Séance du 16 novembre 1999
FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
POUR 2000
Discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion. du projet de loi (n° 40, 1999-2000) de
financement de la sécurité sociale pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale.
[Rapport n° 58 (1999-2000) et avis n° 68 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, le droit à la santé et à l'accès à des soins
de qualité, quels que soient le niveau de revenu et la situation sociale de
chacun, est le fondement même de notre République.
Notre sécurité sociale repose sur des principes de solidarité et de justice
sociale, et nous savons combien, dans une société où perdurent le chômage et
l'exclusion, elle constitue un élément majeur de sécurité, au vrai sens du
terme, et de cohésion sociale.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons poursuivre avec détermination
l'effort engagé depuis plus de deux ans pour pérenniser ce système de sécurité
sociale : tel est l'enjeu du projet de loi qui vous est aujourd'hui soumis. Là
est bien l'essentiel et il faut le souligner.
L'équilibre financier est la première condition d'une sécurité sociale
efficace et protectrice. C'est grâce à cet équilibre financier que le système
sera pérennisé, que seront pris en compte de nouveaux besoins et que l'aide
apportée pourra être améliorée, que ce soit dans le domaine de la maladie, du
handicap ou de la dépendance, par exemple, sans parler de l'aide aux familles
ou aux accidentés du travail.
Cette exigence de justice sociale n'a que plus de valeur en période de
croissance économique. Nous savons bien, en effet, que c'est au moment où notre
pays va mieux qu'il est encore plus difficile pour ceux qui se trouvent sur le
bord de la route de ne pas monter dans le train et de ne pas se voir assurer
une existence convenable.
Notre responsabilité politique, que je n'hésite pas à considérer comme
commune, est aussi d'anticiper l'avenir et les changements démographiques qui
vont affecter la pyramide des âges dans notre pays, à savoir le veillissement
de la population avec les maladies et les problèmes qui y sont liés, la prise
en charge de la dépendance mais aussi, bien évidemment, l'avenir des
retraites.
De tels enjeux s'accommodent mal d'un déficit pesant et inhibant. Il nous
fallait réagir et ramener la sécurité sociale à un équilibre qui lui permette
d'agir à nouveau vers le progrès.
En 1999, le régime de la sécurité sociale devrait être proche de l'équilibre,
avec un déficit prévu de 4 milliards de francs, ce qui représente, je le
rappelle, 0,3 % des dépenses et 1,5 % de l'ensemble des déficits publics. Par
conséquent, de 1997 à 1999, le déficit a été divisé par sept. Nous tenons donc
nos objectifs, puisque ces chiffres sont meilleurs que les prévisions faites
voilà six mois, ce qui ne fut pas toujours le cas dans le passé.
Je rappelle cette réalité pour expliquer la réduction de ce déficit.
La bonne tenue des recettes s'explique par trois facteurs.
Ce redressement est dû, d'abord, aux entrées liées à la croissance, à la
réduction du chômage, donc à un nombre de cotisants plus importants, mais aussi
à la réforme structurelle que nous avons engagée, à savoir le transfert des
cotisations d'assurance maladie sur la CSG et la taxation sur les prélèvements
du patrimoine, qui ont rapporté 2 milliards de francs de plus que ce qui était
prévu.
La réduction du déficit s'explique aussi par les mesures correctrices que nous
avons été amenés à prendre pour faire face aux dépassements de la part de
certains professionnels.
Nous avons engagé l'année dernière, vous le savez, le dialogue avec les
professionnels - les spécialistes, les laboratoires de biologie et l'industrie
pharmaceutique - qui ne respectaient pas les limites qui avaient été fixées par
la représentation nationale.
Nous nous sommes toujours efforcés de faire prévaloir la conciliation et la
négociation sur la coercition. Dans un certain nombre de cas, nous y sommes
parvenus. Parfois même, les deux méthodes se sont succédé.
J'ai été amenée à prendre des mesures sur la lettre clé des radiologues. Elles
étaient certes unilatérales, mais elles ont heureusement abouti à un accord
extrêmement intéressant avec la profession. D'autres accords ont été signés
avec les cardialogues, avec les biologistes, avec les pharmaciens, et des
mesures intéressantes ont été prises pour réguler les dépenses des
cliniques.
Elément déterminant également : pour la première fois, cette année, les
honoraires tant des spécialistes que des généralistes sont restés dans les
limites prévues dans la loi de financement de la sécurité sociale.
Enfin, dernier élément majeur qui explique la réduction du déficit : les
résultats des politiques structurelles que nous menons. L'accentuation des
recompositions hospitalières, la mise en place d'une politique du médicament
ambitieuse - je pense, bien évidemment, au développement des médicaments
génériques, mais aussi à l'action que nous menons aujourd'hui avec les
professionnels du médicament - ont contribué à améliorer notre système de
santé.
Cette politique a donc permis de ralentir la croissance des dépenses maladies
dans un contexte de forte reprise de la consommation. Vous savez que, chaque
fois que la croissance revient, que la consommation redémarre, les dépenses de
santé augmentent. Or, malgré tout, je crois que nous commençons à recueillir
les fruits des politiques structurelles qui ont été menées.
Certains se sont complu à alimenter les discours catastrophiques sur
l'assurance maladie. Je tiens à souligner que, sur les deux années 1998-1999,
les dépenses de santé devraient évoluer comme la richesse nationale,
c'est-à-dire d'environ 7 %. Nous ne pouvons parler dans ce cas de dérapage
inouï alors que, dans les pays les plus développés, les dépenses qui croissent
plus vite que la croissance sont les dépenses d'éducation et les dépenses de
santé.
Si l'ONDAM, tel que nous l'avons prévu, a été dépassé, c'est largement à cause
du dérapage de 8,3 milliards de francs constaté en 1998, l'année 1999
n'enregistrant qu'un déficit de 1,3 milliard de francs. Si tout dépassement est
par nature toujours de trop, je crois qu'il faut ramener à leur juste mesure
ces dépassements.
Si le déficit du régime général concentre tous les commentaires, cela ne doit
pas faire oublier que les autres régimes sont aujourd'hui en excédent, qu'il
s'agisse des régimes spéciaux, des régimes complémentaires, de l'assurance
chômage, et que, au total, la sphère des finances sociales apporte une
contribution déterminante au redressement des finances publiques, puisque, dès
1999, les comptes sociaux sont en excédent de 10 milliards de francs.
En ce qui concerne l'an 2000, le régime général devrait dégager un excédent
d'environ 2 milliards de francs. Pour la première fois depuis quatorze ans, le
régime général devrait connaître une situation excédentaire. Dans ces résultats
et ces prévisions, nous trouvons matière à nous réjouir tous ensemble, au-delà
de nos différences, car la sécurité sociale paraît enfin sortir de la zone
rouge.
J'avoue avoir un peu de mal à comprendre certaines critiques ou certaines
manifestations de mécontentement face à de tels résultats.
Il est vrai que nous avons dû discuter, parfois âprement, avec certaines
professions, mais je me réjouis de voir aujourd'hui que c'est la négociation
qui prend le pas sur des mesures unilatérales.
Evidemment, il fallait parfois avoir le courage de dire les choses et
d'assumer devant les Français des décisions qui n'étaient pas toujours faciles
à prendre. Mais les résultats sont là.
Je crois que cet excédent sera effectif en l'an 2000 et même que nous
enregistrerons un excédent de l'ensemble des comptes des administrations
sociales de l'ordre de 20 milliards de francs.
Ces résultats, si encourageants soient-ils, ne doivent en rien infléchir notre
détermination à poursuivre la politique impulsée depuis plus de deux ans. En
effet, si des progrès majeurs ont été obtenus s'agissant des honoraires des
médecins de l'hôpital, de la clinique, qui répondent aujourd'hui aux objectifs,
les médicaments, même si leur évolution est moindre que celle de ces dernières
années, s'établissant à hauteur de 4 % à 5 % cette année contre 10 % en moyenne
dans les pays du G 7, les matériels médicaux et les indemnités journalières
sont autant d'éléments sur lesquels nous devons continuer à travailler car les
évolutions sont plus rapides que prévu.
En ce qui concerne la maladie, nous devons donc poursuivre les politiques
structurelles. La pérennité de notre système de protection sociale et les
progrès que nous devrons réaliser pour améliorer la protection de nos
concitoyens sont effectivement à ce prix.
La réduction de la part des dépenses de santé dans la richesse nationale n'est
pas évidente. Elle est cependant la condition première d'une égalité d'accès à
des soins de qualité.
La maîtrise de l'évolution des dépenses, jointe à l'instauration de la
couverture maladie universelle, donnera à 6 millions de nos concitoyens les
moyens de se faire soigner gratuitement comme les autres.
Nous allons engager une rénovation profonde du cadre conventionnel qui régit
les relations entre les caisses d'assurance maladie et les professionnels de
santé.
Comme la CNAM nous l'avait réclamé dans le cadre de son plan stratégique, une
étape nouvelle et décisive va être franchie dans ce projet de loi. Le
Gouvernement propose que la régulation de la médecine de ville soit désormais
placée sous l'entière responsabilité des caisses et des professionnels de
santé. Nous faisons le choix clair de l'autonomie et de la responsabilité des
acteurs. Tous les moyens seront mis à la disposition de la CNAM.
Les parties conventionnelles pourront agir sur les pratiques professionnelles,
les contrôler, fixer les objectifs de dépenses et modifier la nomenclature,
inciter à des pratiques qui soient positives en termes de qualité des soins
comme de régulation de nos dépenses de santé.
Il s'agit là d'un pas important dans la construction d'une véritable
démocratie sociale dans notre pays. A un moment où beaucoup se plaisent à tenir
des discours sur le paritarisme, nous voulons le faire vivre, y compris dans le
domaine de la santé, en donnant les moyens aux caisses d'agir concrètement,
nous l'espérons, par la voie conventionnelle, avec l'ensemble des acteurs.
Nous nous proposons par ailleurs d'abroger le mécanisme de reversement imposé
aux médecins en cas d'évolution excessive des prescriptions. Nous voulons
associer plus étroitement les professionnels de santé à la maîtrise desdites
prescriptions.
Les caisses pourront prévoir une valorisation des médecins qui acceptent
d'adopter des pratiques positives. Je pense, bien évidemment, à des réseaux,
mais aussi à la mise en application de programmes de bon usage des soins. Tout
cela pourra être réalisé sur le plan conventionnel.
J'ai entendu tel ou tel dire que nous entrions dans un système de lettres clés
flottantes, c'est-à-dire dans un système automatique de remise à niveau des
lettres clés, soit du montant des honoraires des médecins ; il n'en est
rien.
Cette politique, totalement automatique, n'est pas celle que nous avons
retenue. Nous souhaitons que les caisses, comme elles l'ont demandé, puissent
agir sur l'ensemble des dispositifs existants : les bonnes pratiques, la
nomenclature, les tarifs.
Je rappellerai que, l'année dernière, alors que la lettre clé des généralistes
a été augmentée, ceux-ci sont restés dans les normes qui leur avaient été
proposées par le Parlement, ce qui signifie que l'on peut arriver à améliorer
le système de santé sans dépenser plus dans un certain nombre de domaines.
Ce n'est évidemment pas le cas partout. Mais si nous souhaitons disposer de
marges de manoeuvre pour prendre en compte les nouvelles maladies et les
nouveaux besoins de santé, nous devons faire preuve d'une plus grande rigueur
là où celle-ci n'est pas suffisante aujourd'hui.
