Séance du 6 décembre 1999
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'emploi et la solidarité : II. - Santé et solidarité.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 35 minutes ;
Groupe socialiste, 22 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 41 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Madame le secrétaire d'Etat, lorsque, le 24 novembre dernier, vous avez, avec
Mme Aubry, présenté votre projet de budget devant la commission des affaires
sociales du Sénat, vous avez évoqué, en matière de santé, trois priorités que
vous souhaitiez affirmer cette année, parmi lesquelles le renforcement de la
sécurité sanitaire et des politiques de santé publique.
Mon intervention portera exclusivement sur ces deux volets de votre
politique.
Je m'intéresserai tout d'abord au renforcement des politiques de santé
publique, puis à la sécurité sanitaire, domaine auquel je porte, vous le
comprendrez, une vigilance toute particulière.
S'agissant du renforcement des politiques de santé publique, je constate
qu'au-delà de l'effet d'annonce cette priorité a un contenu, à vrai dire, bien
léger.
Certes, des crédits sont censés répondre aux fléaux que constituent l'hépatite
C, le sida, le tabagisme, l'alcoolisme et la toxicomanie.
Mais, en matière de santé publique - je le dis chaque année - on manque d'un
objectif clair, s'appuyant sur des données épidémiologiques indiscutables, à
savoir faire reculer la mortalité prématurée évitable, comme on manque d'une
stratégie s'inscrivant nécessairement dans la durée.
Tel paraissait être d'ailleurs l'objectif de l'article 20 de la loi de
financement de la sécurité sociale pour 1999, qui visait à mettre en place des
programmes de dépistage et de lutte contre les maladies aux conséquences
mortelles évitables.
Un an plus tard, nous attendons toujours les textes d'application et la liste
des maladies qui seraient concernées. En cette matière, comme dans d'autres,
les déclarations d'intention ne sauraient suffire.
Je citerai un exemple particulièrement éloquent : le cancer colorectal tue
chaque année entre 15 000 et 16 000 Français, et seulement 3 % des explorations
endoscopiques du côlon et du rectum permettent d'en faire le diagnostic. Depuis
1993, neuf enquêtes épidémiologiques, en France et à l'étranger, ont démontré
que l'utilisation d'un test, l'Hemoccult II, tous les deux ans au-delà de
cinquante ans, permet de réduire de 30 % à 44 % une telle mortalité.
La conférence de consensus organisée par l'ANAES sur cette question a
d'ailleurs mis en évidence que « le test Hemoccult II a une sensibilité et une
spécificité acceptables dans le cadre d'un programme de dépistage réalisé dans
de bonnes conditions : il permet de dépister environ 50 % des cancers et 20 %
des adénomes de plus de 1 centimère. »
Ce dépistage permettrait, en outre, de réduire significativement le nombre de
coloscopies pratiquées dans notre pays, dont la pratique n'est pas anodine et
dont le rendement est faible. De nombreux médecins ont alerté les pouvoirs
publics et l'opinion sur cette question ; selon eux, 3 000 décès au moins
pourraient être évités chaque année si ce dépistage était institué.
Or, malgré les engagements pris l'an dernier visant à étendre le dépistage du
cancer du côlon, aucun texte d'application, décret ou arrêté, n'est publié à ce
jour. Les deux premiers textes sont annoncés pour publication au cours du
dernier trimestre 1999. Nous sommes déjà le 6 décembre ; pourriez-vous, madame
le secrétaire d'Etat, nous apporter davantage de précisions quant à leur date
de parution ?
L'exemple du dépistage du cancer colorectal n'est pas - hélas ! - le seul qui
montre le décalage entre les paroles et les actes, entre les déclarations
d'intention et la réalité des faits.
En matière de santé publique, c'est inacceptable. Et l'on est amené à
s'interroger sur l'utilité de créer des structures au nom de la démocratie
sanitaire, telles que le Haut comité de santé publique ou les conférences
régionales et nationales de santé, si leurs propositions restent lettre
morte.
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité a annoncé qu'un débat
d'orientation sur la santé publique se tiendrait au printemps.
Un débat supplémentaire chaque année risque d'être un débat pour rien. Les
choix de santé publique ne peuvent en effet se traduire que par des engagements
pluriannuels, répondant à des objectifs précis et pour lequels des données
épidémiologiques permettent d'évaluer les actions et d'en mesurer les
effets.
Parmi les causes de iatrogénies qu'il définit comme « toute pathologie
d'origine médicale », le Haut comité de santé publique souligne d'ailleurs les
conséquences d'une absence ou d'un report de décision de soins sur la santé de
nos concitoyens.
Une autre priorité de votre action pour 2000, madame le secrétaire d'Etat,
porte sur le renforcement de la sécurité sanitaire.
Mme le ministre a annoncé, je la cite, que la montée en charge des agences de
sécurité sanitaire était assurée. J'aimerais revenir plus en détails sur leur
financement et sur leur fonctionnement.
En ce qui concerne le financement, vous avez mentionné en commission un
chiffre global de 495 millions de francs, en augmentation de 157 millions de
francs, ces crédits couvrant l'ensemble des agences, c'est-à-dire pas
uniquement celles qui ont été créées pas la loi du 1er juillet 1998. Les
chiffres concernent donc l'Agence française de sécurité sanitaire des produits
de santé, l'AFSSAPS ; l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments,
l'AFSSA ; l'Institut de veille sanitaire, l'IVS ; l'Agence française du sang,
l'AFS, qui deviendra, au 1er janvier 2000, l'Etablissement français du sang ;
l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES ; l'Office
de protection contre les rayonnements ionisants, l'OPRI, et l'établissement
français des greffes, l'EFG.
Je ne conteste pas l'effort entrepris par l'Etat pour doter ces structures de
moyens supplémentaires. Je note toutefois que l'effort portant sur les seules
agences créées par la loi du 1er juillet 1998 se monte à 108 millions de
francs.
Je m'interroge sur l'adéquation entre les missions nouvelles que l'on souhaite
confier notamment à l'AFSSAPS et à l'AFSSA et le montant des crédits qui leur
sont affectés.
En ce qui concerne l'AFSSAPS, je note ainsi que, si l'Etat prévoit en 2000 de
lui verser une subvention de 174 millions de francs, en augmentation de 55
millions de francs par rapport à 1999, l'agence, quant à elle, a prévu un
budget de fonctionnement de 405 millions de francs, dont les deux tiers
proviendront de taxes et de redevances versés par les industriels.
Faisant miennes les observations formulées ce matin par l'excellent rapporteur
de la commission des affaires sociales, je m'interroge sur le ratio entre le
financement public et privé, dont je considère comme lui qu'il est
déséquilibré. Seule l'industrie pharmaceutique contribue massivement au
financement de l'agence, alors même que les nouvelles mission de celle-ci
couvrent bien plus largement tous les produits de santé et les produits
cosmétiques. Il paraît nécessaire et urgent de mettre en place une autre
répartition du financement.
Dois-je vous rappeler, madame le secrétaire d'Etat, que lorsque l'Agence du
médicament avait été créée, l'équilibre qui avait été considéré comme pertinent
était de 60-40 ? Nous constatons, au fil des années, que cet équilibre est
compromis et nous nous demandons pourquoi.
Si l'AFSSAPS dépend trop, pour son financement, d'un seul secteur industriel
avec, de la part de certains, une suspicion, à mes yeux, non fondée quant aux
conséquences sur l'indépendance même des décisions de l'agence, l'AFSSA, quant
à elle, à l'exception des redevances liées à l'activité de l'Agence du
médicament vétérinaire, ne doit ses moyens financiers qu'à la puissance
publique. Encore doit-elle les négocier, comme cela a été rappelé par M. Louis
Boyer, auprès de trois ministère différents : santé, agriculture, économie et
finances. Il y a, là encore, tout lieu de craindre que ce financement, au gré
des arbitrages des uns et des autres, ne permette par une action pérenne de
cette agence dont le devenir, comme vous le savez, me donne, ainsi qu'à
d'autres, quelques soucis.
Je remarque également que, pour l'année 2000, le financement de l'AFSSA par le
ministère de l'agriculture fait l'objet de subventions, bien distinctes et que
les activités de l'ex-CNEVA, le Centre national d'études vétérinaires et
alimentaires, sont présentées indépendamment des activités nouvelles de
l'agence. Il faut espérer que cette présentation comptable n'est que temporaire
et qu'elle ne témoigne pas d'une volonté de conserver des structures qui
doivent désormais faire partie d'un ensemble.
En outre, alors même que le législateur a créé ces agences dans un souci de
contribuer au renforcement de la sécurité sanitaire de nos concitoyens, alors
même que l'impératif de santé publique doit y être prédominant, il voit, et
avec inquiétude, la part de la subvention du ministère de la santé dans le
budget de l'AFSSA s'élever à seulement 4,8 % du budget total. Connaissant les
pesanteurs auxquelles le législateur s'est déjà heurté maintes fois, comment
être assuré que le ministre en charge de la santé et, par là même, garant de la
santé publique, sera toujours entendu ?
En 1999, l'institut de veille sanitaire recevra une dotation de 101 millions
de francs. Son budget de fonctionnement pour 1999 atteignait 105 millions de
francs, dont 62,6 millions de francs provenaient de l'Etat. Cela laisse
présager la poursuite de la montée en charge de cet institut.
Pour conclure sur ce point, je voudrais rappeler qu'au cours des débats qui
ont précédé l'adoption de la loi du 1er juillet 1998 j'ai, à plusieurs
reprises, évoqué la question du financement et constamment réaffirmé que cette
réforme ne pouvait pas se faire à moyens financiers constants. En effet,
l'exigence de sécurité sanitaire nécessite que les agences disposent des moyens
de remplir correctement leurs missions. La volonté politique doit se retrouver
dans la réalité des budgets mis en oeuvre et dans leur lisibilité. La
présentation actuelle ne permet pas, en effet, de connaître précisément les
moyens financiers dont disposent les agences, ni l'origine des financements ni,
à plus forte raison, leur évolution dans le temps.
S'agissant de l'ANAES, je souligne la nécessité de poursuivre les efforts
entrepris. Grâce à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000,
l'ANAES a été recentrée sur ses deux missions de base, l'accréditation et
l'évaluation en santé. L'ANAES a été chargée de la mise en place des références
médicales opposables. Or les délais d'attente dans ce domaine se sont
considérablement allongés, pour atteindre parfois plus de dix-huit mois.
Sachant l'importance de ces règles pour améliorer les pratiques médicales, il y
a lieu de renforcer les moyens de l'ANAES dans ce domaine.
Quant au fonctionnement des agences, je voudrais revenir sur le rôle de
l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments dans ce que les médias
ont baptisé la « guerre du boeuf ».
Comme je l'ai exprimé publiquement déjà, j'ai apprécié les capacités
d'expertise de l'agence dans ce domaine. Chacun a pu en juger.
Mais je déplore, une fois encore, la manière dont le Gouvernement a géré cette
crise. En refusant d'accorder à l'agence un pouvoir de décision en matière de
gestion du risque, contrairement à l'Allemagne, en faisant du ministre de
l'agriculture le pilote de ce dossier difficile, on a donné à penser que la
priorité de santé publique n'était pas l'objectif premier.
La gestion de la crise a fragilisé l'agence. Votre ministère, madame le
secrétaire d'Etat, a été le grand absent de ce conflit. Je ne peux que le
déplorer, vous aussi, peut-être.
Je ne voudrais pas terminer ce tour d'horizon sur l'application de la loi du
1er juillet 1998 sans évoquer deux points qui, chacun à leur manière,
illustrent la difficulté de l'administration à tenir compte de la volonté du
législateur.
Il s'agit, d'abord, du retard inadmissible dans la parution des textes
d'application. Certes, les décrets constitutifs, après plus de neuf mois
d'attente, ont fini par voir le jour, mais la loi du 1er juillet 1998 comporte
également des dispositions réglementaires applicables à différents produits de
santé, tels que les dispositifs médicaux à risque particulier, les produits
cosmétiques, les réactifs, les produits thérapeutiques annexes, etc., pour
lesquelles aucun décret d'application n'est encore paru. Plus de quatorze
articles de cette loi restent ainsi en attente. C'est profondément
regrettable.
Il serait judicieux d'affecter en priorité les nouveaux effectifs de votre
ministère à la préparation des décrets d'application en souffrance.
Concernant également l'augmentation de l'encadrement de votre ministère, je
souhaiterais que vous me précisiez, parmi ces nouveaux postes, combien seront
affectés au renforcement des moyens d'inspection des services extérieurs de
l'Etat, qui ont aussi leur rôle à jouer dans la mission de contrôle de la
sécurité sanitaire. Je pense en particulier à la nécessité de renforcer le
nombre de postes de médecin et de pharmacien inspecteur de la santé publique,
dont les missions sont essentielles et les effectifs chroniquement
insuffisants.
Ma deuxième remarque portera sur la mise en place du comité national de
sécurité sanitaire. Créé sur l'initiative de nos collègues députés, ce comité
avait pour but, selon le rapporteur à l'Assemblée nationale, M. Alain Calmat,
de permettre « de confronter régulièrement les informations disponibles sur les
risques sanitaires et les situations épidémiologiques et de coordonner
l'intervention des trois structures ». Ce comité, suivant le souhait même du
législateur, doit être une structure légère, coordonnant les actions des uns et
des autres ; il n'a, en aucun cas, reçu pour mission de procéder à un travail
d'évaluation, qui est par ailleurs déjà entrepris au sein des agences.
Quelle n'a pas été ma surprise d'apprendre que ce comité a décidé de créer des
groupes de travail dont les avis et rapports sont attendus dans six mois ! L'un
de ces groupes a pour tâche de travailler sur l'évaluation des risques
sanitaires faibles, tels que les expositions à la dioxine qui apparaissent
parmi les priorités de l'Institut de veille sanitaire.
Le dévoiement des missions du comité national de sécurité sanitaire me semble
contraire à la volonté de lisibilité et de cohérence qui avait présidé à
l'élaboration de la loi tout au long des travaux préparatoires.
Madame le secrétaire d'Etat, telles sont les interrogations, les réserves et
les critiques que j'ai voulu exprimer au nom du groupe de l'Union centriste.
Elles sont suffisamment graves et sérieuses pour que, suivant l'avis de la
commission des affaires sociales, nous rejetions les crédits de votre
ministère.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
limiterai mon propos aux restructurations hospitalières, en particulier au rôle
de ce que j'appelle l'« hôpital général de proximité » et aux difficultés qu'il
rencontre.
La grande réforme initiée par les ordonnances de 1996 avait donné l'espoir que
les restructurations se réaliseraient dans un cadre intégrant simultanément les
notions de services rendus à la population, d'égalité d'accès aux soins de
qualité et de maîtrise des coûts.
Qu'en est-il aujourd'hui ?
Les expériences sont variées, les résultats très inégaux. Certaines mutations
bien préparées, conduites par des hommes et des femmes de qualité, réussissent.
D'autres butent sur de grandes difficultés d'ordre divers.
A cet égard, M. le rapporteur pour avis a relevé, à la suite de la Cour des
comptes, le bilan très critique du fonctionnement du Fonds d'investissement
pour la modernisation des hôpitaux, qui rassemble désormais l'intégralité des
subventions d'Etat aux équipements hospitaliers.
La procédure de sélection des dossiers et leur instruction ont pris un grand
retard, ce qui s'est traduit par un faible taux de consommation des crédits.
On peut s'interroger légitimement sur les raisons, alors que les besoins
existent.
Le précédent directeur de la santé ne disait-il pas lui-même, quand il a
renoncé à ce poste, qu'il avait dû « mener son action à la direction générale
de la santé (...) au prix de grosses difficultés dues à l'organisation
administrative du ministère, organisation qui ne permet pas toujours d'oeuvrer
aussi vite et aussi efficacement qu'il le faudrait ». Dur constat !
Il est également regrettable que les procédures d'accréditation des
établissements de santé aient pris du retard. Cela est très dommageable car
elles permettraient de « donner au public des informations plus fiables que
celles qui résultent du classement dans la presse ». Grâce à la constitution de
vraies communautés d'établissements et aux contrats d'objectifs avec les
agences régionales de l'hospitalisation, on pourrait sans doute éviter de
fermer des services ou des établissements « à l'aveugle ».
J'en reviens à l'hôpital général de proximité, ce mal-aimé des théoriciens,
pourtant plébiscité par les populations, aussi bien dans les sondages que par
les manifestations de masse qui ont lieu chaque fois qu'un établissement est
discrédité et menacé ou en cas de fermeture, celle-ci étant ressentie comme une
véritable amputation.
S'agissant de discrédit, dans l'union hospitalière que je préside, vingt et un
établissements - grands et petits - injustement attaqués dans la presse ont
porté plainte et ont gagné très récemment devant le tribunal, l'hebdomadaire
concerné ayant été condamné à de lourdes amendes. Dont acte. Mais on ne le sait
pas suffisamment.
Par ailleurs, j'ai peine à croire que l'on fera systématiquement des économies
en regroupant dans des hôpitaux plus lointains et plus spécialisés, donc plus
chers, les patients des services fermés, d'autant que ces hôpitaux d'accueil
manquent aussi, la plupart du temps, d'anesthésistes, d'obstétriciens et de
chirurgiens. Il faudra bien embaucher et la difficulté sera la même puisque,
nous le savons bien, au niveau national l'écart se creuse entre les postes à
pourvoir et les postulants.
Ne serait-il pas temps d'examiner le problème en face, ainsi que les séries de
mesures susceptibles de combler ce déficit dramatique ? Il faudrait
rééquilibrer un besoin de postes sans cesse amplifié par l'inflation
d'exigences réglementaires et une désaffection de plus en plus marquée pour ces
métiers, due à la fois à des problèmes de rémunération, de temps de garde mal
payés et, il faut bien le dire, d'inquiétude devant une opinion qui pousse à
traduire les médecins devant les tribunaux comme de vils délinquants.
Ce que j'appelle l'« hôpital général de proximité », car il n'y a pas de
terminologie officielle, comporte au moins les trois services actifs -
chirurgie, obstétrique et anesthésie - auxquels il faut bien sûr adjoindre un
serviced'urgences.
S'agissant des urgences, tout a été dit, mais seules ont été retenues les
études des grands professeurs de l'université, qui n'ont jamais travaillé qu'en
CHU, centre hospitalier et universitaire, et ne conçoivent guère que l'on
puisse être soigné ailleurs. Mais que feront-ils si leurs services sont
submergés par une population nouvelle qui ne relève pas de leur indéniable et
haute compétence ? Je précise que cette question a été posée récemment dans un
journal par le directeur des urgences d'un CHU de Basse-Normandie. Comme on ne
dénombre qu'un CHU dans cette région, on le situera facilement !
(Sourires.)
