Séance du 20 janvier 2000







M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 128 est présenté par M. Pelchat.
L'amendement n° 140 est déposé par M. Bernard.
L'amendement n° 158 rectifié est présenté par MM. Ralite, Renar, Mme Luc et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous trois tendent à insérer, après l'article 20, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le troisième alinéa de l'article 27 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les oeuvres audiovisuelles européennes comprennent les oeuvres musicales européennes diffusées dans les émissions réalisées en plateau ; »
La parole est à M. Pelchat, pour présenter l'amendement n° 128.
M. Michel Pelchat. Cet amendement reprend un amendement qui avait déjà été adopté - à l'unanimité - par notre assemblée lors de l'examen, le 14 novembre 1995, d'un projet de loi relatif à la transposition en droit interne de la directive européenne Télévision sans frontières, projet de loi qui nous était présenté par M. Douste-Blazy.
Nous avions alors demandé au Gouvernement que l'on inclue dans les oeuvres francophones les parties musicales, notamment, pour les émissions de plateau.
Vous savez, mes chers collègues, que la directive Télévision sans frontières prévoit la diffusion de 40 % d'oeuvres nationales et de 60 % d'oeuvres européennes. Nous avons porté à 50 % le pourcentage d'oeuvres nationales, mais, au rebours de ce qui se pratique ailleurs, dans notre pays, les émissions de stocks ne sont pas prises en compte, ce qui exclut toutes les émissions de plateau, qui sont considérées dans leur intégralité comme des émissions de flux.
Je n'y suis pas du tout opposé, mais je souhaiterais que les séquences musicales francophones intégrées dans les émissions de plateau soient retenues au titre des oeuvres audiovisuelles, car elles sont de véritables oeuvres.
Il s'agit bien d'émissions de stock, et c'est pourquoi, deux jours après notre assemblée, l'Assemblée nationale votait, elle aussi à l'unanimité, l'amendement que je reprends aujourd'hui, lequel, madame la ministre, n'a pas perdu son intérêt.
Il faut en effet que les parties musicales soient retenues comme des oeuvres et comptabilisées comme telles dans les quotas de diffusion, pour donner un regain, sur nos chaînes publiques mais peut-être aussi sur les chaînes privées, aux émissions de variétés. On sait combien de jeunes interprètes et de jeunes auteurs-compositeurs elles ont lancés ! L'impact de la télévision est en effet dix fois plus fort que celui des radios. Il suffit pour s'en convaincre d'observer le bond que font les ventes des disques lorsque la publicité est télévisée.
Gilbert et Maritie Carpentier ne produisent plus, et c'est fort dommage, d'émissions pour la télévision, mais s'ils n'ont pas de successeurs connus aujourd'hui, c'est seulement parce que les émissions de variétés ont pratiquement disparu de nos plateaux. En les faisant revivre, on favorisera la création dans la chanson, on aidera à faire connaître de jeunes interprètes et auteurs-compositeurs et on enrichira nos écrans de télévision grâce à des émissions de variétés de qualité, ce qui est fondamental pour l'avenir de la culture française.
M. le président. L'amendement n° 140 est-il soutenu ?...
La parole est à M. Renar, pour défendre l'amendement n° 158 rectifié.
M. Ivan Renar. Notre amendement vise, à l'identique de celui de M. Pelchat, à intégrer dans les quotas de diffusion entrant dans le décompte des obligations en matière de musique les émissions réalisées sur les plateaux de télévision.
Les émissions de plateau, qui incluent aussi bien les variétés que la musique classique, n'entrent pas dans ce décompte et sont, de ce fait, les grandes absentes de la télévision publique. C'est un handicap, étant donné le formidable vecteur que représente la télévision, pour les jeunes talents en particulier.
