Séance du 23 février 2000
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
1.
Procès-verval
(p.
0
).
2.
Décès d'un ancien sénateur
(p.
1
).
3.
Candidature à un organisme extraparlementaire
(p.
2
).
4.
Candidature à une commission
(p.
3
).
5.
Défenseur des enfants.
- Adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture (p.
4
).
Discussion générale : Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de
l'enseignement scolaire ; M. Christian Bonnet, rapporteur de la commission des
lois ; Mmes Dinah Derycke, Odette Terrade.
Clôture de la discussion générale.
Articles 1er à 3
bis,
4 et 8. - Adoption (p.
5
)
Articles 9 à 11 (
pour coordination
). - Adoption (p.
6
)
Articles 12 à 12
ter. -
Adoption (p.
7
)
Vote sur l'ensemble (p.
8
)
MM. Alain Gournac, Jacques Pelletier.
Adoption de la proposition de loi.
6.
Mauvais traitements à enfants.
- Adoption d'une proposition de loi (p.
9
).
Discussion générale : Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de
l'enseignement scolaire : M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur de la commission
des affaires culturelles ; Mme Dinah Derycke, MM. Jean-Louis Lorrain, Xavier
Darcos, Mme Hélène Luc.
Mme le ministre délégué.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p. 10 )
Amendement n° 1 de Mme Hélène Luc. - Mme Hélène Luc, M. le rapporteur, Mme le
ministre délégué. - Rejet.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 1er (p. 11 )
Amendement n° 2 de Mme Hélène Luc. - Retrait.
Article 2 (
supprimé)
Vote sur l'ensemble (p.
12
)
M. Jacques Machet, Mme Hélène Luc.
Adoption de la proposition de loi.
7.
Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire
(p.
13
).
8.
Nomination d'un membre d'une commission
(p.
14
).
9.
Ventes volontaires de meubles par nature aux enchères publiques.
- Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture (p.
15
).
Discussion générale : Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice ; MM. Luc Dejoie, rapporteur de la commission des lois ; Yann Gaillard,
rapporteur pour avis de la commission des finances ; Mme Dinah Derycke, MM.
Jean-Jacques Hyest, Robert Bret.
Clôture de la discussion générale.
Intitulé du chapitre 1er (p. 16 )
Amendement n° 1 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement modifiant l'intitulé.
Article 1er. - Adoption (p.
17
)
Article 2
bis (
supprimé) (
priorité)
et article additionnel après l'article 1er (p.
18
)
Demande de priorité de l'amendement n° 2. - M. le rapporteur, Mme le garde des
sceaux. - La priorité est ordonnée.
Amendements n°s 2 (
priorité)
de la commission et 27 du Gouvernement. -
M. le rapporteur, Mmes le garde des sceaux, Dinah Derycke. - Adoption de
l'amendement n° 2 rétablissant l'article 2
bis,
l'amendement n° 27
devenant sans objet.
Articles 2, 3 et 5. - Adoption (p.
19
)
Article 6 (p.
20
)
Amendement n° 3 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
- Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 7. - Adoption (p.
21
)
Article 8 (p.
22
)
Amendement n° 4 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
- Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 11 (p. 23 )
Amendement n° 5 de la commission. - M. le rapporteur, Mmes le garde des sceaux,
Dinah Derycke. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 12 (p. 24 )
Amendement n° 6 de la commission. - M. le rapporteur, Mmes le garde des sceaux,
Dinah Derycke. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 13. - Adoption (p.
25
)
Article 14 (p.
26
)
Amendement n° 7 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux,
M. René-Georges Laurin. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 15 (p. 27 )
Amendement n° 22 de M. Jean-Léonce Dupont. - MM. Jean-Léonce Dupont, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Retrait.
Article additionnel après l'article 16 (p. 28 )
Amendement n° 8 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 18 (p. 29 )
Amendement n° 9 de la commission. - M. le rapporteur, Mmes le garde des sceaux,
Dinah Derycke. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles 26 et 27. - Adoption (p.
30
)
Article 28 (p.
31
)
Amendement n° 21 de M. Robert Bret. - MM. Robert Bret, le rapporteur, Mme le
garde des sceaux. - Rejet.
Adoption de l'article.
Article 29 (p. 32 )
Amendement n° 10 de la commission. - M. le rapporteur, Mmes le garde des
sceaux, Dinah Derycke. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 33 (p. 33 )
Amendement n° 11 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
- Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 35 (p. 34 )
Amendements identiques n°s 12 de la commission et 23 de M. Yann Gaillard, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, Mmes le garde des sceaux, Dinah Derycke, M. Patrice Gélard. - Adoption des deux amendements rédigeant l'article.
Article 36 (p. 35 )
Amendement n° 13 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
- Adoption.
Amendement n° 28 du Gouvernement. - Mme le garde des sceaux, M. le rapporteur.
- Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 37 (p. 36 )
Amendements identiques n°s 14 de la commission et 24 de M. Yann Gaillard, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, Mme le garde des sceaux. - Adoption des deux amendements rédigeant l'article.
Article 43 (p. 37 )
Amendement n° 15 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
- Adoption.
Amendement n° 16 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
- Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 43 bis (supprimé) (p. 38 )
M. le rapporteur pour avis.
L'article demeure supprimé.
Article 43
ter (supprimé)
(p.
39
)
Article 43
quater.
- Adoption (p.
40
)
Article 43
quinquies
(supprimé) (p.
41
)
Amendement n° 25 de M. Yann Gaillard, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Patrice Gélard, Mme Dinah Derycke. - Adoption de l'amendement rétablissant l'article.
Article additionnel avant l'article 44 (p. 42 )
Amendement n° 26 rectifié de M. Yann Gaillard, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 47. - Adoption (p.
43
)
Article additionnel après l'article 48 (p.
44
)
Amendement n° 17 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 52 (p. 45 )
Amendement n° 18 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
- Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 53 (p. 46 )
Amendement n° 31 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
- Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles 56 et 57. - Adoption (p.
47
)
Intitulé du projet de loi (p.
48
)
Amendement n° 19 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement modifiant l'intitulé.
Vote sur l'ensemble (p. 49 )
Mme Dinah Derycke, MM. Patrice Gélard, Robert Bret.
Adoption du projet de loi.
10.
Dépôt de projets de loi
(p.
50
).
11.
Transmission d'un projet de loi
(p.
51
).
12.
Dépôt de propositions de loi
(p.
52
).
13.
Dépôt de rapports
(p.
53
).
14.
Dépôt d'un rapport d'information
(p.
54
).
15.
Ordre du jour
(p.
55
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DÉCÈS D'UN ANCIEN SÉNATEUR
M. le président. J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Aubert Garcia, qui fut sénateur du Gers de 1989 à 1998.
3
CANDIDATURE À UN ORGANISME
EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président.
Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien
vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein d'un
organisme extraparlementaire.
La commission des affaires culturelles a fait connaître qu'elle propose la
candidature de M. André Bohl pour siéger au sein de la Commission nationale de
l'informatique et des libertés.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9
du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
4
CANDIDATURE À UNE COMMISSION
M. le président.
J'informe le Sénat que le groupe communiste républicain et citoyen a fait
connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la
commission des affaires sociales.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à
l'article 8 du règlement.
5
DÉFENSEUR DES ENFANTS
Adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de
loi (n° 97, 1999-2000), adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en
deuxième lecture, instituant un défenseur des enfants. [Rapport n° 187
(1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis que la proposition
de loi présentée par MM. Laurent Fabius et Jean-Paul Bret instituant un
Défenseur des enfants et adoptée à l'Assemblée nationale voilà à peine trois
mois revienne aujourd'hui devant le Sénat.
La célérité avec laquelle ont été conduits les travaux et les votes, et ce sur
toutes les travées, quelles que soient les sensibilités politiques, démontre
que vous attachez à la défense des droits de l'enfant toute l'importance
qu'elle mérite.
Comme vous tous aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis
persuadée que l'on juge l'évolution d'une société à l'aune du sort qu'elle
réserve à ses enfants. Je suis donc tout à fait favorable, au nom du
Gouvernement, à la création du Défenseur des enfants, dont la mission sera
d'enregistrer les réclamations des mineurs et de les orienter vers la
résolution amiable des conflits. En effet, un tel dispositif est de nature à
encourager le dialogue, le respect d'une plus grande équité et le développement
d'une relation de proximité entre les mineurs, les adultes et les institutions
qui les concernent.
Il existe déjà au sein de l'éducation nationale un médiateur, mais celui-ci
n'est que rarement sollicité par les élèves eux-mêmes. Il existe donc un espace
à conquérir pour le nouveau Défenseur des enfants.
Comme vous le savez, dès mon arrivée au Gouvernement, j'ai souhaité que
l'école devienne un lieu de vie et un espace de parole où l'enfant puisse être
écouté et protégé.
A ce titre, j'ai entrepris différentes actions pour briser la loi du silence
en matière de maltraitance, de bizutage, de racket et de pédophilie, ainsi que
pour renforcer la santé scolaire en instituant, notamment, un fonds social pour
les cantines et en créant, depuis trois ans, 1 400 emplois de médecins,
d'infirmières, d'assistantes sociales et en refondant complètement l'éducation
à la santé.
J'ai souhaité inscrire le droit de chaque enfant à l'instruction et à la
réussite scolaire comme une des priorités de ma politique. Tel est l'objet des
zones d'éducation prioritaire, qui, dès 1998, ont été relancées, avec la mise
en place des réseaux d'éducation prioritaire.
Par ailleurs, depuis la rentrée dernière, des heures de remise à niveau pour
les élèves en difficulté ont été généralisées dans tous les collèges : six
heures en classe de sixième et trois heures en classe de cinquième. Selon moi,
il est cohérent, lorsqu'on réfléchit aux droits de l'enfant, de se mobiliser
sur son droit fondamental à la réussite scolaire.
J'ai également, vous le savez, apporté ma contribution au renforcement du
contrôle de l'obligation scolaire en soutenant une proposition de loi
sénatoriale, qui a été adoptée à l'unanimité au Sénat et à l'Assemblée
nationale, pour lutter, notamment, contre l'embrigadement des enfants dans les
sectes, ce qui les prive du droit fondamental à une instruction authentique.
La proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui s'inscrit donc dans la
continuité de la politique de reconnaissance des droits de l'enfant tout en
renforçant les dispositions législatives déjà adoptées en matière de protection
des droits de l'enfant. Elle apparaît comme une synthèse heureuse et équilibrée
après les travaux approfondis conduits par les députés et par votre assemblée
depuis le 19 novembre 1998, date de son examen en première lecture à
l'Assemblée nationale.
Lors de la discussion de cette proposition de loi en première lecture au
Sénat, le 9 novembre 1999, vous aviez évoqué les conséquences administratives
qui pourraient résulter de la concurrence institutionnelle entre le Médiateur
de la République et le Médiateur des enfants. Pour éviter cet écueil, vous
aviez souhaité placer cette nouvelle institution auprès du Médiateur de la
République afin de conforter l'unité de la médiation institutionnelle.
La proposition de loi qui vous est présentée aujourd'hui a tenu compte de vos
inquiétudes. Tout en conservant son indépendance et son autonomie, le Défenseur
des enfants ne concurrence pas le Médiateur de la République, mais complète,
par la spécificité de sa compétence, le rôle de celui-ci.
Il fallait en effet que le Défenseur des enfants soit une entité à part,
clairement identifiable et réservée aux enfants pour que ceux-ci le considèrent
comme un interlocuteur privilégié, créé pour eux et à l'écoute de leurs
préoccupations. C'est pour cette raison que le Défenseur des enfants doit
bénéficier d'un fonctionnement souple et original.
Dans le texte qui vous est soumis, cette institution a vocation à recevoir
l'ensemble des réclamations des mineurs. Mais, lorsque celles-ci mettent en
cause des personnes publiques ou tout organisme investi d'une mission de
service public, le Défenseur des enfants doit les renvoyer au Médiateur de la
République. Cette solution permet aux enfants et à leurs familles de bénéficier
d'un accès direct à la médiature, profitant ainsi de son expérience, et au
Médiateur de la République de conserver l'unité de sa mission.
Institution originale, la spécificité du Défenseur des enfants résulte de
trois caractéristiques.
En premier lieu, les compétences du Défenseur des enfants ont été élargies à
la sphère privée puisque celui-ci peut se saisir des réclamations visant des
personnes physiques ou morales de droit privé.
Dans la cellule familiale, certains droits fondamentaux, comme la liberté
d'expression ou le droit à la dignité des enfants, peuvent être bafoués ;
l'intervention du Défenseur des enfants peut s'avérer alors indispensable.
Les enfants en difficulté placés par l'autorité parentale, administrative ou
judiciaire au sein d'associations de droit privé pourront eux aussi solliciter
l'intervention du Défenseur des enfants. Tous les élèves, notamment ceux des
établissements privés, sont susceptibles de bénéficier de cette extension.
Par ailleurs, les adolescents peuvent être confrontés à des violations de
leurs droits par des employeurs ou des commerçants et, là encore, l'aide du
Défenseur des enfants peut leur être précieuse.
En deuxième lieu, pour lui assurer une meilleure lisibilité, il a été apporté
à cette institution un changement de dénomination : l'appellation de «
Médiateur des enfants », retenue dans la proposition de loi initiale, a été
remplacée par celle de « Défenseur des enfants ».
Ce changement de nom permet de souligner que la nouvelle autorité indépendante
n'aura pas seulement un rôle de médiation : elle assurera aussi la promotion
des droits de l'enfant en organisant des actions d'information sur ces
droits.
Le Défenseur des enfants sera également chargé de proposer des modifications
législatives et réglementaires lorsqu'il apparaîtra que l'application des
textes en vigueur aboutit à des situations inéquitables. Ainsi travaillera-t-il
au plus près des préoccupations des mineurs, dont il deviendra le porte-parole.
L'avantage de cette nouvelle dénomination est qu'elle évite toute confusion
avec le médiateur de la République, préoccupation qui était également, je le
sais, celle de certains d'entre vous.
En troisième lieu, l'indépendance du Défenseur des enfants est consacrée par
son mode de financement. L'Assemblée nationale, par un amendement que j'ai
présenté au nom du Gouvernement, a inscrit dès maintenant dans la loi la
dotation budgétaire allouée au Défenseur des enfants, qui sera imputée sur le
budget du Premier ministre.
La création du Défenseur des enfants doit permettre de renforcer le lien et le
dialogue entre les enfants et les adultes. L'intérêt des enfants n'est pas en
opposition avec celui des adultes, il fait partie tout simplement des droits
attachés à la dignité de la personne humaine.
Je souhaite ardemment que cette institution ait une action forte pour aider
tous les enfants qui souffrent, qui se découragent, qui subissent sans
comprendre, et qu'ainsi il leur soit redonné les moyens de grandir avec
confiance en l'avenir et l'espoir de réussir.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Bonnet,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, madame la ministre, mes chers collègues, voici que nous revient une
proposition de loi qui visait initialement à instituer un Médiateur des
enfants.
Lors du débat en deuxième lecture à l'Assemblée nationale - vous venez, madame
la ministre, de le rappeler - cette proposition de loi a fait l'objet de trois
modifications.
D'abord, à la demande, crois-je savoir, de M. Bernard Stasi, Médiateur de la
République, pour éviter confusion et dévalorisation, le terme de « défenseur »
a été substitué à celui de « médiateur ».
Ensuite, il était prévu des attributions calquées sur celles du Médiateur de
la République, ce qui avait l'aspect d'une redondance et risquait de générer
une redoutable concurrence, dénoncée à l'époque par notre assemblée.
Aujourd'hui, dans le domaine des litiges avec les administrations publiques ou
les collectivités territoriales, les requêtes sont renvoyées pour attribution
au Médiateur de la République et, comme vous venez de le souligner, le champ de
compétences propre du défenseur couvrira les seuls litiges de caractère
privé.
Enfin, rien n'étant prévu sur le plan financier, en dépit des observations
faites par le Sénat en première lecture sur ce point, le Gouvernement a très
heureusement introduit - là encore, vous venez de le rappeler, madame la
ministre - un amendement prévoyant que les crédits nécessaires à
l'accomplissement de la mission du Défenseur des enfants seraient inscrits dans
le budget du Premier ministre.
Ces aménagements aidant - que l'on doit aux vertus du bicamérisme et qui sont
loin d'être négligeables - l'une des idées-forces de l'Assemblée nationale lors
de la deuxième lecture à laquelle elle a procédé a été de gommer toute
référence à la loi de base de 1973 instituant un Médiateur de la République,
tout en en reprenant, à la virgule près, les termes, ce qui explique
l'inflation purement apparente de la présente proposition de loi.
Les députés ont voulu marquer par là l'indépendance du défenseur des enfants,
à travers la substitution aux références classiques à un texte de base, celui
de 1973, d'un texte spécifique, substitution qui a pour inconvénient de
surcharger inutilement un texte législatif et, peut-être, d'induire une
confusion dans l'esprit de beaucoup. Mais cet aspect des choses, s'il est
formellement déplorable, peut être tenu, au fond, pour négligeable.
Aussi bien, considérant, certes, qu'à partir d'une louable intention on crée à
certains égards un nouveau « machin » administratif, mais considérant les
aménagements qui sont intervenus par rapport au texte d'origine - « défenseur
», limitation aux seuls litiges privés, prise en compte du financement - et
considérant, de surcroît, le fait que, sur un sujet sensible, s'il était en
droit, et avait même le devoir, de marquer en première lecture certaines
réserves vis-à-vis d'une proposition de loi, le Sénat ne saurait se permettre
de passer, aux yeux d'une opinion conditionnée par les médias, comme
indifférent au sort des enfants, d'autant que les deux assemblées ont toujours
visé le même objectif et que leurs divergences ne portaient que sur les
modalités d'application permettant de l'atteindre.
Dès lors, votre commission, à l'unanimité, vous propose, mes chers collègues,
d'éviter « une guerre de tranchées » et d'adopter conforme le texte qui,
rectifié par rapport à celui de la première lecture, nous revient du
Palais-Bourbon.
Enfin, ultime observation, la proposition de loi organique relative à
l'inéligibilité du médiateur, aujourd'hui défenseur des enfants, a été déclarée
non conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel du fait que le
législateur n'avait pu se prononcer en connaissance de cause, le texte étant
alors en navette. Il faudra, dès lors, une nouvelle proposition de loi
organique en ce sens pour en finir avec cette affaire.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat
avait, en novembre dernier, modifié assez profondément la proposition de loi
instituant un Médiateur des enfants.
La principale préoccupation dans vos rangs, chers collègues de la majorité
sénatoriale, était alors d'éviter que le Médiateur des enfants ne vienne
concurrencer le Médiateur de la République. Certains d'entre vous
s'interrogeaient même sur la nécessité d'une nouvelle autorité indépendante,
qui introduirait la confusion dans l'esprit de nos citoyens.
Avec ma collègue du groupe communiste, j'ai défendu, au contraire, le principe
d'une institution indépendante, collaborant intelligemment avec la médiature et
renvoyant les dossiers qui relevaient manifestement de sa compétence. J'ai
également plaidé pour l'extension de la compétence du Médiateur des enfants à
la sphère privée.
Bon nombre de nos propositions ainsi que celles qu'avait exposées M. Jacques
Pelletier ont été reprises par l'Assemblée nationale.
Je me félicite, aujourd'hui, que M. le rapporteur propose d'adopter conforme
le texte instituant un Défenseur des enfants, et ce à plus d'un titre.
En première lecture, nous avions pu constater que, sur toutes les travées,
nous visions l'objectif défini dans la proposition de loi de M. Fabius, à
savoir mieux protéger les enfants, et que les divergences - M. le rapporteur
vient de le rappeler - ne portaient que sur les modalités concrètes de mise en
oeuvre. Je me réjouis donc de l'accord qui se dessine aujourd'hui.
« Médiateur », « Défenseur », le qualificatif importe peu, même s'il faut bien
reconnaître que le terme de « Défenseur » est peut-être plus facile à
identifier pour les enfants que celui de « Médiateur ».
Je crois que nous faisons aujourd'hui oeuvre utile. Peut-être, d'ailleurs,
serons-nous surpris de l'apport de cette nouvelle institution dans notre
connaissance des problèmes concrets auxquels sont confrontés de nombreux
enfants.
Nous faisons aujourd'hui un acte fort. J'espère que cette nouvelle institution
marquera une évolution de notre appréhension des questions concernant les
enfants.
C'est pourquoi le groupe socialiste votera le texte issu des travaux de
l'Assemblée nationale et accepté à l'unanimité par la commission des lois du
Sénat.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un peu plus de
deux mois après son premier passage au Sénat, la proposition de loi dont
l'initiative appartient au président de l'Assemblée nationale et qui tend à
créer un Médiateur des enfants nous revient en deuxième lecture.
C'est, pour les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, un
double motif de satisfaction.
D'abord, cette accélération de la procédure législative témoigne de
l'attention particulière accordée par le Gouvernement et l'ensemble des
parlementaires aux droits des enfants.
Celle-ci se vérifie d'ailleurs également avec la proposition de loi que nous
examinerons ensuite et qui vise à renforcer le rôle de l'école dans la
prévention et la détection des mauvais traitements à enfants.
La présente proposition atteste d'une réelle volonté de traduire en actes les
principes énoncés dans la convention internationale des droits de l'enfant,
dite convention de New York, que la France a été l'un des premiers Etats à
ratifier.
Or, j'avais souhaité le souligner lors de la première lecture, si la France
est l'un des pays dans lesquels les droits de l'homme, en général, et les
droits de l'enfant, en particulier, sont assez bien respectés, les réalités de
la vie ne sont pas toujours en adéquation avec les droits proclamés.
La maltraitance, le suicide des jeunes, l'inégalité devant le système éducatif
ou l'inégalité face aux droits aux vacances et aux loisirs sont autant de
questions qui doivent nous prémunir contre toute tentation d'autosatisfaction.
Et la liste n'est certainement pas exhaustive !
Dans ce contexte, où la progression des droits ne va malheureusement pas
toujours de pair avec leur accessibilité, l'institution d'un porte-parole des
enfants paraît particulièrement opportune. Elle est le gage qu'une vigilance
constante sera exercée à cet égard.
C'est pourquoi nous saluons l'effort de consensus qui s'est manifesté à la
commission des lois, sous l'égide du rapporteur, M. Christian Bonnet : plutôt
que - pour reprendre ses termes - de « s'engager dans une guerre de tranchées »
sur les modalités de fonctionnement du « Défenseur » des enfants, il a choisi
de hâter et faciliter la création d'une institution qui, dans son principe,
recueille l'assentiment unanime des groupes.
Si la proposition de loi est adoptée telle qu'elle, ainsi que nous le laisse
espérer l'absence d'amendements, le défenseur des enfants pourra être
rapidement mis en place. Nous espérons que l'annulation par le Conseil
constitutionnel de la proposition de loi organique relative à l'inéligibilité
du Médiateur des enfants ne constituera qu'un bref contretemps.
D'autant que notre souhait de doter le Médiateur des enfants de moyens
effectifs de fonctionnement se trouve en partie satisfait par un amendement
gouvernemental adopté à l'Assemblée nationale. En effet, vous l'avez dit,
madame la ministre, les crédits de fonctionnement du Défenseur des enfants
seront inscrits au budget du Premier ministre, ce qui lui garantit les moyens
de son existence.
Tombe ainsi l'un des arguments avancés ici même en première lecture pour
tenter de justifier un rattachement organique au Médiateur de la République.
Que l'Assemblée nationale ait rétabli l'indépendance organique du Défenseur
des enfants et que la majorité sénatoriale ait bien voulu convenir que cette
solution était la bonne est une deuxième raison de se réjouir.
Les sénateurs communistes avaient vivement combattu l'option de la majorité
sénatoriale en première lecture qui, en rattachant le Médiateur des enfants au
Médiateur de la République, en faisait, en fin de compte, un « mineur sous
tutelle » et vidait ainsi de son sens l'institution.
La création d'une entité propre aux enfants répond au caractère spécifique de
leurs droits, qui ne doivent pas être systématiquement et exclusivement
appréhendés au travers du prisme des adultes ; elle se situe dans la lignée des
conclusions de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur cette
question et du sentiment de la très grande majorité des Français.
L'indépendance du Défenseur des enfants est la condition de sa crédibilité
auprès des principaux intéressés : elle est absolument nécessaire pour qu'il
puisse prétendre relayer leur parole. J'en veux pour preuve l'expérience du
médiateur de l'enseignement, qui n'est saisi qu'exceptionnellement des
réclamations des élèves.
Pour notre part, nous aurions souhaité pousser plus loin cette logique
d'appropriation de l'institution par les enfants, en permettant aux
associations de lycéens, notamment, de lui adresser leurs réclamations. Cette
possibilité, qui correspond pourtant à une pratique citoyenne collective déjà
éprouvée au travers des conseils municipaux des enfants et du Parlement des
enfants, aurait mérité d'être prolongée au niveau du Défenseur des enfants.
Néanmoins, certaines améliorations du texte initial méritent d'être
soulignées.
Nous avons notamment obtenu que les associations reconnues d'utilité publique
puissent saisir le Défenseur des enfants. Est ainsi fort heureusement consacrée
l'action des nombreuses associations nationales et internationales en faveur
des droits de l'enfant. Je pense, en particulier, au réseau d'associations
COFRADE, conseil français des associations pour les droits de l'enfant.
De même, nous nous réjouissons que l'Assemblée nationale ait donné suite à
deux amendements déposés par nos collègues du groupe socialiste du Sénat, qui
rejoignaient d'ailleurs les préoccupations exprimées par M. Pelletier.
Le premier permet désormais au Défenseur des enfants de proposer des mesures
législatives nouvelles, et non plus seulement correctives, tendant à faire
progresser les droits de l'enfant.
Quant au second, il étend la compétence du Médiateur des enfants à la sphère
privée, partant de l'idée que les droits de l'enfant ne sont pas divisibles et
distincts selon qu'ils trouvent à s'exprimer dans la sphère publique ou dans la
sphère privée.
Cette approche nous semble pourtant contredite par la rédaction nouvelle de
l'article 3 dans ses dispositions qui concernent les compétences respectives du
Médiateur des enfants et du Médiateur de la République pour les litiges mettant
en cause des personnes publiques.
Dès lors qu'ils seront « suffisamment sérieux », ces litiges devront être
renvoyés au Médiateur de la République, qui garde ainsi, pour l'essentiel, la
maîtrise des choses.
Au nom du « principe » de l'unité de la médiation institutionnelle -
j'aimerais que l'on m'explique ce qu'il recouvre et quel en est le fondement !
- on sacrifie, par ces modifications de l'article 3, l'unité de la protection
des droits de l'enfant, alors même que l'extension de la compétence du
Défenseur des enfants aux litiges privés lui redonnait toute sa substance.
Cette solution ne nous semble pas opportune. Comme vous le rappeliez à
l'Assemblée nationale, madame la ministre, « le respect des droits fondamentaux
des enfants est un principe universel, et donc indivisible ».
Oter au Défenseur des enfants la possibilité d'instruire les litiges mettant
en cause des personnes publiques ne nous semble pas aller dans le sens de cette
universalité. La rédaction initiale, qui prévoyait une information réciproque
du Médiateur des enfants et du Médiateur de la République, nous semblait de
loin préférable.
Les sénateurs communistes ne sont pas non plus convaincus par l'appellation «
Défenseur des enfants » retenue en deuxième lecture, qui est censée prémunir
contre tout risque de concurrence avec le Médiateur de la République. Sans
vouloir privilégier la forme sur le fond, ce changement de nom ne nous semble
pas correspondre à l'esprit dans lequel a été conçue l'institution.
Dans la dynamique de la convention de New York, la mise en place d'un
médiateur des enfants répond à un changement de perception du statut de
l'enfant. Celui-ci n'est plus seulement un « objet de protection » à qui l'on
octroie le droit d'être défendu par les adultes - étymologiquement, le mot «
enfant » désigne celui qui ne parle pas - mais une personne à part entière,
titulaire en tant que telle de droits et de capacité à les faire respecter. Tel
est l'aspect véritablement révolutionnaire de la convention internationale des
droits de l'enfant.
Or, le mot « défenseur » ne traduit pas cette appréhension « positive » de
l'enfant ; au contraire, il nous semble de nature à faire perdurer cette vision
de l'enfant « objet de droit » plutôt que « sujet de droit ».
On a dit que cette dénomination serait plus parlante, plus compréhensible par
les enfants. Je n'en suis pas convaincue ; je crains, au contraire, avec
d'autres, qu'elle ne soit source de confusion, en assimilant la nouvelle
institution à une sorte de « super-avocat ».
Ces quelques remarques n'altèrent cependant en rien la satisfaction avec
laquelle les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen verront se
mettre en place le Défenseur des enfants.
Dans une interview récente, l'écrivain Alain Serres, à qui l'on doit la
réédition du
Grand Livre des droits de l'enfant,
nous rappelait que «
l'enfant n'a qu'un devoir, celui de connaître ses droits et de savoir que ces
mêmes droits s'appliquent à son semblable ».
L'institution du Défenseur des enfants va dans ce sens, et c'est pourquoi nous
voterons sans hésitation le présent texte.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la
discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du
Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. _ Il est institué un Défenseur des enfants, autorité
indépendante.
« Il est chargé de défendre et de promouvoir les droits de l'enfant consacrés
par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou
approuvé.
« Il reçoit les réclamations individuelles d'enfants mineurs ou de leurs
représentants légaux qui estiment qu'une personne publique ou privée n'a pas
respecté les droits de l'enfant.
« Lorsqu'il a été saisi directement par l'enfant mineur, il peut en informer
son représentant légal.
« Les réclamations peuvent lui être présentées par les associations reconnues
d'utilité publique qui défendent les droits des enfants. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Articles 2, 3, 3 bis et 4
M. le président.
« Art. 2. _ Le Défenseur des enfants est nommé pour six ans par décret en
Conseil des ministres. Il ne peut être mis fin à ses fonctions avant
l'expiration de ce délai qu'en cas d'empêchement constaté dans des conditions
définies par décret en Conseil d'Etat. Son mandat n'est pas renouvelable. »
- (Adopté.)
« Art. 3. _ Lorsqu'une réclamation mettant en cause une administration,
une collectivité publique territoriale ou tout autre organisme investi d'une
mission de service public présente un caractère sérieux, le Défenseur des
enfants la transmet au Médiateur de la République dans les conditions prévues
par une convention conclue entre lui et ce dernier. L'enfant concerné ou ses
représentants légaux sont informés par le Défenseur des enfants du résultat de
ces démarches.
« Lorsqu'une réclamation mettant en cause une personne physique ou une
personne morale de droit privé n'étant pas investie d'une mission de service
public lui paraît justifiée, le Défenseur des enfants fait toutes les
recommandations qui lui paraissent de nature à régler les difficultés dont il
est saisi et recommande à la personne concernée toute solution permettant de
régler en droit ou en équité la situation de l'enfant mineur, auteur de la
réclamation.
« Le Défenseur des enfants peut demander aux personnes physiques et morales de
droit privé n'étant pas investi d'une mission de service public communication
de toute pièce ou dossier concernant la réclamation dont il est saisi. Cette
demande est motivée. Le caractère secret des pièces dont il demande
communication ne peut lui être opposé. En vue d'assurer le respect du secret
professionnel, il veille à ce qu'aucune mention ne permettant l'identification
des personnes dont le nom lui aurait été ainsi révélé ne soit faite dans les
documents publiés sous son autorité.
« Lorsqu'il apparaît au Défenseur des enfants que les conditions de
fonctionnement d'une personne morale de droit public ou de droit privé portent
atteinte aux droits de l'enfant, il peut lui proposer toutes mesures qu'il
estime de nature à remédier à cette situation.
« Il est informé de la suite donnée à ses démarches. A défaut de réponse
satisfaisante dans le délai qu'il a fixé, il peut rendre publiques ses
recommandations. La personne morale ou physique mise en cause peut rendre
publique la réponse faite et, le cas échéant, la décision prise à la suite de
la démarche faite par le Défenseur des enfants.
« Lorsqu'il lui apparaît que l'application des dispositions législatives ou
réglementaires relatives aux droits des enfants aboutit à des situations
inéquitables, il peut proposer les modifications qui lui paraissent
opportunes.
« Il peut également suggérer toute modification de textes législatifs ou
réglementaires visant à garantir un meilleur respect des droits de l'enfant,
notamment en transposant en droit interne les stipulations des engagements
internationaux visés à l'article 1er qui sont dépourvus d'effet direct. »
- (Adopté.)
« Art. 3
bis.
_ Le Défenseur des enfants porte à la connaissance
de l'autorité judiciaire les affaires susceptibles de donner lieu à une mesure
d'assistance éducative telle que prévue par l'article 375 du code civil ou
toutes informations qu'il aurait recueillies à l'occasion de sa saisine par un
mineur impliqué dans une procédure en cours.
« Il informe le président du conseil général compétent des affaires
susceptibles de justifier une intervention du service de l'aide sociale à
l'enfance. »
- (Adopté.)
« Art. 4. _ Le Défenseur des enfants assure la promotion des droits de
l'enfant et organise des actions d'information sur ces droits et leur respect
effectif.
« A l'occasion de la journée nationale des droits de l'enfant, il présente au
Président de la République et au Parlement un rapport annuel dans lequel il
établit le bilan de son activité.
« Ce rapport est publié. »
- (Adopté.)
Article 4 bis
M. le président.
L'article 4
bis
a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Article 8
M. le président.
« Art. 8. _ La réclamation individuelle adressée au Défenseur des enfants
n'interrompt pas les délais de recours devant les juridictions compétentes. »
- (Adopté.)
Articles 9 à 11
(pour coordination)
M. le président.
« Art. 9. - L'article L. 194-1 du code électoral est ainsi rédigé :
«
Art. L. 194-1
. _ Pendant la durée de leurs fonctions, le Médiateur de
la République et le Défenseur des enfants ne peuvent être candidats à un mandat
de conseiller général s'ils n'exerçaient le même mandat antérieurement à leur
nomination. »
- (Adopté.)
« Art. 10. - L'article L. 230-1 du code électoral est ainsi rédigé :
«
Art. L. 230-1
. _ Pendant la durée de leurs fonctions, le Médiateur de
la République et le Défenseur des enfants ne peuvent être candidats à un mandat
de conseiller municipal s'ils n'exerçaient le même mandat antérieurement à leur
nomination. »
- (Adopté.)
« Art. 11. - Le cinquième alinéa de l'article L. 340 du code électoral
est ainsi rédigé :
« Pendant la durée de leurs fonctions, le Médiateur de la République et le
Défenseur des enfants ne peuvent être candidats à un mandat de conseiller
régional s'ils n'exerçaient le même mandat antérieurement à leur nomination.
»
- (Adopté.)
Articles 12, 12
bis
et 12
ter
M. le président.
« Art. 12. _ Dans la limite de ses attributions, le Défenseur des enfants ne
reçoit d'instruction d'aucune autorité.
« Il ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l'occasion
des opinions qu'il émet ou des actes qu'il accomplit dans l'exercice de ses
fonctions.
« Il ne peut intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction ni
remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle, mais a la
faculté de faire des recommandations à la personne morale ou physique mise en
cause.
