Séance du 9 mars 2000
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Diverses mesures en faveur des collectivités forestières.
- Adoption des conclusions du rapport d'une commission (p.
1
).
Discussion générale : MM. Michel Mercier, rapporteur de la commission des
finances ; Philippe Nachbar, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. André Jourdain,
Bernard Fournier.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p. 2 )
MM. le rapporteur, Yann Gaillard, le président.
Suspension et reprise de la séance (p. 3 )
M. Alain Lambert, président de la commission des finances ; Mme le secrétaire
d'Etat, le rapporteur, Philippe Nogrix.
Adoption de l'article.
Articles 2 et 3. - Adoption (p.
4
)
Article 4 (p.
5
)
Amendement n° 1 de M. André Jourdain. - MM. André Jourdain, le rapporteur, Mme
le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Adoption de l'article.
Article 5 (p. 6 )
M. Yann Gaillard.
Adoption de l'article.
Article 6. - Adoption (p.
7
)
Vote sur l'ensemble (p.
8
)
M. Serge Lagauche, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Pierre Hérisson, président de
la commission des finances ; le président, Yann Gaillard.
Adoption, par scrutin public, des conclusions du rapport de la commission.
3.
Echec d'une commission mixte paritaire
(p.
9
).
4.
Candidatures à une commission mixte paritaire
(p.
10
).
Suspension et reprise de la séance (p. 11 )
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
5.
Questions d'actualité au Gouvernement
(p.
12
).
M. le président.
CRÉATION D'UN CORPS DE GARDES-CÔTES EUROPÉENS (p. 13 )
M. Yvon Collin, Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme.
RESTRUCTURATION DU GROUPE ABB-ALSTOM POWER (p. 14 )
MM. Jean-Yves Autexier, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.
FERMETURE DE L'USINE ALSTOM À LYS-LEZ-LANNOY (p. 15 )
MM. André Diligent, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.
RÉFORMES EN COURS DANS L'ÉDUCATION NATIONALE (p. 16 )
MM. José Balarello, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
AVENIR DE LA GYNÉCOLOGIE MÉDICALE (p. 17 )
Mmes Dinah Derycke, Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
PRÉSENCE DE NATIONALISTES DANS LES NÉGOCIATIONS
SUR L'AVENIR INSTITUTIONNEL DE LA CORSE (p.
18
)
MM. Josselin de Rohan, Lionel Jospin, Premier ministre.
FERMETURE DE LA MATERNITÉ
DE BEAUPRÉAU (MAINE-ET-LOIRE) (p.
19
)
M. Jean Huchon, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
HARMONISATION FISCALE EUROPÉENNE (p. 20 )
M. René-Pierre Signé, Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.
NIVEAU ATTEINT PAR LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES (p. 21 )
MM. Paul Blanc, Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
MODALITÉS DE LA VISITE
DE Mme LE MINISTRE DE L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
ET DE L'ENVIRONNEMENT
AU SALON DE L'AGRICULTURE (p.
22
)
M. Bernard Fournier, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
FISCALITÉ ET PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES (p. 23 )
MM. Jean-Philippe Lachenaud, Christian Sautter, ministre de l'économie, des finance et de l'industrie.
Suspension et reprise de la séance (p. 24 )
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
6.
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
(p.
25
).
7.
Mesures fiscales tendant au développement du marché de l'art. -
Adoption des conclusions du rapport d'une commission (p.
26
).
Discussion générale : M. Yann Gaillard, rapporteur de la commission des
finances ; Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la
communication ; MM. Jean-Pierre Schosteck, James Bordas, Mme Odette Terrade.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p. 27 )
M. le rapporteur, Mme le ministre.
Adoption de l'article.
Article 2 (p. 28 )
M. le rapporteur, Mme le ministre.
Adoption de l'article.
Article 3 (p. 29 )
M. le rapporteur, Mme le ministre.
Adoption de l'article.
Article 4 (p. 30 )
M. le rapporteur, Mme le ministre.
Adoption de l'article.
Article 5 (p. 31 )
M. le rapporteur, Mme le ministre.
Adoption de l'article.
Article 6 (p. 32 )
M. le rapporteur, Mme le ministre.
Adoption de l'article.
Article 7 (p. 33 )
M. le rapporteur, Mme le ministre.
Adoption de l'article.
