Séance du 3 décembre 1999







M. le président. La séance est reprise.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, je voudrais simplement retenir votre attention quelques instants.
La commission des finances a bien entendu l'annonce du projet de loi relatif au financement des infrastructures et à la réforme du secteur autoroutier.
Comme vous le savez, la commission suit de très près cette question et il lui a semblé particulièrement nécessaire de travailler sur les discordances qui pourraient exister entre les préconisations de la Commission de Bruxelles et ce que pourraient souhaiter nos administrations nationales, la direction du Trésor principalement.
La commission d'enquête sur les infrastructures terrestres, présidée par notre collègue Jean François-Poncet, avait relevé le fait que les taxes qui sont prélevées sur les sociétés d'autoroute ne respectaient pas les principes européens en matière de péage puisque ceux-ci doivent financer les autoroutes - les autoroutes seulement et non pas d'autres objets, - mais que, en revanche, le système d'adossement n'était pas en tant que tel condamné par Bruxelles, contrairement à ce qu'on peut parfois entendre en France.
Aussi, afin de préparer l'examen du projet de loi annoncé par le Gouvernement, la commission des finances souhaite connaître très précisément les exigences réelles des autorités européennes.
Monsieur le ministre, je suis donc amené à vous demander quelles sont exactement les préconisations de la Commission de Bruxelles et quelle forme juridique elles ont prise, afin que nous puissions déterminer ce qui relève des exigences de Bruxelles et ce qui relève des exigences de notre propre administration.
J'ai souhaité, monsieur le ministre, vous poser cette question précise de manière solennelle, parce que nous nous servirons, dans nos travaux ultérieurs avec la Commission européenne, de la réponse que vous allez nous donner et qui figurera au Journal officiel . M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 33 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Group de l'Union centriste, 21 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes.
La parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud. Monsieur le ministre, le ciel et la mer, les fleuves et les canaux, le rail et le bitume sont, dans votre portefeuille, les éléments dominants, connexes et complémentaires de votre responsabilité. C'est dire que vous êtes, en fait, le grand chef d'orchestre de la partition concrète de la politique d'aménagement du territoire.
M. Jacques Oudin. C'est poétique !
M. François Gerbaud. Au-delà des incantations qui y rythment plus de contraintes durables que d'incitations - et auxquelles vous ne recourez pas - vous avez, dans le très sensible et évolutif domaine des transports la charge multiface de répondre vite à ses nombreuses exigences.
Désormais, c'est à tous les niveaux - départements, régions, Etat, sans omettre l'omniprésent espace européen - que l'évolution des techniques, l'explosion des moyens de transport, les exigences croissantes et souvent impatientes de tous les usagers, les impératifs économiques inscrivent leurs attentes d'équipement, de modernisation et d'adaptation.
Cela génère des demandes pas toujours cohérentes, parfois même contradictoires, ce qui appelle, et appellera, de difficiles arbitrages.
Sur toile de fond de cette évidence, c'est désormais à l'échelle de l'Europe que s'esquissent la cohérence et la politique de l'économie des transports, espace nécessaire pour éviter toutes les formes de concurrences perverses, et ce à un moment où, dans les prochaines années, tous les trafics dans tous les modes de transport connaîtront une croissance de 20 % à 30 % alors qu'ils sont déjà en état de congestion et de saturation - la rubrique des faits divers nous le dit chaque jour et souvent dramatiquement...
Cet état des lieux est une de nos communes préoccupations, l'examen de vos budgets en témoigne.
Certaines de vos orientations, notamment en ce qui concerne la primauté du ferroviaire, sont de bonnes réponses et, naturellement, nous y souscrivons.
Mais reste la récurrente et inévitable question : dans l'intérêt général des services du public, impliqué que vous êtes dans les mécanismes de cofinancement des contrats de plan, compte tenu du rôle éminent que jouent les régions, avez-vous, aurez-vous, la liberté de vos choix, de vos moyens et, surtout, celle de vos priorités ? Avez-vous tous les outils nécessaires ?
Les moyens financiers, les différents rapporteurs les ont passés au crible. Ils viennent de s'en expliquer, je n'y reviens pas, sauf pour noter que le transport ferroriviaire voit ses crédits d'investissement bénéficier d'une forte croissance, ce qui traduit votre objectif de doubler le fret ferroriviaire dans les dix ans qui viennent.
Mais atteindre cet objectif, c'est d'abord et très rapidement « désaturer » certains points du réseau : assurer le contournement de Paris, de Lyon, de Dijon, de Nîmes, de Montpellier ; traiter la saturation de nombreuses plates-formes dédiées aux transports combinés, la traversée des axes transalpins et transpyrénéens et, cela vient d'être rappelé, garantir la sécurité dans les tunnels.
Ce sont là de très lourds investissements. Les retarder au prétexte que la loi exige d'optimiser l'utilisation des infrastructures existantes avant d'en construire de nouvelles n'est probablement pas une très bonne réponse.
En 1993, au moment où la croissance était à son plus bas niveau, le programme autoroutier a été néanmoins lancé. Il apparaît aujourd'hui insuffisant.
La croissance que nous connaissons actuellement devrait nous permettre de mener une politique plus volontariste d'investissements ferroviaires. La part qui y est consacrée dans le budget n'est pas à la mesure de nos ambitions, quelque effort que vous ayez consenti. Il ne faudrait pas que, demain, nous nous reprochions d'avoir raté ce rendez-vous, auquel la croissance nous invite.
Le rapide inventaire des difficultés actuelles dont je viens de parler s'intègre comme un nécessaire préalable aux schémas des services collectifs de marchandises : c'est l'un des huit schémas de services que crée la loi. C'est aujourd'hui l'outil qui vous manque et dont nous avons besoin pour définir des axes prioritaires. Quand ce schéma sera-t-il opérationnel ?
Dans l'inventaire général des ressources et des besoins, il doit définir les principales orientations, dont l'une est bien de rééquilibrer le trafic fret en faveur du fer.
Rééquilibrer est bien le mot juste, lorsque l'on sait que c'est plus au bénéfice de la route que du fer que ne cesse de s'accroître le flux des transports de marchandises, en augmentation de 4 % pour la route et en diminution de 5 % pour le rail.
Bien que saturé, lui aussi, sur de très nombreux axes, notamment les autoroutes du Nord et de la vallée du Rhône, le transport routier capte 80 % du marché. Pardonnez-moi ce jeu de mot : il est temps d'essayer de freiner ce rêve pharaonique de « tout en camion ». (Sourires.)
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Bravo !
M. François Gerbaud. L'économie, l'environnement, ne résisteraient pas très longtemps à ce quasi-monopole qui peut infléchir très gravement la politique d'infrastructure.
Le Sénat prend acte avec satisfaction que, comme il l'avait préconisé, vous donnez désormais priorité aux transports combinés. C'est une première et bonne réponse.
Elle s'inscrit, cela va de soi, dans l'élaboration du schéma collectif de transport de marchandises, élaboration qui devra être abordée d'une manière intermodale.
C'est également à travers ce schéma de services que l'Etat aura à jouer un rôle éminent, celui de résister aux flux des demandes souvent contradictoires qui peuvent apparaître et, surtout, d'expliquer aux différentes collectivités locales qu'améliorer le transport de fret, c'est le gage d'une meilleure activité économique au service de l'emploi.
C'est en particulier aux régions que je pense. Sept d'entre elles, à titre expérimental, se sont vu confier la responsabilité du transport collectif des voyageurs.
Intervenant financièrement en matière d'infrastructures et d'achat de matériels roulants, elles ont les unes et les autres permis la mise en place exemplaire des TER, dont les matériels nouveaux - tels que le train pendulaire que nous avons pu expérimenter avant-hier sur la ligne Paris - Montereau - allient le confort, la modernité et la rapidité, sur des voies régénérées, à des coûts moins élevés que la construction des voies nouvelles nécessaires, elles, aux TGV.
Gestionnaire du réseau dont le propriétaire est RFF, la SNCF est, si j'ose dire, en première ligne. Avec 32 000 kilomètres de voies, dont 14 000 sont électrifiées, c'est le réseau ferroviaire le plus performant d'Europe, et il est entre le sud et le nord de l'Europe un passage obligé. Avec vos collègues des transports de la Communauté, vous avez décidé d'y faire passer des liaisons transeuropéennes dédiées au fret international. Leur financement pourrait être, du fait même de leur nature, assuré en partie par la Banque européenne d'investissements. C'est ce que Mme de Palacio, commissaire chargé de l'énergie et des transports, m'a dit en réponse à une question que je lui posais. Reste que la SNCF, comme toutes les entreprises de transport, est contrainte à la qualité, à l'efficacité et à la compétitivité. Ces contraintes obligent le service public à une très grande stabilité et imposent que, dans cette grande maison qui a résisté et résistera à l'épreuve du temps, la quasi historique politique d'affrontement glisse, ce qui est le cas, vers un apaisement social. C'est l'un des éléments primordiaux de la compétitivité et de la crédibilité de l'entreprise, qui, depuis une dizaine d'années, est traversée par des conflits nombreux, nationaux et régionaux, qui se traduisent pas des pertes de travail importantes. Ce sont autant de ruptures dans le domaine des transports, où l'intermodalité et la concurrence sont la règle.
L'expérience peut prouver que c'est cependant à l'échelon de la région, dans un partage mieux perçu des responsabilités, que se réconcilient le service public et l'entreprise, ce qui est un impératif du temps.
Et nous voici dans la problématique régionale : notre réflexion, mais votre décision.
Sept régions sont expérimentales. Elles ont maîtrisé leurs responsabilités s'agissant du transport des voyageurs. Peuvent-elles s'impliquer, sans contradiction, dans un accompagnement de la politique nationale du fret ? Certaines déjà en ont donné la preuve, bien que cela ne relève pas, LOTI oblige, de leurs responsabilités directes actuelles. Mais peut-on, monsieur le ministre, en rester là ?
Demeure la question suivante : faut-il tout de suite déléguer à toutes les régions les responsabilités qui ont été données aux régions expérimentales ? C'est le souhait de beaucoup d'entre elles, mais non pas de toutes.
Comment, monsieur le ministre, allez-vous arbitrer cet important débat ? Sans doute faut-il attendre, comme la loi que j'ai rapportée devant le Sénat l'indiquait clairement, que soit analysé le bilan des sept régions expérimentales, auxquelles vous avez accordé un an de sursis.
