d'opposition.
Certes, depuis deux ans, le Gouvernement a entrepris de réformer le
financement de la sécurité sociale en basculant les cotisations d'assurance
maladie des salariés vers la CSG, fiscalisant ainsi le financement, et en
élargissant les prélèvements sur les revenus du patrimoine et les produits de
placement. Toutefois, il manque l'essentiel : la contribution des revenus
financiers des entreprises au financement de la sécurité sociale.
Le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale table, cette
année, sur un déficit de 4 milliards de francs en ce qui concerne le régime
général. En 2000, l'équilibre des comptes devrait être atteint et un excédent
de 2 milliards de francs pourrait être dégagé.
Evidemment, ce redressement des comptes sociaux doit être salué. Toutefois,
même si la croissance économique et les évolutions en matière d'emploi ont
permis d'accroître les recettes, contrairement à ce qu'avance la commission des
affaires sociales du Sénat, ce retour à l'équilibre est aussi le résultat de la
pression sur les dépenses sociales, ce qui ne peut entièrement nous satisfaire
aujourd'hui.
Je formulerai un autre motif d'insatisfaction : la réforme du financement de
la protection sociale, notamment au travers des cotisations patronales,
proposée par le Gouvernement, est étroitement liée au financement de la
réduction de la durée du travail.
A une réforme de fond de l'assiette des cotisations sociales patronales,
lisible, économiquement et socialement efficace, qui permettrait d'asseoir
durablement les recettes de la protection sociale, vous avez préféré, madame la
secrétaire d'Etat, alléger le coût du travail sur les bas salaires en
substituant à la « ristourne Juppé » un système d'exonération de cotisations
patronales plus ample - jusqu'à 1,8 SMIC - et plus puissant : 80 % des
cotisations employeurs pour les entreprises passant à trente-cinq heures.
Pour compenser, entre autres, le coût pour la sécurité sociale des
exonérations de cotisations patronales, vous faites appel, notamment, à la
fiscalité écologique en étendant la taxe générale sur les activités polluantes
et à une contribution de 3,3 % sur les bénéfices des entreprises dont le
chiffre d'affaires est supérieur à 50 millions de francs.
Lors des débats sur le projet de loi relatif à la réduction du temps de
travail, les parlementaires communistes ont eu l'occasion de rappeler combien
cette logique de baisse du coût du travail était peu efficace en termes
d'emploi, mais redoutable pour tirer les salaires vers le bas. Nous avons
proposé, d'ailleurs, de substituer aux allégements de cotisations sociales des
allégements de charges financières et l'extinction de la « ristourne Juppé
».
Si je reviens sur ce point, c'est pour expliquer en partie la raison pour
laquelle nous portons un jugement négatif sur l'article 2 du présent projet de
loi, qui crée un fonds d'Etat dont la mission est, justement, de compenser le
coût pour la sécurité sociale des exonérations incriminées. Mais nous voulons
aussi éviter tout amalgame avec la position de la commission des affaires
sociales qui, elle, rejette ce fonds de financement, tout simplement parce
qu'elle ne veut pas des 35 heures.
(M. Descours, rapporteur,
s'exclame.)
Concernant les recettes du fonds, vous avez, fort heureusement, renoncé à
faire contribuer l'UNEDIC, mais la contribution de 10 % venant de la taxation
des heures supplémentaires, particulièrement injuste, demeure. Je vous accorde,
madame la secrétaire d'Etat, que, pour la première fois, les entreprises seront
mises à contribution. Contrairement à la majorité de la commission des affaires
sociales du Sénat, au regard des richesses produites par les entreprises et des
résultats financiers affichés par les grands groupes, il me semble que la
mesure envisagée est largement supportable.
Lorsque l'on met en balance le coût total des exonérations - 115 milliards de
francs avec la réduction du temps de travail - et le montant de la
participation des entreprises, soit 4,3 milliards de francs cette année,
permettez-moi d'estimer que le rééquilibrage n'est pas satisfaisant. Par
conséquent, nous proposerons non seulement d'accroître le taux de la
contribution sur les bénéfices des entreprises, mais aussi de substituer à la
taxe sur les heures supplémentaires une contribution sociale assise sur les
revenus financiers.
Les dépenses de protection sociale nécessaires à la satisfaction des besoins
de la population constituent en elles-mêmes un facteur de croissance
économique. Tirons-en toutes les conséquences et allons jusqu'au bout de la
réforme de l'assiette des cotisations patronales. Sinon, chaque année, nous
serons confrontés au même choix : restreindre les dépenses pour éviter de
fragiliser l'équilibre des comptes.
La France demeure malheureusement en queue de peloton des pays européens
concernant les taux moyens de remboursement. Les Français se privent de soins
pour des raisons financières - cela a été amplement démontré - mais ausi du
fait de la faiblesse des prises en charge.
Le Gouvernement a reconnu, madame la secrétaire d'Etat, lors de la discussion
de la CMU, qu'il fallait progresser sur cette question, et Mme Aubry espérait
que les taux de remboursement adaptés mis en place pour les prothèses dentaires
et l'optique permettraient de tirer vers le haut les niveaux de remboursement
pour l'ensemble des assurés sociaux. C'est l'engagement qu'elle avait pris.
Faute de choix plus nets en matière de financement, vous ne pouvez concrétiser
une telle ambition cette année.
Au moins pourriez-vous prendre l'engagement d'élaborer un plan pluriannuel
d'augmentation du taux moyen de remboursement et fixer des priorités en matière
de lunetterie, de soins optiques, de soins dentaires et d'appareillage. Tel
sera l'objet d'un de nos amendements au rapport annexé.
Deuxième point d'achoppement, toujours pour les mêmes raisons, les allocations
familiales et vieillesse ne seront pas relevées substantiellement ; pis encore,
elles enregistreront une baisse relative.
Mon collègue Guy Fischer reviendra sur la question des retraites et du
traitement global de la dépendance.
Concernant les mesures relatives à la famille, nous prenons acte de la
transcription des annonces faites lors de la conférence de la famille, qu'il
s'agisse de la garantie de ressources de la branche ou de la prolongation de
vingt à vingt et un ans des droits au complément familial et aux aides au
logement.