En ce qui concerne le médicament, depuis deux ans, nous menons une politique
ambitieuse et globale autour de quatre axes principaux.
Il s'agit tout d'abord de garantir la sécurité et la qualité des médicaments
en améliorant le dispositif de sécurité sanitaire, l'information des
professionnels de santé et la lutte contre la iatrogénie médicamenteuse, qui
est très importante dans notre pays.
Il s'agit ensuite d'améliorer l'accès aux médicaments. La mise en oeuvre de la
couverture maladie universelle, bien sûr, le permettra, mais je pense aussi à
la mise à disposition d'innovations thérapeutiques majeures à l'hôpital avant
leur autorisation de mise sur le marché, à l'amélioration de la lutte contre la
douleur grâce à l'utilisation de nouveaux antalgiques adaptés à l'usage
pédiatrique, au développement de la contraception d'urgence et à la mise à
disposition en ville de certains médicaments contre les maladies graves.
L'ensemble de ces dispositions, que je rappelle rapidement et en bloc et qui
mériteraient, chacune, un développement, vont dans le sens d'un meilleur accès
de tous aux médicaments les plus innovants et les plus performants.
Enfin, pour permettre une meilleure allocation des ressources, des mesures
fondées sur des critères de santé publique sont prises pour rationaliser les
dépenses collectives consacrées au médicament.
La première concerne le développement du médicament générique qui est pour
nous une priorité. L'année dernière, vous avez voté le droit de substitution
pour les pharmaciens... Vous ne l'aviez peut-être pas voté, d'ailleurs,
monsieur le rapporteur ?
M. Charles Descours,
rapporteur de la commission des affaires sociales, pour les équilibres
financiers généraux de la sécurité sociale et l'assurance maladie.
Si ; il
ne faut pas croire que nous soyons systématiquement contre ce que vous proposez
!
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Vous avez bien fait, car les
résultats de la mesure sont tout à fait intéressants. En effet, la croissance
de 40 % à 50 % des ventes de médicaments génériques entre septembre 1998 et
septembre 1999 montre que les pharmaciens, avec qui nous avons signé un accord
global, lequel porte non pas seulement sur les médicaments génériques ou sur
leurs rémunérations, mais aussi sur leur rôle en tant que véritables acteurs du
système de santé, jouent complètement le jeu. Ils peuvent en être remerciés,
car, grâce à ces médicaments génériques, on soigne mieux à un moindre coût pour
la sécurité sociale.
Par ailleurs, nous avons entrepris, vous le savez, de réévaluer les
médicaments de manière générale. A cette fin, un travail portant sur l'ensemble
des classe médicamenteuses a été entrepris avec des experts. Une plus grande
transparence et une meilleure allocation des ressources doivent en découler. Le
programme de réévaluation des médicaments a été accéléré et sera achevé dès la
fin 2000.
D'ores et déjà, nous avons sollicité de la commission de la transparence une
évaluation concernant 1 100 spécialités. Nous en sommes actuellement à la phase
contradictoire avec les laboratoires. La plupart d'entre eux répondent
d'ailleurs positivement aux propositions qui leur sont faites. Nous
disposerons, à la fin du mois de novembre, des conclusions de cette commission
pour prendre les décisions qui s'imposent.
La plupart de ces décisions consistent, en fait, en des baisses de prix d'un
certain nombre de médicaments qui ont été dépassés en matière thérapeutique par
de nouveaux médicaments ou dont l'investissement initial est largement
amorti.
Enfin, j'en viens au développement de l'approche conventionnelle.
Je me réjouis que le syndicat national de l'industrie pharmaceutique ainsi que
les laboratoires aient accepté d'entrer dans la logique de cette politique qui
s'oriente autour de deux axes : l'axe de la santé publique puisque c'est le
service médical rendu qui sera le fondement de la réévaluation des prix des
médicaments et des taux de remboursement, mais aussi l'axe économique car la
fixation des prix fera dorénavant l'objet d'une plus grande transparence. En
évitant de maintenir artificiellement certains médicaments qui engendrent des
coûts élevés pour la sécurité sociale, nous pourrons mieux financer les
laboratoires qui font de la recherche et qui innovent en matière
pharmaceutique.
J'en viens à l'hôpital.
La poursuite de l'adaptation de notre système hospitalier aux besoins de la
population est indispensable. Chaque année, 290 milliards de francs sont
dépensés pour que le patient et son entourage soient bien accueillis et pour
que le premier soit bien traité, bien soigné, mais aussi bien accompagné à sa
sortie de l'hôpital.
L'ouverture de l'hôpital, la lutte contre la douleur, l'attention portée aux
personnes âgées, la lutte contre les dangers de l'alcoolisme et du tabagisme,
notamment chez les jeunes, l'accompagnement des mourants, mais également le
renforcement de la sécurité sanitaire, de la qualité par l'accréditation, la
poursuite de l'effort de réduction des inégalités entre régions constituent
autant de volets prioritaires de notre politique hospitalière.
Nous devons promouvoir la qualité et la sécurité des soins.
L'accréditation de tous les établissements de santé est au coeur de cette
démarche. Aujourd'hui, quarante établissements qui se sont portés volontaires
entrent dans l'accréditation mise en oeuvre par l'Agence nationale
d'accréditation et d'évaluation en santé - l'ANAES - ; ils seront environ deux
cents d'ici à la fin de cette année.
Nous devons également réduire les inégalités dans l'accès aux soins. C'est
l'hôpital qui doit sortir de ses murs et aller à la rencontre de ceux qui n'ont
pas de soins, en collaboration avec les associations de lutte contre
l'exclusion.
Pour ce qui est de la montée en charge des permanences d'accès aux soins de
santé, l'objectif était de créer 300 structures de ce type d'ici à la fin 2000
: 250 fonctionneront déjà au 31 décembre 1999.
Notre autre priorité concerne, vous le savez, la réduction des inégalités
entre les régions et au sein d'une même région. Les taux d'évolution des
dépenses hospitalières que nous avons annoncés varient de manière très
importante d'une région à l'autre : c'est précisément dû à notre volonté de
combler le retard des régions en difficulté.
Nous devons aussi, bien sûr, adapter l'offre de soins aux besoins de la
population. Répondre aux exigences de qualité, de sécurité et d'amélioration de
l'accès aux soins nécessite la poursuite de la politique de l'adaptation de
l'offre de soins.
A cette fin, la révision des SROS, les schémas régionaux d'organisation
sanitaire, de deuxième génération, qui s'achève actuellement, a été engagée au
début de l'année 1998.
En ayant en perspective la satisfaction des besoins de santé dans chaque
région, dans chaque bassin de vie, nous avons demandé aux directeurs des
agences régionales hospitalières de réfléchir, en liaison avec les élus, les
dirigeants des hôpitaux et le personnel hospitalier, à un hôpital plus sûr, de
meilleure qualité, susceptible d'atteindre l'excellence dans les domaines les
plus avancés de la médecine et, en même temps, de répondre à l'exigence de
proximité pour traiter les maladies chroniques ou pour prendre en charge les
personnes âgées en long séjour.
Au-delà des priorités nationales, qui ont été traitées par la quasi-totalité
des régions, qu'il s'agisse de la cancérologie, de la périnatalité, des
urgences, chaque région a défini les priorités qui correspondaient à des
problèmes spécifiques.
Tous les SROS s'attachent à promouvoir un meilleur accès aux soins, un niveau
optimal de technicité et une amélioration de la sécurité et de la qualité.
Ces schémas régionaux permettent aussi d'organiser la recomposition de notre
tissu hospitalier. Si nous souhaitons investir pour améliorer un certain nombre
d'équipements - et nous le faisons dans chacune des régions où les besoins sont
importants - nous devons également adapter le système hospitalier.
Dans un certain nombre de régions, des services de chirurgie ou d'obstétrique,
par exemple, étaient soit obsolètes, soit trop importants. Beaucoup d'entre eux
vont être reconvertis, en particulier dans la prise en charge des personnes
âgées.
Aujourd'hui, en France, il n'est guère concevable qu'un service d'obstétrique
puisse exister sans anesthésiste ni réanimation périnatale ; or c'était parfois
le cas. Là aussi, nous devons avancer.
De même, nous devons prendre en compte les évolutions technologiques : une
cataracte entraînait cinq jours d'hospitalisation il y a encore quelques années
; aujourd'hui, c'est une demi-journée. Pourquoi ne ferions-nous pas évoluer les
services en fonction de l'évolution des techniques ?
En ce qui concerne les cliniques privées, je souhaite qu'elles connaissent une
avancée parallèle à celle de l'hôpital public, et à partir des mêmes outils.
La tarification est aujourd'hui obsolète - les représentants des cliniques
privées eux-mêmes nous le disent - et les tarifs peuvent être différents dans
un même lieu pour des prestations égales. Nous devons donc aller dans le même
sens que pour l'hôpital public, avec des évolutions de tarifs différenciées
entre les régions et au sein de chaque région, en prenant en compte
l'efficacité des cliniques et en nous souciant d'une allocation des ressources
aussi rationnelle que possible.
Au-delà de ces éléments plutôt quantitatifs, naturellement mis en avant dans
une loi de financement de la sécurité sociale, nous devons continuer à
moderniser notre système de santé.
Une loi de financement de la sécurité sociale a d'ailleurs quelque chose d'un
peu frustrant, car on n'y traite pas des grands problèmes de santé publique,
ceux sur lesquels nos concitoyens ont justement insisté lors des états
généraux. C'est pourquoi Dominique Gillot et moi-même pensons qu'il faut une
grande loi sur la modernisation de notre système de santé et sur les droits des
malades.
Notre système de santé appelle une rénovation profonde, nous le savons. Les
états généraux ont été l'occasion d'organiser de très nombreuses réunions
publiques, qui ont rassemblé des professionnels de santé, des représentants des
institutions de santé, mais aussi des usagers de l'hôpital. Ils nous ont dit ce
qu'ils attendaient du système de santé dans notre pays. Ils souhaitent tous que
progresse l'idée de démocratie sanitaire, et c'est tout à fait essentiel. C'est
pourquoi nous estimons qu'il convient d'organiser chaque année, avant l'été, en
amont de la loi de financement de la sécurité sociale, un grand débat au
Parlement sur les grandes orientations de santé publique.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Très bien !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Bonne proposition !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
La procédure sera articulée
autour des conférences régionales et de la conférence nationale de santé pour
que nous partions des besoins de la population tels qu'ils ressortent d'une
analyse sur le terrain et des études et recherches qui peuvent être menées.
Pour faire avancer la démocratie sanitaire dans notre pays, il faudra
également régionaliser plus encore le système de santé.
Il était absolument nécessaire de mettre en place des réformes structurelles
qui ramènent la sécurité sociale à l'équilibre. Dès lors que ces réformes
structurelles apportent un équilibre pérenne - et j'espère qu'il en sera ainsi
- nous pouvons envisager ces réformes de fond, dont la régionalisation, car
nous savons que, dans ce domaine, la proximité des besoins et des acteurs est
un élément majeur pour améliorer la prise en compte des problèmes de nos
concitoyens et la qualité des réponses qui y sont apportées.
En outre, les droits des malades vont être réaffirmés, complétés et adaptés
aux attentes qui se sont exprimées lors des états généraux de la santé. C'est
un des volets sur lesquels Dominique Gillot et moi-même travaillons.
