Séance du 10 décembre 1999
M. le président. La séance est reprise.
La parole est M. Courtois, rapporteur pour avis.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour la police et la sécurité, et, en remplacement de M. René-Georges Laurin, rapporteur pour avis pour la sécurité civile. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de présenter l'avis de la commission des lois sur les crédits de la police et de la sécurité pour 2000, je tiens à souligner les conditions périlleuses dans lesquelles les policiers remplissent leur noble mission, au service de la sécurité de nos concitoyens, et les conditions d'exercice d'un métier de plus en plus éprouvantes.
Mes premiers propos seront pour rendre hommage aux sept policiers tués et aux 3 740 policiers blessés en mission de police au cours de l'année 1998, qui ont payé de leur sang leur exemplaire dévouement.
M. Emmanuel Hamel. Hommage justifié !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. L'évolution de la criminalité est inquiétante à plusieurs titres.
Elle est inquiétante si l'on regarde les statistiques officielles.
Les services de police et de gendarmerie ont recensé, en 1998, 3,5 millions de crimes ou délits, soit une augmentation de 2,06 % par rapport à l'année précédente.
Cette évolution est d'autant plus alarmante que les statistiques officielles résultant des « états 4001 » sont très certainement sous-évaluées, les enquêtes de « victimation » faisant ressortir l'existence d'un « chiffre noir de la criminalité » vraisemblablement nettement supérieur aux chiffres officiels.
Est également inquiétante la violence qui affecte de plus en plus les Français dans leur vie quotidienne.
En 1998, le service des Renseignements généraux a comptabilisé 26 000 faits de violence urbaine, soit 10 000 de plus qu'en 1997. La moitié de ces faits étaient des incendies de biens, touchant notamment 8 000 voitures. Si, effectivement, il n'y a « rien de commun entre un feu de poubelle et un meurtre », il n'en demeure pas moins que l'incendie volontaire ne peut être considéré comme une attitude sociale normale.
La faiblesse des taux d'élucidation de ce type de délinquance et le trop grand nombre d'affaires classées sans suite par les parquets, qui renforcent le sentiment d'impunité chez les délinquants, démotivent profondément les forces de police et dissuadent les citoyens eux-mêmes de porter plainte.
La recrudescence de la violence dans les transports en commun reste également particulièrement emblématique.
Au-delà d'une violence quotidienne, se sont produites en 1998 et 1999 de très inquiétantes explosions de violence urbaine, proches de l'émeute pour certaines d'entre elles.
Les actes de violence et de dégradation perpétrés dans le cadre de rencontres sportives conduisent la commission des lois à souhaiter qu'une plus grande fermeté soit de mise aux abords des stades.
Ces phénomènes de délinquance urbaine se concentrent dans les banlieues et les quartiers défavorisés, au milieu d'habitants qui ont le sentiment d'être à l'écart des services de l'Etat en devenant de fait des citoyens de deuxième rang, condamnés à vivre dans des zones de non-droit, au contact permanent de la violence urbaine.
Encore plus inquiétant est l'accroissement de la délinquance des mineurs.
En 1998, le nombre de mineurs impliqués dans des crimes ou des délits s'est accru de 11,23 %, leur part dans le total des personnes mises en cause s'établissant à 21,77 %.
Cette situation reflète la faillite des modes de régulation habituels. Mais des solutions existent.
Ainsi, il est impératif de ne pas laisser sans réponse les petites infractions au risque d'accréditer l'idée que leurs auteurs ne sont pas soumis à la loi commune. Une plus grande implication des parents et l'éloignement des meneurs de leur milieu d'origine sont des remèdes qui doivent être davantage déployés.
Il doit être rappelé, une fois de plus, l'importance attachée à la lutte contre le fléau que représente la drogue.
La lutte contre la drogue doit passer tant au plan interne qu'au niveau international par une mobilisation permanente de tous les moyens. La plus grande fermeté est de mise contre ce fléau, qui a des effets dévastateurs chez les jeunes.
L'activité antiterroriste, quant à elle, s'est principalement focalisée en 1998 sur la Corse, à la suite du lâche assassinat, le 6 février 1998, du préfet Claude Erignac.
Le rapport de la commission d'enquête sur la conduite de la politique de sécurité menée par l'Etat en Corse détaille les multiples dysfonctionnements révélés au sein de la police. Nous espérons, monsieur le ministre, que, malgré les appréciations mitigées que vous avez portées en certaines occasions sur les travaux de cette commission, vous tiendrez compte, au moins pour partie, de ses conclusions.
La lutte contre l'immigration irrégulière a été fortement perturbée en 1998 par les suites de l'opération de régularisation et par l'entrée en vigueur de la loi relative à l'entrée et au séjour des étrangers et au droit d'asile, dite « loi RESEDA ».
Malgré un accroissement de la pression migratoire, le nombre de personnes effectivement éloignées du territoire ne s'est en effet élevé qu'à 8 040, sur un total de plus de 44 000 mesures d'éloignement prononcées, soit un taux d'exécution, particulièrement bas, de 18 %.
S'agissant du bilan de l'opération de régularisation, il est incontestable que, comme l'avait prédit la commission d'enquête du Sénat, une bonne partie des 62 808 déboutés sont devenus des « clandestins officiels ».
Il a été rappelé par une circulaire aux préfets en date du 11 octobre 1999 qu'il convenait d'appeler à une plus grande vigilance en matière d'exécution des décisions d'éloignement, étant constaté que près de la moitié des étrangers non régularisés en 1997 et 1998 n'avaient fait l'objet d'aucun arrêté de reconduite à la frontière.
La commission des lois ne peut qu'approuver cet appel à la fermeté conduisant à éloigner effectivement les personnes n'ayant pas droit au séjour dans notre pays.