Ne peut-on pas imaginer que, dans un premier temps, l'expérimentation soit élargie aux régions qui le souhaitent et qui s'y sont préparées, ce qui permettrait ainsi de créer un mouvement qu'il ne semble pas bon d'interrompre, mais aussi d'éviter un élargissement trop rapide ? Etant entendu que, quoi qu'il en soit, il sera nécessaire de faire un bilan régulier tous les trois ou cinq ans, indispensable à la cohésion d'une politique nationale dans l'environnement européen.
L'Europe, nous y voilà, monsieur le ministre ! Dans quelques jours - le 10 décembre, je crois - vous allez rencontrer vos collègues européens des transports. Les choses ont un peu évolué depuis que, au mois de mai, des directives contraignantes concernant le transport ferroviaire ont été annoncées. L'une d'entre elles, qui ouvrait les réseaux ferroviaires à ce que l'on appelait les « détenteurs d'une capacité ferroviaire », a été abandonnée. Nous avons ainsi, à mon sens, évité le pire, et je vous remercie d'avoir contribué à cette issue.
Sachez en tout cas que, de notre point de vue, si les coopérations entre entreprises ferroviaires telles que SNCF sont envisageables et souhaitables, dans l'optique d'une coopération à dynamiser, il ne semble ni prudent ni réaliste d'aller plus loin pour l'instant.
Avant que soient envisagées d'autres étapes, il faut que tous les pays d'Europe appliquent, ce qui n'est pas encore le cas, la directive 91-440, que la France, elle, a mise en oeuvre en créant RFF et en séparant la propriété du réseau de sa gestion.
L'autre préalable à toute évolution est que soit mise en place l'interopérabilité entre tous les pays de l'Union européenne, que soit en même temps définie une politique commune de sécurité ferroviaire, sur la base de celle de la France, qui est exemplaire, et que soit enfin harmonisée la tarification.
Au maximalisme de certains Européens adeptes de la dérégulation et de la libéralisation à tout crin, sans doute peut-on objecter que, dans certains cas, trop d'Europe tue l'Europe. La France s'associe volontiers à une vision européenne et évolutive des transports. On ne peut donc pas dire que les voies françaises sont aussi impénétrables que celles du Seigneur. (Sourires.)
Monsieur le ministre, je ne voudrais pas vous quitter sans vous inviter à venir dans mon département, l'Indre où vous vous êtes d'ailleurs déjà rendu, pour vous poser un certain nombre de questions.
Les départements du Centre et du Massif central attendent beaucoup de la restructuration de la ligne Paris - Toulouse via Orléans, Châteauroux, Limoges, Brive, cette ligne qu'on appelle parfois le « POLT ». Vous avez dégagé beaucoup de crédits pour la régénération des voies existantes. Pouvez-vous nous confirmer la date à laquelle sera régénérée cette voie qui, voilà quelques décennies, avait le privilège d'avoir le train le plus rapide de France, le Capitole, et nous annoncer la venue du pendulaire pour lui succéder ?
Après le fer, la route. Et, là, je rejoins les conclusions de M. Miquel. Je dois vous faire part de l'inquiétude, de la déception et de l'interrogation des élus de l'Indre, de l'Indre-et-Loire et du Cher, s'agissant de deux voies routières dont la lente modernisation annoncée est en parfaite contradiction avec leur position stratégique.
Le premier axe est la route nationale 143, qui relie deux capitales régionales : Châteauroux et Tours. C'est une route infernale : les accidents s'y multiplient aux heures de pointe, la circulation y est très difficile et les temps de parcours sont décourageants.
Toutes les communes riveraines de ce grand axe se mobilisent pour vous demander que cette infrastructure soit traitée en priorité dans le futur contrat de Plan et, pendant la période 2000-2006, puisse disposer d'une enveloppe de 227 millions de francs, dont la moitié en provenance de l'Etat.
Sécurité et aménagement du territoire y trouveront, croyez-moi, très largement leur compte.
L'autre voie qui suscite des inquiétudes quant à sa nécessaire modernisation est - mais ne croyez pas que je cède au particularisme régional ! - la route nationale 151, Poitiers-Châteauroux-Bourges.
Reconnue dans les années cinquante comme l'axe Océan-Suisse, la RN 151 a gardé toute son importance stratégique et économique, mais elle n'a pas, semble-t-il, trouvé la traduction de cette réalité dans les projets routiers d'aujourd'hui. Elle reste un axe est-ouest d'une importance capitale pour les départements du centre-ouest et du centre.
Cette route a le privilège de relier transversalement entre elles les autoroutes A 10, A 20 et A 11, ainsi que plus à l'est, l'A 6. C'est dire tout son intérêt, dire aussi toutes les attentes que suscite sa modernisation, nécessaire aux relations routières transversales entre l'est et l'ouest du pays.
Monsieur le ministre, nous sommes au terme de notre commun voyage. Avant de descendre du convoi, je vous remercie de bien vouloir vérifier que vous n'avez rien oublié de mes propos ! (Sourires. - Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits du ministère des transports et de l'équipement, en hausse de 2,5 % en moyens d'engagement, connaissent une progression nettement plus importante que l'évolution des dépenses globale de l'Etat, limitée cette année à 0,9 %.
Ils font apparaître, dans ce contexte, des priorités auxquelles nous ne pouvons que souscrire, monsieur le ministre : le développement du rail, à partir d'une meilleure appréhension de la complémentarité des modes de transport, la relance des investissements, le renforcement des efforts accomplis en faveur de la sécurité routière.
Certes, nous ne pouvons que souhaiter voir à l'avenir votre ministère tirer le meilleur profit des nouvelles ressources budgétaires attendues pour que la puissance publique préserve sa capacité d'intervention et d'impulsion dans des secteurs aussi déterminants pour la vie quotidienne de nos concitoyens.
Tout d'abord, la priorité donnée à ce budget, que confirme l'importance accordée aux transports dans la nouvelle génération de contrats de Plan Etat-région, correspond à un choix politique majeur fait par ce gouvernement depuis deux ans. Notre groupe le soutient sans réserve et souhaite contribuer, avec vous, monsieur le ministre, à créer les conditions de son application pleine et entière.
Il s'agit, selon nous, de donner à la politique ferroviaire un nouvel essor, non pas en vue de concurrencer le trafic routier et autoroutier, mais à l'inverse, afin d'éviter à la route l'asphyxie qui serait préjudiciable à la sécurité des voyageurs, à l'environnement et à la santé de nos concitoyens.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Pierre Lefebvre. Mais ce regain d'intérêt pour le rail répond tout autant à un souci de rationalité économique, si l'on prend en compte les « externalités » négatives de la route.
Les prévisions, à l'horizon des dix prochaines années, offrent encore à la route de belles perspectives de croissance, mais nous devons les maîtriser. Pour cela, il est indispensable que le fer gagne de nouvelles parts de marché sur la route afin de rééquilibrer les flux de personnes et de marchandises, et cela dans l'intérêt bien compris des transporteurs routiers eux-mêmes.
Favoriser le transport ferroviaire - en particulier le fret ferroviaire - passe par des investissements nouveaux, à la fois humains et financiers, mais aussi par une meilleure connexion des différents types de réseau : le rail, la route et, lorsque cela se peut, les voies fluviales.
De ce point de vue, la France dispose d'ores et déjà d'atouts incontestables, qui reposent sur un service public reconnu et apprécié pour ses performances économiques, le savoir-faire de ses personnels et la qualité d'exécution de ses missions.
En outre, l'unicité de notre réseau constitue une garantie d'égalité d'accès de tous les usagers à ce transport et permet un maillage équilibré du territoire national.
A cet égard, nous saluons la création du Conseil supérieur du service public ferroviaire, ouvert à l'ensemble des acteurs du chemin de fer.
Mme Hélène Luc. Nous avions vainement demandé cette création à M. Pons !
M. Pierre Lefebvre. La mise en place de cette structure ne peut que réjouir ceux qui, comme nous, exprimaient la crainte de voir, dans la séparation entre RFF et la SNCF, les prémices du démantèlement du service public, avec, à terme, la perspective de sa privatisation.
Permettez-moi au passage, monsieur le ministre, de vous poser une question.
Hier, l'ensemble des syndicats du SERNAM appelait à une journée d'action - et elle fut un succès - pour s'opposer au projet de la SNCF de filialiser le service des messageries, en vue, à terme, d'en vendre 60 % au groupe privé Géodis. Selon les syndicats, 3 000 emplois seraient menacés. Monsieur le ministre, ne peut-on envisager une solution alternative associant le SERNAM et La Poste, solution qui serait susceptible de garantir le statut des salariés ?
Le système ferroviaire français est aussi réputé de par le monde pour la sécurité qu'il offre à ses usagers, quelle que soit d'ailleurs la nature du réseau utilisé.
Sur ce point, la tragédie de la gare de Paddington, au Royaume-Uni, doit nous amener à nous interroger sur les conséquences éventuelles de la « fuite en avant libérale » que certains, notamment au sein de la Commission européenne, présentent comme une condition sine qua non du développement efficace du trafic ferroviaire.
Mes chers collègues, peut-on accepter qu'au nom de la priorité donnée à la rentabilité financière on sacrifie ainsi la sécurité des usagers, l'entretien du matériel et des infrastructures, les conditions de travail des cheminots ?
Cela ne doit-il pas nous amener à revoir fondamentalement les orientations défendues par Bruxelles et qui poussent à la déréglementation et à la libéralisation du transport ferroviaire européen ?
Force est de constater que, malgré Paddington, la Commission de Bruxelles n'a pas renoncé, bien au contraire, à son projet d'ouverture à la concurrence du fret ferroviaire.
Alors que la France, en juin 1999, était parvenue à repousser de quatre ans l'éventualité d'une libéralisation accrue de ce secteur - grâce à votre persévérance, monsieur le ministre - la Commission européenne a réactivité ses propositions au cours du dernier Conseil des ministres des transports européens, tenu en octobre dernier, et souhaité les voir aboutir le 10 décembre prochain.
Comment la Commission peut-elle prétendre vouloir favoriser l'intermodalité lorsqu'elle suggère, par ailleurs, d'assouplir les conditions de la concurrence dans le transport routier, en remettant en cause, notamment, l'interdiction de rouler le dimanche et en refusant toute harmonisation du temps de travail des conducteurs ?
M. François Gerbaud. Elle a tort !
M. Pierre Lefebvre. Il y a là une contradiction entre les objectifs affichés et les moyens d'y parvenir, ceux-ci tendant, au contraire, à déséquilibrer encore davantage le transport de marchandises entre la route et le rail, sans tenir compte, de surcroît, des coûts externes du transport routier.
Sans doute, monsieur le ministre, aurez-vous à coeur de nous dire de quelle façon vous préparez le prochain Conseil européen. Disposez-vous encore de la minorité de blocage nécessaire pour rejeter les plans de la Commission ?