J'accueille très positivement le fait que vous ayez accepté notre proposition
d'un rapport concernant les types d'aide à apporter aux jeunes adultes.
Puisque cette question est inscrite au programme de la conférence sur la
famille de 2001, nous devons d'ores et déjà avancer. En effet, nous ne pouvons
indéfiniment repousser l'âge de l'enfant à charge permettant le versement de
diverses prestations. Il convient de réfléchir à des réponses spécifiques pour
les jeunes adultes étudiants ou chômeurs, où chacun, l'UNEDIC en particulier,
assumerait ses responsabilités.
Madame la secrétaire d'Etat, vous savez que nous avons pour objectif de
soutenir la famille dès l'arrivée du premier enfant. Curieusement, nos
collègues de la majorité sénatoriale, qui se préoccupent pourtant beaucoup de
la famille, ne sont pas intéressés par ce souci d'équité entre les enfants !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Mais si !
Mme Nicole Borvo.
J'ajoute, mes chers collègues, que vous avez amplement démontré ce que vous
pensiez des mères de famille quand vous avez refusé la baisse légale de la
durée du travail et toute mesure légale contraignante contre la flexibilité et
la précarité du travail, dont les femmes sont les premières victimes !
Concernant la branche accidents du travail et maladies professionnelles, nous
sommes évidemment favorables à l'extension du dispositif de cessation anticipée
d'activité des travailleurs de l'amiante ou à la prorogation d'un an du délai
de forclusion de réouverture des dossiers des victimes de l'amiante.
Les associations de défense de victimes d'accidents du travail demandaient
depuis longtemps que l'on mette fin à l'injustice actuelle en matière de calcul
des rentes versées en cas d'accidents successifs. Toutefois, pour cette
branche, le problème de fond n'est pas posé ; les employeurs ne sont pas
responsabilisés, notamment financièrement, alors qu'il ne fait aucun doute que
la faible reconnaissance des maladies professionnelles, outre le préjudice pour
les victimes, entraîne de lourdes charges pour l'assurance maladie. Le
secrétaire général de la Fédération nationale des accidentés du travail et
handicapés faisait par exemple remarquer récemment que les cancers
professionnels représentent 5 % des nouveaux cas de cancer, soit huit mille par
an, alors que seulement trois cents sont reconnus et indemnisés comme tels.
Je terminerai par l'assurance maladie, qui constitue, avec le titre sur les
recettes, le gros de ce projet de loi.
Je note - c'est un élément intéressant - que cette année, en calculant l'ONDAM
non plus sur des prévisions mais sur des réalisations, en prévoyant un nouveau
mécanisme de régulation des soins de ville, vous essayez de dépasser la seule
régulation comptable, d'ailleurs en échec. Mais la logique des enveloppes
opposables continue, et pose de sérieux problèmes.
Par exemple, le taux d'évolution des dépenses de santé prévu - 2,4 % - ne
permettra pas de desserrer l'étau financier autour de l'hôpital public. Ici,
nous discutons d'ONDAM, mais les schémas régionaux d'organisation sanitaire
prévoient la suppression de 24 000 lits pour les cinq ans à venir, soit 10 000
de plus que les cinq années passées. Le débat de fond sur les besoins
hospitaliers n'a pas lieu.
Certes, l'hospitalisation évolue, mais je doute que, dans de telles
conditions, on puisse conclure à l'amélioration de la qualité des soins et de
la prise en charge des malades - les charges supplémentaires que doit induire
la CMU - ou à un maillage efficace du territoire. Nous attendions un geste en
faveur de l'hôpital, des mesures spécifiques telles que l'octroi de prêt à taux
zéro pour les investissements ou des taux de TVA réduits pour certaines
dépenses de fonctionnement.
Pour la médecine de ville, sur le fond, on pourrait partager l'idée de
transférer vers la CNAM la responsabilité de gérer un objectif de dépenses
délégué, mais à la double condition, d'une part, que l'on revienne sur les
contraintes des objectifs opposables et, d'autre part, que l'extension des
prérogatives du conseil d'administration de la CNAM s'accompagne d'une
réflexion sur les conditions d'une gestion plus démocratique des caisses.
Si l'on ne s'oriente pas vers le rétablissement de l'élection au suffrage
universel des représentants des assurés, je crains que la composition actuelle
du conseil d'administration, où les gestionnaires sont aussi les partenaires de
l'assurance maladie, à savoir les assurances, ne fasse que renforcer l'optique
de maîtrise comptable engagée depuis 1996, ce que nous refusons, comme vous le
savez.
En conclusion, je souhaite réellement qu'au cours de nos débats des réponses
soient apportées concernant de nombreuses dispositions qui, actuellement, nous
paraissent compromettre les objectifs mêmes que vous défendez en matière de
politique de santé, madame la secrétaire d'Etat, faute d'engager une véritable
réforme des recettes de la protection sociale nécessaire à une satisfaction
optimale des besoins. Cette préoccupation est, à mon sens, tout à fait
étrangère à la commission des affaires sociales qui, une fois de plus, tout en
essayant de se faire l'écho de revendications diverses, ainsi que mon
prédécesseur M. Francis Giraud l'a montré, avance des contre-propositions qui
visent à renforcer les mécanismes de réduction des dépenses sociales.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en
abordant la discussion du quatrième projet de loi de financement de la sécurité
sociale, on est tenté de se réjouir du retour à l'équilibre espéré des comptes
sociaux. Après un déficit de 53 milliards de francs en 1998, les prévisions
pour 2000 font en effet apparaître un excédent du régime général d'environ 2
milliards de francs.
Pourtant, ce projet de loi ne peut effacer complètement les inquiétudes
légitimes des Français sur leur protection sociale. En particulier, il ne
comporte ni les conditions d'une maîtrise durable des dépenses de santé ni
l'approche des réformes de fond indispensables pour assurer la pérennité de
notre système de retraite.
La réduction des déficits s'explique par une forte augmentation des recettes
de la sécurité sociale - près de 9 % en deux ans - obtenue, pour l'essentiel,
par la reprise de la croissance, mais aussi grâce à des prélèvements nouveaux
dont on a déjà beaucoup parlé.
