Séance du 7 décembre 1999







M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les charges communes et les comptes spéciaux du Trésor.
La parole est à M. de Rocca Serra, rapporteur spécial.
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les charges communes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget des charges communes pour 2000, que j'ai l'honneur de vous présenter, s'élève à 701,12 milliards de francs.
Ces crédits, nets des dégrèvements et remboursements, qui s'élèvent à 330,73 milliards de francs, et des recettes d'ordre, soit 17,2 milliards de francs, s'établissent à 353,19 milliards de francs, soit une diminution de 1,3 % par rapport à 1999, à structure constante.
Le budget des charges communes subit traditionnellement d'importants transferts de crédits. Le projet de budget pour l'an 2000 n'échappe pas à la règle.
Les crédits précédemment inscrits sur le budget des charges communes, mais transférés en 2000 vers d'autres sections budgétaires, s'élèvent à 13,53 milliards de francs. Il s'agit, pour l'essentiel, de 5 milliards de francs au titre de diverses mesures économiques, de plus de 3 milliards de dépenses en capital, de 1,6 milliard au titre de la dotation au fonds spécial d'invalidité et de plus de 1 milliard au titre de cotisations patronales d'assurance maladie.
En sens inverse, 10,57 milliards de francs sont inscrits pour la première fois au budget des charges communes : 5 milliards de francs au titre des dépenses de pension de divers établissements publics, près de 4 milliards pour la participation de l'Etat au financement des prestations sociales agricoles et 1,6 milliard au titre de la participation de l'Etat au financement des retraites de l'Imprimerie nationale et des mines.
Par ailleurs, l'article 67 du projet de loi de finances pour 2000 est rattaché, pour son examen, au budget des charges communes.
Il tend à préciser les modalités de prise en charge de l'indexation des obligations assimilables du Trésor indexées sur l'inflation. L'article 19 de la loi du 2 juillet 1998 a en effet autorisé l'Etat à émettre des obligations indexées sur l'inflation. L'article 67 prévoit que la charge budgétaire correspondant au coût représentatif de l'indexationde ces obligations est inscrite chaque année en loi de finances. Le provisionnement de cette charge budgétaire pour 2000 s'établit à 895,535 millions de francs, inscrits au chapitre 11-05 du budget des charges communes.
Je souhaite maintenant vous faire part de quatre observations que m'inspirent les dotations allouées au budget des charges communes pour 2000.
Première observation : le projet de budget des charges communes, en dépit de sa nature particulière, fait l'objet d'un effort appréciable de clarification.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Très bien !
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra, rapporteur spécial. Le budget des charges communes présente un caractère paradoxal : il est relativement méconnu, alors qu'il représente près de la moitié du budget général, tout en abordant des thèmes très variés.
Il présente également un caractère hétéroclite. En effet, il comprend les crédits qui sont destinés à l'ensemble des services de l'Etat, ou à plusieurs d'entre eux, et qui ne peuvent être inscrits dans le budget d'un ministère particulier.
Toutefois, il faut souligner que les modifications de structure opérées par le projet de loi de finances pour 2000 permettent de clarifier la présentation du projet de budget, le rendant plus lisible. Le budget des charges communes passe ainsi de 81 chapitres budgétaires en 1999 à 37 chapitres en 2000, à la suite de la suppression de 44 chapitres.
Deuxième observation : les crédits correspondent essentiellement à des dépenses de constatation.
La grande majorité des dépenses inscrites au budget des charges communes sont des dépenses de constatation, résultant de la prise en compte de circonstances extérieures, indépendantes de l'action du Gouvernement.
S'agissant de la dette de l'Etat, qui s'établissait à 4 022 milliards de francs au 31 décembre 1998, soit 47 % du produit intérieur brut, seule sa charge budgétaire apparaît dans le budget de l'Etat.
La charge nette de la dette passe ainsi de 237,25 milliards de francs en 1999 à 234,7 milliards de francs en 2000, soit une baisse de 1,07 % représentant 2,5 milliards de francs en comparant les lois de finances initiales, ce dont il convient de se réjouir.
S'il faut se féliciter de ce que, en effet, l'Etat dégage un excédent primaire pour la première fois depuis 1990 permettant de diminuer la charge de la dette en 2000, ce résultat tient en partie au bas niveau des taux d'intérêt. Par ailleurs, comme l'a exposé M. le rapporteur général, la réduction du déficit budgétaire est bien insuffisante, eu égard à la conjoncture économique actuelle.
Je m'interroge toutefois sur l'évolution réelle de la charge nette de la dette en 2000. En effet, cette dernière est passée, en 1999, de 237,2 milliards de francs dans la loi de finances initiale à 229 milliards de francs dans la loi de finances rectificative,...
M. Yves Fréville. Eh oui !
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra, rapporteur spécial. ... soit une amélioration de 8,2 milliards de francs.
M. Yves Fréville. Tout à fait !
M. Louis-Ferdinand de Rocca Serra, rapporteur spécial. Le déficit primaire de l'Etat s'est donc accentué, la charge nette de la dette étant finalement de 229 milliards de francs en 1999, alors qu'elle s'établit à 234,7 milliards de francs dans le projet de loi de finances initiale pour 2000. Comment expliquer, dès lors, cette aggravation du poids de la charge nette de la dette de 5,7 milliards de francs en 2000, contrairement aux affirmations du Gouvernement ?
Les dépenses de garanties, quant à elles, évoluent en fonction des aléas de la conjoncture internationale.
Enfin, l'évolution des dépenses en atténuation de recettes est étroitement liée à des facteurs exogènes ou à l'effet de mesures législatives antérieures.
Troisième observation : le budget des charges communes ne donne qu'une vue partielle des dépenses « transversales ».
Si 1,24 milliard de francs est inscrit au titre des garanties de l'Etat, ce crédit ne prend pas en considération les « garanties implicites » qui sont pourtant à la charge de l'Etat, c'est-à-dire les engagements à plus ou moins long terme auxquels l'Etat et le secteur public devront faire face, et qui ne sont pas retracés en tant que tels dans le budget de l'Etat.
