Séance du 8 février 2000






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Retrait de l'ordre du jour d'une question orale sans débat (p. 1 ).

3. Questions orales sans débat (p. 2 ).

CONSÉQUENCES DU CLASSEMENT DES FOYERS-LOGEMENTS
EN « ÉQUIPEMENT RECEVANT DU PUBLIC » (p. 3 )

Question de M. Bernard Murat. - Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; M. Bernard Murat.

RÔLE DE LA COMMISSION DE LA TRANSPARENCE (p. 4 )

Question de M. Charles Descours. - Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; M. Charles Descours.

FONCTIONNEMENT DES CAISSES
D'ASSURANCE MALADIE (p. 5 )

Question de Mme Nicole Borvo. - Mmes Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; Nicole Borvo.

REMBOURSEMENT DES TRAITEMENTS
DES MALADIES ORPHELINES (p. 6 )

Question de M. Francis Grignon. - Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle ; M. Francis Grignon.

SUPPRESSION DES POSTES DE CORRESPONDANTS LOCAUX
DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS (p. 7 )

Question de M. Raymond Soucaret. - Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget ; M. Raymond Soucaret.

CRÉATION DE BUREAUX DE TABAC
DANS LES PETITES COMMUNES (p. 8 )

Question de M. Jean-Pierre Demerliat. - Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget ; M. Jean-Pierre Demerliat.

FERMETURE DE SERVICES DU TRÉSOR PUBLIC
DANS LES ZONES RURALES (p. 9 )

Question de M. Xavier Darcos. - Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget ; M. Xavier Darcos.

AVENIR DE L'USINE ALSTHOM
DE LYS-LEZ-LANNOY (p. 10 )

Question de Mme Dinah Derycke. - Mmes Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget ; Dinah Derycke.

CONDITIONS D'EXTENSION
DE SURFACES COMMERCIALES (p. 11 )

Question de M. Bernard Plasait. - Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.

CONTRAT DE PLAN EN HAUTE-LOIRE (p. 12 )

Question de M. Adrien Gouteyron. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Adrien Gouteyron.

IMMATRICULATION DES VÉLOMOTEURS (p. 13 )

Question de M. René Marquès. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; René Marquès.

BAISSE DES EFFECTIFS DE LA DIRECTION
DE L'ÉQUIPEMENT DU PAS-DE-CALAIS (p. 14 )

Question de M. Léon Fatous. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Léon Fatous.

CONSÉQUENCES DE L'EMBARGO
SUR LA VIANDE BOVINE BRITANNIQUE (p. 15 )

Question de M. Jean-Claude Peyronnet. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Jean-Claude Peyronnet.

RÉGLEMENTATION APPLICABLE
AUX BAPTÊMES DE L'AIR (p. 16 )

Question de M. Alain Joyandet. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Alain Joyandet.

Suspension et reprise de la séance (p. 17 )

POLITIQUE DE DIVERSIFICATION ÉNERGÉTIQUE
ET DE VALORISATION DE LA FORÊT FRANÇAISE (p. 18 )

Question de M. Jean Faure. - Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; M. Jean Faure.

CONTRIBUTION DE L'ÉTAT
À LA RÉALISATION DU PLAN DE PRÉVENTION
DES RISQUES NATURELS DE LA VILLE D'AUXERRE (p. 19 )

Question de M. Serge Franchis. - Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; M. Serge Franchis.

RÉORIENTATION DES MISSIONS DE LA SNECMA (p. 20 )

Question de M. Michel Duffour. - MM. Alain Richard, ministre de la défense ; Michel Duffour.

Suspension et reprise de la séance (p. 21 )

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN

4. Fonctionnement des assemblées parlementaires. - Adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture (p. 22 ).
Discussion générale : MM. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement ; Henri Revol, rapporteur de la commission des affaires économiques.
Clôture de la discussion générale.

Article 2 (supprimé)

Article 4. - Adoption (p. 23 )

Vote sur l'ensemble (p. 24 )

M. Bernard Piras.
Adoption de la proposition de loi.

5. Signature électronique. - Adoption d'un projet de loi (p. 25 ).
M. le président.
Discussion générale ; MM. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement ; Charles Jolibois, rapporteur de la commission des lois.
M. le président.
MM. Louis de Broissia, Robert Bret, Pierre Laffitte, François Marc, Alain Lambert, Jean-Léonce Dupont.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.
Clôture de la discussion générale.

Article 1er (p. 26 )

Amendement n° 1 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
M. le rapporteur.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 1er (p. 27 )

Amendement n° 2 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 2 (p. 28 )

Amendement n° 3 de la commission et sous-amendement n° 14 du Gouvernement ; amendement n° 12 de M. Alain Lambert. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Alain Lambert. - Adoption du sous-amendement n° 14 et de l'amendement n° 3 modifié rédigeant l'article, l'amendement n° 12 devenant sans objet.

Article 3 (p. 29 )

Amendements identiques n°s 4 de la commission et 13 de M. Alain Lambert. - MM. le rapporteur, Alain Lambert, Mme le garde des sceaux. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.

Article 4 (p. 30 )

M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
Adoption de l'article.

Articles additionnels après l'article 4 (p. 31 )

Amendements n°s 6 à 8 de M. Pierre Laffitte. - MM. Pierre Laffitte, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. René Trégouët. - Retrait des trois amendements.
Amendement n° 10 de M. René Trégouët. - M. René Trégouët. - Retrait.

Article 5 (p. 32 )

Amendement n° 5 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Intitulé (p. 33 )

Amendement n° 9 de M. Pierre Laffitte. - Retrait.
Adoption de l'ensemble du projet de loi.

6. Lutte contre la corruption. - Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture (p. 34 ).
Discussion générale : Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; MM. José Balarello, rapporteur de la commission des lois ; François Marc, Robert Bret.
Clôture de la discussion générale.

Article 1er A (p. 35 )

Amendement n° 1 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 1er (p. 36 )

Article 435-1 du code pénal
(p. 37 )

Amendement n° 2 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article du code modifié.

Article 435-2 du code pénal (p. 38 )

Amendements n°s 3 et 4 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article du code modifié.

Article 435-3 du code pénal (p. 39 )

Amendements n°s 5 et 6 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article du code modifié.

Article 435-4 du code pénal (p. 40 )

Amendements n°s 7 et 8 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. François Marc. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article du code modifié.

Article 435-5 du code pénal. - Adoption (p. 41 )

Article 435-6 du code pénal
(p. 42 )

Amendement n° 9 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. François Marc. - Adoption.
Adoption de l'article du code modifié.
Adoption de l'article 1er modifié.

Article 2 (p. 43 )

Amendement n° 10 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 3 bis (supprimé) (p. 44 )

Amendement n° 11 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.

Article 4 (p. 45 )

Amendement n° 12 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 4 bis (p. 46 )

Amendement n° 13 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Article 5. - Adoption (p. 47 )

Vote sur l'ensemble (p. 48 )

MM. François Marc, Louis Souvet, Robert Bret.
Adoption du projet de loi.

7. Transmission d'un projet de loi (p. 49 ).

8. Dépôt de rapports (p. 50 ).

9. Textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 51 ).

10. Ordre du jour (p. 52 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

RETRAIT D'UNE QUESTION ORALE
SANS DÉBAT

M. le président. J'informe le Sénat que la question orale sans débat n° 673 de M. Dominique Leclerc est retirée, à la demande de son auteur, de l'ordre du jour de la séance de ce matin.

3

QUESTIONS ORALES SANS DÉBAT

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales sans débat.

CONSÉQUENCES DU CLASSEMENT
DES FOYERS-LOGEMENTS
EN « ÉQUIPEMENT RECEVANT DU PUBLIC »

M. le président. La parole est à M. Murat, auteur de la question n° 643, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Bernard Murat. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'actualité apporte régulièrement son lot de drames dus au manque de sécurité dans les établissements médico-sociaux. Parallèlement, les collectivités locales ont de plus en plus de difficultés à faire face à l'application des multiples normes et au financement du coût d'investissement et des coûts de fonctionnement.
En matière de sécurité incendie, un rapport rendu public fin mai 1999 prévoit que les foyers-logements pour personnes âgées existant devront, à l'avenir, être classés dans la catégorie des ERP, c'est-à-dire des « établissements recevant du public ». Actuellement, en matière de sécurité incendie, les établissements médico-sociaux connaissent une coexistence des normes « habitation » d'un côté et des normes « ERP » de l'autre.
Mais ce rapport reste silencieux sur les modalités de financement nécessaire à la réalisation des travaux de sécurité. Le ministère de l'emploi et de la solidarité a seulement laissé entendre qu'une période de six à sept ans serait donnée à ces établissements pour s'adapter.
Il semblerait que le Gouvernement s'oriente vers un classement unique de tous les établissements médico-sociaux en ERP d'un nouveau type, dont la réglementation s'inspirerait fortement de celle qui est applicable aux ERP de type U, c'est-à-dire des établissements comprenant une unité de soin. Or, à ce jour, selon un sondage réalisé sur 1 000 foyers-logements, ce qui représente le tiers de la capacité totale, 31 % seulement sont classés en ERP de type U, et ils ne sont pas tous aux normes, loin s'en faut !
Bien entendu, je suis très favorable à cette mesure puisqu'elle a pour but de favoriser la sécurité des personnes âgées. Mais, madame le secrétaire d'Etat, est-il nécessaire de soumettre l'ensemble des établissements médico-sociaux à la même réglementation ? La réglementation des ERP de type U, faite pour les hôpitaux, est très contraignante pour les lieux de vie.
De plus, s'agissant d'établissements existant, dans nombre de cas, la mise aux normes sera extrêmement difficile à mettre en oeuvre.
Aussi, un certain nombre d'adaptations et de dérogations à la nouvelle réglementation devront être permises, sans, bien évidemment, nuire au niveau de sécurité de ces établissements.
Par ailleurs, je m'inquiète des répercussions de ce classement sur le budget des foyers-logements. Dans ma commune de Brive-la-Gaillarde, il existe quatre foyers-logements et une résidence, ce qui représente environ 250 appartements. Leur gestion est largement déficitaire. Or cette mesure nécessitera des travaux estimés à 3,5 millions ou 4 millions de francs par établissement. Aussi, afin de ne pas alourdir le prix de journée, ainsi que la pression fiscale des collectivités, il me semble important que l'Etat s'engage financièrement dans cette démarche.
C'est pourquoi je vous saurais gré, madame le secrétaire d'Etat, de bien vouloir m'indiquer, d'une part, selon quelles modalités votre ministère entend classer les foyers-logements en ERP et, d'autre part, si l'Etat, par solidarité à l'égard de nos anciens, envisage d'intervenir financièrement sur ce dossier. Dans l'affirmative, à quelle hauteur et dans quel délai ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le sénateur, la sécurité des foyers-logements accueillant des personnes âgées et handicapées est une préoccupation et une responsabilité majeures pour nous tous. C'est pourquoi un rapport sur la sécurité incendie dans les établissements sociaux et médico-sociaux avait été demandé.
Ce rapport, dont vous faites état, monsieur le sénateur, est un document issu d'un groupe de travail interministériel, ministère de l'emploi et de la solidarité et ministère de l'équipement, des transports et du logement ; ce sont là les deux ministères directement impliqués dans ce domaine.
Un travail conjoint a donc été engagé sur cette question. Un état des lieux a été dressé et des pistes de réflexion ont été dégagées. C'était l'objectif de ce groupe de travail.
Ce document de travail, je vous le précise, n'a pas été rendu public. Les propositions qui figurent dans ce rapport n'ont pas encore été validées et font actuellement l'objet d'un examen approfondi par les services du ministère de l'équipement, des transports et du logement, dont relèvent les logements-foyers. Aucune décision n'a été arrêtée dans ce domaine.
Cette information sera prochainement complétée par les travaux de réflexion engagés récemment sous l'égide du ministère de l'intérieur.
En effet, un groupe de travail interministériel piloté par le ministère de l'intérieur a été mis en place pour adapter les dispositions de la réglementation sur la sécurité incendie aux établissements accueillant des personnes âgées et handicapées. Les conclusions de ce groupe de travail devraient nous être rendues d'ici à l'été prochain.
Telle est la réponse que je suis en mesure de vous apporter, monsieur le sénateur.
M. Bernard Murat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie de la qualité de votre réponse. Nous attendrons donc. Je me permettrai simplement d'ajouter que, d'une manière générale, les collectivités locales sont très attentives à toutes ces évolutions, car leurs budgets, vous le savez, ne sont pas extensibles. Puisque, aujourd'hui, on parle beaucoup de cagnotte, j'espère que ce ne seront pas ceux qui crieront le plus fort qui seront le mieux entendus !
Je voudrais plaider pour les anciens, pour les personnes âgées. Cet aspect de la sécurité de nos anciens pourrait également faire l'objet d'une attention particulière de la part du Gouvernement s'il redistribue aux Français les sommes qu'il a, apparemment, prélevées quelque peu indûment...

RÔLE DE LA COMMISSION DE LA TRANSPARENCE

M. le président. La parole est à M. Descours, auteur de la question n° 671, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Charles Descours. Madame le secrétaire d'Etat, les secrétaires d'Etat à la santé changent, mais vous êtes toujours préposée à me répondre. Vous vous y habituez, moi aussi !
Ma question, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité, concerne la commission de la transparence.
La commission de la transparence a rendu un avis de réévaluation sur un premier ensemble de 1 150 spécialités pharmaceutiques. Parmi celles-ci, 262, soit environ un quart d'entre elles, ont été considérées comme ayant un service médical rendu - SMR, dans le jargon médical - insuffisant.
Une deuxième tranche, de même ampleur, est en cours de réévaluation, et les premières informations disponibles laissent penser que le nombre de spécialités considérées comme ayant un SMR insuffisant sera au moins, lui aussi, d'ampleur équivalente.
Les décisions que pourrait prendre le Gouvernement à la suite de ces avis risquent de toucher de plein fouet certaines entreprises.
Les laboratoires concernés sont essentiellement, j'y insiste, des laboratoires à capitaux français dont les centres de décision sont implantés en France. Certains risquent de voir remise en cause une part très importante de leur chiffre d'affaires, pouvant aller jusqu'à 70 %.
L'emploi en serait gravement menacé, certains laboratoires ayant déjà annoncé des suppressions d'effectifs si ces menaces se concrétisaient.
L'effet délétère de ces décisions se fera également sentir sur les exportations des laboratoires concernés, les pays importateurs se fondant très généralement sur les conditions de remboursement pratiquées en France.
Au demeurant, l'éviction de ces spécialités du marché français serait également gravement pénalisante en termes de santé. Ces médicaments ont une utilité incontestée en pratique quotidienne, pour le médecin et pour le patient, dans le soulagement de symptômes et dans le dialogue singulier médecin-malade. Si les médecins étaient privés de la possibilité de prescrire ces médicaments quel que soit le revenu des patients, on risquerait de voir se produire des transferts de prescription vers d'autres produits non pertinents médicalement, voire dangereux.
En outre, l'économie serait nulle pour l'assurance maladie ; il en résulterait même probablement un surcoût, les médicaments sur lesquels pourrait se reporter la prescription étant tous plus onéreux que les spécialités actuellement mises en cause.
La ministre de l'emploi et de la solidarité a indiqué, à la fin du mois de décembre 1999, qu'elle entendait mener une concertation - là comme ailleurs ! - avec les médecins et les pharmaciens sur les conclusions à tirer de la réévaluation.
Je voudrais savoir, madame le secrétaire d'Etat, où en est cette concertation, les syndicats de médecins et de pharmaciens et le Conseil national de l'ordre des pharmaciens ayant par ailleurs publiquement fait connaître leur désaccord sur l'approche retenue pour la réévaluation.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Permettez-moi, monsieur le sénateur, de souligner que cela fait quelques mois que je n'avais pas eu le plaisir de venir vous répondre.
M. Charles Descours. Le plaisir est partagé, madame ! (Sourires.)
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. La commission de la transparence sur le remboursement des médicaments a transmis à Martine Aubry les premiers résultats de la réévaluation de l'ensemble des classes thérapeutiques. Cette réévaluation s'inscrit dans une démarche visant à fonder les décisions, en matière de prix et de remboursement, sur le service médical rendu.
Ce n'est pas à vous, monsieur le sénateur, que j'exposerai ce qu'est ce service médical rendu. Je résumerai donc en disant que cette notion permet d'apprécier la place du médicament dans les stratégies thérapeutiques, et donc l'intérêt de sa prise en charge par la collectivité.
L'opération de réévaluation du service médical rendu de l'ensemble des médicaments remboursables a débuté en avril dernier. Dans le souci de garantir l'objectivité et la transparence des décisions, diverses procédures contradictoires ont été suivies, qui ont permis aux entreprises pharmaceutiques de faire connaître leur position.
Afin d'être la plus précise possible, j'irai directement aux chiffres.
Au terme de cette procédure de réévaluation, nous disposons d'une appréciation du service médical rendu pour 1 155 médicaments à visée cardiologique, métabolique, psychiatrique et rhumatologique : 262 spécialités se sont vu attribuer un service médical rendu insuffisant pour justifier le remboursement.
En conséquence, Mme Martine Aubry a demandé à ses services de mener une concertation avec les représentants des médecins et des pharmaciens sur les conclusions de cette réévaluation.
Il a également été demandé au président du comité économique du médicament d'entamer une large concertation avec les firmes concernées et de faire des propositions sur les conséquences à tirer des avis de la commission de la transparence dans le cadre de la politique conventionnelle.
Bien évidemment, l'ensemble de cette démarche sera guidé par l'impératif de garantir à nos concitoyens l'accès pour chaque pathologie à la meilleure prise en charge thérapeutique possible, et ce au meilleur coût. Ce n'est qu'à l'issue de ces concertations, auxquelles le Gouvernement attache la plus grande importance, que Mme Aubry rendra publiques ses décisions.
M. Charles Descours. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Madame Péry, sans vouloir être désagréable avec vous, je dirai que la réponse que votre cabinet vous a préparée est un exemple de langue de bois ! Il n'y a là rien de nouveau par rapport à ce que j'ai moi-même dit dans ma question.
Mme Aubry se rend compte sans doute qu'elle s'est engagée dans une impasse et que, si elle tire les conclusions de l'étude dans laquelle elle s'est lancée, un grand nombre de laboratoires, notamment des laboratoires français de taille moyenne, dont le chiffre d'affaires est inférieur ou avoisine le milliard de francs, vont devoir « dégraisser ». Or ils sont souvent installés dans des départements où la situation est difficile.
Si je comprends bien le sens de la réponse que vous venez de m'apporter, il semble toutefois que Mme Martine Aubry trouve qu'il est urgent d'attendre. Si c'est sa conclusion, je la soutiendrai, mais si elle va au-delà, je la combattrai !

FONCTIONNEMENT
DES CAISSES D'ASSURANCE MALADIE

M. le président. La parole est à Mme Borvo, auteur de la question n° 702, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Nicole Borvo. Mme la secrétaire d'Etat, je souhaite attirer l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur la dégradation des conditions de travail des personnels et du service rendu aux assurés sociaux des caisses d'assurance maladie, dégradation aggravée par l'afflux des demandes de CMU.
Comme vous le savez, les caisses d'assurance maladie sont chargées, depuis le 1er janvier 2000, d'accueillir les bénéficiaires de la CMU, qui doit permettre à 6 millions de personnes percevant de faibles revenus d'être soignées gratuitement.
Autant j'ai soutenu, comme les autres parlementaires communistes, la mise en place de la CMU, même si nous pensons qu'elle pourrait être améliorée, autant il me semble que les 1 400 emplois prévus par la loi de financement de la sécurité sociale ne sont pas suffisants pour faire face à la demande. Les différents acteurs avaient d'ailleurs prévu, dès l'année dernière, qu'il faudrait créer un minimum de 3 000 emplois, et j'avais personnellement attiré l'attention du Gouvernement sur ce sujet.
La caisse primaire d'assurance maladie de Paris est le seul organisme en France à n'avoir demandé aucun effectif supplémentaire, alors que la capitale est un des départements les plus concernés, du fait de la dégradation de la situation, par l'afflux de demandes de CMU. Or, vous le savez, les organisations syndicales demandent que 140 personnes au minimum soient embauchées pour faire face à l'instauration de la CMU, mais aussi afin de résorber les 750 000 dossiers en souffrance à Paris. Cette revendication ne paraît pas abusive.
Jeudi dernier, les salariés des caisses d'Ile-de-France - où il y aurait 3,8 millions de feuilles de soins en souffrance - ont manifesté en vue d'obtenir de nouveaux moyens, et Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité a elle-même reconnu qu'il fallait débloquer des moyens supplémentaires.
Ne vous paraît-il pas, dans ces conditions, nécessaire et urgent d'embaucher au niveau national et en contrat à durée indéterminée les 3 000 personnes que la direction de l'assurance maladie avait jugées indispensables pour mettre en place la CMU ?
Au-delà, que compte faire le Gouvernement pour engager les moyens nécessaires afin d'assurer un service de qualité aux assurés et de meilleures conditions de travail aux personnels ? A cette fin, ne serait-il pas nécessaire de remplacer les départs en retraite et d'embaucher du personnel supplémentaire pour compenser la mise en place de la réduction du temps de travail, ce contre quoi le patronat se bat farouchement, comme vous le savez ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Comme vous le soulignez, madame la sénatrice, il existe actuellement des retards importants dans le traitement des dossiers par les caisses primaires d'assurance maladie. Le Gouvernement a tout à fait conscience des perturbations subies par les assurés sociaux du fait de ces retards. D'un traitement moyen de trois à quatre jours pour les feuilles de soins, nous en sommes aujourd'hui à sept jours.
Ces difficultés ont plusieurs origines.
La couverture maladie universelle n'explique pas, à elle seule, l'ensemble des difficultés des caisses primaires d'assurance maladie. Le fonctionnement des caisses a aussi été perturbé par les épidémies de grippe et de gastro-entérite, ainsi que par la mise en place d'un nouveau système informatique.
Bien entendu, nous ne voulons pas que la mise en place de la CMU se traduise par une surcharge de travail pour les agents qui travaillent dans les caisses primaires. Comme nous le savons, ces agents sont heureux de remplir une mission qu'ils considèrent comme une mission de service public et qui va permettre à 6 millions de Français de disposer d'une couverture gratuite des soins.
Comme vous l'avez rappelé, madame la sénatrice, les caisses primaires ont bénéficié dans un premier temps, au mois de novembre, de 1 400 nouveaux emplois.
Après avoir fait, avec la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, un point précis des difficultés rencontrées, le Gouvernement a dégagé de nouveaux moyens, et, le 1er février dernier, la commission de gestion administrative de la Caisse nationale d'assurance maladie a donné un avis favorable à l'attribution de moyens supplémentaires aux caisses.
Nous avons ainsi décidé d'employer 500 personnes en contrat de quatre mois pour résorber les retards, et 500 emplois-jeunes vont venir aider à un meilleur accueil et aux aides administratives. Nous avons également créé 150 nouveaux emplois à durée indéterminée. Je précise qu'une partie de ces nouveaux emplois seront affectés à la caisse primaire de Paris.
Le Gouvernement, tout comme vous, madame la sénatrice, est attentif à la négociation sur la réduction du temps de travail à la sécurité sociale. Il souhaite que le dialogue au sein de l'Union des caisses nationales de sécurité sociale - organisme qui est en charge de la vie conventionnelle dans les organismes de sécurité sociale - soit fructueux et aboutisse rapidement. La récente définition d'un calendrier de négociation est, à ce titre, un élément positif.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie des indications que vous m'avez données sur les postes qui vont être créés. Mais il me semble que les besoins ne seront pas satisfaits, ce qui pose, à mon avis, le problème du financement de la CMU et, plus largement, de la sécurité sociale.
Je profite de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour dire que l'Etat doit immédiatement répartir équitablement les fruits de la croissance, qui sont plus importants que prévus. Je pense, par exemple, à l'utilisation des 2 milliards de francs de bénéfices supplémentaires prévus cette année à la CNAM.
Au-delà, vous savez que nous sommes les fervents partisans d'une contribution accrue des entreprises au financement de la sécurité sociale. Nous avons d'ailleurs fait des propositions sur la modulation des contributions patronales.
Concernant la CMU, j'ai également formulé la proposition d'instaurer une cotisation sociale sur les revenus financiers des entreprises. Cela permettrait de dégager des moyens pour ces salariés précaires qui sont à peine mieux lotis que les personnes vivant avec moins de 3 500 francs. Là aussi, il est de la responsabilité de l'Etat de mieux répartir les fruits de la croissance.
Toutes ces mesures vont dans le sens d'un nécessaire rééquilibrage entre les revenus du travail et ceux du capital pour financer notre système de protection sociale. Cela va à l'encontre de l'action du patronat, qui, vous l'avez évoqué, fait feu de tout bois aussi bien contre les 35 heures que pour réduire les prestations de l'assurance maladie à une peau de chagrin, ouvrant par là même la porte aux AGF et autres AXA.

REMBOURSEMENT DES TRAITEMENTS
DES MALADIES ORPHELINES

M. le président. La parole est à M. Grignon, auteur de la question n° 655, adressée à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
M. Francis Grignon. Madame la secrétaire d'Etat, l'anémie de Biermer fait partie de ces maladies rares, héréditaires, surprenantes et sournoises pour le patient que l'on appelle maladies orphelines. Un traitement simple, efficace et bon marché de cette maladie grave existe mais il n'est pas remboursé par la sécurité sociale : c'est l'injection prolongée de vitamines B12.
Est-il normal que ce médicament ne soit pas remboursé, au motif qu'il est simple, courant et peu coûteux ? C'est un vrai problème de considération et d'équité à l'égard du malade.
Pourquoi ne pas accorder un remboursement pour cette unique indication, d'autant plus que des précédents existent ? Je peux citer par exemple le Sumatripton, qui n'est remboursé que pour l'algie vasculaire de la face alors qu'il sert également au traitement des migraines.
Je ne pense pas que cette mesure, si elle venait à être adoptée, mettrait en jeu l'équilibre de la sécurité sociale. En revanche, sur le plan moral, elle serait un signe important pour les malades.
Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, de toute l'attention que vous pourrez porter à cette situation.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le sénateur, la maladie de Biermer est une maladie orpheline grave qui se caractérise par une incapacité du tube digestif à absorber la vitamine B12 par voie orale.
Cette maladie s'accompagne d'une anémie et de troubles du système nerveux. Seules les injections régulières de vitamine B12 en corrigent les troubles.
Vous dites, monsieur le sénateur, que ce traitement n'est nullement remboursé par la sécurité sociale. Pourtant, on me prie de vous dire que deux présentations injectables de vitamine B12 sont actuellement remboursables aux assurés sociaux à 65 % dans l'indication de la maladie de Biermer. Il s'agit de la vitamine B12 Gerda, fabriquée par le laboratoire Gerda, et de la vitamine B12 Delagrange, du laboratoire Synthélabo.
Par ailleurs, je vous informe que, sur l'initiative de la France, un règlement européen sur les médicaments orphelins vient d'être adopté.
Ce texte prévoit que des mesures incitatives peuvent être accordées à une entreprise pour l'encourager à développer un médicament après qu'il aura été désigné orphelin selon des critères précis : le faible nombre de patients concernés, le traitement d'une maladie grave et invalidante pour laquelle, en l'absence d'aide, aucun médicament ne serait développé ou autorisé dans la Communauté.
Ces mesures prévoient, entre autres, une exclusivité commerciale sur dix ans, la dispense au moins partielle du paiement de la redevance due à l'Agence européenne du médicament et une aide à l'élaboration du dossier d'enregistrement. Ces mêmes mesures devraient encourager les firmes à prendre davantage en considération le traitement des maladies orphelines, en développant les médicaments orphelins ou les médicaments déjà sur le marché pour d'autres indications, pour lesquels serait demandée une extension d'autorisation permettant leur utilisation et leur remboursement dans le traitement de ces maladies.
M. Francis Grignon. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Grignon.
M. Francis Grignon. Ma question appelait une réponse positive ou négative. La réponse est positive.
Je vous remercie par ailleurs, madame la secrétaire d'Etat, des précisions concernant l'approche européenne des maladies orphelines.

SUPPRESSION DES POSTES DE CORRESPONDANTS LOCAUX
DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS

M. le président. La parole est à M. Soucaret, auteur de la question n° 642, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Raymond Soucaret. Madame la secrétaire d'Etat au budget, je tiens à attirer votre attention sur la disparition des postes de correspondants locaux des douanes et des droits indirects ainsi que sur ses conséquences financières.
La tenue du poste de correspondant local est généralement une charge d'emploi imposée par l'administration au titre de l'exercice principal de débitant de tabacs. C'est également une activité complémentaire à la tenue de librairie - journaux ou encore débit de boissons. Ces recettes locales forment un maillage essentiel pour la présence de l'administration sur l'ensemble du territoire.
Alors qu'une majorité des correspondants locaux ont un faible niveau d'activité et qu'un certain nombre d'entre eux ont été affectés par la suppression des titres de mouvement sur les céréales en raison de leur faible niveau d'activité, il leur est proposé une aide pécuniaire à la cessation d'activité. Cette aide a un coût non négligeable, voire démesuré.
La lecture du rapport 2003 qui comprend un projet de réorganisation des services déconcertés des finances, me conforte dans ma demande et, malheureusement, dans mes inquiétudes. En effet, le projet de fermeture de nombreuses perceptions en milieu rural - dix-neuf dans mon département, le Lot-et-Garonne - marque la volonté de rationalisation du Gouvernement en ce domaine.
Aussi, je serais heureux, madame la secrétaire d'Etat, de connaître précisément les raisons de la politique de suppression des correspondants locaux, qui est très coûteuse. Je demande également la suspension des fermetures et la réouverture des recettes qui ont été supprimées.
S'agissant des perceptions, je souhaite le maintien du statu quo.
Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, des réponses que vous pourrez m'apporter.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur le plan d'adaptation du réseau des correspondants locaux et sur ses conséquences financières.
Il existe aujourd'hui 4 000 correspondants locaux, auxiliaires de l'administration, pour assurer les formalités dans le secteur des contributions indirectes. Ils sont habilités à délivrer les documents nécessaires à la circulation de produits soumis à accises, les céréales et les alcools notamment.
Comme vous le savez, le Gouvernement a engagé un processus de simplification des formalités. Des dispositions ont déjà été prises pour supprimer nombre de formulaires. Un nouveau train de mesures a été adopté dans le cadre de la loi de finances rectificative de 1999 pour supprimer des formalités devenues obsolètes, certaines datant, je le souligne, de 1816 en matière viti-vinicole.
Fallait-il, dans ces conditions, maintenir en fonction des correspondants dont l'activité devient de plus en plus résiduelle ?
Nous avons engagé une large réflexion avec les représentants de la profession et avons engagé un plan d'adaptation selon une formule très souple. Ce plan est en effet fondé sur le volontariat : une proposition de cessation d'activité est faite à ceux dont l'activité est faible et, en cas d'accord, une aide calculée sur la rémunération annuelle moyenne, s'élevant au minimum à 20 000 francs, leur est versée.
A titre d'exemple, voici le bilan du département du Lot-et-Garonne : sur 68 correspondants locaux en poste au 1er janvier 1999, 39 ont décidé de cesser leur activité, la plupart - 32 exactement - percevant la somme forfaitaire de 20 000 francs.
Il est encore trop tôt pour tirer le bilan financier de cette opération, dont le coût est estimé à 30 millions de francs au maximum. Tout dépend, en effet, des décisions que prennent les correspondants locaux eux-mêmes.
Mais le coût de cette indemnisation doit être comparé au coût des formalités elles-mêmes, qu'il s'agisse de la rémunération des actes effectués par les correspondants locaux ou des charges qui en résultent pour les particuliers et les entreprises, notamment les plus petites d'entre elles, qui sont nombreuses dans le secteur viti-vinicole.
La modernisation des contributions indirectes bénéficie, par conséquent, à la collectivité tout entière.
Par ailleurs, les décisions que nous avons prises pour réformer le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie sont fondées sur la volonté d'instaurer un service proche, efficace et disponible. Elles prévoient notamment le maintien d'un réseau dense de trésories rurales. Ce réseau doit permettre aux collectivités locales et aux élus de disposer d'un interlocuteur efficace, susceptible de les conseiller en matière financière et juridique. Il doit permettre à tous nos concitoyens de bénéficier d'un contrôle rigoureux et transparent de la dépense publique.
Alors que des rumeurs, parfois étayées par des schémas de réorganisation que je ne cautionne pas, circulent, il me paraît nécessaire de vous faire part directement et solennellement de l'engagement que nous avons pris Christian Sautter et moi-même, conformément à la volonté du Gouvernement, de favoriser le service public et l'aménagement du territoire. Aucune trésorerie ne sera donc fermée du fait de la réforme.
En conclusion, monsieur le sénateur, je veux insister sur le fait que le plan d'adaptation est une mesure d'accompagnement de la démarche de simplification que le Gouvernement a engagée et qu'il entend poursuivre, car elle est nécessaire.
M. Raymond Soucaret. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Soucaret.
M. Raymond Soucaret. Merci, madame, des réponses que vous avez bien voulu m'apporter.
J'ai pris acte de vos déclarations quant aux représentants du Trésor, mais, si je comprends votre souci d'économie, je crois qu'il faut aussi tenir compte - vous l'avez compris, je pense - du souci des élus et des populations qui, dans le cas où des perceptions seraient supprimées, auraient des kilomètres à faire pour se rendre dans les villes où se trouvent les perceptions, villes dans lesquelles, de surcroît, ils rencontreraient des problèmes de stationnement. Je vous remercie donc de la disposition qui semble être prise.
J'ai bien compris le problème posé par la suppression des correspondants locaux, mais, là où le bât blesse, c'est lorsque vous parlez de volontariat.
En effet, madame, voici comment les choses se passent. On vient trouver ces correspondants, le samedi matin, et on leur dit : « Madame - ou monsieur -, si, lundi matin, à huit heures, vous n'avez pas donné votre réponse, vous n'aurez pas l'indemnité de 20 000 francs qui vous a été promise et, dans quelques mois, votre bureau sera fermé. » Ce n'est pas convenable !
Certes, ont disparu ce que l'on appelait les acquits qui étaient exigés pour la circulation des céréales. Il reste néanmoins un problème très délicat. Nos petits villages comptent de nombreuses associations - ce dont je me réjouis - qui organisent des manifestations, telles que bals, loteries ou autres. Lorsqu'elles veulent les animer par une buvette, elles sont obligées de faire une déclaration et, là aussi, le bât blesse, madame le secrétaire d'Etat. Dans mon village, par exemple, des associations du troisième âge, des clubs de sports ou autres sont obligés de faire quinze ou vingt kilomètres pour déposer la déclaration d'ouverture d'une buvette faite à la mairie ; il leur faut ensuite revenir chercher l'autorisation. Bref, que de complications !
Je veux bien admettre qu'il soit nécessaire de réaliser des économies, je le répète, mais ce qui me gêne, c'est la provocation à l'égard des correspondants locaux, que l'on pousse à partir par le biais de l'indemnisation. Les assocations, elles, restent et il faudrait étudier comment remédier au problème qui se pose à elles. Il n'est pas possible que des personnes âgées fassent vingt ou vingt-cinq kilomètres pour retirer l'autorisation d'ouvrir une buvette !
Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie à l'avance des dispositions qui pourront être prises à cet égard.