Enfin, des dispositions relatives à la qualité des soins trouveront place dans
cette loi qui sera présentée au Parlement au printemps : développement des
réseaux, fixation de normes sanitaires, développement de référentiels de bonne
pratique, adaptation des systèmes d'information. Ce sont là autant d'éléments
qui appellent une modernisation de notre système de santé.
Pour ce qui est de la modernisation de l'assurance maladie, nous devons donner
à la caisse nationale de l'assurance maladie, la CNAM, qui prévoit actuellement
un projet de branche, les moyens de mieux fonctionner. Nous attendons ses
propositions pour les intégrer dans le cadre de cette grande loi sur la réforme
de la santé publique et les droits des malades.
Cette loi partira des besoins en matière de santé, de prévention, de
réorganisation des systèmes de soins pour aller jusqu'aux droits des malades et
prévoira, si le Parlement en décide ainsi, un grand débat annuel sur les
priorités de santé. Je crois que c'est ainsi que nous avancerons vers la
démocratisation de la santé.
M. Dominique Braye.
Les Français ont surtout besoin d'être soignés !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Chacun a sa conception des
choses. Je considère que les Français ont droit à la parole. Ils l'ont
d'ailleurs montré lors de la tenue des états généraux. Ils souhaitent
s'exprimer et chacun d'entre eux le fait bien lorsqu'il a une personne âgée
dépendante à charge, lorsqu'il veut savoir quel est le meilleur service pour
soigner le cancer d'un de ses proches.
Sur tous ces sujets, monsieur le sénateur, nous n'avons peut-être pas la même
conception !
M. François Autain.
Lui, il est vétérinaire !
(Sourires sur les travées socialistes.)
M. le président.
Mes chers collègues, seule Mme le ministre a la parole.
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Nous, nous pensons que chacun
doit bénéficier de cet accès aux soins, doit avoir le choix de son mode de vie,
et que c'est le rôle du Gouvernement de proposer au Parlement les améliorations
du système de santé publique qui nous sont demandées.
M. Dominique Braye.
Tout cela, ce sont des paroles !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le sénateur, je me
permets de vous dire que, derrière les paroles, il y a une sécurité sociale qui
va être en excédent. J'aurais aimé qu'il en soit ainsi dans les années
précédentes,...
M. Dominique Braye.
Remerciez Juppé !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... quand le déficit de la
sécurité sociale a atteint 266 milliards de francs en quatre ans ! Record battu
!
(Applaudissements sur les travées socialistes. - Protestations sur les
travées du RPR.)
M. Dominique Braye.
Mais c'est vous qui récoltez ce qu'a semé Juppé !
M. le président.
Je vous en prie, mes chers collègues. Seule Mme le ministre a la parole. La
courtoisie commande que nous l'écoutions. Veuillez poursuivre, madame le
ministre.
M. Dominique Braye.
Elle nous interpelle !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le sénateur, je ne
vous interpelle pas, je réponds à vos interpellations, ce qui est un peu
différent !
M. René-Pierre Signé.
Ce sont plutôt des provocations !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Vous avez pu le remarquer, je
n'ai tenu aucun propos sur les gouvernements qui nous ont précédés, même s'il y
aurait eu beaucoup à dire...
M. Dominique Braye.
Vous pourriez leur dire merci, cela suffirait !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'en viens à la question des
retraites.
Le Premier ministre l'a dit, il annoncera un certain nombre de décisions, en
début d'année, après le rapport...
(Exclamations sur les travées du
RPR.)
Monsieur le président, puis-je parler sans être interrompue en permanence ?
J'essaierai d'écouter l'ensemble des intervenants et de leur répondre le plus
complètement possible. Je n'y peux rien si nous réussissons là où d'autres ont
échoué.
(Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Dominique Braye.
Vous, vous avez la chance de cueillir des fruits qui sont mûrs !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Cela vous gêne, je le
comprends, mais c'est ainsi !
(Protestations sur les mêmes travées.)
M. Ivan Renar.
Qu'on leur administre un calmant !
(Sourires.)
M. le président.
Un peu de silence !
M. Dominique Braye.
Nous sommes interpellés, il faut répondre quand même !
M. le président.
Les provocations sont terminées : un partout !
(Sourires.)
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
La balle étant au centre,
monsieur le président, je continue avec le calme et la détermination qui sont
les vôtres.
Nous agirons sur les retraites avec détermination, sans précipitation, mais
sans temporiser non plus, car il faut effectivement prendre des mesures. Cela
étant, il faut le faire de manière correcte, c'est-à-dire en ne montrant pas du
doigt telle ou telle catégorie, en examinant soigneusement le niveau de
cotisation de chacun par rapport à son niveau de retraite, en évaluant les
avantages de chacun des régimes de retraites.
Ce qu'attendent aujourd'hui les Français c'est, bien sûr, que le Gouvernement
les rassure sur l'avenir de leurs retraites - et nous sommes les premiers à en
être convaincus - mais c'est aussi que nous soyons capables de traiter un
certain nombre d'autres problèmes qui se posent aujourd'hui aux personnes
âgées.
En ce qui concerne les retraites, le présent projet de loi de financement de
la sécurité sociale prévoit de faire en sorte que le fonds de réserve pour les
retraites soit doté de plus de 20 milliards de francs à la fin de l'année. Il
recevra notamment les excédents de la CNAV de 1999 et de 2000, mais aussi des
excédents de 5,6 milliards de francs qui étaient prévus par ailleurs pour le
financement de la réduction des charges sociales.
S'agissant de la revalorisation des retraites, le Gouvernement propose une
hausse de 0,5 % au 1er janvier 2000, ce qui aboutira à une progression du
pouvoir d'achat de 1 % sur deux ans. Par ailleurs, j'ai annoncé à l'Assemblée
nationale une revalorisation de 1 % du minimum vieillesse.
Améliorer la prise en charge des maladies professionnelles : c'est ce que nous
essayons de faire depuis deux ans grâce à une meilleure reconnaissance de ces
maladies. Nous avons, pour cela, modifié les délais de prescription, ouvert les
dossiers des victimes de l'amiante, rendu le barème d'invalidité opposable à
l'ensemble des caisses et mis en place de nouveaux tableaux, notamment pour les
lombalgies et les dorsalgies graves, ce qui était attendu depuis longtemps.
Je dois dire que j'ai été amenée récemment à saisir de nouveau la CNAM pour
lui demander une plus grande célérité dans le traitement des dossiers de
maladie professionnelle, notamment ceux des salariés de l'amiante, car beaucoup
d'entre eux, nous le savons bien, ne peuvent pas attendre.
L'année dernière, nous avons ouvert une possibilité de cessation anticipée
d'activité aux salariés victimes de l'amiante ayant travaillé à sa fabrication.
Je m'étais engagée à établir une seconde liste en faveur des salariés ayant
travaillé au traitement de l'amiante et qui sont aujourd'hui touchés par les
maladies qui y sont liées.
Aussi, cette année, proposons-nous d'étendre ce dispositif de préretraite aux
salariés des entreprises de flocage et de calorifugeage, aux secteurs de la
construction et de la réparation navale, ainsi qu'aux dockers ayant travaillé
dans des ports où transitait l'amiante.
Enfin, répondant à une demande des députés, le Gouvernement a introduit une
réforme visant à éviter que les victimes d'accidents successifs aient, pour un
même taux d'incapacité, une indemnisation inférieure à celle qu'elles auraient
obtenue dans le cas d'un accident unique.
Nous voulons également poursuivre la rénovation de la politique familiale. La
conférence de la famille de 1999 a retenu quatre principaux axes d'actions en
ce sens.
Premier axe : mieux aider les familles à prendre en charge les jeunes adultes
en relevant à vingt et un ans l'âge limite pris en compte pour le calcul des
allocations logement et le versement du complément familial, âge qui avait été
porté à vingt ans, je le rappelle, en 1998.
Deuxième axe : conforter les parents dans leur rôle éducatif à travers un
appui renforcé des services publics. Aujourd'hui, un réseau d'appui et d'écoute
est mis en place sur tout le territoire, avec la caisse nationale des
allocations familiales et les associations familiales, pour aider les parents à
remplir, lorsqu'ils ont des difficultés, leur fonction parentale et leur rôle
éducatif.
M. Dominique Braye.
Très bien !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Troisième axe : améliorer
l'articulation entre la vie familiale et la vie professionnelle
via
la
réduction du temps de travail, le soutien à la reprise d'activité des femmes et
un renforcement des dispositifs d'accueil des enfants. Ce thème a d'ailleurs
été retenu comme un thème prioritaire de la prochaine conférence de la famille.
Nous essayons de faire en sorte que les familles disposent d'un vrai choix
quant aux modes de garde et qu'il y ait plus d'équité dans le soutien
qu'apporte la collectivité.
Quatrième axe : simplifier et améliorer les aides au logement sur la base des
conclusions d'une mission interministérielle qui va rendre ses conclusions ces
jours-ci.
J'en viens à la réforme du financement de la protection sociale.
Le Gouvernement a souhaité, au-delà du soutien à la croissance qu'il a pu
apporter avec l'appui donné à la consommation et le retour de la confiance,
favoriser l'émergence de nouvelles activités, aussi bien dans le cadre des
nouveaux services - les emplois-jeunes - que dans le domaine des nouvelles
technologies, réduire la durée du travail et aussi, comme nous nous y étions
engagés, réformer les cotisations patronales pour alléger les charges sur les
bas et les moyens salaires, notamment dans les secteurs de main-d'oeuvre.
Il s'agit d'une des plus importantes innovations de ce projet de loi. A la
suite de ce que nous avions fait, voilà deux ans, en transférant les
cotisations maladie des salariés vers la CSG, c'est-à-dire en faisant financer
les cotisations salariées non plus seulement sur les salaires mais aussi sur
l'ensemble des autres revenus, notamment ceux du capital et ceux du patrimoine,
j'avais annoncé l'année dernière, au nom du Gouvernement, une réforme visant à
élargir l'assiette des cotisations sociales payées par les entreprises. C'est
maintenant chose faite, au moyen d'une taxe sur les bénéfices des entreprises
de plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires et d'une taxe sur les
activités polluantes.
Pour 2000, un nouveau dispositif d'allégement unifié viendra remplacer la
ristourne Juppé par un mécanisme à la fois plus ample, puisqu'il va jusqu'à 1,8
fois le SMIC, et plus puissant, puisqu'il permettra une baisse du coût du
travail de 5 % en moyenne pour les salaires inférieurs à 10 000 francs, une
fois pris en compte le coût du financement de la réduction de la durée du
travail.
Donc, sur les 105 milliards de francs prévus pour les cinq prochaines années,
voilà 65 milliards de francs de réduction des charges sociales et 40 milliards
de francs correspondant à l'aide pérenne aux 35 heures, qui atteint 4 500
francs en moyenne par salarié et que nous avions annoncée dès la première loi
de financement de la sécurité sociale.
M. Charles Descours,
rapporteur.
C'est scandaleux !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Nous avons prévu que les 65
milliards de francs seraient atteints, au-delà des 40 milliards de francs dont
nous disposons déjà de par le financement de la « ristourne Juppé », par
l'addition de 25 milliards de francs qui proviendront, pour moitié d'une taxe
sur les sociétés, pour l'autre moitié d'une taxe frappant les activités
polluantes. Ainsi 40 milliards de francs ajoutés à ces deux fois 12,5 milliards
de francs, cela fait bien 65 milliards de francs sur les cinq ans qui
viennent.