Dans la lignée des réflexions conduites au colloque de Villepinte, en octobre 1997, le Gouvernement a réaffirmé son attachement au développement d'une politique de sécurité de proximité.
Si l'on ne peut que souscrire à cette politique, on est en droit de s'interroger sur la validité de sa mise en oeuvre quand celle-ci repose, pour l'essentiel, sur des emplois-jeunes dont le recrutement semble problématique et l'avenir incertain, et sur la « fidélisation » de forces mobiles dont les modalités semblent encore imprécises.
Une telle politique nécessite des moyens importants en personnels placés au contact des populations. Mais des difficultés réelles semblent naître pour mettre en place, dans les zones sensibles, les personnels nécessaires à la réussite de cette politique.
Les 20 000 adjoints de sécurité qui devraient être en poste à la fin de l'année 2000 représenteront plus du cinquième des effectifs du corps de maîtrise et d'application. Il convient de souligner que 19 % de ceux qui sont déjà en place sont issus des quartiers sensibles. D'un niveau d'études nettement inférieur à celui des gardiens de la paix, ils se voient réserver, en application du décret du 19 octobre dernier, 40 % des postes de policier mis au concours.
La commission des lois rappelle que les adjoints de sécurité ne doivent pas être considérés comme des supplétifs à moindre coût de la police nationale.
Un soin tout particulier mérite d'être apporté à la sélection des candidats. Il est indispensable que soit assurée la qualité de la formation et de l'encadrement de ces jeunes inexpérimentés, à qui sont confiées des missions parfois dangereuses et qui sont le plus souvent dotés d'une arme, à l'issue d'une formation unique de dix semaines.
Vous avez fermement contesté, monsieur le ministre, les chiffres avancés par M. Bauer, selon qui il n'y aurait, à un moment de la journée, que 5 000 policiers présents sur la voie publique. En tout état de cause, il n'est pas rare de rencontrer sur le terrain des adjoints de sécurité livrés à eux-mêmes ou simplement confiés à un jeune stagiaire. Lors des auditions auxquelles j'ai procédé, plusieurs de mes interlocuteurs m'ont fait part de leur crainte de voir la police se transformer « en garderie pour adjoints de sécurité ».
Au 1er octobre 1999, 292 contrats ont été signés et 430 sont en cours d'élaboration. Mais déjà, parmi les premiers bénéficiaires, certains sont déçus. Il apparaît, en outre, que ces contrats locaux s'insèrent dans un dispositif institutionnel trop complexe.
Le redéploiement des personnels vers les zones sensibles rencontre, lui aussi, des difficultés.
Après l'abandon, le 20 janvier dernier, du programme très contesté de redéploiement global des effectifs de police et de gendarmerie sur le territoire, reste seule envisagée, à l'heure actuelle, la fermeture de six commissariats.
Quant à la « fidélisation » des forces mobiles, qui doit concerner 1 500 CRS et 1 500 gendarmes sur une période de trois ans, il semble qu'elle ne rencontre pas l'adhésion des personnels concernés.
A l'issue d'un long processus, la loi relative à la police municipale a enfin vu le jour. Les décrets, qui avaient été annoncés pour le mois de juillet 1999, devraient être soumis prochainement au Conseil d'Etat. Il convient, en effet, de mettre fin à l'incertitude dans laquelle se trouvent les maires, s'agissant notamment de l'armement des agents.
Le budget de l'intérieur pour 2000, qui s'élève à près de 30 milliards de francs et qui est conditionné à hauteur de 82,60 % par les dépenses de personnel, ne répond pas aux inquiétudes légitimes des Français en termes de sécurité.
Nous sommes foncièrement inquiets devant les chiffres annoncés par le Gouvernement, qui se révèlent insuffisants face aux 24 000 départs en retraite à venir dans les cinq prochaines années.
Pour éviter une désorganisation totale des services, il est impératif, ne serait-ce que pour encadrer les adjoints de sécurité, de prévoir des recrutements de personnels par anticipation, sous peine de manquer éventuellement d'effectifs.
Lors du dernier conseil de sécurité intérieure, a été annoncé le recrutement exceptionnel de 1 000 agents parmi les anciens policiers auxiliaires, formés de façon qu'ils puissent être en poste à la fin de l'année 2000. Vous nous donnerez certainement, monsieur le ministre, des détails sur la réalisation de cette opération.
Le projet de budget pour 2000 consacre par ailleurs 20 millions de francs au financement de dispositions améliorant la fin de carrière des agents dans le but de limiter les départs à la retraite anticipée, mais, à entendre les syndicats, il n'est pas certain que les mesures prévues soient assez incitatives au regard du caractère de plus en plus difficile de l'exercice des fonctions.
Sont également prévues l'extension et la revalorisation des primes de fidélisation et de commandement ainsi que l'extension de la prime de qualification dite « OPJ 16 ». A ce sujet, on peut considérer, comme je l'avais indiqué l'année dernière, qu'un montant supplémentaire mensuel de 80 francs de prime représente une incitation bien modeste au regard des importantes responsabilités découlant de l'attribution de la qualification d'officier de police judiciaire.
Les crédits consacrés au fonctionnement et à l'équipement mettent un accent nécessaire sur la formation, qui constitue un objectif prioritaire, et devraient permettre la poursuite des programmes informatiques et de transmission dans de bonnes conditions.
Toutefois, on peut regretter que le système de traitement des infractions constatées, le STIC, n'ait toujours pas, à l'heure actuelle, d'existence réglementaire et qu'il ne soit pas prévu d'achever avant 2008 le développement du système de communications cryptées numérique ACROPOL.
La commission des lois s'inquète des retards persistants dans l'équipement matériel et immobilier des forces de police.