CRÉATION DE BUREAUX DE TABAC
DANS LES PETITES COMMUNES

M. le président. La parole est à M. Demerliat, auteur de la question n° 674, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Jean-Pierre Demerliat. Madame la secrétaire d'Etat, j'aimerais attirer votre attention sur les conditions de création ou de réouverture de débits de tabac dans les petites communes.
La vente du tabac au détail, en France, est un monopole d'Etat. La tutelle en est exercée par la direction générale des douanes, qui fixe les règles en matière d'ouverture ou de réouverture des bureaux de tabac.
Les douanes subordonnent leur accord à l'implantation d'un bureau de tabac à l'existence d'une population communale d'au moins 750 habitants. Ce seuil peut être abaissé à 500 habitants si, alentour, aucun bureau de tabac ne peut être atteint en moins de dix minutes en véhicule motorisé.
L'administration considère invariablement que, en deçà de ce seuil, la rentabilité du débit n'est pas assurée.
Néanmoins, madame la secrétaire d'Etat, l'application de ces règles connaît un assouplissement depuis août 1999. En effet, dans les zones de revitalisation rurale, l'administration déroge parfois à ses règles et peut apprécier les seuils de manière plus ou moins large. Elle peut faire de même quand la commune ou un groupement de communes est propriétaire du fonds de commerce donné en location-gérance.
Madame la secrétaire d'Etat, entendons-nous bien : je ne suis pas un partisan acharné de l'augmentation de la consommation de tabac dans notre beau pays, mais nous savons bien tous qu'un fumeur ira à coup sûr faire ses autres achats là où il sera certain de trouver sa drogue quotidienne.
Nombre d'élus ruraux essaient de lutter contre la désertification de nos campagnes, de revitaliser leurs petites communes et d'offrir des services de proximité à leurs populations isolées en créant des « multiples ruraux », souvent dans des locaux communaux et avec des gérants aidés par la ou les collectivités.
Si le fumeur ne trouve pas son produit habituel dans de tels établissements, il se dirigera directement vers un bourg plus important, souvent le chef-lieu du canton, et le « multiple rural » dont je parlais à l'instant perdra définitivement un client nécessaire à sa survie.
Il serait peut-être temps, madame la secrétaire d'Etat, que l'administration, si elle veut continuer à se mêler de commerce, envisage de se conformer aux usages en vigueur dans ce secteur d'activité.
J'ai donc l'honneur de vous demander de bien vouloir essayer de faire comprendre aux douanes que les élus locaux, les maires en particulier, sont les mieux placés pour juger de la viabilité d'un commerce situé dans leur commune.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur les difficultés rencontrées pour obtenir l'autorisation d'ouvrir un bureau de tabac dans les petites communes.
Les critères retenus pour la création des débits de tabac en milieu rural répondent à un double souci : assurer un service de proximité, tout en préservant l'équilibre du réseau existant. Ils reposent sur la prise en compte de la densité de la population concernée, qui doit être suffisante pour garantir la viabilité du commerce. C'est pourquoi la création d'un débit de tabac est réservée aux communes d'au moins cinq cents habitants. En outre, il est tenu compte des débits existants dans les communes voisines.
Des assouplissements ont cependant été prévus pour favoriser le maintien des activités en milieu rural, dans le cadre de la convention « mille villages de France », et pour les communes classées en zone de montagne.
Par ailleurs, de nouvelles dispositions sont entrées en vigueur en septembre 1999 pour les zones de revitalisation rurale : il peut être maintenant dérogé à la règle selon laquelle le débitant doit être propriétaire du fonds de commerce annexe au comptoir de vente. Ainsi, les personnes qui louent leur fonds de commerce ou l'exploitent en franchise peuvent désormais être agréées.
Il peut être également dérogé à l'obligation pour un débitant d'apporter personnellement 25 % de la valeur du fonds de commerce qu'il achète ou qu'il crée.
Enfin, un nouvel effort a été accompli à partir du 1er janvier 2000 en faveur des débits de taille modeste. En effet, le seuil à partir duquel les débitants doivent verser une redevance à l'Etat est porté de 250 000 francs à 300 000 francs.
Je souhaite donc vous rassurer, monsieur le sénateur : au cours des derniers mois, nous avons pris un ensemble de mesures qui ont pour objectif de faciliter le maintien ou la création de débits de tabac dans les zones rurales. Le débit de tabac assure, en effet, un service public de proximité auquel le Gouvernement est attaché.
M. Jean-Pierre Demerliat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, des précisions que vous m'avez apportées.
Au demeurant je ne saurais trop insister sur la nécessité qu'il y a, pour vos services, d'apprécier les situations au cas par cas de manière extrêmement généreuse, si je puis m'exprimer ainsi - encore que la générosité n'ait rien à voir en la matière, puisqu'il s'agit maintenant, à mon sens, d'un commerce comme les autres, et je ne vois pas pourquoi l'administration jugerait de la rentabilité de tel ou tel commerce.
Je sais bien que, la consommation baissant - quoique fumeur, je ne puis que m'en féliciter, dans la mesure où l'état de santé général des habitants de notre beau pays m'intéresse également - la multiplication des lieux de vente ne fait pas forcément plaisir aux commerçants qui sont déjà installés. Mais cela, c'est l'intérêt particulier. L'intérêt général dicte de maintenir des lieux de vie dans nos petites communes.
Dans ce que j'appelais les « multiples ruraux », le tabac est le produit d'appel qui attire les gens ; mais s'y ajoutent souvent des produits d'épicerie, une buvette, un dépôt de pain, un dépôt de viande, etc. C'est l'endroit qui permet aux petites communes de continuer à vivre. S'il n'existe plus, les gens iront dans les grandes surfaces du chef-lieu de canton ou du chef-lieu de département.
En outre, comme vous le disiez, le bureau de tabac rend un service de proximité : c'est l'endroit où l'on peut se procurer vignettes automobiles, timbres fiscaux et timbres-amendes, notamment.
Je ne saurais donc trop insister sur la nécessité qu'il y a à apprécier de manière extrêmement large toutes les demandes qui vous parviendront. Je vous en remercie d'avance, madame la secrétaire d'Etat.

FERMETURE DE SERVICES DU TRÉSOR
PUBLIC DANS LES ZONES RURALES

M. le président. La parole est à M. Darcos, auteur de la question n° 706, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Xavier Darcos. Madame la secrétaire d'Etat, la mission confiée à MM. Bert et Champsaur, qui s'inscrit dans un mouvement de réforme des services du ministère de l'économie et des finances, a récemment rendu ses conclusions.
Or les propositions contenues dans ce rapport, dont je ne conteste pas l'utilité en soi au regard du souci d'une gestion plus efficace des services de ce ministère, ont suscité une désapprobation très forte de la part des agents du Trésor.
Pour quelles raisons ?
L'année dernière, les personnels des directions générales de la comptabilité publique et des impôts ont participé à une large concertation, dont l'objet était une réorganisation dynamique des services d'assiettes et de recouvrement du Trésor.
Des orientations ont été dégagées lors de cette concertation : nécessité d'un rapprochement entre services du Trésor et usagers ; simplification de la législation fiscale - par parenthèse, parviendrons-nous un jour à ne déclarer nos impôts que sur une seule feuille, sans recto verso ? - mise à niveau de l'informatique au ministère de l'économie et des finances.
Or, semble-t-il, s'écartant de certaines de ces orientations, les rapporteurs de cette mission ont suggéré la création d'une administration fiscale rattachée à la direction générale des impôts et dépouillant le réseau du Trésor de ses missions de service public.
Madame la secrétaire d'Etat, jeudi dernier, lors des questions d'actualité, le Gouvernement donnait au Sénat des leçons de sagesse sur la méthode qu'il fallait utiliser pour établir le dialogue social ; je cite : « Diagnostic, dialogue et décision. »
Si le Gouvernement déclare utiliser cette méthode pour résoudre le problème posé par les retraites, et nous espérons qu'il y réussira très vite, force est de constater qu'il en va différemment en ce qui concerne la réorganisation des services du Trésor. D'ailleurs, les protestations contre ce manque de concertation affluent de toutes parts.
Dans mon département, la Dordogne, quarante-deux perceptions ont fait grève ces derniers jours - à Périgueux, à Bergerac, à Belvès - et la quasi-totalité des hôtels de ville ont été fermés.
Alors même que les notions d'aménagement du territoire et de services publics de proximité sont plus que jamais d'actualité, nous apprenons que les perceptions, dont l'utilité en zone rurale est incontestée, risquent de disparaître.
Quinze élus du canton de Belvès, dans le sud de mon département, viennent de m'écrire pour me rappeler leur attachement indéfectible à l'action et aux services rendus par les agents du Trésor dans des zones rurales fragilisées.
Une sorte de fronde grandit, madame la secrétaire d'Etat, et j'apprends que, tout récemment, vous auriez décidé d'engager rapidement une concertation avec les services du Trésor à l'échelon national ou local. Qu'en est-il exactement ?
Pourriez-vous m'apporter des précisions sur ce que deviendront les perceptions de la Dordogne, au maintien desquelles nos élus locaux et nos administrés témoignent un intérêt tout particulier ?
C'est avec impatience que je souhaite connaître votre position sur ce sujet qui me tient à coeur, tous les élus des départements ruraux partagent ma préoccupation, d'autant que, lors de la dernière séance de questions d'actualité au Sénat, M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a indiqué qu'il n'avait pas l'intention de remettre en cause le service public assuré par le Trésor public en milieu rural et qu'il ne comptait pas fermer de perceptions.
Alors, où est la vérité ? Quelle réforme est précisément envisagée ? Que comptez-vous faire au juste ?
M. le président. Avant de vous donner la parole, madame la secrétaire d'Etat, je me permets de vous indiquer que cette question ne concerne pas que la Dordogne. Cette inquiétude habite tous les élus, quel que soit leur département.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Je l'avais noté, monsieur le président.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureuse de pouvoir m'exprimer devant la Haute Assemblée sur cet important projet de réforme du service public.
La France a besoin d'un service public fort, d'un service public efficace et performant, d'un service public proche des citoyens et accessible à tous, notamment à ceux qui sont les plus défavorisés.
C'est pourquoi la réforme que nous avons annoncée avec Christian Sautter les 26 et 27 janvier est destinée à améliorer le service public : elle vise à son amélioration et non à son démantèlement.
C'est en effet parce que nous croyons en l'Etat, parce que nous avons foi dans le service public, que nous sommes convaincus qu'il faut en améliorer le fonctionnement. Ceux qui voulaient à toute force en réduire la taille appartenaient à une autre majorité.
Cette réforme est nécessaire.
Elle est nécessaire, d'abord, pour les usagers de notre administration : les particuliers comme les entreprises, qui sont perdus devant la complexité notre organisation.
Elle est nécessaire, ensuite, pour les agents du ministère, qui souffrent, tout autant que les usagers, des cloisonnements et des imperfections de notre organisation.
Elle est nécessaire, enfin, pour le service public, qui ne peut rester immobile dans un monde qui bouge.
L'objet de cette réforme, monsieur le sénateur, n'est donc absolument pas de fermer les services du Trésor public dans les cantons ruraux.
Christian Sautter et moi l'avons dit et je le répète de la manière la plus ferme : il n'y aura pas de fermeture de trésorerie liée à cette réforme.
Quand je vois certains documents qui circulent, qui vous sont envoyés, et sur la base desquels, de bonne foi, vous pourriez penser que des dizaines de postes vont être fermés dans votre département, je me mets en colère, parce que, de mon point de vue, c'est de la désinformation pure et simple.
Je sais que vous êtes nombreux dans cette enceinte à exercer des responsabilités locales et que vous êtes attachés à ce service de proximité. Je le dis solennellement devant vous : ce service sera préservé. Il sera même enrichi de tâches nouvelles, afin de contribuer à améliorer la gestion publique, qu'il s'agisse du conseil juridique, de l'analyse financière, de la gestion de trésorerie, de la gestion de la dette ou de l'aide à la décision pour les investissements publics. Vous le voyez, le travail ne manque pas !
Je renouvelle devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, l'engagement solennel que Christian Sautter et moi-même avons pris devant vos collègues députés : la concertation avec les élus se poursuivra à l'échelon national comme à l'échelon local.
M. Xavier Darcos. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Darcos.
M. Xavier Darcos. Madame la secrétaire d'Etat, j'espère que vos propos seront entendus dans nos provinces.
Il reste qu'il y a un hiatus entre ce que dit le Gouvernement et ce que comprennent les personnels du Trésor. J'espère pour ma part que, lorsque vous affirmez qu'aucune trésorerie ne sera fermée, vous entendez aussi qu'une aucune perception ne le sera non plus. (Mme le secrétaire d'Etat fait un signe d'acquiescement.) Nous sommes bien d'accord !
Dans ces conditions, le plus simple serait de faire ce qu'avait fait le gouvernement précédent concernant les écoles en déclarant une bonne fois pour toutes un moratoire qui rassurerait l'opinion. Pendant la durée de ce moratoire, vous pourriez engager une nouvelle concertation. Je crois que les esprits seraient ainsi apaisés.

AVENIR DE L'USINE ALSTOM DE LYS-LEZ-LANNOY

M. le président. La parole est à Mme Derycke, auteur de la question n° 679, adressée à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
Mme Dinah Derycke. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souhaite attirer l'attention du secrétaire d'Etat à l'industrie, M. Christian Pierret, et de l'ensemble du Gouvernement sur les inquiétudes très fortes des salariés d'Alstom, dont l'entreprise a fusionné, pour sa partie énergie, avec l'entreprise ABB.
Ces graves préoccupations se fondent sur des raisons sérieuses.
D'une part, le groupe semble avoir la volonté d'opérer une réorganisation par produits qui, en désolidarisant juridiquement les diverses activités d'une entreprise et leur multidisciplinarité, remet en cause des savoir-faire, sapant ce qui fait la force de certains lieux de production et assure du même coup la pérennité de ceux-ci.
Ainsi, l'usine de Lys-lez-Lannoy, dans le Nord, serait rattachée au secteur « chaudières », que l'on dissocierait du secteur « environnement et services ».
D'autre part, un document confidentiel émanant de la direction du groupe prévoit une suppression de 346 postes dans le secteur « chaudières ». Or ce nombre correspond à l'effectif de l'usine de Lys-lez-Lannoy, seule usine du groupe en France à produire des chaudières.
Bien que la direction n'ait pas publiquement confirmé ces projets, l'ensemble de ces informations reste très préoccupant, d'autant que les instances de représentation des salariés n'ont pas été consultées et que cela a donné lieu à une procédure dans laquelle les organisations syndicales ont obtenu gain de cause.
La direction du groupe met en avant le déficit de l'usine de Lys-lez-Lannoy. En fait, ce déficit est largement organisé : le carnet de commandes du groupe est satisfaisant, mais les travaux, au lieu d'être confiés à l'usine, le sont à des entreprises sous-traitantes.
Il est essentiel que la direction du groupe s'engage à donner du travail à l'usine implantée dans le Nord, dont le savoir-faire est mondialement reconnu.
La réduction du temps de travail doit aussi être envisagée.
Au demeurant, le site de Lys-lez-Lannoy possède un potentiel de développement important. L'une des voies d'évolution consiste dans l'installation d'un pôle de valorisation des déchets, projet qui avait d'ailleurs été officiellement annoncé par la direction mais qui, à ce jour, n'a pas été mis en oeuvre.
Outre l'emploi qu'il s'agit de défendre, c'est bien, à l'échelle de notre pays, une partie essentielle de la filière énergétique ainsi que les fondements d'une politique de développement durable qui sont en jeu.
Compte tenu de l'ampleur de cette réorganisation et de ses implications, notamment en matière d'emploi, et particulièrement au coeur du versant nord-est de l'agglomération lilloise, frappée de plein fouet par les restructurations industrielles, je souhaite que le Gouvernement poursuive et accentue son effort de prise en compte de ces problèmes.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Madame la sénatrice, retenu par un certain nombre d'obligations, Christian Pierret a néanmoins tenu à vous apporter, concernant la situation de l'usine de Lys-lez-Lannoy du groupe ABB-Alstom, les éléments de réponse qui suivent.
La société Alstom a fusionné, en 1999, ses activités de production d'équipements énergétiques avec celles du groupe ABB, pour donner naissance à une nouvelle unité juridique dénommée ABB Alstom Power.
Cette opération s'inscrit dans un ensemble beaucoup plus vaste de réorganisations structurelles ayant touché, ces dernières années, la totalité du secteur industriel concerné. Elle s'inscrit également dans un contexte économique général particulièrement difficile du secteur des équipements.
Le site de Lys-lez-Lannoy est l'unité française du groupe ABB Alstom Power spécialisée dans la réalisation d'éléments de chaudières de combustion. Les produits fabriqués par ce site concernent deux marchés principaux : les chaudières de combustion de forte puissance, destinées à la production d'énergie, et les systèmes d'incinération d'ordures ménagères. Pour diverses raisons, ces deux marchés se situent actuellement à un niveau très faible dans notre pays et les commandes passées au nouveau groupe, dans ce domaine, sont en majorité destinées à la grande exportation.
ABB Alstom Power se trouve désormais contrôler quatorze sites de production, celui de Lys-lez-Lannoy et treize autres sites, dans les domaines d'activités relatifs aux chaudières de combustion.
A la connaissance de mon collègue de l'industrie, l'analyse des réorganisations industrielles qu'entraînera la création d'ABB Alstom Power n'est pas complètement achevée. Il semble donc aujourd'hui difficile de tirer des conclusions sur la manière dont ces réorganisations affecteront les sites de production de ABB Alstom Power, notamment celui de Lys-lez-Lannoy. Cependant, compte tenu du contexte que j'ai rappelé, il convient d'être attentif aux conséquences qu'aura la réorganisation en cours sur le site de Lys-lez-Lannoy, situé dans une région de longue tradition industrielle, et déjà durement éprouvée.
M. Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et Christian Pierret ont ainsi récemment reçu le président du groupe ABB Alstom Power afin de lui faire part des préoccupations que suscite, sur le plan industriel en général, mais surtout à l'échelon local, la réorganisation actuellement en cours au sein de son groupe et de souligner la nécessité de porter la plus grande attention sur les conséquences sociales de cette réorganisation.
Soyez assurée, madame la sénatrice, que le Gouvernement et, en particulier, le secrétaire d'Etat à l'industrie veilleront, dans toute la mesure possible, à ce que la direction de l'entreprise n'échappe pas à ses obligations légales et morales.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Je ne doute pas de la vigilance du Gouvernement sur ce dossier.
Je tiens à rappeler qu'Alstom a fondé ses activités - et retiré les bénéfices qui en découlent - sur les commandes publiques.
Je l'ai dit, si le marché national est étroit pour l'activité que j'ai évoquée, des perspectives beaucoup plus encourageantes existent à l'exportation. D'ailleurs, de nombreuses commandes sont passées, mais elles sont confiées, en France même, à des sous-traitants, non à l'usine du groupe. Il y a donc là une volonté délibérée.
Après la fermeture des usines de la Lainière de Roubaix, de Levis, de Cerflex, de Meillassous, et d'autres encore, nos concitoyens sont de plus en plus révoltés de voir la logique financière l'emporter et de constater que les hommes sont sacrifiés.
Alors que le Gouvernement a fait de l'emploi sa priorité absolue et que cette politique est en train de réussir grâce aux efforts consentis par l'ensemble de nos concitoyens, nous ne pouvons admettre que, au nom de la mondialisation et de la recherche du plus grand profit, on ferme des unités de production à tout va, sans considération pour ceux qui y travaillent.

CONDITIONS D'EXTENSION
DE SURFACES COMMERCIALES

M. le président. La parole est à M. Plasait, auteur de la question n° 682, adressée à Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.
M. Bernard Plasait. Ma question s'adresse à Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat et concerne le champ d'application de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 modifiée.
Il semble que les commissions départementales d'équipement commercial aient tendance, suivant l'interprétation de la circulaire du 16 janvier 1997 portant application des dispositions de la loi Royer, à faire une application extensive de l'article 29-1 et à vouloir inclure toutes les activités de prestation de services à caractère artisanal - comme les salons de coiffure, de haute coiffure et d'esthétique - dans le champ d'application de la loi.
Pour justifier en pratique une telle extension, les commissions départementales d'équipement commercial se fondent sur l'article 1-B de la circulaire précitée, qui se réfère à deux décisions du Conseil d'Etat, respectivement rendues le 30 septembre 1987 - SCAEX interrégion parisienne - et le 4 novembre 1994 - Les 3 Sautets.
Or, ni l'esprit de la loi, qui vise à contrôler l'installation de magasins de détail ayant une grande surface, ni la jurisprudence du Conseil d'Etat susvisée ne confortent la position de l'administration concernant le champ d'application extensif de la loi.
En effet, les décisions précitées du Conseil d'Etat ne soumettent les activités de prestation de services à caractère artisanal aux dispositions de la loi du 27 décembre 1973 modifiée lorsqu'elles s'exercent dans des locaux qui s'intègrent à un magasin de grande surface participant d'un même ensemble ou centre commercial.
Je souhaiterais donc savoir, madame la secrétaire d'Etat, si le projet d'extension d'un salon parisien de haute coiffure, dont la surface est supérieure à 300 mètres carrés mais dont les locaux ne sont pas inclus dans un ensemble commercial est soumis au respect des dispositions de la loi précitée, alors même que l'activité de ce salon n'a rien de comparable à celle d'une grande surface puisqu'une partie de sa superficie serait même réservée à une clientèle privilégiée disposant de cabines de coiffage et d'esthétique individuelles.
M. le président. La parole est Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, le Conseil d'Etat a d'abord jugé que les prestataires de services à caractère artisanal n'entraient pas dans le champ d'application de la loi du 27 décembre 1973 modifiée d'orientation du commerce et de l'artisanat.
Il a, ensuite, dans un arrêt du 30 septembre 1987, confirmé par des décisions plus récentes, nuancé sa jurisprudence en distinguant les activités de services non soumises à ces dispositions mais qui doivent être comptabilisées dans la surface de vente.
Il est exact que c'est par le biais de l'ensemble commercial que la juridiction administrative retient certaines activités de services pour les soumettre à l'autorisation administrative prévue par la loi précitée.
Mais, au-delà, la haute juridiction considère que la prise en compte des activités artisanales se justifie par la rédaction même des articles 1er et 28, qui imposent à la commission départementale de l'urbanisme commercial de veiller à l'essor du commerce et de l'artisanat et de permettre l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées.
En outre, l'article 18-5 du décret du 9 mars 1993 modifié, relatif à l'autorisation d'exploitation commerciale de certains magasins de commerce de détail et de certains établissements hôteliers, vise très clairement les activités de prestation de services à caractère artisanal.
Dès lors, il paraît établi que toutes les activités de cette nature sont soumises à l'application de l'article 29 de la loi, quelle que soit leur implantation.
M. Bernard Plasait. Dont acte !

CONTRAT DE PLAN EN HAUTE-LOIRE

M. le président. La parole est à M. Gouteyron, auteur de la question n° 630, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Adrien Gouteyron Monsieur le ministre, je ne suis sans doute pas le seul à être sensible à votre présence dans cet hémicycle.
Je l'apprécie d'autant plus compte tenu de votre bonne connaissance du sujet dont je souhaite vous entretenir, qui a trait au réseau routier national de la Haute-Loire et, plus précisément, au volet routier du contrat de plan actuellement en cours de discussion entre l'Etat et la région.
Vous savez, monsieur le ministre, que ce réseau routier se caractérise par ce que nous appelons le « grand Y ». Il est composé, d'une part, de la route nationale 102, qui relie le chef-lieu du département, le Puy-en-Velay, à la capitale régionale, Clermont-Ferrand, d'autre part, de la route nationale 88, qui relie le même chef-lieu du département au bassin stéphanois et, au-delà, à la métropole lyonnaise - cet axe revêt évidemment un intérêt européen. Les deux routes, qui se réjoignent au Puy-en-Velay, se prolongent au sud pour dessiner la branche basse de cet « Y », élément caractéristique de ce département.
Monsieur le ministre, je veux insister sur le sort que réserve à ces axes vitaux ce contrat de plan tel qu'il est actuellement prévu.
Permettez-moi d'abord de relever que, si le plan précédent, initialement prévu pour cinq ans, puis porté à six ans, avait envisagé, 1 350 millions de francs, l'actuel plan annonce 875 millions de francs pour sept ans. Certes, l'Etat annonce aussi un programme spécifique pour la route Centre Europe-Atlantique ; hors contrat de plan, mais celui-ci ne fait plus mention de la RN 88, contrairement au contrat de plan précédent.
Je voudrais revenir sur ces deux axes, monsieur le ministre, pour insister sur quelques opérations particulières dont l'importance est vraiment vitale pour notre département.
Je commencerai par la route nationale 102, en vous indiquant d'emblée que sa fréquentation est extrêmement importante, puisqu'elle peut enregistrer quotidiennement 15 000 véhicules, chiffre non négligeable, vous en conviendrez, pour une route dont les caractéristiques sont très insuffisantes.
Je veux ensuite vous rappeler qu'à l'égard de la RN 102 notre priorité est d'assurer la liaison entre l'autoroute A 75 et Brioude. Si cette opération revêt pour nous une très grande importance, c'est parce que c'est sur cette section que la circulation est la plus importante.
Cependant, le tronçon Brioude-Le Puy-en-Velay, lui aussi très emprunté, en particulier par des camions, est extrêmement dangereux, comme nous l'ont, hélas ! rappelé encore assez récemment des accidents dramatiques.
Il faut donc financer un certain nombre d'opérations, notamment, les déviations de Largelier et d'Arvant et l'achèvement de la déviation de Brioude.
Je ne peux qu'insister à nouveau, monsieur le ministre, sur l'extrême importance que revêtent pour nous ces opérations.
J'en viens à la route nationale 88. Nous accordons une grande priorité au contournement du Puy-en-Velay, qui constitue une sorte de verrou situé au centre du département.
D'autres opérations doivent ou se poursuivre ou se réaliser. Elles concernent Pont-Salomon, Monistrol-sur-Loire, La Guide La Besse, sans oublier les déviations du Pertuis et de Saint-Hostein.
J'évoquerai enfin les clés de financement pour vous dire, monsieur le ministre, que si elles restent aux hauteurs annoncées, nous aurons bien du mal à assurer. Dans la mesure où ni la région, ni le département ne pourront tout faire, les politiques routières de l'une et de l'autre se trouvent obérées.
Cette question est donc essentielle.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, je vais m'efforcer de vous répondre le plus précisément possible tout en adoptant un point de vue plus global que le vôtre.
Permettez-moi de citer quelques chiffres de comparaison entre les deux plans.
Lors du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire d'Arles, le Gouvernement avait effectivement décidé d'affecter une première enveloppe de 875 millions de francs au volet routier du contrat de plan Etat-région Auvergne.
Je vous fais cependant observer qu'il avait également décidé que l'aménagement de la route Centre Europe-Atlantique ferait l'objet d'un programme particulier, auquel l'Etat consacrera 2 milliards de francs, dont 600 millions de francs en région Auvergne.
Je vous confirme qu'il est prévu que ces montants viennent s'ajouter à ceux des contrats de plan des quatre régions concernées.
A la suite des premières négociations avec la région qui se sont tenues à l'automne 1999, le Gouvernement a décidé d'attribuer une dotation supplémentaire de 335 millions de francs à la modernisation du réseau routier national en Auvergne, dont 250 millions de francs pour la déviation du Puy-en-Velay et 70 millions de francs pour la route Centre Europe-Atlantique.
L'engagement de l'Etat atteindra donc au total 1 810 millions de francs en Auvergne pour le seul volet routier, ce qui traduit une très forte progression - de plus de 50 % - par rapport au montant correspondant effectivement affecté au titre du contrat précédent, qui, je vous le rappelle, s'est élevé à moins de 1 200 millions de francs, route Centre Europe-Atlantique comprise.
Telle est la réalité des chiffres !
Vous pouvez, certes, m'objecter que l'affectation de ces crédits, prévus pour cinq ans, s'est en fait étalée sur six ans. Mais vous ne pouvez contester qu'ils ont progressé.
Le préfet de région mène en ce moment les négociations finales qui permettront d'identifier les aménagements à réaliser prioritairement. Vous comprendrez donc que le montant exact attribué à votre département dépendra tout particulièrement de l'ampleur des efforts que consentiront la région et le département, dont je souhaite qu'ils soient à la hauteur de ceux de l'Etat.
Néanmoins, je peux vous indiquer de manière précise qu'en Auvergne les priorités de l'Etat portent clairement, après la route Centre Europe-Atlantique, sur la sécurisation du tunnel du Lioran, qui est absolument indispensable, et sur la poursuite de l'aménagement de la route nationale 88.
Le programme minimal qu'il convient de réaliser sur la RN 88 devra prévoir le quasi-achèvement de l'aménagement à deux fois deux voies entre Saint-Etienne et Yssingeaux et la déviation du Puy-en-Velay, opération pour laquelle l'Etat a accepté de porter à 50 % sa participation, contre 27,5 % dans le précédent contrat. Nous avons donc modifié la clé de financement dans le sens que vous souhaitiez.
Au-delà, les négociations locales devront préciser le montant qu'il convient d'attribuer à la poursuite de l'aménagement de la route nationale 88 entre Yssingeaux et Le Puy-en-Velay, ainsi qu'à l'amélioration de la route nationale 102 entre Brioude et l'autoroute A 75, sur laquelle vous avez particulièrement insisté, monsieur le sénateur.
M. Adrien Gouteyron. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Monsieur le ministre, je ne peux que me réjouir de la priorité accordée au contournement du Puy-en-Velay et à la RN 88. Mais, pour parler clair, force m'est de constater que la RN 102 n'est pas très bien traitée.
J'ai insisté sur les clés de financement : quoi que vous en disiez, elles vont poser des problèmes très difficiles - et à la région et au département - en raison de la lourdeur de la charge à supporter.
Je tenais à vous le dire, monsieur le ministre, mais vous le savez bien !

IMMATRICULATION DES VÉLOMOTEURS

M. le président. La parole est à M. Marquès, auteur de la question n° 644, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. René Marquès. Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur les nuisances sonores, souvent nocturnes, provoquées par les vélomoteurs.
Dans de nombreuses villes, les habitants se plaignent de ces nuisances sonores et regrettent qu'aucune mesure ne soit prise pour sanctionner les conducteurs de ces vélomoteurs d'une puissance inférieure à 50 centimètres cubes et, donc, dépourvus de plaque minéralogique.
La plupart du temps, ces engins sont équipés de « kits » permettant d'accroître leur vitesse dans des proportions très importantes. Les forces de l'ordre éprouvent des difficultés non seulement à arrêter leurs conducteurs, mais également à les verbaliser.
De plus, les propriétaires de ces vélomoteurs, en roulant à des vitesses prohibées, mettent leur sécurité en danger ainsi que celle des piétons.
Lors de l'examen du projet de loi relatif à la sécurité routière, un amendement avait prévu l'obligation d'immatriculation pour les vélomoteurs d'une puissance inférieure à 50 centimètres cubes. Cette disposition avait été supprimée en raison de son caractère réglementaire.
Or, elle permettrait de répondre à une préoccupation importante de nombreuses personnes et de nombreux élus locaux, incapables d'apporter des solutions à ce problème. Cette obligation d'immatriculation permettrait de retrouver plus facilement les propriétaires de ces engins et de les sanctionner, car les casques que ceux-ci portent obligatoirement les rendent anonymes et les radars sont inefficaces.
En conséquence, monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir m'indiquer quelles sont vos intentions s'agissant de cette question de sécurité routière et de nuisances sonores entraînant des états névrotiques fréquents chez des personnes fragilisées par des insomnies répétitives.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, j'indique d'emblée que je partage avec vous le souci de renforcer la réglementation sur la circulation des cyclomoteurs, notamment au regard des nuisances sonores, point que vous avez particulièrement mis en évidence. C'est d'ailleurs dans cette optique que le comité interministériel de la sécurité routière du 26 novembre 1997, voilà donc quelque temps déjà, a décidé de rendre obligatoire l'immatriculation de ces engins.
Cette décision doit permettre de lutter plus efficacement non seulement contre les nuisances sonores liées au débridage des moteurs de certains de ces engins, mais aussi contre les conduites dangereuses, les vols. Elle doit aussi permettre une plus grande responsabilisation des jeunes conducteurs dont le véhicule sera enregistré dans un fichier administratif.
Sur proposition du Gouvernement, les principes de l'immatriculation et de la gratuité de la carte grise des cyclomoteurs ont été intégrés dans la loi n° 99-505 du 18 juin 1999 portant diverses mesures relatives à la sécurité routière.
La procédure de signature et de publication du décret nécessaire pour l'application de la mesure est bien engagée. Je me suis inquiété de cette question afin que ce dossier ne traîne pas trop. Je peux vous assurer que les cyclomoteurs neufs seront immatriculés à compter du 1er septembre 2000 et que l'immatriculation des cyclomoteurs déjà en circulation interviendra au cours de l'année 2001 suivant un calendrier en cours de préparation qui sera précisé par un arrêté.
M. René Marquès. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Marquès.
M. René Marquès. Monsieur le ministre, s'agissant d'un dossier qui remonte à 1997, je me réjouis de la publication prochaine du décret d'application.
Je rappelle qu'il s'agit d'un problème national, qui ne concerne pas les seules zones rurales. Mes fonctions me permettent d'affirmer qu'il s'agit aussi d'un problème médical. Croyez-le bien, l'exaspération des populations est réelle et ces nuisances, si elles continuent, entraîneront des violences.
Monsieur le ministre, je vous remercie de vos propos, qui laissent augurer un résultat positif très prochain.

BAISSE DES EFFECTIFS DE LA DIRECTION
DE L'ÉQUIPEMENT DU PAS-DE-CALAIS

M. le président. La parole est à M. Fatous, auteur de la question n° 676, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Léon Fatous. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les mois de novembre et décembre derniers ont été marqués par des intempéries d'une rare ampleur, obligeant le Gouvernement à prendre des mesures exceptionnelles.
Ces catastrophes naturelles ont montré à quel point la présence des services publics était indispensable et constituait le rouage essentiel de la sauvegarde mais aussi de la remise en état des différents secteurs concernés.
Parmi ces services, on peut évoquer le rôle majeur des services de l'équipement.
Or, et c'est l'objet de mon intervention, on constate que, cette année encore, les effectifs sont en baisse.
Je sais, monsieur le ministre, que vous avez réduit cette baisse de moitié, mais ce sont encore quelque 390 emplois qui vont être supprimés sur le plan national.
Cela occasionne un grand nombre de difficultés localement.
Dans le département du Pas-de-Calais, cette baisse a été fortement ressentie. En effet, les effectifs sont passés, en quelques années, de 2 000 à 1 500 personnes.
Cette baisse s'est traduite aussi par le regroupement des subdivisions. Les regroupements ont été mal vécus par les maires des communes rurales, qui voient s'éloigner une nouvelle fois un service public. Ils perdent cette proximité avec des services dont ils appréciaient particulièrement les compétences et les aides techniques.
La situation est inquiétante pour notre département et notre région, qui sont déjà sous-administrés. Le différentiel se situe entre 18 % et 20 % par rapport aux autres secteurs géographiques.
Il s'ensuit d'autres problèmes, notamment de répartition, qui deviennent parfois insolubles en périodes hivernales, encore que, cette année, par un heureux hasard, il a très peu neigé dans le Pas-de-Calais.
Aussi me serait-il agréable de connaître votre position, monsieur le ministre, sur l'avenir du personnel de l'équipement en général et sur celui du Pas-de-Calais en particulier.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué la baisse de la réduction des effectifs du personnel de l'équipement depuis mon entrée en fonctions. Je suis très vigilant sur ce point. Je suis très attentif à ce que les services de l'équipement soient en mesure de remplir leurs missions sur l'ensemble du territoire, y compris les missions que les communes leur confient dans les domaines de l'urbanisme et de l'ingénierie publique, car cette dimension doit aussi être prise en compte.
Dès ma prise de fonctions, je me suis attaché à enrayer le mécanisme de baisse massive et systématique des emplois. En effet, comme vous le savez, on dénombrait la suppression de 1 000 emplois par an depuis de nombreuses années.
J'ai obtenu que mes services soient un peu mieux traités que par le passé et que la réduction d'emplois prévue soit limitée par rapport aux 1 000 suppressions annuelles initialement programmées. Seuls 490 emplois ont été supprimés en 1999 et 385 le seront en 2000 - j'ai donc encore fait baisser le chiffre, comme cela est inscrit dans la loi de finances votée par le Parlement. Je vous précise que, pour les agents d'exploitation, qui étaient souvent les premiers touchés, la réduction est divisée par quatre en deux ans.
Mais il y a encore des réductions, j'en suis conscient, et l'effort qui a été engagé doit être poursuivi.
La reprise d'emplois supportée par la direction départementale de l'équipement du Pas-de-Calais, qui disposait en 1999 d'un potentiel de 1 537 emplois, a été effectivement supérieure à la moyenne de l'ensemble des DDE. C'est une réalité que je reconnais bien volontiers. Nous avons dû, dans d'autres départements, faire en sorte, notamment en raison de la viabilité hivernale, que vous avez soulignée, de ne plus reculer, sinon nous aurions été dans l'incapacité de répondre aux besoins.
La DDE du Pas-de-Calais fait partie de celles où le conseil général a demandé l'application de l'article 7 de la loi du 2 décembre 1992.
La réorganisation a eu lieu le 1er octobre 1997. Elle a abouti à la création de dix-neuf subdivisions Etat-communes et de huit unités départementales. Ces dernières mobilisent aujourd'hui l'équivalent de 407 agents.
L'activité des directions départementales de l'équipement est analysée annuellement au travers de différents ratios issus des données fournies par les services dans la base de données nationale ISOARD.
Il ressort de ces données que la DDE du Pas-de-Calais disposera, en 2000, d'un potentiel en personnels supérieur au potentiel moyen des autres DDE pour l'ensemble des catégories de personnel. Elle devrait donc être en mesure d'assurer l'ensemble des missions qui lui sont confiées.
Enfin, avec le souci d'offrir, au plus près du terrain, un service public compétent et disponible, j'ai demandé à mes services d'élaborer et de mettre en oeuvre un plan de modernisation de l'ingénierie publique qui réponde aux attentes des communes et renforce l'efficacité de l'action territoriale des DDE.
Dans le cadre du plan d'action du Gouvernement pour la société de l'information, les services de l'équipement développent un réseau informatique qui leur permettra, au cours des années à venir, d'étendre l'accès aux différentes fonctions du ministère à partir des subdivisions territoriales.
Les suppressions d'emploi, qui se sont élevées à dix-neuf en 1998 et à quatorze en 1999, devraient être au nombre de seize en 2000, mais avec le souci de maintenir un potentiel répondant aux besoins.
M. Léon Fatous. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Fatous.
M. Léon Fatous. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos paroles rassurantes, selon lesquelles le Pas-de-Calais ne serait pas trop mal loti. Toutefois, je tiens à vous rappeler que ce département compte 900 communes, dont 700 communes rurales, qui ont besoin des services de l'équipement.
Souhaitons que, dans l'avenir, la situation s'améliore.