Article 8 (p. 34 )
M. le rapporteur, Mme le ministre.
Adoption de l'article.
Article 9. - Adoption (p.
35
)
Intitulé. - Adoption (p.
36
)
Vote sur l'ensemble (p.
37
)
M. Serge Lagauche.
Adoption, par scrutin public, de la proposition de loi issue des conclusions de
la commission.
8.
Dépôt d'un rapport
(p.
38
).
9.
Communication
(p.
39
).
10.
Ordre du jour
(p.
40
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DIVERSES MESURES EN FAVEUR
DES COLLECTIVITÉS FORESTIÈRES
Adoption des conclusions du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 249,
1999-2000) de M. Michel Mercier, fait au nom de la commission des finances, du
contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur :
- la proposition de loi organique (n° 172, 1999-2000) de MM. Claude Huriet,
Jean-Paul Delevoye, Jean-Pierre Fourcade, André Jourdain, François Abadie,
Louis Althapé, Jean-Paul Amoudry, Pierre André, Philippe Arnaud, René Ballayer,
Denis Badré, Mme Janine Bardou, MM. Jacques Baudot, Michel Bécot, Georges
Berchet, Jean Bernard, Daniel Bernadet, Roger Besse, Maurice Blin, Louis Boyer,
Dominique Braye, Henri Le Breton, Mme Paulette Brisepierre, MM. Louis de
Broissia, Robert Calmejane, Bernard Cazeau, Auguste Cazalet, Gérard César,
Charles-Henri de Cossé-Brissac, Désiré Debavelaere, Jean Delaneau, Marcel
Deneux, André Diligent, Jacques Donnay, Michel Doublet, Hubert Durand-Chastel,
Daniel Eckenspieller, Jean-Paul Emin, Michel Esneu, Hubert Falco, Jean Faure,
Bernard Fournier, Serge Franchis, Yann Gaillard, Jean-Claude Gaudin, Patrice
Gélard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Giraud, Daniel Goulet, Adrien
Gouteyron, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis,
MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert,
Jean-Paul Hugot, Jean-Jacques Hyest, Alain Joyandet, Gérard Larcher, Jacques
Legendre, Jean-François Le Grand, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain, Roland du
Luart, Jacques Machet, Kléber Malécot, Philippe Marini, Paul Masson, Serge
Mathieu, Michel Mercier, Louis Moinard, Aymeri de Montesquiou, Georges Mouly,
Bernard Murat, Philippe Nachbar, Lucien Neuwirth, Paul d'Ornano, Joseph
Ostermann, Jacques Oudin, Lylian Payet, Michel Pelchat, Jacques Pelletier,
Jacques Peyrat, Xavier Pintat, Jean-Marie Poirier, Guy Poirieux, Ladislas
Poniatowski, Jean-Pierre Raffarin, Victor Reux, Jean-Jacques Robert, Philippe
Richert, Jean-Pierre Schosteck, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Louis Souvet,
Martial Taugourdeau, François Trucy, Jacques Valade, André Vallet, Xavier de
Villepin, Serge Vinçon, Guy Vissac et Hubert Haenel, tendant à accorder
temporairement aux communes la libre gestion des fonds disponibles provenant de
la vente de bois chablis après les tempêtes du mois de décembre 1999 ;
- la proposition de loi organique (n° 225, 1999-2000) de M. Philippe Nachbar,
Mme Janine Bardou, MM. Christian Bonnet, James Bordas, Louis Boyer, Jean-Claude
Carle, Jean Clouet, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Jean Delaneau, Ambroise
Dupont, Jean-Léonce Dupont, Jean-Paul Emin, Jean-Paul Emorine, Hubert Falco,
André Ferrand, René Garrec, Louis Grillot, Jean-François Humbert, Charles
Jolibois, Jean-Philippe Lachenaud, Serge Mathieu, Michel Pelchat, Jean Pépin,
Xavier Pintat, Bernard Plasait, Guy Poirieux, Ladislas Poniatowski, André
Pourny, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Henri de Raincourt, Charles Revet,
Henri Revol, Louis-Ferdinand de Rocca Serra et François Trucy, proposant des
mesures exceptionnelles pour les communes forestières à la suite de la tempête
de décembre 1999.
