Séance du 9 février 2000
ACCORD EURO-MÉDITERRANÉEN
ÉTABLISSANT UNE ASSOCIATION
ENTRE LES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
ET ISRAËL
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 95, 1999-2000),
adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord
euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés
européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'Etat d'Israël, d'autre
part. [Rapport n° 168 (1999-2000).]
La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué chargé des affaires européennes.
Monsieur le président,
monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite d'abord
rappeler que c'est le 20 novembre 1995 à Bruxelles qu'était signé l'accord
euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés
européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'Etat d'Israël, d'autre
part. Une semaine plus tard, l'Union européenne et les douze partenaires
méditerranéens, dont Israël, adoptaient la déclaration de Barcelone, qui, comme
chacun le sait, est l'acte fondateur du partenariat euroméditerranéen.
Depuis lors, l'ensemble des pays de la région, à commencer par Israël, ont
traversé bien des épreuves et connu bien des soubresauts. En dépit des
difficultés rencontrées, les peuples israélien et palestinien n'ont cessé de
manifester leur attachement à la paix et leur volonté de poursuivre le
processus de paix. L'élection de M. Barak et la constitution d'un nouveau
gouvernement en Israël, soutenu par une large majorité à la Knesset, ont ravivé
les espoirs mis dans une solution négociée du conflit israélo-palestinien.
Comme vous le savez, le processus de paix avait connu une « éclipse » pendant
un peu plus de trois ans, alors que M. Netanyahou était au pouvoir. Cette
situation explique, pour une bonne part, le délai qui s'est écoulé depuis la
conclusion de cet accord.
C'est pourquoi le Gouvernement estime opportun de saisir cette occasion pour
témoigner concrètement de son engagement en faveur de la paix et de la
stabilisation dans la région. Tel est le sens de l'accord d'association qui
vous est présenté aujourd'hui.
Certes, nous le savons, la route est encore longue et il faudra aux parties
beaucoup de courage et de volonté. Les récents événements illustrent, si besoin
était, combien la voie est ardue. Je pense tout particulièrement au brusque
regain de tension au Sud-Liban, suivi des bombardements israéliens au
Liban...
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Hélas !
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
... qui ont fait de nombreux blessés civils et atteint
des stations relais électriques, c'est-à-dire des objectifs civils, ce que nous
déplorons. Nous avons appelé les deux parties à ne pas céder à la tentation de
représailles ou à l'escalade.
Mais la mise en oeuvre de l'accord de Charm el-Cheikh, signé le 4 septembre
1999, et les négociations sur le statut final des territoires palestiniens, qui
ont véritablement débuté le 8 novembre, doivent être considérés comme des
signaux particulièrement encourageants, en dépit d'évidentes difficultés
d'application.
Je mentionnerai enfin la reprise des négociations entre Israël et la Syrie le
15 décembre dernier. Malgré un processus qui avance par à-coups, comme le
montre le report récent d'une nouvelle session de pourparlers syro-israéliens,
ce développement va aussi dans le bons sens.
La communauté internationale, et plus particulièrement l'Union européenne,
doit poursuivre sans relâche son appui à ce processus en exprimant sa confiance
aux dirigeants de la région, qui sont pleinement conscients de leur lourde
responsabilité historique. La France, pour sa part, y est résolue.
En effet, pour la France comme pour l'Union européenne, les peuples des autres
rives de la Méditerranée, qu'il s'agisse d'Israël ou de ses voisins, sont des
amis proches et des partenaires essentiels. L'Europe est unie à eux par la
richesse de l'histoire, la force des liens présents et la volonté de construire
un avenir commun.
Je tiens à souligner qu'Israël occupe une place qui la distingue dans
l'histoire de la politique méditerranéenne de l'Union. Dès 1975, un accord de
coopération avait été conclu entre Israël et la Communauté, permettant très
rapidement aux deux parties de renforcer leurs relations dans le cadre d'un
libre-échange industriel effectif depuis 1989.
En dépit de ses protocoles d'adaptation successifs, cet accord restait limité
aux questions économiques et commerciales. Ainsi, dans le prolongement des
accords d'Oslo, le Conseil européen d'Essen, en 1994, avait reconnu à Israël un
statut privilégié dans l'ensemble des relations extérieures de la
Communauté.