CONSÉQUENCE DE L'EMBARGO
SUR LA VIANDE BOVINE BRITANNIQUE

M. le président. La parole est à M. Peyronnet, auteur de la question n° 687, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je souhaitais m'adresser à M. le ministre de l'agriculture, mais la solidarité gouvernementale, qui est aussi celle des compétences, permettra à M. le ministre des transports de répondre à cette question agricole.
Elle concerne la production de pommes, mais, pour expliquer le problème, je dois faire un certain détour.
Voilà plusieurs semaines, le Gouvernement a décidé - je ne remets pas en question cette mesure, bien au contraire - de maintenir l'interdiction d'importation de viande bovine britannique. Cette décision était nécessaire pour préserver la santé de nos concitoyens - ce qui est l'essentiel - et ils vous en savent gré. Il s'agissait également de protéger nos producteurs de viande bovine d'une méfiance injustifiée après les efforts accomplis ces dernières années en matière de qualité et de transparence. Cependant, cette mesure a entraîné une riposte de la presse britannique, prompte à critiquer la France et qui incite au boycott des produits français. Celui-ci a effectivement produit des effets.
Parmi les produits visés, il en est un qui est particulièrement atteint, puisqu'il est, d'une certaine façon, en Grande-Bretagne, l'un des symboles de notre pays : la pomme.
En Limousin, les producteurs de pommes subissent durement cette mesure de rétorsion.
Quelques chiffres permettent de cerner l'ampleur du problème.
Le Limousin produit 120 000 tonnes de pommes, essentiellement des Golden d'altitude haut de gamme, sur 4 000 hectares de vergers répartis en 600 exploitations. Sur ces 120 000 tonnes, 50 000 sont destinées à l'exportation. Le premier marché à l'étranger de la pomme du Limousin est la Grande-Bretagne. Ce secteur emploie directement plus de 2 000 personnes et génère autant d'emplois indirects.
Dès lors, monsieur le ministre, les conséquences du boycott sont nombreuses : perte de parts de marché par le référencement de la concurrence, baisse des prix et donc des revenus par engorgement du marché français et augmentation des coûts de production en raison de la nécessité de louer des réfrigérateurs, des palox, de prévoir le reconditionnement des fruits. Il y a là un effet de ciseaux qui, par une augmentation des coûts et une baisse des revenus, entraîne des difficultés financières pour les producteurs.
A terme, cette situation génère une augmentation des dépôts de bilan et un marché de l'emploi déprimé. Ces incidences se répercutent par ailleurs sur d'autres professionnels de la filière liés au transport, à l'emballage, à l'étiquetage, et il est évident - il n'est pas nécessaire d'insister sur ce point - que la tempête du mois de décembre n'a fait qu'aggraver cette situation.
Monsieur le ministre, je souhaite connaître les mesures que le Gouvernement envisage de prendre pour soutenir ces professionnels et les aider à résoudre leurs difficultés. Il serait à tout le moins nécessaire de prévoir des reports de charges, d'échéances de prêts, d'impôts exigibles sans pénalisation afin de préserver la trésorerie des exploitants.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, M. Glavany, qui ne peut être présent ce matin au Sénat, m'a demandé de vous communiquer la réponse qu'il a préparée, ce que je fais bien volontiers.
Vous évoquez, monsieur le sénateur, les conséquences d'une campagne de presse qui, en riposte à la décision du gouvernement français de maintenir l'embargo sur la viande de boeuf britannique, préconise le boycott des produits français en Grande-Bretagne. La production de pommes de votre région du Limousin serait particulièrement touchée par les effets de cette campagne.
Comme vous le savez, les pouvoirs publics ont suivi avec la plus grande attention l'évolution du marché de la pomme au cours du second semestre de 1999.
En réponse à cette situation, les opérateurs français ont fait preuve de détermination et ont cherché avec succès à élargir leurs destinations d'exportation. Cette attitude a prouvé la capacité de réaction optimale des filières les plus organisées.
Des signes encourageants en ce début d'année, tant sur le marché intérieur que sur le marché britannique, permettent d'espérer une meilleure seconde partie de campagne.
Afin de faciliter la reprise, d'assurer la promotion de la pomme en France comme en Grande-Bretagne et de faciliter les expéditions, le Gouvernement débloquera des fonds dont les conditions d'utilisation seront examinées en concertation avec l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture, l'ONIFLHOR, avec le souci du meilleur retour au producteur.
Cependant, des exploitations ayant été durement affectées par cette mauvaise première partie de campagne, les mesures financières et sociales mises en place pour les produits d'été sont étendues dès maintenant aux producteurs de pommes. Les exploitations pourront ainsi bénéficier de mesures d'étalement des cotisations sociales, non seulement personnelles, mais aussi patronales, de prise en charge d'intérêts d'emprunts et d'aménagement des échéances ou encours.
En outre, dès la fin de campagne, le bénéfice des aides au renforcement des exploitations de l'organisation économique mises en place par l'ONIFLHOR pour les produits d'été sera étendu à la pomme.
Le ministre de l'agriculture et de la pêche peut donc vous assurer que des moyens exceptionnels seront alors dégagés pour répondre aux difficultés rencontrées.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette réponse tout à fait rassurante, qui devrait donner satisfaction. Il le faut d'ailleurs, car il y a urgence en raison non seulement des nombreuses charges arrivant à échéance au 15 février, mais également de la concurrence particulièrement vive, en cette période, des produits de l'hémisphère sud, notamment.
Les mesures que vous m'annoncez sont de nature, je l'espère, à permettre à la profession de passer ce capdifficile.

RÉGLEMENTATION APPLICABLE
AUX BAPTÊMES DE L'AIR

M. le président. La parole est à M. Joyandet, auteur de la question n° 681, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Alain Joyandet. Monsieur le ministre, j'appelle votre attention sur la compatibilité de l'arrêté du 4 avril 1996 du ministère de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme relatif aux manifestations aériennes avec l'arrêté du 9 décembre 1998 du ministère de la jeunesse et des sports relatif aux garanties de technique et de sécurité dans les établissements d'activités physiques et sportives qui organisent la pratique ou l'enseignement du parachutisme.
Des problèmes d'interprétation se posent entre les deux textes en ce qui concerne la pratique des sauts en tandem.
En effet, l'article 2, alinéa 6, de l'arrêté du 4 avril 1996 définit ces sauts comme étant des « baptêmes de l'air ». Ils sont, à ce titre, soumis à la réglementation en vigueur pour les manifestations aériennes comme le vol avec emport de passagers, effectué sans escale et dont les points de décollage et d'atterrissage sont confondus.
Les sauts en tandem, tels que définis dans l'article 2, alinéa 6, sont donc régis par l'arrêté de 1996 à condition qu'il ne s'agisse pas de sauts occasionnels et isolés d'un parachutiste et qu'ils satisfassent les conditions de sécurité prévues par cet arrêté : interdiction de toute activité d'enseignement lors d'une manifestation aérienne, seuls les baptêmes de l'air étant autorisés ; encadrement des sauts en tandem par des professionnels : deux cent cinquante sauts comme parachutiste, ou un titre professionnel, et, en cas de baptême de l'air, pour les parachutistes, dix sauts dans les trois mois précédant la manifestation.
L'arrêté du 4 avril 1996 ne prévoit donc, pour les baptêmes de l'air, aucune limite d'âge en dessous de laquelle il serait interdit de pratiquer un saut en tandem ; il n'exige aucun certificat de santé et exclut toute activité d'enseignement dans le cadre des manifestations aériennes.
La situation semble donc claire : les baptêmes de l'air sont régis par l'arrêté de 1996 à partir du moment où ils satisfont aux exigences de sécurité définies par cet arrêté. Il ne devrait donc y avoir aucune interférence avec l'arrêté du 9 décembre 1998 relatif aux garanties de technique et de sécurité dans les établissements d'activités physiques et sportives qui organisent la pratique ou l'enseignement du parachutisme.
Or, sur le terrain, de réelles difficultés se posent lors du déroulement de sauts en tandem, pourtant qualifiés de « baptêmes de l'air ». En effet, les représentants de l'Etat appliquent l'arrêté du ministère de la jeunesse et des sports à ces manifestations et accusent les organisateurs de contrevenir aux dispositions réglementaires et d'être ainsi en pleine illégalité : ils imposent la limite d'âge prévue pour l'enseignement du parachutisme et exigent la présentation de certificats de santé, conditions qui ne sont absolument pas prévues par l'arrêté de 1996.
Les représentants de l'Etat, en assimilant les baptêmes de l'air à des activités d'enseignement, placent les parachutistes professionnels dans l'illégalité et interdisent par la même occasion toute activité de baptême de l'air. Or, il faut bien distinguer ces deux activités qui sont totalement différentes : la preuve en est que seuls 2 % des baptêmes de l'air sont suivis d'une inscription dans une école de parachutisme.
Dans ces conditions, il est difficile, de trouver une interprétation cohérente des textes. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je vous serais reconnaissant de nous donner votre interprétation sur le champ d'application de ces arrêtés. De quel arrêté relève, en définitive, la pratique des baptêmes de l'air, dits « sauts en tandem » ? Quelles recommandations comptez-vous faire pour faire cesser une telle ambiguïté entre les textes réglementaires ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, vous posez la question de la compatibilité de deux réglementations qui, comme vous le soulignez, devraient être cohérentes et complémentaires.
Je ferai tout d'abord remarquer que ces deux réglementations, tout en s'appliquant au parachutisme en général, s'adressent en fait à deux domaines différents.
Le domaine du parachutisme professionnel est régi par les dispositions du code de l'aviation civile, qui donnent compétence au ministre chargé des transports, en l'occurrence moi-même, pour réglementer la navigation aérienne et pour délivrer les brevets d'aptitude dont doivent être pourvus les personnels navigants.
Dans ce cadre ont été créés les brevet et licence de parachutiste professionnel qui permettent à leurs titulaires d'effectuer contre rémunération, tous types de saut, incluant donc les sauts en tandem. Ce type d'opération, qui s'apparente à du transport aérien dans l'actuelle réglementation, n'impose aucune limite d'âge pour les personnes transportées.
Le domaine du parachutisme sportif relève, quant à lui, de la tutelle du ministère chargé de la jeunesse et des sports. En application des dispositions de la loi du 16 juillet 1984, ce dernier a mis en oeuvre une réglementation qui s'adresse au parachutisme sportif dont les contraintes sont différentes des conditions du transport aérien. C'est le problème sur lequel vous insistez à juste titre, monsieur le sénateur.
Ma collègue Mme Marie-George Buffet et moi-même, conscients des difficultés d'appréciation que cette situation peut présenter, avons demandé à nos deux administrations d'entreprendre un travail commun en vue d'opérer une clarification des textes réglementant ces deux domaines d'activités pour parvenir à une interprétation cohérente. Je peux vous assurer, monsieur le sénateur, que nous ferons tout pour que cette clarification aboutisse dans les meilleurs délais.
M. Alain Joyandet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Joyandet.
M. Alain Joyandet. Monsieur le ministre, votre réponse ne clarifie pas, ce matin, le débat. Je vous remercie cependant d'avoir pris, avec votre collègue Mme Buffet, l'engagement de parvenir à cette clarification le plus rapidement possible.
M. le président. Mes chers collègues, en attendant l'arrivée de Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnnement, qui doit répondre aux deux questions orales sans débat suivantes, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures dix, est reprise à onze heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

POLITIQUE DE DIVERSIFICATION ÉNERGÉTIQUE
ET DE VALORISATION DE LA FORÊT FRANÇAISE

M. le président. La parole est à M. Jean Faure, auteur de la question n° 669, adressée à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Jean Faure. Au moment où nous examinons les projets du Gouvernement en matière de financement de la filière bois à la suite des dégâts consécutifs à la tempête de décembre dernier, je souhaite attirer votre attention, madame la ministre, sur la situation dans laquelle se trouvent certaines communes en raison de l'inadéquation qui perdure entre les objectifs du Gouvernement dans le domaine de la diversification énergétique et les outils financiers mis en oeuvre pour la réalisation de ces objectifs.
Chacun s'accorde à reconnaître l'intérêt de la production décentralisée d'énergie en termes d'aménagement du territoire, notamment pour ce qui est de la filière bois, très développée dans mon département de l'Isère. Or les communes rurales, qui sont pourtant les mieux placées pour mettre en oeuvre d'ambitieux projets de diversification, se trouvent dans une situation extrêmement difficile. En effet, les projets énergétiques qu'elles ont mis à l'étude sont jugés excellents sur les plans technique et économique, mais elles ne peuvent les mettre en oeuvre. Par exemple, la mise en place de chaufferies à plaquettes leur permettrait d'économiser des sommes importantes sur leur budget de fonctionnement, les temps de retour de ces investissements étant très courts puisqu'ils sont de l'ordre de quelques années.
Ces communes rurales obtiennent des subventions diverses au titre des politiques énergétiques menées par l'Etat, l'Europe ou les collectivités régionales et départementales, mais elles ne trouvent aucune structure financière pour assurer l'autofinancement restant à leur charge, qu'elles ne sont pas en mesure d'avancer car elles sont confrontées à des besoins urgents en matière de voirie, de sauvegarde du patrimoine, ou à des dépenses obligatoires qui leur interdisent tout investissement autre, si rationnel et porteur d'avenir soit-il.
Or ces communes rurales sont mises en demeure de résorber leur déficit structurel et d'abonder leur capacité d'autofinancement.
Aussi, à l'heure de la préparation du prochain budget de l'ADEME, l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, avez-vous, madame la ministre, l'intention de doter cette agence d'une structure financière capable soit de financer directement les projets n'ayant pu être pris en charge dans le cadre de financements traditionnels, soit de se porter caution auprès des prêteurs traditionnels ?
C'est à ce prix que la politique de diversification énergétique et de valorisation de la forêt française - à laquelle vous et moi sommes également attachés - pourra aboutir à des résultats significatifs.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, mon département, le Jura, est, comme le vôtre, en pointe pour ce qui est du développment de l'usage du « bois énergie », par les collectivités locales comme par les particuliers.
Je partage tout à fait votre analyse sur les difficultés auxquelles restent exposées les collectivités locales qui désirent mettre en oeuvre des projets techniques et économiques intervenant dans le domaine énergétique, et plus particulièrement pour la réalisation de chaufferies au bois, souvent accompagnées de petits réseaux de chaleur.
L'autofinancement est, en effet, un problème important, auquel se heurtent les élus locaux du fait, en particulier, des contraintes légales qui existent en matière de taux d'endettement des collectivités. Il prend une particulière acuité aujourd'hui à cause des tempêtes qui ont ravagé les forêts de notre pays.
Le développement de la valorisation énergétique du bois permettrait d'élargir les débouchés pour le volume considérable des arbres abattus. Il s'intégrerait, en outre, dans le programme de lutte contre l'effet de serre que le Gouvernement vient d'arrêter.
L'ADEME n'est pas, vous le savez, une structure financière. Elle ne peut donc ni se porter elle-même caution auprès des prêteurs traditionnels des collectivités locales ni se substituer à ces organismes.
En revanche, dans le domaine du développement des énergies nouvelles et renouvelables, tout particulièrement dans celui des chaufferies au bois, elle peut apporter des aides significatives, grâce aux 500 millions de francs annuels destinés au développement des énergies renouvelables dont elle dispose depuis 1999.
Ces aides peuvent atteindre 90 % de subvention pour les prédiagnostics et 50 % pour les études. Dans le domaine des investissements, les subventions peuvent atteindre 30 %, tant pour la chaufferie que pour le réseau de chaleur qui lui est généralement associé.
Pour le développement de ces réseaux, le Gouvernement vient de décider de demander à la Commission européenne l'autorisation de baisser à 5,5 % le taux de TVA qui les concerne.
Plus généralement, au travers des contrats de plan, un effort tout particulier devrait être mis en place pour des opérations exemplaires et démonstratives dans le domaine de la mise en valeur des énergies nouvelles et renouvelables. L'élaboration des schémas de service collectif de l'énergie, réalisée au plan régional, a permis de mieux apprécier le gisement des énergies nouvelles et renouvelables. Ce travail devrait servir à élaborer des contrats spécifiques entre les régions, l'Etat et l'ADEME.
Avant de conclure, je rappellerai pour mémoire la convention de partenariat qui a été passée entre mon ministère et le groupe Caisse des dépôts - Dexia. Il s'agit de mettre en place au service des collectivités locales des produits leur permettant de mieux développer leurs activités dans le domaine de la protection de l'environnement. Je vous invite donc, monsieur le sénateur, à examiner de façon concrète avec ce groupe les modalités qui pourraient permettre de donner un coup de fouet à la filière bois au-delà de la dimension expérimentale, qui ne suffit plus : le moment est venu de constituer concrètement une filière économiquement performante.
Je crois beaucoup au développement de cette filière, et c'est d'ailleurs l'une des opportunités que nous offre la tempête de décembre, qui aura eu paradoxalement quelques effets bénéfiques.
En conclusion, la mise en valeur des énergies nouvelles et renouvelables, en particulier de la valorisation énergétique du bois, est un sujet auquel le Gouvernement est très attaché en ce qu'il participe tout à la fois : de la nécessaire diversification énergétique, de la lutte contre l'effet de serre et du développement local, tant au travers de la valorisation des ressources locales que de la création d'emplois qui y est associée dans une filière bois dramatiquement frappée par les récentes tempêtes.
M. Jean Faure. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Faure.
M. Jean Faure. Madame la ministre, vos propos sont certes très intéressants, mais il y manque quand même un élément de réponse : comment faire face à l'autofinancement des investissements envisagés par les communes ?
A ceux qui connaissent l'étendue des dégâts et le volume de bois qui va pourrir dans les deux ou trois ans qui viennent dans les forêts, parce que nous n'aurons pas les moyens de le dégager et parce que nous n'en avons pas l'utilisation, la filière bois doit apparaître - ainsi que vous l'avez dit, madame la ministre, et je vous rends hommage sur ce point - comme un atout. Il faut profiter de l'opportunité offerte par la destruction de la forêt pour trouver d'autres débouchés à la filière bois, notamment en matière d'énergie.
J'espère, madame la ministre, que les responsables du groupe Caisse des dépôts - Dexia, auquel vous avez fait allusion, seront bien disposés lorsqu'ils nous recevront.

CONTRIBUTION DE L'ÉTAT
À LA RÉALISATION DU PLAN DE PRÉVENTION
DES RISQUES NATURELS DE LA VILLE D'AUXERRE

M. le président. La parole est à M. Franchis, auteur de la question n° 689, adressée à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Serge Franchis. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur les dispositions de la loi du 22 juillet 1987, modifiée en 1995, qui met à la charge de l'Etat l'élaboration de plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations.
A Auxerre s'écoule une rivière domaniale, l'Yonne, qui traverse le département qui porte son nom. Les villes les plus importantes comme Auxerre, Joigny et Sens se sont développées le long de ce fleuve.
A Auxerre même, les services de l'Etat ont réalisé une simulation hydraulique à partir des données de la crue centennale de 1910. Cette simulation a conduit à l'établissement d'un zonage qui classe le quart du secteur urbanisé de la ville en zone inondable.
A partir de ces données et pour protéger les personnes et les biens, la direction départementale de l'équipement a préparé un règlement fixant certaines contraintes qui s'imposeront aux habitants, aux quelque 250 entreprises implantées le long de l'Yonne, aux collectivités locales et aux concessionnaires de services publics comme EDF-GDF pour ses ouvrages d'électricité et de gaz.
Les contraintes prévues dans le projet de règlement sont telles qu'elles obligent toute la communauté auxerroise à accepter des efforts très importants. Ainsi, les 250 entreprises existantes ne pourront plus étendre leur activité sur le site du fait de la limitation des droits à construire, et les habitants devront entreprendre des travaux dans leur maison pour mettre hors d'eau les installations électriques ou créer un niveau refuge s'il n'existe pas.
Le projet de plan, qui sera prochainement soumis à l'enquête publique, comme le prévoit la loi, ne fixe aucune obligation à l'Etat alors même que la rivière Yonne est une rivière domaniale.
L'article 40-1 de la loi dispose par ailleurs que les plans définissent les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises par les collectivités publiques dans le cadre de leurs compétences.
Aussi, ne pensez-vous pas, madame la ministre, que les plans de prévention des risques devraient prévoir les engagements de l'Etat et fixer sa contribution à la réalisation des objectifs définis par la loi ?
Concrètement, ce plan ne devrait-il pas prévoir précisément la nature des travaux et le montant des engagements financiers de l'Etat pour aménager et entretenir la rivière sur toute sa longueur ? Ne devrait-il pas fixer, à terme, une obligation de résultat s'agissant de l'entretien du lit et des berges ou de la solidité des ouvrages de franchissement ?
Madame la ministre, par avance, je vous remercie de votre réponse.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu appeler mon attention sur les difficultés liées au projet de plan de prévention des risques de l'agglomération d'Auxerre.
Les plans de prévention des risques naturels ont été créés par la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement : le législateur a ainsi souhaité conforter la politique de prévention des risques dans notre pays.
L'importance de cet objectif a été confirmée par les catastrophes récentes, dont les conséquences humaines et économiques sont particulièrement lourdes.
Ces plans visent principalement à maîtriser le développement de l'urbanisme dans les zones soumises à des risques naturels pour limiter les dommages sur les personnes et les activités. En effet, ils permettent de délimiter ces zones et d'y définir des mesures de prévention, de protection et de sauvegarde.
Je partage cette volonté de développer la prévention des risques et je souhaite que 5 000 plans de prévention des risques soient approuvés à l'échéance 2005.
Les financements les concernant avaient été multipliés par deux depuis deux ans ; ils seront encore multipliés par deux en 2000.
Dans le département de l'Yonne, le projet de plan de prévention des risques naturels d'Auxerre est actuellement en cours d'élaboration. Les études techniques qui ont été effectuées ont porté notamment sur une simulation hydraulique de la crue centennale de l'Yonne et sur les inondations particulières dues au ru de Vallan. Elles permettent de définir les meilleures conditions de développement de l'agglomération en privilégiant les terrains qui ne sont pas exposés à des risques naturels.
Le projet de plan s'attache d'abord à délimiter les zones à risque d'inondation. A ce titre, il détermine deux zones de réglementation des constructions. La zone rouge correspond à un aléa fort, et la zone bleue à un aléa faible à moyen. Les mesures réglementaires envisagées visent à préserver de toute urbanisation nouvelle les zones rouges, mais autorisent en zones bleues de nouvelles constructions ou activités dont le niveau de premier plancher est situé au-dessus de la cote de référence.
Le projet de plan de prévention des risques préserve donc des possibilités de développement d'activités dans ces zones, même si sont interdits en zone inondable, à juste titre, les équipements nouveaux recevant du public. Le plan devrait donc permettre d'intégrer les risques d'inondation dans les espaces urbains existants en zone inondable et orienter les nouveaux projets vers les territoires qui ne sont pas soumis à ces risques.
Le projet de plan d'Auxerre sera communiqué officiellement aux élus ce mois-ci, préalablement à l'enquête publique. Ce sera l'occasion de débattre des enjeux de la prévention des risques et de comprendre les objectifs de réduction de la vulnérabilité auxquels les élus locaux peuvent apporter leur juste contribution.
Il est clair, toutefois, que ce plan ne saurait constituer qu'un des éléments de la stratégie globale de prévention des inondations. Il faut aussi, bien sûr, entretenir les rivières et protéger les secteurs déjà urbanisés contre les crues.
A cet égard, les services de la navigation de la Seine et de la Nièvre devront, bien entendu, continuer à assurer leurs obligations relatives à l'entretien courant de l'Yonne - je pense, par exemple, à l'enlèvement des arbres - pouvant faire obstacle à l'écoulement du cours d'eau.
En outre, dans le cadre du projet de contrat de plan Etat-région Bourgogne 2000-2006, est prévu un accroissement significatif de la participation de l'Etat aux actions en faveur de l'entretien et de la rénovation des ouvrages de protection contre les inondations : de 1,7 million de francs pour le précédent contrat de plan à 10,8 millions de francs pour celui-ci. Ces crédits pourront bénéficier à l'ensemble des maîtres d'ouvrage, par exemple à la commune d'Auxerre pour l'entretien du ru de Vallan.
M. Serge Franchis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Franchis.
M. Serge Franchis. Je remercie Mme la ministre pour sa réponse, qui précise les conditions dans lesquelles seront élaborés ces plans de prévention.
Ce que nous souhaitons vivement, c'est qu'un véritable partenariat, notamment financier, bien évidemment, s'établisse entre l'Etat et les collectivités, de manière à prévenir ces catastrophes, car le propre d'une rivière, c'est évidemment de déborder lorsque les conditions ne sont pas réunies pour permettre l'écoulement de son flux.
Je souhaite qu'au plan local nous puissions élaborer ces contrats de plan dans les meilleures conditions.

RÉORIENTATION DES MISSIONS DE LA SNECMA

M. le président. La parole est à M. Duffour, auteur de la question n° 685, adressée à M. le ministre de la défense.
M. Michel Duffour. Monsieur le ministre, je suis alerté depuis plusieurs mois par les syndicalistes de la SNECMA. La décision de constituer une holding à la tête du groupe et de restructurer la société autour de SNECMA Moteurs et filiales, dont l'objet essentiel est la participation directe ou indirecte dans toute opération financière, commerciale ou industrielle ainsi que la gestion d'un portefeuille de titres de participation, suscite l'inquiétude parmi les personnels.
Certes, tout le monde convient aujourd'hui que plus un seul programme aéronautique majeur ne peut être lancé par une seule entreprise ni même par une seule nation et qu'il faut donc trouver des alliances technologiques et des montages financiers afin de préparer l'avenir.
Les déclarations de votre collègue M. Gayssot en octobre dernier au journal Le Monde et celles de la direction générale du groupe indiquant que SNECMA Holding et SNECMA Moteurs seraient bien des entreprises publiques ont apaisé les craintes. Néanmoins, un grand silence entoure les hypothèses de développement.
Pourtant, notre pays ne part pas de rien dans ce domaine. La France a une solide expérience. Il existe donc bien d'autres choix que celui d'engager une réorientation de la vocation des établissements vers des activités financières.
Les personnels souhaitent que soient débattus le principe, les conditions et la finalité de rachat d'entreprises ou de fusion. Je pense que c'est légitime.
Je souhaite, monsieur le ministre, connaître votre avis sur la question et savoir si vous souhaitez encourager une consultation plus poussée des salariés sur le devenir du groupe et recueillir, avant toute évolution, l'avis des parlementaires concernés.
Je vous remercie par avance de votre réponse.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Je remercie à mon tour M. Duffour de sa question, qui me permet de faire un point global sur l'évolution de la SNECMA, dont je souligne par ailleurs les succès et la solidité.
La création d'une filiale à 100 % dénommée SNECMA Moteurs, à laquelle sont transférées les activités de moteurs aéronautiques et spatiaux de la SNECMA, est une évolution importante de la structure juridique du groupe, qui comporte donc désormais deux branches : « propulsion » et « équipements ».
Cette création s'inscrit dans la logique des évolutions intervenues et concertées dans l'entreprise au cours des dernières années, qui ont déjà conduit à la fusion des filiales Messier-Bugatti et Carbone Industrie, à celle de SEP avec sa société mère, et à la création de nouvelles filiales cette fois orientées vers les services.
Cette réorganisation est donc cohérente avec la stratégie du groupe, qui est de se concentrer sur les métiers qui sont au coeur de son activité industrielle en vue d'assurer leur développement. Elle doit plutôt s'analyser en termes de modernisation de la structure de l'entreprise, à l'égal de plusieurs grands groupes français qui ont adopté une structure comparable, de façon notamment à faciliter la clarification des objectifs opérationnels de chaque unité et la mise en évidence des résultats attribuables aux activités de moteurs, comme c'était déjà le cas avec les autres composantes de l'activité industrielle de la SNECMA.
Cette transformation n'entraîne pas de bouleversement dans la structure industrielle du domaine filialisé et ne comporte par conséquent aucun risque technique pour la SNECMA.
Quant à l'idée d'opposer la vocation financière à la vocation industrielle, je rappelle que, depuis longtemps, l'objet social de la SNECMA inclut entre autres toutes opérations industrielles, financières, commerciales, mobilières et immobilières. Ce sont les termes traditionnels qui sont retenus pour toute unité industrielle importante. Naturellement, lorsque des options industrielles sont décidées, il faut les financer ; il n'y a pas d'opposition de principe.
Mon ministère, qui suit évidemment de près l'évolution des activités de l'entreprise, s'agissant du personnel, se réjouit de l'accord intervenu sur la réduction du temps de travail, qui a fait l'objet en septembre dernier d'un accord-cadre puis d'accords locaux - le président de la SNECMA m'en parlait encore récemment - et dont bénéficient aujourd'hui les salariés des neuf établissements du périmètre traditionnel de la SNECMA.
L'évolution juridique du groupe ne change pas l'application de la même convention collective et des mêmes accords sociaux à l'ensemble des personnels de l'entreprise SNECMA.
Mon ministère continuera de veiller à la stratégie poursuivie par le groupe et, en particulier, à ce que toute orientation importante pour son avenir soit préalablement soumise à la concertation. Pour ce qui le concerne, il s'attachera, bien entendu, tout spécialement à la préservation des intérêts de la défense nationale.
Dans ce contexte, la filialisation a été approuvée par les autorités de tutelle ainsi que par les assemblées générales extraordinaires du 3 janvier dernier. Il va de soi que les représentants des salariés, au travers du comité central d'entreprise, lequel a pu donner son avis, avaient été préalablement informés et consultés.
S'agissant d'éventuelles alliances, dont vous avez rappelé à juste titre l'utilité, j'ai déjà eu l'occasion de souligner que l'intérêt de la SNECMA était bien de conforter sa position actuelle de numéro 4 mondial et de numéro 2 européen dans les moteurs aéronautiques. Cet objectif important peut justifier des rapprochements d'entreprises, qui se poursuivront dans le respect de la vocation d'entreprise publique de la SNECMA, à laquelle nous tenons.
Je rappelle, puisque vous évoquiez les partenariats extérieurs, que la SNECMA est engagée de longue date avec une firme américaine. C'est une originalité dans notre paysage industriel. En effet, la SNECMA est la principale grande entreprise liée à la défense qui a une coopération équilibrée et mutuellement profitable avec une entreprise américaine, en l'occurrence la General Electric, autour de la famille de moteurs CFM 56.
Nous pensons qu'en complément de cette alliance, qui a été profitable à la SNECMA, il faut envisager des accords de coopération européens, dans la logique d'une entreprise qui a sa pleine autonomie, qui enregistre aujourd'hui des résultats et des progressions de chiffres d'affaires très significatifs, et ce grâce à ses savoir-faire et à une bonne gestion. La SNECMA, dans le secteur public français, continuera d'être une firme industrielle particulièrement dynamique.
M. Michel Duffour. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Je vous remercie, monsieur le ministre pour votre réponse. Je tiens à réaffirmer que les parlementaires communistes sont très intéressés et très disponibles pour poursuivre le dialogue, en particulier ceux, évidemment, qui comptent des entreprises SNECMA dans leur circonscription.
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

