Séance du 9 février 2000
CONSÉQUENCES ET SUITES
DES INTEMPÉRIES ET DE LA MARÉE NOIRE
INTERVENUES FIN DÉCEMBRE 1999
Débat sur une déclaration du Gouvernement
M. le président.
L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat,
sur les conséquences et les suites des intempéries et de la marée noire
intervenues fin décembre 1999.
Je rappelle que ce débat a été organisé pour répondre à une demande formulée à
l'unanimité par le Sénat.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, vous avez exprimé le souhait d'un échange sur les mesures adoptées
pour faire face aux conséquences des tempêtes et du naufrage de l'
Erika
en décembre dernier. J'y prends part volontiers, au nom du Gouvernement, en ma
charge de ministre de l'intérieur, qui est toute particulière en temps de
crise.
Cette discussion me donne l'occasion de vous informer de la façon la plus
complète possible sur les dispositions retenues par le Gouvernement le 12
janvier dernier et sur leur mise en oeuvre.
Sous la direction du Premier ministre, le Gouvernement s'est très rapidement
mobilisé.
Peu importe l'appellation de « tempête » ou « d'ouragan », le déchaînement des
éléments qui ont par deux fois balayé le territoire national en vingt-quatre
heures a été source de souffrances et de dégâts pesant sur la vie quotidienne
de nos concitoyens. Dans le même temps, la pollution causée par le navire
Erika
nous imposait de lutter contre la marée noire.
L'Etat, comme c'est son premier devoir, mais aussi bien sûr les collectivités
locales, que vous représentez plus particulièrement, et plus généralement tous
les services publics ont manifesté leur capacité d'intervention commune et
complémentaire.
Il faut ici rendre hommage au sens du service public qui anime tous ceux qui y
participent et dont la crise sans précédent que nous avons vécue à la fin de
l'an dernier est le meilleur révélateur.
A l'occasion de mes déplacement dans la Marne, en Moselle, en
Charente-Maritime, en Gironde, dans le Doubs puis dans le Morbihan, j'ai pu
mesurer, comme l'ont fait ailleurs le Premier ministre, le Président de la
République et plusieurs de mes collègues au Gouvernement, la force de la
solidarité nationale face à l'inquiétude et au désarroi qui pouvaient gagner
certains de nos concitoyens les plus durement atteints.
Le Gouvernement tient à saluer le mouvement de fraternité auquel ont participé
de nombreux Français : bénévoles, asociations, fonctionnaires de l'Etat et des
collectivités territoriales, militaires venus en renfort, agents des
entreprises et des services publics, ainsi que des entreprises qui y ont
apporté leur concours, sans oublier nos partenaires européens.
Conscient du rôle des maires et de leurs équipes municipales placés en
première ligne face aux difficultés de chacun et plus généralement celui de
tous les élus des différentes collectivités dont la Haute Assemblée est
l'émanation, le Gouvernement a souhaité associer étroitement les élus que vous
êtes à sa démarche. Le Premier ministre y a veillé personnellement tout comme
l'ensemble des ministres afin de mieux répondre aux préoccupations des acteurs
de terrain.
Hier, à Matignon, M. Jospin a reçu une délégation d'élus du littoral
atlantique pour traiter les conséquences de la marée noire provoquée par le
naufrage de l'
Erika.
Le 17 février prochain, il recevra les
représentants des trois plus grandes associations d'élus afin de discuter des
réponses qui ont été apportées aux intempéries.
Le Premier ministre a présenté le 12 janvier 2000 un plan d'ensemble des
mesures gouvernementales. Après le temps de l'urgence, au cours duquel
d'imposants moyens dont je vais dresser le bilan ont été mis en oeuvre, vient
maintenant le temps de la reconstruction.
L'ensemble des ministères ont oeuvré à marche forcée pour mettre en oeuvre des
mesures concernant l'ensemble des personnes et des biens qui ont subi des
dégâts.
A travers ces actes et les moyens financiers qui les accompagnent, c'est
l'expression de la solidarité nationale qui se manifeste.
Le Gouvernement reste à l'écoute des besoins. Ce dispositif sera bien
évidemment complété et révisé si le besoin s'en fait sentir.
Permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de dresser un bilan des
interventions d'urgence mises en oeuvre, plus particulièrement des moyens
humains et matériels que les préfets ont eu en charge de coordonner.
Pour les tempêtes qui se sont abattues sur notre pays, le bilan est tout
d'abord humain. Il est lourd, puisque quatre-vingt-huit personnes ont trouvé la
mort dont deux sapeurs-pompiers qui sont décédés en intervention. Il me revient
de rendre hommage tout particulièrement à ceux qui ont sacrifié leur vie au nom
de leur devoir. D'autres intervenants, faisant preuve d'un réel courage, ont
été blessés à des degrés divers.
Afin de bien cerner l'ampleur de la crise, je souhaite rappeler quelques
chiffres. Le 28 décembre au matin, 3,4 millions de foyers étaient privés
d'électricité, 500 000 lignes téléphoniques étaient coupées et plusieurs
centaines de milliers de personnes étaient privées d'eau potable. Le réseau
routier principal était coupé en plus de 300 endroits. Des dizaines de milliers
de personnes âgées dans des maisons de retraite ou des hôpitaux locaux devaient
être mises en sécurité, de même que les personnes sous assistance médicale.
Cette situation de crise majeure, comme la France n'en avait jamais connu, a
mobilisé l'ensemble des services de l'Etat, des collectivités territoriales,
des entreprises du service public et les professionnels concernés. Sous
l'autorité des préfets, qui ont été à la hauteur de leur mission, sept plans
ORSEC ont été déclenchés, 200 000 sapeurs-pompiers volontaires et 40 000
sapeurs-pompiers professionnels, civils et militaires, sont intervenus. Je
pense aux unités d'intervention de la sécurité civile, à la brigade de
sapeurs-pompiers de Paris, au bataillon de marins pompiers de Marseille.
Certains départements ont enregistré en quarante-huit heures autant
d'interventions qu'en une année ; 55 000 personnels d'EDF ont participé
directement ou indirectement au rétablissement de l'électricité.
J'ai veillé personnellement à ce que les moyens du ministère de l'intérieur
soient engagés de façon optimale. Ainsi, 1 200 personnels des unités
d'instruction et d'intervention de la sécurité civile, les UIISC, sur un total
de 1 600, sont intervenus et continuent à intervenir au profit des départements
sinistrés.
Les armées mobilisent actuellement 4 000 hommes, qui se consacrent en priorité
au déboisement des itinéraires forestiers, à la sécurisation des cours d'eau,
se chargent des actions d'urgence, interviennent là où la main-d'oeuvre fait
défaut. En outre, il a été décidé d'accorder un report d'incorporation aux
jeunes exploitants et aux fils d'exploitant agricole appelés sous les drapeaux
en février ou en avril.
A l'échelon national, le centre opérationnel et d'aide à la décision du
ministère de l'intérieur, le COAD, installé à Asnières au sein de la direction
de la défense et de la sécurité civile, a été activé dans sa configuration
interministérielle pour coordonner et répondre aux demandes en moyens nationaux
exprimées par les départements. C'est à ce COAD qu'est revenue la charge de
répartir les moyens supplémentaires, les moyens militaires, les colonnes de
secours, les moyens des UIISC, les groupes électrogènes, là où les besoins se
faisaient sentir.
La mobilisation et la solidarité n'ont pas été que nationales puisque dix-sept
pays ont répondu à l'appel de la France et ont fourni des équipes spécialisées
et du matériel. C'est ainsi que 500 groupes électrogènes nous ont été fournis,
s'ajoutant aux 2 500 que nous étions parvenus à mobiliser sur le plan national.
Je tiens à remercier très chaleureusement les pays voisins et amis du concours
qu'ils nous ont apporté. Je n'aurai garde d'oublier les renforts qui nous sont
également parvenus des départements et territoires d'outre-mer.
En tout, ce sont plus de 300 000 personnes, tous services confondus, qui ont
été engagées et qui continuent de l'être pour lutter contre les effets des deux
tempêtes.
J'en viens maintenant à la pollution de l'
Erika.
S'agissant du naufrage de ce pétrolier, la mobilisation et la solidarité ont
été au rendez-vous. Dès le 12 décembre à dix-huit heures, le plan Polmar-mer
était déclenché. Il en fut de même des plans Polmar-terre dans les départements
de la Vendée, de la Charente-Maritime, du Finistère, du Morbihan et de la
Loire-Atlantique. J'ai désigné le préfet de la zone de défense Ouest, préfet de
Bretagne, comme coordonnateur de l'ensemble des moyens publics et privés d'aide
à la lutte contre cette pollution. On peut considérer qu'en moyenne chaque jour
2 000 militaires, personnels de la sécurité civile, de la gendarmerie ou des
sapeurs-pompiers des colonnes de renfort des autres zones de défense
participent à la dépollution des côtes. Comme vous le savez, la mer rejette
encore aujourd'hui galettes et boulettes. La tâche n'est donc pas terminée !
Conformément à l'engagement du Premier ministre, ces moyens civils et
militaires restent à pied d'oeuvre et permettent, en liaison avec les
collectivités territoriales, la réalisation d'un plan systématique de nettoyage
décidé par le Gouvernement et que j'ai présenté le 17 janvier dernier à
Lorient, aux élus concernés. Les opérations de lutte contre la pollution,
conséquence du naufrage de l'
Erika,
se poursuivent toujours à un rythme
soutenu.
Le colmatage des suintements est en voie de finition et aucune augmentation
n'a été observée par les navires en permanence sur la zone ou par les
surveillances aériennes. Si aucune nappe épaisse n'a été constatée, je l'ai
déjà dit, des galettes et des boulettes de fioul continuent d'arriver sur les
côtes. Ces arrivées sporadiques pour la plupart détachées des côtes sont
facilitées par la combinaison de vents forts et les grands coefficients de
marée, ce qui complique bien entendu les opérations de nettoyage. Plus de
trente chantiers sont en activité dans quatre départements. Au total, le plan
de nettoyage a d'ores et déjà permis de ramasser près de 107 000 tonnes de
déchets.
Le Gouvernement a prévu un dispositif de protection de la santé des bénévoles,
mais, comme l'a rappelé le Premier ministre, toutes les analyses confirment
qu'il s'agit de fioul n° 2, visqueux, lourd mais peu toxique et non hautement
cancérigène comme l'a affirmé un laboratoire qui, se fondant sur des résultats
non avérés, a agi de manière irresponsable.
M. Jacques Oudin.
Bravo !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
La mobilisation et la vigilance ne se relâchent
pas. Le Premier ministre a confirmé hier que les moyens tant en personnel
militaire, qui mobilisent 1 250 hommes, qu'en personnel civil et en matériel
seront maintenus pendant encore plusieurs semaines, jusqu'à la fin des
opérations.
A ce dispositif sur le terrain s'ajoute, à la demande du ministre de
l'aménagement du territoire et de l'environnement, la création auprès de chaque
préfet concerné d'une cellule d'évaluation de l'impact écologique de la marée
noire. En outre, a été installé à Rennes un observatoire des conséquences de la
marée noire.
Le ministre de l'équipement, du logement et des transports a été chargé de
coordonner l'action de l'Etat en matière de traitement de l'épave, dont la
maîtrise d'ouvrage revient à TotalFina.
J'ajoute que de nouveaux moyens financiers sont dégagés pour le nettoyage des
côtes. Le fonds POLMAR, déjà bénéficiaire d'une première enveloppe de 120
millions de francs, vient d'être abondé, sur décision du Premier ministre,
d'une deuxième enveloppe de 140 millions de francs.
Après ce premier bilan des mesures d'urgence, j'en viens au deuxième point de
non exposé : les mesures d'indemnisation et de soutien à la reconstruction.
Il s'agit en effet de mettre en oeuvre, au bénéfice de nos citoyens et des
différents secteurs économiques, tous les moyens susceptibles de permettre la
restauration et la reconstruction de ce qui a été endommagé ou détruit.
Je commencerai par les aides aux personnes.
La solidarité nationale doit, bien sûr, s'exprimer en priorité par une aide à
nos concitoyens placés dans les situations les plus difficiles. Mais il faut
être clair : pour les particuliers, le risque tempête est pris en charge par
les assurances. Le Gouvernement a fait en sorte que les indemnisations
interviennent dans les meilleures conditions : simplification des formulaires
de déclaration, extension des délais, du champ des dommages couverts et
plafonnement à 1 500 francs de la franchise dans le cadre des contrats
multirisques.
Mais avant même l'intervention des assurances, il a fallu, vous le savez,
reloger certains de nos concitoyens et leur apporter en toute urgence la
première aide nécessaire. Les mairies qui y ont pourvu sont en passe d'être
remboursées de leurs frais.
En complément de cette toute première intervention, un dispositif de secours a
été mis en place pour aider à faire face aux dépenses de la vie quotidienne.
Les personnes dont le logement, les biens ou l'outil de travail ont été
détruits et qui se trouvent en situation précaire en ont bénéficié. A cette
fin, l'Etat complète l'effort de solidarité des communes et des organismes
sociaux par une dotation exceptionnelle de 500 millions de francs aux
commissions d'aide sociale d'urgence. Des instructions précises ont été
adressées aux préfets sur les conditions d'attribution de ces aides, et les
premiers crédits ont déjà été délégués. Toutes les demandes reçues à ce jour
ont été satisfaites immédiatement.
En outre, les personnes pourront bénéficier de prêts à taux nul pour la
réparation de leur logement dans les cas non garantis par les assurances, comme
les vérandas ou les clôtures, et pour l'acquisition d'un nouveau logement en
cas de destruction de l'habitation principale.
Enfin, les personnes victimes des intempéries pourront bénéficier de délais,
pour le paiement de leurs impôts, voire de remises en cas de grandes
difficultés, mais aussi pour le paiement de la redevance télévision. En outre,
des délais seront accordés pour le dépôt des déclarations.
Afin d'aider les particuliers mais également les entreprises et les
collectivités locales confrontées à des difficultés d'indemnisation, ont été
créées dans soixante-dix-sept départements des commissions départementales
chargées d'examiner les cas d'indemnisation les plus difficiles, une commission
nationale, présidée par M. le préfet Lebeschu, étant chargée d'en effectuer la
synthèse. Le faible taux de saisine de ces commissions semble témoigner d'un
bon fonctionnement des mécanismes d'indemnisation, pour autant que l'on puisse
en juger.
J'en viens aux aides aux collectivités locales.
Comment ne pas mettre l'accent devant la Haute Assemblée sur l'effort tout
particulier qu'a fait l'Etat pour soutenir les collectivités locales ?
Celles-ci ont elles-mêmes oeuvré et continuent d'oeuvrer au secours et au
bien-être quotidien de tous mais, en outre, les dégâts du vent et ceux de la
pollution pétrolière ont gravement porté atteinte à leurs équipements, à leur
patrimoine culturel, à leurs richesses agricoles et forestières, à leur
potentiel touristique et économique. Il est normal que vous y soyez sensibles.
Moi-même, en tant que ministre de l'intérieur, chargé des collectivités
locales, j'y suis particulièrement attentif.
Les dépenses, chiffrées à 40 millions de francs, liées aux interventions
effectuées par les services départementaux d'incendie et de secours hors de
leurs zones de défense seront prises en charge par le budget du ministère de
l'intérieur, qui a déjà été abondé de 20 millions de francs à cette fin.
Je rappelle que l'Etat contribuera aux dépenses engagées par les collectivités
pour l'intervention de bénévoles, en tenant compte des ressources communales,
des charges supportées et du cadre juridique de l'intervention.
Comme l'Etat l'a déjà fait pour les plus grandes catastrophes, mais en
dégageant cette fois-ci des moyens financiers sans précédent, à concurrence de
1 milliard de francs, il participera à la reconstruction ou à la remise en état
des biens non assurables : une circulaire vient d'être adressée aux préfets
afin de préciser les biens concernés dans les soixante-dix-sept départements
touchés par la tempête.
En pratique, vont pouvoir être ainsi subventionnés : la voirie communale et
départementale, les biens annexes à la voirie nécessaires à la sécurité de la
circulation, tels que les panneaux et glissières ; les réseaux d'assainissement
et d'eau potable ; les ponts et ouvrages d'art ; les stations d'épuration et de
relevage des eaux ; la reconstitution des aires de jeux ainsi que les parcs,
jardins et espaces boisés appartenant au domaine public des collectivités
locales ; enfin, les travaux urgents de restauration de capacité d'écoulement
des cours d'eau lorsque leur maîtrise d'ouvrage sera assurée par une
collectivité locale ou un établissement public de coopération intercommunale.
Le taux moyen de ces concours sera de 50 % et pourra atteindre 80 % pour les
communes de moins de 1 500 habitants ou pour celles de moins de 10 000
habitants ayant dû supporter plus de 4 millions de francs de travaux.
Ces deux catégories de communes seront privilégiées, eu égard à leurs faibles
moyens, comme elles l'ont été dans les quatre départements du sud de la France
qui ont dû affronter les inondations du mois de novembre.
Dans la fixation du montant des subventions, les préfets tiendront compte de
la taille des collectivités, de leur situation financière et des catégories de
dépenses.
La moitié du financement de l'Etat, soit 500 millions de francs, a été déjà
ouverte par décret de dépense accidentelle, de façon que l'on puisse procéder
dans les jours qui viennent aux premières délégations de crédit.
En complément des indemnisations des assurances, l'Etat accordera 200 millions
de francs de subventions pour la restauration du patrimoine historique et
culturel des collectivités locales. Des aides seront également apportées aux
collectivités pour les équipements éducatifs et sportifs.
Sachez que l'Etat a, lui aussi, un important patrimoine à restaurer, lequel
nécessitera un effort de l'ordre de 600 millions de francs.
Les délais de remboursement du fonds de compensation de la TVA pourront être
réduits. Une disposition législative sera soumise à cet effet au Parlement.
Les communes forestières sont bien sûr parmi les plus touchées, soit parce que
leur patrimoine forestier est atteint et qu'après la vente des chablis cette
année leurs recettes vont diminuer fortement, comme j'ai pu le voir en
Gironde...
M. Gérard César.
Très juste !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
... ou dans d'autres départements, les Vosges,
le Doubs, la Creuse, la Charente, la Charente-Maritime, notamment, soit parce
qu'elles ont accepté, par solidarité, de geler leurs coupes de bois.
Le plan gouvernemental du 12 janvier avait déjà annoncé le versement d'aides
exceptionnelles pour les budgets de fonctionnement des communes sinistrées.
Le Premier ministre a, devant l'Assemblée nationale, le 3 février dernier,
pris l'engagement d'élargir le soutien de l'Etat à l'ensemble des communes
forestières. Je suis à même de vous préciser que le Gouvernement mettra en
place prochainement un dispositif de prêts bonifiés pour permettre aux communes
en difficulté budgétaire ou financière, en raison du gel de leurs coupes de
bois, de passer le cap difficile de l'année qui vient et, si nécessaire, de
l'année suivante. Quant à celles dont la vente de chablis correspondant à
plusieurs années de récolte et qui, en dépit de la baisse des cours, en
tireraient un revenu supérieur à leurs recettes annuelles normales, elles
pourront effectuer des placements en bons du Trésor selon des modalités
simplifiées et adaptées à leur situation. Je sais que, sur ce dernier point,
plusieurs membres de la Haute Assemblée avaient déposé une proposition de
loi...
M. le président.
Exact !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
... et j'espère que la mesure prise permettra de
répondre aux besoins dont ils se faisaient l'écho. Le contenu de ces mesures
sera précisé très prochainement. J'en viens aux aides attribuées aux secteurs
économiques qui ont été touchés par les tempêtes et la pollution pétrolière.
Je viens d'évoquer la situation des communes forestières. Les arbres
déracinés, décapités, sont parmi les symboles les plus forts de l'ouragan subi.
Cela fait peine à voir. J'en ai été le témoin lors de mes déplacements dans
l'ouest et le sud de la France et, bien sûr, dans l'est que je connais bien.
Comme vous le savez, un plan national a été adopté pour la forêt. Il faut en
effet évacuer, stocker et mettre en valeur les bois abattus. Deux enveloppes
exceptionnelles de prêts bonifiés à 1,5 % ont été prévues...
M. Henri de Richemont.
Il faudra rembourser !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
... et 8 milliards de francs seront consacrés à
l'abattage et au dégagement des bois, 4 milliards de francs à leur stockage et
à leur valorisation. S'ajouteront les crédits destinés à la protection
sanitaire des forêts, au dégagement, à la réalisation de pistes forestières et
d'aires de stockage.
Je vous précise que les collectivités locales font partie des bénéficiaires de
ces mesures.
Pour faire face au besoin de personnels qualifiés, un programme d'actions pour
l'emploi en forêt a été lancé, avec pour objectif la formation de 2 500
demandeurs d'emploi.
Il sera par ailleurs possible de déduire des revenus professionnels des
charges liées à la tempête non couvertes par les assurances. Les nouveaux
matériels feront l'objet d'un amortissement accéléré. Les exploitants
forestiers pourront bénéficier, pour les parcelles atteintes par la tempête,
d'un dégrèvement exceptionnel de leur taxe foncière sur les propriétés non
bâties de 1999.
Le Gouvernement fera, de plus, bénéficier tous les travaux d'exploitation
forestière - plantation, débardage, élagage - du taux réduit de TVA à 5,5 %,
qui s'applique déjà à l'abattage et au tronçonnage des arbres. La Commission
européenne est, en outre, saisie d'une demande d'extension du taux réduit de
TVA à l'ensemble des utilisations énergétiques du bois. D'autres dispositions
fiscales sont à l'étude, qui devront tenir compte des spécificités des
investissements dans ce secteur.
Avec l'appui du Gouvernement, et particulièrement du ministre de l'agriculture
et de la pêche, l'ensemble des professions forestières a décidé le gel des
coupes dans les régions épargnées par la tempête. Les bois abattus seront
utilisés en priorité. Le surcoût qu'entraîne leur transport est important ;
c'est pourquoi une aide au transport d'un montant de 700 millions de francs a
été décidée afin de dégager et de commercialiser au plus vite plus de 25
millions de tonnes issues des essences les plus fragiles.
A plus long terme, il faudra reconstituer la forêt française. A cet égard, le
Gouvernement a prévu un effort considérable pour le reboisement : 6 milliards
de francs de subventions y seront consacrés sur dix ans, et les effectifs
techniques seront renforcés dans le secteur forestier.
Dans son ensemble, le plan pour la forêt mobilisera plus de 2 milliards de
francs en 2000.
Le Parlement sera saisi, au cours de ce semestre, du projet de loi forestière
qui devra tirer les leçons du sinistre.
Mais les fléaux naturels sont toujours et d'abord subis par l'agriculture, et
c'est ce secteur que je vais maintenant évoquer.
Je vous confirme que, pour les biens non assurables par nature, la procédure
des calamités agricoles a été lancée : la commission nationale se réunira dès
le 11 février, c'est-à-dire après-demain, et les premiers acomptes seront
versés avant le 1er mars, afin d'indemniser les pertes de fonds et de
récoltes.
Dans l'immédiat, des avances de trésorerie, des délais de paiement, des
reports d'annuités et, dans certains cas, des dégrèvements de charges sociales
sont accordés, ainsi que des prêts bonifiés à 1,5 %. Ces mesures spécifiques
compléteront le dispositif mis en place en liaison avec la Banque des petites
et moyennes entreprises, la BDPME, pour toutes les victimes des tempêtes de fin
décembre. Le Fonds d'allègement des charges, doté de 200 millions de francs,
sera en outre affecté aux exploitations agricoles les plus touchées.
Par ailleurs, 300 millions de francs sont mis à la disposition des offices
agricoles d'intervention, l'ONIFLHOR, l'Office national interprofessionnel des
fruits, des légumes et de l'horticulture, l'ONILAIT, l'Office national
interprofessionnel du lait et des produits laitiers, et l'OFIVAL, l'Office
national interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'aviculture, afin
d'indemniser les pertes de production ou les dommages mal couverts par les
contrats d'assurance : destruction de tunnels de plastique utilisés pour le
maraîchage, pertes de production laitière ou dégâts subis par des abris dans de
petits élevages. S'agissant des autres secteurs économiques, le chômage partiel
touchant les entreprises privées d'activité par les intempéries sera indemnisé
à 100 %. A la demande du Gouvernement, la BDPME a procédé à des avances sur les
indemnisations des assurances qui ont atteint 40 millions de francs au 31
janvier. Le FISAC, le fonds d'intervention et de soutien au commerce et à
l'artisanat, interviendra avec un premier crédit de 200 millions de francs. Les
modalités d'attribution de ce fonds ont été précisées aux préfets par une
circulaire du 28 janvier.
Un fonds de garantie mis en place auprès de la SOFARIS, la société française
pour l'assurance du capital-risque, permet d'accorder 2 milliards de francs de
prêts.
Comme pour les particuliers, des délais pour les déclarations et le paiement
des impôts pourront être accordés aux entreprises frappées par les tempêtes ;
le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en a donné
l'instruction, dès le 13 janvier, à ses services.
Enfin, les dégâts causés aux équipements touristiques feront l'objet d'un
examen particulier, notamment pour l'hôtellerie de plein air.
J'en viens aux réponses particulières qui sont apportées aux conséquences de
la pollution de l'
Erika.
Certains départements du littoral atlantique ont été touchés à la fois par les
tempêtes et par la pollution de l'
Erika.
Des mesures particulières ont
été prises ou sont envisagées pour y faire face. Pour les indemnisations à la
charge du FIPOL, le fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à
la pollution par les hydrocarbures, le Premier ministre a annoncé hier que
l'Etat acceptait de se placer en troisième rang derrière les collectivités
locales et les particuliers.
Le Gouvernement traitera de la même manière les pêcheurs et les
conchyliculteurs affectés par la pollution pétrolière ou par les tempêtes ou
par l'un et l'autre de ces sinistres. Comme pour les agriculteurs, des avances
de trésorerie, des reports d'annuités et des dégrèvements de charges sociales
seront accordés. La BDPME y apportera son concours quelle que soit l'origine
des dégâts. En particulier, 300 millions de francs affectés à l'OFIMER
permettront de reconstituer les matériels et les stocks des conchyliculteurs,
de réparer les navires et de compenser les pertes d'exploitation des marins
pêcheurs. Pour les dégâts de la marée noire, ces crédits permettront également
de verser très vite des avances à taux zéro sur les indemnités attendues du
FIPOL.
Les professionnels seront associés à la définition des règles nouvelles. Le
ministre de l'équipement et des transports réunira dès demain, 10 février,
l'ensemble des acteurs du transport maritime, en vue d'élaborer une charte de
la sécurité maritime sur la fiabilité des matériels et la qualification des
équipages, ce qui permettra de lutter contre les pavillons de complaisance.
Ensuite, des démarches seront engagées aux plans national, communautaire et
international, afin d'assurer la sécurité maritime et de renforcer et
harmoniser les systèmes de contrôle et de sanctions par les Etats du port et du
pavillon. La sécurité maritime sera l'une des priorités de la présidence
française de l'Union européenne.
Le Gouvernement prépare un comité interministériel de l'aménagement du
territoire et un comité interministériel de la mer qui se réuniront à Nantes,
le 28 février. Il a été demandé aux préfets d'organiser la plus large
concertation avec les collectivités territoriales sinistrées afin que puissent
être arrêtées des mesures de réparation sur le long terme. Les nouveaux besoins
pourront être pris en compte par des avenants aux contrats de plan
Etat-régions, dans le respect d'un juste équilibre entre l'Etat et la
région.
Pour la protection des côtes atteintes par la pollution, l'Etat concourra pour
moitié aux dépenses engagées par les collectivités au titre des travaux
d'enrochement et de reconstruction des digues, dépenses évaluées à 150 millions
de francs pour 2000.
Le Gouvernement fera tout pour que le rayonnement touristique des régions ne
soit pas affecté par les conséquences des tempêtes et de la pollution.
