Séance du 1er décembre 1999
M. le président. « Art. 31 bis . _ I. _ Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 302 bis ZE ainsi rédigé :
« Art. 302 bis ZE . _ Il est institué une contribution sur la cession à un service de télévision des droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives.
« Cette contribution est due par toute personne mentionnée aux articles 7, 11, 16 ou 18 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, ainsi que par toute personne agissant directement ou indirectement pour son compte.
« La contribution est assise sur les sommes hors taxe sur la valeur ajoutée perçues au titre de la cession des droits de diffusion.
« Son exigibilité est constituée par l'encaissement de ces sommes.
« Le taux de la contribution est fixé à 5 % du montant des encaissements.
« La contribution est constatée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée.
« Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe. »
« II. _ Le produit de cette contribution est affecté au compte d'affectation spéciale n° 902-17 " Fonds national pour le développement du sport".
« III. _ Les dispositions des I et II sont applicables à compter du 1er juillet 2000. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-53, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de supprimer cet article.
Par amendement n° I-101, MM. Sergent, Charasse, Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Demerliat, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit les trois premiers alinéas du texte présenté par le I de l'article 3 bis pour l'article 302 bis ZE du code général des impôts :
« Il est institué une contribution sur les droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives payés par un service de communication audiovisuelle.
« Cette contribution est due par tout organisateur d'une manifestation ou d'une compétition sportive retransmise par un service de communication audiovisuelle, ainsi que par toute personne agissant directement ou indirectement pour son compte.
« La contribution est précomptée par le service de communication audiovisuelle au moment où il verse les droits de diffusion. »
Par amendement n° I-60, M. Bordas, au nom de la commission des affaires culturelles, propose, dans le deuxième alinéa du texte présenté par le I de l'article 31 bis pour l'article 302 bis ZE du code général des impôts, après la référence : « 16 » d'insérer la référence : « , 17 ».
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-53.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce sujet est important car, pour le coup, il s'agit d'un nouveau prélèvement, et qui n'est pas de 2 centimes.
Je rappellerai d'abord que les rapporteurs spéciaux des crédits de la jeunesse et des sports et des comptes spéciaux du Trésor viennent de conduire, pour le compte de la commission de finances, une mission de contrôle du Fonds national du développement du sport, le FNDS. Les conclusions de cette mission ont permis de souligner la transparence insuffisante des mécanismes d'affection des ressources et une tendance fâcheuse à la confusion des missions du FNDS avec celles qui doivent être menées par le ministère de tutelle.
Sur le fond de l'article 31 bis , qui tend à instituer un prélèvement sur certaines catégories de ressources, la commission ne conteste pas, cela va de soi, la nécessité d'une augmentation des ressources des clubs amateurs, mais elle ne peut approuver les modalités choisies.
Le Gouvernement nous dit qu'une loi sur le sport devrait être présentée au Parlement au printemps prochain. Or il nous invite à prendre dès maintenant des dispositions très significatives sans que le débat puisse avoir lieu dans de bonnes conditions.
Il faut conduire une réflexion sur les missions du FNDS, et une modification de sa gestion constitue, en tout état de cause, un préalable indispensable à l'affection des sommes qu'il s'agit de prélever, selon la proposition faite ici par le Gouvernement, sur les droits de retransmission télévisée.
C'est pourquoi la commission propose la suppression de cet article.
Je voudrais, sur ce point, livrer quelques informations complémentaires.
La taxe qu'il est proposé d'instituer paraît critiquable au regard du principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt.
On peut relever au moins une double discrimination. D'abord, entre les différents fournisseurs de services de télévision : pourquoi taxer les titulaires de droits d'exploitation d'une manifestation sportive et non les titulaires de droits sur d'autres spectacles qui ont également vocation à être cédés aux services de télévision ? Ensuite, entre les entreprises sportives et les autres : pourquoi le mouvement sportif serait-il assujetti à une taxe spéciale sur son chiffre d'affaires en plus des impôts et taxes normalement exigibles de toute entreprise ?
En réalité, l'idée de cette taxation a pour origine l'importance du contrat négocié par la ligue nationale de football avec Canal Plus et TPS au cours de l'été 1999. Mais, lorqu'un organisme économique obtient de l'un de ses clients un important contrat, va-t-on créer une taxe spécifique lui imposant de reverser 5 % à l'Etat ?