Or l'Etat sera confronté, dans un avenir relativement proche, à un problème budgétaire majeur, celui du « hors-bilan » ou de la « dette publique invisible ».
Si la structure et l'évolution du bilan de l'Etat peuvent être appréhendées et contrôlées de façon relativement objective, le « hors-bilan », quant à lui, fait l'objet d'une grande imprécision, le flou dont il est entouré empêchant la représentation nationale et les citoyens de connaître précisément la situation financière de l'Etat.
En effet, le Gouvernement apprécie actuellement le « hors-bilan » d'une manière excessivement restrictive, ne s'en tenant qu'à une simple définition juridique.
Ainsi, le « hors-bilan » n'est ni complètement connu ni totalement provisionné, qu'il s'agisse du coût des structures de défaisance, des garanties de l'Etat pour les prêts au logement, du démantèlement des centrales nucléaires ou des pensions de la fonction publique.
Lors de votre audition par la commission des finances, je vous avais interrogé, monsieur le ministre, sur ce point précis. La réponse que vous m'aviez apportée alors était pour le moins vague, évoquant simplement le rapport François sur la comptabilité patrimoniale de l'Etat. Je vous repose donc la question ici et maintenant : quelles mesures envisagez-vous de mettre en oeuvre pour rendre plus transparente la situation financière de la France, et, surtout, pour faire face à cette dette « cachée » qu'il nous faudra bien rembourser un jour ?
Le caractère tronqué du budget des charges communes apparaît également lorsque sont analysées les dépenses de rémunérations comme celles des pensions.
Le budget des charges communes comporte une dotation de 230 millions de francs au titre des rémunérations d'activité, alors que ces dernières s'élèvent, dans leur ensemble, à plus de 400 milliards de francs.
La situation est la même pour les retraites de la fonction publique. La totalité des charges de pension de l'Etat pour 2000 est évaluée à 192,2 milliards de francs, alors que le budget des charges communes est doté de 35,75 milliards de francs au titre des pensions, soit 18,6 % de l'ensemble.
Quatrième et dernière observation : les estimations de certaines dépenses sont incertaines.
C'est le cas, par exemple, des dépenses éventuelles et, surtout, des dépenses accidentelles. La dotation de ces dernières passe, en effet, de 450 millions de francs en 1999 à 1 640 millions de francs en 2000, ce qui représente une augmentation de plus de 260 %, sans que le Gouvernement en donne la moindre justification autre qu'un vague « ajustement aux besoins ».
Monsieur le ministre, vous n'avez pas non plus répondu à cette question lorsque vous avez été auditionné par la commission des finances. Je me permets donc de vous interroger de nouveau : comment expliquer l'augmentation, ou plutôt l'explosion, des dépenses accidentelles ?
J'espère que vous ne me répondrez pas que ces crédits seront affectés à hauteur de 600 millions de francs à l'indemnisation des victimes des catastrophes qui ont frappé très récemment les départements du sud de la France, car cette indemnisation pouvait être prévue lors de l'élaboration de la loi de finances.
Sous réserve de ces observations et des quelques interrogations que je viens d'énumérer, la commission des finances propose au Sénat d'adopter les crédits des charges communes pour 2000, ainsi que l'article 67 rattaché. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Loridant, rapporteur spécial.
M. Paul Loridant, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les comptes spéciaux du Trésor. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les comptes spéciaux du Trésor dessinent habituellement un tableau éclectique et impressionnant qui couvre la quasi-totalité des politiques publiques.
C'est encore le cas cette année, même si le projet de loi de finances, qui comporte la suppression de cinq comptes d'affectation spéciale, témoigne de la volonté de réduire le champ d'intervention des affectations de recettes. Malgré cela, la masse des sommes concernée est considérable puisque les comptes spéciaux du Trésor représentent plus de 450 milliards de francs de recettes.
Le solde des comptes spéciaux du Trésor, tel qu'il est affiché par le Gouvernement, connaîtrait, en 2000, avec 3 milliards de francs d'excédent, une stabilisation par rapport aux données de la loi de finances initiale de 1999.
Toutefois, cela correspond à une légère dégradation par rapport à la situation résultant du projet de loi de finances rectificative.
Contrairement au passé récent, l'excédent provient non plus des comptes d'affectation spéciale, mais des comptes d'avances et de prêts.
Je dois cependant souligner que les opérations retracées dans le projet de loi de finances sont loin de rendre compte de la réalité des interventions des comptes. D'importants reports de crédits, qui n'apparaissent pas, influencent beaucoup l'exécution budgétaire. En outre, et je reviendrai sur ce point, certaines écritures et imputations peuvent être contestées.
J'ai rappelé votre projet de clôturer cinq comptes d'affectation spéciale, mais cela n'épuise pas les innovations du projet de budget pour 2000.
En effet, parallèlement à ces suppressions, vous procédez à quelques adjonctions qui manifestent une certaine vitalité de la formule.
Deux comptes sont concernés par ce dernier mouvement : le fonds national de développement des adductions d'eau, le FNDAE, et le fonds national de développement du sport, le FNDS.
Pour le FNDAE, il s'agit de le transformer en un fonds national de l'eau, FNE, dont il ne constituerait plus qu'une section à côté d'une nouvelle section, elle-même dénommée fonds national de solidarité pour l'eau, FNSE.
Le Sénat a voté en première partie un amendement de suppression des recettes affectées au FNSE. Ce vote a été motivé entre autres par les perspectives quelque peu dangereuses - elles sont considérées comme telles par la commission des finances - pour le FNDAE d'un voisinage au sein du même compte d'affectation spéciale avec le FNSE.
Je rappelle à ce propos que, si les comptes d'affectation spéciale constituent une exception au principe de non-affectation des recettes, ce dernier principe retrouve tous ses droits au sein de chaque compte. Il y avait donc lieu de craindre un certain mélange des flux, d'autant qu'il s'agit, mes chers collègues, de questions d'eau... (Sourires.)
