Séance du 18 janvier 2000
COMMUNICATION DE M. LE PRÉSIDENT
DU SÉNAT SUR LES SINISTRES,
LEURS CONSÉQUENCES
ET LES ENSEIGNEMENTS
SUSCEPTIBLES D'EN ÊTRE TIRÉS
M. le président.
Mes chers collègues, après les intempéries de l'automne, qui avaient si
durement éprouvé nos compatriotes du grand Sud-Ouest et, quelques semaines plus
tard, ceux de l'outre-mer, la France vient d'être frappée coup sur coup par une
marée noire à l'ampleur inégalée et par des tempêtes aux effets dévastateurs et
meurtriers.
Notre civilisation technologique, qui a pu triompher si facilement du fameux «
bogue » de l'an 2000, a montré une grande fragilité face aux éléments naturels.
C'est une dure, mais peut-être salutaire, leçon d'humilité et de prudence que
nous inflige ainsi la nature.
Plusieurs années, voire des décennies, seront nécessaires pour réparer des
dégâts qui s'élèvent, pour notre seul pays, à plusieurs dizaines de milliards
de francs.
Nos premières pensées seront pour les familles endeuillées : plus de cent
victimes ! A ceux qui ont perdu l'un des leurs, parfois dans l'exercice de son
devoir, le Sénat adresse ses plus vives condoléances. A ceux qui, blessés, ont
été meurtris dans leur chair, nous exprimons nos voeux de prompt et complet
rétablissement.
Comment, aussi, ne pas être accablé par les images de ces fleurons de notre
patrimoine tristement endommagés, de ces millions d'arbres déracinés, couchés
ou cassés, de ces pylônes électriques renversés et broyés par le vent, de ces
côtes souillées par les nappes de pétrole, de ces oiseaux venus trouver refuge
sur nos côtes pour l'hiver et condamnés à une mort certaine par le déversement
de tonnes de mazout ?
Sans même évoquer les forêts vosgiennes, qui me sont chères, vous me
permettrez de dire un mot du jardin du Luxembourg, durement touché, où il a
fallu procéder à l'abattage de plus de cent cinquante arbres. Nous devons être
reconnaissants à nos services, qui ont permis que le parc soit rouvert aussi
rapidement que possible et dans des conditions de sécurité optimale pour les
promeneurs.
Bien sûr, notre sympathie ira également à ceux qui, en dépit des efforts des
collectivités publiques, d'EDF ou de France Télécom, sont longtemps restés
privés d'eau, d'électricité, de téléphone, voire d'un toit.
Saluons ici l'action exemplaire des agents des services publics, civils et
militaires,...
M. Gérard Braun.
Très bien !
M. le président.
... des employés des entreprises publiques, des agents de l'Office national
des forêts, des artisans, de simples citoyens, qui n'ont pas ménagé leurs
efforts au cours de ces heures difficiles, notamment entre Noël et le jour de
l'An.
Ce superbe élan de solidarité et de générosité est la plus belle réponse que
les Françaises et les Français pouvaient apporter à ceux qui dénoncent la
frilosité et l'égoïsme de nos compatriotes.
Je n'aurai garde d'oublier nos amis d'Europe, d'Amérique et d'Afrique qui nous
ont apporté un appui décisif.
A l'heure des bilans, il est clair que nos grandes infrastructures ont
terriblement souffert. Il faudra, je l'ai dit, plusieurs années avant que la
qualité des réseaux électriques et téléphoniques soit pleinement rétablie.
L'exploitation forestière paraît sinistrée pour un long moment dans nombre de
départements.
Le nettoyage de nos plages, la reconstruction des zones sinistrées, le
nécessaire soutien aux activités les plus touchées, comme l'agriculture en
général, la pêche et la filière bois en particulier, constituent une grande
cause nationale qui appelle de la part du Gouvernement des réponses
audacieuses.
M. le Premier ministre a annoncé, mercredi dernier, un train de mesures sur
lesquelles il semble prématuré de porter un jugement.
Pour l'heure, l'essentiel me paraît être que les conséquences pratiques des
décisions gouvernementales se fassent sentir immédiatement dans nos communes et
nos départements et que les fonds soient débloqués dans les meilleurs délais.
Le plus difficile sera de repérer les situations de détresse, pour les traiter
en priorité.
Dans les semaines à venir, le Sénat devra être informé des conditions de mise
en oeuvre de ces mesures. Il nous faudra, avec M. le ministre des relations
avec le Parlement, organiser la tenue d'une séance consacrée à une déclaration
du Gouvernement suivie d'un débat.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Très bien !