Mme Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme, a rappelé ce matin que la France
avait reçu 71 400 000 touristes en 1999. Nous devons faire en sorte d'en
accueillir au moins autant cette année, et des mesures sont prises en ce
sens.
Ainsi, à l'initiative de Mme Demessine, qui réunit aujourd'hui même les
comités régionaux et départementaux du tourisme, sera lancée une campagne de
communication destinée à restaurer l'image du littoral atlantique. Des crédits
spécifiques seront dégagés, notamment pour restaurer l'image de ces
territoires, et 15 millions de francs y sont dès à présent affectés.
Pour faire face aux conséquences des deux ouragans comme à celles de la marée
noire, les mesures arrêtées représentent d'ores et déjà un effort budgétaire de
4,6 milliards de francs pour l'année 2000, sans compter les prêts, qui
représentent 12 milliards pour la seule forêt. Il faut aussi prendre en compte
les 6 milliards de francs prévus sur dix ans pour l'aide à la reconstitution
des forêts. Afin d'aller vite, ces mesures sont d'abord financées en mobilisant
les crédits disponibles sur le budget des charges communes dans la loi de
finances pour l'année 2000. Au-delà, les moyens nécessaires seront dégagés pour
abonder les budgets des ministères concernés.
Le Premier ministre a, le 20 janvier, fait part au président de la Commission
européenne, M. Prodi, de notre souhait de voir s'exercer la solidarité de
l'Union européenne, en raison du caractère exceptionnel et dramatique des
événements que notre pays a subis. La première demande concerne l'éligibilité
aux fonds structurels des projets nécessaires à la réparation des dommages. La
reconstitution du potentiel agricole et celle des forêts sinistrées pourront
bénéficier d'un soutien communautaire au titre des crédits de développement
rural. Je sais que M. le ministre de l'agriculture et de la pêche, qui est
chargé également du secteur de la forêt, y veille particulièrement.
Le Gouvernement demande, en outre, que des moyens spécifiques soient dégagés,
notamment au titre de la pollution marine, de la restauration de milieux vitaux
pour les oiseaux et des infrastructures de transport de l'énergie à très haute
tension. L'Observatoire du suivi de la marée noire devrait recevoir un soutien
communautaire. Le Gouvernement sera très attentif à la mobilisation rapide des
fonds disponibles.
Naturellement, il faut tirer les conséquences d'événements aussi
considérables, auxquels nous ne connaissons pas de précédent.
J'ai commencé mon propos en vous présentant le bilan de l'action entreprise en
urgence, je l'ai poursuivi en vous précisant les actions mises en oeuvre par le
Gouvernement depuis le 12 janvier et actuellement en cours de réalisation, je
le conclus à présent par ce qu'il est nécessaire d'entreprendre pour le long
terme afin d'améliorer la capacité de tous de faire face à d'éventuelles
catastrophes et, dans la mesure du possible, de mieux les prévenir.
Il convient de tirer rapidement les enseignements des opérations liées aux
intempéries.
Même si le bilan d'ensemble est favorable, et je tiens à saluer la réactivité
de notre organisation, il apparaît que cette dernière est néanmoins encore
perfectible.
Sur ma proposition, le Premier ministre a décidé de nommer une mission
interministérielle d'évaluation, présidée par M. Gilles Sanson, inspecteur
général de l'administration. Cette mission sera chargée d'évaluer le dispositif
mis en oeuvre à l'occasion des tempêtes : prévention, procédures d'alerte des
populations, organisation des secours, gestion de crise, normes de
construction. Elle devra également examiner les pratiques d'assurance de biens
des collectivités locales face aux risques de catastrophe naturelle. Elle se
chargera aussi d'évaluer l'articulation entre POLMAR-terre et POLMAR-mer.
Cette mission, qui commencera ses travaux prochainement, sera composée de
représentants des inspections générales ou des administrations des ministères
de l'intérieur, de l'économie, des finances et de l'industrie, de l'équipement,
des transports et du logement, de l'agriculture et de la pêche, de
l'aménagement du territoire et de l'environnement, ainsi que de la défense.
Pour mener à bien ses travaux, elle prendra notamment appui sur les situations
recensées et révélées par la commission nationale chargée d'examiner les
questions d'indemnisations.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, je dirai que le Gouvernement
a pris les dispositions nécessaires pour faire face aux conséquences d'une
catastrophe naturelle sans précédent par sa gravité dans ce siècle et dans ceux
qui l'ont précédé. Il est déterminé à mettre en oeuvre méthodiquement les plans
d'action qui ont d'ores et déjà arrêtés et à tenir le plus grand compte des
conclusions qui lui seront fournies par la mission d'évaluation.
Au-delà de l'action des pouvoirs publics, au-delà des 200 000 agents des
services publics qui se sont mobilisés dans l'urgence et auxquels je tiens à
rendre hommage, toute la collectivité nationale s'est engagée dans un grand
mouvement de solidarité, pour relever le défi. Cet effort fait aujourd'hui
encore la preuve de son utilité dans le nettoyage de nos côtes souillées par la
pollution de la marée noire.
Je veux à nouveau saluer le sens civique de nos concitoyens et la force de la
simple solidarité humaine. Ils sont un démenti en actes apportés à certain
discours sur la primauté des valeurs de confort et l'absence de goût du risque
qui caractériseraient la culture d'aujourd'hui. Cette mobilisation des énergies
est, à mes yeux, dans les circonstances dramatiques que nous avons connues, une
raison d'espérer et un signe rassurant de confiance collective des Français
eux-mêmes.
Sur le plus long terme, les aléas de la prévision météorologique et
l'accélération de la circulation atmosphérique, que beaucoup de spécialistes
pronostiquent, renforcent le besoin d'une culture de gestion de crise qui soit
commune aux professionnels de la sécurité civile et au plus grand nombre
possible de nos concitoyens.
Cette culture, très présente chez nos compatriotes de l'outre-mer, confrontés
au retour régulier des cyclones tropicaux, doit se développer en métropole.
Faite de veille permanente, de vigilance, de capacité d'anticipation,
d'apprentissage des réflexes qui font adopter les bons comportements au bon
moment, elle est la meilleure réponse à la survenue de nouvelles et graves
intempéries que l'on ne saurait exclure.
Le Gouvernement mènera la réflexion qui s'impose, à ce sujet, en mobilisant
les responsables de la défense civile pour que nous progressions sur cette
voie.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je serai très attentif à vos remarques dont
je sais qu'elles peuvent enrichir la réflexion et l'action du Gouvernement.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen et sur celles du Rassemblement démocratique
et social européen, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste, du
Rassemblement pour la République et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 45 minutes ;
Groupe socialiste, 38 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 26 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
8 minutes.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la tenue
de ce débat portant sur les conséquences et les suites des intempéries et de la
marée noire intervenues fin décembre 1999 doit nous permettre, d'une part, de
prendre la mesure des décisions annoncées par le Gouvernement pour faire face,
dans l'urgence, aux difficultés auxquelles sont confrontées les victimes de ces
deux catastrophes, d'autre part, de tirer les leçons plus politiques de ces
événements récents.
Tout d'abord, malgré le caractère exceptionnel des tempêtes - ne faudrait-il
pas parler plutôt d'ouragan ? - qui ont dévasté notre territoire sur près des
deux tiers de sa superficie provoquant des pertes en vies humaines - je tiens à
cet égard à m'associer à la peine des familles frappées dans ces tragiques
circonstances - le groupe communiste républicain et citoyen veut saluer
l'action du Gouvernement dans son ensemble.
En effet, il a su se montrer à l'écoute des doléances qui se manifestaient de
jour en jour, il a su prendre des mesures rapidement, sans s'interdire des
ajustements ultérieurs et, enfin, il a su résister aux sirènes libérales qui
lui demandaient d'agir massivement pour se substituer, en quelque sorte, aux
assureurs privés.
En revanche, les réticences de la Commission de Bruxelles à manifester le
soutien de l'Europe à l'égard de notre pays laissent perplexe s'il s'agit -
comme il est annoncé - de procéder à un redéploiement des aides structurelles
aux dépens des programmes prévus initialement.
Cette réactivité de l'Etat est, à nos yeux, rassurante, à l'heure où il est de
bon ton, ici ou là, de fustiger les lourdeurs de l'administration, de critiquer
l'éloignement du pouvoir politique face aux attentes exprimées par les
citoyens, de vilipender les services publics, leurs agents et leurs statuts.
Jamais les mérites de notre service public, le dévouement exceptionnel des
personnels de l'équipement, de la sécurité, d'EDF, de France Télécom, de la
SNCF, les agents départementaux et communaux, n'auront été à ce point reconnus
et salués, tant par les Français que par l'ensemble de la classe politique.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Gérard Le Cam.
Cette actualité dramatique révèle, une fois de plus, la noblesse du service
public au regard des comportements irresponsables et, pour tout dire, criminels
des affréteurs de l'
Erika,
qui, pour servir les intérêts de leurs
propres actionnaires, se montrent prêts à sacrifier l'intérêt général.
Un récent sondage a montré que la grande majorité des Français était
satisfaite de l'efficacité et de la disponibilité de nos services publics
durant la dernière période. Ainsi, les pompiers recueillent 96 % de
satisfaction, EDF 92 %, les agents de l'équipement 87 %, France Télécom 85 %,
l'armée 83 %, enfin, la SNCF 68 %.
Cette même étude précise, par ailleurs, que 46 % de nos concitoyens estiment
que les missions remplies aujourd'hui par les services publics auraient été
moins bien prises en charge par des entreprises privées.
(Protestations sur certaines travées du RPR.)
Ces chiffres ne peuvent que nous conduire à nous interroger sur la
pertinence du processus de déréglementation et de libéralisation des secteurs
publics engagé à l'échelon européen, ainsi que sur les moyens nécessaires pour
assurer le bon accomplissement des missions de service public.
Peut-on, mes chers collègues, vanter aujourd'hui avec juste raison les
performances du service public et, demain, appeler à la réduction de la dépense
publique, ce qui revient donc à priver l'Etat de ses moyens d'intervention et à
freiner sa capacité à faire face, le cas échéant, à des dépenses imprévues ?
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Gérard Le Cam.
Là où certains estiment que les pouvoirs publics n'ont pour seule vocation que
d'être l'ultime recours, face à des événements imprévisibles auxquels le marché
ne peut répondre dans l'urgence, nous pensons, quant à nous, que l'Etat doit,
certes, favoriser l'expression de la solidarité nationale à l'égard des
victimes, mais aussi être en mesure de prévenir les catastrophes et de
mobiliser les énergies pour soutenir les secteurs d'activité frappés par les
intempéries.
C'est, du reste, le sens de la proposition de loi déposée récemment par notre
ami Paul Vergès et qui tend à faire de la lutte contre l'effet de serre et de
la prévention des risques liés au réchauffement climatique l'une des priorités
nationales.
Les pouvoirs publics doivent donc jouer leur rôle, sans pour autant
déresponsabiliser les sociétés d'assurance, dont certaines disposent d'un
matelas financier des plus confortables. Celles-ci doivent aujourd'hui pouvoir
indemniser les dommages causés par les tempêtes, sans procéder pour autant à
une augmentation des cotisations.
M. Michel Moreigne.
Très bien !
M. Gérard Le Cam.
En outre, il est nécessaire d'amener les assureurs à prendre aussi en compte
dans leur calcul un certain nombre de paramètres, aujourd'hui ignorés, tels que
les pertes d'exploitation pour les agriculteurs ou encore la valeur utilitaire
de certains équipements et bâtiments agricoles qui, bien que vétustes,
pouvaient encore contribuer à assurer la survie d'une exploitation. Ce niveau
d'indemnisation pour certains agriculteurs risque, dès lors, d'être bien
insuffisant au regard des nouveaux investissements nécessaires pour
reconstruire et retrouver des locaux fonctionnels.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. Gérard Le Cam.
Il convient également de prendre en considération les charges supplémentaires
assumées par les exploitants pour effectuer les travaux nécessaires ou pour se
doter des engins agricoles, parfois onéreux, pour dégager des parcelles, des
cours d'eau ou reconstruire des clôtures. Face au coût exorbitant des
réparations, les petites exploitations agricoles et forestières sont devenues
des proies faciles pour les gros propriétaires et autres spéculateurs.
Un dialogue doit également s'instaurer en direction des industries situées en
aval de la production - je pense tout particulièrement à l'industrie forestière
- qui ont tendance à profiter de la situation catastrophique que rencontrent
les professionnels pour inciter ceux-ci à brader le produit de leur
exploitation.
On imagine de quelle façon les industriels peuvent utiliser leur position
particulièrement favorable, lorsque l'on sait que la quantité des bois abattus
au cours des tempêtes correspond au triple du volume produit chaque année.
Des moyens supplémentaires seront probablement nécessaires pour assurer le
stockage des chablis - la rallonge de 500 millions de francs pour réduire les
frais de transport par la SNCF était, à cet égard, une mesure attendue - ainsi
que la gestion et le traitement des stocks, afin d'éviter une dépréciation ou
une dégradation du bois, génératrice d'une perte importante de revenus, tant
pour les particuliers que pour les collectivités locales.
Des synergies sont également souhaitables entre l'Office national des forêts,
les communes, les sylviculteurs pour assurer, dans les meilleures conditions,
le reboisement des forêts, sachant que les choix qui seront faits détermineront
la configuration de notre patrimoine forestier pour les siècles à venir. Si une
diversification des essences est certainement à envisager sérieusement, encore
faut-il tenir compte également de la nature des sols, de la topographie ou
encore des paysages.
La loi d'orientation forestière dite « loi Bianco », dont nous souhaitons
l'examen le plut tôt possible, doit permettre le rapprochement des différents
acteurs de la filière, qu'ils soient propriétaires privés ou publics,
exploitants, industriels, mais également élus, associations d'usagers de la
nature, pour refaçonner une forêt qui réponde aux besoins de chacun.
A cet égard, le bilan de la tempête sur la région d'Ile-de-France se révèle
particulièrement préoccupant. Sur Paris, ce sont 140 000 arbres qui ont été
abattus, ce qui représente un coût de 180 millions de francs. Dans le
département de la Seine-Saint-Denis, ce sont plus de 9 000 arbres qui ont été
supprimés, soit une perte de 75 millions de francs. Pour le département du
Val-de-Marne, près de 4 000 arbres ont été touchés, pour une valeur de
reconstitution évaluée à 68 millions de francs.
Cette catastrophe est d'autant plus douleureuse qu'elle porte préjudice aux
efforts consacrés depuis quelques années pour développer les espaces verts.
Au-delà des aides d'ores et déjà annoncées par la région, la solidarité
nationale doit se manifester pour redonner vie à ce patrimoine vert, non
couvert par les assurances et géré, pour l'essentiel, par les départements.
L'extension des bénéfices de l'arrêté de catastrophe naturelle au patrimoine
végétal est souhaitable, me semble-t-il, pour tenir compte de l'importance des
dégâts provoqués par les tempêtes.
Outre les dommages provoqués sur les autres biens départementaux - les
bâtiments scolaires, la voirie, les équipements sportifs, entre autres - dont
le financement devra être appuyé fortement par le Gouvernement, certaines
situations individuelles méritent également une attention toute particulière,
notamment lorsqu'il s'agit de personnes de conditions modestes.
Soit les assurances ne couvrent que partiellement les dégâts - c'est le cas
des automobiles assurées au tiers -, soit elle n'intègrent pas les surcoûts de
la reconstruction qui, dans de nombreux cas, ne peut se faire à l'identique.
Il arrive également que certains biens ne soient pas du tout couverts par les
assurances. C'est le cas des pierres tombales, dont la charge repose en
totalité sur les familles. A Paris, ce sont 5 000 sépultures qui ont été
endommagées. Combien pour la France entière ?
Autre sujet de préoccupation, les cultures en serres travaillées par plusieurs
générations et réduites à néant en l'espace de quelques minutes. Mon amie
Hélène Luc me citait, à titre d'exemple, il y a un instant, le cas de
l'établissement Marcel Lecoufle, créé au début du xixe siècle à
Boissy-Saint-Léger, qui disposait d'une collection nationale d'orchidées, dont
les pertes sont évaluées à 500 000 francs. Aujourd'hui, c'est la survie même de
cette collection de renommée internationale qui est menacée si une aide
substantielle n'est pas débloquée rapidement.
La solidarité et le sens civique des Français, au cours de ces dernières
semaines, n'ont cessé de s'exprimer en réaction à la marée noire qui pollue le
littoral atlantique depuis maintenant plus d'un mois.
Samedi dernier, à Nantes, ce sont plus de 30 000 personnes venues de toute la
France qui ont tenu à manifester leur colère contre tout un système fondé sur
le principe du transport au prix le plus compétitif, au mépris des normes
sociales et des règles techniques de sécurité.
Dès demain, le ministre de l'équipement, des transports et du logement, M.
Jean-Claude Gayssot, rencontrera l'ensemble des acteurs du transport maritime,
puis ses homologues européens, dans le but d'assainir un secteur qui favorise,
aujourd'hui, la dilution des responsabilités pour le plus grand profit de
quelques multinationales.
S'il est, à l'évidence, nécessaire de renforcer la réglementation maritime
internationale - qu'elle concerne l'âge des navires, la périodicité des
contrôles, la qualification des équipages ou la présence d'une double coque -,
il est encore plus indispensable de se doter des moyens de la faire respecter
et de prévoir un système de sanctions réellement dissuasif à l'encontre des
armateurs qui utilisent des « navires poubelles » et des affréteurs qui, pour
bénéficier de tarifs avantageux, font peser de lourdes menaces, non seulement
sur l'environnement, mais aussi sur l'activité des pêcheurs, des
conchyliculteurs et des professionnels du tourisme.
Actuellement, la France ne réalise que 13 % des contrôles sur les bateaux qui
fréquentent nos ports, alors que le mémorandum de Paris limitait cette
obligation à 25 % seulement, si je puis dire...
Compte tenu de l'état de la flotte mondiale qui fréquente nos eaux
territoriales - notamment des pétroliers - il faut, de toute urgence, sortir
d'un cercle vicieux qui fait le jeu des sociétés pétrolières, des armateurs,
grâce à la bienveillance d'Etats qui pratiquent le
dumping
fiscal et
social pour redorer leurs pavillons.
Ainsi, plus du tiers des 7 000 pétroliers qui parcourent le monde battent
pavillon de complaisance.
Il suffirait qu'une même volonté politique anime quelques pays partenaires de
la France, tels que l'Espagne, la Belgique et les Pays-Bas, pour lutter
efficacement contre la complaisance, en imposant le respect des normes, comme
les Etats-Unis ont su l'imposer, suite à la marée noire provoquée par
l'
Exxon Valdez
en 1989.
L'Europe devrait assainir ses propres règles fiscales qui incitent aujourd'hui
les armateurs à préférer tel ou tel pavillon selon les avantages fiscaux
espérés. Une harmonisation fiscale est souhaitable, non seulement entre Etats
membres de l'Union européenne, mais également avec les pays tels que Malte ou
Chypre qui demandent à intégrer l'Union européenne et dont les conditions
d'immatriculation sont réputées pour leur légèreté.
Pour autant, la France n'est pas exempte de critiques. Faut-il rappeler que
notre pays dispose d'un « pavillon
bis
» appelé pavillon des Kerguelen,
mis en place en 1987 par le gouvernement de Jacques Chirac et entériné par la
loi, en 1994, sous le gouvernement de M. Balladur ?
Notre groupe avait alors été le seul à s'opposer à ce nouveau registre qui
permet de déroger au code du travail maritime en employant des équipages
étrangers aux conditions différentes des marins français.
Certes, si le pavillon des Kerguelen n'est pas nécessairement synonyme de
vétusté des navires, il participe cependant au système de la complaisance avec
les dérives que l'on connaît.
Si la France veut paraître crédible auprès de ses partenaires européens, elle
doit se montrer disposée à renoncer à ce genre de pratique fiscale qui nourrit
la complaisance et l'hypocrisie du système, plus qu'elle ne permet de le
combattre. Toutefois, c'est au niveau européen et international qu'il convient
d'agir. Des mesures isolées seraient vaines et contre-productives pour notre
pays.
Enfin, la France doit relancer au niveau communautaire le programme de
recherche concernant la construction du pétrolier appelé 3 E - « européen,
écologique, économique » - conçu pour résister mieux que d'autres à l'érosion,
sans pour autant engendrer un coût supérieur.
La construction de ce type de navires, plus résistants, plus solides et plus
hermétiques, pourrait être assurée, notamment, par les chantiers navals
français, qui sont à l'origine de ce concept et disposent du savoir-faire et du
personnel compétent pour mener à bien un tel programme. A ce jour, un seul
pétrolier 3 E existe, alors que les plans du navire ont été imaginés il y a
plus de dix ans !
Voilà un formidable marché pour les chantiers navals français et européens,
lorsque l'on sait que 40 % des pétroliers existants ont plus de vingt ans !
Ensuite, les statuts de l'Organisation maritime internationale, l'OMI,
méritent d'être revus, afin d'accorder une place plus importante aux Etats qui
vivent du transport maritime plutôt qu'aux Etats qui multiplient les
immatriculations sans contrôle.
Comment pourrait-on concevoir autrement une prise de conscience internationale
contre la complaisance de pays qui tirent profit de la déréglementation ?
Enfin, si la responsabilité de la firme TotalFina dans le naufrage de
l'
Erika
apparaît aujourd'hui évidente pour les Français, encore faut-il
lui trouver un prolongement juridique pour que, plus jamais, de tels désastres
ne se reproduisent !
Les professionnels de la pêche et du tourisme, les communes du littoral
atlantique, les bénévoles, qui se dépensent sans compter pour nettoyer les
plages, méritent mieux, selon nous, que quelques grâces accordées du bout des
doigts par M. Desmarest, plus soucieux de sauver son image de marque et ses 10
milliards de francs de bénéfices nets en 1999 que de préserver l'environnement
et la sécurité des riverains.
A cet égard, face à la multiplication - légitime, il est vrai - des
associations de protection du littoral, des fédérations de chasseurs, des
professionnels, des collectivités locales qui se sont portés partie civile
contre la société TotalFina, il est essentiel que les indemnités reversées
profitent à ceux qui en ont le plus besoin dans l'immédiat. Rappelons à ce
sujet qu'ils ont recueilli 60 000 oiseaux et sauvé 9 000 d'entre eux, et qu'ils
ont ramassé 115 000 tonnes de déchets pratiquement « à la petite cuillère » sur
400 kilomètres de côtes.
Enfin, l'Etat devra veiller à ce que la réparation des préjudices subis
s'effectue dans les meilleures conditions d'équité, de justice et de
solidarité, avec l'objectif de relancer le développement économique du littoral
dans l'intérêt de tous.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur certaines travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, avant
d'entrer dans le vif du sujet de notre débat d'aujourd'hui, je voudrais
souligner l'aspect positif - c'est évidemment le seul - des épreuves que notre
pays a subies à la fin de l'année 1999.
Dans ce terrible spectacle d'une France balafrée, de côtes souillées et de
personnes en détresse, une chose m'a frappé : c'est l'extraordinaire élan de
solidarité qui s'est manifesté tout au long de ces semaines, à travers la
mobilisation et le dévouement des agents du service public, des professionnels,
des élus, des associations mais aussi des simples citoyens.
A une époque où le repli, l'individualisme et l'incivisme sont parfois
tentants, je crois qu'il faut se réjouir de ce sens du rassemblement et du
voisinage qui a permis à de nombreuses victimes de passer malgré tout le
réveillon de l'an 2000 dans la bonne humeur et la chaleur d'un foyer.
Six semaines se sont passées depuis les événements. Où en est-on aujourd'hui
?
Messieurs les ministres, vous avez présenté, le 12 janvier dernier, un plan
d'ensemble destiné à remédier à la situation des personnes et des biens qui ont
subi des dégâts. Ce débat est l'occasion de faire un premier point sur la mise
en oeuvre de ce plan et d'associer la représentation nationale au suivi des
mesures. Je m'en félicite et tiens à rendre hommage à la rapide mobilisation et
au travail du Gouvernement. Mais force est aujourd'hui de constater que la
plupart des sinistrés sont toujours dans l'attente des premières
indemnisations. Il ne faudrait pas qu'après l'espoir suscité par le grand
mouvement de solidarité qui s'est développé sur le terrain ces derniers cèdent
à la déprime, puis à la colère.
De nombreuses petites entreprises, dans plusieurs secteurs d'activité, sont en
sursis et attendent plus que des bonnes intentions.
Parmi les secteurs les plus touchés, j'aimerais évoquer l'agriculture, et plus
particulièrement le tourisme.
Après les crises à répétition de ces dernières années - encéphalopathie
spongiforme bovine, dioxine, listéria, effondrement des cours - ces tempêtes
sont une nouvelle épreuve pour le monde agricole. Aux dommages patrimoniaux
s'ajoutent des pertes d'exploitation considérables non couvertes par les
contrats d'assurance.
Certains agriculteurs ont vu, en un coup de vent, une vie de labeur anéantie
et sont légitimement découragés. Vous avez annoncé des mesures, certes,
importantes, mais, compte tenu de l'ampleur des dégâts, je crois qu'il faut
aller plus loin pour aider ceux qui, je le rappelle, ont été les premiers à se
porter bénévoles pour dégager les routes et les chemins.
Un autre secteur est particulièrement sinistré : le tourisme.
L'hôtellerie de plein air a vu son outil dévasté, tant dans ses équipements
d'hébergement que dans son environnement : des dizaines de milliers d'arbres
abattus, des clôtures endommagées, 5 000
mobile homes
détruits,
représentant à eux seuls une perte estimée à 600 millions de francs, dont
seulement 150 millions de francs seront indemnisés par les assureurs.
Le tourisme social et associatif est également concerné. Sur les 1 200
équipements de vacances, 800 villages ont été touchés, dont 350 de manière très
importante, soit une capacité de 75 000 lits compromise. Les dégâts, pour ce
secteur fragile qui ne peut compter que sur les aides de l'Etat ou des
collectivités locales pour trouver un équilibre financier, sont estimés à 50
millions de francs.
Le tourisme rural est, quant à lui, affecté au travers à la fois des sentiers
de randonnée - 40 000 kilomètres abîmés et 15 % du réseau aujourd'hui
impraticable - et de l'hébergement en gîtes. Le coût de remise en état des
sentiers ainsi que du rétablissement du balisage et de la signalétique
représente 40 millions de francs.
Enfin, je n'oublie pas la situation des petits établissements - hôtels,
restaurants et cafés - qui constituent un élément fondamental de l'attractivité
de notre pays. Beaucoup d'entre eux ont subi des pertes et ne pourront sans
doute pas rouvrir, faute de trésorerie.
Devant ce bilan, les comités départementaux du tourisme, dont je suis le
président national, se sont, de leur côté, attelés, avec détermination et en
concertation avec les acteurs concernés, à l'immense tâche de reconstruction.
Les professionnels ont apprécié les mesures annoncées, mais ils attendent
aujourd'hui les premières indemnisations. Quels seront les engagements de
l'Etat ?
Par ailleurs, il est question de remplacer les
mobile homes
endommagés
par des chalets susceptibles de mieux s'intégrer dans le paysage. Une
modification de la législation relative au plan d'occupation des sols est-elle
envisagée pour favoriser cette action ?
Au-delà de ces dégâts matériels, les professionnels s'inquiètent fortement des
conséquences des tempêtes et de la marée noire sur le rayonnement touristique
de la France, notamment du littoral atlantique. Ils constatent déjà une baisse
considérable des réservations par rapport à la même période de 1999.
Sur l'initiative de Mme Michelle Demessine, des crédits spécifiques seront
dégagés pour restaurer l'image de ces territoires. Les quinze millions de
francs annoncés me semblent, à cet égard, insuffisants.
