Séance du 20 janvier 2000
M. le président. Par amendement n° 217, Mme Pourtaud, MM. Dreyfus-Schmidt, Collomb, Lagauche, Weber et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 18, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 33-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, il est inséré un article 33-2-A ainsi rédigé :
« Art. 33-2-A. - Tout éditeur d'un service ayant conclu une convention avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel conformément à l'article 33-1, peut proposer à un distributeur de services d'intégrer dans son offre de services de communication audiovisuelle mise à la disposition du public le service conventionné dont il est l'éditeur. Sa demande est adressée conjointement au distributeur de services et au Conseil supérieur de l'audiovisuel.
« Le distributeur de services est tenu de répondre à la demande qui lui est adressée dans un délai de deux mois. Sa réponse doit être motivée notamment en cas de refus de diffusion ou de distribution du service. Elle est adressée à l'éditeur du service ainsi qu'au Conseil supérieur de l'audiovisuel.
« Sur la base des motivations de la réponse du distributeur de services, le Conseil supérieur de l'audiovisuel dispose d'un délai d'un mois, à compter de la réception de celle-ci, pour saisir le Conseil de la concurrence.
« Le Conseil de la concurrence se prononce, dans un délai d'un mois, sur la conformité de la réponse motivée du distributeur de services aux dispositions des articles 7 et 8 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986. »
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud. Cet amendement vise à prévenir les risques d'abus de position dominante sur le câble ou sur le satellite.
Nous savons tous ce qui s'est passé pour le groupe NRJ : son projet de télévision NRJ-TV s'est heurté aux difficultés que rencontre tout éditeur indépendant pour la diffusion de ses programmes sur les bouquets satellitaires ou câblés, car les actionnaires desdits bouquets, actionnaires par ailleurs de sociétés qui diffusent et qui produisent des programmes, ont effectivement tendance à privilégier systématiquement leurs propres programmes au détriment de ceux de leurs concurrents.
Nous pensons aussi qu'il est nécessaire de permettre l'accès des éditeurs indépendants à la diffusion sur les bouquets satellitaires numériques.
Pour pallier ce risque permanent, il serait utile de pouvoir intégrer les négociations entre les éditeurs indépendants et les diffuseurs de services dans un cadre permettant de veiller à ce que les conditions d'une concurrence loyale soient bien respectées. Dans la mesure où les négociations ne peuvent pas se dérouler entièrement sous la surveillance d'une instance de contrôle, il serait possible de mettre en place un système permettant de vérifier que les motivations de refus de diffusion des programmes indépendants sont bien conformes au principe de pluralisme protégé par le CSA et aux dispositions des articles 7 et 8 de l'ordonnance de 1986.
Telle est l'ambition de ce dispositif, qui permet de ne pas bouleverser les structures existantes en plaçant les éditeurs de programmes en situation de contrôler leur diffusion en France tout en veillant à prévenir les risques d'abus de position dominante liés à cette concentration verticale.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. La commission a décidé de laisser aux distributeurs de services la liberté d'organiser leur offre sous réserve de diffuser un nombre minimal de services indépendants.
Nous émettons donc un avis défavorable à l'adoption de cet amendement, qui est contradictoire avec cette position.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je partage tout à fait le souci de Mme Pourtaud : il faut permettre à tous les éditeurs d'être diffusés par les distributeurs de services. Je diffère cependant sur les modalités proposées à cette fin et le dispositif de l'amendement me paraît trop complexe, dans la mesure où il associe à la fois l'éditeur, le distributeur, le CSA et le Conseil de la concurrence.
Vous le savez, le projet de loi prévoit un dispositif garantissant la présence des chaînes indépendantes au sein de toutes les offres de programmes. En outre, pour le câble, il complète les instruments dont dispose le CSA pour apprécier les modifications des plans de services.
Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'aller au-delà, dans la mesure où un éditeur qui se verrait refuser un accès à un bouquet dispose toujours des moyens de droit commun, à savoir le Conseil de la concurrence lui-même et le juge judiciaire.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 217.
M. Michel Pelchat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. J'observe que l'avis défavorable de la commission est fortement modulé dans la mesure où chacun s'accorde à reconnaître que le distributeur doit laisser un libre accès à des éditeurs indépendants au sein du bouquet.
Mme le ministre nous dit que, lorsque l'éditeur se voit refuser l'accès à tel ou tel bouquet - ou à tous les bouquets, comme cela a été le cas à de nombreuses reprises au cours des dernières années - plusieurs recours sont possibles. Toutefois, apparemment, il ne doit pas y avoir autant de recours que cela, puisque ces recours ont finalement échoué sur nos bureaux ! Nous avons ainsi tous été saisis par les mêmes personnes qui ont rencontré des problèmes identiques, ne pouvant faire diffuser leurs programmes alors que, dans le même temps, étaient diffusées des émissions qui, il faut le reconnaître, madame le ministre, ne donnent pas beaucoup de travail à la production audiovisuelle française.
Il y a là une certaine contradiction, que nous regrettons tous. C'est pourquoi, même si c'est rare, je suis favorable à l'adoption de l'amendement n° 217 de Mme Pourtaud. Je ne pense d'ailleurs pas que ma position soit en opposition totale avec celle de la commission, qui considère cet amendement un peu compliqué. Toutefois, monsieur le rapporteur, d'ici à la deuxième lecture, nous aurons le temps de modifier ce dispositif !
Les distributeurs doivent, en tout cas, faire une place aux éditeurs indépendants, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Nous le prévoyons dans la loi !
M. Michel Pelchat. Peut-être, mais si vous voulez que le Parlement réaffirme cette volonté, il me semble bon qu'il attire l'attention du CSA sur ces problèmes.
Même si le dispositif de l'amendement de Mme Pourtaud est un peu compliqué, il est nécessaire de mettre fin à la situation que nous connaissons actuellement avec la répétition incessante des rediffusions, ce qui ne fait pas travailler la production audiovisuelle. Et, pendant ce temps, les éditeurs ne trouvent pas de débouché.
Face à cette injustice, marquons notre volonté de changement et pensons à l'avenir de notre production.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 217, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 18.
Article 19