Séance du 16 novembre 1999
ÉLOGE FUNÈBRE DE JEAN-PAUL BATAILLE,
SÉNATEUR DU NORD
M. le président.
Madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je vais prononcer l'éloge
funèbre de Jean-Paul Bataille.
(Mme le secrétaire d'Etat, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Notre collègue et ami Jean-Paul Bataille, sénateur du Nord, nous a
quittés le 17 octobre dernier, à l'âge de soixante-dix ans.
Admirateur d'Antoine de Saint-Exupéry, il aimait souvent à citer cette phrase
: « On n'a rien à attendre d'une cathédrale sans architecte, d'une année sans
fêtes, ni d'une patrie sans coutumes. Préparer l'avenir, ce n'est que fonder le
présent. »
Fidèle à ses convictions, c'est à cette tâche et à cet objectif que Jean-Paul
Bataille a consacré sa vie politique.
Jean-Paul Bataille était un homme de grande rigueur intellectuelle et
morale.
Les valeurs auxquelles il était profondément attaché - la primauté de l'esprit
sur la matière, l'affirmation de la liberté dans le respect de celle de
l'autre, l'amour du prochain, le sens des responsabilités, l'intégrité et la
conscience professionnelle - le décrivent tout entier. C'est dans l'ancrage de
ces valeurs chrétiennes, dont il était persuadé qu'elles seules permettaient un
plein épanouissement de l'homme, qu'il avait fondé son engagement politique et
humain.
Jean-Paul Bataille est né à Saint-Omer, le 18 août 1929, dans cette terre si
particulière, l'Odomarois, sertie comme un joyau au bout de ses marais.
Après des études secondaires au collège Saint-Bertin, dans sa ville natale de
Saint-Omer, il s'engage dans la voie des études scientifiques en s'inscrivant à
la faculté libre de médecine et de pharmacie de Lille.
Après avoir obtenu brillamment le diplôme d'Etat de pharmacien, Jean-Paul
Bataille se marie le 28 juillet 1954 et s'installe peu après à Steenvoorde,
comme pharmacien, en 1955.
Très tôt, il se passionne pour une profession qu'il a toujours considérée
comme une école du service public, c'est-à-dire, pour lui, du service du
public.
Cette expérience professionnelle l'a, ainsi, tout naturellement préparé à ses
responsabilités d'élu.
Constamment à l'écoute des autres, il l'est également de sa profession et de
ses collègues et il joue un rôle important dans le mouvement syndicaliste
professionnel ainsi qu'à la jeune chambre économique du Nord.
En 1965, il devient maire de Steenvoorde. Ce succès était pour lui pour la
concrétisation d'un engagement très naturel envers la cité. Il expliquait cet
engagement en disant : « Mon père faisait de la politique et j'ai toujours
entendu parler de politique ». A quelques jours de son élection au Sénat, il
exprimait la chance, pour un élu - chance qui était la sienne - d'avoir une
femme qui s'intéresse à la politique. Il fondait ainsi son action publique sur
deux sources pour lui fondamentales : la famille et l'éducation.
Ç'aurait été, nous en sommes convaincus, une grande joie et une grande
satisfaction pour lui de voir que cet engagement familial s'est perpétué. C'est
en effet à son fils Jean-Pierre que le conseil municipal de Steenvoorde a
confié l'honneur de poursuivre la tâche de Jean-Paul Bataille à la tête de la
municipalité de cette cité du houblon.
C'est la qualité de son action, la profondeur de ses convictions, son goût des
réalités locales et rurales, son sens du contact qui ont valu à Jean-Paul
Bataille de conserver la confiance de ses électeurs. Cette passion pour la
démocratie locale et pour l'action politique ne se démentira pas.
En 1967, Jean-Paul Bataille est l'un des membres fondateurs de la fédération
Nord - Pas-de-Calais des Républicains indépendants. Il a été président de la
fédération du Nord des Républicains indépendants, puis de la fédération du Nord
du Parti républicain de 1973 à 1986 et, à nouveau, de 1988 à 1992. Il en était
depuis cette date président d'honneur.
Au Sénat, il était vice-président du groupe des Républicains et
Indépendants.
Il fut également l'un des éléments moteurs de l'UDF dans sa région. Se
laissant convaincre d'accroître ses responsabilités directes au sein même de sa
famille politiquee, il devient vice-président, président et, depuis 1992,
président délégué de l'Union pour la démocratie française du Nord.
Conseiller général du Nord depuis 1970, il a été vice-président du conseil
général du Nord de 1992 à 1998. A deux reprises, il siégea au conseil régional,
de 1973 à 1976, puis de 1983 à 1986.
Enfin, il est élu sénateur de 1983 à 1992.
N'ayant pas alors été reconduit au Sénat, il avait retrouvé notre assemblée en
1998, malheureusement à l'occasion de la disparition de cette très grande
figure qu'était notre collègue et ami Maurice Schumann, dont il était le
suivant de liste.