La campagne de communication qui doit être mise en oeuvre par Maison de la
France à l'étranger comme en interne devra s'articuler avec les actions des
départements, certains d'entre eux ayant déjà prévu des financements. En ce qui
concerne l'image des côtes, je pense qu'il serait plus sage, avant de lancer
une campagne, d'avoir la certitude qu'il n'existe plus aucun risque de
pollution provenant de l'épave de l'
Erika.
Pour conclure, messieurs les ministres, j'insisterai sur la nécessité d'une
politique préventive concernant le transport maritime. Il existe, certes, des
réglementations nationale et internationale qui imposent des normes techniques
et un contrôle régulier des navires. Pourtant, des catastrophes comme celles
que nous venons de vivre sont encore possibles. Ce n'est plus tolérable, et je
sais que vous partagez cette préoccupation.
Les mesures prises aux Etats-Unis risquent d'avoir un effet détestable, les
navires les plus vieux étant dirigés de plus en plus vers l'Europe.
La France doit exercer la présidence de l'Union européenne au second semestre
: j'espère que ce sera l'occasion de faire avancer ce dossier. Au-delà des
normes techniques obligatoires, du problèmes des inspections et de l'agrément
des sociétés de classification et d'experts, il me semble qu'une évolution vers
une coresponsabilité de l'affréteur et de l'armateur irait dans le bon sens.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, des Républicains et Indépendants,
du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur plusieurs travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Le Pensec.
M. Louis Le Pensec.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la
répétition des marées noires sur nos côtes, au-delà des imprécations, des
dénonciations rituelles et des légitimes sentiments de colère qu'elle suscite,
oblige de nouveau à s'interroger sérieusement sur les conditions de prévention
et de protection contre ces risques majeurs. Je parlerai de la prévention,
laissant à ma collègue Mme Dieulangard le soin d'évoquer la marée noire, son
traitement et les indemnisations.
La multiplication de ces catastrophes nourrit le sentiment d'impuissance des
pouvoirs publics ressenti par le citoyen. Un tel sentiment est intolérable à
nos yeux. Il l'est aussi pour le Premier ministre, qui s'est situé d'emblée sur
le terrain de la volonté politique en appréhendant fortement ce dossier. Il
nous l'a montré en recevant les élus du littoral. La méthode choisie est la
bonne : une écoute attentive pour une préparation rigoureuse du prochain comité
interministériel de la mer et du comité interministériel d'aménagement et de
développement du territoire, le CIADT, du 28 février. Notre débat s'inscrit
dans cette démarche.
Avant de formuler des propositions, partons de quelques constats.
Le dispositif français de prévention des catastrophes maritimes,
d'intervention et de sauvetage fonctionne bien dans l'ensemble. Acte en est
donné à ceux qui le serve. Le dispositif de séparation du trafic, les CROSS,
les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage,
l'harmonisation de l'intervention des moyens des divers services publics, dont
la marine nationale, appellent non pas une remise en cause fondamentale mais
des ajustements.
Toutefois, deux clignotants s'allument : notre incapacité à mobiliser
rapidement des hélicoptères lourds et la nécessité de doter la France de deux
remorqueurs supplémentaires de nouvelle génération à la mesure des nouveaux
risques.
Pour avoir, en 1982, signé pour la France la convention de l'ONU sur le droit
de la mer et pour avoir bâti, avec treize autres Etats, le mémorandum de Paris,
je me crois autorisé à dire que le renforcement de notre dispositif de
prévention ne requiert pas une somme de prescriptions et de textes nouveaux.
Pour schématiser, presque tous les textes existent, il faut la volonté de les
appliquer.
La convention sur le droit de la mer dote l'Etat côtier de pouvoirs importants
afin de protéger le milieu marin, y compris à l'égard d'un navire qui serait
dans sa zone économique exclusive. On peut inspecter le navire en mer, le
retenir au port. Ces possibilités existent aussi pour l'Union. Les Etats
membres peuvent convenir d'un renforcement draconien de leur contrôle. Ils
peuvent imposer le signalement des navires et même l'obligation de transmission
préalable du dossier d'un navire se rendant dans un port de l'Union.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Effectivement !
M. Louis Le Pensec.
L'Organisation maritime internationale n'a pas à être consultée dans tous les
cas. Il est toutefois judicieux de l'informer, de la saisir des propositions de
la France, en sachant que ses procédures de prise de décision appelleront à
coup sûr des réformes.
Les Etats-Unis ont montré, en 1994, la voie de la volonté politique au service
d'une cause : chasser de leurs eaux les navires en dessous des normes
exigeantes qu'ils se sont fixées. Jamais l'
Erika
ne s'en serait
rapproché. Ce navire était donc tout indiqué pour un marché rentable car moins
exigeant à l'égard des navires poubelles : celui de l'Europe. Ce que les
Etats-Unis capitalistes ont su imposer à cette réforme débridée du libéralisme
que sont les pavillons de complaisance, l'Europe ne saurait-elle le faire ?
La France, l'Europe doivent affirmer leur souveraineté au nom de la défense de
leur intégrité territoriale, lorsque l'on sait que, en 1999, le CROSS de Corsen
a vu passer 12 821 bateaux dangereux, au sens de la définition internationale,
qu'il s'agisse de pétroliers, de gaziers, de chimiquiers ou de
porte-containeurs.
Où faire porter la volonté politique dans la prévention des risques maritimes
majeurs ? Je privilégie trois directions.
La première, c'est le renforcement draconien des contrôles.
Le Gouvernement a pris d'emblée une bonne décision : le doublement du nombre
des inspecteurs de la sécurité maritime d'ici à la fin 2001. Ils sont à présent
une cinquantaine. S'il s'agit de 100 inspecteurs vraiment opérationnels, la
cible ne sera pas aisée à atteindre. Une intensification du rythme et de la
nature des contrôles s'impose afin qu'ils ne soient pas seulement documentaires
et qu'ils portent également sur la structure même du navire. La possibilité
offerte aux Etats par le mémorandum de Paris de retenir au port le bateau est
diversement appliquée selon les Etats. On peut s'étonner, par exemple, que les
ports hollandais, intensément fréquentés par les pétroliers, ne retiennent pas
les navires... Les services de contrôle peuvent recommander une réparation sous
quinze jours, ce qui autorise bien sûr le navire à quitter le port.
La question du contrôle est capitale. C'est par là que l'on peut tendre vers
le risque zéro dans le transport maritime. Mais il faut une uniformité des
normes, des procédures et des pratiques des contrôles en Europe. Il faut
garantir l'indépendance des contrôleurs, c'est ce qui m'a conduit à plaider
pour un corps européen de contrôleurs de la sécurité maritime, compétents dans
les ports et sur mer. Notons qu'il existe déjà un corps européen d'inspecteurs
de la pêche.
La deuxième direction que je privilégie, c'est l'épuration du système des
sociétés de classification.
On reconnaîtra à l'
Erika
le mérite d'avoir fourni une illustration
flagrante des dérives du système des sociétés de classification. Classé au NKK
puis à l'ABS, pris au bureau Veritas, il est transféré au RINA la veille d'une
échéance décisive de contrôle... Les sociétés de classification exercent des
fonctions régaliennes par délégation des Etats. Comment l'Etat de Malte
pourrait-il affirmer sans rire qu'il contrôle ses délégataires ? Cet Etat
candidat à l'Union vit bien dans la complaisance, dans tous les sens du
terme.
La France a dit très vite ses exigences et sa volonté en ce domaine. Elle doit
entraîner l'Europe dans une opération d'assainissement du système des sociétés
de classification. Cela est attendu même par certaines sociétés de
classification qui pâtissent d'une gangrène du système. De nouvelles normes et
procédures d'agrément sont à édicter.
Enfin, j'en viens à la responsabilisation des opérateurs.
L'
Erika
a montré en quoi l'indemnisation par le FIPOL, le Fonds
international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les
hydrocarbures, déresponsabilise l'affréteur Total. L'Europe doit franchir un
nouveau pas en ce domaine : la responsabilisation des opérateurs, c'est-à-dire
des armateurs et des affréteurs.
L'ampleur des dommages écologiques et économiques, mais aussi la morale tout
court le requièrent. A chaque catastrophe maritime, cette question est
soulevée. Elle suscite d'emblée un mouvement de résistance des lobbies
concernés, comme c'est encore le cas cette fois-ci. Le Gouvernement n'aura pas
trop de sa détermination en ce domaine et du soutien de l'indignation citoyenne
fortement criée à Nantes pour faire franchir au droit une nouvelle étape en vue
d'un comportement plus responsable des opérateurs et d'une plus grande
transparence par la traçabilité patrimoniale du navire.
Messieurs les ministres, la France, exposée par sa géographie, a souvent été à
l'avant-garde du combat pour la sécurité du transport maritime. Cette fois, on
attend encore d'elle une avancée décisive à la mesure des risques. J'ai bien
noté que notre pays ferait de la sécurité maritime une priorité de sa
présidence de l'Union européenne. Nous ne doutons pas que cette présidence sera
féconde.
Le Gouvernement peut être assuré de notre concours : nous prendrons toute
notre part des travaux que la Haute Assemblée consacrera à la prévention des
risques maritimes, à travers une mission d'information, par exemple, pour
qu'
Erika
rime avec « plus jamais ça » !
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées
du groupe communiste républicain et citoyen et du RDSE.)
(M. Paul Girod remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'ouragan
de cette fin d'année 1999 a laissé des plaies vives et béantes un peu partout
sur le territoire français, ces plaies étant sûrement plus sensibles, entre
autres départements, en Charente, en Charente-Maritime et dans les
Deux-Sèvres.
Il y a urgence à panser les plaies. Les compagnies d'assurance doivent faire
face rapidement à leurs responsabilités ; mais il y a aussi de nombreuses
fractures qu'il convient de réduire et qui supposent des opérations
chirurgicales exceptionnelles, parce que la situation est hors normes.
Ce sont, par exemple, les biens non assurables ou assurables mais non assurés,
tout simplement parce que soit les agents d'assurance eux-mêmes, sur le
terrain, ignoraient que tel ou tel risque était assurable et ne le proposaient
donc pas à leurs clients, soit le risque apparaissait, à l'évidence, tellement
improbable que les agents d'assurance ne le conseillaient pas.
Ce sont, par exemple, les clôtures et les murs de clôture. En Charente, - mais
c'est le cas dans d'autres départements - beaucoup de murs de cimetières sont
anéantis et les devis atteignent souvent, pour les petites communes, des sommes
vertigineuses : 150 000 francs, 200 000 francs ou 300 000 francs non
assurables.
Ce sont aussi les arbres, les jardins, les forêts : j'ai appris hier que,
contrairement à ce que j'avais entendu de la bouche de nombreux assureurs au
cours des dernières semaines, les arbres, jardins et forêts étaient assurables
! Comment voulez-vous que l'on s'y retrouve ?
Ce sont aussi et surtout les pertes de stocks, les pertes d'exploitations dont
nombre de petites entreprises, souvent très petites, ne se remettront pas.
C'est notamment vrai, par exemple, pour les métiers de bouche, qui, à la veille
des fêtes de fin d'année, avaient fait le plein de leur chambre froide.
Je connais certaines de ces petites entreprises qui étaient assurées pour
pertes d'exploitations, pour leur chambre froide et leur contenu, mais qui
s'entendent répondre par leur assureur : « Vos dommages sont consécutifs à une
rupture d'alimentation électrique qui relève de la compétence et de la
responsabilité de votre fournisseur EDF. » Ce dernier, quant à lui, déclare
qu'il n'est pas responsable, car il s'agit d'un cas de force majeure !
Reconnaissez, messieurs les ministres, qu'il y a là un vrai problème, et je ne
relève que les cas d'entreprises, de commerçants, d'artisans, d'agriculteurs et
de collectivités publiques « bien assurées » et pour lesquels, la veille de
l'ouragan, l'assureur lui-même aurait confirmé que ses clients étaient bien
assurés.
Par votre arrêté du 29 décembre 1999, monsieur le ministre de l'intérieur,
vous avez reconnu l'état de catastrophe naturelle en Charente. Pardonnez ma
brutalité, mais cette annonce était inutile ! De plus, elle était perverse, car
elle a fait naître des espoirs d'indemnisation puisque « l'état de catastrophe
naturelle est constaté pour les dommages causés par les événements naturels
d'intensité anormale non assurables ». Or, ces événements naturels d'intensité
anormale, nous les avons subis et constatés en Charente et en Poitou-Charentes
; mais les espoirs ont été déçus, car la Charente, comme beaucoup d'autres
départements, n'a connu ni inondations, ni coulées de boue, ni mouvements de
terrain.
N'y a-t-il pas, sur ce point, des mesures à prendre pour que les effets
directs ou indirects de l'ouragan soient pris en charge ? A situation
exceptionnelle, mesures exceptionnelles.
C'est tout notre tissu économique primaire qui est grièvement blessé ;
certaines blessures seront mortelles si elles ne sont pas traitées
immédiatement. Comprenez-moi bien : il ne s'agit pas d'injecter des calmants,
voire des placebos, comme des reports d'échéance, des remises de redevance
télévison, des prêts bonifiés qu'il faudra rembourser, même si de telles
mesures peuvent être utiles, dans l'urgence, en attente de l'injection
salvatrice, cette dernière ne pouvant consister qu'en des subventions, de
justes indemnisations.
Une petite entreprise de charcutier-traiteur, employant cinq personnes,
dégageant un résultat de 50 000 francs, encore endettée pour la mise aux normes
sanitaires de son outil de travail, ne se relèvera pas d'une perte sèche de 150
000 francs de stocks.
Un éleveur de chèvres qui, après avoir jeté son lait comme tous les
producteurs laitiers, prévoit de 50 % à 70 % d'avortements de ses chèvres en
gestation, ne tiendra pas le coup.
Le maraîcher, l'horticulteur ou le producteur de fruits - de noix, par exemple
- qui a perdu la totalité de son outil de travail est K.-O debout, comme
l'éleveur de faisans dont tous les volatiles sont dans la nature, à la suite de
la destruction de ses enclos.
Et le forestier !
Et les petites communes dont les budgets ne pourront absorber les charges
résiduelles ! Et les services départementaux d'incendie et de secours qui, pour
financer leurs charges exceptionnelles - 6 millions de francs rien que pour le
seul département de la Charente - devront se retourner vers les communes,
elles-mêmes sinistrées !
Vous connaissez cette liste, et la suite.
Nous savons que le problème est complexe. Assurés - bien ou mal assurés -, non
assurés, non assurables, assurance tempête, catastrophe naturelle, fonds de
calamités agricoles, mesures spéciales... On peut faire des colloques, des
analyses juridiques pour y voir clair ; mais, pendant ce temps, l'infection
fatale gagne la plaie, et le malade à l'agonie n'aura plus que notre compassion
!
La solidarité nationale doit donc jouer, et vite ! Il existe pour cela des
procédures d'urgence. Nous avons critiqué, moi le premier, le Gouvernement pour
avoir déclaré l'urgence sur un certain nombre de projets de loi dont l'examen
aurait pu attendre un mois, deux mois, voire trois mois. Mais il y a là une
urgence qu'il convient de traiter comme telle !
L'Etat français, et donc les citoyens et contribuables français n'hésitent pas
à porter secours à l'extérieur quand des drames affectent gravement des
contrées et des populations. Nous secourons nos départements et territoires
d'outre-mer lorsqu'ils subissent les éléments déchaînés. Cette fois-ci, c'est
en France, sur le territoire métropolitain, que cela se passe. Alors que faire
? Comment faire ?
Après avoir salué et rendu hommage aux agents d'EDF, aux autres agents de
l'Etat et aux collectivités, qui, comme chacun a pu le constater, ont fait ce
qu'ils ont pu, tout ce qu'ils ont pu, ne peut-on légitimement s'interroger sur
la responsabilité d'EDF, entreprise publique, et de l'Etat, sa tutelle ? Ce qui
s'est passé n'est-il pas le fruit d'une politique, d'une stratégie de
fourniture et de distribution de l'électricité en France ? Service public oui,
mais il doit y avoir continuité du service public. La situation était certes
exceptionnelle, mais il y a eu une rupture de plus de quinze jours dans la
distribution d'électricité !
Nos voisins, telles la Suisse et l'Allemagne, ont été plus prompts et ont
réagi dans des délais de deux à quatre jours.
S'il n'est pas aisé d'établir une telle responsabilité juridique, l'entreprise
EDF, accompagnée par l'Etat, ne pourrait-elle pas intervenir financièrement en
indemnisant ? Ce serait un beau geste commercial, plus pertinent peut-être que
les sommes colossales englouties par une entreprise pourtant en situation de
monopole dans certaines promotions commerciales, telles que le
sponsoring
et les mécénats divers.
Et pour l'avenir, si, sans le souhaiter, un tel événement devait se
reproduire, nous pourrions mettre en place de nouveaux dispositifs techniques
et juridiques, y compris peut-être en matière d'assurance, pour y faire
face.
Et qu'on ne me parle pas de coût insupportable pour l'Etat !
Sans épiloguer, messieurs les ministres, sur le « bonus » d'une quarantaine de
milliards de francs - on connaîtra tout à l'heure le montant exact - réalisé
par l'Etat sur l'année 1999 et qui, en toute logique, compte tenu de la
conjoncture, se reproduira de façon encore amplifiée sur l'exercice 2000, je
dirai que l'Etat a là un moyen de financement assuré par une légère ponction
seulement sur ce bonus.
Et puis, comme après toute catastrophe naturelle ou humaine - en cas de
guerre, par exemple - il faut reconstruire. C'est générateur d'activité
économique, donc de taxes et d'impôts divers.
Il ne serait pas convenable et il serait à la fois malsain et fort critiquable
que l'Etat « se fasse du gras » sur le dos de la France sinistrée. Ces recettes
exceptionnelles que l'on peut aisément estimer à une dizaine de milliards de
francs doivent être affectées à la réparation des dégâts de l'ouragan.
Messieurs les ministres, la France sinistrée, les collectivités et les
citoyens victimes de l'ouragan n'attendent de l'Etat ni générosité, ni
compassion, ni condoléances attristées. Ils demandent une légitime solidarité
et une juste indemnisation. Vous avez le devoir d'y répondre !
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la région
que j'ai l'honneur de présider a vécu, en cette fin d'année 1999, un véritable
deuil régional, un deuil dont elle a connu toutes les étapes : l'effrondrement,
le sursaut, la solidarité, la douleur, la solitude, l'attente et l'exigence.
Les images frappent les esprits : une femme et son enfant emportés par la mer
au milieu des terres ; un enfant qui meurt dans les bras d'un pompier en
pleurs.
Nous avons connu un désastre immense et profond. Le drame est durable. Nous
attendons aujourd'hui, pour faire face à toutes les difficultés, non pas des
gestes mais simplement une prise de conscience.
Je voudrais exprimer ma gratitude et ma reconnaissance aux membres du
Gouvernement, à toutes les personnalités qui se sont rendues sur le terrain.
Les deux ministres ici présents sont venus : monsieur le ministre de
l'intérieur, vous avez assisté aux obsèques d'un sapeur-pompier ; monsieur le
ministre de l'agriculture et de la pêche, vous êtes venu dans le bassin
ostréicole et dans le port de pêche de La Rochelle ; vous avez donc pu mesurer
tous deux l'ampleur de la tâche et combien les douleurs sont vives.
Je voudrais aussi remercier M. le commissaire Michel Barnier, qui s'est rendu
en Charente et en Charente-Maritime, et tous ceux qui veulent bien,
aujourd'hui, se serrer les coudes pour faire face à la situation engendrée par
le désastre.
Evidemment, la tâche est difficile. Un certain nombre de solutions
apparaissent, mais, je vous le dis franchement, beaucoup de problèmes nous
semblent encore aujourd'hui sans solution, et nous avons besoin de l'aide de
tous pour essayer de trouver les lignes d'action pour demain.
Je veux aussi, évidemment, saluer l'action des élus, qui ont été, sur le
terrain, en première ligne de ce front de la tempête, même si, nous le
reconnaissons tous, la prise de conscience a été lente devant cette
catastrophe. Mais les élus étaient dans leur commune, sur leur terrain, et
chacun était mobilisé face à « son » urgence. Avant que se fédère la conscience
des difficultés, il a fallu beaucoup de temps !
Je tiens aussi à saluer tous les services des collectivités territoriales
ainsi que ceux de l'Etat, mais aussi les bénévoles qui se sont impliqués et qui
ont fait preuve d'une solidarité immense.
J'ai d'ailleurs noté, messieurs les ministres, que les services de l'Etat qui
ont été les plus efficaces sont ceux qui ont toujours veillé à la qualité de
leur personnel d'encadrement régional. Ainsi, dans cette crise, on a souvent
fait des compliments à EDF. Or, si l'on compare l'encadrement d'EDF à l'échelle
territoriale avec celui d'autres types de services publics, on constate que
c'est la qualité humaine de ses cadres territoriaux qui a permis à cette
entreprise d'encadrer les acteurs extérieurs qui sont intervenus dans la
crise.
Nous devons donc veiller, pour le bon fonctionnement de notre organisation
territoriale, à ce que les administrations centrales n'aspirent pas en
permanence les talents et les compétences nécessaires aux collectivités
territoriales.
Pour en revenir aux intempéries, nous avons d'abord été frappés, bien sûr, par
les crises visibles, c'est-à-dire par les crises d'ordre géographique et
économique, mais s'y sont ajoutées ensuite toutes les crises invisibles, qu'il
nous faut aujourd'hui essayer de traiter et qui touchent aussi bien les
personnes que l'économie, avec des pertes d'activité que l'on a du mal à
chiffrer étant donné l'ampleur des difficultés.
Dans la région Poitou-Charentes, où un contrat de plan a été rapidement signé,
il va de soi que la première de nos priorités aujourd'hui est la
reconstruction. En effet, plus de 5 000 entreprises ne savent pas aujourd'hui
si elles existeront encore l'année prochaine ! La reconstruction nous prendra
donc beaucoup de temps, et elle concernera tout le monde, collectivités locales
et services de l'Etat. Nous sommes engagés dans une action de longue haleine,
ce n'est pas en quelques semaines que nous rétablirons la situation. Il nous
faut donc mener, secteur par secteur, une action d'envergure pour la
reconstruction.
Comme l'ont dit tout à l'heure avec force certains de nos collègues, les
dégâts sont évidemment importants en matière agricole. Vous connaissez ce
dossier, monsieur le ministre de l'agriculture, et vous savez que nous avons
rencontré, notamment dans les Deux-Sèvres, en Charente et en Charente-Maritime,
des difficultés importantes dans le domaine de l'élevage : nous avons
enregistré des pertes d'exploitation, des bâtiments ont été dévastés, et la
destruction des clôtures nous pose des problèmes très graves.
Notre filière « lait », qui connaissait déjà des difficultés, est aujourd'hui
très fragilisée, de même que la filière « élevage », notamment pour ce qui
concerne l'élevage hors sol.
Quant à la filière « horticulture et culture maraîchère », elle est, elle
aussi, profondément touchée. C'est ainsi qu'une ville comme Rochefort avait
monté, depuis quelques années, un pôle horticole - vous vous y êtes rendu,
monsieur le ministre - avec de jeunes entrepreneurs. Alors que les entreprises
du secteur commençaient à équilibrer, au bout de cinq ou six ans d'activité,
leur compte d'exploitation, leur développement a été stoppé d'un seul coup. Or
elles ont trop agi dans ce domaine pour faire autre chose, mais elles n'ont pas
encore assez réussi pour être protégées et trouver les ressources pour faire
face à ces difficultés.
Dans la filière horticole, avec le printemps qui s'annonce, on mesure à quel
point il est urgent d'agir et de dégager les moyens nécessaires à la
reconstruction. Nous risquons en effet de perdre la moitié des emplois de cette
filière, qui était animée notamment par de nombreux jeunes. Le sénateur-maire
de Surgères, notre collègue M. Branger, connaît bien ce dossier !
Dans la filière agricole, la secousse a été très rude, de même que dans la
filière forestière. A cet égard, je vous le dis sincèrement, monsieur le
ministre, le problème est immense, et nous ne voyons pas aujourd'hui comment
trouver rapidement des solutions à la crise.
Je souhaite que nous rassemblions nos énergies pour faire face à ces
difficultés. Ainsi, 12 millions de mètres cubes sont à terre, soit plus de 10 %
de la perte nationale, 20 % des bois sur pied et sept années de production :
telle est l'ampleur des dégâts. C'est ainsi que la région Poitou-Charentes
vient au premier rang pour ce qui est du pourcentage de la superficie des
forêts sinistrées, surtout dans sa partie sud, avec les deux Charentes.
Sur le plan des essences, ce sont les résineux et les peupliers qui ont subi
le plus de dégâts et, en ce qui concerne les pins maritimes, il est urgent de
trouver une solution en raison, on le sait, du bleuissement qui interviendra à
partir d'avril. Il nous faut donc agir dans ce délai de quatre mois car,
ensuite, le bois perdra de sa valeur financière, et des problèmes
phytosanitaires ainsi que des risques d'incendie apparaîtront.
Quand j'entends parler de communication - j'y reviendrai - et d'image
touristique, je me dis que, aujourd'hui, un certain nombre de secteurs ne
pourront pas envisager la moindre action touristique si l'on ne rétablit pas
les routes du feu. Il faut en effet protéger les touristes que nous voulons
accueillir.
De plus, il faut savoir que, dans une région comme la nôtre, la propriété
privée est très majoritaire, puisqu'elle représente 90 % de la surface de la
forêt, chaque propriété représentant, en moyenne, moins de deux hectares. Les
petits propriétaires privés sont donc très démunis, notamment face à certains
marchands de bois peu scrupuleux qui, aujourd'hui, profitent de la situation
pour acheter à des prix anormalement bas, je dirai même pathologiquement
bas.
Il y a donc urgence à structurer l'offre en la matière et il nous faut aussi
trouver des marchés supplémentaires pour absorber l'excédent de bois.
Il nous faut également réfléchir à la manière dont nous pourrions aider les
propriétaires individuels à acheter certains matériels. A défaut, ils ne
pourront pas faire face, eux non plus, à l'ampleur de la tâche.
Par ailleurs, il nous faut dès maintenant penser à la reconstitution des
peuplements. Je sais que l'Etat entend y consacrer une part importante de son
aide, mais, pour nous, une des premières actions à mettre en oeuvre consiste
bien évidemment à dégager les parcelles sinistrées.
Dans l'ensemble, toutes les mesures qui ont été annoncées sont d'une certaine
ampleur. Toutefois, les prêts bonifiés semblent occuper une part trop
importante dans ce dispositif par rapport à l'argent frais. Mais nous verrons
bien au fur et à mesure que se déroulera le programme, l'essentiel étant de
trouver des solutions et d'essayer de donner les moyens nécessaires à
l'ensemble des acteurs de la forêt.
Je n'insisterai pas sur la situation des conchyliculteurs : la profession a
été agressée par la marée noire dans le nord de la région et par la tempête
dans le sud. Nous ne pouvons qu'être inquiets face aux conséquences importants
qui en résulteront sur les marchés !
A cela s'ajoutent les difficultés des PME du commerce et de l'artisanat et les
dégradations subies par certains sites : je pense notamment au marais poitevin,
où la moitié des peupliers sont à terre, soit l'équivalent de six à sept ans de
stocks, et qui offre un paysage défiguré. Et je n'aurais garde d'oublier le
zoorama de Chizé, qui est dévasté. Un travail immense de reconstruction est
devant nous !
Je rejoins les propos de M. Arnaud sur les activités touristiques :
l'hôtellerie de plein air a elle aussi été saccagée et doit être
reconstruite.
Dans notre région - mais je sais que les régions voisines, l'Aquitaine et le
Limousin, notamment, connaissent les mêmes difficultés - il nous faut élaborer
des partenariats d'avenir. Je suis ainsi tout à fait ouvert à la négociation
d'avenants au contrat de plan, car seul un partenariat entre l'Etat et les
collectivités territoriales, dans la durée et au-delà de l'urgence, nous
permettra de construire de véritables stratégies de développement et de
reconstruction.