« Il peut, en outre, en cas d'inexécution d'une décision de justice passée en
force de chose jugée, enjoindre à la personne physique ou morale mise en cause
de s'y conformer dans un délai qu'il fixe. Si cette injonction n'est pas suivie
d'effet, l'inexécution de la décision de justice fait l'objet d'un rapport
spécial publié au
Journal officiel. » - (Adopté.)
« Art. 12
bis
. _ Est puni de six mois d'emprisonnement et de 25
000 francs d'amende le fait, pour toute personne, de faire ou de laisser
figurer le nom du Défenseur des enfants, suivi ou non de l'indication de sa
qualité, dans tout document de propagande ou de publicité, quelle qu'en soit la
nature. »
- (Adopté.)
« Art. 12
ter
. - Les crédits nécessaires à l'accomplissement de la
mission du Défenseur des enfants sont inscrits au budget du Premier ministre.
Les dispositions de la loi du 10 août 1922 relatives au contrôle financier ne
sont pas applicables à leur gestion.
« Le Défenseur des enfants présente ses comptes au contrôle de la Cour des
comptes. »
- (Adopté.)
Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l'objet de
la deuxième lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la
parole à M. Gournac, pour explication de vote.
M. Alain Gournac.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je recevais
hier une classe d'une école de ma commune et, tout en leur montrant le site du
« Sénat junior », je leur expliquais que nous débattrions aujourd'hui d'un
texte qui les concernait au premier chef.
Les dispositions que nous allons adopter sont effectivement de première
importance, puisque c'est une nouvelle pierre qui s'ajoute à l'édifice des
droits des enfants.
Nous partageons tous ici les mêmes aspirations et il serait vain de se lancer
dans une bataille législative sur quelques détails d'organisation alors même
que la création du médiateur ou du défenseur des enfants nécessite une belle
unanimité.
Cela étant dit, je me permettrai de vous adresser à nouveau, madame la
ministre, les mêmes mises en garde que notre excellent rapporteur Christian
Bonnet.
En séparant le Défenseur des enfants du médiateur de la République, ne
prenons-nous pas le risque de créer des confrontations d'intérêts ?
Certes, vous vous êtes voulue rassurante en garantissant l'indépendance du
Défenseur des enfants. Si je comprends la portée symbolique de cette
indépendance, celle-ci n'aura-t-elle pas pour conséquence d'affaiblir le
Défenseur des enfants, alors que nous recherchons exactement l'effet inverse
?
Tout le monde s'accorde à citer l'
Ombudsman
suédois comme modèle
d'excellence en matière de médiation. L'
Ombudsman
souffrirait-il une
autorité indépendante sans être dévalorisé ?
Ma crainte est que, finalement, les deux institutions que sont le Médiateur de
la République et le Défenseur des enfants n'en sortent justement
dévalorisées.
En ce qui concerne l'extension aux litiges d'ordre privé, puisque nous partons
du principe que le pénal en sera exclu, n'y aura-t-il pas une fois encore
risque de conflit de compétence avec le Médiateur de la République ?
Voilà au moins deux questions dont je ne suis pas sûr qu'elles aient été
appréciées à leur juste mesure.
Souhaitons, pour le moins, que ce renforcement symbolique n'ait pas pour
corollaire un affaiblissement en pratique.
Après avoir exprimé ces quelques réserves, mais reconnaissant, ainsi que je
l'ai souligné en début de propos, la convergence de vues en matière de
protection de l'enfance, le groupe du RPR votera bien évidemment cette
proposition de loi.
M. le président.
La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, certaines
dispositions du texte que nous avions examiné en première lecture étaient
difficilement acceptables, notamment le fait que le Défenseur des enfants et le
Médiateur de la République avaient des compétences qui se chevauchaient, ce qui
n'est jamais très bon. Mais l'Assemblée nationale a tenu compte de plusieurs de
nos suggestions et nous a renvoyé un texte qui est, il faut le reconnaître,
tout à fait acceptable.
Le Défenseur des enfants, saisi d'une réclamation concernant un service
public, transmettra celle-ci au Médiateur de la République. Ce dernier
l'étudiera et lui en donnera le résultat. Le Défenseur des enfants, saisi d'une
réclamation concernant un service privé, l'étudiera et s'en chargera lui-même.
Je pense que ce secteur, dans les années qui viennent, devrait monter très vite
en puissance.
Je remercie l'Assemblée nationale qui a fait un pas très important dans la
direction du Sénat, de même que je remercie très vivement notre rapporteur, mon
ami Christian Bonnet, d'avoir fait un pas à son tour vers l'Assemblée nationale
en proposant un vote conforme de la proposition de loi.
Le groupe du Rassemblement démocratique et social européen votera à
l'unanimité ce texte qui permettra à la France de rejoindre le peloton des
nations qui ont instauré cette institution originale devant permettre à nos
jeunes, à nos enfants, de bénéficier de meilleures garanties dans leur vie
quotidienne et de se trouver ainsi mieux protégés.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président.
Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité.
6
MAUVAIS TRAITEMENTS A` ENFANTS
Adoption d'une proposition de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 125,
1999-2000), adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer le rôle de
l'école dans la prévention et la détection des faits de mauvais traitements à
enfants. [Rapport n° 204 (1999-2000.].
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi issue du
Parlement des enfants et débattue en première lecture à l'Assemblée nationale
le 7 décembre dernier vient aujourd'hui en discussion au Sénat.
Ce sont des enfants de la classe de CM1 - CM2 de l'école primaire publique du
Mesnil-sur-Oger dans la Marne qui en sont à l'origine. Ces élèves ont su
décrire avec justesse la douloureuse situation des enfants maltraités, la
difficulté pour les victimes de dire leur souffrance et la complexité de la
détection de la maltraitance pour leur entourage.
La préoccupation exprimée par ces jeunes élèves fait écho aux priorités
retenues par les Français sur les droits fondamentaux des enfants, lors d'un
récent sondage : protéger les enfants contre la violence et l'exploitation
sexuelle ; leur assurer le meilleur état de santé possible ; leur garantir
d'aller à l'école, et d'y réussir.
Je voudrais expliquer en quoi cette proposition de loi des enfants s'inscrit
dans une série de décisions gouvernementales visant à répondre à ces attentes
par un certain nombre d'actions menées au sein du système scolaire.
J'aborderai d'abord la lutte contre les violences sexuelles.
Une de mes priorités, dès mon arrivée au Gouvernement, a été de lutter contre
l'étouffement des affaires de maltraitance et de pédophilie en milieu scolaire
ou d'inceste subi dans la famille et révélé à l'école, lesquelles constituent
les formes les plus graves et les plus destructrices de la maltraitance. Ainsi,
le 26 août 1997, j'ai fait publier une instruction sur les violences sexuelles
qui a rappelé les obligations légales de signalement à l'autorité judiciaire
incombant à tous les fonctionnaires de l'éducation nationale, mais aussi à tout
citoyen face à un enfant en danger, victime d'atteintes sexuelles ou de mauvais
traitements.
Ce texte précise que les personnels de l'éducation nationale ne doivent
pratiquer aucune restriction d'information...
M. Alain Gournac.
Cela, c'est important !
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
... à partir du moment où leur ont été révélées des
accusations précises et circonstanciées. Ainsi a-t-il été affirmé que la parole
de l'enfant doit être respectée et transmise sans altération aux autorités
chargées de les vérifier, c'est-à-dire chargées des enquêtes, et aux services
de protection de l'enfance.
Lorsqu'une affaire de violences sexuelles ou de maltraitance est commise ou
révélée en milieu scolaire - parce que l'école est aussi un formidable lieu de
protection où sont révélées les maltraitances subies en dehors de l'école - les
centres de ressources départementaux sont chargés de mettre en place dans les
établissements scolaires, dès la révélation des faits, des cellules d'écoute et
de soutien constituant un lieu de dialogue où les enfants, les familles et les
enseignants doivent pouvoir s'exprimer, évacuer leurs angoisses et recevoir une
réponse précise et transparente de la part de l'institution scolaire.
Par ailleurs, j'ai créé, au sein de l'administration centrale du ministère de
l'éducation nationale, une mission spécifique de prévention des violences
sexuelles chargée notamment de mesurer l'ampleur de ces phénomènes en milieu
scolaire, de renforcer la formation des personnels pour le repérage et le
traitement de la maltraitance, et de ne laisser aucune affaire sans suivi.
C'est ainsi qu'un stage national a regroupé, en octobre dernier, des équipes
d'établissements des premier et second degrés, comprenant des personnels
d'encadrement, des médecins, des infirmières et des assistantes sociales pour
améliorer le processus de signalement des faits de maltraitance.
Parallèlement, j'ai multiplié la diffusion d'outils de prévention à
destination des élèves.
J'ai fait diffuser à 4 millions d'exemplaires, aux écoliers de CE1, un
document intitulé
Passeport pour le pays de prudence.
Cette opération a
été renouvelée cet automne pour la troisième année consécutive. Il s'agit
d'apprendre aux enfants à respecter leur corps, à se faire respecter, à ne pas
se placer dans des situations à risques, à savoir dire « non » aux manoeuvres
de séduction de certains adultes et à exprimer l'indicible lorsque l'agresseur
est un proche, dans la famille ou dans l'école.
De même, la diffusion de documents pédagogiques dans les collèges tels que
Mon corps, c'est mon corps
ont permis de renforcer la sensibilisation
des adolescents à ce thème douloureux de la maltraitance sexuelle.
Pour les collèges, j'ai fait réaliser des films pédagogiques -
Cet Autre
que moi
et
La violence, parlons-en
- qui sont des outils de dialogue
entre adultes et adolescents pour amener ces derniers à percevoir la souffrance
de la victime, à être conscients aussi des actes d'agressivité, parfois
insconscients, qu'ils font subir aux autres et, là aussi, pour maîtriser la
violence entre élèves.
J'ai enfin décidé, en accord avec les fédérations de parents d'élèves, de
développer l'éducation à la sexualité et à la vie en y consacrant deux heures
obligatoires dans les classes de troisième et de quatrième. Cette éducation
doit promouvoir une culture de responsabilité chez les élèves, fondée sur le
respect de soi-même et des autres, ainsi qu'une information sur la loi qui
protège les victimes et punit les coupables d'agressions sexuelles. Cette
action s'inscrit dans une démarche globale d'éducation à la santé.
Le développement de l'éducation à la santé constitue le deuxième axe
d'action.
Un plan de relance de la santé scolaire a été présenté le 11 mars 1998, en
conseil des ministres. L'éducation à la santé est dorénavant généralisée de
l'école maternelle au collège.
A l'école maternelle, on apprend à l'enfant que son corps n'est pas un jouet.
On apprend à ne pas attenter à la sécurité d'autrui, mais également à se
protéger soi-même. La sensibilisation aux questions d'hygiène et de santé est
désormais intégrée dans les instructions concernant l'école maternelle ainsi
que le droit de l'enfant à voir respecter son intimité.
Au collège, ont été instaurées des séances obligatoires d'éducation à la santé
pendant trente à quarante heures au total, de la sixième à la troisième. Ces
rencontres éducatives sur la santé visent à favoriser un dialogue entre les
élèves mais aussi entre les adultes et les élèves, à développer des attitudes
telles que l'estime de soi, le respect des autres, la solidarité et
l'autonomie, à aider les jeunes à adopter des attitudes de prévention par
rapport aux conduites à risque, à savoir dire « non » à certaines
sollicitations et à apporter une réflexion sur les valeurs, le respect des
normes et le rapport à la loi.
Ces rencontres éducatives mobilisent l'ensemble des personnels de la
communauté éducative. Elles doivent aussi s'appuyer sur la contribution
d'intervenants extérieurs qui peuvent être sollicités dans le cadre des actions
du comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté que chaque collège et
chaque lycée doivent mettre en place. Aujourd'hui, deux collèges sur trois et
deux lycées sur trois ont mis en place un tel comité.
La santé des jeunes constitue le troisième axe de notre action.
Tout d'abord, il convient de rappeler qu'il est prévu aujourd'hui deux visites
médicales périodiques au cours de la scolarité.
La première visite concerne la sixième année : elle est obligatoire et doit
être pratiquée en grande section de maternelle ou, à défaut, en cours
préparatoire.
Un dispositif, mis en oeuvre à titre expérimental dans plusieurs départements,
sera étendu à soixante-dix autres départements à la rentrée de septembre 2000
pour permettre un suivi efficace des difficultés repérées à la suite du bilan
obligatoire de la sixième année.
En effet, actuellement, seuls 30 % des avis donnés aux familles sont suivis
d'effet ; de très nombreuses indications médicales décelées par le système
scolaire ne sont pas prises au sérieux par les familles. Il faut donc non
seulement mettre les familles devant leurs responsabilités, ou au moins les
aider à les assumer, mais aussi assurer un meilleur suivi des problèmes
signalés.
A l'instar de certaines collectivités locales, il faudrait, par exemple,
mettre en place des « accompagnants santé » qui rencontrent les familles sans
les dessaisir complètement de leur responsabilité parentale, parce que ce n'est
pas souhaitable, et qui les aident à accomplir les démarches d'accès aux soins.
Là où un tel système a été mis en oeuvre, le nombre de prises en charge,
c'est-à-dire le suivi des indications de santé données aux élèves, a été
multiplié par trois.
Des partenariats avec la caisse nationale d'assurance maladie peuvent être
développés pour mettre en place ce dispositif.
La seconde visite médicale obligatoire dans le système scolaire concerne les
élèves de troisième. Il s'agit d'un bilan d'orientation effectué à la fin de la
scolarisation au collège.
Si je m'attarde quelque peu sur ces préoccupations relatives à la santé, c'est
d'abord parce que je sais que vous en avez longuement débattu, ensuite parce
qu'elles ont un rapport avec le texte que nous examinons aujourd'hui puisque
les élèves à l'origine de cette proposition de loi ont fortement insisté sur le
suivi médicalisé à l'école. Il est donc important que vous sachiez comment les
pouvoirs publics organisent ce type d'actions avec les fonds publics.
Par ailleurs, tout au long de la scolarité, d'autres examens médicaux peuvent
être effectués, notamment des interventions en urgence sur des enfants et des
adolescents.
Je l'ai indiqué tout à l'heure, 1 400 emplois supplémentaires ont été créés :
300 emplois d'infirmières et 300 emplois d'assistantes sociales l'ont été en
1998.
S'agissant des personnels médicaux, les crédits de vacation de la médecine
scolaire ont été augmentés récemment dans le buget de l'éducation nationale
d'un montant correspondant à 150 emplois à temps plein afin d'encourager
l'articulation entre la médecine de quartier et la médecine scolaire.
De plus, un protocole national définissant l'organisation des soins et des
urgences a été mis au point et diffusé par mes soins dans les établissements
scolaires. Ce protocole, cosigné par le directeur général de la santé, tend à
permettre aux infirmières scolaires de procéder aux soins d'urgence auprès des
élèves. Mais je suis bien consciente qu'il faut encore intensifier nos efforts
pour augmenter le nombre des visites médicales.
J'ajoute qu'il existe des formes de maltraitance qui ne sont pas physiques :
il s'agit de la maltraitance psychologique et de tout ce qui concerne la
privation d'une authentique éducation.
S'agissant de la lutte contre les carences éducatives et la maltraitance
psychologique, je rappelle que le Sénat a pris l'initiative d'une proposition
de loi très importante puisqu'elle permet de lutter contre l'emprise sectaire
sur les enfants, ce qui fait partie intégrante du texte qui nous est
proposé.
En ce qui concerne le renforcement de l'aide apportée aux victimes, je
souligne que, là encore, un certain nombre de mesures ont été prises. Elles
vont dans le sens de la préoccupation exprimée par les enfants dont les
propositions sont à l'origine de ce texte.
Il s'agit, d'abord, du dispositif législatif contre le bizutage, qui fait de
celui-ci un délit. Il s'agit, ensuite, des dispositions relatives à la loi
contre le racket et, enfin, de la mise en place d'un numéro de téléphone
SOS-Violences au sein du ministère. Nous recevons de nombreux appels, ce qui
m'a d'ailleurs conduit à mettre en place un dispositif spécifique d'aide et de
soutien aux victimes, qu'il s'agisse des personnels ou des élèves, en signant
une convention avec l'Institut national d'aide aux victimes et de médiation,
l'INAVEM.
Mais il reste encore du chemin à parcourir. En effet, comme l'a rappelé
l'Observatoire national de l'action sociale, l'ODAS, 83 000 enfants ont été
signalés « en risque » aux services de l'aide sociale à l'enfance. Plus
précisément, environ 19 000 jeunes sont maltraités et, parmi eux, 7 000 ont été
victimes de violences physiques, 5 300 de négligences graves, 1 700 de
violences psychologiques et 5 000 d'abus sexuels.
Je voudrais saluer l'important travail de la commission des affaires
culturelles du Sénat qui a, de façon très complète, recensé les dispositifs
législatifs et réglementaires et les actions entreprises par l'ensemble des
services publics, notamment le ministère de l'éducation nationale, pour lutter
contre la maltraitance.
Vous avez souhaité connaître quelles orientations nouvelles allaient être
données à la politique de relance de la santé scolaire à la suite, notamment,
du rapport des inspections générales.
Les circulaires actuellement en préparation au ministère de l'éducation
nationale sur la redéfinition des missions des infirmières scolaires, des
médecins de l'éducation nationale et des assistantes sociales, insisteront sur
la place essentielle de l'école dans le repérage et le traitement de la
maltraitance, en affirmant que l'école est un lieu de vie et un espace de
parole.
Dans ces projets de textes, que je vous communiquerai, si vous le souhaitez,
un chapitre spécifique sera consacré à l'intervention en urgence auprès
d'enfants ou d'adolescents en danger.
Ils indiqueront la procédure de signalement à mettre en oeuvre et ils
insisteront sur la nécessité de travailler en partenariat pour assurer la
protection des élèves.
A ce titre, je suis donc particulièrement sensible à la modification que
l'Assemblée nationale a apportée au titre de la proposition de loi, puisque le
dispositif vise désormais à renforcer « le rôle de l'école dans la prévention
et la détection des faits de mauvais traitement à enfants ».
Par ailleurs, pour parvenir à une meilleure adéquation des moyens mis en
oeuvre, le ministre de l'éducation nationale a préconisé, dans le cadre de la
réforme du collège, l'affectation des infirmières sur des postes fixes. Ce
dispositif permettra, à partir d'une affectation en collège, aux mêmes
personnels de suivre les élèves tout au long de leur scolarité et d'assurer
l'articulation entre les premier et second degrés.
En outre, l'amélioration de l'accueil, de l'écoute et des soins aux élèves
implique une participation accrue des médecins de ville et des services
hospitaliers. J'encourage tous les partenariats dans ce domaine.
Il est à cet effet prévu de recruter des médecins exerçant à titre libéral,
afin de leur permettre d'assurer à mi-temps des fonctions de médecin associé à
l'éducation nationale. Ce sont cinquante emplois qui, pour commencer, sont
prévus au budget 2000, ce qui équivaut à une centaine de médecins de ville
affectés à mi-temps à l'école.
Parmi les missions plus particulières qui leur seront dévolues, figure
précisément l'intervention auprès des enfants ou des adolescents en danger.
Grâce à ces médecins, le service public de l'éducation devrait également
pouvoir réaliser un bilan de santé à l'entrée en sixième dans les zones
particulièrement difficiles. Cette initiative renforcera l'efficacité du
dispositif de santé scolaire.
J'ai conscience qu'il convient de renforcer davantage la mobilisation des
équipes éducatives en améliorant encore la formation initiale et continue.
Un effort d'information complémentaire et de formation spécifique selon les
fonctions exercées doit être assuré, en particulier sur l'articulation des
différentes institutions responsables de la protection de l'enfance,
c'est-à-dire entre les services de l'aide sociale à l'enfance, le parquet des
mineurs et le juge des enfants.
Je m'y emploie notamment en recommandant des actions de formation communes
entre ces différents personnels, tant il est vrai qu'il importe finalement
qu'ils portent le même regard sur l'enfant et qu'ils s'efforcent de le
préserver des passages successifs d'un service spécialisé à un autre. C'est
ainsi que, d'ores et déjà, une vingtaine d'académies offrent à l'intention des
enseignants du premier degré des stages ouverts également au service de l'aide
sociale à l'enfance et au service du ministère de la justice.
Certains IUFM ont déjà intégré dans leur programme des formations initiales en
matière de lutte contre la maltraitance et il convient de généraliser de tels
modules.
Comme l'ont souhaité les enfants, auteurs de la proposition, un temps
particulier doit être consacré dans les emplois du temps pour sensibiliser les
élèves aux phénomènes de la maltraitance sous toutes ses formes et apprendre à
en parler.
Je crois en effet que les mauvais traitements infligés aux enfants constituent
des thèmes qui passionnent les élèves. Ils peuvent leur permettre de nouer
entre eux des solidarités, d'engager des dialogues constructifs avec les
adultes, en plaçant les enfants face à leurs propres responsabilités et à leurs
comportements agressifs vis-à-vis des autres.
Mais il faut aussi confirmer les parents dans leur rôle éducatif et affectif
pour permettre que l'enfant se sente en sécurité et soit plus à même de faire
face aux agressions possibles. Il convient donc que les actions de prévention
destinées aux enfants soient également transmises aux parents, pour
information, afin que ceux-ci connaissent les efforts que fait l'école et
puissent les relayer.
Il faut donner à ces adolescents - c'est une sensibilisation que j'intègre
pleinement à l'éducation à la sexualité et à la vie - à ces adolescents qui
seront les parents de demain, une éducation à la parentalité, qui est
aujourd'hui totalement absente du système scolaire. Très tôt, les adolescents
doivent s'interroger sur les parents qu'ils seront demain et sur la façon dont,
à leur tour, ils respecteront, ils éduqueront, ils transmettront un certain
nombre de points de repères et de valeurs à leurs propres enfants.
C'est pourquoi j'apporterai mon soutien au texte qui est soumis au Sénat.
Cette proposition de loi s'inscrit parfaitement dans le cadre de la convention
internationale des droits de l'enfant, qui proclame dans son article 19 le
droit des enfants à être protégés contre les mauvais traitements.
Je suis personnellement convaincue que la maltraitance reculera lorsqu'elle
deviendra l'affaire de tous et que, aujourd'hui, nous ferons oeuvre utile.
Je voudrais, avant de terminer, souligner de nouveau le travail tout à fait
remarquable de la commission et de M. le rapporteur.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, du RDSE, de l'Union centriste et du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Léonce Dupont,
rapporteur de la commission des affaires culturelles.
Monsieur le
président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui
chargés d'examiner la proposition de loi adoptée le 7 décembre dernier par
l'Assemblée nationale et visant à renforcer le rôle de l'école dans la
prévention et la détection des faits de mauvais traitements à enfants.
D'entrée de jeu, je voudrais signaler que, sous un intitulé qui se veut
ambitieux, son dispositif est particulièrement modeste. Comme vous le savez, ce
texte est issu des travaux du dernier Parlement des enfants qui est organisé à
l'Assemblée nationale depuis 1994 et qui réunit chaque année des élèves de
classes de cours moyen.
Au printemps dernier, le Sénat avait examiné un texte élaboré selon la même
procédure et qui tendait à inciter au respect des droits de l'enfant, notamment
lors de l'achat des fournitures scolaires : le rapporteur d'alors, M. Philippe
Richert, avait souligné la portée normative des plus réduites de ce texte qui
relevait au mieux d'une simple circultaire.
Nous nous trouvons aujourd'hui dans le même cas de figure et la commission des
affaires culturelles du Sénat tient à exprimer sa perplexité devant le
développement d'une telle pratique qui aboutit en fait à donner force de loi à
des déclarations d'intentions le plus souvent généreuses mais à l'efficacité
douteuse.
Certes, l'objet de la présente proposition de loi, qui a été reprise en bonne
et due forme par notre collègue député Charles-Amédée de Courson, est
particulièrement digne d'intérêt : en effet, en dépit d'un dispositif
législatif et réglementaire très développé, y compris dans l'éducation
nationale, et destiné à détecter et à prévenir les sévices et mauvais
traitements à enfants, le phénomène dramatique de la maltraitance infantile
perdure.
L'institution scolaire est-elle particulièrement adaptée pour dénoncer ces
actes de maltraitance, qui sont très majoritairement commis dans les familles,
alors qu'elle n'est souvent pas en mesure de prévenir les violences qui se
multiplent au sein même des établissements ?
Dans la pratique, seulement 10 % des enfants en danger ou maltraités font
l'objet d'un signalement dans le cadre scolaire et force est de reconnaître que
le dispositif médico-social de l'éducation nationale, dont tout le monde,
notamment votre commission, dénonce régulièrement les carences, ne paraît pas
être en mesure de jouer un rôle très efficace dans la détection et le
signalement des sévices à enfants.
Après ces quelques observations liminaires, je voudrais tenter d'évaluer
l'importance du phénomène de la maltraitance infantile, rappeler l'efficacité
relative du dispositif de détection existant et examiner, enfin, la portée du
texte qui nous est proposé.
Tout d'abord, les maltraitances infantiles sont difficiles à appréhender du
fait d'une véritable loi du silence.
Les seules données existantes depuis 1995 sont celles de l'Observatoire
national de l'action sociale décentralisée sur l'enfance en danger, l'ODAS, qui
avançait le chiffre de 19 000 cas de maltraitance en 1998 : 7 000 violences
physiques, 5 000 abus sexuels, 7 000 négligences graves et violences
psychologiques. D'après les comparaisons internationales, ces chiffres ne
représenteraient que 25 % à 30 % des cas de maltraitance.
Plus inquiétant encore, le nombre de signalements d'enfants en danger est de
l'ordre de 83 000, près de 60 % d'entre eux étant transmis au parquet.
Les études de l'ODAS montrent, en outre, que la maltraitance infantile est
d'abord, dans plus de 90 % des cas, une affaire de famille, les familles
monoparentales et les parents inactifs étant surreprésentés parmi les auteurs
de mauvais traitements.
J'évoquerai maintenant le dispositif mis en place depuis une dizaine d'années
pour lutter contre la maltraitance infantile.
Un an avant la ratification de la convention des Nations unies sur les droits
de l'enfant, la loi dite « Dorlhac » de 1989 a précisé les modalités de
signalement des mauvais traitements ainsi que la mission des conseils généraux
en ce domaine. Cette loi fait obligation aux départements de mettre en place
des dispositifs destinés à recueillir des informations sur les mineurs
maltraités et a créé un service national d'accueil téléphonique, le SNATEM, qui
dispose d'un numéro vert obligatoirement affiché dans tous les lieux
accueillant des enfants. Elle comporte également des dispositions relatives à
la prévention des mauvais traitements et à la formation des professionnels de
l'enfance, y compris les enseignants, et consacre le principe du signalement à
l'autorité judiciaire.
La loi de 1989 est assortie de plusieurs textes d'application tendant
notamment à coordonner l'action des divers ministères concernés en ce
domaine.
J'ajouterai que ce dispositif est complété par des dispositions générales
concernant l'obligation de signalement des mauvais traitements : l'article 40
du code de procédure pénale, l'article 434-3 du même code visant la
non-assistance à mineurs de quinze ans en danger et l'article 45 du code de
déontologie, qui prévoit, dans ce cas, une exception au secret médical pour les
médecins.
Comme vous le savez, l'éducation nationale n'est pas oubliée dans ce
dispositif : la circulaire générale du 24 juin 1991 relative aux missions du
service de la santé scolaire mentionne, à titre incident, le rôle des médecins
et infirmières scolaires en matière de signalement ; la circulaire du 15 mai
1997 sur la prévention des mauvais traitements à l'égard des élèves pose très
clairement le principe d'actions de prévention auprès des élèves, ce qui est
l'objet même de la présente proposition de loi ; enfin, la circulaire du 4
septembre 1997 précise les conséquences d'un non-signalement au procureur de la
République pour les personnels de l'éducation nationale.
J'ajouterai que des rapports récents, comme le rapport Moirin remis au Premier
ministre en 1996, et des campagnes de sensibilisation, comme celle qui avait
été lancée par le gouvernement de M. Alain Juppé en faveur de l'enfance
maltraitée, laquelle a été érigée en « Grande cause nationale 1997 »,
témoignent de la nécessité d'améliorer le dispositif existant.
Ce dispositif apparaît en effet trop peu efficace, en raison sans doute d'une
mauvaise application des textes et des carences du système de santé
scolaire.
En effet, seulement la moitié des repérages d'enfants maltraités proviennent
des « professionnels », dont 10 % de l'éducation nationale : d'après l'ODAS, la
moitié des informations sont transmises à l'aide sociale à l'enfance et donnent
lieu à un signalement ou à une transmission judiciaire, une information sur
trois conduit à un accompagnement social et près de 10 % sont classées sans
suite.
Par ailleurs, les enquêtes révèlent que ce repérage sous-estime et n'anticipe
pas de manière satisfaisante la situation des enfants en danger.
D'après l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée, cette
détection insuffisante résulte des réticences des travailleurs sociaux à saisir
le juge, de l'encombrement de la justice et de la logique de l'action sociale,
qui tient à maintenir le lien de l'enfant avec sa famille.
Plusieurs affaires récentes montrent que les inquiétudes des professionnels de
l'enfance quant aux conséquences d'un signalement ne sont pas sans fondement :
médecins sanctionnés par le conseil de l'Ordre pour avoir établi des
certificats de maltraitance jugés tendancieux dans des procédures de divorce,
procédures de licenciements engagées à l'encontre de travailleurs sociaux pour
avoir brisé le mur du silence...
On peut également estimer que le recours au juge en cas de maltraitance, à la
différence de ce que l'on constate chez nos voisins européens, est sans doute
trop systématique, le nombre de saisines judiciaires ayant augmenté de 20 %
entre 1995 et 1996 ; près de 60 % des signalements ont fait l'objet, en 1997,
d'une saisine du juge, y compris pour les enfants en situation de risque, alors
que la loi de 1989 privilégiait la protection administrative par rapport à la
protection judiciaire.
Votre commission a enfin remarqué que le dispositif d'observation des
maltraitances était inégalement implanté sur le territoire et que des écarts
très importants pouvaient être constatés dans la pratique des signalements
entre départements.
J'évoquerai enfin les carences de notre système de santé scolaire qui relèvent
plus directement de la compétence de votre commission des affaires
culturelles.
J'en rappellerai brièvement les grandes lignes, qui sont fixées par l'article
L. 191 du code de la santé publique et par une circulaire de 1991, vous l'avez
rappelé, madame la ministre : une visite médicale au cours de la sixième année,
un bilan de santé lors de l'entrée au collège « en fonction des besoins
recensés », un bilan de santé dans le cadre de la procédure d'orientation à
l'issue de la scolarité au collège.
L'article L. 149 du même code prévoit, en outre, des consultations et des
actions de prévention pour les enfants de moins de six ans dans le cadre de la
protection maternelle et infantile, la PMI, qui doit transmettre les dossiers
au service de santé scolaire.
Si 95 % des élèves bénéficient du bilan de santé au cours de leur sixième
année, ils ne sont plus que 70 % à bénéficier du bilan d'orientation en fin de
collège. Quant au bilan de santé prévu à l'entrée au collège, il est peu
appliqué.
Dans le meilleur des cas, un élève rencontrera donc trois fois un médecin
scolaire au cours de sa scolarité obligatoire, cette fréquence et la nature du
contrôle apparaissant manifestement inadaptées pour relever des cas de
maltraitance.
Comme vous le savez, madame la ministre, cette organisation de la santé
scolaire a été critiquée l'an dernier dans un rapport de l'inspection générale
des affaires sociales, l'IGAS, et de l'inspection générale de l'administration
de l'éducation nationale, l'IGAEN, lequel dénonce une mauvaise implantation des
emplois d'infirmières au détriment des écoles et de la précocité du dépistage,
un système non ciblé sur les élèves prioritaires et un suivi sanitaire
insuffisant des enfants. Il est notamment proposé, dans ce rapport, la
suppression de certains bilans médicaux, afin de « dégager du temps médical
pour les examens à la demande » ; les médecins scolaires souhaitent, pour leur
part, le maintien du système de contrôle existant.
Je n'insisterai pas longuement sur le caractère sinistré de la médecine
scolaire. Avec moins de 2 000 médecins scolaires, dont 38 % de vacataires, un
médecin est en charge d'environ 6 500 élèves et peut avoir la responsabilité,
dans certains départements, d'un lycée, de trois collèges et de vingt-cinq
écoles primaires et maternelles.
On est donc loin de l'objectif d'un médecin pour 5 000 élèves, qui avait été
fixé en 1989 par l'un de vos prédécesseurs, madame la ministre, un tel objectif
supposant la création de 160 emplois par an pendant six ans.
M. Francis Giraud.
Il faudrait les financer...
M. Jean-Léonce Dupont,
rapporteur.
S'agissant des infirmières scolaires, nous sommes également
loin de l'objectif d'une infirmière par école qui avait été proposé par le
Parlement des enfants à l'Assemblée nationale en 1997 : les quelque 5 500
infirmières de notre système scolaire ont aujourd'hui chacune en charge 2 240
élèves.
Quant aux 2 500 assistantes sociales des lycées et collèges, chacune d'entre
elles a en charge en moyenne 2 300 élèves qui sont répartis parfois sur six
établissements. Ces personnels ont cependant vocation à jouer un rôle important
dans la protection de l'enfance en danger - 4 500 signalements d'enfants
maltraités et 8 800 signalements d'enfants en danger en 1998 - et sont chargés
d'apporter un accompagnement social personnalisé en cas de mauvais
traitements.
Cependant, la pauvreté des moyens matériels qui leur sont alloués ne leur
permet pas d'assurer convenablement leur rôle de prévention, et la
multiplication de leurs tâches, conjuguée à la faiblesse de leur rémunération,
explique la désaffection constatée à l'égard de la fonction dans des académies
difficiles comme celle de la Seine-Saint-Denis.
J'en terminerai avec votre plan de relance de la santé scolaire, que vous avez
annoncé il y a juste deux ans, madame la ministre, et qui a fait naître
beaucoup d'espoirs.
Il prévoyait le développement de l'éducation à la santé au collège, le
renforcement d'actions de prévention, via notamment la création de comités
d'éducation à la santé et à la citoyenneté, un meilleur accès aux soins, une
formation spécifique des personnels et une offre de stages en milieu scolaire
pour les étudiants en médecine générale de troisième cycle. Ce plan a été
accompagné par la création de 1 400 emplois de personnels médico-sociaux dans
les trois dernières lois de finances, privilégiant surtout les infirmières et
les assistantes sociales. Force est de constater que cet effort va en
s'amenuisant, comme en témoigne la loi de finances pour 2000, et qu'il n'a pas
amélioré de manière substantielle le fonctionnement et l'efficacité du système
de santé scolaire.
Au nom de la commission, je voudrais vous demander, madame la ministre, de
bien vouloir fournir au Sénat un bilan précis de ce plan de relance qui
constituait, à l'évidence, un outil non négligeable dans la détection et la
prévention des cas de maltraitance.
Enfin, dans quelle mesure la proposition de loi qui nous est soumise est-elle
susceptible d'améliorer le dispositif de lutte contre la maltraitance infantile
?
Dans sa version initiale, le texte des « élèves députés » instaurait une
visite médicale annuelle pendant toute la durée de la scolarité obligatoire et
prévoyait chaque année, dans les écoles et établissements, une séance
d'information et de sensibilisation sur l'enfance maltraitée, laquelle est
d'ailleurs déjà largement mise en place dans de nombreux établissements.