M. Dominique Braye.
Eh bien ! Il faudra polluer et boire pour payer tout cela !
M. le président.
Je vous en prie, mon cher collègue !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je vous remercie de cette
interruption, monsieur le sénateur, car elle me permet de confirmer qu'il y a
non pas accroissement de la pression globale pesant sur les entreprises, mais
redistribution depuis les entreprises capitalistiques vers les entreprises de
main-d'oeuvre.
(Rires sur les travées du RPR.)
Il suffit, messieurs, d'entendre le président de l'Union professionnelle
artisanale, qui ne représente, il est vrai, que 830 000 commerçants, artisans,
hôtels, cafés et restaurants dans notre pays, applaudir à cette réforme...
M. Charles Descours,
rapporteur.
C'est le seul !
M. Dominique Braye.
Ils sont contents !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
C'est peut-être le seul, mais
il a derrière lui 830 000 entreprises, ce qui ne représente rien, peut-être !
En tout cas, les artisans et commerçants que vous représentez verront ce qu'ils
doivent penser de cette réforme !
Personnellement, pour être intervenue devant leur assemblée générale voilà
quelques jours, j'ai cru comprendre qu'ils attendaient cette réforme des
charges sociales depuis très longtemps. Il n'était pas normal que, dans notre
pays, ceux qui préfèrent les hommes aux machines soient pénalisés au titre des
cotisations patronales.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé.
La droite n'a jamais rien compris à tout cela !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je crois qu'il est bon que la
sécurité sociale soit enfin financée non seulement sur les salaires, mais aussi
sur les revenus financiers et les profits.
S'agissant de la réforme structurelle de la durée du travail, nous avons
envisagé au départ, et les partenaires sociaux l'avaient appelé de leurs voeux,
un financement par activation des dépenses passives, c'est-à-dire par le retour
dans cette baisse des charges des cotisations, des impôts ou des moindres
dépenses vers l'UNEDIC, la sécurité sociale et l'Etat.
Devant le refus des organisations patronales et syndicales, nous proposons de
financer en l'an 2000 la partie concernant la réduction de la durée du travail
par 7 milliards de francs correspondant à la contribution sur les heures
supplémentaires, conformément à ce qui était prévu sur la contribution de
l'UNEDIC, par 5,3 milliards de francs versés par l'Etat et inscrits au budget
du ministère de l'emploi et de la solidarité et par 5,6 milliards de francs
provenant des droits sur les alcools, qui étaient jusqu'à présent affectés au
fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et qui le seront dorénavant au fonds
d'abaissement des charges sociales.
A cet égard, le FSV est aujourd'hui en excédent de 11 milliards à 12 milliards
de francs. Même dans l'avenir, nous pouvons continuer à affecter au financement
de la baisse des charges ces droits sur les alcools tels qu'ils existent
aujourd'hui, et sans augmentation.
Aussi, pour le régime de croisière, c'est-à-dire sur les 105 milliards de
francs environ que devraient coûter ces exonérations, 85 milliards à 90
milliards de francs de ressources sont d'ores et déjà dégagés. Je connais peu
de gouvernements qui financent à quatre ou cinq ans 85 % d'une dépense
engagée.
M. Dominique Braye.
Tout cela est merveilleux !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le sénateur,...
M. le président.
Madame le ministre, ne vous laissez pas interrompre !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je ne me laisse pas
interrompre, monsieur le président, mais je réponds simplement à M. Braye que
j'aurais souhaité que ce soit le cas pour mes prédécesseurs.
M. Dominique Braye.
Merci la croissance ! Merci Juppé !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Alors que la ristourne
dégressive n'existait que depuis un an, dès la première année et dès mon
arrivée, j'ai dû trouver les 7 milliards de francs qui manquaient pour financer
une réforme qui, encore une fois, avait moins d'un an !
M. Charles Descours,
rapporteur.
On verra la CMU !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Il me semble que, petit à
petit, vous finissez par admettre que ce que nous faisons n'est pas
obligatoirement mauvais, puisque la sécurité sociale revient à l'équilibre.
(M. Charles Descours, rapporteur, fait des signes de dénégation.)
Si je
me réfère aux discours que vous me teniez l'année dernière, je pense que,
l'année prochaine, vous pourrez applaudir aux résultats de la baisse des
charges, baisse que vous avez toujours prônée, il faut bien le dire, comme un
élément indispensable pour réduire le chômage dans notre pays, mais que vous
n'avez jamais vraiment décidée. Et lorsque vous l'avez faite, vous ne l'avez
pas financée.
M. René-Pierre Signé.
Ils sont définitivement dans l'opposition !
M. Alain Gournac.
Oh !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Enfin, ce projet de loi de
financement de la sécurité sociale contient, dans la continuité, un nouveau
train de réformes structurelles, avec toujours la même finalité, à savoir
pérenniser notre système de protection sociale fondé sur une plus grande
justice sociale, sur l'égalité des droits et la solidarité entre les individus
et les générations.
Les résultats sont là. Depuis trois ans, la sécurité sociale va
incontestablement mieux.
M. Alain Gournac.
Tout va bien !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Non, monsieur le sénateur, tout
ne va pas bien, et il nous faut poursuivre dans la voie du redressement.
M. Alain Gournac.
J'avais cru le comprendre !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je n'oublie pas que des
excédents supplémentaires permettront non seulement de mieux rembourser
l'optique et la dentisterie,...
M. François Autain.
Très bien !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... aujourd'hui mal remboursées
dans notre pays, mais aussi de mieux prendre en compte les maladies de la
sénilité précoce.
Ces mêmes excédents nous permettront aussi, à l'instar de ce que nous ferons
cette année en augmentant de 4,9 % les fonds versés au profit des personnes
handicapées et des personnes âgées, de mieux prendre en compte...
M. Dominique Braye.
C'est toujours pour le futur, toujours pour demain !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Non, pas pour demain mais dès
aujourd'hui, si vous votez ce projet de loi, monsieur le sénateur. Nous
prévoyons en effet une augmentation de 4,9 % au profit du secteur sanitaire et
social.
C'est bien parce que nous avons rétabli cet équilibre que nous pouvons
aujourd'hui décider ces dépenses et que nous pourrons, demain encore, continuer
à mieux protéger nos concitoyens.
M. Alain Gournac.
Pourquoi pas ?
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Conforter notre sécurité
sociale, c'est garantir à chacun une égale protection contre les risques de la
maladie et de la vieillesse. C'est garantir, tout simplement, un droit à
l'avenir pour tous.
Un tel projet mérite, je le crois, la mobilisation de tous et, sans doute,
beaucoup plus que des slogans et des anathèmes. Mais vous pouvez compter sur
moi pour essayer de faire en sorte que ce débat soit à la hauteur de ce
qu'attendent nos concitoyens : une sécurité sociale qui soit en mesure de
répondre à leurs problèmes lorsqu'ils sont dans la difficulté, une sécurité
sociale qui accompagne les évolutions des familles, des handicapés, des
accidentés du travail. C'est, en tout cas, la volonté du Gouvernement ;
j'espère qu'elle sera le plus largement possible partagée.
(Bravo ! et
applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. François Autain.
La droite n'applaudit pas ? Quel sectarisme ! Heureusement que nous sommes là
!
M. le président.
Monsieur Autain, vous souhaitez intervenir ?
(Sourires.)
M. François Autain.
Quand vous le voulez, monsieur le président.
M. le président.
Il vous faudra patienter.
M. François Autain.
Mais c'est qu'on nous provoque, monsieur le président !
(Nouveaux sourires.)
M. Alain Vasselle,
rapporteur de la commission des affaires sociales, pour l'assurance
vieillesse.
La provocation se trouve des deux côtés !
(MM. Alain Gournac et Dominique Braye s'esclaffent.)
M. le président.
Monsieur Braye, monsieur Gournac, je vous en prie.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Il faut les séparer, monsieur le président.
M. Ivan Renar.
Comme à l'école !
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat, que nous écoutons tous.
M. René-Pierre Signé.
Oui, et avec plaisir !
M. le président.
Mon cher collègue, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat, et à elle seule
!
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Monsieur le
président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, il me
revient de vous exposer les engagements du Gouvernement en matière de santé et
d'action sociale.
La politique que nous menons poursuit quatre objectifs fondamentaux. Ils
fondent le rôle de l'Etat en matière de santé et d'action sociale. Il s'agit
d'assurer une égalité d'accès au système de santé pour tous les citoyens, de
réduire les inégalités devant la maladie ou la prise en charge, de garantir la
qualité des services proposés et, enfin, d'assurer le respect de l'homme au
sein du système de santé.
Pour l'action sociale, l'assurance maladie finance, à raison de 42 milliards
de francs, et ce dans le cadre d'une dépense en progression constante, les
structures sociales et médico-sociales. La politique engagée à ce titre vise à
adapter quantitativement et qualitativement les réponses aux besoins importants
et évolutifs des personnes âgées, notamment dépendantes, et des personnes
handicapées.
Dans ces domaines, nous avons un devoir de solidarité qui impose une action
déterminée et qui s'inscrit dans la durée. Celle-ci est engagée, elle va se
poursuivre.
Nous avons, pour premier objectif, la réduction des inégalités de santé et
l'accès aux soins pour tous. Nous le savons, la démarche est difficile, mais
c'est une priorité du Gouvernement, tant certaines disparités entre régions ou
entre catégories socioprofessionnelles sont encore importantes et choquantes à
bien des égards dans un pays développé comme le nôtre.
Nous savons aussi maintenant de façon précise qu'une grande partie de ces
disparités sont en rapport avec des conduites individuelles, notamment une
consommation excessive d'alcool ou de tabac, et une pratique routière à
risque.
Devons-nous l'accepter comme une fatalité ? Notre réponse est non.
Pour réduire les inégalités, il nous faut mieux connaître, mieux observer
l'état de santé des régions et, également, répartir les moyens en
conséquence.
La création de l'institut de veille sanitaire, d'une part, de la direction de
la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, d'autre part,
représente des avancées importantes dans le domaine de la connaissance.
Dès l'année prochaine, des moyens supplémentaires seront consacrés à ce
dispositif, afin de développer de nouveaux domaines de surveillance, à savoir
les pathologies liées au travail, les maladies chroniques et les accidents de
la vie quotidienne ainsi que les déterminants de santé.
La réduction des inégalités passe également par la meilleure répartition des
moyens.
Il s'agit d'une démarche de fond, dans la mesure où aucun indicateur pris
isolément ne reflète précisément une disparité dans l'accès à une offre de
soins.
Néanmoins, nous avançons, et il est évident qu'une meilleure connaissance des
besoins permettra d'améliorer les mécanismes de dotation et de progresser
encore.
Il nous faut aussi permettre à tous nos concitoyens d'accéder à des soins de
qualité. La loi relative à la couverture maladie universelle, votée cette
année, a constitué un projet majeur pour garantir à tous l'accès aux soins.
Cette couverture médicale universelle ouvre le droit également à une couverture
complémentaire pour les plus modestes de nos concitoyens. Six millions de
personnes sont concernées, vous le savez.
L'année 2000 verra donc la mise en oeuvre concrète de ce dispositif et
marquera une avancée sociale majeure.
En parallèle, doit être poursuivie une politique d'égal accès à des soins de
qualité.
L'accréditation des établissements, qui a débuté cette année, ne résume pas à
elle seule la politique en faveur de la qualité qui doit être conduite dans le
monde hospitalier. Elle ne doit pas faire oublier tout le travail d'évaluation,
qui reste l'obligation des établissements et des professionnels, évaluation des
pratiques professionnelles, des modalités d'organisation des soins et de toutes
les actions qui concourent à une prise en charge adéquate du malade.