Oui, nous avons besoin de médecins performants, de spécialistes éminents,
de plateaux techniques sophistiqués, de chercheurs de haut niveau, mais il est
bien évident qu'il faut une hiérarchie des soins et des compétences, reposant
sur une complémentarité des établissements, en fonction de la gravité des états
ou des interventions. Or, c'est ce qui est bafoué, chaque fois que les
mutations nécessaires sont imposées d'en haut, de façon parfois abusive ou mal
préparée. J'en ai, hélas ! un exemple criant dans mon département de la
Manche.
En fait, madame le secrétaire d'Etat, ce que la population veut pour ses
hôpitaux généraux de proximité est simple : un accueil humain et compétent - ce
qui pose notamment le problème du tri et de l'organisation des urgences - des
premiers secours bien organisés et rapides - ce qui suppose une coordination
entres services - et des soins de base relativement proches, tout au moins
facilement accessibles.
Contrairement à ce que l'on dit, la population n'est nullement hostile au fait
d'aller dans un hôpital plus éloigné, si besoin est. Bien au contraire, c'est
pour elle une garantie de qualité et de sécurité des soins.
L'hôpital général de proximité, quant à lui, travaille en réseau depuis déjà
bien longtemps, car il connaît ses propres limites. Qu'il soit nécessaire
d'améliorer ou de transformer nombre d'entre eux, certes, mais je ne suis pas
la seule à estimer qu'il est possible d'allier exigence de qualité et exigence
de proximité pour une part de dépenses raisonnables.
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Excellent !
Mme Anne Heinis.
Je rappelle que les trois quarts de la population passent par des hôpitaux
généraux publics ou privés de tous niveaux, pour seulement un quart de la
dépense hospitalière, et qu'ils assurent, au sein de l'hôpital public, 60 % des
actes de médecine, de chirurgie et d'obstétrique ; c'est dire l'importance de
leur rôle.
Ce sont les chiffres qui nous avaient été communiqués par les services du
ministère lorsque j'étais au Haut conseil de la réforme hospitalière, voilà
cinq ans environ. Ils n'ont guère dû changer.
Il faut cesser de faire croire et de proclamer que la sécurité sanitaire
dépend uniquement de la sophistication des plateaux techniques, parce que c'est
un argument facile qui s'appuie sur la peur. En réalité, la qualité des soins
dépend du nombre et de la compétence des médecins, ainsi que de la bonne
organisation des réseaux qui doivent prendre en compte aussi bien le secteur
public que le secteur privé.
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Très bien !
Mme Anne Heinis.
Cela figure d'ailleurs dans les nouveaux textes.
Le problème fondamental des hôpitaux généraux de proximité, c'est le
recrutement médical et infirmier, en nombre et en formations adaptés aux
besoins, ce qui nous ramène bien sûr au problème que je viens d'évoquer et à la
réforme des études médicales, dont je vais dire un mot.
Nous sommes dans une spirale infernale dont le rythme s'est accéléré depuis la
réforme de M. Ralite, à l'époque ministre de la santé, instituant l'internat
qualifiant et supprimant les CES, qui étaient les sources des recrutements de
nos hôpitaux généraux de proximité, en particulier pour les services actifs de
chirurgie, obstétrique, anesthésie.
Il faut reconnaître que le processus avait déjà été entamé avec la baisse
programmée du nombre des internes en formation, et sans lesquels nos hôpitaux
ne pourraient pas fonctionner. Et bien que ce soit clairement prévisible - je
me souviens d'avoir fait une étude avec le médecin de mon hôpital et la région
de Basse-Normandie ; on connaissait les chiffres - jamais aucun gouvernement
n'a programmé un système de remplacement adapté avec le personnel nécessaire.
Ce fut le premier coup meurtrier porté à l'hôpital général de proximité.
Alors qu'il faudrait former de nouvelles générations d'internes en nombre
suffisant, sans oublier les internistes et les urgentistes - j'ai entendu
maintes fois qu'on les réclamait - spécialités encore quasi inexistantes en
tant que telles, les instructions actuelles limitent de façon draconienne le
nombre des internes dans les spécialités dont nous avons besoin : obstétrique
et anesthésie, voire - et ce sont les instructions dans ma région - quand elles
ne les diminuent pas, pour la chirurgie, alors que l'on manque cruellement de
personnels dans ces disciplines. Etrange façon de régler les problèmes, sauf
s'il y a derrière une volonté cachée de fermer des services, ce qui m'apparaît
hélas ! de plus en plus clairement.
En matière de formation, ce n'est pas de sciences humaines dont nous avons
besoin en priorité dans les études médicales. Elles n'enseignent pas l'art du
comportement en face de l'autre. En matière médicale, et les médecins me l'ont
répété, c'est de formation au lit du malade dont nous avons besoin, là où se
passe une bonne partie de l'apprentissage du diagnostic qui, hélàs ! est de
plus en plus défaillant, ce qui entraîne la multiplication des examens.
Pour des raisons de coût mal étudiées à l'époque, comme on ne pouvait pas
faire baisser autoritairement le nombre des malades, il avait été tout
simplement décidé de réduire le nombre des médecins, afin d'abaisser les coûts.
C'est simple, mais il fallait y penser ! Cependant, il s'agit tout de même là
d'un étrange raccourci, qui fait que nous occupons le douzième rang mondial en
matière de santé. Ce n'est tout de même pas très brillant, et cela devrait nous
amener à nous interroger sur la pertinence de notre politique. La maîtrise
médicalisée des dépenses de santé, l'aménagement du territoire, dont le
maillage en réseau des hôpitaux est un élément fort, et les aspirations de la
population ne sont pas antinomiques. C'est la façon dont on aborde ces
questions qui les rend antinomiques.
En effet, nous sommes obsédés par des solutions techniques à caractère
universel qui ne permettent aucune adaptation aux besoins du terrain, alors
même que, précisément, cette adaptation constitue l'une des clés à la fois d'un
aménagement opérationnel du territoire et d'un bon service de santé. On brandit
comme un drapeau le grand concept de l'égalité d'accès aux soins pour tous,
mais on organise insidieusement un système qui aggrave la situation de toute
une partie de la population, déjà handicapée par son éloignement des
infrastructures. Si par malheur, après étude, il apparaît qu'il est impossible
de faire autrement que fermer l'hôpital, parce que cela peut également arriver,
que l'on ait au moins le courage de le dire, mais que l'on n'explique pas aux
gens, sans la moindre vergogne, que c'est pour leur sécurité, et que l'on
organise au moins des relais entre l'hôpital et les territoires concernés. Ce
n'est pas le cas, et cela m'inquiète.
On sait très bien, par exemple, qu'il y a environ 10 % d'accouchements à
risque, que l'on sait maintenant détecter, et 10 % de cas graves, dans le flot
des urgences, qui nécessitent une intervention chirurgicale immédiate. Ne
vaudrait-il pas mieux mettre sur pied un tri de bonne qualité, qui serait
effectué par des médecins expérimentés dans les hôpitaux généraux de proximité,
dont le coût de fonctionnement est quand même beaucoup moins élevé, afin de
transférer dans de bonnes conditions les patients relevant de services
spécialisés, bien équipés sur le plan technique ?
Mais cela pose, là encore, le problème de la mise en place de réseaux bien
conçus et celui de la formation d'urgentiste, que l'on évacue. Si j'insiste sur
ce dernier point, c'est parce que nous connaissons bien ce problème dans ma
région, où l'on va probablement fermer l'hôpital, au motif qu'il manque un
urgentiste. Mais un tel poste est très difficile à pourvoir, et c'est pourquoi
je suis très sensibilisée à ce problème.
On comprend bien que l'approche que je défends va totalement à l'encontre de
la politique actuelle, qui s'appuie exclusivement sur une approche bien trop
strictement administrative et macro-économique. Celle-ci est certes nécessaire
en tant que moyen de mesure et élément de stratégie générale, mais elle ne
suffit pas. L'homme souffrant a besoin, plus encore que les autres, de
proximité, y compris sur le plan social.
La sécurité sanitaire, comme la sécurité tout court d'ailleurs, le bien-être
de la population, comme ses moyens d'existence, relèvent d'une autre approche,
complémentaire de la première, et imposent l'étude réelle des besoins et des
solutions possibles, des contraintes et des coûts réels, qui ne doivent pas
être occultés simplement parce qu'ils nous dérangent.
Mes chers collègues, ce que j'ai voulu faire, c'est plaider pour l'homme
souffrant, l'homme en détresse qui a peur de la maladie et de la mort, mais qui
affronte aussi les difficultés de l'existence, le chômage et la détresse
sociale, qui sont au coeur de toutes les exclusions.
Aussi, pour conclure, poserai-je une question : comment peut-on espérer avoir
une vision claire des coûts et de leur influence sur l'équilibre des comptes de
la sécurité sociale si l'on mélange le financement de celle-ci avec celui du
passage aux 35 heures ?
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Très bien ! Très bonne question !
Mme Anne Heinis.
Le débat est plus que jamais faussé, ce qui permet, en toute impunité, de
supprimer ce qui dérange, au nom bien sûr de l'égalité d'accès aux soins, de la
sécurité et de la maîtrise des coûts, qui, en l'occurrence, ont plutôt bon dos.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
permettez-moi d'aborder les problèmes dans un ordre chronologique. Je
commencerai bien entendu par la contraception.
Le débat sur cette question vient d'être relancé par la récente décision de
Mme Ségolène Royal. A chacun son style ; je crois être fondé à penser, eu égard
à certaines réactions, que la concertation préalable avec les associations de
parents d'élèves et les associations familiales n'a peut-être pas été assez
complète,...
M. Claude Huriet.
Il n'y en a pas eu du tout !
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Lucien Neuwirth.
... ce qui est dommage sur un tel sujet, qui concerne au premier chef familles
et éducateurs.
Cependant, et c'est une évidence, mieux vaut, pour une adolescente, recourir à
une contraception d'urgence plutôt que de débuter sa vie de femme par un
avortement qui, quelles que soient les conditions dans lesquelles l'acte est
effectué, ne manque pas de provoquer une profond traumatisme, et, quelquefois,
de laisser des traces indélébiles.
Depuis des années, j'ai l'impression de prêcher dans le désert en demandant
que l'information sur la contraception soit poursuivie à l'intention des
nouvelles générations : c'est un silence assourdissant, mes chers collègues,
qui me répond. A ce sujet, qu'est devenu le Conseil supérieur de l'information
sur la contraception, où était représenté l'ensemble des syndicats et des
associations familiales ? Grâce à cet organisme, nous pouvions faire passer les
messages dans le langage qui était compris par les différentes catégories
d'enfants concernées. Par ailleurs, le planning familial est-il suffisamment
soutenu dans l'accomplissement de ses missions ?
De la même façon, une sorte de complicité du silence s'était établie autour de
la pilule du lendemain, sorte de « roue de secours » de la contraception, qui,
néanmoins, relève de la politique contraceptive.
Je ne peux pas non plus passer sous silence le fait qu'il existe un problème
de coût : en effet, un certain nombre de produits mieux dosés, plus adaptés, ne
sont pas remboursables. Je sais que, de même, d'autres méthodes contraceptives
moins astreignantes - vaccinations, implants, etc. - pourraient être
développées par l'industrie pharmaceutique. De plus, nous avons la certitude
que ces nouvelles méthodes sont attendues par le marché immense des pays à
démographie galopante, laquelle va de pair, hélas ! avec une mortalité féminine
considérable. Savez-vous, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, que
dans ces pays une femme meurt toutes les trois minutes en avortant ou en
accouchant ? Est-il vraiment impossible, en élargissant le débat, d'engager des
discussions sur le fond avec les laboratoires et l'industrie pharmaceutique
?
Voilà pour la contraception.
J'évoquerai aussi, à l'occasion de cette discussion budgétaire, les soins
palliatifs. Mon intervention - vous m'en excuserez, madame la secrétaire d'Etat
- se présentera essentiellement sous forme interrogative.
En effet, au cours de votre présentation devant la commission des crédits
consacrés à la santé, vous n'avez pas prononcé les mots : « soins palliatifs ».
Dois-je comprendre qu'aucun crédit budgétaire n'est destiné à améliorer la
prise en charge sanitaire des personnes en fin de vie ou à former les
professionnels de santé dans ce domaine ?
L'annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale n'a
malheureusement pas été plus explicite : elle mentionne en effet seulement que
« le dispositif de prise en charge à domicile des personnes en fin de vie sera
renforcé ». Soit ! Mais de quel dispositif s'agit-il ? Comment ? Avec quels
crédits ? Que se passera-t-il à l'hôpital ? Par ailleurs, est-il vraiment
impossible de reconsidérer la situation des associations de soins et de
services à domicile, qui risque de devenir critique ?
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
Absolument ! C'est un véritable problème !
M. Lucien Neuwirth.
Pour 1999, un financement de 180 millions de francs a été dégagé pour soutenir
le développement des soins palliatifs ; il devrait y avoir, à la fin de
l'année, au moins une équipe mobile ou une unité de soins palliatifs dans tous
les départements - je m'en félicite - à l'exception, hélas ! de la Guyane et de
la Guadeloupe. Mais ce n'est pas suffisant.
De même, en 1999, le fonds national d'action sanitaire et social de
l'assurance maladie a débloqué 50 millions de francs, qui seront consacrés à la
formation des bénévoles et à l'accompagnement. A ce sujet, où en est la
procédure d'agrément des associations ?
J'avais proposé, lors de la discussion de la loi du 9 juin 1999, que ce
financement soit pérenne et que l'assurance maladie finance chaque année ce
type d'actions au profit d'associations agréées de bénévoles. Je regrette que
cette disposition n'ait pas été acceptée par le Gouvernement, alors qu'elle
avait été adoptée à l'unanimité par la commission des affaires sociales du
Sénat. Quels crédits seront, cette année, consacrés par l'assurance maladie à
la formation des bénévoles, et où en est la procédure d'agrément des
associations ?
Par ailleurs, je voudrais savoir, madame la secrétaire d'Etat, quand seront
pris les décrets d'application de la loi du 9 juin 1999. Je suis en effet saisi
de nombreuses demandes de personnes qui savent que le Parlement a voté la
création d'un congé d'accompagnement et qui voudraient pouvoir en bénéficier,
et je suis contraint de leur répondre qu'il faut attendre la parution des
décrets. Sur un tel sujet, j'estime que celle-ci ne devrait pas trop tarder.
Je voudrais aussi savoir si le projet de loi de modernisation du système de
santé, que vous nous avez annoncé pour le printemps, comprendra des
dispositions relatives à l'hospitalisation à domicile, et si le verrou que
constitue le fameux « taux de change » sera enfin levé pour les soins
palliatifs ou, pour le moins, adapté aux réalités du moment.
Enfin, en matière de prise en charge de la douleur, je voudrais connaître le
nombre de postes de praticien hospitalier « fléché douleur » qui seront ouverts
cette année.
J'ai aussi le plaisir de vous annoncer que j'ai participé mercredi 1er
décembre, au Parlement européen, à la réunion de l'intergroupe « europe contre
la douleur », qui compte des représentants de tous les groupes et qui prépare
une résolution afin de désigner la lutte contre la douleur comme une priorité
de santé publique en Europe.
J'ose espérer que la France, qui prendra prochainement la présidence de
l'Union européenne, saura démontrer que, dans le domaine de la lutte contre la
douleur, elle veut se hisser au rang que nous souhaitons unanimement lui voir
occuper : le premier.
Relancer, pour l'établir d'une façon permanente, l'information sur la
contraception pour les nouvelles générations, tenir les engagements de votre
prédécesseur s'agissant du plan de trois ans de lutte contre la douleur,
dynamiser le processus de soins palliatifs, voilà, madame la secrétaire d'Etat,
trois lignes forces qui, toutes, vont dans la même direction : celle d'une
vision humaniste d'une même qualité de vie, de la naissance à la fin de cette
vie.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Unioncentriste.).
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce
projet de budget de la santé et de la solidarité est très particulier. Pour
presque la moitié de son montant, qui atteint 90,8 milliards de francs, il
témoigne de l'effort spécifique de l'Etat en faveur des laissés-pour-compte de
ce que j'appelle la solidarité nationale, et particulièrement de ceux qui en
sont exclus depuis longtemps parce qu'ils sont exclus du droit au travail.
Aussi, madame la secrétaire d'Etat, nous proposez-vous un projet de budget en
progression de 13 %, parce qu'il inclut les 7 milliards de francs de
contribution de l'Etat au financement de la couverture maladie universelle. A
périmètre égal, cette progression est de 5 % par rapport à 1999. Nous ne
pouvons que saluer et soutenir l'effort fait dans un certain nombre de
directions, notamment en ce qui concerne la sécurité sanitaire, même si
l'intervention privée est trop importante - ce qui, soit dit au passage,
m'avait amené à m'abstenir lors du vote de la loi portant création des agences
- la lutte contre le tabagisme, l'alcoolisme et la toxicomanie, la lutte contre
la maltraitance des enfants, l'éducation à la santé et le renforcement des
interventions en faveur de la reconnaissance des droits des femmes.
A ce propos, je souhaite que les 100 millions de francs inscrits à ce titre au
projet de budget pour 2000 témoignent de la priorité donnée par le Gouvernement
à la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes dans tous les
domaines et à l'affirmation des droits de celles-ci, s'agissant notamment de
l'accès à la contraception, que M. Neuwirth vient d'évoquer, et de l'IVG.
Il est bon, à mes yeux, que le Gouvernement s'engage à présenter, en annexe de
la loi de finances, un état retraçant l'ensemble des crédits des différents
ministères en faveur des droits des femmes, rendant ainsi plus lisibles les
politiques menées en ce domaine. Cela répond à un besoin.
En même temps, je ne peux que déplorer la persistance de difficultés majeures
pour un nombre trop important de nos concitoyens.
Le nombre de RMIstes continue d'augmenter, même si l'on observe un
ralentissement.
Le nombre de personnes vivant de minima sociaux, c'est-à-dire au-dessous du
seuil de pauvreté, n'a pas diminué et, au-dessus de ce seuil de pauvreté de 3
800 francs par mois, il y a les salariés précaires !
Cela me conduit à formuler deux remarques concernant l'action de l'Etat et la
politique du Gouvernement.
La première, c'est qu'il y a urgence à répondre durablement, par l'emploi, par
la protection sociale, par la lutte contre la précarité, aux besoins de nos
concitoyens.
C'est ce que nos concitoyens attendent d'une politique de gauche, madame la
secrétaire d'Etat, et c'est ce qu'ils expriment dans les enquêtes ou dans la
rue quand ils réclament une politique plus à gauche !
Comment s'en étonner quand coexistent records boursiers, profits des
entreprises supérieurs à 2 000 milliards de francs et licenciements massifs,
précarité, qui produisent chômage de masse et exclusions ?