M. de Courson a repris les termes de ce texte en prévoyant la possibilité
d'organiser plusieurs réunions d'information qui seraient ouvertes non
seulement aux familles, mais aussi aux professionnels intéressés à la
protection de l'enfance.
Il a, en revanche, considéré que le principe d'une visite médicale annuelle
pendant toute la durée de la scolarité obligatoire était irréaliste, qu'une
telle périodicité ne permettrait de déceler ni les abus sexuels ni les
maltraitances psychiques, que son efficacité serait même douteuse pour détecter
les violences physiques et, surtout, que cela conduirait à multiplier par sept
le nombre des médecins scolaires...
L'Assemblée nationale a adopté le texte de la proposition de loi en prenant en
compte les obervations du rapporteur de sa commission.
L'article unique précise ainsi que les visites médicales prévues dans le cadre
de la PMI pour les enfants de moins de six ans et au cours de la sixième année
ont notamment pour objet de prévenir et de détecter les cas d'enfants
maltraités.
Nos collègues députés ont par ailleurs souhaité que la ou les séances
d'information et de sensibilisation sur l'enfance maltraitée soient inscrites
dans l'emploi du temps des élèves, organisées sur l'initiative du chef
d'établissement et associent l'ensemble des personnels de l'équipe
éducative.
Enfin, l'Assemblée nationale a supprimé l'article 2, qui était initialement
destiné à gager la dépense supplémentaire entraînée par l'organisation d'une
visite médicale annuelle.
Quelle appréciation pouvons-nous porter sur l'article unique de la proposition
qui apporte peu de choses par rapport aux dispositions existantes et qui relève
à l'évidence plus de la circulaire que de la loi ?
Comme je vous l'avais rappelé, l'éducation nationale dispose déjà de tous les
textes législatifs et réglementaires permettant de renforcer la prévention et
la détection des mauvais traitements à enfants.
En revanche, l'organisation actuelle et les moyens insuffisants du système de
santé scolaire ne permettent pas, à l'évidence, d'engager une politique
efficace de prévention et de détection de ces maltraitances.
En dépit de la portée normative pour le moins incertaine du texte qui nous est
proposé, mais compte tenu de son objet et du message généreux qui est adressé
au Parlement par ses jeunes rédacteurs, il est apparu difficile à la commission
de proposer au Sénat le rejet pur et simple de cette proposition de loi.
Cette dernière est en effet susceptible d'avoir une certaine valeur
pédagogique pour les élèves et les professionnels en charge de l'enfance
maltraitée.
La commission a cependant exprimé le souhait que l'adoption de cette
proposition de loi par le Sénat soit subordonnée à votre engagement, madame la
ministre, de mener une réflexion approfondie sur la réorganisation du système
de santé scolaire, laquelle n'a été qu'esquissée par votre plan de relance de
1998 et qui pourrait s'inspirer des conclusions du rapport des inspections
générales publié en 1999. Enfin, nous attendons, de votre part, l'engagement
d'accélérer le recrutement des personnels médico-sociaux pour les prochaines
lois de finances afin de prolonger l'effort entrepris en 1998.
Sous ces réserves et compte tenu des réponses à ces questions, la commission
demandera au Sénat d'adopter sans modification la présente proposition de loi.
Nous sommes en effet sensibles au phénomène de la maltraitance en général, à
ses effets immédiats sur les enfants comme aux effets ultérieurs qui se
manifestent parfois dans leur vie d'adulte.
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous
poursuivons cette journée consacrée, pour une bonne partie, à l'amélioration du
sort des enfants.
Il est significatif et lourd de symboles de savoir que la proposition de loi
que nous examinons trouve son origine dans les travaux du Parlement des
enfants. Cela prouve la gravité du phénomène de mauvais traitements faits aux
enfants puisque ceux-ci, pour y avoir été parfois confrontés en tant que
victimes mais plus souvent en tant que témoins impuissants, en ont pris
conscience et le dénoncent.
Comme viennent déjà de le souligner Mme la ministre et M. le rapporteur, ce
type de drame est beaucoup plus fréquent qu'on ne l'imagine, plus
particulièrement dans les familles ébranlées sur le plan psychologique, à la
suite d'une rupture ou d'une recomposition familiale, par exemple, ou sur le
plan social, en raison de conditions d'existence précaires, de chômage, etc.
Les récentes études et statistiques fournies par l'Observatoire décentralisé
de l'action sociale, qui ont déjà été citées, illustrent bien ce phénomène.
Ainsi, si le nombre d'enfants maltraités a légèrement diminué en quelques
années, passant de 20 000 en 1995 à 19 000 en 1998, le nombre d'enfants dits «
à risque » a, pour sa part, augmenté de façon conséquente dans le même temps,
passant de 65 000 à 83 000. Ces chiffres doivent cependant être interprétés
avec la plus grande prudence, car c'est sans doute la prise de conscience aiguë
de l'opinion publique, au cours des dernières années, qui est la cause de
l'augmentation du nombre de signalements d'enfants susceptibles d'être
maltraités. Le nombre d'enfants à risque n'a sans doute pas augmenté de 25 % en
si peu de temps ; simplement, les situations à risque ont fait l'objet d'une
plus grande vigilance de tous.
Le travail effectué depuis dix ans par le Service national d'accueil
téléphonique de l'enfance maltraitée, qui a rendu possible le signalement
téléphonique gratuit des cas de maltraitance d'enfants, a permis d'approfondir
l'investigation dans ce secteur de façon considérable. La loi du 17 juin 1998,
relative notamment à la protection des mineurs victimes de mauvais traitements,
a arrêté le principe du remboursement intégral des soins prodigués aux enfants
maltraités, a fait bénéficier ceux-ci d'une assistance lors des auditions
judiciaires et a défini des conditions de déposition mieux adaptées à leur
situation.
Tout cela a fait progresser les choses, certes, mais c'est encore insuffisant.
La solution, modeste, il est vrai, retenue par les auteurs de la proposition de
loi confiant à l'école une mission spécifique dans la lutte contre les mauvais
traitements aux enfants va dans le bon sens. L'école, que fréquentent
quotidiennement tous les enfants, est un cadre propice aux confidences entre
les enfants mais aussi entre l'enfant et le personnel éducatif ou médico-social
des établissements scolaires.
La proposition de loi va dans la bonne direction en disposant que les visites
médicales obligatoires doivent porter sur la détection des mauvais traitements
que peuvent subir les enfants et en instituant une séance annuelle
d'information sur l'enfance maltraitée, à laquelle participeront l'ensemble des
personnels des établissements et les services publics nationaux et locaux
concernés mais, surtout, les familles et les associations ayant pour objet la
protection de l'enfance. Cela me semble essentiel.
De telles dispositions sont tout à fait d'actualité ; des expériences locales
du même type, inspirées de ce que vous avez voulu instaurer dans l'éducation
nationale, madame la ministre, commencent à voir le jour. Ainsi, dans ma
région, le Nord - Pas-de-Calais, le recteur de Lille est en train de mettre en
place un plan global pour la santé des jeunes, après concertation avec
l'ensemble des partenaires concernés, dont les syndicats de médecins ; ce plan
sera applicable sur la période 2000-2003 et pourra être renouvelé.
L'idée directrice de ce plan est de prendre en compte la santé des enfants
dans sa globalité en appréhendant, notamment, les aspects sociaux et la
prévention. Le renforcement du lien entre la famille et l'école y est prévu,
comme il est prévu dans le dispositif de la proposition de loi dont nous
débattons.
Il est également préconisé, aux termes du plan, de repérer, dès la grande
section de maternelle, les cas de maltraitance.
On peut déjà percevoir, dans nos deux départements du Nord - Pas-de-Calais,
des répercussions directes de ce plan, comme la mise en place d'un poste
d'infirmière dans tous les établissements situés en zone sensible.
Je note avec une grande satisfaction que notre région Nord - Pas-de-Calais
connaît une amélioration très forte du nombre d'infirmières et d'infirmiers
dans les établissements scolaires et manifeste la volonté d'en doter tous les
établissements situés dans les zones sensibles.
J'estime qu'il faudra s'inspirer davantage d'expériences de ce type pour
élaborer une réglementation nationale.
La médecine scolaire ne peut et ne pourra rester à l'écart de notre système de
santé. Nous devrions réfléchir pour l'inscrire dans ce système par un travail
en réseau, en commun tant avec la médecine de ville qu'avec le secteur
hospitalier sans oublier, corollaire indispensable, le secteur social. Je suis
persuadée que le rôle du médecin scolaire, comme celui de l'infirmière scolaire
et de l'assistante sociale, doit évoluer davantage vers une éducation à la
santé et un travail en réseau avec le monde extérieur. Il y a là véritablement
de nouveaux métiers à définir.
La proposition de loi est, certes, modeste mais elle va dans le bons sens et,
au nom du groupe socialiste, je la voterai.
Toutefois, il faudra aller plus loin vers une politique globale de santé en
gardant en mémoire que la prise en charge de la santé des jeunes, de la
maternelle à l'enseignement supérieur, constitue la condition
sine qua
non
de la réussite d'un apprentissage ou de tout parcours scolaire.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition
de loi visant à renforcer le rôle de l'école dans la prévention et la détection
des faits de mauvais traitements à enfants représente une initiative
sympathique ; nous ne reviendrons pas sur la procédure, qui relève d'un certain
mimétisme législatif à valeur pédagogique.
L'objet nous paraît suffisamment grave, à savoir assurer une meilleure
détection de l'enfance maltraitée dans le cadre de l'institution scolaire, pour
apporter des suggestions complémentaires à l'intéressant rapport fait par notre
collègue Jean-Léonce Dupont, au nom de la commission des affaires
culturelles.
Plus précisément sont abordées la prévention et la détection des faits de
mauvais traitement.
La situation actuelle montre que 10 % des enfants en danger font l'objet d'un
signalement dans le cadre de l'institution scolaire. Ce taux peut paraître
faible mais il est néanmoins très important. L'école reste un site de rupture
temporaire de l'enfant avec sa famille où il évolue en tant qu'individu dans
une communauté qu'il n'a pas choisie. Son comportement s'exprimera en fonction
du fardeau qu'il apporte avec lui.
Le dispositif médico-social de l'éducation nationale n'est pas adapté à la
maltraitance, issue souvent du milieu familial. Cela ne signifie pas que
l'école ne soit pas capable de répondre à la souffrance. Mais il est nécessaire
de lui donner les moyens quantitatifs et qualitatifs pour soulager cette
souffrance. Nous rejetons l'idée d'une impuissance de l'institution scolaire
face aux phénomènes de violence car il est possible de repérer ces actes
délictueux avec un oeil autorisé et une écoute bienveillante.
Depuis 1995, l'Observatoire national décentralisé de l'action sociale apporte
des informations sur le nombre d'enfants maltraités, les types de maltraitance
et la pratique du signalement.
En 1998, 19 000 enfants, nous dit-on, ont été victimes de violences.
Pour ma part, j'aimerais insister sur certains aspects du problème tels que
les carences alimentaires chez le jeune enfant ou les troubles de
l'alimentation comme la boulimie et l'anorexie, qui sont en fait des
maltraitances que l'enfant s'inflige.
A ce propos, j'aimerais vous apporter un témoignage : j'ai essayé de trouver
dans le grand Est, dans la région Rhône-Alpes, un établissement pouvant
accueillir des jeunes filles anorexiques en parfait état de réussite scolaire.
Je n'ai trouvé qu'un préfabriqué, dans lequel si le suivi psychologique était
assuré, en revanche, la poursuite des études dans des conditions satisfaisantes
ne l'était pas. Cela nous a paru tout à fait intolérable.
J'évoquerai encore les médications intempestives du jeune enfant pour lequel
on invoque l'agitation et les troubles du sommeil, les carences éducatives,
autre sujet qui nécessiterait un véritable développement tant elles peuvent
être difficiles à dépister car elles cachent parfois une suraffectivité, une
oppression de la famille.
Le dispositif législatif ou réglementaire de répression et de prévention de la
maltraitance nous semble suffisant. Il s'ordonne autour de la loi du 10 juillet
1989, dite loi Dorlhac, qui a pour objet de préciser les modalités de réponse
aux mauvais traitements mais aussi la mission des conseils généraux dans le
domaine de l'enfance en danger. La loi confirme le rôle du président du conseil
général, qui doit être le principal animateur de l'action sociale en faveur de
l'enfance, et fait obligation au département de mettre en place des dispositifs
chargés de recueillir des informations relatives aux mineurs maltraités.
Les dispositions de la proposition de loi concernant les visites médicales
obligatoires sont considérées par certains comme inefficaces. La maltraitance
des enfants est un véritable problème de société. Son approche ne peut être que
pluridisciplinaire et ne peut se résumer à l'étude de symptômes plus ou moins
identifiables au simple examen. Une simple observation somatique ne suffit pas.
Pour l'avoir pratiquée pendant de nombreuses années, je peux vous dire que son
efficacité est nulle sur le sujet qui nous retient.
La sensibilisation à l'enfance maltraitée ne doit pas seulement être
ponctuelle ; elle doit faire partie d'un processus scolaire d'éducation
développé à l'occasion de la transmission de tous les savoirs.
Il serait intéressant d'évaluer l'efficacité des plaquettes d'information et
des séances spécifiques de formation sur les comportements. Là, il y aurait
beaucoup à dire et beaucoup à faire.
Nous ne tomberons pas dans la facilité de vilipender l'organisation de la
médecine scolaire. Nous dirons plutôt qu'elle est inadaptée.
La réforme des études médicales qui nous est annoncée est une occasion à ne
pas manquer et la réaffirmation permanente de l'éducation comme fondement de
notre société devrait nous permettre de diversifier nos actions de prévention
et de lutte contre les égarements des comportements.
Parlons des acteurs. Les infirmières doivent être présentes de façon
permanente dans nos collèges, mais l'accueil et l'écoute des enfants ou des
adolescents, en particulier de ceux qui sont blessés, nécessitent une
compétence et une formation particulières.
Les travailleurs sociaux doivent pouvoir être contactés directement sans qu'il
soit besoin de passer devant le chef d'établissement, qui posera, bien sûr, un
certain nombre de questions. Sachez-le, les victimes d'agressions, d'ordre
sexuel notamment, évitent certaines démarches.
Les difficultés de signalement sont bien connues des travailleurs sociaux. La
formation initiale devra donc insister sur ce point. Nous devrons y réfléchir
lorsque nous traiterons de la réforme des instituts sociaux de formation.
Le travailleur social a besoin d'être sécurisé. Nous souhaitons donc une
évolution rapide des réflexions et l'apparition de propositions issues des
divers groupes de travail qui existent actuellement, en particulier au niveau
de l'association des présidents de conseils généraux, au niveau du ministère de
l'emploi et de la solidarité comme au niveau des organisations
professionnelles.
Il est un autre point sur lequel nous pouvons nous interroger et dont on ne
parle pas, je ne sais pourquoi ; je veux parler du rôle des psychologues
scolaires, cantonnés souvent dans des fonctions d'évaluation et qui, malgré
leur travail en réseau, restent, eux aussi, démunis face à ce problème des
maltraitances.
Pour notre part, nous devons lutter contre l'impuissance et le renoncement en
faisant oeuvre de proposition. Les outils législatifs sont à notre disposition.
Les organisations institutionnelles et le secteur associatif ont pris
conscience de l'ampleur du problème.
Comme vous l'avez dit, nous devons développer un véritable partenariat en
passant des conventions non pas avec la police, la justice, comme cela a été
proposé pour lutter contre les violences scolaires, mais, dans le cas présent,
avec les conseils généraux ; j'ai soumis une proposition en ce sens dans mon
département.
Par leurs compétences, les services de la PMI - protection maternelle et
infantile - et de l'aide sociale à l'enfance doivent développer leur rôle dans
la formation en faveur des assistantes maternelles - je ne suis pas hors sujet
- des auxiliaires des écoles maternelles et des acteurs assurant l'hébergement
et l'accueil de la petite enfance, tant il est vrai que c'est en amont que le
problème se pose. De telles actions existent, certes, mais à un stade encore
trop expérimental, et donc insuffisant.
Le partenariat doit permettre d'établir de véritables relations avec le
service social polyvalent départemental et le service social de l'éducation
nationale au niveau académique, car un cloisonnement est trop souvent à
déplorer à cet égard. Les barrières doivent tomber, et cela d'une manière
générale, pas seulement du fait d'initiatives locales, voire individuelles.
L'information, la formation, les actions de prévention sont à développer. Les
services d'aide sociale à l'enfance, confrontés aux familles d'accueil, doivent
entretenir des rapports reconnus avec les services académiques.
Les collectivités locales, en particulier les communes, y compris de petites
communes, financent les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté,
les fameux RASED, dont quelques bénéficiaires peuvent aussi être des enfants
victimes de maltraitance. Il faut développer ces réseaux et clarifier leur
fonctionnement, car ils participent au dépistage et à la prise en charge
éducative d'enfants éventuellement maltraités.
Le partenariat de l'éducation nationale avec les associations doit se nouer
non pas seulement de façon expérimentale, mais aussi de façon généralisée, par
le biais de la contractualisation.
Les associations issues du Planning familial ont des compétences déléguées
leur permettant de répondre dans l'urgence aux maltraitances sexuelles. Elles
sont même sans doute encore plus habilitées à le faire que les infirmières.
Divers professionnels - travailleurs sociaux, magistrats, avocats, médecins -
ont développé des associations fondées sur les droits de l'enfant et tendant à
favoriser leur accès au droit.
Les associations de prévention du suicide et de protection de l'adolescent
sont des interlocutrices importantes pour l'éducation nationale et pour les
conseils généraux.
Avant de conclure, je tiens à souligner la nécessité de clarifier et de
développer les liens entre les centres médico-psycho-pédagogiques, les centres
d'action médico-sociale précoce et les secteurs pédopsychiatriques. Toutes ces
structures vivent trop souvent dans l'isolement. Cela dit, il faut reconnaître
que, ces derniers mois, les choses ont commencé à bouger à cet égard.
En dépit d'une très incertaine portée normative du texte proposé, mais compte
tenu de son objet et du message généreux qui est adressé au Parlement par les
enfants, le rapporteur a considéré qu'il était difficile de ne pas retenir le
texte de la proposition. Le groupe de l'Union centriste partage son avis. Il a
toutefois surbordonné son acceptation à un engagement de Mme la ministre
déléguée à l'enseignement scolaire de mener une réflexion approfondie sur la
nécessaire réorganisation du système de santé scolaire. Je me permettrai d'y
ajouter la prise en considération des diverses propositions que j'ai humblement
formulées.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Darcos.
M. Xavier Darcos.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis 1995,
les rapports de l'ODAS, l'Observatoire national de l'action sociale
décentralisée, sur l'enfance en danger constituent la principale source
d'information permettant d'évaluer le nombre d'enfants maltraités.
Cela a été rappelé à plusieurs reprises, les chiffres sont élevés puisqu'ils
se situent à près de 20 000 enfants maltraités pour les années 1995, 1996, 1997
et 1998. Si l'on y ajoute les enfants à risque, le total des enfants en danger
atteignait 83 000 en 1998. Et encore faut-il tenir compte, toujours selon
l'ODAS, d'un coefficient de détection et de signalement des maltraitances
plutôt médiocre.
La proposition de loi qui est examinée par le Sénat cet après-midi porte sur
la prévention et la détection des faits de mauvais traitements d'enfants. Mais
la notion de maltraitance est en soi restrictive. Dans son acception première
le verbe « maltraiter » signifie : « traiter avec brutalité ». Dès lors, on
songe à des violences physiques ou psychologiques, à des abus sexuels.
A la notion de maltraitance, je préférerais donc qu'on recourre à celle
d'enfants en danger, qui est plus large. Le danger, c'est tout ce qui compromet
la sécurité, les droits élémentaires de la personne, voire son existence
même.
Ma première observation portera donc sur l'intitulé de cette proposition de
loi qui, à mon sens, devrait viser l'amélioration et la prévention de la
détection non pas d'« enfants maltraités » mais d'« enfants en situation de
danger ». A titre d'exemple, je citerai la malnutrition d'enfants qui est
fréquemment constatée dans nos établissements scolaires : elle ne relève pas
obligatoirement d'un mauvais traitement ; elle est souvent l'expression de
l'indigence qui frappe la famille tout entière, repliée sur son mutisme.
Sera-t-elle exclue du champs de ce texte de loi ?
Ma deuxième observation portera sur l'économie générale de cette proposition
de loi qui contient deux idées essentielles : premièrement, l'instauration,
dans tous les établissements scolaires, d'au moins une séance annuelle
d'information et de sensibilisation sur l'enfance maltraitée ; deuxièmement, le
renforcement du rôle de la médecine scolaire dans la prévention et la détection
des maltraitances.
Tout cela est souhaitable, respectable et nécessaire. Mais force est de
constater que, depuis cinquante ans, l'arsenal législatif ou réglementaire est
déjà lourd dans ces domaines.
Je rappellerai quelques étapes, à la suite de l'excellente synthèse présentée
par Jean-Léonce Dupont, rapporteur de la commission des affaires
culturelles.
Une ordonnance du 18 octobre 1945 avait créé le service d'Etat d'hygiène
scolaire et universitaire, afin de protéger la population scolaire exposée à
des risques de maladies.
Puis le décret du 20 septembre 1956, repris par l'article L. 191 du code de la
santé publique, a prévu que tous les enfants seraient soumis obligatoirement à
une visite médicale au cours de leur sixième année, des examens périodiques
étant effectués ensuite au cours de leur scolarité.
Je mentionnerai encore la loi du 10 juillet 1989 relative à la prévention des
mauvais traitements à l'égard des mineurs ainsi que les nombreux textes pris en
application de cette loi : décret du 9 septembre 1991, circulaire
interministérielle du 3 mai 1995, décret et arrêté du 12 mars 1997.
J'y ajouterai enfin la récente loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et
à la répression des infractions sexuelles et à la protection des mineurs.
Madame la ministre, mes chers collègues, je m'interroge donc sur l'efficacité
d'un nouveau texte qui se borne à affirmer des principes virtuels sur lesquels
nous sommes tous d'accord, alors même que les moyens matériels sont toujours
déficients au regard des objectifs que nous recherchons.
Ce que nous dénonçons aujourd'hui, ce n'est pas seulement l'enfance maltraitée
: c'est aussi l'insuffisance des moyens en personnel, qu'il s'agisse de
médecins, d'infirmières ou d'assistantes sociales. Rappelons les effectifs, qui
sont proprement dérisoires : un médecin pour 6 400 élèves, une infirmière pour
2 240 élèves, une assistante sociale pour 2 370 élèves.
Par ailleurs, le renforcement des actions de prévention ne saurait être
dissocié d'une exigence de formation des personnels, qu'il s'agisse de la
définition des missions des infirmières scolaires ou de la formation des
maîtres, qui, jusqu'à ce jour, acceptent bénévolement, c'est-à-dire souvent en
dehors de leur temps de travail, de se livrer à des activités complémentaires
d'éducation à la santé.
Nous demandons aussi que l'assistante sociale ne soit pas une instance
lointaine.
Quelle action une assistante sociale peut-elle avoir s'il faut passer par
l'intermédiaire de la conciergerie, d'un conseiller principal d'éducation ou
d'un conseiller d'orientation pour obtenir d'elle un rendez-vous quelques jours
ou quelques semaines plus tard ? Outre que la confidentialité n'est ainsi guère
protégée, on peut douter de l'efficacité d'un tel recours.
Le « numéro vert » lui-même, le 119, est-il vraiment affiché partout dans nos
écoles et nos collègues ?
Comment les centres médico-psycho-pédagogiques, les réseaux d'aide spécialisée
aux élèves en difficulté et les acteurs sociaux se concertent-ils ?
Pour en revenir à cette proposition de loi visant à renforcer le rôle de
l'école dans la prévention et la détection des faits de mauvais traitements à
enfants, je crois que la volonté politique doit d'abord se traduire par une
adaptation des moyens matériels à des objectifs que nous faisons tous
nôtres.
A cet égard, il convient de se souvenir du rapport que Mme Odile Moirin,
députée de l'Essonne, avait remis le 1er octobre 1996 au Premier ministre et
qui s'intitulait :
Pour une véritable politique de l'enfance en danger.
Nous retrouvons d'ailleurs ici le terme dont je préconise l'emploi.
N'eût-il pas été préférable de reprendre les propositions que contenait ce
rapport, qui s'ordonnaient autour de quelques priorités, telles que la
formation spécifique obligatoire des enseignants portant sur les signes de
maltraitance, l'instauration d'un statut de l'enfant victime ou même la
création d'un fonds d'indemnisation chargé de prendre en charge la défense de
l'enfant maltraité ?
En effet, le combat que nous devons mener est bien celui de la prévention,
mais il est aussi celui de la défense de l'enfant maltraité, qui ne mérite
guère le sort qui lui est parfois réservé ; il nous faut regarder au-delà des
textes et réfléchir dans le temps à des décisions fortes et suivies pour gagner
ce combat difficile.
C'est une action interministérielle - et non pas relevant strictement de
l'éducation nationale - qui s'impose, et elle exige d'énormes moyens si nous
voulons mettre un terme à des inégalités insupportables.
Car, à l'évidence, il n'existe pas en France de vision d'ensemble sur ce
sujet. L'action est émiettée, intuitive, souvent liée à des volontarismes
locaux ou à des dévouements individuels, et donc disparate. Il faut favoriser
des convergences entre les objectifs de santé et les objectifs éducatifs.
Ne voyez là aucune ironie, madame la ministre, mais nous ne sommes pas ici au
Parlement des enfants. Ce que le Sénat attend aujourd'hui, c'est de connaître
les moyens humains et financiers accordés par les pouvoirs publics pour tendre
à une diminution significative du nombre d'enfants en situation de danger dans
ce pays, nombre qui reste évidemment trop élevé. Nous attendons au moins un
plan pluriannuel explicite et ambitieux, non un évangélisme respectable mais
abstrait.
Il reste, madame la ministre, que ce texte, qui relève d'une intention tout à
fait louable, sera voté par le groupe au nom duquel je m'exprime.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour la
seconde fois en moins d'une année notre commission est saisie d'une proposition
de loi faisant suite aux travaux du Parlement des enfants.
Après nous avoir alertés sur la nécessité de maintenir les liens entre frères
et soeurs - ce qui a conduit à l'adoption de la loi du 30 décembre 1996 - puis
sur la participation de l'enfant orphelin au conseil de famille - ce fut la loi
du 14 mai 1998 - puis sur le respect des droits de l'enfant dans le monde -
loi du 9 juin 1999 - les enfants attirent aujourd'hui notre attention sur
l'enfance maltraitée.
A l'énoncé de ces quelques thèmes, on mesure que la citoyenneté de nos jeunes
compatriotes est loin d'être épuisée et qu'elle s'exerce sur des dossiers d'une
extrême actualité.
Devant la gravité du sujet de la proposition de loi qui nous est soumise, il
nous faut rendre hommage à la vigilance des enfants et nous livrer à l'examen
des causes qui rendent à ce point difficile l'éradication de la violence et de
la maltraitance envers les enfants.
J'ai lu avec beaucoup d'émotion, car cela interpelle les adultes et les
parlementaires que nous sommes, ce que les enfants ont dit à l'appui de leur
proposition : « Des élèves de notre classe ont apporté des articles de journaux
très choquants sur des enfants martyrisés. En nous renseignant davantage, nous
nous sommes aperçus qu'il y en avait beaucoup. Ainsi, nous avons pensé qu'il
fallait faire prendre conscience aux enfants maltraités qu'il faut parler. Pour
que ce sujet ne soit plus tabou, il faut en parler dans les écoles. »
Au-delà des aspects strictement législatifs qui nous occupent ici, la violence
dont sont victimes les enfants, dans sa réalité tant statistique que
psychologique, est d'une appréhension particulièrement complexe.
En dépit des différents dispositifs législatifs et réglementaires existants,
les chiffres restent tragiquement stables.
Sur les causes de la violence et de la maltraitance, je partage largement les
analyses de notre rapporteur, M. Jean-Léonce Dupont.
Parmi les auteurs de la maltraitance, la famille reste la principale
responsable. L'observation révèle également que les familles recomposées et
monoparentales, de plus en plus nombreuses du fait de l'évolution des
structures familiales, sont plus exposées que les autres. La précarité des
familles et des conditions de vie matérielle souvent difficiles ajoutent encore
à la détresse psychologique engendrée par la maltraitance.
Depuis 1989, notre pays s'est doté d'une législation et de textes
réglementaires en vue d'enrayer la maltraitance. La loi du 10 juillet 1989 a
ainsi confirmé les missions du conseil général en matière d'action sociale en
direction de l'enfance et fait obligation aux départements de mettre en place
des dispositifs chargés de recueillir les informations concernant les mineurs
maltraités. Elle prévoit en outre des actions de prévention et de formation en
direction des professionnels de l'enfance, de la justice et de l'éducation.
Force est de constater que ces différents dispositifs se révèlent dans les
faits d'une efficacité insuffisante, et cela pour plusieurs raisons.
La dénonciation de la maltraitance constitue, pour des motifs que l'on peut
aisément cerner, un acte difficile et lourd de conséquences pour les familles.
La judiciarisation qui accompagne la révélation de la maltraitance rend plus
difficile encore la tâche des éducateurs ou des accompagnateurs de l'enfant et
la lenteur de la justice renforce les réticences des adultes à dénoncer le
phénomène.
Selon l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée, le recours
systématique au juge marquerait un recul de l'efficacité du système de
protection de l'enfance.
A côté de la maltraitance à proprement parler, un autre danger menace
l'enfance dans notre pays ; ainsi, en 1998, l'Observatoire national de l'action
sociale, l'ODAS, recensait 64 000 enfants « en situation de risques »,
expression qui vise les enfants dont les conditions d'existence mettent en
danger la santé, la sécurité ou l'éducation.
La solitude des familles et l'absence de relations sociales - autant de maux
que l'on sait engendrés, pour une large part, par la précarité - sont les
principaux facteurs qui expliquent que tant d'enfants soient en situation de
risques. Notre société tout entière doit réagir à cette état de fait qui puise
tout autant son origine dans la crise - divorce, décès, dépression, alcool, et,
surtout, perte d'emploi, près de la moitié des parents qui maltraitent étant
sans emploi - que dans la répétition d'un schéma familial, les enfants
maltraités pouvant devenir, faute de soins, des parents qui maltraitent.
Dans sa version originale, le texte adopté par les élèves comportait deux
mesures applicables à l'école. La première visait à instaurer une visite
médicale annuelle obligatoire pendant toute la durée de la scolarité. La
seconde mesure tendait à organiser chaque année, dans les écoles, collèges et
lycées, une séance d'information et de sensibilisation sur l'enfance
maltraitée.
Tel que modifié par l'Assemblée nationale, le texte que nous examinons prévoit
que les visites médicales des enfants de moins de six ans ont notamment pour
objet de prévenir et de détecter la maltraitance.
De plus, l'Assemblée nationale a renforcé la portée de l'obligation
d'organiser au moins une fois par an une séance d'information et de
sensibilisation sur l'enfance maltraitée.
L'amoindrissement de la portée normative du texte qui nous est proposé résulte
donc bel et bien des amendements qui ont été adoptés.
Organiser une visite médicale annuelle pour tous les enfants scolarisés est
une proposition qui émane des enfants et qui doit attirer toute notre
attention, d'autant que - et je tiens à le dire de manière formelle, madame la
ministre, faute de voir avancer ce dossier - la situation de la médecine
scolaire, même s'il y a des progrès, n'est plus admissible. C'est là un
manquement grave de l'Etat à l'une de ses missions fondamentales.
Comme le rappelle de manière judicieuse M. le rapporteur, l'annonce, dans le
budget de 1999, de la priorité accordée à la création de postes de médecins n'a
pas été suivie d'effets à la hauteur des besoins, puisque seuls dix postes de
médecins scolaires ont été créés. En l'état actuel des choses, les effectifs
permettent d'assurer un taux d'encadrement qui n'est que de un médecin scolaire
pour près de 6 500 élèves, alors que les besoins véritables sont évalués à un
médecin pour 3 000 élèves. On compte une assistante sociale pour 2 370 élèves -
et je n'ose évoquer le nombre de psychologues scolaires !
Le médecin scolaire, qui est chargé de l'interface entre le milieu médical, le
monde scolaire et la famille, peut difficilement, dans une telle situation,
remplir ce rôle pourtant fondamental.
Du côté des infirmières, dont tout le monde s'accorde à reconnaître
l'importance, la situation a été améliorée, madame la ministre, puisque le
budget a créé 110 emplois supplémentaires, mais elle n'en reste pas moins
préoccupante.
Enfin, la notion d'équipe médicale, d'application pourtant indispensable, y
compris pour prévenir et enrayer les risques de maltraitance, est absente, dans
les faits, des établissements scolaires.
C'est parce qu'ils subissent ces manques au quotidien que les enfants ont
élaboré la proposition de loi que nous examinons et c'est d'une certaine
manière détourner leur proposition de son but initial que de l'amputer de l'un
de ses dispositifs essentiels. Ce serait d'ailleurs une singulière manière de
les inciter à poursuivre dans la voie de la citoyenneté ! Cela ne signifie pas
que nous devrons toujours accepter les propositions faites par les enfants,
mais, en l'occurrence, elles sont utiles et raisonnables.
Pour cette raison, nous entendons réintroduire, dans le texte, les
propositions initiales des enfants.
La maltraitance, l'augmentation du nombre d'enfants et de jeunes en situation
de risques sont des problèmes qui peuvent être mieux maîtrisés, pour peu qu'aux
stricts critères de gestion qui prévalent en matière de dépenses publiques on
substitue des critères privilégiant l'intérêt général et public.
Dans une période de reprise de la croissance, on ne peut accepter comme une
fatalité que le qualificatif « sinistré », pour reprendre une expression de M.
le rapporteur, soit accolé à la médecine scolaire.
Enfin, je ne partage pas l'analyse de notre rapporteur lorsqu'il s'interroge
sur sa valeur normative de la présente proposition de loi ; je la partage
d'autant moins que ce sont des amendements qui la diminuent !
Tel était le message des enfants et de leur Parlement ; tel est le message
que, respectueusement, nous nous devons d'entendre.
(Applaudissements sur
les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les
travées socialistes.)
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Je veux apporter quelques éléments de réponse aux
différents intervenants, en particulier à votre rapporteur.
J'avais, vous l'avez noté tout à l'heure, axé une partie importante de mon
intervention sur la politique de santé scolaire car, en prenant connaissance
des travaux de votre commission, j'avais remarqué que vous vous interrogiez
précisément sur sa cohérence et son ampleur.
Sans reprendre, bien évidemment, tous les éléments que j'ai évoqués tout à
l'heure, je préciserai simplement que je ne suis pas d'accord avec vous lorsque
vous dites que la santé scolaire est « sinistrée », d'autant que l'emploi de
mots excessifs porte atteinte à la dignité des personnels, qui donnent beaucoup
de leur temps et sont compétents. Un adjectif aussi négatif ne permet pas de «
positiver » ! Par ailleurs, l'effort engagé par ce gouvernement a été reconnu
de tous : sur trois exercices, il a créé plus de 1 400 emplois, soit autant que
pendant les dix années précédentes. Si la santé scolaire n'a pas le niveau qui
devrait être le sien, sans doute faut-il en chercher la cause au cours des
exercices antérieurs...