4

FONCTIONNEMENT
DES ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES

Adoption d'une proposition de loi
en deuxième lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi (n° 141, 1999-2000), modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à modifier l'article 6 ter de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. [Rapport n° 198 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d'abord d'excuser le retard que je semble avoir mis pour vous rejoindre, mais j'étais à l'Assemblée nationale et je pensais que vous repreniez vos travaux à seize heures trente.
Le Sénat examine en deuxième lecture une proposition de loi qui vise à élargir la composition de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques et, ainsi, à améliorer la représentativité des groupes parlementaires en son sein.
Je ne reviendrai pas sur le rôle de cette délégation parlementaire. Expression du bicamérisme, elle fonctionne sur un mode paritaire. Outil de modernisation et d'ouverture du Parlement sur la science et la technologie, elle a su, depuis sa création en 1983, acquérir une place éminente dans la « veille parlementaire » et jouer un rôle de référence pour porter à la connaisance du politique les grandes problématiques scientifiques en associant à cette démarche les préoccupations de nos concitoyens.
La modification de la composition de l'office parlementaire résulte d'une proposition de loi sénatoriale. Loin de bouleverser son fonctionnement, elle consacre certains usages établis. Enfin, la seule divergence opposant l'Assemblée nationale et le Sénat, relative à la date d'entrée en vigueur de cette réforme, ayant été surmontée puisque votre commission des affaires économiques vous propose d'adopter ce texte sans modification, le Gouvernement, qui soutient l'objectif du texte, se félicite de cet accord, qui permettra la désignation de seize sénateurs au prochain renouvellement sénatorial d'octobre 2001.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes saisis en deuxième lecture de la proposition de loi que nous avons adoptée en juin et qui tend à modifier la composition et le mode de fonctionnement de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
L'office est né en 1983, sur l'initiative et à l'unanimité du Parlement, pour doter le législateur d'un outil indépendant d'évaluation scientifique.
L'importance et la complexité des choix en matière spatiale, de télécommunications ou de nucléaire avaient en effet fait naître le besoin d'une évaluation parlementaire indépendante des choix du Gouvernement.
D'après la loi de 1983, l'Office a pour mission d'« informer le Parlement des conséquences des choix de caractère scientifique et technologique afin notamment d'éclairer ses décisions ». A cet effet, il « recueille des informations, met en oeuvre des programmes d'études et procède à des évaluations ».
L'Office est actuellement composé, vous le savez, de huit députés et de huit sénateurs, désignés de façon à assurer au sein de chaque assemblée une représentation proportionnelle des groupes politiques. Pour chaque titulaire, un suppléant est désigné, qui a en réalité - l'usage a prévalu - le même pouvoir que le membre titulaire : il peut, en particulier, être nommé rapporteur. La seule différence touche au droit de vote, qui n'est d'ailleurs que peu fréquemment exercé à l'Office, dont les prises de décisions sont souvent consensuelles.
Le texte de loi de 1983 précise que le président et le vice-président de la délégation n'appartiennent pas à la même assemblée. L'usage veut que la présidence soit assurée de façon alternative par un député et par un sénateur, pour des périodes successives de trois ans.
Le législateur de 1983 a été soucieux - ce point est important - de respecter l'équilibre entre la délégation et les commissions permanentes, qu'elles soient de l'Assemblée nationale ou du Sénat. Aussi l'Office ne peut-il s'autosaisir et doit-il être sollicité par le bureau de l'une ou de l'autre assemblée ou par une commission spéciale ou permanente, ce qui permet la coordination des différents travaux parlementaires.
Les sujets abordés par l'Office se répartissent à peu près également entre quatre grands thèmes : l'énergie, l'environnement, les nouvelles technologies et les sciences de la vie. Ils sont souvent au confluent entre problématique scientifique et débat de société.
Un conseil scientifique de quinze personnalités choisies en raison de leurs compétences dans diverses disciplines scientifiques a été mis en place pour doter la délégation d'un vivier d'experts de haut niveau.
La proposition de loi dont nous avions pris l'initiative et que le Sénat a adoptée en juin dernier introduit quatre changements, que je rappelle brièvement.
Il est d'abord proposé de supprimer la distinction entre membres titulaires et membres suppléants car, comme je l'ai indiqué, il n'y a, dans la pratique, pas de réelle différence entre eux. Conforme à la pratique, cette suppression permet, en outre, d'assurer une meilleure représentation, au sein de l'Office, des plus petits groupes politiques de chaque assemblée, en élargissant l'assiette à laquelle est appliquée la méthode de calcul proportionnel.
Le nombre de membres de l'Office appartenant à chaque assemblée serait, en outre, porté, de seize actuellement, à dix-huit, ce qui permettrait de respecter l'équilibre entre les groupes aux effectifs les plus nombreux et ceux aux effectifs moins nombreux. Ainsi, tous les groupes se trouveraient représentés à l'Office, ce qui accroîtra son pluralisme, tandis que les groupes plus nombreux conserveraient, parallèlement, leur poids relatif, grâce à l'augmentation du nombre de membres.
Il est ensuite proposé d'inscrire dans le droit la pratique qui consiste à faire que le bureau constitué après chaque renouvellement - c'est-à-dire soit après un renouvellement partiel du Sénat, soit après un renouvellement de l'Assemblée nationale - reste en fonction jusqu'au renouvellement suivant, et de remplacer le titre de vice-président par celui de premier vice-président pour mieux mettre en évidence la place du principal représentant de l'assemblée à laquelle n'appartient pas le président.
Le texte vise enfin à porter à vingt-quatre contre quinze actuellement le nombre de membres du conseil scientifique chargé d'assister l'Office pour permettre la représentation des diverses disciplines scientifiques dont il est souhaitable que s'entoure la délégation.
L'Assemblée nationale a approuvé ces changements, et je me réjouis du dialogue constructif qui s'est établi entre les deux chambres. Les députés n'ont modifié notre proposition que sur un point : celui de la date d'entrée en vigueur du dispositif. Alors que nous avions fixé au 1er octobre 2001 l'application du nouveau système, dans le souci de préserver la continuité de l'Office et de permettre, en particulier, de mener à leur terme les saisines en cours, les députés ont préféré fixer l'entrée en vigueur au prochain renouvellement général de l'Assemblée nationale, soit normalement en mars 2002.
La commission de la production et des échanges a, en effet, considéré inopportune la date du 1er octobre 2001, car les députés nommés à cette date à l'Office, en vertu du nouveau système, quitteraient leurs fonctions lors du renouvellement de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire en principe six mois après.
Au-delà du motif technique invoqué, les députés ont sans doute répondu à des considérations qui sont, en réalité, d'ordre politique mais on ne peut pas le leur reprocher. Comme l'indique le rapport de Mme Monique Denise, si l'on appliquait à la composition actuelle de l'Assemblée nationale le nouveau système de 18 membres, le groupe socialiste de l'Assemblée aurait quatre représentants supplémentaires à l'Office par rapport à aujourd'hui, mais le groupe communiste et le groupe radical, citoyen et vert en auraient chacun un de moins, car la création du groupe Démocratie libérale a modifié les équilibres par rapport à juin 1997.
D'ailleurs, le raisonnement utilisé par le rapporteur de l'Assemblée nationale pour justifier le report de l'entrée en vigueur aurait parfaitement pu justifier, au contraire, s'il avait été appliqué à la délégation sénatoriale de l'Office, le maintien de la date du 1er octobre 2001 !
En effet, d'après les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale, les seize sénateurs qui seraient nommés à l'Office en octobre 2001, à la suite du renouvellement partiel du Sénat, ne le seraient que pour six mois - là est la grande différence par rapport au texte que nous avions adopté - jusqu'au renouvellement de l'Assemblée nationale, date à laquelle il faudrait, ou il faudra, si nous l'acceptons, renommer toute la délégation, en vertu du nouveau système, soit, au Sénat, désigner dix-huit membres pour y siéger jusqu'au renouvellement sénatorial suivant.
Ces remarques étant formulées, la commission des affaires économiques a souhaité que le processus législatif que nous avons entamé puisse se conclure rapidement. Aussi, je vous propose, mes chers collègues, d'adopter l'ensemble de la proposition de loi sans modification. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

Article 2

M. le président. L'article 2 a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Quelqu'un demande-t-il la parole ?...

Article 4



M. le président.
« Art. 4. - La présente loi entrera en vigueur à compter du prochain renouvellement général de l'Assemblée nationale. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)
M. le président. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Piras pour explication de vote.
M. Bernard Piras. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voterons, et cela n'étonnera personne, cette proposition de loi, qui tend à améliorer le fonctionnement de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Plusieurs raisons nous conduisent à voter ce texte.
D'abord, cette réforme a pour finalité de renforcer l'Office en augmentant le nombre des parlementaires qui y siégent, ainsi que celui des membres du conseil scientifique qui assistent les parlementaires, et en permettant une représentation de tous les groupes politiques du Parlement au sein de celui-ci.
Cette évolution vient non pas résoudre un quelconque dysfonctionnement, mais, au contraire, renforcer une institution déjà performante.
Ensuite, cet Office, qui, rappelons-le, a pour mission d'informer le Parlement des conséquences des choix de caractère scientifique et technologique, afin notamment d'éclairer ses décisions, démontre, par le « consensualisme » qui y règne, que les parlementaires savent mettre de côté leurs clivages politiques lorsqu'il s'agit de l'intérêt général au travers de l'appréhension objective de questions scientifiques.
Ce consensualisme explique que la loi du 8 juillet 1983 portant création de cet Office a été adoptée à l'unanimité, de même qu'en première lecture à l'Assemblée nationale et au Sénat le texte que nous sommes amenés aujourd'hui à examiner.
Si une deuxième lecture est nécessaire, c'est simplement pour déterminer la mise en oeuvre de ladite réforme, le Sénat la souhaitant en octobre 2001, l'Assemblée nationale l'ayant prévue en mars 2002.
Pour ma part, ainsi que pour les membres de mon groupe politique, même si les deux solutions ne sont pas parfaites, celle qui est préconisée par l'Assemblée nationale présente moins d'inconvénients et garantit un meilleur fonctionnement de l'Office, ce qui demeure bien évidemment notre seul objectif. C'est pourquoi nous nous y rallions et nous nous réjouissons que l'ensemble des groupes politiques du Sénat fasse de même.
Une dernière raison de satisfaction toute personnelle vient du rôle que l'Office va jouer dans un domaine, en l'occurrence celui de la génétique, qui est tout à la fois porteur des plus grands espoirs et source des plus grandes craintes, et ce en fonction de l'utilisation qui va être faite des découvertes en matière humaine, animale et végétale. Nous devons suivre de très près ce dossier, et ce texte nous conforte dans cette mission.
Enfin, je ne voudrais pas conclure mon intervention sans rendre hommage à notre ancien collègue Franck Sérusclat, qui a oeuvré sans relâche pour que cette proposition de loi voie le jour. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