La situation du parc automobile léger nous paraît très préoccupante. Sur 26 912 véhicules en service au début de l'année 1999, 13 % ont dépassé leur critère de réforme.
En outre, les voitures Ford Mondéo, sélectionnées au moment du renouvellement des marchés par l'union des groupements d'achats publics, ne permettent pas, en l'état, d'installer les terminaux de télétransmissions TESA de manière satisfaisante pour la sécurité des passagers, ces terminaux n'étant pas compatibles avec le maintien de l' airbag dans le véhicule.
Les 65 millions de francs de crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2000 pour l'équipement des services en véhicules lourds ne permettront pas, là encore, de rattraper le retard constaté également dans ce dommaine.
Cette situation ne saurait perdurer et elle appelle une réaction.
Pour combler le retard dans le domaine immobilier, est envisagée la participation des collectivités locales à l'aménagement des locaux de police. Certaines s'y sont déclarées prêtes moyennant redevance.
Enfin, concernant le logement des policiers, les dotations sont nettement en baisse, alors qu'une action efficace à cet égard est un élément important d'une politique de proximité.
La commission des lois constate donc que l'effort en matière de fonctionnement et d'équipement des services demeure insuffisant pour permettre à la police d'accomplir normalement ses missions.
La loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995 entrait en 1999 dans sa dernière année d'exécution. Force est de constater que ses objectifs quantitatifs n'ont pas toujours été atteints.
En conclusion, la commission des lois, au vu de ces observations inquiétantes concernant tant les personnels que les matériels, mais constatant cependant l'accroissement des crédits de 3 %, nettement supérieur à celui de l'ensemble du budget de l'Etat, s'en remet à l'appréciation de sagesse émise par la commission des finances.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. René-Georges Laurin, qui est actuellement alité et pour qui je forme des voeux de prompt rétablissement, m'a prié de vous transmettre ses excuses et de vous présenter son avis sur les crédits de la sécurité civile.
Les crédits de la sécurité civile progressent de 3,84 % par rapport à 1999. Cette évolution traduit, pour l'essentiel, les conséquences de la professionnalisation des armées. En revanche, elle ne reflète pas un effort particulier d'investissement pour les autres crédits.
La suspension du service national rend nécessaire le remplacement par des personnels militaires des appelés du contingent servant dans les unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile.
Un programme de trois ans a été engagé en 1999 pour permettre la création de 1 088 emplois militaires, à pourvoir par des engagés et des volontaires du service national.
Les crédits prévus pour l'an 2000 permettront la création de 367 emplois militaires dans les unités d'instruction. Ils permettront aussi, à la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, la création de 442 emplois, pour lesquels la contribution de l'Etat est limitée à 25 %. Je vous rappelle, s'agissant du bataillon des marins-pompiers de Marseille, que la professionnalisation n'est financée que par les collectivités concernées.
Les crédits d'investissement appraissent limités au regard de la nécessité de poursuivre en 2000 l'effort de renouvellement de la flotte aérienne.
Certes, l'acquisition des douze Canadair CL 415 est maintenant achevée, les dernières livraisons ayant été effectuées l'an dernier.
Le renouvellement de la flotte d'hélicoptères a fait l'objet d'un marché de un milliard de francs, conclu en 1998. Le programme de livraison des appareils, échelonné sur cinq ans, a été reporté : les livraisons devront s'échelonner entre 2001 et 2006. Les crédits prévus pour 1999 seront utilisés pour les échéances de ce marché en l'an 2000.
Aucun crédit n'a été prévu pour l'achèvement du programme de remotorisation des bombardiers d'eau Tracker engagé en 1986. Cela est regrettable, compte tenu de la vétusté du seul appareil restant à traiter.
En définitive, l'effort d'investissement pour 2000 apparaît limité.
Les services de sécurité civile continuent à faire preuve d'une très grande efficacité. Trois exemples peuvent être donnés pour illustrer les performances de ces services.
La moyenne annuelle des superficies détruites par les incendies de forêt a été réduite de moitié en dix ans, soit 19 000 hectares, au lieu de 38 000 précédemment.
L'unité de déminage, injustement méconnue, est intervenue, en 1998, sur 2 161 objets suspects, dont 74 contenaient réellement de l'explosif, et elle a participé à la sécurité de 253 voyages officiels.
Cette unité a procédé l'an dernier à la neutralisation de 454 tonnes de munitions.
La participation de la sécurité civile française à de nombreuses opérations à l'étranger repose sur le niveau élevé de la formation des acteurs et sur la qualité des équipements et matériels mis en oeuvre. Cette participation, motivée par des raisons humanitaires, contribue au rayonnement de la France.
Pour autant, les succès de la sécurité civile ne doivent pas occulter ses limites, notamment en matière de prévention.
Les graves inondations survenues il y a quelques jours dans le sud de la France en sont une tragique illustration.
La législation a prévu l'élaboration de plans de prévention des risques naturels, ou PPR, dans les zones à risques. Les PPR constituent des documents d'urbanisme annexés aux plans d'occupation des sols. Ils fixent des normes de construction et prescrivent, si nécessaire, la réalisation d'aménagements.
Plusieurs membres de la commission des lois ont émis des doutes sur l'efficacité de ces plans et observé qu'ils n'avaient pas toujours évité des constructions dans des zones exposées à des risques.
Quoi qu'il en soit, le nombre de communes exposées à un risque naturel est évalué à 10 000, alors que 2 071 d'entre elles seulement sont aujourd'hui dotées d'un PPR.
Les difficultés semblent provenir, pour l'essentiel, d'une insuffisante information des élus locaux, qui ne sont pas associés de manière satisfaisante à la politique de prévention.