La Commission a reçu mandat de négocier un nouvel accord avec Israël
permettant de renforcer ces relations dans tous les domaines.
Enfin, la relance de la politique méditerranéenne de l'Union, voulue par la
France et consacrée par la déclaration de Barcelone en 1995, confère à la
relation euro-israélienne une dimension nouvelle et particulière.
Elle s'articule autour de trois volets : un volet politique et de sécurité, un
volet économique et financier et un volet social et humain.
Elle fait de l'accord d'association l'une des pierres angulaires dans la
perspective de la zone euro-méditerranéenne de libre-échange à l'horizon
2010.
Elle a pour ambition d'élever Israël au rang de partenaire entier dans
l'ensemble euro-méditerranéen.
Signé au terme de plus de deux ans de négociations, l'accord d'association
s'articule autour des dispositions principales suivantes : l'insertion d'une
clause sur le respect des droits de l'homme et des principes démocratiques, qui
figure désormais dans tous les accords conclus par la Communauté européenne
avec des pays tiers et qui peut aller, le cas échéant, jusqu'à la suspension de
tout ou partie de l'accord ; la mise en place d'un dialogue politique, portant
sur les questions d'intérêt commun, et notamment sur la paix et la stabilité
dans la région ; la consolidation de la zone de libre-échange existante, en
conformité avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce ;
l'introduction de dispositions relatives aux services, aux mouvements de
capitaux et au droit de la concurrence ; l'identification de nouveaux domaines
de coopération - l'environnement et la culture, par exemple - ainsi que la
conclusion parallèle d'un accord sur la recherche, qui a ouvert à Israël le
droit de participer au quatrième, puis au cinquième programme cadre de
recherche et de développement, le PCRD, de la Communauté.
En attendant son entrée en vigueur, les dispositions économiques et
commerciales de l'accord ont été mises en oeuvre par anticipation dans le cadre
de l'accord intérimaire, entré en vigueur le 1er janvier 1996.
Après la Tunisie, Israël sera ainsi le deuxième partenaire méditerranéen avec
lequel un accord d'association entrera en vigueur. Il sera suivi très
prochainement du Maroc, puis, plus tard, de la Jordanie et de l'Egypte, avec
laquelle les négociations sont à présent terminées. Les négociations se
poursuivent, vous le savez, avec le Liban, la Syrie et l'Algérie. Par ailleurs,
un accord intérimaire, dont je déplore qu'il n'ait pas encore pu produire tous
ses effets, est déjà entré en vigueur avec l'OLP.
Au total, les dispositions de cet accord euro-israélien conduisent à
renouveler en profondeur les relations entre Israël et l'Union européenne, en
les inscrivant dans le cadre d'une politique euro-méditerranéenne, ambitieuse
et globale, destinée à faire de la Méditerranée une zone de stabilité et de
prospérité, et qui constitue désormais l'une des priorités de la politique
extérieure de l'Union européenne.
Notre pays à une contribution importante à apporter à ce grand projet, nous en
sommes tous conscients. Très bientôt, dans le cadre de sa présidence de l'Union
européenne, au second semestre de cette année, la France entend faire du
renforcement du dialogue euro-méditerranéen une de ses priorités.
Je tiens à souligner que le processus de paix au Proche-Orient et le
partenariat euro-méditerranéen sont distincts, qu'ils ne doivent pas se
confondre. Mais ils sont aussi complémentaires, comme les vingt-sept
partenaires l'ont une fois encore observé lors de la troisième conférence
ministérielle euro-méditerranéenne de Stuttgart, en avril dernier.
Fortifier le partenariat euro-méditerranéen, favoriser la coopération
Nord-Sud, c'est aussi et d'abord contribuer à la paix.
Ces questions alimenteront désormais le dialogue politique de l'Union
européenne avec Israël, notamment dans le cadre du conseil d'association. Le
nouvel accord entre l'Union européenne et Israël nous donnera ainsi les moyens
d'engager un suivi régulier de la mise en oeuvre de tous les volets de
l'accord, y compris ses aspects relatifs aux droits de l'homme.