5

SIGNATURE ÉLECTRONIQUE

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 488, 1998-1999) portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relatif à la signature électronique. [Rapport n° 203 (1999-2000).]
Je vous rappelle que le rapport de la commission des lois sur ce projet porte également sur deux propositions de loi (n°s 244 et 246, 1998-1999) de M. Louis Souvet et plusieurs de ses collègues visant à valider l'évolution jurisprudentielle en matière de preuve par écrit et à reconnaître la valeur probatoire d'un message électronique et de sa signature.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, le projet de loi portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relatif à la signature électronique est l'un des volets essentiels de l'action actuellement menée par le Gouvernement pour adapter la législation aux nouveaux enjeux de la société de l'information. Il est destiné à faire entrer le droit français de la preuve, confronté au progrès technique, dans l'ère des technologies de l'information.
Comme l'a souligné le Conseil d'Etat dans son rapport de juillet 1998 intitulé Internet et les réseaux numériques, l'heure est en effet venue de reconnaître la valeur juridique des outils utilisés dans le nouveau monde virtuel pour réaliser des transactions électroniques : le document et la signature électroniques.
Cette affirmation n'est pas gratuite. Elle se nourrit du constat du développement impressionnant du commerce électronique sur l'internet, principalement du commerce interentreprises, mais aussi du commerce en direction des particuliers. A cet égard, le commerce électronique représente un premier enjeu économique capital.
Mais, dès lors que la fourniture des biens et services existe sur le réseau, se pose la question de la validité des contrats de vente passés sous forme électronique. C'est là le second enjeu : celui de la sécurité du cadre juridique dans lequel s'opèrent les transactions, de façon à protéger les consommateurs.
Plusieurs organisations internationales se préoccupent de la reconnaissance du document et de la signature électroniques. La Commission des Nations unies pour le droit commercial international a adopté, en 1996, une loi type sur le commerce électronique, destinée à créer un environnement juridique plus sûr pour le commerce électronique.
Le Parlement et le Conseil de l'Union européenne ont adopté, le 13 décembre 1999, la directive sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques. Une directive sur certains aspects juridiques du commerce électronique a, quant à elle, fait l'objet d'un accord politique, le 7 décembre dernier.
Le projet de loi que nous discutons aujourd'hui se fonde sur de nombreux travaux, au premier rang desquels les rapports du Sénat, celui du Conseil d'Etat, et celui qui a été remis au garde des sceaux en septembre 1997, intitulé : L'Ecrit et les nouveaux moyens technologiques au regard du droit, et qui émane de la mission de recherche « Droit et justice », qui avait constitué un comité d'experts pour réfléchir sur cette question.
Ce groupe de huit universitaires a proposé une réforme du code civil que beaucoup attendaient et qui m'a semblé pleine de promesses. Au nom du Gouvernement, je tiens à rendre hommage à la remarquable qualité de leur travail.
Le projet de loi discuté aujourd'hui comporte deux volets particulièrement novateurs : l'un sur l'écrit sous forme électronique, l'autre sur la signature électronique.
Il consacre, tout d'abord, l'écrit sous forme électronique comme mode de preuve.
Je ne développerai pas longuement les inconvénients de la situation actuelle résumés parfaitement dans le rapport de votre commission. Le Conseil d'Etat le soulignait dans le rapport déjà cité : « Le fait qu'un message électronique puisse, en l'état actuel des textes, être assimilable à l'un des écrits visés à l'article 1341 du code civil demeure très contesté. »
Par conséquent, la nécessité d'une réforme étant reconnue, il restait à déterminer les modalités qu'elle pouvait revêtir.
Le projet de loi procède en deux étapes pour assurer la reconnaissance juridique du document électronique comme mode de preuve : dans un premier temps, il modifie la notion de preuve littérale ou par écrit, afin d'y inclure le document électronique ; dans un second temps, il précise la valeur juridique attribuée à cette preuve littérale sous forme électronique.
Pour faire entrer l'écrit électronique dans le droit, un certain nombre de solutions auraient pu être envisagées, mais elles n'ont pas été retenues par le projet de loi.
On aurait pu abandonner l'actuel système de la preuve légale en matière civile en laissant au juge la liberté d'apprécier la valeur des preuves qui lui sont apportées. D'autres pays que le nôtre ont adopté cette façon de voir et nous-mêmes nous la pratiquons en certaines matières, notamment en droit commercial ou en droit admi-nistratif.
Cette solution n'a cependant pas été retenue, non pas parce qu'elle laisserait au juge la liberté d'apprécier la valeur de la preuve qui serait produite devant lui, mais parce qu'elle laisserait aux parties la responsabilité de choisir de se préconstituer une preuve ou non et ainsi de choisir le mode de preuve des conventions qu'elles concluent.
La préconstitution de la preuve mérite d'être conservée. Elle remplit une fonction utile de mise en alerte de celui qui souscrit des obligations. Et, dès lors qu'on la maintient, il convient d'assurer l'égalité des parties face au risque de la preuve.
On aurait pu aussi ériger les messages électroniques au rang de commencement de preuve par écrit. Mais cette solution n'est pas statisfaisante, car elle obligerait les parties à rechercher d'autres éléments de preuve. Elle consacrerait aussi une hiérarchie entre la preuve électronique et la preuve traditionnelle, peu conforme avec l'objectif de non-discrimination assigné aux législateurs nationaux par la directive pour un cadre commun sur les signatures électroniques.
La consécration d'une différence de nature entre la preuve électronique et la preuve traditionnelle par acte sous seing privé aurait été très en deçà de l'objectif, mentionné dans l'exposé des motifs, de facilitation des transactions électroniques, assigné à la réforme du droit de la preuve.
Le projet de loi est plus audacieux : il tend à faire entrer la preuve électronique dans le code civil par la grande porte, en lui reconnaissant la qualité de preuve complète, se suffisant à elle-même. Il a donc privilégié une logique d'assimilation.
Dans le discours préliminaire au projet de code civil, Portalis affirmait clairement que « l'écriture est, chez toutes les nations policées, la preuve naturelle des contrats ». Depuis l'ordonnance de Moulins, au xvie siècle, la preuve littérale a supplanté la preuve par témoignage.
Dans la lecture qui est faite de l'article 1341 du code civil, l'écrit a fini par se confondre avec son support papier, ce qui explique que les documents informatiques n'aient pu, jusqu'à présent, être identifiés à des actes sous seing privé.
Cette confusion entre l'écrit et son support est toutefois contestable. Défini dans le langage courant comme tout « système de représentation de la parole et de la pensée par des signes conventionnels tracés et destinés à durer », l'écrit s'oppose à l'oral et sa durabilité le distingue de la fugacité du langage. « Les paroles s'envolent, les écrits restent ». Opposé à l'oral, l'écrit n'est pas, dans le langage courant, réservé au support papier. Peu importe que l'écrit soit rédigé sur le papier, sur la pierre ou sur le marbre. Les tablettes des Crétois ou les papyrus des Egyptiens sont là pour en témoigner.
D'ailleurs, la jurisprudence relative au procédé de rédaction des actes sous seing privé montre que les juristes ont également adopté une définition large de la notion d'écrit. Par exemple, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans un arrêt du 27 janvier 1846, rendu à propos d'un testament rédigé par un berger qui ne disposait que d'un crayon, a jugé que « dans son acception légale, le mot écrire signifie tracer des lettres, des caractères ; que la loi n'a spécifié ni l'instrument ni la matière avec lesquels les caractères seraient tracés ».
Que l'écrit ne dépende ni de l'instrument ni de la matière sur laquelle il est rédigé, cela résulte de la jurisprudence ultérieure, qui a admis la validité des actes passés sur les supports matériels les plus divers, tels qu'une enveloppe, une machine à écrire et même du papier hygiénique. Mais cette liberté de choix de l'instrument et du support n'a pas été jusqu'à présent étendue aux « supports virtuels ».
L'innovation conceptuelle majeure du projet de loi consiste à redéfinir la preuve littérale afin de la rendre indépendante de son support.
Le projet de loi élève clairement les documents électroniques au rang de la preuve littérale. A cette fin, il insère, dans la section du code civil consacrée à cette preuve et dans un paragraphe relatif aux dispositions générales précédant les paragraphes consacrés à l'acte authentique et à l'acte sous seing privé, un article 1316 nouveau.
Désormais, la preuve littérale ne s'identifie plus au papier. Elle ne dépend pas non plus des modalités de sa transmission, ce qui signifie que l'écrit reste un écrit même s'il est transféré ou stocké sous forme électronique, à condition qu'il puisse être à nouveau intelligible.
La validité de l'écrit électronique est toutefois subordonnée à certaines conditions, qui seront énoncées à l'article 1316-1 du code civil.
L'admission de l'écrit sous forme électronique en tant que preuve au même titre que l'écrit sur support papier est donc consacrée à la double condition que puisse être identifié celui dont il émane et que les conditions dans lequelles il est établi et conservé en garantissent l'intégrité.
Une fois l'admissibilité comme mode de preuve de l'écrit électronique clairement reconnue, il restait à définir, dans le système actuel de la preuve légale, la nature de la force probante attachée à ce mode de preuve. En somme, il fallait répondre à la question du régime de la preuve contraire.
Comment prouver contre et outre l'écrit électronique ?
Là encore, certaines solutions ont été écartées.
On aurait pu dire comme le législateur du Québec en 1993 que « le document reproduisant les données d'un acte juridique inscrites sur support informatique pouvait être contredit par tous moyen ».
Mais cela reviendrait à consacrer un statut juridique d'infériorité de la preuve électronique, contraire à l'équivalence affirmée à l'article 1316 nouveau, et peu compatible avec l'importance économique de cette nouvelle preuve et à la généralisation de son utilisation pour les échanges sur l'internet.
La pertinence de ces objections a conduit le Gouvernement à reconnaître à l'écrit sous forme électronique exactement la même force probante que l'écrit traditionnel.
Lorsqu'il n'est pas signé, il aura la force probante très limitée accordée aux écrits sur papier non signés, qui constituent de simples indices laissés à la libre appréciation du juge. Lorsqu'il est signé et qu'il aura été préétabli spécialement pour constater un acte générateur de droits et d'obligations, l'acte sous forme électronique aura exactement la même force probante que l'acte sous seing privé.
Conformément aux dispositions de l'article 1341 du code civil, il ne pourra pas être combattu par des témoignages ou des présomptions, mêmes graves, précises et concordantes, mais seulement par un autre acte, authentique ou sous seing privé.
Cela fait naître une seconde question : comment régler le conflit entre une preuve littérale sous forme électronique et une preuve littérale traditionnelle ?
Cette question est résolue par le projet de loi, qui insère un article 1316-2 dans le code civil.
Cette disposition laisse au juge le soin de régler les conflits de preuve littérale. Elle a pour effet de supprimer toute hiérarchie entre la preuve sous forme électronique et la preuve littérale traditionnelle.
Redéfinition de la preuve littérale pour englober dans cette notion l'écrit électronique, reconnaisance expresse de l'admissibilité comme mode de preuve de l'écrit électronique, consécration de l'identité de force probante entre l'acte sous seing privé électronique et l'acte sous seing privé sur support papier, ces trois objets font du projet de loi un texte particulièrement novateur.
Toutefois, la signature étant une condition d'existence de l'acte, la réforme assimilant l'écrit électronique à l'écrit papier serait privée de toute portée si elle ne s'accompagnait pas d'une reconnaissance d'un équivalent électronique à la signature manuscrite.
Le second volet du projet de loi concerne la reconnaissance de la valeur juridique de la signature électronique.
Bien que le droit impose fréquemment qu'un acte soit signé et aussi surprenant que cela paraisse, aucun texte ne définit actuellement ce qu'il faut entendre par le terme de « signature ».
Sans doute y a-t-il de ces évidences qui ne se définissent pas ! D'ailleurs, le projet de loi ne se risque pas à donner une définition générale de la signature qui s'appliquerait aussi bien à la signature manuscrite qu'à la signature électronique.
En revanche, il définit la fonction générale de la signature, puis il donne une définition de la seule signature électronique.
Le projet de loi introduit un nouvel article 1322-2 au code civil qui constitue une définition générale des fonctions de la signature. Il prévoit, sans distinction entre la signature manuscrite et la signature électronique, que « la signature nécessaire à la perfection d'un acte sous seing privé identifie celui qui l'appose et manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte ».
Cet alinéa établit clairement la double fonction assignée à la signature : identification de l'auteur de l'acte et manifestation de son consentement au contenu de cet acte.
Le projet de loi définit également la signature électronique.
Le deuxième alinéa de l'article 1322-2, qui traite du cas où la signature est électronique, précise les conditions que celle-ci doit remplir pour se voir reconnaître une valeur juridique, mais en des termes généraux, de manière à pouvoir s'adapter aux évolutions techniques qui peuvent intervenir. Lorsqu'elle est électronique, la signature « consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte sur lequel elle porte ».
A l'exigence de bon sens tenant à la fiabilité du processus employé, le projet de loi ajoute celle d'un lien indissociable entre la signature et le message. Il n'est en effet pas possible d'accorder une valeur juridique à une signature si elle n'est pas indissolublement liée au contenu qu'elle a pour fonction d'approuver.
Dès lors qu'elle remplit ces conditions, la signature électronique se voit reconnaître la même valeur juridique qu'une signature manuscrite, quel que soit le procédé utilisé.
La fiabilité du procédé utilisé devra en principe être prouvée, sauf si elle peut être présumée parce que ce procédé répond à des exigences fixées par le pouvoir réglementaire.
Enfin, le projet de loi institue à ce même article 1322-2 du code civil une présomption de fiabilité en faveur des signature électroniques répondant à des exigences fixées par décret.
Comme le souligne votre rapporteur avec raison, ces décrets seront particulièrement importants puisqu'ils mettront en oeuvre les dispositions de la directive sur les signatures électroniques, notamment celles qui sont relatives à l'intervention des prestataires de services de certification. Le marché de la certification est en considérable expansion, et il convient de le réguler.
Les décrets devront organiser, conformément à la proposition de directive, un régime d'accréditation volontaire des autorités de certification et préciser les exigences concernant les dispositifs de création de signature. Il faudra fixer les conditions de sécurité que devront remplir les prestataires de service de certification.
Je précise, afin d'éviter toute équivoque sur le rôle de ces prestataires, que, dans l'optique de la directive, ceux-ci seront chargés de délivrer des certificats électroniques garantissant le lien entre l'identité d'une personne et un dispositif permettant de vérifier la signature électronique émise par cette personne. Leur rôle est donc d'« identifier » le signataire, mais en aucun cas de certifier le contenu des messages.
Le projet de loi déposé par le Gouvernement fait clairement entrer le droit de la preuve dans l'ère numérique. Certains ont craint qu'il n'accorde une place trop importante à l'écrit électronique. D'autres, au contraire, ont estimé que ce projet de loi devrait être étendu aux actes authentiques.
Telle est la position de votre commission des lois, qui a adopté un amendement sur ce point, amendement à la fois audacieux et mesuré.
M. Charles Jolibois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je vous remercie !
M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. En effet, votre commission entend ne pas limiter la réforme à l'acte sous seing privé mais poser d'ores et déjà le principe selon lequel l'acte authentique peut être dématérialisé et sa signature apposée sous la forme électronique.
Il s'agit là d'une question essentielle qui touche à l'authenticité. Défini par l'article 1317 du code civil comme l'acte reçu par un officier public ayant le droit d'instrumenter avec les solennités requises, l'acte authentique tire une force toute particulière de l'intervention d'un tiers investi d'une mission d'intérêt général. Ce tiers est un témoin privilégié de l'opération constatée dans l'acte et du respect des exigences de forme. Par la confiance qu'il inspire, l'acte authentique constitue le meilleur garant de la sécurité juridique.
Il faut donc veiller tout particulièrement à ce que sa dématérialisation ne remette pas en cause les garanties d'authenticité dont il est revêtu.
Il faut trouver, pour l'acte authentique, un nouveau formalisme électronique qui se substituerait aux exigences actuelles liées à un support papier.
Il est clair que cette substitution exige un travail d'approfondissement sur le double plan juridique et technique. Cela suppose qu'il soit pleinement démontré que les exigences de l'authenticité peuvent être pleinement préservées dans un environnement dématérialisé.
Il faut aussi tenir compte de la diversité des actes authentiques qui ne se limitent pas aux actes notariés, mais englobent d'autres actes juridiques comme les actes de l'état civil, les jugements, et qui obéissent à des règles formelles différentes.
C'est pourquoi le Gouvernement s'était proposé de procéder par étapes et, tout en étant pleinement acquis à l'extension du principe de la dématérialisation aux actes authentiques, de limiter dans un premier temps la réforme à ce qu'il est d'ores et déjà possible de réaliser.
En cela, d'ailleurs, il rejoignait les travaux communautaires entrepris en matière de commerce électronique puisque, comme vous le savez, la directive européenne qui a fait l'objet d'un accord politique n'impose pas la dématérialisation des actes émanant de détenteurs de l'autorité publique.
Votre commission des lois propose de procéder autrement en rendant possible juridiquement, dans notre code civil, une dématérialisation de l'acte authentique, tout en renvoyant à des décrets en Conseil d'Etat la question de sa mise en oeuvre pratique.
Cela me paraît sage. En effet, à la différence de l'acte sous seing privé, qui ne doit être conservé que pour une durée limitée de trente ans au maximum, l'acte authentique a vocation à être conservé pour une durée illimitée. La technologie utilisée doit donc garantir la pérennité de l'acte.
Or les technologies électroniques actuelles ne permettent de garantir la conservation des informations que pour une durée limitée, en raison de leur obsolescence rapide.
Certes, il est possible de faire passer les informations d'un support sur un autre au fur et à mesure des évolutions, mais la récupération de l'information devra être sécurisée.
Or, les conditions techniques d'une dématérialisation des actes authentiques ne sont pas réunies.
A cet égard, le Gouvernement souscrit totalement à l'opinion de M. le rapporteur, qui a insisté, au cours des débats en commission, sur le fait que sa proposition ne modifie pas les règles de fond régissant l'établissement des actes authentiques, notamment la comparution, c'est-à-dire la présence personnelle du signataire dans l'étude de l'officier public chargé de recueillir son consentement et de conférer l'authenticité à l'acte.
En tout cas, le Gouvernement souscrit à l'idée d'inscrire le principe de la dématérialisation. Cela évitera de modifier ultérieurement le code civil, tout en renvoyant à plus tard les conditions matérielles de sa réalisation.
Cette solution est pleinement conforme à nos objectifs communs.
Telle est, mesdames, messieurs les sénateurs, la position du Gouvernement sur ce projet de loi, qui est un peu aride et pas forcément « parlant », mais qui est nécessaire à l'adaptation de notre pays aux temps modernes. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat examine aujourd'hui en première lecture le projet de loi « portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relatif à la signature électronique », et le titre est ici important.
Saisie de ce texte, la commission des lois a également été amenée à étudier deux propositions de loi présentées par M. Louis Souvet et plusieurs de ses collègues : l'une vise à valider l'évolution jurisprudentielle en matière de preuve par écrit ; l'autre tend à reconnaître la valeur probatoire d'un message électronique et de sa signature.
L'intérêt soutenu et permanent du Sénat pour les technologies modernes - en témoigne le nombre de rapports qui y ont été consacrés et que mentionne mon propre rapport - permet d'affirmer qu'il est particulièrement légitime que le Sénat soit, le premier, saisi de ce projet de loi.
Par ce texte, il est proposé d'admettre en mode de preuve des documents électroniques mais aussi de prévoir que, sous certaines conditions, leur force probante équivaudra à celle des documents sur support papier.
L'idée fondamentale du texte est d'accorder à une signature électronique la même confiance qu'à une signature manuscrite ; tel est le coeur du sujet.
La signature électronique permet à l'émetteur de sceller son document et éventuellement de le crypter.
La commission des lois, après y avoir beaucoup réfléchi, est parvenue à la conclusion que le cryptage correspond à la signature, par l'émetteur, de chaque mot du texte. C'est donc une avancée importante par rapport à la signature qui est apposée au bas d'un texte, car la signature électronique est intimement mêlée au texte.
Le destinataire et l'émetteur doivent détenir des clés gérées par un logiciel spécifique de création de signature.
Pour donner à cette signature électronique les mêmes avantages et les mêmes effets qu'une signature manuscrite, il fallait réformer le code civil et, surtout, le droit de la preuve.
Mais il fallait se garder de bouleverser les règles fondamentales du code civil en matière de preuve, car nous avons un système de preuve légale et, dans certains cas seulement, de preuve libre. Nous devons donc nous contenter d'ajouter des règles précises à la preuve des actes sur support électronique. L'acte électronique avec signature électronique fera donc, si le Parlement en décide ainsi, son entrée dans le code civil.
Quelle est la situation actuelle ?
Notre droit n'est pas adapté aux échanges électroniques, et il n'y a rien de surprenant à cela si l'on se souvient qu'il date, pour l'essentiel, de 1804. Le statut juridique des messages électroniques n'est pas précisément défini et ses effets ne sont pas clairement reconnus par les tribunaux, tout particulièrement lorsqu'il s'agit d'actes sous seing privé pour des engagements supérieurs à 5 000 francs - pour lesquels un écrit est nécessaire -, des actes authentiques, des actes devant être établis en double exemplaire.
En matière commerciale, la preuve est libre. L'acte électronique pourrait donc, en principe, en cette matière, être recevable comme preuve. C'est d'ailleurs pourquoi la chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt de principe du 2 décembre 1997, avait admis l'écrit électronique pour servir de commencement de preuve par écrit. Mais il faut préciser que cela ne s'appliquait qu'à la télécopie. L'arrêt n'a d'ailleurs pas complètement dissipé l'ambiguïté.
Il est donc, à tous égards, nécessaire de légiférer.
Cette nécessité est renforcée par l'existence d'une proposition de directive sur le commerce électronique.
Le Sénat vient d'ailleurs d'adopter une résolution sur la proposition de directive européenne tendant à faire admettre les documents électroniques dans la législation des Etats membres.
Il existe surtout, désormais, une directive sur la signature électronique, qui est beaucoup plus précise, notamment en ce qu'elle donne une définition de ce type de signature. Elle la définit fort justement comme « une donnée sous forme électronique qui est jointe ou liée logiquement à d'autres données électroniques et qui sert de méthode d'authentification ».
La directive recourt à la notion de signature électronique « avancée », selon une expression malheureuse qui résulte de la traduction rapide d'un mot anglais. On peut considérer qu'il s'agit d'une signature complexe, fondée sur un certificat qualifié. Le certificat qualifié désigne la technique qui est admise comme étant à l'abri à la fois des erreurs et des malversations.
Selon la directive, les Etats membres veillent à ce que les signatures électroniques avancées fondées sur un certificat qualifié produisent les mêmes effets que des signatures manuscrites et soient recevables comme preuves en justice.
Remarquons au passage que la directive a été adoptée le 13 décembre 1999 et que le présent projet de loi a été adopté en conseil des ministres le 1er septembre 1999 : la France n'est donc pas en retard ! Elle est même en avance !
Le projet de loi n'a pas pour objet d'étendre la liberté de la preuve d'une manière générale ni de créer de nouvelles exceptions à la preuve écrite. Il n'établit pas non plus une hiérarchie entre le support papier et le support électronique.
C'est pourquoi la commission des lois, après avoir constaté que le texte répondait aux préoccupations exprimées à travers les deux propositions de loi que j'ai évoquées, a approuvé les cinq orientations du projet de loi : premièrement, redéfinir la preuve littérale indépendamment du support utilisé ; deuxièmement, prononcer l'équivalence entre support électronique et support papier ; troisièmement, donner au juge - sur un plan pratique, c'est indispensable - le pouvoir de régler les conflits de preuves qui peuvent résulter de cette équivalence ; quatrièmement, autoriser les conventions sur la preuve, conformément au principe de la liberté contractuelle ; cinquièmement, apporter une définition générale de la signature à l'occasion de la reconnaissance de la signature électronique.
Mais le texte témoigne d'une approche prudente. Cette reconnaissance n'est acquise que si la signature en question répond à certaines exigences de fiabilité, définies par décret en Conseil d'Etat.
C'est d'ailleurs la nécessité de la vérification de la fiabilité des techniques, définie par décret en Conseil d'Etat, qui me permettra de proposer au Sénat, au nom de la commission des lois, l'extension de l'usage de la signature électronique aux actes authentiques.
La commission des lois a cependant bien insisté sur le fait qu'elle ne voulait pas porter atteinte à la fameuse distinction entre écrits exigés ad validitatem, c'est-à-dire à peine de nullité, et écrits exigés ad probationem.
Notre commission souhaite qu'il ne soit pas touché à l'architecture, bien établie, de notre législation concernant la validité des actes et les consentements. Seules les règles de preuve des actes doit demeurer en cause. Cette prudence nous autorise à considérer qu'il n'y a pas de risque à permettre d'ores et déjà l'extension aux actes authentiques de l'usage de la signature électronique, dans la mesure où des décrets en Conseil d'Etat préciseront les modes opératoires et définiront les techniques fiables. Au fond, ce que l'acte authentique doit garantir, c'est la comparution et l'authenticité, mais aussi la conservation de la minute.
Ce projet de loi, tel que nous l'avons amendé, nous paraît donc respectueux des règles et de l'architecture générale du droit de la preuve français, tout en introduisant dans le code civil français cet élément indispensable de modernité. Le Sénat sera heureux, j'en suis persuadé, de l'approuver. (Applaudissements.)
M. le président. Mes chers collègues, à la suite de l'excellent exposé de M. le rapporteur, je tiens à rappeler l'intérêt que le Sénat, toujours à la pointe de la réflexion dans le domaine des nouvelles technologies, attache à la reconnaissance dans notre droit de la valeur probatoire des documents électroniques et de la signature électronique.
Sur un plan pratique, les sénateurs peuvent d'ores et déjà déposer amendements, questions et propositions de loi ou de résolution par messagerie électronique.
En outre, le conseil de questure et le bureau viennent d'autoriser le lancement d'une procédure d'appel d'offres en vue de la réalisation d'un projet d'informatisation de la chaîne des amendements - dit « projet AMELI », ou « amendements en ligne » - qui permettra le dépôt des amendements par la voie du site Internet et la mise à disposition de tous les intervenants au processus législatif d'un jeu d'amendements permettant une consultation sélective.
Les solutions retenues dans le projet de loi dont nous allons débattre confortent ces initiatives, prises à la demande du président du Sénat.
Pour toutes ces raisons, nous porterons le plus grand intérêt aux dispositions de ce texte et à leur application.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 40 minutes ;
Groupe socialiste, 33 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 24 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 21 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 13 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le projet de loi portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relatif à la signature électronique.
La Haute Assemblée, vouée aux nouvelles technologies - je tiens à le souligner devant M. le président - va donc prendre la mesure du phénomène très récent que représentent les transactions électroniques de toutes sortes et s'efforcera d'étendre la définition de la preuve littérale, c'est-à-dire de la preuve par l'écrit, aux documents électroniques. Mais, dans toutes les formes de média moderne, l'écrit, c'est aussi l'écran.
Les mesures prévues par ce projet de loi constituent une avancée non négligeable sur cinq points que je rappellerai brièvement, puisque M. le rapporteur les a cités.
Premièrement, il s'agit d'étendre la définition de la preuve littérale afin de couvrir l'écrit et l'écran.
Deuxièmement, il est proposé de reconnaître explicitement la valeur juridique du document électronique comme mode de preuve, au même titre que le support papier.
Troisièmement, pour ce qui concerne le règlement des conflits de preuve littérale, ce texte autorise le juge à déterminer au cas par cas, selon la vraisemblance des éléments qui lui sont fournis, quelle est la preuve littérale qui doit l'emporter sur l'autre.
Quatrièmement, comme la jurisprudence a reconnu la possibilité de passer des conventions sur la preuve dérogeant aux règles supplétives contenues dans le code civil, il nous appartiendra de consacrer, par la voie législative, le principe de validité de telles conventions.
Enfin, cinquièmement, la définition de la signature électronique doit figurer sur tout document électronique pour qu'il soit validé. Cette signature doit non seulement renseigner sur l'identité de l'auteur mais aussi manifester, parce que là est la difficulté rencontrée dans le domaine de l'électronique, l'adhésion du signataire au contenu de l'acte.
Je me réjouis qu'après avoir abordé voilà peu de temps des directives plus anciennes, le Sénat puisse, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi, procéder à l'adaptation d'une directive européenne récente. Nul n'ignore que le Sénat est une assemblée particulièrement en avance. (Sourires.) Je salue à cet égard le groupe « prospective » créé à l'initiative de MM. Trégouët et Laffitte, qui rassemble deux cents sénateurs sur trois cent vingt.
Nous connaissons tous l'importance du développement de l'internet pour notre pays. Il est intéressant de souligner l'un des constats de la mission Lorentz, selon lequel le nombre des internautes a fait en un an un bond très significatif. A la fin du deuxième trimestre de 1999, il avait en effet plus que doublé, passant de 2,7 millions à 5,7 millions. L'institut Médiangles estimait lui aussi que la France comptait à la fin de l'an dernier près de 6 millions d'internautes âgés de plus de quinze ans qui se sont personnellement connectés à partir de leur domicile, de leur lieu de travail ou d'un établissement d'enseignement - école, collège, lycée ou université - au moins une fois en un mois.
C'est dire qu'il n'est pas aujourd'hui nécessaire d'être sénateur pour être en mesure de réaliser des échanges électroniques, de disposer d'un « bureau électronique », d'entreprendre des démarches administratives, mais aussi d'effectuer des transactions commerciales électroniques, et cela à un coût accessible à tous.
C'est sur les conséquences de ce texte sur le cybercommerce que j'axerai plus particulièrement mon intervention.
Dans son rapport, M. Lorentz précisait que le montant des ventes par Internet devrait dépasser celui des ventes par Minitel, pour atteindre environ 4 milliards de francs auprès des 75 sites marchands les plus actifs.
Pour le moment, le commerce électronique est d'abord un échange interentreprises - je n'aime guère utiliser l'expression anglaise pourtant facile à traduire business to business. Son chiffre d'affaires atteint un montant de 7,3 milliards de francs, contre 1,2 milliard de francs pour le commerce des particuliers.
Les particuliers ne se contentent plus, comme au début du commerce électronique, d'acheter des livres sur le net. J'en veux pour preuve qu'il existe aujourd'hui 900 sites marchands grand public, sur lesquels 87 % des achats concernent l'informatique et le tourisme. D'autres sites, ceux qui sont notamment relatifs aux enchères, à la bourse et à l'assurance, sont également très visités.
Force est de constater que le développement du commerce électronique en France n'atteint pas encore le niveau de certains pays européens ou américains. Dans leur rapport sur la grande distribution, nos homologues de l'Assemblée nationale MM. Jean-Paul Charié et Jean-Yves Le Déaut citent une enquête selon laquelle 55 % des consommateurs américains ont déjà utilisé l'achat en ligne.
Ils poursuivent en précisant qu'AOL, entré dans le monde français avec Time Warner et EMI, a vendu en 1999 pour plus de 10 milliards d'euros - ma référence est en dollars, mais ces deux monnaies ont la même valeur, - dont 2,5 milliards, mes chers collègues, uniquement au moment des fêtes de fin d'année. Aussi ce phénomène prend-il une ampleur considérable.
En termes d'aménagement économique dans notre pays, il est intéressant de souligner que le tissu des PME-PMI peut accéder directement, sans aucune difficulté, au commerce en ligne.
Il va de soi que si les échanges ne se développent pas davantage en France c'est pour une raison clairement définie. Tous les consommateurs de la toile s'accordent à vouloir une plus grande sûreté des échanges. C'est cette absence de protection que les consommateurs français perçoivent avec une acuité particulière.
Ils ont d'autant plus besoin d'être rassurés que le commerce évolue et qu'aujourd'hui les échanges commerciaux dépassent l'échelon local, régional, national, voire européen, pour se dérouler à l'échelon planétaire. En contrepartie, les risques encourus sont donc de dimension vertigineuse, je serais même tenté de dire de dimension illimitée !
Il y a donc une nécessité impérieuse à légiférer afin de rendre ces transactions électroniques plus fiables, plus sûres et donc plus attractives. Le projet de loi que nous examinons va dans ce sens.
Si l'avancée de ce projet de loi consiste bien à donner une définition de la signature électronique en précisant qu'elle doit répondre à une double fonction, renseigner sur l'identité et prouver l'adhésion au contenu, comment nous assure-t-il que c'est le bon signataire qui a utilisé la bonne signature ? Comment savoir si la signature électronique qui valide un document n'a pas été - j'emploie un terme qui relève du vocabulaire courant - « usurpée » ?
Les internautes français se montrent particulièrement méfiants - le faible taux de ceux qui effectuent leurs achats sur Internet l'illustre bien - car ils ont parfaitement pris conscience de la faille dans laquelle ils n'ont, pour le moment, pas l'intention de s'engouffrer.
De nombreuses questions se posent et peu de réponses nous sont réellement aujourd'hui données, même si de très grandes compagnies françaises qui travaillent sur les cryptages et les algorithmes de cryptage ont réalisé des « percées » significatives.
Comment savoir quel est réellement notre interlocuteur ? Une telle signature électronique ne peut-elle être piratée ? Qui nous assure du contraire ? Ce texte nous donne-t-il des assurances sur un des éléments essentiels de la signature, à savoir la véritable intention de signer ? Je crois qu'il est encore permis de douter.
Comme le font remarquer certains avocats spécialisés dans le cyber-commerce : « Il faut que le signataire ait voulu s'engager en créant un acte. En cas de litige, la preuve de l'intention de signer doit être rapportée. »
En effet, il faut pouvoir prouver que le signataire a signé de façon volontaire. Pour ma part, me fiant au vieil adage qui veut qu'un homme averti en vaut deux et que deux précautions valent mieux qu'une, je préconiserais, comme le font certains spécialistes, une procédure de signature par « double clic » : d'une part, la signature digitale sur la souris, d'autre part, le code. Nous aurons l'occasion d'en parler de nouveau.
J'exprime la même crainte concernant les modifications qui peuvent être apportées à un document. M. le rapporteur vient de parler du dépôt du document. J'ai bien compris que la signature électronique était indissociablement liée à l'ensemble du texte. Ainsi, la moindre modification du texte faite par une personne ne détenant pas les clés de la signature doit pouvoir être détectée par le destinataire du document.
Pour cela, et j'y insiste, il faut donc un double niveau de sécurisation. C'est là qu'interviennent les certificats qualifiés prévus par la directive européenne et qui authentifient la signature électronique. Ces certificats sont délivrés par les tiers de certification, apportant notamment au destinataire une garantie quant à l'origine des données. La directive a prévu intelligemment la responsabilité des tiers de certification pour tout préjudice causé par l'utilisation d'un certificat inexact ou invalide.
Les préconisations de l'Union européenne en la matière vont, me semble-t-il, plus loin et contribuent ainsi efficacement au développement du commerce électronique.
Le projet de loi est nécessaire, comme nous l'avons dit. Il marque une avancée non négligeable dans l'encadrement des relations et des échanges électroniques se manifestant par l'existence d'un document électronique.
Cependant, comme je crois l'avoir souligné dans mon intervention, il ne faut pas faire preuve de naïveté sur ce sujet. Les mesures que nous allons adopter ne sont qu'un premier pas - le rapporteur, M. Jolibois, l'a très bien dit - et demandent des garanties, des assurances, des certifications que nous ne réclamons pas systématiquement, mais dont nous avons besoin en l'espèce et que nous n'avons toujours pas.
Madame le garde des sceaux, monsieur le ministre, le Gouvernement nous a par ailleurs prévenus qu'en juin - sous réserve de confirmation du calendrier - nous discuterions d'un texte organisant, préparant et facilitant ce que l'on appelle la « société de l'information » : la maison du commerce électronique et des échanges électroniques s'est en quelque sorte construite - et continue de se construire - sans plan d'architecte. En tout cas, je ne connais pas le nom de l'architecte mondial ! Mais le besoin d'échanges est là et la maison électronique mondiale existe.
Aujourd'hui, nous posons une serrure sur la porte d'entrée de notre maison de l'information électronique. Ce n'est pas une démarche anodine, ce n'est pas une démarche inintéressante. Nous devrons évidemment tous, dorénavant, faire en sorte que la maison soit harmonieuse, grande, accueillante, confortable et ouverte à tous.
Telle sera, au Sénat, l'ambition du groupe du Rassemblement pour la République, qui votera tous les amendements allant dans ce sens de l'accessibilité. (Applaudisssements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme le soulignait avec raison M. Jolibois, chargé de rapporter le projet de loi que nous examinons aujourd'hui, la Haute Assemblée peut s'enorgueillir de mener une réflexion de qualité sur les nouvelles technologies. La première lecture de ce projet de loi au Sénat en atteste, tout comme la modernisation de nos méthodes de travail, dont vient de nous informer M. le président.
Le concept de nouvelle technologie devient aujourd'hui bien difficile à manier : sommes-nous certains de ne pas évoquer, au moment où nous parlons, un aspect déjà vieilli de telle ou telle application ? Les choses vont tellement vite dans ce domaine !
Il devient dès lors hasardeux de légiférer sur les nouvelles technologies dans un secteur, les lois, qui appelle circonspection et pérennité, à l'inverse de ce qui nous occupe avec le texte que nous examinons.
Pour autant, il nous faut à présent braver quelques inquiétudes et prendre toute la mesure des implications de l'informatique et de la téléphonie dans notre vie quotidienne pour l'introduire dans la loi et dans le code civil.
Le développement de l'informatique, l'émergence de l'internet et de l'intranet entraînent la multiplication des documents électroniques échangés.
Ainsi, en 1998, les échanges commerciaux étaient estimés à 800 milliards de francs, sur lesquels le commerce électronique via l'internet ne représentait qu'un milliard de francs.
La non-matérialité des données électroniques est un facteur qui participe à l'inquiétude de nombre de nos concitoyens dans l'utilisation de cette forme d'échange commercial.
Le projet de loi relatif à la signature électronique permettra, si nous l'adoptons, de répondre en partie à ces inquiétudes.
Dans ses grandes lignes, le projet de loi modifie le code civil afin d'admettre comme mode de preuve les documents électroniques et prévoit que, sous conditions, la force probante des documents électroniques sera équivalente à celle qui est reconnue aux supports papier.
Ainsi, la preuve écrite est définie de manière suffisamment générique afin de pouvoir s'adapter aux différentes évolutions technologiques.
Je juge restera chargé de régler les conflits de preuves dans les cas où un écrit électronique viendrait en conflit avec un document sur support papier. On peut s'attendre à de nombreux contentieux, qui ne manqueront pas de nourrir une abondante jurisprudence !
Au-delà des documents électroniques eux-mêmes, le projet de loi qui nous est soumis prévoit une définition de la signature qui englobe la signature manuscrite et la signature électronique.
Un décret en Conseil d'Etat déterminera les conditions de fiabilité de la signature électronique.
La commission des lois élargit le dispositif proposé, puisqu'elle souhaite que soient admissibles comme preuve des actes authentiques établis et conservés sur support électronique.
A noter - il convient de le rappeler au risque de n'être pas parfaitement compris - que, pour les actes authentiques, cette modification ne remet pas en cause le principe de comparution des intéressés devant l'officier public. J'indiquerai pour mémoire que cette comparution permet de vérifier le consentement des intéressés à l'acte.
La commission propose également de définir le statut de la signature électronique de l'officier public.
Enfin, la commission prévoit que la force probante des actes établis sur support électronique est subordonnée à des conditions de validité. Cette dernière modification devrait permettre au juge d'apprécier les conditions de la validité, sans pour autant poser le principe d'une supériorité probante du document écrit sur le document électronique.
Ce projet de loi, au contenu très novateur, devrait permettre de consolider l'assise du document électronique dans notre dispositif de preuve.
Pour autant, peut-on en déduire que l'ensemble des problèmes soulevés par le document électronique sont ainsi gommés. Ce serait aller un peu vite !
Sur le terrain de la conservation des documents, par exemple, nul ne peut dire aujourd'hui la durée de conservation d'un document électronique. En outre, du fait même de l'évolution technologique, les logiciels de demain pourront-ils déchiffrer les documents vieux de plusieurs dizaines d'années ?
La suspicion engendrée par le document électronique se nourrit de ce type de questions qui restent trop souvent sans réponse pour ceux de nos concitoyens qui ne sont pas férus d'informatique.
Un autre aspect inquiétant, pour nombre de ceux qui pratiquent un peu les transactions électroniques, tient à l'irréversibilité des manipulations informatiques.
Qui n'a jamais, en utilisant un logiciel de messagerie électronique, envoyé un message par erreur ?
A cet égard, ne conviendrait-il pas, madame le garde des sceaux, monsieur le ministre, de doter le commerce électronique des mêmes garanties que celles qui sont prévues par le droit commun des transactions commerciales, à savoir la possibilité pour l'acheteur de se rétracter dans un délai raisonnable ?
La signature électronique pose quant à elle question et nous souhaiterions savoir quelles seront les orientations de notre pays en la matière.
En effet, les Etats-Unis confient à des opérateurs privés le soin de jouer le rôle de tiers de certification.
La gestion des clefs de certification demande des compétences particulières. En outre, dans l'optique d'une croissance considérable des transactions via le réseau Internet, tout individu devra, dans un futur proche, utiliser un tel procédé. C'est pourquoi nous considérons, pour notre part, que la gestion des clefs de certification de signature électronique devrait ressortir à la compétence publique.
L'enjeu de la démocratisation d'Internet passe par la création de ce nouveau type de service public. De plus, la certification est une chose trop importante pour que son crédit puisse être remis en question. Pour cette raison, elle ne peut être confiée au secteur marchand.
Pourquoi ne pas imaginer, par exemple, une agence nationale de certification chargée de l'administration des clefs de certification, à l'instar de l'Autorité de régulation des télécommunications, en charge de réguler ce dernier secteur ?
Cette démarche serait de nature à rassurer les signataires électroniques et permettrait à chacun de posséder, moyennant une contribution modeste perçue sous forme de redevance, une signature électronique labellisée par le service public.
Comme je l'indiquais au début de mon intervention, l'entrée pleine et entière de la signature électronique et du document électronique dans notre code civil, rendue nécessaire aujourd'hui, ne permettra pas de lever bien des incertitudes en matière de document électronique.
Pour autant, le texte qui nous est proposé nous paraît, pour peu que l'on éclaircisse la question des tiers de certification, équilibré et adapté aux évolutions à venir de la technologie.
Nous serons, pour notre part, attentifs au décret qui permettra de définir la fiabilité d'une signature électronique.
Compte tenu de ces réflexions, les membres du groupe communiste républicain et citoyen adopteront le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la signature électronique que nous discutons aujourd'hui est une étape importante, je dirai même essentielle, de l'entrée de la France dans la société de l'information.
Depuis la publication du rapport établi au nom de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, au début de 1997, rapport que j'avais intitulé La France dans la société de l'information : un cri d'alarme et une croisade nécessaire, car nous étions très en retard malgré l'habitude du minitel, une prise de conscience importante a eu lieu, notamment au sein du Sénat, cela a été rappelé, mais aussi de la part des gouvernements qui se sont succédé, en particulier de l'actuel gouvernement.
Les effets économiques, culturels et politiques sont immenses. C'est dans une nouvelle ère que l'humanité est en train d'entrer, à une vitesse qui paraît à beaucoup excessive et qui inquiète, et qu'il convient de maîtriser.
Le problème que nos évoquons aujourd'hui peut paraître très technique à un double titre : sur le plan juridique et sur le plan informatique. Il s'agit, d'une part, de techniques juridiques complexes, liées à des choses très anciennes - l'échange, le contrat, la preuve de volonté des partenaires, les actes écrits, dont l'ancienneté est attestée par l'archéologie... - qui recouvrent de nombreux aspects concernant la preuve, la volonté - point qui a été abondamment évoqué. Il s'agit, d'autre part, de l'irruption de la numérisation, qui permet le transport, le stockage, la gestion à distance, parfois la manipulation de textes, de données, d'images et de sons à la vitesse de la lumière, sur les ondes ou dans des fibres, dans le monde entier, instantanément.
D'un point de vue technique, ce n'est pas simple. Cela nécessite des contrôles. Compte tenu des possibilités d'intrusion par des hackers, il faut adapter la technologie. Cet aspect technique transparaît aussi bien dans la présentation du projet de loi que dans les analyses qu'en a faites M. le rapporteur.
La présentation par M. le ministre des relations avec le Parlement de votre projet de loi, madame la ministre, a bien démontré l'importance stratégique de cet aspect très technique. L'excellent rapport de notre collègue Charles Jolibois, caractérisé par la rigueur, le sérieux et l'esprit d'ouverture qui président toujours aux travaux du Sénat, me paraît exemplaire. Avec brio, M. le rapporteur a montré qu'il est d'accord, fondamentalement, avec l'ensemble du texte et de son esprit, et il a suggéré une audacieuse extension.
Avec sérénité, il a même démontré qu'il s'agissait non pas d'une modification de fond de notre code civil, mais d'une précision sur l'adaptation de la notion d'écrit à la modernité de l'écrit numérique, laissant à des décrets ou circulaires les nécessaires adaptations que l'évolution irréversible des techniques, qui galopent toujours, rendront inéluctables.
Depuis 1997, une loi en Allemagne et un décret en Italie existent sur cette question.
La signature digitale allemande a, selon moi, indiscutablement permis à l'Allemagne de rattraper une partie du retard qu'elle avait par rapport à d'autres pays, notamment la France, où la pratique du minitel, qui est très développée, a entraîné un chiffre d'affaires non négligeable dans le domaine de ce que l'on appelle le e.business.
Madame la ministre, vous avez préparé le présent projet de loi avant la signature à Bruxelles de la directive européenne. Ce texte est d'abord examiné par le Sénat. Nous vous en sommes très reconnaissants car, comme cela a été indiqué à différentes reprises, le Sénat a toujours souhaité - M. le président vient de le rappeler - être un modèle en ce domaine.
Il s'agit d'un texte essentiel.
Je n'insisterai pas sur l'importance, en matière de développement durable, d'emploi et d'aménagement du territoire, des nouvelles technologies de l'information et de la communication, et sur la généralisation de leur pratique.
On sait que la transversalité de ces techniques rend leur usage indispensable dans tous les secteurs de l'industrie, du commerce et des services. Outre les industries de logiciels, des matériels et des télécommunications, certes très importantes, sont également concernés tous les usages, donc tous les emplois. Nous le savons tous, du fait de l'avènement de ces nouvelles technologies, des millions d'emplois seront détruits ou modifiés dans le monde entier, et des emplois, en nombre supérieur peut-être, seront créés. Votre projet de loi, madame la ministre, permettra qu'ils soient créés aussi, et surtout, dans notre pays.
Dans notre impatience, quelques amis et moi-même avons voulu montrer que, en l'occurrence, le train de sénateurs était un TGV. (Sourires.) Nous avons préparé une proposition de loi n° 114, qui vise à généraliser, dans l'administration, l'usage de l'internet et des logiciels libres. Ne pouvant obtenir une discussion conjointe de ce texte avec les propositions de loi que nous examinons aujourd'hui, nous avons préparé des amendements à votre projet de loi pour montrer, en particulier à nos collègues de l'Assemblée nationale, ce qui pourrait être fait pour que l'administration montre véritablement l'exemple et soit un moteur puissant pour moderniser la France.
La nouvelle économie se caractérise non seulement par la création de nouvelles entreprises, nombreuses, petites, liées à Internet, mais aussi et surtout par une rapidité d'action. Quand on demande à des petites sociétés telles que j'en connais, notamment à Sofia-Antipolis, en assez grand nombre, ce qui leur importe le plus, elles répondent : « Désormais, nous trouvons les capitaux que nous voulons. En revanche, notre environnement n'est pas habitué à réagir avec la rapidité nécessaire. En particulier, nous avons le sentiment que les administrations et les collectivités locales ne réagissent pas avec la même rapidité que celle que nous impose la concurrence internationale. Nous vivons à un rythme qui nous est imposé par nos amis californiens ou japonais. Or nous avons le sentiment qu'une partie de l'administration ne nous aide pas. »
C'est la raison essentielle pour laquelle nous avons estimé, madame la ministre, qu'il était utile de développer en même temps une action incitative forte auprès de l'administration. Certes, vous allez probablement me rétorquer que M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie prépare actuellement un projet de loi sur l'introduction de la France dans la société de l'information. Mais nous avons tenu à montrer dans quelle direction nous pourrions aller, par exemple en demandant que les administrations, les collectivités locales, puissent utiliser la messagerie électronique pour communiquer entre elles, et que cette messagerie puisse être systématiquement utilisée s'agissant des appels d'offres pour les marchés publics.
Nous avons même voulu aller plus loin en considérant qu'il faudrait, au fond, que l'utilisation de la messagerie soit systématique, dans la mesure où il en découlerait une grande transparence, y compris sur le plan des relations entre les administrations, les collectivités locales, d'une part, les citoyens, d'autre part, la généralisation de l'usage des messageries électroniques entraînant, en effet, une transparence très forte.
Nous avons d'ailleurs expérimenté cette transparence dans la préparation de notre proposition de loi : ayant mis cette dernière sur Internet, comme c'est maintenant assez largement le cas au Sénat, nous avons obtenu plus de 1 400 contributions, pour la plupart très intéressantes ! C'est dire qu'une nouvelle forme de démocratie s'instaure grâce à l'utilisation systématique d'Internet.
C'est la raison pour laquelle je défendrai un certain nombre d'amendements sur ce projet de loi, qui, au demeurant, recueille l'assentiment unanime du groupe du RDSE. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Marc.
M. François Marc. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, nul ne peut nier que la France est à présent bien ancrée dans la société de l'information : on comptera, en effet, près de 10 millions d'internautes dans notre pays à l'horizon 2001 ; l'industrie française des technologies de l'information et des communications est au quatrième rang mondial en termes de chiffre d'affaires et représente d'ores et déjà plus de 5 % du PIB français.
Le Gouvernement, par une politique volontariste menée depuis deux ans, a largement encouragé et accompagné ce mouvement.
Si l'entrée dans la société de l'information est acquise, son emblème, l'Internet, pose avec acuité la question de sa régulation juridique. Le développement des supports numériques entraîne en effet des problèmes nombreux et nouveaux que les cadres juridiques actuels ne peuvent toujours résoudre. C'est à ce stade que la loi doit jouer son rôle.
La mise en place de lois, de normes juridiques, trouve sa justification dans la nécessité d'encadrer la vie en société, afin d'assurer l'effectivité des droits et libertés mais aussi des obligations de chacun.
Or, les sociétés sont, par définition, en constante évolution, et, en toute logique, les normes juridiques doivent suivre ces évolutions, permettre d'encadrer les situations nouvelles. L'entrée dans l'ère numérique est une évolution majeure pour nos sociétés ; nos cadres juridiques doivent, en conséquence, l'appréhender de façon optimale.
Face à ce constat, de nombreux pays ont déjà adapté leur droit au nouveau contexte de dématérialisation des échanges ; les Etats-Unis s'emploient à poser des normes juridiques pour riposter à la multiplication des conflits d'intérêts nés des transactions électroniques.
En définitive, en France comme ailleurs, on doit admettre que la dématérialisation des échanges impose une mutation des règles juridiques. Le projet de loi sur la signature électronique propose à ce titre une évolution essentielle et nécessaire de notre droit ; il n'est cependant qu'un des volets d'une grande réforme visant à encourager autant qu'à encadrer le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication.
Afin de mieux comprendre le cheminement ayant conduit au projet de loi que nous étudions aujourd'hui, il semble intéressant de se référer à l'analyse que la commission des Nations unies pour le droit commercial international a entamée - il faut le rappeler - dès 1985 et qui a abouti, en 1996, à l'adoption d'une loi type sur le commerce électronique.
Cette commission des Nations unies est, en fait, la première organisation à s'être interrogée sur les implications du développement des transactions électroniques.
Elle s'est appuyée sur un double constat qui peut être très facilement transposé à notre contexte national.
Tout d'abord, dans un certain nombre de pays, la législation régissant les communications et l'archivage de l'information est inadaptée ou dépassée, car elle n'envisage pas le recours au commerce électronique. Dans certains cas, la législation impose directement ou indirectement des restrictions à l'utilisation des moyens modernes de communication, par exemple en prescrivant l'emploi de documents « écrits », « signés » ou « originaux ». Il fallait, tout d'abord, reconnaître la valeur juridique des opérations électroniques.
Par ailleurs, outre leur reconnaissance, il semblait nécessaire d'assurer la sécurité juridique de ces opérations afin de permettre l'utilisation la plus large possible du traitement automatique de l'information dans le commerce international.
Face à ce double constat, la commission des Nations unies a conclu à la nécessaire adaptation du droit civil et commercial au développement du commerce électronique et a ainsi réexaminé les exigences légales à la valeur probatoire des enregistrements électroniques.
La loi type de 1996, découlant de ces conclusions, a ainsi permis d'offrir aux législateurs nationaux un ensemble de règles permettant de surmonter un certain nombre de ces obstacles et de créer un environnement juridique plus sûr pour le commerce électronique.
Ce constat démontre, s'il est besoin, l'obsolescence du droit civil et commercial français.
Il faut en effet rappeler que les dispositions du code civil sur la preuve ont été rédigées en 1803, exploitées en 1804, à une époque où le papier était le seul support utilisé pour constater l'existence et le contenu des contrats et pour en faire la preuve.
Le cadre juridique a depuis lors - il faut l'avouer - assez peu évolué et repose en résumé sur deux règles bien connues : d'une part la preuve réglementée du code civil, l'article 1341 dudit code exigeant une preuve écrite préconstituée de l'acte juridique lorsque l'obligation a une valeur égale ou supérieure à 5 000 francs ; d'autre part, la preuve libre du commerce, l'article 109 du code du commerce disposant que, « à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi. »
Aucune disposition ne permet donc de statuer clairement sur la validité des supports électroniques. Il appartient en ce sens au juge de définir au cas par cas la force probatoire des documents.
Depuis quelques années, on assiste cependant à une inflexion de cette conception à travers différents textes : la loi du 11 février 1994 a ainsi ouvert aux entreprises la possibilité de remplacer des décisions écrites par un message électronique équivalent ; le décret du 2 février 1999 a permis la mise en ligne de formulaires administratifs.
Il s'agissait là de premiers pas tout à fait opportuns.
Mais, malgré ces évolutions, les incertitudes du droit civil actuel ont justifié une réforme législative afin que la sécurité juridique nécessaire au développement des transactions électroniques soit pleinement assurée.
Le gouvernement français, conscient du retard de notre pays, a souhaité, par une démarche volontariste, se mettre en cohérence avec les chantiers internationaux et communautaires.
Le projet de loi sur la signature électronique que vous nous soumettez, madame la ministre, est ainsi un enjeu essentiel pour adapter notre droit à la dématérialisation des échanges. Ce texte vise à faire entrer le droit de la preuve, confronté au progrès technique, dans l'ère des nouvelles technologies. Encadrées par la loi, les transactions électroniques seront ainsi gagées de confiance, ce qui sera sans conteste un moteur de croissance du commerce électronique.
Comme cela nous a été rappelé tout à l'heure, le projet de loi procède en deux étapes pour reconnaître juridiquement la force probatoire du document électronique.
Dans un premier temps, il nous est proposé de modifier la notion de preuve littérale ou par écrit afin d'y inclure le document électronique.
Il eût été possible de conférer à la preuve électronique un statut d'exception, et donc d'infériorité par rapport à la preuve littérale classique. Le projet de loi s'est voulu plus ambitieux. Il n'a pas voulu faire de la signature électronique une « sous signature ».
L'innovation majeure que vous proposez consiste donc à redéfinir la preuve littérale afin de la rendre indépendante de son support.
Dans la lecture actuelle de l'article 1341 du code civil, la preuve par écrit est inhérente à son support : la preuve littérale est définie comme désignant une écriture apposée sur un support tangible. Cette assimilation entre support matériel et preuve littérale ne permettait donc pas jusqu'à présent d'identifier des transactions informatiques comme étant des actes sous seing privé ou des actes authentiques.
De ce fait, même si la jurisprudence a eu historiquement une interprétation large de l'écrit, les supports virtuels n'ont cependant jamais été considérés comme des supports conférants une force probatoire aux documents.
Ainsi, le projet de loi résout un premier problème lié au développement des transactions électroniques en élevant les documents électroniques au rang de preuve littérale. Lorsque ce document est signé et qu'il aura été préétabli spécialement pour constater un acte générateur de droit et d'obligations, il aura donc valeur instrumentaire et pourra être allégué d'une force probante équivalente à l'acte sous seing privé ou à l'acte authentique. En cas de conflit entre preuves littérale et électronique, le législateur confère enfin au juge le soin de statuer sur un pied d'égalité laquelle est la plus vraisemblable.
Le second volet du projet de loi tend, quant à lui, à une reconnaissance de la valeur probatoire de la signature électronique, pendant nécessaire à la probité des écrits électroniques.
Dans son acceptation traditionnelle, la signature consiste dans l'apposition manuelle d'une marque distincte destinée à s'approprier le contenu d'un acte.
Déjà, la jurisprudence avait admis la validité des conventions portant sur la signature électronique en matière de paiement par carte bancaire, par exemple.
Le projet de loi dont nous sommes saisis franchit une nouvelle étape en reconnaissant la validité juridique de tout procédé de signature électronique fiable, tout en faisant bénéficier certaines signatures de présomption de fiabilité.
Ce second volet adapte ainsi par anticipation la directive européenne, adoptée le 29 novembre 1999, proposant un cadre commun pour les signatures électroniques.
Ce projet de loi révolutionne, par conséquent, le droit de la preuve en le faisant entrer dans l'ère numérique.
Son approche générale ne lui donne cependant pas vocation à résoudre toutes les questions juridiques nées des transactions électroniques, très nombreuses au demeurant.
Trois questions semblent, à ce titre, fondamentales : la pertinence de la différenciation entre l'écrit et l'oral ; la question de l'intelligibilité, de la durabilité des écrits électroniques et la question de l'intégrité des écrits électroniques.
Tout d'abord, concernant la redéfinition de la preuve littérale, beaucoup d'experts s'interrogent sur la validité de la disctinction entre écrit et oral.
On peut aujourd'hui, en effet, numériser facilement des messages oraux ; seront-ils reconnus au même titre que les écrits électroniques ? La loi laisse penser que oui, mais qu'en sera-t-il lors de conflit entre preuves ?
Par ailleurs, la question de l'intelligibilité de l'écrit électronique, de son intégrité et de sa durabilité se pose, elle aussi, avec acuité. Qui nous dit, par exemple, que disquettes et cédéroms ne seront pas totalement obsolètes dans dix ans ?
Le projet de loi stipule que la probité de l'écrit électronique sera conditionnée à un mode d'établissement et de conservation de nature à en garantir l'intégrité. Cette difficulté a donc été prise en compte, et il appartiendra au pouvoir réglementaire d'en assurer l'effectivité.
Enfin, la dernière question fondamentale est celle de la fiabilité des écrits électroniques. Comment reconnaître la fiabilité d'un document électronique lorsque l'on sait que les pirates informatiques font preuve de toujours plus d'ingéniosité pour détourner les systèmes de sécurité ?
Cette exigence de fiabilité est prise en compte dans le projet de loi. Il appartiendra, ici aussi, au pouvoir réglementaire d'en définir l'application concrète. C'est en effet par décret que les critères de fiabilité seront définis, et ce en fonction des évolutions technologiques. C'est une condition nécessaire à la sécurité juridique des transactions qui n'a pas été oubliée. En ce sens, le Gouvernement s'inspirera bien entendu des critères déterminés par la directive européenne.
Les questions que suscite cette évolution de notre droit sont, par conséquent, riches et multiples. Elles sont également incontournables, car elles conditionnent l'entrée effective de notre pays dans l'ère du numérique.
Le Gouvernement a insufflé une nouvelle portée au droit de la preuve. Il est certain que c'est avec la même volonté et la même rigueur qu'il sera très prochainement conduit à donner une coloration concrète à cette loi.
Par ailleurs, n'oublions pas que l'adaptation du droit de la preuve aux NTIC, les nouvelles technologies de l'information et de la communication, n'est qu'un élément de la réforme globale engagée par le Gouvernement afin d'assurer l'entrée de la France dans la société de l'information. Lionel Jospin a en effet rappelé, lors de l'université d'été de la communication à Hourtin, le devoir de la France d'engager l'adaptation de son cadre législatif à la société de l'information.
Cette nécessité s'est traduite par la mise en place d'une réforme de grande ampleur afin de mettre notre droit en cohérence avec les évolutions technologiques.
Par le présent projet de loi, le Gouvernement respecte ses engagements, et d'autres projets sont d'ailleurs annoncés.
Cette réforme globale a été engagée sur la base d'une démarche interministérielle et a donné lieu à une consultation publique afin de prendre en considération les attentes et les préoccupations des acteurs, tant publics que privés. Voilà qui atteste de la volonté de concertation dont fait preuve le Gouvernement.
Les réponses aux exigences du temps présent devront s'organiser autour de trois axes majeurs : il importe d'abord d'assurer la liberté des communications en ligne en clarifiant les droits et responsabilités de chacun ; il s'agit ensuite de favoriser l'accès du plus grand nombre aux réseaux des nouvelles technologies de l'information ; enfin, sachant que le développement des NTIC entraîne une dématérialisation croissante des échanges, la sécurité juridique des acteurs devra être assurée par la sécurité et la loyauté des transactions en ligne.
Certains éléments constitutifs de cette réforme ont été d'ores et déjà traités dans des textes distincts.
Le projet de loi sur les signatures électroniques que vous nous soumettez aujourd'hui est le premier volet de ce mouvement législatif. Il permettra d'assurer la loyauté et la sécurité des transactions en ligne, gage de développement du commerce électronique.
Un avant-projet de loi sur la protection des données à caractère personnel est en cours de réalisation, afin de transposer une directive communautaire relative à la protection des données personnelles impliquant la modification de la loi de 1978, dite « Informatique et libertés ».
Enfin, un projet de loi plus global sur la société de l'information viendra compléter cette réforme. Cette dernière pierre du dispositif devra concourir à une meilleure prise en compte de trois préoccupations fondamentales : la liberté de communication, la sécurité des transactions électroniques et la protection des contenus et des droits d'auteur.
Ainsi, on ne peut évaluer la portée du projet qui nous est soumis aujourd'hui indépendamment de son intégration dans un mouvement législatif de grande ampleur.
Madame la ministre, le projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui est, en résumé, une première pierre posée à un édifice beaucoup plus ambitieux. Il a pour objectif de reconnaître la valeur juridique des outils utilisés dans le monde virtuel, à savoir l'écrit et la signature électroniques, pour réaliser des transactions. La sécurité juridique des transactions en ligne ainsi assurée permettra, sans nul doute, de conforter le développement du commerce électronique.
Le groupe socialiste se félicite de la volonté de réforme ainsi concrétisée par le Gouvernement, auquel il apportera tout son soutien pour ce projet de loi qui participe pleinement de l'ancrage de la France dans l'ère du numérique. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Lambert.
M. Alain Lambert. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, que peut-on ajouter sur ce sujet après tant de propos savants et d'interventions de qualité ?
Pour ma part, je commencerai par dire combien j'ai apprécié le travail mené par Charles Jolibois, notre rapporteur, et par la commission des lois : le rapport qui nous est présenté nous éclaire sur les enjeux d'un texte qui nous ouvre des voies, des perspectives, et qui doit permettre à notre droit de s'adapter aux évolutions de notre environnement technologique mais aussi international.
Le texte qui nous est soumis peut paraître « aride » - c'est le mot utilisé par M. Vaillant tout à l'heure - mais, au fond, lorsqu'on y songe, il porte sur un élément essentiel de la vie en société puisqu'il traite de la confiance. Or, sans confiance, il n'y a ni échanges ni progrès économique ; sans confiance, il n'y a ni paix ni concorde entre les hommes dans leur vie contractuelle. C'est dire si ce texte nous appelle à une vue élevée et à un sens aigu des responsabilités.
Je fais miennes les approches de M. le rapporteur et je me contenterai donc de souligner certains des aspects les plus importants du texte qui nous est soumis.
Le premier de ces aspects concerne la prééminence de l'écrit. Personnellement, je considère que cet élément est essentiel. Il ne faut pas qu'il y ait le moindre brouillage du message : j'affirme la nécessité de la prédominance de la preuve par écrit.
Tout autre est la question du support de l'écrit. Il est vrai, vous l'avez très bien dit, monsieur le rapporteur, qu'une assimilation s'est opérée, au fil du temps, entre l'écrit et son support traditionnel, le papier. Mais rien n'oblige - j'allais dire : au contraire - à rester rivé sur cette confusion qui priverait l'écrit de toutes les avancées technologiques.
Je suis de ceux qui pensent qu'un écrit doit être juridiquement défini séparément de son support en toutes circonstances, afin, précisément, de donner à cet écrit les meilleures chances d'avenir. Voilà qui me conduit à me prononcer de manière solennelle pour une égalité parfaite entre le support électronique et le support papier. Toute autre solution intermédiaire risquerait de marginaliser notre droit de la preuve, qui mérite de rester un modèle pour le monde plutôt qu'un repoussoir.
L'importante question de la fiabilité du support doit naturellement retenir l'attention du pouvoir réglementaire, dont elle relève, mais elle ne saurait entretenir dans la loi la moindre confusion entre l'écrit lui-même et son support. Or, à la lecture d'un texte, on s'aperçoit que, au hasard d'un mot, on confond écrit et support. Le projet de loi vient donc à propos, puisqu'il définit la preuve littérale - que vous avez voulu également définir comme preuve par écrit - en la rendant tout à fait indépendante de son support.
S'agissant, en revanche, du point d'insertion dans le code civil de ce support électronique, il est vraiment indispensable - et je crois que vous avez bien fait de modifier le texte à cet égard - de ne laisser s'introduire aucune confusion entre support et acte : le support n'est qu'un support, il n'est pas un acte juridique, qu'il soit d'ailleurs un suppport électronique ou un support papier.
M. le rapporteur a bien voulu prendre en compte ces données en prévoyant que l'acte authentique pourra être dressé sur support électronique. Je lui en rends hommage : sa position marque bien que le support reste sans effet sur les actes juridiques, qu'ils soient publics ou privés.
S'agissant de la définition générale de la signature et de la reconnaissance de celle-ci, je veux aussi souligner que le rapporteur et la commission ont eu raison de proposer d'insérer ces dispositions dans la définition générale des actes, autrement dit de prévoir que cette définition ne soit pas différente selon la nature de l'acte, qu'il soit authentique ou sous seing privé, qu'il s'agisse d'un support électronique ou d'un support papier.
J'entendais tout à l'heure M. le ministre dire que nous serait proposée une définition de la signature électronique. Il me semble, personnellement, souhaitable - mais nous pourrons en reparler à l'occasion de la discussion des articles - que la signature ne connaisse qu'une définition dans notre droit.
M. le rapporteur pose une autre question supérieurement intéressante : faut-il accorder à la signature manuscrite une valeur supérieure à celle de la signature électronique ? Comme il le sait, personnellement, je ne le recommande pas, car je préfère affirmer en tout point l'égalité entre support papier et support électronique.
Vous avez indiqué, devant la commission des lois, que vous ne faisiez pas ce choix dans la mesure où « il aurait été contraire au droit communautaire » ; mais je perçois comme une forme de regret sous votre habile plume et je souhaite contribuer à atténuer, peut-être, ce regret en vous disant que, personnellement, j'ai été souvent consterné par le caractère absolument dérisoire des mentions manuscrites qui sont parfois exigées pour parfaire le consentement d'un contractant.
Dans la réalité, telle qu'elle est vécue sur le terrain, le manuscrit n'apporte aucune sécurité au contractant. Parfois, bien au contraire, ce dernier écrit de sa main une formule absconse qui protège son vis-à-vis plus que lui-même. La vraie supériorité, pour apprécier la plénitude d'un consentement et le fait que la partie qui s'engage a parfaitement mesuré la portée de son engagement, résulte dans la présence au contrat d'un tiers qui engage sa propre responsabilité sur la validité de ce consentement.
Cette importante question n'est pas traitée par le présent texte, mais elle le sera lors de la transposition de la directive sur le commerce électronique. Je souhaitais cependant profiter de l'occasion qui nous est offerte aujourd'hui pour dire, d'ores et déjà, mon étonnement de voir souvent le législateur moderne que nous sommes, dans son ardente volonté de protéger le consommateur, se donner bonne conscience en le bardant d'une batterie d'instruments sans effets réels pour sa sécurité, mais dont il ne manque pas, malheureusement, de supporter le coût.
J'en termine avec la distinction faite dans l'exposé des motifs entre valeur ad solemnitatem et valeur ad probationem pour réaffirmer que, si le support est indépendant de l'acte, il n'y a pas lieu de distinguer entre ces deux écrits. Sans doute convient-il plutôt de s'interroger sur le point de savoir si l'écrit électronique signifie, dans l'esprit de ceux qui utilisent ce vocable, qu'il s'agit d'un écrit signé à distance ! Ce que, pour ma part, je réfute puisque, dans l'état actuel de la technologie utilisée pour le traitement de texte, le support électronique précède presque toujours le support papier, de sorte que l'écrit papier n'est le plus souvent que l'édition d'un document élaboré et conservé sur suppport électronique. Dès lors, rien n'interdit de penser que se généralisera demain l'écrit électronique signé non à distance mais en présence des contractants.
On ne peut traiter la question de l'écrit électronique sans évoquer, même d'un mot, la question de sa conservation. Vous l'avez souligné à juste titre, monsieur le rapporteur, il est parfois étonnant d'observer les experts débattre de techniques toutes plus sophistiquées pour garantir la pérennité du support électronique sans jamais s'interroger sur ceux qui auront en charge sa conservation afin d'en faire la représentation à tout moment, et dans la durée.
Je pense que les choix faits par notre commission des lois vont nous permettre d'introduire dans notre code civil des éléments essentiels pour assurer à l'écrit un grand avenir. En effet, ce dernier est sans doute le gage de la sécurité juridique de nos contemporains et de la confiance qui permet à la fois le développement économique et la paix entre les hommes. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur les travées du RDSE et sur certaines travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
M. Jean-Léonce Dupont. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, l'avènement d'Internet n'est pas un long fleuve tranquille. Il s'apparente plutôt à un véritable raz-de-marée technologique qui emporte tout sur son passage et fait chavirer nos certitudes économiques, juridiques et culturelles.
Choc des titans, qui voit des entreprises que l'on croyait invincibles se faire absorber à coups d'OPA et de centaines de milliards de dollars ou d'euros !
Choc des cultures, qui voit la nouvelle économie imposer ses valeurs et le monde s'ouvrir à une concurrence sans limites !
Choc des valeurs, qui voit des principes juridiques centenaires remis en cause en quelques années, voire en quelque mois.
Tout va très vite, ... trop vite, penseront certains !
Le phénomène est planétaire. Rien ni personne ne semble pouvoir échapper à la révolution des technologies de l'information et de la communication.
Dans ces conditions, on peut s'interroger sur l'utilité de légiférer en la matière, tant sont différentes l'unité de temps parlementaire et l'unité de temps technologique. Une loi risque d'être dépassée avant même d'être définitivement adoptée.
Légiférer pour quoi ? Légiférer sur quoi ?
Que nous le voulions ou non, nous sommes contraints d'accompagner le mouvement général, sauf à céder à une « tentation albanaise », dont nous connaissons par avance les conséquences.
L'enjeu est en effet majeur pour nos entreprises et pour nos emplois, donc pour tous les Français.
L'émergence et le développement rapide de nouvelles technologies de communication conduisent à une révolution des circuits et des méthodes de distribution et de vente.
Ainsi, le commerce électronique via Internet et les réseaux d'échange de données informatisées représente pour la France un chiffre d'affaires estimé, en décembre 1999, à 1 300 millions de francs.
La Commission européenne estime que le chiffre d'affaires pour l'Europe pourrait atteindre 340 milliards d'euros en 2003.
La France ne peut, naturellement, rester à l'écart de ce virage économique, qui s'annonce aussi majeur que la révolution industrielle. Nous avons le devoir d'adapter notre législation à la nouvelle donne économique.
Or, le commerce électronique se caractérise par la dématérialisation des échanges et, par voie de conséquence, impose une adaptation globale du droit.
Cela concerne aussi bien le droit des contrats que le droit fiscal, le droit de la consommation ou celui de la propriété intellectuelle.
Le projet de loi présenté aujourd'hui au Sénat apporte une pierre au nouvel édifice juridique.
Il procède à une adaptation du droit de la preuve, en intégrant l'écrit électronique parmi les documents littéraux admis en droit français comme mode de preuve.
Il reconnaît à cet écrit la même valeur probante que l'acte sous seing privé sur support papier, lorsque celui-ci satisfait à un certain nombre de conditions techniques permettant d'identifier de façon certaine son auteur et de s'assurer que l'acte ne peut pas être altéré.
Enfin, il définit la signature électronique comme une des réponses au besoin de sécurisation des échanges et des biens immatériels.
L'objet de ce texte ne pose pas, en soi, de problème. La législation en la matière est attendue, notamment par les professionnels.
Toutefois, ce projet de loi est limité dans sa portée et par le contexte dans lequel il s'inscrit.
Le texte est tout d'abord limité dans sa portée, car il se contente de poser des principes et renvoie à des décrets pour ce qui est des modalités techniques de sécurité.
Or, la sécurité constitue un enjeu essentiel tant pour les consommateurs que pour les prestataires de services. Comme le rappelait M. Lambert, elle est à la base d'une confiance mutuelle qui conditionne le développement futur du commerce électronique : sans sécurité, les consommateurs hésiteront à utiliser leur carte de crédit sur Internet ou à communiquer des informations personnelles ; sans assurance, des entreprises refuseront de commercialiser leurs produits sur les réseaux.
La fiabilité du nouveau dispositif juridique dépend donc largement de celle du dispositif technique. Or, tout est loin d'être réglé.
Malgré la belle assurance dont font preuve beaucoup d'informaticiens, l'actualité fourmille d'exemple de systèmes de sécurité piratés, « cassés », contournés, biaisés.
La cryptologie fait l'objet d'une rude compétition entre les entreprises spécialisées dans ce domaine, toujours à la recherche de nouveaux perfectionnements des systèmes.
Mais cette cryptologie doit aussi subir la compétition de ceux qui cherchent à en percer les secrets, pour des raisons plus ou moins avouables.
Pour illustrer mon propos, je rapporterai juste l'exemple suivant : il y a quinze jours, une grande entreprise française a subi une tentative de déstabilisation via Internet. Elle consistait à envoyer de faux messages électroniques compromettants prétendument échangés entre les cadres de cette société.
La sécurité des données et l'authentification de leurs auteurs sont donc un enjeu majeur non seulement pour le commerce électronique mais pour l'ensemble des informations transmises sur les différents réseaux de communication.
La désinformation peut, en effet, faire des dégâts d'autant plus importants qu'une fausse nouvelle peut faire le tour de la planète en quelques secondes. C'est une « arme » particulièrement efficace, car il est souvent difficile de prouver qu'il s'agit d'un faux. Ou alors il est trop tard, car le mal est déjà fait, et nous savons que la rumeur informatique a déjà fait des victimes.
La douce expression d'« intelligence économique » laisse entrevoir l'âpreté croissante des rapports entre les différents acteurs en raison du développement exponentiel des nouvelles technologies.
On comprend donc l'enjeu considérable que représente pour les sociétés le souci de se protéger. La sécurité des données est un combat permanent et probablement sans fin. Il y a là, à mon sens, un vrai problème, sur lequel je veux insister.
L'informatique est une science exacte, mais elle ne le reste pas longtemps. A ce sujet, je m'interroge sur les conditions de conservation des documents électroniques. La durée de conservation des actes est de dix ans en matière commerciale et de trente ans en matière civile.
M. Charles Jolibois souligne fort justement dans son rapport que la conservation des moyens de preuve sur support électronique pose le problème de l'inégalité entre les parties. Elle risque, en effet, d'être unilatérale, seuls les professionnels disposant des moyens techniques d'archiver les documents électroniques sur une longue durée, c'est-à-dire celle de la prescription.
En raison de l'évolution très rapide des techniques, il est difficile de garantir que l'intéressé disposera bien, au moment voulu, des interfaces logicielles et matérielles requises pour accéder simplement à la lecture du document sur support électronique établi dix ans plus tôt.
Je m'interroge, pour ma part, sur un autre risque, lui aussi lié à l'évolution galopante de la technologie.
La cryptologie s'apparente à une course de vitesse. Grâce à des moyens considérables, il est possible que les systèmes de protection gardent une longueur d'avance sur leurs « poursuivants ». Mais qu'en est-il d'un document électronique conservé pendant plusieurs années ? Comment, en effet, garantir l'inviolabilité d'un acte protégé à l'aide d'un logiciel de cryptologie conçu il y a cinq ou dix ans, et donc, par définition, totalement dépassé ?
J'aimerais savoir si le Gouvernement a étudié cet aspect du problème.
De manière plus générale, madame le garde des sceaux, j'attire votre attention sur la vigilance dont vous devrez faire preuve lors de l'élaboration des décrets qui fixeront les conditions de fiabilité de la signature électronique. La confiance dans les réseaux est en effet indispensable au bon développement des transactions électroniques. Or, la sécurisation doit s'effectuer sur deux tableaux : normatif et technique. L'un ne doit pas aller sans l'autre.
La seconde limite de ce projet de loi est, évidemment, son caractère national.
Nous savons tous que le commerce électronique ignore les frontières. Une législation purement nationale serait inadaptée à un média mondial et, par voie de conséquence, largement inopérante. Dans ces conditions, l'avenir du commerce électronique dépend principalement d'une harmonisation de la législation sur le plan international.
L'Europe s'est déjà attelée à cette tâche, comme l'a rappelé notre rapporteur. De même, malgré Seattle, les négociations sur le commerce électronique ont repris au sein de l'Organisation mondiale du commerce.
A ce sujet, je veux souligner la nécessité qu'il y a à ne pas entraver la liberté qui est à la base du développement d'Internet. Il ne faudrait pas qu'un excès de régulation étouffe un marché source de croissance et d'emplois pour l'avenir.
Le cadre juridique des nouvelles technologies de l'information doit favoriser la compétitivité des entreprises françaises à l'échelon mondial et non pas les pénaliser.
Les Etats doivent également encourager les acteurs du marché à s'autodiscipliner, sans vouloir multiplier les règles dans tous les domaines. Le groupe des Républicains et Indépendants sera très vigilant sur ce point.
C'est dans cet esprit que nous accueillons ce projet de loi, ainsi que les excellentes propositions de notre rapporteur. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux remercier l'ensemble des intervenants qui se sont exprimés pour soutenir ce projet de loi, qui fait entrer par la grande porte l'écrit électronique dans le code civil.
Tout le monde a souligné l'importance de ce projet pour favoriser le commerce électronique et sécuriser les transactions. Je le répète après bien d'autres ici, sous des dehors très techniques, ce projet de loi est très novateur.
Certes, il reste de nombreux problèmes techniques non encore résolus, telles la conservation des supports, la possibilité pour l'acheteur de se rétracter, la certification, etc. Ils devront, à l'évidence, faire l'objet d'études et d'expertises complémentaires avant que les textes réglementaires soient pris.
Mais ces interrogations ne doivent pas nous empêcher d'avancer, car il nous faut adapter notre législation.
Vous le savez, le programme gouvernemental pour la société de l'information est une priorité affichée depuis plus de deux ans par le Premier ministre.
C'est la raison pour laquelle - c'est à remarquer, car ce n'est pas très fréquent - le texte qui vous est présenté a été soumis au conseil des ministres avant que la directive communautaire ait été adoptée, en décembre dernier.
La philosophie de ce texte est que l'écrit doit rester au centre de la confiance et de la sécurité juridique. C'est là le modèle absolu du droit de la preuve. Mais je crois qu'il était essentiel de le séparer de son support. Cette distinction entre acte et support permet d'englober tous les actes, qu'ils soient sous seing privé ou authentiques. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. _ I. _ L'article 1316 du code civil devient l'article 1315-1.
« II. _ Les paragraphes 1er, 2, 3, 4 et 5 de la section première du chapitre VI du titre troisième du livre troisième du code civil deviennent respectivement les paragraphes 2, 3, 4, 5 et 6.
« III. _ Il est inséré, avant le paragraphe 2 de la section première du chapitre VI du titre troisième du livre troisième du code civil, un paragraphe 1er intitulé : "Dispositions générales", comprenant les articles 1316 à 1316-2 ainsi rédigés :
« Art. 1316 . _ La preuve littérale ou par écrit résulte d'une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d'une signification intelligible, quels que soient leur support et leurs modalités de transmission.
« Art. 1316-1 . _ L'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité.
« Art. 1316-2 . _ Lorsque la loi n'a pas fixé d'autres principes, et à défaut de convention valable entre les parties, le juge règle les conflits de preuve littérale en déterminant par tous moyens le titre le plus vraisemblable quel qu'en soit le support. »
Par amendement n° 1, M. Jolibois, au nom de la commission, propose, dans le texte présenté par le III de cet article pour l'article 1316 du code civil, de remplacer les mots : « preuve littérale ou par écrit » par les mots : « preuve littérale ou preuve par écrit, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Peut-être cet amendement introduit-il une redondance, mais celle-ci nous paraît utile, car elle vise à éviter une confusion possible en affirmant que la preuve littérale est bien l'exact synonyme de la preuve par écrit.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. Charles Jolibois, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Monsieur le président, l'article 1er du projet de loi fait référence aux articles 1316-1 et 1316-2 du code civil. Il convient de préciser que, par coordination, les articles 1316-3 et 1316-4 du même code, introduits par les articles 2 et 3 du projet de loi, sont, eux aussi, inclus dans les dispositions générales relatives à la preuve littérale.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article additionnel après l'article 1er