Nous nous interrogeons, en outre, sur la compatibilité avec la sixième directive de l'Union européenne du 19 mai 1977, car les Etats membres ne sont plus en droit d'imposer sur les livraisons de biens ou les prestations de services soumis à la TVA des impôts directs ou taxes ayant le caractère de taxe sur le chiffre d'affaires. Or le prélèvement envisagé a bien le caractère d'une taxe sur la partie du chiffre d'affaires des organismes sportifs professionnels en provenance des services de télévision.
Du point de vue de la constitutionnalité, nous tenons donc à faire toutes réserves sur la mesure proposée, laquelle nous paraît soulever par ailleurs des objections nombreuses et sérieuses.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission préconise la suppression de ce dispositif.
M. le président. La parole est à M. Sergent, pour défendre l'amendement n° I-101.
M. Michel Sergent. L'article 31 bis instaure une taxe de 5 % sur la vente des droits de retransmission des manifestations sportives, taxe destinée à mutualiser le financement des activités sportives locales et gérée par le FNDS.
La contribution est due par les groupements sportifs constitués sous forme d'association ou de société anonymes, les fédérations sportives ou toute personne physique ou morale de droit privé qui organise une manifestation sportive.
En effet, certains sports - qui pourrait le nier ? - drainent aujourd'hui des sommes colossales, notamment par l'inflation des droits de retransmission de manifestations sportives, alors que l'essentiel de la pratique sportive bénéficie de bien peu de moyens. Une légère redistribution apparaît donc comme une initiative très intéressante, et nous la soutenons.
Nous ne voterons donc évidemment pas l'amendement de suppression déposé pa la commission des finances. Je ne comprends d'ailleurs pas son argumentation : la commission reconnaît les besoins des clubs amateurs mais, à cette légère péréquation des ressources, elle préférerait une augmentation des dépenses de l'Etat, ce qui est, je crois, contraire à sa philosophie.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut procéder par redéploiement !
M. Michel Sergent. Si le principe de cet article est donc très bon, il demeure une interrogation.
Nous craignons que cette contribution ne concerne pas des sociétés étrangères détentrices des droits sur un événement français. Il y aurait alors une certaine pénalisation des sociétés françaises et un risque de délocalisation fictive.
C'est pourquoi nous proposons que la contribution soit due par tout organisateur d'une manifestation ou d'une compétition sportive retransmise par un service de communication audiovisuelle ainsi que par toute personne agissant directement ou indirectement pour son compte.
En outre, pour s'assurer que tous les organisateurs seront concernés, il convient que la contribution soit précomptée par le service de communication audiovisuelle au moment où sont versés les droits de diffusion.
M. le rapporteur général a fait un certain nombre de remarques sur le FNDS.
Monsieur le président, vous le savez mieux que quiconque, vous qui animez le groupe Sport du Sénat, notre Haute Assemblée a toujours tenu à faire en sorte que le FNDS soit correctement doté, pour le plus grand intérêt des clubs sportifs et de la grande masse des sportifs.
Aujourd'hui, les ressources du FNDS, qui viennent de la Française des jeux, sont menacées. En effet, en vertu d'une directive européenne, le monopole de la Française des jeux pourrait être remis en cause. Ainsi, demain, le FNDS, ne disposant plus des 1,05 milliard de francs de ressources que nous nous sommes toujours honorés de voter, sur toutes les travées de cette assemblée, pourrait se trouver en difficulté.
Dans ces conditions, ajouter cette manne - encore qu'il ne s'agisse que de 150 millions de francs en année pleine, soit fort peu par rapport aux colossaux droits de retransmission audiovisuelle -, ne pourrait, à mon sens, que conforter le FNDS.