Nous proposons donc, en Poitou-Charentes, un programme régionalisé de
reconstruction sur trois ans, que les collectivités territoriales sont prêtes à
financer pour 600 millions de francs : une réunion extraordinaire des quatre
conseils généraux concernés et du conseil régional a ainsi décidé l'inscription
de 300 millions de francs pour les quatre départements et de 300 millions de
francs pour la région.
A ce sujet, je dois relever un point de désaccord avec vous, monsieur le
ministre de l'intérieur : vous avez parlé de contractualisation et vous avez
demandé que l'effort soit équilibré entre les régions et l'Etat. S'agissant de
la tempête, on ne peut demander à l'impôt des personnes sinistrées de
constituer la part essentielle de l'effort de reconstruction !
Que les collectivités territoriales participent, c'est important, certes, et
nous l'avons d'ailleurs fait, nous l'avons montré dans le contrat de plan :
pour les routes nationales, afin de désenclaver notre région, nous sommes allés
jusqu'à payer les deux tiers du financement contre un tiers pour l'Etat ; pour
l'université et l'enseignement supérieur, nous avons assuré, à égalité avec
l'Etat, 50 % du financement ; pour la reconstruction, cependant, il nous paraît
tout à fait raisonnable que l'effort soit partagé entre un tiers pour les
collectivités territoriales et deux tiers pour la solidarité nationale.
Au-delà, il n'y aurait pas de solidarité nationale !
(Applaudissements sur
les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Si les efforts importants qui restent à réaliser sont partagés, cela doit
permettre aux différents partenaires de construire une stratégie. Je vous
demande donc, messieurs les ministres, d'être nos interprètes, à l'occasion du
comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire
qui se tiendra fin février à Nantes, en faveur de cette prise de conscience :
oui au contrat de plan, oui au partenariat, oui à l'engagement des territoires,
oui, bien sûr, à la solidarité nationale ! Je crois qu'ensemble nous pourrons
redonner confiance à nos territoires. C'est de cela qu'ils ont aujourd'hui
besoin.
Dieu sait si je comprends les combats politiques, et il m'arrive d'y
participer avec ardeur. Pourtant, s'il est une chose que le territoire ne
comprend pas aujourd'hui, c'est la trop grande différence entre l'argent du
département, celui de l'Europe, celui de l'Etat et celui de la région. Il faut
un effort global afin que chacun se rassemble pour dire avec conviction à ceux
qui ont été meurtris, blessés, profondément atteints, qu'il y a un avenir
possible, que nous sommes prêts et déterminés - et ce durablement - pour
considérer que la fertilité des territoires est un élément qui engage l'unité
même de la nation et l'équilibre de notre République.
C'est ce message qu'il nous faut aujourd'hui faire passer. En effet, les
personnes blessées ont entendu à la télévision l'annonce des milliards de
francs qui ont été inscrits au budget. Aujourd'hui, elles veulent qu'on
surmonte la paperasse, la bureaucratie ; elles veulent qu'on surmonte les
difficultés et qu'on montre que l'Etat - avec tous les acteurs représentants de
la République, et les élus au premier plan - est, sur le terrain, le porteur de
ce nouvel espoir.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le
département de l'Aube a payé son tribut à la violente tempête que notre pays a
connue et sa forêt est aujourd'hui dévastée.
Comme d'autres, je soulignerai ce qu'a de positif pour chacun d'entre nous une
telle catastrophe. Nous devons faire un constat ; nous qui, très souvent,
regardons les catastrophes du monde, que ce soit en Turquie, au Venezuela ou
ailleurs, assis devant notre téléviseur, découvrons que, chez nous aussi, cela
peut arriver.
Comme d'autres encore, je soulignerai le côté positif de la mobilisation
générale, faisant simplement observer, pour que l'on en tire les conséquences,
monsieur le ministre, qu'heureusement nous ne nous sommes pas trop posé de
questions sur les normes. Quand il a fallu prendre des tracteurs pour déblayer
les routes, nous n'avons pas vérifié si le fioul était blanc ou rose, nous
n'avons pas demandé aux chauffeurs s'ils avaient le permis poids lourd.
Heureusement d'ailleurs, sinon bien peu de choses auraient été faites !
M. Gérard César.
Eh oui !
M. Philippe Adnot.
Enfin, toujours au titre de ce qui est positif, je veux souligner le rôle
actif de conseiller, d'organisateur, de médiateur des 36 000 maires de France.
Si quelqu'un doutait encore de la richesse, et non de la charge, que représente
le nombre de nos communes, je pense que, cette fois, il aura compris et
qu'ainsi, sur ce sujet, le débat est clos.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé un certain nombre de mesures. Je n'ai
pas, ici, à les critiquer. Elles seront jugées concrètement sur le terrain,
notamment sous l'angle de la rapidité de leur application.
Je me contenterai de formuler trois demandes.
Même assurés, un certain nombre de bâtiments communaux, à cause de leur
vétusté, représenteront des charges énormes. Je pense notamment aux toitures
d'église. Je demande donc que l'enveloppe de la DGE soit augmentée. Sinon nous
n'arriverons pas à mettre en oeuvre les travaux qui sont nécessaires et qui ne
peuvent attendre.
Je demande également que des mesures dérogatoires soient prises de manière que
l'on puisse commencer les travaux sans attendre de savoir s'il y aura
suffisamment de crédits.
L'Etat a souvent cité les SDIS dans ses forces d'intervention. Je rappelle que
ce sont les collectivités locales qui en assurent le financement. Vous avez
indiqué que vous prendriez en charge les interventions hors zone. Dans les
départements de l'intérieur, il n'y a pas eu d'intervention hors zone ; cela ne
représente donc rien. Je demande donc que les taxes que l'Etat prélève au titre
de la sécurité sur les assurances soient reversées pour assurer le financement
des SDIS.
La forêt, je l'ai dit d'emblée, a été dévastée dans notre département. De ce
point de vue, j'approuve totalement et je soutiens la position qu'exprimera ici
notre collègue Jacques-Richard Delong.
M. Hubert Haenel.
Moi aussi !
M. Philippe Adnot.
J'ajoute simplement que la rapidité de mise en oeuvre des mesures sera
déterminante et qu'il faudra savoir trouver, pour les propriétaires privés, des
mesures particulières susceptibles de leur donner l'envie de replanter. Sinon,
je le crains, notre nature sera défigurée, et pour longtemps !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon
intervention sera très ciblée.
Il y a une quinzaine de jours, j'ai présenté devant notre délégation pour
l'Union européenne une communication sur les actions susceptibles d'être
conduites au niveau communautaire pour faciliter la réparation des dommages
causés par la tempête et par la marée noire.
Nous avons, à cette occasion, discuté d'une note d'information de la
Commission européenne qui dressait l'inventaire des crédits disponibles - pour
l'avenir ! - en vertu de l'accord conclu par le Conseil européen de Berlin, en
mars dernier.
Certains d'entre nous - je pense, notamment à notre collègue Simon Sutour - se
sont alors inquiétés des conséquences d'une éventuelle redistribution de ces
crédits, qui couvrent la période 2000-2006, et, au cours du débat que nous
avons eu, plusieurs voix se sont élevées pour noter qu'une telle redistribution
aurait pour conséquence de donner à Pierre ce que l'on prenait à Paul.
Cela pourrait atteindre tout à la fois les départements touchés par les
intempéries et ceux qui y ont échappé.
Si nous prenons l'exemple du Gard, objet légitime des attentions de notre
collègue Simon Sutour, ne peut-on craindre que les crédits de l'objectif 2 qui
seront mobilisés pour remédier aux dommages dus à la tempête dans des
départements sinistrés n'amputent les fonds disponibles dans le Gard pour des
actions de reconversion industrielle ou de soutien aux zones rurales ?
Pour un département sinistré, comme celui des Vosges, l'utilisation de crédits
communautaires pour pallier les effets des intempéries ne va-t-elle pas
empêcher d'y mener à bien des actions qui, sans cela, auraient bénéficié de
fonds communautaires ?
Les départements éligibles aux fonds structurels ont déjà vu leur dotation
réduite en raison d'un zonage resserré. Il serait choquant que ces
collectivités subissent, de ce fait, une nouvelle amputation de leur
enveloppe.
Personnellement, je doute fort que ce soit là l'intention de la Commission
européenne - nous interrogerons d'ailleurs sur ce point notre ancien collègue
Michel Barnier, qui sera entendu tout à l'heure par notre délégation - mais
surtout, et c'est là le motif de mon intervention dans ce débat, il me semble
possible de trouver des crédits en dehors des dotations arrêtées à Berlin, et
donc d'éviter une redistribution entre les départements.
Je m'explique. Je fais allusion aux crédits qui ont été octroyés à la France
pour la période 1994-1999 et que nous devrons « rendre » à Bruxelles si nous ne
les consommons pas.
Or, c'est un fait indiscutable, et même régulièrement dénoncé, que les crédits
des fonds structurels, tout particulièrement en France, sont sous-utilisés.
Pour l'Alsace, région que j'ai quelque raison de mieux connaître que les
autres, les taux de programmation des fonds communautaires sont généralement
très satisfaisants dans la mesure où ils sont le plus souvent de 100 %. Mais
les taux de paiement ne permettent de concrétiser qu'une partie de cette
programmation puisque, par exemple, il n'y avait, au 31 décembre 1999, que 37 %
de paiements sur l'objectif 2 en ce qui concerne la période 1996-1997 et 49 %
de paiements sur l'objectif 5 en ce qui concerne la période 1997-1999.
Sans doute ces taux vont-ils encore s'élever. Mais nous serons bien loin d'un
taux de 100 % et une part importante restera, à l'évidence, inutilisée.
Bien sûr, la période à laquelle je fais allusion est aujourd'hui achevée. Bien
sûr, il est désormais trop tard, du moins en théorie, en l'état actuel des
textes, pour engager des crédits sur cette enveloppe. Mais nous ne devons pas
renoncer à toute initiative et nous n'avons rien à perdre, monsieur le
ministre, à saisir Bruxelles d'une demande exceptionnelle qui nous permettrait
d'utiliser ces crédits pendant quelques mois supplémentaires.
M. Jean Chérioux.
Bonne idée !
M. Hubert Haenel.
Une catastrophe d'une ampleur exceptionnelle légitime une demande à caractère
exceptionnel.
Bien sûr, me direz-vous, il nous faudra l'accord de nos partenaires. Mais je
ne crois pas faire montre d'un optimisme démesuré en affirmant que la chose est
possible. D'abord, parce que notre pays n'a pas été la seule victime des
catastrophes de décembre, qui ont eu véritablement une dimension européenne, et
que d'autres pays voisins pourraient être intéressés par une telle démarche et
un tel accord. Ensuite, et surtout, parce que nous ne demanderions aucune
augmentation de notre enveloppe, mais simplement la possibilité, pendant
quelques mois encore, de bien utiliser des crédits qui - faut-il le rappeler ?
- nous avaient déjà été octroyés.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon
intervention peut donc se résumer en une question tout simple : le Gouvernement
envisage-t-il de soumettre à Bruxelles - je crois, monsieur le ministre, que
vous devez le faire, après quoi nous verrons bien la réponse qui nous sera
faite ! - des propositions pour que la France ne soit pas contrainte de «
rendre » des crédits qui pourraient être utilisés pour réparer les conséquences
des tempêtes et de la marée noire ?
S'il le veut, le Gouvernement peut, je crois, obtenir de ses partenaires un
tel accord.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux.
Très bonne proposition !
M. le président.
La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne
dispose que de quelques minutes pour évoquer cette tempête funeste du 27
décembre 1999 qui a frappé le sud de la France moins de quarante-huit heures
après que le nord l'eût été, quelques minutes pour évoquer un traumatisme
violent dont on n'a pas encore mesuré tous les effets, mais dont on sait, à
coup sûr, qu'ils seront durables. Il faut entre cinquante et cent ans pour
faire un arbre, et 15 millions de mètres cubes de bois au moins gisent à terre
dans le seul Limousin !
La marée noire est révoltante parce que les hommes en sont les seuls
responsables et qu'elle pouvait donc être évitée. Mais les deux événements ne
se traitent pas sur la même échelle de temps. Dans les zones les plus touchées
par la tempête, aucun de nos contemporains, quel que soit son âge, ne
retrouvera le paysage tel qu'il a pu le connaître il y a moins de deux mois. Un
tel cataclysme n'a pas été conservé dans la mémoire collective et même aucune
trace historique n'en est repérable dans le millénaire qui vient de
s'achever.
Traumatisme violent pour les êtres vivants, les hommes et les bêtes, désastre
esthétique, écologique, touristique, économique, telle est, à grands traits, la
description que l'on peut faire sans avoir besoin de noircir le tableau.
Dans l'urgence, l'essentiel a été fait et les services de l'Etat et du
département ont travaillé avec efficacité, notamment au dégagement des routes.
Mais ni le préfet ni le président du conseil général ne pouvaient répondre à
l'attente précise et urgente des habitants. Seuls les maires et leurs conseils
municipaux, aidés quelquefois, et peut-être même souvent, par les conseillers
généraux, pouvaient dynamiser, organiser, coordonner et résoudre les mille
problèmes quotidiens, dont certains pouvaient à tout moment se transformer en
drame.
Ces maires ont démontré tout l'intérêt de l'existence de nos trente-six mille
communes - on vient de le rappeler - ces communes pourtant si décriées il y a
peu encore. Au passage, monsieur le ministre, prenons garde, même s'il faut
inciter les maires à s'engager dans une intercommunalité nécessaire, à ne pas
vider leur fonction de tout intérêt. Veillons à prévenir, grâce à des
compétences suffisamment étendues, l'attrait de la fonction, donc la motivation
des maires et, finalement, leur capacité d'action.
Monsieur le ministre, il serait très injuste de ne pas relever l'importance de
la solidarité nationale exprimée au travers de plans de plus en plus affinés
qui ont été présentés par le Premier ministre et déclinés par vous-même et vos
collègues. Les annonces, après les ajustements successifs, ont été bien perçues
et considérées globalement comme étant à la hauteur de la situation.
Cela étant, dire que tout va bien dans la mise en oeuvre serait évidemment
faux ; dire que l'attente des populations n'est pas grande, et même
grandissante, ne serait pas non plus conforme à la réalité.
Dans le temps qui m'est imparti, j'aborderai de façon quelque peu schématique
quatre points à partir de l'exemple que je connais le mieux, celui de la
Haute-Vienne.
Le premier concerne l'attente des collectivités locales, qu'elles soient de
base ou regroupées notamment sous forme syndicale. La tâche qui leur reste à
effectuer est immense. Si la plupart des voies communales sont dégagées, il
reste à nettoyer fossés et bas-côtés. Mais surtout, les chemins ruraux, la
voirie forestière et même les chemins d'exploitation sont dans un état tel que
beaucoup de parcelles demeurent inaccessibles, les exploitants étant évidemment
incapables de résoudre cet immense problème.
Le conseil général est en train de mettre en place un dispositif d'aide à
l'embauche de personnels sous contrat de six mois. L'inquiétude porte sur la
durée du soutien de l'Etat et sur la répartition des enveloppes. La préfecture
a procédé à un recensement des dommages subis par les communes ; 28 millions de
francs relevant du titre IV seraient pris en charge à 100 % par l'Etat et 160
millions de francs relevant du titre VI seraient pris en compte à 50 % par
l'Etat, le conseil général se proposant de compléter jusqu'à 80 %.
Si j'emploie le conditionnel, c'est parce que, pour l'instant, personne n'a
confirmation de ces enveloppes départementales, de leur montant, et encore
moins de la date de délégation des crédits. Je me permets de dire qu'il y a
urgence !
Je me permets aussi d'attirer l'attention du Gouvernement sur un point précis,
les embâcles, qui constituent un grave danger potentiel d'inondations et de
désordre pour les ouvrages, voire un danger pour les populations.
Ce qui interdit d'avancer, c'est moins le manque de fonds que le manque de
bras. Nombreux sont ceux qui estiment - et je partage ce sentiment - que la
présence de l'armée, son soutien en hommes et en matériel, sont nécessaires, et
ce probablement pour un temps assez long.
J'en viens à mon deuxième point : le volet agricole.
Dans un souci de brièveté, je ne décrirai pas les dégâts occasionnés, si ce
n'est ceux qu'ont subis les clôtures, élément important dans un pays d'élevage.
Les chiffres avancés sont peut-être excessifs, mais on parle de 18 000
kilomètres de clôtures endommagées et de 800 000 heures de travail pour les
réparer.
Le conseil général et le conseil régional, là encore, font leur devoir, en
aidant à l'embauche de personnels par des structures collectives. Mais s'il
faut être intransigeant pour ce qui est de la sécurité des personnes, car nous
devons déjà déplorer plusieurs morts, il faut, en revanche, assouplir les
conditions juridiques des embauches, parce que, là aussi, on risque de manquer
de bras.
Des mesures fiscales seraient particulièrement bienvenues. Il faudrait
rembourser rapidement les crédits d'impôt de TVA pour 1999 et appliquer le taux
de 5,5 % sur les travaux de remise en état des bâtiments, y compris par
dérogation de quelques mois sur l'acquisition de matériaux de construction par
les exploitants dont on sait bien qu'ils assurent souvent eux-mêmes les
réparations.
Le traumatisme forestier est évidemment le plus grave et le plus durable. Les
mesures annoncées par le Gouvernement ont calmé les esprits qui s'inquiétaient
à juste titre. Il n'en demeure pas moins que la mise en oeuvre concrète des
mesures annoncées, en particulier pour le transport, est attendue avec
impatience.
De même, chacun s'interroge sur la relative faiblesse des moyens que peut
dégager la SNCF.
Par ailleurs et surtout, une modulation serait nécessaire pour ne pas
défavoriser les régions centrales comme le Limousin, les plus éloignées des
pays de réception des bois transportés.
Enfin, comment fait-on pour compenser le surcoût d'exploitation des bois de
faible valeur, qui peuvent entraîner leur abandon sur place avec les risques
inhérents d'incendie et de prolifération des insectes qui pourraient envahir
l'ensemble de la forêt ?
Restent les grands oubliés - c'est mon dernier point - les artisans et les
commerçants victimes des pertes d'exploitation.
Aucun organisme ne couvre les risques consécutifs à l'absence durable
d'électricité, ni, par conséquent, les pertes pourtant considérables. Les 200
millions de francs du FISAC, annoncés par Mme Lebranchu pour l'ensemble de la
France, sont un bon début. Ils sont insuffisants cependant, puisque la chambre
de métiers et la chambre de commerce et d'industrie évaluent les pertes, pour
la seule Haute-Vienne, à 560 millions de francs, chiffre confirmé par la
DRIRE.
Le conseil général a abondé un fonds de solidarité créé par la chambre de
métiers et par la chambre de commerce et d'industrie. Les sommes qui
l'alimentent actuellement doivent être considérées comme un fonds de caisse
d'appel en vue d'un abondement par un éventuel fonds national qui, lui, reste à
créer. Il y a là une urgence, car nombre de petites entreprises sont proches du
dépôt de bilan.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Jarlier.
M. Pierre Jarlier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, outre le
bilan humain considérable de la tempête des 26 et 27 décembre dernier, la forêt
française - sur laquelle je concentrerai mon propos - est la principale victime
de cette catastrophe. Elle a perdu l'équivalent de trois années d'exploitation,
et le préjudice économique pourrait atteindre la somme de 30 milliards de
francs.
Sur la base des évaluations provisoires transmises par l'ONF, le volume des
bois abattus et brisés par la tempête correspond, en effet, à près de 115
millions de mètres cubes, soit près de 500 000 hectares de forêt et environ 300
millions d'arbres abattus.
A titre d'exemple, dans mon département, le Cantal, ces dégâts représentent
l'équivalent d'au moins six années d'exploitation et deux millions de mètres
cubes de bois abattus.
La mobilisation de l'Etat sur le terrain, à travers ses différents services,
et le plan d'urgence annoncé par M. le Premier ministre le 12 janvier dernier
ont suscité un immense espoir face à cette situation catastrophique. Or, à ce
jour, même si 500 millions de francs de plus ont été accordés, la plupart des
modalités pratiques d'utilisation de ces crédits ne sont toujours pas connues
des principaux acteurs de la filière.
Dans cette attente, les exploitants forestiers, les agriculteurs, les
propriétaires, publics et privés, et les collectivités territoriales ne sont
toujours pas en mesure d'engager des actions significatives sur le terrain.
Le temps presse, car chacun sait que, dans trois ou quatre mois, il sera trop
tard pour valoriser la plupart des arbres chablis en raison des risques
phytosanitaires de printemps.
L'exemple de l'Allemagne, qui a connu en 1990 une tempête presque comparable,
peut nous fournir, à cet égard, quelques enseignements.
Grâce à un plan ambitieux, un échéancier précis et une intervention rapide,
elle est parvenue, en trois ans, au lieu des cinq prévus, à rétablir
l'équilibre, tant écologique que financier, du secteur forestier.
Des aides multiples, au-delà des seules aides financières, ont été instituées
par les pouvoirs publics allemands. Parmi les plus significatives, il faut
d'abord relever le soutien du marché, par le biais notamment d'un stockage
fédéral du bois. Cette mesure a été accompagnée d'une vente tournante afin
d'éviter les transactions anarchiques. Grâce, entre autres choses, à ce
dispositif, l'effondrement du marché a été endigué à 80 %.
Tout est donc possible mais, encore une fois, il faut faire vite, car,
aujourd'hui, sur le terrain, malgré les premières dispositions prises, un
certain nombre de difficultés subsistent.
Difficultés pour nos exploitants forestiers tout d'abord. L'ampleur de la
tâche nécessite des investissements lourds à très court terme et le recrutement
d'une main-d'oeuvre qualifiée pour assurer le bûcheronnage et le débardage. Il
est donc urgent de concrétiser les aides spécifiques à ces investissements et à
la création de ces emplois, compte tenu de la situation critique des
entrepreneurs. De telles mesures compléteront efficacement l'appui au surcoût,
lié au transport des bois, qui vient de faire l'objet d'une dotation
supplémentaire.
Difficultés aussi pour les prorpriétaires forestiers publics ou privés.
L'effondrement des cours est déjà constaté. Aujourd'hui, ce n'est plus la
moitié mais le quart des prix de référence qui sont pratiqués. A titre
d'exemple, dans le Cantal, un mètre cube de sapin est négocié à moins de 100
francs, contre 250 francs à 300 francs en temps normal, et un mètre cube de pin
à 40 francs, contre 180 francs. Sans parler du bois à pâte à papier qui se
négocie actuellement à 5 francs le mètre cube !
En l'absence de régulation du marché, c'est, à terme, l'économie d'ensemble de
la filière bois, déjà fragilisée, qui s'en trouvera menacée. Aussi, une
modulation des aides en fonction des prix d'achats consentis, comme la
définition de prix planchers en concertation avec la profession, qui
conditionneraient l'attribution des aides publiques, minimiserait les pertes
pour les propriétaires forestiers et la chute des cours.
Difficultés encore pour les communes et particulièrement les communes
forestières : elles vont, en effet, connaître des pertes de ressources
importantes qui auront des conséquences graves sur l'équilibre de leur budget
et leurs programmes d'investissements, d'autant que l'exploitation de leur
forêt va nécessiter de lourds travaux sur les voiries forestières et
rurales.
Si des subventions d'équilibre sur les budgets et des aides au déblaiement des
routes forestières ont bien été annoncées, des inquiétudes substistent à cet
égard, essentiellement pour deux raisons. D'abord, le montant des dotations
d'équilibre envisagées suffira-t-il à combler les pertes ? Ensuite, quels
financements exceptionnels - particulièrement au titre de la DGE - pourront
être dégagés dès cette année pour remettre en état les voiries forestières,
rurales et communales, après l'intervention des entreprises ?
Monsieur le ministre, le milliard de francs accordé au titre de
l'indemnisation des biens non assurables sera-t-il mobilisable dans ces cas
?
Des dégâts considérables sont prévisibles car ces réseaux vont subir un trafic
exceptionnel, trafic qui est habituellement interrompu à cette saison.
Après l'exploitation, se posera le problème de la réhabilitation des espaces
forestiers, souvent situés dans des zones à vocation touristique. L'enjeu
économique est majeur pour ces communes.
Aussi la création de nouveaux chantiers d'insertion, conduits par les
collectivités intercommunales pour assurer le nettoyage et le débroussaillage
des terrains sinitrés, pourrait-elle permettre d'accélérer cette remise en état
et constituer une nouvelle voie de retour à l'emploi. La mise en oeuvre de ce
dispositif, toutefois, n'est pas possible avec les contingents actuels de
contrats emploi-solidarité, dont le nombre, a par exemple, été réduit de 50 %
cette année.
Enfin, nos agriculteurs font face à des difficultés. Si la procédure de
calamité agricole a d'ores et déjà été lancée, elle n'est toujours pas en
application et, compte tenu de l'ampleur des dégâts, elle ne suffira sans doute
pas à effacer les conséquences du sinistre.
Devant ces difficultés, la solidarité des agriculteurs s'organise autour de
nouvelles coopératives forestières, mais également au sein des coopératives
d'utilisation en commun de matériel agricole, les CUMA, existantes. Or,
actuellement, celles-ci ne peuvent bénéficier ni d'aides européennes ni de
soutien au titre des contrats de plan.
Par conséquent, les dispositions du plan d'urgence devraient aussi viser ces
groupements, afin d'encourager les initiatives locales allant dans ce sens.
Monsieur le ministre, les exploitants forestiers, les propriétaires publics et
privés, les communes et les agriculteurs attendent aujourd'hui avec impatience
ces mesures et la mise en oeuvre concrète du plan d'urgence. La plupart des
conseils généraux et des conseils régionaux attendent également de connaître
les dispositions que vous allez prendre, pour accompagner, à leur tour, ce
dispositif de solidarité nationale. En effet, comme l'a rappelé à l'instant
Jean-Pierre Raffarin, le partenariat est indispensable dans ce domaine.
Monsieur le ministre, vous avez déjà largement exprimé la volonté de faire
jouer cette solidarité nationale, mais l'ampleur du sinistre est telle que des
moyens complémentaires seront nécessaires. Cela est possible aujourd'hui, car -
nous le savons désormais, et cela a été rappelé à cette tribune - le
Gouvernement dispose de recettes fiscales considérables.
Cet effort complémentaire et immédiat est d'autant plus nécessaire aujourd'hui
que les fonds structurels européens espérés et prélevés, il faut le rappeler,
sur la dotation française au titre du développement rural pour la période
2000-2006 ne seront pas mobilisables avant plusieurs mois.
Ces mesures d'urgence, monsieur le ministre, et ce sera ma conclusion, ne
doivent pas nous faire oublier la nécessité d'entreprendre, dès maintenant, la
réorganisation de l'ensemble de notre filière bois - comme cela a été si bien
fait en Allemagne en pareilles circonstances - autour d'un plan quinquennal
pour la forêt.
Ce plan s'intégrerait parfaitement dans le cadre de la future loi forestière
que M. le ministre de l'agriculture a annoncée. Or, selon le calendrier prévu
par le Gouvernement, ce projet de loi ne devrait pas être examiné en première
lecture par l'Assemblée nationale avant la fin du premier semestre de cette
année. Les délais propres au processus législatif qui en découlent risquent
d'être fatals à la filière bois, déjà extrêmement fragilisée.
C'est pourquoi, dans ce contexte de crise, monsieur le ministre, le
déclenchement d'une procédure d'urgence permettrait sans doute d'activer dès le
début de l'année prochaine un programme pluriannuel ambitieux en faveur de
notre forêt et de notre filière bois.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre attention et des réponses que
vous voudrez bien apporter à notre assemblée.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Nachbar.