M. le président.
Par amendement n° 2, M. Jolibois, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 1317 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut être dressé sur support électronique s'il est établi et conservé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement est très important puisqu'il a pour objet d'inclure les actes authentiques dans le champ d'application du projet de loi, qui, tel qu'il est rédigé, ne s'applique qu'aux actes sous seing privé.
La commission des lois propose donc que les actes authentiques puissent être établis et conservés sur support électronique. Nous nous sommes tous longuement expliqués sur ce point dans l'exposé général.
Cet amendement ne modifie pas les conditions de validité des actes authentiques, en particulier la comparution, c'est-à-dire l'obligation pour le signataire d'être présent auprès de l'officier public chargé de recueillir son consentement.
De plus, la reconnaissance de l'acte authentique électronique ne vaut que pour l'avenir, lorsque les lois relatives à chaque type d'acte authentique auront été modifiées et que le décret en Conseil d'Etat en aura précisé les conditions de mise en oeuvre.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Il s'agit en effet d'un amendement important, qui entend poser d'ores et déjà le principe que l'acte authentique peut être dématérialisé et sa signature apposée sous forme électronique ; tout en renvoyant à un décret d'application les modalités de mise en oeuvre de cette nouvelle règle.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire lors de la discussion générale, je partage pleinement le souci de la commission de ne pas voir exclue des nouvelles technologies de l'information l'élaboration des actes authentiques.
Pourtant, j'avais pensé souhaitable de procéder en deux temps, en visant d'abord les actes sous seing privé, puisque, en tout état de cause, la dématérialisation des actes authentiques nécessite des mesures techniques qu'il convient d'expertiser et qui ne peuvent être mises en oeuvre dans l'immédiat.
La commission préfère inscrire dès maintenant dans la loi le principe même de l'accès de l'acte authentique au mode électronique.
Je souscris à ce choix, qui est aussi le mien dans son principe, car il s'inscrit dans la politique de développement des technologies de l'information menée par le Gouvernement. Je souligne toutefois que la mise en oeuvre devra être précédée de réflexions appronfondies compte tenu des réponses à apporter aux questions nombreuses qui se posent. Le décret ne pourra donc intervenir dans un délai rapide.
Mais cela ne doit pas nous empêcher d'avancer. Il faut réfléchir d'ores et déjà aux conditions techniques et juridiques d'une dématérialisation des actes authentiques. A cet effet, j'ai décidé de confier à un groupe de travail réunissant des juristes spécialistes de la question et des experts en matière de technologies nouvelles le soin d'étudier les mesures nécessaires.
J'émets donc un avis favorable sur cet amendement important proposé par la commission.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.

Article 2



M. le président.
« Art. 2. _ Après l'article 1322 du code civil, il est inséré un article 1322-1 ainsi rédigé :
« Art. 1322-1 . _ La même force probante est attachée à l'écrit sous forme électronique lorsqu'il constate des droits et obligations et qu'il est signé. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
Par amendement n° 3, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« Après l'article 1316-2 du code civil, il est inséré un article 1316-3 ainsi rédigé :
« Art. 1316-3. - L'écrit sur support électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier, dès lors qu'il réunit toutes les conditions de forme nécessaires à sa validité. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 14, présenté par le Gouvernement, et tendant, dans le texte proposé par l'amendement n° 3 pour l'article 1316-3 du code civil, à supprimer les mots : « , dès lors qu'il réunit toutes les conditions de forme nécessaires à sa validité. »
L'amendement n° 12, présenté par M. Lambert est identique à celui dela commission :
« Après l'article 1316-2 du code civil, il est inséré un article 1316-3 ainsi rédigé :
« Art. 1316-3. - L'écrit sur support électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier, dès lors qu'il réunit toutes les conditions de forme nécessaires à sa validité. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 3.
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'article 2 dispose que l'écrit électronique qui constate les droits et obligations et qui comporte une signature a la même force probante que l'acte sous seing privé sur support papier.
La commission des lois propose que cet article soit applicable aussi bien aux actes authentiques qu'aux actes sous seing privé. Elle propose donc de placer cet article dans les dispositions générales relatives à la preuve littérale, dans une rédaction suffisamment générale pour inclure aussi bien les actes sous seing privé que les actes authentiques.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux, pour défendre le sous-amendement n° 14.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Là aussi, la question est importante. La détermination de la place de l'écrit électronique dans le système de preuve légale issu du code civil suppose que soient déterminés d'abord si cet écrit constitue un mode de preuve recevable en justice, ensuite, en cas de réponse positive, quelle force probante lui est reconnue.
Le projet de loi répond à la première question en son article 1er et à la seconde question en son article 2.
L'extension du champ d'application du texte à l'acte authentique conduit à modifier cette architecture et à répondre, de façon plus générale, à la question de la force probante de l'acte électronique, qu'il soit authentique ou sous seing privé.
C'est pourquoi j'approuve la première partie du nouvel article 1316-3 que la commission propose d'insérer dans les dispositions générales.
En revanche, j'émets des réserves sur la dernière partie de la phrase, qui, me semble-t-il, est source d'ambiguïté.
Si elle vise à subordonner la valeur probante de l'écrit à des conditions particulières, propres à la forme électronique, cette disposition me paraît de nature à remettre en cause le principe d'équivalence entre les différents supports, affirmé par les textes communautaires, et poursuivi par le présent projet de loi.
Si, au contraire, ce membre de phrase est destiné à rappeler que l'écrit électronique ne peut se voir reconnaître une valeur probante identique à l'écrit sur support papier que s'il remplit les mêmes conditions de forme que celles qui sont exigées pour ce type d'écrit, telles que la signature, ou les formalités prévues par les articles 1325 et 1326 du code civil, ce texte m'apparaît alors inutile.
Comme pour l'écrit sur support papier, il va de soi que l'écrit électronique ne devient un acte sous seing privé que s'il est signé et répond, le cas échéant, aux autre exigences formelles prévue par le code civil.
Aussi, j'estime préférable de supprimer la référence aux conditions de forme. Tel est précisément l'objet du sous-amendement du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Lambert, pour défendre l'amendement n° 12.
M. Alain Lambert. J'ai déposé cet amendement pour insister sur la nécessité d'insérer cette disposition dans les dispositions générales et non pas dans les dispositions qui traitent de l'acte sous seing privé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 14 ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. L'amendement de la commission avait trois objets : une modification de la place de la disposition proposée, à laquelle nous tenons beaucoup ; sa réécriture, à laquelle nous tenons également beaucoup ; enfin l'insertion du membre de phrase auquel le Gouvernement ne tient pas du tout, puisqu'il propose de le supprimer.
Lorsque nous avons examiné cet amendement, il nous a paru que, en effet, dans la rédaction retenue, il pouvait y avoir une ambiguïté et qu'affirmer, dans une sorte de cri pour le code civil, le principe d'équivalence avait au moins le mérite de la pureté.
C'est la raison pour laquelle la commission des lois m'a chargé de donner un avis favorable - moi, naturellement, la suivant - sur le sous-amendement n° 14.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 14.
M. Alain Lambert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lambert.
M. Alain Lambert. Je ne veux pas retarder les travaux du Sénat, mais nous traitons de sujets essentiels.
Je me rallie, tout à fait, pour ce qui me concerne à l'avis de la commission.
Mais, puisque le Gouvernement a souhaité lever toute ambiguïté, je souhaite faire de même.
Mme le garde des sceaux, dans ses explications tout à l'heure, parlait d'« acte électronique ». Or, personnellement, je ne connais pas d'acte électronique : je connais des actes authentiques, je connais des actes sous seing privé, je connais des actes synallagmatiques, je connais des actes unilatéraux... Je ne connais pas d'actes électroniques. je connais des supports électroniques et des supports papier. (Mme le garde des sceaux marque son approbations.)
Si nous voulons lever les ambiguïtés, levons-les toutes, et, - je suis complètement d'accord Charles Jolibois - poussons un cri d'espoir pour l'électronique. Mais l'explication du Gouvernement me paraissait elle-même ambiguë.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 14, accepté par la commission.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 3, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé et l'amendement n° 12 n'a plus d'objet.

Article 3



M. le président.
« Art. 3. _ Après l'article 1322-1 du code civil, il est inséré un article 1322-2 ainsi rédigé :
« Art. 1322-2 . _ La signature nécessaire à la perfection d'un acte sous seing privé identifie celui qui l'appose et manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte.
« Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 4 est présenté par M. Jolibois, au nom de la commission.
L'amendement n° 13 est déposé par M. Lambert.
Tous deux tendent à rédiger comme suit les deux premiers alinéas de cet article :
« Après l'article 1316-3 du code civil, il est inséré un article 1316-4 ainsi rédigé :
« Art. 1316-4. - La signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie celui qui l'appose. Elle manifeste le consentement des parties aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l'authenticité à l'acte.»
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 4.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement a pour objet de définir la signature de l'officier public. En effet, le projet de loi ne définit la signature que dans le cadre de l'acte sous seing privé. Or la commission des lois proposé d'étendre l'application du projet de loi aux actes authentiques.
M. le président. La parole est à M. Lambert, pour défendre l'amendement n° 13.
M. Alain Lambert. Mon amendement vise également à insérer ce dispositif dans les dispositions générales et à veiller à ce que la définition de la signature qui est désormais introduite dans notre droit ne soit pas limitée à une catégorie d'actes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements identiques ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à ces amendements, pour les raisons que je vais détailler.
Les amendements en question visent à faire remonter les nouvelles règles relatives à la signature dans les dispositions générales applicables à l'acte authentique comme à l'acte sous seing privé et à préciser la fonction de la signature apposée par un officier public sur un acte authentique.
Je souscris pleinement à cette démarche, et je voudrais à cette occasion souligner, d'une part, l'intérêt fondamental que présente la définition de la signature eu égard aux nouvelles technologies et, d'autre part, l'apport que constitue l'extension de la signature électronique aux actes authentiques.
Bien que le droit impose fréquemment qu'un acte soit signé, aucun texte ne définit actuellement ce qu'il faut entendre par la signature.
Il est vrai que définir la signature n'apparaissait pas indispensable tant qu'elle est restée associée à l'apposition manuelle d'un signe distinctif sur un support tangible. Mais la dématérialisation des écrits oblige désormais à reconnaître à la signature manuscrite un équivalent électronique. Le développement des techniques de cryptologie et de certification permet d'offrir aujourd'hui de tels équivalents, qui apportent la fiabilité nécessaire à la sécurité des transactions.
La directive du 13 décembre 1999 pour un cadre communautaire sur les signatures électroniques impose par ailleurs aux Etats membres de reconnaître, avant le 19 juillet 2001, la validité juridique de ces nouveaux procédés de signature.
Le texte proposé par le Gouvernement a précisément pour objet de procéder à cette reconnaissance et de transposer sur ce point les dispositions de la directive, en procédant en trois étapes.
Il définit d'abord les deux fonctions de la signature : identification de l'auteur de l'acte et manifestation de son consentement aux obligations qui en découlent.
Il précise ensuite, dans des termes généraux aptes à s'adapter aux évolutions techniques, ce qu'il faut entendre par signature électronique. Pour qu'en soit admise l'efficacité juridique, il faut que le procédé utilisé soit fiable et qu'il garantisse le lien avec l'acte dont la signature assure la perfection.
Enfin, et conformément à la directive communautaire, il institue une présomption de fiabilité pour les signatures électroniques qui répondront à certaines conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Ce renvoi est apparu souhaitable compte tenu de la rapidité des évolutions techniques, qui pourront rendre rapidement obsolètes les dispositions en ce domaine.
En étendant l'ensemble de ces dispositions aux actes authentiques, les amendements entendent se placer à un degré de généralité que je ne peux qu'approuver. La double fonction de la signature doit, en effet, être étendue, tout en étant adaptée, à l'acte authentique.
L'avis du Gouvernement est donc favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 4 et 13, acceptés par le Gouvernement.

(Ces amendements sont adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3 ainsi modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 4



M. le président.
« Art. 4. _ A l'article 1326 du code civil, les mots : "de sa main" sont remplacés par les mots : "par lui-même". »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. La commission des lois n'a pas présenté d'amendement à l'article 4 ; elle voudrait cependant interroger le Gouvernement sur la portée exacte de cet article, qui est très subtil.
Nous voudrions nous assurer que les mentions manuscrites en matière d'actes unilatéraux sur support électronique continueront à attirer l'attention du débiteur sur la portée de son engagement et à le protéger. Nous voudrions être sûrs que la protection subsistera.
C'est une question difficile, je le reconnais. Il conviendrait, en effet, pour que les documents comportent cette phrase traditionnelle avant la signature, que cette phrase, comme la signature, soit cryptée. C'est le seul moyen qui permettrait d'être sûr qu'il existe un lien entre cette phrase et la signature. Mais c'était techniquement trop compliqué. Aussi, il suffit que vous nous rassuriez, madame le garde des sceaux, pour que nous votions cet article sans aucune arrière-pensée.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Cet article a pour objet de lever l'obstacle à la dématérialisation que constitue la formalité de la mention manuscrite de la somme d'argent ou de la quantité de biens promise, en lettres et chiffres, imposée par l'article 1326 pour tous les actes unilatéraux, c'est-à-dire pour tous les actes par lesquels une personne s'oblige envers une autre sans réciprocité.
Cette exigence particulière, posée dès l'origine par le code civil, se justifiait à l'époque par le souci d'éviter des « abus de blanc seing » par lesquels des personnes inscriraient au-dessus de la signature d'autrui une promesse de payer supérieure à l'engagement réellement voulu par le débiteur. Elle était donc destinée à protéger le débiteur non contre un engagement irréfléchi, mais contre une fraude du créancier.
La règle a changé de sens. Elle est désormais destinée à faire prendre conscience au débiteur de l'étendue et de la portée de son engagement ; elle n'implique plus nécessairement une forme manuscrite. Il faut qu'elle soit écrite par le débiteur. Mais peu importe qu'elle le soit au moyen d'un stylo, d'un crayon ou d'un clavier d'ordinateur.
L'article 1326 pose une simple règle de preuve et il est donc logique qu'il soit aménagé pour que la formalité imposée soit compatible avec toute forme de support.
J'espère que ces explications vous satisferont, monsieur le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Parfaitement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 4