M. le président. La parole est à M. Bordas, pour présenter l'amendement n° I-60. M. James Bordas, au nom de la commission des affaires culturelles. Je tiens tout d'abord à préciser que la commission des affaires culturelles s'associe entièrement aux remarques de M. le rapporteur général relative aux conditions dans lesquelles l'article 31 bis a été proposé et adopté à l'Assemblée nationale. On voit mal, en effet, ce qui justifiait le dépôt aussi tardif d'un amendement, qui semble par ailleurs un peu improvisé. Le Gouvernement ne pouvait ignorer que cette mesure, présentée et annoncée comme un élément important de la future loi sur le sport, devait nécessairement être insérée dans une loi de finances.
Si notre commission, plus indulgente que M. le rapporteur général, propose seulement une modification de cet article, c'est essentiellement pour deux raisons.
En premier lieu, nous n'avons pas voulu décevoir l'attente des petits clubs, dont les besoins et les préoccupations n'ont été pris en compte dans aucun des textes qui nous ont été présentés depuis deux ans, avant le projet de loi qui a enfin été déposé en septembre dernier.
En second lieu, nous avons souhaité attirer l'attention sur un défaut de rédaction de l'article 31 bis . En effet, le texte adopté par l'Assemblée nationale ne mentionne pas, parmi les débiteurs de la contribution prévue, les fédérations délégataires, qui sont pourtant les principales détentrices de droits de diffusion télévisée de manifestations sportives.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n° I-101 et I-60 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est défavorable à l'amendement n° I-101, qui est contraire à l'orientation que nous avons retenue.
Les propos de notre collègue James Bordas reflètent naturellement le souci de la commission des affaires culturelles, souci que nous partageons, de voir la pratique sportive encouragée, notamment dans les petits clubs et dans l'ensemble des clubs d'amateurs. Ceux-ci sont des éléments essentiels de la vie locale, et nous y tenons particulièrement les uns et les autres, notamment dans l'exercice de nos reponsabilités locales.
Cela dit, eu égard à la convergence d'analyse manifeste existant entre la commission des finances et la commission des affaires culturelles, peut-être notre collègue accepterait-il, en cet instant, de nous rejoindre, étant entendu que ce sujet devra être abordé au fond lors de l'examen du projet de loi sur le sport que l'on nous annonce. M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-53, I-101 et I-60 ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je me dois d'abord de citer deux chiffres qui permettront à chacun d'avoir une vision plus objective de l'évolution des moyens consacrés à la jeunesse et aux sports dans notre pays. Les crédits alloués au budget de la jeunesse et des sports et au FNDS ont diminué de 1,5 % de 1993 à 1997 et augmenté de 9,7 % de 1997 à 2000. Il y a donc bien, à partir de 1997, une rupture favorable au développement du sport.
Quant à la taxe qu'il est proposé d'instituer, elle est bien une source de moyens supplémentaires dans la mesure où il est clair que son assiette connaît une véritable explosion puisqu'il s'agit des droits de retransmission télévisée.
S'agissant, plus précisément, de l'amendement n° I-53 de M. le rapporteur général, l'objectif du Gouvernement est de mieux répartir la ressource qui, en 2000, représentera environ 3,5 milliards de francs. A défaut d'une meilleure répartition, cette somme profiterait surtout à quelques sports, essentiellement le football, voire à quelques clubs, parce qu'ils sont plus exposés aux médias que les autres.
Nous voulons instaurer une plus grande solidarité entre les clubs et mieux répartir ce que plusieurs d'entre vous ont appelé la « manne » financière non seulement entre les différents sports, pour éviter des concentrations sur l'un ou l'autre de ces sports, mais aussi au sein d'une même fédération entre les grands clubs professionnels et les petites associations.
Pour organiser ce que l'on peut appeler une mutualisation horizontale et verticale, le Gouvernement propose de créer une contribution sur la cession des droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives et d'en affecter le produit au FNDS. Ce dispositif, qui comporte une mesure d'affectation de recettes à un compte d'affectation spéciale, pouvait être créé dans le cadre non pas d'une loi ordinaire mais d'une loi de finances.
Tel est l'objet de l'article 31 bis qui, je dois le dire, a été adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Fort de cette unanimité et du soutien à l'Assemblée nationale de ce qui est, à la Haute Assemblée, la majorité, je demande à M. Marini de bien vouloir retirer son amendement. A défaut, j'émettrai un avis défavorable.
