Séance du 18 janvier 2000







M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet, auteur de la question n° 664, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma question porte sur le contentieux entre la ville de Pantin - où je suis élue - et le ministère des finances concernant la dotation compensatrice versée aux collectivités locales en raison des réductions de bases d'imposition de la taxe professionnelle dites réductions pour embauche et investissement.
Ce dossier remontant à 1987, permettez-moi d'en rappeler brièvement l'historique.
En 1991, notre commune a constaté que cette dotation compensatrice était établie, depuis 1987, uniquement à partir des rôles généraux sans tenir compte des rôles supplémentaires. Il apparaît que cette pratique est dénuée de base légale, car ni le décret du 28 mars 1957 ni la loi de finances pour 1987 ne font cette distinction.
Cette perte de recettes fiscales a donc conduit le maire de Pantin à saisir le directeur des services fiscaux de Seine-Saint-Denis puis le ministre du budget. Ses demandes n'ayant pas abouti, la ville a, en 1992, engagé une procédure judiciaire pour obtenir le paiement des sommes dues.
Par jugement du 3 décembre 1996, sur cette question, le tribunal administratif de Paris a fait droit aux prétentions de la ville. En avril 1997, le ministère du budget a interjeté appel de cette décision, laquelle n'en demeurait pas moins exécutoire.
En mars 1999, le ministère du budget versait, à titre provisionnel, la somme de 7,5 millions de francs à la commune de Pantin, sur la base de l'évaluation des services fiscaux, sous réserve de la décision de la cour d'appel, mais refusait l'actualisation de cette somme et l'explication de son mode de calcul. La ville, quant à elle, a procédé à l'évaluation de son préjudice, qu'elle a estimé à 20 millions de francs, soit 41 millions de francs réactualisés.
Par délibéré du 7 avril 1999, la cour administrative d'appel de Paris confirmait la décision du tribunal administratif, à savoir le versement par l'Etat à la ville de Pantin - dans un délai de six mois - de la dotation compensatrice, correspondant aux produits des rôles supplémentaires établis au titre des années 1988, 1989, 1990 et 1991.
Je ne détaillerai pas les nombreuses démarches qui ont été engagées pour tenter de trouver une solution amiable et débloquer la situation. Je regrette qu'elles n'aient pu aboutir.
Aujourd'hui, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie arguant de « l'enjeu juridique et budgétaire de cette question pour l'Etat » a décidé de former un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat.
L'attitude du ministère, qui consiste à utiliser toutes les procédures juridiques pour retarder l'exécution des décisions de justice, pénalise encore davantage la municipalité et ses contribuables.
Alors que les transferts de charges entre l'Etat et les collectivités deviennent de plus en plus lourds, le préjudice subi par Pantin dans cette affaire a amené la municipalité à contracter des emprunts supplémentaires pour répondre aux besoins de la population.
Pour apurer au plus vite ce contentieux, je formulerai une triple demande, madame la secrétaire d'Etat. D'abord, je vous demande d'intervenir pour annuler le recours en cassation, car dans un pays comme le nôtre deux jugements de justice devraient suffire pour statuer sur un tel contentieux. Ensuite, je vous demande de faire respecter la transparence du dossier en transmettant au maire de Pantin, tenu au secret fiscal, tous les éléments permettant un examen contradictoire du préjudice subi. Enfin, je vous demande de respecter les décisions de justice en procédant au versement de l'intégralité des sommes dues réactualisées, correspondant au préjudice réel subi par la ville.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Madame le sénateur, il s'agit en effet d'une longue affaire puisque la cour d'appel de Paris, vous l'avez rappelé, a admis la demande de compensation de la REI, la réduction de taxe professionnelle pour embauche et investissement, au titre des rôles supplémentaires.
Il semblerait qu'à l'issue d'un dialogue qui a été extrêmement constructif avec la commune de Pantin et auquel vous avez participé - vous êtes un élément actif du dossier, si je puis me permettre ce raccourci un peu familier - il a été demandé que lui soit versée, à titre provisionnel, la somme de 7,5 millions de francs correspondant au montant du préjudice estimé, qui pose effectivement problème, comme vous l'avez dit tout à l'heure, entre la direction générale des impôts et la commune de Pantin. Certes, ce montant est éloigné des demandes initiales de la commune, mais celles-ci résultent d'extrapolations sur lesquelles les services fiscaux, les services de la ville et les juristes qui ont étudié ce dossier ne sont pas d'accord. Je ne trancherai pas ici ce débat. Les services fiscaux ont encore récemment reçu les élus. Vous disposez maintenant de tous les éléments de calcul. Je pense qu'il doit être possible d'organiser une nouvelle rencontre à ce sujet.
Si l'Etat a poursuivi la procédure, c'est parce que - c'est en tout cas l'avis du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et c'était celui du ministre du budget de l'époque - il faut avoir une lecture claire des choses, car de nombreuses communes pourraient un jour être concernées par un problème similaire. Il faut une lecture claire des choses et, en fait, une lecture du droit. Cette situation est en effet pénible pour la commune de Pantin, chacun le reconnaît ; c'est aussi un peu délicat pour les services fiscaux. Nous espérons donc que, après cette lecture définitive, on pourra réécrire les choses, en sachant bien que si, s'agissant de la REI, des problèmes se posent, l'Etat, quand il en a pris l'engagement, prend en charge une partie de la taxe professionnelle. C'est en effet la deuxième année consécutive que l'Etat prend en charge la part « masse salariale ».
Il faut donc une lecture du droit car, compte tenu des dispositions votées l'an dernier, l'Etat ne souhaite pas, ayant pris de nombreux milliards de francs à sa charge dans son budget et pour très longtemps, avoir des ennuis concernant les ajustements.
Vous transmettrez aux élus de Pantin que, au vu des éléments qui ont été donnés la dernière fois, une autre rencontre peut avoir lieu, mais que l'Etat souhaite avoir une vraie lecture qui permettra d'éclairer par anticipation les contentieux à venir.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse extrêmement courtoise et positive. Comment ne pas être d'accord avec vos propositions concernant une autre rencontre et une nouvelle lecture, puisque nous ne partageons pas celle que vous faites ?
Cependant, votre réponse m'amène à faire quelques commentaires.
Premièrement, lorsque nous avions rencontré M. le ministre en délégation avec les élus de Pantin, nous avions tous cru comprendre qu'il appliquerait les décisions de justice sans faire appel. Aujourd'hui, ce n'est pas tout à fait le cas, et nous le regrettons.
Deuxièmement, cette question, vous vous en doutez, sensibilise les habitants de Pantin. Le conseil municipal a adopté à l'unanimité - j'y insiste - une pétition qui est actuellement signée par de très nombreux Pantinois, ce qui montre l'attachement de ces derniers à récupérer les sommes qu'ils jugent être les leurs.
Enfin, vous avez évoqué la nécessité d'une transparence et d'une clarté entre l'Etat et les collectivités, et nous sommes sur ce point totalement d'accord. J'ajouterai - et vous partagez ce point de vue, je le sais - la confiance.
Je souhaite donc que vous pesiez de tout votre poids dans le Gouvernement pour intervenir avec le plus d'efficacité possible auprès du ministère afin qu'un accord acceptable soit enfin trouvé entre les deux parties et que chacun soit ainsi satisfait.

RÉFORME DE LA CAISSE DES DÉPÔTS
ET CONSIGNATIONS