Qui plus est, les entreprises supportent de moins en moins le poids du
chômage. En effet, comme chacun sait, seulement quatre chômeurs sur six sont
indemnisés.
Comme le disait mon ami Guy Fisher, ce matin, il est vraiment urgent de
s'attaquer à une réforme en profondeur de l'assurance chômage pour
responsabiliser les entreprises, au regard tant de la réparation provisoire que
du retour à l'emploi.
Est-ce à dire que l'Etat ne peut pas faire un peu plus, tout de suite, pour
les plus démunis ?
Cela me conduit à formuler ma seconde remarque : le maintien de la croissance,
les rentrées fiscales supplémentaires, le « mieux » économique ne font que
rendre plus insupportables encore les inégalités croissantes et les
exclusions.
Aussi les revalorisations prévues des minima sociaux ne me paraissent-elles
pas à la hauteur, même si les efforts consentis en matière de cumul de revenu
salarié et de RMI depuis l'an dernier sont positifs. L'augmentation est en
effet de 1,2 % pour le RMI et l'AAH, soit 0,2 % hors inflation. Il convient
aussi de rappeler que le RMI sera de 2 530 francs l'année prochaine, soit une
augmentation de 30 francs.
La revendication des chômeurs d'une prime de Noël de 3 000 francs s'en trouve
d'autant plus justifiée. Nous souhaitons, vous le savez, qu'elle fasse l'objet
d'un collectif budgétaire.
Une augmentation plus substantielle des minima sociaux serait le signe que
les fruits de la reprise économique profitent d'abord à la justice sociale.
Cette revalorisation des minima sociaux devrait se conjuguer avec un
accroissement des moyens attribués aux structures qui les mettent en oeuvre,
comme les caisses d'allocations familiales, les CAF.
En effet, c'est un nombre croissant de bénéficiaires que doivent traiter les
CAF, et ce avec des moyens humains et matériels insuffisants.
Les CAF, malheureusement, font vivre de nombreuses familles, en leur
fournissant parfois jusqu'à 80 % de leur budget. C'est dire à quel point les
retards de versement, qui peuvent atteindre plusieurs mois, peuvent avoir des
conséquences dramatiques pour les familles et conduire à des comportements qui
rendent plus difficiles encore les conditions de travail des personnels.
Je réitère donc ma demande, madame la secrétaire d'Etat, que l'on dote très
rapidement les CAF de moyens et de ressources suffisants.
Je souhaite maintenant faire quelques commentaires sur d'autres aspects de ce
budget.
Les crédits de la CMU s'élèvent à 7 milliards de francs, soit les deux tiers
de la progression totale du budget. En même temps, ces 7 milliards de francs -
selon les prévisions, ce devait être 7,2 milliards de francs - correspondent,
pour la majeure partie, à un transfert de dépenses existantes. L'intervention
nouvelle de l'Etat est donc, en fait, cette année de 1,5 milliard de francs.
Aujourd'hui, je me dois d'exprimer quelques craintes quant à l'application de
la CMU, déjà bridée, avant même d'avoir vu le jour, par une logique de
limitation des remboursements, de paniers de soins indépassables en matière de
remboursement, comme l'ont exigé la CNAM et les partenaires complémentaires,
limitation que le Gouvernement a acceptée, si j'en juge par les décrets.
Les conditions très restrictives pour les étrangers - que le Conseil d'Etat ne
fait pas siennes - et pour les étudiants, si j'en crois toujours les décrets
d'application, vont dans le même sens.
Par ailleurs, les effets de seuil résultant du plafond de 3 500 francs, que
nous avions estimé trop bas, ont pour résultat d'exclure un grand nombre de
personnes du dispositif et de les faire retomber dans la démarche stigmatisante
du recours à l'aide sociale.
On ne peut pas se contenter de recommander au personnel médical et social de
traiter ces cas avec bienveillance, il est nécessaire d'instaurer, par exemple,
une cotisation sociale sur les revenus financiers des entreprises, qui
permettrait de dégager des moyens, notamment pour ces salariés précaires à
peine mieux lotis que les personnes qui sont en dessous du seuil de 3 500
francs.
La volonté affirmée par le Gouvernement de pénaliser les entreprises qui
recourent indûment au travail précaire va évidemment dans ce sens.
J'ajoute que la mise en application de la loi au 1er janvier suppose également
que l'on donne les moyens nécessaires aux différents centres de la CNAM, qui
verront augmenter leur charge de travail alors que nombre d'entre eux sont déjà
asphyxiés.
Les personnels ont exprimé, à ce sujet, de fortes inquiétudes, auxquelles le
Gouvernement devra répondre rapidement. En effet, l'on peut se demander si les
1 400 postes dont la création a été confirmée lors de la discussion du projet
de loi de financement de la sécurité sociale seront suffisants pour faire face
aux besoins existants et nouveaux.
Je dirai quelques mots sur la politique du Gouvernement en matière de lutte
contre la toxicomanie.
L'approche globale, fondée sur les comportements plus que sur les produits
consommés, est intéressante, et j'apprécie les efforts budgétaires en faveur de
la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la
MILDT, et du développement du dispositif actuel des programmes d'échanges de
seringues et des lieux d'accueil des toxicomanes.
Mais cette politique de réduction des risques ne peut exempter l'Etat d'un
effort important en matière de prise en charge médico-sociale, encore très
insuffisante en France. Il est également nécessaire de développer fortement une
politique de prévention et de recherche à la hauteur de la gravité du
problème.
S'agissant de la lutte contre le sida et les maladies sexuellement
transmissibles, les crédits restent stables et d'ailleurs quelque peu opaques
puisque globalisés, ce qui empêche de distinguer entre maladies transmissibles,
hépatite C, etc.
Si les thérapies font que l'on meurt moins du sida - c'est heureux ! - les cas
de sida continuent de progresser, en France, de 3 % cette année.
En outre, les personnes touchées par la maladie sont dans une situation de «
grande vulnérabilité » comme le montre une étude de l'association AIDES publiée
au mois d'octobre et selon laquelle les trois quarts des personnes
séropositives qui fréquentent l'association ont un revenu inférieur à 4 000
francs par mois, 6 % n'ont aucun revenu, 25 % ont moins de 3 000 francs par
mois et près de 50 % touchent à peine les minima sociaux.
Pourtant, la gravité de la situation justifierait que l'on redouble d'efforts,
d'autant que - je tiens à le préciser - au niveau mondial, le sida n'a jamais
autant tué qu'en 1999. Selon le directeur de l'ONUSIDA, le sida est devenu la
menace numéro un pour le développement de nombreux pays, car 70 % à 80 % des
malades vivent dans les pays du Sud.
Votre prédécesseur s'est honoré en appelant à la solidarité internationale
contre ce fléau, madame la secrétaire d'Etat. Selon nous, la France ne doit pas
hésiter à donner l'exemple en ce domaine.
Dans notre pays, la prise en charge médicale et sociale des malades du sida
nécessite des améliorations profondes et rapides. La grille de l'allocation aux
adultes handicapés, qui n'a pas évolué depuis une dizaine d'années, semble trop
rigide pour les malades frappés par cette maladie. Elle devrait leur permettre
un retour progressif à l'emploi, par une modulation de l'aide en fonction des
possibilités offertes, la plupart d'entre eux souhaitant retrouver un travail,
sans toujours y parvenir.
S'agissant de la lutte contre le saturnisme, les mesures actuelles semblent
trop limitées aux pathologies déclarées. La présence de plomb dans le sang
concerne, au-delà des cas les plus dramatiques, comme ceux des enfants, que
j'ai eu, hélas ! à connaître en tant qu'élue parisienne, un éventail important
de la population, contaminée notamment par l'eau issue des canalisations en
plomb et par l'environnement. C'est un véritable problème de santé publique.
Il faudrait procéder à des investigations plus larges - c'est possible et pas
très coûteux - permettant une réelle prévention, plutôt que d'attendre que les
pathologies se déclarent.
Permettez-moi d'ailleurs, au travers de cet exemple, de regretter l'absence de
moyens supplémentaires pour la sécurité sanitaire environnementale, alors qu'un
rapport parlementaire souligne les insuffisances en la matière et que,
parallèlement, des crédits supplémentaires sont accordés aux agences
sanitaires.
Permettez-moi de saisir aussi l'occasion de l'examen de ce budget, dont les
crédits consacrés à l'organisation hospitalière, en diminution, n'ont pas
toujours été bien utilisés jusqu'à présent puisqu'ils ont surtout servi à des
fermetures de lits, pour souligner, une nouvelle fois, la nécessité de repenser
l'offre de soins hospitaliers.
Déjà, au mois de juin dernier, un article de l'union hospitalière de la région
d'Ile-de-France, l'UHRIF, relevait que « les hôpitaux soumis à la contrainte
financière n'ont pas pu faire face, en matière d'urgence notamment ».
Quant à la Fédération des médecins de France, la FMF, elle vient de dénoncer
le fait que la revalorisation des cotisations CNRACL ne soit pas financée.
C'est cette contrainte financière qui est également dénoncée par les
personnels actuellement en grève dans les hôpitaux parisiens. Vous le savez,
cette grève risque de s'étendre parce que les personnels en ont assez. Les
établissements franciliens enregistrent en effet une très faible augmentation
de leur taux - 1,25 % - qui, compte tenu de l'inflation et des facteurs
salariaux, se traduit par une diminution des moyens dont disposent les médecins
pour traiter leurs malades.
Du fait de ces mesures, les hôpitaux, qui doivent faire face tous les jours à
des situations de précarité, sont au bord de l'asphysie. Les objectifs de
fermeture décidés par le schéma régional d'organisation sanitaire et sociale,
le SROSS, ne font qu'aggraver les problèmes en déplaçant les malades, comme à
l'hôpital Saint-Antoine, lui aussi en grève.
Outre les questions de l'indispensable démocratie sanitaire, dont nous avons,
à de nombreuses reprises, souligné l'importance, et des moyens humains et
matériels à débloquer, il me semble également essentiel de relever les effets
pervers du mode d'évaluation de l'activité hospitalière, notamment sur les
établissements qui proposent des traitements hautement spécialisés, comme c'est
le cas à Paris.
En effet, ces traitements ne sont pas comptabilisés à leur valeur et risquent
de conduire à des décisions purement comptables de fermeture de services, alors
que les malades ont besoin de ces soins. Ce risque existe aussi, selon moi,
avec la tarification à la pathologie, dont la généralisation ne devrait pas
être décidée sans une très sérieuse évaluation de l'expérimentation décidée ce
printemps.
Nous apprécions, par ailleurs, l'augmentation de 3,2 % du financement des
centres d'hébergement et de réadaptation sociale, les CHRS, qui permettra la
création de 500 places et de centres d'accueil de 100 places.
J'aimerais cependant attirer votre attention, madame la secrétaire d'Etat,
même si cela n'est pas directement lié au débat budgétaire, sur l'inquiétude
des 20 000 cadres du secteur social et médico-social, face au refus que vous
avez opposé à la demande d'agrément de l'avenant n° 265 qui a été signé par les
partenaires sociaux.
La signature de cet avenant rendrait effective une amélioration sensible des
conditions d'exercice professionnel de ces catégories, au-delà du seul respect
des salaires, et contribuerait à remédier à une situation préjudiciable aux
associations, qui rencontrent des difficultés grandissantes, vous le savez, à
recruter des cadres.
Concernant la prévention, je tiens à souligner que le manque de médecins du
travail, de médecins scolaires et de personnels médicaux reste préoccupant.
La décision prise par Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement
scolaire, que M. Neuwirth a opportunément rappelée, de donner aux infirmières
scolaires la difficile mission de répondre à la détresse des jeunes filles face
à des grossesses non désirées - décision que je considère comme positive, faute
de mieux - ne fait qu'éclairer le besoin urgent de disposer des personnels
compétents en nombre suffisant. C'est loin d'être le cas, vous le savez, et je
ne manquerai pas de le rappeler à Mme la ministre déléguée chargée de
l'enseignement scolaire.
Pour conclure, j'indique que, bien entendu, nous ne partageons pas les
critiques de la majorité sénatoriale, qui s'est opposée à la couverture maladie
universelle, aux emplois-jeunes, qui critique « la croissance non maîtrisée des
dépenses sociales », traque les abus de RMI et déplore la création d'emplois
publics.
Sous les réserves que j'ai émises, votre budget, madame la secrétaire d'Etat,
est néanmoins encourageant et nous ne suivrons donc pas l'avis de la commission
: nous voterons le projet de budget de la santé et de la solidarité pour
2000.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
projet de budget de la santé et de la solidarité pour 2000 progresse de 13,3 %,
contre 3,1 % en 1998 et 4,5 % en 1999. Je tenais à le saluer d'emblée, puisque
la progression est constante.
Cette année, le total du budget s'élève à 90,81 milliards de francs, contre
76,7 milliards de francs en 1999. Cela illustre les priorités fixées depuis
deux ans par le Gouvernement et réaffirmées cette année dans le domaine de la
lutte contre les exclusions, dans le domaine de la protection des populations
les plus fragiles et dans le domaine de la sécurité sanitaire.
Cette progression résulte en partie des modifications de structures
importantes apportées à ce budget. Je pense, bien sûr, à l'inscription de la
subvention de l'Etat au fonds de financement de la couverture maladie
universelle, qui s'élève à 7 milliards de francs pour la partie protection
complémentaire.
Vous connaissez notre attachement à cette grande réforme sociale, qui va
permettre à plus de 6 millions de Français de ne plus renoncer à se faire
soigner et à quelque 700 000 d'entre eux de bénéficier d'une prestation de
sécurité sociale de base.
Certes, il convient de préciser que cette dépense nouvelle n'est couverte par
le budget que pour 1,4 milliard de francs, le reste provenant du retour de la
dotation globale de décentralisation départementale et de la participation des
organismes de protection complémentaire. Il n'en reste pas moins que la
progression réelle du budget est de 5 milliards de francs, soit une
augmentation de 6,2 %, ce qui est loin d'être négligeable.
Je vais maintenant m'attacher au trois grandes priorités bien lisibles de ce
budget.
Le première concerne plus particulièrement la partie consacrée à la
solidarité, notamment à la lutte contre les exclusions et à la protection des
populations les plus fragiles.
Comme vous le rappelez, madame la secrétaire d'Etat, pour les personnes les
plus démunies, des préalables doivent être levés avant de s'engager dans une
démarche de retour à l'emploi. Une telle action relève de votre budget, qui
bénéficie à ce titre de moyens supplémentaires.
Ces préalables sont de deux ordres.
Le premier découle des engagements du programme de la loi contre les
exclusions de mars 1998, notamment en matière d'accompagnement social
individualisé et d'hébergement d'urgence, avec le fonds d'aide aux jeunes et le
programme TRACE.
A cet égard, le financement des centres d'hébergement et de réinsertion
sociale permettra de mettre en place, cette année, cinq cents places
supplémentaires, et les capacités d'accueil des centres de formation des
travailleurs sociaux ont été développées.
A cette occasion, je me permets d'affirmer ma satisfaction au sujet de
l'affectation des crédits consacrés aux subventions d'investissement social,
qui sont ciblés sur les thèmes prioritaires des volets sociaux des prochains
contrats de plan Etat-région et que nous relaierons bientôt, je l'espère.
Le second préalable prend en compte l'ajustement des dotations des minima
sociaux financés sur ce budget : pour le RMI, l'augmentation est de 2,3
milliards de francs, les crédits atteignant 28,7 milliards de francs.
Cette importante augmentation traduit la revalorisation de l'allocation de 3 %
en 2000 ainsi que l'effet de la revalorisation des minima intervenue en 1999 et
la montée en charge des mesures d'intéressement à la reprise de l'emploi, avec
la possibilité de cumuler la prestation et des revenus.
A propos du RMI, je voudrais répondre à ceux qui contestent inlassablement la
portée du « I » de RMI...
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
Eh oui !
M. Bernard Cazeau.
... et mettre l'accent sur une évolution intéressante concernant l'insertion.
En effet, selon une enquête récente, un tiers des allocataires sortent du
dispositif après six mois, et la moitié après un an. Certes, il s'agit très
souvent, d'après les statistiques, d'individus âgés de moins de vingt-neuf ans,
mais le fait mérite d'être souligné.
Il me paraît également nécessaire d'associer le travail important des
départements dans la part prise dansl'insertion de ces publics.
Le problème reste la chronicité importante de certains RMIstes de longue durée
- ceux que vous appelez, monsieur le rapporteur pour avis, « le noyau dur »
-,...
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
Eh oui !
M. Bernard Cazeau.
... qui ont du mal, malgré un accompagnement social individualisé fort, à se
réinsérer dans l'emploi.
Les crédits de l'allocation aux adultes handicapés connaîtront un
accroissement de 781 millions de francs, soit une progression, cette année, de
3 %, portant la dotation à 25,55 milliards de francs.
A ce sujet, je salue votre volonté, madame la secrétaire d'Etat, ainsi que
celle de Mme Martine Aubry, de poursuivre l'intégration des personnes
handicapées dans la société à tous les âges et dans toutes les situations, plus
particulièrement, d'ailleurs, pour ceux qui présentent les handicaps les plus
pénalisants.
Tous budgets confondus, des actions nouvelles pour 1,1 milliard de francs
seront mises en place en 2000 pour toutes les formes de handicap, que ce soit à
travers la prise en charge par les CAT, les MAS, les FDT, sans compter les
handicaps spécifiques, tels que ceux qui concernent les autistes et les
traumatisés crâniens, ou que ce soit à travers l'intégration des handicapés
dans le milieu scolaire, dans le monde du travail ou dans l'autonomie de vie à
domicile.
Bref, c'est la poursuite d'un plan pluriannuel 1999-2003 qui, à terme, doit
aboutir à la création de 16 500 places nouvelles dans les établissement
spécialisés.
Cependant, malgré des efforts notables dans la politique en faveur des
handicapés, certains progrès restent à accomplir en ce qui concerne tant
l'intégration en milieu de vie ordinaire que la prise en charge des personnes
handicapées vieillissantes.
A cet égard, la réforme de la loi de 1975 est devenue urgente afin de répondre
aux besoins nouveaux.
La deuxième grande priorité de ce budget concerne la sécurité sanitaire et le
renforcement des politiques de santé. Il s'agit là de deux priorités bien
lisibles. En effet, le poste « santé », qui regroupe les agences sanitaires et
la santé publique, s'élève à 4 milliards de francs, soit une hausse de 4,9 %
par rapport à l'année dernière.
Nous nous attacherons successivement, à travers ces deux priorités, aux
agences de sécurité sanitaire et à quelques éléments spécifiques de la
politique de santé publique.
Avec un budget de 495,3 millions de francs, soit 156 millions de francs
supplémentaires, on assiste à une véritable montée en charge des agences de
sécurité sanitaire.