En ce qui concerne l'amendement n° I-101, je relève que la proposition de M. Sergent ne permettrait plus de taxer les droits de diffusion versés par des services de télévision établis hors de France au titre de manifestations ou de compétitions sportives qui se déroulent sur le territoire. Elle rendrait les services de télévision, qui doivent d'ores et déjà acquitter trois taxes fiscales ou parafiscales, redevables d'une nouvelle taxe.
Cette mesure serait en contradiction avec la volonté du Gouvernement de rationaliser les prélèvements à la charge du secteur, comme je viens de l'indiquer. Aussi l'article 16 du présent projet de loi de finances supprime-t-il la taxe forfaitaire annuelle sur les services de communication audiovisuelle.
M. Sergent serait bien inspiré de mesurer avec moil'effort considérable qui est accompli en faveur du sport. Ainsi, après avoir donné le signal qu'il faut toujours aller plus loin dans cette direction, il pourrait retirer son amendement.
L'amendement n° I-60 défendu par M. Bordas prévoit d'instituer également comme redevables de la contribution les fédérations sportives délégataires visées à l'article 17 de la loi de 1984, c'est-à-dire les fédérations qui reçoivent délégation du ministre de la jeunesse et des sports pour organiser les compétitions sportives. Le texte actuel répond à ces préoccupations, dès lors que l'article 16 vise l'ensemble des fédérations, qu'elles soient titulaires ou non de cette délégation. Dans ces conditions, les fédérations sportives délégataires qui perçoivent des droits de diffusion seront bien redevables de la contribution.
Cela étant, si la référence à l'article 17 vous semble de nature à éviter toute ambiguïté, monsieur le sénateur, je n'y suis pas opposé. Par conséquent, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-53.
M. Philippe Marini, rapporteur génal. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Si la commission des finances demande la suppression de l'article 31 bis , c'est aussi, un peu, pour des raisons d'ordre général concernant les principes qui doivent régir nos finances publiques : nous considérons que nous en sommes, parmi d'autres, les gardiens.
Quel est l'objet de l'article 31 bis ? Il vise à mettre en oeuvre une solidarité spécifique dans un domaine particulier. Si l'on suivait ce principe, qu'impliquerait-il dans d'autres domaines ? L'enseignement de la musique ou des arts plastiques et la diffusion de leur pratique étant des objectifs du plus grand intérêt, il serait concevable, par exemple, d'instituer une taxe spécifique sur le chiffre d'affaires des virtuoses, des musiciens professionnels, pour financer les conservatoires municipaux. On pourrait également imaginer que les artistes qui vendent très cher leurs oeuvres d'art contemporain pourraient être taxés pour offrir des couleurs aux aquarellistes dominicaux dans les petits clubs municipaux.
Naturellement, ces exemples sont destinés à faire réagir. Mais je demande que l'on réfléchisse un peu sur la signification de la solidarité nationale et du principe d'universalité budgétaire, qui en est la traduction en matière de finances publiques.
Je ne conteste pas, bien entendu, les besoins qui existent dans le domaine sportif. Mais, prendre en otage, en quelque sorte, un contrat, qui est en effet tout à fait substantiel sur le plan financier, pour prélever une dîme une fois ce contrat conclu, sans avoir annoncé la couleur avant qu'il soit négocié, pour la redistribuer dans un domaine spécifique, est un procédé qui me choque sur le plan de la gestion des finances publiques. Par conséquent, je ne peux vraiment pas y souscrire.
En outre, il est des conséquences de ce dispositif que l'on n'a pas nécessairement bien mesurées compte tenu de la hâte avec laquelle on l'a élaboré. Je prendrai l'exemple de la Fédération française de hand-ball, qui a négocié pour 2 millions de francs des droits cédés à la chaîne Eurosport : en application de cet amendement, elle devrait payer 100 000 francs par an. C'est une fédération qui n'est pas très riche compte tenu du sport qu'elle représente. Avec quelles ressources versera-t-elle sa contribution ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, tout à l'heure - et l'on pourrait, si l'on en avait le temps, multiplier des objections de cette nature - vous nous parliez de l'unanimité à l'Assemblée nationale. Bravo pour l'unanimité, mais encore faut-il savoir dans quelles conditions les textes sont examinés !