Le deuxième objectif est le renforcement des actions de prévention et de
promotion de la santé.
Je veux insister sur l'importance des facteurs de risque en rapport avec les
conduites individuelles. La consommation excessive d'alcool, le tabac, les
accidents et les suicides sont autant de facteurs qui expliquent une large part
de la surmortalité, mortalité prématurée le plus souvent, qui place mal la
France parmi nos voisins européens comparables.
Face à ce constat, d'importants programmes ont été lancés cette année.
Ainsi, s'agissant de la prévention des pratiques addictives, le Gouvernement
entend renforcer l'efficacité et la cohérence de la politique de lutte contre
les dépendances dangereuses pour la santé ou la sécurité publique. A cette fin,
un ambitieux plan triennal tenant compte des nouvelles modalités de
consommation, en particulier chez les jeunes, a été adopté le 16 juin
dernier.
Pour mieux prendre en charge les personnes souffrant de maladies chroniques,
nous voulons promouvoir une politique volontariste d'éducation thérapeutique de
la personne malade. Il s'agit d'améliorer l'efficacité de la prise en charge et
de permettre une plus grande autonomie de la personne malade. Le diabète et
l'asthme feront l'objet, dès l'année prochaine, d'expérimentations locales et
régionales.
Pour diminuer le nombre de grossesses non désirées et renforcer la politique
de contraception, un plan national d'information et d'actions a été élaboré,
selon deux axes. Il s'agit, d'une part, de mieux informer, pour mieux maîtriser
la contraception, par une campagne nationale de communication, et, d'autre
part, de prévenir dans la mesure du possible les interruptions volontaires de
grossesse, mais aussi de garantir l'accès à l'IVG sur l'ensemble du
territoire.
Quant à diminuer les morts dues au suicide, qui représente encore trop de
décès évitables, les actions entreprises dans le cadre du programme national de
prévention du suicide 1998-2000 seront poursuivies. Je vous rappelle que notre
objectif est de passer au-dessous de la barre symbolique des dix mille morts
par an dues au suicide en France.
Enfin, j'aimerais insister sur un thème qui me semble encore insuffisamment
pris en compte dans notre pays : la politique de nutrition. Les troubles du
comportement alimentaire progressent en effet de façon alarmante dans notre
pays. Ainsi, 13 % des jeunes Français de douze à dix-neuf ans seraient obèses.
Pendant la présidence française de l'Europe en 2000, je souhaite que les
problèmes de nutrition soient l'un des thèmes prioritaires de travail des
ministres de la santé des pays de l'Union européenne.
Il nous faut également renforcer la lutte contre les grandes causes de
mortalité dans notre pays. J'insisterai en particulier sur la lutte contre le
cancer et les maladies transmissibles.
Pour renforcer la politique de lutte contre le cancer, les examens de
dépistage bénéficient maintenant d'une prise en charge à 100 %. Les programmes
de dépistage du cancer du sein et du col de l'utérus se mettent en place
progressivement. De nombreuses mesures ont déjà été prises. Le comité national
de prévention a été installé en décembre dernier.
Par ailleurs, la qualité de l'organisation des soins en cancérologie sera
renforcée sur la base de deux principes, largement déclinés dans la réflexion
conduite pour l'élaboration des SROS de deuxième génération, à savoir la
pluridisciplinarité dans la prise en charge, d'une part, la coordination et la
continuité des soins, d'autre part.
De plus, une politique active de lutte contre les maladies transmissibles sera
poursuivie.
Les actions de lutte contre le VIH-sida seront renforcées avec, en
particulier, la mise à disposition précoce de nouveaux médicaments et de
nouveaux tests pour les personnes malades en échec thérapeutique. Les
programmes de prévention seront développés, notamment en direction des plus
vulnérables : les jeunes, les femmes, les personnes migrantes et les personnes
en situation de précarité.
Les missions des centres de dépistage anonyme et gratuit ont été étendues au
dépistage de l'hépatite B et de l'hépatite C et aux maladies sexuellement
transmissibles. A partir de l'année prochaine, ce dépistage sera entièrement
pris en charge par l'assurance maladie.
M. Alain Gournac.
L'année prochaine !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Oui, en l'an 2000 ! C'est prévu dans le plan de
financement que nous vous proposons aujourd'hui.
Un ambitieux programme national de lutte contre l'hépatite C a été mis en
place cette année, parallèlement à la mise à disposition de nouveaux schémas de
traitement.
Ce programme d'une durée de quatre ans prévoit des priorités nationales qui
sont mises en oeuvre aux échelons local et régional, en vue notamment d'obtenir
d'ici à 2002 que plus de 75 % des personnes porteuses du VHC connaissent leur
état sérologique, de réduire les risques actuels de nouvelles contaminations
par le VHC en favorisant notamment les comportements préventifs et d'améliorer
les connaissances sur le virus, la maladie, la thérapeutique et l'épidémiologie
pour mieux agir.
Au-delà de la santé physique, chacun a droit à la protection de la santé
mentale. Voilà pourquoi je souhaite que notre pays intègre à tout moment de
l'offre de soins celle qui concerne la santé mentale.
Si la psychiatrie constitue un enjeu fort, il est aussi en partie méconnu.
Chaque année en France, plus de 1 000 000 de personnes recourent aux soins des
services de psychiatrie publique. Plus de 350 000 enfants et adolescents sont
suivis annuellement par les secteurs de psychiatrie infanto-juvénile.
Parallèlement, 20 % des consultations en médecine générale et 30 % des
consultations d'urgence au sein des hôpitaux sont motivées par un problème de
santé mentale.
Mais nous sommes confrontés actuellement à la désaffection des psychiatres
pour l'exercice dans le secteur psychiatrique public.
Une concertation a été engagée cette année avec les professionnels ; elle
devra se poursuivre afin de rechercher une meilleure organisation pour répondre
aux besoins, qui par ailleurs augmentent, de la part de la société.
La sécurité sanitaire a été et demeure la priorité du Gouvernement depuis son
arrivée.
Nous devons poursuivre et compléter la mise en place de ce dispositif,
instauré par la loi du 1er juillet 1998, à laquelle la Haute Assemblée a
pleinement contribué. Désormais, l'Institut de veille sanitaire, l'Agence
française de sécurité sanitaire des produits de santé et l'Agence française de
sécurité sanitaire des aliments sont opérationnels.
Nous leur avons consacré dès cette année des moyens importants.
La réorganisation de la transfusion sanguine est en cours : l'Agence française
du sang fera place au 1er janvier 2000 au nouvel Etablissement français du
sang.
Enfin, la création d'une Agence santé-environnement, qui est à l'étude, doit
permettre de mieux expertiser et d'évaluer l'impact potentiel sur la santé des
perturbations de l'environnement.
Il nous faut aussi apporter des réponses adaptées aux besoins importants et
évolutifs des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées.
L'espérance de vie et l'espérance de vie sans incapacité continuent de
progresser en France. Toutefois, du fait de la structure par âges et de la
population, le nombre des personnes dépendantes est appelé à s'accroître.
Pour répondre à cette évolution, 2 000 places de services de soins infirmiers
à domicile et 7 000 lits de sections de cure médicale ont été financés l'an
passé. Cet effort sera poursuivi en 2000.
Afin que soient mieux prises en compte les situations de dépendance, l'action
du Gouvernement vise à permettre le bon fonctionnement du secteur de l'aide à
domicile et à préparer, dans les meilleures conditions, l'entrée en vigueur de
la tarification des établissements pour personnes âgées. Cette réforme
permettra également d'améliorer la qualité des prestations fournies et de mieux
affirmer les droits des personnes.
Par ailleurs, près de trois millions de personnes sont confrontées à un
handicap plus ou moins grave.
Dans le cadre fixé par la loi d'orientation du 30 juin 1975, la politique
globale conduite par le Gouvernement en faveur des personnes handicapées est
déterminée par un double objectif : favoriser l'intégration de ces personnes
dans le milieu de vie ordinaire, pour répondre à une demande de plus en plus
récurrente ; améliorer la prise en charge des plus gravement handicapées
d'entre elles, lorsque le besoin s'en fait sentir.
Ces objectifs commandent trois grandes catégories de mesures : promouvoir les
dispositifs les plus intégratifs pour les enfants et les adultes, notamment par
le développement des services ambulatoires ; apporter une réponse adaptée et
durable à l'insuffisance de places dans les établissements spécialisés pour les
adultes à travers le plan pluriannuel ; répondre à des besoins de prises en
charge spécifiques insuffisamment développées pour les handicaps trops lourds
ou mal connus tels que l'autisme, les traumatismes crâniens ou les handicaps
rares.
(Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Guy Fischer applaudit
également.)
(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur de la commission des affaires sociales, pour les équilibres
financiers généraux de la sécurité sociale et l'assurance maladie.
Madame
le ministre, si nous partageons tous les grands enjeux que vous avez évoqués
concernant le maintien de notre système de protection sociale, nous ne faisons
pas la même lecture que vous du présent projet de loi.
L'an 2000 sera non seulement l'an I du troisième millénaire, mais aussi l'an I
de la nouvelle protection sociale...
M. François Autain.
La dernière année du deuxième millénaire !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Certes, mais ce sera tout de même l'an I de la nouvelle
protection sociale. En effet, Mme le ministre nous annonce une loi de santé
publique, une loi sur les retraites. Bref, à partir du 31 décembre 1999, tout
ira bien pour le système de protection sociale.
Cela étant, aujourd'hui, nous devons examiner le projet de loi de financement
de la sécurité sociale pour 2000. Quatrième exercice du genre, ce projet de loi
marque, selon nous, des évolutions inquiétantes. En effet, il ne répond pas aux
grandes questions de notre protection sociale et il s'avère, en définitive,
dangereux pour son avenir même.
Mais, avant d'aborder l'examen de ce texte, comme le projet de loi de
financement de la sécurité sociale ne comporte pas de projet de loi de
règlement, contrairement au projet de loi de finances, et comme il n'y a pas de
projet de loi de financement rectificative, un retour s'impose sur les comptes
de la sécurité sociale pour 1998 et 1999, retour que vous avez ébauché, madame
le ministre, mais que je vais reprendre.
Au premier abord, le bilan peut en effet apparaître globalement positif. Les
comptes des régimes obligatoires de base de sécurité sociale sont passés, en
trois ans de lois de financement, du déficit à l'équilibre. Est-ce à dire que «
les réformes portent leurs fruits », pour reprendre votre expression ? Je crois
que cette formulation est beaucoup trop optimiste.
Le redressement des comptes sociaux est dû d'abord à l'accroissement des
prélèvements affectés à la sécurité sociale. Les lois de financement de la
sécurité sociale pour 1997, 1998 et 1999 ont créé des prélèvements nouveaux ou
étendu l'assiette de prélèvements existants. Ces mesures de redressement ont eu
un impact. On peut chiffrer, sur trois ans, à une cinquantaine de milliards de
francs le fruit, que je considère comme amer, de ces prélèvements
supplémentaires. L'évolution à la hausse des prélèvements obligatoires affectés
à la sécurité sociale en témoigne.
