Séance du 16 novembre 1999
CONVENTION FISCALE
AVEC LE KAZAKHSTAN
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 481, 1998-1999)
autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan en vue
d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales
en matière d'impôts sur le revenu et la fortune. [Rapport n° 59
(1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la
convention conclue à Paris le 3 février 1998 entre la France et le Kazakhstan,
et qui est soumise aujourd'hui à votre approbation, est appelée à combler un
vide juridique en succédant à la convention franco-soviétique du 4 octobre 1985
en matière d'impôts sur le revenu, qui a été dénoncée par le Kazakhstan à la
fin de l'année 1994.
La nouvelle convention, avec une entrée en vigueur rétroactive au 1er janvier
1996, permettra d'assurer la continuité du cadre juridique dans nos relations
avec cet Etat et d'éviter une double imposition fâcheuse pour nos
entreprises.
Ses dispositions vous sont déjà très largement connues puisqu'elles
respectent, pour l'essentiel, celles du modèle de convention fiscale élaboré
par l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, qui
inspire l'ensemble de l'activité conventionnelle en la matière.
La France s'est attachée à obtenir le même traitement que ses partenaires
occidentaux afin que nos entreprises ne soient pas placées dans une situation
concurrentielle moins favorable sur le marché kazakh.
Les taux de retenue à la source applicables par un Etat aux dividendes ont été
améliorés par rapport à la convention fiscale franco-soviétique du 4 octobre
1985.
La définition de l'établissement stable marque une concession de la part de la
France. Si la durée des chantiers est conforme au modèle de l'OCDE,
c'est-à-dire douze mois, une définition particulièrement élargie de
l'établissement stable a été acceptée pour s'aligner sur les accords obtenus
avec cet Etat par nos partenaires.
Enfin, outre le fait que cette nouvelle convention comporte des dispositions
relatives à l'impôt sur la fortune correspondant aux besoins français, elle
permet, grâce à ses dispositions relatives à l'assistance administrative, de
lutter plus efficacement contre la fraude et l'évasion fiscales entre les deux
Etats.
Cette convention répond à un enjeu économique majeur. Le Kazakhstan est le
plus grand pays d'Asie centrale. En 1998, le volume des échanges commerciaux
entre les deux Etats a atteint 1 milliard de francs. Le Kazakhstan dispose d'un
potentiel important. Il a connu, vous vous en souvenez, en 1991, lors de la
dissolution de l'Union soviétique, une grave crise économique, ce qui l'a
d'ailleurs incité à s'ouvrir sur l'extérieur, ce qu'il a surtout fait depuis
1994.
La part des investissements privés français au Kazakhstan est modeste, 4 %.
Les Etats-Unis représentent, à titre de comparaison, 66 % des investissements
privés. Il convient donc d'accompagner les efforts des entreprises françaises
pour s'implanter dans une région caractérisée par l'importance de ses réserves
énergétiques.
Cette convention fiscale permettra de créer un cadre juridique plus sûr, plus
stable pour nos investisseurs dans cet Etat, et renforcera la coopération
économique entre la France et le Kazakhstan.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention
entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la
République du Kazakhstan en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir
l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la
fortune qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre
approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Charasse,
en remplacement de M. Jacques Chaumont, rapporteur de la commission des
finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne suis
pas sûr que M. Chaumont soit déjà allé voir sur place comment les choses se
passent au Kazakhstan. En tout cas, il n'est pas là aujourd'hui et il m'a
demandé de le suppléer, bien sûr avec l'accord de la commission.
La convention fiscale signée entre la France et le Kazakhstan le 3 février
1998 remplace la convention franco-soviétique du 4 octobre 1985 qui, comme l'a
dit M. Josselin voilà un instant, a été dénoncée par le Kazakhstan à la fin de
1994, avec effet au 1er janvier 1996.
Le Parlement kazakh a déjà approuvé cette convention, le 9 septembre 1998. Il
est donc plus que temps pour le Parlement français de statuer sur ce texte pour
apporter à nos entreprises qui sont attirées par les richesses potentielles du
Kazakhstan les indispensables garanties commerciales et d'investissements.
Le Kazakhstan dispose en effet d'un potentiel économique important. Son
immense territoire - près de trois millions de kilomètres carrés - recèle
d'énormes ressources naturelles : hydrocarbures, or, cuivre, chrome...
Toutefois, ce pays souffre de son enclavement géographique qui entrave
l'évacuation des hydrocarbures et le rend très dépendant des Etats frontaliers,
en particulier de la Russie.
En outre, les crises asiatique et russe ont plongé le Kazakhstan dans un
profond marasme économique et financier.