Enfin, entendez-vous demander à la Commission européenne la réalisation d'un bilan de l'application de la directive 91/440 en préalable à toute mesure de libéralisation des chemins de fer en Europe ?
S'il existe en effet un retard en France, comme chez la plupart de nos partenaires européens, en matière de transport de marchandises par le rail, il faut, à notre sens, rechercher une meilleure complémentarité entre les opérateurs aux frontières plutôt que leur mise en concurrence sur le modèle des freeways , qui ont d'ailleurs fourni la preuve de leur inefficacité.
La priorité qui est donnée par ce gouvernement au développement du ferroviaire et au transport combiné apparaît pleinement dans le projet de budget qui nous est proposé, avec une dotation de 12 milliards de francs à Réseau ferré de France, pour lui permettre d'accroître ses capacités d'investissements.
Au total, plus de 49 milliards de francs sont mobilisés en faveur du rail, auxquels il convient d'ajouter les 2,3 milliards de francs issus du FITTVN, qui consacrera dorénavant la majorité de ses ressources aux transports ferroviaire et combiné.
Toutefois, il nous a semblé que les crédits spécifiquement affectés à la promotion du transport combiné n'apparaissaient pas suffisamment clairement et distinctement dans votre projet de budget. D'ailleurs, le rapport du Conseil économique et social présenté le 23 mars 1999 soulignait : « Le fait que les 350 millions de francs de subventions ne soient pas reconduits automatiquement crée une incertitude pour la planification des investissements. » Aussi, en ce qui me concerne, je souscris à la proposition du Conseil économique et social tendant à l'établissement d'un cadre contractuel pluriannuel qui fixe les objectifs de croissance du soutien de l'Etat en faveur du transport combiné.
Vous avez annoncé récemment, monsieur le ministre, la généralisation de l'expérimentation actuellement en cours dans sept régions françaises. Cette expérimentation donne des résultats positifs, tant pour les usagers, qui bénéficient d'un service plus performant et de meilleure qualité, que pour les collectivités locales, qui sont en mesure de faire valoir leurs priorités.
Or les collectivités territoriales n'accepteront de franchir le pas que si l'Etat s'engage, de son côté, à supporter les charges financières nouvelles engendrées par cette extension de la régionalisation.
Cependant, l'Etat ne peut prendre prétexte de la régionalisation pour se dédouaner de ses responsabilités, notamment financières.
Je suis l'élu d'une des régions qui se sont engagées dans cette expérimentation - le Nord-Pas-de-Calais - et qui en tirent d'amples satisfactions. Pour autant, nous ne serions en mesure de financer que 10 à 15 % des investissements nécessaires, qu'on peut évaluer à environ 4 milliards de francs.
Autrement dit, sans l'Etat, la régionalisation, au lieu d'assurer le renouveau des lignes jusque-là sur le déclin, laisserait place à un désengagement progressif de la SNCF, avec le risque d'un accroissement des inégalités entre les territoires.
Développer les transports collectifs urbains est une autre priorité affichée par ce budget. Cela répond à un enjeu de société. Il est, en effet, de plus en plus indispensable de modifier nos comportements par trop individualistes, qui tendent à privilégier l'usage du véhicule personnel plutôt que celui du bus ou du tramway. Cela répond également à un enjeu écologique, mais aussi de santé publique, au moment où de récentes études ont montré qu'un niveau de pollution élevé dans les villes entraînait un risque de maladies infectieuses plus important, en particulier chez les enfants.
Les efforts en ce domaine n'ont jamais été aussi importants. S'il faut s'en féliciter, pour autant, ils apparaissent insuffisants au regard des besoins à satisfaire, d'une part, et des moyens nécessaires pour faciliter l'accès des usagers à ce type de transports, d'autre part.
Le projet de loi « urbanisme, habitat et déplacements », dont nous aurons à débattre au cours de l'année 2000, sera l'occasion, nous le souhaitons, de réconcilier l'humain et l'urbain, de redonner à nos villes leur identité, leur authenticité, à partir d'un cadre de vie harmonieux.
Si votre budget consacre plus de 470 millions de francs d'investissements nouveaux aux transports collectifs en Ile-de-France - soit une progression de 36 % - et 748 millions de francs pour la province - c'est-à-dire une augmentation de 37 % - on peut regretter, monsieur le ministre, qu'un effort plus conséquent n'ait pas été consenti pour rendre les tarifs plus attractifs, notamment auprès des plus jeunes.
Une politique de transports collectifs qui se veut ambitieuse et cohérente doit, selon nous, certes développer l'offre et les capacités d'accueil, mais aussi susciter la demande et créer de nouvelles habitudes dans nos modes de déplacement en milieu urbain.
Par ailleurs, les crédits inscrits au budget des routes, loin d'être sacrifiés, progresseront de 27,2 % en autorisations de programme,...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ah !
M. Pierre Lefebvre. ... ce qui profite aussi bien au développement du réseau routier national qu'à l'entretien et à la réhabilitation des routes.
D'aucuns prétendent que ce gouvernement délaisse les infrastructures routières pour le rail. Ce budget illustre, malgré les insuffisances de cette loi de finances, que cette idée n'est pas fondée.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Vous avez raison !
M. Pierre Lefebvre. La nouvelle génération de contrats de plan 2000-2006 fait apparaître un apport de l'Etat sans commune mesure avec le passé.
J'évoquerai, enfin, les crédits consacrés à la sécurité routière, qui connaissent une progression de 17 %, avec 536 millions de francs en moyens d'engagement. Ainsi, ce budget se donne les moyens de ses objectifs : réduire de moitié, en cinq ans, le nombre de tués sur les routes. A cette occasion, monsieur le ministre, peut-être serez-vous en mesure de nous présenter un premier bilan de l'application de la loi du 18 juin 1999, votée à l'unanimité.
Des efforts de communication ont été accomplis cette année : ils ont porté sur les moyens engagés et la qualité des campagnes de prévention. Des efforts de formation sont également programmés, avec le recrutement de trente inspecteurs du permis de conduire, qui viennent appuyer la nouvelle réglementation tendant à assainir la gestion des auto-écoles.
J'observe, pour conclure, que les crédits destinés aux voies navigables restent constants, sans que cela semble porter préjudice à la situation de Voies navigables de France. Il faut regretter, cependant, l'absence de perspectives formellement affimées de développement du réseau des voies navigables, qui peut pourtant compléter utilement les efforts consentis en faveur d'une politique intermodale.
Permettez-moi d'insister particulièrement, à ce sujet, sur la liaison Seine-Nord.
M. le président. Veuillez conclure, M. Lefebvre !
M. Pierre Lefebvre. Je me dis souvent, monsieur le ministre, quand j'emprunte l'autoroute A 1 entre Lille et Paris et que je constate la circulation impressionnante et certainement trop importante des poids lourds, qu'il y a là de quoi faire de nombreux trains et de nombreuses péniches.
En ce qui concerne ce dernier point, je regrette qu'un sort meilleur n'ait pas été réservé à la batellerie artisanale, qui souffre terriblement en cette période : les dépôts de bilan et les arrêts d'exploitation sont nombreux. Or le soutien de l'Etat pour cette activité diminue, dans ce projet de loi de finances, de 7 millions de francs.
Au final, la structure de ce projet de budget se situe dans le droit-fil des priorités que vous vous êtes fixées ; il prend en compte les préoccupations qui émanent de la société, en termes de sécurité, de bien-vivre et d'environnement. Ainsi, le groupe communiste républicain et citoyen le votera avec détermination. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Vous avez bien mérité de la région Nord - Pas-de-Calais, monsieur Lefebvre. Elle vous en saura gré !
La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Nous sommes une nouvelle fois satisfaits de constater, monsieur le ministre, que les grandes orientations du Gouvernement et de votre ministère en matière de transports terrestres sont suivies d'effets en termes d'engagements budgétaires.
Il faut s'en féliciter car les tragiques événements de ces derniers mois - nous nous souvenons de la tragédie du tunnel du Mont-Blanc - ont montré à quel point une politique de transports terrestres cohérente, garante de la sécurité de tous et soucieuse de l'environnement et des stratégies d'aménagement du territoire était nécessaire.
Bien sûr, nous savons tous que les décisions que nous prenons aujourd'hui ne se traduiront concrètement que dans plusieurs années. Mais, d'ores et déjà, chacun peut honnêtement constater que le changement de politique des transports terrestres opéré sur les deux derniers budgets commence à porter ses fruits. Et c'est tant mieux, car nous savons tous combien les attentes de nos concitoyens sont fortes et combien ils sont exigeants dans le recherche de transports plus sûrs et moins polluants.
Il ne s'agit pas d'un phénomène franco-français, puisque ces demandes se retrouvent chez bon nombre de nos voisins. La plus grande partie d'ailleurs des enjeux de transports se jouent à l'échelon européen et l'implication de l'ensemble des Etats est absolument nécessaire.
Mais vous savez comme moi, monsieur le ministre, qu'au-delà de l'harmonisation nécessaire s'organisent des stratégies économiques et de développement capitales pour l'avenir de notre pays. Le Gouvernement et vous-même, monsieur le ministre, en êtes convaincus ; cela se voit, notamment, dans les choix d'orientation, mais surtout dans l'octroi des moyens accordés pour parvenir à atteindre ces objectifs.
Ainsi, chacun ne peut que se réjouir de voir le budget de l'équipement et des transports s'élever à 99 milliards de francs, soit une augmentation de 2,6 % par rapport à l'année en cours, dont quelque 59 milliards de francs pour les crédits des transports, se répartissant ainsi : 7,34 milliards de francs en autorisations de programme et 52,17 milliards de francs en crédits de paiement, soit une hausse globale de 1,4 %.
L'évolution de ces crédits permet de poursuivre cinq grands objectifs et de les atteindre de manière satisfaisante : premièrement, la poursuite du rééquilibrage rail-route ; deuxièmement, la relance du renouveau des transports ferroviaires - on peut, à ce titre, se féliciter de l'affectation de 500 millions de francs supplémentaires, dans le cadre du collectif budgéraire, destinés à améliorer le fonctionnement des services régionaux de transport ferroviaire ; troisièmement, l'accompagnement de la modernisation de la SNCF ; quatrièmement, la promotion des transports collectifs urbains ; enfin, cinquièmement, l'amélioration du réseau routier et autoroutier, ainsi que celle de la sécurité routière.
S'agissant du rééquilibrage rail-route, auquel nous attachons un grande importance, je note avec plaisir la volonté de doubler le transport fret en dix ans. Toutefois, cet effort restera insuffisant, car il ne permettra pas de répondre aux attentes et aux besoins, compte tenu de la croissance du transport routier.