En ce qui concerne le FNDS, la commission des finances a supprimé le prélèvement sur les droits de retransmission télévisée. A titre personnel, je ne m'associe pas à cette démarche car, même si le fonds national du développement du sport doit être réformé, et avec M. Michel Sergent, rapporteur spécial de la jeunesse et des sports, nous avons formulé plusieurs recommandations sur ce point, j'estime qu'il est justifié de rechercher une diversification des recettes du FNDS.
J'ai évoqué vos propositions d'adjonction, monsieur le ministre, et j'en viens maintenant à vos projets de suppression, plus particulièrement à ceux qui concernent le fonds d'aménagement de la région d'Ile-de-France, le FARIF, et le fonds national du livre.
Vous justifiez la suppression du FARIF par un souci de rebudgétisation. Nous avons estimé qu'il y avait un certain risque à accepter votre dispositif : celui de voir les produits de la taxe spécifique à l'Ile-de-France orientées vers d'autres emplois que ceux qui sont destinés à l'Ile-de-France. S'il est un compte pour lequel la procédure d'affectation de la recette est justifiée, c'est précisément le FARIF, et sa suppression ne peut se concevoir sans une réflexion sur la taxe qui l'alimente.
Quant au fonds national du livre, sa suppression équivaut à une totale débudgétisation, entreprise qui, vous le savez, monsieur le ministre, n'a rien pour séduire la Haute Assemblée.
C'est d'ailleurs l'une des difficultés substantielles qui caractérisent l'un des comptes spéciaux du Trésor les plus significatifs, celui qui décrit les opérations relatives au secteur public. J'y viens tout de suite, non sans vous avoir indiqué que la suppression du fonds forestier national, le FFN, devra s'accompagner d'une présentation périodique de l'effort public en faveur de la forêt.
Le compte relatif au secteur public figure parmi les comptes d'affectation spéciale dont les écritures soulèvent de façon récurrente interrogations et critiques. Certaines opérations y sont recensées alors qu'elles n'y ont pas leur place. D'autres, au contraire, n'y figurent pas alors qu'elles le devraient.
Parmi les premières, on peut évoquer, avec la Cour des comptes, la compensation des charges d'intérêt supportées par l'établissement public de financement et de restructuration, l'EPFR parmi les secondes figurent les recettes de cessions du GAN ou du Crédit lyonnais, par exemple. Cela fait plus de 60 milliards de francs d'opérations, monsieur le ministre.
Je sais que vous nous indiquerez que ces choix sont justifiés techniquement et compatibles avec la loi du 28 novembre 1995 sur le Crédit lyonnais. Peut-être, mais cela ne vous empêche pas de passer par le compte spécial du Trésor concerné. La représentation nationale trouve dans l'examen de ces opérations une occasion trop rare de s'intéresser aux conditions dans lesquelles le secteur public est géré.
A ce propos, je comprends que le Gouvernement use des libertés que lui confient les lois par lesquelles le Parlement lui a donné une sorte de blanc-seing aux fins de procéder à la cession qu'il souhaite au sein d'une liste impressionnante d'entreprises. Je comprends aussi que, dans la communication gouvernementale, l'information financière à destination des marchés importe beaucoup. Mais il est moins légitime qu'elle éclipse l'information parlementaire. Il faudrait que nous soyons mieux informés sur chaque opération, et il me semblerait normal que nous soyons saisis, par l'intermédiaire des présidents des commissions des finances, des mêmes dossiers que la commission des participations et des transferts.
Une dernière observation s'impose. Je me félicite, monsieur le ministre, de l'amélioration de la situation financière d'ensemble du secteur public. Mais les besoins à financer restent considérables. Il faut assumer les conséquences des sinistres bancaires, et j'exposerai bientôt à la commission des finances les travaux que je conduis sur le consortium de réalisation, le fameux CDR, qui doit apurer les comptes du Crédit lyonnais.
Il faut aussi accompagner les difficultés financières de certaines entreprises publiques industrielles, qui paraissent hors d'état de les surmonter, au demeurant pour des raisons structurelles. Je pense aux Charbonnages de France ou à Réseau ferré de France.
Dans ces conditions, il est quelque peu irréel d'envisager une réduction pérenne des recettes du compte.
Quant à supposer que ses dépenses pourraient contribuer à la résorption de la dette publique de l'Etat, c'est, pour l'instant, une vue utopique.
Or les recettes du compte sont en net repli. Elles avaient atteint 53 milliards de francs en 1998. Elles sont supposées n'être que de 32 milliards de francs au total pour les deux années 1999 et 2000.
Les ressources potentielles se raréfient. Les actifs financiers de l'Etat, qui représentaient 15,7 points de PIB en 1980, ne s'élèvent plus qu'à 8,2 points de PIB en 1997, et seront encore réduits à la fin de l'année 2000. Cela est assez inquiétant en soi, et pose la question du devenir du compte et du financement des besoins des entreprises publiques.
Pour ne pas allonger mon intervention, je ne ferai qu'évoquer la situation des comptes de commerce du ministère de la défense en soulignant les progrès de méthode en cours s'agissant du compte des constructions navales.
De la même manière, je ne fais qu'évoquer la situation des comptes de prêts aux Etats étrangers pour indiquer qu'elle traduit les difficultés auxquelles toute action extérieure se trouve aujourd'hui confrontée.
Ces difficultés, qui sont d'abord budgétaires, mettent en cause notre capacité à financer le développement des pays les plus pauvres, et je me réjouis qu'en compensation nous ayons lucidement tenu compte de leur situation en effaçant des dettes irrécouvrables.
En conclusion, la commission des finances vous invite, mes chers collègues, à voter ce budget compte tenu des amendements qui ont été adoptés lors de l'examen des articles de la première partie de la loi de finances et de ceux qui seront présentés à l'occasion de la discussion de ce projet de budget. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe de l'Union centriste, 12 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur le compte d'affectation spéciale relatif à la gestion des titres et participations de l'Etat, gestion qui a connu, semble-t-il, en 1999 un certain nombre d'évolutions pour le moins intéressantes.