La commission s'est d'ailleurs étonnée de la mise en cause d'élus locaux à la suite des récentes inondations, alors que celles-ci relèvent manifestement d'une catastrophe naturelle d'une ampleur exceptionnelle.
A ce sujet, je tiens à rendre un hommage particulier à tous les personnels de sécurité civile, qui savent toujours faire face aux situations difficiles avec dévouement, compétence et efficacité.
Il conviendrait donc que l'Etat, responsable de la politique de prévention des risques naturels, associe plus étroitement les élus et la population à cette politique. Le groupe d'études sur la sécurité civile, récemment constitué et présidé par notre collègue M. Paul Girod, fera de ce problème l'un de ses thèmes de réflexion.
Une question essentielle me paraît devoir vous être posée, et ce au nom de l'ensemble de notre commission, monsieur le ministre, celle de la progression sensible pour les collectivités territoriales des charges de sécurité civile, imputable en grande partie aux décisions prises par l'Etat.
Certes, la départementalisation des services d'incendie et de secours est sans doute nécessaire à la rationalisation de leur fonctionnement et elle permet que soient offertes à tous des garanties égales en termes de sécurité. Elle a cependant un coût élevé - 15 milliards de francs - supporté inégalement par les communes et les départements.
Les diverses mesures statutaires et indemnitaires en faveur des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires sont prises par l'Etat mais supportées financièrement par les collectivités territoriales. Là encore, la charge est trop lourde.
Par exemple, l'harmonisation des régimes indemnitaires des sapeurs-pompiers professionnels, qui résulte du décret du 5 juin 1998, a provoqué une hausse de 5 % de la masse salariale, supportée par les collectivités territoriales.
Il est anormal que le Gouvernement ait renoncé, devant les difficultés, à harmoniser les régimes de travail, comme la loi lui en faisait l'obligation.
Faute, pour le Gouvernement, d'avoir traité parallèlement les régimes indemnitaires et de travail, les collectivités rencontrent de nombreuses difficultés dans les négociations locales. Cela ne détend pas l'atmosphère !
Le malaise des sapeurs-pompiers professionnels s'exprime parfois à travers des méthodes qui suscitent de sérieuses réserves de la part de notre commission.
Les inquiétudes des sapeurs-pompiers ne sont, certes, pas toutes dénuées de fondement, mais certains moyens employés traduisent parfois une relative méconnaissance des efforts importants accomplis ces dernières années par les collectivités.
S'agissant de l'âge de la retraite, notre commission considère que les collectivités ne pourraient pas supporter financièrement les conséquences d'une réduction de cinq ans de la durée d'activité des sapeurs-pompiers, dont la carrière serait limitée à vingt-cinq ans environ avant qu'ils puissent percevoir une pension durant trente-cinq ans ou plus.
Des solutions moins radicales pourraient être étudiées, comme l'affectation des personnels les plus âgés dans des emplois de prévention, la cessation progressive d'activité ou, mais vous l'envisagez, monsieur le ministre, la révision du régime de l'inaptitude au service.
Il appartiendra donc au Gouvernement de prendre ses responsabilités, sans occulter les incidences financières de ses décisions.
Vous nous avez exposé, monsieur le ministre, l'état de vos réflexions concernant la nécessaire révision du financement des charges de sécurité civile supportées par les collectivités.
Vous vous interrogez sur une contribution des assurances. Mais le taux d'imposition des produits de l'assurance est déjà très élevé en France : il représente, en moyenne, 18 % des primes d'assurance et 30 % pour l'assurance incendie.
Vous envisagez encore des prêts à long terme et à faible taux d'intérêt pour les investissements immobiliers. Ces prêts seraient attribués par la Caisse des dépôts et consignations.
Enfin, vous avez étudié l'institution d'une dotation globale d'équipement spécifique, pour une période de cinq ou six ans, pouvant couvrir 20 % à 30 % des investissements des collectivités.
Pour intéressantes qu'elles soient, ces pistes répondent-elles à l'ampleur des difficultés des collectivités ? La Haute Assemblée attend de vous des précisions.
L'Association des départements de France, l'ADF, s'interroge sur d'autres orientations possibles comme une contribution de l'Etat, ou la fiscalisation directe des dépenses par les SDIS.
Quoi qu'il en soit, cette réflexion indispensable et urgente doit être accompagnée d'une étude d'impact financière approfondie.
Je souligne la nécessité que les décisions à prendre, après concertation, le soient avec l'assentiment du plus grand nombre des parties concernées.
Je dois vous dire, mes chers collègues, que la commission des lois s'est interrogée sur l'opportunité d'engager une réflexion complémentaire sur la mise en oeuvre des lois de 1996 sur la sécurité civile.
Enfin, j'ai le plaisir de rappeler que, donnant suite à des observations formulées depuis plusieurs années, la commission a adopté récemment, sur le rapport de M. Jean-Paul Amoudry, la proposition de loi du président Jean Faure concernant le financement des opérations de secours consécutives à la pratique d'activités à risque.
Ce texte devrait être examiné prochainement par le Sénat en séance publique.
La proposition de loi permettrait aux communes, sans jamais les y obliger, de demander une participation financière - totale ou partielle - aux bénéficiaires d'opérations de secours consécutives à toute activité sportive ou de loisir.
Il s'agirait d'une extension du régime déjà appliqué au ski et qui donne toute satisfaction aux différentes parties concernées.
En conclusion, la progression des crédits ne doit pas faire illusion. Elle résulte, pour l'essentiel, de la professionnalisation des armées mais ne correspond pas à un effort d'investissement. De plus, l'Etat prend unilatéralement des décisions que les collectivités doivent, ensuite, supporter seules.