M. Filleul, rapporteur à l'Assemblée nationale, a signalé que, pratiquement, seuls 17 % du trafic marchandises s'effectuent par le rail, soit deux foix moins qu'il y a vingt ans. Dans cette perspective, les crédits alloués au rééquilibrage sont insuffisants vu le retard accumulé en ce domaine. Cela devient inquiétant, car les axes autoroutiers alpins et du nord, au bord de la saturation, seront, si rien ne change, totalement paralysés.
Je sais, monsieur le ministre, que le développement du fret nécessite des investissements colossaux, notamment en raison du contournement des agglomérations telles que Lyon, Nîmes et Montpellier. Il nous faudra envisager la création de nouvelles lignes propres à ce type de transport ou en partager certaines avec le transport de voyageurs.
Il s'agit là d'un véritable enjeu de société, auquel nous sommes confrontés dès maintenant.
Votre budget essaie d'y répondre, même s'il reste parfois timide. Mais il faut y ajouter les efforts consacrés à l'assainissement de la situation comptable des entreprises ferroviaires, principales actrices de ces challenges.
Le Gouvernement maintient son soutien à Réseau ferré de France par une nouvelle dotation de 12 milliards de francs, afin de contribuer au désendettement de cette société. Cette dernière a revu ses redevances d'infrastructures à la hausse. Aussi suis-je satisfait que l'Etat se soit engagé à garantir à la SNCF des concours indispensables pour faire face à ces obligations.
Assurer le rééquilibrage de ces deux sociétés est indispensable si nous souhaitons que celles-ci puissent envisager sereinement la relance de la politique ferroviaire, tant au niveau des infrastructures de Réseau ferré de France que pour l'amélioration des services de voyageurs et de messagerie.
Comme je le disais tout à l'heure, l'enjeu de toute la politique des transports se joue aujourd'hui sur notre capacité à freiner, à inverser la tendance, en favorisant le ferroutage et la multimodalité.
On peut affirmer que le mérite du Gouvernement est d'avoir repensé la politique des transports dans sa globalité en réorientant certains des crédits et en lui donnant une impulsion forte.
La part du ferroviaire dans le Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables sera passée de 39,5 % à 53 %, ce qui inverse la tendance historique à l'hégémonie du tout routier.
Votre budget, monsieur le ministre, se caractérise aussi par la volonté de développer toujours et encore les transports collectifs urbains.
En augmentant de plus de 36 % par rapport à 1999 les crédits affectés à ce type de transport, vous allez permettre non seulement de moderniser le réseau existant, mais également, et surtout, d'engager de nouvelles réalisations de métros et de tramways dans les grandes villes, ce qui répondra aux attentes des usagers.
La réussite des transports collectifs dépend non seulement d'un matériel moderne, mais peut-être aussi du confort, de la sécurité et de l'agrément des usagers.
Le redéploiement et l'arrivée de personnels plus nombreux contribueront à rendre plus sûrs ces transports. Le nombre des voyageurs ne pourra ainsi qu'augmenter.
Enfin, monsieur le ministre, je ne peux terminer cette intervention sans vous parler de la route et du transport routier.
En effet, même si on observe une réorientation vers le ferroviaire, la route se réserve une enveloppe budgétaire importante pour la poursuite des programmes définis dans le cadre des grands projets d'aménagement du territoire.
Par ailleurs, il faut noter que le volet routier des contrats Etat-régions sera doté de 3 650 millions de francs d'autorisations de programme, soit une hausse de 17,5 % par rapport au précédent.
Ce qui importe aussi, ce sont les moyens dégagés pour l'accompagnement des évolutions réglementaires du transport routier. Nous sommes un certain nombre à avoir réfléchi à l'amélioration des conditions d'exercice de la profession de transporteur routier ; il nous faut accompagner cette réforme.
Vous y répondez, monsieur le ministre, en remettant les crédits nécessaires, tant sur le plan de la formation qu'au niveau du renforcement des contrôles, ainsi que pour les congés de fin d'activités des conducteurs routiers de marchandises.
Monsieur le ministre, les changements d'orientation stratégiques opérés depuis 1997 et la politique volontariste que vous menez vont dans le sens souhaité par le groupe socialiste.
Bien entendu, des efforts importants restent encore à accomplir non seulement en faveur du ferroviaire, mais aussi en matière d'harmonisation européenne.
Mais je reste confiant car je sais bien que vous-même, monsieur le ministre, et l'ensemble du Gouvernement saurez préserver les intérêts de la nation, tout en accompagnant la nécessaire construction européenne.
S'il est une politique qui influe immédiatement sur la vie quotidienne de nos concitoyens, c'est bien celle des transports. Votre rôle est donc primordial.
C'est pour toutes ces raisons que le groupe socialiste votera votre budget.
Maintenant, monsieur le ministre, vous me permettrez bien de dire quelques mots de la situation des transports terrestres dans ma région, plus particulièrement dans mon département.
Je voudrais tout d'abord remercier le Gouvernement de l'effort important qui a été consenti cette année pour la région Limousin en ce qui concerne les voies de communication.
Pendant longtemps, le Limousin, région peu peuplée et à la géographie tourmentée, n'a pas été très bien traité, notamment en ce qui concerne le désenclavement. Aujourd'hui, les moyens dégagés pour le contrat de plan et pour les investissements hors contrat de plan nous paraissent raisonnables, même s'ils ne sont pas tout à fait à la hauteur des demandes.
En ce qui concerne le rail, la liaison Paris-Orléans-Limoges-Toulouse semble être sur la bonne voie, si vous me permettez cette expression. (Sourires.)
Au moment où la liaison autoroutière Paris-Limoges est enfin terminée - le dernier tronçon a été ouvert à la circulation il y a quelques mois - il ne serait pas de bonne politique de laisser la liaison par rail être moins performante que la liaison par route.
M. François Gerbaud. Nous sommes solidaires !
M. Jean-Pierre Demerliat. Je vous remercie, mon cher collègue !
Actuellement, le train est presque la plus mauvaise solution pour se rendre de Limoges à Paris : le dernier avatar du Capitole, qui était il y a vingt ans le train le plus rapide de France, décourage les voyageurs : le trajet est trop long, le confort aléatoire, sans parler de la restauration qui ne fait plus du tout honneur à la gastronomie française.
MM. Auguste Cazalet, rapporteur spécial, et Marcel Vidal. Très bien !
M. Jean-Pierre Demerliat. Il est donc important, monsieur le ministre, que le TGV pendulaire promis soit opérationnel le plus rapidement possible.
Je sais que le Gouvernement ne peut qu'aller dans ce sens, car le rééquilibrage des investissements en faveur du rail est l'une de ses priorités ; je m'en suis déjà félicité tout à l'heure.
Le financement hors contrat de plan de la route centre-Europe Atlantique est également une excellente chose.
Néanmoins, le tracé de cette voie structurante, indispensable au désenclavement du centre de la France, ne fait pas l'unanimité chez les usagers. En effet, les transporteurs qui doivent, depuis La Croisière, emprunter l'A 20 jusqu'à Limoges, puis la RN 141, dont la mise à deux foix deux voies avance, mais relativement lentement, n'aiment pas ce trajet, car il allonge les distances et comporte de fortes déclivités.
Il est donc indispensable, dans un avenir proche, de prévoir un barreau La Croisière-Bellac qui rejoindra l'axe Nantes-Méditerranée, lequel, comme cela a été très justement décidé, passera par Poitiers-Bellac et Limoges.
Il convient de souligner l'importance de la réalisation d'un tel axe, qui permettra enfin de relier avec une infrastructure routière appropriée deux capitales régionales - Limoges et Poitiers - qui travaillent ensemble déjà depuis longtemps dans le cadre de la mise en réseau des villes moyennes.
Je viens d'évoquer Bellac, monsieur le ministre : il est extrêmement urgent que son contournement ainsi et peut-être surtout que celui d'Aixe-sur-Vienne, sur la RN 21, soient prévus, financés et, bien évidemment, réalisés dans les délais les plus brefs.
Je connais et approuve les efforts que vous déployez pour renforcer la sécurité routière, je vous en ai déjà félicité. C'est bien de sécurité routière qu'il s'agit lorsqu'on évoque le contournement des villes de Bellac et d'Aixe-sur-Vienne. Il est, certes, important d'affecter les moyens nécessaires à la prévention et à la formation des automobilistes, mais il est tout aussi indispensable de réaliser les aménagements routiers qui permettent d'éviter les points noirs « accidentogènes » tels que ceux que je viens de citer.
Monsieur le ministre, j'entends bien dire, ici et là, que demander des investissements routiers importants serait passé de mode ; mais ce langage est surtout tenu par d'éminents donneurs de leçons issus de régions dont les infrastructures répondent depuis longtemps à tous leurs besoins !
En Limousin, nous ne savons pas encore faire circuler nos marchandises, nos productions - excellentes, comme chacun le sait - sur le réseau Internet. (Sourires.) Alors, en attendant, monsieur le ministre, je vous demande, nous vous demandons instamment de bien vouloir faire accélérer la réalisation de ces projets indispensables à cette belle région, ce dont je vous remercie par avance. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Gerbaud applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. A l'évidence, je ne partage pas l'optimisme des deux orateurs précédents.
Le budget de la route et des transports terrestres qui nous est présenté ne peut pas nous satisfaire et, en quelques mots, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais vous dire pourquoi nous ne pouvons pas l'adopter.
Ce budget est en trompe-l'oeil.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Oh !
M. Philippe Arnaud. Il joue sur l'effet d'annonce : augmentation de l'investissement routier... priorité à la sécurité routière, grande cause nationale... engagement d'une politique forte en faveur du transport ferroviaire... Tout cela est séduisant et, je vous le dis franchement, monsieur le ministre, si votre budget était à la hauteur de ces ambitions, je le voterais.
M. Georges Gruillot. Nous aussi !
M. Philippe Arnaud. Il faut, en effet, sécuriser et développer notre réseau routier, et d'abord nos grandes routes nationales. Il faut tout mettre en oeuvre pour réduire les accidents de la route. Et si vous voulez transférer le transport de marchandises de la route vers le rail, je vous approuve !
Qu'en est-il, en réalité, et qu'en sera-t-il à la fin de l'exécution de ce budget et des suivants ? A cet instant, je remercie MM. les rapporteurs spéciaux et MM. les rapporteurs pour avis, qui nous ont éclairés sur la réalité des engagements financiers.
Qu'en sera-t-il donc de l'exécution ?
Vous connaissez comme moi la différence fondamentale qui existe entre autorisations de programme et crédits de paiement,...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Oui !
M. Philippe Arnaud. ... entre crédits de paiement et exécutions effectives d'un programme, et vous savez comment on peut en jouer !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je vous expliquerai !