C'est ainsi que, dans son fondement, ce compte d'affectation spéciale soulève un certain nombre de questions.
Pour une part essentielle, le mouvement de cession de titres enregistré depuis 1997 est lié à la mise en oeuvre de choix politiques antérieurs à juin 1997.
J'observe qu'il en est ainsi pour l'ensemble des mouvements opérés dans le cadre du plan de redressement du Crédit lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs, dans l'ouverture du capital d'Air France ou de France Télécom, et que la démonstration a d'ailleurs été faite que certaines des motivations qui avaient guidé ces opérations ne se sont pas immédiatement traduites positivement dans les faits.
C'est ainsi que certains, en 1996, nous avaient présenté le changement de statut de France Télécom comme la condition sine qua non du développement d'alliances internationales.
Inutile de rappeler ici - ce serait trop long - l'épisode Deutsche Telekom-Sprint.
De la même manière, si l'on peut apprécier que les affectations du produit des cessions de titres soient plus directement liées aux nécessités de recapitalisation des entreprises publiques « restantes », et que soit notamment abandonnée la politique de désendettement qui avait marqué la période 1993-1997, sans effets réels sur le volume de cette dette, on doit souligner que cette recapitalisation intervient le plus souvent dans le cadre de contraintes qui nous ont été imposées ailleurs.
Ainsi, la séparation entre Réseau ferré de France et la SNCF entraîne, elle aussi, une insuffisance de ressources de l'établissement gestionnaire de l'infrastructure. Cela montre, preuves à l'appui, le caractère pernicieux de ce qui découle des orientations de la Commission européenne sur ces questions cruciales pour l'aménagement du territoire et le service public.
Je me permettrai aussi de souligner les incertitudes qui semblent avoir présidé à l'opération de cession du GAN et qui nous amènent à nous interroger sur leur réalisation.
De façon plus générale, les opérations retracées dans le compte d'affectation spéciale n'ont pas, en fait, gagné en qualité sur la durée.
Elles posent encore et toujours la question de la conception que l'on peut avoir du rôle économique de l'Etat.
C'est ainsi que nous sommes pratiquement parvenus à une privatisation totale du secteur bancaire et assuranciel sans que cela se traduise pour l'heure par autre chose qu'un mouvement de mégafusions particulièrement meurtrier, en fin de compte, pour l'emploi et la qualité de services ou par des tentatives d'obtenir la facturation de services bancaires jusqu'ici gratuits.
Quant à la concurrence qui s'exerce en des domaines comme les télécommunications ou qui est appelée à s'exercer dans le domaine de l'énergie, je ne suis pas certaine qu'elle favorise effectivement, à terme, la qualité de service et la réduction des prix offerts aux usagers.
Les principes qui ont guidé la constitution du service public à la française ont, de notre point de vue, une pertinence qui demeure tout à fait valable.
Il nous semble donc, alors même que nous sommes souvent engagés vis-à-vis de nos partenaires européens dans des négociations portant sur l'harmonisation fiscale ou la convergence des politiques économiques et budgétaires, que nous devrions en tirer parti pour valider des choix différents en matière de maîtrise publique d'un certain nombre de fonctions essentielles au développement économique et social, choix que nous avons, de notre point de vue, insuffisamment validés dans la dernière période.
Vous comprendrez que nous soyons clairement opposés à toute perspective de tarification des services bancaires qui apparaîtrait comme une nouvelle inégalité d'accès au crédit entre les habitants de ce pays, selon leur fortune et, entre les entreprises, selon le volume des transactions qu'elles réalisent.
Nous attendons du Gouvernement, sur ces questions, une intervention claire et favorable aux intérêts des consommateurs, rejetant les orientations des établissements de crédit.
Ce sont là, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques points que je souhaitais souligner à l'occasion de l'examen de ces crédits.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, face à un budget Léviathan que je dois examiner au rythme voisin d'un milliard de francs la seconde (Sourires), je me bornerai à quelques questions sur la qualité de la gestion de l'Etat et sur la pertinence de certaines interventions.
Je commencerai par la gestion non seulement de la dette publique mais aussi du patrimoine et de la dette viagère. Certes, la dette publique n'a pas été le thème dominant de ce débat budgétaire. Tout semble s'arranger, en effet ; la baisse des taux d'intérêt nominaux a réduit l'écart entre ceux-ci et le taux de croissance et enrayé partiellement la croissance en boule de neige de la dette. La charge d'intérêt nette de la dette diminue, de loi de finances en loi de finances, de 2,5 milliards de francs. Bien !
Tout d'abord, cette baisse apparente est illusoire. Par rapport à la charge révisée du collectif pour 1999, l'augmentation réelle dépassera 5,7 milliards de francs en raison d'une économie nette de 8,2 milliards de francs faite sur le collectif à la suite d'une erreur de prévision dont je ne vous fais nullement reproche, monsieur le ministre. Parce que vous avez choisi comme taux d'intérêt de référence le taux du consensus, les taux d'intérêt en 1999 ont été très inférieurs, à court terme, à ce qui avait été prévu, et l'économie va donc de soi. Tant mieux, d'ailleurs, pour la France !
Il n'empêche que la rémission dans la croissance de la charge de la dette est essentiellement due à un effet taux - des emprunts bon marché se substituent à des emprunts coûteux lors de leur amortissement - et ne constitue donc qu'un phénomène transitoire.
Si nous continuons avec un déficit annuel de 200 milliards de francs qui accroît d'autant la charge de la dette avec un taux moyen de 5 %, mathématiquement, nous aurons 10 milliards de francs de charges supplémentaires chaque année.
Je constate d'ailleurs, en prenant les excellents indicateurs du « bleu » budgétaire, que le poids de la dette de l'Etat dans le produit intérieur brut continue à s'accroître : de 1997 à 2000, la croissance est de 3,3 points.