En conséquence, la commission n'a pas souscrit au budget proposé pour la sécurité civile et s'en remet à la sagesse du Sénat. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par le conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 17 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 11 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « la sécurité est un droit », affirme le Premier ministre. C'est même un droit fondamental que reconnaît l'article II de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Mais, on est loin, bien loin même, d'un droit acquis. Vous-même, monsieur le ministre, admettiez, lors du colloque de Villepinte, que « l'insécurité n'est pas un fantasme ». C'est même, avec le chômage, l'une des préoccupations majeures des Français.
Et ils ont bien raison, nos concitoyens, eux qui la ressentent quotidiennement ! Malgré toutes les astucieuses présentations, les statistiques officielles ne parviennent plus à cacher une aggravation continue.
Depuis 1950, les actes de violence constatés ont crû de 500 %. La petite délinquance a augmenté de 1 400 % en quarante ans. En 1998, ont été enregistrés 3 565 525 crimes et délits, soit une augmentation de 2,06 % par rapport à l'année précédente.
A Paris, la progression est encore plus alarmante. Pour les six premiers mois de cette année, la hausse atteint 3,9 %. Depuis janvier, les vols avec violences - téléphones portables et sacs arrachés - ont augmenté de 40 %. Et les mineurs sont, à plus de 50 %, les auteurs de ces violences.
Cela ne fait qu'illustrer l'augmentation très préoccupante de la délinquance des mineurs - 11,23 % en 1998, des mineurs étant de plus en plus jeunes, de plus en plus violents et, parmi eux, de plus en plus nombreuses sont les filles.
Cependant, ces chiffres - chocs traduisent-ils la réalité de l'insécurité dans notre pays ? On pouvait le croire jusqu'à ce qu'une enquête récente de l'Institut des hautes études de la sécurité intérieure démontre que les sept millions de faits enregistrés par la police au cours des années 1997 et 1998 représenteraient, en réalité, seize millions de crimes et délits qui auraient été commis en France. Ainsi, le nombre réel de crimes et délits serait deux fois et demie plus important que ne l'indiquent les statistiques.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. C'est faux !
M. Bernard Plasait. Surtout, l'augmentation de la délinquance violente, la plus sensible, la plus dure au plus faible est réellement vertigineuse.
Monsieur le ministre, je sais votre attachement à la République contre les bien-pensants. Je voudrais vous dire le mien à la République contre les faux-semblants !
On ne peut que s'étonner devant la dissymétrie des chiffres. La criminalité a augmenté de 2,1 % l'an dernier, le nombre des personnes interpellées a diminué de 1 %. Et, naturellement, le taux d'élucidation est en chute libre ! En effet, le pourcentage des affaires résolues par les services de police par rapport aux crimes et délits enregistrés est passé de 32,5 % en 1995 à 28,7 % en 1998.
Dans ces conditions, je me pose deux questions, monsieur le ministre. D'abord, y a-t-il une réelle volonté politique de combattre efficacement l'insécurité de notre pays ? Je ne doute pas de la vôtre. Je m'interroge simplement sur celle du Gouvernement.
Ensuite, les moyens consacrés à cette politique sont-ils à la hauteur des enjeux actuels et à venir ? J'en suis témoin, l'exaspération de la population, en particulier dans le XIVe arrondissement de Paris, dont je suis élu, devient vraiment très préoccupante devant la prolifération des trafics de stupéfiants qui se font au vu et au su de tout le monde, mais en toute impunité.
A cet égard, je vous fais part de mon étonnement à la lecture des données concernant l'évolution du nombre des personnes, trafiquants et usagers, interpellées dans le cadre de la lutte contre la drogue à Paris : 5 162 sur la période de janvier à septembre 1998 ; 2 441, sur la même période, mais en 1999, soit une différence négative de 2 721. Dans le XIVe arrondissement, la chute est de 61,84 % d'une année sur l'autre et je précise que ces chiffres émanent de votre ministère.
Alors, monsieur le ministre, que faut-il en déduire ? S'agit-il d'un changement de politique en matière de stupéfiants ou bien est-ce la traduction d'une profonde démobilisation des fonctionnaires de police ?
En tout état de cause, ces chiffres appellent de sérieux éclaircissements. Et je ne peux que m'associer au souhait formulé par le rapporteur de la commission des lois, notre excellent collègue Jean-Patrick Courtois, pour que soit menée une politique déterminée de lutte contre le trafic de stupéfiants. Je sais bien, monsieur le ministre, tout l'intérêt qu'il y a à remonter la filière, de la commercialisation à la production, et de ne pas s'en tenir uniquement au petit dealer qui fait commerce dans la rue.
Pour ce qui est des moyens, j'observe que votre budget augmente de 3,02 % par rapport à l'an dernier. Avec près de 30 milliards de francs, est-il pour autant à la hauteur des besoins ?
J'en doute quand je constate que les effectifs globaux de la police stagnent. Plus grave, les départs à la retraite prévisibles ne font pas l'objet de recrutements par anticipation. Autant dire que la sécurité des Français repose chaque jour davantage sur des emplois-jeunes - ils seront 20 000, à terme - c'est-à-dire sur des jeunes inexpérimentés, peu formés et recrutés à un niveau inquiétant. A cet égard, peut-on sérieusement envisager de maintenir l'absence actuelle de condition de diplôme ?
Ces données sont d'autant plus préoccupantes que vous décidez, et à juste titre, de mettre l'accent sur la police de proximité. Tel était d'ailleurs le sens de la réforme de la préfecture de police de Paris, initiée en début d'année. Mais, là encore, monsieur le ministre, comment ne pas voir une contradiction entre les discours et la réalité ? En 1998, en additionnant les effectifs des deux directions de la sécurité publique et de la police judiciaire, la préfecture de police comptait 9 252 fonctionnaires. En 1999, la nouvelle direction de la police urbaine de proximité n'en compte plus que 8 721, soit 531 en moins.