Je n'ignore pas, mesdames, messieurs les sénateurs, en présentant ce texte à
votre assemblée, la préoccupation que continue de susciter dans la population
palestinienne la poursuite de la colonisation ; mais les négociations sur le
statut final, qui viennent de débuter, pourront - je le souhaite vivement -
répondre, d'ici au 13 septembre 2000, aux aspirations des deux populations,
israélienne et palestinienne, à la paix et à la sécurité, dans le respect des
droits qui leur sont reconnus respectivement par la communauté
internationale.
C'est pour appuyer les efforts en faveur de la paix, de la stabilité régionale
et du développement que le Gouvernement souhaite que l'accord d'association
entre l'Union européenne et Israël, qui s'inscrit précisément dans cette
logique, puisse entrer en vigueur dès que possible. Il a été soumis à
l'Assemblée nationale, qui l'a approuvé le 23 novembre 1999.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'accord
euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne
et ses Etats membres, d'une part, et l'Etat d'Israël, d'autre part, accord qui
fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bertrand Delanoë,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
M. le ministre vient de le dire, l'accord que nous
examinons aujourd'hui et qui est soumis à notre ratification est l'une des
étapes concrètes de la mise en oeuvre du processus inauguré par la conférence
de Barcelone en 1995. Ce processus se met en place lentement, mais avec une
certaine efficacité, permettant le développement régulier de l'espace
euro-méditerranéen tel qu'il a été pensé par les Européens à la conférence de
Barcelone.
C'est vrai, c'est en 1996 que le Parlement français a été saisi de la
ratification de cet accord. C'est d'ailleurs pourquoi M. le président de
Villepin avait souhaité, à l'époque, que la commission des affaires étrangères
du Sénat envoie une mission tant en Israël que dans les territoires
palestiniens pour rencontrer un certain nombre d'acteurs politiques,
économiques, sociaux, voire philosophiques, et poser le problème dans son
contexte régional difficile.
Entre 1996 et 1999, ce contexte a, évidemment, beaucoup pesé sur cette
ratification, et si l'Assemblée nationale comme le Sénat ont attendu quelques
années avant de prendre position, c'est qu'effectivement le climat politique
entre les protagonistes du Proche-Orient ne favorisait pas cet acte solennel et
important.
Maintenant, le moment est sans doute venu puisque, depuis 1999, on peut
constater, sans vouloir cacher les difficultés que rencontrent les acteurs de
cette région, que le climat a changé grâce à la nouvelle dynamique donnée par
le gouvernement israélien et par les dirigeants palestiniens ou arabes à la
reprise du processus de paix initié à Oslo.
Vous avez dit, monsieur le ministre, quelles étaient les composantes de cet
accord, qui ressemble effectivement aux accords que nous avons passés ou que
nous sommes en train de passer avec d'autres pays de la région.
La spécificité de l'accord entre l'Union européenne et l'Etat d'Israël tient à
ce que les économies sont de niveau assez comparable et qu'il y a déjà des
échanges commerciaux bien établis entre l'Europe et Israël qui permettent de
donner un nouvel élan à la politique euro-israélienne, d'autant que, si ces
échanges sont, certes, abondants, ils sont en défaveur des Israéliens, qui,
assez légitimement, souhaitent, grâce la mise en oeuvre de cet accord, parvenir
à un rééquilibrage.
Par ailleurs, vous l'avez dit, monsieur le ministre, avec la libéralisation
des échanges dans le domaine des services, comme l'économie israélienne est
assez performante du point de vue des nouvelles technologies, s'ouvre aussi un
nouvel espace de coopération, de développement pour l'Europe et pour Israël
qui, peut être assez intéressant.
Abandonnant le terrain économique, je veux parler un instant des relations
politiques prévues par cet accord entre l'Union européenne et Israël. C'est
très important, car, vous l'avez dit aussi, par les valeurs communes,
l'histoire commune, l'habitude du débat politique, parfois heurté, entre Israël
et l'Union européenne, cet accord ouvre à l'Europe un nouvel espace dans cette
partie du monde.
C'est la première fois qu'un Premier ministre israélien reconnaît l'importance
de l'Europe, l'importance de la France, dans le processus de paix et dans la
vie politique de cette région.