Les relations économiques entre la France et le Kazakhstan sont encore peu
développées. Les échanges commerciaux restent faibles : seulement un milliard
de francs en 1998.
La présence française au Kazakhstan est également modeste puisque la France
n'est que le onzième investisseur étranger. La signature de cette convention
devrait donc faciliter le développement des relations économiques entre la
France et le Kazakhstan tout en offrant à nos entreprises les garanties
nécessaires.
La convention franco-kazakhe est globalement conforme à la convention-type de
l'OCDE. Les dispositions qui s'en écartent résultent, dans la majorité des cas,
soit de demandes de la partie française liées aux spécificités de notre modèle
de convention fiscale, soit de demandes kazakhes qui ont été acceptées dans la
mesure où elles correspondent aux clauses figurant dans les conventions passées
entre la France et les principaux Etats de cette zone géographique.
Concrètement, la convention qui nous est soumise s'écarte donc du modèle de la
convention-type de l'OCDE sur divers points.
Première dérogation : la notion d'établissement stable est étendue aux
installations utilisées pour l'exploration des ressources naturelles, les
activités de surveillance de ces installations et des chantiers ainsi que les
fournitures de services.
Deuxième dérogation : les revenus des parts ou actions conférant à leur
détenteur la jouissance de biens immobiliers situés dans un Etat contractant
sont imposables dans cet Etat. Ce paragraphe additionnel permet d'adapter la
convention au droit interne français selon lequel les personnes qui détiennent
des parts dans une société civile immobilière sont considérées fiscalement
comme si elles étaient directement propriétaires des immeubles gérés par ladite
société.
Troisième dérogation : les règles de détermination des bénéfices imposables
sont plus strictes que dans le modèle de convention de l'OCDE puisque la
convention n'admet pas la déduction de paiements par l'établissement stable à
son siège central à l'exception des remboursements de dépenses engagées aux
fins de cet établissement. Les redevances, les honoraires ou autres paiements
au titre de l'usage de brevets ne peuvent donc être considérés comme des
charges déductibles dans la détermination du bénéfice imposable de
l'établissement stable.
Quatrième dérogation : l'Etat de résidence de la société peut appliquer une
retenue à la source à un taux réduit de 5 % sur les dividendes lorsque ces
derniers sont payés à une société qui détient, directement ou indirectement, au
moins 10 % du capital de la société au lieu de 25 % dans le droit commun.
En outre, l'Etat où est installé l'établissement stable est autorisé à
prélever un impôt au titre des bénéfices non réinvestis réalisés par cet
établissement stable. Cette clause permet d'adapter la convention au droit
interne français tel qu'il est défini dans l'article 115
quinquies
du
code général des impôts. Elle vise à assurer la neutralité fiscale de la nature
juridique du choix de l'implantation en tant que filiale ou établissement
stable.
En effet, le régime des filiales est
a priori
moins intéressant que
celui des établissements stables puisque seuls les bénéfices de ces premières
font l'objet d'une taxation dans le pays où est exercée l'activité lorsque
lesdits bénéfices sont inclus dans le résultat comptable de la société mère.
L'introduction d'une taxation des bénéfices non réinvestis de l'établissement
stable assure la neutralité fiscale.
Toutefois, le taux de ce prélèvement est plafonné à 5 % dans la convention, au
lieu de 25 % dans notre droit interne.
Cinquième dérogation : l'Etat de la source conserve la possibilité d'imposer
les intérêts qui ne sont normalement imposables que dans l'Etat de résidence, à
un taux maximum de 10 %.
Toutefois, les intérêts sont exonérés de retenue à la source si l'une des
conditions suivantes est remplie : ou bien les intérêts sont payés ou reçus par
un Etat contractant, sa banque centrale, l'une de ses subdivisions politiques
ou collectivités locales ou l'une de ses personnes morales de droit public ; ou
bien les intérêts correspondent à un prêt garanti ou assuré par la COFACE dans
le cas de la France ou par un organisme analogue dans le cas du Kazakhstan.
Sixième et dernière dérogation : alors que le modèle de convention de l'OCDE
prévoit que les redevances sont imposables dans l'Etat de résidence de leur
bénéficiaire, cette convention dispose que l'Etat de la source peut imposer les
redevances à un taux n'excédant pas 10 % de leur montant brut.
En conclusion, monsieur le président, mes chers collègues, la commission des
finances vous propose d'adopter l'article unique du projet de loi qui nous est
soumis.
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique. -
Est autorisée l'approbation de la convention entre
le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République
du Kazakhstan en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion
et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune
(ensemble un protocole), signée à Paris le 3 février 1998 et dont le texte est
annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
16