M. Philippe Arnaud. Pour les routes, grâce aux concours des régions et des départements dans le cadre du XIIe plan, vous annoncez des crédits en sensible augmentation. Cependant, même à ce niveau, ils sont et restent insuffisants, et vous savez bien que, malheureusement, toutes les opérations annoncées ne seront pas exécutées.
Je connais une région dans laquelle seulement 60 % des crédits routiers inscrits en engagement au titre du dernier plan ont été effectivement consommés, alors même que les études étaient faites, les dossiers prêts. Or c'est de la seule responsabilité de l'Etat, puisque c'est sous sa maîtrise d'ouvrage.
Vous avez vous-même déclaré, monsieur le ministre, qu'il existait dans le pays « une forte exigence d'amélioration, de sécurisation et de développement du réseau routier ». Le Charentais que je suis sait de quelle exigence il s'agit et, fort de l'expérience d'Angoulême et Bordeaux, vous dit : comme vous avez raison !
Certes, monsieur le ministre, on ne peut pas tout faire en un jour. Pourtant, il faut aller vite, très vite même, car le trafic routier progresse à un rythme tel que vos propositions, non seulement ne permettront pas de rattraper le retard, mais encore aggraveront la situation.
Vous me direz sans doute que c'est pour cela que vous voulez « libérer » la route au profit du rail. Mais, monsieur le ministre, doubler les crédits ferroviaires en trois ans, doubler le volume des marchandises transporté par le rail en dix ans, belle annonce ! Sauf que, même si vous atteigniez cet objectif, vous n'auriez rien changé au problème !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. On ne va pas s'arrêter !
M. Philippe Arnaud. Je cite quelques chiffres relevés sur le cite Internet de votre ministère. Pardonnez-moi si je parle en milliard de tonnes/kilomètre, mais c'est l'unité de référence.
Pour ce qui est du rail, on a enregistré, en 1997, 52,6 milliards de tonnes/kilomètre, soit un chiffre légèrement inférieur à ce qu'il était en 1982, avec une courbe de progression quasiment linéaire. Il y a des raisons à cela, et pas seulement financières ; certaines relèvent aussi, sans doute, de la culture de l'entreprise SNCF.
Pour ce qui est de la route, toujours en 1997, on a enregistré 237,2 milliards de tonnes/kilomètre contre 125 milliards de tonnes/kilomètre en 1982, soit une progression exponentielle que le développement accéléré des échanges internationaux confirmera sur les dix prochaines années.
La route plus le rail représentent donc 290 milliards de tonnes/kilomètre.
Puisque gouverner, c'est prévoir, je vous invite, monsieur le ministre, à vous projeter dans dix ans. Les optimistes estiment que le trafic augmentera de 35 % sur cette période, les réalistes le voient doubler. C'est donc une surcharge comprise entre 100 milliards et 300 milliards de tonnes/kilomètre - chiffre à rapprocher des 52,6 milliards de tonnes/kilomètre que je viens de citer - qu'il faut absorber dans les dix ans. Et quelles sont vos ambitions ? Vous nous proposez d'absorber 50 milliards de tonnes/kilomètre pour le rail, justifiant par cette politique ferroviaire votre retrait routier. Mais, monsieur le ministre, il restera encore de 50 milliards à 250 milliards de tonnes/kilomètre à absorber, ce qui équivaut à doubler le trafic routier actuel,...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Et les bateaux ?
M. Philippe Arnaud. ... alors même que la route est d'ores et déjà saturée, qu'elle est dangereuse et qu'elle pollue.
Et, pour faire face à cet accroissement dramatique du risque routier, vous vous contentez d'informer, d'éduquer et de sanctionner l'usager.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Non !
M. Philippe Arnaud. Monsieur le ministre, il n'est pas suffisant d'éduquer ou de sanctionner l'usager de la route quand on ne met pas à sa disposition des routes sûres !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est la loi qui a été votée !
M. Philippe Arnaud. Attention, monsieur le ministre : dans ce domaine, votre responsabilité, celle de l'Etat, est d'autant plus lourde que vous érigez la sécurité routière en grande cause nationale.
Parce que vous ne vous donnez pas les moyens de servir une politique que pourtant vous affichez, parce que vos propositions sont inopérantes face aux enjeux de la prochaine décennie, parce que l'insécurité routière ne fera que s'aggraver, je ne peux, nous ne pouvons, monsieur le ministre, que rejeter ce budget.
Vous me direz sans doute que nous, membres de la majorité sénatoriale, qui sommes très attachés à la rigueur dans l'utilisation des fonds publics, fruits de l'impôt, n'avons qu'à vous accorder les crédits nécessaires. Ce serait oublier l'ordonnance de 1959 - mais personne ne peut l'ignorer - qui interdit au Parlement d'inscrire des dépenses nouvelles.
Mais, à ma connaissance, le Sénat n'a jamais refusé de voter des crédits d'investissement. Je vous fais donc une proposition, monsieur le ministre : triplez vos crédits d'investissement, et le Sénat vous les votera !
Cela étant, je pense que la politique que vous nous présentez n'est ni volontariste ni ambitieuse, et cela motivera, encore une fois, notre rejet de ce budget. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu. Monsieur le ministre, je vais peut-être vous étonner mais, contrairement à mon habitude, je ne parlerai pas des transports aériens ! (Sourires.) J'aurais pu encore vous interroger sur le troisième aéroport, mais vous m'avez répondu très clairement sur ce sujet, la semaine dernière, en commission, me disant qu'il s'agissait d'une décision de l'Etat et que la réponse serait donnée dans le cadre des schémas nationaux de services pour le premier semestre 2000. J'en prends donc acte. Il n'y a donc plus qu'à attendre ! (Sourires.)
Aujourd'hui, j'évoquerai les transports terrestres, notamment ferroviaires. Mais ce n'est pas sans cohérence avec les transports aériens. J'y vois même une triple cohérence.
Si j'étais cynique, je parlerais d'abord d'une cohérence dans les retards.
Auparavant, en effet, il n'était question que des retards des trains, et chacun se félicitait que les avions décollent à l'heure. Aujourd'hui, c'est malheureusement un peu l'inverse : tandis que le transport ferroviaire s'est beaucoup amélioré en matière de ponctualité, le transport aérien enregistre, lui, des retards de plus en plus importants.
Cohérence, ensuite, dans la rapidité. Il est vrai que, depuis un certain temps déjà, le fer a connu des progrès importants, et je dois ici saluer le TGV et tout ce qu'il a apporté, même si, s'agissant de la ligne Paris - Limoges, beaucoup reste à faire.
Cohérence, enfin, dans l'aménagement du territoire.
Permettez-moi, à cet égard, d'évoquer un produit très ciblé, je veux dire la carte SNCF domicile-travail.
La cohérence en matière de transport voudrait, par exemple, que l'on revoie la loi du 4 août 1982 relative à la participation des employeurs au financement des transports publics urbains, ainsi que le décret du 30 septembre de la même année. Comment prétendre, en effet, que, en dix-sept ans, la situation n'a pas évolué, que le cadre de vie et les habitudes des Français n'ont pas changé ?
Prenons le cas de l'Eure-et-Loir. Chaque jour, 6 000 personnes utilisent les transports ferroviaires pour se rendre sur leur lieu de travail, principalement d'ailleurs en Ile-de-France. Ces 6 000 personnes ont donc choisi de vivre en Eure-et-Loir, mais travaillent ailleurs. Prenant moi-même le train pour me rendre à Paris, il m'arrive de parler avec ces étranges migrants, qui ont bien du mal à comprendre pourquoi leur cas n'attire pas davantage l'attention des pouvoirs publics.
C'est qu'ils supportent l'intégralité du coût de leur transport. Je m'explique : ils doivent parcourir quatre-vingt-dix kilomètres, alors que la carte SNCF domicile-travail, aux termes de la loi de 1982, n'est valable que pour soixante-quinze kilomètres. Or, depuis 1982, les modes de vie ont changé, et les Français aussi. Les migrations vers l'Ile-de-France sont plus fréquentes.
Le cas de l'Eure-et-Loir n'est sans doute pas isolé. Tous les départements limitrophes de l'Ile-de-France sont atteints par cette « macrocéphalie parisienne » et, aujourd'hui, il n'est pas rare de parcourir jusqu'à cent kilomètres pour se rendre sur son lieu de travail, ce qui était pratiquement impensable en 1982.
Je vous propose donc de revoir cette limite fatidique des soixante-quinze kilomètres et de la porter à cent kilomètres. Si une telle limite avait sa raison d'être en 1982, elle est aujourd'hui vidée de son sens et a perdu de sa cohérence, d'autant que l'on demande aux salariés d'être de plus en plus mobiles.
Je souhaiterais connaître votre avis sur cette suggestion, qui me paraît intéressante et qui rendrait service à de nombreux utilisateurs du rail. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Vidal.
M. Marcel Vidal. Monsieur le ministre, le projet de budget que vous présentez devant le Sénat constitue une étape importante à la veille de la signature des contrats du XIIe Plan.
En effet, il était essentiel de reconstituer les capacités d'investissement de l'Etat, autour de projets d'intérêt national et européen, permettant à votre ministère de renouveler ses actions de partenariat avec les collectivités territoriales.
Annoncée par le Premier ministre à l'issue du comité interministériel du 23 novembre dernier, la seconde enveloppe, d'un montant de 25 milliards de francs, est un encouragement supplémentaire pour la période 2000-2006, et nous nous félicitons que le Gouvernement accentue son effort pour le développement régional.
L'une de vos priorités est de poursuivre le rééquilibrage des différents modes de transport au profit du rail et des voies navigables, considérés comme sûrs et respectueux de l'environnement.
Le réseau routier n'est pas pour autant oublié, puisque les crédits destinés à son amélioration progressent de 6 %.
A cet égard, vous disposez, monsieur le ministre, des leviers nécessaires pour réduire les écarts territoriaux et valoriser la situation géographique centrale de la France en Europe.
Pour illustrer mon propos, j'appellerai votre attention sur la nécessité de mieux structurer les voies de communication de l'arc sud méditerranéen.
Une politique volontariste des transports, qui englobe la Catalogne, le Languedoc-Roussillon et la Provence-Côte d'Azur, le Piémont et la Lombardie, mais qui a aussi vocation à s'étendre au-delà, jusqu'à Madrid, Valence et Toulouse, d'une part, Rome et Bologne, d'autre part, présente de nombreux avantages.
Elle constitue une alternative à l'axe rhénan. Elle évite les risques de continentalisation de la croissance économique en Europe. Enfin, elle vise à promouvoir les relations commerciales et les échanges culturels avec les pays du bassin méditerranéen.