Je considère cependant que nous devons faire davantage, et je vous confirme,
monsieur le rapporteur, mon engagement de tout mettre en oeuvre pour que, dans
le prochain exercice budgétaire, un effort supplémentaire soit consenti en
faveur de la médecine scolaire, effort qui est prévu dans le plan que j'ai
présenté en conseil des ministres.
Si cette année, comme vous l'avez noté, le rythme s'est un peu ralenti par
rapport aux deux exercices précédents, c'est parce que l'effort s'est porté sur
la création d'emplois de personnel ATOS et de personnel éducatif. C'est donc à
la suite d'un arbitrage global relatif à l'ensemble des personnels présents
auprès des élèves qu'un certain ralentissement du rythme des créations
d'emplois médico-sociaux a été enregistré. Mais ma volonté politique, je puis
vous rassurer, est de revenir l'année prochaine au rythme de 600 créations
d'emplois d'infirmière et d'assistante sociale par an. Vous connaissez
cependant le fonctionnement gouvernemental et le calendrier des arbitrages : je
ne vous ferai pas l'injure de vous dire que ce chiffre est acquis, puisque nous
n'avons pas encore abordé les procédures budgétaires.
Par ailleurs, c'est bien volontiers que je prends l'engagement de donner des
suites au rapport des deux inspections générales. Je serai d'ailleurs très
prochainement en mesure d'en informer, par écrit, la commission, puisque des
décisions ont déjà été arrêtées, notamment en ce qui concerne l'affectation des
infirmières auprès des chefs d'établissements, la modification, pour les rendre
plus opérationnelles, du ressort géographique de leurs compétences et le retour
sur le « terrain » des infirmières affectées aujourd'hui à des tâches
exclusivement administratives. Je partage en effet le souci exprimé dans le
rapport de répartir de manière équilibrée la ressource humaine sur l'ensemble
du territoire et de la mobiliser là où les élèves en ont le plus besoin.
Je prends donc l'engagement de vous adresser une note écrite faisant le bilan
de l'application des recommandations du rapport des deux inspections générales,
rapport que j'ai moi-même demandé et qui a d'ailleurs suscité quelques
réticences de la part des deux administrations concernées, car, pour la
première fois, l'éducation nationale devait ouvrir ses portes et ses fenêtres à
l'inspection des affaires sociales ! Mais l'objet du rapport était précisément
de croiser les compétences de l'éducation nationale et des affaires
sociales.
Enfin, vous m'avez demandé un bilan du plan de relance que j'ai présenté en
conseil des ministres. Je l'ai fait tout à l'heure devant vous, en évoquant les
principales mesures et en détaillant le contenu et la place de l'éducation à la
santé, notion nouvelle dans l'éducation nationale qu'il a fallu préciser,
calibrer et qui a fait l'objet d'une concertation parfois difficile avec
l'ensemble des partenaires du système scolaire.
En effet, l'éducation à la santé ne concerne pas seulement l'éducation
nationale, même si celle-ci est en première ligne : elle concerne également les
familles, qui doivent assumer leurs responsabilités à l'égard de leurs
enfants.
Je suis respectueuse des compétences de chacun et je souhaite surtout faire en
sorte que l'éducation nationale n'ait pas à se substituer à tous ses
partenaires. Cela me permet, indépendamment des engagements que vous me
demandez et auxquels je souscris bien volontiers, de répondre également à Mme
Luc ainsi qu'à d'autres orateurs qui ont insisté sur le renforcement du rythme
des visites médicales dans le système scolaire.
A mes yeux, la lutte contre la maltraitance des enfants relève non pas
uniquement des personnels de santé mais aussi de tous les adultes de la
communauté éducative, contrairement à la conception qui a trop longtemps
prévalu et qui, bien souvent, est à l'origine du mur du silence qui s'est
installé à l'école.
Je ne pourrais donc pas émettre un avis positif sur votre amendement, madame
Luc. Ma logique, qui est d'ailleurs la logique du rapport des inspections
générales, est de considérer que la communauté scolaire tout entière est
responsable de la lutte contre la maltraitance. En outre, il y a des
maltraitances psychologiques, des maltraitances qui ne se voient pas au cours
d'une visite médicale. L'une des recommandations du rapport vise d'ailleurs à
cibler précisément l'effort médical sur les élèves à risques qui sont signalés
par les personnels éducatifs ou par les enseignants.
Ainsi, en prenant aussi en compte le souci de la bonne gestion des dépenses
publiques, j'ai choisi, bien sûr, d'augmenter le nombre des personnels médicaux
et sociaux dans le système scolaire, mais aussi d'utiliser intelligemment la
ressource humaine en la ciblant sur les élèves à risques. Limiter la lutte
contre la maltraitance aux visites médicales serait en outre le signe d'une
déresponsabilisation de l'ensemble des autres adultes qui composent la
communauté éducative.
C'est la raison pour laquelle je tenais à préciser de nouveau un certain
nombre de points, tout en répondant bien sûr positivement à l'ensemble des
engagements que vous me demandez, en particulier lorsque vous souhaitez que je
vous rende compte de l'application des différents rapports et que je dresse un
bilan sur la relance de la santé scolaire.
(Applaudissements sur les travées
socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. _ Après le titre II du livre II du code de la santé publique, il
est inséré un titre II
bis
ainsi rédigé :
« TITRE II BIS
« PRÉVENTION ET DÉTECTION DES FAITS
DE MAUVAIS TRAITEMENTS À ENFANTS
«
Art. L. 198-1
. _ Les visites médicales effectuées en application du
troisième alinéa (2°) de l'article L. 149 et du deuxième alinéa de l'article L.
191 ont notamment pour objet de prévenir et de détecter les cas d'enfants
maltraités.
«
Art. L. 198-2
. _ Au moins une séance annuelle d'information et de
sensibilisation sur l'enfance maltraitée est inscrite dans l'emploi du temps
des élèves des écoles, des collèges et des lycées.
« Ces séances, organisées à l'initiative des chefs d'établissement, associent
les familles et l'ensemble des personnels, ainsi que les services publics de
l'Etat, les collectivités locales et les associations intéressées à la
protection de l'enfance.
«
Art. L. 198-3
. _ Un décret fixe les conditions d'application du
présent titre. »
Par amendement n° 1, Mme Luc et les membres du groupe communiste républicain
et citoyen proposent de compléter le texte présenté par cet article pour
l'article L. 198-1 du code de la santé publique, par un alinéa ainsi rédigé
:
« Dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi,
les visites médicales prévues en application du troisième alinéa (2°) de
l'article L. 149 et du deuxième alinéa de l'article L. 191 seront organisées
chaque année pendant tout le cours de la scolarité. »
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Comme je l'ai dit au cours de la discussion générale, le texte que nous
examinons se trouve, de fait, amputé à la suite de la suppression d'une
disposition fondamentale, et c'est regrettable.
En effet, dans sa rédaction initiale, le texte émanant du Parlement des
enfants prévoyait la mise en place d'une visite médicale annuelle tout au long
de la scolarité. Certes, cette disposition n'était pas de nature à enrayer à
elle seule le phénomène de la maltraitance, ni même à le prévenir entièrement,
mais elle mettait en valeur le rôle préventif de la médecine scolaire
s'agissant d'un phénomène pour lequel nombre d'instruments se révèlent assez
inadaptés.
Chacun connaît, ici, les insuffisances de la médecine scolaire. Certes, vous
avez amélioré la situation sinistrée que vous avez trouvée à votre arrivée au
ministère, mais pas encore suffisamment.
Cette situation n'est pas acceptable, pas plus que ne l'est cette sorte de
fatalisme qui, année après année, nous conduit à ne pas remédier aux carences
de notre système éducatif du point de vue de la médecine scolaire, du moins à
un niveau satisfaisant car des postes de médecin scolaire et d'assistante
sociale ont été créés.
En outre, le texte proposé par le Parlement des enfants se trouve amputé de
l'une de ses dispositions essentielles non pas parce qu'elle relèverait du
domaine réglementaire mais pour des raisons économiques.
A la fois pour des motifs d'intérêt général et parce qu'il me paraît important
de respecter le souhait exprimé par nos jeunes compatriotes, notre groupe
propose que soit réintroduite dans le texte une visite médicale annuelle pour
les enfants qui ont l'âge de la scolarité obligatoire.
Pour nous donner les moyens d'atteindre cet objectif, dont nous ne
méconnaissons pas l'impact financier, nous proposons d'étaler sa mise en oeuvre
dans le temps en rendant obligatoire cette visite annuelle dans un délai de
cinq ans à compter de la publication de la présente loi.
En adoptant cet amendement, notre Haute Assemblée s'honorerait et marquerait
ainsi son respect pour les travaux du Parlement des enfants.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont,
rapporteur.
Cet amendement reprend la rédaction initiale de l'article 1er
de la proposition de loi, qui tendait notamment à instituer une visite médicale
annuelle tout au long de la scolarité obligatoire. En outre, il prévoit que cet
objectif devrait être atteint dans les cinq ans.
Une telle périodicité avait été écartée par l'Assemblée nationale au motif
qu'elle ne permettrait de déceler ni les abus sexuels ni les maltraitances
psychiques et que son efficacité serait même douteuse pour détecter les
violences physiques. Elle aurait aussi et surtout pour conséquence - selon le
rapporteur de l'Assemblée nationale - de multiplier par sept le nombre des
médecins scolaires.
Tout en étant sensible au souci exprimé par Mme Luc, la commission n'est pas
non plus persuadée que de tels contrôles systématiques, effectués comme ils le
sont aujourd'hui, permettraient de détecter plus efficacement les cas de
maltraitance. En effet, si le nombre de médecins scolaires doit être
progressivement et substantiellement augmenté, ce renforcement de la médecine
scolaire devrait aussi nécessairement s'accompagner d'une remise en cause de
son organisation actuelle afin de la rendre plus efficace.
La commission proposera donc au Sénat, après avoir demandé l'avis du
Gouvernement et, peut-être, obtenu des précisions sur les coûts exacts
qu'engendrerait une telle mesure notamment en termes de création d'emplois, de
rejeter cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué.
Faire des promesses à cinq ans sans pouvoir les
traduire immédiatement en engagements budgétaires, ce serait manquer de respect
aux enfants qui ont déposé une proposition de loi et ce ne serait pas un
service à rendre à leur éducation citoyenne, même si, je le reconnais, il faut
bien sûr continuer à faire un effort en termes de recrutement de personnel
médical et social.
Aussi, tout en comprenant la préoccupation de Mme Luc, je ne peux qu'émettre
un avis défavorable sur cet amendement.
Mme Hélène Luc.
Dans un délai de cinq ans, ce n'est pas exagéré, tout de même !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article additionnel après l'article 1er
M. le président.
Par amendement n° 2, Mme Luc et les membres du groupe communiste républicain
et citoyen proposent d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel
ainsi rédigé :
« I. - Les charges supportées par les départements pour l'application de la
présente loi sont compensées par une majoration de la dotation globale de
fonctionnement.
« II. - Les pertes de recettes et charges supportées par l'Etat pour
l'application de la présente loi sont compensées par une taxe additionnelle aux
droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Madame Luc, cet amendement est-il maintenu ?
Mme Hélène Luc.
Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 2 est retiré.
Article 2
M. le président.
L'article 2 a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la
parole à M. Machet, pour explication de vote.
M. Jacques Machet.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette très
bonne intention relève, selon nous, non pas du domaine législatif mais du
domaine réglementaire. Est-ce le rôle du Parlement d'être le porte-parole d'une
bonne intention ? Cela ne suffit pas !
Cependant, voulue par le Parlement des enfants, cette proposition de loi nous
permet d'affirmer notre volonté de lutter contre la maltraitance des mineurs,
comme Jean-Louis Lorrain l'a dit tout à l'heure, et de mieux la déceler à
l'école. Pour cela, il vous faudra faire, madame la ministre, comme vous l'avez
déjà dit, un réel effort en matière de médecine scolaire, ce que le Sénat
demande depuis des années.
Quoi qu'il en soit, on ne peut être que solidaire d'une telle initiative.
Aussi, les membres du groupe de l'Union centriste et moi-même voterons ce
texte.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Nous voterons bien sûr ce texte, tout en regrettant que notre amendement n'ait
pas été adopté. Cependant, j'ai bien noté, madame la ministre, les efforts que
vous voulez faire pour la médecine scolaire. Je souhaite qu'ils se concrétisent
très rapidement par l'inscription de crédits supplémentaires au budget de
l'éducation nationale.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la propositon de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président.
Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité.
7
NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président.
Je rappelle que la commission des affaires culturelles a proposé une
candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par
l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. André Bohl
membre de la commission nationale de l'informatique et des libertés.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
8
NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION
M. le président.
Je rappelle au Sénat que le groupe communiste républicain et citoyen a
présenté une candidature pour la commission des affaires sociales.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M.
Jean-Yves Autexier membre de la commission des affaires sociales.
9
VENTES VOLONTAIRES DE MEUBLES
PAR NATURE AUX ENCHÈRES PUBLIQUES
Adoption d'un projet de loi
en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi (n°
156, 1999-2000), modifié par l'Assemblée nationale, portant réglementation des
ventes volontaires de meubles par nature aux enchères publiques. [Rapport n°
211 (1999-2000) et avis n° 227 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes de nouveau saisis du projet de loi
portant réforme des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques,
projet que j'avais eu l'honneur de vous présenter et qui a été défendu par Mme
Catherine Trautmann, ma collègue en charge de la culture et de la
communication.
Je me réjouis d'être aujourd'hui au banc des ministres pour la poursuite des
débats, que je souhaite fructueux et constructifs, comme cela a été le cas lors
des précédentes lectures.
Nous savons tous que la réforme du statut des commissaires-priseurs et la
suppression de leur monopole sur le marché des ventes volontaires constituent
des évolutions légitimement attendues.
En effet, il est indispensable de moderniser la profession, pour lui permettre
de faire face aux nouvelles contraintes économiques et culturelles d'un marché
désormais international.
Vous savez que l'ambition du Gouvernement est de restituer aux opérateurs
français la place qui leur revient.
Je relève avec satisfaction que, pour atteindre cet objectif, la volonté
commune n'est pas la libéralisation totale de ce secteur d'activité.
La recherche d'une compétitivité accrue des professionnels français doit
s'accompagner d'exigences déontologiques et de garanties au bénéfice des
consommateurs.
Le dispositif technique retenu dans le projet de loi est largement approuvé et
les divergences qui avaient pu apparaître en première lecture se sont
atténuées, même si, nous le savons, quelques questions restent encore en
suspens.
Je constate ainsi que la commission des lois du Sénat vous propose aujourd'hui
d'adopter en termes identiques de nombreuses dispositions votées par l'Assemblé
nationale, souvent avec le soutien du Gouvernement, et je m'en félicite.
Parmi ces dispositions qui font aujourd'hui l'objet d'un consensus, je pense
notamment à l'article 1er, qui définit le périmètre de la réglementation des
ventes aux enchères quant aux biens. La commission en accepte la qualification
de meubles par nature, à condition que le terme, dans un souci de concision, ne
soit pas repris dans les intitulés de la loi et de son chapitre Ier.
Je voudrais aussi évoquer les dispositions de l'article 2 reconnaissant aux
notaires et aux huissiers de justice la faculté d'organiser et de réaliser des
ventes aux enchères, mais à titre accessoire seulement.
Sur le fond, je crois en effet que la précision n'est pas inutile, car la
vocation première des notaires et des huissiers de justice n'est pas
d'intervenir sur le marché des ventes volontaires aux enchères.
La commission des lois vous propose par ailleurs d'adopter les dispositions de
l'article 3 du projet de loi, qui interdit en principe à la société de vente,
ainsi qu'à ses dirigeants, associés et salariés, de recourir aux enchères pour
vendre leurs propres biens, tout en maintenant la dérogation exceptionnelle que
la Haute Assemblée avait souhaité supprimer en première lecture.
Je suis convaincue que ce choix, qui offre une certaine souplesse, est le
bon.
La commission des lois n'a pas souhaité, en outre, amender, en matière de
prescription décennale, le texte du Gouvernement tel qu'il a été voté par
l'Assemblée nationale.
Je me félicite là aussi de cet accord, qui constitue une avancée très
importante.
De son côté, le Gouvernement entend prendre toute sa part dans la recherche de
solutions consensuelles pour faire progresser le débat.
C'est pourquoi il réservera un accueil favorable à plusieurs amendements de la
commission des lois du Sénat. Il en va tout d'abord ainsi de l'amendement par
lequel celle-ci vous propose d'adopter un article additionnel après l'article
16 prévoyant que le conseil des ventes et la chambre nationale des
commissaires-priseurs assurent conjointement la formation des professionnels
chargés de diriger les ventes.
Il vous est par ailleurs proposé d'amender l'article 8 du projet de loi, qui
autorise la remise en vente de gré à gré des biens après retrait des
enchères.
Sur ce point, le seul souci du Gouvernement était de faire obstacle aux
risques de fraudes, et cet objectif me semble atteint eu égard aux termes de
l'amendement adopté par la commission des lois.
Enfin, la commission des lois du Sénat estime inutile de préciser, à l'article
33, que la procédure de retrait d'agrément diligentée à l'encontre d'un expert
par le conseil des ventes doit être respectueuse du principe du
contradictoire.
Cette exigence est en effet inscrite à l'article 19 du projet de loi,
disposition de portée générale qui traite de la matière disciplinaire dans son
ensemble.
Je souhaite saluer, à la suite de toutes ces remarques, l'esprit de synthèse
de la commission des lois.
Ces évolutions positives ne peuvent cependant masquer les difficultés et les
divergences de vues qui demeurent.
La première de ces difficultés, de taille, il est vrai, porte sur la
réglementation qu'il convient d'appliquer aux ventes aux enchères sur
Internet.
Vous avez souhaité, dès la première lecture, adopter une disposition qui
faisait entrer les ventes aux enchères en ligne dans le champ d'application du
texte de la loi. L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition.
Aujourd'hui, la commission des lois souhaite rétablir un article 2
bis
afin de prévoir explicitement l'application des dispositions du projet de
loi aux ventes aux enchères réalisées à distance, par voie électronique.
Nul ne doit voir, dans le silence du projet de loi initial, l'intention du
Gouvernement d'éluder cette question délicate. Mais il était important, à nos
yeux, de ne pas figer le débat dès la première lecture.
Le Gouvernement, sensible aux préoccupations du Sénat, a confié une mission
d'expertise à un inspecteur général des affaires culturelles et à un avocat
général à la Cour de cassation.
Leur rapport a été remis, il y a quelques jours, à Mme Trautmann ainsi qu'à
moi-même, et leurs conclusions me paraissent de nature à éclairer le débat.
J'en retiendrai deux principales.
Tout d'abord, il apparaît que la plupart des sites de ventes aux enchères
opérant aujourd'hui sur le réseau ne pratiquent pas, en réalité, de véritables
ventes aux enchères. En effet, les opérateurs se contentent en fait de mettre
en relation un vendeur et un acheteur sélectionné après une mise en
concurrence. Ils opèrent donc comme des prestataires de service ou des
intermédiaires qui mettent en relation des parties demeurant libres de conclure
ou non. Or, tel n'est pas le cas, nous le savons, dans une véritable vente aux
enchères puisque les sociétés de vente agissent non comme des intermédaires,
mais comme les mandataires du vendeur.
Ce projet de loi n'a pas vocation
a priori
à s'appliquer à ce type de
transactions, qui ne sont pas de véritables ventes aux enchères.
Tel est le sens de l'amendement visant à créer un article 1er
bis,
que
je soutiendrai au nom du Gouvernement.
Ce rapport révèle aussi que les ventes aux enchères d'objets d'art doivent
s'inscrire dans une sorte d'espace particulièrement sécurisé, dans le souci de
préserver notre patrimoine national et de protéger l'acquéreur, que ce type de
ventes place dans une situation de plus grande vulnérabilité.
C'est pourquoi les garanties prévues par le présent projet de loi devraient, à
mon sens, s'étendre, s'agissant des ventes de biens culturels sur Internet, non
seulement aux enchères
stricto sensu
mais aussi à toutes les formes de
ventes s'y apparentant. Dès lors qu'il s'agit d'oeuvres d'art, elles doivent,
en effet, bénéficier de garanties renforcées.
Ainsi devrions-nous parvenir, je crois, à un dispositif équilibré.
Reste la question de l'indemnisation des commissaires-priseurs et celle des
conséquences économiques liées aux transformations juridiques imposées par la
réforme.
Sur le premier point, comme je l'ai déjà défendu devant la Haute Assemblée, le
Gouvernement estime que le fondement juridique de l'indemnisation se trouve
dans l'atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques qui découle
de l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme.
Je partage l'analyse du doyen Vedel qui considère que le droit de présentation
n'est pas un droit de propriété. En effet, l'agrément du garde des sceaux peut
faire obstacle à l'une des caractéristiques essentielles de ce droit de
propriété.
Sur cette base, le Gouvernement a pris résolument le parti d'indemniser le
préjudice que les commissaires-priseurs subiront du seul fait de la suppression
du monopole pour les ventes volontaires. Le monopole sur l'activité de vente
judiciaire leur est conservé et la continuation de l'activité dans le cadre des
sociétés de ventes volontaires leur est assurée.
J'ajoute que le mécanisme retenu procède également de la volonté du
Gouvernement de ne pas encourir le risque d'une censure de la Cour de justice
des Communautés européennes au titre des aides d'Etat.
Sur le second point, le Gouvernement a soutenu, d'abord au Sénat, puis à
l'Assemblée nationale, que ni les professionnels ni le marché de l'art ne
devaient supporter le coût des transformations juridiques imposées par la
réforme.
En faisant intégralement supporter le financement de l'indemnisation par le
budget de l'Etat, le Gouvernement a exprimé sa volonté de ne pas alourdir les
charges qui pèsent actuellement sur le marché de l'art.
Avec le même objectif d'alléger le coût économique de cette réforme, je me
réjouis que la loi de finances rectificative pour 1999 ait répondu aux
amendements de nature fiscale qui visaient à assurer la neutralité de la
transformation des offices en sociétés à forme commerciale.
Ces mesures, qui n'étaient prévues qu'en faveur des sociétés soumises à
l'impôt sur les sociétés et des entrepreneurs individuels, sont désormais
applicables aux sociétés civiles professionnelles dont les titulaires n'ont pas
opté pour l'impôt sur les sociétés. Elles permettront l'application de
mécanismes de report d'imposition des plus-values dégagées lors des
restructurations des études de commissaires-priseurs.
Les avancées réalisées et celles qui le seront encore doivent beaucoup au
sérieux du travail de la commission des lois et de la commission des
finances.
Je tiens, en conclusion, à rendre un hommage particulier au rapporteur de la
commission des lois, M. Dejoie. Son expérience de parlementaire, ses qualités
de juriste et son dynamisme ont largement contribué à la qualité des débats sur
un sujet aux enjeux considérables. J'espère que cette nouvelle lecture va nous
permettre de progresser dans la voie d'un accord.
(Applaudissements sur les
travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'aministration générale.
Je tiens
tout d'abord à vous remercier, madame la garde des sceaux, des propos très
sympathiques que vous avez prononcés à l'égard du rapporteur. Je ne sais si, en
fin de séance, vous tiendrez les mêmes ! Mais nous verrons bien !
(Sourires.)
Nous sommes réunis dans cette enceinte pour examiner en deuxième lecture le
projet de loi relatif à la réforme de la profession des commissaires-priseurs
pour, dit-on, mettre cette dernière en harmonie avec la réglementation
européenne. « Dit-on » , viens-je de dire. En effet, nous aurions pu tout aussi
bien, sans nous soustraire à la réglementation européenne, nous référer à
l'article 55 du traité de Rome, s'agissant de l'autorité de l'Etat dont une
parcelle appartenait aux commissaires-priseurs dans le cadre des actes
authentiques qu'ils sont amenés à rédiger.
Mais le problème n'est plus là, puisque nous avons accepté la présente
approche. Il s'ensuit la suppression du monopole des commissaires-priseurs,
uniquement pour les ventes volontaires, naturellement. Dorénavant, ce seront
des sociétés de forme commerciale dénommées « sociétés de ventes volontaires de
meubles aux enchères publiques », qui procéderont à ces ventes.
Le Sénat, en première lecture, avait souhaité faciliter l'accomplissement de
la mission de ces professionnels, en simplifiant et en libéralisant
l'organisation des ventes. J'ai le regret de constater que le texte qui nous
revient de l'Assemblée nationale maintient une réglementation à mes yeux trop
stricte. Cette dernière est peut-être inspirée du souci d'assurer la protection
du consommateur. Mais on aurait pu très bien, tout en assurant cette
protection, ne pas aller si loin. Si l'on peut, par exemple, approuver tout à
fait le maintien des garanties traditionnellement offertes au consommateur
français, notamment par la qualification professionnelle des personnes chargées
de réaliser ces opérations - maintien de leur examen et de leur diplôme - il
faut cependant, à mon avis, admettre une plus grande libéralisation de manière
que les sociétés de ventes ne se trouvent point enfermées et contraintes dans
une réglementation trop rigide.
Bien sûr, compte tenu de la suppression du droit de présentation, il y a lieu
d'assurer une juste indemnisation du préjudice ainsi subi par les
commissaires-priseurs.
En première lecture, le Sénat a apporté un certain nombre de modifications à
ce projet de loi, suivant en cela des propositions très généralement conjointes
de la commission des lois, de la commission des affaires culturelles et de la
commission des finances. Ces deux dernières commissions étaient toutes deux
saisies pour avis, et je tiens à remercier encore une fois leurs rapporteurs,
MM. Gouteyron et Gaillard, qui m'ont considérablement aidé, par leur avis, dans
la rédaction de mon propre rapport.
L'Assemblée nationale a adopté conformes plus de la moitié des articles. On
peut donc considérer qu'elle a retenu un certain nombre d'améliorations
techniques proposées par le Sénat.
Néanmoins, s'agissant des points les plus importants signalés tout à l'heure
par Mme la garde des sceaux, elle en est revenue au texte initial du projet de
loi. Très logiquement, la commission des lois proposera donc au Sénat de
rétablir, pour l'essentiel, les dispositions qu'il avait adoptées en première
lecture.
S'agissant tout d'abord de l'organisation des ventes aux enchères sur
Internet, Mme la garde des sceaux vient de nous dire qu'il ne s'agissait
souvent pas de véritables ventes aux enchères publiques. Parfait ! Elles ne
seront donc pas soumises à la loi. Mais il est important d'indiquer que les
ventes aux enchères publiques réalisées par voie électronique - les véritables,
s'entend - doivent être soumises à la loi. En effet, ne rien prévoir aboutit
tout simplement à laisser n'importe qui faire n'importe quoi dans ce
domaine.
Certes, il m'a été dit que le Gouvernement préparait un texte de beaucoup plus
grande ampleur sur ces problèmes d'Internet, et cela ne peut que me satisfaire.
Mais il sera extrêmement simple de modifier la disposition que nous proposons
le jour où des précisions pourront être apportées sur la formulation. Je
proposerai donc que nous revenions au texte adopté par le Sénat en première
lecture.
De même, s'agissant des diverses modalités de ventes - les ventes de gré à
gré, les prix garantis, les avances, etc. - l'Assemblée nationale est revenue à
des contraintes trop importantes. Cela me paraît d'autant plus regrettable que,
adoptées en l'état, ces dispositions poseraient des difficultés d'application
pratiques sans aucun doute très importantes, même si on ne peut les mesurer
exactement.
J'en viens au conseil des ventes. Alors que l'on souhaite libéraliser la
profession, le conseil des ventes apparaît comme un carcan administratif
composé majoritairement, sinon de fonctionnaires, du moins de personnes nommées
par le Gouvernement. Ce n'est plus de la libéralisation !
La commission des lois propose donc d'en revenir à sa proposition formulée en
première lecture : elle souhaite, sans écarter les personnes nommées par le
Gouvernement - je rappelle d'ailleurs que, dans un souci d'efficacité et de
simplification, nous avions voulu les faire nommer uniquement par le garde des
sceaux - que les professionnels soient majoritaires au sein du conseil des
ventes. Selon la proposition de la commission des lois, ce conseil serait
composé, à une personne près, du même nombre de professionnels et de personnes
nommées par le Gouvernement, avec, en plus, un commissaire du Gouvernement.
Voilà qui assure un contrôle très large des sociétés de ventes aux enchères
!
La commission des lois propose que la formation professionnelle puisse être
assurée conjointement par le conseil des ventes et par la Chambre nationale des
commissaires-priseurs, laquelle demeure en matière judiciaire et est donc
particulièrement fondée à s'occuper de cette question. Ce ne peut être qu'une
simplification.
L'Assemblée nationale a écarté une disposition particulière concernant les
ressortissants étrangers qui viennent occasionnellement exercer leur profession
en France. Nous avions prévu que ces personnes, lorsqu'elles commettent des
infractions, subissent les mêmes sanctions que les nationaux. On nous a répondu
que ce n'était pas possible, compte tenu des réglementations européennes, et
que la sanction devait être proportionnée à l'importance de l'infraction. Soit
! Il appartiendra à l'évidence au juge, lorsque l'affaire lui sera soumise, de
proportionner la sanction de telle manière que nous n'encourions pas les
foudres de quelque instance européenne que ce soit. C'est pourquoi il me semble
plus logique que les étrangers ou les nationaux, lorsqu'ils commettent la même
infraction, subissent la même sanction.
L'indemnisation constitue également un point « dur » de notre discussion.
Je ne peux pas laisser dire que nous ne sommes pas en présence d'un droit de
propriété ! J'ai relu au
Journal officiel
l'argumentation de Mme la
garde des sceaux, selon laquelle il ne peut s'agir d'un droit de propriété dans
la mesure où il faut un agrément. Je n'aurai pas l'outrecuidance de rappeler à
la Chancellerie qu'il est mille et un domaines dans lesquels une vente, qu'elle
soit mobilière ou immobilière, nécessite un agrément - parfois ministériel -
sans pour autant que le droit de propriété soit remis en cause ! On a pu
prétendre que l'indemnisation devait être fondée sur le principe de l'égalité
devant les charges publiques, et non sur l'expropriation. Non ! Il s'agit ici
d'un véritable droit de propriété, qui a été constamment reconnu, tant par la
doctrine que par la jurisprudence.
On m'oppose le court rapport du doyen Vedel, qui affirme - sans aucune
argumentation - que tel n'est pas le cas. Je maintiens, moi que c'est un droit
de propriété et que, si l'Etat y porte atteinte - ce qui est son droit - il
faut une juste sinon préalable indemnité, conformément à l'article XVII de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
L'Assemblée nationale, suivant en cela le Gouvernement, a rétabli une
indemnité forfaitaire de 50 % de la valeur de l'office, calculée suivant de
nouvelles dispositions, avec une modulation de plus ou moins 15 %.
Cette indemnisation ne répond pas à l'exigence constitutionnelle que j'ai
rappelée et cette disposition, que l'Assemblée nationale aura vraisemblablement
la latitude de maintenir en dernière analyse, risque sans doute d'encourir
quelque censure une fois que la loi sera adoptée.
Au demeurant, madame la garde des sceaux, permettez-moi une remarque :
aujourd'hui, pour les commissaires-priseurs, c'est 50 % de la valeur de
l'office ; hier, pour les courtiers maritimes qui abandonnaient leur droit de
présentation et leur monopole, c'était 65 %. Je ne voudrais pas parler
d'incohérence gouvernementale, mais j'aimerais bien connaître la justification
de ces deux pourcentages différents pour une même indemnisation, un même droit
de présentation, un même monopole, même s'il s'agit de deux professions
différentes.
Les modalités qui avaient été mises en place par le Sénat pour évaluer
raisonnablement et réellement la valeur du droit de présentation me
paraissaient plus conformes avec la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789 ! C'est d'ailleurs pourquoi, tenant compte du principe de
l'expropriation, nous souhaitons rétablir notre texte et prévoir la compétence
non du Conseil d'Etat mais du juge civil : nous avions ainsi prévu que la cour
d'appel de Paris pourrait être saisie des éventuels litiges, car le juge
judiciaire est toujours compétent en matière d'expropriation. Pourquoi faire
une exception ?
J'ajoute que, pour le calcul de l'indemnisation, on nous propose de retenir
les huit années précédant la promulgation de la loi. Or ce délai n'existe pas
dans la pratique ! C'est pourquoi nous vous proposerons de faire référence aux
cinq dernières années, délai qui nous paraît tout à fait raisonnable : pourquoi
ne pas prévoir, pendant que l'on y est, les quinze ou les vingt années
antérieures ?
Enfin, sur les dispositions fiscales, la commission des lois s'en est remise à
la commission des finances et elle soutiendra les amendements que cette
dernière a déposés.
Voilà, monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues,
les observations qu'il m'était possible de formuler dans le cadre de cette
discussion générale. Sous réserve des amendements qu'elle vous présentera tout
à l'heure, la commission des lois vous propose, mes chers collègues,
d'approuver le présent projet de loi.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants).
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Yann Gaillard,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame le
garde des sceaux, mes chers collègues, si la commission des finances a souhaité
être à nouveau saisie pour avis de ce projet de loi, c'est pour deux raisons :
d'abord, il nous faut faire le point des avancées réelles qui sont intervenues
sur les aspects fiscaux et techniques du texte ; ensuite, avec la commission
des lois, nous vous proposerons à nouveau le système d'indemnisation que nous
avions préconisé en première lecture. Je n'insisterai pas beaucoup sur ce
dernier point, qui a été développé excellemment par le rapporteur de la
commission des lois, notre collègue Luc Dejoie.
Cette nouvelle saisine permet, en outre, d'insister plus généralement sur la
nécessité d'englober la réforme soumise au Parlement dans le cadre d'une
politique d'ensemble du marché de l'art, qu'on ne saurait réduire aux seules
ventes aux enchères même si celles-ci semblent désormais constituer le coeur
même du marché.
Le marché de l'art, c'est d'abord important pour l'économie française tout
entière, et pas seulement pour une poignée de privilégiés : d'abord, parce
qu'il fait vivre un certain nombre de professions connexes - assureurs,
artisans et ouvriers d'art transporteurs - qui représentent environ 40 000
emplois, ensuite et surtout parce qu'il est devenu, comme le montre l'actualité
récente, un secteur stratégique.
Il occupe une position clé par son caractère très médiatique dans un domaine -
les industries du luxe - qui est un des points forts de notre pays dans la
spécialisation internationale.
Faut-il rappeler des événements aussi fondamentaux que la prise de contrôle de
fait de Christie's par M. François Pinault ou l'acquisition par M. Bernard
Arnault, en novembre 1999, de la firme anglaise Phillips, troisième maison de
vente du monde par le chiffre d'affaires - 190,56 millions d'euros - puis, à la
mi-février, de l'étude Tajan, le plus important commissaire-priseur français
avec 71,19 millions d'euros de ventes en 1999 ?
M. René-Georges Laurin.
Ce n'est pas un exemple à suivre !
M. Yann Gaillard,
rapporteur pour avis.