Les trois agences nouvellement créées, à savoir l'Agence française de sécurité
sanitaire des produits de santé, l'Agence française de sécurité sanitaire des
aliments et l'Institut de veille sanitaire, se répartissent ainsi 300 millions
de francs.
D'aucuns feront la fine bouche en critiquant l'origine et la répartition de
leurs ressources. Il n'en reste pas moins que les 109 millions de francs de
crédits nouveaux devraient leur donner une véritable bouffée d'oxygène.
Les crédits restants sont affectés aux établissements préexistants, tels que
l'OPRI, l'Etablissement français des greffes et l'Etablissement français du
sang, ainsi qu'à l'ANAES qui, grâce à 16,2 millions de francs supplémentaires,
pourra, nous l'espérons très fortement, atteindre sa vitesse de croisière.
Concernant les politiques de santé publique, les orientations tournées vers la
prévention sont non seulement renforcées - 149 millions de francs soit prévus à
cet effet - mais aussi clarifiées grâce à un effort de ciblage et de cohérence
en faveur des différentes interventions.
Notons, dans la lutte contre les fléaux sanitaires, une augmentation des
crédits de 6,3 % pour la lutte contre les pratiques addictives, dont 2 millions
de francs pour la formation au sevrage tabagique et 5 millions de francs pour
la prévention de l'alcoolisme, tandis que la mission interministérielle de
lutte contre la drogue et la toxicomanie reçoit une subvention nouvelle d'un
montant de 81,1 millions de francs.
Notons ensuite la réaffirmation de la dimension régionale, à travers la
dotation supplémentaire aux observatoires régionaux et un crédit complémentaire
de 3,2 millions de francs pour les politiques régionales de la santé.
Notons enfin la volonté de modernisation des offres de soins, qui doit passer
par l'amélioration des crédits affectés au fonctionnement des ARH et au travail
qu'elles font sur les SROS ainsi que la montée en charge des crédits en faveur
du FIMHO, le Fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux : 200
millions de francs d'autorisations de programme et 265 millions de francs de
crédits de paiement, soit une augmentation de 115 millions de francs, sont
prévus. Cette augmentation est notamment destinée à prendre en compte le retard
pris dans la montée en charge du FIMHO. En effet, les crédits ne sont pas
consommés au rythme où ils devraient l'être, puisqu'une grande partie des
dossiers présentés par les ARH ne sont pas recevables.
En vue de remédier à cette situation non satisfaisante, il pourrait être
opportun de prendre en compte les recommandations faites par la Cour des
comptes à cet égard et d'améliorer le fonctionnement de la procédure instituée
pour la sélection des dossiers.
Globalement, on peut cependant se féliciter que le Gouvernement axe les
orientations de notre système de santé vers une approche plus préventive que
curative.
La troisième grande priorité concerne le renforcement des moyens humains du
ministère.
Il s'agit d'une priorité constante. Comme pour le secteur de l'emploi, le
budget de la santé et de la solidarité pour 2000 poursuit et amplifie les
mesures obtenues en 1998 et 1999.
Outre la hausse très notable des crédits, madame la secrétaire d'Etat, ce
budget apporte une autre satisfaction. Au-delà de la seule logique de moyens,
il a le mérite de s'inscrire également dans une logique d'objectifs, traduisant
une politique cohérente de santé publique.
Nous voterons donc les crédits qui vous sont attribués pour 2000.
Avant de terminer, je souhaiterais attirer votre attention sur deux points.
Le premier concerne la couverture maladie universelle : il ne s'agit pas ici
de refaire le débat, mais de répondre à deux questions. D'une part, s'agissant
de la critique d'atermoiement faite au Gouvernement sur la parution des décrets
d'application, pouvez-vous nous préciser, madame, le calendrier de sa mise en
oeuvre, dans le cas, bien sûr, où elle serait retardée ? D'autre part,
serait-il possible d'obtenir des précisions sur le contenu du panier de soins,
en ce qui concerne plus particulièrement l'optique et les prothèses dentaires ?
En effet, les niveaux prévus à ce jour nous paraissent notablement
insuffisants.
Le second point sur lequel je souhaite attirer votre attention, madame la
secrétaire d'Etat, a trait à la mise en place de la nouvelle tarification des
établissements accueillant des personnes âgées, qui doit substituer au
mécanisme précédent une tarification prenant en compte le degré de dépendance
des personnes âgées hébergées. Si elle a le mérite d'instaurer une vérité des
coûts, de définir qui finance quoi, d'insister sur l'exigence de qualité dans
l'accueil et la prise en charge des personnes âgées, ce dont nous ne pouvons
que nous féliciter, elle n'est pas sans poser des problèmes, dont certains sont
peu acceptables.
Faute d'un financement adéquat, il en résulte un renchérissement des coûts.
Mais, ce qui est plus grave, c'est que la vérité des coûts se traduit dans ces
établissements par des augmentations substantielles de frais à la charge des
résidents ou de leur famille.
Ainsi, d'après les premières simulations réalisées dans mon département, mais
qui tendent à se vérifier dans bien d'autres, il en résulterait, en moyenne,
une charge supplémentaire de 50 francs par jour, soit 1 500 à 2 000 francs par
mois pour les personnes les plus handicapées. En outre, et toujours aux termes
de ces simulations, il apparaît que les personnes les moins dépendantes
paieront moins, autrement dit, les personnes en meilleure santé seront
favorisées par rapport aux personnes lourdement dépendantes.
Cette situation quelque peu complexe, madame la secrétaire d'Etat, mériterait
d'être réétudiée et clarifiée. Nous espérons que ce sera le cas dans les mois
qui viennent.
M. le président.
La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
budget de la santé et de la solidarité me donne l'opportunité de vous
entretenir de la couverture sociale des 1 800 000 Français qui vivent hors de
nos frontières et dont je suis un des représentants.
Je ferai très rapidement un bref rappel historique de cette couverture
sociale, notamment en ce qui concerne l'assurance maladie et les accidents du
travail.
La commission Bettencourt, qui porte le nom de notre ancien collègue, s'était
penchée, dès 1976, à la demande des entreprises françaises envoyant du
personnel à l'étranger, sur une couverture sociale étatisée en leur faveur. De
ces travaux auxquels j'avais participé, est issue la loi du 31 décembre 1976
instaurant une couverture maladie-maternité, accidents du travail et maladies
professionnelles au bénéfice des salariés expatriés.
Elu sénateur en 1977, j'ai proposé et obtenu l'extension de cette couverture
sociale aux non-salariés et aux pensionnés français. Ce texte avait été adopté
à l'unanimité par le Sénat.
Le 13 juillet 1984, M. Bérégovoy, alors ministre des affaires sociales, a
étendu par un texte, dont j'avais été le rapporteur, cette couverture sociale à
tous les Français expatriés. Aux termes de ce texte, la caisse de sécurité
sociale des Français de l'étranger devenait autonome et était dotée d'un
conseil d'administration comprenant vingt et un membres, dont dix-huit membres
élus par le Conseil supérieur des Français de l'étranger - expression du
suffrage universel direct de nos compatriotes - deux membres représentant le
MEDEF et un la Mutualité française. La tutelle est également représentée au
sein de ce conseil d'administration, madame le secrétaire d'Etat, puisque y
siègent des représentants de votre ministère et de ceux du budget et des
affaires étrangères, ainsi que des représentants de la caisse d'assurance
vieillesse et du personnel.
Si le Conseil supérieur des Français de l'étranger avait été retenu comme
corps électoral, c'est parce que, à l'époque, une étude avait montré
qu'organiser des élections dans les cent quarante pays où sont installés les
assujettis était tout à fait impossible. La loi Bérégovoy en avait décidé
ainsi.
Depuis cette époque, mes chers collègues, de nombreux amendements sont venus
améliorer les textes en vigueur.
Quelle est, madame le secrétaire d'Etat, après vingt-et-un ans d'existence, la
situation de cette caisse de sécurité sociale des Français à l'étranger ?
J'ai l'honneur de présider cette caisse, dont le conseil d'administration est
actuellement réuni à son siège social. Je l'ai quitté il y a très peu de temps
et je le regagnerai après cette intervention.
Cent vingt mille Français sont couverts dans le monde par cette caisse de
sécurité sociale. Ses finances sont saines et elle a la réputation de répondre
rapidement aux besoins des expatriés. Elle doit faire face à la concurrence
redoutable d'organismes privés, qu'ils soient français ou étrangers, le plus
souvent des compagnies d'assurance.
Il s'agit d'un régime volontaire, c'est-à-dire non obligatoire, qui offre donc
aux représentants de nos entreprises françaises à l'étranger, à la carte, un
système de couverture sociale, qui n'est pas celui de la sécurité sociale mais
qui peut leur convenir.
Au point où nous en sommes, madame le secrétaire d'Etat, tout est-il parfait
au sein de cette caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger ?
Eh bien, je vous répondrai par la négative, car un débat récurrent déjà ancien
agite son conseil d'administration, et plus largement le Conseil supérieur des
Français de l'étranger, qui est l'organisme consultatif de nos compatriotes
expatriés ainsi que les associations représentatives de ces derniers.
Ce débat, il faut que nous tentions, madame le secrétaire d'Etat, de le
trancher.
Deux thèses s'affrontent.
La première est celle de la majorité du conseil d'administration de la caisse
et du Conseil supérieur des Français de l'étranger. Elle rappelle que la caisse
des Français de l'étranger est une caisse d'assurance volontaire, soumise à la
concurrence redoutable d'organismes privés, qu'elle doit assurer son équilibre,
qu'elle ne bénéficie d'aucune aide de l'Etat, et qu'elle a fait dans le passé
un effort important pour instaurer plus de justice sociale.
Elle rappelle également que, à deux reprises, elle a diminué le taux de ses
cotisations, ce qui est rare en matière de sécurité sociale, qu'elle a étendu
sa couverture aux non-salariés et aux pensionnés, deux régimes fortement
déficitaires, que la loi Bérégovoy a créé deux catégories de cotisants, l'une
cotisant au plafond de la sécurité sociale, l'autre aux deux tiers de ce
plafond ; enfin, qu'un nouveau texte a créé une troisième catégorie de
cotisants ne cotisant qu'à la moitié du plafond de la sécurité sociale.
En outre, au sein de cette caisse, a été créé un fonds d'action sanitaire et
sociale qui aide beaucoup de gens en difficulté, et un certain nombre de
mesures importantes ont été prises au bénéfice de nos compatriotes résidant
dans des pays en proie à des guerres civiles ; je pense notamment à l'Afrique,
et plus particulièrement au Zaïre et au Congo, mais aussi, plus récemment, à la
Bosnie.
J'ajoute que, pendant deux ans, la caisse a accompagné la dévaluation du franc
CFA au profit de nos compatriotes vivant dans les zones concernées.
En bref, la petite caisse des Français de l'étranger ne peut pas couvrir toute
la misère des Français de l'étranger, et ce n'est pas sa vocation. D'ailleurs,
madame le secrétaire d'Etat, ma collègue Mme Cerisier-ben Guiga, s'est vu
confier par Mme Aubry une mission consistant à examiner la situation de nos
compatriotes en extrême difficulté. Telle est la première thèse.
La seconde thèse est celle de la minorité du conseil d'administration de la
caisse et du Conseil supérieur des Français de l'étranger. Aux termes de
celle-ci tout cela n'est pas suffisant, et elle préconise de créer une
quatrième catégorie de cotisants, de déplafonner la première catégorie qui
cotise au plafond de la sécurité sociale, de puiser dans les réserves
techniques qui sont constituées pour les accidents du travail et les maladies
professionnelles et de faire appel à l'aide de l'Etat. En bref, la caisse
devrait s'ouvrir aux plus défavorisés, et si elle devenait déficitaire - ce qui
n'est pas son cas depuis sa création - après tout, cela ne serait pas un drame
!
Alors, madame le secrétaire d'Etat, permettez-moi de vous rappeler ce que
votre ministère a fait, avec raison, pour essayer de cerner la situation
précise de cette caisse.
Nous avons d'abord eu droit à un audit de l'inspection générale du ministère
des affaires sociales du mois de juin et au mois de décembre 1998. Quelles sont
ses conclusions ?
Je cite son rapport : « Ces évaluations conduisent la mission de l'IGAS à
conclure sur ce point que les réserves techniques sont à leur niveau actuel, à
la fois nécessaires et suffisantes, et qu'elles ne doivent en aucun cas servir
à gager des dépenses nouvelles de la caisse. La prudence s'impose quant à une
utilisation éventuelle des cotisations, s'agissant d'une caisse où
l'affiliation n'est pas obligatoire. Une telle mesure risquerait à terme de
compromettre l'équilibre de la caisse, voire sa pérennité - il s'agit de son
ouverture à une catégorie de cotisant beaucoup plus large. Elle aurait des
conséquences sociales défavorables, spécialement pour les cotisations de
troisième catégorie et pour les pensionnés.
« Sur l'idée que les adhérents de la troisième catégorie, ceux qui cotisent à
la moitié du plafond de la sécurité sociale, sont moins consommateurs de soins,
les tendances actuelles observées sont plutôt contraires.
« La caisse des Français de l'étranger est une caisse de taille modeste, mais
qui gère de façon autonome des contraintes importantes et inhabituelles.
« La caisse doit faire face aux conséquences de son autonomie.
« La caisse est financée par ses propres cotisations à l'exclusion de tout
lien financier avec d'autres régimes d'assurance maladie et doit assurer seule
l'équilibre de ses dépenses et de ses recettes, alors même que la permanence de
ses adhérents n'est pas garantie.
« Malgré cette fragilité constitutive, la caisse des Français de l'étranger a
su évoluer de façon positive tout en favorisant, par solidarité interne,
l'accès de catégories de Français expatriés plus nombreuses et moins
favorisées. »
En résumé, madame le secrétaire d'Etat, vous le voyez, ce rapport conclut
qu'une grande prudence doit être observée au sujet de cette caisse d'importance
moyenne soumise à des risques importants qui peuvent la désé-quilibrer.
La caisse des Français de l'étranger - à son grand bonheur ! - vient de
bénéficier d'un contrôle approfondi du CODEC de Seine-et-Marne, le comité
départemental d'examen des comptes des organismes de sécurité sociale, auquel
s'étaient joints les services financiers du ministère du budget. Ce contrôle
s'est déroulé du mois de juin au mois de septembre 1999.
Que dit le rapport du CODEC dont nous venons d'avoir connaissance ? « La
caisse des Français de l'étranger depuis sa création présente un bilan positif.
Cette caisse autonome de sécurité sociale demeure dans l'obligation de
préserver son équilibre financier, parce qu'elle ne bénéficie pas des aides
compensatoires de l'Etat. »
L'IGAS précise : « Un agent chargé de la communication serait nécessaire pour
l'enjeu qui est le sien. »
Le CODEC de Seine-et-Marne affirme que « la tenue de la comptabilité est
assurée de façon globalement satisfaisante ». L'IGAS dit : « La gestion
financière et de trésorerie réalisée n'appelle pas de commentaire particulier »
et elle conclut en émettant un avis favorable avec recommandations sur
l'approbation des comptes qui sont présentés par l'organisme.
Autrement dit, madame le secrétaire d'Etat, le contrôle du CODEC vient
confirmer en de très nombreux points les conclusions du rapport de l'inspection
générale du ministère des affaires sociales.
A la suite de ce rapport du CODEC, vos services ont demandé à la caisse des
Français de l'étranger des précisions complémentaires sur les différentes
branches et sur l'équilibre des comptes.
Notre direction a répondu aux questions qui lui ont été posées.
Vous avez ensuite souhaité que nous fassions vérifier par un actuaire d'une
compagnie d'assurance les réserves de notre caisse de sécurité sociale. Nous
vous avons demandé, madame, de nous fournir une liste d'actuaires. Vos services
l'ont fait et nous avons choisi le premier de la liste, à qui nous avons confié
une mission. Il a rendu son rapport il y a quelques jours.
Que dit cet actuaire dans son rapport ? « Les entreprises d'assurance se
protègent contre les conséquences de catastrophes par les réassurances. La
réassurance n'étant pas prévue pour les caisses de sécurité sociale, la caisse
des Français de l'étranger devrait faire face, seule, aux conséquences de tels
événements. »
Cet état des lieux montre que les règles de fonctionnement de la caisse des
Français de l'étranger ne sont pas adaptées sur ce point.
Au terme du rapport que l'actuaire présentera demain devant le conseil
d'administration, « il ressort de l'examen que le niveau des réserves de la
caisse des Français de l'étranger est insuffisant, compte tenu, d'une part, des
engagements qu'elle a contractés, et, d'autre part, des contraintes de
fonctionnement qui lui sont imposées. »
Je constate donc, madame le secrétaire d'Etat, que, contrairement à ce qui a
été dit par certains, les réserves de la caisse des Français de l'étranger,
pour faire face aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, pour
faire face à des explosions sur des plates-formes pétrolières sont
insuffisantes. Imaginez l'ampleur des responsabilités de notre caisse quand des
accidents d'une telle gravité se produisent !
Je vous interroge donc aujourd'hui, madame le secrétaire d'Etat : ce débat
récurrent entre la première thèse et la seconde, que je vous ai exposé, doit-il
continuer ? Pour une caisse qui est soumise à une concurrence vis-à-vis
d'organismes privés, franchement, je ne le pense pas.
Personne ne le conteste, tous les rapports indiquent que la caisse des
Français de l'étranger est soumise à une concurrence redoutable de la part
d'organismes privés qui, bien entendu, ne sont pas là pour nous faire des
cadeaux.
Mme Aubry a exprimé, à plusieurs reprises, ici même, au Sénat, le souhait que
l'équilibre de la caisse soit respecté. Elle m'a indiqué que nous n'avions pas
à attendre d'aide particulière de l'Etat en ce domaine. Dès lors, madame le
secrétaire d'Etat, devons-nous rester figés ? Nous le pourrions, compte tenu
des rapports qui viennent d'être élaborés.
Mais j'ai interrogé hier soir les membres de la majorité de mon conseil
d'administration. Je leur ai fait part de tous les contrôles qui sont
intervenus ainsi que de tous les audits dont nous avions pu avoir connaissance.
Et je suis en mesure de vous dire aujourd'hui que, comme dans le passé - je
vous ai donné la liste des avancées en matière sociale qui ont été réalisées au
sein de cette caisse - ils ne sont pas figés.
Le président que je suis ne l'est pas davantage. Je l'avais réaffirmé lors de
la suspension de la rétroactivité en 1998.