M. Philippe Nachbar.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le temps du
bilan est aujourd'hui venu, et il apparaît aux yeux de tous que la forêt
française, que j'évoquerai dans mon intervention comme l'a fait mon
prédécesseur à cette tribune, vient de subir la plus grande catastrophe de son
histoire.
Les chiffres témoignent de l'ampleur du désastre. Ainsi, la forêt française a
perdu 115 millions de mètres cubes, le chiffre vient d'être rappelé, soit plus
de 310 millions d'arbres. A titre d'exemple, mon département, la
Meurthe-et-Moselle, a perdu plus de 8 millions de mètres cubes, soit
l'équivalent d'à peu près dix années de production.
Les conséquences sont lourdes pour le cadre de vie et pour l'environnement ;
elles sont accablantes sur le plan économique pour l'ensemble des
professionnels de la filière bois ; elles pèseront durablement, enfin, sur le
budget des communes forestières qui sont déjà et seront confrontées à
d'immenses difficultés, tant à court terme qu'à moyen et long termes. Dans
l'immédiat, ces communes ont eu à dégager les routes desservant les massifs
forestiers et à assurer la récolte, le traitement et le stockage des bois. La
tâche, souvent immense, est loin d'être terminée. Les communes ont réagi avec
une rapidité exemplaire, tant pour assurer la sécurité de leurs forêts que pour
limiter les dégâts en termes d'exploitation future.
Qu'il me soit permis ici de saluer l'immense travail accompli par les élus
locaux qui, depuis le 26 décembre, n'ont ménagé ni leur temps, ni leur peine.
J'y vois, si besoin en était, comme deux de mes prédécesseurs à cette tribune
l'ont indiqué, la preuve de l'irremplaçable utilité de nos 36 000 communes.
Je voudrais dire également, monsieur le ministre, combien le soutien des
services de l'Etat, à commencer par les services préfectoraux et par l'Office
national des forêts, a été constant et apprécié des élus.
Toujours à court terme, un autre problème majeur se dessine : la chute des
cours du bois.
Nous constatons aujourd'hui que ce phénomène, hélas prévisible, est tel que
des ventes prévues et organisées ont dû être annulées
in extremis.
Sans
doute faudra-t-il, devant certaines manoeuvres des professionnels du bois,
manoeuvres qu'évoquait M. Raffarin tout à l'heure, envisager, pendant une durée
limitée, un assouplissement des procédures régissant les ventes publiques.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Sûrement !
M. Philippe Nachbar.
Mais c'est à long terme que les conséquences de la tempête vont peser le plus
lourdement sur les budgets communaux. A titre d'exemple, en Meurthe-et-Moselle,
les forêts publiques représentaient 163 000 hectares : 90 000 sont endommagés.
Certaines forêts communales sont détruites à 90 %. Nombre de communes ont perdu
jusqu'à cinquante années de revenus forestiers et, pour beaucoup d'entre elles,
cette recette représentait jusqu'à 40 % de leur budget, alors même qu'elles
devront remettre en état leurs voiries forestières et régénérer leurs forêts.
C'est tout l'effort d'investissement qu'elles accomplissaient année après année
qui risque d'être compromis avec toutes les conséquences qui s'ensuivront pour
les entreprises qui travaillent avec elles. Le Gouvernement a d'ores et déjà
annoncé un certain nombre de mesures. Vous venez, monsieur le ministre, d'en
évoquer quelques-unes. Il me paraît nécessaire d'aller au-delà. Mais
permettez-moi, très modestement, de vous faire quelques propositions pouvant
apaiser les inquiétudes que ressentent de plus en plus les représentants des
communes forestières.
A court terme, des mesures tant financières que fiscales me paraissent devoir
s'imposer. Je n'en évoquerai que deux.
La première consisterait à rendre éligibles au FCTVA tous les travaux
forestiers consécutifs à la tempête. Ainsi, les communes pourraient récupérer
la TVA, y compris lorsque ces travaux sont considérés comme du fonctionnement
et non comme de l'investissement.
L'autre mesure, et certains de mes collègues l'ont d'ores et déjà suggérée,
consisterait à laisser les communes libres de placer les fonds générés par
l'exploitation des bois renversés par le vent, les chablis, par dérogation aux
prescriptions de l'ordonnance du 2 janvier 1959.
Monsieur le ministre, vous venez d'annoncer une mesure de ce type, et je m'en
réjouis. Je suis cependant conscient que, du fait de la chute des cours, les
communes risquent malheureusement d'avoir peu de fonds à placer dans les mois
qui viennent.
A long terme, il me paraît essentiel qu'un fonds national de solidarité des
communes forestières, géré conjointement par le ministère de l'intérieur et le
ministère de l'agriculture, puisse, une fois chiffré le préjudice subi par
chacune des communes forestières et sa durée prévisible - un tel travail a déjà
été réalisé dans la plupart des communes en liaison étroite entre les élus et
l'office national des forêts - verser aux communes une subvention d'équilibre
annuelle sur la base de cet inventaire. Les communes pourraient ainsi compenser
la perte qu'elles ont subie, tout en poursuivant l'effort d'investissement
qu'elles doivent réaliser pour régénérer leurs forêts et rétablir leur voirie,
mais aussi pour continuer à développer les services publics irremplaçables
qu'elles offrent à leurs habitants.
Telles sont les quelques mesures que je souhaitais vous suggérer, monsieur le
ministre. Elles se fondent sur le bilan, ô combien sommaire, que je viens de
dresser ; mais le temps m'était compté.
Ces mesures dérogent bien sûr au droit commun mais, à situation
exceptionnelle, mesures exceptionnelles.
Notre pays a montré, durant la tempête et dans les jours qui ont suivi, qu'il
avait su retrouver ce sens de la solidarité qu'il puise dans son histoire.
L'exigence des communes forestières en tire toute sa force : une fois passé le
temps de l'émotion, les communes forestières françaises doivent connaître le
temps de la solidarité.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Darniche.
M. Philippe Darniche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Vendée,
au nom de laquelle je m'exprime à cet instant, comme bon nombre de départements
du littoral Atlantique a été doublement sinistrée : par la marée noire et la
tempête.
A chacune de ces catastrophes répond un triptyque devenu hélas ! trop célèbre
: conséquences économiques, écologiques et sociales. Nous devons y répondre par
ces trois mots : responsabilité, indemnité et solidarité.
A ce jour, on ne connaît toujours pas les véritables causes du naufrage de
l'
Erika
et les responsabilités réelles ne sont toujours pas établies. Il
y a trop de zones d'ombre sur cette affaire. Vous devez nous éclairer sur ce
point, monsieur le ministre.
A court terme, le pompage des soutes doit être effectué. Pouvez-vous nous
affirmer que cette opération sera efficace et sans dommage pour le milieu marin
?
J'ai demandé au président du Sénat la mise en place d'une commission d'enquête
sénatoriale. Sans doute serait-il souhaitable d'associer le Sénat à la
commission d'enquête de l'Assemblée nationale pour faire le jour sur cette
affaire.
Tous les métiers de la mer, l'agriculture et le tourisme ont été
particulièrement touchés, sans oublier les propriétaires publics et privés.
Or, six semaines après ces deux événements catastrophiques, force est bien de
constater que la plupart des sinistrés attendent toujours les premières
indemnisations.
Face à l'impuissance, au désarroi ou à la déprime des dizaines de milliers de
sinistrés, la mobilisation des premières semaines et la forte solidarité qui
s'est dégagée ne doivent pas retomber. Il est du devoir du Gouvernement
d'apaiser maintenant les inquiétudes en matière de responsabilité. Il y a
urgence !
Dans son intervention du 12 janvier, M. le Premier ministre a déclaré que le
ministre de l'économie avait demandé aux compagnies d'assurances de faire
preuve de diligence et de compréhension. Or nous constatons sur le terrain que
beaucoup de particuliers ou de professionnels rencontrent des difficultés pour
la fixation du montant des franchises ou dans la distinction entre la situation
de tempête et l'état de catastrophe naturelle.
Je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre, si l'Etat va bien prendre
en charge la différence entre la franchise contractuelle et la limite de 1 500
francs pour les particuliers, et sous quelle forme.
Je souhaiterais aussi savoir si la déforestation ne serait pas l'occasion
d'améliorer la fiscalité, avec la mutualisation du risque du chablis.
Enfin, je souhaiterais savoir si, à titre exceptionnel, il ne faudrait pas
exonérer ou étendre le taux réduit de TVA aux travaux de remise en état. De
même, il importe que les travaux engagés par les collectivités locales soient
considérés comme éligibles au fonds de compensation de la TVA.
S'agissant des professionnels du tourisme, je suggère que soit créé pour eux
un fonds spécial d'indemnisation qui prendrait en charge les dommages non
indemnisés par les assurances.
L'Etat doit prévoir des aides immédiates de trésorerie afin de financer les
dépenses engagées par les exploitants pour nettoyer ou déblayer les terrains,
en particulier pour l'hôtellerie de plen air qui est très touchée.
L'Etat doit aussi envisager une exonération des charges sociales sur les frais
de personnel affectés aux opérations de nettoyage et de déblaiement ainsi
qu'une exonération des surtaxes de l'EDF.
Il importe également d'accélérer le remboursement de la TVA, qui doit
intervenir au plus tard quinze jours après la déclaration.
Pour la reconstruction des installations et le réaménagement des terrains,
sans doute faut-il assouplir les procédures afin de dégager des superficies
supplémentaires au profit de l'hôtellerie de plein air.
Nos concitoyens ont été particulièrement touchés par ces deux désastres, et
même ceux qui ont été épargnés - il sont peu nombreux, il faut le dire - ont
renouvelé une solidarité envers les plus touchés.
Les sinistrés attendent que la solidarité nationale fasse redémarrer les
entreprises et finance les réparations indispensables à la remise en état de
leur patrimoine.
Comme l'ont dit excellemment nos collègues Philippe Arnaud et Jean-Pierre
Raffarin, à ce jour, la solidarité gouvernementale est insuffisante ; elle se
fonde sur beaucoup de petites mesures et ne remédie pas totalement à la
détresse immense qui a été engendrée. Or des moyens financiers sont
disponibles.
Avant de prendre des mesures de répartition démagogiques, telles que la baisse
de la taxe d'habitation, pensez aux sinistrés de la tempête et de
l'Erika.
Nos compatriotes le comprendront, ils sont prêts à accepter cet effort.
Monsieur le ministre, je souhaiterais par ailleurs savoir si le Gouvernement
va accorder de nouveaux délais de paiement aux ménages et aux entreprises.
Je pense également qu'un report au 15 octobre 2000 de l'échéance de la taxe
professionnelle est nécessaire, tout comme une exonération partielle de la taxe
foncière pendant trente ans pour les exploitants forestiers.
Monsieur le ministre, revenant à l'
Erika
, je souhaite soulever trois
points supplémentaires.
Tout d'abord, la législation existante doit être respectée et améliorée pour
renforcer la sécurité de la navigation.
Aujourd'hui, deux navires sur cinq ne respectent pas les normes
internationales et leurs propriétaires sont très difficiles à identifier. C'est
pourquoi il importe de renforcer les contrôles techniques dans les ports, de
les rendre plus rigoureux.
Pour éradiquer les « navires poubelles », je demande que l'on accueille sur
nos côtes uniquement les navires à double fond. Nous devons imposer les
contrôles au-delà des 200 miles, pour prévenir de tout risque de dégazage en
haute mer, il faut interdire aux tankers de sortir d'un port sans avoir nettoyé
leurs cuves à terre.
Ensuite, il est indispensable que, à l'échelon national, européen et
international, des mesures réellement dissuasives soient prises à l'encontre
des armateurs et des affréteurs qui ne respectent pas les normes de sécurité.
La France doit retrouver la souveraineté de ses eaux territoriales.
Aujourd'hui, des clones de l'
Erika
naviguent encore et des catastrophes
identiques peuvent se produire demain.
Enfin - dernier point - aux conséquences écologiques désastreuses de cette
marée noire s'ajoutent des conséquences économiques, qui ont été évoquées par
un certain nombre de mes collègues et qui touchent les professionnels du
tourisme.
Constatant que les réservations pour la saison estivale dans certains
départements sont d'environ 40 % inférieures à ce qu'elles étaient l'année
dernière à la même époque, il est du devoir du Gouvernement de restaurer
l'image touristique de la France et de son littoral. Nous comptons sur un
financement considérable de l'Etat et sur un concours actif du secrétariat
d'Etat au tourisme.
Pour conclure, je constate une fois de plus que nous n'avons pas le courage de
tirer au clair les conséquences des erreurs passées. Nous sommes plutôt animés
par une forte propension à toujours vouloir tirer la sonnette d'alarme une fois
que la catastrophe est survenue.
C'est pourquoi les mesures que vous avez annoncées, monsieur le ministre,
doivent être considérablement renforcées. Nous attendons de votre part une plus
grande solidarité et des mesures préventives à la hauteur de cette
catastrophe.
(Applaudissements sur certaines travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Darcos.
M. Xavier Darcos.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom du
groupe du Rassemblement pour la République auquel je suis rattaché, je me
féilicite de l'organisation de ce débat.
Lors de sa récente visite en Dordogne, M. le Premier ministre a pu lui-même
constater les dégâts occasionnés dans ce département lors des deux tempêtes du
mois de décembre.
Je suis l'élu d'un département, le troisième de France par l'étendue, au nord
de la première région forestière française qui a été durement affecté par les
intempéries : le coût de la reconstruction avoisine le milliard de francs et il
nous faut maintenant redresser la situation.
M. le Premier ministre a annoncé à l'Assemblée nationale, le 3 février
dernier, les mesures décidées par son Gouvernement pour faire face aux
conséquences des tempêtes ; lors de cette déclaration, il a prononcé les mots
qui convenaient : « Les épreuves que nous venons de traverser ont montré que
notre peuple n'était pas emprisonné dans l'individualisation et dans l'égoïsme
dont on dit qu'ils le caractériseraient désormais. Au contraire, le sens de la
solidarité, du voisinage, du rassemblement, s'est manifesté entre simples
citoyens, chez ceux qui agissaient comme bénévoles ou professionnels, mais
aussi chez les élus, qui ont su dépasser leurs divergences pour travailler
ensemble. »
Travailler ensemble, monsieur le ministre, est notre souhait le plus sincère,
et je suis convaincu de la bonne volonté de chacun pour résoudre des
difficultés matérielles qui sont à l'origine du drame que nos concitoyens ont
vécu et qui sont immenses.
Je souhaiterais revenir sur les difficultés qu'éprouvent nos concitoyens.
Les conséquences psychologiques résultant des deux tempêtes sont
particulièrement lourds pour les personnes âgées. Ainsi, en Dordogne, les
admissions dans les services d'urgence des hôpitaux ont été multipliées par
deux, alors que nous manquions déjà des personnels hospitaliers. Pire encore,
dans le centre hospitalier dont je préside le conseil d'administration, nous
avons constaté, pendant une quinzaine de jours, un doublement du nombre des
décès de personnes âgées et isolées.
Par ailleurs, dans ce département à vocation rurale et forestière, 400 000
hectares ont été touchés et 5 millions de mètres cubes de bois, soit
l'équivalent de cinq années de production, jonchent le sol.
Je relève encore que la reprise de l'activité agricole est difficile. La
préparation des terres et des semis devient une nécessité alors que les champs,
les voies communales et forestières sont encore obstrués çà et là.
Chaque jour, je reçois des lettres de maires, d'organisations syndicales ou
d'administrés qui expriment leur découragement ; ils se sentent démunis face
aux réalités matérielles.
Ainsi, dans la seule commune de Capdrot, au sud du département, 100 tonnes de
matières plastiques se sont envolées dans les champs et les bois, jusqu'au
sommet des arbres. Que peut faire le maire ? Il m'a écrit récemment pour
m'indiquer que, malgré la venue sur place du sous-préfet du canton, ce qui est
bien normal, aucune solution au déblaiement n'avait pu être trouvée.
Mais il y a aussi les dommages causés aux élevages, aux vergers, aux haies ou
aux clôtures, qui sont considérables.
Un journal local daté d'hier titrait en première page : « Un mois après la
venue de Jospin en Dordogne, le temps des angoisses ». L'article poursuivait :
« Le 7 janvier dernier, le Premier ministre en visite dans notre département
rencontrait un producteur de lait à Sceau-Saint-Angel. » C'est une charmante
petite commune de notre département, monsieur le ministre. « Un mois plus tard,
rien n'a vraiment changé, si ce n'est que les jours qui passent sont autant de
menaces sur l'avenir... »
Ce sentiment de découragement n'a pas un caractère politique. Un producteur
l'exprime parce que de nombreux Périgourdins le ressentent, alors même que vous
nous avez fait connaître les mesures d'indemnisation décidées par votre
Gouvernement dans un plan d'urgence qui s'imposait.
Nous sommes toujours submergés par les demandes d'intervention et je suis sûr
que mon collègue le président du conseil général de la Dordogne le confirmera
tout à l'heure. Il s'agit de demandes de mise en oeuvre d'urgence de la
procédure des « calamités agricoles », de demandes de création d'un fond
d'urgence auprès de la Commission européenne, comme l'a rappelé M. Haenel, de
demandes de renforcement urgent des effectifs dans les services de l'équipement
dont les interventions hebdomadaires se sont situées bien au-delà des
trente-cinq heures dont on discute aujourd'hui, de demandes d'un renforcement
urgent des effectifs des militaires pour dégager les routes obstruées, de
demandes de régulation urgente du gibier à la suite des dégâts forestiers, de
demandes d'aide pour les victimes, prélevée sur les recettes importantes de TVA
que percevra le Trésor public, grâce à la réalisation de travaux de réparation
et de reconstruction des biens et bâtiments sinistrés. Il serait absurde, comme
l'a dit M. Adnot, que les communes sinistrées fournissent des revenus à l'Etat
sans qu'elles en tirent finalement avantage.
Ces demandes spécifiques sont considérables ; elles s'adressent au sénateur de
la Dordogne que je suis et émanent d'élus locaux, d'organisations
professionnelles ou de syndicats qui attendent des solutions aux difficultés
inextricables dans lesquelles ils se débattent, mais elles s'adressent aussi au
Sénat, force de propositions, qui, contrairement à ce que l'un de vos ministres
déclarait récemment devant notre assemblée, ne se réduit pas à l'image
caricaturale d'une « belle maison reposante ».
Monsieur le ministre, un député de votre majorité s'exprimait en ces termes,
le 3 février dernier à l'Assemblée nationale : « Au nom du groupe socialiste,
je demande que l'on nous fasse régulièrement le point sur l'évolution du
dossier tempête. »
Eh bien, le Sénat souscrit entièrement à la demande de ce collègue. C'est
pourquoi, le 2 février dernier, j'ai écrit au Président du Sénat pour lui
suggérer que notre assemblée, qui représente l'ensemble des communes de France,
mette en place, au sein de la direction des collectivités locales, une cellule
de coordination restreinte qui serait l'intermédiaire entre les membres de la
Haute Assemblée, les services de Bruxelles, les différents ministères ou même
les préfectures. Il s'agit de créer un guichet unique.
Ce guichet unique aurait pour objet de regrouper les problèmes en les
hiérarchisant et, bien entendu, d'en assurer le suivi afin de faire
régulièrement le point avec le Gouvernement sur les problèmes qui ont été
réglés et ceux qui ne le sont pas.
Localement, cette notion de guichet unique devrait pouvoir s'adapter : nos
concitoyens sinistrés n'en peuvent plus de courir dans dix guichets à la fois,
que ce soit à la préfecture, à la mairie, dans les chambres de commerce ou
auprès des assurances...
Le drame récent que nous avons vécu nous démontre qu'un travail considérable
de coordination et de hiérarchisation des interventions s'impose à court et à
moyen terme.
Dans ce drame, nous devons aussi dissocier ce qui relève du droit privé,
c'est-à-dire de l'assurance, et de la solidarité nationale, c'est-à-dire de
l'Etat.
Cependant, les marges d'incertitudes sont nombreuses : à cet effet, je
souhaite citer quelques exemples de pertes d'exploitation.
Prenons le cas d'un éleveur qui utilisait une cuve pour refroidir son lait. A
l'issue des deux tempêtes du mois de décembre dernier, faute de courant, cet
éleveur a dû jeter son lait au caniveau.
S'il fait appel à son assureur, celui-ci rétorque que le bien assuré n'a pas
subi de dommage : de fait, la cuve est intacte.
L'éleveur se tourne vers EDF, puisque la rupture d'approvisionnement, est
semble-t-il, une rupture de contrat.
EDF lui répond à son tour que cette carence de fourniture résulte d'un cas de
force majeure. Cette réponse est un peu courte. En tout cas, elle ne saurait
satisfaire l'éleveur en question. Les rayons de bibliothèques débordent, au
Sénat comme dans les facultés de droit, d'ouvrages jurisprudentiels datant
presque tous du siècle dernier et qui ont pour titre
Responsabilité de
l'Etat et cas de force majeure.
Monsieur le ministre, pour cet éleveur périgourdin, s'il y a eu rupture de
courant, c'est le résultat de choix politiques faits par EDF. Le personnel
d'EDF a montré sa capacité admirable à se mobiliser, mais cela n'interdit pas
de s'interroger sur la politique générale de l'entreprise nationale.
Ainsi, le choix de n'avoir que quelques grandes centrales, ce qui implique le
recours à de nombreuses lignes à haute tension, résulte bien d'une décision
politique, tout comme celle qui consiste à retarder l'enfouissement des lignes.
En Suisse et en Allemagne, le retour à la normale est intervenu en
quarante-huit heures, grâce notamment à un réseau fondé sur des centrales
intermédiaires.
Qu'en est-il donc du principe de précaution pour EDF ? Je me demande si
l'argument de force majeure n'est pas devenu désuet ou un peu facile, comme
celui de l'inexécution des lois par l'Etat au nom du principe du maintien de
l'ordre public.
C'est donc un problème de responsabilité financière que nous devons examiner
et sur lequel nous devons avancer. Je suis convaincu que les travaux du Sénat
seront utiles et éviteront que ne se reproduisent dans l'avenir contentieux et
désillusions en cas de nouvelle catastrophe naturelle.
Monsieur le ministre, les besoins sont immenses : dans la coordination et avec
méthode, il nous faut continuer à adresser aux sinistrés un message fort de
solidarité pour qu'ils retrouvent espoir ; les centaines de lettres ou de
messages de détresse que nous recevons démontrent que, dans le drame auquel nos
concitoyens sont confrontés, le Sénat par sa force de réflexion a quelque chose
à apporter.
Je suis convaincu que le Gouvernement nous aidera dans cette tâche car le
message que nous avons reçu, en particulier des maires des communes rurales, va
bien au-delà d'une simple indemnisation ponctuelle que l'on adresse à l'Etat
lorsque se produit un événement grave ou de portée nationale.
« Quand les blés sont sous la grêle, fou qui fait le délicat ! »
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. Henri de Richemont.
Excellemment dit !
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, Louis Le
Pensec, fort de son expérience, a formulé un certain nombre de propositions
s'articulant autour de mesures préventives à prendre en matière de sécurité
maritime.
Vous comprendrez que l'élue de Saint-Nazaire que je suis soit particulièrement
convaincue de l'intérêt du transport maritime, à condition qu'il soit
sécurisé.
J'aborderai, pour ma part, la gestion au quotidien des conséquences de la
marée noire.
Avant tout, je tiens à saluer la formidable mobilisation qui rassemble sur nos
plages les services de l'Etat et des collectivités locales ainsi que les
bénévoles, de tous âges et de tous horizons, pour nettoyer et charrier jour
après jour des tonnes de déchets, dans des conditions pénibles et épuisantes.
Le Premier ministre nous a annoncé hier soir l'arrivée de renforts sur nos
côtes.
Le combat que nous menons aujourd'hui contre la pollution constitue une
première mise à l'épreuve du plan POLMAR tel qu'il a été revu en 1997.
Le fonds abondé par l'Etat, qui avait déjà bénéficié de 120 millions de
francs, a été renforcé de 140 millions de francs ; nous allons devoir en effet
passer à la phase de nettoyage des rochers, qui s'annonce délicate et
coûteuse.
Aujourd'hui, à la lumière des premières réactions, il nous semble important
d'ajuster certains mécanismes du plan POLMAR, et une mission d'évaluation a été
confiée à cette fin à M. Sanson.
Tout d'abord, l'unanimité se fait autour de la nécessité d'améliorer le volet
communication, à destination des professionnels de la mer, de la population et
des élus, qui doivent planifier leurs interventions dans l'urgence et sur la
durée. Ils souhaitent que l'information redescende plus systématiquement des
services de l'Etat sans se perdre dans le dédale des différentes
administrations concernées, que ce soit la direction régionale de l'industrie,
de la recherche et de l'environnement, la direction départementale de
l'équipement, la direction régionale de l'environnement, etc.
Les PC avancés sont coordonnés par des pompiers, qui sont, en quelque sorte,
des « urgentistes ». Il serait souhaitable qu'y soient associés un ou des
représentants des communes touchées, afin de favoriser une évaluation
permanente et plus précise des besoins et de faciliter la prise en compte des
conséquences économiques de cette crise.
Par ailleurs, certains scientifiques et des associations de protection de la
nature ont émis des critiques sur les procédures de nettoyage et leurs
incidences sur la flore ou la stabilisation des dunes. Si leurs réserves
peuvent parfois irriter alors qu'il faut être présent sur tous les fronts,
elles soulèvent pourtant des questions bien réelles qu'il conviendrait
d'examiner avec eux.
J'ajouterai par ailleurs que les zones de préstockage, à la délimitation
desquelles ont participé les collectivités, devront dans certains cas être
revues. Si elles permettent de faire face à des pollutions dues à des
dégazages, malheureusement encore trop fréquents, certaines se révèlent
largement sous-dimensionnées, alors que, parallèlement, certains équipements
situés à proximité de nos raffineries s'avèrent presque saturés ou
indisponibles du fait du stockage de déchets issus du naufrage de l'
Amoco
Cadiz,
comme c'est le cas à La Rochelle.
J'en viens maintenant à l'appréciation de l'impact économique de cette
pollution.
Comme l'a rappelé le Premier ministre, il n'est pas concevable que la
communauté nationale soit mise à contribution pour réparer les dégâts causés
par un désintérêt fautif de l'armateur, l'inconséquence condamnable de la
société de classification et le désengagement cynique de l'affréteur,
TotalFina, soucieux de dégager des économies sur l'acheminement de son fret.
Conformément au principe « pollueur-payeur », ce sera donc au FIPOL et à
TotalFina d'intervenir pour compenser les pertes d'exploitation des acteurs
économiques, indemniser l'Etat et les collectivités locales et rembourser les
avances consenties.
En ce qui concerne les travailleurs de la mer, les autorités sanitaires, sur
les recommandations de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments,
l'AFSSA, ont préféré, à juste titre, faire prévaloir le principe de précaution
et interdire temporairement la mise en vente des coquillages. On a mesuré, en
cette occurrence, toute l'importance d'une définition rapide des seuils de
contamination en vue de concilier les exigences de transparence à l'égard des
consommateurs et la nécessaire reprise d'activité des conchyliculteurs. Dans
mon département, cette mesure concernait 929 concessions sur 980 ! Quant aux
activités touristiques, nombre d'entre elles se développent sur toute l'année -
je pense aux thalassothérapies ou aux centres de vacances - ce qui permet de
pérenniser des emplois. Or on perçoit déjà une chute des réservations pour les
vacances de février.
Le FIPOL est censé intervenir pour compenser les pertes d'exploitation. Mme
Demessine a d'ores et déjà confié à l'Observatoire national du tourisme
l'évaluation de ces incidences afin de mesurer les pertes d'activité au regard
des cinq années précédentes. TotalFina participera, à concurrence de 30
millions de francs, au financement de la campagne de 100 millions de francs
lancée par les pouvoirs publics afin de revaloriser l'image des régions
touchées.