Notre amendement reprend en outre une disposition adoptée, M. Pelchat l'a dit, à l'unanimité par notre Haute Assemblée le 14 novembre 1995 et correspond donc à un souhait très fort.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s 128 et 158 rectifié ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Nous comprenons bien l'objet de ces amendements identiques mais ils posent un problème sérieux. En effet, si la notion d'oeuvres audiovisuelles inclut toutes les émissions réalisées en plateau dès lors que des oeuvres musicales y sont intégrées, les diffuseurs pourront respecter les quotas en diffusant exclusivement des émissions de variétés ou n'importe quelles émissions, de jeu par exemple, comprenant des oeuvres musicales européennes.
M. Ivan Renar. Ah non !
M. Michel Pelchat. Qui a inventé cela ?
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. C'est notre crainte, mes chers collègues.
M. Michel Pelchat. Ce n'est pas mon amendement !
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Nous serions alors, chacun le comprend bien, assez loin du souci qui a inspiré la définition des quotas d'oeuvres européennes, lesquels visent avant tout à favoriser la création et la diffusion d'oeuvres de fiction, c'est-à-dire les émissions de stock par rapport aux émissions de flux que sont les émissions de plateau.
Je crois, mes chers collègues, que le souci tout à fait légitime de favoriser la diffusion de musiques européennes devrait pouvoir être satisfait par d'autres moyens.
La commission est donc défavorable aux amendements identiques n°s 128 et 158 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. L'avis du Gouvernement rejoint celui de la commission.
Je ne peux suivre M. Pelchat dans son raisonnement. Depuis 1989, la directive européenne permet de faire entrer les émissions de plateau dans la définition des oeuvres. Toutefois, nous n'avons jamais choisi, vous le savez, d'utiliser cette possibilité car nous défendons, sur le plan européen et sur le plan international, une conception patrimoniale plus ambitieuse de l'oeuvre audiovisuelle. Inclure dans cette définition tout ou partie des émissions de plateau, c'est pervertir l'obligation de quotas de diffusion dans la mesure où ces émissions sont presque systématiquement nationales. Surtout, c'est permettre aux chaînes de respecter les quotas sans diffuser de la fiction.
M. Michel Pelchat. Ce n'est pas vrai !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je ne pense franchement pas que l'on puisse mettre sur le même plan la diffusion d'une chanson, quelle qu'en soit la qualité - ne voyez là aucun mépris - dans une émission de variétés et la diffusion d'une fiction lourde.
Je suis donc défavorable aux amendements identiques n°s 128 et 158 rectifié.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 128 et 158 rectifié.
M. Michel Pelchat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Pelchat.
M. Michel Pelchat. Je veux tenter d'amener la commission à rectifier son avis et m'assurer que j'ai été compris par elle. Je pense avoir été mieux compris du Gouvernement, mais je n'en suis pas sûr.
Mon amendement, monsieur le rapporteur, ne vise pas l'intégralité d'une émission de plateau. C'est clair !
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Oui.
M. Michel Pelchat. C'est pourtant ce que vous lui avez reproché et c'est pourquoi je me permets cette mise au point.
Dans ces émissions de variétés, seules les parties musicales doivent être retenues, soit, pour une émission d'une heure, trois, quatre ou cinq fois trois minutes.
Vous connaissez la raison pour laquelle les émissions de variétés ont disparu des écrans de télévision : elles n'ont pas la même audience que les fictions. La raison est là, et, derrière cette raison, il y a un problème financier, ce qui n'engage pas les exploitants, y compris publics, des réseaux de télévision à hâter le retour des variétés.
Cependant, si l'on reconnaît aux parties musicales la qualité d'oeuvres, il n'y aura pas de distorsion entre la position de la France et celle de nos partenaires. Je soutiens personnellement et totalement la position de la France : les oeuvres diffusées doivent être comptabilisées non pas à la façon de nos partenaires européens mais comme nous le faisons en France, c'est-à-dire en ne prenant en compte que les oeuvres de stock. Cependant, dès lors que les parties musicales sont bien des oeuvres de stock, elles ont un nouvel intérêt économique pour les chaînes tant privées que publiques, et c'est une incitation de nature à favoriser le retour sur nos écrans des émissions de variétés dans le cadre desquelles pourront s'exprimer les artistes, auteurs-compositeurs et interprètes. Pour ces derniers comme pour le disque français, cette évolution sera incontestablement positive, et elle le sera aussi pour les téléspectateurs pour lesquels les émissions de variétés seront un plaisir retrouvé ! On le sait, lorsqu'elles sont bonnes, ces émissions obtiennent beaucoup de succès mais, pour être reconnues, il faut qu'elles fassent leurs preuves.