M. le président.
Par amendement n° 6, MM. Laffitte, Cabanel et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les services de l'Etat, les collectivités locales et établissements publics assureront, à compter du 1er janvier 2002, l'échange de leurs données et de leurs informations sur supports et réseaux électroniques.
« Les conditions de passage entre les échanges actuels sur papier et les échanges sur supports et réseaux électroniques seront précisées par décret. »
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Cet amendement, comme les suivants, s'inspire de la proposition de loi n° 114 que nous avons préparée après une très longue concertation, notamment avec l'ensemble de la communauté des internautes français, laquelle représente, cela a été signalé tout à l'heure, environ 10 millions de personnes. Nous avons reçu 1 400 contributions, extrêmement intéressantes pour la plupart, qui nous ont conduits à modifier une première proposition de loi que nous avions soumise à consultation.
Cet amendement, au même titre que les amendements suivants, disais-je, répond à la volonté fortement affirmée par le Gouvernement de faire en sorte que les décisions de développement des nouvelles technologies, dont le projet de loi que nous examinons aujourd'hui constitue la pièce maîtresse initiale, puissent être largement prises en compte par l'ensemble des administrations publiques.
L'amendement n° 6 vise plus précisément à généraliser, à partir de janvier 2002, ce qui donne un certain délai, l'échange des données et des informations sur supports et réseaux électroniques pour l'ensemble des services de l'Etat et des collectivités locales.
Les conditions du passage des échanges sur papier aux échanges sur supports électroniques seront précisées par décret.
Cette disposition me semble d'autant plus importante qu'à l'heure actuelle il est, par exemple, impossible d'organiser une réunion de syndicats de communes par la voie électronique, le contrôle de légalité des préfectures s'y opposant. Or, la rapidité dans les communications peut être un facteur extrêmement important dans la gestion des collectivités locales et des administrations.
Cet outil permet par ailleurs d'amplifier considérablement les contacts des pouvoirs publics nationaux, régionaux, départementaux et locaux avec les administrés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois, rapporteur. Si la commission a naturellement été sensible à l'intérêt pratique de cet amendement et même à la vision quelque peu futuriste à laquelle il renvoie, elle n'y a pas été favorable car il ne lui paraît pas avoir un lien direct avec le texte qui nous est aujourd'hui soumis.
Il est possible, lorsque l'habitude sera prise et que tous les officiers publics signeront électroniquement des actes sur support informatique, que nous en arrivions là. Mais, aujourd'hui...
Par ailleurs, nous avons relevé que l'obligation qui serait faite concernerait non seulement l'Etat mais aussi les collectivités locales, ce qui pose des problèmes extrêmement importants.
A la vérité, la commission des lois souhaiterait que ce dispositif soit examiné globalement, lorsque viendra en discussion l'autre texte annoncé aujourd'hui, où il pourrait plus aisément prendre place, plutôt qu'au détour d'un amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je comprends tout à fait l'objet de cet amendement, qui est d'obliger, à compter du 1er janvier 2002, les collectivités publiques à échanger leurs données et leurs informations sur supports et réseaux électroniques. Le Gouvernement est évidemment favorable au développement de l'échange d'informations par voie électronique entre collectivités publiques.
S'agissant de l'échange d'informations entre ministères, nous avons d'ailleurs un programme d'action très précis.
Nous étudions par ailleurs dans quelle mesure le code général des collectivités territoriales permettrait la transmission par voie électronique, cette question devant faire l'objet de consultations avec les associations de collectivités territoriales.
De toute façon, la date du 1er janvier 2002 apparaît trop proche, compte tenu des procédures à actualiser, des compétences disponibles et des moyens financiers à dégager - je pense en particulier aux petites communes.
J'ajoute que je ne peux aujourd'hui souscrire à cet amendement pour plusieurs autres motifs. Il me paraît en effet encourir, sous l'angle de la constitutionnalité, trois séries de reproches.
D'abord, il implique nécessairement un accroissement des dépenses publiques sans prévoir aucune compensation. Il me paraît donc irrecevable au regard de l'article 40 de la Constitution.
Ensuite, dès lors qu'il crée une véritable obligation, je m'interroge sur sa compatibilité avec le principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales, qui découle de l'article 72 de la Constitution.
Enfin, son exposé des motifs, qui, au demeurant, ne correspond pas exactement à sa rédaction, laisse penser qu'il pourrait être passé outre à l'exercice du contrôle de légalité prévu par l'article 72, que je viens de citer. Or l'utilisation des nouvelles technologies ne doit pas permettre aux collectivités locales et à leurs établissements publics de s'affranchir d'un tel contrôle.
Je crois, au-delà de ces motifs, qu'il faut éviter tout caractère systématique et obligatoire qui aboutirait à des contraintes particulièrement rigides pour les services publics.
Telles sont les raisons qui me conduisent à demander aux auteurs de cet amendement et des suivants de bien vouloir les retirer.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 6.
M. René Trégouët. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Trégouët. M. René Trégouët. Je comprends bien les arguments qui ont été développés par M. le rapporteur et par Mme le garde des sceaux ; ils ont retenu notre attention. De ma modeste place, je tiens cependant à dire à M. le rapporteur que je ne considère pas que ces quatre amendements, que nous pourrions regrouper sous le titre « Sur les logiciels libres », soient tellement étrangers à notre préoccupation de ce jour.
Les deux maîtres mots de notre discussion d'aujourd'hui sont en effet sécurité et transparence. Or un vaste mouvement d'inquiétude est en train de se développer dans le monde entier à propos de la détention des codes sources dans les logiciels que nous utilisons. Il nous faut en effet être bien conscients que, chaque fois que nous communiquons les uns avec les autres - c'est vrai aussi pour les administrations - nous utilisons des logiciels dont une seule société dans le monde détient les codes sources.
Aujourd'hui, nous parlons de la sécurité dans nos transactions. Nous ne sommes pourtant pas du tout certains que, parmi les millions de lignes des codes sources, certaines ne permettent pas à cette société ou à d'autres d'avoir des informations sur toutes les transactions que nous faisons. Je tenais à attirer votre attention sur ce point d'une façon assez solennelle.
De façon tout à fait théorique, nous sommes en train de dire que nous voulons protéger les citoyens et assurer la sécurité de toutes les transactions. Mais nous utilisons malheureusement des logiciels dont nous ne détenons pas les codes sources. Imaginez que nous fassions fonctionner des centrales nucléaires sans en connaître les plans et sans avoir la maîtrise de leur fonctionnement !
C'est pour lutter contre cet état de fait qu'est en train de se développer ce vaste mouvement des logiciels libres. Il ne faut d'ailleurs pas confondre ces derniers avec les logiciels gratuits. Les logiciels libres sont des logiciels dont nous détenons les codes sources.
Il est essentiel, du moment où l'on parle de sécurisation des futurs réseaux, d'aborder ce débat au fond.
Nous avons bien compris, au travers de la réflexion de Mme le garde des sceaux et des propos de M. le rapporteur, que ces amendements ne sont peut-être pas placés au bon endroit, mais M. Laffitte et moi-même voulions attirer votre attention sur ce point.
Demain, des millions de personnes échangeront de plus en plus d'informations sur ces réseaux, et nous ne pouvons leur garantir le secret de leurs transactions, puisque nous ne détenons pas les codes sources de tous les logiciels. Je le répète, nous voulions de façon très symbolique, au travers de ces quatre amendements, attirer solennellement l'attention sur ce point.
M. Laffitte et moi-même nous l'avons fait voilà quelques semaines sur le réseau. Sachez qu'en quelques semaines nous avons reçu 110 000 visites ! Un mouvement de fond est en train de naître.
Si nous rejetons, aujourd'hui, d'une pichenette ce vaste débat de fond qui préoccupe toute la communauté des internautes du monde, cela démontrera que, pour nous, il s'agit d'un sujet secondaire, que nous traiterons dans plusieurs mois. Ce serait regrettable. Mais cela illustrerait une fois encore le fait que, en France, culturellement, nous ne sommes pas prêts à entrer dans la société de l'information !
M. le président. Monsieur Laffitte, l'amendement n° 6 est-il maintenu ?
M. Pierre Laffitte. Je voudrais souligner un point relatif à l'utilisation de la carte Sésame Vitale, désormais rendue obligatoire. Cette carte concerne non seulement tous les patients mais aussi tous les médecins. Or on oblige ces derniers, par le canal de la sécurité sociale, à communiquer sur des logiciels dont, justement, nous ne connaissons pas le code source.
A mon sens, c'est la démonstration claire que les problèmes de la sécurité et de la communication, d'une part, de la transparence nécessaire, d'autre part, ne sont pas réglés.
Si mon collègue M. Trégouët et moi-même avons déposé les amendements n°s 6, 7, 8 et 10, c'est après une longue réflexion. Nous souhaitons qu'un débat s'engage sur ce sujet et nous pensions, par ce biais, montrer à nos collègues de l'Assemblée nationale que nous avions réfléchi et les engager à prendre le relais.
Je sais parfaitement qu'au cours de la navette nous serons amenés à retirer ces amendements. Mais si nous le faisons maintenant, nous empêchons nos collègues députés de participer à ce débat. C'est pourquoi je maintiens l'amendement n° 6.
En ce qui concerne les dépenses, s'agissant plus particulièrement des contrats publics qui seraient conclus par voie de messagerie électronique, les études qui sont en cours tant au ministère de la défense qu'au ministère de l'équipement, des transports et du logement montrent que des dizaines de milliards de francs d'économie en découleraient. Ce n'est tout de même pas négligeable, même si l'année écoulée a été un peu plus positive en matière de recettes fiscales ! Il n'est pas concevable d'attendre 2003 ou 2004 avant de commencer à réaliser ces économies.
M. le président. Messieurs Laffitte et Trégouët, nous vous sommes reconnaissants d'attirer l'attention de la Haute Assemblée, du Parlement tout entier et du Gouvernement, qui vous a répondu d'ailleurs, sur les évolutions rapides qui interviennent dans tous ces domaines que beaucoup de nos compatriotes, et sans doute beaucoup de parlementaires, comme moi-même, ignorent.
Cependant, monsieur Laffitte, j'attire votre attention une fois de plus - mais je ferai ce que vous désirerez, bien entendu - sur le fait que la commission et le Gouvernement viennent d'émettre un avis défavorable sur votre amendement, ce qui laisse à celui-ci, me semble-t-il, peu de chance d'être adopté.
Finalement, dois-je mettre aux voix cet amendement ou bien le retirez-vous ?
M. Pierre Laffitte. Je le maintiens.
M. Alain Lambert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lambert.
M. Alain Lambert. J'en appelle à mes collègues pour qu'ils retirent leurs amendements, faute de quoi ils vont obliger le Sénat à délivrer un message négatif alors que, sur ce sujet, il ne le souhaite pas.
Mes chers collègues, vos préoccupations sont partagées par le Sénat, mais, franchement, le véhicule législatif que vous avez choisi n'est pas le meilleur. Je vous en supplie ! Vous avez des alliés sur toutes les travées de notre assemblée. Ne nous obligez pas à voter contre votre amendement !
M. Pierre Laffitte. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Je me rends aux arguments du président de la commission des finances. Mais je souhaite très vivement que nous soyons tous bien conscients que ces amendements correspondent à un vrai problème, problème qu'il nous faudra résoudre, et ce très clairement, à l'occasion de la discussion du texte relatif à l'entrée de la France dans la société de l'information. J'espère que nous serons soutenus à ce moment-là.
M. le président. L'amendement n° 6 est retiré.
Par amendement n° 7, MM. Laffitte, Cabanel et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« Afin d'assurer une large transparence et un accès rapide à l'information par les entreprises, les appels d'offres publics ainsi que les documents annexes feront l'objet d'une publicité sur supports et réseaux électroniques à compter du 1er janvier 2002. De même, il sera répondu aux appels d'offres publics sur supports et réseaux électroniques.
« Un décret déterminera les modalités de transition aux procédures électroniques. »
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. J'ai déjà explicité et les raisons du dépôt de cet amendement et les raisons qui me conduisent à le retirer.
M. le président. L'amendement n° 7 est retiré.
Par amendement n° 8, MM. Laffitte, Cabanel et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les services de l'Etat, les collectivités locales et établissements publics ne peuvent utiliser à compter du 1er janvier 2002 que des logiciels dont l'usage et la modification sont libres et pour lesquels le code source est disponible.
« Un décret fixera les conditions de transition avec la situation actuelle et notamment les structures - agences et services de l'Etat ou des collectivités locales - précisant les licences d'utilisation de logiciels qui rentrent dans le cadre de la présente loi, veillant à l'interopérabilité des logiciels libres au sein des administrations publiques, réalisant l'inventaire, par secteurs d'activité, des manques en matière de logiciels dont l'usage et la modification sont libres et pour lesquels le code source est disponible et susceptibles d'autoriser les administrations publiques à déroger à la présente loi pour certaines catégories de logiciels spécialisés et pour des durées de mise en place.
« Ces structures seront ouvertes aux internautes et leurs décisions devront être précédées par des consultations sur Internet. »
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Je retire cet amendement, dans les mêmes conditions que le précédent.
M. le président. L'amendement n° 8 est retiré.
Par amendement n° 10, MM. Trégouët, Laffitte et Cabanel proposent, après l'article 4, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est créé l'Agence du logiciel libre. Elle est chargée d'informer les services de l'Etat, les collectivités locales et établissements publics des conditions d'application du passage sur supports et réseaux électroniques de leurs échanges de données et de leurs informations. Elle détermine les licences d'utilisation de logiciels dont l'usage et la modification sont libres et pour lesquels le code source est disponible.
« Elle veille à l'interopérabilité de ces logiciels au sein des administrations publiques.
« Elle réalise l'inventaire, par secteurs d'activité, des manques en matière de logiciels dont l'usage et la modification sont libres et pour lesquels le code source est disponible. En fonction de cet inventaire, elle autorise les administrations publiques à déroger aux règles fixées au paragraphe I de cet article pour certaines catégories de logiciels spécialisés et pour des durées de mise en place.
« L'Agence du logiciel libre est ouverte aux internautes et ses décisions devront en particulier être précédées par des consultations sur Internet.
« Un correspondant de l'Agence du logiciel libre est désigné au sein de chaque préfecture.
« L'Agence du logiciel libre veille, dans le respect des droits des auteurs, à la diffusion des modifications portées aux logiciels utilisés dans le cadre du paragraphe I de cet article.
« Les modalités de fonctionnement de l'Agence du logiciel libre seront établies par décret. »
La parole est à M. Trégouët.
M. René Trégouët. Monsieur le président, je crois avoir déjà tout dit il y a quelques minutes. Le présent amendement ne se suffit pas en lui-même : je l'avais rédigé après le dépôt des amendements de M. Laffitte, sur lesquels il s'appuyait.
Je regrette bien sincèrement que nous n'ayons pas été compris. Je voulais attirer un peu solennellement l'attention sur ce problème et faire en sorte que l'Assemblée nationale s'en saisisse, ce que malheureusement, comme l'a fort bien dit Pierre Laffitte, elle ne va pas faire. Or un problème de fond se pose, et il doit être rapidement traité.
Je retire donc cet amendement, mais à regret.
M. le président. L'amendement n° 10 est retiré.

Article 5



M. le président.
« Art. 5. _ La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte. »
Par amendement n° 5, M. Jolibois, au nom de la commission, propose, dans cet article, de remplacer les mots : « dans les territoires d'outre-mer » par les mots : « en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur. Cet amendement est l'un de ces amendements rédactionnels dont vous avez l'habitude, mes chers collègues. Nous l'avons déposé pour tenir compte des évolutions statutaires de la Polynésie française, qui devrait devenir un pays d'outre-mer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, ainsi modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Intitulé



M. le président.
Par amendement n° 9, MM. Laffitte, Cabanel et Trégouët proposent de rédiger ainsi l'intitulé du projet de loi :
« Projet de loi relatif à la signature électronique et à l'usage de la messagerie électronique avec signature certifiée par les pouvoirs publics ».
La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 9 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

6

LUTTE CONTRE LA CORRUPTION

Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 135, 1999-2000), modifié par l'Assemblée nationale, modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption. (Rapport n° 202 [1999-2000]).
Mes chers collègues, je me permets de vous faire remarquer qu'il est dix-neuf heures cinq. Aussi, je vous demande d'être aussi concis que possible si vous voulez ne pas revenir après le dîner.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le présent projet de loi revient devant vous en seconde lecture après avoir été amendé par l'Assemblée nationale.
Je n'aborderai pas de nouveau l'économie générale de ce texte, que vous avez déjà examinée de manière approfondie et que votre rapporteur, M. José Balarello, a parfaitement décrite dans son rapport.
Je voudrais toutefois rappeler que son enjeu essentiel, qui me paraît avoir été quelque peu perdu de vue, est de lutter efficacement contre la corruption internationale et, ainsi, de contribuer à la transparence dans les transactions commerciales entre les pays.
Je constate que, malgré certaines différences d'appréciation, votre rapporteur, suivi par la commission des lois, n'a pas du tout oublié cet enjeu.
L'Assemblée nationale a modifié la définition du délit de corruption, tant nationale qu'internationale, dans le but affiché de supprimer l'exigence d'antériorité du pacte de corruption et de permettre la répression de tous les versements faits à des fonctionnaires. Ce faisant, elle a adopté une conception nouvelle de la corruption, différente de celle du droit interne positif, ainsi d'ailleurs que de celle qu'ont adoptée l'ensemble des conventions internationales négociées.
Le Gouvernement n'est, évidemment, pas hostile à une réflexion appronfondie sur la corruption, mais le présent projet de loi se veut une transposition stricte des conventions négociées. Il ne constitue donc pas le cadre adéquat pour réformer le droit de la corruption. Je ne puis donc qu'approuver la proposition de la commission des lois de revenir à la rédaction actuelle de ces délits.
En revanche, il ne m'est pas possible d'approuver les amendements de la commission tendant à diminuer ou à restreindre les peines encourues par les personnes physiques ou morales en matière de corruption dans le cadre des transactions commerciales internationales, cadre régi par la convention OCDE.
Pour les raisons que j'avais déjà exposées devant vous en première lecture, je m'opposerai donc à ces amendements. En effet, la convention OCDE nous impose de prévoir que l'éventail des sanctions applicables à la corruption internationale soit comparable à celui des sanctions applicables à la corruption des agents publics nationaux.
Enfin, l'instauration de peines effectivement plus sévères que celles qui sont prévues dans certains droits étrangers permettra de manifester la vigueur de la détermination de la France dans sa volonté de lutter contre la corruption à l'échelon international.
L'article 2, relatif à l'application de la loi dans le temps, a fait l'objet de critiques, et ces critiques ont eu pour effet d'occulter le coeur du présent projet de loi, comme je l'ai déjà dit.
Le Gouvernement a jugé utile, dans cet article 2, de rappeler que les nouveaux articles pris pour l'adaptation de notre droit aux divers traités ne sauraient avoir de portée rétroactive.
Il s'agit là de la simple application du principe général de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, qui, vous le savez, a valeur constitutionnelle.
De nombreux pays connaissent ce principe de non-rétroactivité, et son application, au regard des éléments constitutifs de leurs infractions, amènera des solutions comparables dans l'application de la loi pénale dans le temps.
Je récuse donc tous les procès d'intention qui ont pu être faits au Gouvernement quant à sa détermination de lutter, lorsque notre droit le permettra, contre les faits de corruption internationale.
L'article 2 n'est donc ni laxiste ni complaisant. Comme je l'ai dit devant l'Assemblée nationale, les entreprises et les citoyens ont droit au respect du principe constitutionnel de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère.
Je précise enfin que la mise en oeuvre du principe de non-rétroactivité s'agissant des faits de corruption internationale n'empêchera pas la poursuite, sur d'autres chefs, de faits délictueux dans l'exécution des contrats, et cela, dès l'entrée en vigueur de la présente loi.
Il en sera ainsi des faits d'abus de biens sociaux, de recel, de faux en écriture de commerce, de complicité.
L'Assemblée nationale a par ailleurs subordonné l'application du principe de non-rétroactivité de loi pénale plus sévère à une déclaration à l'administration fiscale.
Une telle approche est constitutionnellement critiquable, car elle peut conduire à l'application d'une loi plus sévère à des faits commis antérieurement à la promulgation de la loi dans l'hypothèse où cette déclaration ne serait pas faite. L'amendement de votre commission tendant à rétablir cet article dans la rédaction initiale du projet de loi ne peut donc qu'être approuvé.
J'approuve également l'amendement tendant à régler la mise en oeuvre du régime de la non-déductibilité fiscale des commissions versées sur l'entrée en vigueur des nouvelles infractions pénales. Le régime actuel est en effet incohérent en ce qu'il permet la déduction fiscale de commissions désormais illégales sur le plan pénal.
Sur le plan de la procédure, je voudrais revenir sur l'amendement de votre commission qui tend, comme en première lecture, à conférer une compétence nationale à la juridiction parisienne pour connaître des faits de corruption commis dans le cadre du commerce international.
Je m'étais opposée à l'adoption de cet amendement, en son temps, par souci de cohérence avec la politique menée en matière de lutte contre la délinquance financière par le Gouvernement.
En effet, comme je l'indiquais, le Gouvernement mène en cette matière une politique déterminée, qui tend à professionnaliser la lutte contre la délinquance financière et à renforcer les moyens des juridictions spécialisées, notamment par la mise en place de pôles économiques financiers dans les principales juridictions.
Il me semble, dans ces conditions, tout comme il a semblé à l'Assemblée nationale, qui a supprimé cette disposition, inopportun de dessaisir les juridictions spécialisées de province de ces contentieux.
Au demeurant, la juridiction parisienne se trouvera naturellement saisie de la plupart des dossiers en raison du siège social des entreprises concernées.
Pour conclure, il m'apparaît important de souligner que, en dépit d'attaques - non dénuées d'arrière-pensées - dont le présent projet de loi a fait l'objet, au demeurant sur une seule de ses dispositions, son adoption fera de la France l'un des pays les mieux armés juridiquement pour lutter contre la corruption internationale.
Notre pays ne sera pas de ceux qui, dans cette lutte, conditionnent l'application de la loi pénale à des clauses d'intérêt national, ni de ceux qui offrent, au sein même de leur administration centrale, des avis de conformité à la loi pénale à des entreprises corruptrices, ni de ceux qui poursuivent, sans grands efforts, au compte-gouttes, les corrupteurs, ni de ceux qui transigent, dans le cours même de leur procédure pénale, avec ces corrupteurs, ni de ceux qui suggèrent à leurs ressortissants d'établir leurs activités en offshore pour éviter la rigueur, alors toute relative, vous l'admettrez, de leur loi pénale !
Notre future loi sera exemplaire. Quand un pays la critiquera, il fera bien d'examiner sa propre législation, surtout si ces lacunes s'y trouvent toutes ensemble réunies ! (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, je vous rappelle qu'il s'agit ici de transposer en droit français cinq engagements signés dans le cadre de l'Union européenne, outre la convention du 17 décembre 1997 concernant la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales signée dans le cadre de l'OCDE.
Le projet de loi prévoit la création de quatre incriminations nouvelles visant la corruption passive de fonctionnaires communautaires et de fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne, la corruption active des mêmes personnes, la corruption active d'agents publics étrangers et la corruption active de magistrats ou de personnes avant une activité juridictionnelle dans un Etat étranger.
En première lecture, le Sénat a tout d'abord apporté, sur proposition de la commission des lois, différentes modifications rédactionnelles ; elles ont toutes été acceptées par l'Assemblée nationale et nous n'y reviendrons pas.
D'autres concernaient le fond.
Le quantum des peines frappant des actes de corruption active ou passive des fonctionnaires de l'Europe telles que définies par le projet de loi reste inchangé. Il s'agit, comme en droit interne, de dix ans de prison et de un million de francs d'amende.
En revanche, pour la corruption active d'agents publics étrangers ou de magistrats, dans le cadre du commerce international, nous avons réduit les peines de prison, les faisant passer de dix ans à cinq ans, tout en maintenant l'amende à un million de francs.
Une attribution de compétence au tribunal de grande instance de Paris, compétence concurrente avec celle de la juridiction territorialement compétente, a été prévue par nos soins.
L'Assemblée nationale, examinant le texte issu des travaux du Sénat, a refusé les trois amendements de fond que je viens d'évoquer, revenant, sur ces points précis, au texte du Gouvernement.
Elle a par ailleurs, contre l'avis du Gouvernement, modifié le texte sur différents points.
Elle a ainsi modifié le code pénal en ce qui concerne la définition du délit de corruption, ce qui nous paraît contraire à l'esprit de la convention de l'OCDE, laquelle ne demande pas une telle modification dans la transposition ; le texte de l'Assemblée nationale va même à l'encontre des « commentaires » approuvés par l'OCDE le 17 novembre 1997.
En effet, les articles du code pénal relatifs à la corruption prévoient que le délit est constitué dans le cas d'offres d'avantages proposés sans droit. Or l'Assemblée nationale a supprimé les termes « sans droit » et les a remplacés par l'expression « à tout moment ». Peut-on accepter ces modifications ? Comme le Gouvernement, nous ne le pensons pas.
L'Assemblée nationale à également modifié l'article 2 du projet de loi sur un point important, la non-rétroactivité de la loi pénale.
A cet égard, le texte initial, que le Sénat n'avait pas amendé, prévoyait que le délit n'était pas constitué si les sommes avaient été versées après l'entrée en vigueur de la convention mais en vertu de contrats signés antérieurement à cette entrée en vigueur.
L'Assemblée nationale a décidé que cette clause ne serait valable que si les commissions versées ou à verser étaient déclarées au fisc dans l'année suivant l'entrée en vigueur des incriminations nouvelles.
Enfin, l'Assemblée nationale a modifié l'article 39-2 bis du code général des impôts, article ajouté par la loi de finances rectificative de 1997.
Que vous propose, en deuxième lecture, la commission des lois ?
Nous souhaitons la réduction des pénalités à cinq ans de prison et un million de francs d'amende pour le corrupteur actif lorsque le passif est un étranger fonctionnaire ou magistrats non ressortissant de l'Union européenne.
En effet, madame le garde des sceaux, si la convention OCDE prévoit que l'éventail des sanctions applicables à la corruption d'agents publics étrangers doit être comparable aux sanctions applicables à la corruption d'agents nationaux, elle a aussi pour objectif d'assurer l'équivalence fonctionnelle entre les mesures prises par les Etats parties. Or nous avons comparé les peines appliquées lors des transpositions du texte de l'OCDE par les pays signataires et nous observons que, dans ces pays, les peines applicables sont de cinq ans en Allemagne, au Canada, en Grèce et aux Etats-Unis, de six mois en Angleterre, d'un an en Norvège, de deux ans en Suède, et de trois ans en Belgique, en Hongrie, en Islande et au Japon.
Comme nous l'avons indiqué dans notre premier rapport, il serait paradoxal que seule la France punisse la corruption d'agent public étranger de peines deux fois supérieures à celles qui sont prévues par ses partenaires.
Par ailleurs, n'en déplaise à Mme la secrétaire d'Etat aux affaires étrangères des Etats-Unis, pour qui j'ai au demeurant la plus grande estime,...
M. Pierre Fauchon. C'est nouveau !
M. José Balarello, rapporteur. ... mais qui nous a critiqués à propos de cette transposition, dans son pays, outre les peines encourues par les personnes physiques - soit une amende de 100 000 dollars et une peine de cinq ans d'emprisonnement -, l'existence du système du plea bargaining, qui permet de plaider coupable pour obtenir une forte réduction de peine et d'éviter le procès, ne permet pas de considérer que les sanctions prévues pour la corruption d'agent public étranger soient comparables à celles qui sont prévues pour la corruption d'un agent public national comme cela est souhaité dans la convention de l'OCDE, surtout si l'on ajoute que le déclenchement de l'action publique appartient au seul attorney général, qui dispose d'un pouvoir d'appréciation de l'opportunité des poursuites, et que les poursuites ne sont engagées qu'après autorisation du grand jury.
On ne peut non plus nous objecter qu'il n'y a pas corrélation entre la peine et le montant de l'amende, ce défaut de corrélation se trouvant dans d'autres dispositions du code pénal, notamment en matière de recel.
Dans le même ordre d'idées, je vous proposerai à nouveau de supprimer de la liste des peines applicables aux personnes morales : les fermetures d'établissement, l'exclusion des marchés publics et l'impossibilité d'émettre des chèques.
En effet, de deux choses l'une : ou l'on est décidé à appliquer ces peines, et cela peut provoquer des licenciements massifs, des fermetures dans nos industries exportatrices les plus importantes, ou l'on est décidé à ne pas les appliquer, et il me paraît superflu de les mentionner.
Je vous proposerai de continuer à choisir le tribunal de grande instance de Paris comme juridiction compétente. Il est certain que, si les dix pôles économiques et financiers étaient créés - ceux que vous avez en projet, madame le ministre - et s'ils avaient été dotés chacun d'une compétence ratione loci - ce que je vous propose - couvrant à eux tous la totalité du territoire, comme c'est le cas pour les cours administratives d'appel, notre position eût été différente. Puisque ce n'est pas le cas, nous maintenons notre amendement. Toutefois, comme la compétence est concurrente, rien n'empêchera ultérieurement une modification.
S'agissant de l'article 1er, je vous propose le maintien du texte présenté initialement par le Gouvernement et voté par le Sénat en première lecture. L'Assemblée nationale l'a modifié en ce qui concerne la définition du délit de corruption, ce qui aboutit à ne pas seulement transposer les textes européens, mais à modifier en outre au passage notre droit interne - l'article 435-1 du nouveau code pénal - en supprimant les termes : « sans droit » et en y substituant les termes : « à tout moment ».
Ces modifications, qui paraissent anodines, ont en fait des conséquences peu acceptables, car elles peuvent avaliser des distorsions de concurrence à l'échelle mondiale.
En effet, les commentaires de l'OCDE, adoptés en novembre 1997 à Paris, précisent, en leur article 8 : « L'infraction n'est pas constituée lorsque l'avantage est permis ou requis par la loi ou la réglementation écrite du pays de l'agent public étranger, y compris la jurisprudence. »
Les termes : « sans droit » sont donc importants. Les termes : « à tout moment » ne le sont pas moins, car, actuellement, le délit de corruption n'est constitué que lorsque le pacte de corruption est antérieur aux actes d'exécution. Il faut une sollicitation préalable à l'acte pour que le délit soit constitué. Dans le cas contraire, cela pourra être l'abus de bien social et le recel d'abus de bien social.
L'expression : « à tout moment » signifie que l'on étend considérablement le champ d'action du délit prévu dans le code pénal en modifiant ledit code à l'occasion d'une transposition des textes européens.
En outre, l'Assemblée nationale a modifié l'article 2 du projet de façon substantielle sur le problème de la rétroactivité.
En effet, le texte présenté par le Gouvernement et voté par le Sénat prévoyait que les nouveaux délits ne s'appliqueraient pas aux sommes versées, même après la mise en vigueur des nouveaux textes, s'il apparaissait qu'il s'agissait de l'exécution de contrats signés avant cette mise en vigueur.
Le Sénat avait d'ailleurs complété l'article 2 pour préciser la date d'entrée en vigueur, à savoir après le dépôt des instruments de ratification par la France et non pas à la date d'entrée en application de la convention de l'OCDE, qui répond à un critère particulier et est en application depuis février 1999.
L'Assemblée nationale n'a pas supprimé cette possibilité, mais l'a fait dépendre d'une déclaration à l'administration fiscale dans l'année qui suivra la mise en oeuvre des nouvelles incriminations.
Nous restons opposés à cette modification et nous approuvons le texte initial du projet de loi, car la non-rétroactivité d'une loi pénale plus sévère est l'une des bases de notre droit pénal. Dès lors, le texte adopté par l'Assemblée nationale pourrait être inconstitutionnel.
Reste la modification, opérée par l'Assemblée nationale, de l'article 39-2 du code général des impôts. Cet article, qui a été inséré dans ce code par la loi de finances rectificative de 1997, supprime la déductibilité « pour les contrats conclus au cours d'exercices ouverts, à compter de l'entrée en vigueur de la convention » de l'OCDE. L'Assemblée nationale a prévu la suppression de la déductibilité dès le jour de l'entrée en vigueur de la convention. De ce fait, des versements effectués après l'entrée en vigueur mais prévus dans des contrats signés avant la date d'application de la convention OCDE en France ne seraient plus déductibles.
Nous proposons un système intermédiaire entre celui de l'Assemblée nationale et celui du Gouvernement : nous acceptons que la déductibilité s'arrête le jour de l'entrée en vigueur de la convention, mais seulement pour les contrats futurs, et nous avons déposé un amendement en ce sens.
Tels sont, mes chers collègues, les points essentiels de ces six textes ayant pour origine l'Union européenne et l'OCDE, et qui doivent être transposés en droit interne dans tous les Etats signataires. Nous les jugeons fondés, car, comme nous l'avons écrit dans notre premier rapport, la corruption dans le commerce international porte atteinte aux fondements mêmes de la démocratie et entrave le développement d'un grand nombre de pays émergents.
Aussi, nous vous demandons, madame la ministre, de faire en sorte que d'autres grands pays s'engagent rapidement à adopter la convention de l'OCDE, afin que certains ne tirent pas avantage de la rigueur dont d'autres auront fait preuve (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Marc.
M. François Marc. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, dans sa déclaration de politique générale du 19 juin 1997, le Premier ministre a proposé aux Français un « nouveau pacte républicain », fondé sur un retour aux sources de notre République et sur la modernisation de notre démocratie, jugeant « indispensable de rétablir les règles de l'éthique républicaine ».
La corruption, la fraude fiscale, les détournements de fonds, contribuent, comme les autres comportements délictueux, à la rupture du pacte républicain et du lien social. L'exigence de transparence et d'équité dans la vie économique et financière, qu'elle soit publique ou privée, doit s'imposer à tous.
C'est dans cette conjoncture que la France a signé plusieurs traités internationaux ayant pour objectif de renforcer la lutte contre la corruption et les fraudes aux intérêts financiers de la Communauté européenne.
Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui en deuxième lecture a pour objet l'adaptation de notre droit interne et la transposition en son sein de l'ensemble des engagements contractés dans ces différents traités. Pour ce faire, il est proposé d'ajouter dans le code pénal un chapitre supplémentaire afin d'incriminer la corruption active et passive des fonctionnaires nationaux des Etats membres de l'Union, en application des conventions signées dans le cadre de l'Union européenne, et la corruption active des fonctionnaires étrangers commise dans le cadre du commerce international, en application de la convention de l'OCDE.
Dans le projet de loi initial, il était proposé que l'ensemble des incriminations créées soient punies de peines de dix ans d'emprisonnement et de un million de francs d'amende, prévues pour des faits similaires commis par des fonctionnaires nationaux.
Notre assemblée, en première lecture, a ramené à cinq ans la peine d'emprisonnement prévue aux articles 435-3 et 435-4, respectivement relatifs à la corruption active de fonctionnaires des Etats non membres de l'Union européenne et à la corruption de fonctionnaires appartenant à des organisations internationales autres que la Communauté européenne.
Le Sénat a, en effet, constaté que la plupart des pays ayant transposé dans leur droit interne la convention de l'OCDE prévoyaient des peines d'emprisonnement inférieures à celles qui sont prévues par le projet de loi. Il lui a donc paru souhaitable de respecter le principe d'équivalence entre les sanctions prévues par les Etats parties, principe inscrit dans la convention.
L'Assemblée nationale est, à juste titre, revenue aux peines initialement prévues par le projet de loi.
Je regrette, monsieur le rapporteur, que vous réitériez votre proposition de première lecture. En effet, si, comme vous, je suis favorable à l'équivalence des sanctions, je considère que le nivellement doit se faire par le haut et non par le bas.
Par ailleurs, si votre amendement était adopté, le responsable d'une entreprise française qui corromprait un fonctionnaire français ou un fonctionnaire d'un autre Etat membre de l'Union européenne encourrait une peine de dix ans d'emprisonnement, alors qu'il n'encourrait qu'une peine de cinq ans s'il corrompait un agent public d'un Etat non membre de l'Union européenne. Cette disparité de sanctions serait injustifiée.
De plus, l'alinéa 1 de l'article 3 de la convention OCDE dispose que la corruption d'un agent public étranger doit être passible de sanctions pénales efficaces, proportionnées et dissuasives, et que les sanctions applicables doivent être comparables à celles qui sont applicables à la corruption des agents publics nationaux.
Ainsi, le projet de loi se borne à respecter les dispositions de la convention OCDE.
Enfin, je rappelle que la peine maximale fixée ne constitue pour le juge qu'une limite supérieure : il est libre de prononcer une peine inférieure.
Je regrette donc de ne pas pouvoir vous suivre dans cette voie.
Je regrette aussi, monsieur le rapporteur, que vous proposiez, comme en première lecture, de limiter la liste des peines applicables aux personnes morales. Là encore, il doit y avoir adéquation des peines prononcées contre des personnes morales françaises et des peines prononcées contre des personnes morales étrangères.
En revanche, je me félicite que vous proposiez de rétablir le texte de l'article 2 dans sa rédaction issue des travaux du Sénat.
En effet, l'Assemblée nationale a voulu encadrer le principe posé par l'article 2, selon lequel les nouvelles incriminations ne s'appliqueraient pas aux faits commis à l'occasion de contrats signés antérieurement à l'entrée en vigueur de la convention visée par les nouveaux articles du code pénal, et ce afin d'éviter que les entreprises n'utilisent ces dispositions pour contourner l'application de la loi nouvelle.
Le dispositif retenu par l'Assemblée nationale présente cependant de nombreux inconvénients, tant juridiques que pratiques. Il est donc souhaitable, comme le propose le Gouvernement, de le supprimer.
Introduit par l'Assemblée nationale, l'article 4 bis modifie l'article 39-2 du code général des impôts, issu de la loi de finances rectificative pour 1997, afin de faire coïncider la fin de la déductibilité fiscale avec l'entrée en vigueur de la convention OCDE.
Cette disposition a deux conséquences : tout d'abord, elle supprime la déductibilité des commissions à compter de l'entrée en vigueur de la convention ; ensuite, elle supprime la déductibilité non seulement pour les commissions versées dans le cadre des contrats futurs, mais également pour des commissions versées dans le cadre de contrats passés.
Je me réjouis que la commission des lois propose que la déductibilité disparaisse dès l'entrée en vigueur de la convention OCDE mais seulement pour les contrats futurs.
Le groupe socialiste soutient pleinement le projet de loi. Toutefois, si les amendements de la commission relatifs au quantum de la peine en matière de corruption active d'agents publics étrangers ou appartenant à des organisations internationales autres que la Communauté européenne et de corruption active de magistrats d'un Etat étranger ou d'une organisation internationale publique, ainsi que les peines applicables aux personnes morales devaient être adoptés, nous serions contraints de nous abstenir.
En effet, la corruption est un mal qu'il faut combattre avec la plus grande fermeté et sans ménagement. Nous ne pouvons donc nous inscrire dans une démarche qui aurait pour conséquence d'affaiblir le dispositif proposé. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, tout le monde s'accorde à dire que la corruption constitue un véritable fléau économique, politique et social.
Si nous avons tous souhaité ici ériger la lutte contre la corruption internationale au rang de priorité, nous divergeons fortement quant à la définition et la mise en place de sanctions.
La question se pose dans les termes suivants : faut-il traiter indifféremment tout fait de corruption, qu'il soit effectué sur un fonctionnaire national ou étranger ? Convient-il, au contraire, de considérer d'un regard plus bienveillant les marchés obtenus par voie de commissions à l'étranger, dès lors qu'ils font prospérer nos entreprises ?
En première lecture, les membres du groupe communiste républicain et citoyen avaient déjà attiré l'attention sur les conséquences de l'attidude qui avait été adoptée par la majorité sénatoriale.
Cette dernière avait choisi de faire prévaloir deux poids deux mesures, selon que la corruption est réalisée sur un agent public français ou européen, ou commise dans le cadre du traité OCDE.
Nous considérions qu'elle accréditait ainsi l'idée sinon qu'il y aurait une « bonne » corruption, du moins que les actes de corruption seraient moins « graves », moins « sales » dès lors qu'il seraient commis en dehors de nos frontières.
Cette position de la majorité sénatoriale, nous la regrettons.
Fort heureusement, les députés ont eu conscience qu'on ne pouvait pas à la fois afficher une volonté de lutter contre la corruption en signant des traités anticorruption et mettre des freins à leur mise en oeuvre sous prétexte de ne pas être handicapés sur le plan économique. Ils ont voté à l'unanimité un texte qui renforce largement le dispositif anti-corruption initialement prévu par le projet de loi.
L'Assemblée nationale a ainsi opté pour l'équivalence des peines - dix ans d'emprisonnement - et la possibilité d'une responsabilité des personnes morales. De même, elle a rétabli la compétence de droit commun pour le jugement des infractions aux dispositions de la Convention OCDE. A l'heure des pôles spécialisés en matière économique et financière, il n'existe aucun argument légitime qui justifierait une compétence dérogatoire.
C'est également avec la volonté de traiter pareillement les délits de corruption, quelle que soit la nationalité du destinataire des pots-de-vin, que l'Assemblée nationale a choisi de substituer le terme « à tout moment » au terme « sans droit ».
Le rapporteur de l'Assemblée nationale a en effet souligné, avec justesse, que l'antériorité du pacte de corruption par rapport à l'acte lui-même est bien souvent difficile à démontrer.
En décidant de tourner cette difficulté, les députés se sont situés dans la droite ligne de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui considère que le versement d'une commission, même postérieure à la conclusion de l'acte, constitue une preuve de la réalité du délit de corruption, si elle est l'exécution d'une promesse antérieure.
L'Assemblée nationale a souhaité durcir le dispositif anti-corruption par deux nouvelles dispositions d'importance telle qu'elles méritent qu'on s'y attarde. Elles ne vont, en effet, pas de soi.
L'applicabilité des dispositions aux contrats en cours pose problème. L'Assemblée nationale a opté pour un système dans lequel les infractions prévues ne seraient, en principe, pas opposables aux contrats en cours. Néanmoins, la non-rétroactivité des dispositions ne jouerait que dans la mesure où les sommes seraient déclarées dans l'année suivant l'entrée en vigueur de la loi.
M. Darne, rapporteur sur le projet de loi, a expliqué qu'il s'agissait, par cette mesure, d'éviter que les entreprises ne cherchent à contourner la loi en tentant de « rattacher après coup des commissions à des contrats ».
Partant des arrêts de la Cour de cassation de 1995 et 1997 selon lesquels « le délit de corruption se renouvelle à chaque exécution dudit pacte », l'Assemblée nationale en a déduit l'illégalité des commissions versées en exécution d'un pacte conclu antérieurement à l'entrée en vigueur de la convention, dès lors qu'elles sont versées postérieurement.
L'argument n'est pas sans valeur et exprime une volonté tout à fait honorable de ne pas ouvrir de « brèches » dans le dispositif de lutte contre la corruption.
Néanmoins, le raisonnement de Mme la ministre et de la commission des lois du Sénat nous paraît devoir être examiné avec attention.
En effet, il apparaît que la jurisprudence de la Cour de cassation concerne le délai de prescription plus que la constitution de l'infraction elle-même. Par ailleurs, le fait de soumettre la remise en cause partielle du principe de non-rétroactivité de la loi pénale à une déclaration auprès de l'administration fiscale a quelque chose de choquant.
Mais, surtout, on peut s'interroger sur le point de savoir si la volonté de ne pas ouvrir une brèche dans le dispositif anti-corruption justifie d'en ouvrir une dans le principe de non-rétroactivité.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen craignent en effet que, même justifié par les meilleures raisons, cet aménagement ne se retourne un jour contre les justiciables.
En revanche, il est clair que, si le Parlement décidait de revenir sur le dispositif proposé par l'Assemblée nationale, il faudrait faire preuve d'une vigilance extrême concernant les commissions qui continueront d'être versées en application d'un contrat conclu antérieurement à l'entrée en vigueur de la convention OCDE.
On peut à juste titre craindre des détournements de la loi soit parce qu'on aura antidaté des contrats, soit parce que les commissions seront en réalité destinées à financer des contrats futurs.
Des instruments très pointus de contrôle devront impérativement être recherchés.
La deuxième innovation de l'Assemblée nationale vise l'article 39-2 bis du code général des impôts, tel qu'il a été introduit par la loi de finances rectificative de décembre 1997.
Cet article prévoyait de mettre fin au principe de la déductibilité des pots-de-vin « pour les contrats conclus au cours d'exercices ouverts à compter de l'entrée en vigueur de la convention » OCDE.
L'Assemblée nationale a souligné ceci : avec le maintien de cet article en l'état, combiné avec les dispositions relatives à l'interdiction des commissions versées dans le cadre des contrats en cours qu'elle avait souhaité adopter, on en arriverait à des commissions tout à la fois illégales et déductibles pendant un an !
Elle a donc modifié ledit article de façon à rendre immédiatement applicable la suppression de la déductibilité fiscale.
Nous sommes tout à fait d'accord avec cette modification. En effet, si les sénateurs communistes émettent quelques réserves concernant l'illégalité des commissions issues de contrats conclus antérieurement à l'entrée en vigueur de la convention, ils jugeraient inacceptable qu'elles continuent d'être déductibles. Il n'est pas admissible que le contribuable continue de payer ces commissions.
Il ne nous semble pas que l'adoption des modifications proposées par la commission des lois à l'article 2 feraient obstacle à l'adoption de l'article 4 puisqu'il ne s'agit pas d'une sanction pénale.
Lors du débat en décembre 1997, le secrétaire d'Etat au budget, M. Sautter, avait d'ailleurs rappelé que la remise en cause de la déduction pouvait intervenir en l'absence de condamnation pénale définitive.
Telle est l'analyse que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen font du projet de loi modifié par l'Assemblée nationale.
Ce projet de loi emporte notre totale adhésion parce que, pour la première fois, on tente de lutter réellement contre la corruption internationale.
Toutefois, si la majorité sénatoriale refusait de changer sa position, le groupe communiste républicain et citoyen, vous le comprendrez, ne pourrait approuver ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