Le redressement des comptes sociaux s'explique par des prélèvements opérés
principalement sur l'épargne, avec la hausse de la CSG maladie sur les revenus
du patrimoine et les produits de placements - que nous ne contestons d'ailleurs
pas, en partie - et l'élargissement de l'assiette du prélèvement social de 2 %
sur les revenus du patrimoine, affecté à la branche famille et à la branche
vieillesse du régime général.
Le bilan de la substitution entre la CSG et la cotisation maladie fait
apparaître un prélèvement supplémentaire sur le revenu global des ménages. Ce
prélèvement, qui aurait été de 8 milliards de francs en 1998, serait de 11
milliards de francs en 2000. Si ce transfert des cotisations d'assurance
maladie vers la CSG a certes été - et Dieu sait si le Gouvernement nous l'a dit
- une augmentation de pouvoir d'achat des salariés, il constitue, au regard du
revenu global des ménages, un prélèvement supplémentaire. Par conséquent, le
redressement est à mettre d'abord à l'actif des Français, à qui on a pris
davantage.
Ensuite, cet effort est à mettre bien sûr à l'actif de la croissance retrouvée
dès la fin de 1996. Nous, nous disons qu'elle est due à l'ambiance mondiale ;
le Gouvernement dit que c'est grâce à lui. Bref, il existe une croissance
retrouvée et nous nous en réjouissons tous.
En conséquence, le solde des différents comptes sociaux s'améliore. Le solde
des administrations de sécurité sociale - solde de Maastricht - qui était
déficitaire de 0,05 % du PIB en 1998, serait excédentaire de 0,10 % du PIB en
1999.
Le déficit du régime général se réduit. Il serait de quelque 16 milliards de
francs en 1998 et de 4 milliards de francs en 1999, alors que le Gouvernement
prévoyait un retour à l'équilibre. (
M. Alain Gournac s'exclame.)
En effet - c'est là que le bât blesse et c'est le point sur lequel nous ne
faisons pas la même lecture que vous, madame le ministre - l'effort de maîtrise
des dépenses sociales qui s'était manifesté en 1997 ne s'est pas poursuivi.
Depuis la fin de 1997, les dépenses maladie continuent de connaître une
progression alarmante. Force est de constater que, en l'absence de dérapage de
ces dépenses, le régime général aurait connu un déficit inférieur à 10
milliards de francs en 1998 et un excédent de 9 milliards de francs en 1999.
Telles sont les raisons pour lesquelles 1998 et 1999 sont deux années
gâchées.
En période de croissance prolongée, le régime général devrait être en fort
excédent. Ce n'est pas le cas. Un retournement de conjoncture similaire à celui
que nous avons observé en 1992-1993 serait catastrophique pour les finances
sociales, et probablement pour notre régime de protection sociale. Le
redressement des comptes sociaux demeure fragile.
Pourtant, le Gouvernement a décidé, avec le présent projet de loi, non pas de
créer les conditions d'un excédent franc et massif de la sécurité sociale, mais
de ponctionner les comptes de celle-ci.
Le Gouvernement, par diverses dispositions, dégrade les comptes de la sécurité
sociale. Nous l'avons d'ailleurs constaté dès la réunion de la commission des
comptes de la sécurité sociale. En effet, l'essentiel des mesures décidées par
le Gouvernement, notamment la prise en charge de la majoration de l'allocation
de rentrée scolaire à hauteur de 2,5 milliards de francs et la provision
comptable de 5,5 milliards de francs au titre des contributions des branches du
régime général au financement des 35 heures, ont été anticipées dans le compte
tendanciel par le secrétaire général de la commission des comptes de la
sécurité sociale. Cela pose d'ailleurs le problème du fonctionnement de cette
commission. Nous présenterons des amendements à cet égard. Ce problème ne
concerne d'ailleurs pas uniquement le présent gouvernement.
Ainsi, le montant de l'excédent tendanciel du régime général de 6 milliards de
francs, annoncé lors de la réunion de la commission des comptes de la sécurité
sociale, est faux. Il se situe, en fait, aux alentours de 14 milliards de
francs. Il faut, je crois, être aussi clair que possible dans ces présentations
compliquées.
Le Gouvernement fait passer cet excédent à 2 milliards de francs, par les
mesures qu'il propose dans le projet de loi. La dégradation dont il est
responsable en raison des mesures qu'il présente est donc de 12 milliards de
francs.
La confusion atteint un sommet avec les modifications qui ont été introduites
à la hâte par le Gouvernement à l'Assemblée nationale, et qui correspondent à
ce qu'il faut bien appeler « un bricolage financier » sur les 35 heures. En
effet, renonçant à taxer le régime général - car la « contribution » prévue
était bien une imposition - le Gouvernement finance le « fonds de financement
de la réforme des cotisations patronales » par une partie des droits sur les
alcools, en diminuant au passage les recettes du Fonds de solidarité
vieillesse, le FSV, de 5,6 milliards de francs. Mais comme les excédents du FSV
devaient, à l'origine, alimenter le Fonds de réserve pour les retraites, il
décide d'effectuer un « prélèvement sur recettes » du même montant par
l'intermédiaire du prélèvement social de 2 %, au détriment des branches du
régime général. Ces 5,6 milliards de francs seraient affectés au Fonds de
réserve pour les retraites.
C'est pourquoi nous estimons que le régime général contribue toujours, mais de
manière indirecte, au financement des 35 heures. A creuser des trous pour en
combler d'autres, on finit par faire une victime : la couverture maladie
universelle, la CMU.
En effet, il était prévu dans le cadre du « plan de financement de la CMU »
d'affecter 28 % du prélèvement social de 2 % à la CNAMTS qui ne touchera
finalement que 8 %, soit une perte de 2,3 milliards de francs qui aura
probablement des incidences sur le financement de la CMU.
Faut-il croire que le financement de la couverture maladie des plus démunis
est désormais relégué, aux yeux du Gouvernement, au second plan devant
l'urgence dictée par le financement des trente-cinq heures ?
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous discutons se
caractérise donc par une « mesure phare », la création d'un « fonds de
financement de la réforme des cotisations patronales », proposée à l'article 2,
dont vous avez longuement parlé tout à l'heure, madame le ministre.
Ce fonds vise en fait à financer à la fois la décision d'extension de la
ristourne sur les bas salaires existante et les allégements de charges
spécifiques aux trente-cinq heures.
Par coordination avec la position que vient d'exprimer le Sénat sur le projet
de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail, la commission vous
propose la suppression de cet article. Le Gouvernement dilapide les fruits de
la croissance en voulant financer, coûte que coûte, les trente-cinq heures. De
plus, il mélange financement de la sécurité sociale et financement de la
politique de l'emploi, alors qu'ils doivent rester distincts.
M. Dominique Braye.
Tout à fait !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Un financement de la politique de l'emploi doit être inscrit
en loi de finances. Le Gouvernement dénature « l'outil » loi de financement de
la sécurité sociale, qui doit normalement permettre d'aborder les questions
essentielles de notre protection sociale : assurance vieillesse et financement
des retraites, assurance maladie et politique de santé, politique familiale.
Le Gouvernement a-t-il fait ce choix pour cacher son incapacité à régler les
vrais problèmes ?
Il paraît que nous y viendrons l'année prochaine. Nous verrons bien quelles
seront alors ses propositions. Pour l'heure, nous n'en considérons pas moins
que les articles 2, 3 et 4 n'ont pas leur place dans ce texte et nous ne
parvenons pas à discerner sur ces sujets la politique du Gouvernement.
J'aborde maintenant cette « réforme des cotisations patronales » qui ne mérite
d'ailleurs pas son nom.
Nous sommes d'accord, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, sur le
fait qu'il ne faut dorénavant pas asseoir les cotisations patronales sur les
salaires dans un pays développé où la masse salariale va sans doute diminuer
par rapport à d'autres critères.
M. Guy Fischer.
Elle diminue !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Oui, elle diminue.
En fait, ce texte de loi ne modifie pas le calcul des cotisations patronales
et se borne à créer trois prélèvements supplémentaires, que vous nous avez
décrits : la contribution sociale sur les bénéfices, la taxe générale sur les
activités polluantes et la taxation des heures supplémentaires. Par ailleurs,
le financement de ce fonds repose sur les droits sur les tabacs et sur les
alcools.
Force est de constater qu'aucun de ces prélèvements n'a pour finalité de
financer des allégements de charges sociales. Vous connaissez mieux que nous,
madame le ministre, les rapports consacrés à la réforme des cotisations
patronales qui, à défaut de suivre rigoureusement la même orientation, avaient
le mérite d'ouvrir de vrais débats. Il faudra bien que nous abordions l'examen
du rapport demandé par ce gouvernement et par celui qui l'a précédé. Le fonds
qui est créé aujourd'hui ne répond pas à l'objectif de faire porter l'essentiel
des prélèvements sur les salaires.
Nous considérons donc que ce projet de loi ne comporte aucune mesure de
financement à long terme. Il se contente de pré-affecter les « excédents » de
la sécurité sociale en opérant des mesures de débudgétisation, notamment sur
l'allocation de rentrée scolaire qui, bizarrement, ne figure pas dans le projet
de loi de finances ou en alimentant par une baisse des recettes des branches
famille, vieillesse et maladie le Fonds de réserve pour les retraites dont les
objectifs n'ont toujours pas été définis.
En dehors du fait que la branche maladie est loin d'être encore en excédent,
je vous rappelle que la commission des affaires sociales du Sénat a manifesté
sous tous les gouvernements son attachement extrême au principe de la
séparation des branches en vertu duquel l'excédent de la branche famille ne
saurait alimenter un fonds de réserve pour les retraites.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Face à ce projet de loi, la commission des affaires sociales
continue de réaffirmer son souci d'une clarification des comptes sociaux dans
le respect du principe de la séparation des branches.
L'intelligibilité des comptes sociaux - c'est-à-dire la possibilité pour
chacun, assuré, contribuable, voire parlementaire, de comprendre la destination
et la raison d'être des prélèvements sociaux - est le fondement des lois de
financement de la sécurité sociale et la condition du redressement de celle-ci.
Nous en sommes encore loin.
Nous vous proposerons donc un autre projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000, qui repose sur une autre idée de la sécurité
sociale.
Son premier axe est le respect des comptes.
Nous considérons en effet que, jusqu'à présent, les lois de financement de la
sécurité sociale allaient dans le sens d'une plus grande transparence. Or, avec
les mesures actuellement proposées et la confusion des genres, nous en revenons
à l'opacité.
Nous vous proposerons donc d'adopter des articles additionnels visant à
renforcer le rôle de la commission des comptes de la sécurité sociale et à
inscrire dans la loi le double principe d'une remise des comptes avant le 31
mars de l'année suivante et de l'établissement d'un plan comptable unique des
organismes de sécurité sociale.
Telles sont les réformes que nous demandons, qui, au-delà de ce Gouvernement,
s'imposent pour améliorer la transparence. Nous pensons que ce plan comptable
unique permettra un établissement des comptes en droits constatés et non en
encaissements-décaissements. C'est une mesure certes très technique, mais ceux
qui participent aux travaux de la commission des comptes de la sécurité sociale
connaissent son enjeu.
Nous estimons donc que ces amendements rendront plus transparent et homogène
le processus d'établissement des comptes. Ils s'inscrivent dans l'optique du
groupe de travail que la commission des affaires sociales avait mis en place et
que j'avais l'honneur de présider.
Le deuxième axe est le respect des partenaires sociaux.
Je crois que le paritarisme est l'un des fondements de notre pacte républicain
et que tout ce qui peut être entrepris par le Gouvernement pour le fragiliser
doit être combattu. Nous avons vu qu'une première mesure a été repoussée par
les partenaires sociaux.