M. le président.
Il est également impératif que les compagnies d'assurance assument toutes
leurs responsabilités. L'Etat doit y veiller.
A plus long terme, ma conviction est que nous ne pourrons pas éluder plus
longtemps les questions posées par la multiplication des phénomènes naturels
qui affectent notre pays et, par-delà la France, notre planète. Trop d'écoles
flambant neuves ont été emportées par la tempête, trop de pylônes électriques
se sont effondrés comme des châteaux de cartes. Quant à la marée noire, une
catastrophe de l'ampleur de celle de l'
Erika
aurait sans doute pu être
évitée.
Au-delà des moments d'intense émotion que nous venons de vivre et une fois les
premiers dégâts réparés, le temps viendra pour nous d'engager une réflexion
approfondie sur les conditions de circulation des bateaux de commerce dans
l'Atlantique Nord, les modalités de déclenchement des plans POLMAR et ORSEC et
la coordination des moyens d'intervention. Avec les présidents de groupes et
des commissions intéressées, nous étudierons les meilleurs moyens
d'investigation ou d'études que nous pourrions mettre en oeuvre au Sénat pour
rechercher les lacunes dans les contrôles de sécurité des navires de commerce
et surtout faire des propositions en vue d'éviter une nouvelle pollution
accidentelle de nos côtes.
Plus jamais ça ! Il n'y a pas de fatalité de la marée noire.
Que penser aussi de notre dispositif de réaction aux situations d'urgence ?
Est-il suffisant ? Faut-il le renforcer ?
En conclusion, force nous est de faire un constat : les premiers présents sur
le terrain ont été les élus locaux, tout particulièrement les maires
(Très
bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants, de l'Union centriste et du RDSE),
qui ont pris en mains les
opérations de secours aux sinistrés ou de nettoyage des plages.
Les élus de proximité ont su montrer leur capacité à faire face à des
circonstances exceptionnelles et à prendre les initiatives nécessaires pour
organiser la solidarité, canaliser les bonnes volontés et mobiliser les
énergies. Avec des moyens de fortune, ils ont su faire merveille.
Par le maillage de notre territoire qu'elles assurent, les collectivités
locales ont constitué, face aux intempéries, un formidable filet de sécurité.
Une fois de plus, les élus ont confirmé leur rôle irremplaçable au service des
populations. La décentralisation, c'est bien le service public public de
proximité.
(Applaudissements sur les mêmes travées.)
Plus que jamais, il apparaît urgent, pour enrayer l'hémorragie des
vocations municipales, de contrôler le socle humain de la décentralisation en
élaborant un statut de l'élu local enfin digne de ce nom et en redéfinissant
les contours de la responsabilité pénale pour les fautes non
intentionnelles.
Pour l'heure, le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités
territoriales, se doit de rendre un hommage solennel aux élus locaux.
Pour manifester notre reconnaissance, mes chers collègues, nous allons
suspendre notre séance pour quelques instants et, si vous en êtes d'accord,
j'adresserai, en votre nom à toutes et à tous, aux élus des communes et des
départements sinistrés, l'extrait du
Journal officiel
relatant notre
hommage.
(Applaudissements.)
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le président, le
Gouvernement tient à s'associer à la déclaration que vous venez de faire.
Il tient à exprimer une nouvelle fois sa compassion à l'égard des familles des
victimes de ces catastrophes, à dire sa solidarité active à ceux dont les biens
ont été dévastés, à exprimer sa reconnaissance à ces milliers de bénévoles qui
ont agi dans un élan du coeur admirable, ainsi qu'à tous les agents des
services publics civils et militaires, qui ont accompli leurs missions avec
rapidité, dévouement et efficacité.
Il veut aussi exprimer sa reconnaissance à l'égard de tous les élus locaux, en
particulier les maires, qui se sont mobilisés pour concrétiser et coordonner
les secours.
L'heure, vous l'avez dit, monsieur le président, est à la reconstruction. Le
Gouvernement a, mercredi dernier, rendu public un plan très divers et très
complet. Ce plan sera déconcentré à l'échelon des départements, adapté à la
diversité du terrain et fondé sur l'étude des situations au cas par cas.
Il faudra, comme vous l'avez dit également, monsieur le président, tirer les
leçons de ces catastrophes. Le Gouvernement s'est engagé à mener cette
réflexion.
Monsieur le président, je veux, en conclusion, dire que le Gouvernement est,
bien entendu, ouvert à l'organisation d'un débat parlementaire sur ces
questions.
(Applaudissements.)
M. le président.
Monsieur le ministre, je vous remercie de l'engagement que vous venez de
prendre au nom du Gouvernement.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept
heures cinq.)