A cet égard, ne perdons pas de vue que l'Union européenne fournit la moitié de
l'aide économique internationale accordée aux territoires palestiniens. A la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, nous ne
séparons pas les problèmes : quand nous parlons de l'accord entre l'Union
européenne et Israël, nous n'oublions pas qu'il y a en même temps une volonté
de dynamique dans le partenariat à la fois économique et politique entre
l'Union européenne et les territoires palestiniens au travers de l'accord
intérimaire.
Tout en restant lucide et modeste, l'Europe peut effectivement, dans le
dialogue politique prévu par l'accord, trouver une place importante dans cette
région du monde.
Le processus de Barcelone est un processus régional qui implique que les
partenaires qui passent des accords avec l'Union européenne dialoguent aussi
entre eux. C'est donc un moyen pour Israël de s'intégrer dans la région qui est
géographiquement la sienne.
Je terminerai en disant que, si la commission des affaires étrangères a
proposé de voter ce projet de loi de ratification, elle l'a fait avec confiance
et lucidité.
M. le président de la commission et M. de la Malène, notamment, ont soulevé
les interrogations qui sont les nôtres à la fois sur le bon climat qui s'est
créé depuis l'élection de M. Barak au poste de Premier ministre et sur les
difficultés actuelles, qui sont encore très importantes. Les pourparlers avec
la Syrie sont bloqués, ceux avec l'autorité palestinienne sont difficiles,
c'est le moins que l'on puisse dire, même si le processus est de nouveau sur
les rails, et - vous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre - les
événements au Sud-Liban de ces dernières heures sont extrêmement préoccupants.
Sur ce dernier point, je dirai simplement, à titre personnel, estimant que cet
avis est partagé par la commission, qui n'en a pas discuté, que le Gouvernement
de la France s'est exprimé avec une grande fermeté.
Il est important que la France, l'Europe fassent entendre leur voix pour
mettre en garde contre des dérapages dangereux dans un climat qui s'était
pourtant amélioré. Que des opérations militaires touchent les populations
civiles à un moment où les négociations israélo-syriennes et
israélo-palestiniennes vont plutôt moins bien est effectivement très
préoccupant.
La commission des affaires étrangères propose, bien entendu, d'autoriser la
ratification de cet accord, mais elle le fait les yeux ouverts. La construction
de l'espace euro-méditerranéen est extrêmement difficile. Nous devons nous y
engager avec volontarisme sur le plan de la coopération économique et
politique. Mais n'oublions pas que nous voulons créer un espace de paix et de
sécurité, et que cette ambition pèse très lourd. Le volontarisme n'exclut pas
la lucidité. Le rôle de l'Europe et de la France est très important dans cette
région du monde.
C'est pourquoi cette ratification n'est pas seulement un acte de confiance.
C'est un appel à l'action pour aider tous les acteurs de bonne volonté dans
cette région du monde à construire l'espace méditerranéen que nous
souhaitons.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart.
Monsieur le président, mes chers collègues, permettez-moi, après M. le
ministre et après M. le rapporteur, de faire part ici de ma préoccupation face
à l'évolution, ces derniers jours, de la situation au Proche-Orient.
Nous sommes en effet inquiets de la montée des tensions et de la menace qui
pèse à nouveau sur le processus de paix. Le gel des négociations
israélo-palestiniennes et la reprise, parallèlement, des bombardements au
Sud-Liban qui font des victimes civiles, sont vivement préoccupants.
Le viol des accords israélo-libanais de 1996, qui engageaient les
protagonistes à ne pas viser de cibles civiles, laisse présager une escalade de
la violence dans le sud du Liban, mais aussi, peut-être, dans toute la région,
escalade contre laquelle la communauté internationale doit intervenir de façon
urgente.
Dans ce contexte, il nous semble essentiel que l'Europe, en particulier la
France, mette tout en oeuvre afin d'éviter une telle évolution. C'est
aujourd'hui une réelle urgence !
M. Alain Gournac.
Non !
M. Jean-Luc Bécart.
Ces événements sont d'autant plus préoccupants - et notre engagement d'autant
plus important - qu'ils se produisent dans un contexte que l'on pouvait
qualifier, depuis quelques mois, de détente et d'ouverture, avec une
possibilité réelle de voir les négociations avancer.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous souhaiterions voir affirmer avec
force l'engagement de la France d'agir à tous les niveaux afin de renouer les
fils du dialogue et de contribuer à relancer cette longue et difficile marche
vers la paix.