Si les artisans ont voté pour le texte initial, ils ont été les seuls dans ce
cas parmi les quatre caisses de sécurité sociale, les syndicats salariés et les
organisations patronales s'étant tous prononcés contre le projet de loi tel
qu'il avait été présenté en conseil des ministres.
Néanmoins, aujourd'hui encore, nous ne pouvons pas accepter la perte des
recettes des branches du régime général, à travers le détournement du
prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine qui leur est
affecté.
Nous ne pouvons pas davantage accepter que le Gouvernement inscrive dans les
comptes tendanciels une prise en charge partielle de l'allocation de rentrée
scolaire, alors que son principe n'a pas été adopté par le Parlement. La «
pré-affectation » des excédents de la sécurité sociale, soit en faveur de
l'Etat, soit en faveur du Fonds de réserve pour les retraites est, je le
répète, inacceptable.
Si tel n'avait pas été le cas, l'excédent du régime général aurait été
nettement plus important que celui qui nous est présenté. Vous auriez pu,
madame le ministre, être encore plus satisfaite de votre gestion puisqu'il se
serait élevé à 12 milliards de francs, tandis que la branche maladie serait en
quasi-équilibre, la branche famille en excédent de six milliards de francs et
la branche vieillesse également en excédent de sept milliards de francs.
Dans ce domaine, il convient de prévoir la création de « sections comptables
de réserve » permettant d'affecter le résultat comptable de l'exercice clos
pour « sanctuariser » les éventuels excédents à venir et éviter aux ministres
successifs de succomber aux tentations de prélèvements. Si des excédents
massifs se perpétuaient dans une branche, il faudrait envisager une baisse des
prélèvements affectés à cette branche.
Le troisième axe vise à respecter les échéances.
L'échéance principale concerne, bien entendu, le financement des retraites.
Confirmant le propos de M. le Premier ministre, vous nous avez annoncé, madame
le ministre, comme vous l'aviez fait devant la commission des comptes, une
réforme des retraites pour l'année prochaine. Dommage que ce ne soit jamais le
bon moment pour en discuter ! Enfin, peut-être y reviendrons-nous.
Cette réforme, dont vous avez souligné l'urgence, doit en effet être conduite
rapidement pour que soit préservé notre système de retraite. M. Vasselle
reviendra plus longuement sur ce point.
M. Machet évoquera pour sa part la branche famille. Je me bornerai à indiquer
qu'il faut réfléchir à la simplification des règles relatives aux prestations
qui sont versées.
Sachez enfin, madame le ministre, que, sur un certain nombre d'autres points,
le désaccord dépasse les divergences de nos options politiques.
Si nous sommes d'accord pour préserver l'acquis essentiel que constitue le
régime de protection sociale - je vous l'ai dit au début de mon propos, je le
répète en cet instant - nous considérons que les mesures proposées par le
Gouvernement aggravent encore les menaces qui pèsent sur notre système de
protection sociale. Le paritarisme est en crise. Incapable de parvenir à
l'équilibre budgétaire sans une reprise extrêmement forte, l'Etat puise, le cas
échéant, dans les excédents des caisses de la sécurité sociale. Il faut
respecter l'autonomie des finances sociales et la séparation des branches, sur
laquelle repose la sécurité sociale elle-même.
J'en viens à l'assurance maladie.
Madame le ministre, il semble, au vu des dispositions qui nous sont
présentées, que vous souhaitiez gérer ce dossier seule. En effet, les
dispositifs qui nous sont soumis tendent à se passer du Parlement, des
professionnels de la santé et de l'assurance maladie.
Qu'en est-il du Parlement ? Les dépassements successifs et importants de
l'ONDAM vident le vote du Parlement de sa substance. Sans revenir sur les
effets bénéfiques de la croissance économique, je me contenterai de rappeler
que, selon la commission des comptes de la sécurité sociale, la branche maladie
a reçu, en 1999, 25 milliards de francs de plus qu'en 1998. Certains peuvent y
voir la preuve que le Gouvernement a pris les mesures qui s'imposaient, tandis
que d'autres n'y voient que la conséquence de la croissance mondiale. Malgré ce
gain pour l'assurance maladie, le déficit des comptes persiste : 15 milliards
de francs en 1998, 12 milliards de francs en 1999.
L'explication est simple, elle réside dans un dérapage continu des dépenses
qui progressent à un rythme annuel de 3,5 %, alors que le Gouvernement s'était
certes engagé sur ce chiffre... mais cumulé sur trois ans, entre 2000 et
2002.
L'écart entre l'ONDAM et les réalisations s'est ainsi creusé en 1998 et en
1999, passant de près de 10 milliards de francs en 1998 à 13 milliards de
francs en 1999.
Pour réduire ce dérapage, le Gouvernement ne présente aucune mesure tendant à
financer le déficit de 1999, ce qui pose du même coup un problème de gestion
globale de la sécurité sociale. Cette carence est contraire à l'esprit de la
réforme constitutionnelle qui avait institué les lois de financement de la
sécurité sociale, puisque les déficits commencent, cette année comme par le
passé, à s'accumuler de façon non maîtrisée en dettes non financées.
Je ne dis pas du tout qu'il faut rouvrir la CADES, mais j'aimerais savoir
comment le Gouvernement compte traiter ce déficit de l'assurance maladie.
Envisage-t-il de le faire peser notamment en charge financière sur l'assurance
maladie ?
Par ailleurs, et il en a été abondamment question, le Gouvernement propose
dans ce projet de loi un ONDAM pour 2000 calculé à partir d'une méthode
qualifiée de « rebasée ». En effet, le projet de loi fixe à 658 milliards de
francs l'ONDAM pour 2000. Selon l'exposé des motifs, cet objectif est en
progression de 2,5 % par rapport aux dépenses attendues pour 1999.
En fait, l'objectif pour 2000 progresse de 4,5 % par rapport à l'objectif fixé
pour 1999, qui s'élevait à 629 milliards de francs.
Cet artifice est destiné à dissimuler la progression réelle des dépenses,
puisque le taux de progression de l'ONDAM est calculé, non pas par rapport à
l'ONDAM pour 1999, mais par rapport aux dépenses réalisées. C'est d'ailleurs la
première fois que nous sommes en présence de ce qu'il faut bien appeler une
manipulation.
Je le dis d'emblée, nous ne sommes pas opposés par principe à une remise à
zéro des compteurs, et nous vous proposerons d'adopter cet article sans
modification. Mais - car il y a un mais - une telle opération mériterait d'être
accompagnée, d'une part, des mesures tendant à financer le déficit de
l'assurance maladie de 1999 - je tiens à le répéter, car on laisse ce déficit
en suspens - d'autre part, de réformes de structures manifestement absentes de
ce texte.
A en croire les propos que vous avez tenus devant la commission des affaires
sociales du Sénat, madame le ministre, l'ONDAM serait, non pas un objectif à
tenir, mais une simple prévision économique, du même ordre que l'indice des
prix. Si tel était le cas - et j'espère bien que non - le vote du Parlement
perdrait tout sens et le mécanisme de régulation qui devrait en découler serait
dépourvu de toute crédibilité.
Mais j'en viens à mon deuxième constat.
Il me semble que, après avoir voulu se passer du Parlement, le Gouvernement
veut aussi se passer des professionnels de la santé. En effet, le système
conventionnel est aujourd'hui dans une situation de blocage.
Nous avons auditionné - comme d'habitude ! - tous les syndicats médicaux. Et,
si le syndicat MG France a accepté d'apposer sa signature au bas d'un texte
conventionnel s'appliquant aux médecins généralistes, cette convention a fait
l'objet d'un recours contentieux, car elle ne comportait aucun mécanisme de
régulation des dépenses.
Vous nous avez dit que vous l'annuleriez, madame le ministre, et vous avez eu
bien raison !
Au demeurant, dans la mesure où le Conseil constitutionnel l'a lui-même
sanctionnée à la suite du recours que nous avions présenté concernant la base
légale des reversements prévus par anticipation le 26 novembre 1998, je ne vois
pas comment vous auriez pu agir autrement ! Quoi qu'il en soit, je ne peux que
constater que même les dirigeants de MG France sont très désabusés vis-à-vis de
votre politique conventionnelle.
Dans le même registre, nous venons d'apprendre ce matin que, à la suite d'une
décision du Conseil d'Etat, les références médicales opposables, les RMO, ne
sont plus opposables aux médecins.
Il ne reste donc vraiment plus rien du dispositif de maîtrise médicalisée mis
en place à partir de 1994, puis en 1996. Le système conventionnel est donc vidé
de sa substance.
Vous nous avez expliqué tout à l'heure encore que vous aviez repris les
relations avec les médecins, relations que le gouvernement précédent aurait
rompues. Excusez-moi, madame le ministre, de vous contredire sur ce point -
avec tout le respect que je dois à votre fonction - mais...
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je n'ai jamais dit cela !
J'aurais pu le dire, mais je ne l'ai pas dit.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Vous auriez en effet pu le dire...
En tous cas, je constate qu'il n'y a pas de convention pour les spécialistes.
Ainsi, certains chirurgiens-dentistes sont sous le coup de la décision
unilatérale que vous avez prise en juin 1998, il n'y a pas d'accord sur les
cliniques, il y a des menaces sur la cotation des actes réalisés par les
sages-femmes. Par conséquent, le dialogue conventionnel est aujourd'hui plus
encore qu'hier, soit rompu, soit fragilisé.
Seule existe - et je vous en donne acte, vous en avez d'ailleurs également
parlé tout à l'heure - une politique sectorielle acceptée par les
professionnels, celle du médicament. Nous attendons cependant la conclusion des
accords individuels entre le comité et les laboratoires pour établir un premier
bilan de cette politique.
Le système conventionnel ne fonctionne donc pas et nous considérons que les
dispositions que vous nous présentez, notamment à l'article 17, y mettent un
terme définitif. Cet article est une merveille : je ne sais pas s'il faut le
montrer à titre d'exemple ou de contre-exemple aux élèves de l'Ecole nationale
d'administration - je n'ai aucune compétence pour juger de cette affaire - mais
je qualifierai ce texte, qui comporte treize ou quatorze pages, de
bouillonnement créatif, et je sais que mon opinion est partagée par de nombreux
collègues sur l'ensemble des travées de cette assemblée... et même par ceux qui
ne le disent pas tout haut !
Je l'ai dit, ce fameux article 17 met fin au système conventionnel institué
depuis 1971. En effet, le mécanisme des lettres clés flottantes est instauré
sans que le mot soit utilisé.
A ce sujet, madame la ministre, m'efforçant de ne jamais trop caricaturer vos
positions, je vous remercie de ne pas trop caricaturer les miennes : je n'ai
jamais dit que les lettres clés flottantes étaient une régulation automatique
des tarifs !
Depuis 1971, les professionnels et l'assurance maladie - la CNAM et les autres
caisses - fixent annuellement les tarifs applicables. Ce système fonctionne
avec des hauts et des bas, c'est vrai. Mais vous prévoyez de votre côté, avec
l'article 17, une baisse potentielle tous les quatre mois sans que les
professionnels de santé ne puissent rien dire. Comment un syndicat pourrait-il
accepter de signer en décembre une convention alors que la valeur des lettres
clefs qu'elle contient risquerait d'être mise à mal en avril ou en août ?