Toutefois, je relève que la convention du FIPOL est particulièrement
restrictive et ne vise que les entreprises qui fournissent directement des
biens aux touristes.
A ce propos, je veux me faire l'interprète des inquiétudes légitimes des
professionnels et des élus qui s'interrogent sur la signification concrète de
la notion de « dépenses raisonnables » que le FIPOL prendra en charge. Ne
risque-t-on pas d'aller au-devant d'un contentieux important dès lors que le
plafond du FIPOL est fixé à 1,2 milliard de francs ?
Dernières remarques sur ce volet financier : lors de sa venue en
Loire-Atlantique, M. le Premier ministre avait eu l'attention attirée sur les
difficultés qu'allaient inéluctablement rencontrer les élus, dès lors qu'il
fallait concilier l'urgence extrême de l'intervention et la rigueur des
procédures de passation de marchés publics, procédures qui se réfèrent à des
plafonds très rapidement atteints.
Cette question s'est d'ailleurs posée lors des inondations qu'ont connues les
régions du Sud-Ouest ou lors des intempéries de cette fin d'année.
Or les communes dont les budgets sont parfois lourdement grevés par ces
dépenses commencent à avoir des retours négatifs de la part des
trésoriers-payeurs généraux.
M. Michel Charasse a déposé, au nom du groupe socialiste, un amendement à la
proposition de M. Fauchon, amendement qui fut adopté à l'unanimité, afin que,
dans de telles situations exceptionnelles, des instructions comptables qui
auraient valeur de décharge de responsabilité soient adressées aux
trésoriers-payeurs généraux.
Je terminerai en évoquant bien sûr l'impact sur l'environnement d'une
pollution provoquée par un fioul pour lequel il a été difficile, à l'évidence,
de déterminer la nature, la toxicité et l'évolution.
Une telle évaluation ne peut se faire qu'à l'échelle d'une décennie. Déjà un
premier bilan fait état de plus de 60 000 oiseaux mazoutés, mais la faune et la
flore vont également souffrir des moyens que nous devrons vraisemblablement
employer pour nettoyer les rochers.
Le Gouvernement a souhaité mettre en place un Observatoire de la marée noire
qui établira le bilan du coût et des méthodes de nettoyage afin d'établir un
protocole de suivi et de restauration des sites.
Par ailleurs, la Commission européenne a indiqué que le cinquième programme
cadre de recherche comporterait un volet consacré aux polluants marins et aux
écosystèmes. Je conclurai en rappelant que, malgré toutes les exigences
nouvelles que nous imposerons en matière de sécurité maritime, le risque zéro
n'existera pas.
Des règles existent afin d'interdire l'arrivée de navires dangereux à
proximité de nos côtes. Si elles peuvent apporter une réponse à la question de
la pollution immédiate de nos rivages, elles ne résolvent pas le problème de la
pollution en haute mer. C'est pourquoi il nous semble intéressant d'étudier la
possibilité d'édifier sur les principaux axes du trafic maritime une
installation protégée offrant des facultés d'accostage et d'évacuation.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la volonté du Gouvernement,
réaffirmée hier soir encore par le Premier ministre devant les élus, de prendre
des mesures drastiques et de mettre ces mesures en application ne fait pour
nous aucun doute. Nous continuerons d'accompagner sur le terrain et au
quotidien les élus locaux dont la collectivité a été touchée par la marée
noire.
Le plus difficile sera évidemment de lutter contre le découragement qui gagne
quand chaque jour vient effacer le travail effectué la veille
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Branger.
M. Jean-Guy Branger.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après
l'ouragan qui a traversé notre pays et, plus particulièrement, le département
de Charente-Maritime, je souhaite tout d'abord rendre hommage au dévouement et
à la solidarité dont a fait preuve l'ensemble de la population, tant les élus
locaux que les agents communaux, les agents de l'Etat, les militaires, les
sapeurs-pompiers professionnels et bénévoles, les agents d'EDF et de France
Télécom, pour sauver des vies humaines et rétablir les conditions de la vie
quotidienne.
J'avoue que, dans ces moments de détresse, la grandeur et la générosité qui
émanent du coeur de l'homme sont réconfortantes et porteuses d'espoir. Je le
dis parce que nous avons vécu des moments très difficiles.
Il convient toutefois, aujourd'hui, de permettre la mise en oeuvre des mesures
d'urgence qui s'imposent, tant sur le plan financier que sur le plan
directement opérationnel. Sur le plan financier, il faut venir en aide aux plus
démunis, qu'il s'agisse de particuliers, d'entreprises ou de collectivités.
Les mesures annoncées le 12 janvier dernier doivent être précisées dans leurs
modalités. En effet, aucune d'entre elles - à l'exception, semble-t-il, de
celles qui concernent l'ostréiculture et la conchyliculture - n'est
opérationnelle à ce jour dans mon département ; en particulier, les crédits ne
sont pas délégués.
Mais, au-delà des indispensables aides financières, dont nous ne pouvons
encore juger si elles seront suffisantes, le problème à régler immédiatement
est celui du déblayage : déblayage du littoral, des forêts, des rivières et des
marais. Or, à cet égard, nous ne disposons pas de tous les moyens humains - en
particulier pour ce qui est des bûcherons qualifiés - et de tout le matériel
qui seraient nécessaires.
Tant que des réponses adéquates n'auront pas été apportées au problème du
déblayage, il sera inutile de parler de reconstruction - même si celle-ci doit,
bien sûr, être envisagée - et notre département restera en grand danger, sur le
plan des personnes et des biens comme sur le plan économique. En effet, ce
n'est pas seulement la sécurité des personnes et des biens qui est en cause :
de lourdes menaces pèsent également sur nos intérêts économiques, et je pense
là, en particulier, à l'activité touristique.
Les forêts couvrent une large partie de notre territoire départemental.
En Charente-Maritime, le domaine forestier public représente 11 500 hectares
se répartissant ainsi : 9 400 hectares de forêts domaniales, 1 100 hectares de
forêts communales, 960 hectares de forêts dépendant du Conservatoire du
littoral. Ces forêts sont situées particulièrement sur les sites de La Coubre,
de Saint-Augustin et des îles de Ré et d'Oléron. Ce sont des massifs non
productifs, mais qui sont essentiels à l'activité touristique du département,
second département touristique de notre pays.
Le danger principal, sur ces sites touristiques, est le feu ; à ce jour, les
pistes, les grands et les petits pare-feux ne sont pas rouverts parce qu'ils ne
soit pas accessibles. Si leur accessibilité ne peut être assurée avant la
saison, des moyens devront hélas ! être mobilisés l'été prochain, sur le plan
national, pour venir à bout des incendies. Je le dis de manière solennelle,
monsieur le ministre, nous devrons à nouveau déplorer la perte de vies
humaines.
Un autre danger menace : les rivières et cours d'eau ne sont pas dégagés, et
leur obstruction peut engendrer de nouvelles inondations.
Nous ne devons pas ignorer le problème de la forêt privée, qui représente 90
000 hectares en Charente-Maritime, dont un tiers en Haute-Saintonge, et qui se
trouve détruite à 80 % ! Pouvons-nous laisser 3 500 propriétaires sans secours
? Et je ne compte que ceux qui possèdent plus d'un hectare de forêt ! Au total,
ils sont 10 000 !
Trois millions de mètres cubes de pins maritimes doivent être extraits avant
le printemps - à défaut, les maladies et le bleuissement se propageront - et,
surtout, ils doivent être vendus. Or aucun débouché n'apparaît en France. Il
paraît opportun de prospecter de nouveaux marchés dans la péninsule ibérique et
sans le Maghreb.
Pour ce qui concerne les peupleraies, 600 000 mètres cubes sont à exploiter,
et l'écoulement de ce bois dans des conditions convenables est, lui aussi,
problématique.
Des monuments historiques privés ouverts au public ne peuvent, à ce jour,
accueillir leurs visiteurs dans des conditions de sécurité minimale ; c'est le
cas du château de la Roche-Courbon, par exemple.
En Charente-Maritime, nous avons pu, au plus fort de la crise, bénéficier - et
je tiens à vous en remercier -, pour ce qui ressort du domaine de l'Etat, de la
solidarité d'autres départements : Bouches-du-Rhône, Var, Alpes-Maritimes,
Hérault. Nous attendons toujours de l'Etat une réponse sur la prise en charge
des frais liés au séjour des personnes venues de ces départements. Les
collectivités locales déjà sinistrées devront-elles prendre en charge ces
dépenses concernant des opérations effectuées sur le territoire de l'Etat et
qu'exigeait d'urgence la sécurité des personnes ?
Il s'agit, aujourd'hui, de sécurité publique. Faute d'une action forte dans
les mois à venir, il est à craindre que le bilan en vies humaines ne soit plus
élevé que celui que nous avons déjà dû déplorer.
La tempête ne pouvait pas être anticipée, certes, mais, aujourd'hui, ses
conséquences sont clairement établies et les risques parfaitement
identifiés.
Il est indispensable de continuer à mobiliser les moyens militaires, dont je
salue l'efficacité - si nous ne les avions pas eus, nos digues n'auraient pas
été reconstruites en vingt jours ! - sur le territoire tant public que privé,
même si des équipes de forestiers - ouvriers et sapeurs - doivent nous
rejoindre d'ici au mois de juin.
Ce n'est que lorsque ce travail préalable de nettoyage aura été achevé qu'il
conviendra de commencer à envisager la reconstruction.
A ce titre, la région Poitou-Charentes, que M. Raffarin a évoquée tout à
l'heure, et les départements qui la composent sont prêts à s'engager à hauteur
d'un tiers, soit 600 millions de francs, sur un plan de reconstruction dans le
cadre d'un avenant au contrat de plan Etat-région. Ils sollicitent l'Etat à
hauteur de 1,2 milliard de francs.
Par ailleurs, il paraît souhaitable d'exonérer de TVA, à titre exceptionnel,
les travaux de remise en état. En effet, il serait choquant que l'Etat récupère
des recettes fiscales sur le dos des sinistrés, qu'ils soient publics ou
privés.
Nous nous trouvons, d'autre part, devant un problème de procédure fort
préoccupant : va-t-on nous opposer le décret n° 72-100-96, du 10 mars 1972,
selon lequel les collectivités ne peuvent engager les travaux pouvant
bénéficier d'aides de l'Etat avant l'arrêté de subvention, qui ne peut être
délivré qu'après examen des dossiers complets, sauf dérogation spéciale, pour
cause d'urgence, de maintien de la sécurité publique ? Cela ne nous semblerait
pas admissible. Cette procédure dérogatoire très lourde n'est absolument pas
adaptée à l'urgence de la situation. Un décret du 16 décembre 1999, relatif aux
subventions de l'Etat pour des projets d'investissement, pourrait permettre de
répondre au problème, mais ce décret n'est pas applicable avant le 1er avril
2000.
Or, monsieur le ministre, vous le savez comme moi, les collectivités locales
ont évidemment dû engager des travaux. Je vous sais suffisamment pragmatique
pour comprendre que nous devions faire face à une situation d'urgence. Si le
décret que j'ai évoqué était appliqué, tout ce qui a été fait dans la
solidarité se trouverait pénalisé.
Je vous demande donc avec insistance d'user de toute votre influence pour
faire en sorte que, dans cette situation exceptionnelle, cette réglementation
puisse être quelque peu assouplie dans les mois qui viennent. Ce serait une
mesure de bon sens, et je sais pouvoir compter sur vous.
Nous vous demandons que la solidarité nationale s'exprime clairement de
manière prompte et opérationnelle.
Nous ne saurions admettre que les fruits de la croissance dont l'Etat
bénéficie actuellement - et dont on parle beaucoup ! - ne viennent pas abonder
les efforts de reconstruction des départements sinistrés. Il serait
difficilement compréhensible qu'en l'absence d'une solidarité nationale adaptée
aux difficultés rencontrées les collectivités locales soient amenées, pour y
faire face, à augmenter la fiscalité locale tandis que l'Etat réduirait ses
propres prélèvements.
Quarante-quatre jours après l'ouragan, il y a urgence à agir. La population,
aujourd'hui, ne peut se contenter des annonces faites. Les crédits doivent être
immédiatement délégués au niveau départemental, les dossiers instruits, les
aides promises versées, les procédures allégées et les moyens mis à notre
disposition.
Je partage l'analyse du président de la région, Jean-Pierre Raffarin, pour ce
qui concerne les cultures maraîchères et florales.
Dans ce domaine, les efforts exemplaires de la ville de Rochefort sont
ruinés.
M. le président.
Mon cher collègue, votre temps de parole est épuisé.
M. Jean-Guy Branger.
Monsieur le président, pardonnez-moi : je suis tellement passionné par ce
drame !
Il faut donc, pour ce secteur, des mesures exceptionnelles, comme il en faut
pour toutes les communes qui ont connu des inondations.
Monsieur le ministre, je compte sur votre efficacité pour que la solidarité
nationale s'exprime en faveur des familles sinistrées de Charente-Maritime afin
qu'elles retrouvent leur sérénité, et je vous en remercie à l'avance.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Henri de Richemont.
Voilà qui est très bien dit !
M. le président.
La parole est à M. César.
M. Gérard César.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes ches collègues, l'ouragan du
27 décembre 1999 dernier a fortement touché l'Aquitaine, et plus
particulièrement le département de la Gironde, dans ses composantes urbaines et
rurales, ses infrastructures routières, son réseau électrique. Mais c'est
surtout son agriculture et sa forêt qui se trouvent une nouvelle fois
confrontées à un sinistre d'une ampleur exceptionnelle.
Je tiens à mon tour à m'associer aux remerciements adressés à toutes les
personnes qui se sont tant dévouées pour porter secours et assistance.
Même s'il est encore difficile de dresser un bilan précis du volume de bois
renversé, on peut avancer le chiffre de 27 millions de mètres cubes en
Aquitaine.
Incontestablement, le département de la Gironde a payé un lourd tribut puisque
35 % du massif forestier, soit 18 millions de mètres cubes, y sont détruits,
alors que la production annuelle commercialisée est de 2,6 à 2,9 millions de
mètres cubes. Ce sont six à sept années de récolte qui sont anéanties, avec
toutes les conséquences qui en découlent pour les producteurs. Dans le Médoc,
particulièrement sinistré, 80 % des 130 000 hectares sont détruits. Cela
signifie qu'au minimum 10 millions de mètres cubes de bois sont à terre.
Ces chiffres donnent une idée de la violence de la tempête. J'ajoute que celui
qui n'a jamais vu la forêt médocaine après son passage ne peut imaginer le
quasi-bombardement qu'elle a subi.
La catastrophe est à la fois économique et écologique. Les conséquences sont
immédiates et multiples.
Il faut savoir que, en Aquitaine, l'ensemble des activités de la filière
forêt-bois-papier représente 28 000 emplois et un chiffre d'affaires de 17
milliards de francs, l'équivalent de celui des vins de Bordeaux.
Pour beaucoup de sylviculteurs, qui attendaient de récolter les fruits de
quarante à cinquante ans d'investissements, la perte de revenu est
considérable. Certains sont complètement ruinés et n'ont même plus l'espoir de
transmettre leur capital forestier à leurs enfants.
De même, beaucoup de communes propriétaires de forêts se voient privées d'une
grande partie de leurs recettes pour très longtemps.
Des parcelles entières ayant été ravagées, les problèmes de lutte contre les
incendies se posent d'ores et déjà. Les forestiers réclament, monsieur le
ministre de l'intérieur, le stationnement à titre préventif des hélicoptères et
bombardiers d'eau dès le mois de mars.
Déjà, les cours ont chuté très fortement en raison de l'apport massif de bois
sur le marché. Et il ne faut pas oublier la masse de bois non commercialisable
issue de jeunes boisements sinistrés, qui devront faire l'objet d'une
destruction totale avant les nouveaux travaux de reboisement.
M. Henri de Richemont.
S'ils ne prennent pas feu !
M. Gérard César.
Exactement !
Sur le plan de l'environnement, les conséquences de la déforestation se feront
sentir sur le niveau de la nappe phréatique, et les îlots de culture risquent
d'en souffrir. Ne perdons pas de vue que la forêt de pins a été plantée pour
assainir cette région, sachant qu'un pin absorbe quatre-vingts litre d'eau par
jour.
La qualité de l'air sera également affectée. En Médoc, le climat peut s'en
trouver modifier, ce qui pourrait avoir des répercussions sur l'activité
viticole.
Je n'aurai garde d'oublier les graves conséquences de cette catastrophe sur le
tourisme et l'image de notre belle région, aspect que d'autres orateurs ont
déjà évoqué.
Le plan national pour la forêt comporte des mesures positives. Toutefois, eu
égard à la singularité du pin maritime en Aquitaine - bois fragile, qui «
bleuit » très vite et dont le prix n'est guère élevé -, les sylviculteurs ont
rapidement pris conscience de l'inadéquation entre les mesures annoncées et les
besoins des forestiers. A l'évidence, la dimension de la catastrophe, ses
conséquences pour les forêts et leur renaissance ont été sous-estimées.
Dans ces conditions, le financement d'une action volontariste sur cette région
est indispensable pour débloquer la situation et abaisser le niveau de tension
qui se fait jour un peu partout. Messieurs les ministres, le temps presse. Dans
un mois, il sera trop tard. Il y a donc urgence à sauvegarder le maximum de
bois d'oeuvre dans le minimum de temps.
Parmi les mesures urgentes à prendre, celle qui est prioritaire est l'aide au
transport, qui devra être sectorisée. Elle est indispensable à la mobilisation
effective des bois et elle sera déterminante pour les opérations de stockage.
Les moyens prévus à cet effet, malgré l'enveloppe supplémentaire, restent
encore très insuffisants et inadaptés au regard des enjeux économiques et des
coûts engendrés par la perte des bois.
Le Médoc étant la partie la plus isolée du département et la moins bien
pourvue en voies de communication, la solution du transport par route, par voie
ferrée et voie navigable sur l'estuaire est à étudier, en particulier dans une
perspective d'exportation massive vers la péninsule Ibérique, les pays
scandinaves et même l'Extrême-Orient.
Une autre mesure urgente est l'exploitation des bois. Les besoins en machines
et en hommes pour le bûcheronnage et le débardage étant considérables, leur
venue et leur transport de l'étranger devraient être facilités. Certes, des
demandeurs d'emploi seront formés, mais il faut faire vite. Il faut, par
ailleurs, prendre en considération les limites imposées par l'acquisition de
matériels nouveaux qui ne serviront pas après la crise, par manque de bois.
Les pertes de revenus des sylviculteurs doivent être impérativement
compensées. Entre le surcoût des frais d'exploitation des chablis et la forte
diminution des prix, les sylviculteurs ont perdu l'essentiel de leurs recettes
et leur avenir est fortement compromis. Aujourd'hui, il est clair qu'une
subvention pour reboiser ne suffira pas à convaincre un propriétaire forestier
de réinvestir pour quarante ans si de fortes mesures d'accompagnement ne lui
sont pas accordées.
Après les trois mesures de première urgence dont je viens de parler, il y a
lieu d'affecter des moyens au stockage des bois. Avec un potentiel d'arbres sur
pied amputé de plus de 30 % dans le département, on peut légitimement
s'inquiéter quant à la configuration industrielle au sortir de la crise.
Si l'on veut sauver des usines et des emplois, il faudra « lisser » les effets
de la tornade, en particulier par le recours au stockage de produits bruts ou
semi-ouvrés.
Le système de prêts mis en place pour le stockage est peu attractif, tout au
moins pour le pin maritime, essence qui se conserve mal et se trouve pénalisée
par son faible coût unitaire.
La remise en état des infrastructures forestières - pistes, routes et fossés -
devra se faire rapidement, notamment en zone humide, en raison du risque de
remontée du plan d'eau. Ni les communes rurales ni les associations de défense
de la forêt contre l'incendie n'auront les moyens de le faire.
Enfin, sur le plan fiscal, des mesures d'accompagnement devront être prises
touchant à l'exonération de la taxe foncière à compter du 1er janvier 2000, au
classement en lande des parcelles sinistrées, à l'impôt sur le revenu de ces
mêmes parcelles ou encore à l'exonération des mutations pendant de nombreuses
années.
Il y a lieu aujourd'hui, messieurs les ministres, de répondre à l'urgence,
mais aussi de préparer l'avenir avec le projet de loi d'orientation de la forêt
et de la filière bois.
Parmi les pistes de réflexion que nous devons explorer, je citerai : la mise
en place d'un fonds de calamités forestières, en s'inspirant de ce qui a été
fait dans d'autres secteurs et l'incitation à la prévention.
De ce point de vue, la défiscalisation de la taxe prélevée dans le cadre des
associations de défense de la forêt contre l'incendie se justifie du fait, bien
sûr, des risques d'incendie, mais aussi du fait de leur rôle d'aménagement du
territoire après les incendies, accidents - pistes, hydraulique - sans oublier
leur apport dans l'organisation des traitements phytosanitaires. Par exemple,
la part prise par ces associations dans le dégagement des pistes et fossés
après la tempête a été déterminante.
Je citerai encore l'aménagement foncier des parcelles avant la replantation :
l'incitation à l'investissement me semble également une voie à explorer.
Aujourd'hui, la question de l'investissement en forêt et de sa gestion à long
terme est posée. Les récents événements climatiques démontrent la pertinence du
concept de plan épargne forêt. La défiscalisation des sommes déposées dans un
tel plan constituera une incitation déterminante - et la moins coûteuse pour
l'Etat - pour le succès de ce concept.
En résumé, messieurs les ministres, la sortie de la situation actuelle
requiert de mener conjointement cinq types d'opérations : augmenter les moyens
de mobilisation des bois ; augmenter la capacité de sciage ; accroître le
stockage par voies sèche et humide - si l'expérience actuellement menée par le
comité interprofessionnel des bois d'Aquitaine est concluante -, favoriser
l'exportation par des soutiens financiers et stimuler la demande du produit
bois, comme vous l'avez dit voilà quelques instants, monsieur le ministre de
l'agriculture.
Je dis qu'à situation exceptionnelle il faut des mesures exceptionnelles.
Enfin, je ne saurais terminer mon propos sans parler du monde agricole, qui se
trouve une fois de plus confronté à une épreuve. Je connais - nous connaissons
- son courage et sa détermination, qui se sont concrétisés, et ce, à titre
bénévole, par le dégagement des routes départementales et communales obstruées
par la chute des arbres. Cependant, les blessures sont très profondes, et il
faudra beaucoup de temps et de moyens pour les guérir.
A ce jour, la chambre d'agriculture de la Gironde a recensé 750 exploitations
sinistrées, pour un montant total de dégâts non couvert par les assurances
estimé à 100 millions de francs, hors forêt et ostréiculture. Je crains que,
malheureusement, ces chiffres ne soient pas définitifs.
Les exploitations les plus touchées sont celles qui pratiquent le maraîchage
sous tunnels en plastique. Les petits éleveurs de volailles fermières ont
également beaucoup souffert, ainsi que les éleveurs de gibiers, qui perdront
des débouchés à cause de la fermeture prématurée des chasses privées. Les
stocks de fourrage des éleveurs de bovins à viande et d'ovins ont été affectés,
et deux élevages laitiers ont été complètement anéantis, dont l'un par les
inondations de la Garonne. J'ajoute que les pivots destinés à l'arrosage des
céréales ont été couchés à terre et brisés par la force du vent.
Les pertes d'exploitation étant considérables et souvent mal, voire pas du
tout assurées, il apparaît insuffisant de mobiliser uniquement les outils
actuels, le FAC, le fonds d'action conjoncturelle, et les offices, pour y faire
face. La reconstruction ne pourra pas être financée exclusivement par un
recours à l'emprunt, compte tenu du niveau d'endettement déjà atteint par
certaines exploitations.
Le Gouvernement a pris des mesures d'urgence. Il me paraît indispensable de
les compléter, afin que tous les agriculteurs sinistrés puissent être
indemnisés correctement. Ceux qui ont tout - ou beaucoup - perdu et sont mal
assurés ne ressortissent à aucune des procédures en cours et, pour eux, la
solidarité nationale doit pouvoir s'exprimer par le biais de moyens
spécifiques.
De plus, lors du débat budgétaire, j'avais souligné, monsieur le ministre de
l'agriculture, le désengagement financier du fonds des calamités agricoles :
pas un centime inscrit en 1999, 50 millions de francs budgétés en 2000. Ce
jour-là, vous nous aviez promis, monsieur le ministre, que vous tiendriez vos
engagements et que ce fonds serait alimenté...
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Si nécessaire !
M. Gérard César.
... en fonction des besoins, si nécessaire, pour reprendre vos propres
termes.
Vous voilà malheureusement au pied du mur ! Les agriculteurs français
attendent leurs justes indemnisations.
De même, je me réjouis qu'au côté de l'Etat français, se joigne bientôt - du
moins je le souhaite - l'Europe grâce aux fonds structurels et aux crédits
d'urgence. La région Aquitaine, le conseil général de la Gironde accompagnent
d'ores et déjà les différentes mesures destinées à favoriser le soutien
économique et social aux nombreux sinistrés, démunis face aux réalités
matérielles évidentes.
J'attends des précisions sur les 500 millions de francs supplémentaires que le
Premier ministre a annoncés et sur l'application pratique et rapide de ces
mesures.
M. le président.
Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Gérard César.
Je conclus, monsieur le président.
Messieurs les ministres, vous avez tous déclaré vouloir aider ceux qui ont
souffert à surmonter ce grave sinistre. Je prends acte de cette déclaration,
car nous savons que les moyens financiers existent. La solidarité nationale
doit s'exprimer aujourd'hui, mais aussi dans la durée.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la
tempête qui a traversé la France du Nord au Sud, touchant, en cette fin de
millénaire, soixante-neuf départements, n'a pas épargné le Sud-Ouest, plus
particulièrement au creux de la deuxième vague, celle du 27 décembre 1999, qui
a pris en écharpe un certain nombre de ces départements, tant sur la côte
atlantique qu'à l'intérieur des terres.
Parmi eux, la Dordogne est sans doute, avec certains de ses voisins, l'un des
plus sinistrés.
Au lendemain du 27 décembre, c'est la totalité du territoire départemental qui
se trouvait privée d'électricité et, par voie de conséquence, d'eau et de
téléphone. Autant dire que nous nous trouvions en état d'urgence, situation
dont nous ne sommes définitivement sortis qu'au bout de trois semaines.
Ensuite seulement est venu le temps du bilan, qui est évidemment très
lourd.
Je m'abstiendrai d'autant plus d'en dresser ici le tableau complet que vous
connaissez bien la situation puisque M. le Premier ministre, précédant de
quelques jours M. le ministre de l'agriculture, a pris le temps de venir en
mesurer la réalité sur le terrain.
Pour aller à l'essentiel, disons que, outre l'immensité des dégâts concernant
les biens privés, les deux secteurs économiques les plus touchés sont la
sylviculture qui, avec 5 millions de mètres cubes de bois couchés, doit trouver
les moyens de traiter et d'écouler dans l'urgence l'équivalent de cinq années
de production, et l'agriculture qui, entre les dégâts aux installations et les
pertes d'exploitation, a subi un préjudice chiffré à ce jour à 600 millions de
francs. Des filières entières sont sinistrées en particulier, la filière noix,
ce qui est symbolique dans ce département. En une nuit, s'est envolé le revenu
agricole d'une année !
Pour faire face à une telle tourmente, nous pouvons néanmoins nous réjouir
d'avoir pu compter sur trois grandes forces.
Il s'agit d'abord de l'élan de solidarité unanimement souligné à cette
tribune.
Il s'agit ensuite de la solidité et de l'efficacité de nos grands services
publics, au sein desquels je voudrais particulièrement distinguer les services
de secours et d'incendie, EDF et les forces armées.
Il s'agit enfin de la solidarité gouvernementale qui s'est manifestée.