C'est bien sûr dans cet esprit que nous abordons le projet de loi examiné
aujourd'hui. Cette ratification ne peut, en effet, être dissociée de la
problématique et des perspectives de règlement du conflit au Proche-Orient.
La France est l'un des derniers pays à ratifier cet accord signé à Barcelone
en novembre 1995. Les reports successifs nous ont toujours semblé pleinement
justifiés. En effet, la politique de blocage systématique du processus de paix
israélo-palestinien par le gouvernement israélien de M. Netanyahou, au pouvoir
jusqu'en mai dernier, n'incitait pas, c'est le moins que l'on puisse dire, à
développer des relations privilégiées avec ce pays.
Mais la situation a évolué : l'élection d'un nouveau premier ministre, M. Ehud
Barak, a permis la réouverture des négociations.
Il nous semble donc opportun que la France ratifie cet accord d'association,
qui vise à améliorer les échanges, à renforcer la coopération et le dialogue
politique entre l'Union européenne et Israël. Il constitue un geste de
confiance dans l'avenir : l'avenir des relations entre l'Union européenne et
Israël, que nous souhaitons voir se développer, mais aussi l'avenir des
relations entre l'Union européenne et les Palestiniens, et entre Israéliens et
Palestiniens.
Il participe aussi d'une volonté plus large de construire un véritable
partenariat euro-méditerranéen dans un souci de développement durable et de
sécurité régionale.
Le chemin à parcourir, bien évidemment, est encore long et l'actualité nous
montre que les efforts doivent rester constants. Une paix durable n'est
possible que si les droits et la sécurité de chacun sont respectés.
Si des efforts ont été réalisés par le gouvernement d'Ehud Barak pour relancer
le processus de paix, les droits des Palestiniens sont encore loin d'être
correctement et pleinement respectés.
Amnesty International
a publié en
décembre dernier un rapport très critique à l'égard de l'Etat hébreu. Il
dénonce la destruction de maisons, l'expropriation des terres palestiniennes en
Cisjordanie et à Jérusalem-est, avec notamment comme objectif de modifier les
plans d'urbanisme aux dépens des Palestiniens.
Malheureusement, ces pratiques n'ont pas cessé malgré le changement de
gouvernement. Ainsi, la poursuite de la colonisation constitue toujours une
véritable provocation au regard du droit international. Elle interdit, à terme,
toute continuité territoriale au futur Etat palestinien et, par là même, met en
cause sa viabilité. L'Europe doit continuer d'exercer une forte pression.
Cet accord d'association Union européenne-Israël peut et doit être, selon
nous, un moyen d'avancer dans ce sens. En le signant, les partenaires européens
et israéliens ont pris des engagements contraignants, notamment celui du
respect des droits de l'homme et des principes démocratiques, comme il est
stipulé expressément dans l'article 2 de l'accord.
Il est maintenant de notre responsabilité vigilante de faire en sorte que cet
accord soit respecté dans toutes ses dimensions et que les engagements pris
soient tenus.
Il convient également de soulever la question concernant les importations, au
titre du régime préférentiel, de produits en provenance de Gaza ou de
Cisjordanie et étiquetés comme étant des produits israéliens. L'accord
intérimaire s'était déjà heurté à cette question.
L'entrée en vigueur de l'accord final peut-il, monsieur le ministre, mettre
fin à cette pratique contestable ? Il devra pour cela exclure, dans son
application, les colonies israéliennes et ne considérer que le territoire de
l'Etat d'Israël au sens strict. Rappelons que les colonies continuent de
s'étendre alors qu'elles devraient, selon le droit international et les
résolutions de l'ONU, être en cours de démantèlement.
Cette question est particulièrement importante pour l'économie des territoires
palestiniens. L'ouverture économique et le développement de ces territoires
constituent à l'évidence une condition essentielle du processus de paix et de
stabilité dans la région.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est dans
cet esprit que le groupe communiste républicain et citoyen votera évidemment la
ratification de cet accord.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.).
M. Xavier de Villepin,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Xavier de Villepin,
président de la commission.
Monsieur le président, monsieur le ministre,
mes chers collègues, ce qui passe actuellement au Liban me paraît
inadmissible.
M. François Gerbaud.
C'est vrai !