En plus, il faut considérer un phénomène de type artefact dû aux récentes
difficultés informatiques de certaines caisses qui ont abouti depuis deux mois
à une limitation des prestations versées aux assurés.
Les dépenses d'assurance maladie, quant à elles, faute d'une véritable réforme
structurelle, continuent d'augmenter. Ces dépenses, chiffrées à 600 milliards
de francs en 1997, voient leur objectif, l'ONDAM, passer de 630 milliards dans
la loi de financement pour 1999 à 658 milliards prévus dans le projet de loi
pour 2000.
Face au défi du vieillissement, on ne peut que regretter l'abondement pour le
moins limité du fonds de réserve pour les retraites, surtout à la lecture des
conclusions du rapport Charpin. On y estime en effet que le niveau de réserves
nécessaire pour assurer les retraites devrait être de l'ordre de 300 milliards
de francs annuels d'ici à 2020 et peut-être de 600 milliards de francs d'ici à
2040.
Je ne m'étendrai pas sur la nécessité d'ouvrir rapidement le vrai débat sur la
réforme des retraites ni sur l'augmentation continue des prélèvements sociaux,
m'associant aux commentaires de mon collègue de groupe, Jean-Pierre Fourcade.
En revanche, permettez-moi, madame la secrétaire d'Etat, d'exprimer quelques
interrogations et de formuler certaines craintes au sujet du nouveau dispositif
de régulation de la médecine de ville prévu dans le projet de loi.
Le texte en discussion, par son article 17, confie à la CNAM la gestion des
soins de ville, encore désignés sous le vocable de « médecine ambulatoire »,
et, à l'article 24, place sous la responsabilité directe du Gouvernement et la
compétence déléguée des agences régionales de l'hospitalisation les hôpitaux
publics et les cliniques privées. L'Etat conserve également autorité sur le
médicament, particulièrement pour la surveillance de la progression du chiffre
d'affaires des entreprises pharmaceutiques, aux termes des articles 21 et
22.
Tout en opérant une clarification des rôles, gage d'une gestion visant
l'efficacité, cette partition de notre système de soins fait néanmoins naître
des inquiétudes. Quelle sera la réelle autonomie de la CNAM ? De quelle
enveloppe dépendront les dépenses des réseaux ville-hôpital, fondées sur les
indispensables filières de soins ? Quelle sera l'enveloppe de l'hospitalisation
à domicile et des prescriptions lors d'interventions extérieures des services
d'urgence ? Enfin, quelle sera la place faite au dialogue conventionnel ?
Par ailleurs, avec les lettres clés flottantes - je sais que l'on n'aime pas
cette expression - s'établit un système de sanctions collectives qui n'est pas
acceptable. Dans un article du
Monde
daté du 27 octobre dernier, le
président de la CNAM lui-même « ne trouve pas réaliste d'ajuster tous les
quatre mois les tarifs des médecins ». Au lieu de se fonder sur une évaluation
de la qualité des soins et sur des critères de bonne pratique, ce système se
fonde sur des nécessités strictement comptables ! On peut comprendre le
mécontentement de certains praticiens.
Je crois qu'aujourd'hui on ne doit plus se contenter de mesures financières ou
de colmatage ; une véritable loi d'orientation sur la santé s'impose pour
définir logiquement les besoins et les moyens.
Le Gouvernement annonce, madame la secrétaire d'Etat, dans le rapport annexé
au projet de loi, un texte relatif à l'organisation des soins en France pour le
printemps de l'année 2000. Je me réjouis de cette perspective de
clarification.
Ce que vous proposez est ambitieux : moderniser l'assurance maladie et ses
relations avec les professionnels de santé ; instaurer une véritable démocratie
sanitaire et garantir les droits des malades ; améliorer notre système de soins
en modernisant les conditions d'exercice des professionnels et en développant
la prévention et l'éducation pour la santé ; enfin, mieux coordonner les
objectifs d'une politique de santé et les lois de financement de la sécurité
sociale.
Tous ces principes méritent d'être retenus comme fondement d'un nouveau
système de soins. Ils vont d'ailleurs dans le sens d'un triptyque que j'ai
toujours défendu : développement de l'épidémiologie, longtemps négligée en
France ; diffusion d'une éducation sanitaire, en particulier dès l'école ou le
collège, et instauration d'une véritable prévention. Mais, si vous voulez
donner une chance à cette loi d'être comprise et acceptée, je pense qu'il est
indispensable d'associer étroitement à son élaboration les professionnels de
santé.
Soyez convaincue, en tout cas, que les sénateurs seront nombreux à participer
au débat sur de telles propositions.
Je veux aborder maintenant un point qui n'est pas dans le projet de loi, mais
sur lequel je souhaiterais avoir votre sentiment, madame la secrétaire d'Etat.
Il s'agit de l'avenir du thermalisme.
Le plan stratégique adopté par le conseil d'administration de la CNAMTS le 12
juillet dernier comportait une mesure visant à limiter le remboursement des
cures thermales à deux orientations thérapeutiques. Le but était de réaliser
une économie de 500 millions de francs sur des dépenses thermales qui, je le
rappelle, représentent aujourd'hui moins de 1,2 milliard de francs, soit 0,23 %
du budget total de l'assurance maladie. Le risque était tout de même de mettre
en difficulté les trois quarts de la centaine de stations thermales que compte
la France !
Cette menace a évidemment suscité les plus vives inquiétudes des
professionnels du thermalisme comme des curistes, ainsi que des élus et des
populations des communes d'implantation. Celles-ci, souvent défavorisées, ont
l'activité thermale pour seul moteur économique.
Vous avez choisi de ne pas suivre cette proposition et de confier à une
personne qualifiée une mission sur l'avenir du thermalisme. On ne peut que se
réjouir de votre décision révélatrice d'une attitude responsable et pragmatique
face à la campagne arbitraire et insuffisamment fondée menée par la CNAM à
l'encontre du thermalisme.
Cependant, il ne faudrait pas que cette décision soit un sursis avant la
révélation d'une réforme hâtivement préparée et susceptible d'apparaître dans
le projet de loi sur l'organisation de la santé en France.