Elle a pris la forme d'un plan d'aide tout à fait exceptionnel par son ampleur
et par les sommes qu'il mobilise et tout à fait adapté à l'éventail des
situations qu'il prend en compte.
Pour autant, fidèles à votre pratique de la concertation, vous avez souhaité,
messieurs les ministres, participer aux débats organisés sur ce sujet la
semaine dernière à l'Assemblée nationale, et aujourd'hui au Sénat pour entendre
les propositions des parlementaires afin d'améliorer encore l'efficacité de ce
plan d'aide gouvernemental.
Prenant comme exemple le cas spécifique de la Dordogne, je vous citerai deux
pistes au moins qui pourraient vous guider en vue d'adapter les dispositions
que vous avez prises et de prévoir, si possible, les abondements
nécessaires.
Elles concernent tout d'abord le plan en faveur de la forêt. Certes, nous ne
contestons ni l'effort qu'il représente - avec en particulier 12 milliards de
francs de prêts aidés et 640 millions de francs supplémentaires dégagés la
semaine dernière pour l'aide à la prise en charge des coûts de transport et de
stockage - ni les perspectives qu'il offre pour la replantation.
Il nous semble en revanche que ces dispositions ne sont pas tout à fait
adaptées à la structure spécifique de la forêt périgourdine, qui représente
tout de même le troisième massif français.
M. Henri de Richemont.
C'est toute la forêt française qui est en cause !
M. Bernard Cazeau.
Notre forêt n'est en effet comparable ni à celle des Vosges, où la propriété
publique domine, ni à celles des Landes ou de la Gironde souvent organisées
autour de grandes exploitations à caractère industriel.
M. Henri de Richemont.
Elle est comparable à celle de la Charente !
M. Bernard Cazeau.
La forêt périgourdine est, elle, une forêt paysanne, composée à 80 % de
petites parcelles d'une superficie inférieure à quatre hectares et qui
représentent pour leurs propriétaires essentiellement un complément de revenu,
voire une forme d'épargne. C'est dire que la forêt est en quelque sorte, pour
eux, une soupape de sécurité.
Or, si les dispositifs ne sont pas adaptés, la plupart de ces petits
propriétaires ne pourront pas concrètement bénéficier des aides
gouvernementales. De ce fait, complètement découragés, voire rebutés par
l'ampleur de la tâche, ils risquent de renoncer à véritablement débarder la
forêt, or, il faut la nettoyer pour la reboiser.
Il serait donc souhaitable, si l'on veut s'engager dans un délai raisonnable
vers la restauration de nos forêts, c'est-à-dire de nos paysages, d'imaginer
des dispositifs spécifiques. Une solution envisagée est la constitution de
groupements d'employeurs dont la prise en charge en Aquitaine se ferait par les
collectivités territoriales et les agriculteurs, et pour lesquels il serait
souhaitable que l'Etat prenne en charge l'exonération des charges sociales au
moins pendant la durée de dégagement des chablis.
M. Henri de Richemont.
Très bien !
M. Bernard Cazeau.
Ma deuxième proposition concerne l'agriculture et les pertes d'exploitation
qu'elle a subies. Celles-ci sont partiellement prises en charge dans le cadre
du fonds des calamités agricoles.
Considérant l'ampleur exceptionnelle de la catastrophe, il me semble qu'il
serait bon d'envisager, peut-être au cas par cas, en fonction du préjudice subi
par telle ou telle filière, comment le taux habituel de prise en charge de ces
calamités, soit 35 %, pourrait être exceptionnellement relevé jusqu'à 60 % ; je
crois savoir que la région Aquitaine a décidé de prendre en charge 15 % ;
l'Etat ne pourrait-il pas faire de même ? Enfin, certains seuils
d'accessibilité aux aides, en particulier le seuil de vingt noyers groupés pour
la filière noix, ne pourraient-ils pas être abaissés ?
Je ne voudrais pas conclure cette intervention sans tirer, à mon tour, à la
suite de mes collègues, quelques enseignements des difficultés que nous venons
de connaître. En effet, s'il nous faut nous féliciter de l'efficacité avec
laquelle les services publics ont su réagir, il ne faut pas pour autant ignorer
les orientations qui permettraient à l'avenir de nous mettre mieux à l'abri de
telles difficultés, ou qui nous permettraient de mieux les gérer.
Tout d'abord, bien sûr, c'est de la fragilité du réseau EDF qu'il s'agit.
J'ajoute ici ma voix à celle de tous ceux qui ont souhaité un plan très
volontariste d'enfouissement, en particulier du réseau à moyenne tension, mais
aussi, comme l'ont dit certains de nos collègues députés, en faveur d'une
multiplication des sources locales d'approvisionnement en électricité, limitant
de ce fait le rôle et la présence des réseaux à très haute tension.
Parallèlement, il nous faudra prendre le temps d'analyser la manière dont les
instances de gestion des urgences ont pu répondre à une catastrophe d'une
ampleur sans précédent. Ce sera peut-être l'occasion de s'interroger sur la
rapidité de mobilisation des moyens, qui ont pu, ici ou là, faire défaut dans
les premiers temps. Ce serait surtout, je crois, l'occasion de mener, au sein
des services de l'Etat et en partenariat avec les collectivités locales, une
réflexion en profondeur sur ce que pourrait apporter, en de telles
circonstances, un véritable processus de communication de crise.
Sur tous ces points, je sais pouvoir compter sur votre écoute, messieurs les
ministres. Je vous remercie par avance des décisions nouvelles que saura
prendre le Gouvernement. Elles nous permettront de vous montrer très bientôt un
visage plus rayonnant de la Dordogne, entre autres départements, que celui
qu'offrait une veillée à la lampe à pétrole, si chaleureuse soit-elle.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen. - M. Henri de Richemont applaudit
également.)
M. le président.
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la
tempête survenue à la fin décembre, exceptionnelle par sa violence, a entraîné
des conséquences dramatiques qui ont été maintes fois évoquées par les
intervenants qui m'ont précédé à cette tribune.
Le plan national pour la forêt, inscrit dans les mesures d'urgence qui ont été
annoncées par le Gouvernement le 12 janvier dernier, constitue un dispositif
satisfaisant.
Toutefois, compte tenu de l'ampleur des conséquences économiques - quatre
années de production commercialisée sont à terre - les inquiétudes restent
profondes et chaque jour qui passe les aggrave. Chaque jour, en effet, ce sont
environ 300 000 mètres cubes de bois de qualité qui sont définitivement perdus
et qui constitueront en outre un obstacle à la reconstitution.
M. Henri de Richemont.
C'est vrai !
M. Claude Huriet.
Comme je l'ai dit, les mesures annoncées sont satisfaisantes, mais elles
doivent être désormais effectivement mises en place d'extrême urgence, la
situation risquant de devenir périlleuse dans les toutes prochaines semaines,
qu'il s'agisse des risques phytosanitaires ou d'incendie, du salissement des
coupes et de l'envahissement par la végétation du fait de la mise en lumière
des sols.
Pour répondre à ces inquiétudes, les ministères concernés doivent faire
diligence, ce qui n'est, semble-t-il, pas le cas, hormis pour le ministère de
l'agriculture.
Le ministère de l'intérieur refuse de lever les barrières à l'intervention de
professionnels qualifiés provenant de pays extérieurs à l'Union européenne,
notamment ceux qui ont une activité saisonnière arrêtée en hiver.
Le ministère de l'emploi et de la solidarité met en avant l'existence de 8 000
chômeurs recensés par les ANPE pour refuser toute arrivée de professionnels
étrangers, alors même qu'un très faible pourcentage de ces chômeurs sont aptes
à intervenir dans les exploitations de chablis.
Quant au ministère de l'équipement, des transports et du logement, ses
positions, parfois « exotiques », génèrent de longues et coûteuses discussions
qui font perdre un temps précieux.
Ces attentes sont, pour la plupart, celles des propriétaires forestiers
sylviculteurs et des communes forestières. Pour ces dernières, des mesures
spécifiques doivent être prises, telles que la libre gestion des fonds
disponibles provenant de la vente du chablis.
Avec plus de cent de nos collègues, dont M. Jean-Paul Delevoye, président de
l'Association des maires de France, et M. Jean-Pierre Fourcade, président du
comité des finances locales, j'ai déposé une proposition de loi organique à
cette fin, à laquelle vous avez fait référence dans votre propos, monsieur le
ministre.
Cette proposition de loi tend à permettre aux communes forestières, pendant
une période limitée et en vue d'une gestion souple et dynamique, de placer des
fonds libres sur le marché privé, plus rémunérateur, chacun en convient, que
les bons du Trésor.
Ces circonstances exceptionnelles justifient, en effet, qu'une dérogation soit
apportée au principe posé par le décret impérial du 27 février 1811 imposant le
dépôt obligatoire au Trésor, principe repris dans l'article 15 de l'ordonnance
du 2 janvier 1959 aux termes duquel « les collectivités territoriales de la
République et les établissements publics sont tenus de déposer au Trésor toutes
leurs disponibilités ».
Cet article prévoit effectivement une possibilité de dérogation « admise par
le ministre des finances » à titre exceptionnel. Les circonstances que nous
venons d'évoquer, messieurs les ministres, ont à l'évidence un caractère
exceptionnel et l'immensité des dégâts aurait pu appeler une telle
disposition.
Puisque le ministre des finances n'a pas utilisé cette possibilité, il
appartient au législateur d'en prendre l'initiative, et tel est bien l'objet de
notre proposition de loi. Monsieur le ministre, vous avez annoncé une procédure
simplifiée pour le dépôt au Trésor. Comprenez-le bien, notre proposition va
beaucoup plus loin, car elle est fondée sur le rapport des fonds placés, compte
tenu des difficultés qui attendent les communes forestières. Nous demandons
instamment, messieurs les ministres, que le Gouvernement veuille bien inscrire
très rapidement cette proposition de loi à l'ordre du jour du Parlement.
Pouvez-vous nous faire part des intentions du Gouvernement ?
Pouvez-vous aussi, pour répondre à l'inquiétude et à l'impatience des
propriétaires forestiers, vous engager sur un calendrier précis pour la mise en
oeuvre effective, sur le terrain, des mesures annoncées voilà près d'un mois
par le Gouvernement ?
Il en va, et vous en êtes, comme nous, convaincu, de l'avenir de la forêt
française, qui est notre patrimoine commun, et des activités économiques
qu'elle génère.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Delong.
M. Jacques-Richard Delong.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, six
semaines se sont déjà écoulées depuis les tempêtes du mois de décembre 1999. Il
en reste dix pour tenter de sauver, notamment, plusieurs millions de mètres
cubes de hêtre qui seront irrémédiablement perdus au-delà du 15 avril, s'ils ne
sont pas commercialisés ou stockés sur des parcs humides.
Lors des déplacements que vous avez effectués dans divers départements, vous
avez pu, messieurs les ministres, mesurer l'ampleur des dégâts causés à la
forêt dans toute la France, en particulier dans ce qu'on appelle le Grand
Est.
M. Henri de Richemont.
Et la Charente !
M. Jacques-Richard Delong.
Le 12 janvier, le Premier ministre a annoncé des mesures financières
importantes en faveur de la forêt. Le 3 février, une enveloppe de 500 millions
de francs destinée à favoriser les transports de chablis a été ajoutée.
Cependant, l'impatience, voire l'exaspération, monte de jour en jour chez les
élus des communes forestières. Notre fédération a d'ailleurs fait une
déclaration en ce sens, et vous connaissez, messieurs les ministres, ma
modération naturelle.
(Sourires.)
Contrairement aux arbres chablis, les élus forestiers gardent encore les
pieds sur terre. Ils attendent que les mesures décidées par le Gouvernement se
traduisent dans les faits : à ma connaissance, pas un franc n'est disponible à
ce jour dans les départements pour engager l'exploitation forestière qui
constitue la première phase.
Les procédures en vigueur en temps normal dans les administrations françaises
s'avèrent totalement obsolètes dans la crise que nous traversons. Aussi faut-il
les suspendre.
Il faut que les moyens financiers arrivent de toute urgence dans nos massifs
forestiers. Messieurs les minitres, je vous le demande avec la plus grande
insistance : faites dire dans les prochains jours aux maires et à tous les
acteurs de la filière forêt-bois à quelles échéances se traduiront, sur le
terrain, les aides que vous avez vous-mêmes annoncées.
Les acteurs de la filière ont découvert, en particulier, et avec stupeur, la
situation ubuesque et inadaptée à un pays comme la France dans laquelle se
trouve la circulation des camions grumiers.
M. Henri de Raincourt.
C'est exact !
M. Jacques-Richard Delong.
En dépit des moyens financiers que vous venez d'accorder, et qu'il faudra
certainement accroître si le système fonctionne, cet imbroglio
technico-réglementaire risque de tout compromettre !
Messieurs les ministres, redites aux maires des communes sinistrées que leur
situation financière sera examinée au cas par cas, afin que leur soit versée
une subvention de fonctionnement dûment calculée en compensation des pertes
occasionnées par les chablis.
Je vous citerai un seul exemple : le cas de la commune de Frasne dans le
Doubs. J'ai reçu, vendredi, un appel de détresse de la part du maire de cette
commune que l'on disait « riche » : les tempêtes ont renversé un volume de 70
000 mètres cubes dans la seule forêt communale.
Plusieurs centaines de communes se trouvent dans une situation analogue. Le
revenu net dégagé par les forêts communales du quart Nord-Est de la France
était jusqu'alors consacré aux investissements. Qu'en sera-t-il demain et pour
combien d'années après cette catastrophe ?
La situation est très angoissante pour les maires dont beaucoup font face
courageusement à l'adversité : peuplements saccagés, paysage bouleversé, bois
qui ne se vendent pas ou qui sont bradés, car les requins ne sont pas seulement
aquatiques.
Sourires sur plusieurs travées.)
Il faut ajouter le spectre
des attaques parasitaires, le gel des coupes et les préoccupations financières
dès l'année 2000.
Il ressort que la forêt communale française a environ l'équivalent de trois
récoltes de bois réduites à l'état de chablis. La perte en volume et en valeur
marchande engendrera une perte financière d'au moins cinq milliards de francs,
sans compter les coûts de stockage, le gel des coupes, la remise en état des
parcelles, la lutte contre les parasites et la reconstitution des forêts
détruites.
Par ailleurs, la forêt offre au public des possibilités d'accueil qui donnent
une grande attractivité à de nombreuses communes. Le préjudice causé par les
tempêtes à l'esthétique des forêts sera sensiblement aggravé dès l'été
prochain, si l'exploitation des chablis est peu avancée, et surtout si les
insectes xylophages s'attaquent aux arbres sains qui ont pu résister à la
violence du vent.
Un malheur n'arrivant jamais seul, après les « rapaces » qui voudraient
parfois s'emparer à bon compte des bois de nos communes, on a lu et entendu
dans les médias beaucoup de sottises proférées par des esprits ignorants mais
qui se veulent savants - car la France est un pays où le diplôme de savant se
décerne au petit bonheur
(Sourires.)
... ou au petit malheur, si vous
préférez - par des esprits prétentieux et par d'autres carrément polémiques -
et c'est peut-être incurable
(Nouveaux sourires.)
- qui s'en prennent à
la gestion passée des forêts françaises, volontiers qualifiée de passéiste,
conduite par des gestionnaires rétrogrades, avec la caution de communes
conservatrices par définition car elles héritent d'une longue tradition, qui
plus est rurale, donc archaïque, on pourrait presque dire en plaisantant
sénatoriale.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Oh non !
M. Henri de Raincourt.
Quel scandale !
M. Jacques-Richard Delong.
Mais, bien entendu, je ne le crois pas, monsieur le ministre, cela va de
soi.
Au lieu de préconiser des médecines de sorciers - je ne dirai pas de sorciers
africains afin de ne pas encourir des reproches d'ordre ethnique - il serait
plus sage de recourir aux compétences de sylviculteurs qualifiés et de
scientifiques sérieux car, malgré tout, il y en a.
Il est choquant, pour les forestiers français comme pour les élus des communes
forestières, d'entendre dire que la forêt française ne connaît la régénération
naturelle que depuis quelques années : en effet, c'est nous qui l'avons
inventée et c'est M. Parade, professeur à l'Ecole nationale des eaux et forêts,
qui l'a mise en oeuvre en 1830. Les Allemands, très tardivement, n'ont pu que
nous imiter,...
M. Henri de Richemont.
Pour une fois !
M. Jacques-Richard Delong.
... même s'ils nous ont rattrapés dans d'autres domaines !
Je crois savoir que le sapin se trouve dans son aire écologique sur les
versants de la montagne vosgienne, et je ne pense pas que M. le ministre de
l'intérieur nous dira le contraire.
M. Henri de Raincourt.
Il n'en a pas l'intention !
M. Jacques-Richard Delong.
Va-t-on prétendre, si nous écoutons certains écologistes distingués - ils sont
forcément distingués ! - qu'il faudra désormais le remplacer, pour plus de
sûreté et plus de solidité, par des plantations de chêne pédonculé ?
C'est tellement risible que l'on se demande pourquoi on n'y plante pas
carrément des cactus !
(Sourires.)
Que signifient les anathèmes lancés contre « le productivisme effréné de
l'Office » - il s'agit, bien entendu, de l'Office national des forêts - et
l'hystérie antirésineux, largement exagérée pour ce qui concerne les forêts
communales puisque l'office y plante des feuillus - il n'y a plus de résineux !
- depuis 1974 ?
Si des chênes de 250 ans ont été, malheureusement, abattus par les rafales de
vent, ces arbres vénérables n'avaient-ils pas été préservés, jusque-là, grâce à
des générations de forestiers et d'élus ?
M. Gérard César.
C'est vrai !
M. Jacques-Richard Delong.
Toutes les essences, toutes les formes de sylviculture, qu'elles soient
régulières ou irrégulières, ont été touchées.
Une bataille d'Hernani sur la forêt française ne peut que conduire à des
débats stériles peu enclins à favoriser la reconstitution des massifs.
Nous n'accepterons jamais de laisser croire aux Français qu'il est possible
d'installer des peuplements forestiers capables de résister à des vents
soufflants à 200 kilomètres à l'heure. La preuve ? Les poteaux en béton d'EDF
n'y ont pas résisté non plus !
(Sourires.)
Si la forêt communale a doublé sa production, c'est bien grâce à la double
action des élus des communes forestières et de l'Office national des forêts, et
nous sommes très fiers, messieurs les ministres, d'avoir obtenu ces résultats
malgré des participations de l'Etat qui ont été, disons-le, dérisoires. Mais
nous n'avons pas l'habitude de faire la quête à la sortie de l'église, nous
nous débrouillons autrement !
Les forêts communales constituent, avec la forêt domaniale, le moteur amont de
la filière forêt-bois. Les communes forestières éprouvent la satisfaction
d'apporter à la nation beaucoup plus de richesses qu'elles ne demandent de
moyens.
Je veux rendre ici un hommage solennel aux élus des communes forestières, qui
sont quotidiennement « sur le pont » et Dieu sait si le pont est actuellement
branlant ! et aux personnels de l'office, qui, après avoir subi un véritable
traumatisme, accomplissent ensemble un travail difficile, qui s'étalera sur de
longs mois, pour préserver le patrimoine forestier français dans son
ensemble.
Qu'on laisse les forestiers travailler avec leur savoir-faire au lieu de les
culpabiliser ! Aussi je vous demande, monsieur le ministre de l'agriculture,
vous qui êtes chargé de ce lourd dossier de la forêt, de lancer une campagne de
communication visant à établir la réalité et à soutenir tous les acteurs qui
sont à la peine aujourd'hui. J'ai effet en mémoire un reportage télévisé où
l'Office national des forêts était véritablement tourné en ridicule. Certes,
son personnel n'est pas uniquement constitué par des saints ou par des
fonctionnaires d'un dévouement uniforme, mais il ne méritait vraiment pas un
tel traitement.
Il ne faudrait pas que soit mis en péril l'organisateur de la forêt française,
qui est actuellement la mieux structurée du monde.
Les ministres des finances successifs n'ont eu de cesse de faire fondre la
provision de conjoncture de l'Office, qui serait pourtant aujourd'hui un outil
bien utile. J'espère que la leçon sera retenue pour l'avenir et que le futur
contrat entre l'Etat et l'ONF prendra en compte les évènements actuels.
J'espère, mais je vous avoue que je n'y crois pas trop !
(Sourires.)
Les forces déchaînées de la nature viennent d'infliger un handicap de dix
années dans la lutte contre l'effet de serre par le boisement, si l'on en croit
l'objectif affiché par la France à Kyoto.
Les communes forestières se proposent toujours de combattre l'effet de serre
en boisant, en quinze ans, malgré les problèmes actuels, un million d'hectares
supplémentaires, capables de dégager deux millions de tonnes d'oxygène par
an.
Travaillant sur le très long terme, forestiers et élus possèdent et cultivent
les vertus de la discrétion, de la patience et du courage. Apollinaire leur a
rendu hommage : « Les forestiers sont les généraux de la paix. On ne leur a pas
monté de monuments. Leurs monuments sont les forêts. »
Du courage, il nous en faudra encore beaucoup, mais nous le trouverons,
messieurs les ministres, pour reconstituer le patrimoine forestier que nous
léguerons à nos successeurs.
A travers le rapport Bianco, le Gouvernement a manifesté de l'ambition pour la
forêt française. Nous sommes arrivés, si nous ne l'avons pas dépassé, au point
où les intentions deviennent plus nuisibles qu'utiles si elles ne se traduisent
pas en actions.
Alors, monsieur le ministre de l'agriculture, vous qui êtes le grand maître de
la forêt française, et vous, monsieur le ministre de l'intérieur, vous qui êtes
le grand maître des communes, qu'elles soient forestières - ce sont les plus
intéressantes, c'est vrai (
Sourires
) - ou qu'elles ne le soient pas,...
»
M. Henri de Richemont.
Et les propriétaires privés ?
M. Jacques-Richard Delong.
... nous comptons sur vous pour agir, et pour agir très vite !
(
Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants
).
M. le président.
La parole est à M. Moreigne.
M. Michel Moreigne.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le
département que j'ai l'honneur de représenter a subi les deux tempêtes
consécutives de la fin de l'année 1999.
Il en est résulté le tableau suivant : les voiries nationales, départementales
et rurales ont été coupées par les chutes d'arbres sur un nombre de kilomètres
dont je ne connais pas l'estimation ; 60 000 foyers sur 85 000 ont été privés
d'électricité ; des lignes de haute tension ont été coupées ; 2 600 kilomètres
de lignes de moyenne tension ont été détruites et plus de 2 000 kilomètres de
lignes de basse tension ont été détruites, essentiellement par des chutes
d'arbres ; plus de 3 millions de mètres cubes de forêts ont été détruits, pour
une production annuelle de bois de 480 000 mètres cubes, avec toutes les
conséquences qu'il faudra envisager sur le devenir des voiries forestières,
communales et départementales lors du bardage.
En ce qui concerne le monde agricole et rural, actuellement, près de 7 000
déclarations de sinistres ont été enregistrées auprès du groupe d'assurances
Groupama, qui n'est pas le seul assureur, pour un montant de pertes estimé
supérieur à 75 millions de francs.
J'ajouterai, pour faire bonne mesure, que 6 000 lignes téléphoniques, soit 2
500 kilomètres de câbles, ont été détruites, privant de communication 16 000
abonnés, sur une zone où vivent moins de 20 habitants au kilomètre carré et qui
s'étend sur plus de 300 000 hectares.
Dès la fin de la tempête il a fallu faire face, organiser la riposte, créer et
mettre en place une cellule de crise dont le fonctionnement a été directement
géré par le préfet. Cette cellule a fonctionné du 27 décembre 1999 au 10
janvier 2000, date à laquelle elle a été transformée en cellule de veille
fonctionnant également 24 heures sur 24, assurant encore la gestion des groupes
électrogènes, démontrant en quelque sorte la permanence des services de l'Etat
et des départements, palliant toute éventualité, notamment les coupures
d'électricité pouvant résulter de la fragilité de certaines réparations faites
dans l'urgence.
La cellule de veille a été levée le jeudi 13 janvier au soir.
Ces cellules ont été remarquables dans leur fonctionnement et dans leur
organisation pour faire face à cet événement à caractère statique que sont les
tempêtes aboutissant à un effondrement sur les voies et dans les bois d'une
quantité énorme d'arbres, surtout résineux, et nécessitant des secours à une
population totalement isolée : voiries coupées, plus de radio, d'électricité,
de télévision, de téléphone, et souvent plus d'eau.
M. Gérard César.
Et plus de chauffage !
M. Michel Moreigne.
Un effort considérable de communication, de contact et d'organisation
immédiate d'opérations marquant le retour à la vie a été effectué. La radio
locale a contribué à maintenir un petit lien de vie.
Des urgences sont apparues qu'il a fallu traiter, démontrant ainsi au public
la réalité du rendement des secours.
Je citerai notamment parmi ces premières urgences la mise à l'abri de près
d'une centaine de naufragés de la route, la mise à l'abri, l'hébergement et
l'alimentation des passagers du train Paris-Toulouse à La Souterraine, le
rétablissement de la circulation sur la seule voie nationale, la RN 145, dès la
première journée, la sauvegarde des collectivités et individus dépendant de la
desserte électrique, la réalimentation en électricité par des groupes
électrogènes de vingt maisons de retraite et établissements de handicapés, et
l'hospitalisation des insuffisants respiratoires.
Dans le même temps, il a fallu rétablir les signes de retour à la vie par
l'ouverture des autres routes du réseau dit secondaire, la réalimentation des
réservoirs d'eau, la réalimentation des autocommutateurs de téléphone pour
reconnecter des grappes d'abonnés, l'ouverture de centres d'accueil dans les
salles polyvalentes et la mise à dispositions de plus de cent lits hospitaliers
pour accueillir en urgence les personnes âgées et les malades.
Toutes ces actions ont été menées en communiquant avec la population au moyen
d'un service, le seul qui soit resté opérationnel et auquel il faut rendre
hommage, La Poste : dès le 28 décembre, les postiers et préposés sont passés
dans toutes les maisons, qu'il y ait eu ou non du courrier à distribuer.
Cette action a été menée sous l'autorité du préfet en associant les élus
locaux et départementaux à la gestion de la crise, avec la création de dix
cellules cantonales dont trois regroupaient six cantons au sein de communautés
de communes. Quoi qu'on dise sur les communautés de communes, leur action est à
saluer !
Ces cellules ont également assumé au plan strictement local leur mission de
prise en compte des besoins au plus près de la population. Elles ont ainsi
apporté des réponses de solidarité, d'accueil, d'assistance, et elles ont
surtout indiqué aux équipes de préparation EDF affectées localement où se
trouvaient précisément les pannes et les coupures du réseau.
Ainsi, ce dispositif a permis le rétablissement de la desserte électrique. Le
6 janvier, environ 13 400 foyers étaient encore privés d'électricité, le 7
janvier, 8 800, et le 8 janvier, 755.
Mon département, parmi les plus touchés, est sorti le premier de la crise.
Quels enseignements sont à tirer de ce drame, de ce malheur et de ces efforts
?
Les efforts de tous sont à souligner - pompiers, EDF, services de
l'équipement, volontaires, plus de 1 000 militaires mis à disposition, des
équipes spécialisées en électricité venant de pratiquement tous les pays
d'Europe -, sans oublier les efforts des agriculteurs qui ont été les
principaux acteurs : tout cela a constitué un acte de solidarité remarquable,
aux côtés, bien sûr, des élus, qu'il nous faut bien citer, même si c'est avec
humilité.
En quinze jours, les pompiers ont effectué autant d'interventions que pendant
près d'un an, ce qui représente tout de même un palmarès extraordinaire.
Toutefois, un petit bémol doit être mis : force est de constater
l'inadéquation de certains matériels mis à disposition par les armées. Petit
détail qui a son importance, les prises de raccordement électrique de l'armée
et celles d'EDF ne sont pas compatibles. C'est un enseignement comme un autre !