Permettez-moi de citer le Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale du 22 octobre 1999 :
« M. Didier Migaud, rapporteur général. Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. Il aurait pourtant mérité de l'être, monsieur le secrétaire d'Etat.
« M. Gilles Carrez. Tout à fait !
« M. Jean-Jacques Jégou. Cela aurait été intéressant !
« M. Didier Migaud, rapporteur général. Il était sans doute prêt suffisamment tôt pour pouvoir être examiné par la commission des finances au cours de l'une de ses dernières réunions. Il n'est jamais bon d'attendre le dernier moment pour déposer ce type d'amendement.
« M. le secrétaire d'Etat au budget. C'est vrai ! »
L'unanimité dans ces conditions est touchante, monsieur le secrétaire d'Etat !
Tout le monde est favorable aux petits clubs ! Nous les soutenons tous ! Mais est-ce la bonne méthode du point de vue des finances publiques ? A-t-on suffisamment approfondi le sujet ? Pourquoi, sur un sujet aussi important et aussi lourd de conséquences -, peut-être au cours d'une séance de nuit, d'ailleurs, car nos collègues de l'Assemblée nationale travaillent dans les mêmes conditions que nous -, avoir voulu provoquer une décision sans avoir vraiment eu les moyens ni le temps d'en approfondir les effets ? Une unanimité obtenue dans de telles conditions mérite d'être quelque peu relativisée.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Tout à l'heure, M. le rapporteur général a fait référence à la mission que nous avons menée en commun avec M. Sergent, es qualité de rapporteur spécial du budget des sports et des comptes spéciaux du Trésor, au sujet du FNDS.
Si je suis d'accord avec M. le rapporteur général sur le fait que la gestion du FNDS mérite d'être améliorée, amélioration qui a été au demeurant engagée par Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports, je désapprouve sa proposition de supprimer l'article 31 bis .
En effet, je partage avec mon collègue Michel Sergent l'appréciation selon laquelle il est absolument nécessaire de diversifier les ressources du FNDS pour, à terme, les pérénniser. Je ne reviens pas sur ce qu'il a dit à propos des prélèvements sur la Française des Jeux, du monopole de cette dernière et des risques, dans le cadre d'une harmonisation européenne, de mettre en cause ce monopole.
Pai ailleurs, compte tenu de ce qu'est devenue une partie du mouvement sportif qui, employons le mot, est « gangrenée » par l'argent qui vient, en quelque sorte, pervertir un milieu naturellement appelé à se dépasser physiquement et à faire abstraction de choses matérielles - cet esprit est en train, hélas ! de se déliter progressivement - l'une des ressources actuellement possibles pour financer le milieu sportif réside bien dans les droits de retransmission télévisée.
Dans ces conditions, il n'est pas illégitime de la part du ministre de la jeunesse et des sports et du Gouvernement de vouloir prélever une partie de ces sommes pour abonder le FNDS, d'autant que Mme Buffet a bien l'intention d'en modifier les modes de gestion. J'indique à la Haute Assemblée qu'elle a demandé à M. Sergent et à moi-même de participer, le 14 décembre prochain, à la mise en place de la réforme du FNDS.
La suppression de l'article 31 bis proposée par la commission me semble quelque peu prématurée. Il est bien certain qu'il ne faut pas faire n'importe quoi dans ce domaine. Peut-être cette mesure a-t-elle été introduite trop rapidement à l'Assemblée nationale, mais il ne faut pas la supprimer pour autant compte tenu des règles strictes concernant les lois de finances rectificatives ou les DDOEF, car on reporterait ainsi la nouvelle source de financement que peut constituer un prélèvement sur les droits de retransmission télévisée.
Dans ces conditions, j'indique à la Haute Assemblée qu'à titre personnel je voterai contre l'amendement de suppression présenté par M. le rapporteur général.
M. Alain Joyandet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Joyandet.
M. Alain Joyandet. J'avoue être excessivement gêné par la position de la commission.
Les responsables d'associations, notamment des petites associations, manifestent un profond désir d'être aidés, d'une manière ou d'une autre. En effet, ces associations subissent de plein fouet la concurrence des événements télévisés, alors même que le mouvement sportif de base fournit, grâce à la formation très importante qu'il met en place vis-à-vis des jeunes, un certain nombre de champions ; ceux-ci génèrent ensuite les recettes des grands clubs et les grands contrats que l'on propose aujourd'hui de taxer pour apporter une manne supplémentaire au mouvement sportif amateur.