Dans la discusison générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier,
rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame la
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les hasards du calendrier ont voulu que
le Sénat se penche sur la question des communes forestières victimes des
tempêtes au moment même où le Gouvernement s'apprête à rendre publique la
partie de son plan pour la forêt consacrée aux collectivités locales.
Le parallélisme du calendrier s'accompagne, je crois, d'un diagnostic commun :
les forêts des collectivités locales ont été décimées par la tempête qui a
frappé notre pays entre le 25 et le 29 décembre dernier.
Le volume des bois couchés ou tombés - les chablis - représente en moyenne
quatre fois la récolte d'une année. Selon l'ampleur des dommages, les chablis
représentent en général entre deux et dix années de coupe, d'entretien et
d'exploitation, et jusqu'à cinquante années dans certaines petites communes,
notamment de l'est de la France.
Dans ce contexte difficile, les collectivités forestières, notamment les
communes, sont confrontées à des difficultés considérables.
Dans l'immédiat, elles doivent à la fois ramasser les bois tombés ou cassés et
écouler une quantité de bois très supérieure à leur production habituelle. A
défaut de pouvoir tout vendre, elles doivent pouvoir stocker les chablis. Au
coût du stockage s'ajoute le manque à gagner résultant d'un effondrement des
cours dont l'ordre de grandeur est de 30 % à 40 %.
Dans l'immédiat également - et paradoxalement, en quelque sorte - la vente des
chablis va procurer aux collectivités forestières des recettes importantes,
supérieures à leurs recettes habituelles et à leurs besoins budgétaires. Les
collectivités devront gérer au mieux ce « pactole » afin de ne pas tout
dépenser la première année et d'essayer d'étaler dans le temps l'utilisation
des sommes ainsi amassées.
En effet, à moyen et à long terme, et jusqu'à la reconstitution de la forêt,
la destruction des arbres se traduira par la disparition des recettes provenant
d'exploitations forestières ; ces recettes représentent parfois jusqu'à plus de
30 % des recettes courantes des communes forestières, et leur disparition se
traduira par des déséquilibres budgétaires structurels.
Devant l'ampleur de ces dégâts, le Sénat a réagi rapidement. Dès le 11
janvier, le président de la commission des finances, M. Alain Lambert, et son
rapporteur général, M. Philippe Marini, formulaient des propositions dans un
communiqué. Le 19 janvier, une proposition de loi, signée de MM. Huriet,
Delevoye, Fourcade et de nombreux sénateurs siégeant sur presque toutes les
travées de la Haute Assemblée, était déposée ; elle était bientôt suivie par la
proposition de loi de M. Nachbar et des membres du groupe des Républicains et
Indépendants. Ce sont les conclusions du rapport de la commission des finances
sur ces deux textes dont nous allons discuter ce matin. Je dois présenter les
excuses de notre collègue, M. Huriet, retenu dans son département par une
visite de M. Glavany.
Les préconisations formulées par les sénateurs répondent à trois objectifs :
encourager l'investissement forestier et la reconstitution de la forêt ;
atténuer la chute des cours pour permettre aux communes de vendre leurs chablis
à un prix raisonnable ; permettre aux communes de gérer au mieux les recettes
exceptionnelles qui résulteront de la vente des chablis afin d'alimenter leurs
budgets successifs à mesure que les déséquilibres apparaîtront.
D'après ce que le Gouvernement a déclaré ces dernières semaines, notamment par
le biais d'une circulaire interministérielle en cours d'élaboration et relative
aux communes forestières, il partage notre diagnostic et nos objectifs. Nous ne
pouvons que nous en féliciter car nombre de ces actions relèvent clairement de
la compétence du pouvoir exécutif, alors que celle du législateur n'est pas
évidente.
Mme la secrétaire d'Etat exposera mieux que moi le contenu des mesures que le
Gouvernement entend mettre en oeuvre en faveur des commmunes forestières, mais,
à ce stade, il faut se féliciter que le Gouvernement ait pu mener une
négociation avec les établissements financiers qui a conduit à la mise en
place, par décret du 1er février, de prêts bonifiés, au taux de 1,5 %, en
faveur des exploitants forestiers. Ces prêts permettent de financer la sortie
des bois abattus par la tempête ainsi que leur stockage.