C'est un exemple pour ce qui est de l'importance
des mouvements de capitaux ! Je ne me prononce pas sur les pratiques de telle
ou telle maison, et j'aurai d'ailleurs quelques mots à dire sur Sotheby's et
Christie's dans un instant...
Si les liens entre les industries du luxe et le marché de l'art ne cessent de
se renforcer, on assiste également à des synergies de l'art avec la nouvelle
économie du Net et, sur ce point, je pense que notre éminent collègue M.
Laurin, qui connaît mieux cette affaire que tout le monde, ne pourra que
m'approuver.
Tandis que Sotheby's s'est associée avec Amazon.com, dont la capitalisation
oscille entre 25 milliards et 30 milliards de dollars, et que eBay, valorisée à
17 milliards de dollars pour un chiffre d'affaires semestriel de près de 100
millions de dollars, a acquis en avril 1999 la troisième société de ventes aux
enchères aux Etats-Unis, Butterfield & Butterfield, pour 260 millions de
dollars, les entreprises françaises ne sont pas restées inertes : la holding
personnelle de M. Bernard Arnault, Europaweb, un fonds d'investissement sur
Internet de 500 millions d'euros, a en effet acquis la société française
Aucland, spécialisée dans les ventes sur Internet, et pris notamment des
intérêts dans QXL.com PLC, une autre entreprise d'enchères
on line.
Le succès de l'introduction en bourse de Artprice.com, une société dont le
métier de base est la fourniture de données sur le marché de l'art, est, dans
un contexte marqué par l'envol des valeurs de l'Internet, une autre
illustration du rapprochement entre les marchés du luxe et de l'art, dans la
mesure où M. Bernard Arnault est, depuis octobre 1999, actionnaire à 20 % de
cette entreprise.
De son côté, eBazar, le leader français de la vente aux enchères sur Internet,
possède un potentiel de développement qui lui permet d'espérer pouvoir lever
dès son introduction en bourse, prévue pour juin 2000, entre 300 millions et
600 millions de francs de capitaux, soit plus que les crédits réservés pour
l'indemnisation de la perte par les commissaires-priseurs de leur droit de
présentation.
Ces exemples illustrent la justesse du point de vue de notre Haute Assemblée,
qui souhaite ne pas exclure de cette législation les ventes sur Internet.
Tous ces chiffres démontrent que le marché de l'art participe de cette
nouvelle économie qui, par les masses financières qu'elle concerne, témoigne de
l'entrée dans une nouvelle phase de développement de dimension véritablement
planétaire.
Une autre preuve de l'enjeu est l'importance donnée ce matin dans la presse
économique à la démission des dirigeants de Sotheby's, poursuivis pour entente
par les autorités antitrust américaines.
A cet égard, permettez-moi de rappeler, peut-être sans modestie excessive,
que, dans notre rapport sur le marché de l'art, nous avions indiqué dans une
note en bas de page que, « en dépit d'une compétition acharnée, les deux firmes
Sotheby's et Christie's ont su faire, opportunément, des mouvements dans le
même sens, dès lors qu'il s'agissait de rétablir la rentabilité ». Je pense que
M. Laurin ne contestera pas la justesse de cette observation !
M. René-Georges Laurin.
Ce n'est pas une référence non plus !
M. Yann Gaillard,
rapporteur pour avis.
Voilà le contexte économique, qui est en évolution
si rapide qu'il est apparu opportun à la commission des finances de rappeler,
même en deuxième lecture, la nécessité pour le législateur de ne pas
méconnaître, au-delà des considérations juridiques, deux impératifs essentiels
: d'une part, la modernisation des ventes aux enchères passe par une
indemnisation juste et par des mesures d'accompagnement fiscales favorables aux
restructurations des professionnels français ; d'autre part, le renforcement de
la compétitivité de l'ensemble du marché passe par la création d'un cadre
fiscal et juridique qui ne handicape pas notre pays, notamment Paris, dans une
confrontation désormais mondiale.
Je ne reviendrai pas sur les progrès faits en matière de restructurations,
sinon pour me féliciter de voir que l'Assemblée nationale - et le Gouvernement,
car cette dernière n'aurait rien fait sans son accord - a confirmé la
suppression, préconisée par votre commission des finances et acceptée par la
Haute Assemblée, de la taxe sur les ventes destinée à financer l'indemnisation
des commissaires-priseurs, ainsi que le rappelait très justement Mme la garde
des sceaux tout à l'heure.
Satisfaisante sur le plan des principes, une telle suppression est apparue de
nature à renforcer l'attrait de la France pour les acheteurs, si la taxe avait
été répercutée, ou la compétitivité des opérateurs et, plus généralement, de
notre pays dans le cas où elle aurait été prise en charge par les maisons de
vente aux enchères.
Ensuite, le cas de l'Hôtel Drouot nous préoccupait beaucoup. Sa disparition
aurait privé Paris d'un atout non négligeable, mais le cas a été largement
réglé par un amendement déposé par le Gouvernement en première lecture au
Sénat.
Cet amendement, voté presque conforme par l'Assemblée nationale, tend à
transformer la compagnie des commissaires-priseurs de Paris en société anonyme
pour éviter que sa dissolution entraîne l'exigibilité des impositions
actuellement différées et, par voie de conséquence, le démantèlement de ses
filiales. Certes, Drouot n'est pas sauvé pour autant, mais au moins aura-t-on
évité qu'il ne disparaisse pour des raisons fiscales, avec toutes les
conséquences négatives sur l'emploi que cela pouvait comporter.
Enfin, la loi de finances rectificative pour 1999 a réformé le régime des
apports de l'article 151
octies
du code général des impôts, réglant du
même coup le problème général du maintien des reports d'imposition pour les
sociétés civiles professionnelles, que nous avions tenté de régler pour les
seuls commissaires-priseurs.
Restent certains points de blocage, qui continuent à nous préoccuper :
d'abord, le fondement et l'ampleur de l'indemnisation, sujet sur lequel je
n'ajouterai rien aux propos de notre collègue Luc Dejoie ; ensuite, le problème
de la fiscalisation de cette indemnisation.
L'Assemblée nationale et le Gouvernement paraissent pouvoir s'accommoder du
régime de droit commun des plus-values professionnelles.
Pour corriger un dispositif qui incite, en fait, les commissaires-priseurs à
se retirer de la profession, tant en qualité de professionnels que d'apporteurs
de capitaux, la commission des finances vous propose de prévoir, à l'instar de
ce qu'elle avait proposé en première lecture, un régime fiscal tenant compte de
l'endettement contracté par les commissaires-priseurs pour l'acquisition de
leur charge et exonérant l'indemnité affectée à l'achat de parts ou d'actions
de sociétés de ventes aux enchères, sur le modèle de ce qui est prévu pour les
plus-values immobilières réalisées à la suite d'une expropriation.
Il convient également de jeter un regard économique sur un projet de loi qui,
s'il révèle encore une sorte de « manie réglementeuse » bien française, pour
reprendre une expression que nous avons déjà employée, est maintenant plus
critiquable dans certaines de ses modalités que dans son architecture générale.
M. le rapporteur en a déjà parlé, et je passe donc sur ce point, qui relève
plus de la compétence de la commission des lois que de celle de la commission
des finances.
Après une analyse qui avait été très pessimiste il y a quelques mois, nous
pouvons, aujourd'hui, avoir quelques lueurs d'espoir.
La France, en dépit de sa faible part dans le total des ventes aux enchères
mondiales - entre 5 % et 6 % des transactions d'un montant supérieur à 15 000
euros - pourrait retrouver une place significative sur le marché de l'art.
Certes, il y a peu de chances qu'elle puisse concurrencer New York ou Londres
pour les prix les plus élevés, c'est-à-dire essentiellement pour la peinture
impressionniste, ces deux places ayant accaparé, en 1999, la totalité des
adjudications d'un montant supérieur à 10 millions d'euros.
En revanche, sur la tranche intermédiaire des oeuvres de qualité mais non
exceptionnelles - de 15 000 à 100 000 euros - la France a obtenu, en 1999, une
part de marché de 11 %, ce qui est loin d'être négligeable. De même, sa
position est relativement plus forte sur certains marchés particuliers,
notamment sur ceux pour lesquels elle constitue un réservoir d'oeuvres
important. Ainsi, en matière de peinture ancienne, la France a représenté, en
1999, 14,4 % du marché de la peinture ancienne d'un prix supérieur à 15 000
euros.
Vous voudrez bien m'excuser, mes chers collègues, de parler de ce qui peut
passer pour de l'« épicerie », mais cela compte aussi !
S'il est donc vain d'espérer que la France retrouve sa suprématie d'antan,
dont votre rapporteur pour avis s'est efforcé de montrer dans son rapport n°
330 qu'elle était toute relative, on peut espérer que, par suite des synergies
que je viens de rappeler à l'instant entre industrie du luxe, marché de l'art
et nouvelle économie du Net, notre pays augmente ses parts de marché, sachant
que les Etats-Unis continueront de dominer le marché du fait de la
concentration dans ce pays des collectionneurs les plus fortunés.
Cette relance du marché de l'art français dans son ensemble, c'est-à-dire des
ventes publiques et du négoce, car l'un et l'autre sont étroitement
interdépendants, suppose toutefois un allégement des charges et une plus grande
sécurité des transactions de nature à inciter les grands collectionneurs et les
professionnels étrangers à acheter et à vendre en France.
Vous trouverez dans le rapport écrit un point précis des dossiers bien connus
des différentes charges pesant sur le marché de l'art. De ce point de vue, il
convient tout de même de noter que quelques progrès ont été enregistrés.
En ce qui concerne la TVA à l'importation, on note avec satisfaction que la
Grande-Bretagne se plie désormais à la règle commune et applique le taux réduit
de TVA. Espérons que l'alliance franco-anglaise, l'« Entente cordiale »
reconstituée sur ce point, puisse inciter le Gouvernement à supprimer cette
imposition qui ne rapporte rien à l'Etat - 40 millions de francs - tout en
dissuadant les collectionneurs de mettre en vente leurs biens en Europe, dans
l'ignorance où ils se trouvent de la situation fiscale du futur acquéreur, non
encore connu, au regard de la TVA.
Pour le droit de suite, alors que la négociation paraissait complètement
bloquée sur le plan européen, il semble, d'après certaines informations
officieuses qui m'ont été communiquées, que la Grande-Bretagne pourrait
accepter de se rallier à la directive en préparation sous réserve d'un
relèvement du seuil d'application et d'un plafonnement des droits perçus. Je ne
connais pas encore exactement les termes du compromis, mais l'affaire se
présente un peu moins mal qu'hier.
Reste le droit de reproduction, pour lequel votre rapporteur pour avis a pris
l'initiative du dépôt d'un amendement tendant à supprimer ce qui constitue un
handicap pour les professionnels français, qu'il s'agisse des futures maisons
de vente aux enchères ou des galeries.
Actuellement, les commissaires-priseurs sont, en application de l'article 17
de la loi du 27 mars 1997, exemptés du droit de reproduction que les auteurs
peuvent leur réclamer dès lors que la production ne peut être considérée comme
la « courte citation » prévue par la loi de 1957. Ce régime de faveur n'était
pas applicable aux galeries.
Bien que la société des auteurs des arts graphiques et plastiques, l'ADAGP,
qui se charge des droits de la plupart des artistes, ait annoncé qu'elle
n'entendait pas réclamer à la fois le droit de suite et le droit de
reproduction, il y a là une question de principe.
Dès lors que le droit de suite est applicable à l'oeuvre mise en vente, la
perception du droit de reproduction irait, selon la commission des finances, à
l'encontre des intérêts de l'artiste lui-même qui tirerait profit de
l'augmentation du prix résultant de la possibilité de reproduire l'oeuvre dans
un catalogue de vente ou de son utilisation pour une affiche.
Telles sont les raisons pour lesquelles votre rapporteur pour avis vous
proposera un amendement tendant au maintien du dispositif de l'article 17 de la
loi du 27 mars 1997 et à son extension à l'ensemble du commerce des oeuvres
d'art, sous réserve que l'exemption ne concerne que l'oeuvre effectivement
proposée à la vente.
Mes chers collègues, jusqu'à présent, on pouvait considérer - c'était
l'expression peut-être un peu rapide que je m'étais permis d'utiliser - que la
loi que nous examinons était une « loi Sotheby's ». Il appartient désormais aux
acteurs du marché de l'art de faire en sorte qu'elle devienne - pourquoi pas ?
- une « loi Drouot ». C'est la grâce que je nous souhaite !
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le
projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux
enchères publiques nous revient en deuxième lecture peu après son premier
passage à l'Assemblée nationale, ce qui laisse bon espoir de le voir adopté
définitivement très prochainement.
Cinq ans après la première mise en demeure de la Commission européenne,
faisant suite à la plainte déposée par Sotheby's, il est en effet temps de
mettre fin à cette période de latence et d'incertitude, et de permettre aux
commissaires-priseurs de franchir le pas, en passant d'une situation historique
de monopole à une nouvelle ère de libre concurrence. Il s'agit là d'un exercice
certes difficile, mais auquel les commissaires-priseurs ont d'ores et déjà
commencé de se préparer.
Les contraintes communautaires, mais aussi l'orientation mondiale du marché de
l'art, ses nouvelles règles, ses zones d'influence, sa réactivité plus grande,
sa « globalisation » rendaient nécessaire cette réforme. Aussi cette dernière
doit-elle être perçue comme l'un des moyens privilégiés de la modernisation du
marché de l'art français, qui occupe encore aujourd'hui la troisième place
mondiale, mais ne représente que 7 % des parts de marché.
Cette réforme va de pair avec d'autres dispositions, comme celles qui sont
contenues dans la proposition tendant à protéger les trésors nationaux,
débattue aujourd'hui à l'Assemblée nationale. Toutes deux soulèvent d'ailleurs
les mêmes questions : comment conserver ce qui fait notre spécificité, quelles
règles nationales garder, ou assouplir, dans un contexte mondialisé, sur
quelles garanties bâtir l'avenir ?
Le présent projet de loi comporte à la fois une réforme de la structure de la
profession et un assouplissement important de ses conditions d'exercice.
Il dote les commissaires-priseurs de nouveaux moyens juridiques et économiques
leur permettant de s'adapter au marché. Ce faisant, il maintient de véritables
garanties. Je pense notamment à ce qui fait que la profession de
commissaire-priseur est aujourd'hui mondialement reconnue : l'existence d'une
instance disciplinaire, le sérieux et l'expertise sanctionnés par un
diplôme.
Ces conditions sont maintenues. Je note d'ailleurs que la commission des lois
a prévu une nouvelle disposition concernant la formation ; je la voterai
puisque j'avais déposé un amendement allant dans ce sens lors de la première
lecture.
D'autres garanties, qui viennent encadrer les nouvelles règles commerciales,
font moins l'unanimité de votre côté de l'hémicycle, mes chers collègues de la
majorité sénatoriale. Il s'agit de l'obligation pour une société de vente de
passer un contrat avec un organisme d'assurance, dans le cadre de l'avance
consentie au vendeur et du prix garanti. Je ne peux donc cautionner la solution
préconisée par le Sénat, qui tend à rendre adjudicataire la société de ventes
si le prix garanti n'est pas atteint.
On peut imaginer à quelles opérations financières hasardeuses une telle
exception à l'article 3 du présent projet de loi pourrait donner lieu. Il
s'agit, là encore, de garanties de sérieuses données au vendeur et à
l'acheteur. Elles sont essentielles. Elles donnent l'assurance que le marché de
l'art ne devient pas, avec la disparition, si je puis dire, des
commissaires-priseurs, un marché sauvage, une zone de commerce et d'échanges
ultralibérale sans trop de foi ni surtout de lois.
Toutes ces garanties permettent à la fois d'organiser correctement le
transfert de propriété que constitue une vente aux enchères et de conserver
aussi une certaine dimension symbolique : on n'achète pas une oeuvre d'art
comme on se rend au supermarché ; il existe des lieux, des personnes et des
règles pour cela.
C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai regretté que l'article 2
bis,
que nous avions été nombreux à voter en juin, soit supprimé en première
lecture à l'Assemblée nationale.
Je me réjouis aujourd'hui de l'amendement proposé par le Gouvernement, qui
permet d'encadrer les ventes publiques aux enchères en ligne, et qui n'empêche
d'ailleurs pas une réflexion plus générale sur les échanges commerciaux sur le
réseau électronique.
Dans le même souci de maintenir des garanties dans ce nouvel espace de
liberté, je voterai l'amendement de la commission des lois à l'article 14. Je
comprends mal, en effet, qu'un prestataire de services européen puisse échapper
au droit commun. Cette incrimination, à condition, bien entendu, qu'elle
intervienne dans le respect de la proportionnalité et de l'égalité de
traitement, ne me semble pas contraire à nos engagements ou à la jurisprudence
européenne en la matière.
J'ai le sentiment que, devant l'urgence et la nécessité de la réforme, il nous
est possible de trouver un terrain d'entente.
Nombre d'articles ont été adoptés conformes, diverses dispositions du Sénat
ayant été retenues par l'Assemblée nationale, ce dont M. le rapporteur peut se
féliciter.
Lers articles 43
bis
et 43
ter
sont devenus sans objet après
l'intégration des opérations d'apport dans la loi de finances rectificative
pour 1999 et l'assurance donnée, à l'Assemblée nationale, par Mme la ministre
de la culture que l'indemnisation sera taxée comme une plus-value
professionnelle.
Certains compromis seront peut-être plus difficiles à trouver entre nous, sur
la composition du conseil des ventes ou l'agrément des experts, par exemple.
Mais la véritable pierre d'achoppement, c'est, bien sûr, l'indemnisation, sur
le fondement de laquelle nos positions semblent irréconciliables. Nous
estimons, en effet, qu'il ne s'agit pas d'une expropriation résultant de la
suppression d'un monopole. Le droit de présentation - faut-il le rappeler ? -
ne disparaît pas, mais est limité aux ventes judiciaires, qui vont continuer à
représenter une bonne part de l'activité des commissaires-priseurs, notamment
ceux, comme l'ont dit, de « province ».
L'indemnisation est donc, à mon sens, fondée sur le préjudice subi par les
commissaires-priseurs du fait de la perte de cette partie de leur monopole et
de ce droit de présentation et non du fait de la perte d'un droit de
propriété.
L'indemnisation forfaitaire proposée par le projet de loi permet une
répartition plus égalitaire. Nous ne nous accordons pas non plus,
effectivement, sur le mécanisme de l'indemnisation, une indemnisation
forfaitaire de 50 % avec une marge ajustée à 15 % nous semblant tout à fait
raisonnable.
Mes chers collègues, il me semble important d'insister sur l'urgence de la
réforme. Je pense que, tous, nous en sommes convaincus.
Les principaux intéressés, les commissaires-priseurs, que nous avons pu
rencontrer, sont globalement satisfaits de l'équilibre que dessine le texte. Ce
qui leur importe aujourd'hui, c'est qu'on le mette en oeuvre, et ce
rapidement.
Une tâche difficile les attend ; ils auront à lutter contre une autre forme de
monopole, organisé non pas par l'Etat mais par le marché, à savoir le monopole
détenu par les grandes sociétés de vente. Espérons que le maillage serré des
études ne se distendra pas trop et qu'elles continueront à contribuer à
l'aménagement du territoire et à l'animation de la vie culturelle !
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec cette
deuxième lecture, nous touchons à une vieille institution qui a été établie le
27 ventôse an IX et modifiée le 28 avril 1816. C'est le résultat de l'évolution
des choses, des professions et du maché français de l'art. Mais il s'agit
aussi, comme l'a très bien souligné M. Yann Gaillard aujourd'hui et dans son
rapport écrit fait au nom de la commission des finances, d'éviter que la France
ne soit condamnée pour infraction à la réglementation communautaire.
Nous sommes toujours tentés de défendre notre pré carré, de lutter pour éviter
les changements. Il nous faudrait pourtant considérer que les
commissaires-priseurs français souhaitent peut-être aussi trouver à l'extérieur
des conditions de concurrence égales.
Le marché de l'art souffre de la réglementation de la profession. Mais le
rapporteur pour avis de la commission des finances a évoqué aussi la TVA, le
droit de suite, le droit de reproduction et il propose des solutions.
Nous légiférons aujourd'hui sur une profession strictement réglementée et donc
encadrée par un dispositif non seulement légal mais aussi disciplinaire fort,
qui présentait toutes garanties pour le client et pour le vendeur. Si nous
libéralisons, il nous appartient de faire en sorte que la nouvelle profession
donne toutes garanties de compétences, d'où la formation, mais aussi des
garanties financières importantes. Et tel est l'objet de la nouvelle
organisation qui a été largement adoptée par l'Assemblée nationale, après le
Sénat.
A l'article 11, toutefois, un problème s'est posé en ce qui concerne la
pratique du « prix garanti ».
Par ailleurs, devait-on avoir recours obligatoirement à un établissement
bancaire ou à un organisme d'assurance qui serait adjudicataire ? Il apparaît
nettement que les professionnels des nouvelles sociétés de vente sont en mesure
d'assumer cette responsabilité. Il n'y a donc pas lieu de compliquer encore le
dispositif.
Certaines sociétés de vente pourraient très bien n'avoir recours ni au crédit
bancaire ni aux assurances, ce qui simplifierait le problème car ni les
assureurs ni les compagnies de crédit ne sont destinés à être propriétaires de
tableaux ou de meubles.
J'ajoute, mais je crois que le Gouvernement partage cette préoccupation avec
la commission des lois du Sénat, que des dispositions doivent être prises en
matière de commerce électronique. Les ventes doivent pouvoir se faire sous
forme électronique en toute sécurité ; c'est l'avenir, et déjà un peu le
présent.
Madame la garde des sceaux, le point essentiel sur lequel divergent le
Gouvernement et le Sénat est celui de l'indemnisation. Prétendre que le droit
de présentation n'est pas un droit de propriété, c'est certainement
intéressant, mais, que je sache, le droit de présentation fait partie du
patrimoine du commissaire-priseur. Si un commissaire-priseur décède, le droit
de présentation sera dans les biens de sa succession, puisqu'il a une valeur
patrimoniale.
A partir du moment où ce fait est clairement établi - le cas s'est déjà posé
pour d'autres professions - il faut appliquer strictement l'article XVII de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Il est donc impossible de ne
pas procéder à une indemnisation préalable et juste.
L'indemnisation forfaitaire à 50 % avec une possibilité de marge n'est pas la
bonne solution ; il faut prévoir une indemnisation à la valeur, quitte à ce que
certains, pour ne pas avoir à faire la preuve, acceptent une indemnisation à 50
%.
En cas d'obstination de l'Assemblée nationale et du Gouvernement sur ce point,
il y aurait lieu, pour le principe - parce que c'est un problème grave et
général, qui ne concerne pas seulement les commissaires-priseurs - de faire
vérifier par le Conseil constitutionnel si la position du Sénat est la bonne,
ce dont je suis sûr.
Pour ce qui est du Conseil des ventes, nous souhaitons qu'il soit composé
d'une majorité de professionnels.
Comme je le disais tout à l'heure, il nous faut être vigilants quant à la
disparition du droit de reproduction, car il constitue un handicap par rapport
à d'autres pays.
Pour tous ces motifs, le groupe de l'Union centriste soutient les propositions
de la commission des lois et de la commission des finances. J'espère que le
texte sera voté rapidement, ce qui permettra aux commissaires-priseurs, qui
conservent leurs fonctions judiciaires, et à ces nouvelles sociétés de ventes
de remplir parfaitement leurs missions au service du développement économique
de notre pays.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du
RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous
voici réunis, aujourd'hui, pour examiner en deuxième lecture le projet de loi
portant réglementation des ventes volontaires de meubles par nature aux
enchères publiques.
A l'occasion de la première lecture de ce texte, le 10 juin dernier, Mme
Trautmann avait qualifié mon discours de « pessimiste » et avait tenté d'être
rassurante quant aux effets bénéfiques escomptés de la présente réforme.
J'avoue, madame la garde des sceaux, que la navette parlementaire n'a pas
permis de dissiper toutes mes craintes.
Je pense que mes inquiétudes sont tout aussi sincères et légitimes que sont
louables vos intentions de redonner à la France la place qui était la sienne
voilà une cinquantaine d'années sur le marché de l'art.
Qui pourrait contester un tel objectif ? Personne,
a fortiori
pas les
sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen.
Mais il est normal que, à l'occasion de travaux parlementaires préparatoires à
l'élaboration d'une loi, les élus présentent des observations, voire des
critiques et, surtout soient les relais des remarques émanant des
professionnels concernés au premier chef par les réformes en cours.
Si, comme on nous le répète à l'envi, la profession est prête pour cette
réforme et si elle l'attend depuis plusieurs années, cela ne signifie pas pour
autant qu'elle est prête à tout avaliser sans dire son mot.
N'y aurait-il pas, en l'occurrence, plus d'impatience outre-Atlantique que
chez les commissaires-priseurs français ?
Nombre de parlementaires se sont montrés, au cours des débats en première
lecture, tant à l'Assemblée nationale qu'ici même, très optimistes. J'estime,
pour ma part, qu'il convient de relativiser.
Il ne faut pas oublier, en effet, que la présente réforme a été souhaitée non
par les commissaires-priseurs français, mais par les maisons anglo-saxonnes de
ventes aux enchères - par Sotheby's en particulier - qui attendent ce moment
avec impatience, depuis dix ans maintenant. D'ailleurs, ce projet de loi est
communément appelé « loi Sotheby's ».
Anticipant cette réforme inéluctable - la France étant mise en demeure depuis
1995 par Bruxelles d'adapter sa législation aux contraintes communautaires -
Sotheby's a d'ores et déjà effectué la plus belle vente de château du siècle en
juin dernier. Pour ce faire, elle n'a pas hésité à passer une alliance
stratégique avec deux commissaires-priseurs parisiens.
Sotheby's s'est présentée comme simple prestataire de services desdits
commissaires-priseurs et, grâce à cet artifice juridique, elle a pu réaliser la
vente du château de Groussay, dans les Yvelines.
Sotheby's et Christie's n'hésitent pas non plus, dans la perspective de la
nouvelle réglementation française, à investir massivement. Elles en ont
assurément les moyens. D'ores et déjà, Christie's a étoffé ses équipes et
enrichi son activité de nouveaux départements.
Il apparaît donc clairement que, malgré le savoir-faire français et la longue
tradition française en matière d'art, malgré les richesses entreposées dans nos
greniers, nos commissaires-priseurs risquent d'être fort rapidement démunis
face à ces deux géants anglo-saxons, surtout si l'indemnisation ne leur donne
pas les moyens de riposter.
Pour ma part, il m'est difficile de croire en la philantropie de ces maisons
de ventes...
Il ne faut pas oublier non plus que cette réforme va avoir des conséquences
sur le plan social et que des licenciements sont prévus.
Je me félicite toutefois que les députés aient conservé, malgré l'avis
défavorable du Gouvernement, les dispositions relatives à l'indemnisation des
personnels des offices qui seraient licenciés en raison de l'entrée en vigueur
de la présente loi. En première lecture, notre groupe a participé à l'adoption
de ce dispositif, même si j'aurais préféré que le délai requis soit porté de
deux ans à quatre ans.
Mme Feidt, dans son rapport pour l'Assemblée nationale, constate par ailleurs
que si la spécificité de la réglementation française des ventes publiques a
certainement contribué au déclin des commissaire-priseurs, « la réforme, qui se
traduit par la suppression du monopole sur les ventes volontaires de meubles
aux enchères publiques, va entraîner pour la profession à la fois un préjudice
financier, puisque leur office, désormais limité aux ventes judiciaires, sera
déprécié, et un préjudice lié à la libéralisation du marché des ventes
volontaires ».
Toujours dans ce rapport, on peut lire encore : « Les inquiétudes que suscite
dans l'ensemble de la profession l'ouverture de ce secteur sont d'ailleurs très
vives ; les commissaires-priseurs parisiens - même les plus grands - redoutent
la concurrence des maisons de ventes les plus prestigieuses grâce à leurs
techniques commerciales et à leur surface financière. » Ce n'est pas moi qui le
dis !
Je partage également son analyse quant à la situation des
commissaires-priseurs de province, qui sont tout aussi inquiets : « Certains
d'entre eux craignent de voir les sociétés de ventes les plus importantes
"vider le grenier français". »
Les conséquences de cette réforme pour la province, où les
commissaires-priseurs assurent pourtant le maillage du territoire, vont se
traduire, dans la pratique, par la franchisation et le regroupement des
offices.
J'ajoute qu'on peut craindre une certaine concentration du marché dans les
mains de quelques grandes sociétés qui, doublée d'une faible indemnisation des
professionnels français, risque rapidement de substituer à l'actuel « monopole
de droit » français, « un monopole de fait » au profit cette fois-ci des
sociétés anglo-saxonnes.
Ainsi, comme en témoigne le
Financial Times
du 29 janvier, une enquête
portant sur le milieu de l'art aux Etats-Unis révèle que Christie's aurait
reconnu avoir pratiqué une certaine collusion avec son grand rival Sotheby's,
partageant des commissions en échange de non-concurrence, au mépris des lois
anti-trust américaines.
Qu'il me soit permis, à ce stade des débats parlementaires, d'évoquer les
questions cruciales du projet de loi restant en discussion.
Je commencerai bien évidemment par l'indemnisation des commissaires-priseurs,
qui constitue le coeur même de la réforme. Cette indemnisation doit être
équitable et suffisante.
Les débats au Sénat et à l'Assemblée nationale n'ont, à l'évidence, pas permis
de dégager un accord sur ce point. C'est très regrettable.
S'agissant, en effet, de la pérennité de toute une profession ainsi que de
l'avenir de la place de Paris en tant que lieu d'échanges et de transactions
sur les biens meubles, singulièrement sur les objets d'art, il revient au
législateur de créer les conditions pour que le passage, ainsi imposé, d'un
monopole à une libéralisation totale se réalise le mieux possible.
Nous devons donner aux commissaires-priseurs les moyens de réaliser les
investissements qu'induit cette réforme pour faire face à leurs futurs
concurrents. La rédaction retenue par l'Assemblée nationale, qui reprend la
rédaction initiale du texte gouvernemental, ne le permettra pas.
Nous pouvons en effet craindre que, à défaut d'une indemnisation convenable,
les offices ne se trouvent rapidement dans des situations difficiles et ne
soient rachetés à vil prix par les Anglo-Saxons, qui pourront désormais «
rafler » le marché français.
Il ne faudrait pas que, demain, l'on vienne de Londres ou de New York, en
toute légalité, piller les réserves françaises d'objets d'art - chacun
reconnaît qu'elles sont les plus importantes au monde - comme sont pillées les
matières premières dans les pays du tiers monde.
S'agissant à présent des ventes en ligne, le débat a été lancé par le Sénat,
avec l'adoption d'un article 2
bis
précisant que « les ventes
volontaires de meubles aux enchères publiques réalisées à distance par voie
électronique sont soumises aux dispositions de la présente loi ». La question
se pose, dès lors, de savoir s'il suffit de légiférer au niveau national ou
s'il faut envisager une réglementation globale à l'échelle européenne, comme le
préconise le Gouvernement.
Nous savons qu'une directive européenne sur le commerce électronique est en
cours d'élaboration. De plus, un rapport sur ce sujet a été remis au
Gouvernement tout récemment. Pourriez-vous nous donner plus de précisions à ce
sujet, madame la ministre ?
Alors que nous légiférons, en ce moment même, des ventes aux enchères ont déjà
lieu sur le net. Pouvons-nous les laisser se dérouler ainsi, dans le flou
juridique et dans la plus totale liberté sans aucune protection ni pour les
acquéreurs, ni pour les vendeurs et sans que l'Etat puisse faire jouer son
droit de préemption ? C'est une question qu'il nous faut trancher
rapidement.
Enfin, j'évoquerai brièvement la profession d'expert, qui n'était pas, jusqu'à
présent, encadrée juridiquement.
Comme je l'ai dit en première lecture, quel est l'intérêt d'élaborer un statut
de l'expert, s'il n'est pas fait obligation aux sociétés de ventes de recourir
à des experts agréés ? Un amendemant en ce sens avait, dans un premier temps,
été adopté par la commission des lois de l'Assemblé nationale. Finalement, il a
été rejeté en séance publique, le Gouvernement s'y déclarant défavorable. Il
apportait pourtant une amélioration. Nous aurons l'occasion d'y revenir au
cours de la discussion des articles.
Sachez, madame la ministre, mes chers collègues, que j'espère vivement me
tromper quant à l'appréciation que je porte sur les conséquences de la
libéralisation du marché de l'art français. Toutefois, personne ne trouverait
son compte si, en définitive, cette réforme restait dans les mémoires sous le
nom de « loi Sotheby's », du nom de la société de ventes qui fut à l'origine de
la fin du monopole des commissaires-priseurs français.
La commission des lois du Sénat ayant rétabli le texte qui avait été adopté en
première lecture et qui allait dans le sens d'une plus grande libéralisation,
comme l'a rappelé M. le rapporteur, alors que le Gouvernement prônait une
réglementation plus stricte des ventes dans le souci d'assurer la protection du
consommateur, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen se
voient contraints, en l'état actuel de notre discussion, de s'abstenir sur ce
projet de loi.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la
discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du
Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
Chapitre Ier
Les ventes volontaires de meubles
par nature aux enchères publiques
M. le président.
Par amendement n° 1, M. Dejoie, au nom de la commission des lois, propose,
dans l'intitulé de ce chapitre, après le mot : « meubles », de supprimer les
mots : « par nature ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Cet amendement a tout simplement pour objet de supprimer,
dans l'intitulé du chapitre Ier, les mots : « par nature », qui alourdissent la
rédaction, d'autant qu'ils figurent déjà dans le texte lui-même.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'intitulé du chapitre Ier est ainsi modifié.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. _ Les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ne
peuvent porter que sur des biens d'occasion ou sur des biens neufs issus
directement de la production du vendeur si celui-ci n'est ni commerçant ni
artisan. Ces biens sont vendus au détail ou par lot.
« Sont considérés comme meubles par la présente loi les meubles par nature.
« Sont considérés comme d'occasion les biens qui, à un stade quelconque de la
production ou de la distribution, sont entrés en la possession d'une personne
pour son usage propre, par l'effet de tout acte à titre onéreux ou à titre
gratuit. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
bis
(priorité)
et article additionnel après l'article 1er
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Monsieur le président, je souhaite que le Sénat examine par
priorité l'amendement n° 2, que j'ai déposé au nom de la commission des lois et
qui vise à rétablir l'article 2
bis,
article qui a le même objet que
l'amendement n° 27 du Gouvernement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
La priorité est ordonnée.
L'article 2
bis
a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 2, M. Dejoie, au nom de la commission des lois,
propose de le rétablir dans la rédaction suivante :
« Les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques réalisées à
distance par voie électronique sont soumises aux dispositions de la présente
loi. »
J'appelle en discussion commune l'amendement n° 27, par lequel le Gouvernement
propose d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé
:
« Constitue une vente aux enchères publiques, au sens de la présente loi, le
fait, en agissant comme mandataire du propriétaire, de proposer un bien aux
enchères publiques, y compris à distance par voie électronique, pour l'adjuger
au mieux disant des enchérisseurs.