Je me permettrai d'ajouter que j'ai été, pendant près de dix ans, président d'un club de sport. J'ai donc connu de très près ces problèmes. Je suis en total accord avec ce qu'a dit M. le rapporteur général à propos de la technique et de la façon dont cette disposition a été prise. J'aurais préféré, et de loin, que la commission nous propose non pas la suppression de l'article 31 bis mais une nouvelle rédaction.
En effet, la mesure est opportune, mais la surabondance de taxations n'est pas judicieuse. Je suis entièrement d'accord avec M. le rapporteur général lorsqu'il dit qu'il aurait mieux valu procéder par redéploiement. Mais, dans le même temps, je serais très gêné que le Sénat supprime cette avancée en direction du mouvement sportif.
Bien entendu, je ne veux pas voter contre l'amendement de la commission, d'autant que je n'ai pas suffisamment participé à ses travaux sur ce thème pour me permettre de le faire. Mais je ne veux pas non plus m'associer à la suppression de l'article 31 bis . Par conséquent, je m'abstiendrai.
M. Thierry Foucaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Je voudrais tout d'abord soutenir notre collègue qui, par ses propos, montre son écoute au pays réel ; j'y reviendrai.
Qu'il me soit permis de marquer quelque peu notre étonnement par rapport à cet amendement de la commission des finances qui vise à supprimer l'article 31 bis du projet de loi de finances.
Les motivations de cette suppression sont de divers ordres.
D'une part, on nous renvoie à la prochaine discussion de la loi d'orientation sur le sport sans souligner que la mesure dont il est question revêt un caractère fiscal et qu'elle a donc toute sa place dans le cadre de la discussion d'une loi de finances.
D'autre part, on évoque également le fait que ce nouveau prélèvement compliquerait un peu plus la gestion du Fonds national pour le développement du sport, compte d'affectation spéciale dont nous avons déjà eu l'occasion de souligner toute l'importance pour le milieu sportif.
Nous avons certes, et ce par principe, une certaine interrogation devant la multiplication des comptes d'affectation spéciale, mais nous sommes aussi en droit de constater que, dans un certain nombre de cas, leur gestion peut répondre à des attentes fortes exprimées sur le terrain. C'est le cas avec le FNDS.
Je n'insisterai pas inutilement sur certains des errements passés en la matière, qui ont notamment consisté à confondre moyens du FNDS et budget de la jeunesse et des sports, comme l'avait montré, pour peu que je me souvienne, le financement de l'opération Grand Stade.
Il est clair que nous sommes aujourd'hui dans une démarche quelque peu différente et qu'il est acquis que le Gouvernement, comme les fédérations sportives et les membres du comité de gestion du fonds, est attaché à une rationalisation de l'allocation des ressources et à un retour à l'objet fondamental du compte.
Pour mémoire, je rappellerai que l'article 37 de la loi de finances pour 1976, qui décrivait les missions du FNDS - il est vrai que le mode d'alimentation a ensuite évolué - spécifiait que les dépenses essentielles du fonds résidaient dans les « subventions versées aux associations sportives pour l'aide au sport de haut niveau » et dans les « avances consenties aux associations sportives ».
On peut d'ailleurs souhaiter que le second terme de la démarche soit amené à croître et embellir dans la prochaine période, et c'est d'ailleurs ce qui est prévu pour l'an 2000, année olympique.
Cette démarche de rationalisation de l'allocation des ressources du FNDS est pleinement inscrite dans la proposition qui nous est faite au travers de l'article 31 bis .
Elle vient en effet utilement compléter les ressources actuelles et créer une solidarité entre les fédérations sportives les plus à même de dégager d'importantes ressources liées à la diffusion des manifestations qu'elles organisent.
Il n'est donc pas scandaleux pour nous que le football ou le tennis, sports hautement médiatisés, participent à l'effort collectif de développement d'autres pratiques sportives, dont on peut d'ailleurs simplement regretter qu'elles ne soient pas plus connues de nos compatriotes, alors qu'elles sont souvent d'un apport utile à la vie sociale de la nation.