Il est donc temps, madame le secrétaire d'Etat, et c'est la proposition que je
présenterai demain au conseil d'administration de la caisse des Français de
l'étranger, d'élargir la troisième catégorie de cotisants qui paient
actuellement leur quote-part à concurrence de 50 % du plafond de la sécurité
sociale à de nouveaux cotisants qui cotiseraient à 40 % du plafond de la
sécurité sociale si leurs revenus sont inférieurs au tiers dudit plafond,
c'est-à-dire sont à peu près à un tiers en dessous du SMIC.
Si le conseil suit ma proposition, ce sera une avancée importante vis-à-vis de
nos compatriotes français. Nous avons fait nos calculs et je suis en mesure de
vous dire qu'avec cette proposition notre caisse serait juste en équilibre.
Elle n'enregistrerait plus le moindre excédent.
Il va donc falloir que nous renforcions les contrôles sur des branches
déficitaires, comme celle des non-salariés. Il faudra aussi que vos services
nous aident pour réaliser ces contrôles.
Mais, madame le secrétaire d'Etat, si nous arrivons à mettre ce système au
point, nous parviendrons à maintenir à nos compatriotes français qui vivent à
l'étranger, qu'ils travaillent pour de grandes entreprises ou pour de petites
et moyennes entreprises, une couverture sociale sans déplafonner les
cotisations de ceux qui appartiennent à la première catégorie. Nous le ferons
également pour nos compatriotes qui sont installés à titre individuel.
Vous savez comme moi le rôle qu'ils jouent les uns et les autres pour notre
pays, pour l'exportation de la France. Si nous réussissons, nous repartirons de
l'avant. C'est le souhait que j'exprime devant vous aujourd'hui.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants, du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, chers collègues, tout
observateur qui se limiterait à un examen rapide des évolutions nominales des
crédits de votre ministère ne pourrait que se réjouir de la forte progression
de ce budget, et ce, d'autant plus que, s'articulant autour de deux volets,
l'un relatif au développement social, l'autre à l'intégration et à la lutte
contre l'exclusion, il pourrait penser que ce budget affiche une réelle volonté
gouvernementale de combattre l'exclusion.
Cependant, en observant le contenu de ce budget, on s'aperçoit que ce dernier
reste, en réalité, très ciblé. En effet, la hausse des crédits est due
principalement à la mise en place de la couverture maladie universelle.
Or, permettez-moi de le redire, madame la secrétaire d'Etat, la CMU, avec
l'effet de seuil totalement inégalitaire qu'elle instaure, laissera de côté des
personnes, pour quelques centaines de francs. Elle plongera ces personnes dans
une exclusion réelle, puisque celles-ci ne pourront plus bénéficier des aides,
notamment médicales, précises et adaptées auxquelles elles pouvaient prétendre
jusqu'à présent.
Il est vrai cependant que vous allez revaloriser les minima sociaux.
En revanche, en matière de prise en charge des personnes handicapées ou
inadaptées, d'hébergement d'urgence des plus démunis, d'insertion des
handicapés en milieu ordinaire, domaines où les besoins sont énormes, force est
de constater que, malheureusement, le présent budget ne suffira pas.
Je ne retiendrai, à ce titre, qu'un exemple, celui des personnes handicapées,
bien qu'il ait déjà été abordé par notre collègue M. Cazeau.
En effet, dans ce domaine, si les perspectives budgétaires pour 2000 sont
plutôt encourageantes, il n'en demeure pas moins que bien des problèmes restent
posés.
Ces personnes connaissent de réelles difficultés quant à leurs ressources, à
leur prise en charge et à leur intégration en milieu ordinaire. Pourtant, vous
les avez exclues dans leur grande majorité du bénéfice de la CMU, parce
qu'elles perçoivent l'allocation aux adultes handicapés et que, dépassant de
peu le seuil couperet que j'évoquais il y a un instant, elles en seront
privées.
Croyez-vous vraiment pouvoir désormais convaincre ces personnes de votre
volonté de résoudre les difficultés auxquelles elles sont confrontées ? Moi,
j'en doute, d'autant plus que vous avez encore repoussé, comme vous l'aviez
fait en 1998, la réforme de la loi de 1975 sur les institutions sociales et
médico-sociales, réforme que votre Gouvernement avait promis d'engager dès
1997.
La rénovation de cette loi devient urgente car ce texte permettrait de
répondre aux besoins des personnes handicapées et de soulager l'anxiété de
leurs familles.
J'aimerais à présent éclaicir avec vous un point sur lequel je vous avais posé
une question écrite qui est malheureusement restée sans réponse : celui de la
confusion qui règne actuellement entre les personnes handicapées et les
personnes en situation précaire.
Il semble que, pour ces personnes marginalisées en raison d'une perte de
revenu ou de logement, la réponse sociale emprunte aujourd'hui les mêmes
circuits que ceux qui sont prévus pour les personnes handicapées. Ainsi ces
personnes en difficulté sont-elles de plus en plus nombreuses à être reconnues
par la COTOREP en tant que travailleurs handicapés. Il en est de même pour le
versement de l'AAH qui est accordée de plus en plus fréquemment à des chômeurs
de longue durée ou à des personnes en difficulté qui ne souffrent pourtant pas
d'un handicap physique ou mental.
Cette confusion, qui n'est pas sans conséquence sur le budget de l'Etat, est
particulièrement préjudiciable pour les personnes handicapées. ll serait donc
souhaitable d'éviter cet amalgame, de prendre les mesures nécessaires pour
clarifier l'attribution des aides qui leur sont destinées et d'adopter des
mesures spécifiques pour apporter des solutions aux problèmes des personnes en
situation précaire.
Un autre problème se pose : celui du vieillissement des personnes
handicapées.
Le handicap ne disparaît pas avec l'âge, bien au contraire. Pourant, dès que
les personnes handicapées atteignent l'âge de soixante ans, la plupart d'entre
elles cessent de bénéficier de l'aide sociale aux personnes handicapées pour
relever de l'aide sociale aux personnes âgées. Ce changement n'est pas anodin,
qu'il s'agisse notamment de la rente de survie et de l'obligation alimentaire.
C'est pourquoi il est urgent, comme vous le réclament tout les mouvements
associatifs, d'élaborer des mesures qui répondent aux attentes tant des
personnes âgées que des personnes handicapées âgées.
Afin d'éviter toute discrimination entre ces personnes, ne pourriez-vous
envisager de moderniser le dispositif d'aide sociale aux personnes âgées, tout
en préservant celui qui s'applique aux personnes handicapées ?
Enfin, pour terminer mon propos, je m'attarderai un instant sur la
scolarisation des enfants et des adolescents handicapés, qui, malgré les vingt
mesures annoncées par Ségolène Royal, ne bénéficient pas tous de ce qui leur
est essentiel.
En effet, les structures d'accueil de ces enfants et les moyens de transport
et de locomotion sont insuffisants.
En matière de soutien scolaire, ces enfants, plus encore que les autres, ont
besoin d'équipements, notamment informatiques, spécifiques. On en est loin !
Or, vous le savez, la scolarisation de ces enfants, si elle était améliorée,
permettrait d'accroître de manière considérable leurs chances d'insertion
professionnelle et sociale.
Aussi pouvez-vous nous donner des précisions sur les échéances de financement
de ces projets en liaison avec le ministère de l'éducation nationale ?
Madame la secrétaire d'Etat, dans beaucoup trop de cas encore, les familles
des personnes handicapées ont le sentiment d'être dans des situations de
non-droit, notamment, je vous l'ai dit, quand leur enfant ne peut être
scolarisé en milieu ordinaire, quand un adolescent n'a jamais bénéficié de
l'enseignement d'un instituteur ou quand le statut d'une personne âgée proche
reste incertain.
Toutes mes interrogations, vous le comprendrez, correspondent à des situations
pénibles pour les familles et attendent des réponses concrètes qui, si elles ne
peuvent être immédiates, méritent néanmoins votre attention.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Goulet.
M. Daniel Goulet.
Monsieur le président, mesdames les secrétaires d'Etat, mes chers collègues,
c'est en ma qualité de président de la commission de l'alimentation du Conseil
de l'Europe que j'interviens aujourd'hui dans ce budget de la santé pour
aborder la question de l'alimentation, question d'actualité, s'il en est une,
brûlante, mais aussi permanente.
Mon intervention pourrait se résumer en deux phrases, deux expressions qui ne
sont pas que boutades : « On creuse sa tombe avec sa fourchette. » et : «
L'alimentation est notre première médecine. » En effet, la politique de la
santé et celle de l'alimentation sont indéfectiblement liées.
S'agissant de la politique de la prévention, votre budget, madame le
secrétaire d'Etat, est en augmentation très sensible - titre IV, chapitres 10
et 20 - ce qui est une bonne nouvelle, bien que le détail des actions ne
précise pas quels fonds seront affectés à la politique d'éducation en matière
d'alimentation ; je veux parler d'éducation nationale pour les jeunes, mais
aussi de la campagne d'information et d'éducation pour le grand public.
En cette matière, les études sont multiples et vont toutes dans le même sens.
Il en est ainsi pour les aliments fonctionnels. Les actes du colloque sur les
aliments fonctionnels, organisé récemment par le Conseil de l'Europe, nous
fournissent des renseignements très éclairants. On dispose aujourd'hui de
données précises concernant l'impact de l'alimentation sur la santé.
Chaque année, des dizaines de milliers de personnes meurent d'un cancer. On
estime que de 30 % à 40 % de ces décès auraient pu être évités grâce à des
mesures diététiques. De même, des dizaines de milliers de personnes meurent des
suites de maladies coronariennes et des dizaines de milliers d'autres de
maladies cardio-vasculaires. On assure que 30 % de ces décès auraient pu être
également évités au moyen de mesures diététiques.
Par ailleurs, on enregistre une augmentation du nombre de cas de surpoids ou
d'obésité. Entre 1980 et 1993, le pourcentage d'obèses est passé de 39 % à 56 %
pour les hommes et de 32 % à 46 % pour les femmes. Plus grave encore, le
pourcentage d'enfants et d'adolescents qui sont menacés par des surcharges
pondérales est en progression. L'obésité est donc un facteur de risques
supplémentaires pour plusieurs maladies.
Tout cela rend l'alimentation importante et incite tout particulièrement à
s'intéresser aux messages liant alimentation et santé.
Les messages liés à la santé doivent être en accord avec les conseils,
généralement acceptés, concernant l'alimentation saine et avec les lignes
directrices en matière de diététique. Ces messages ont d'ailleurs fait l'objet
de très sérieuses publications, comme, par exemple, le Guide national de
l'alimentation au Royaume-Uni. Je pense que nous pourrions faire aussi bien en
France.
L'ingestion d'un produit qui prétend faire baisser les taux de cholestérol ou
préserver la bonne santé de votre coeur ne servira à rien si, par ailleurs,
votre régime comporte de nombreux aliments à forte teneur en matières grasses
et en sel.
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
C'est vrai !
M. Daniel Goulet.
Ce qui est inquiétant, c'est qu'à force de mettre en avant les effets
bénéfiques que tel ou tel aliment peut avoir sur la santé les gens risquent
d'oublier les mesures simples qui permettent de rester en bonne santé : en
fait, il suffit d'avoir un régime équilibré et de bonnes habitudes
alimentaires.
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Et faire de l'exercice aussi !
M. Daniel Goulet.
Si l'on met en avant les effets positifs des produits alimentaires sur la
santé, effets qui pourraient presque tous être obtenus au moyen d'un régime
sain et équilibré, et que ces promesses ne sont pas contrôlées ni replacées
dans le contexte de la vie réelle, il est à craindre qu'à trop vouloir
améliorer leur état physique les consommateurs n'en viennent à compromettre
leur propre santé et celle de l'économie nationale, en accroissant les dépenses
du système de santé.
De la même façon, le président d'une commission en charge de l'alimentation de
41 pays d'Europe devrait se féliciter de la création de l'Agence française de
sécurité sanitaire des aliments. Pourtant, la création et le fonctionnement de
cette agence me laissent perplexe et interrogatif. Nous en avons eu la
démonstration toutrécemment.
En effet, à l'heure de la grande Europe, cette Agence nationale était-elle
nécessaire ou répondait-elle à un besoin politique face aux interrogations et
aux inquiétudes de la population en proie à la crise de la dioxine et de la
sécurité alimentaire en général ?
Mon interrogation porte sur les moyens de contrôler non pas les acteurs, mais
les structures mises en place.
En effet, en matière de sécurité alimentaire, de très nombreux organismes sont
chargés d'études et de travaux en tous genres.
Comment collationnez-vous les résultats de ces travaux et des recherches ?
Comment coordonnez-vous les différents intervenants et organismes en charge,
de façon totale ou partielle, de cette question ?
Comment se fait l'articulation entre le ministère de la santé et celui de
l'agriculture ?
Comment allez vous concilier les travaux de l'Agence française avec ceux de
l'Agence européenne préparée par M. Prodi et ceux de l'Agence mondiale, dont la
création est envisagée ?
Madame le secrétaire d'Etat, la seule chose qui importe est, pour moi comme
pour nos concitoyens, la sécurité des aliments.
La seule préoccupation du législateur, comme celle du Gouvernement, est
d'organiser non pas des structures de réflexion, encore moins des structures
qui réglementent, mais des structures de contrôles efficaces et des structures
capables de sanctioner non pas à l'échelle nationale, mais à l'échelle d'une
Europe qui compte déjà, dans son Conseil, quarante et un pays.
Certes, cette Europe n'est pas celle qui est rèvée et prônée par M. Attali.
C'est celle qui existe déjà et qui travaille au sein de l'assemblée
parlementaire du Conseil de l'Europe.
L'essentiel, madame le secrétaire d'Etat, est le contrôle. Les réglementations
sont bien assez nombreuses. De plus, dans certains pays, pourtant membres de
l'Union, leur application est sujette à quelques variations qui ne manquent pas
de nous interpeller.
Ainsi, en Grèce - je l'ai vérifié - l'associé majoritaire d'un élevage de
porcs - élevage qui n'est en rien comparable en qualité à ceux qui existent
dans une région que je connais bien - est aussi le vétérinaire qui délivre les
autorisations sanitaires !
C'est donc vers l'éducation et le contrôle qu'il faut plus particulièrement
diriger vos actions et, cette fois, la formule suivante n'a jamais trouvé
meilleure application : il vaut mieux prévenir que guérir. Tout naturellement,
chacun de nous pense alors aux personnes en particulier, mais rien n'interdit
de penser également aux comptes, et plus précisément à l'équilibre des comptes
de la sécurité sociale !
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Péry, secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les
sénateurs, je souhaite vous présenter ce projet de budget en quelques points
synthétiques.
Je commencerai par vous faire part de ma satisfaction devant son augmentation
de 24,27 %, qui marque une réelle volonté de l'ensemble du Gouvernement de
faire progresser l'égalité entre les hommes et les femmes.
En 1999, ce budget avait déjà progressé fortement. En effet, aux 80 millions
de francs de la loi de finances - qui marquaient déjà, je le rappelle, une
augmentation de 11,5 % par rapport à l'année précédente - se seront ajoutés 20
millions de francs de crédits de communication du ministère de l'emploi et de
la solidarité pour financer la prochaine campagne sur la contraception.
Cette année, les 100 millions de francs de crédits d'intervention pour 2000
consolident cette progression budgétaire.
Ce budget d'intervention en faveur de l'égalité hommes-femmes sera triplé par
l'intervention du fonds social européen. En effet, les politiques qui visent à
garantir l'égalité entre les hommes et les femmes, et à favoriser l'insertion
des femmes dans le monde du travail, sont éligibles au FSE. Le partenariat que
j'ai engagé avec l'ensemble des ministères concernés va donc nous permettre de
mobiliser 200 millions de francs du fonds social européen et ainsi de tripler
le budget propre aux droits des femmes. C'est une avancée d'autant plus
significative que nous ne disposions que de 4 millions de francs en 1999.
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2000, l'Assemblée nationale
a adopté un amendement destiné à créer une nouvelle annexe budgétaire. Ce «
jaune » permettra de mettre en évidence l'ensemble des crédits destinés à
promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes. J'espère que vous
soutiendrez cette transparence budgétaire.
Schématiquement, le budget relatif aux droits des femmes se construit autour
de trois axes.
Le premier axe est celui de l'accès aux droits, qui mobilise environ la moitié
du budget. Il recouvre l'information des femmes, notamment en matière de santé
et de contraception, la lutte contre les exclusions et la participation des
femmes à tous les domaines de la vie sociale. Cette mission est essentiellement
assurée par le secteur associatif pour le compte de l'Etat.
Le Centre national d'information et de documentation des femmes et des
familles, ainsi que les centres départementaux qui assurent cette mission pour
le compte de l'Etat, font l'objet d'une évaluation par l'inspection générale
des affaires sociales. En effet, je souhaite évaluer les niveaux les plus
adéquats, les plus efficaces pour permettre cette action des associations aux
niveaux départemental, régional et national.
Le deuxième axe concerne l'égalité professionnelle, la formation, l'insertion
dans le monde du travail, et, pour ce poste très important, je mobilise 40 % du
budget.
L'augmentation des crédits permettra en particulier de développer les contrats
d'égalité avec les entreprises les plus innovantes, d'accompagner les femmes
créatrices d'entreprise ou d'aider celles qui ont des difficultés particulières
d'insertion.
Enfin, le troisième axe, qui mobilise 10 % des crédits restants, concerne les
violences. Le nombre de femmes battues, qui est de 2 millions, fait de ce
sujet, qui reste très tabou, un véritable problème social. Au-delà du budget
d'intervention, les crédits d'études du ministère seront mobilisés pour
financer une grande enquête sur les violences auprès de 7 000 femmes, dans
l'Hexagone et dans les départements d'outre-mer, enquête qui permettra de
mesurer l'ampleur du phénomène et les circonstances de ces violences afin de
mieux les combattre.
Telles sont les grandes lignes du budget relatif aux droits des femmes, tel
qu'il apparaît dans le cadre du projet de loi de finances pour 2000. Il traduit
notre volonté de construire des actions concrètes par une approche transversale
globale de l'égalité entre les hommes et les femmes.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme Gillot, secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous m'autoriserez à intervenir
un peu plus longuement que ma collègue Nicole Péry, car outre la présentation
du budget à laquelle je vais me livrer, je vais tenter de répondre à vos
questions de la manière la plus exhaustive possible.
J'ai donc l'honneur de présenter à votre Haute Assemblée, en mon nom et au nom
de Martine Aubry, les crédits de la santé et de la solidarité pour l'année
2000.
Je tiens, avant tout, à rappeler que ce budget complexe porte les priorités de
l'action de l'Etat dans les domaines de la lutte contre l'exclusion, de la
protection des populations les plus fragiles, de la santé publique et de la
sécurité sanitaire.