Au Sénat, il siège à la commission des affaires sociales, puis à celle des
affaires culturelles où son action, sa présence amicale et son apport
législatif ont laissé de profonds souvenirs auprès de tous ceux de nos
collègues qui ont siégé avec lui.
Jean-Paul Bataille disait sa conviction que les valeurs qui fondaient son
action ne pouvaient « s'épanouir que dans une société où la législation
encourageait leur épanouissement en favorisant la cellule familiale, la
ruralité et l'éducation ».
La famille tout d'abord, au sein de laquelle, avec son épouse et leurs cinq
enfants, il a su, surmontant la douleur de la perte de son fils Jean-François,
trouver un élan et un soutien constants. S'il est évident que ses convictions
chrétiennes sous-tendaient son action politique, il a milité sans relâche pour
redonner à la cellule familiale toute sa dimension. Il lui attribuait une place
éminente, celle de « pierre angulaire d'une société paisible et de progrès »,
dont il aimait à souligner, la « mission civilisatrice ».
La ruralité ensuite : Jean-Paul Bataille était, depuis 1981, président du
mouvement national des élus locaux du Nord. Il a été le défenseur passionné de
la pérennité des cantons ruraux, dont il soulignait le « caractère
indispensable de lieux de rencontre et de convivialité ». Ne justifiait-il pas
jusqu'à son franc parler en rappelant qu'il était « provincial, fier de l'être,
élu rural, élu de cette France réelle où les circonlocutions ne sont pas de
mise » ?
L'éducation était pour Jean-Paul Bataille un devoir impérieux. Il souffrait de
la voir négligée. Il regrettait son inadéquation au monde du travail.
N'hésitant pas à défendre des valeurs qu'il estimait décriées, il aimait à
citer les instructions envoyées par des inspecteurs généraux de l'éducation
nationale en 1938 : « Le rôle de l'enseignement du second degré est de
favoriser le libre et complet développement des facultés des élèves et d'en
faire des hommes, en cultivant chez eux tout ce qui fait l'excellence de
l'homme : l'intelligence, le coeur, le sens moral et le goût du beau. »
La haute idée que Jean-Paul Bataille avait de la démocratie se résumait pour
lui en une formule lapidaire : « La démocratie est fondée sur la vertu. »
C'est au nom de la vertu et de la démocratie qu'il a inlassablement défendu
les grands principes fondateurs de la République : la liberté, notamment celle
de l'enseignement ; l'égalité, en particulier celle des chances, de l'accès aux
charges, à l'éducation ; la fraternité, enfin, qu'il vivait tous les jours et
qu'il trouvait aussi dans la représentation territoriale, dans cette ruralité
où il se reconnaissait.
Faut-il rappeler que, pour Jean-Paul Bataille, l'exercice de ses charges
électives était un acte de dévouement qu'il assumait avec courage et sérénité ?
Il regrettait que la vie politique soit « privative de liberté » et avouait
avec simplicité : « Les loisirs, je vous le dis franchement, on n'en a pas.
»
C'est donc cet homme de conviction, d'amitié et de simplicité que nous avons
perdu. Son action manquera dans sa région comme elle manque au Sénat.
Au nom du Sénat tout entier, j'assure de notre profonde sympathie attristée
ses amis et collègues du groupe des Républicains et Indépendants, ainsi que
ceux de la commission des affaire culturelles.
Au nom de tous les sénateurs, j'adresse mes sincères condoléances à son épouse
ainsi qu'à ses trois fils et à sa fille.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, Mme Aubry souhaitait s'associer à l'hommage que vous avez rendu à
Jean-Paul Bataille. Mais, comme elle tarde à revenir de l'Assemblée nationale,
si vous le permettez, je vais joindre mes propos aux vôtres.
Par ma voix, le Gouvernement souhaite s'associer à l'hommage que vous rendez
aujourd'hui à votre collègue et ami Jean-Paul Bataille.
Sénateur du Nord, maire de Steenvoorde, son engagement politique a toujours
été guidé par des convictions fortes, qu'il n'a jamais manqué d'animer de
multiples actions sur le terrain.
Certes, nous ne partagions pas les mêmes opinions et nos prises de position
étaient souvent divergentes. Mais force est de lui reconnaître cette constance,
cette cohérence entre les idées qui l'animaient et les actions qu'il
conduisait, son opiniâtreté dans le débat lorsqu'il s'agissait de défendre les
pensées inscrites dans l'histoire de son groupe politique : les valeurs
familiales, l'école libre, la liberté de l'information ou encore, dernièrement,
la modernisation du système judiciaire.
Ces valeurs, il les a aussi représentées dans le département du Nord, que ce
soit à la tête de son parti, à la vice-présidence du conseil général, au sein
de l'association départementale des élus locaux ou encore dans l'animation des
syndicats intercommunaux.
Des gens du Nord il avait ce tempérament, ce caractère franc et entier. Avec
sa disparition, c'est un peu de cette présence qui manquera désormais dans
votre hémicycle comme à sa famille et à ses concitoyens.
M. le président.
Madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, selon la tradition, nous
allons, en signe de deuil, interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures
trente-cinq.)