« Est également soumise aux dispositions de la présente loi, à l'exclusion des
articles 6 et 15, la vente, faite en la forme d'enchères, de biens culturels
réalisée à distance par voie électronique, qui ne satisfait pas aux conditions
de l'alinéa précédent. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 2.
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Il s'agit de rétablir l'article 2
bis
que le Sénat
avait introduit dans le projet de loi à l'occasion de la première lecture sur
proposition de la commission des affaires culturelles. Je m'en suis longuement
expliqué lors de la discussion générale.
M. le président.
La parole est à Mme la garde des sceaux, pour présenter l'amendement n° 27 et
pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 2.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
L'amendement de M. Dejoie constitue un progrès, mais je
préfère la rédaction que je propose avec l'amendement n° 27.
Le phénomène des ventes aux enchères sur Internet a connu un développement
considérable au cours des dernières années ou plutôt, devrais-je dire, au cours
des derniers mois, tant l'éclosion des sites spécialisés est récente. La
plupart des sociétés opérant en France ont, en effet, moins de deux ans
d'existence.
C'est dire à quel point nous manquons de recul pour prendre l'exacte mesure de
cette nouvelle économie du Net et de ses conséquences.
C'est pourquoi le Gouvernement, interpellé par la Haute Assemblée en première
lecture, a souhaité procéder à une étude approfondie de la question avant
d'arrêter une position.
Des réflexions qui ont été conduites, je retire aujourd'hui la certitude que
trois objectifs doivent être poursuivis et conciliés.
D'abord, il convient d'être attentifs à ne pas brider, par une réglementation
excessive ou inutile, l'essor considérable du commerce électronique, que chacun
s'accorde à considérer comme un puissant moteur économique et qui connaît, de
fait, une croissance exceptionnelle.
Ensuite, il faut veiller à offrir aux consommateurs qui achètent aux enchères
sur le réseau un niveau de protection adapté, au regard de la vulnérabilité
particulière qui découle de la technique des enchères.
Enfin, la nécessaire protection du patrimoine national doit conduire à établir
une sorte « d'espace sécurisé » pour les ventes d'oeuvres d'art.
L'amendement du Gouvernement prend en compte ces trois objectifs. Il part du
constat que la grande majorité des ventes dites « aux enchères » organisées sur
Internet sont le fait d'opérateurs qui interviennent non pas comme mandataires
du vendeur pour adjuger un bien, mais comme simples intermédiaires entre deux
parties, lesquelles restent libres, une fois les enchères terminées, de
conclure ou non la vente.
Dès lors, il devient nécessaire de circonscrire le champ d'application de la
loi aux seules hypothèses où une protection de l'acheteur apparaît utile,
c'est-à-dire lorsqu'il s'agit de véritables ventes aux enchères, qui engagent
irrémédiablement les deux parties sous la responsabilité de celui qui adjuge le
bien.
Tel est l'objet du premier alinéa de l'amendement que je soutiens.
Il faut, en revanche, étendre cette application à toutes les formes de ventes
s'apparentant à des ventes aux enchères, quelles qu'en soient les
particularités, lorsqu'il s'agit de vendre des biens culturels, dont la nature
même exige une protection particulière.
Tel est l'objet du deuxième alinéa de l'amendement que je vous demande
d'adopter, étant observé que la définition des biens culturels sera précisée
par voie réglementaire en référence à des textes déjà existants.
Cet amendement répond, me semble-t-il, au souci exprimé, au nom de la
commission, par M. le rapporteur dans son intervention, souci que j'ai relayé
dans mon exposé liminaire.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 27 ?
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
L'amendement n° 27 que vient de présenter Mme la garde des
sceaux vise à soumettre aux dispositions du projet de loi les ventes aux
enchères réalisées sur l'Internet. Si je ne peux qu'approuver cette initiative,
la formulation des deux alinéas de l'amendement ne me semble pas refléter la
pensée de la commission des lois.
S'agissant des opérations dont a parlé Mme la garde des sceaux, et qui sont
non pas des ventes aux enchères publiques mais des opérations de rapprochements
entre deux personnes, nous sommes bien d'accord : la loi ne s'applique pas.
Or, s'agissant des véritables ventes aux enchères publiques, je déduis, à la
lecture du premier alinéa de l'amendement n° 27 du Gouvernement, que n'importe
qui a le droit de vendre son propre bien aux enchères publiques sans être
soumis aux dispositions de la loi, puisque, dans ce cas, il n'agira pas en tant
que mandataire du propriétaire. Or, en tant que propriétaire, je peux le faire
directement avec mon ordinateur.
Cette formulation ne peut donc pas convenir et c'est la raison pour laquelle
je préfère l'amendement de la commission.
Le second alinéa de l'amendement du Gouvernement est plus une question de
principe.
Les ventes de meubles aux enchères publiques dont nous traitons peuvent
concerner des objets d'art, des automobiles et toute une série d'autres
biens.
Il ne m'apparaît pas convenable de créer une réglementation à deux vitesses,
comme le laisse penser ce second alinéa, lequel vise les ventes de biens
culturels à distance par voie électronique. Cela donne en effet l'impression
que les ventes de biens non culturels ne seraient pas soumises à la loi et, par
conséquent, que n'importe qui pourrait faire n'importe quoi dans ce domaine.
La formulation de la commission des lois est peut-être quelque peu lapidaire,
j'en suis d'accord, mais le Gouvernement ayant la volonté d'approfondir la
question, je crois qu'il est souhaitable, pour le moment, de nous en tenir à
l'amendement de la commission. Cela évitera que des dérives, qui ont peut-être
malheureusement déjà eu lieu, ne s'accentuent dans les mois qui viennent.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Comme je l'ai déjà dit dans la discussion générale, je suis tout à fait
d'accord pour que le projet de loi vise également les ventes faites sur
l'Internet. C'est même nécessaire. Mais je préfère l'amendement n° 27, qui me
semble à la fois plus précis, plus concis et donc moins sujet à
contestation.
Comme l'a dit le rapporteur, la porte n'est pas fermée et les points de vue
vont encore évoluer. Pour le moment, nous ne pouvons que continuer le travail
entrepris en première lecture au Sénat. Je m'abstiendrai sur l'amendement de la
commission, puisque j'aurais aimé voter celui du Gouvernement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 2
bis
est rétabli dans cette rédaction et
l'amendement n° 27 n'a plus d'objet.
Article 2
M. le président.
« Art. 2. _ Les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques sont,
sauf dans les cas prévus à l'article 52, organisées et réalisées par des
sociétés de forme commerciale régies par la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966
sur les sociétés commerciales, et dont l'activité est réglementée par les
dispositions de la présente loi.
« Ces ventes peuvent également être organisées et réalisées à titre accessoire
par les notaires et les huissiers de justice. Cette activité est exercée dans
le cadre de leur office et selon les règles qui leur sont applicables. Ils ne
peuvent être mandatés que par le propriétaire des biens. »
- (Adopté.)
Articles 3 et 5
M. le président.
« Art. 3. _ L'objet des sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères
publiques est limité à l'estimation de biens mobiliers, à l'organisation et à
la réalisation de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques dans les
conditions fixées par la présente loi.
« Les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques
agissent comme mandataires du propriétaire du bien. Elles ne sont pas
habilitées à acheter ou à vendre directement ou indirectement pour leur propre
compte des biens meubles proposés à la vente aux enchères publiques. Cette
interdiction s'applique également aux dirigeants, associés et salariés de la
société. A titre exceptionnel, ceux-ci peuvent cependant vendre, par
l'intermédiaire de la société, des biens leur appartenant à condition qu'il en
soit fait mention dans la publicité. »
- (Adopté.)
« Art. 5. _ Les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères
publiques doivent, quelle que soit leur forme, désigner un commissaire aux
comptes et un commissaire aux comptes suppléant.
« Elles doivent justifier :
« 1° De l'existence dans un établissement de crédit d'un compte destiné
exclusivement à recevoir des fonds détenus pour le compte d'autrui ;
« 2° D'une assurance couvrant leur responsabilité professionnelle ;
« 3° D'une assurance ou d'un cautionnement garantissant la représentation des
fonds mentionnés au 1°. »
- (Adopté.)
Article 6
M. le président.
« Art. 6. _ Les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères
publiques donnent au Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères
publiques toutes précisions utiles sur les locaux où auront lieu de manière
habituelle les expositions de meubles offerts à la vente ainsi que les
opérations de ventes aux enchères publiques. Lorsque l'exposition ou la vente a
lieu dans un autre local, la société en avise préalablement le conseil. »
Par amendement n° 3, M. Dejoie, au nom de la commission des lois, propose,
dans la seconde phrase de cet article, après les mots : « dans un autre local
», d'insérer les mots : « ou à distance par voie électronique ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Il s'agit ni plus ni moins d'un amendement de coordination,
qui vise à réintroduire, dans l'article 6, les mots : « ou à distance par voie
électronique », et qui fait suite à celui que nous venons de voter.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, ainsi modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
M. le président.
« Art. 7. _ Les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères
publiques doivent comprendre parmi leurs dirigeants, leurs associés ou leurs
salariés au moins une personne ayant la qualification requise pour diriger une
vente ou titulaire d'un titre, d'un diplôme ou d'une habilitation reconnus
équivalents en la matière, dans des conditions définies par décret en Conseil
d'Etat. »
- (Adopté.)
Article 8
M. le président.
« Art. 8. _ Les personnes mentionnées à l'article 7 sont seules habilitées à
diriger la vente, à désigner le dernier enchérisseur comme adjudicataire ou à
déclarer le bien non adjugé et à dresser le procès-verbal de cette vente.
« Le procès-verbal est arrêté au plus tard un jour franc après clôture de la
vente. Il mentionne les nom et adresse du nouveau propriétaire déclarés par
l'adjudicataire, l'identité du vendeur, la désignation de l'objet ainsi que son
prix constaté publiquement.
« Dans le délai de quinze jours à compter de la vente, le vendeur peut, par
l'intermédiaire de la société, vendre de gré à gré les biens déclarés non
adjugés à l'issue des enchères. Cette transaction ne peut être précédée
d'aucune exposition, ni publicité et ne peut être faite à un prix inférieur à
l'enchère atteinte lors du retrait du bien de la vente. Elle fait l'objet d'un
acte annexé au procès-verbal de la vente. »
Par amendement n° 4, M. Dejoie, au nom de la commission des lois, propose de
remplacer la deuxième phrase du dernier alinéa de cet article par trois phrases
ainsi rédigées : « Cette transaction n'est précédée d'aucune exposition, ni
publicité. Elle ne peut être faite à un prix inférieur à la dernière enchère
portée avant le retrait du bien de la vente ou, en l'absence d'enchères, au
montant de la mise à prix. Le dernier enchérisseur est préalablement informé
s'il est connu. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Nous souhaitons réintroduire le dispositif que nous avions
adopté en première lecture et qui concerne les ventes de gré à gré à défaut
d'adjudication ou en l'absence d'enchères.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
L'amendement a pour objet de permettre la remise en
vente de gré à gré d'un bien retiré de la vente publique, même lorsqu'il n'a
fait l'objet d'aucune enchère.
Cette faculté est donc étendue par rapport à ce qui était prévu dans le projet
initial du Gouvernement, qui n'envisageait que l'hypothèse où l'objet était
retiré de la vente pendant le cours des enchères.
Dans cette affaire, le seul souci du Gouvernement est d'éviter les fraudes qui
consisteraient à vendre le bien de gré à gré, sans l'avoir préalablement et
effectivement proposé aux enchères.
La rédaction qui nous et soumise me paraît éviter cet écueil.
Par ailleurs, dans un souci de transparence et afin que le dernier
enchérisseur puisse, s'il le souhaite, acquérir le bien de gré à gré, il est
proposé d'organiser une information à son profit lorsque cela est
matériellement possible.
Cela me paraît opportun.
Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8, ainsi modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Article 11
M. le président.
« Art. 11. _ Une société de ventes volontaires de meubles aux enchères
publiques peut garantir au vendeur un prix d'adjudication minimal du bien
proposé à la vente. Si le bien a été estimé, ce prix ne peut être fixé à un
montant supérieur à l'estimation mentionnée à l'article 10.
« Cette faculté n'est offerte qu'à la société qui a passé avec un organisme
d'assurance ou un établissement de crédit un contrat aux termes duquel cet
organisme ou cet établissement devient propriétaire du bien si le montant du
prix garanti n'est pas atteint lors de la vente aux enchères.
« Lorsque le bien n'atteint pas le prix garanti, l'organisme ou
l'établissement mentionné à l'alinéa précédent est déclaré adjudicataire au
prix garanti.
« La société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ne peut
détenir aucune participation dans l'organisme ou l'établissement avec lequel
elle contracte. »
Par amendement n° 5, M. Dejoie, au nom de la commission des lois, propose de
remplacer les trois derniers alinéas de cet article par deux alinéas ainsi
rédigés :
« Si le montant du prix garanti n'est pas atteint à l'issue des enchères, la
société visée au premier alinéa est déclarée adjudicataire du bien au prix
garanti.
« Par exception aux dispositions du second alinéa de l'article 3, elle peut
revendre ce bien aux enchères publiques, à condition qu'il soit fait mention de
l'appartenance du bien à la société dans la publicité. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Nous souhaitons également revenir au texte qui avait été
adopté par le Sénat en première lecture et qui concerne le prix garanti.
En cas de prix garanti, c'est la société de ventes qui devient propriétaire si
les enchères n'atteignent pas le prix, et non pas une quelconque société
d'assurance qui aurait couvert l'opération.
Il s'agit, selon nous, d'une disposition de plus grande simplicité qui
garantit l'acheteur, d'une part, et celui qui a promis, c'est-à-dire le
vendeur, d'autre part. Les sociétés de ventes sont assez averties pour prendre
leurs responsabilités sans qu'il soit besoin de leur imposer une tutelle
supplémentaire.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je suis défavorable à cet amendement.
La faculté d'offrir au vendeur un prix garanti a été introduite pour permettre
aux professionnels français de rivaliser efficacement avec leurs homologues
étrangers. Cette modalité de vente est strictement encadrée par l'obligation,
pour les sociétés de ventes, de passer un contrat avec un établissement de
crédit ou un organisme d'assurance.
Il s'agit, d'abord, d'éviter de faire exception au principe prohibant la
revente après achat. Dans l'hypothèse où le bien n'a pas trouvé adjudicataire
au prix garanti, la société d'assurance ou l'établissement de crédit prend en
charge ce prix à la place de la société de ventes et devient ainsi propriétaire
du bien. Il n'est, en effet, pas envisageable d'admettre que la société de
ventes puisse devenir propriétaire du bien, sous peine de vider de tout son
sens le principe d'interdiction de revente après achat. C'est là une première
raison, très forte, de l'hostilité du Gouvernement à cet amendement.
Ce principe répond en outre à un besoin de protection à la fois du
consommateur et de la société de ventes. Le contrat passé entre la société de
ventes et l'organisme d'assurance apporte en effet au consommateur toute
sécurité sur l'opération proposée par la société de ventes et il met cette
dernière à l'abri d'engagements hasardeux, qu'elle ne pourrait respecter.
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Cet amendement introduit une exception au principe de
l'interdiction de l'achat pour revente, certes, mais, dans un souci de
transparence et pour prévenir toute dérive éventuelle, il y est précisé que
l'appartenance du bien à la société doit être expressément signalée dans la
publicité, lors de la revente.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 5.
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Je suis contre cet amendement pour les raisons qui ont été excellemment
exposées par Mme le garde des sceaux. Il est effectivement dangereux
d'introduire une telle dérogation au principe de non-revente après achat.
Je pense aussi que le texte, dans sa rédaction actuelle, apporte une
protection aux sociétés elles-mêmes. Le fait de ne pas être assurées pourrait
les mettre en difficulté si elles étaient amenées à rencontrer à plusieurs
reprises la situation où le prix garanti ne serait pas atteint.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 11, ainsi modifié.
(L'article 11 est adopté.)
Article 12
M. le président.
« Art. 12. _ Une société de ventes volontaires de meubles aux enchères
publiques peut consentir au vendeur une avance sur le prix d'adjudication du
bien proposé à la vente.
« Le remboursement de cette avance doit être garanti par un organisme
d'assurance ou un établissement de crédit.
« La société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ne peut
détenir aucune participation dans l'organisme ou l'établissement avec lequel
elle contracte. »
Par amendement n° 6, M. Dejoie, au nom de la commission des lois, propose de
supprimer les deux derniers alinéas de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Il s'agit ici de l'avance qui peut être consentie au vendeur
par la société de ventes. Nous proposons à nouveau de supprimer l'obligation de
souscrire une garantie concernant cette avance, considérant que la société de
ventes doit prendre elle-même ses responsabilités. Si elle le souhaite, elle
peut, bien entendu, s'assurer contre ce risque. Mais il n'est pas souhaitable,
selon nous, d'en faire une obligation inscrite dans la loi.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je suis défavorable à cet amendement, qui procède du
même esprit que l'amendement n° 5.
Je tiens à rappeler que, comme la garantie de prix, la possibilité de
consentir une avance sur le prix d'adjudication a été introduite pour donner
aux professionnels français les mêmes armes que celles dont disposent leurs
concurrents étrangers.
Ainsi, les mêmes raisons que celles que j'ai exposées pour la garantie de prix
ont conduit le Gouvernement à prévoir l'intervention d'une société d'assurance
ou d'un établissement de crédit, qui deviendra propriétaire du bien si le prix
de la vente n'a pas atteint le prix garanti.
Cette disposition met les professionnels à l'abri de leur propre imprudence,
dans l'hypothèse où la pression de la concurrence les pousserait à consentir
des avances excessives.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 6.
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
En cohérence avec la position que j'ai adoptée sur l'amendement précédent, je
suis également contre cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 12, ainsi modifié.
(L'article 12 est adopté.)
Article 13
M. le président.
« Art. 13. _ Les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères
publiques sont responsables à l'égard du vendeur et de l'acheteur de la
représentation du prix et de la délivrance des biens dont elles ont effectué la
vente. Toute clause qui vise à écarter ou à limiter leur responsabilité est
réputée non écrite.
« Le bien adjugé ne peut être délivré à l'acheteur que lorsque la société en a
perçu le prix ou lorsque toute garantie lui a été donnée sur le paiement du
prix par l'acquéreur.
« A défaut de paiement par l'adjudicataire, après mise en demeure restée
infructueuse, le bien est remis en vente à la demande du vendeur sur folle
enchère de l'adjudicataire défaillant ; si le vendeur ne formule pas cette
demande dans un délai d'un mois à compter de l'adjudication, la vente est
résolue de plein droit, sans préjudice de dommages et intérêts dus par
l'adjudicataire défaillant.
« Les fonds détenus pour le compte du vendeur doivent être versés à celui-ci
au plus tard deux mois à compter de la vente. »
- (Adopté.)
Article 14
M. le président.
« Art. 14. _ I. _ Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 2 500 000 F
d'amende le fait de procéder ou de faire procéder à une ou plusieurs ventes
volontaires de meubles aux enchères publiques :
« _ si la société qui organise la vente ne dispose pas de l'agrément prévu à
l'article 4, soit qu'elle n'en est pas titulaire, soit que son agrément a été
suspendu ou retiré à titre temporaire ou définitif ;
« _ ou si la personne qui dirige la vente ne remplit pas les conditions
prévues à l'article 7 ou est frappée d'une interdiction à titre temporaire ou
définitif de diriger de telles ventes.
« Les personnes physiques coupables de l'une des infractions aux dispositions
prévues au présent article encourent également les peines complémentaires
suivantes :
« 1° L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer une
fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans
l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise
;
« 2° L'affichage ou la diffusion de la condamnation prononcée dans les
conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal ;
« 3° La confiscation des sommes ou objets irrégulièrement reçus par l'auteur
de l'infraction, à l'exception des objets susceptibles de restitution.
« II. _
Non modifié
. »
Par amendement n° 7, M. Dejoie, au nom de la commission des lois, propose,
après le deuxième alinéa du I de cet article, d'insérer un alinéa ainsi rédigé
:
« - ou si le ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne ou
d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui organise la
vente n'a pas procédé à la déclaration prévue à l'article 21 ; »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Il s'agit, comme je l'ai expliqué lors de la discussion
générale, de soumettre les nationaux et les étrangers aux mêmes sanctions en
cas d'infraction à la réglementation.
M. René-Georges Laurin.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je ne suis pas favorable à cet amendement, qui tend à
imposer au ressortissant communautaire intervenant au titre de la libre
prestation de service, donc de manière occasionnelle, les mêmes sanctions
pénales qu'aux professionnels établis en France.
Je ne peux que réitérer ici les arguments développés par le Gouvernement
devant vous en première lecture. Subordonner l'exécution de la libre prestation
de service à l'observation de toutes les conditions requises pour
l'établissement est contraire aux dispositions de l'article 49 du traité de
l'Union européenne. Le principe communautaire applicable est, en effet, celui
de la proportionnalité de la sanction pénale au regard de l'infraction
considérée.
J'ajoute que la nationalité de l'intéressé ne constitue pas, en l'espèce, un
critère pertinent. Un professionnel français qui serait établi dans un autre
Etat membre ne serait pas plus soumis à ces dispositions pénales s'il
intervenait occasionnellement en France.
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Madame le garde des sceaux, je ne peux m'empêcher de vous
rappeler ce qui figure à la page 36 de mon rapport écrit :
« La jurisprudence communautaire n'interdit pas la possibilité d'infliger des
sanctions pénales pour assurer le respect des conditions fixées pour l'exercice
d'une activité ouverte aux ressortissants communautaires. Ainsi, l'arrêt
Bouchoucha n'a pas remis en cause la possibilité pour les juridictions
françaises de prononcer des condamnations pénales à l'encontre d'une personne
exerçant la profession d'ostéopathe sur la base d'un diplôme obtenu au
Royaume-Uni alors qu'elle n'était pas médecin, contrairement aux exigences de
la loi française. En effet, le problème de la compatibilité avec le droit
communautaire doit être apprécié au niveau de la règle violée : dès lors qu'une
réglementation apparaît licite au regard du droit communautaire, des sanctions
pénales sont susceptibles d'intervenir pour la faire respecter.
« Dès lors, il suffit, aux termes de la jurisprudence de la Cour de justice,
que les sanctions restent proportionnées à la gravité de l'infraction, afin de
ne pas devenir une entrave aux libertés fondamentales garanties par le droit
communautaire. »
Cela conforte notre souhait de revenir à la formulation adoptée en première
lecture.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 7.
M. René-Georges Laurin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. René-Georges Laurin.
M. René-Georges Laurin.
Je suis très étonné, madame la ministre, que vous demandiez le rejet de cet
amendement, qui tend à exiger que les professionnels étrangers qui viendront
procéder à des ventes publiques en France ne soient pas soumis aux mêmes
obligations que les professionnels français. Il me paraît très difficile de
vous suivre dans votre raisonnement.
Si un commissaire-priseur français va vendre à l'étranger, il sera d'ailleurs
évidemment soumis aux obligations qui seront définies par les autorités des
pays considérés
J'appuie donc sans réserve la position de la commission.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 14, ainsi modifié.
(L'article 14 est adopté.)
Article additionnel après l'article 15
M. le président.
Par amendement n° 22, MM. Jean-Léonce Dupont et Nachbar proposent d'insérer,
après l'article 15, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les sociétés d'édition et de presse peuvent disposer gratuitement sur simple
demande auprès des sociétés de ventes et officiers ministériels aptes à
procéder à des ventes aux enchères publiques volontaires ou judiciaires sur le
territoire français, tous documents édités dans le cadre de la promotion et la
conduite de leurs ventes aux enchères publiques, ainsi que les résultats
afférents à ces ventes et conformes aux procès-verbaux établis à leur occasion,
dans les conditions ci-après :
« Dans le seul cadre de la divulgation des cotes au public et à l'exclusion de
tout autre usage, les sociétés d'édition et de presse sont autorisées à
reproduire et publier librement sous toutes formes et sur tous supports de leur
choix tous résultats de ventes aux enchères publiques incluant la désignation
complète ou partielle des biens adjugés ou repris, les prix d'adjudication ou
de retrait et, s'il y a lieu, l'image desdits biens.
« En regard de chaque résultat publié, les sociétés d'édition et de presse
auront l'obligation de citer les sociétés de ventes et officiers ministériels,
les références des ventes (date, lieu), ainsi que celle de citer les noms des
auteurs des textes et des clichés sous réserve que ces noms apparaissent
lisiblement en lisière des textes ou des reproductions des catalogues de vente
ou sur les clichés s'il s'agit d'originaux.
« Les sociétés d'édition et de presse devront s'assurer auprès des artistes
créateurs des oeuvres reproduites, ou de leurs ayants droit ou représentants
agréés, de leur accord de reproduction et acquitter tous droits afférents.
« Les dispositions du présent article s'appliquent à tous vendeurs et
acquéreurs faisant appel aux services d'une société de vente ou d'un officier
ministériel pour toute vente se déroulant en France. Ces vendeurs ou
acquéreurs, qu'ils agissent pour leur compte ou celui d'autrui, ne pourront se
prévaloir de leur nationalité pour s'opposer à toute publication. »
La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
M. Jean-Léonce Dupont.
Par cet amendement, il s'agit d'anticiper le problème de transparence qui
risque de se poser lorsque la nouvelle réglementation des ventes aux enchères
publiques sera appliquée.
En effet, le marché des ventes aux enchères sera essentiellement dominé par
deux ou trois groupes. Les petites sociétés de ventes se trouveront dans une
situation délicate, notamment celles qui assurent la publication des résultats
illustrés de ventes aux enchères. Obtiendront-elles toujours les informations
nécessaires à ces publications ?
Il est bien évident que les cotes publiées permettent aussi bien aux vendeurs
qu'aux acheteurs de biens meubles d'avoir une idée assez précise de la valeur
des biens en question. Cette transparence doit demeurer.
C'est pourquoi cet amendement vise, d'une part, à s'assurer qu'à l'avenir les
sociétés de ventes ne puissent pas seules contrôler l'information dont doivent
bénéficier les consommateurs, voire influencer directement ou indirectement la
publication des cotes des biens dispersés aux enchères. Il s'agit donc de
veiller à ce que les résultats des ventes aux enchères, par définition
publiques, puissent être obtenus gratuitement par les sociétés d'édition et de
presse auprès des sociétés de ventes et publiés.
D'autre part, cet amendement permet à ces mêmes sociétés d'édition et de
presse de publier des reproductions d'objets, sans remettre en cause les droits
de reproduction dus aux auteurs d'oeuvres.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Cet amendement est intéressant en ce qu'il soulève le
problème de la publicité du résultat des ventes.
Cependant, la commission fait deux observations.
Tout d'abord, les ventes étant publiques, les résultats doivent être aussi
publics, sans qu'il y ait lieu de légiférer sur ce point.
Ensuite, s'agissant des droits, il n'y a guère de raisons de prévoir que les
sociétés d'édition et de presse pourront disposer gratuitement des catalogues
dans la mesure où ceux-ci peuvent être vendus et où les sociétés de ventes
disposent légitimement de droits sur la reproduction de leurs catalogues.
C'est pourquoi je souhaiterais que M. Jean-Léonce Dupont veuille bien retirer
son amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement émet un avis défavorable.
Cet amendement tend à créer au profit des sociétés d'édition et de presse un
accès large et gratuit aux informations et documents détenus par les sociétés
de ventes, et il m'apparaît irrecevable à tous égards.
S'agissant des documents, par exemple les catalogues, je ne vois pas à quel
titre et sous quelle justification la loi créerait à la charge des sociétés de
ventes qui les éditent une obligation de cession gratuite au profit des
sociétés de presse. Les droits de reproduction ont en effet une valeur
patrimoniale.
Quant aux informations relatives au résultat des ventes, elles sont par
définition dans le domaine public puisque les ventes sont ouvertes à tous. Les
sociétés d'édition ont donc déjà accès à ces informations en suivant par
elles-mêmes les ventes.
M. le président.
Monsieur Dupont, maintenez-vous votre amendement ?
M. Jean-Léonce Dupont.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 22 est retiré.
Article additionnel après l'article 16
M. le président.
Par amendement n° 8, M. Dejoie, au nom de la commission des lois, propose
d'insérer, après l'article 16, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et la
chambre nationale des commissaires-priseurs judiciaires assurent conjointement
l'organisation de la formation professionnelle en vue de l'obtention de la
qualification requise pour diriger les ventes. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Ce nouvel amendement se justifie par son texte même.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 16.
Article 18
M. le président.
« Art. 18. _ Le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères
publiques comprend onze membres nommés pour quatre ans :
« _ six personnes qualifiées désignées par le garde des sceaux, ministre de la
justice ;
« _ cinq représentants des professionnels, dont un expert.
« Le mandat des membres du conseil n'est renouvelable qu'une seule fois.
« Le président est élu par les membres du conseil en leur sein.
« Des suppléants sont désignés en nombre égal et dans les mêmes formes.
« Un magistrat du parquet est désigné pour exercer les fonctions de
commissaire du Gouvernement auprès du Conseil des ventes volontaires de meubles
aux enchères publiques.
« Le financement du conseil est assuré par le versement de cotisations
professionnelles acquittées par les sociétés de ventes volontaires de meubles
aux enchères publiques et par les experts agréés. Le montant de ces cotisations
est fixé par le conseil en fonction de l'activité des assujettis. »
Par amendement n° 9, M. Dejoie, au nom de la commission des lois, propose de
rédiger comme suit les trois premiers alinéas de cet article :
« Le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques comprend
onze membres désignés pour quatre ans :
« - cinq personnes qualifiées nommées par le garde des sceaux, ministre de la
justice ;
« - six représentants élus des professionnels, dont deux experts. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
En proposant cette modification de la composition du Conseil
des ventes volontaires, la commission souhaite essentiellement faire en sorte
que les professionnels soient majoritaires au sein de cet organisme. Il nous
paraît légitime que ce soient eux qui puissent trancher les questions qui les
concernent au premier chef.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je ne suis pas favorable à cet amendement, qui tend à
consacrer une représentation majoritaire des professionnels au sein du Conseil
des ventes.
A l'occasion de l'ouverture du secteur des ventes volontaires, le projet de
loi prévoit la création d'un Conseil des ventes, véritable autorité de
régulation du marché, chargée de faire respecter, dans l'intérêt des
consommateurs et des sociétés de ventes, la législation relative au secteur des
ventes volontaires.
Il entre dans ses compétences de délivrer un agrément aux sociétés de ventes
après avoir vérifié qu'elles présentent toutes les garanties nécessaires et de
prendre les sanctions disciplinaires en cas de violation de la
réglementation.
J'ai rappelé ces missions très importantes pour montrer à quel point il
importe que le Conseil des ventes volontaires soit indépendant par rapport à la
profession. Il doit constituer une instance de régulation impartiale, dont la
fonction première n'est pas de représenter la profession.
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Aujourd'hui, la chambre nationale des commissaires-priseurs
judiciaires assure la discipline et la régulation, et, que je sache, personne
n'a contesté sa qualité pour le faire ! Pourquoi disputerait-on en l'an 2000 à
des professionnels qui ont fait leurs preuves depuis plus d'un siècle le droit
de s'occuper du Conseil des ventes ? C'est tout simplement illogique et à la
limite de l'injure !
Par ailleurs, avec cinq membres nommés par le Gouvernement plus un commissaire
du Gouvernement sur onze personnes, comment une quelconque dérive pourrait-elle
se produire ? Le fait qu'ils disposent d'une majorité d'une voix ne peut pas, à
mon avis, créer un risque quelconque.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 99.
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Comme je l'avais annoncé dans la discussion générale, nous voterons contre
l'amendement n° 9. Au regard des compétences et des missions du Conseil des
ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, il est en effet important
que la profession ne soit pas majoritaire. Peut-être finirons-nous par nous
mettre d'accord en optant pour une représentation paritaire !
M. Jean-Jacques Hyest.
Ah !
Mme Dinah Derycke.
En tout état de cause, je suis pour l'instant hostile à cet amendement, car je
préfère qu'il y ait une majorité de personnalités qualifiées et seulement cinq
représentants des professionnels.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 18, ainsi modifié.
(L'article 18 est adopté.)
Articles 26 et 27
M. le président.
« Art. 26. _ Sont judiciaires au sens de la présente loi les ventes de meubles
aux enchères publiques prescrites par la loi ou par décision de justice, ainsi
que les prisées correspondantes.
« Les titulaires d'un office de commissaire-priseur dont le statut est fixé
par l'ordonnance n° 45-2593 du 2 novembre 1945 relative au statut des
commissaires-priseurs prennent le titre de commissaires-priseurs judiciaires.
Ils ont, avec les autres officiers publics ou ministériels et les autres
personnes légalement habilitées, seuls compétence pour organiser et réaliser
les ventes judiciaires de meubles aux enchères publiques, et faire les
inventaires et prisées correspondants.
« Les commissaires-priseurs judiciaires peuvent exercer des activités de
ventes volontaires de meubles aux enchères publiques au sein des sociétés à
forme commerciale prévues à l'article 2. »
- (Adopté.)
« Art. 27. _ Les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères
publiques et les officiers publics ou ministériels compétents pour procéder aux
ventes judiciaires et volontaires engagent leur responsabilité au cours ou à
l'occasion des ventes de meubles aux enchères publiques, conformément aux
règles applicables à ces ventes.
« Les clauses qui visent à écarter ou à limiter leur responsabilité sont
interdites et réputées non écrites.
« Les actions en responsabilité civile engagées à l'occasion des prisées et
des ventes volontaires et judiciaires de meubles aux enchères publiques se
prescrivent par dix ans à compter de l'adjudication ou de la prisée. »
- (Adopté.)
Article 28
M. le président.
« Art. 28. _ Les experts auxquels peuvent avoir recours les sociétés de ventes
volontaires de meubles aux enchères publiques, les huissiers de justice, les
notaires et les commissaires-priseurs judiciaires peuvent être agréés par le
Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.
« Le conseil établit une liste des experts agréés dans chaque spécialité. »
Par amendement n° 21, MM. Bret, Duffour et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa de cet article, de
remplacer le mot : « peuvent » par le mot : « doivent ».
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Nous abordons ici la situation des experts que j'évoquais dans mon
intervention lors de la discussion générale.
Les articles 28 à 34 du projet visent, en effet, en l'absence de toute
réglementation relative aux experts, à remédier à cette situation, en prévoyant
une procédure d'agrément assortie d'obligations, afin d'assurer la fiabilité
des ventes publiques et d'apporter aux consommateurs des garanties.
Toutefois, comme je le soulignais le 10 juin dernier, il est légitime de
s'interroger sur le bien-fondé de l'institution d'un tel « statut d'expert »,
si, d'une part, il n'est pas fait obligation de recourir à des experts
présentant les qualités requises pour être agréés et si, d'autre part, aucune
qualification professionnelle n'est exigée.
J'avais déposé, en conséquence, un sous-amendement précisant que les
conditions d'agrément des experts inscrits sur la liste sont déterminées au
regard de leurs capacités et de leur qualification professionnelle par décret
en Conseil d'Etat.
A la suite des précisions apportées tant par le rapporteur M. Dejoie que par
Mme Trautmann, mon sous-amendement était satisfait et je l'avais donc retiré en
séance.