De plus, jamais le besoin de financement du Trésor n'a été aussi élevé, puisqu'il va atteindre cette année 620 milliards de francs. En effet, s'ajoute aux 215 milliards de francs de déficit budgétaire l'amortissement de 405 milliards de francs d'emprunts arrivant à échéance.
Heureusement, et je le reconnais, cette énorme dette est bien gérée par France-Trésor. Permettez-moi, à ce sujet, deux ou trois remarques.
Tout d'abord, quelles sont les conséquences pour le Trésor de la faiblesse du marché à terme d'instruments financiers, le MATIF, enfermé dans un piège d'illiquidité, et de la domination écrasante prise par le contrat Bund d'Eurex ? Nous avons les titres, nous n'avons pas le marché. Qu'en est-il pour la gestion de notre dette ?
Sur les chèques postaux maintenant, je vous interroge une fois de plus. L'an passé, La Poste devait reprendre la gestion de 30 milliards de francs de dépôts privés au Trésor. Cela n'a pas eu lieu, et l'opération a été reportée en 2000. Pouvez-vous nous assurer que cette opération portera bien sur la tranche B, rémunérée au taux plancher - actuellement, il est véritablement exorbitant pour un taux à court terme, puisqu'il est de 4,75 % - et non sur la tranche A ?
Cette gestion somme toute satisfaisante de la dette tranche avec le reste de la gestion patrimoniale de l'Etat, comme cela a très bien été montré dans le rapport François.
Je prendrai un ou deux exemples.
Vous créez dans ce budget, et c'est très bien, des obligations assimilables du Trésor indexées, et vous provisionnez les intérêts. C'est la seconde fois que cela arrive. La première fois, c'était à l'occasion des primes d'épargne populaire. Mais ce n'est là qu'un exemple malheureusement très limité.
Si l'on demeure dans la sphère financière, est-il logique de ne pas provisionner aujourd'hui les pertes à venir de l'établissement de défaisance du Crédit lyonnais ?
Si j'ai bien fait mes calculs, monsieur le ministre, les recettes provenant de la privatisation du Crédit lyonnais, les 32 milliards de francs, qui remontent en effet légalement au niveau de l'établissement public de financement et de restructuration, s'ajouteront aux quelque 41 milliards de francs qui ont déjà été versés par l'Etat à l'établissement public de restructuration et de défaisance, et à ce même l'EPFR. On en est donc à 73 milliards de francs perdus dans ce dramatique sinistre. Il doit bien rester actuellement 60 milliards de francs. Comme M. le rapporteur spécial pour les comptes spéciaux du Trésor, nous aimerions savoir à peu près où l'on en est et s'il ne conviendrait pas, là aussi, de provisionner.
Pour m'en tenir à la présentation budgétaire, je reconnais qu'un progrès sensible a été réalisé quant à la présentation du budget des charges communes ; mais il faudrait que ce budget-là redevienne l'endroit privilégié de contrôle de l'évolution croissante et préoccupante des retraites et de la dette viagère, conformément d'ailleurs à la lettre de l'ordonnance organique, qui prévoit que cette dette viagère soit inscrite au titre Ier. Or, actuellement, on en répartit la charge pour faire de la « gonflette » dans les budgets des divers ministères avant de tout rapatrier le 15 janvier dans le budget des charges communes pour la gestion. Il serait beaucoup plus sain, pour la discussion parlementaire, que nous puissions traiter de cette question ici-même.
Je constate, pour en prendre acte, que le rapport économique et financier nous donne, pour la première fois, cette année, l'évolution réelle des coûts des retraites des fonctionnaires, soit 206 milliards de francs pris en charge aux trois quarts par la contribution de l'Etat de 147 milliards de francs. Et cette contribution augmente au rythme de 5 milliards de francs à 6 milliards de francs par an, ne serait-ce que parce que le nombre des pensionnés civils a augmenté de 25 % en une décennie ! Face à de tels chiffres, j'estime, monsieur le ministre, que le budget des charges communes serait tout à fait le cadre d'une discussion sur l'évolution des retraites de l'Etat.
Après avoir parlé de la gestion, j'en viens aux interventions. Je me contenterai de questions relatives aux entreprises publiques et aux contribuables locaux.
Pour ce qui est, d'abord, des entreprises publiques, je constate que vous avez plus privatisé depuis juin 1997 que la majorité précédente. Certes, si j'arrive à la somme de 163 milliards de francs, c'est parce que j'ajoute le Crédit lyonnais et le GAN ; mais il n'y a pas de raison de ne pas en tenir compte dans l'addition. Reste que 163 milliards de francs, c'est bien plus que les 149 milliards de francs de privatisation réalisés de 1993 à 1997.
Je ne vous en ferai naturellement pas le reproche simplement, à ce stade, je ne peux que constater, après M. le rapporteur spécial, l'opacité qui entoure la remontée du solde financier de la holding GAN-société centrale.
Lors de la discussion de la loi de règlement de 1997 - vous vous en souvenez peut-être - alors que l'on connaissait déjà le rapport accablant de la Cour des comptes, vous m'aviez assuré que l'arrêté des comptes devait intervenir en avril 1999. Or il a été répondu récemment à M. Arthuis, qui interrogeait M. Pierret à ce sujet, que l'arrêté des comptes devait intervenir au cours de l'année 2000.
Qu'en est-il réellement ? Que reste-t-il des 24 milliards de francs de recettes de la privatisation ? On parle de 9 milliards de francs : je crois que, là aussi, le Parlement a le droit d'être informé.
Monsieur le ministre, que fait-on du produit des privatisations ? Je sais très bien que, lorsque l'on examine le compte d'affectation spéciale, on voit des dotations en capital. Mais qu'en est-il réellement ? La Cour des comptes a bien montré que ces dotations en capital, qui augmentent le volume de l'investissement public auquel vous vous référez d'habitude, couvrent le plus souvent des pertes d'exploitation et qu'elles n'ont de dotations en capital que le nom. Les 5 milliards de francs accordés aux défaisances financières, les 4,5 milliards de francs accordés à Charbonnage de France et les 19,5 milliards de francs attribués à Réseau ferré de France sur deux années constituent-ils réellement des dotations en capital ? J'aimerais, monsieur le ministre, que, sur ce point, vous puissiez nous fournir quelques éclaircissements.