Pour ma part, j'estime qu'il faut donner au thermalisme, pendant la période
d'application de la convention nationale signée le 5 mars 1997 entre la CNAM et
ses partenaires, une chance de prouver son intérêt médical et social. Cet
accord a son échéance normale au printemps 2002.
Tout en attendant avec intérêt les conclusions de la mission gouvernementale,
le groupe d'études sur le thermalisme que je préside au Sénat se propose de
favoriser l'élaboration d'un plan d'évaluation et d'accréditation sur trois
ans.
Ce projet pourrait faire appel à une équipe d'universitaires, sous la forme
d'un groupement d'intérêt scientifique, tel que le nouvel Institut d'études et
de recherche sur le thermalisme, et trouver une aide à son financement auprès
des conseils régionaux et généraux intéressés par les activités thermales. Il
paraît opportun de pouvoir en discuter avec Mme la ministre de l'emploi et de
la solidarité et les membres de son cabinet.
Enfin, vous avez décidé de prolonger d'un an la suspension de l'entente
préalable pour les cures thermales, après les deux années d'effet de l'arrêté
du 12 mars 1997. Mais la durée de cette prolongation dépend de la date de
signature du nouvel arrêté. Avec une application rétroactive au 12 mars 1999,
date d'échéance du premier arrêté, le thermalisme se trouverait à nouveau dans
une situation incertaine en mars 2000, au moment même où la saison
s'ouvrirait.
Pouvez-vous nous donner, madame la secrétaire d'Etat, des éclaircissements sur
ces points ?
Il me semble en tout état de cause que seul un véritable plan d'évaluation
permettrait d'apprécier la place réelle du thermalisme dans la thérapeutique
moderne. Tout autre démarche expose à deux excès contraires : l'affirmation
incantatoire de vertus non objectivement démontrées ou la condamnation
a
priori
, base de l'argumentation du plan stratégique de la CNAM.
Il existe en France un certain attachement aux vertus de la crénothérapie et
le désir de conserver les acquis du thermalisme social. Né au lendemain de la
Libération, ce pacte social a permis, à partir de 1947, un accès de tous aux
prestations thermales. Aujourd'hui, l'objectif doit être une évaluation selon
des critère scientifiques et l'accréditation des stations et de leurs
indications selon des connaissances actualisées.
En conclusion, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour
2000 souffre des difficultés engendrées par le financement de la réduction du
temps de travail et laisse dans l'ombre le lancinant problème de l'avenir des
retraites à l'horizon 2020.
Il apporte tout de même l'espoir d'un équilibre financier tant attendu de la
protection sociale. Surtout, son annexe annonce un grand débat pour une
nouvelle organisation des soins en France à l'échéance du printemps prochain.
Le Gouvernement et le Parlement doivent soigneusement préparer ce qui pourrait
être le grand tournant pour une vraie politique de santé.
M. le président.
La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans
le prolongement de celle de M. François Autain, mon intervention portera plus
particulièrement sur la branche famille.
Je reprendrai tout d'abord, en les citant, les propos tenus par notre collègue
Jacques Machet qui écrit, au tout début de son rapport, que « les perspectives
de la branche famille pour l'année 2000 devraient constituer, pour votre
rapporteur, un motif de satisfaction : le retour à une situation
structurellement excédentaire permet d'envisager l'avenir avec confiance et
d'afficher de nouvelles ambitions pour la famille ». C'est parfaitement
exact.
La suite est malheureusement décevante pour M. le rapporteur selon lequel
cette situation favorable ne profitera pas aux familles, car les excédents sont
confisqués. La question de leur utilisation revient comme un
leitmotiv
tout au long du rapport.
Faut-il rappeler que cette question n'avait pas lieu d'être posée les années
précédentes - et pour cause : il n'y avait que des déficits, des déficits qui
se sont creusés entre 1994 et 1997 ! Le problème était d'ailleurs chronique,
tous les comptes de la nation figuraient en rouge.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Vous oubliez M. Pierre
Bérégovoy !
M. Gilbert Chabroux.
Je parle de 1994 à 1997 !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
C'est facile de
s'arrêter à 1997 !
M. Gilbert Chabroux.
Pour la seule branche famille, le déficit cumulé sur ces quatre années
dépassait les 50 milliards de francs.
M. Guy Fischer.
Et il n'était pas financé !
M. Gilbert Chabroux.
Mesure-t-on l'ampleur d'un tel déficit ? La droite n'oublie-t-elle pas trop
facilement que la loi du 25 juillet 1994 a été financée à crédit ?
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Absolument !
M. Gilbert Chabroux.
Aviez-vous bien mesuré le risque encouru à continuer de mettre ainsi en
faillite la branche famille ? Certainement pas !
Faut-il rappeler à ce sujet la proposition de loi présentée en séance publique
le 15 juin dernier par les présidents des quatre groupes de la majorité
sénatoriale ? Elle prévoyait diverses mesures, dont une allocation universelle
d'accueil à partir du deuxième enfant, l'AGED, l'allocation de garde d'enfant à
domicile, au niveau de la « loi famille » de 1994, le retour à un plafond de
déduction fiscale de 45 000 francs, la compensation de l'effort familial des
entreprises, l'allocation parentale d'éducation qui aurait été majorée de
l'allocation universelle d'accueil...
Sans revenir sur le fond je voudrais rappeler aujourd'hui que ce plan se
serait traduit par 32 milliards de francs d'allégement de fiscalité et par 10
milliards de francs pour financer les mesures envisagées.
M. Guy Fischer.
Oh là là !
M. Gilbert Chabroux.
Une fois de plus, peu importait le financement !
Alors, avant de parler de l'excédent qui sera dégagé en 2000, je vous incite à
bien mesurer le chemin parcouru en un peu plus de deux années et à saluer
l'action qui a été menée par le Gouvernement, particulièrement par Mme la
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Non seulement l'équilibre des comptes est rétabli mais une réforme globale de
la politique familiale a été engagée dans le sens d'une plus grande justice et
de plus de redistributivité. Cette réforme est conduite en concertation étroite
avec les associations familiales et les syndicats.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Très bien !