Ces chiffres diffèrent singulièrement de ceux que l'on a bien voulu communiquer à notre rapporteur, qui avance le nombre de 9 300 fonctionnaires actifs à la direction de la police urbaine de proximité. Mais je ne doute pas qu'il s'agit de l'objectif à atteindre - ou du point culminant des variations saisonnières !
Quoi qu'il en soit, je regrette, comme l'an dernier déjà, que l'objectif affiché dans la loi de programmation - le recrutement de 5 000 agents administratifs et techniques, à l'horizon 2000 - ait été totalement abandonné. Sur la période, 424 postes proprement administratifs auront été créés.
Alors, on peut toujours parler de proximité, mais les tâches indues perdurent, quand elles ne se multiplient pas. Ainsi, dans la capitale, les gardes statiques mobiliseraient plus de 1 000 fonctionnaires de police.
Dans ces conditions, chacun peut comprendre la réaction de la Ville de Paris, qui exige, avant la signature de son contrat local de sécurité, l'affectation de 1 500 policiers supplémentaires. Ce contrat sera un leurre tant que le maire de Paris ne disposera pas des pouvoirs de police municipale, au même titre que tous les autres maires de France.
La question, je le précise encore une fois, est, bien entendu, distincte de celle de la création éventuelle d'un corps de policiers municipaux à Paris. Il est cependant tout aussi évident que la surdité de l'Etat conduira sans tarder les Parisiens à l'appeler de leurs voeux...
Enfin, je ne peux que partager les inquiétudes déjà exprimées sur l'évolution des moyens de fonctionnement de la police, et plus encore, d'équipement de la police, en ce qui concerne tant la vétusté du parc automobile que les insuffisances des investissements immobiliers.
Bref, je regrette, monsieur le ministre, de ne pas pouvoir voter ce projet de budget.
Je souhaiterais que les hommes et les femmes qui exercent le beau métier de policier au service des Français, notamment des plus vulnérables, disposent de tous les moyens appropriés. Je profite de cette occasion pour, à mon tour, rendre hommage aux sept policiers tués et aux 3 740 blessés en mission l'an dernier.
Je terminerai en disant ma préoccupation, ma grande inquiétude devant cette réponse insuffisante que le Gouvernement apporte à une insécurité galopante. J'ai peur que le pire soit devant nous et que, dans de nombreuses parties de notre territoire, le point de non-retour soit bientôt atteint. La sécurité, monsieur le ministre - et je sais que vous en êtes convaincu - est l'enjeu public numéro un. Il me semble du devoir de l'Etat d'organiser, sans tarder, un véritable « plan ORSEC » de la sécurité. (M. Emmanuel Hamel applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront le budget présenté par le ministre de l'intérieur.
Ce budget, qui est en forte hausse, permet de croire en la mise en oeuvre des objectifs définis lors du colloque de Villepinte et encore réaffirmés cette semaine par le Premier ministre, lors du conseil de sécurité intérieure, en faveur d'une police de proximité, une police qui prévient, une police qui réprime, lorsqu'il le faut. Cette politique est, selon nous, seule de nature à offrir la sécurité et la confiance au quotidien que notre population est en droit d'attendre. L'augmentation des faits de voie publique conforte cette analyse. Aujourd'hui, ce sont plus de trois cents contrats locaux de sécurité qui ont été signés et ils bénéficient d'un accueil très favorable auprès de la population.
Les résultats sont indéniables. Les maires des communes dans lesquelles vous avez créé des sites pilotes sont unanimes. Il y a un mieux sensible. Néanmoins, chacun sait bien que les problèmes se déplacent et que l'évolution vers une police du xxie siècle nécessite que soient réglées un certain nombre de questions.
Les départs massifs à la retraite qui devraient intervenir dans les prochaines années constituent, de ce point de vue, un enjeu décisif. En effet, la question n'est pas tant d'augmenter le nombre de fonctionnaires de police que de résoudre des problèmes organisationnels.
Je ferai quatre remarques.
La première concerne l'affectation des personnels. On sait, aujourd'hui, que de nombreux agents sont affectés à des tâches administratives pour lesquelles ils n'ont pas été recrutés. Que ce soit compréhensible pour des fonctionnaires qui ont des séquelles ou qui sont dans l'incapacité de faire face à ce dur métier est une chose, mais ne paie-t-on pas là un certain laxisme passé ? On peut en tout cas déplorer que le recrutement de personnels administratifs préconisé dans la loi d'orientation du 21 janvier 1995 soit quelque peu oublié.
Ma deuxième remarque concerne l'association de tous les personnels de police à la mise en oeuvre de la police de proximité. Nous savons, monsieur le ministre, que c'est votre discours, mais la vie est parfois un peu plus compliquée et, les faits sont là, de nombreux services restent sourds aux appels des commissaires qui sont les mieux à même de pouvoir mener cette politique de proximité et font de la rétention de personnels. Il convient de délivrer partout un message fort. Là où le discours du ministre est relayé, tout le monde s'en loue, d'autant que, dans certains cas, cela donne du sens à la fonction de policier.
J'en viens à ma troisième remarque.
Un effort particulier doit également être mené en direction des jeunes qui intègrent le corps de la police nationale. Le recrutement d'adjoints de sécurité a constitué une pièce maîtresse de la mise en oeuvre de la police de proximité. Néanmoins, l'ouverture du corps et la perspective de faire carrière en son sein est la seule façon de fidéliser ces personnels. L'ouverture de 40 % des postes au concours de gardien de la paix est une bonne piste, mais qui rend cruciale la question de la formation de ces personnels. Nous considérons que cette formation demeure quelque peu insuffisante.
