Séance du 9 décembre 1999
M. le président. La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Ma question s'adresse à Mme le ministre chargé de l'enseignement scolaire.
Elle concerne l'accueil des étudiants étrangers en France, qui était autrefois pays leader en la matière ; mais notre situation s'est dégradée avec la prédominance de plus en plus marquée de la langue anglaise dans le monde.
Ainsi, on compte aujourd'hui 125 000 étudiants étrangers en France contre 560 000 aux USA, 210 000 en Angleterre, et 165 000 en Allemagne.
Or, de plus en plus, la véritable richesse est la ressource humaine, qui s'acquiert et se développe par l'éducation et l'enseignement. Le système éducatif français est particulièrement riche, pour être général, universel, en faveur de la liberté et de la culture de la paix ; il cherche à expliquer plutôt qu'à transmettre des connaissances et à donner des repères et des références pour résoudre les problèmes concrets. De plus, les coûts de l'enseignement en France sont les mêmes pour les étudiants français et étrangers, à la différence de nombreuses universités étrangères.
Comment peut-on remédier, madame le ministre, à cette désaffection ? Les étudiants étrangers ne sont-ils pas effrayés par la complexité et la diversité de tous nos diplômes ? Ne conviendrait-il pas de simplifier et de standardiser notre système, d'organiser des promotions et des campagnes comme le font nos hommes d'affaires français pour vendre leurs produits et leurs services, dont la haute qualité est toujours appréciée ? La promotion d'un véritable réseau français de toutes nos universités et de toutes nos grandes écoles, pour éviter des concurrences franco-françaises, ne serait-elle pas souhaitable ? Ne pourrait-on pas remédier à certaines tracasseries administratives, comme les pré-inscriptions dans les universités, qui obligent les candidats étrangers à retourner ensuite dans leur pays pour obtenir les visas de long séjour qui leur sont nécessaires ?
Comment, madame le ministre, comptez-vous relever le défi actuel de la formation des élites étrangères, dont dépend beaucoup le rayonnement international de la France ? EduFrance et le système de bourses Eiffel sont-ils satisfaisants ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et certaines travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. La question que vous avez posée, monsieur le sénateur, est trés pertinente. D'ailleurs, M. Allègre est actuellement aux Etats-Unis ; peut-être pourra-t-il convaincre un certain nombre d'étudiants américains de venir en France !
Vous avez évoqué le problème de la langue anglaise pour expliquer le recul du nombre d'étudiants étrangers en France. Mais un autre élément a dû jouer dans le même sens : l'effet psychologique désastreux des lois Pasqua-Debré votées voilà quelques années (Applaudissements sur les travées socialistes. - Vives protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE) ,...
M. Dominique Braye. Lamentable !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. ... auquel s'est ajoutée l'image d'une France repliée frileusement sur elle-même. (Brouhaha persistant sur les mêmes travées.)
M. Dominique Braye. Ridicule !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Ce n'est pas ridicule puisque de nombreux étudiants étrangers ont choisi d'autres pays que la France à la suite de la mise en oeuvre de ce dispositif répressif. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Notre système de formation universitaire est de grande qualité.
On le reconnaît dans les instances internationales. Mais, en effet, les jeunes ne le savent pas assez et ne savent pas suffisamment que la France ouvre ses bras à ces étudiants étrangers.
Nous avons pris ce problème très au sérieux. M. Claude Allègre a créé l'agence EduFrance réunissant toutes les universités et les grandes écoles françaises pour assurer non seulement la promotion du système universitaire français à l'étranger, mais aussi pour coordonner la réponse aux appels d'offres internationaux.
Les deux derniers pays où EduFrance s'est implantée sont le Mexique et l'Inde, pays dont la quasi-totalité des étudiants allaient aux Etats-Unis.
Je me suis moi-même rendue en Inde pour assurer la promotion des grandes écoles et des universités françaises.
Nous commençons donc à rattraper notre retard dans ce domaine.
Des mesures concrètes dans le sens de celles que vous évoquez si judicieusement ont accompagné la création d'EduFrance.
Nous avons mis en place une prestation globale pour les étrangers : visa, autorisation de travail, logement.
Nous avons créé un réseau des établissements d'enseignement supérieur. EduFrance est notamment présente dans plus de soixante salons et expositions à l'étranger, là où les étudiants viennent comparer les offres de services des différents pays.
Quatre mesures concrètes ont par ailleurs été adoptées.
Premièrement, il s'agit de la modification et de l'assouplissement des critères d'attribution des visas scientifiques et étudiants.
Deuxièmement, il s'agit de la réduction des justificatifs à produire, notamment du justificatif d'hébergement, le montant de la bourse suffisant à justifier des ressources nécessaires pour vivre.
Troisièmement, l'octroi de visas de long séjour aux conjoints est facilité et nous avons créé un visa de court séjour pour permettre aux étudiants candidats de passer l'examen ou le concours parfois nécessaire à l'admission dans un établissement d'enseignement supérieur, levant par là un obstacle très important.
Enfin, quatrièmement, il s'agit de l'harmonisation des diplômes dispensés en France et en Europe, pour développer les échanges d'étudiants entre pays européens et accroître la lisibilité de notre système d'enseignement à l'extérieur de l'Europe.
Monsieur le sénateur, je partage votre analyse : le savoir et la matière grise sont devenus un enjeu majeur du développement économique et culturel et la France entend reprendre, en ce domaine, la première place qu'elle n'aurait jamais dû perdre. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Mes chers collègues, M. Michel Vaillant, ministre chargé des relations avec le Parlement, qui est toujours présent lors des questions d'actualité au Gouvernement, n'est pas là aujourd'hui. J'ai appris qu'il avait dû être hospitalisé.
En notre nom à tous, je lui adresse des voeux de prompt rétablissement, dans l'espoir de le revoir bientôt parmi nous. (Applaudissements.)
Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix.)