J'en terminerai en évoquant un deuxième type d'interventions de l'Etat, à savoir les fameux dégrèvements législatifs en faveur des contribuables locaux - et non pas des collectivités locales - qui s'élèvent à 60 milliards de francs. J'en donne acte également aux différents gouvernements qui se sont succédé, ces dégrèvements législatifs sont désormais bien isolés en termes de présentation budgétaire. Simplement, monsieur le ministre, maintenant qu'ils sont bien isolés, ils ne devraient plus apparaître dans le tableau de l'article d'équilibre en atténuation de recettes : ce sont de véritables dépenses de l'Etat en faveur des contribuables locaux.
Je m'étonne du maintien à un niveau extrêmement élevé du principal de ces dégrèvements, à savoir le plafonnement en fonction de la valeur ajoutée. Cela pose question quant à la qualité de la prévision. Je ne parviens pas à comprendre personnellement que, du fait, d'une part, de l'augmentation de la croissance, par conséquent de l'augmentation rapide de la valeur ajoutée des entreprises, d'autre part, de la réduction des bases de taxe professionnelle en fonction des salaires, le coût du plafonnement ne diminue pas plus qu'il n'apparaît dans le fascicule des voies et moyens.
C'est surtout sur le caractère contre-incitatif et contre-péréquateur de ces dégrèvements que je veux intervenir une fois de plus.
Ces dégrèvements sont contre-incitatifs, car ce sont les collectivités locales connaissant la pression fiscale la plus lourde qui sont indirectement les plus aidées. Certes, on a figé le taux de taxe professionnelle servant au calcul du dégrèvement au niveau de 1995, mais cela ne joue pas pour la taxe d'habitation. Finalement, l'Etat récompense le plus les collectivités dépensières !
Ils sont également contre-péréquateurs, du moins ils n'obéissent à aucune logique péréquatrice. J'ai examiné les données du rapport Dosière concernant le taux, par département, de prise en charge par l'Etat de la taxe d'habitation. C'est extraordinaire : ce taux n'est que de 10,5 % dans les Hautes-Alpes ou de 14,7 % en Lozère, qui n'est pas l'exemple du département le plus riche de France - que mes collègues élus de ce département me pardonnent - contre 33,5 % dans le territoire de Belfort et 29,5 % dans le Vaucluse - alors qu'il n'était que de 10 %, soit un véritable bond - ce qui traduit un écart de une à trois.
En fait, nous avons en France deux systèmes de péréquation : l'un fondé sur les dégrèvements, l'autre, sur la DGF et autres dotations de l'Etat, et le résultat - c'est une litote - est totalement incohérent.
Je considère que le budget des charges communes, plus qu'aucun autre, est le reflet des choix stratégiques à long terme effectués par le Gouvernement en matière de déficit budgétaire et de dette. Je constate que la commission des finances a été surtout sensible, sur un plan technique, au caractère évolutif des crédits qui y figurent. Je me joins à elle pour vous donner acte du caractère satisfaisant de leur évolution et de la bonne gestion technique de la dette. Ce choix est très honorable.
J'estime néanmoins que ce budget reflète aussi la politique budgétaire menée depuis deux ans et l'insuffisante réduction du déficit budgétaire. Je réserve donc mon vote en attendant les explications que vous ne manquerez pas de nous apporter, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme il est normal mais aussi parfaitement sincère de ma part, je tiens tout d'abord à remercier les deux rapporteurs spéciaux, MM. de Rocca Serra et Loridant, qui ont fourni, sur le budget des charges communes et sur les comptes spéciaux du Trésor, une analyse très complète que je qualifierai même d'objective.
Je vais donc m'efforcer de répondre tant à leurs questions, sans revenir dans le détail sur leur analyse, qu'aux interrogations de Mme Beaudeau et de M. Fréville.
Je commencerai par le budget des charges communes.
M. de Rocca Serra a fort bien dit que si, des 701 milliards de francs, somme dont M. Fréville a souligné l'ampleur, on retire les dépenses qui ont une contrepartie de recettes, on arrive à un budget net des charges communes de 353 milliards de francs. Il reste donc important mais, comme M. Rocca Serra l'a souligné, connaît une baisse de 1,3 % par rapport à 1999.
Cette diminution vient, d'une part, de ce que les spécialistes appellent la poursuite des opérations de périmètre, c'est-à-dire de simplification et de transparence, et, d'autre part, de la diminution des charges financières de l'Etat, sur laquelle je reviendrai.
M. de Rocca Serra, avec une très grande honnêteté, a bien voulu souligner l'effort appréciable de clarification opéré dans ce projet de budget, je l'en remercie.
Je rappelle, après lui, qu'en 1999 nous avions intégré dans le budget général les charges des pensions versées par l'Etat aux fonctionnaires employés par La Poste, pour un montant de 15 milliards de francs. Cette année, nous faisons la même opération en ce qui concerne les retraites versées à des agents d'organismes publics tels que la Caisse des dépôts et consignations, le CNRS, l'INSERM ou l'INRA, à hauteur de 5 milliards de francs.
Pour ce qui est des transferts entre budgets, l'idée est bien de revenir aux sources, c'est-à-dire de réserver aux charges communes des opérations qui ne peuvent pas être affectées à un ministère en particulier.
C'est pourquoi environ 13 milliards de francs ont été retirés du budget des charges communes et confiés à des ministères gestionnaires. Ainsi, le fonds spécial d'invalidité - c'est bien normal ! - a été inscrit au budget de l'emploi et de la solidarité, et les subventions aux partis et groupements politiques, qui n'avaient rien à faire dans les charges communes, au budget de l'intérieur. Tel a été également le cas pour le budget du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, dont j'ai la responsabilité.