Article 1er A



M. le président.
« Art.1er A. - I. - Dans le premier alinéa de l'article 432-11 du code pénal, les mots : "sans droit" sont remplacés par les mots : "à tout moment".
« II. - Dans le premier alinéa de l'article 433-1 du code pénal, les mots : "sans droit" sont remplacés par les mots : "à tout moment".
« Dans le dernier alinéa de ce même article, les mots : "sans droit" sont remplacés par les mots : "à tout moment".
« III. - Dans le premier alinéa de l'article 434-9 du code pénal, les mots : "sans droit" sont remplacés par les mots : "à tout moment".
« Dans le deuxième alinéa de ce même article, après les mots : "le fait", sont insérés les mots : "à tout moment,". »
Par amendement n° 1, M. Balarello, au nom de la commission propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Il s'agit d'un amendement visant à supprimer l'article 1er A ajouté par l'Assemblée nationale et tendant à modifier la définition de délit de corruption en droit interne.
Il ne nous paraît pas opportun, à l'occasion d'un texte de transposition de conventions, de modifier la définition des délits qui ne sont pas concernés par le projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui doit être lu en liaison avec les amendements n° 2, 3, 4, 6 et 8.
Ces amendements ont pour objet de rétablir la définition actuelle de la corruption dans notre droit pénal interne.
L'Assemblée nationale a en effet substitué aux termes « sans droit » l'expression « à tout moment ».
En premier lieu, par l'adjonction des termes « à tout moment », l'Assemblée nationale a souhaité, en supprimant la condition d'antériorité de la sollicitation, faciliter la preuve de la corruption. Il ne me paraît pas de bonne technique législative de vouloir modifier le droit interne de la corruption à la faveur de la transposition de conventions internationales.
En second lieu, s'agissant du rétablissement de l'expression « sans droit », il est certain qu'en droit interne un fonctionnaire ne saurait licitement solliciter ou accepter une somme d'argent en corrélation avec l'accomplissement d'un acte de sa fonction. En revanche, des législations, des réglementations ou des juridictions étrangères peuvent autoriser la perception d'avantages par un fonctionnaire. En conséquence, l'infraction de corruption n'est pas constituée lorsque l'avantage est permis par la loi, le règlement ou la jurisprudence.
La convention de l'OCDE, n'a pas souhaité obliger ces Etats à modifier leur législation et son rapport explicatif le dit expressément. Dès lors, la mention « sans droit » doit être maintenue dans la définition de l'infraction de corruption d'un agent public étranger pour éviter de poursuivre en France des faits qui seraient licites dans le pays où l'agent public exerce ses fonctions. Afin d'éviter toute distorsion, cette mention doit aussi être maintenue tant dans les dispositions régissant la corruption en droit interne que dans celles qui régissent la corruption au sein de l'Union européenne.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 1er A est supprimé.

Article 1er



M. le président.
« Art. 1er. - Il est créé, dans le titre III du livre IV du code pénal, un chapitre V intitulé : "Des atteintes à l'administration publique des Communautés européennes, des Etats membres de l'Union européenne, des autres Etats étrangers et des organisations internationales publiques" comprenant trois sections ainsi rédigées :

« Section

« De la corruption passive

« Art. 435-1. - Pour l'application de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne faite à Bruxelles le 26 mai 1997, est puni de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 F d'amende le fait par un fonctionnaire communautaire ou un fonctionnaire national d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou par un membre de la Commission des Communautés européennes, du Parlement européen, de la Cour de justice et de la Cour des comptes des Communautés européennes de solliciter ou d'agréer, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat.

« Section 2

« De la corruption active

« Sous-section 1


« De la corruption active des fonctionnaires des Communautés européennes, des fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne, des membres des institutions des Communautés européennes
« Art. 435-2. - Pour l'application de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne faite à Bruxelles le 26 mai 1997, est puni de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 F d'amende le fait de proposer à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour obtenir d'un fonctionnaire communautaire ou d'un fonctionnaire national d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou d'un membre de la Commission des Communautés européennes, du Parlement européen, de la Cour de justice et de la Cour des comptes des Communautés européennes qu'il accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat.
« Est puni des mêmes peines le fait de céder à une personne visée à l'alinéa précédent qui sollicite, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte visé audit alinéa.

« Sous-section 2


« De la corruption active des personnes relevant d'Etats étrangers autres que les Etats membres de l'Union européenne et d'organisations internationales publiques autres que les institutions des Communautés européennes
« Art. 435-3. - Pour l'application de la convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales signée à Paris le 17 décembre 1997, est puni de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 F d'amende le fait de proposer à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour obtenir d'une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public, ou investie d'un mandat électif public dans un Etat étranger ou au sein d'une organisation internationale publique, qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat, en vue d'obtenir ou conserver un marché ou un autre avantage indu dans le commerce international.
« Est puni des mêmes peines le fait de céder à une personne visée à l'alinéa précédent qui sollicite, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte visé audit alinéa.
« La poursuite des délits visés au présent article ne peut être exercée qu'à la requête du ministère public.
« Art. 435-4. - Pour l'application de la convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales signée à Paris le 17 décembre 1997, est puni de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 F d'amende le fait de proposer à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour obtenir d'un magistrat, d'un juré ou de toute autre personne siégeant dans une fonction juridictionnelle, d'un arbitre ou d'un expert nommé soit par une juridiction, soit par les parties, ou d'une personne chargée par l'autorité judiciaire d'une mission de conciliation ou de médiation, dans un Etat étranger ou au sein d'une organisation internationale publique, qu'il accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat, en vue d'obtenir ou conserver un marché ou un autre avantage indu dans le commerce international.
« Est puni des mêmes peines le fait de céder à une personne visée à l'alinéa précédent qui sollicite, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte visé audit alinéa.
« La poursuite des délits visés au présent article ne peut être exercée qu'à la requête du ministère public.

« Section 3

« Peines complémentaires et responsabilité
des personnes morales

« Art. 435-5. - Les personnes physiques coupables de l'une des infractions prévues au présent chapitre encourent également les peines complémentaires suivantes :
« 1° L'interdiction des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues par l'article 131-26 ;
« 2° L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ;
« 3° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35 ;
« 4° La confiscation, suivant les modalités prévues par l'article 131-21, de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution.
« L'interdiction du territoire français peut en outre être prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-30, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, à l'encontre de tout étranger qui s'est rendu coupable de l'une des infractions visées au premier alinéa.
« Art. 435-6. - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2, des infractions définies aux articles 435-2, 435-3 et 435-4.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
«1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;
« 2° Pour une durée de cinq ans au plus :
« - l'interdiction d'exercer directement ou indirectement l'activité professionnelle ou sociale dans laquelle ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ;
« - le placement sous surveillance judiciaire ;
« - la fermeture des établissements ou de l'un des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ;
« - l'exclusion des marchés publics ;
« - l'interdiction de faire appel public à l'épargne ;
« - l'interdiction d'émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés ou d'utiliser des cartes de paiement ;
«3° La confiscation, suivant les modalités prévues par l'article 131-21, de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution ;
« 4° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35. »

ARTICLE 435-1 DU CODE PÉNAL

M. le président. Par amendement n° 2, M. José Balarello, au nom de la commission, propose, dans le texte présenté par l'article 1er pour l'article 435-1 du code pénal, de remplacer les mots : « à tout moment » par les mots : « sans droit ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement ne peut, évidemment, qu'être favorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 435-1 du code pénal.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 435-2 DU CODE PÉNAL

M. le président. Par amendement n° 3, M. José Balarello, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 435-2 du code pénal, de remplacer les mots : « à tout moment » par les mots : « sans droit ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello rapporteur. Il s'agit également d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 4, M. Balarello, au nom de la commission, propose, dans le second alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 435-2 du code pénal, de remplacer les mots : « à tout moment » par les mots : « sans droit ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello rapporteur. Il s'agit d'un nouvel amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 435-2 du code pénal.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 435-3 DU CODE PÉNAL

M. le président. Par amendement n° 5, M. Balerello, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 435-3 du code pénal, de remplacer les mots : « dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 F d'amende le fait de proposer à tout moment » par les mots : « cinq ans d'emprisonnement et de 1 000 000 F d'amende le fait de proposer sans droit ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. La deuxième partie de l'amendement est une coordination.
La première partie vise à rétablir un texte du Sénat que l'Assemblée nationale n'a pas accepté et qui concerne les peines ; je m'en suis longuement expliqué il y a un instant.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je suis défavorable à cet amendement, qui tend à diminuer les peines.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 6, M. Balarello, au nom de la commission, propose dans le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 435-3 du code pénal, de remplacer les mots : « à tout moment » par les mots : « sans droit ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 435-3 du code pénal.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 435-4 DU CODE PÉNAL

M. le président. Par amendement n° 7, M. Balarello, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 435-4 du code pénal, de remplacer les mots : « dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 F d'amende le fait de proposer à tout moment » par les mots : « cinq ans d'emprisonnement et de 1 000 000 F d'amende le fait de proposer sans droit ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. La seconde partie de cet amendement est une disposition de coordination.
En revanche, la première partie consiste à ramener les peines de dix ans à cinq ans pour la corruption de magistrats étrangers, conformément aux décisions prises en première lecture.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 7.
M. François Marc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marc.
M. François Marc. Nous avons indiqué dans la discussion générale que nous étions défavorables à ce réajustement opéré par le Sénat. Aussi, nous voterons contre cet amendement, tout comme nous avons voté contre l'amendement n° 5.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 8, M. Balarello, au nom de la commission, propose, dans le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 1er pour l'article 435-4 du code pénal, de remplacer les mots : « à tout moment » par les mots : « sans droit ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Dans l'argumentation que j'ai présentée lors de l'examen de l'amendement n° 1, j'ai dit que j'étais favorable à cet amendement n° 8.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 435-4 du code pénal.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 435-5 DU CODE PÉNAL

M. le président. Sur le texte proposé pour l'article 435-5 du code pénal, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je le mets aux voix.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE 435-6 DU CODE PÉNAL

M. le président. Par amendement n° 9, M. Balarello, au nom de la commission, propose de remplacer les quatrième à dizième alinéas du texte présenté par l'article 1er pour l'article 435-6 du code pénal par un alinéa ainsi rédigé :
« 2° Pour une durée de cinq ans au plus, le placement sous surveillance judiciaire ; ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer voilà quelques instants, il s'agit de revenir au texte qui a été adopté par le Sénat en première lecture pour les peines applicables aux personnes morales.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je suis défavorable à cet amendement, qui vise à créer un double régime des peines applicables aux personnes morales selon que la personne corrompue exerce une fonction publique en France ou hors de France.
Les peines dissuasives prévues dans le texte du Gouvernement, qui a été rétabli sur ce point par l'Assemblée nationale, telles que l'exclusion des marchés publics ou la fermeture de l'établissement ayant servi à commettre l'infraction, sont strictement calquées sur celles qui existent déjà en droit interne pour les faits de corruption active.
Elles sont en outre expressément recommandées dans le commentaire de la convention OCDE.
Enfin, comme je l'ai déjà indiqué, l'article 3 de la convention OCDE ne permet pas que l'éventail des sanctions applicables en cas de corruption d'agent public étranger ne soit pas comparable à celui des sanctions applicables à la corruption d'agent public national. Ce qui vaut pour les personnes physiques vaut aussi pour les personnes morales.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 9.
M. François Marc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marc.
M. François Marc. Pour les raisons déjà évoquées, nous voterons contre cet amendement, compte tenu du réajustement qui est opéré.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 435-6 du code pénal.

(Ce texte est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 2



M. le président.
« Art. 2. - Les articles 435-1 à 435-4 du code pénal ainsi que l'article 689-8 du code de procédure pénale entreront en vigueur à la date d'entrée en vigueur sur le territoire de la République des conventions ou protocoles visés par ces articles.
« Les sommes ou les avantages susceptibles d'être versés ou octroyés au titre d'un contrat signé avant l'entrée en vigueur des articles 435-1 à 435-4 du code pénal au profit des agents publics étrangers mentionnés par ces articles doivent être déclarés auprès de l'administration fiscale dans un délai d'un an à compter de cette entrée en vigueur.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application de cette déclaration.
« Les articles 435-1 à 435-4 du code pénal ne s'appliquent pas aux faits commis à l'occasion de contrats signés antérieurement à l'entrée en vigueur sur le territoire de la République de la convention visée par ces articles, lorsque les sommes ou avantages versés ou octroyés au titre de ces contrats ont été déclarés auprès de l'administration fiscale dans les conditions mentionnées ci-dessus. »
Par amendement n° 10, M. Balarello, au nom de la commission, propose de remplacer les trois derniers alinéas de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les articles 435-1 à 435-4 du code pénal ne s'appliquent pas aux faits commis à l'occasion de contrats signés antérieurement à l'entrée en vigueur sur le territoire de la République de la convention visée par ces articles. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. L'Assemblée nationale a voulu subordonner la non-rétroactivité de la loi à une déclaration faite dans le délai d'un an auprès de l'administration fiscale. Nous avons indiqué, voilà un instant, que nous étions opposés à cette nouvelle rédaction - qui va d'ailleurs à l'encontre du projet de loi initial - car cela revient à subordonner l'application du principe fondamental de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère à l'accomplissement d'un acte administratif et à limiter dans le temps l'application de ce principe fondamental. Une telle disposition serait sans doute contraire à la Constitution.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux.
Je ne suis pas opposée à cet amendement.
Je me suis longuement expliquée tout à l'heure sur cet article, dont le seul objet est, je le rappelle, d'expliciter le principe constitutionnel de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère. Cet article n'a pas d'autre but.
Mais je répète que ce principe de non-rétroactivité en ce qui concerne la corruption est absolument sans effet pour les autres infractions, comme les faux ou les abus de biens sociaux, commises à l'occasion de ces contrats. Ces faits sont et seront punissables dès l'entrée en vigueur de la présente loi.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, accepté par le Gouvernement.
M. Robert Bret. Le groupe communiste républicain et citoyen s'en remet à la sagesse du Sénat ! (Sourires.)

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, ainsi modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 3 bis



M. le président.
L'article 3 bis a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 11, M. Balarello, au nom de la commission, propose de le rétablir dans la rédaction suivante :
« I. - L'article 706-1 du code de procédure pénale est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. 706-1. - Pour la poursuite, l'instruction et le jugement des actes incriminés par les articles 435-3 et 435-4 du code pénal, le procureur de la République de Paris, le juge d'instruction et le tribunal correctionnel de Paris exercent une compétence concurrence à celle qui résulte de l'application des articles 43, 52, 382, du second alinéa de l'article 663 et de l'article 706-42.
« Lorsqu'ils sont compétents pour la poursuite et l'instruction des infractions prévues aux article 435-3 et 435-4 du code pénal, le procureur de la République et le juge d'instruction de Paris exercent leurs attributions sur toute l'étendue du territoire national. »
« II. - A la fin du premier alinéa de l'article 693 du même code, les mots : "et 706-17" sont remplacés par les mots : ", 706-1 et 706-17". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Il convient de revenir au texte qui a été adopté par le Sénat en première lecture.
Il s'agit de prévoir la compétence de la juridiction parisienne pour la corruption active d'agents publics étrangers. Nous demandons en effet que des magistrats très spécialisés soient chargés de ces affaires.
Il convient, à notre avis, de veiller, en outre, à la cohérence de l'action publique sur l'ensemble du territoire.
J'ajoute - et Mme le garde des sceaux l'a d'ailleurs indiqué elle-même - que, les sièges sociaux des grandes sociétés étant généralement domiciliés à Paris, le tribunal de grande instance de Paris serait donc compétent.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je suis défavorable à cet amendement, dont l'objet, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, est de conférer au tribunal de grande instance de Paris une compétence spéciale pour connaître des infractions de corruption active commises dans le cadre du commerce international.
La création d'un tel cas de compétence parisienne me paraît inopportune dès lors que j'ai engagé une politique de modernisation et de professionnalisation de la justice économique et financière, qui s'est matérialisée par la mise en place de pôles économiques et financiers à Paris, mais aussi à Lyon, à Bastia et à Marseille. A terme, dix à douze pôles verront le jour.
En outre, je puis d'ores et déjà vous indiquer que la circulaire d'application de la présente loi précisera ses conditions d'application et qu'il n'y a donc pas lieu de craindre les divergences d'appréciation auxquelles vous entendez remédier.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 3 bis est rétabli dans cette rédaction.

Article 4



M. le président.
« Art. 4. - Le deuxième alinéa (1°) de l'article 704 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« 1° Délits prévus par les articles 222-38, 313-1, 313-2, 313-4, 313-6, 314-1, 314-2, 324-1, 324-2, 432-10 à 432-15, 433-1, 433-2, 434-9, 435-1 à 435-4 du code pénal. »
Par amendement n° 12, M. Balarello, au nom de la commission, propose, à la fin du second alinéa de cet article, de remplacer la référence : « 435-1 à 435-4 du code pénal » par la référence : « 435-1 et 435-2 du code pénal ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, ainsi modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Article 4 bis



M. le président.
« Art. 4 bis. - Le début du 2 bis de l'article 39 du code général des impôts est ainsi rédigé : "A compter de l'entrée en vigueur de la convention sur la lutte contre la corruption... (le reste sans changement).". »
Par amendement n° 13, M. Balarello, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« Le début du 2 bis de l'article 39 du code général des impôts est ainsi rédigé : "Pour les contrats conclus à compter de l'entrée en vigueur sur le territoire de la République de la convention... (le reste sans changement).". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello, rapporteur. L'Assemblée nationale a souhaité modifier le texte sur la non-déductibilité des commissions versées dans le cadre de contrats internationaux pour les contrats signés à l'occasion d'exercices ouverts après l'entrée en vigueur de la convention OCDE. Elle a décidé de prévoir la non-déductibilité dès l'entrée en vigueur de la convention, et non à l'exercice suivant, ce qui est une bonne chose. En effet, dès l'entrée en vigueur de la convention, les commissions versées dans le cadre de nouveaux contrats seront pénalement punissables. Elles ne doivent donc plus être déductibles.
En revanche, il convient de maintenir la déductibilité pour les commissions versées dans le cadre de contrats antérieurs à l'entrée en vigueur de la convention. Ces commissions ne seront pas pénalement punissables. Elles doivent donc pouvoir être déductibles.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis favorable, puisque cet amendement a pour objet de faire coïncider l'incrimination de corruption internationale avec le dispositif fiscal qui prohibe la déductibilité des commissions.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 4 bis est ainsi rédigé.

Article 5




M. le président.
« Art. 5. - La présente loi, à l'exception de l'article 4 bis, est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et dans la collectivité territoriale de Mayotte. » (Adopté.)
Les autres dispositions de projet de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.

Vote sur l'ensemble




M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Marc pour explication de vote.
M. François Marc. Les membres du groupe socialiste sont bien entendu favorables au projet de loi relatif à la lutte contre la corruption. Cependant, ils regrettent que, par quatre amendements, qu'ils n'ont pas votés, le Sénat ait réintroduit un dispositif moins contraignant. Telle est la raison pour laquelle ils s'abstiendront.
M. le président. La parole est à M. Souvet.
M. Louis Souvet. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, le texte que nous allons adopter ce soir en deuxième lecture représente un important volet de la vaste entreprise de moralisation de la vie publique et économique que nous conduisons depuis plus de dix ans.
Notre pays, et c'est un bien, a l'intention de se doter d'un arsenal pénal efficace en matière de lutte contre la corruption.
Le texte proposé sera, en termes de répression de la corruption, à la pointe de tout ce qui se pratique en Europe et dans le reste de l'OCDE puisque les peines prévues seront de toute manière supérieures à ce qui existera ailleurs.
C'est une bonne chose, je le redis, c'est un signe fort qu'adresse notre pays à ses partenaires.
Mais il est important que nos collègues de l'Assemblée nationale ne retombent pas dans une surenchère stérile dont les effets risqueraient d'être négatifs pour notre pays.
Si nos collègues du Palais-Bourbon adoptaient à leur tour ce texte, ils permettraient à la France de garder une longueur d'avance sur ses partenaires de l'OCDE, sans pratiquer pour autant de surenchère.
Il importe que les peines d'emprisonnement ne soient pas disproportionnées au regard de ce qui est en vigueur dans les autres pays.
Il importe aussi d'écarter une peine qui offrirait la possibilité de fermeture d'un établissement. En effet, ce sont les salariés qui en pâtiraient en premier lieu.
Surtout, il importe d'éviter que, par excès de vertu, nous ne rendions la loi contraire à certains principes fondamentaux du droit pénal. Je pense bien évidemment au principe de non-rétroactivité de la loi pénale.
Subordonner l'application de ce principe serait, bien évidemment, parfaitement inconstitutionnel, et je ne fais que paraphraser Mme le garde des sceaux en la matière.
Enfin, il importe que la non-rétroactivité fiscale soit assurée. En effet, s'il est légitime de prévoir la disparition de la déductibilité fiscale des commissions versées, cette disposition ne doit pas concerner les contrats conclus antérieurement à l'entrée en vigueur de cette convention.
En conclusion, je souhaite remercier M. le rapporteur de la qualité de son travail et de la permanence de ses convictions, qui ont permis de redonner à ce texte son inspiration.
Le groupe du Rassemblement pour la République votera donc ce projet de loi, satisfait de la rédaction retenue par le Sénat.
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Je rappelle, chers collègues de la majorité sénatoriale, que l'Assemblée nationale a voté ce texte à l'unanimité. J'ai le sentiment que, une fois de plus, vous vous trompez de bataille et que vous allez donner à nouveau une image négative de notre assemblée. Je le regrette profondément.
Le groupe communiste républicain et citoyen votera contre le texte tel qu'il résulte de nos travaux.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

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TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, modifiant la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 207, distribué et renvoyé à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

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DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Pierre Jarlier un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi de M. Bernard Joly, tendant à permettre la dévolution directe de tous les biens vacants et sans maître à la commune en lieu et place de l'Etat (n° 325, 1998-1999).
Le rapport sera imprimé sous le n° 208 et distribué.
J'ai reçu de M. Georges Othily un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur :
- la proposition de résolution de M. Robert Badinter et des membres du groupe socialiste et apparentés, tendant à créer une commission d'enquête sur les conditions de détention dans les maisons d'arrêt (n° 165, 1999-2000) ;
- et la proposition de résolution de MM. Jean Arthuis, Josselin de Rohan, Henri de Raincourt et Guy-Pierre Cabanel, tendant à créer une commission d'enquête sur la situation des établissements pénitentiaires en France (n° 183, 1999-2000).
Le rapport sera imprimé sous le n° 209 et distribué.

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TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Conseil portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1393 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Conseil relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1394 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au rapprochement des dispositions législatives et administratives des Etats membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac, « refonte ».
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1395 et distribué.

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ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 9 février 2000.
A quinze heures :
1. Discussion du projet de loi (n° 48, 1999-2000) autorisant la ratification du protocole établi sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, relatif au champ d'application du blanchiment de revenus dans la convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes et à l'inclusion du numéro d'immatriculation du moyen de transport dans la convention.
Rapport (n° 185, 1999-2000) de M. Robert Del Picchia, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
2. Discussion du projet de loi (n° 49, 1999-2000) autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes.
Rapport (n° 185, 1999-2000) de M. Robert Del Picchia, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
3. Discussion du projet de loi (n° 50, 1999-2000) autorisant la ratification du protocole, établi sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, concernant l'interprétation, à titre préjudiciel, par la Cour de justice des Communautés européennes de la convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes.
Rapport (n° 185, 1999-2000) de M. Robert Del Picchia, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
4. Discussion du projet de loi (n° 51, 1999-2000) autorisant la ratification de l'accord relatif à l'application provisoire entre certains Etats membres de l'Union européenne de la convention établie sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes.
Rapport (n° 185, 1999-2000) de M. Robert Del Picchia, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
5. Discussion du projet de loi (n° 138, 1999-2000) autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne, relative à l'assistance mutuelle et à la coopération entre les administrations douanières (ensemble une annexe).
Rapport (n° 185, 1999-2000) de M. Robert Del Picchia, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
La conférence des présidents a décidé que ces cinq projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.
6. Discussion du projet de loi (n° 95, 1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'Etat d'Israël, d'autre part.
Rapport (n° 168, 1999-2000) de M. Bertrand Delanoë, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
7. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur les conséquences et les suites des intempéries et de la marée noire intervenues à la fin décembre 1999.
Aucune inscription de parole dans le débat n'est plus recevable.
Le soir :
8. Discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 179, 1999-2000), modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux volontariats civils institués par l'article L. 111-2 du code du service national.
Rapport (n° 199, 1999-2000) de M. Robert Del Picchia, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 8 février 2000, à dix-sept heures.
9. Discussion du projet de loi (n° 490, 1998-1999) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération transfrontalière en matière judiciaire, policière et douanière (ensemble une déclaration).
Rapport (n° 119, 1999-2000) de M. Paul Masson, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
10. Discussion du projet de loi (n° 7, 1999-2000) autorisant l'approbation du protocole d'entente entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec relatif à la protection sociale des élèves et étudiants et des participants à la coopération.
Rapport (n° 120, 1999-2000) de M. Hubert Durand-Chastel, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
11. Discussion du projet de loi (n° 33, 1999-2000) autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay.
Rapport (n° 121, 1999-2000) de M. Hubert Durand-Chastel, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
12. Discussion du projet de loi (n° 34, 1999-2000) autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay.
Rapport (n° 121, 1999-2000) de M. Hubert Durand-Chastel, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.
13. Discussion du projet de loi (n° 66, 1999-2000) autorisant l'approbation de la convention du 15 juillet 1982 portant création de l'Organisation européenne de télécommunications par satellite (EUTELSAT) telle qu'elle résulte des amendements adoptés à Cardiff le 20 mai 1999.
Rapport (n° 122, 1999-2000) de M. André Rouvière, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
14. Discussion du projet de loi (n° 107, 1999-2000) autorisant l'adhésion du Gouvernement de la République française à la convention internationale de 1989 sur l'assistance.
Rapport (n° 167, 1999-2000) de M. André Boyer, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
15. Discussion du projet de loi (n° 137, 1999-2000) autorisant l'adhésion de la République française à la convention internationale d'assistance mutuelle administrative en vue de prévenir, de rechercher et de réprimer les infractions douanières (ensemble 11 annexes).
Rapport (n° 186, 1999-2000) de M. André Rouvière, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

- Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Bernard Joly tendant à permettre la dévolution directe de tous les biens vacants et sans maître à la commune en lieu et place de l'Etat (n° 208, 1999-2000) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 9 février 2000, à dix-sept heures.
- Conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi de M. Jean-Pierre Raffarin et de plusieurs de ses collègues tendant à favoriser la création et le développement des entreprises sur les territoires (n° 189, 1999-2000) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 9 février 2000, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 9 février 2000, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures).

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





MODIFICATIONS AUX LISTES
DES MEMBRES DES GROUPES
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN
(17 membres au lieu de 16)

Ajouter le nom de M. Jean-Yves Autexier.

SÉNATEURS NE FIGURANT
SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE
(7 au lieu de 8)

Supprimer le nom de M. Jean-Yves Autexier.

NOMINATION D'UN RAPPORTEUR

COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL, DU RÈGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
M. Georges Othily a été nommé rapporteur de la proposition de résolution n° 165 (1999-2000) de M. Robert Badinter et des membres du groupe socialiste et apparentés tendant à créer une commission d'enquête sur les conditions de détention dans les maisons d'arrêt et de la proposition de résolution n° 183 (1999-2000) de MM. Jean Arthuis, Josselin de Rohan, Henri de Raincourt et Guy-Pierre Cabanel tendant à créer une commission d'enquête sur la situation des établissements pénitentiaires en France, dont la commission des lois est saisie au fond.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Gestion des espaces naturels par les communes

713. - 4 février 2000. - M. René-Pierre Signé attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur la capacité véritable des communes de maîtriser la réorganisation foncière de leurs espaces naturels, et ainsi de contribuer à un aménagement plus équilibré du territoire. En tant qu'élu du Morvan, région naturelle où se trouve concentrée, notamment, la plus grande partie française de la production de sapins de Noël, il s'interroge particulièrement sur l'impossibilité pour les maires, en vertu de l'article 126-1 du code rural, de prescrire, même après coupe rase, la plantation de prairies ou de cultures non forestières sur des terrains précédemment boisés et de les réintégrer dans le patrimoine cultivable dans le cadre des aménagements fonciers des communes. Limiter le champ de cette réglementation communale aux terrains nus revient à figer, en quelque sorte, des situations préétablies sans qu'aucune prérogative de l'intérêt public ne puisse s'exercer. Chacun voit bien l'intérêt pour les communes de sauvegarder les clairières et, plus largement, de maîtriser leur territoire dans le cadre d'une concertation avec les propriétaires, les exploitants, les associations de protection de l'environnement et en partenariat avec les services déconcentrés de l'Etat. L'irréversibilité de situations parfois confuses (cessations d'activité forestière ou successions complexes) est incontestablement préjudiciable à la gestion de notre espace foncier. Il aimerait donc savoir quelles directives sont susceptibles d'être données pour que les élus soient en mesure de mettre en place effectivement leurs programmes locaux d'aménagement ?

Avenir du centre de parachutisme de Laon

714. - 7 février 2000. - M. Paul Girod attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur la décision prise par les services de l'aviation civile à compter du 27 janvier 2000, limitant la hauteur de saut en parachute à 2 500 mètres sur le centre régional de Laon, du fait de la modification des cartes d'approche de l'aéroport de Roissy et de larestructuration de cette portion de l'espace aérien. Ce dernier est donc contraint de cesser son activité à compter de cette date. Or le CERPP est l'un des centres les plus actifs et les plus titrés de France. En effet, cette association, fondée il y a plus de quarante ans, agréée par le ministère de la jeunesse et des sports, assurant à ce titre une mission de service public, est une structure qui compte 1 000 adhérents pratiquant le parachutisme sportif de loisir et de compétition. Son budget s'élève à plus de trois millions de francs. Elle emploie à ce jour dix salariés, dont sept emplois-jeunes recrutés dans le cadre du dispositif gouvernemental de lutte contre l'exclusion. Elle permet aux parachutistes d'effectuer environ 12 500 sauts par an à une hauteur de 4 000 mètres. L'aviation civile n'a fait aucune contre-proposition, notamment dans le sens d'un accompagnement en vue du transfert du centre, ou une quelconque indemnisation, permettant d'honorer les engagements commerciaux souscrits par le centre auprès de l'entreprise effectuant du travail aérien pour son compte. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir intervenir auprès des services de l'aviation civile pour que de réelles négociations soient engagées.

Recrutement des enseignants vacataires
des collèges situés en zone rurale

715. - 7 février 2000. - M. Claude Domeizel attire l'attention de Mme le ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire au sujet du recrutement des enseignants vacataires exerçant dans les collèges en zone rurale dont l'effectif des élèves est faible. Si la rentrée 1999-2000 a été globalement satisfaisante en terme de postes budgétaires, certains collèges ruraux n'ont été totalement pourvus en personnel que plusieurs semaines après la rentrée, du fait, semble-t-il, des difficultés rencontrées par l'administration pour trouver des candidats pour des disciplines comptant peu d'heures d'enseignement. Des exemples concrets permettent d'affirmer que la faiblesse du salaire alloué pour cinq ou six heures de cours, souvent amputé par des frais de déplacement et d'hébergement importants, freine en effet les ardeurs pour accepter la charge de quelques heures d'enseignement, parfois étalées sur trois ou quatre jours. Pour pallier cette regrettable situation, préjudiciable au bon fonctionnement des collèges ruraux, particulièrement en montagne, il lui demande s'il est possible d'envisager, à titre exceptionnel, d'augmenter le temps de travail de ces postes afin de les rendre plus attractifs, soit en apportant un appui à l'équipe pédagogique (enseignement de soutien, surveillance) soit à l'administration de l'établissement. Le coût d'une telle mesure, pour un nombre sans doute limité de cas, serait bien dérisoire face à l'immense service rendu, le maintien des petits collèges, contribuant ainsi à la politique d'aménagement du territoire engagée par le Gouvernement.

Fiscalité applicable à l'énergie

716. - 8 février 2000. - Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat au budget sur les avantages reconnus de l'exploitation de la géothermie en France. Elle se révèle d'une efficacité énergétique remarquable. Sa qualité d'énergie propre évite annuellement l'émission de 130 000 tonnes de carbone dans l'atmosphère. Elle génère deux fois le nombre d'emplois par comparaison avec les énergies fossiles. Elle lui fait remarquer que malgré ces avantages, l'ensemble de l'organisation économique, administrative et fiscale défavorise fortement la géothermie. Il en est ainsi du maintien de la TVA à 20,6 % alors que le taux de TVA est de 5,5 % sur les abonnements au gaz et à l'électricité. Elle lui demande de lui faire connaître les nouvelles mesures fiscales qu'elle envisage, dont un taux de TVA réduit à 5,5 %. Elle lui demande de lui faire connaître les mesures de révision de l'ensemble des taxes, qui frappent les diverses énergies et de les hiérarchiser en fonction des effets de leur utilisation sur l'environnement, donnant alors à la géothermie une place croissante, par le simple jeu du marché de l'énergie.