Demeure néanmoins, aujourd'hui encore, l'absence d'obligation pour les maisons
de ventes publiques de recourir à des experts agréés. Dans un premier temps, la
commission des lois de l'Assemblée nationale avait adopté un amendement
intéressant en ce qu'il imposait aux sociétés de ventes de recourir à ces
experts agréés. Il n'a cependant pas été retenu en séance publique et c'est
regrettable. Aussi ai-je décidé de le déposer ici même. Je vous propose de
remplacer le mot « peuvent » par le mot « doivent ».
Je considère, en effet, qu'il ne faut pas laisser se développer, à côté
d'experts qui seraient agréés, d'autres qui ne le seraient pas. Il en va de la
moralisation des ventes, de la protection du consommateur et de la sécurité des
transactions. Il ne s'agit en aucune manière, après avoir supprimé le monopole
des commissaires-priseurs, d'en introduire un autre.
Nous sommes ici dans le domaine même des compétences des experts. Il est
normal d'encadrer un tant soit peu cette profession qui, jusqu'à présent, s'est
développée sans garde-fou.
Dans le même esprit, je voterai contre l'amendement proposé par la commission
des lois tendant à supprimer, à l'article 29, la limitation du nombre de
spécialités dans lesquelles les experts peuvent être agréés par le conseil des
ventes.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
La commission est défavorable à cet amendement.
Le présent projet de loi a pour objet de libéraliser l'organisation des
ventes. Or, en instaurant l'obligation de passer par un expert, on crée un
nouveau monopole, alors que l'on vient de supprimer celui des
commissaires-priseurs !
En outre, dans des cas très particuliers, il peut être fait appel à des
experts occasionnels, dont on ne voit pas pourquoi ils demanderaient un
agrément. Le commissaire-priseur ou le chargé des ventes doit pouvoir faire
appel à eux librement.
Je citerai un exemple : pour certifier les oeuvres picturales de M. X, qui n'a
pas une réputation extraordinaire, on peut faire appel à un membre de sa
famille en mesure d'assurer que c'est bien lui qui les a peintes. Ce n'est pas
un expert, mais il peut rendre service au commissaire-priseur. Pour autant, on
ne va pas lui demander de se faire agréer par le Conseil des ventes !
L'obligation de passer par un expert crée donc un nouveau monopole. En plus,
elle n'est pas indispensable, y compris pour assurer la protection du
consommateur.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je ne suis pas favorable à cet amendement qui tend à
imposer aux sociétés de ventes, aux huissiers de justice et aux notaires le
recours à des experts agréés.
D'abord, si l'on institue un régime d'agrément obligatoire, on crée une
profession d'experts agréés par le Conseil des ventes. Ensuite, cette
réglementation contraignante n'apporte pas véritablement aux consommateurs de
garanties supplémentaires par rapport à celles qui sont déjà prévues dans le
projet de loi. Enfin, des considérations d'opportunité doivent être prises en
compte : il faut éviter dans les cas où les objets mis en vente exigent une
expertise spécialisée, que l'absence d'expert agréé dans le domaine considéré
n'aboutisse à exclure toute possibilité de recours à un expert, ce qui
soulèverait évidemment un problème important !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 21, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 28.
(L'article 28 est adopté.)
Article 29
M. le président.
« Art. 29. _ Tout expert agréé doit être inscrit dans l'une des spécialités
dont la nomenclature est établie par le Conseil des ventes volontaires de
meubles aux enchères publiques.
« Nul ne peut l'être dans plus de deux spécialités, à moins qu'il ne s'agisse
de spécialités connexes aux précédentes dont le nombre ne peut être supérieur à
deux. »
Par amendement n° 10, M. Dejoie, au nom de la commission des lois, propose de
supprimer le second alinéa de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Le projet de loi prévoyait, dans sa rédaction initiale, que
le Conseil des ventes ne pouvait pas agréer un expert pour plus de deux
spécialités. Nous avions modifié cette disposition, qui a été rétablie par
l'Assemblée nationale. Nous revenons donc sur ce point.
Il me semble tout de même que le Conseil des ventes peut parfaitement prendre
ses responsabilités et qu'il a qualité pour agréer un expert pour une, deux ou
trois spécialités. Pourquoi limiter l'agrément à deux spécialités, même en
prévoyant que les domaines connexes seront couverts par cet agrément ? Il
s'agit là encore d'une mesure de défiance à l'égard du Conseil des ventes que
l'on vient de créer !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je suis défavorable à cet amendement : il me semble au
contraire absolument nécessaire de limiter le nombre de spécialités. La
limitation constitue en effet pour les consommateurs une garantie essentielle
quant au professionnalisme des experts, qui ne doivent pas être de simples
généralistes.
Les experts consultés doivent avoir des compétences pointues, spécialement en
matière d'oeuvres d'art. Je rappelle que leur responsabilité peut être
lourdement engagée, et je crois qu'une spécialisation accrue est de nature à
prévenir et à limiter le contentieux.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 10.
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole contre l'amendement.
Mme Dinah Derycke.
Je ne voterai pas cet amendement. Etre expert, c'est par définition être
spécialisé. Je ne crois pas qu'il puisse exister des « généralistes spécialisés
» !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 29, ainsi modifié.
(L'article 29 est adopté.)
Article 33
M. le président.
« Art. 33. _ Le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères
publiques peut prononcer, après avoir mis l'intéressé en demeure de présenter
ses observations, le retrait de l'agrément d'un expert en cas d'incapacité
légale, de faute professionnelle grave, de condamnation pour faits contraires à
l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs. »
Par amendement n° 11, M. Dejoie, au nom de la commission des lois, propose,
dans cet article, de supprimer les mots : « , après avoir mis l'intéressé en
demeure de présenter ses observations, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
La modification proposée à cet article 33 ne devrait pas
poser problème.
L'Assemblée nationale a souhaité préciser que le Conseil des ventes ne pouvait
prononcer une sanction ou un retrait d'agrément si l'intéressé n'avait pas été
informé et n'avait pas eu la possibilité de présenter ses observations. Nous
sommes bien évidemment d'accord, mais la précision introduite par l'Assemblée
nationale ne semble pas indispensable dans la mesure où elle est déjà prévue à
l'article 19. Par conséquent, si elle devait être maintenue, elle serait
superfétatoire.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 33, ainsi modifié.
(L'article 33 est adopté.)
Article 35
M. le président.
« Art. 35. _ Les commissaires-priseurs sont indemnisés en raison du préjudice
subi du fait de la dépréciation de la valeur pécuniaire de leur droit de
présentation résultant de la suppression du monopole conféré jusqu'à l'entrée
en vigueur de la présente loi à ces officiers ministériels dans le domaine des
ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 12 est présenté par M. Dejoie, au nom de la commission des
lois.
L'amendement n° 23 est déposé par M. Gaillard, au nom de la commission des
finances.
Tous deux tendent à rédiger comme suit cet article :
« Les commissaires-priseurs sont indemnisés en raison de la perte du droit de
présentation de leur successeur en matière de ventes volontaires de meubles aux
enchères publiques et de la suppression du monopole qui leur était conféré dans
ce domaine jusqu'à l'entrée en vigueur de la présente loi. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 12.
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Il s'agit ici d'un sujet sur lequel nous nous sommes déjà,
les uns et les autres, largement exprimés : le fondement de l'indemnisation des
commissaires-priseurs.
Leur indemnisation se justifie par la perte du droit de présentation de leur
successeur et par la suppression du monopole qui leur était conféré, étant
précisé que la fraction du droit de présentation concernée est la fraction
afférente aux ventes volontaires de meubles, et non pas l'autre, qui
subsiste.
Nous en revenons donc aux arguments que nous avions développés lors de la
première lecture.
J'observe d'ailleurs que Mme la ministre n'a toujours pas justifié la
différence entre le taux appliqué aux courtiers maritimes, soit 65 %, et le
taux appliqué aux commissaires-priseurs, soit 50 %, s'agissant de deux
professions qui bénéficiaient d'un monopole et d'un droit de présentation, et
qui étaient exercées dans les mêmes conditions. J'ajoute que les modalités de
calcul de la valeur de l'office sont identiques dans les deux cas.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n°
23.
M. Yann Gaillard,
rapporteur pour avis.
Même amendement, même argumentation !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 12 et 23
?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
La discussion de ces
amendements va me donner l'occasion de répondre à M. Dejoie.
Le droit de présentation est, je le rappelle, le droit pour un officier
ministériel de présenter son successeur au garde des sceaux, et ce moyennant
finances. Le projet de loi procède à la libéralisation du secteur des ventes
volontaires, mais il maintient le régime juridique applicable aux ventes
judiciaires. Celles-ci continueront à être faites par les commissaires-priseurs
au sein de leurs offices ministériels. Le droit de présentation pourra être
exercé lorsqu'ils céderont leur activité de ventes judiciaires.
Le droit de présentation sera donc maintenu pour une partie de l'activité. Par
conséquent, on ne peut parler de perte de ce droit. En revanche, il faut
admettre que ce droit perdra de sa valeur du fait de l'ouverture du marché pour
les ventes volontaires, qui seront désormais réalisées par des sociétés de
ventes.
Cette dépréciation du droit de présentation justifie l'indemnisation sur le
fondement de la rupture de l'égalité devant les charges publiques. Je ferai
observer à M. le rapporteur, qui s'insurge contre elle que cette interprétation
a été consacrée par le rapport très complet de M. Vedel, lequel est en ces
matières un expert reconnu.
M. Jean-Jacques Hyest.
Il est généraliste !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Il est peut-être généraliste, mais quand on lui demande
un travail sur une question précise, il n'a pas pour habitude de survoler le
sujet !
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est pour cela qu'il faut des experts généralistes !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le doyen Vedel, dans son rapport, indiquait que le
droit de propriété n'était pas en cause. En effet, personne
a priori
n'a
le droit au maintien d'une réglementation. Certes, en cas de préjudice anormal
et spécial, depuis longtemps le Conseil d'Etat indemnise sur le terrain de la
rupture d'égalité devant les charges publiques. Tel est bien le cas puisque, en
l'occurrence, la fin du monopole des commissaires-priseurs sur les ventes
volontaires de meubles nous est imposée par une harmonisation européenne et par
la volonté d'ouvrir le marché à une certaine concurrence.
J'ajoute que les commissaires-priseurs gardent le monopole des ventes
judiciaires, ils conservent donc une partie de leur activité initiale sans
changement, ce qui justifie qu'ils ne soient pas indemnisés de la même façon
que les courtiers maritimes qui, eux, avaient été privés de la totalité de leur
activité.
Donc, j'émets un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Mme le garde des sceaux ayant pris la peine de développer son
argumentation, je vais faire de même, pour qu'il en reste trace.
L'idée selon laquelle les officiers ministériels que sont les
commissaires-priseurs sont propriétaires de leur charge est incluse dans le
concept d'hérédité des offices. Elle n'a jamais fait aucun doute sous l'ancien
droit. L'importance patrimoniale des offices y est telle qu'un édit de 1683 les
déclare immeubles fictifs.
Les travaux préparatoires à la loi révolutionnaire des 29 septembre-6 octobre
1791 montrent que les offices ministériels constituaient pour le législateur
une propriété légitime.
Le principe même de l'indemnisation n'a jamais été discuté.
Lorsque la loi de Ventôse rétablit les offices et que la loi de 1816 institua
le droit de présentation, il ne fit de doute pour personne que la
patrimonialité des charges se trouvait du même coup restaurée. Je vous renvoie
aux débats parlementaires de l'époque. C'est pourquoi chaque fois qu'il fut
question, par la suite, de fonctionnariser des offices, les parlementaires du
xixe siècle et du xxe siècle recoururent d'instinct au vocabulaire de 1791.
L'opération fut toujours conçue en termes d'expropriation. C'est effectivement
en ces termes que se réalisa, en 1965 et en 1971, le rachat des greffes et des
charges d'avoués près les tribunaux.
La référence au droit de propriété est aussi celle de la doctrine, tant de
droit public - Laferrière, Hauriou Costes - que de droit privé. Nombreux sont
les auteurs contemporains qui voient dans les offices ministériels une
propriété mobilière, je vous fais grâce de leurs noms...
M. Yann Gaillard,
rapporteur pour avis.
Non !
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Je les cite donc : Glasson, Tisser et Morel, Solus et Perrot,
Vincent, Montagnier Varinard et Carbonnier.
Quelle est la position des tribunaux ? Dès le milieu du xixe siècle, la Cour
de cassation avait qualifié de propriété le droit des officiers ministériels
sur leurs charges - chambre civile du 25 mai 1854, 11 novembre 1857, etc. Son
attitude ne s'est jamais démentie ultérieurement.
Entre la situation économique des titulaires successifs de l'office
ministériel, il y a plus qu'une continuité comme entre les titulaires d'un
cabinet de profession libérale, il y a une identité qui fait que l'office
ministériel, sous réserve des variations dues à son mode d'exploitation, a un
caractère de perpétuité qui le fait figurer parmi les propriétés.
Il s'agit d'une propriété mobilière complexe, peut-être, agrégeant des
éléments hétérogènes, les uns corporels tels que les archives, les autres
incorporels, par exemple le nombre limité et la compétence territoriale et
d'attribution. La présence de composants incorporels dans cet ensemble conduit
à qualifier l'office ministériel de propriété incorporelle.
La valeur de cette propriété lui vient, pour l'essentiel, d'une part, des
modalités régulatrices de la concurrence tenant à l'existence d'un monopole
collectif pour les actes réservés à la profession et d'un tarif et, d'autre
part, de son mode de transfert à titre onéreux, par le mécanisme du droit de
présentation.
La suppression radicale des éléments les plus importants de la propriété
incorporelle en ruine l'existence, et remet en cause la qualification de
l'office ministériel.
La suppression par l'Etat d'une propriété privée est une expropriation. Elle
obéit à des règles précises. Une expropriation déguisée ne serait conforme ni à
ces règles ni aux principes généraux du droit de propriété.
Tels sont les arguments que je voulais développer.
J'ajoute que, s'agissant de nombreuses cessions immobilières - immeubles
ruraux, monuments historiques, sites miniers, que sais-je encore ? - il y a
souvent besoin d'un agrément de l'acquéreur, comme le garde des sceaux agrée
l'acquéreur d'un droit de présentation. Il juge non pas de la vente de ce droit
de présentation, mais de l'acquéreur, il l'agrée. Le droit de propriété ne s'en
trouve pas restreint ni supprimé.
Il m'a paru nécessaire d'apporter ces précisions qui sont importantes au
regard d'une réelle et juste indemnisation des commissaires-priseurs.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je salue bien sûr l'opiniâtreté de M. Dejoie, mais je
souhaiterais faire deux remarques, sans reprendre l'ensemble de l'argumentation
du rapport Vedel, auquel je le renvoie.
En 1971, M. René Pleven, alors garde des sceaux, confronté à la même question
au moment où a été retiré le monopole aux avoués devant les tribunaux de grande
instance, déclarait au Sénat lors de la séance du 16 novembre : « Plusieurs
orateurs ont parlé "d'expropriation" pour justifier l'accélération de
l'indemnisation, voire pour demander qu'elle soit préalable à l'entrée en
vigueur de la loi. Je ne pense pas que cette thèse soit fondée sur un
raisonnement juridique exact, le propriétaire dont le bien est exproprié en
perd tout à la fois la valeur vénale et les revenus qu'il tirait ou pouvait
tirer de la gestion, de l'exploitation ou de la location de ce bien. Tel n'est
assurément pas le cas des avoués qui pourront, en toute liberté, décider ou non
d'entrer dans la nouvelle profession, alors qu'un exproprié perd son bien,
qu'il le veuille ou non. » Il me semble que nous pouvons établir un parallèle
entre la situation des avoués en 1971 et celle sur laquelle nous travaillons
aujourd'hui.
Par ailleurs, je le rappelle à l'intention de M. Dejoie, des professionnels
ont perdu leur monopole sans être indemnisés, par exemple les agents de
change.
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Il n'en demeure pas moins, madame le garde des sceaux, que
les avoués ont tout de même été indemnisés à la valeur réelle de leur office,
voire au-delà.
M. Jean-Jacques Hyest.
Donc, il n'y avait pas de problème !
(Sourires.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 12 et 23.
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole contre ces amendements.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Comme je l'ai dit dans la discussion générale, le groupe socialiste ne votera
pas ces amendements.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
En l'occurrence, je ne suis convaincu ni par René Pleven ni par le doyen
Vedel. En effet, nous sommes en face d'un bien qui relève de la propriété, même
si c'est une propriété incorporelle. Par conséquent, les dispositions de
l'article XVII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
s'appliquent : on doit allouer une juste et préalable indemnité. Si on ne le
fait pas, si on limite cela - et je vous renvoie à la jurisprudence du Conseil
constitutionnel concernant la nationalisation des banques - on est en dehors
des règles constitutionnelles. Il faut donc suivre la proposition de nos deux
rapporteurs. C'est la seule voie de la justice et de la sagesse.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 12 et 23, repoussés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 35 est ainsi rédigé.
article 36
M. le président.
« Art. 36. _ La valeur de l'office, limitée à l'activité des ventes
volontaires, est calculée :
« _ en prenant pour base la somme de la recette nette moyenne de l'exercice
1992 au dernier exercice dont les résultats seraient connus de l'administration
fiscale à la date de la promulgation de la présente loi et de trois fois le
solde moyen d'exploitation de l'office au cours des mêmes exercices ;
« _ en affectant cette somme d'un coefficient de 0,5 pour les offices du
ressort des compagnies de commissaires-priseurs autres que celle de Paris et de
0,6 pour les offices du ressort de la compagnie des commissaires-priseurs de
Paris ;
« _ en ajoutant à ce résultat la valeur nette des immobilisations corporelles,
autres que les immeubles, inscrite au bilan du dernier exercice clos à la date
d'entrée en vigueur de la présente loi ;
« _ en multipliant le total ainsi obtenu par le rapport du chiffre d'affaires
moyen de l'office correspondant aux ventes volontaires de l'exercice 1992 au
dernier exercice dont les résultats seraient connus de l'administration fiscale
à la date de la promulgation de la présente loi sur le chiffre d'affaires
global moyen de l'office au cours des mêmes exercices.
« La recette nette est égale à la recette encaissée par l'office, retenue pour
le calcul de l'imposition des bénéfices, diminuée des débours payés pour le
compte des clients et des honoraires rétrocédés.
« Le solde d'exploitation est égal à la recette nette augmentée des frais
financiers et des pertes diverses et diminuée du montant des produits
financiers, des gains divers et de l'ensemble des dépenses nécessitées pour
l'exercice de la profession, telles que retenues pour le calcul de l'imposition
des bénéfices en application des articles 93 et 93 A du code général des
impôts.
« Les données utilisées sont celles qui figurent sur la déclaration fiscale
annuelle et dans la comptabilité de l'office. »
Par amendement n° 13, M. Dejoie, au nom de la commission des lois, propose
:
« I. - Dans le deuxième alinéa de cet article, de remplacer les mots : "de
l'exercice 1992 au dernier exercice" par les mots : "au cours des cinq derniers
exercices" ;
« II. - En conséquence, dans le cinquième alinéa de cet article, de remplacer
les mots : "de l'exercice 1992 au dernier exercice" par les mots : "au cours
des cinq derniers exercices". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Cet amendement concerne le nombre d'années qui doivent être
retenues pour le calcul des indemnités. En première lecture, nous avions décidé
de prendre comme référence les cinq derniers exercices connus à la date de la
promulgation de la loi. Pour sa part, le Gouvernement avait retenu comme point
de départ l'exercice 1992 - car le projet de loi est relativement ancien - et
l'Assemblée nationale a repris cette référence. Nous considérons que le fait de
retenir huit années ne permettra pas une juste évaluation d'un office.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Cet amendement tend à modifier la période de référence
retenue pour le calcul de la valeur des offices servant de base à
l'indemnisation de manière à retenir la période la plus récente, à savoir les
cinq derniers exercices pour lesquels les données fiscales et comptables seront
connues à la date de la promulgation de la présente loi. Je souscris au souci
de retenir la période la plus récente de manière à assurer le plus fidèlement
possible l'indemnisation d'un préjudice.
Cela étant, j'émets un avis défavorable sur cet amendement, et ce pour deux
raisons.
Tout d'abord, parce qu'il prévoit de retenir une période d'évaluation des
offices qui ne couvre pas l'intégralité de la période influencée par l'annonce
de la réforme. Or, il ne faut pas dissimuler que les professionnels ont pu
modifier leur gestion dès le principe de la réforme annoncé.
Ensuite, parce que l'argument de votre rapporteur selon lequel les fonds de
commerce sont généralement évalués sur la base des cinq dernières années ne me
convainc pas. L'activité des commissaires-priseurs est une activité civile tout
à fait spécifique dans la mesure où les mouvements constatés sur le marché de
l'art ont une amplitude beaucoup plus longue que dans le commerce traditionnel.
En conséquence, les résultats des offices sont à apprécier avec un recul plus
important.
Voilà pourquoi il me paraît légitime de retenir pour période de référence
l'exercice 1992 et les exercices suivants connus à la date de la promulgation
de la loi.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 28, le Gouvernement propose, dans l'avant-dernier alinéa de
l'article 36, de remplacer les mots : « à la recette nette augmentée », par les
mots : « aux recettes totales retenues pour le calcul de l'imposition des
bénéfices, augmentées ».
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Cet amendement vise à clarifier la définition du solde
d'exploitation. Pour arriver à ce résultat, il faut être suffisamment précis
quant à la désignation des recettes à prendre en compte pour le calcul dudit
solde. Il me paraît donc nécessaire de remplacer les mots « recette nette » par
les mots « recettes totales retenues pour le calcul de l'imposition des
bénéfices ».
Je demande au Sénat de voter cet amendement de précision.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 28, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 36, modifié.
(L'article 36 est adopté.)
Article 37
M. le président.
« Art. 37. _ Le préjudice subi du fait de la dépréciation de la valeur
pécuniaire du droit de présentation est fixé à 50 % de la valeur déterminée à
l'article 36. L'indemnisation correspondante peut être augmentée ou diminuée de
15 % au plus par la commission prévue à l'article 43 en fonction de la
situation particulière de chaque office et de son titulaire. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 14 est présenté par M. Dejoie, au nom de la commission des
lois.
L'amendement n° 24 est proposé par M. Gaillard, au nom de la commission des
finances.
Tous deux tendent à rédiger comme suit l'article 37 :
« Le préjudice indemnisé en application de l'article 35 est évalué sur la base
de la valeur de l'office déterminée à l'article 36, en tenant compte de la
valeur des éléments d'actifs incorporels de nature à être cédés par le
titulaire de l'office en cas de cessation de son activité de ventes volontaires
de meubles aux enchères publiques.
« Le titulaire de l'office peut demander le bénéfice d'une indemnisation
forfaitaire fixée à 50 % de la valeur déterminée à l'article 36. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 14.
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Nous sommes toujours dans le domaine de l'indemnisation et
sur la base de l'expropriation. Il s'agit purement et simplement, sans que
j'aie besoin de développer l'argumentation, de revenir à l'amendement que le
Sénat avait adopté en première lecture.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n°
24.
M. Yann Gaillard,
rapporteur pour avis.
Je n'ai rien à ajouter aux propos de M. le
rapporteur.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 14 et 24
?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Ces amendements ont pour objet de laisser le choix aux
commissaires-priseurs de demander soit le versement d'une indemnité calculée
sur la base de la valeur vénale de l'office après abattement compte tenu du
fait qu'il pourront continuer à exercer leur activité de ventes volontaires,
soit le versement d'une indemnité forfaitaire non modulée correspondant à 50 %
de la valeur de l'office.
Je suis défavorable à ces amendements en raison de la première branche de
l'alternative, qui pourrait paradoxalement offrir une prime à l'inertie
économique : le préjudice sera en effet d'autant plus important que le
professionnel aura fait preuve de manque de dynamisme dans la gestion de sa
société de ventes. La situation la plus caricaturale serait celle d'une
quasi-inactivité engendrant une indemnisation maximale.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 14 et 24, repoussés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 37 est ainsi rédigé.
Article 43
M. le président.
« Art. 43. _ Les demandes d'indemnisation sont portées devant une commission
nationale présidée par un membre du Conseil d'Etat.
« La commission évalue le montant de l'indemnisation, conformément aux règles
prévues par les articles 35 à 38.
« La commission établit un rapport annuel sur le déroulement de
l'indemnisation et l'équilibre financier du fonds.
« Les décisions de la commission peuvent faire l'objet d'un recours devant le
Conseil d'Etat. »
Par amendement n° 15, M. Dejoie, au nom de la commission des lois, propose de
rédiger comme suit le premier alinéa de l'article 43 :
« Les demandes d'indemnisation sont portées devant une commission nationale
présidée par un magistrat de l'ordre judiciaire et comprenant, en nombre égal,
d'une part, des représentants des commissaires-priseurs et, d'autre part, des
personnes qualifiées désignées par le garde des sceaux, ministre de la justice.
Des suppléants sont désignés en nombre égal et dans les mêmes formes. Les
modalités de constitution et de fonctionnement de la commission sont fixées par
décret en Conseil d'Etat.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Cet amendement vise essentiellement à ce que la commission
nationale devant laquelle sont portées les demandes d'indemnisation soit
présidée par un magistrat de l'ordre judiciaire. S'agissant du domaine de
l'expropriation, il ne peut en être autrement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet
amendement.
S'agissant du président de la commission nationale d'indemnisation, le choix
de la commission des lois ne me paraît pas pouvoir être retenu compte tenu du
fondement de l'indemnisation qui, dans le projet de loi, repose sur le principe
de l'égalité devant les charges publiques, lequel relève du droit public.
S'agissant de la composition de la commission, il revient au pouvoir
réglementaire de la fixer. Il faudra seulement veiller à ce que la commission
soit composée de manière équilibrée.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 16, M. Dejoie, au nom de la commission des lois, propose de
rédiger comme suit le dernier alinéa de l'article 43 :
« Les décisions de la commission peuvent faire l'objet d'un recours devant la
cour d'appel de Paris. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Il s'agit presque d'un amendement de coordination : à partir
du moment où la commission nationale d'indemnisation est présidée par un
magistrat de l'ordre judiciaire, les recours susceptibles d'être introduits
contre ses décisions doivent être portés devant la cour d'appel de Paris.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Par coordination et par cohérence avec la position que
je viens d'exprimer, je suis défavorable à cet amendement.
La compétence de la juridiction administrative s'impose à la fois au regard du
fondement juridique de l'indemnisation, qui relève d'un principe de droit
public, et en raison de la nature administrative de la commission
d'indemnisation.
M. le président.
Peronne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 43, modifié.
(L'article 43 est adopté.)
Article 43
bis
M. le président.
Sur l'article 43
bis
, qui a été supprimé par l'Assemblée nationale, la
parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Yann Gaillard,
rapporteur pour avis.
J'indique dès l'abord que la commission des
finances ne demande pas le rétablissement de l'article 43
bis
. Je ne
reviendrai pas sur ce qui a été dit concernant les efforts que nous avons
accomplis en commun, et pour lesquels le Gouvernement est venu un peu à notre
rencontre, en matière de taxation de plus-values, de bénéfices non encore
imposés, de droits de mutation, en vue d'opérer toutes les mutations
qu'imposera la nouvelle loi aux anciennes études devenues des sociétés de
ventes volontaires sans aboutir à un alourdissement de la fiscalité qui
n'aurait d'autre base que les changements juridiques qui leur sont imposés.
Je souhaite simplement dire que tout n'est pas complètement réglé et attirer
l'attention du Gouvernement sur un certain nombre de points qui, d'après les
informations dont je dispose, sont encore en discussion entre les
professionnels et Bercy, et dont l'heureuse solution que nous souhaitons serait
dans la ligne de l'effort que nous avons entrepris pour nettoyer cette réforme
de toute adhérence fiscale inutile.
Je me permets donc de rappeler ces divers points, considérant qu'il n'est pas
inutile d'attirer l'attention de Mme la ministre, et que cette dernière pourra
sans doute nous aider auprès de son collègue ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie.
Il s'agit tout d'abord de l'apport par une entreprise individuelle, qui doit
pouvoir bénéficier des dispositions de l'article 151
octies
du code
général des impôts. En effet, les locaux, le matériel, le personnel sont
actuellement communs aux deux branches judiciaire et volontaire. Après la
réforme, deux structures cohabiteront le plus souvent dans les mêmes lieux et
se partageront matériel et personnel. Il faut donc que soit clairement confirmé
que l'activité de ventes volontaires constitue une branche complète et autonome
d'activité, au sens de la réglementation fiscale.
Il s'agit également de voir maintenu le report d'imposition des plus values -
article 93
quater
1 du code général des impôts - en cas de cessation de
l'affectation au patrimoine professionnel des titres rémunérant l'apport à la
société de ventes volontaires si le commissaire-priseur cesse son activité
judiciaire.
Pour l'apport par une société civile professionnelle ou une société d'exercice
libéral soumise à l'impôt sur les sociétés, il s'agit d'obtenir confirmation de
ce que l'activité de ventes volontaires constitue une branche complète et
autonome d'activités et, par suite, que l'apport à une société de ventes
volontaires bénéficie des dispositions de l'article 210 B du code général des
impôts.
Pour l'apport par une société civile professionnelle non soumise à l'impôt sur
les sociétés, il s'agit de savoir également, en cas de cessation de l'activité
de ventes judiciaires ou en cas de dissolution, si la scission n'est pas
susceptible de mettre fin au report d'imposition des plus-values.
En matière de droit d'enregistrement, il s'agit de savoir si l'application du
droit fixe est soumise aux mêmes conditions que celles qui sont prévues à
l'article 809-I
bis
du code général des impôts, en cas de cessation de
l'activité de ventes judiciaires ou en cas de dissolution d'une société civile
professionnelle non soumise à l'impôt sur les sociétés.
Il s'agit enfin de savoir si la vente de l'activité de ventes judiciaires
suivie de la transformation de la société civile professionnelle en société de
ventes volontaires n'entraîne pas création d'un être moral nouveau.
Nous aimerions également connaître la position du Gouvernement à propos de
deux difficultés qui nous ont été signalées par certains professionnels.
En premier lieu, certains ont noté que, parmi les événements de nature à faire
cesser le report, il faut compter non seulement la vente des titres reçus en
échange des actifs apportés, mais encore la vente des titres ou la dissolution
de la société apporteuse.
Or il est à craindre, dans le cas des études de commissaire-priseur, que des
désaccords n'aboutissent soit à la vente des parts de l'un des associés, soit à
la dissolution de la société civile, ce qui entraînerait du même coup la fin du
report d'imposition.
En second lieu, l'Assemblée nationale, suivant le rapporteur de sa commission
des lois, a supprimé l'article 43
ter
introduit sur l'initiative de la
commission des finances du Sénat, au motif que le code général des impôts
prévoyait déjà l'application d'un droit fixe de 1 500 francs aux
restructurations des sociétés civiles professionnelles non soumises à l'impôt
sur le revenu.
En fait, il semblerait qu'une ambiguïté pourrait subsister du fait de la
rédaction du paragraphe 2 de l'article 816 A, ambiguïté que le Gouvernement,
j'en suis persuadé, voudra bien dissiper devant le Sénat, ou, s'il ne le fait
pas immédiatement ici même, dont il voudra bien prendre note pour que les
négociations actuellement en cours entre la profession et le ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie aboutissent le plus heureusement et
le plus rapidement possible.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Concernant tout d'abord l'apport à des sociétés de
ventes volontaires, vous me demandez, monsieur le rapporteur pour avis, si le
droit fixe de 1 500 francs s'appliquera dans tous les cas. Malgré les
difficutés de lecture du code général des impôts, je vous confirme que les
apports à des sociétés de ventes volontaires seront, pour l'ensemble de leurs
composants, soumis au seul droit d'enregistrement fixe de 1 500 francs.
S'agissant de savoir si, en cas de désaccord entre les associés, la vente de
ses parts par l'un d'entre eux entraînerait la fin du report d'imposition, il
faut opérer une distinction : l'associé qui cède ses parts dispose, quant à
lui, de la trésorerie nécessaire pour s'acquitter de l'imposition due au titre
de la plus-value ; s'agissant des autres associés, la cession n'entraîne pas,
pour eux bien entendu, la fin du report d'imposition, puisque les titres sont
détenus individuellement par chaque associé.
Article 43
ter
M. le président.
L'article 43
ter
a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Article 43
quater
M. le président.
« Art. 43
quater
. _ Il est créé une Compagnie des commissaires-priseurs
judiciaires de Paris, comportant la chambre de discipline actuellement attachée
à la Compagnie des commissaires-priseurs de Paris.
« La Compagnie des commissaires-priseurs de Paris est transformée en société
anonyme. Cette transformation n'entraîne pas création d'une personne morale
nouvelle. »
- (Adopté.)
Article 43
quinquies
M. le président.
L'article 43
quinquies
a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais, par amendement n° 25, M. Gaillard, au nom de la commission des finances,
propose de le rétablir dans la rédaction suivante :
« I. - Les indemnités versées aux commissaires-priseurs en application des
articles 41 et 42 de la présente loi sont soumises à l'impôt au taux prévu au I
de l'article 39
quindecies
du code général des impôts, sous réserve des
dispositions des paragraphes II et III ci-dessous.
« II. - L'impôt n'est dû que pour la part de l'indemnité non affectée au
remboursement de la dette contractée pour l'acquisition de l'office.
« III. - En cas d'affectation de la totalité de l'indemnité à la souscription
de parts ou d'actions d'une société de ventes volontaires de meubles aux
enchères publiques, l'imposition due en application du I ci-dessus fait l'objet
d'un report jusqu'à la date de la cession des titres acquis au moyen de
l'indemnité.
« IV. - Les pertes de recettes résultant des paragraphes II et III ci-dessus
sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Yann Gaillard,
rapporteur pour avis.
Il s'agit du régime fiscal de l'indemnité, sur
lequel je me suis déjà exprimé lors de mon intervention liminaire.
La commission des finances propose au Sénat de rétablir cet article, supprimé
par l'Assemblée nationale, qui a pour objet de permettre un report de l'impôt
en cas de souscription de parts ou actions des sociétés de ventes volontaires
de meubles aux enchères et de tenir compte de l'endettement des
commissaires-priseurs contracté pour l'acquisition de leur charge.
Considérant que l'indemnité constitue le prix de cession d'un élément d'actif
immobilisé, l'administration fiscale a, dans une réponse écrite au rapporteur
pour avis que je suis, indiqué que « l'excédent du montant de l'indemnité sur
la part du prix payé par les commissaires-priseurs à leur prédécesseur au titre
du droit de présentation relèverait du régime des plus ou moins-values
professionnelles. »
Le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale précise dans
son rapport écrit que l'indemnité ne sera imposable qu'au titre de la
plus-value, c'est-à-dire de la différence entre l'indemnité et le prix
d'acquisition de l'office.
On aurait aimé disposer de l'instruction en cours de préparation à ce sujet
dans la mesure où la mise en application du régime des plus-values
professionnelles n'est sans doute pas aussi évidente qu'il y paraît.
Un examen plus approfondi du traitement fiscal des plus-values à long terme
dans le cadre des bénéfices commerciaux ou non commerciaux ou dans celui de
l'impôt sur les sociétés tend à montrer que l'application d'un taux
d'imposition proportionnel de 26 %, apparemment avantageux, ne semble
correspondre qu'au régime de droit commun applicable notamment aux cessions de
clientèle en cas de cessation d'activité.