Ces problématiques transfrontalières devraient pouvoir faire l'objet d'une résolution urgente, qu'il s'agisse de la modernisation compétitive des infrastructures portuaires, de la réalisation effective d'une ligne de TGV reliant les villes de Madrid et Barcelone à la France ou, notamment, des décisions à prendre pour décongestionner le trafic dans la zone sensible du tunnel du Mont-Blanc et améliorer, plus au sud, au niveau du col de Tende, la liaison entre Nice et Turin.
En septembre dernier, une mission parlementaire, conduite par notre collègue M. Philippe François, nous a permis d'établir des contacts et des échanges dignes d'intérêt, notamment à Turin et à Cuneo. Tant à l'échelon régional qu'à l'échelon provincial, les élus italiens, par leurs propos, n'ont fait que confirmer nos positions quant à l'urgence du règlement positif de ces dossiers.
En tant qu'élu du département de l'Hérault, je suis également attentif à l'avancement des travaux d'aménagement des autoroutes A 75 et A 750.
La lenteur avec laquelle évolue le dossier de construction du viaduc de Millau laisse planer quelques inquiétudes, lorsque l'on sait que la circulation se trouve paralysée dans la sous-préfecture du sud-Aveyron, notamment durant la saison touristique. Il est urgent que ce « verrou » saute. C'est l'intérêt général.
Par ailleurs, les études préliminaires ne sont toujours pas achevées pour déterminer comment sera assurée exactement la jonction de l'A 75 et de l'A 9 au niveau de la ville de Béziers. C'est un dossier sur lequel vous avez déjà dû être interpellé par les élus concernés.
Et la même longueur des procédures juridiques et administratives caractérise l'élaboration du tracé de l'A 750 entre les communes de Saint-André-de-Sangonis et de Gignac, situées de part et d'autre du fleuve Hérault.
Quant au devenir du triangle de Ceyras, je formulerai le voeu, monsieur le ministre, que l'Etat prenne l'initiative de créer une vaste réserve foncière à l'intersection de l'A 75 et de l'A 750, avec l'accord et le soutien du conseil général et des communes concernées.
De même, il serait opportun que cette dernière soit placée sous le contrôle d'une société d'économie mixte, afin d'attirer des activités économiques dans le centre Hérault, en délocalisant quelques laboratoires de recherche implantés sur le site d'Agropolis, à Montpellier. Je pense notamment à l'oenologie et à l'oléiculture, deux symboles de notre culture méditerranéenne qui méritent toute notre attention.
En outre, ne pourrions-nous pas envisager, en collaboration avec le ministère de l'éducation, de la recherche et de la technologie, l'implantation d'un lycée technique qui valoriserait l'apprentissage de ces savoir-faire traditionnels, aujourd'hui en plein renouveau ?
Les ingénieurs et les techniciens de la direction départementale de l'équipement de l'Hérault sont très attentifs à la préservation de ce secteur, et nous ont permis, voilà trois ou quatre ans, d'engager une réflexion à l'échelon des communautés de communes et des districts, et ce dans le cadre de la politique du « 1 % paysage et environnement ».
Mais, au-delà, on peut imaginer que de jeunes agriculteurs audacieux sauront s'inspirer de ce qui a été réalisé au niveau de l'autoroute A 51 entre Aix-en-Provence et Sisteron, notamment aux abords de Manosque dans la vallée de la Durance, où l'on constate un bel essor de l'activité oléicole.
Mes collègues MM. Picheral et Domeizel ont facilité, en juin dernier, une visite technique à la fois utile et agréable. Je crois beaucoup à la « pédagogie de l'exemple ».
Il est sans doute trop tôt pour évaluer les effets de la politique du « 1 % paysage et environnement ».
On peut toutefois remarquer que la tendance au localisme génère trop souvent un saupoudrage des opérations. Soyons donc vigilants et ayons une conception, une vision globale dans ce domaine.
La responsabilité nous incombe, à l'heure actuelle, de parvenir à dégager quatre ou cinq pôles forts qui entreront dans la charte d'itinéraire le long de la Méridienne, entre le plateau du Larzac et la périphérie de Béziers et de Montpellier.
Pour conclure, j'indiquerai que l'insertion de l'ouvrage dans l'environnement et la promotion d'un bassin de vie économique et touristique respectueux du patrimoine paysager vont dans le sens d'une politique plus générale d'aménagement du territoire. En effet, c'est dans un souci d'équilibrer le territoire à l'échelon national et européen que s'inscrit la décision de réaliser les infrastructures autoroutières.
Monsieur le ministre, les grandes orientations de votre projet de budget confortent cette influence positive que la politique de l'équipement et des transports doit générer sur le cadre de vie de nos concitoyens. Nous le voterons donc sans réserve. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Si je devais caractériser en peu de mots le budget que vous nous présentez aujourd'hui, monsieur le ministre, je dirais qu'il s'agit d'un simple budget d'intendance vaguement consolidé.
Mme Odette Terrade. Oh !
M. Pierre Hérisson. En réalité, ce budget ne permet pas d'espérer une réorientation de votre politique sur le moyen et le long terme.
Il laisse apparaître un certain nombre d'insuffisances. La première concerne les investissements routiers et autoroutiers.
Au sein du Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, les crédits destinés aux routes diminuent de près de 4 %.
Certes, des événements tragiques vous ont conduit à définir des priorités, comme la mise en sécurité des tunnels routiers non concédés. Je me réjouis d'ailleurs de votre décision récente de débloquer 2 milliards de francs supplémentaires.
Le FITTVN, créé initialement pour financer des équipements d'aménagement du territoire, vous sert également à financer la poursuite de deux grandes opérations de désenclavement dans le Massif central et dans les Landes.
Certains excuseront la timidité de votre budget au simple motif que l'an 2000 représente une année de transition entre les anciens et les nouveaux contrats de plan Etat-région. Je précise que l'enveloppe prévue dans le XIIe Plan est plus faible que celle du XIe Plan. Je rappellerai que les contrats de plan Etat-région méritent pour l'avenir, pour le moyen et le long terme, d'être reconsidérés. L'Etat s'engage pour sept ans à hauteur de 1 % du budget de la nation chaque année dans des contrats dont les moyens ne sont plus adaptés aux besoins de modernisation de l'« appareil circulatoire » de notre territoire, qu'il soit routier ou ferroviaire.
La deuxième insuffisance de votre budget concerne les dotations à l'entretien du réseau routier national.
Que constatons-nous depuis 1982 et les lois de décentralisation ? Les départements et les communes ont fait des efforts d'investissement considérables pour moderniser les voies communales et l'ensemble des routes départementales.
Certes, le réseau autoroutier a insuffisamment progressé, et j'évoquerai tout à l'heure le cas particulier de la Haute-Savoie. Mais, aujourd'hui, le parent pauvre, en termes d'aménagement routier, c'est à l'évidence la route nationale. C'est bien là que se pose le problème. Moins on entretient les routes, plus les opérations de réhabilitation coûtent cher : 11 % des voies du réseau national nécessitent des interventions lourdes et 18 % des ouvrages d'art sont atteints dans leur structure et nécessitent d'importants travaux. Ainsi, comme l'a rappelé le rapporteur spécial, il faudrait consacrer près de 15 milliards de francs pour effectuer un programme complet de réhabilitation en première urgence. Ce n'est pas avec ce budget que vous y parviendrez. Vous réduisez même les moyens d'entretien tandis que vous gelez les moyens de réhabilitation.
Ne parlons même pas de la construction nouvelle... à moins que vous ne vous engagiez à autoriser des opérations de péage urbain.
Un certain nombre de collectivités sont prêtes à assurer des constructions nouvelles, des déviations, des reprises de routes nationales, dans le cadre d'un système à péage. Il vous appartient de faire des annonces fortes dans ce domaine. En tout cas, c'est ce que nous attendons de vous, pour vous avoir entendu un certain nombre de fois sur ce sujet.
Vous le savez bien, j'ai soutenu dans cette assemblée votre action lorsque nous avons examiné les textes sur la sécurité routière. Votre objectif de réduire de 50 % le nombre de tués sur la route est non seulement louable, mais aussi nécessaire et urgent. Toutefois, je ne crois pas qu'il s'agisse d'un simple problème d'information et de sensibilisation. Il faut adapter et moderniser l'appareil circulatoire et l'ensemble du réseau routier aux besoins du trafic d'aujourd'hui, parce qu'il est une réalité.
Des routes en mauvais état, des routes mal éclairées sont le théâtre d'accidents dramatiques. Leur réhabilitation et leur entretien concourent tout autant à l'objectif de sécurité que vous vous êtes fixé. La discussion budgétaire offre aux parlementaires l'occasion de s'exprimer et d'insister sur ce sujet.
J'évoquerai également le transport ferroviaire.
A l'heure où la SNCF approche de l'équilibre, il serait dommage de brider son développement. On a trop vu, dans le passé, les dommages que pouvaient provoquer les conflits sociaux sur le résultat de l'entreprise.
Par ailleurs, je regrette que votre budget ne prenne pas suffisamment en compte l'importance stratégique du développement du fret ferroviaire et du transport combiné. Les moyens budgétaires accordés à ces deux éléments clés ne sont pas à la hauteur de vos déclarations.
Je fais partie de ceux qui considèrent que le transport public de voyageurs doit être accessible à tous et doit rester un grand service public. Je considère que le transport de marchandises doit aujourd'hui s'adapter à la modernité et au régime concurrentiel, par la mise en place de moyens. Vous allez sans doute me répondre que les Anglais n'ont pas résolu le problème de la bonne façon. En France, nous avons créé Réseau ferré de France. Il s'agit non pas de changer de système, mais simplement d'ouvrir à la concurrence, publique ou privée, le fret qui, aujourd'hui, consiste d'abord à essayer de remettre de la marchandise sur les trains avant de chercher à mettre des camions sur les trains. Il s'agit là d'une proposition de bon sens, que vous pourriez soutenir par des moyens budgétaires permettant de réaliser des études plus précises dans ce domaine.
Désengager la SNCF du poids de la dette concernant ses voies, par égalité de traitement avec la concurrence routière, et lui faire acquitter un droit de péage pour faire circuler les trains était l'un des deux objectifs de Réseau ferré de France et du transfert. Il faut donc donner aujourd'hui la possibilité à des transporteurs concurrents - j'insiste sur ce point - de circuler sur ses voies dans des conditions identiques. En effet en matière de sécurité routière, si le trafic routier, notamment celui du fret, continue à progresser, vous n'atteindrez pas les objectifs que vous vous êtes assignés en ce qui concerne la diminution des accidents de la route.