M. Gilbert Chabroux.
Notre rôle à tous est de prendre la mesure de la réalité de notre pays, de
tenir compte de la diversité, de la multiplicité des familles et de l'intérêt
général. A cet égard, les familles divorcées, recomposées et monoparentales
font partie intégrante de notre société.
Si nous ne devons négliger aucune famille, la justice nous commande d'aider
d'abord celles qui sont dans le besoin et de créer partout dans le pays un
environnement favorable à l'épanouissement des familles, de toutes les
familles. Cela suppose d'agir dans tous les domaines au lieu de prendre des
dispositions financières et fiscales destinées à une petite catégorie ou à un
petit nombre seulement.
La démarche du Gouvernement est à l'opposé de celle de la majorité
sénatoriale, qui avait choisi une catégorie de familles - on pourrait dire une
classe - et qui voulait faire une loi pour accorder des avantages particuliers
à cette petite minorité. Il y a, je le répète, une exigence de justice à
prendre en compte. C'est le cas avec le relèvement à vingt et un ans, dès le
1er janvier 2000, de l'âge limite pour le calcul de l'allocation logement et
pour le complément familial octroyé aux familles à revenus modestes à partir du
troisième enfant.
C'est une nouvelle étape dont on mesure l'importance quand on sait que 73 %
des jeunes de vingt ans habitent encore chez leurs parents. Certains
considéreront que ce sont toutes les prestations qui devraient bénéficier de ce
relèvement de l'âge limite et ils demanderont de la même manière un nouveau
relèvement de vingt et un à vingt-deux ans. Il faudra bien poser une limite :
comme l'a dit le Premier ministre, on ne peut pas envisager le prolongement
indéfini des allocations.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
On ne vous demande pas
de penser pour nous !
M. Gilbert Chabroux.
Il est plus juste de bien cibler les prestations en visant un objectif
redistributif. Il faut plus de redistributivité en faveur des familles en
grande difficulté qui sont, pour la plupart, monoparentales, des familles
pauvres et nombreuses. Le complément familial est une prestation qui va dans ce
sens.
Nous savons aussi que nombre de familles ont plus besoin, aujourd'hui, de
services et d'équipements que de prestations nouvelles.
Nous sommes confrontés au problème des jeunes adultes déstructurés : le temps
libre des jeunes est devenu un enjeu social important. Alors qu'un effort a été
déployé pour la petite enfance et les différents modes de garde des jeunes
enfants, il faudrait pouvoir monter maintenant vers le créneau des jeunes
adultes.
Nous apprécions, madame la secrétaire d'Etat, que, dans le projet de loi qui
nous est présenté, le budget de l'action sociale de la CNAF soit à nouveau
majoré. L'année dernière, c'était un milliard de francs de plus. Cette année,
ce sont 700 millions de francs supplémentaires pour l'action sociale.
Cela traduit la volonté d'aider les parents dans leur fonction parentale avec
le financement d'un réseau d'appui, d'écoute et de soutien, et aussi des
actions permettant une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie
familiale.
Je voudrais saluer à ce sujet le travail qui est réalisé par la délégation
interministérielle à la famille. Il fallait coordonner la politique familiale
entre les différents ministères. Il fallait aussi savoir développer des
relations de confiance avec toutes les associations qui portent les intérêts
des familles et préparer dans les meilleures conditions la Conférence de la
famille, comme cela a été le cas le 7 juillet dernier.
La délégation interministérielle à la famille peut aussi agir sur le budget
d'action sociale de la CNAF en définissant des orientations. Et puisqu'il a été
question d'excédents et que tout le monde cherche à savoir comment ils
pourraient être utilisés, je forme le souhait qu'ils viennent renforcer ce
budget et fassent bouger le curseur dans le sens d'un rapport plus favorable à
l'action sociale. Actuellement, la proportion prestations familiales/action
sociale est très proche de 95-5. Dans les pays nordiques, on est autour de
60-40.
Toujours à propos de la délégation interministérielle à la famille, je me
réjouis que la mission lui ait été confiée de « remettre à plat » toutes les
aides à la garde d'enfant et de faire des propositions de réforme à la
prochaine Conférence de la famille.
J'ai évoqué l'AGED. Il faudrait également poser le problème de l'allocation
parentale d'éducation et mesurer toutes les conséquences d'une parenthèse de
trois ans qu'il n'est pas facile de refermer.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Eh oui !
M. Gilbert Chabroux.
Il faut être prudent lorsqu'on évoque les aspects économiques qui sont liés à
la famille. Mme Béatrice Majnoni d'Intignano, dans son rapport sur « l'égalité
entre femmes et hommes, aspects économiques », fait ressortir que, «
contrairement aux idées reçues, le travail des femmes ne contribue pas au
chômage, ne favorise pas la dénatalité et ne nuit pas à l'éducation des enfants
».
Mmes Marie-Madeleine Dieulangard et Nicole Borvo.
Absolument !
M. François Autain.
Très bien !
M. Gilbert Chabroux.
Tout doit être fait pour faciliter la vie quotidienne des familles et pour
tenir compte du travail des femmes, donnée incontournable qui répond à une
aspiration essentielle des femmes. La vie quotidienne, s'agissant de la garde
des enfants, pose essentiellement le problème des équipements collectifs,
crèches et haltes-garderies.
Des efforts doivent être faits par les collectivités locales avec l'aide des
caisses d'allocations familiales. Il est également important que la délégation
interministérielle à la famille puisse travailler sur un programme de
simplification des prestations légales et particulièrement sur l'harmonisation
des barèmes des aides au logement. La complexité des règles provoque
l'incompréhension des allocataires et des difficultés pour accéder à leurs
droits. Elle contribue aussi à entretenir le mécontentement du personnel qui a
de la peine à s'y retrouver et qui se sent parfois d'autant plus malmené que
des problèmes d'effectifs se posent.
Parmi les autres mesures qui s'appliqueront à compter du 1er janvier 2000,
figure - il faut s'en réjouir - la pérennisation de l'allocation de rentrée
scolaire. Elle est devenue une véritable prestation sociale depuis qu'elle a
été étendue à toutes les familles d'un enfant qui remplissent les conditions de
ressources.