M. Xavier de Villepin,
président de la commission.
Depuis deux nuits, le Liban subit des raids
aériens et se trouve privé d'électricité, et j'estime que pour le peuple
libanais, c'est une humiliation inacceptable.
M. François Gerbaud.
Vous avez raison !
M. Xavier de Villepin,
président de la commission.
A l'occasion de la présentation du rapport de
M. Delanoë, j'ai exprimé devant la commission - et le rapport en témoigne - mes
inquiétudes sur l'évolution du processus de paix, qui comporte deux grandes
échéances : le 13 février et la fin de l'année 2000.
Tout indique que la première échéance ne sera pas respectée. Je le dis avec
une très grande conviction et avec une très grande amitié pour Israël.
M. Alain Gournac.
Bien sûr !
M. Xavier de Villepin,
président de la commission.
La méthode du bombardement, qui prive
d'électricité la population libanaise, n'est pas la bonne méthode pour aboutir
à la paix.
Cela étant dit, je voudrais rendre hommage au Sénat qui, sur ce débat du
rapport entre l'Europe et Israël, a toujours été, sans aucune hésitation, et je
parle au nom de tous les membres de la commission, favorable à la ratification
car, quelles que soient les circonstances d'aujourd'hui, nous devons penser au
lendemain, et le lendemain passe par la réconciliation de la région, par son
unification économique et par la paix.
(Très bien ! et
applaudissements.)
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici,
ministre délégué.
Permettez-moi de faire écho à ces observations et à ces
inquiétudes.
Moi aussi, je veux saluer le Sénat et son attitude positive. La ratification
de cet accord aura valeur de double témoignage. Ce sera un témoignage de
reconnaissance qu'une nouvelle période s'est ouverte avec l'arrivée au pouvoir
de M. Barak - en toute hypothèse, nous verrons - porteuse d'espoir pour le
processus de paix. C'est aussi un témoignage de la détermination de l'Europe et
de la France d'apporter leur contribution à la recherche de la paix et au
développement économique de la région.
Nous sommes à quelques mois de la présidence française de l'Union européenne
et le geste que vous allez accomplir est important et représente, en quelque
sorte, cet appel à l'action auquel M. Delanoë faisait allusion.
Bien sûr, il y a eu, au Proche-Orient, de récents développements négatifs et
préoccupants. Je citerai la tension au Sud-Liban, le gel des contacts
israélo-palestiniens et le report des pourparlers syro-israéliens.
Malheureusement, ce n'est pas vraiment une surprise : le processus a connu des
hauts et des bas, et il en connaîtra encore. Il ne faut pas mettre en cause la
volonté des principaux acteurs d'aboutir à la paix, en dépit de difficultés
réelles.
J'ai en mémoire un entretien récent du Premier ministre avec M. Barak lors du
colloque sur l'holocauste qui s'est tenu à Stockholm et auquel j'ai participé.
Les événements ont pris depuis une autre tournure, mais on sentait que les
facteurs de déséquilibre étaient déjà là, tout comme la volonté de les
surmonter.
Monsieur de Villepin, je vous ai tout à l'heure fait part de nos
préoccupations sur la situation au Liban. M. Védrine a téléphoné au premier
ministre libanais, M. Salim Hoss, pour l'assurer du soutien de la France, qui a
d'ailleurs appelé à une réunion d'urgence du groupe de surveillance, créé par
l'accord de 1996. Elle va envoyer au Liban une mission d'experts pour évaluer
l'aide à apporter pour la reconstruction d'urgence des centrales
électriques.
La formule qui a été utilisée par M. le rapporteur est juste. Vous vous
apprêtez à ratifier cet accord. Il est temps. Il faut le faire les yeux
ouverts, en sachant que c'est un acte de confiance et que la confiance n'est
jamais aussi forte et aussi belle que lorsqu'elle est lucide.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique. -
Est autorisée la ratification de l'accord
euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés
européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'Etat d'Israël, d'autre
part, fait à Bruxelles le 20 novembre 1995, et dont le texte est annexé à la
présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons interrompre quelques instants nos travaux, en
attendant l'arrivée de M. le ministre de l'intérieur, retenu à l'Assemblée
nationale par la séance des questions au Gouvernement.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize
heures dix.)