L'ampleur de la progression de ce budget - 13,3 %, soit 90,8 milliards de
francs en l'an 2000 - illustre avec force la place centrale de ces domaines
parmi les priorités du Gouvernement, comme de nombreux orateurs l'ont relevé,
même s'il faut, bien entendu, faire la part de l'extension de périmètre qui
résulte de l'inscription, pour 7 milliards de francs, de la subvention de
l'Etat au fonds de financement de la CMU.
A propos de cette dernière, il faudrait que vous vous mettiez d'accord,
messieurs. Ainsi, certains d'entre vous en critiquent le coût trop élevé - M.
le rapporteur spécial craint même que ses crédits n'augmentent encore en 2001
d'une manière non contrôlée - alors que d'autres, comme M. Leclerc, nous
reprochent des seuils trop bas, qui excluent un nombre important de personnes
dont ils estiment les revenus éligibles à une prise en charge des soins par la
solidarité nationale.
En fait, comme vous le savez, le seuil d'accès à la CMU résulte d'une
appréciation délicate du niveau de pauvreté, qui a fait l'objet d'un long
débat. Je ne pense pas qu'il faille regretter que l'AAH se situe au-delà de ce
seuil.
D'une façon générale, les personnes isolées titulaires de minima sociaux ne
sont pas dans le périmètre de la CMU.
Cela étant, votre remarque est opportune, monsieur le sénateur. Il faudra
surveiller les conditions dans lesquelles les personnes handicapées ou les
personnes âgées en établissement, par exemple, pourraient avoir à souffrir de
ce seuil. Cet aspect du problème sera pris en compte lors de la mise en oeuvre
de la CMU, qui fera l'objet d'un bilan à la fin de l'année 2000.
Au-delà de cette dépense, le budget de la santé et de la solidarité enregistre
une hausse de 3,64 milliards de francs, soit un taux de progression de 4,5 %,
ce qui porte à 9,7 % en deux ans la croissance à structure constante.
Cette croissance est justifiée par les grandes priorités que nous poursuivons
pour la troisième année, à savoir : financer les dispositifs de lutte contre
les exclusions conformément aux aménagements pris en 1998 ; assurer la montée
en charge des agences de sécurité sanitaire et améliorer l'efficacité des
politiques de santé publique ; enfin, renforcer les moyens du ministère.
L'effort budgétaire consacré à ces priorités est d'autant plus remarquable que
le propre de ce budget est qu'il n'offre pas de marges de redéploiement.
Contrairement au budget de l'emploi, qui réinvestit sur les grandes politiques
structurelles de développement de l'emploi les dividendes de la croissance, le
budget de la solidarité ne peut donner lieu à des économies. Au contraire, le
contexte économique favorable auquel nous participons renforce les attentes de
ceux qui restent sur le bord du chemin et qui regardent passer, avec beaucoup
de frustration, le convoi de ceux qui prospèrent.
C'est ainsi que, sur les 3,64 milliards de francs de progression des crédits
hors CMU que j'évoquais, 3,2 milliards de francs sont préemptés par l'évolution
des trois minima sociaux portés par le budget de la solidarité, à savoir le
RMI, l'allocation de parent isolé et l'allocation aux adultes handicapés. Nous
verrons que l'amélioration de la situation économique commence à infléchir la
tendance. Il reste, vous en conviendrez, que la marge nécessaire au financement
des priorités nouvelles est étroite.
J'en viens au budget de la solidarité, dont la masse est considérable avec
81,3 milliards de francs, dont 58,6 milliards de francs pour le RMI, l'API et
l'AAH.
Parmi les priorités de ce budget figurent les engagements du programme de
lutte contre les exclusions associé à la loi du 29 juillet 1998.
Tous ces engagements sont honorés, qu'il s'agisse de l'accompagnement social
individualisé, du renforcement des dispositifs de veille sociale et
d'hébergement, de l'extension des capacités des centres de formation de
travailleurs sociaux ou de l'abondement des fonds d'aide aux jeunes en
accompagnement du programme TRACE.
Ces dispositifs sont fortement articulés avec la politique de l'emploi : ils
se situent en amont de la démarche de retour à l'emploi, qui est au coeur des
dispositifs issus de la loi d'orientation relative à la lutte contre les
exclusions. En effet, pour les personnes les plus démunies, pour les jeunes
très désocialisés, il faut surmonter bien des préalables avant de pouvoir
s'engager dans un parcours de retour ou d'accès à l'emploi durable.
Le rôle des dispositifs de lutte contre l'exclusion portés par le budget de la
solidarité est d'abord d'agir, très en amont, contre la formation des
exclusions, par le soutien à la parentalité, la protection des droits de
l'enfant et par le renforcement de l'appareil de formation des travailleurs.
Ces dispositifs ont ensuite pour rôle de lever les verrous sociaux, familiaux
et individuels qui font obstacle à l'entrée dans un parcours d'insertion.
Pour l'hébergement des personnes en déshérence, l'objectif est certes
d'accroître mais aussi de diversifier l'offre et les modalités d'accueil pour
les adapter à des besoins eux-mêmes divers et pour en faire un lieu de passage
vers la réinsertion et le logement autonome plutôt qu'un lieu de
stigmatisation. Cet effort d'adaptation de l'offre d'hébergement est
profondément inscrit dans l'esprit et la lettre de la loi d'orientation
relative à la lutte contre les exclusions, et nous y travaillons en permanence
en liaison avec M. Besson.
Il faut mentionner le rôle de l'accompagnement social individualisé, l'ASI, et
saluer au passage le travail remarquable des associations qui s'y consacrent.
L'ASI permet de débloquer des situations individuelles et sociales difficiles
et de remettre en selle les personnes en difficulté : 340 millions de francs de
moyens supplémentaires cumulés en deux ans y ont été consacrés.
Troisième outil pour lever les obstacles à l'insertion, les fonds d'aide aux
jeunes, qui apportent aux jeunes en grande difficulté l'aide matérielle
nécessaire pour faire la soudure entre les stages et les contrats qui ponctuent
leur parcours d'insertion ; 60 millions de francs supplémentaires leur sont
apportés par le budget 2000.
Enfin, il revient à l'Etat, responsable aux côtés des départements du volet
insertion du revenu minimum d'insertion, le fameux « I » du RMI, de renforcer
l'incitation à la reprise d'activité des bénéficiaires de l'allocation, comme
l'a justement rappelé M. Cazeau. A cet effet, la loi relative à la lutte contre
les exclusions a ouvert la possibilité de cumuler la prestation et les revenus
d'activité pendant un an, intégralement, puis partiellement. On estime à 16 %
en métropole la part des allocataires qui bénéficient de cet « intéressement
».
Cela m'amène à préciser mon propos initial sur l'évolution des effectifs du
RMI. L'année s'est conclue par une hausse de 3,8 % en métropole et de 4,1 % y
compris les départements d'outre-mer ; c'est la moins forte augmentation
observée depuis la mise en place du RMI, monsieur Chérioux.
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
C'est normal, en période d'expansion !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Pour la première fois, les entrées ont baissé en
métropole de 4,4 %, alors quelles augmentaient de 6 % en 1997 ; les sorties, en
revanche, se maintiennent à un tiers des effectifs, du moins en métropole.
L'amélioration profite d'abord aux jeunes allocataires, dont le nombre a
baissé pour la première fois en 1998 : de 1,5 % pour les 25-29 ans et de 3,7 %
pour les moins de vingt-cinq ans. Le premier semestre 1999 confirme ces
évolutions.
Les crédits de l'exercice 1999 sont donc de 28,2 milliards de francs et
intègrent également le coût du cumul, désormais possible, du RMI avec
l'allocation pour jeune enfant versée pendant la grossesse, ainsi que les
majorations pour âge des allocations familiales, disposition qui résulte d'une
décision de la conférence de la famille de 1998, je vous le rappelle. La
dotation 2000 marque donc, par rapport à cette base, une hausse de 500 millions
de francs fondée sur une prévision réaliste d'accélération des effets de la
baisse du chômage conjugués à la mobilisation active des dispositifs de la
politique de l'emploi en faveur des allocataires du RMI.
Le Gouvernement poursuit donc son action déterminée en ce qui concerne les
minima sociaux.
Ainsi, alors que nous étions en train de discuter de ce budget, Mme Aubry
vient d'annoncer que le Gouvernement a décidé d'abandonner les dettes fiscales
pour tous les bénéficiaires de minima sociaux et les personnes en situation
d'urgence.
Par ailleurs, il est apparu nécessaire d'améliorer la situation des personnes
qui n'ont pas encore pu bénéficier de la croissance parce qu'elles étaient trop
éloignées de l'emploi et qui continuent, pour un temps, de dépendre, pour leur
existence, des minima sociaux. C'est ainsi que le ministère de l'emploi et de
la solidarité a annoncé une série de mesures en faveur des plus démunis, parmi
lesquelles l'attribution d'une prime particulière de fin d'année d'au moins 1
000 francs et la hausse de 2 % au 1er janvier 2000 du RMI et de l'ASS.
Cette prime particulière sera attribuée aux bénéficiaires du RMI, de
l'allocation spéciale de solidarité et de l'allocation d'insertion. Elle sera
modulable en fonction de la composition de la famille. Les personnes isolées
percevront 1 000 francs, les personnes avec enfant et les couples 1 500 francs
et les couples avec deux enfants 2 100. Cette allocation spéciale touchera 1
600 000 foyers, a indiqué Mme Aubry. Le coût pour l'Etat de ces mesures hors
effacement des dettes fiscales est évalué à 2,7 milliards de francs.
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Où est-ce inscrit ?
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
C'est une annonce que je fais à cette tribune.
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
Cela ne suffit pas ! Et la procédure budgétaire
?
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Cette annonce vient d'être faite par Mme Aubry, au nom
du Gouvernement. Il me paraissait important de la porter à la connaissance de
la Haute Assemblée compte tenu des préocccupations qui ont été exprimées au
sujet des personnes en situation précaire et difficile, notamment sur le
devenir des minima sociaux.
M. Claude Huriet.
Madame le secrétaire d'Etat, me permettez-vous de vous interrompre ?
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Bien volontiers.
M. le président.
La parole est à M. Huriet, avec l'autorisation de Mme le secrétaire d'Etat.
M. Claude Huriet.
Je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat.
Je vous donne acte de l'annonce que vous venez de faire, mais pouvez-vous nous
préciser si cette bonne nouvelle pour ceux qui bénéficient des minima sociaux
aura ou non des conséquences sur les conditions d'accès à la couverture maladie
universelle ?
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Très bonnequestion !
M. le président.
Madame le secrétaire d'Etat, veuillez poursuivre, je vous prie.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Huriet, cela n'a pas encore été porté à ma
connaissance. Toutefois, les seuils d'accès à la couverture maladie universelle
sont fondés sur des calculs effectués à partir du seuil de pauvreté. Ainsi,
pour les personnes qui bénéficient des
minima
sociaux mais dont les
revenus dépassent ce seuil, il est évident que cette mesure n'aura
pasd'incidence.
J'ai dit précédemment que les personnes isolées vivant des minima sociaux ne
seront pas prises en charge par la couverture maladie universelle, puisque
leurs revenus dépassent le seuil fixé pour celle-ci.
En tout cas, pour l'instant, que je sache, il n'est pas question de modifier
le seuil d'accès à la CMU.
Je tiens à souligner à l'intention de M. Cantegrit l'intérêt que porte le
Gouvernement aux Français de l'étranger et à leur protection sociale.
Le Gouvernement étudie actuellement une réforme du régime volontaire maladie
de la caisse des français de l'étranger pour en faciliter l'accès aux Français
expatriés plus démunis que les cotisants actuels. Cette ouverture du régime
devra, bien entendu, se faire dans le respect de l'équilibre financier de la
caisse.
En ce qui concerne la CMU, sa mise en oeuvre devrait être de peu de
conséquence sur l'assurance volontaire de la CFE puisque les deux champs
d'application sontdifférents. Des instructions complémentaires seront
prochainement données par circulaire lorsque le dispositif d'application de la
CMU sera définitivement connu. Cependant, le travail effectué par M. Cantegrit
sera utile à notre réflexion et nous ne manquerons pas d'accorder une attention
particulière aux précisions qu'il a portées à notre connaissance.
M. André Maman.
Très bien !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
La protection et l'intégration des populations
étrangères est aussi un axe fort du budget de la solidarité, qui participe de
l'esprit de la lutte contre les exclusions.
Tout d'abord, vous aurez noté l'orientation nouvelle donnée aux crédits d'aide
médicale du fait de la mise en place de la CMU.
Une fois le relais pris par la CMU, des crédits demeurent nécessaires pour
assurer la prise en charge médicale des étrangers en situation irrégulière ou
bénéficiant de courtes autorisations de séjour, celle des Français non
résidents, ainsi que celle des ressortissants étrangers accueillis en France
pour des raisons humanitaires.
Le besoin à ce titre a été évalué à 400 millions de francs. Nous avons
cependant maintenu une dotation de 495 millions de francs, de façon à faciliter
l'apurement des dettes antérieures de l'aide médicale.
Je mentionne aussi, pour m'en féliciter, la consolidation du financement des
soins dans les centres de rétention administrative.
Il faut également souligner l'effort réalisé dans ce projet de budget pour
accroître de cent vingt places les capacités des centres d'accueil des réfugiés
et demandeurs d'asile, et pour augmenter les crédits de l'allocation
d'insertion versée aux demandeurs d'asile dans l'attente des décisions de
l'OFPRA, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
Enfin, le projet de budget pour 2000 met en place des crédits d'investissement
pour l'aménagement d'aires de stationnement pour les gens du voyage, qui
viendront appuyer les efforts nécessaires des collectivités locales en ce
sens.
L'effort de solidarité se déploie également en faveur des rapatriés, puisque
le budget de la solidarité abrite le volet social et culturel de la politique
en faveur des rapatriés.
Parmi ces mesures, il convient de citer les dispositifs spécifiques
d'insertion dans l'emploi des Français rapatriés d'origine nord-africaine et de
leurs familles, mis en place sous forme d'un plan d'action, en application de
la loi du 11 juin 1994.
Outre ces mesures en faveur de l'emploi, une rente viagère sera versée aux
harkis, avec effet au 1er janvier 1999. Les conditions d'attribution de cette
rente seront prochainement définies, et le plan d'action sera reconduit
jusqu'au 31 décembre 2000 par un amendement du Gouvernement au projet de loi de
finances rectificative pour 1999.
Les mesures qui se rapportent à l'emploi et à la formation sont améliorées et
également reconduites jusqu'au 31 décembre 2000 par la circulaire du 31 mai
1999.
Par ailleurs, le décret du 4 juin 1999 a mis en place un nouveau dispositif
d'aide aux rapatriés réinstallés dans une profession non salariée, placé sous
la responsabilité d'une commission nationale de désendettement présidée par un
magistrat de la Cour des comptes et qui comprend une représentation des
rapatriés. Ce sont 1 940 demandes qui ont été déposées et qui sont actuellement
en cours d'examen.
J'en viens maintenant à la politique en faveur des personnes handicapées, qui
occupe une place centrale dans le budget de la solidarité et dans les
préoccupations de nombre d'entre vous.
Cette politique se veut globale et cohérente, attentive à tous les aspects de
la vie des personnes handicapées, qu'il s'agisse de l'éducation, de l'emploi ou
de la vie sociale. Elle vise à favoriser prioritairement leur intégration, par
application de tous les dispositifs de droit commun, en milieu de vie
ordinaire, puisque telle est la demande le plus fréquemment exprimée
aujourd'hui par les personnes handicapées ou leur famille.
C'est pourquoi, sans opposer en aucune manière l'intégration des personnes
handicapées dans le milieu de vie ordinaire et la prise en charge en
institutions spécialisées, qui sont et resteront parfois indispensables, les
objectifs prioritaires que Martine Aubry et moi-même fixons à notre politique
sont : la socialisation et l'intégration des jeunes handicapés,
l'accompagnement des personnes handicapées dans leur vie quotidienne et la
formation et l'insertion professionnelles.
Ces orientations s'inscrivent dans le cadre d'une politique d'ensemble qui est
le plus souvent interministérielle.
Il faut raisonner en termes de complémentarité et de continuité, s'efforcer
d'assouplir et de diversifier les modes d'intervention des établissements et
des services, de les coordonner, de décloisonner les institutions entre elles
comme par rapport au milieu ordinaire. Cette coordination des interventions et
des structures est une nécessité qui guide les travaux préparant la réforme de
la loi d'orientation de 1975 sur les institutions sociales et
médico-sociales.
J'en profite pour rassurer M. Leclerc, qui m'a interpellée sur cette question
: la révision de la loi de 1975 qu'il appelait de ses voeux est engagée
puisqu'une mission parlementaire a été confiée au député Pascal Terrasse sur ce
sujet. J'ai d'ailleurs eu à plusieurs reprises, au cours du débat sur le projet
de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, l'occasion d'indiquer
que le travail de coopération que je mène à cet égard avec la mission
parlementaire, mais aussi avec les associations et les représentants du monde
handicapé trouvera son aboutissement dans des dispositifs législatifs qui
seront proposés à vos délibérations dans le courant du second semestre de
l'année 2000.
Il faut, bien entendu, faire une lecture coordonnée de la loi de financement
de la sécurité sociale et de la loi de finances pour prendre la mesure de
l'action entreprise en ce sens. Au demeurant, dans leurs interventions, Mme
Heinis, MM. Huriet et Neuwirth ainsi que Mme Borvo ont bien établi cette
liaison entre les textes, en exprimant leurs préoccupations sur la politique de
santé publique et en formulant des suggestions.
Pour m'en tenir au budget qui nous occupe aujourd'hui, je souhaite mettre
d'abord en exergue l'effort particulier que nous avons voulu consacrer, d'une
part, au développement des aides techniques et, d'autre part, au renforcement
des COTOREP.
S'agissant des aides techniques, il est essentiel d'offrir aux personnes
handicapées qui souhaitent et peuvent rester dans leur milieu de vie des moyens
de compensation fonctionnelle de leur handicap.
Des expérimentations ont été conduites avec le soutien des pouvoirs publics
sur quatre sites pilotes. L'évaluation dont nous disposons aujourd'hui a montré
l'intérêt qu'il y aurait à généraliser cette formule, et c'est ce que nous
allons entreprendre. Une mesure nouvelle de 15 millions de francs a été dégagée
pour ce faire dans le projet de budget pour 2000. Cet effort pourrait être
amplifié par la contribution des caisses de sécurité sociale et des conseils
généraux qui accepteraient de s'y associer.
Ainsi, nous pourrons disposer d'un centre d'expérimentation dans chaque région
de France, en évaluer le fonctionnement, puis « modéliser » ce dispositif de
manière à finalement « mailler » le territoire afin de répondre aux attentes
des personnes handicapées.