Le fonds de mutualisation, créé par cet article 31 bis , est une disposition attendue et largement approuvée par le mouvement sportif dans son ensemble, par les éducateurs et par les acteurs. Il nous apparaît donc plus que dommageable que certains nous proposent de renoncer à sa création.
Nous ne voterons donc pas - sans la moindre hésitation, parce que nous savons écouter ce que nous dit le « pays réel » - l'amendement de suppression de l'article 31 bis proposé par la commission des finances. Qu'il me soit permis d'indiquer que notre collègue James Bordas nous propose, lui, un utile amendement de précision.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, je ne veux pas prolonger un débat déjà long. Il est vingt-trois heures. Certes, ces sujets sont extrêmement importants, mais nous avons pris l'engagement collectif, Gouvernement compris, de ne pas prolonger les travaux du Sénat au-delà d'une heure raisonnable.
Je veux simplement répondre aux propos pleins d'élan de M. le rapporteur général.
Le sport n'est pas le seul à faire l'objet d'une mutualisation de ressources qu'on pourrait appeler « mutualisation infrasectorielle », destinée à mieux répartir des ressources au nom d'un concept de solidarité. Il s'agit, dans le cas présent, de mieux répartir les ressources à l'intérieur de chaque sport et entre les différents sports. Je citerai, par exemple, un impôt sur les spectacles sportifs qui, perçu au profit des communes, doit leur permettre d'améliorer l'action qu'elles mènent en faveur des sports. Il y a aussi une redevance « édition » perçue par le Conseil national du livre. Il existe également une taxe sur les cinémas perçue par le Centre national de la cinématographie pour des actions de promotion en direction de certains publics défavorisés et des jeunes. Un même dispositif existe pour le théâtre ainsi que pour les spectacles de variété.
Bref, dans nombre de secteurs culturels, le même dispositif que celui dont nous discutons aujourd'hui a déjà été mis en oeuvre avec un certain succès. Pour ce qui est du cinéma, en effet, le système fonctionne bien.
Alors, de quoi parlons-nous ici, si ce n'est, pour recourir à des termes « aseptisés », d'une rationalisation de la gestion de ces organismes et de leurs ressources ? C'est sur ce point en effet qu'il faut faire porter l'effort.
Le Sénat a déjà réalisé une étude dont Mme Marie-George Buffet a tenu compte. Elle a engagé une concertation avec le mouvement sportif pour réformer les modalités de gestion de l'ensemble de ces ressources. Il y a certainement là, monsieur le rapporteur général, je pense que vous en serez d'accord avec moi, une convergence d'efforts qui pourrait amener une meilleure gestion au profit du sport, au profit de tous les sports et, plus précisément, au profit de tous les pratiquants, qu'ils appartiennent à des clubs placés sur le devant de la scène ou au contraire à de plus modestes structures.
Ce qu'il faut retenir de ce dispositif, c'est que le Gouvernement propose une solidartié interclubs et une solidarité intersports. Voilà ce qui est décisif et qui, à juste titre, notamment aux yeux de Marie-George Buffet, fait progresser le sport français.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je veux appeler l'attention du Sénat sur la responsabilité qui est la sienne.
Si le Parlement souhaite servir à quelque chose, il doit veiller à être le garant d'une utilisation de l'argent public décidée et contrôlée par la représentation nationale.
Mes chers collègues, vous êtes en présence d'un dispositif qui a été improvisé, sans doute voté à l'Assemblée nationale après trois heures du matin, et ce sans aucun examen parlementaire. Nous nous retrouvons aujourd'hui prêts à voter dans les mêmes conditions. Nous sommes quasiment conviés au festival de la bonne conscience !
Mes chers collègues, non, ne faites pas cela avec l'argent public !
Si nous avons besoin de moyens supplémentaires pour le mouvement sportif, accordons-lui des crédits budgétaires. Mais, pour ce qui est de l'article 31 bis , songez que l'on nous propose aujourd'hui d'accroître les moyens d'un fonds que voilà quelques semaines encore le ministère des finances envisageait de supprimer.