De plus, si les intéressés ne signent pas la baisse de leurs tarifs, la CNAM
devra, aux termes de la loi, le faire à leur place. Et, si la CNAM refuse,
alors, avec votre système, l'Etat le fera à sa place. Je ne vois pas pourquoi
les professionnels de santé et les partenaires conventionnels auraient intérêt
à négocier et à signer des tarifs susceptibles de bouger tous les quatre mois
au gré de tout dépassement conjoncturel des dépenses !
Vous nous avez dit tout à l'heure - je vous ai écoutée avec beaucoup
d'attention, comme d'habitude - que les tarifs ne baisseraient pas en cas de
dépassement conjoncturel, mais vous avez eu l'honnêteté de dire que vous avez
quand même fait le contraire en juin 1998, en supprimant une mesure de
nomenclature prévue par la convention des chirurgiens-dentistes à la suite d'un
dépassement que le président de la CNAM avait qualifié de conjoncturel dans une
lettre qu'il vous avait adressée.
Et, comme si la rédaction initiale de l'article 17 ne suffisait pas,
l'Assemblée nationale a adopté des dispositions complémentaires qui permettent
à la CNAM, en cas de vide conventionnel, de négocier des accords séparés avec
les représentants de certaines spécialités. Je sais bien que, pour gouverner,
il faut être Machiavel et favoriser la division...
M. Emmanuel Hamel.
Pas fatalement !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Ce n'est pas le Gouvernement, c'est l'Assemblée nationale
!
Cerise sur le gâteau, ces accords tarifaires par spécialité pourront même être
signés pendant la durée d'application d'une convention, soit avec un syndicat
membre d'une organisation non signataire de la convention, soit avec un
syndicat membre d'une organisation signataire.
Pour être certaine de mettre fin au système conventionnel, il importe pour
vous non seulement de lui ôter tout intérêt, mais aussi de semer la division au
sein des syndicats de spécialistes - qui, entre nous soit dit, n'ont pas besoin
de cela.
M. Guy Cabanel.
Ce n'est pas difficile !
M. Charles Descours,
rapporteur.
En effet !
Vos amis ont dit en commission qu'un projet de loi sur la modernisation du
système de santé aurait pour ambition de redonner vie au système conventionnel.
Vous venez de nous annoncer ce projet de loi, comme vous l'aviez d'ailleurs
fait devant la commission des comptes de la sécurité sociale.
Sur le principe, nous sommes favorables à ce texte. Mais il ne faut pas
seulement engager un débat d'orientation au printemps ! Il faut une loi de
programmation pluriannuelle définissant, comme Mme Gillot l'a dit, un certain
nombre d'axes en matière de santé publique. Mais nous verrons bien ce qu'il en
sera quand le projet nous sera présenté !
Après avoir tué le système conventionnel en décembre, vous voulez le
ressusciter à Pâques. Il est vrai qu'à Pâques d'autres personnes ont ressuscité
! Je ne sais pas si le système conventionnel connaîtra la même réussite...
M. Jean Chérioux.
Il y faudra plus de trois jours !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Oui, mais Mme le ministre m'a pris en défaut récemment au
sujet d'une citation biblique. Cette fois-ci, avec Pâques, il n'en sera pas de
même, parce que je suis sûr de moi !
M. René-Pierre Signé.
Elles sont angéliques, elles ne sont pas bibliques !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Quoi qu'il en soit, nous vous proposerons un dispositif
alternatif à celui du Gouvernement. Au lieu de compter treize pages, il tiendra
sur une seule page et le système que nous proposons aura l'avantage d'être
médicalisé, régionalisé, individualisé et, je l'espère, efficace. Et, surtout,
il s'intégrera dans le système conventionnel dans lequel nous fonctionnons
depuis 1971.
Enfin, troisième constat, les mesures qui nous sont proposées traduisent la
volonté du Gouvernement de se passer de la CNAM. Celle-ci a en effet - crime de
lèse-majesté ! - proposé en juillet un plan stratégique de refondation de
l'assurance maladie, notamment concernant l'hôpital. Nous avons tous constaté
le dialogue un peu ferme qui en a résulté entre le ministère et la CNAM !
A ce propos, je ne partage pas toutes les propositions formulées par cette
caisse. En effet, le système avait le mérite d'exister, il émanait des
partenaires sociaux et il aurait pu faire l'objet d'un débat au Parlement,
notamment à l'occasion de la discussion du projet de loi que vous avez annoncé,
madame la ministre.
Dans la mesure où nous considérons que la gestion du système de santé par les
partenaires sociaux est la base de notre système de protection sociale, on
aurait pu en faire plus de cas. Mais il ne s'est rien passé et vous nous avez
annoncé un projet de loi relatif à la modernisation du système de santé. Nous
verrons bien s'il contient des mesures importantes, outre le droit des malades
! D'autres dispositions sont en effet nécessaires.
Au même moment, certains députés socialistes ont tenté de faire quelques
propositions sur la réforme de l'assurance maladie alors qu'un rapport de la
Cour des comptes a critiqué la CNAM. Vous-même, madame la ministre, en cours
d'année, vous avez négocié séparément et à l'insu de la CNAM avec des
représentants de quelques spécialités - les biologistes, les cardiologues, les
radiologues - bref, l'audace de la CNAM a été punie par un certain nombre de
tirs en salve et personne n'en a tenu compte.
Enfin, je rappelle que le présent projet de loi de financement de la sécurité
sociale fait sortir la CNAM de la régulation de l'hospitalisation privée.
Je vous proposerai donc de réintroduire l'assurance maladie dans la gestion de
l'hospitalisation privée, car le système tripartite existant fonctionnait bien
et nous considérons que cette mise sous tutelle directe de l'Etat de
l'hospitalisation privée est une manière d'étatisation d'une partie de la
sécurité sociale et de l'assurance maladie alors que, au contraire - nous le
verrons dans la discussion des articles - l'évolution des techniques médicales
pousse à la coordination entre l'hospitalisation et la ville.
Il faut éviter les dichotomies et globaliser les dépenses de santé, réaliser
une fongibilité des masses. Mettre l'hôpital et les cliniques sous tutelle de
l'Etat, l'assurance maladie ne s'occupant plus au niveau national des cliniques
privées, c'est approfondir le fossé qui existe entre les dépenses d'assurance
maladie, ce qui n'est pas bon...
M. René-Pierre Signé.
Ce n'est pas clair !
M. Charles Descours,
rapporteur.
C'est très clair, nous le verrons au moment de la discussion
des articles !
M. le président.
Ne vous laissez pas influencer, monsieur le rapporteur !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Oh, il me bouleverse !
(Sourires.)
M. François Autain.
L'article 17 est plus clair !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Quoi qu'il en soit, une seconde réponse directe du
Gouvernement à la CNAM est contenue dans l'article 17 du projet de loi : la
CNAM n'a pas les moyens de réussir dans sa tentative de signer des conventions
comportant des lettres clés flottantes avec les professionnels, mais le texte
du projet de loi paralysera son action en lui imposant de rédiger chaque année
- mais aussi tous les quatre et huit mois - de multiples rapports
d'équilibre.
Je ne voudrais pas que l'on pense que c'est parti pris de ma part,...
M. René-Pierre Signé.
Ah si !
M. Charles Descours,
rapporteur.
... mais je rappelle quand même que M. Spaeth a qualifié...
(M. Autain proteste.)
Monsieur Autain, je crois que M. Spaeth est plus proche politiquement de
vous que de moi ! Or il a qualifié cette demande du Gouvernement d'ubuesque :
la CNAM aurait à rédiger cent rapports par an !
M. François Autain.
Il a dramatisé !
Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Il a retiré ce mot !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Il l'a retiré parce que vous avez froncé les sourcils, madame
le ministre !
« Ubuesque », ce texte l'est en effet car - ce sera mon dernier point -...
M. François Autain.
C'est trop long !
M. Charles Descours,
rapporteur.
... les lignes directrices de la politique du Gouvernement en
matière d'assurance maladie n'apparaissent pas clairement.
C'est ainsi que, si vous avez parlé de l'hôpital, le terme lui-même ne figure
ni dans le présent projet de loi de financement ni dans les deux qui l'ont
précédé. J'en veux pour exemple la pétition que nous avons reçue ces jours-ci
et qui est signée par cent professeurs de l'Assistance publique de Paris nous
signalant la dégradation de leurs conditions de travail.
Certes, le texte relatif à la couverture maladie universelle a apporté
quelques modifications concernant la législation hospitalière sur la
coopération sanitaire et le Gouvernement a accepté une disposition prévoyant
qu'une expérimentation de la tarification serait réalisée. Mais vous avez prévu
pour cela un délai de cinq ans ! Nous vous proposerons d'accélérer cette
procédure.
Je voudrais également évoquer les dispositions concernant la
contractualisation des établissements de santé avec les agences régionales
d'hospitalisation, pour regretter le retard pris en la matière.
Par ailleurs, je souhaiterais qu'au cours du débat nous éclaircissions la
question de l'accréditation des établissements de santé par l'Agence nationale
d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES.
Je sais bien que les agences régionales d'hospitalisation ont dû signer les
contrats en priorité avec les établissements privés et préparer les schémas
régionaux d'organisation sanitaire, les SROS, et que les missions de l'ANAES
sont larges. Mais il faut noter que le collège d'accréditation vient seulement
d'être nommé alors que les ordonnances ont été publiées en avril 1996 !
Quarante établissements ont participé à l'expérimentation, c'est vrai ; mais,
d'après les chiffres en notre possession, trente seulement ont entamé la
procédure, en 1999, et non 200, comme vous l'avez affirmé. De toute façon, au
regard des milliers d'établissements hospitaliers à accréditer, cela témoigne
d'une lenteur quelque peu désespérante.
Madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, l'ensemble des établissements
de santé pourront-ils, d'ici à la fin de l'an 2000, comme le prévoyait
l'ordonnance, fait avoir la démarche de l'accréditation. Si tel n'est pas le
cas, il faut nous le dire, car il est normal que la représentation nationale en
soit informée.
Enfin, je veux insister sur le profond désenchantement que traduit le discours
des représentants de tous les syndicats de praticiens hospitaliers. J'ai fait
état, il y a un instant, de cette pétition que nous avons reçue. J'ai regardé
avec attention la prise de position et les griefs de chacun.
A l'évidence, les médecins hospitaliers éprouvent aujourd'hui une inquiétude
très grande, dont leurs syndicats se sont fait l'écho lors des auditions
auxquelles nous avons procédé.
Les problèmes qu'il faut soulever, s'agissant de l'hôpital public, sont ceux
de son recrutement, de la motivation pour ceux qui y sont d'y rester, de son
ambition. Actuellement, les médecins hospitaliers ressentent une absence de
politique hospitalière, et je partage leur sentiment. Ils ne sont pas
demandeurs de demi-journées hors de leur service. Ce qu'il faut, c'est leur
donner l'envie de rester à l'hôpital.
Telles sont, monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, les réflexions que m'inspire ce projet de loi.
Nous soumettrons, évidemment, au Sénat un certain nombre d'amendements qui,
s'ils sont adoptés, feront du projet de loi de financement de la sécurité
sociale un projet sensiblement différent de celui que nous présente le
Gouvernement.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Henri de Raincourt.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt.
Monsieur le président, au nom des présidents des groupes de la majorité
sénatoriale, je demande une suspension de séance d'une heure.
(Murmures sur
les travées socialistes.)
M. le président.
Cette demande étant de droit, nous allons y accéder.
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