Pour ce qui est des COTOREP, le rapport remis en 1998 par l'IGF et l'IGAS a
confirmé l'existence de dysfonctionnements dans leur organisation et dans leur
gestion, et il en a clairement pointé les causes : l'absence de pilotage réel
des commissions et l'insuffisance de leurs moyens. Une remise à niveau
s'imposait donc. Les inscriptions budgétaires dans le projet de loi de finances
pour 2000 en sont la traduction forte, ce qui devrait satisfaire M. Chérioux,
qui m'a précisément interpellée sur cette question.
Le projet de budget pour 2000 continue parallèlement, bien entendu, à décliner
le programme pluriannuel de création de places pour adultes lourdement
handicapés arrêté par le Premier ministre le 8 avril 1998 pour la période
1999-2003. Il respecte la programmation prévue avec 2 000 places de CAT et 500
places en atelier protégé. Le programme de création de places en maison
d'accueil spécialisée et en foyer à double tarification - 1 100 places pour la
tranche 2000 - est, quant à lui, porté par les crédits d'assurance maladie et
prévu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour 230
millions de francs.
Il faut aussi mentionner l'ajustement des crédits de l'allocation aux adultes
handicapés, avec une progression de 781 millions de francs, ce qui porte la
dotation à 27,55 milliards de francs, sur la base d'un taux de progression en
volume et en valeur de 3 %, puisque tel est le niveau sur lequel se stabilise
l'évolution de l'AAH.
Je souhaite répondre brièvement à M. Cazeau, qui a exprimé son inquiétude sur
le devenir des personnes âgées dépendantes, auquel nous sommes nous-mêmes très
attentifs. Lorsque le maintien à domicile est devenu impossible, il faut
permettre un hébergement en établissement de qualité pour personnes âgées. Tel
est le but de la réforme de la tarification.
Nous savons que cette réforme suscite des interrogations, malgré l'oeuvre
pédagogique de la mission d'appui conduite par M. Jean-René Brunetière.
Des mesures seront prises pour éviter tout ressaut tarifaire pour les
personnes déjà hébergées. Il faut parvenir, dans la plupart des cas, à un
équilibre satisfaisant entre les réductions des tarifs d'hébergement et la
création des tarifs dépendance.
Pour ce faire, nous allons tirer parti des simulations chiffrées et des
constats réalisés par la mission d'appui avec les professionnels pour ajuster
un certain nombre de paramètres et mutualiser une part des frais liés à la
dépendance, avant même que la réforme n'entre effectivement en vigueur dans les
établissements. Il y sera procédé dans les meilleurs délais, afin de permettre
la signature dès 2000 de conventions tripartites dans les nombreux
établissements où les besoins sont urgents quant à l'amélioration de la prise
en charge et de la qualité des prestations que cette réforme leur apportera.
Enfin, les données chiffrées recueillies par la mission nous donnent les
moyens de préparer une programmation, sur la période 2001-2005, des crédits
nouveaux que l'assurance maladie consacrera à la médicalisation des
établissements.
Il faut souligner que, d'ores et déjà, pour 2000, les moyens nouveaux
progressent de 50 % par rapport à 1999.
Je ne voudrais pas terminer mon propos sur le projet de budget de la
solidarité sans évoquer deux sujets qui, bien que très différents, touchent
néanmoins à la vie des structures associatives concourant fortement à la
conduite des politiques d'action sociale de l'Etat.
Il s'agit, d'une part, de la problématique de la réduction de la durée du
travail dans le secteur sanitaire, social et médico-social et, d'autre part, du
sujet jusqu'ici récurrent des dettes de l'Etat vis-à-vis des organismes
d'accueil des objecteurs de conscience.
S'agissant de ce dernier point, nous nous sommes donné les moyens d'apurer
complètement les dettes de l'Etat dans des délais très brefs puisqu'une partie
est en train ou sur le point d'être réglée grâce à l'ouverture de 86 millions
de francs dans le décret d'avances du 2 septembre dernier, et que, par
ailleurs, la dotation dans le budget 2000 est maintenue au niveau de 1999, soit
106 millions de francs, c'est-à-dire un montant supérieur de 45 millions de
francs environ aux besoins prévisibles de l'exercice, ce qui permettra de
solder totalement la dette de l'Etat.
Quant à la mise en oeuvre de la nouvelle durée légale du travail, c'est
évidemment un sujet essentiel pour un secteur associatif qui est clairement
dans le champ de la nouvelle législation sur les 35 heures mais qui, largement
financé sur fonds publics et tenu à de hautes exigences de qualité de service,
est confronté à des sujétions particulières.
Lorsqu'elle en parlait l'an dernier, Martine Aubry indiquait qu'elle y voyait
une chance pour un secteur qui avait souvent donné la preuve de sa capacité
d'adaptation. Et, de fait, le secteur s'est fortement mobilisé. Ainsi, 1 400
accords sont aujourd'hui enregistrés, qui concernent une multiplicité
d'établissements dans les secteurs du handicap, de l'aide sociale à l'enfance,
des maisons de retraite et des établissements sanitaires.
Après avis favorable de la Commission nationale d'agrément, Mme Aubry a agréé
plusieurs accords collectifs nationaux dans ce champ, notamment un accord de
branche étendu au niveau de l'UNIFED, les accords des centres de lutte contre
le cancer, de la Croix-Rouge, de la convention du 15 mars 1966 et, tout
récemment, de la convention FEHAP du 31 octobre 1951.
Nous sommes à présent dans la phase d'instruction des accords locaux, soumis
aux autorités qui, sur le terrain - DDASS, conseils généraux, agences
régionales de l'hospitalisation - autorisent et financent les
établissements.
C'est à ce niveau que pourront être appréciés, de manière partenariale, la
réalité des efforts de solidarité financière et le souci de la qualité du
service rendu qu'ont manifestés les partenaires sociaux dans leurs accords
nationaux.
Pour autant, il ne pourrait être question de définir un scénario unique de la
réduction de temps de travail dans ce champ. L'hétérogénéité de celui-ci,
l'importance des temps partiels - ces derniers concernent 40 % des emplois - la
variété des activités, des métiers, des modes d'organisation, la diversité des
conventions collectives excluaient toute démarche mécanique et réductrice des
différences ou négatrice des réalités.
Les accords agréés sont équilibrés à la fois par rapport aux aides prévues par
la première loi et au regard des contreparties salariales importantes que, au
nom de l'esprit de solidarité qui anime ces professionnels dans leur action,
ceux-ci ont acceptées. J'ajoute que l'équilibre des accords sera facilité par
les dispositions de la seconde loi sur les allégements de charges sociales sur
les bas salaires dans un secteur qui compte une proportion importante de
salariés concernés.
Je ne doute pas que ce secteur réduira sa durée de travail et créera des
emplois en respectant les contraintes posées en termes de financement comme de
maintien de la qualité du service rendu.
Vous le savez, les accords locaux sont instruits par les services
déconcentrés, qui recueillent l'avis des financeurs. En tout état de cause, les
délais nécessaires à l'agrément de ces accords ne seront pas préjudiciables aux
salariés de ce secteur ni à l'équilibre financier des établissements qui les
emploient, d'une part, parce que les aides applicables seront celles en vigueur
à la date de la signature de l'accord - soit le taux le plus élevé puisque
beaucoup d'entre eux ont été signés avant le 30 juin de cette année, quand bien
même les accords nationaux n'étaient pas encore signés - d'autre part, parce
qu'un amendement au projet de loi sur la réduction du temps de travail exonère
de la contribution de 10 % sur les heures supplémentaires les établissements
qui ont signé un accord mais qui sont dans l'attente d'une décision d'agrément
pour le début de l'an 2000.
Il n'y a donc pas de raison de s'inquiéter : les choses doivent avancer au
rythme que permet le travail en partenariat dans les services déconcentrés.
A ce stade de mon intervention, je répondrai à Mme Borvo, qui s'est inquiétée
de la situation des caisses d'allocation familiales et des caisses primaires
d'assurance maladie.
Les CAF de la région parisienne ont été confrontées, l'été dernier, à des
difficultés liées à la mise en oeuvre d'un nouveau système informatique, qui
était déjà implanté dans les CAF de province. Le passage au nouveau système a
été rendu difficile par les spécificités du système informatique antérieur de
l'Ile-de-France, différent de celui du reste de la France. Ce passage était
nécessaire avant le 31 décembre 1999, pour éviter d'avoir à transposer au 1er
janvier 2000.
Les directeurs des CAF d'Ile-de-France ont procédé à des redéploiements
internes afin de renforcer temporairement les services concernés.
Par ailleurs, avec l'aide de la CNAF, des techniciens chargés de ces
prestations sont venus de différentes caisses de province pour résorber au plus
vite les retards qui avaient été pris.
Tout est maintenant en bonne voie pour rentrer dans l'ordre. La plus grande
attention a été portée à la situation difficile de certains allocataires pour
que leurs dossiers soient traités au plus vite.
Concernant les caisses primaires d'assurance maladie, la situation est
différente. L'inquiétude portait sur la mise en oeuvre de la CMU et sur les
négociations relatives à la réduction du temps de travail.
La CNAM a été autorisée à créer 1 400 postes. Elle va donc maintenant procéder
à ces recrutements puis à la formation de ces personnels nouveaux, ainsi qu'à
laréorganisation des services. Mais il s'agit là, je vous le rappelle, d'une
responsabilité qu'assument complètement les responsables de la CNAF et de la
CNAM. C'est l'une des conséquences du paritarisme, que nous respectons avec une
grande conviction.
J'aborderai maintenant le budget de la santé, qui est caractérisé, en 2000,
par plusieurs évolutions marquantes.
La première et la plus évidente est son taux de croissance de 5 %, taux qui
est supérieur à celui du budget global santé-solidarité. Encore ce taux de
croissance est-il minoré par plusieurs transferts externes d'un montant total
de 184 millions de francs, sur le détail desquels je reviendrai dans un
instant. A structure constante, la progression réelle, de 1999 à 2000, est de
10 %, ce qui est considérable.
Vous le savez comme moi, le budget de la santé publique n'est qu'un élément
finalement modeste - son montant s'élève tout de même à 4 milliards de francs -
de l'ensemble de la politique de santé, qui repose sur les politiques
structurelles traduites depuis deux ans, bientôt trois, dans les lois de
financement de la sécurité sociale.
Mais, avec ses 4 milliards de francs, ce budget est bien sûr essentiel, compte
tenu des actions qu'il permet de financer, mais aussi, et surtout, parce qu'il
permet à des besoins de santé qui émergent du terrain d'être transformés en
choix de santé publique.
Ces choix de santé publique sont bien lisibles dans le projet de budget pour
2000.
Il faut d'abord rappeler que la santé est un enjeu de la lutte contre les
exclusions et qu'une place importante a été faite, à concurrence de 250
millions de francs au total, aux programmes régionaux d'accès à la prévention
et aux soins, les PRAPS, dans le budget de 1999, qui leur avait affecté 194
millions de francs de mesures nouvelles.
Des moyens nouveaux sont dégagés pour renforcer les moyens affectés aux
programmes régionaux de santé, pour conforter le financement du réseau des
centres d'éducation pour la santé, pour accroître la portée des interventions
en matière de prévention du suicide et de traitement des délinquants sexuels,
ainsi que pour la mise en place du dépistage organisé des cancers.
J'ai bien noté la préoccupation de M. Huriet à cet égard.
Lors de l'adoption de la loi de financement de la sécurité sociale de 1999, le
législateur a introduit, dans le code de la santé publique, un article
permettant d'organiser la lutte contre les maladies aux conséquences mortelles
évitables, en proposant à la plus grande partie possible de la population
concernée l'accessibilité et l'égalité d'accès à un dépistage de qualité
respectant l'éthique et la justice sanitaire. Cet article confie à l'Etat la
responsabilité de la mise en oeuvre du dépistage, qui repose sur le principe de
la gratuité des actes techniques.
Le Gouvernement n'a pas sous-estimé la complexité de la mise en place du
dispositif législatif et l'importance des problèmes soulevés pour la première
fois à cette échelle. C'est pourquoi un important travail de concertation et de
mobilisation des acteurs a été accompli. Cinq groupes de travail nationaux ont
été constitués.
Quatre groupes thématiques sont chargés d'élaborer les référentiels techniques
assurant la qualité et l'accessibilité du dépistage à propos de trois cancers -
ceux du sein, du colon et du col de l'utérus - ainsi que les instruments
nécessaires à la formation et à l'information des professionnels concernés. Ces
référentiels sont, vous le savez, en voie de finalisation.
Un cinquième groupe travaille sur l'organisation opérationnelle du programme,
l'élaboration du texte conventionnel, l'adaptation de la nomenclature des actes
professionnels, la résolution des questions relatives au fichier permettant la
gestion du système, tout en respectant l'anonymat et la confidentialité
nécessaires, et l'organisation, à l'échelon régional et départemental, du
pilotage et de la mise en oeuvre concrète des programmes.
Cet important dispositif justifie la mise en place progressive des mesures,
car il s'agit de respecter les acquis dans le domaine du dépistage du cancer du
sein. Trente-deux départements regroupant 45 % de la population féminine
concernée offrent déjà un programme organisé pour le dépistage du cancer du
sein et il a fallu surmonter de nombreuses difficultés matérielles,
professionnelles, vous le savez bien.
Le dépistage du cancer du col de l'utérus par le frottis cervical, à
l'exception de quatre sites expérimentaux, relève aujourd'hui de la pratique
courante des médecins.
Le dépistage du cancer colorectal est aujourd'hui expérimenté dans deux
départements, dans la perspective de sa généralisation éventuelle au vu des
résultats. Mais c'est une procédure qui n'est pas sans poser de problème.
L'ambition de la politique entreprise est donc d'assurer une couverture quasi
universelle de la population par ce dispositif. Toutefois, la montée en charge
est assez lente et elle justifie que des précautions soient prises, aussi bien
dans les procédures que dans les pratiques de mise en oeuvre.
J'ai également été interpellée à propos des soins palliatifs et du plan
pluriannuel de lutte contre la douleur. Il est vrai qu'il n'existe pas de
chapitre particulier dans l'exposé du budget qui vous a été remis. Mais le plan
pluriannuel de lutte contre la douleur se poursuit avec la même intensité que
précédemment ; j'y apporte ma détermination. Il en va de même pour les soins
palliatifs.
Comme vous le savez, monsieur Neuwirth, en matière d'accès aux soins
palliatifs, la loi du 9 juin 1999 prévoyait trois textes d'application ; je me
permettrai de vous les rappeler.
Il s'agit, d'abord, du décret d'applications de l'article L. 162-1-10 du code
de la sécurité sociale, qui prévoit un contrat type entre les organismes
d'assurance maladie et les professionnels. Les mesures réglementaires, qui sont
en cours de rédaction, viseront à permettre la participation et la rémunération
de tous les acteurs de santé sans exclusive, à la condition qu'ils puissent
respecter l'obligation légale de continuité et d'interdisciplinarité, à
domicile comme en établissement.
Il s'agit, ensuite, du décret d'application de l'article 10 qui prévoit un
contrat type portant sur les conditions d'intervention des associations de
bénévoles dans les établissements de santé publics et privés et dans les
établissements sociaux et médico-sociaux.
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
M. Neuwirth le sait très bien, madame le secrétaire
d'Etat ! Il est l'auteur de ce texte !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Oui, mais je me permets de le rappeler, afin que cela
figure au compte rendu intégral des débats ! Ainsi, les lecteurs assidus du
Journal officiel
y trouveront et la question de M. Neuwirth et la
réponse du ministre concerné.
Ce texte, qui devrait être publié à la fin de l'année, doit faciliter les
interventions des bénévoles qui accompagnent les personnes en fin de vie dans
les établissements, en complémentarité et sans interférence avec les soins qui
leur sont prodigués.
La publication du décret devant déterminer, en tant que de besoin, les
modalités du congé d'accompagnement paraît encore prématurée à ce jour. Il
semble en effet opportun d'observer le niveau auquel se situeraient
d'éventuelles difficultés, afin d'apporter, le moment venu, une réponse d'ordre
réglementaire.
Plusieurs initiatives parlementaires visent actuellement à définir des congés
d'opportunité ou des congés de convenance pour satisfaire à des besoins
familiaux. Il serait intéressant de globaliser ces différentes demandes, de
façon que la procédure réglementaire reprenne l'ensemble de ces
dispositions.
M. Jean Chérioux,
raporteur pour avis.
Madame le secrétaire d'Etat, me permettez-vous de
vous interrompre ?
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je vous en prie, monsieur Chérioux !
M. le président.
La parole est à M. Chérioux, rapporteur pour avis, avec l'autorisation de Mme
le secrétaire d'Etat.
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
J'avoue que je suis quelque peu étonné, madame le
secrétaire d'Etat. Vous parlez de travaux actuels, mais la loi a été votée !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Effectivement !
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
Dès lors, je ne comprends pas pourquoi elle n'est
pas mise en oeuvre immédiatement ! Je vous rappelle que M. Neuwirth était
l'auteur et le rapporteur de ce texte ! Pour quelle raison les décrets
d'application de cette loi ne sont-ils pas publiés ? Vous faites état de
travaux parlementaires. Il s'agit peut-être de l'Assemblée nationale, du Sénat,
peu importe ! Pour le moment, cette loi existe, et il faut s'y tenir !
M. le président.
Madame le secrétaire d'Etat, veuillez poursuivre, je vous prie.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je reprends le fil de mon explication, monsieur
Chérioux. Je rassurais M. Neuwirth sur la détermination du Gouvernement à
mettre en oeuvre la loi visant à garantir le droit à l'accès aux soins
palliatifs du 9 juin 1999 et j'indiquais les raisons pour lesquelles les trois
décrets d'application étaient encore en attente : les deux premiers sont en
cours de rédaction et ils seront publiés incessamment ; le troisième nécessite
une évaluation globale des demandes concernant des congés d'opportunité ou des
congés de convenance pour des raisons familiales.
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
La loi est votée !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
On a vu des lois pour lesquelles les délais de
publication des décrets d'application étaient très longs ! En l'espèce, ils
sont tout à fait raisonnables : j'espère que les décrets d'application seront
publiés d'ici à la fin de l'année ou au tout début de l'année prochaine.
En tout état de cause, la promotion et le développement des soins palliatifs
restent une priorité du Gouvernement, mais cette dernière doit s'exprimer,
d'une part, au sein du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour
2000, dans lequel ont été inscrits 75 millions de francs au titre de la
deuxième tranche du plan pluriannuel - ces crédits seront intégrés dans les
enveloppes régionales déléguées aux agences régionales de l'hospitalisation
pour être distribuées par celles-ci aux établissements de santé mettant en
oeuvre des actions dans ce domaine - et, d'autre part, dans les programmes de
formation continue des médecins.
L'enjeu n'est donc pas strictement budgétaire, monsieur le rapporteur pour
avis. Le Gouvernement veillera néanmoins à ce que ces actions soient promues et
favorisées.