Je suis convaincu que le transport de marchandises, à plus forte raison à la suite de la grande révolution des privatisations que nous vivons au quotidien, doit évoluer rapidement.
En ce qui concerne les marchandises, il convient de moderniser le transport ferroviaire, de compenser les inerties et les ruptures de charge en mettant en service des trains de marchandises à grande vitesse, car c'est ainsi qu'il pourra y avoir une véritable concurrence avec la route. C'est pourquoi il nous faut réussir la libéralisation et l'ouverture à la concurrence. Il faut donc s'en donner les moyens. Dès lors, monsieur le ministre, faites un effort de bon sens, et la SNCF vous en sera reconnaissante.
L'objectif du doublement du trafic ferroviaire d'ici à 2010 ne sera possible que grâce à la réalisation de nouvelles infrastructures et à la mise en service de moyens de transport plus rapides. Compte tenu de l'état actuel des équipements ferroviaires, cet objectif est totalement irréaliste.
Enfin, j'évoquerai rapidement le problème des autoroutes, plus particulièrement celui de l'autoroute A 41 en Haute-Savoie.
Il est urgent, monsieur le ministre, de faire redémarrer les travaux de cette autoroute, qui est devenue une autoroute politique. La déclaration d'utilité publique va arriver à son terme. Son prolongement rouvrirait la possibilité de contester cet axe autoroutier indispensable à la desserte d'un département qui a déjà suffisamment de difficultés avec le tunnel du Mont-Blanc.
Ce barreau autoroutier permettrait de relier la Haute-Savoie à l'ensemble du réseau autoroutier du Nord.
De cette tribune, monsieur le ministre, je vous demande instamment de prendre des mesures d'urgence afin que les travaux puissent reprendre sur ce barreau autoroutier, qui est aujourd'hui arrêté dans notre département.
Puisque les choses ne changeront pas réellement et pour marquer notre désapprobation à cette politique, monsieur le ministre, nous ne voterons pas le budget que vous nous présentez.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le domaine des transports, il est des évidences qu'il convient de rappeler. J'en soulignerai quatre.
Première évidence : notre civilisation est celle des échanges. Du GATT à l'OMC et aux négociations actuelles de Seattle, de la Communauté économique européenne de 1957 à l'Union européenne d'aujourd'hui, ces quarante dernières années ont été marquées par une double volonté évidente : celle d'abaisser les barrières douanières, celle de créer de vastes ensembles économiques.
Deuxième évidence : les transports sont au coeur du développement économique, de l'aménagement et de la structuration des territoires.
Le rythme d'évolution des échanges est toujours supérieur à celui de la croissance économique. Ce développement des échanges concerne tous les secteurs de notre vie économique et tous les modes de transport : la route, le fer, l'air, la mer, voire, à certains endroits, les fleuves.
Troisième évidence : la demande de transport se développe d'autant plus que notre société est de plus en plus motorisée et mobile.
Il est possible d'apprécier et d'accepter ou non cette évolution, il est impossible de la nier. La France est loin d'avoir atteint le plafond de son parc automobile et le kilométrage annuel moyen parcouru par nos concitoyens continue d'augmenter.
La quatrième évidence tient à la géographie : la France est au coeur - ou presque - de l'Europe. Elle est, en tout cas, un des principaux pays de transit pour le transport des voyageurs et des marchandises.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, votre ministère a un rôle essentiel à jouer pour soutenir notre développement économique, pour dynamiser notre aménagement du territoire et pour participer à la structuration de l'espace national et européen.
Face à ces enjeux, notre politique des transports doit avoir des objectifs clairs. Quels sont-ils ? A mon sens, ils sont de quatre ordres.
Premier objectif : satisfaire les besoins tant des voyageurs que des entreprises.
Il est donc nécessaire de bien analyser cette demande, son évolution et, éventuellement, ses mutations.
Je rends hommage à la direction des routes pour les travaux prospectifs qu'elle a réalisés et publiés l'an dernier sur les prévisions de trafics à l'horizon 2020, et dont les résultats concordent avec ceux d'autres organismes spécialisés.
Les évolutions sont claires, quelles que soient les hypothèses de croissance économique retenues pour les deux prochaines décennies.
D'autres orateurs l'ont dit avant moi, les rapporteurs le soulignent également dans leur rapport : le trafic routier est celui qui augmentera le plus vite. Au sein de celui-ci, le trafic autoroutier aura un rythme de croissance largement supérieur à celui de tous les autres modes de transport.
Le transport ferroviaire est celui dont le trafic augmentera le moins vite. Cela s'explique évidemment par sa rigidité, dans un monde caractérisé par la mobilité : rigidité dans la gestion, rigidité des acquis sociaux, rigidité des infrastructures, rigidité tenant à la demande des collectivités territoriales.
Pour faire face à la croissance et à la mobilité des besoins, il faut une adaptabilité accrue de l'offre. Il faut donc introduire davantage de concurrence et de transparence. Je vous concède que vous l'avez fait.
Le deuxième objectif est de concilier l'augmentation des infrastructures de transports avec les aspirations compréhensibles de nos concitoyens en ce qui concerne l'environnement et la préservation du cadre de vie.
Nous sommes tous conscients des enjeux. Ils sont essentiels. Ils ont un coût. Il est impératif que nous les assumions.
Nous avons voté des lois sur les paysages, sur l'eau, sur l'air, sur le bruit... Autant d'objectifs louables et de contraintes nécessaires qu'aucun d'entre nous ne renie.
Désormais, les projets sont mieux étudiés, les populations sont mieux consultées, les équipements sont mieux insérés dans leur environnement urbain, périurbain, rural, montagnard ou littoral.
De ce fait, le coût d'un kilomètre d'autoroute a presque doublé en dix ans et atteint maintenant presque 50 millions de francs, soit 50 milliards de francs pour 1000 kilomètres. Vous me voyez venir... Cinquante milliards, c'est un peu moins que le montant des aides publiques à la SNCF !
Pour ma part, je ne le regrette pas, mais il faut savoir en payer le prix. Qui va le faire ? L'usager, ou le contribuable ? En fait, les deux, l'un au titre du service rendu, l'autre au titre de la solidarité nationale.
Tout le problème d'une politique des transports est d'établir une juste ligne de partage entre les contributions des uns et celles des autres.
Le troisième objectif est donc de gérer notre système de transport au moindre coût ou, plutôt, au plus juste coût pour les finances publiques et la collectivité nationale. Dans ce domaine, la clarté et la transparence des comptes sont essentielles. Or, monsieur le ministre c'est loin d'être le cas.
L'analyse des taux de rentabilité est indispensable. La juste facturation du service rendu est souhaitable. Dans ce domaine, votre politique n'est pas satisfaisante. Les comptes du système ferroviaire, par exemple, ne sont pas clairs.
Pour le système autoroutier concédé, beaucoup de contrevérités ont été avancées.
J'aimerais savoir, par exemple, quelle est la rentabilité d'un franc investi dans le fer par rapport à un franc investi dans une autoroute - concédée ou non - ou dans une voie fluviale.
Dans le cadre de l'analyse de l'amélioration d'une liaison de transport entre deux villes de l'Ouest de la France, une étude faite dans ce sens par vos services montre que le taux de rentabilité de l'autoroute concédée ressortait à 26 % et celui de la voie ferrée à 5 %.
Notre quatrième objectif est d'améliorer les grandes liaisons qui constituent le réseau transeuropéen. C'est à la fois la grande ambition et le grand échec de l'Europe.
D'Edimbourg à Essen, l'Europe a affiché de grandes ambitions. Dans ce domaine, les désillusions sont à la hauteur du battage médiatique fait autour de ces grands projets.
Le transManche est, certes, une réussite. Mais les traversées des Alpes et des Pyrénées ne sont pas résolues et de grands axes comme celui du sillon rhodanien sont au bord de l'asphyxie. Quant au ciel européen, il est à la limite de l'engorgement.
Face à ces évidences, face à ces objectifs, quels sont les résultats de votre politique ?
A mon avis, ils sont nuancés, voire insuffisants.
Je ne mésestime pas les difficultés de votre tâche, monsieur le ministre. Je ne doute pas de votre ardeur au travail, ni de celle de tous vos collaborateurs et de tous les fonctionnaires qui sont sous votre autorité. Je pense néanmoins que, faute d'avoir pris la juste mesure des choses, vous n'avez pas fait les meilleurs choix pour l'avenir de nos transports.
A cet égard, j'aurai quatre observations à formuler.
La première concerne le changement de la politique des transports que vous avez engagé.
Un de vos collègues du Gouvernement m'a dit, un jour, avec beaucoup de franchise : « En 1997, les Français ont changé de majorité politique, c'était pour changer de politique, et c'est ce que nous avons fait. » Telle est, bien entendu, la règle du jeu en démocratie.
Un problème vient pourtant à se poser lorsque la politique, notamment celle des transports, ne correspond ni aux besoins ni aux moyens financiers dont on dispose. Il faut, pour changer de politique des transports, que les besoins évoluent dans le même sens.
Tout cela a été fort bien analysé, expliqué, démontré, par l'excellent rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur les grandes infrastructures ferroviaires, routières et fluviales, publié en juillet 1998, et dont d'ailleurs plus personne ne parle. Je regrette vraiment que vous en ayez tenu aussi peu compte car toutes ses analyses sont justes, même si elles auraient mérité d'être davantage explicitées sur le plan financier et budgétaire.
Ma deuxième observation concerne les méthodes que vous avez employées.
Sans débat public et sans débat parlementaire préalable, le Gouvernement a commencé, dès juillet 1997, à restreindre et à freiner, au-delà du raisonnable, voire de l'acceptable, le développement du réseau autoroutier concédé.
Vous avez ensuite, par la loi du 25 juin 1999 d'aménagement du territoire, supprimé le schéma national d'aménagement du territoire, puis les schémas sectoriels, pour les remplacer par des schémas dits « de services voyageurs et marchandises », dont on ne connaît encore vraiment ni le contenu ni la fiabilité.
Vous avez affiché une priorité exclusive du développement ferroviaire et réduit l'effort d'investissement routier et autoroutier, alors que l'évolution des besoins et des demandes allait exactement dans le sens inverse. Les négociations pour les contrats de plan Etat-région ont parfaitement mis en évidence ces contradictions.
Vous proclamez partout que la solution à tous les problèmes de transport réside dans le développement du transport combiné et de l'intermodalité. Or, les crédits affectés à ces actions sont d'un montant limité et les résultats problématiques.
Vous savez bien, monsieur le ministre, qu'aucun grand pays développé au monde n'a su transférer durablement des trafics d'un mode, les routes, à un autre, le ferroviaire.