Enfin, quatrième remarque, je voudrais insister sur la nécessaire coordination des services pour que la police de proximité soit efficace. La délinquance, dans certaines cités, relève parfois presque du grand banditisme. L'organisation de certaines bandes est devenue plus sophistiquée. Les effets en sont d'ailleurs très visibles vis-à-vis de la population, et les commissaires de police n'en peuvent mais. Est-il illusoire que, dans certains cas, les services de la police judiciaire s'en mêlent pour ramener à la raison certaines bandes ?
Est-il aujourd'hui raisonnable, et je ne propose pas de relancer le débat sur le véritable contenu du rapport du regretté Roland Carraz et de M. Jean-Jacques Hyest, de maintenir parfois en doublon certains services de police et de gendarmerie ? Y a-t-il, enfin, une coordination interministérielle suffisante en matière de sécurité ? Je pense en particulier au ministère des finances, aux services fiscaux, car la collaboration est, au dire de tous les interlocuteurs, absolument indispensable pour ramener à la raison certains délinquants.
La majorité des syndicats que nous avons rencontrés - nous ne les avons certes pas rencontré tous - nous ont fait part d'une analyse assez semblable des besoins de la police nationale. Ce fait est assez rare pour être souligné. En écoutant certains interlocuteurs, je me suis dit que vous pourriez devenir rapidement le ministre le plus heureux car, plus que des effectifs, pour la plupart d'entre eux, ils souhaitent une rationalisation des emplois. Ont-ils raison ? En partie, certainement. En tout cas, il faut les écouter et envisager les solutions qui s'imposent. (Mme Hélène Luc applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le ministre de l'intérieur, le Gouvernement auquel vous appartenez est fidèle aux priorités qu'il a établies depuis ses débuts. Dans sa déclaration de politique générale en juin 1997, puis à l'issue du colloque de Villepinte l'an passé, enfin cette semaine même au cours du conseil de sécurité intérieure en déclarant que « la sécurité est un droit, l'insécurité une inégalité sociale », le Premier ministre a montré avec constance combien est grande sa préoccupation, qui je le sais, est aussi la vôtre, d'assurer le maximum possible de sécurité au plus grand nombre de nos concitoyens. Pour ce faire, le Gouvernement a une stratégie dominante, qui est la mise en place d'une police de proximité ; il a un outil annuel, qui est le budget.
Le budget que vous nous présentez est ainsi marqué par une progression sensible sur laquelle on peut certainement ergoter pendant des heures, mais qui, avec plus de 3 %, marque un réel dynamisme, surtout si on y ajoute les crédits prévus dans le collectif de 1999, si on le compare aux autres budgets, en particulier au budget général, et, enfin, si on veut bien, comme on le doit, tenir compte de l'inflation inférieure à 1 %.
On vous dira, on vous a dit, que ce budget est insuffisant. Bien sûr, et je suis certain que vous-même, vous avez souhaité obtenir plus. Si on en reste aux objectifs de la loi d'orientation et de programmation, ce budget ne comble assurément pas le retard. Mais j'ai pu constater, par les contacts nombreux que j'ai eus, notamment avec les syndicats, que personne ne vous en fait grief et que les responsabilités sont antérieures, chez ceux qui ont voté la loi et aussitôt après n'ont pas voté les crédits pour la mettre en place. Je rappelle, par exemple, qu'en 1997, à votre arrivée au ministère, vous avez trouvé un budget en diminution de près d'un demi-point !
Le groupe socialiste votera donc ce budget, en vous félicitant même d'avoir obtenu une telle progression. Mais notre approbation n'ira pas sans quelques questions.
S'agissant, d'abord, du volet relatif à la police, nous nous félicitons de la progression des effectifs, en particulier des 2 166 recrutements supplémentaires auxquels s'ajouteront les 1 000 policiers auxiliaires annoncés pour la fin de l'an 2000. Tout cela est bien, d'autant que nous atteindrons les 20 000 adjoints de sécurité grâce aux 4 150 créations de poste qui interviendront cette année. Mais l'effort devra être poursuivi, et sans doute même accentué, pour rattraper le retard initial : les 5 000 emplois administratifs, techniques et scientifiques n'ont été que très partiellement recrutés et les départs les plus massifs à la retraite sont à venir puisque 20 % à 25 % des effectifs des différents corps partiront à la retraite au cours des cinq prochaines années. Mais au total, monsieur le ministre, sous réserve des efforts à venir, vous êtes sur la bonne voie.
Le moyen mis en oeuvre pour rendre cette police efficace est l'accroissement de sa présence sur le terrain, par le concept de police de proximité. L'unanimité se fait sur cette idée de policiers plus disponibles, qui seraient débarrassés, au moins partiellement, des tâches indues qui leur sont imposées. Les 1 000 policiers auxiliaires, bien formés et parfaitement opérationnels à la fin de l'an prochain, faciliteront cette mise en place. Il demeure que bien des questions se posent, qui seront sans doute éclaircies au cours des très attendues assises de la police de proximité en mars prochain, mais vous pouvez peut-être d'ores et déjà nous donner un certain nombre de précisions à cet égard.
Une première question concerne la géographie de la délinquance. Redéployer les effectifs vers les zones sensibles est, bien sûr, nécessaire et efficace pour les quartiers concernés. J'aimerais savoir si nous disposons d'assez de recul pour avoir des éléments d'appréciation sur un éventuel glissement de la délinquance vers d'autres quartiers voisins.
Une autre question concerne la fidélisation, ou la sédentarisation, des CRS, pour ne pas parler des gardes mobiles. J'ai cru comprendre que cette sédentarisation posait des problèmes auprès des CRS eux-mêmes. S'agit-il uniquement de confort personnel ? Je ne le sais pas. Mais, surtout, cela ne pose-t-il pas la question de l'efficacité d'une mesure qui ne s'applique que pendant six mois ? Il me semble que l'une des conditions de réussite de la police de proximité, c'est précisément la durée et la bonne connaissance des habitants par les policiers et réciproquement.