Ce n'est pas par hasard si les deux assemblées ont voté à l'unanimité ce texte en 1995 : leur position était tout à fait réfléchie. Ce soir, il mérite d'être à nouveau adopté car sa portée est très importante pour la télévision, publique ou privée, pour nos artistes et pour nos créateurs.
M. Ivan Renar. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Je crains moi aussi qu'il n'y ait eu un contresens. Pour ma part, je vise la jeune création dans le domaine de la musique, qu'elle soit symphonique ou de variétés. Dans quelle catégorie classer les oeuvres musicales télévisées ? Ces amendements identiques sont tout à fait de bon sens. Je me félicitais qu'il y en ait trois : j'étais persuadé qu'ils feraient l'objet d'un consensus général et je suis très étonné.
M. Michel Pelchat. Moi aussi !
M. Ivan Renar. M. Pelchat l'a rappelé, voilà quatre ans et demi, nous étions unanimes, dans les deux assemblées, à voter en faveur de cette conception des oeuvres...
M. Michel Pelchat. Ce n'était pas un hasard !
M. Ivan Renar. ... qui concernait non pas seulement les fictions - les feuilletons et les films - mais aussi les oeuvres musicales. Il s'agit bien d'oeuvres !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Voter ces amendements aurait pour effet de fragiliser le système des quotas de diffusion car on ne peut pas comptabiliser des chansons en tant qu'oeuvres audiovisuelles...
M. Michel Pelchat. A la seconde près !
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. ... au sens où nous les entendons en vue de soutenir la production audiovisuelle.
Telle n'était peut-être pas l'intention des auteurs de cet amendement. En tout cas, la conséquence de celui-ci est claire. Il me semble contradictoire avec l'action de défense que nous continuons de mener, parfois face à des pays moins déterminés que nous, pour maintenir les quotas. Je voulais tout de même vous rendre attentifs à cet aspect.
M. Ivan Renar. Je vais devoir casser ma guitare pour jouer dans les téléfilms ! (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 128 et 158 rectifié, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Par amendement n° 40, M. Hugot, au nom de la commission des affaires culturelles, propose d'insérer, après l'article 20, un article additionnel ainsi rédigé :
« A l'avant-dernier alinéa de l'article 27 de la même loi, après les mots : "de la part des usagers," sont insérés les mots : "selon qu'elle est effectuée par un procédé analogique ou par un procédé numérique". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec les précédentes dispositions relatives au numérique hertzien. Il vise à permettre au décret fixant les obligations de services de radio et de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre de comporter des dispositions spéciales pour les services diffusés en numérique. C'est donc un relais par rapport à l'ensemble des amendements concernant le numérique.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. J'ai bien compris l'intention de M. le rapporteur. S'agissant du développement du numérique de terre, il est en effet essentiel que la multiplication des canaux soit source d'un renforcement du potentiel économique et créatif de la production audiovisuelle, et non d'une uniformisation des contenus.
Il n'y a aucune raison pour remettre en cause les mécanismes incitatifs existants : quotas de diffusion ou obligations de production. Je voudrais signaler au Sénat que j'ai demandé à mes services d'engager la discussion avec les producteurs et les diffuseurs pour savoir quel type d'adaptation sera nécessaire pour le numérique. Je pense notamment à d'éventuelles modulations dans la période de montée en charge dont la loi devra prévoir le principe, comme le suggère d'ailleurs le rapport de M. Hadas-Lebel.
En attendant ces précisions, je le regrette, mais je ne peux qu'émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 40, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 20.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.