Inversement, toujours avec cette même préoccupation de clarification que M. de Rocca Serra s'est plu à souligner, nous avons regroupé au sein d'un chapitre unique des charges communes des subventions qui étaient jusque-là éclatées et versées à divers régimes de sécurité sociale. Il en va ainsi des subventions de l'Etat au budget annexe des prestations agricoles, à la caisse des retraites de l'Imprimerie nationale, à la caisse de sécurité sociale dans les mines.
Au total, la part des charges communes dans le total des charges nettes de l'Etat diminue. Elle était passée de 21 %, en 1993, à 25 %, en 1997. Elle va retrouver, pour l'an 2000, son niveau de 1993, soit 21 %.
M. de Rocca Serra - il ne m'en voudra pas de le citer fréquemment, car son rapport a été de grande qualité - a mentionné la suppression de quarante-trois chapitres budgétaires sur quatre-vingt-un. On est, de ce fait, passé d'une espèce de budget fourre-tout à un budget beaucoup plus clair, plus transparent, et de ce fait beaucoup plus intelligible et contrôlable par les parlementaires.
A la fin de son exposé, M. de Rocca Serra m'a posé quelques questions auxquelles je vais maintenant m'efforcer de répondre.
Il m'a demandé quelle suite serait donnée au rapport de M. François, autrement dit si l'Etat entendait, outre le travail qu'il fait pour présenter ses comptes année après année, se préoccuper de ses engagements à long terme.
Le compte général de l'administration des finances, sorte de bilan des actifs et des passifs de l'Etat, que nous publierons au mois d'avril 2000, donc pour la fin de l'année 1999, lui apportera, à cet égard, des informations supplémentaires, notamment sur les dettes en droit consolidé, une provision pour dépréciation des recettes fiscales. En conséquence, sans aller jusqu'à une comptabilité patrimoniale parfaite, nous progressons.
M. de Rocca Serra a jugé surprenante la progression des dépenses accidentelles. Evidemment, lorsque nous préparons un budget, nous ne pouvons pas prévoir les catastrophes qui surviendront ! Le Gouvernement a toutefois, en la matière, fait preuve de prévoyance en dotant ce compte, dans lequel on puise largement lorsqu'il y a des catastrophes, de façon à ne pas être dépourvu le cas échéant. C'est d'ailleurs grâce à cela que nous avons pu mobiliser, à la suite des inondations qui ont eu lieu dans l'Aude et dans des départements voisins, 600 millions de francs dans le compte de 1999.
Je reviendrai sur l'évolution de la charge de la dette en répondant à une question similaire de M. Fréville. En l'instant, je dirai simplement que nous avons révisé à la baisse, de 8 milliards de francs environ - vous le verrez bientôt en examinant le collectif -, la charge de la dette que l'Etat doit assumer.
En effet, les taux d'intérêt - M. Fréville l'a fort bien dit - ont été plus faibles que prévu, ce qui est évidemment une excellente chose. Mais cela n'enlève rien au fait que, en l'an 2000, nous allons, pour la première fois, casser une tendance qui remontait bien plus loin qu'à quatre ou six ans, à savoir la progression, année par année, du poids de la dette de l'Etat dans le produit intérieur brut.
S'agissant des garanties, j'ai transmis au secrétariat général du Gouvernement un document intitulé : Rapport décrivant les opérations bénéficiant de la garantie de l'Etat pour les exercices 1997 à 1999. Ce document, qui sera transmis au Sénat très prochainement, vous apportera des informations complémentaires.
J'en viens maintenant aux comptes spéciaux du Trésor.
Les compliments que j'ai adressés à M. de Rocca Serra valent également pour M. Loridant, qui a bien souligné que, derrière la stabilité apparente du solde des comptes spéciaux du Trésor, il y avait des mouvements d'ampleur inspirés par un souci de clarté et de simplification et, notamment, que nous avions réintégré des comptes spéciaux du Trésor dans le budget général.
Chacun se souvient que nous avons supprimé un compte spécial du Trésor en 1998 et un autre en 1999. Cette fois, il est proposé d'en supprimer cinq.
Une comparaison étant toujours intéressante, je rappelle que, si le nombre de comptes spéciaux du Trésor est passé de quatorze à dix-neuf entre 1993 et 1997, il passera de dix-neuf à douze de 1997 à 2000, soit moins qu'en 1993.
Cette année, il s'agit, comme M. Loridant l'a dit, du fonds pour le financement de l'accession à la propriété, du fonds pour l'aménagement de la région d'Ile-de-France, sur lequel il a posé des questions, du fonds forestier national, du fonds national du livre et du fonds de secours aux victimes de sinistres et calamités. En tout, cela représente grosso modo plus de 1 milliard de francs.
Evidemment, en supprimant ces comptes spéciaux, on a supprimé les taxes correspondantes, telles que la taxe forestière et papetière ou la taxe de défrichement, soit un allégement d'impôt substantiel de 350 millions de francs pour les entreprises concernées. Les élus des départements forestiers apprécieront certainement cette disposition, sachant que des ressources budgétaires y ont été substituées.
S'agissant du FARIF, j'ai constaté - avec regret, d'ailleurs - que le Sénat avait supprimé, lors de l'examen des articles de la première partie, l'affectation d'une part de la taxe sur les bureaux à la région d'Ile-de-France, privant celle-ci de 720 millions de francs.
Inversement, il se propose de rétablir le fonds pour l'aménagement de la région d'Ile-de-France, que nous avons voulu réintégrer dans le budget général afin de garantir à la région, comme la loi Pasqua du 4 février 1995 l'avait prévu, la compensation de la suppression progressive de sa dotation globale de fonctionnement, de donner une pérennité aux actions du FARIF au sein du budget général et, enfin, de rechercher la transparence ; autant d'objectifs que ne partage pas le Sénat. Je le regrette.