Une attention particulière est également portée à l'évaluation et à la gestion
des risques sanitaires liés à l'environnement et aux milieux de vie. Je
reviendrai dans un instant sur l'Institut de veille sanitaire, qui en est une
pièce maîtresse.
Sans être exhaustive, je citerai deux mesures nouvelles notables : le
renforcement des moyens des observatoires régionaux de santé, soit plus de 2
millions de francs ; par ailleurs, l'Institut de veille sanitaire aura les
moyens de financer plus amplement les prestations et la mise en place du
dispositif de gestion des risques liés à l'amiante - 12 millions de francs sont
prévus à cet effet - ce qui traduit une attention soutenue du Gouvernement.
Les enjeux de santé prennent, de plus en plus, une dimension internationale.
Il importe que la France joue pleinement son rôle et réponde aux attentes qui
s'adressent à elle. Tel est l'objet de l'augmentation de 2 millions de francs
des crédits alloués à l'OMS et, surtout, de l'abondement de 16 millions de
francs du Fonds de solidarité thérapeutique internationale, ce qui porte ses
moyens à 42 millions de francs, 21 millions de francs provenant du secteur de
la santé et les 21 autres millions de francs du secteur de la coopération.
Cela permettra au fonds de lancer une série de programmes de prévention et de
soins, notamment pour les femmes enceintes et les mères de jeunes enfants dans
les pays d'Afrique les plus touchés, hélas ! par le sida.
La lutte contre les pratiques addictives et les maladies infectieuses reçoit
des moyens supplémentaires considérables, pour atteindre 867 millions de francs
en l'an 2000.
Un volume important de moyens budgétaires nouveaux - 51,3 millions de francs -
vient abonder ces dispositifs de prévention et de prise en charge globale des
comportements liés à la prise de drogues licites ou illicites, dont la lutte
contre le sida avait montré la voie, ou les réorienter sur les cibles les plus
urgentes. Cette priorité donnée à la prévention n'a pas échappé à la sagacité
de vos rapporteurs et je les en remercie.
Au-delà des 16 millions de francs dont j'ai parlé pour le FSTI, le projet de
budget pour 2000 apporte des crédits supplémentaires pour poursuivre le
programme de lutte contre l'hépatite C - 15 millions de francs - la lutte
contre la résistance aux antibiotiques - 1 million de francs - la lutte contre
le tabagisme - 2 millions de francs ; la dotation des centres de cure
ambulatoire en alcoologie - 5 millions de francs ; enfin, 10,8 millions de
francs permettront d'assurer, sur les crédits de la Direction générale de la
santé, les actions de réduction des risques du programme triennal de lutte
contre les drogues et la toxicomanie.
Plusieurs d'entre vous ont fait allusion à la contraception et à l'information
sur la maîtrise de la fécondité. Bien évidemment, madame Borvo, monsieur
Neuwirth, il s'agit là de préoccupations majeures du Gouvernement.
Le comité de pilotage que Mme Aubry a réuni avec les associations et les
partenaires concernés pour mettre au point une campagne d'information sur la
contraception montre bien l'intérêt, mais aussi la difficulté de diffuser de
nouveau une information qui, effectivement avait été laissée à l'abandon depuis
de nombreuses années, vous avez eu raison de le dire.
Les chiffres qui sont portés à notre connaissance à la suite de différentes
études montrent qu'il est indispensable de reprendre une information très
précise, très ciblée...
M. Lucien Neuwirth.
Et permanente !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
... et permanente, en direction des jeunes
générations, je vous l'accorde tout à fait.
La contraception d'urgence, dont on a annoncé la mise à disposition dans les
collèges et les lycées par le biais des infirmières scolaires, a ramené la
question sur le devant de l'actualité. Il est vrai qu'il s'agit d'une grande
avancée médicale : le produit est bien toléré, son utilisation est simple et le
fait qu'il soit en vente libre dans les pharmacies donne aux femmes une plus
grande chance de réussite. Cela étant, c'est une méthode de rattrapage qui,
bien évidemment, doit s'intégrer dans une politique de prévention globale des
grossesses non désirées.
Pour ce qui est de la délivrance du produit dans les collèges et dans les
lycées, un climat de confiance et un dialogue avec les jeunes filles concernées
est indispensable.
M. Lucien Neuwirth.
Manque de concertationpréalable !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le sénateur, la concertation a été menée dans
le cadre du comité de pilotage et les différents groupes se positionnent
maintenant les uns par rapport aux autres.
Toute mobilisation médiatique n'est pas inutile, me semble-t-il, car cela
permet de mener plus loin cette concertation que vous appelez de vos voeux.
Il faut enfin préciser que ces apports de crédits nouveaux ont été également
permis par un travail de reclassement plus rationnel des financements entre
l'Etat et l'assurance maladie, dont vous avez vu l'effet dans le projet de loi
de financement de la sécurité sociale. Il s'agit, d'une part, du transfert à
l'assurance maladie des 15 % résiduels de financement par l'Etat du dépistage
dans les centres de dépistage anonyme et gratuit, d'autre part, de l'abandon du
principe du remboursement aux hôpitaux des frais de cure des toxicomanes
hospitalisés.
Par ailleurs, ma détermination m'incite à agir en faveur de la nécessaire
politique de nutrition évoquée par M. Goulet. Chacun doit pouvoir, en effet,
savoir se nourrir correctement et, surtout, ne pas nuire à sa santé en mangeant
n'importe comment.
La nutrition est un déterminant de santé puissant et la France portera ce
thème dans le cadre de sa présidence de l'Union européenne, durant le second
semestre de l'année 2000.
Le financement de la montée en charge des agences de sécurité sanitaire était
certainement l'un des enjeux clés du projet de budget pour 2000, ce que M.
Louis Boyer, en tant que rapporteur pour avis, n'a pas manqué de souligner.
En 2000, 495 millions de francs, c'est-à-dire 156,6 millions de francs de plus
qu'en 1999, seront affectés aux sept établissements nationaux généralement
désignés depuis la loi du 1er juillet 1998 sous le nom d'« agences de sécurité
sanitaire ».
Quatre d'entre eux ont été créés ou transformés par cette loi. Il s'agit de
l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, dont la
compétence inclut, au-delà du médicament, les dispositifs médicaux et les
cosmétiques ; de l'Agence française de sécurité sanitaire alimentaire,
cofinancée par les trois ministères de tutelle pour les missions nouvelles qui
lui sont conférées par la loi ; de l'Institut de veille sanitaire et de
l'Agence du sang qui est appelée à se transformer, le 1er janvier 2000, en
Etablissement français du sang.
Les trois autres établissements, créés antérieurement à la loi de 1998, n'ont
pas pour autant terminé leur montée en charge, notamment l'Agence nationale
d'accréditation et d'évaluation en santé, dont le plan de charge en matière
d'accréditation doit se développer rapidement, la procédure, totalement
nouvelle dans notre pays, ayant nécessité un temps d'appropriation par les
acteurs.
L'Office de protection contre les rayonnements ionisants, l'OPRI, est aussi
confronté à de lourdes adaptations imposées, notamment, par des directives
communautaires.
Seul l'Etablissement français des greffes est aujourd'hui proche d'un niveau
de croisière, si tant est que cette notion ait un sens dans le paysage
extrêmement exigeant et évolutif de la sécurité sanitaire.
Sans détailler ici les montants de crédits supplémentaires affectés à chacune
des agences, ce que j'ai déjà eu l'occasion de faire en commission, je
voudrais, pour illustrer les ordres de grandeur, préciser que 125 millions de
francs sont affectés aux quatre agences issues de la loi de 1998, soit une
hausse de 55 % du niveau de ces subventions par rapport à 1999. Leur ampleur
s'explique aussi par le choix de ne pas multiplier les taxes prélevées sur les
secteurs de production placés sous le contrôle des agences. Ayant fait ce
choix, l'Etat prend ses responsabilités budgétaires.
Monsieur Huriet, telle est la réponse à votre question : nous avons tiré les
conséquences de ce choix, qui ne devrait pas vous choquer, en mettant en place
les crédits nécessaires à la montée en charge des agences. Ce financement entre
donc en effet dans les discussions budgétaires normales : négocier, ce n'est
pas mendier. Nous avons fait la preuve que l'Etat est responsable et sait
mettre en place les moyens adaptés aux besoins et à la montée en puissance de
ces agences, même lorsque trois ministères sont concernés, comme c'est le cas
pour l'Agence française de sécurité sanitaire alimentaire.
J'ajoute que l'ensemble de ce dispositif est coordonné par le comité national
de sécurité sanitaire, désormais opérationnel, et que je réunis tous les trois
mois.
Ce comité s'est réuni en octobre dernier. Il a présenté un bilan des alertes
et des crises sanitaires des six derniers mois, en particulier à l'occasion de
l'éclipse et de l'épidémie de légionellose, ainsi que la démarche en cours pour
les encéphalites suraiguës transmissibles à l'homme.
Conformément à ses missions, ce comité se réunit, travaille et mène une
réflexion en mutualisant les différentes réflexions des acteurs et des experts
convoqués devant lui.
C'est dans ce cadre qu'a été proposée la mise en place de trois groupes de
travail, présidés par des experts reconnus, chargés de travailler sur les
facteurs de décision dans les différents organismes, l'estimation quantitative
et qualitative des risques et les priorités de sécurité sanitaire.
Il s'agit bien de réfléchir et de coordonner l'action des différentes agences
et non pas d'alourdir le fonctionnement de ce comité, ce qui serait source
d'inefficacité pour un véritable lieu de réflexion et de proposition comme
celui-là.
Concernant le principe de précaution, s'il revient aux scientifiques d'évaluer
les risques, en revanche, la décision, c'est-à-dire la gestion du risque,
revient aux pouvoirs publics, au Gouvernement, comme on l'a vu pour la levée de
l'embargo de la viande bovine. Le dossier a été géré de manière
interministérielle, sous la responsabilité du Premier ministre, et si c'est le
ministre de l'agriculture qui a été le porte-parole de la France à Bruxelles,
c'est parce que tel est l'usage.
Ces questions, en effet, sont traitées par le ministère de l'agriculture et
par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la
répression des fraudes. En l'occurrence, M. le Premier ministre a tenu à ce que
les préoccupations de santé publique soient véritablement intégrées dans la
réflexion et les exigences portées par la France. C'est ce qui m'a conduite à
accompagner Jean Glavany à plusieurs reprises dans ces commissions, à la grande
surprise, je dois le dire, des acteurs présents qui n'avaient jamais vu un
ministre de la santé venir parler de ces questions. D'ailleurs, la manière dont
la France les a abordées, a fait évoluer de façon tout à fait positive et
novatrice la réflexion collective au sein de la Communauté européenne.
Le dernier domaine couvert par le budget de la santé est celui de l'offre de
soins, dénomination qui donne sa logique à un contenu malgré tout
diversifié.
Sous cet agrégat sont en effet regroupés les crédits affectés au
fonctionnement des agences régionales de l'hospitalisation, à la formation des
professions paramédicales, à l'organisation des systèmes de santé dans les
territoires d'outre-mer ainsi que les crédits de subventions aux
investissements hospitaliers.
Le fonctionnement des agences régionales de l'hospitalisation est désormais
stabilisé. Je vous remercie, monsieur Cazeau, de l'avoir relevé.
Les schémas régionaux d'organisation sanitaire de deuxième génération sont
désormais presque tous opérationnels.
La formation des professions médicales et paramédicales, heureusement
regroupée avec les bourses d'études dans la nouvelle nomenclature, prolonge
également le niveau des dotations 1999, tant pour les écoles de sage-femmes et
d'infirmiers - 256 millions de francs - que pour la formation extrahospitalière
des étudiants - 250 millions de francs - et l'année-recherche des internes.
Je m'arrête un instant sur les territoires d'outre-mer, pour souligner les
efforts mis en oeuvre pour régler un certain nombre de situations difficiles,
tant dans le budget 2000 - il s'agit de la revalorisation du minimum vieillesse
et des crédits d'action sociale pour les personnes handicapées à
Wallis-et-Futuna - qu'en gestion 1999, avec l'apurement d'une tranche de dettes
de 17,4 millions de francs au profit du système de santé de Wallis-et-Futuna,
un apport de 5 millions de francs à la convention en cours avec le Polynésie
française pour amorcer une aide au logement mise en place sur le territoire, et
enfin 10 millions de francs pour abonder la convention d'action sociale à
Mayotte.
Le dernier domaine relevant de l'offre de soins est celui des investissements
hospitaliers. Ils se répartissent entre un chapitre qui, à l'avenir, ne devrait
plus porter que les opérations non finançables par nature sur l'objectif
national de dépenses d'assurance maladie, notamment outre-mer, et un chapitre
constitué par le fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, le
FIMHO.
Créé en 1998, le FIMHO poursuit sa montée en charge à un rythme commandé par
le respect scrupuleux de l'éligibilité au regard de critères de sélection
stricts des opérations. Ces critères sont stricts, car il me semble essentiel
de préserver la fonction impartie au FIMHO, qui est d'appuyer la logique de
restructuration de l'offre de soins, en faisant jouer au financement de l'Etat
un rôle de complément et de levier là où il est nécessaire, et là seulement.
Le budget 2000 accompagne cette montée en charge avec un nouvel apport de 200
millions de francs d'autorisations de programme, qui porte à 265 millions de
francs, soit 115 millions de francs de plus qu'en 1999, le besoin de crédits de
paiement en 2000.
Mme Heinis a formulé quelques propositions concernant la réforme des études
médicales et la démographie médicale. Elle a longuement parlé des hôpitaux de
proximité et de l'importance d'assurer des soins de qualité par des
professionnels reconnus.
J'aimerais vous rappeler les différentes mesures qui ont été prises depuis
deux ans dans ce domaine, même si elles concernent davantage le projet de loi
de financement de la sécurité sociale pour 2000.
Ainsi, l'augmentation du
numerus clausus,
qui passe de 3 700 en 1999 à
3 850 pour 2000, devrait apporter des réponses en termes de démographie
médicale. Pour tenir compte des pénuries hospitalières, trois disciplines,
l'anesthésie, l'obstétrique et la pédiatrie, ont été individualisées afin
d'orienter les internes et de répondre aux besoins constatés.
Pour les praticiens hospitaliers, l'harmonisation des carrières à temps plein
et des carrières à temps partiel est en cours, ainsi que la mise en oeuvre du
périmètre de sécurité après une garde, la prime pour l'exercice dans plusieurs
établissements, l'amélioration de la situation sociale, l'amélioration du
statut des praticiens adjoints contractuels, la revalorisation du statut des
urgentistes et la création de trente postes d'urgentistes en 1999, de cent en
2000 et de cent en 2001.
Je souhaite conclure en évoquant le renforcement des moyens en personnel de
l'administration sanitaire et sociale, sans m'attarder, parce que Martine Aubry
l'a fait ce matin en vous exposant en détail la stratégie qui la guide en la
matière.
Monsieur Oudin, l'une des raisons du rejet du budget de la solidarité serait,
pour vous, le recours à des agents mis à disposition par des organismes tiers,
notamment par des hôpitaux. Vous savez mieux que personne que cette situation
n'est pas nouvelle, tout simplement parce que cette administration a connu,
jusqu'à notre arrivée, une dégradation de ses moyens humains qui a conduit à ce
recours à des formes, il est vrai, irrégulières de recrutement. Cependant, je
récuse vivement votre assertion selon laquelle, s'agissant des hôpitaux, on
n'est jamais mieux servi que par soi-même, ce qui laisse à penser que ce
ministère fait bon marché de la déontologie.
Cette situation est donc installée depuis longtemps, et je ne doute pas que
vous l'avez dénoncée auprès des ministres précédents.
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Absolument !
M. Jean Chérioux.
rapporteur pour avis.
Nous, nous savons reconnaître nos erreurs !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je ne sais si vous l'avez fait avec la même force,
mais les résultats n'étaient pas concrets.
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
C'est ce que nous déplorions !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
En revanche - et c'est nouveau - nous nous donnons
aujourd'hui les moyens d'y remédier.
Vous critiquez les créations d'emplois budgétaires, alors qu'ils constituent
le moyen le plus sain de répondre à la charge accrue des services. Or,
contrairement à ce que l'on pourrait déduire de votre analyse, la mise en place
des agences de sécurité sanitaire n'exonère nullement les services de l'Etat de
la gestion des risques sur le terrain.
Quant aux mises à disposition héritées du passé, nous mettons en place dans le
budget 2000, et c'est la première fois, un crédit de rémunération de 10
millions de francs destiné à régulariser ces personnels. Il est évident que ce
n'est pas suffisant pour cette année, mais c'est un premier pas significatif
qui marque bien la détermination de Mme Aubry et de moi-même à poursuivre cet
effort dans les budgets à venir. Je pensais que vous pourriez nous en donner
acte. Je suis quelque peu déçue, mais je ne désespère pas !
M. Jean Chérioux,
rapporteur pour avis.
C'est un trop petit pas !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Soyez assurés que nous en ferons un autre l'année
prochaine !
Comme Martine Aubry, je suis convaincue de la nécessité absolue, pour un
ministère qui porte une part essentielle des grands projets du Gouvernement, de
veiller à donner les moyens nécessaires à l'administration pour mener à bien
ces projets et leur faire produire les effets que chacun en attend.
Les moyens qui conviennent, ce sont des emplois budgétaires en plus. Le
Premier ministre en a reconnu la nécessité. C'est ainsi que le projet de budget
pour 2000 permet une augmentation nette de 100 emplois, 137 en réel, à raison
de 53 en administration centrale et de 84 dans les services déconcentrés,
notamment pour renforcer les corps techniques, qui sont les chevilles ouvrières
des services en matières d'inspection et d'expertise.
En 2000, seront donc créés vingt et un emplois d'inspecteur des affaires
sanitaires et sociales, vingt-deux emplois de médecin inspecteur et huit
emplois d'infirmier, dix emplois de pharmacien inspecteur, dix emplois
d'ingénieur de génie sanitaire et huit emplois de technicien sanitaire pour la
filière santé-environnement.
C'est aussi une meilleure adaptation des emplois aux métiers, par la
requalification des emplois, et plus de fluidité.
C'est, enfin, avec 32,2 millions de francs, après les 33,5 millions de francs
obtenus l'an dernier, plus de reconnaissance, en termes de rémunération
indemnitaire, de la charge de travail supportée et des résultats accomplis.
Ces orientations, simples à dire, difficiles à obtenir, trouvent une
traduction forte dans le budget pour 2000. Je sais que beaucoup d'entre vous
qui côtoient fréquemment l'administration sanitaire et sociale s'en réjouissent
également.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant l'emploi et la solidarité : II. - Santé et solidarité.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 348 539 873 francs. »