Il faut aussi apprécier, comme l'ont fait les associations familiales, la
garantie de ressources, au regard de la richesse nationale, qui est assurée à
la CNAF jusqu'au 31 décembre 2002.
Il faut également souligner « le coup de pouce intéressant » - pour reprendre
l'expression de la présidente de la CNAF - qui est apporté par le Gouvernement
à la revalorisation du montant des prestations familiales. Sans doute cela ne
représente-t-il que 0,3 %, mais c'est 0,3 % de plus par rapport aux
prévisions.
En 1996, la droite avait purement et simplement gelé la progression des
allocations alors que les prix progressaient de 1,5 %. Aujourd'hui, 0,3 % de
plus, c'est bien, mais il ne faut pas cacher qu'il y aura un problème pour
expliquer et faire comprendre le mode de calcul utilisé : le taux
d'augmentation aurait dû être de 0,2 %, mais il sera en fait majoré pour
atteindre 0,5 % alors que l'inflation prévisionnelle est de 0,9 %.
Le 1er janvier 2000 est une date magique dans l'esprit de certains. Serait-il
possible d'imaginer qu'un coup de pouce supplémentaire puisse être apporté à
cette occasion ?
M. François Autain.
Pourquoi pas ?
M. Gilbert Chabroux.
Mes chers collègues, la politique familiale est un tout. Elle ne se limite pas
au budget de la branche famille de la sécurité sociale, de nombreux ministères
y participent : l'éducation avec les zones d'éducation prioritaires et les
contrats éducatifs locaux, la politique de la ville, la justice avec la réforme
du droit de la famille, l'emploi avec, entre autres, les emplois-jeunes, la
santé et la solidarité, la culture, la jeunesse et les sports, et d'autres
encore.
L'année dernière, la majorité sénatoriale avait pratiqué des coupes claires
dans les budgets de ces ministères : 26 milliards de francs de crédits avaient
été supprimés. Que fera-t-elle cette année ?
M. François Autain.
Ils ne recommenceront plus !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Nous supprimerons
complètement certains budgets !
M. Gilbert Chabroux.
Vous l'avez dit, monsieur Delaneau, vous allez supprimer totalement certains
budgets ! Quand on sait combien ces secteurs participent à une véritable
politique familiale, on peut s'interroger sur la pertinence et la cohérence des
positions et des intentions de la droite sénatoriale !
Il faudrait parler aussi des avancées considérables que représentent pour de
nombreuses familles des lois comme la loi d'orientation de prévention et de
lutte contre les exclusions, la loi sur la couverture maladie universelle ou,
encore, la loi sur les 35 heures, toutes lois que la droite n'a pas votées.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Nous avons voté une loi
!
M. Gilbert Chabroux.
La loi sur les 35 heures permet de travailler moins pour être plus disponible
pour sa famille, avoir plus de temps à lui consacrer, pouvoir mieux faire
coïncider rythmes de travail et rythmes scolaires.
Les dispositions relatives au temps partiel, au délai de prévenance, au compte
épargne temps pour les parents vont également dans le sens d'un soutien aux
familles.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Eh oui !
M. Gilbert Chabroux.
Une véritable politique familiale suppose que l'on agisse dans tous les
domaines pour créer un environnement favorable aux familles. C'est ce que fait
le Gouvernement.
Mes chers collègues, mesurons bien les changements intervenus en deux ans et
demi à peine ! Mesurons bien les efforts accomplis et les résultats obtenus !
Le paysage s'est transformé, assaini, éclairci.
La politique familiale rénovée et ambitieuse qu'au nom du Gouvernement le
ministre de l'emploi et de la solidarité a mise en oeuvre et qui a été définie
en concertation avec les associations familiales et les syndicats fait l'objet
d'une large approbation dans le pays. Il devrait en être de même ici.
Le groupe socialiste, pour sa part, vous apportera, madame le secrétaire
d'Etat, son soutien le plus actif et le plus chaleureux.
(Applaudissements
sur les travées socialistes.)
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
je souhaite demander dès à présent, afin que les services puissent s'organiser
en conséquence, la réserve de l'article 1er et du rapport qui y est annexé,
jusqu'après l'article 31.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Favorable.
M. le président.
En conséquence, la réserve est ordonnée.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
23
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. Jean-François Picheral et des membres du groupe socialiste et
apparentés une proposition de loi relative à l'attribution de la nationalité
française à tout étranger engagé dans les armées françaises qui a été blessé en
mission, au cours ou à l'occasion d'un engagement opérationnel et qui en fait
la demande.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 74, distribuée et renvoyée à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
24
TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Projet de position commune du Conseil concernant des mesures restrictives à
l'encontre des Taleban.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1332 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement (CE) n° 745/99 portant ouverture et mode de gestion
de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits de la
pêche (morue).
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1333 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de réglement (CE) du Conseil portant ouverture et mode de gestion
de contingents tarifaires consolidés au GATT et de certains autres contingents
tarifaires communautaires, définissant les modalités d'amendement ou
d'adaptation desdits contingents et abrogeant le règlement (CE) n° 1808/95 du
Conseil.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1334 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2505/96
portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires
autonomes pour certains produits agricoles et industriels (oxydes et
hydroxydes).
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1335 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement du Conseil modifiant l'annexe du règlement (CE) n°
1255/96 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires
communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1336 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement du Conseil portant suspension temporaire totale ou
partielle des droits autonomes du tarif douanier commun pour certains produits
de la pêche (2000).
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1337 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion du protocole
fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans
l'accord entre la Communauté européenne et le gouvernement de la République
démocratique de São Tomé et Principe concernant la pêche au large de São Tomé,
pour la période du 1er juin 1999 au 31 mai 2002.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E 1338 et distribué.