En revanche, dès lors que l'on se situe dans la perspective de la poursuite de
l'activité, on ne peut que souligner qu'un tel mode d'imposition est moins
avantageux que celui du droit commun, s'agissant au surplus d'un revenu
assimilable à une indemnité d'expropriation, selon notre interprétation, bien
entendu.
Si l'on analyse l'indemnisation prévue par la présente loi comme une indemnité
d'expropriation correspondant à la cession forcée d'une partie de son fonds de
commerce, le commissaire-priseur qui veut poursuivre son activité de ventes
volontaires dans le cadre des nouvelles sociétés de ventes aux enchères ne
peut, parce qu'il ne peut poursuivre son activité avec le même statut
juridique, bénéficier des avantages de l'étalement comme pourrait le faire une
entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés.
Considérant qu'il ne s'agit d'un régime professionnel que de façon tout à fait
formelle, sachant qu'en application de l'article 42 du projet de loi les
indemnités dues aux sociétés civiles professionnelles sont réglées à leurs
membres en proportion de leurs droits d'associés, la commission des finances a
souhaité que, prenant modèle sur ce qui existe pour les particuliers réalisant
une plus-value immobilière à la suite d'une expropriation, on exonère les
sommes réinvesties dans des sociétés de ventes volontaires. On peut rappeler
que l'article 150 E du code général des impôts prévoit que, dans ce cas, les
plus-values immobilières « n'entraînent aucune taxation quand il est procédé au
réemploi de l'indemnité par l'achat d'un ou plusieurs biens de même nature dans
un délai de six mois du paiement ».
Telle est la raison d'équité mais aussi et surtout d'efficacité économique
pour laquelle la commission des finances propose au Sénat de reprendre le
dispositif de première lecture créant un régime
ad hoc
pour permettre
aux commissaires-priseurs qui veulent poursuivre leur activité de ventes
volontaires et réinvestissent l'intégralité de leur indemnisation dans une
nouvelle société de ventes volontaires de bénéficier d'un report de l'impôt dû
à ce titre.
De même, il a paru équitable de reprendre le dispositif de première lecture
favorisant les commissaires-priseurs encore endettés, qui ne seraient imposés
que sur la part de leur indemnisation non affectée au remboursement des dettes
contractées pour l'acquisition de leur charge.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
La commission émet un avis favorable.
C'est la dernière fois que nous parlons de l'indemnisation dans le cadre de ce
débat. Je voudrais revenir sur la disparité entre les sorts des
commissaires-priseurs et des courtiers maritimes. Rien n'empêche ces derniers
de continuer leur activité dans le cadre de la libre concurrence. Par
conséquent, la situation est la même pour les courtiers maritimes et pour les
commissaires priseurs. Pourquoi, dans ce cas, prévoir 65 % pour les uns et 50 %
pour les autres ? Je n'ai pas eu véritablement la réponse que j'attendais.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Monsieur le rapporteur, les commissaires-priseurs ont
un monopole sur les ventes judiciaires, alors que les courtiers maritimes ne
jouissent d'aucun monopole. C'est tout de même une différence de statut
importante !
(M. le rapporteur s'exclame.)
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 25.
Tout d'abord, il ne m'apparaît pas utile d'alourdir le projet de loi par
l'ajout d'un article sur le régime fiscal de l'indemnisation. L'application du
régime des plus-values professionnelles, qui résulte des principes généraux,
sera précisée dans le cadre d'une instruction administrative dès la publication
de la loi. Le Gouvernement en a pris l'engagement. Vous le savez, et je vous le
confirme aujourd'hui. Vous pouvez donc être absolument rassuré sur ce point,
monsieur le rapporteur pour avis.
Quant aux deux autres mesures contenues dans votre amendement, j'y suis
fermement opposée.
Tout d'abord, la mesure qui consiste à ne pas imposer l'indemnité à
concurrence du remboursement des emprunts contractés pour l'acquisition de
l'office de commissaire-priseur serait contraire aux principes généraux de
l'impôt sur le revenu. En effet, l'affectation d'un revenu imposable au
remboursement d'une dette constitue un emploi de ce revenu qui ne peut faire
échec au paiement de l'impôt.
Je vous rappelle que l'indemnisation a pour objet de réparer le préjudice subi
du fait de la dépréciation de la valeur pécuniaire du droit de présentation.
Dès lors, il ne serait absolument pas justifié de traiter différemment sur le
plan fiscal les commissaires-priseurs selon qu'ils ont ou non à rembourser un
emprunt lié à l'acquisition du droit de présentation.
L'institution d'un report d'imposition en cas de réinvestissement de
l'indemnité dans une société de vente volontaire ne serait pas non plus
justifiée dès lors que le versement de l'indemnité s'effectuerait en une seule
fois - c'est l'article 41 du projet de loi - et que les commissaires-priseurs
disposeraient tout de suite des sommes nécessaires pour payer l'impôt
correspondant à la plus-value.
Les sommes disponibles après paiement de l'impôt que les commissaires-priseurs
auraient, en tout état de cause, la possibilité de réinvestir dans des sociétés
de vente volontaire représenteraient un pourcentage non négligeable du montant
de l'indemnité compte tenu du taux d'imposition très modéré - 26 %, prélèvement
sociaux inclus - des plus-values à long terme. Il s'agit, là aussi, d'un emploi
du revenu qui, comme tel, ne justifie pas l'application d'un régime fiscal
particulier.
Voilà pourquoi je ne suis pas favorable à cet amendement, car il créerait un
précédent qu'il serait difficile de ne pas étendre à d'autres situations où une
indemnité imposable est versée.
M. Yann Gaillard,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Yann Gaillard,
rapporteur pour avis.
Nous sommes là, je l'ai dit, en présence d'un point
dur de notre discussion. Je n'ai pas la prétention de convaincre Mme la
ministre, pas plus, j'imagine, qu'elle n'a la prétention de me convaincre ;
mais, comme c'est elle qui a le pouvoir, elle aura finalement le dernier
mot.
Quoi qu'il en soit, je souhaite que ce dispositif puisse servir de précédent,
parce que je crois que c'est très important pour la modernisation de notre
fiscalité et sa mise à niveau avec celle d'un certain nombre d'autres pays avec
lesquels nous sommes en concurrence. C'est non seulement une question de droit
fiscal, mais aussi et surtout une question économique.
Madame la ministre, vous nous dites que le commissaire-priseur va percevoir
son indemnité, qu'il va devoir payer son impôt et qu'il réemploiera le reste.
Moi, je préfère qu'il emploie la totalité pour développer ses affaires.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 25.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Monsieur le président, madame la ministre, je voterai, naturellement,
l'amendement proposé par la commission des finances, mais je voudrais attirer
l'attention de la Haute Assemblée sur la méfiance que manifeste le Gouvernement
dès lors qu'il s'agit d'indemniser. Pourquoi ne pas faire confiance à ceux qui
sont privés de leur outil de travail, de leurs biens, qui doivent s'adapter, se
transformer, se moderniser ? Je n'admets pas ces réserves de plus en plus
nombreuses qui apparaissent quand il s'agit d'indemniser. Il faut indemniser,
et indemniser justement.
De plus, permettez-moi de reprendre l'argument de M. Dejoie, qui me paraît
excellent, au sujet des 50 % et des 65 %. Le monopole qui subsistera, celui des
ventes judiciaires, représenterait-il 15 % ou 20 % de l'activité des
commissaires-priseurs ? Non ! Les ventes judiciaires représentent beaucoup
moins, c'est
peanuts
pour la plupart des commissaires-priseurs ! Prévoir
50 % contre 65 %, cela ne tient pas la route, et je suis désolé de répéter que,
à mon avis, le Gouvernement n'a pas le bon comportement à l'égard des
citoyens.
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Je ne voterai pas l'amendement de la commission des finances.
Notre collègue M. Gélard vient de nous faire, comme à son habitude, un peu de
cinéma. Mais nous le connaissons, et nous savons bien qu'il aime parfois
enflammer comme cela nos séances !
On ne peut pas dire que le Gouvernement refuse d'indemniser les
commissaires-priseurs ! Que l'on ne soit pas d'accord sur le fait qu'il s'agit
d'une expropriation, que l'on ne soit pas d'accord exactement sur le montant de
l'indemnisation, je l'admets, mais évitons les excès ! Des indemnités sont tout
de même prévues !
Quoi qu'il en soit, pour un principe général tenant à l'emploi des sommes,
personnellement, peut-être en tant qu'ancienne inspectrice des impôts, je ne
peux voter un tel amendement. Décider que, selon qu'on emploierait une somme à
ceci ou à cela, on paierait ou non un impôt ne me semble pas justifié.
Qu'ensuite, d'autres aides puissent être accordées pour aider une entreprise à
se développer et à investir, c'est une autre question, économique celle-là,
mais, sur le plan fiscal, je considère que la commission des finances nous
propose une dérogation vraiment grave à un principe établi.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 25, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 43
quinquies
est rétabli dans cette
rédaction.
Chapitre VII
Dispositions diverses et transitoires
Article additionnel avant l'article 44
M. le président.
Par amendement n° 26 rectifié, M. Gaillard, au nom de la commission des
finances, propose d'insérer, avant l'article 44, un article additionnel ainsi
rédigé :
« Le huitième alinéa (
d
du 3°) de l'article L. 122-5 du code de la
propriété intellectuelle est ainsi rédigé :
«
d
. Les reproductions intégrales ou partielles d'oeuvres d'art
graphiques ou plastiques offertes à la vente, mises à la disposition du public
sur les lieux ou à l'occasion de la vente. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Yann Gaillard,
rapporteur pour avis.
Cet amendement vise le droit de reproduction.
Comme j'ai été amené à le dire tout à l'heure, nous essayons de déminer peu à
peu un certain nombre de poids fiscaux ou parafiscaux qui pèsent lourdement sur
notre marché de l'art : après la TVA, après le droit de suite, on nous propose
maintenant le droit de reproduction ! Or, ce droit dès lors qu'il s'agit de
documents, catalogues, affiches ou autres supports édités pour permettre ou
promouvoir la vente de l'oeuvre, est évidemment superfétatoire, et même
contraire à l'intérêt des artistes.
On ne peut pas comprendre qu'une société de vente volontaire - ou une galerie
: nous étendons dans notre amendement à l'ensemble du marché de l'art les
dispositions relatives au droit de reproduction - ait à payer un droit alors
qu'elle reproduit une oeuvre pour mieux la vendre et pour en valoriser le
prix.
Telle est l'idée de bon sens qui a justifié le dépôt de cet amendement.
Je précise que, par rapport à certaines des rédactions qui nous ont été
proposées, nous nous limitons strictement aux reproductions d'oeuvres mises à
la disposition du public sur les lieux où à l'occasion de la vente.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Les principes généraux de la propriété intellectuelle,
tant en droit interne qu'en droit international ou communautaire, prévoient en
faveur de l'auteur d'une oeuvre le droit d'interdire ou d'accepter la
reproduction de celle-ci et d'en obtenir une rémunération. Seules quelques
exceptions sont prévues en matière de reproduction, à des fins privées, ou de
courtes citations.
La proposition de directive sur l'harmonisation de certains aspects du droit
d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information applique les
mêmes règles. Elle ne prévoit qu'un nombre limité d'exceptions : il s'agit de
la reprographie, de l'usage privé et à des fins non commerciales ou d'actes
accomplis par les établissements accessibles au public qui ne visent aucun
avantage économique ou commercial, direct ou indirect, ou encore à des fins
d'illustration, d'enseignement ou de recherche.
Aucune des exceptions prévues par la directive ne permet une exemption en cas
de reproduction d'oeuvres dans des catalogues de ventes.
Il en résulte qu'une exception large autorisant la reproduction par tout
intermédiaire effectuant des ventes serait contraire aux principes défendus par
la France dans les enceintes internationales et, surtout, aux textes
internationaux qu'elle est tenue de respecter.
A cet égard je crois nécessaire d'attirer votre attention sur le fait
qu'admettre dans notre législation une dérogation aussi large risquerait
d'entraîner la France dans un contentieux communautaire.
Enfin, j'ajoute que le respect du droit de reproduction pour les catalogues,
dont le tarif est librement fixé entre le titulaire des droits et les
commissaires-priseurs, n'est pas un facteur économique ou psychologique décisif
dans la décision du vendeur de délocaliser la vente à l'étranger.
Voilà pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 26 rectifié, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, avant l'article 44.
Article 47
M. le président.
« Art. 47. _ Les actions en responsabilité civile engagées à l'occasion des
ventes volontaires et judiciaires de meubles aux enchères publiques, ainsi que
des expertises correspondantes et des prisées, en cours à la date de
promulgation de la présente loi, se prescrivent par dix ans à compter de cette
date, à moins que la prescription ne soit acquise selon les règles applicables
antérieurement avant ce délai.
- (Adopté.)
Article additionnel après l'article 48
M. le président.
Par amendement n° 17, M. Dejoie, au nom de la commission des lois, propose
d'insérer, après l'article 48, un article additionnel ainsi rédigé :
« Pour la constitution initiale du conseil des ventes, les représentants des
professionnels seront désignés par le garde des sceaux, ministre de la justice,
sur proposition de la chambre nationale des commisaires-priseurs judiciaires
».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Cet article additionnel définit les modalités de désignation
des membres du premier conseil des ventes.
Le conseil des ventes n'ayant jamais existé, on ne voit pas comment il
pourrait organiser la procédure d'élection prévue ! C'est pourquoi nous
proposons que le garde des sceaux, ministre de la justice, sur proposition de
la chambre nationale des commissaires-priseurs judiciaires, désigne les
représentants des professionnels pour le premier mandat.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 48.
Article 52
M. le président.
« Art. 52. _ Les ventes en gros de marchandises aux enchères publiques
continuent à être faites par le ministère des courtiers de marchandises
assermentés dans les cas, conditions et formes indiqués par les lois et
règlements en vigueur.
« Les ventes aux enchères publiques de meubles appartenant à l'Etat définies à
l'article L. 68 du code du domaine de l'Etat, ainsi que toutes les ventes de
biens meubles effectuées en la forme domaniale dans les conditions prévues à
l'article L. 69 du même code, continuent d'être faites selon les modalités
prévues par ces articles. Toutefois, par dérogation aux dispositions des
articles L. 68, L. 69 et L. 70 du même code, ces ventes peuvent également être
faites avec publicité et concurrence, pour le compte de l'Etat, par les
sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques dans les
conditions prévues par la présente loi.
« Les ventes de meubles aux enchères publiques relevant du code des douanes
continuent d'être faites selon les modalités prévues par le même code. »
Par amendement n° 18, M. Dejoie, au nom de la commission des lois, propose de
compléter le dernier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, par dérogation aux dispositions du code des douanes, ces ventes
peuvent également être faites avec publicité et concurrence, pour le compte de
l'Etat, par les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères
publiques dans les conditions prévues par la présente loi. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
L'Assemblée nationale a prévu que les sociétés de ventes
pourraient procéder à la vente des biens du domaine de l'Etat.
Cet amendement vise à étendre la possibilité de faire appel aux sociétés de
ventes non seulement pour les biens du domaine de l'Etat, mais aussi pour les
biens que sont quelquefois chargées de mettre en vente les douanes françaises.
Ce n'est donc qu'une extension des dispositions adoptées par l'Assemblée
nationale.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 52, ainsi modifié.
(L'article 52 est adopté.)
Article 53
M. le président.
« Art. 53. _ L'article 37 de la loi du 31 décembre 1921 portant fixation du
budget général de l'exercice 1922 est ainsi rédigé :
«
Art. 37
. _ L'Etat peut exercer, sur toute vente publique d'oeuvres
d'art ou sur toute vente de gré à gré d'oeuvres d'art réalisée dans les
conditions prévues par le dernier alinéa de l'article 8 de la loi n° du
juillet portant réglementation des ventes volontaires de meubles par nature
aux enchères publiques, un droit de préemption par l'effet duquel il se trouve
subrogé à l'adjudicataire ou à l'acheteur.
« La déclaration faite par le ministre chargé de la culture, qu'il entend
éventuellement user de son droit de préemption, est formulée, à l'issue de la
vente, entre les mains de l'officier public ou ministériel dirigeant les
adjudications ou de la société habilitée à organiser la vente publique ou la
vente de gré à gré.
« L'officier public ou ministériel chargé de procéder à la vente publique des
biens mentionnés au premier alinéa ou la société habilitée à organiser une
telle vente en donne avis au ministre chargé de la culture au moins quinze
jours à l'avance, avec toutes indications utiles concernant lesdits biens.
L'officier public ou ministériel ou la société informe en même temps le
ministre du jour, de l'heure et du lieu de la vente. L'envoi d'un catalogue
avec mention du but de cet envoi peut tenir lieu d'avis. La société habilitée à
procéder à la vente de gré à gré des biens mentionnés à l'alinéa premier
notifie sans délai la transaction au ministre chargé de la culture, avec toutes
indications utiles concernant lesdits biens.
« La décision du ministre doit intervenir dans le délai de quinze jours après
la vente publique ou après la notification de la transaction de gré à gré.
« L'Etat peut également exercer ce droit de préemption à la demande et pour le
compte des collectivités territoriales. »
Par amendement n° 31, M. Dejoie, au nom de la commission des lois, propose,
dans le premier alinéa du texte présenté par cet article pour l'article 37 de
la loi du 31 décembre 1921 portant fixation du budget général pour l'exercice
1922, après les mots : « de meubles », de supprimer les mots : « par nature
».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 31, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 53, ainsi modifié.
(L'article 53 est adopté.)
Articles 56 et 57
M. le président.
« Art. 56. _ Sont abrogés :
« _ la loi du 27 ventôse an IX portant établissement de quatre-vingts
commissaires-priseurs vendeurs de meubles à Paris ;
« _ l'article 89 de la loi du 28 avril 1816 sur les finances ;
« _ les deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 1er de la loi du
25 juin 1841 portant réglementation des ventes aux enchères publiques. »
- (Adopté.)
« Art. 57. _ Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions
d'application de la présente loi et notamment : le régime du cautionnement
prévu à l'article 5, les conditions d'information du Conseil des ventes
volontaires de meubles aux enchères publiques lorsque l'exposition ou la vente
n'a pas lieu dans les locaux visés dans la première phrase de l'article 6, les
mentions devant figurer sur la publicité prévue à l'article 10, les modalités
d'organisation et de fonctionnement du Conseil des ventes volontaires de
meubles aux enchères publiques, les conditions d'agrément des experts par le
conseil, la composition de la commission nationale prévue à l'article 43, les
conditions dans lesquelles la Compagnie des commissaires-priseurs de Paris est
transformée en société anonyme. »
- (Adopté.)
Intitulé du projet de loi
M. le président.
Par amendement n° 19, M. Dejoie, au nom de la commission des lois, propose,
dans l'intitulé du projet de loi, après le mot : « meubles » de supprimer les
mots : « par nature ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie,
rapporteur.
Il s'agit là encore d'un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'intitulé du projet de loi est ainsi modifié.
Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la deuxième
lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme
Derycke, pour explication de vote.
Mme Dinah Derycke.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous
avons certes avancé, mais à petits pas. Il demeure toujours des questions en
suspens. Il s'agit d'ailleurs de celles qui avaient fait l'objet des désaccords
que nous avions évoqués dans la discussion générale !
Tel qu'il est issu de nos travaux, ce texte ne peut recueillir notre
approbation. Le groupe socialiste s'abstiendra donc, mais j'espère que nous
parviendrons finalement à un accord au cours des discussions ultérieures.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, je
tiens tout d'abord à féliciter et à remercier nos deux rapporteurs, MM. Yann
Gaillard et Luc Dejoie, pour le travail tout à fait remarquable qu'ils ont
accompli : ils ont donné à ce texte la dimension qu'il méritait.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, le Gouvernement a trop de méfiance et pas
assez de confiance à l'égard des citoyens. Or c'est précisément cette confiance
que le texte élaboré par la commission des lois et la commission des finances a
tenté de rétablir.
Je me félicite que, dans ce contexte, le Sénat ait rétabli l'article 2
bis,
qui nous permettra de donner une dimension moderne à ce texte en visant
Internet.
Je me félicite également que le Sénat ait mieux pris en compte les
nécessaires, justes et préalables indemnisations des commissaires-priseurs qui,
grâce aux dispositions que nous avons adoptées, seront dorénavant indemnisés
selon les règles constitutionnelles prévues à l'article XVII de la Déclaration
des droits de l'homme et du citoyen, en prenant en compte le préjudice réel
qu'ils auront subi et non pas le préjudice tel que le Gouvernement, ou plus
exactement Bercy, veut bien l'évaluer.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RPR votera le texte qui nous est
présenté aujourd'hui.
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Parce que la majorité sénatoriale, suivant en cela la commission des lois, a
rétabli le texte adopté par elle en première lecture, texte qui va vers une
plus grande libéralisation, ainsi que je l'ai dit dans mon intervention
générale, et parce qu'ils soutiennent la position du Gouvernement, qui prône
une réglementation plus stricte des ventes dans le souci d'assurer la
protection du consommateur, les sénateurs du groupe communiste républicain et
citoyen s'abstiendront.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
10
DÉPÔT DE PROJETS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi organique modifiant le
nombre de sénateurs.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 235, distribué et renvoyé à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi modifiant la répartition
des sièges de sénateurs.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 236, distribué et renvoyé à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi organisant une
consultation de la population de Mayotte.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 237, distribué et renvoyé à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
11
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention portant
statut de la Cour pénale internationale.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 229, distribué et renvoyé à la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous
réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le règlement.
12
DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu de MM. Michel Caldaguès, Louis Althapé, Pierre André, Jean Bizet,
Mme Paulette Brisepierre, MM. Louis de Broissia, Michel Calméjane, Auguste
Cazalet, Charles Ceccaldi-Raynaud, Gérard Cornu, Charles de Cuttoli, Xavier
Darcos, Désiré Debavelaere, Jacques Delong, Christian Demuynck, Charles
Descours, Xavier Dugoin, Daniel Eckenspieller, Michel Esneu, Bernard Fournier,
Philippe de Gaulle, Patrice Gélard, Alain Gérard, François Gerbaud, Daniel
Goulet, Georges Gruillot, Hubert Haenel, Emmanuel Hamel, Jean-Paul Hugot, Roger
Husson, André Jourdain, Christian de La Malène, Lucien Lanier, Patrick
Lassourd, Dominique Leclerc, Jacques Legendre, Jean-François Le Grand, Guy
Lemaire, Philippe Marini, Paul Masson, Jean-Luc Miraux, Bernard Murat, Paul
Natali, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Ollin, MM. Paul d'Ornano, Joseph Ostermann,
Jacques Oudin, Victor Reux, Jean-Jacques Robert, Jean-Pierre Schosteck, Louis
Souvet, Martial Taugourdeau, René Trégouët, Serge Vinçon et Guy Vissac, une
proposition de loi relative à la diminution des prélévements opérés par l'Etat
sur les cotisations d'impôts locaux.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 228, distribuée et renvoyée à
la commission des financnes, du contrôle budgétaire et des comptes économiques
de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission
spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. Guy Fischer, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Jean-Yves
Autexier, Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM.
Robert Bret, Michel Duffour, Thierry Foucaud, Gérard Le Cam, Pierre Lefebvre,
Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette
Terrade, une proposition de loi relative aux ex-fonctionnaires d'Afrique du
Nord, anciens combattants et rapatriés.
La proposition de la loi sera imprimée sous le n° 230, distribuée et renvoyée
à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
J'ai reçu de MM. Robert Bret, Gérard Le Cam, Jean-Yves Autexier, Mme
Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole
Borvo, MM. Michel Duffour, Guy Fischer, Thierry Foucaud, Pierre Lefebvre, Paul
Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade,
une proposition de loi tendant à préciser le caractère facultatif de
l'inscription au registre du commerce et des sociétés pour les entreprises de
pêche maritime.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 234, distribuée et renvoyée à
la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la
constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues
par le règlement.
13
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président.
J'ai reçu de M. Guy Cabanel un rapport fait au nom de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du réglement et
d'administration générale sur :
- le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration
d'urgence, tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux
mandats électoraux et fonctions électives (n° 192, 1999-2000) ;
- le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, tendant à
favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des
assemblées de province et du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'Assemblée
de la Polynésie française et de l'Assemblée territoriale des îles Wallis et
Futuna (n° 193, 1999-2000) ;
- la proposition de loi, présentée par Mmes Hélène Luc, Odette Terrade,
Marie-Claude Beaudeau, Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Jean-Luc
Bécart, Robert Bret, Michel Duffour, Thierry Foucaud, Guy Fischer, Gérard Le
Cam, Pierre Lefebvre, Paul Loridant, Jack ralite et Ivan Renar, assurant la
parité des femmes et des hommes dans la vie publique (n° 120, 1998-1999) ;
- la proposition de loi organique, présentée par M. Nicolas About, visant à
instaurer un système de remplaçants provisoires en cas de vacance de siège d'un
député ou d'un sénateur ainsi qu'une parité hommes-femmes entre les candidats
et leurs remplaçants (n° 99, 1999-2000) ;
- la proposition de loi, présentée par M. Nicolas About, visant à instaurer un
système de remplaçants provisoires en cas de vacance de siège d'un conseiller
régional, d'un conseiller général ou d'un maire, ainsi qu'une parité
hommes-femmes entre les candidats et leurs remplaçants (n° 100, 1999-2000).
Le rapport sera imprimé sous le n° 231 et distribué.
J'ai reçu de M. Jacques Larché un rapport fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du sufrage universel, du règlement et
d'administration générale sur le projet de loi organique (n° 212, 1999-2000),
adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en troisième lecture,
relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à
leurs conditions d'exercice, et le projet de loi (n° 213, 1999-2000), adopté
avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la
limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs
conditions d'exercice.
Le rapport sera imprimé sous le n° 232 et distribué.
14
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président.
J'ai reçu de MM. Jean Huchon, Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Gérard César,
Bernard Joly, Alain Gérard et Gérard Le Cam un rapport d'information fait au
nom de la commission des affaires économiques et du Plan à la suite d'une
mission effectuée au Brésil et en Argentine afin d'étudier l'évolution de la
situation économique ainsi que la présence française dans ces deux pays.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 233 et distribué.
15
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au jeudi 24 février 2000.
A dix heures :
1. Discussion de la question orale européenne avec débat n° QE-8 de M. Hubert
Haenel à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche (Voies pour sortir de
la crise liée à l'épizootie d'encéphalopathie spongiforme bovine).
M. Hubert Haenel interroge M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur
les voies pour sortir de la crise liée à l'épizootie d'encéphalite spongiforme
bovine. Il lui demande quelles conditions lui semblent nécessaires pour une
levée de l'embargo sur le boeuf britannique, quelles sont les perspectives de
mise en place à l'échelon européen d'un système d'étiquetage obligatoire
assurant une complète traçabilité, quel est son sentiment vis-à-vis du projet
de création d'une autorité européenne indépendante en matière de sûreté
alimentaire et, plus généralement, comment le respect du principe de précaution
pourrait être mieux garanti dans le processus de décision communautaire.
La discussion de cette question orale européenne s'effectuera selon les
modalités prévues à l'article 83
ter
du règlement.
A quinze heures :
2. Questions d'actualité au Gouvernement.
3. Discussion de la proposition de loi (n° 163, 1999-2000), adoptée par
l'Assemblée nationale, relative à la constitution d'une commission de contrôle
nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises.
Rapport (n° 214, 1999-2000) de M. Joseph Ostermann, fait au nom de la
commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de
la nation.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats
électoraux et fonctions électives (n° 192, 1999-2000) ;
Projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, tendant à favoriser
l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de
province et du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'Assemblée de la Polynésie
française et de l'Assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna (n° 193,
1999-2000) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale
commune : lundi 28 février 2000, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux textes : lundi 28
février 2000, à dix-sept heures.
Projet de loi organique, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale
en troisième lecture, relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux
et des fonctions et à leurs conditions d'exercice (n° 212, 1999-2000) ;
Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture, relatif à la limitation du cumul des mandats électoraux et des
fonctions et à leurs conditions d'exercice (n° 213, 1999-2000) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale
commune : mercredi 1er mars 2000, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux textes : mardi 29
février 2000, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
ERRATA
au compte rendu intégral
de la séance du 20 janvier 2000
LIBERTÉ DE COMMUNICATION
Page 221, 2e colonne, dans le texte proposé par l'amendement n° 38, à la 8e
ligne du troisième alinéa :
Au lieu de :
« audiovisuelle par voie »,
lire :
« audiovisuelle
diffusée par voie ».
Page 235, 1re colonne, dans le texte proposé par les amendements n°s 129, 141
et 159 ;
A la 1re ligne du deuxième alinéa :
Au lieu de :
« par les radios »,
lire :
« pour les radios » ;
A la 2e ligne du troisième alinéa :
Au lieu de :
« des jeunes talents »,
lire :
« de jeunes talents
» ;
A la 3e ligne du troisième alinéa :
Au lieu de :
« au total »,
lire :
« du total » ;
Page 243, 2e colonne, dans le texte proposé par l'amendement n° 51, à la 2e
ligne :
Au lieu de :
« contrôlées »,
lire :
« contrôlée ».
Page 248, 2e colonne, dans le texte proposé par l'amendement n° 56, à la 1re
ligne du second alinéa :
Au lieu de :
« Art. 2-1 »,
lire :
« Art. 2-2 ».
ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES
COMMISSION NATIONALE DE L'INFORMATIQUE
ET DES LIBERTÉS
Lors de sa séance du 23 février 2000, le Sénat a désigné M. André Bohl pour siéger au sein de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, en remplacement de M. Jean-Marie Poirier, démissionnaire.
NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UNE COMMISSION PERMANENTE
Dans sa séance du mercredi 23 février 2000, le Sénat a nommé M. Jean-Yves Autexier membre de la commission des affaires sociales.
NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
M. Philippe François a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 113
(1999-2000) de M. Georges Othily modifiant le code forestier et portant
diverses mesures spécifiques à la forêt de Guyane.
M. Jean Huchon a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 139
(1999-2000) de M. Gérard Le Cam et plusieurs de ses collègues tendant à
instaurer un coefficient multiplicateur entre le prix d'achat et le prix de
vente des fruits et légumes périssables non stockables en cas de crise
conjoncturelle.
Mme Anne Heinis a été nommée rapporteur de la proposition de loi n° 158
(1999-2000) de M. Daniel Goulet portant sur certaines mesures de prévention des
risques de pollutions maritimes par les hydrocarbures.
M. Jean Besson a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 159
(1999-2000) de M. Paul Vergès tendant à conférer à la lutte contre l'effet de
serre et à la prévention des risques liés au réchauffement climatique la
qualité de priorité nationale et portant création d'un Observatoire national
sur les effets du réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les
départements et territoires d'outre-mer.
M. Louis Althapé a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 160
(1999-2000) de M. Jean-Paul Hugot et plusieurs de ses collègues relative à
l'amélioration de la connaissance et de l'aménagement du sous-sol.
M. Michel Souplet a été nommé rapporteur de la proposition de résolution n°
176 (1999-2000) de M. Denis Badré sur le Livre blanc sur la modernisation des
règles d'application des articles 81 et 82 du traité CE (n° E 1277).
COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES
M. Guy Penne a été nommé rapporteur du projet de loi n° 217 (1999-2000)
autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière
pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de
la République du Paraguay.
M. Michel Caldaguès a été nommé rapporteur du projet de loi n° 218 (1999-2000)
autorisant la ratification de la convention relative à l'entraide judiciaire en
matière civile entre la République française et la République socialiste du
Vietnam.
M. Guy Penne a été nommé rapporteur du projet de loi n° 219 (1999-2000)
autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement
de la République française et le Gouvernement de la République du Paraguay.
M. Guy Penne a été nommé rapporteur du projet de loi n° 220 (1999-2000)
autorisant l'approbation de la convention sur le transfèrement des personnes
condamnées entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement
de la République du Paraguay.
COMMISSION DES FINANCES
M. Michel Mercier a été nommé rapporteur de la proposition de loi organique n°
172 (1999-2000) de M. Claude Huriet et plusieurs de ses collègues tendant à
accorder temporairement aux communes la libre gestion des fonds disponibles
provenant de la vente de bois chablis après les tempêtes du mois de décembre
1999.
M. Michel Mercier a été nommé rapporteur de la proposition de loi organique n°
225 (1999-2000) de M. Philippe Nachbar et les membres du groupe des
Républicains et Indépendants proposant des mesures exceptionnelles pour les
communes forestières à la suite de la tempête du mois de décembre 1999.
M. Denis Badré a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 181
(1999-2000) de M. Bernard Fournier et plusieurs de ses collègues visant à
instaurer un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les
prestations juridiques et judiciaires dispensées aux particuliers par les
avocats.
COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL,
DU RÈGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
M. Jean-Pierre Schosteck a été nommé rapporteur de la proposition de loi n°
406 (1997-1998) de M. Michel Duffour et plusieurs de ses collègues relative à
la célébration de l'abolition de l'esclavage en France métropolitaine.
M. Jean-Pierre Schosteck a été nommé rapporteur de la proposition de loi n°
234 (1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à la reconnaissance
de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité.
M. Charles Jolibois a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 240
(1998-1999) de M. Philippe Richert tendant à faciliter et à améliorer
l'indemnisation des victimes de violences urbaines.
M. José Balarello a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 426
(1998-1999) de M. Marcel Henry et plusieurs de ses collègues tendant à modifier
certaines dispositions de l'article 2 de la loi n° 79-1113 du 22 décembre 1979
relative à Mayotte afin de prévoir la consultation de la population de cette
collectivité territoriale sur le choix de son statut définitif dans la
République.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Ouverture de Kourou
à d'autres lanceurs qu'Ariane
728. - 23 février 2000. - M. Henri Revol souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur la problématique de la gamme de lanceurs européens et de l'ouverture de Kourou à d'autres lanceurs qu'Ariane. La politique européenne dans le domaine du transport spatial articule le principe d'autonomie d'accès à l'espace autour de deux éléments : les lanceurs de la famille Ariane et la disponibilité du site de lancement du Centre spatial guyanais. Or, de nouvelles logiques économiques sont apparues ainsi que de nouveaux besoins en satellites plus légers positionnés sur orbite basse. Dans ces conditions, assurer la viabilité commerciale du lanceur Ariane 5 exploité depuis Kourou pour garantir un accès autonome de l'Europe à l'espace nécessite de prendre en considération cette nouvelle donne alors que ce lanceur est optimisé pour le marché des satellites lourds géostationnaires et qu'il n'est pas possible économiquement de maintenir l'exploitation d'Ariane 4 pour couvrir les autres niches du marché. Par ailleurs, cette situation pourrait ne pas être sans conséquence sur l'économie locale guyanaise par rapport à l'époque actuelle où les deux versions d'Ariane sont utilisées. Face à la concurrence américaine, les acteurs européens doivent réfléchir à la constitution d'une gamme de lanceurs complémentaires à Ariane 5, qui seraient lancés de Kourou. Compte tenu du fait que ce problème important doit être rapidement tranché, il lui demande de bien vouloir éclairer le Sénat sur la position du Gouvernement français.