Quant au Fonds national du livre, c'est une sorte de boîte aux lettres à laquelle sont affectées deux redevances, l'une sur l'édition d'ouvrages de librairie, l'autre sur l'emploi de la reprographie. Supprimer une boîte aux lettres ne peut être considéré que comme une simplification, sachant que les deux redevances continueront à figurer dans les fascicules voies et moyens annexés au projet de loi de finances et que les parlementaires pourront donc continuer à les surveiller.
J'ai noté le soutien de M. Loridant - ce soutien n'a pas été exprimé par tous - à la proposition du Gouvernement de créer une nouvelle taxe sur les droits de retransmission télévisée destinée à abonder le Fonds national pour le développement du sport. Cette taxe importante visait, puisqu'elle vient d'être supprimée, et visera, lorsque, je l'espère, elle sera rétablie, à mutualiser des ressources croissantes qui viennent de la commercialisation des droits de diffusion.
Je souhaite maintenant répondre rapidement aux interrogations formulées par Mme Beaudeau, ainsi que par MM. Loridant et Fréville, sur les dotations en capital des entreprises publiques.
M. Loridant a eu raison de souligner que les besoins financiers des entreprises publiques restaient importants. Je tiens à souligner que l'Etat, sur ce point, comme sur beaucoup d'autres, s'est comporté en actionnaire responsable : 59 milliards de francs en 1997, 45 milliards de francs en 1998, environ 32 milliards de francs sur les deux années 1999 et 2000.
Pour ce qui est de cette période, l'un d'entre vous l'a dit : il faut ajouter les recettes résultant de la privatisation du Crédit lyonnais, qui sont affectées non pas à ce compte d'affectation spéciale mais à l'établissement public qui a pris en charge les mauvaises dettes du Crédit lyonnais, à hauteur de 33 milliards de francs.
Pour répondre aux appréhensions de M. Loridant et de Mme Beaudeau, j'ajoute que l'Etat continuera à jouer son rôle d'actionnaire, comme il l'a fait entre 1997 et 1999.
Par ailleurs, Mme Beaudeau a formulé un certain nombre de remarques, qui m'ont semblé un peu critiques, à l'égard de très belles entreprises comme Air France ou France Télécom, dont le redressement financier est remarquable et dont les projets d'expansion à l'étranger méritent d'être mis en exergue.
En effet, cette expansion, qui s'opère sur le marché européen et au-delà, est bonne pour l'emploi, en France et au sein de ces sociétés. Comme vous, madame Beaudeau, je suis attaché, en tant que membre du Gouvernement, au service public à la française, dont vous avez si bien parlé ; mais je crois que celui-ci, pour rester, comme il l'a toujours été, de très bonne qualité, doit être perpétuellement mû par une recherche d'efficacité et, pourquoi pas, par une volonté d'expansion à l'étranger.
Vous avez en outre évoqué la profession bancaire. A cet égard, je rappellerai que des négociations un peu difficiles sont en cours entre la profession bancaire et les associations de consommateurs sur un certain nombre de sujets. Le Gouvernement les suit avec attention.
Pour conclure, je répondrai à M. Fréville, qui a relevé avec beaucoup d'objectivité qu'un certain nombre de progrès ont été accomplis dans la présentation des documents. L'honnêteté de ses compliments rend évidemment ses critiques d'autant plus précises et vigoureuses. Puisqu'il a parlé de la charge de la dette, je rappellerai quand même que celle-ci a crû, entre 1993 et 1997, de 63 milliards de francs, alors que, entre 1997 et 2000, elle ne s'alourdira que de 12 milliards de francs.
L'évolution des taux d'intérêts joue son rôle dans ce ralentissement, c'est incontestable ; mais il n'en demeure pas moins que, peu à peu, les déficits reviennent à des niveaux normaux. J'insiste sur ce fait, parce que j'y vois un événement quasiment historique : la dette de l'Etat rapportée à la production nationale diminuera en l'an 2000. C'est non pas moi qui l'affirme, monsieur Fréville - vous auriez peut-être du mal à me croire, puisque je suis membre du Gouvernement et que nous ne sommes pas du même camp - l'excellent rapport qui a été publié sur les perspectives pour 2004 et dont nous avons débattu lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances. Vous y trouverez un très beau graphique qui montre que la dette publique monte de façon inexorable, pour diminuer enfin à partir de 2000. Il s'agit, je le répète, de travaux objectifs menés sous l'égide du Sénat.
Par ailleurs, vous vous êtes inquiété de l'avenir du MATIF. Nous devons effectivement veiller, avec les professionnels, à ce que ce marché à terme soit vigoureux. Je dois dire que les professionnels ont fait des efforts importants ces derniers temps, et, depuis quelques semaines, le MATIF a repris des couleurs. Je puis par exemple vous indiquer que 70 000 contrats ont été négociés le 2 décembre dernier.
Une autre des questions perlées et précises dont vous avez la spécialité, monsieur Fréville, avait trait aux chèques postaux. Bien entendu, le travail de décentralisation qui est en cours est mené avec un souci de la sécurité que vous partagez l'an prochain, cette décentralisation portera sur 60 milliards de francs. A cet égard, il s'agit bien de la tranche B. Accessoirement, cela se traduira par des économies pour l'Etat.
Enfin, fidèle à votre habitude, vous avez exprimé des inquiétudes à propos du produit de la privatisation du GAN. Je vous répète que le flou que vous dénoncez rituellement n'est qu'apparent. La recette de 9 milliards de francs a été prévue, l'arrêté des comptes pour 1998, publié en avril 1999, a fixé les montants à provisionner au titre des garanties consenties aux acquéreurs de filiales, et l'analyse des garanties susceptibles d'arriver à échéance à court terme a été menée. Tout cela ayant été accompli, le reversement par la société de gestion de garanties et de participations de sa trésorerie disponible pourra intervenir dans les prochaines semaines.
Telles sont, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses, aussi précises que possible, que je voulais vous apporter. (Applaudissements sur les travées socialistes.)

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