Vous savez aussi que l'évolution des besoins au cours des vingt prochaines années va maintenir, voire renforcer l'écrasante supériorité des transports routiers, hors zones urbaines, sur les transports ferroviaires. C'est un constat !
Vous connaissez l'ampleur des investissements nécessaires pour développer le transport combiné et les résultats aléatoires que l'on peut en attendre, pour la bonne raison que la fiabilité des deux modes de transport, route et fer, n'est pas la même.
Notre excellent collègue M. Miquel, rapporteur spécial, écrit dans son rapport que, en 1998, 40 % des jours de grève en France se sont produits à la SNCF ! Et avec ça, on veut faire du transport combiné !
Notre réseau de fret est incapable, à l'heure actuelle, de satisfaire la demande des chargeurs. La raison est simple : si nous avons, certes, au cours des vingt dernières années, gagné la bataille de la technologie ferroviaire avec le TGV, il se trouve que celui-ci ne transporte, malheureusement, pas de marchandises ! Monsieur le ministre, nous sommes en train de perdre la bataille du fret !
Vous savez enfin que nos capacités financières ne nous permettront de réaliser, au cours des dix prochaines années, qu'une seule grande liaison ferroviaire nouvelle, le TGV Est, et encore pas complétement, et avec le soutien financier de très nombreux partenaires.
Cela m'amène à ma troisième observation, qui concerne le secteur ferroviaire, c'est-à-dire à la fois RFF et la SNCF.
La réforme engagée est une bonne réforme, à laquelle vous vous êtes rallié. Il faut, je crois, aller encore plus loin dans le sens de l'ouverture, de la transparence, de la concurrence et de l'efficacité.
Tout cela passe par quatre conditions : il faut s'adapter aux règles européennes que nos gouvernements ont acceptées au nom de la France ; développer le dialogue social au sein de l'entreprise, car il n'y aura pas de réussite sans consensus ni dynamique d'entreprise ; écouter et satisfaire les besoins de la clientèle ; enfin, avoir des comptes clairs et, si possible, pas trop déficitaires.
A cet égard, il y a d'immenses progrès à faire.
La comptabilité de la SNCF est la plus obscure que je connaisse. C'est fâcheux pour l'information des citoyens et du Parlement, notamment quand on connaît plus ou moins bien la situation financière réelle du secteur ferroviaire.
J'attire votre attention, monsieur le ministre, sur trois aspects de cette situation financière et, d'abord, sur l'endettement.
A la lecture des rapports, je crois comprendre qu'il est, au total, de 233 milliards de francs. Je vous remercie de me le confirmer.
Pour ce qui est des contributions publiques au réseau ferroviaire, la plus grande incertitude régne ! C'est ainsi que, pour 2000, on relève, à la page 16 du rapport d'Auguste Cazalet : « concours de l'Etat au transport ferroviaire : 37,7 milliards de francs », tandis qu'il est mentionné, à la page 37 du rapport de Jean Idiart à l'Assemblée nationale : « concours de l'Etat à la SNCF : 44,2 milliards de francs ».
M'étant penché sur cette question, je trouve pour ma part le chiffre de 62 milliards de francs pour 1998 au titre de l'ensemble des contributions financières de l'Etat et des collectivités publiques au transport ferroviaire français.
Vous allez sans doute me demander le détail de cette somme. Le détail, le voici !
Pour la SNCF, en 1998 : compensations des réductions tarifaires, 7,636 milliards de francs ; versements contractuels de l'Etat et des collectivités locales, 7,454 milliards de francs ; subventions d'investissement, 3,361 milliards de francs ; concours au service annexe de la dette, 4,442 milliards de francs ; contribution aux charges de retraites, 14,043 milliards de francs. Soit un total pour la SNCF de 36,936 milliards de francs.
Pour RFF, toujours en 1998 : contribution aux charges d'infrastructures, 11,820 milliards de francs ; dotation en capital, 10 milliards de francs ; subventions d'investissement, 3,3 milliards de francs. Soit un total pour RFF de 25,120 milliards de francs et un total général de 62,056 milliards de francs, à rapporter au total général pour 1997 de 57,091 milliards de francs, soit une augmentation de 8,77 %.
Je ne connais pas les chiffres pour 1999 mais je suis sûr, monsieur le ministre, que vous nous les donnerez, ainsi que les chiffres pour l'an 2000. Ma quatrième observation concernera, bien entendu, le système routier et autoroutier.
Je ne reviens pas sur la décroissance des crédits routiers, qui a été dénoncée par de nombreux orateurs.
Le freinage du programme autoroutier est inacceptable compte tenu de la croissance des besoins et des trafics. L'avenir risque, à cet égard, de nous amener à des réveils douloureux.
En termes de sécurité routière, la France, on l'a dit, est un des pays développés les plus meurtriers.
Certes, le manque de civisme est un facteur important de cause des accidents : vitesse, boisson, non-respect de la réglementation...
La qualité des infrastructures est également un élément majeur de la sécurité. Cela est plus particulièrement vrai avec la séparation des flux. Des investissements routiers et autoroutiers en moins, je l'ai déjà dit, ce sont des morts en plus.
J'en viens, pour conclure, à la situation financière et à la réforme nécessaire des sociétés d'autoroutes.
Il est impératif de réformer le statut des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes, les SEMCA, et de les aligner sur le droit commun pour leur gestion, leur régime fiscal et leurs relations financières avec l'Etat.
Il est également nécessaire de dire la vérité au Parlement et à la nation sur l'équilibre financier du système des autoroutes concédées.
Vous nous avez dit que le système autoroutier était au bord de la faillite financière. Vous savez bien, monsieur le ministre, que ce n'est pas le cas.
Il est vrai que l'endettement est de 160 milliards de francs, mais il est également vrai que les recettes des péages s'élèvent à 30 milliards de francs par an, avec un taux de croissance d'environ 8 % par an.
Avec un trafic moyen d'environ 25 000 véhicules-jour, notre système autoroutier concédé non seulement ne reçoit aucune subvention de l'Etat - aucune, j'y insiste - mais apporte à l'Etat plus de 7 milliards de francs de recettes et taxes divers.
Au travers de l'article 33 du projet de loi de finances pour 2000, vous envisagez d'ailleurs de le ponctionner encore de 300 millions de francs supplémentaires. Le Sénat, il y a quelques jours, a supprimé cet article que vous ferez, bien entendu, rétablir par votre majorité à l'Assemblée nationale.
Une partie de ces recettes va alimenter le FITTVN. C'est une disposition de la loi de 1995 que vous utilisez de plus en plus pour faire financer le système ferroviaire par le système autoroutier. Vous admettez donc, ainsi, qu'un mode de transport puisse subventionner un autre mode de transport ! Dans ces conditions, comment expliquez-vous les critiques formulées sur la technique de l'adossement, qui consiste à faire une péréquation au sein d'un même mode de transport !
M. le président. Monsieur Oudin, veuillez prendre le TGV pour conclure, s'il vous plaît ! (Sourires.)
M. Jacques Oudin. J'en termine, monsieur le président.

Pour répondre aux exigences de Bruxelles, que je trouve, pour ma part, raisonnables, j'ai proposé un système de péréquation au sein du secteur autoroutier. C'est l'un des objectifs de ma proposition de loi déposée le 18 mai 1999.
Pour conclure, je vous poserai trois brèves questions.
Quand déposerez-vous votre projet de loi sur la réforme des SEMCA ?
Les autorités de Bruxelles ont-elles accepté votre demande de prolongation des concessions autoroutières de vingt ans ?
Enfin, à votre avis, combien de kilomètres d'autoroutes devraient être mis en service, chaque année au cours de la période 2000-2007 ?
Monsieur le ministre, une partie de notre développement économique passe par la qualité de nos échanges, et donc par la qualité de nos infrastructures de transport.
Or, une politique d'infrastructures est une politique à très long terme, très sensible aux inflexions du moment.
Compte tenu des décisions que vous avez prises, ou que vous avez omis de prendre, je ne suis pas sûr que, au bout du compte, vous soyez au rendez-vous de l'histoire ! (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si le transport routier continue à nécessiter des investissements importants, si le transport ferroviaire est un élément clé parmi les modes de transport, si le transport combiné doit être stimulé, nous ne devons pas, pour autant, oublier le transport fluvial.
La France a été, pendant longtemps, un pays dans lequel les canaux étaient considérés comme une voie de communication importante. Depuis plusieurs décennies, les canaux sont tombés en désuétude, et la voie d'eau est devenue la mal-aimée de nos modes de transport.
Je ne vous en fais pas le reproche, monsieur le ministre ; j'ai, voilà dix-huit ans, affronté le même sentiment d'incrédulité, venant de la part des mêmes, à l'égard de la voie d'eau.
Or, tout milite en faveur de la réhabilitation de la voie d'eau, à laquelle je crois fermement. Le fait que nos voisins européens de l'Est et du Nord lui accordent une place de choix et aient mis ou mettent au grand gabarit les liaisons entre Rhin et Danube, entre Elbe et Oder, l'élargissement de l'espace européen vers l'Est, la saturation, de plus en plus mal supportée, du trafic de camions dans les sillons rhénan et rhodanien, mais aussi ailleurs, sont autant d'arguments qui démentent les prévisions systématiquement pessimistes des détracteurs de la voie d'eau.
C'est parce qu'il en est ainsi que le Parlement avait prévu d'inscrire dans la loi d'aménagement du territoire de février 1995 la réalisation de la liaison à grand gabarit Rhin-Rhône et qu'il avait dégagé les moyens de son financement.
Il s'était fait, en l'occurrence, l'écho d'une volonté clairement exprimée par tous les présidents, sans exception, de la Ve République.
Je m'associe à la conclusion de l'avis de notre collègue Georges Gruillot lorsqu'il se demande « s'il existe une véritable "volonté politique" en matière de voies navigables » - et ce au-delà des alternances - lorsqu'il rappelle que « le canal à grand gabarit Rhin-Rhône était - et j'ajouterai « est » - « un grand projet » et lorsqu'il insiste sur le fait qu'« il convient d'être vigilant sur l'évolution de ces dossiers ».
Il ne s'agit pas de se résigner, comme l'a encore récemment fait un rapport parlementaire sur l'axe Rhin-Rhône en étant totalement muet sur le volet fluvial.
Plus que jamais, pour des raisons économiques, pour des raisons liées à l'aménagement du territoire et, ajouterai-je, pour des motifs d'ordre écologique, la voie d'eau reste un mode de transport nécessaire et, je le crois, un mode de transport d'avenir. Puissiez-vous, monsieur le ministre, partager cette conviction ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à dix-neuf heures vingt.)