25
DÉPÔTS DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. Louis Souvet, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom
de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la réduction
négociée du temps de travail.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 70 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-Louis Lorrain un rapport fait au nom de la commission des
affaires sociales sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale,
portant ratification des ordonnances n° 98-522 du 24 juin 1998, n° 98-731 du 20
août 1998, n° 98-773 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n°
98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par
ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à
l'adaptation du droit applicable outre-mer (n° 420, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 72 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-Louis Lorrain un rapport fait au nom de la commission des
affaires sociales sur :
- la proposition de loi de MM. Joseph Ostermann, Daniel Eckenspieller, Francis
Grignon, Hubert Haenel, Jean-Louis Lorrain, Daniel Hoeffel et Philippe Richert
relative au régime local d'assurance maladie complémentaire obligatoire des
départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle applicable aux assurés
des professions agricoles et forestières (n° 494, 1998-1999) ;
- la proposition de loi de Mme Gisèle Printz et de M. Roger Hesling relative
au régime local d'assurance maladie complémentaire obligatoire des départements
du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle applicable aux assurés des
professions agricoles et forestières (n° 36, 1999-2000).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 73 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-Jacques Hyest un rapport fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée
nationale, portant ratification des ordonances n° 98-580 du 8 juillet 1998, n°
98-582 du 8 juillet 1998, n° 98-728 du 20 août 1998, n° 98-729 du 20 août 1998,
n° 98-730 du 20 août 1998, n° 98-732 du 20 août 1998, n° 98-774 du 2 septembre
1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant
habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures
législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit
applicable outre-mer (n° 421, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le numéro 75 et distribué.
26
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président.
J'ai reçu de M. Joël Bourdin un rapport d'information, fait au nom de la
délégation du Sénat pour la planification, sur les perspectives
macroéconomiques à moyen terme (1999-2004).
Le rapport d'information sera imprimé sous le numéro 71 et distribué.
27
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, mercredi 17 novembre 1999, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 40, 1999-2000) de financement de
la sécurité sociale pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale.
Rapport n° 58 (1999-2000) de MM. Charles Descours, Jacques Machet et Alain
Vasselle, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Avis n° 68 (1999-2000) de M. Jacques Oudin, fait au nom de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale de ce projet de loi
n'est plus recevable.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la conférence
ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce à Seattle.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 22 novembre
1999, à dix-sept heures ;
Eventuellement, conclusions de la commission des lois sur la proposition de
loi organique de M. Gaston Flosse et des membres du groupe du Rassemblement
pour la République tendant à améliorer le régime électoral applicable à la
formation de l'Assemblée de la Polynésie française (n° 471, 1998-1999).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 22 novembre 1999, à
dix-sept heures ;
Conclusions de la commission des lois (n° 62, 1999-2000) sur :
- la proposition de loi de M. Michel Dreyfus-Schmidt et des membres du groupe
socialiste tendant à interdire les candidatures multiples aux élections
cantonales ;
- la proposition de loi de M. Michel Dreyfus-Schmidt et des membres du groupe
socialiste relative à l'élection des députés et à l'élection des conseillers
généraux ;
- la proposition de loi de M. Bernard Joly visant à généraliser l'interdiction
des candidatures multiples aux élections ;
- la proposition de loi de M. Philippe Marini et plusieurs de ses collègues
portant diverses dispositions relatives aux élections municipales, cantonales
et législatives ;
- la proposition de loi de M. Georges Gruillot et plusieurs de ses collègues
relative aux conditions d'éligibilité des candidats aux élections cantonales et
aux déclarations de candidature au deuxième tour des élections cantonales et
législatives.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 22 novembre 1999, à
dix-sept heures ;
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Jacques
Pelletier permettant au juge des tutelles d'autoriser un majeur sous tutelle à
être inscrit sur une liste électorale (n° 63, 1999-2000) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 22 novembre 1999, à
dix-sept heures ;
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi organique de
M. Jacques Pelletier relative à l'inéligibilité des majeurs sous tutelle (n°
67, 1999-2000) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 22 novembre 1999, à
dix-sept heures ;
Conclusions de la commission des affaires sociales (n° 73, 1999-2000) sur :
- la proposition de loi de M. Joseph Ostermann et plusieurs de ses collègues
relative au régime local d'assurance maladie complémentaire obligatoire des
départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle applicable aux assurés
des professions agricoles et forestières ;
- la proposition de loi de Mme Gisèle Printz et M. Roger Hesling relative au
régime local d'assurance maladie complémentaire obligatoire des départements du
Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle applicable aux assurés des professions
agricoles et forestières ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 23 novembre 1999, à
dix-sept heures ;
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des
ordonnances n° 98-522 du 24 juin 1998, n° 98-731 du 20 août 1998, n° 98-773 du
2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998
portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures
législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit
applicable outre-mer (n° 420, 1998-1999) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 23 novembre 1999, à
dix-sept heures ;
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des
ordonnances n° 98-580 du 8 juillet 1998, n° 98-582 du 8 juillet 1998, n° 98-728
du 20 août 1998, n° 98-729 du 20 août 1998, n° 98-730 du 20 août 1998, n°
98-732 du 20 août 1998, n° 98-774 du 2 septembre 1998 prises en application de
la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre,
par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à
l'adaptation du droit applicable outre-mer (n° 421, 1998-1999) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 23 novembre 1999, à
dix-sept heures ;
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des
ordonnances n° 98-524 du 24 juin 1998, n° 98-525 du 24 juin 1998, n° 98-581 du
8 juillet 1998, n° 98-775 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi
n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par
ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à
l'adaptation du droit applicable outre-mer (n° 422, 1998-1999) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 23 novembre 1999, à
dix-sept heures ;
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant ratification des
ordonnances n° 98-520 du 24 juin 1998, n° 98-521 du 24 juin 1998, n° 98-523 du
24 juin 1998, n° 98-526 du 24 juin 1998, n° 98-776 du 2 septembre 1998, n°
98-777 du 2 septembre 1998 prises en application de la loi n° 98-145 du 6 mars
1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les
mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit
applicable outre-mer (n° 423, 1998-1999) ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 23 novembre 1999, à
dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 17 novembre 1999, à une heure cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATION DU BUREAU DÉFINITIF
D'UNE DÉLÉGATION
Dans sa séance du mardi 16 novembre 1999, la délégation du Sénat à
l'aménagement et au développement durable du territoire a procédé à la
nomination de son bureau définitif, qui est ainsi constitué :
Président :
Jean-Pierre Raffarin.