Bon nombre d'établissements d'accueil pour personnes âgées et handicapées n'ont
pas de groupe électrogène de secours, sauf ceux qui bénéficient d'un abonnement
particulier qui ne se renouvelle plus, « l'effacement en jour de pointe ».
De même, le monde agricole ne dispose pas toujours des groupes de secours
nécessaires. La traite des vaches a subi de ce fait, M. le ministre de
l'agriculture, les conséquences que vous savez. Les congélateurs ont souffert,
même si les communes en ont abrité quelques-uns dans leurs locaux. Les élevages
hors sol se sont arrêtés.
L'isolement complet des chefs-lieux de commune par absence de téléphone est à
prendre en compte. Le seul lien a souvent été la brigade de gendarmerie la plus
proche, en passant par leur réseau de radio-téléphone. Les téléphones mobiles
n'ont pas survécu longtemps au défaut d'autonomie en énergie de leurs
relais.
J'ai eu sous les yeux les propositions de M. Patrice Lagadec, que vous
connaissez sans doute bien, monsieur le ministre.
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur Moreigne.
M. Michel Moreigne.
J'en termine, monsieur le président.
Il a écrit dans la revue
Administration
de janvier 1995 : « Conçues
pour le traitement de situations normales, consolidées à la marge par des
services d'urgence, préparées à traiter des brèches bien déterminées, nos
organisations se trouvent rapidement prises à contre-pied, minées par des
concurrences externes, déstabilisées et profondément mises en question par de
telles situations. ».
S'il n'en a pas été ainsi en Creuse, en raison d'une organisation
particulièrement efficace, ne vous semble-t-il pas opportun de demander aux
préfets de dresser, sur la base d'un même schéma, le compte rendu du
déroulement et de la gestion de la crise des tempêtes ? Ne pourrait-on, par
exemple, créer un organisme chargé de faire des propositions après avoir visité
les départements où l'action a été la plus significative, afin d'obtenir ainsi
des retours d'expérience ? La mise en place de formations de responsables de
première ligne des cellules de crise ne serait-elle pas nécessaire ? Enfin,
l'installation d'un comité national des crises ou des catastrophes regroupant
des spécialistes de la gestion de crise pourrait-elle être envisagée ?
Vos déclarations et celles de M. le Premier ministre répondent largement à ces
préoccupations, notamment au travers de la création de la mission
interministérielle d'évaluation.
Les mesures prises par le Gouvernement ont été rappelés par vous-même et par
de nombreux intervenants. Elles ont apporté beaucoup d'apaisements. Les
dégrèvements, les aides aux sinistrés, la compensation des frais des communes,
notamment, sont très appréciés.
Dès maintenant, se mettent en place des réunions cantonales avec les maires,
les trésoriers-payeurs généraux, les sous-préfets, pour faire le point des
indemnisations.
M. le président.
Mon cher collègue, votre temps de parole est épuisé.
M. Michel Moreigne.
Reste un point important que je ne peux passer sous silence : la compensation
des dépenses des SDIS dans leur propre circonscription d'intervention, qui
n'apparaît pas nettement dans votre exposé, monsieur le ministre. Ne
pourrait-on pas réserver un sort particulier aux pompiers volontaires ?
Telles sont, au sortir de la crise, messieurs les ministres, les observations
que j'ai cru devoir faire sur le vécu de cette catastrophe épouvantable à
laquelle population, administration, services publics, élus ont fait face avec
un grand dévouement et, souvent, une grande efficacité. Il reste à en effacer
les conséquences, et je vous en remercie à l'avance.
(Applaudissements sur
les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. de Richemont.
M. Henri de Richemont.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je
souhaite tout d'abord exprimer ma reconnaissance à toutes celles et à tous
ceux, Français et étrangers, qui, au cours de ces dernières semaines, ont donné
le meilleur d'eux-mêmes pour aider nos concitoyens à surmonter les conséquences
des drames que nous avons connus.
Je rends un hommage appuyé et sincère à tous les agents des services publics
concernés, civils et militaires, mais aussi à tous les élus, aux maires et aux
bénévoles si nombreux qui se sont dépensés sans compter.
Messieurs les ministres, on a beaucoup parlé de la forêt, et, en tant qu'élu
d'une commune rurale de Charente, je pourrais également évoquer la catastrophe
écologique et économique qu'a entraînée cette tempête.
Mais je veux aujourd'hui limiter mon propos aux quelques questions qui se
posent après le naufrage de l'
Erika
et la marée noire qui s'est ensuivie
afin de savoir quelles mesures peuvent être envisagées pour protéger nos côtes,
assurer la sécurité des personnes et réparer les dommages.
Mes chers collègues, les pollutions maritimes de ces dernières années sont à
l'origine des conventions internationales qui régissent tant la responsabilité
des armateurs que la réglementation en matière de sécurité. Ce système
international a été mis au point après le désastre du
Torrey-Canyon,
qui
a donné lieu aux conventions de 1969. Celles-ci permettent aux Etats
d'intervenir en pleine mer et rendent l'armateur responsable de plein droit de
tout dommage par pollution, le régime de responsabilité n'étant plus fondé sur
la faute. Il s'agit, toutefois, d'une responsabilité canalisée, en ce sens
qu'aucune action ne peut être intentée contre l'affréteur.
Vous connaissez également le plafond de responsabilité qui a été mis en place
par cette convention. Il a été doublé par la convention de 1971 sur le FIPOL,
le fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par
les hydrocarbures.
Me Simon écrivait dans le
Journal de la Marine marchande :
« Trente ans
de pollution, trente ans de législation ». Il ne suffit pas, messieurs les
ministres, de légiférer pour empêcher les pollutions, car le risque maritime
est lié à l'expédition maritime : on n'évitera jamais les explosions, les
abordages, les échouements qui sont à l'origine de pollutions maritimes.
La vraie question est donc de savoir si les textes existants sont bons, s'ils
doivent simplement être mieux appliqués, ou s'il convient de les amender.
La réforme des règles de responsabilité par l'intermédiaire des lois
françaises est impossible, car la matière - je l'ai indiqué tout à l'heure -
est régie par les conventions internationales. Il serait difficile d'obtenir de
l'Organisation maritime internationale, l'OMI un nouveau chantier de
réformes.
Je sais bien - on en a beaucoup parlé ! - que, sur le plan théorique, nous
pourrions, comme l'ont fait les Américains avec l'
Oil Pollution Act,
envisager de déclarer l'affréteur responsable au même titre que l'armateur ;
mais cela ne changerait pas grand-chose, car la communauté maritime
internationale admettrait difficilement que les limitations de responsabilités
se cumulent. On aurait ainsi deux responsabilités pour un même plafond. A quoi
bon ?
La seule question qui se pose est donc vraiment celle de l'augmentation du
plafond des limitations, comme nous le permet l'article 15 de la convention de
1995, mais aussi des limites de réparation incombant au FIPOL.
En ce qui concerne la réglementation, messieurs les ministres, c'est, depuis
toujours, la règle du pavillon qui s'applique. Je sais bien que l'OMI a
commencé à faire valoir la règle de contrôle du pavillon par l'Etat du port.
Mais il ne s'agit que d'une faculté, sauf pour les Etats de l'Union européenne
parce que le protocole de Paris, qui a été transposé dans le droit national par
une directive du mois de juillet 1996, impose le contrôle d'au moins 25 % de
navires dans nos ports, avec un droit de rétention quand ils ne sont pas
conformes aux règles en vigueur.
Cela étant, ce protocole n'est pas appliqué, car moins de 10 % des navires
sont contrôlés. L'Union européenne ne devrait-elle pas, sous l'impulsion de la
France, porter cette obligation à 30 % ou à 35 % des navires et rendre
obligatoire ce contrôle, qui nous apparaît aujourd'hui indispensable, pour tous
les navires pétroliers ?
Il est vrai que l'efficacité de ce contrôle dépend des moyens en argent et en
hommes, et je me réjouis que M. Gayssot ait annoncé dans
Le Monde
de ce
soir que le nombre d'inspecteurs serait doublé, passant de 50 à 100.
Il existe toutefois, même au niveau européen, des disparités nationales qui
peuvent entraîner la fuite des navires à problèmes vers les ports où
l'administration a la réputation d'être moins rigoureuse. Une dimension
européenne doit donc être donnée aux contrôles, qui sont aujourd'hui
exclusivement nationaux. D'où la nécessité d'une coopération entre l'Etat du
port et l'administration européenne. C'est par cette coopération, que la France
pourra, lorsqu'elle présidera l'Union européenne, essayer de mettre en oeuvre,
qu'on arrivera à améliorer la sécurité dans le transport maritime et à protéger
nos côtes.
Messieurs les ministres, je profite des quelques minutes qui me restent pour
vous demander de penser à l'avenir de la flotte de commerce battant pavillon
national.
M. Gayssot, dans
Le Monde
d'aujourd'hui, se plaint qu'il n'y ait que
200 navires qui naviguent sous pavillon national, alors que 150 naviguent sous
des pavillons dits de complaisance. Pourquoi ? Parce que nos lois et nos
règlements pénalisent notre flotte et l'empêchent d'être compétitive par
rapport aux armements concurrents. Là est tout le problème.
M. Gayssot dit qu'il faut rendre notre flotte attractive. Ce ne sera possible
que si on la rend concurrentielle. Ce sera mon dernier mot, messieurs les
ministres : mon seul rêve est que notre pavillon puisse continuer à flotter et
à rayonner à travers le monde.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
(M. Christian Poncelet remplace M. Paul Girod au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, tous ceux qui sont intervenus ce soir à cette tribune ont témoigné,
avec la sensibilité qui est la leur, de l'importance et de la réalité de la
solidarité nationale en ces temps d'épreuve, témoignant des détresses dont ils
avaient été les témoins.
Je suis heureux de constater l'accord qu'ils ont exprimé sur la qualité du
service public et sur le rôle qui revient à l'Etat, même si j'ai bien entendu
qu'un certain nombre de procédures paraissaient lentes à se mettre en
oeuvre.
Et puisque certains ont demandé un guichet unique, sachez qu'il y a, dans
chaque département, un représentant de l'Etat, et un seul ; c'est le préfet,
qui est chargé d'assurer la coordination des services et sous la responsabilité
duquel a été placée la commission dite d'indemnisation, qui, au niveau
national, a comme correspondant la commission présidée par le préfet
Lebeschu.
Je salue le ton courtois des propos qui ont été tenus aujourd'hui.
M. le président.
C'est la tradition au Sénat, monsieur le ministre !
(Sourires.)
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Sans doute, mais je l'ai remarqué tout
particulièrement aujourd'hui, compte tenu des angoisses qui peuvent
légitimement s'exprimer dans notre pays.
Je ne mésestime pas du tout les difficultés de mise en oeuvre sur le terrain.
Comme je l'ai dit, il y a un préfet dans chaque département et, à l'échelon du
ministère de l'intérieur, la direction générale des collectivités locales et le
bureau des concours financiers, qui veillent à la mise en oeuvre des procédures
dans les délais les plus rapides.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez fait part de beaucoup
d'expériences sur le terrain. Vous avez fait des suggestions concrètes et vous
avez montré ce qu'était le « vécu » de cette crise, comme l'a dit M. Moreigne.
Cela a été très enrichissant et pour moi-même et pour mon collègue Jean
Glavany, à qui je laisserai le soin de répondre sur tout ce qui concerne la
forêt, les communes forestières, d'une manière générale l'agriculture et la
pêche.
(Sourires sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Henri de Richemont.
Beau bébé !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Pour ma part, j'évoquerai brièvement le problème
de la police et de la sécurité maritimes. C'est le ministère de l'équipement,
des transports et du logement qui est chargé de coordonner l'organisation.
Dans la mesure où les règles qui existent ne sont pas mises en oeuvre, on doit
se poser la question de l'affirmation d'une volonté politique au niveau non pas
seulement de la France mais de l'Europe...
M. Jacques Delong.
Tout à fait !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
...pour nous doter d'un système comparable à
celui des Etats-Unis, avec des garde-côtes.
En tout cas, sachez que ce sera l'une des priorités de la présidence française
de l'Union européenne au cours du second semestre de cette année. Dès le comité
interministériel de la mer, le 28 février, les mesures les plus urgentes, ou en
tout cas les grandes orientations, seront annoncées.
M. Le Pensec, qui a une grande expérience en la matière, a fait beaucoup de
suggestions intéressantes. Il a proposé de renforcer certains moyens, en
particulier les hélicoptères lourds, et de nous doter de remorqueurs de
nouvelle génération. Tout cela sera pris en compte.
M. Darniche a évoqué les responsabilités dans le naufrage de l'
Erika.
Je lui rappelle qu'une procédure judiciaire est ouverte pour établir les
responsabilités des uns et des autres et qu'il n'appartient pas à l'exécutif de
se substituer au judiciaire, bien que chacun, naturellement, puisse avoir sa
petite idée.
Mme Dieulangard a posé le problème des communications. Là encore, je pense
qu'il appartient aux préfets de faire en sorte que la communication fournie
soit bien relayée, aussi bien vis-à-vis des professionnels de la mer que des
citoyens et des communes.
J'en viens à la mise en oeuvre d'un certain nombre de procédures.
Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, s'agissant du plan POLMAR, M. le Premier
ministre a ajouté 140 millions de francs aux 120 millions de francs qui
représentaient la dotation initiale. Celle-ci a déjà été presque entièrement
consommée puisque, sur 113 millions de francs, la Charente-Maritime a reçu 1,7
million de francs, le Finistère 2,1 millions de francs, la Loire-Atlantique
61,5 millions de francs, le Morbihan 10,8 millions de francs, la Vendée 17,4
millions de francs et la préfecture maritime 18,8 millions de francs.
S'agissant des arrêtés de catastrophe naturelle, je rappelle que les
conséquences des tempêtes et des ouragans sont pris automatiquement en compte,
indépendamment de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ; que
les garanties d'assurance des catastrophes naturelles permettent la prise en
charge des dommages causés par les inondations, les vagues et les mouvements de
terrains ; que la reconstitution des espaces verts appartient à la première
catégorie des garanties d'assurance, c'est-à-dire à la couverture
automatique.
Toutefois, certaines dépenses relèvent de la catégorie des biens non
assurables ou mal assurés. C'est pour cette raison que le Gouvernement a décidé
un plan national, en particulier pour la forêt.
M. Raffarin a posé le problème des contrats de plan. Je suis bien conscient
qu'il faut faire un effort qui tende à l'équilibre, mais qui manifeste aussi la
solidarité nationale. J'ai donc bien compris le message.
M. Arnaud a évoqué la substitution de l'Etat aux assureurs. Je lui répète
qu'elle n'est pas possible. Les assureurs doivent d'abord faire leur travail,
l'Etat intervenant ensuite, et l'on ne peut dissocier ces procédures, qui
relèvent du droit des assurances, des aides publiques exceptionnelles que le
Gouvernement a décidé de mobiliser au profit des particuliers, des
collectivités locales ou des entreprises. Je crois qu'il s'agit quand même de
l'une des bases du système que nous avons proposé. Celui-ci peut paraître un
peu complexe, mais il faut tenir compte de toutes les situations, qui sont
elles-mêmes extrêmement variables.
M. Peyronnet a soulevé le problème des délégations de crédits. Je tiens à
souligner à cet égard que, depuis le 1er janvier 2000, 112 millions de francs
ont été transférés par le ministère de l'économie, des finances et de
l'industrie, 62 millions de francs étant d'ores et déjà délégués aux préfets de
trente-huit départements - il s'agit ici des secours d'extrême urgence pour les
victimes de calamités publiques - le reliquat devant l'être dans les tous
prochains jours. Tout cela prend un peu de temps, il faut être patient.
M. Peyronnet a aussi évoqué la prise en charge de la remise en état des
chemins d'exploitation et des voies forestières. Cela sera fait grâce aux prêts
bonifiés mis en place par le ministère de l'agriculture et de la pêche.
S'agissant de l'enlèvement des embâcles, son coût pourra être pris en compte
dans l'optique du financement mis en oeuvre au titre du chapitre 67-54.
D'autres orateurs ont évoqué la situation des communes forestières. Je ne
m'étendrai pas sur ce point, laissant à M. Glavany le soin de leur répondre.
M. Branger a, quant à lui, parlé des conditions dans lesquelles jouaient les
règles appliquées aux subventions à l'investissement. S'agissant des dommages
causés par les tempêtes et les inondations, à titre exceptionnel, les règles
traditionnelles - la subvention doit être notifiée avant le commencement des
travaux et ne doit pas représenter plus de 80 % du coût total - ne s'appliquent
pas. Lorsque les travaux sont à effectuer d'urgence, la subvention peut être
notifiée après le commencement des travaux. Un décret permettra également de
déroger à la règle des 80 % dans les communes défavorisées ayant subi des
dommages très importants. Les subventions pourront aller jusqu'à 100 % pour les
communes qui connaissent des difficultés budgétaires importantes.
M. Henri de Raincourt.
C'est très bien !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
S'agissant des subventions d'investissement qui
pourraient abonder les surcroîts de dotation globale d'équipement, je verrai ce
qu'il est possible de faire. Je rappelle tout de même que la DGE pourra, bien
sûr, privilégier les projets de reconstruction liés aux catastrophes.
MM. Branger et Moreigne ont évoqué la prévention des incendies. Des moyens
aériens seront prépositionnés à Bordeaux et à Cahors,...
M. Gérard César.
Je l'ai demandé, monsieur le ministre !
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
... deux Canadair dès le printemps, pour pouvoir
intervenir très vite dès le déclenchement d'un feu. Des moyens terrestres
supplémentaires - USC et sapeurs-pompiers territoriaux - seront également
amenés sur la côte ouest lorsque les conditions météorologiques deviendront
plus sévères.
Il y a, bien entendu, des risques d'incendie, et nous y sommes très attentifs.
La direction de la défense et de la sécurité civile a demandé au préfet de zone
de défense sud-ouest d'établir tous les rapports nécessaires à cet égard.
M. Cazeau a souhaité une mobilisation plus rapide des moyens. Nous sommes en
train de réfléchir et, dans le cadre de la mission Sanson, des propositions
seront faites. J'ai demandé un rapport d'étape afin que nous puissions agir
rapidement et pour que le COAD, au niveau national, puisse apparaître très vite
comme l'instance interministérielle qu'il est et pour que, par ailleurs, au
niveau des zones de défense, des moyens nouveaux soient mis en oeuvre pour
renforcer les centres inter-régionaux de coordination opérationnelle de la
sécurité civile, les CIRCOSC.
MM. Joly et Raffarin ont parlé du tourisme. Un certain nombre de mesures ont
été annoncées pour revaloriser l'image des régions sinistrées. Le prochain
comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire,
qui se tiendra à Nantes, le 28 février, portera particulièrement sur ces
mesures.
En tout cas, sachez, mesdames, messieurs les sénateurs que nous sommes d'une
extrême vigilance, pour que, à partir des moyens très importants réunis par le
Gouvernement, l'administration puisse faire son travail dans les meilleurs
délais. Chaque directeur d'administration, chaque préfet, est sensibilisé à ces
problèmes. Je leur demande de tenir compte des sentiments de la population dont
vous vous êtes faits, à juste titre, les interprètes en fournissant au
Gouvernement beaucoup d'informations dont il ne manquera pas de tenir le plus
grand compte.
(Applaudissements.)
M. le président.
Monsieur le ministre, nous sommes très sensibles aux compliments que vous
venez d'adresser aux différents intervenants qui vous ont rapporté avec
précision, avez-vous dit, les difficultés auxquelles ils sont confrontés. Cela
tient au fait que les sénateurs exercent aussi un mandat de maire !
Cela prouve combien, outre un mandat national, un mandat local est
indispensable pour une parfaite appréhension de la situation sur le terrain.
Mais je n'insiste pas, je crois que vous m'avez compris !
(Sourires.)
M. Gérard César.
Excellent !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Mon collègue et ami Jean-Pierre
Chevènement, par amitié et solidarité, a souhaité me laisser le soin de
traiter, outre les problèmes forestiers, les problèmes des communes
forestières. Cette attention me touche, mais ces communes, soit un tiers des
communes françaises, ne relèvent ni de ma tutelle, ni de ma compétence.
(Sourires.)
Je répondrai toutefois à M. Delong que les dépenses de fonctionnement
relatives aux travaux forestiers ne sont pas éligibles au fonds de compensation
de la TVA, car ce n'est pas dans la nature de ce fonds. Cela étant précisé, les
dépenses d'élagage, de débardage, d'exploitation forestière bénéficieront - M.
le Premier ministre l'a confirmé - d'un taux de TVA réduit à 5,5 %. Cette
mesure est importante.
Quant à l'idée de mutualiser les ressources des communes forestières, sans
doute cette période de crise est-elle propice pour l'initier et la proroger à
long terme. Les représentants des communes forestières seront donc consultés
sur le contenu d'un dispositif de soutien au budget des communes forestières
sinistrées. M. Delong le connaît.
Je m'en tiendrai, en quelques mots, à trois thèmes : les délais de versement
des aides, la forêt et l'agriculture.
S'agissant des aides, vous avez été nombreux à insister sur l'urgence qu'il y
avait à les débloquer.
Je me référerai aux inondations qui ont frappé le département de l'Aude au
mois de novembre. Alors que cette catastrophe a eu lieu avant la mi-novembre,
nous avons versé les premières aides aux agriculteurs sinistrés fin décembre,
soit moins de deux mois après. C'est un record historique de rapidité ; tous
les élus de l'Aude peuvent le confirmer.
Nous entendons faire de même, en l'occurrence non plus pour un seul
département, mais pour plus de soixante. Nous avons pris tous les dispositifs
pour tenir ce délai et verser les aides à la fin du mois de février, même s'il
faudra pour cela parfois forcer le pas et brusquer les énergies.
M. Delong a dit qu'à ce jour pas un franc n'avait été encore versé à la forêt.
Malgré la cordialité de nos rapports, je suis désolé de lui confirmer qu'au
moins 327 millions de francs ont déjà été délégués aux départements forestiers
!
Chaque jour qui passe nous amène à prendre des mesures nouvelles pour rendre
le dispositif plus opérationnel. En tout état de cause, je veux vous assurer de
la détermination du Gouvernement à tenir les délais.
M. Claude Huriet.
Il n'y a pas seulement les délais de versement des aides !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le sénateur, je vous
assure que si l'on tient ce délai de deux mois dans plus de soixante
départements et que l'on égale le record de l'Aube en termes de rapidité, ce
qui ne s'était jamais vu dans aucun sinistre, ce sera exemplaire !
En matière agricole - et je réponds là à plusieurs d'entre vous, notamment à
M. César - c'est un peu plus simple, si j'ose dire, parce que l'agriculture
est, hélas ! habituée à subir des calamités. Nous disposons d'instruments
adaptés : le fonds des calamités agricoles, le fonds d'action conjoncturelle,
et d'autres procédures encore, telles que les procédures AGREDIF, ou
agriculteurs en difficulté. Nous avons aussitôt actionné l'ensemble de ces
dispositifs en les surévaluant.
Par exemple, pour les calamités agricoles, nous avons augmenté de dix points
les taux d'indemnisation, raccourci les délais et baissé les taux des prêts
bonifiés pour arriver à des prêts à 1,5 %. En tout cas, nous faisons le
maximum.
Je voudrais dire également, et je réponds là très précisément à M. César qui
m'a rappelé les promesses que j'avais faites lors du débat budgétaire sur le
fonds des calamités agricoles que, tout d'abord, nous disposons encore,
s'agissant de ce fonds, d'une trésorerie de 1,2 milliard de francs.
Aujourd'hui, les dossiers recensés en termes de calamités s'élèvent à environ 2
milliards de francs ce qui, compte tenu des taux, même augmentés de dix points,
représente une dépense de l'ordre de 600 millions de francs, dont 400 millions
de francs peuvent être utilisés à très court terme. Nous avonc donc de quoi
faire face. Je vous confirme que l'Etat, si nécessaire, augmentera ces fonds
mais, dans l'état actuel des choses, nous n'avons pas d'inquiétude
particulière.
J'ajouterai un dernier mot sur le plan agricole mais qui rejoint également le
plan de la conchyliculture et de la pêche. N'oublions pas que nous avons
mobilisé plusieurs centaines de millions de francs : 300 millions de francs
pour les offices agricoles et 300 millions de francs pour l'OFIMER, à titre
d'avance de trésorerie s'il s'agit de biens assurés, ou dans l'attente des
versements du FIPOL pour la marée noire.
S'agissant des dommages non pris en charge par les assurances, vous connaissez
comme moi la procédure, monsieur César. Nous pourrons y faire face, notamment
dans l'horticulture ou dans l'élevage, par le biais des offices. De même, pour
les ostréiculteurs, les conchyliculteurs, les pêcheurs, ces fonds sont
mobilisables à très court terme, avec une grande souplesse d'intervention.
J'en viens à la forêt. Un plan a été mis en place le 12 janvier, quinze jours
après le désastre, ce qui traduit, là aussi, une réaction ultra-rapide du
Gouvernement pour un plan de cette envergure. Plusieurs orateurs ont relevé
qu'il prévoyait sans doute un peu trop de prêts bonifiés et pas assez de
crédits. Je suis assez d'accord avec eux.
D'ailleurs, comme M. le Premier ministre l'avait dit ce jour-là, nous
modifierons en cours de route le dispositif. Je vous indique à ce sujet que,
notamment pour l'aide au transport qui s'est révélée indispensable pour dégager
ces bois, ces chablis, nous sommes passés de 200 millions de francs,
essentiellement au profit de la SNCF, à 700 millions de francs, puisque 500
millions de francs ont été affectés au transport routier.
Un décret ou un arrêté du ministre de l'équipement et des transports sera pris
aujourd'hui ou demain pour préciser les modalités d'utilisation de ces
crédits.
Vous voyez que nous tenons compte de vos remarques, monsieur Delong. Mais
elles rejoignaient les nôtres, c'est pour cela qu'il a été facile de s'entendre
!
Je vous ai déjà confirmé, monsieur Delong, que 327 millions de francs sont
délégués. Il ne s'agit donc pas d'un simple fonds et nous continuons à
progresser sur ce point.
Par ailleurs, tout en usant d'un ton très courtois, vous avez critiqué le
budget en qualifiant certaines mesures de « dérisoires ». Je ne peux pas
laisser dire cela ! Pour la forêt, hors tempête, elles s'élevaient en effet à
500 millions de francs, vous le savez, monsieur le sénateur.
(M. Delong s'exclame.)
La suppression des taxes, que toute la filière réclamait depuis des
années, nous l'avons décidée. C'est quand même notable.
Je vous confirme de plus que le Gouvernement s'est engagé à déposer le projet
de loi sur la forêt au premier semestre 2000. Cette tempête qui a tant sinistré
notre forêt française rend encore plus urgente la discussion de ce texte.
Probablement va-t-elle rendre plus...
M. Jacques-Richard Delong.
Animée !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
... plus forte la pression à
propos de certaines mesures que nous souhaitons tous, mais qui ne sont pas
encore définitivement arrêtées !...
Ce sera une très bonne occasion pour nous, non seulement d'avoir une grande
discussion sur l'avenir de la forêt française, qui est une grande richesse pour
notre pays, une richesse encore insuffisamment exploitée, mais aussi de tirer
les leçons, collectivement, de ces tempêtes qui ont fait tant de mal à nos
forêts.
(Applaudissements.)
M. Jean Faure.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Faure.
M. Jean Faure.
Monsieur le ministre, les communes forestières qui n'ont pas été sinistrées
mais dont les recettes diminueront cette année, car elles n'auront pas vendu
leur bois, bénéficieront-elles de prêts de trésorerie remboursables, par
exemple en cinq ans ?
M. le président.
Le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée et
distribuée.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt-deux heures
quinze, sous la présidence de M. Paul Girod.)