On peut aussi s'interroger sur le passage, pour les CRS, d'une culture de maintien de l'ordre à une culture de la prévention. A partir de là, certains sautent le pas et s'interrogent non pas sur la pertinence de la mesure, mais sur le nombre de personnels qui seront affectés à ces tâches et, plus encore, sur la localisation des casernements. Mais je sais, monsieur le ministre, combien le redéploiement de tous les personnels, surtout lorsqu'ils sont nombreux dans de petites villes, pose des problèmes, et combien les élus sont sensibles et revendicatifs lorsqu'on s'y attaque, ne serait-ce que pour des raisons économiques, ce qui est légitime.
Plus important, sans doute, la réussite de la prévention passe par une réelle synergie entre les différents acteurs, voire par l'intervention d'autres intervenants policiers. Ainsi constate-t-on l'absence totale du terrain de la police judiciaire, qui est pourtant seule compétente pour assurer des investigations longues. De même, sont trop absents des quartiers les spécialistes de la délinquance économique. Pourtant, cette délinquance a des manifestations dans les quartiers. Quant à la synergie, elle est encore insuffisante. Il faut qu'elle s'organise réellement autrement que dans des réunions problématiques, qu'elle s'organise entre la police, les services sociaux, la justice et l'éducation nationale. Les contrats locaux de sécurité ne répondent actuellement que partiellement à cette préoccupation, quand ils ne l'ignorent pas avec superbe.
En conclusion, s'agissant de la police, vous n'avez pas un mauvais budget, monsieur le ministre. Les syndicats vous rendent hommage pour avoir renoué avec une gestion prévisionnelle des hommes et des matériels - encore que beaucoup reste à faire dans ce domaine - et ils ont raison. Le Gouvernement a confirmé son intention de faire de la sécurité une priorité et, outre ce que j'ai évoqué, j'ai bien noté le lancement en l'an 2000 de plusieurs chantiers d'équipement immobilier et la mise en place du programme ACROPOL. Voilà qui prouve que vous allez dans le bon sens s'agissant de la gestion des forces de police et de sécurité. Reste que cet effort devra être constant dans les années à venir.
En ce qui concerne le deuxième volet du budget de la sécurité, à savoir les services d'incendie et de secours, les problèmes demeurent et prennent même une acuité plus grande avec les revendications sociales des sapeurs-pompiers. Il est clair que cette grogne s'accentuera encore avec la mise en place de la réduction du temps de travail, quel que soit le jugement que l'on peut porter sur le temps de travail actuel des pompiers professionnels.
Les élus sont plus sensibles que d'autres au coût du service et à sa dérive. J'ai déjà eu l'occasion de dire, et ce depuis quinze ans, que je considérais comme un échec la décentralisation des services d'incendie et de secours. Pour employer un langage non juridique, je dirai qu'une telle décentralisation ne peut pas bien fonctionner lorsque celui qui commande n'est pas celui qui paie. Avant que l'Etat commande et paie - cette perspective est très lointaine - il est possible de pousser l'analyse.
Lorsque M. Debré avait fait voter sa loi, j'avais exprimé ma crainte de voir surgir des conflits entre les différents niveaux de collectivités et, hélas ! ceux-ci risquent de se concrétiser, sauf si les conseils généraux mettent massivement la main au portefeuille afin d'éviter que l'égalisation, même partielle, des taxes de capitation ne provoquent une levée de boucliers des petites communes à l'encontre des grandes.
Dans cette perspective, la recherche de financements complémentaires est indispensable et le Gouvernement devrait nous y aider. Je pense à la sécurité sociale, qui rembourse sans sourciller le transport des blessés par les ambulances privées, mais qui rechigne trop souvent à le faire lorsqu'il s'agit des VSAB, les véhicules de secours aux asphyxiés et blessés, des pompiers. Je pense aux compagnies d'assurance, qui sont tout de même directement concernées par l'efficacité des secours aux personnes et aux biens, et qui devraient donc, dans ces cas-là, apporter elles aussi leur participation. Vous avez créé le fonds DGE, qui va nous aider beaucoup.
De même, ce que je sais indirectement des mesures en faveur des départs du service actif, puisqu'il ne s'agit pas de retraite, des pompiers à cinquante ans passerait mieux - j'emploie un euphémisme - si l'Etat prenait sa part d'un éventuel surcoût de la masse salariale. Je crois avoir, sur ce point encore, une expression modérée.
D'une façon ou d'une autre, il va bien falloir que nous informions nos concitoyens du coût de ces services. Il ne s'agit pas, bien sûr, dans mon esprit, d'avoir, comme certains, de mauvaises pensées telles que celles-ci : si nos concitoyens savaient combien coûtent les sapeurs-pompiers, ils ne soutiendraient pas les yeux fermés toutes leurs revendications ! Non, il s'agit d'une nécessaire information citoyenne opposée à l'opacité actuelle. Il convient donc de responsabiliser nos concitoyens, qui ne doivent pas appeler les pompiers à tort et à travers pour des tâches qui ne relèvent pas toutes du service public. Agir ainsi revaloriserait la fonction de sapeur-pompier, même si j'ai eu la surprise de constater que certains syndicalistes, par une vision très extensive et, selon moi, très abusive du service public considèrent que les sapeurs-pompiers doivent répondre gratuitement à tous les appels, y compris pour ouvrir une porte dont on a perdu la clé, pour déboucher les toilettes ou pour aller chercher un chat perché sur un arbre !
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques remarques que je voulais faire à l'occasion de l'examen d'un budget que mon groupe votera sans état d'âme.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures.)