Vice-présidents :
Jean François-Poncet, Claude Belot, Gérard Larcher,
Jacques Bellanger.
Secrétaire :
Gérard Le Cam.
ELECTION D'UN SÉNATEUR
En application des articles LO 325 et LO 179 du code électoral, M. le président du Sénat a reçu de M. le ministre de l'intérieur une communication de laquelle il résulte qu'à la suite des opérations électorales du 14 novembre 1999 M. Jean-Pierre Vial a été proclamé élu sénateur du département de la Savoie.
MODIFICATION AUX LISTES
DES MEMBRES DES GROUPES
SÉNATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE
(89 au lieu de 88)
Ajouter le nom de M. Jean-Pierre Vial.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Financement de la santé publique
650.
- 15 novembre 1999. -
M. Gérard Delfau
appelle l'attention de
Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale
sur l'impact d'un colloque organisé par le syndicat de la médecine générale et
destiné à dénoncer les méfaits de la loi du marché dans les pratiques
sanitaires et l'exercice de la médecine. Parmi plusieurs exemples choquants
cités, deux méritent d'être relevés : est-il exact qu'un médicament contre la
grippe ne sera pas remboursé par la sécurité sociale, mais qu'en revanche il
sera fourni gratuitement à ses adhérents par une compagnie privée d'assurance ?
Si oui, c'est la crédibilité de notre système collectif de santé qui est
atteinte. De même, comment expliquer que les pilules contraceptives de la
troisième génération ne sont pas remboursées, en dépit de la loi sur la
contraception ? Les participants se sont émus, en outre, du délabrement de
certains hôpitaux publics, mal armés pour faire concurrence au réseau de
cliniques privées de plus en plus concentré. Enfin, ils se sont penchés sur la
mise en place de la couverture médicale universelle : à un mois de l'échéance,
les mutuelles demeurent en retrait. La CMU sera-t-elle confiée au seul secteur
privé ? Il lui demande quelles réponses concrètes elle peut faire à ceux qui
s'inquiètent ainsi de la dérive de la sécurité sociale.
Prime compensatrice ovine
651.
- 15 novembre 1999. -
M. Jean-Pierre Demerliat
attire l'attention de
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche
sur l'avenir de la production ovine et plus particulièrement sur les
inquiétudes des éleveurs ovins du département de la Haute-Vienne. L'année 1999
aura été marquée par une baisse des cours pour les éleveurs ovins et la prime
compensatrice ovine (PCO) s'avère insuffisante pour rattraper la perte de
revenus enregistrée. En Haute-Vienne, où le nombre d'exploitants ovins est
évalué à 2 800 pour un troupeau de 460 000 brebis, l'inquiétude des éleveurs
est donc grande. La réforme du calcul de la PCO envisagée par la Commission
européenne ne fait qu'accroître leurs craintes, car la mise en place d'une
prime forfaitaire ne permettrait pas de compenser une chute des cours. Il lui
demande donc si des moyens supplémentaires ne pourraient pas être dégagés pour
compenser les pertes subies, d'une part et de bien vouloir tout mettre en
oeuvre pour garantir un montant de PCO permettant de faire face aux aléas du
marché dans le cadre de la modification éventuelle du mode de calcul de cette
prime, d'autre part.
Situation du lycée Henri-Potez à Méaulte
652.
- 16 novembre 1999. -
M. Fernand Demilly
attire l'attention de
M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie
sur la situation du lycée professionnel Henry-Potez de l'Aérospatiale, à
Méaulte dans la Somme. Le carnet de commandes d'Airbus n'a jamais été aussi
bien garni et la quantité d'avions à livrer assure du travail pour plusieurs
années d'autant que l'association récente Aérospatiale-Matra Dasa constitue un
nouvel atout considérable. Dans ces circonstances, il est indispensable
d'amplifier la formation des professionnels de l'aéronautique. Or, depuis trois
ans, le lycée professionnel de l'Aérospatiale, à Méaulte dans la Somme, est
prêt à développer ses possibilités d'accueil et de formations dans le cadre
d'un contrat d'association. Cette demande n'a pu aboutir lors des rentrées de
1996, de 1997 et de 1998 en raison de l'insuffisante dotation destinée à
l'académie d'Amiens. En conséquence, il lui demande si l'on peut espérer que
les moyens nécessaires seront attribués à ce projet pour la prochaine
rentrée.
Concentrations dans la presse régionale
653.
- 16 novembre 1999. -
M. Ivan Renar
attire l'attention de
Mme le ministre de la culture et de la communication
sur les conséquences des phénomènes de concentration en cours dans la presse
écrite, et notamment dans la presse quotidienne régionale. Il lui demande
quelle peut être l'intervention de l'Etat afin de garantir la liberté de la
presse, le pluralisme de l'information et des rédactions.
Financement des services départementaux
d'incendie et de secours
654. - 16 novembre 1999. - Mme Josette Durrieu attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la croissance des budgets des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) correspondant aux besoins de ressources nouvelles induits par la départementalisation (intégration départementale et harmonisation inéluctable des différents régimes de travail, application du nouveau régime indemnitaire des sapeurs-pompiers professionnels, allocation de vétérance des sapeurs-pompiers volontaires...) et qui pèse très lourdement sur les collectivités territoriales. Les conséquences de la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 ne semblent pas avoir été, à l'époque, correctement évaluées. Pour illustrer ces difficultés, dans les Hautes-Pyrénées, l'effort produit par les collectivités locales s'élèvera à 8 millions de francs, soit une augmentation de la participation de 13 % au budget des services d'incendie pour l'exercice 2000. En l'absence de prise en compte de ces difficultés et d'un engagement significatif de l'Etat, les élus locaux, très fortement impliqués dans le fonctionnement des SDIS, s'inquiètent du bon fonctionnement à venir de ce service vital à la sécurité. En conséquence, elle lui demande quelles sont les mesures d'affectation de ressources nouvelles au financement de cette réforme qui peuvent être rapidement concrétisées afin d'alléger les charges de plus en plus lourdes qui incombent aujourd'hui aux collectivités locales.