M. Jean Bernard. Exactement !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Il est vrai qu'il y avait tant à faire pour améliorer sa gestion !
Donc, mes chers collègues, en adoptant l'amendement de M. le rapporteur général, vous ne contrariez pas le mouvement sportif, vous assumez pleinement votre responsabilité de représentants de la nation ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. Jean Bernard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bernard.
M. Jean Bernard. Ce débat, important, me semble improvisé.
Il faut tout de même rappeler les chiffres : cette taxe rapportera, selon les estimations, 150 millions de francs, c'est-à-dire, après ventilation, 380 francs par club ! Certes, je me réjouis que l'on veuille aujourd'hui abonder le FNDS, car, comme vient de le dire M. le président de la commission des finances, il était question, voilà quelques mois, de le supprimer, le fondre au sein du budget des sports. Pourquoi pas ?
Par ailleurs, Mme la ministre de la jeunesse et des sports, dont on a évoqué l'action positive, répondant à une question que nous lui avions posée, a indiqué que 57 % des ressources du FNDS allaient aux clubs et 43 % aux fédérations ou aux ligues, pour financer l'amélioration des installations, par exemple. A cet égard, la mission que le Sénat a diligentée est importante, car il est nécessaire de savoir exactement si les clubs profitent directement de cette manne. Autrefois existait la taxe Mazeaud, qui a été supprimée lorsque l'on a créé le FNDS. Aujourd'hui, on pense instaurer une nouvelle taxe. Cette idée de solidarité entre les sports - des sports plus ou moins médiatiques - peut paraître séduisante, mais il faut en mesurer les conséquences. Les responsables de la ligue nationale de football, par exemple, doivent s'interroger pour savoir si la répartition se fera bien entre tous les sports. Tout à l'heure M. Marini évoquait le handball, une fédération peu riche. Le problème est donc de savoir comment sera opérée cette ventilation.
Evidemment, je me réjouis que l'on donne des moyens supplémentaires au sport. Tel est d'ailleurs notre souhait unanime. Cependant, improviser à cette heure-ci une discussion sur cette affaire sans avoir pris attache des fédérations intéressées, notamment de celles qui organisent ces matches, cela me paraît prématuré.
Prenons donc le temps d'examiner toutes ces questions à l'occasion de la discussion du prochain projet de loi d'orientation sur le sport. Nous aurons une meilleure approche.
M. Louis Boyer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Louis Boyer.
M. Louis Boyer. Je ne voterai pas l'amendement de la commission, car je désirerais voter celui de notre collègue James Bordas qui, s'il n'est pas parfait, offre toutefois une ouverture dans la perspective de la prochaine et importante loi d'orientation sur le sport.
Reconnaissons que, depuis vingt-cinq ou trente ans, la France n'a jamais eu de politique sportive. Je l'ai signalé régulièrement à l'occasion de l'examen et du vote des différents budgets, la France a ignoré le sport depuis des années. Or, aujourd'hui, le sport rapporte tellement d'argent qu'il suscite des sollicitudes désordonnées.
Il nous faut une loi sur le sport très solide pour éviter les dérives que l'on a connues avec le FNDS, quand, pour certaines opérations que je ne nommerai pas, on a détourné la moitié des fonds.
M. Michel Charasse. Les fonds n'ont pas été « détournés » ! Il n'y a pas eu de délit.
M. Louis Boyer. En effet, mais ils ont été utilisés à des fins qui n'étaient pas celles du FNDS. Mais je vous remercie, monsieur Charasse, de m'avoir fait remarquer que mon expression ne correspondait pas à ma pensée ! (Sourires.)
M. Michel Charasse. Voilà !
M. Louis Boyer. L'amendement de M. Bordas constitue une ouverture dans la perspective de la loi d'orientation sur le sport, et il faudra en tenir compte. Celui de la commission est trop négatif et on pourrait l'interpréter comme une opposition du Sénat au développement du sport. Je voterai l'amendement de M. Bordas, si c'est possible, c'est-à-dire si l'amendement de la commission des finances n'est pas adopté.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-53, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 31 bis est supprimé et les amendements n°s I-101 et I-60 n'ont plus d'objet.
Article additionnel après l'article 31 bis