Séance du 24 février 2000







M. le président. La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.
Depuis le début du mois de février, un mouvement de protestation sans précédent des enseignants et des parents d'élèves s'est mis en place sur tout le territoire national, contestant la gestion de la carte scolaire.
M. Jacques Mahéas. Parlez-en à M. Devaquet !
M. Dominique Leclerc. Nous savons, monsieur le ministre, que vous êtes excédé par les « piaillements » - je vous cite - des professeurs et des parents qui protestent contre les fermetures de classes, mais vous nous devez tout de même quelques explications.
Comment expliquez-vous que parents d'élèves et enseignants se battent côte à côte avec autant de détermination et de volonté pour des problèmes qui, selon vous, monsieur le ministre, « n'existent pas » ?
Comment pouvez-vous continuer à ignorer toutes ces personnes qui, sur le terrain, sont confrontées à un quotidien scolaire engendrant des situations intolérables et qui, aujourd'hui, nécessitent une prise en compte immédiate ?
Leurs revendications ont pour object de pallier toutes les carences que le système scolaire actuel laisse apparaître et dont vous êtes le responsable.
Les parents d'élèves ne « fantasment » pas - je vous cite encore, monsieur le ministre - ils désirent seulement que leurs enfants bénéficient d'une scolarité dans des conditions normales.
Alors, comment expliquez-vous ces classes surchargées, ou encore ces instituteurs non remplacés ?
M. Jacques Mahéas. Il faut plus de professeurs ! Votez avec nous !
M. Dominique Leclerc. Votre carte scolaire semble mal gérée. En effet, nous sommes loin des propos que vous teniez naguère : pas de classes sans enseignants, zéro défaut, ou encore zéro tolérance lorsqu'il était question de la lutte contre la violence à l'école primaire.
Monsieur le ministre, quelle solution envisagez-vous pour agir contre cet échec ? C'est en effet un véritable échec pour le Gouvernement que de ne pas remplir l'une de ses responsabilités, qui est d'assurer l'école pour tous. Notre République se doit d'accueillir ses enfants ! Il semblerait, monsieur le ministre, que vous ayez oublié les principes que défendaient les « pères » de cette école ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le sénateur, voici quelques chiffres simples : en dix ans, l'enseignement primaire a perdu 350 000 élèves ; or nous avons maintenu le nombre d'enseignants depuis que nous sommes arrivés au Gouvernement, et j'ajoute que ce n'était pas le cas de la précédente majorité.
M. Henri Weber. En effet !
M. Jacques Mahéas. C'est exact ! (Protestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Du calme, mes chers collègues ! Ecoutons M. le ministre !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Permettez-moi de vous citer les chiffres, messieurs les sénateurs ! Vous pourrez ensuite protester si vous les jugez incorrects.
M. Henri Weber. Si vous l'osez !
M. Robert Bret. C'est la réalité !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Malgré cela, nous n'avons pas modifié les moyens globaux.
Lorsque j'ai pris mes fonctions, la carte scolaire faisait apparaître des inégalités extraordinaires : la Seine-Saint-Denis était le département le moins bien doté de France, et de très loin !
M. Jacques Mahéas. Exactement !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. L'encadrement dans les départements et territoires d'outre-mer n'était pas digne de la République.
Nous avons mis en place un plan triennal, et j'ai pu lire dans la presse, voilà trois jours, ...
M. Gérard Cornu. Cela fait trois ans que vous êtes au pouvoir !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. ... que la Seine-Saint-Denis était aujourd'hui devenue effectivement ! en trois ans, le département le mieux doté de France, et que les départements et territoires d'outre-mer avaient rattrapé leur retard. Nous avons donc tenu nos engagements ! (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Gérard Cornu. Mais la situation s'est aggravée ailleurs !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le sénateur, dans aucun département la situation n'a été aggravée ! Le nombre d'élèves par classe est passé de trente à vingt-quatre en moyenne et, s'il y a dégradation, elle n'est pas due au ministre de l'éducation nationale : j'ai fait ce que l'on aurait dû faire plus tôt, c'est-à-dire que j'ai rétabli l'égalité républicaine et donné plus à ceux qui avaient moins. (Très bien ! sur les travées socialistes.)
M. Dominique Braye. Vous aviez été quatorze ans au pouvoir !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Pour être moi-même originaire d'un village, je sais, croyez-moi, ce que représente l'élaboration d'une carte scolaire et la fermeture d'une classe !
M. Alain Gournac. Pourtant, vous continuez !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Cependant, en bonne logique, on ne peut admettre des classes de vingt-cinq ou vingt-six élèves dans les banlieues difficiles alors qu'existent des classes de sept à dix élèves ailleurs, même si l'on doit tenir compte des différences qui existent entre le milieu rural et le milieu urbain.
Nous avons donc rétabli l'égalité républicaine, et je l'assume pleinement.
M. le président. Concluez, monsieur le ministre !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Donnez-moi une minute, monsieur le président !
M. le président. Trente secondes !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je reconnais toutefois que cette carte a été préparée dans l'obscurité. C'est pourquoi nous avons décidé de mettre en place un groupe de travail, au sein duquel vous serez représentés, afin que la carte scolaire soit désormais établie avec toute la transparence nécessaire. Nous n'avons rien à cacher, et nous n'avons pas à rougir des décisions que nous prenons.
Nous pouvons commettre des erreurs - je ne prétends pas le contraire - mais je vous demande de croire que nous agissons avec le souci de respecter l'égalité républicaine. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

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