Le Gouvernement, notamment le ministre de l'intérieur s'exprimant à cette
tribune, a annoncé la mise en place d'autres prêts en faveur des communes et de
leurs établissements publics qui accepteront de geler leurs coupes ou la vente
des coupes réalisées, de manière à réduire l'offre disponible et donc à
assainir le marché.
Dans un registre différent, plusieurs membres du Gouvernement ont annoncé que
les communes forestières sinistrées pourraient bénéficier de subventions de
fonctionnement lorsque la perte des ressources issues de l'exploitation
forestière conduirait à des déséquilibres budgétaires significatifs.
Cette initiative du Gouvernement est très positive, car seul le pouvoir
exécutif peut prendre des mesures qui accroissent les charges de l'Etat : c'est
l'application stricte de l'article 40 de la Constitution. En revanche, il
appartient au Parlement de veiller à ce que cette initiative ne reste pas une
simple déclaration d'intention.
C'est pourquoi, madame la secrétaire d'Etat, je souhaiterais que vous puissiez
nous préciser aujourd'hui dans quelles conditions les communes sinistrées
pourront bénéficier de telles subventions, comment elles seront calculées, qui
les attribuera, pendant quelle durée, notamment.
Nous estimons, quant à nous, que le préjudice enregistré par les communes
forestières doit faire l'objet d'évaluations approfondies et incontestables.
C'est pourquoi nous proposons, à l'article 5 de la proposition de loi dont
nous discutons, la mise en place de commissions départementales chargées de
faire l'inventaire des dégâts et d'en calculer les conséquences financières.
Nous souhaitons que les collectivités locales soient pleinement associées à cet
exercice.
Les subventions de fonctionnement permettront d'atténuer les déséquilibres
budgétaires des collectivités forestières, mais elles ne les résoudront pas
entièrement.
C'est pourquoi, pour compléter l'action du Gouvernement dans ce domaine, nous
proposons également, à l'article 3 de la proposition de loi, d'autoriser les
collectivités locales à inscrire en section de fonctionnement de leur budget
les attributions qu'elles reçoivent du fonds de compensation de la taxe sur la
valeur ajoutée, le FCTVA, lorsque ces attributions correspondent à des
investissements de reconstitution des forêts sinistrées.
Nous estimons que cette entorse aux règles d'imputation comptable des recettes
du FCTVA se justifie par l'ampleur des difficultés budgétaires que les communes
forestières rencontreront dans les années à venir. De plus, la portée limitée,
en termes de masse financière, de la mesure ne nous semble pas de nature à
détourner le FCTVA de sa vocation de soutien à l'investissement local puisque
l'assiette du fonds n'est pas étendue aux dépenses de fonctionnement.
Quoi qu'il en soit, au-delà des subventions et de l'assouplissement des règles
comptables, il nous semble que le meilleur moyen de remédier aux déséquilibres
budgétaires des collectivités forestières est d'encourager la relance de
l'économie forestière.
Notre proposition de loi comprend à cet effet deux dispositions qui reprennent
des suggestions formulées dès le 11 janvier dernier par M. le président de la
commission des finances et par M. le rapporteur général et qui ont été par la
suite reprises par le Gouvernement.
Il s'agit tout d'abord de l'application du taux réduit de TVA de 5,5 % à
l'ensemble des travaux forestiers et de sylviculture, qui a été jugée
eurocompatible par la Commission européenne. Cette disposition bénéficiera non
seulement aux collectivités locales, mais à l'ensemble du secteur forestier.
Il s'agit ensuite d'étendre le régime de remboursement du FCTVA concernant les
dépenses réelles d'équipement relatives à l'exercice en cours applicable aux
communautés de communes et aux communautés d'agglomération, non seulement aux
communes forestières, mais également à l'ensemble des collectivités victimes de
la tempête et des inondations du mois de novembre 1999.
Ces deux dispositions présentent un caractère relativement consensuel puisque
le Gouvernement a déjà fait savoir à plusieurs reprises qu'il comptait les
introduire dans le collectif budgétaire du printemps. Nous nous contentons donc
de « devancer l'appel » avec cette proposition de loi.
Avant d'en finir, je voudrais évoquer un point sur lequel les convergences
avec la Gouvernement risquent d'être un peu moins évidentes.
De quoi s'agit-il ?
Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, la vente des chablis va procurer aux
collectivités forestières des recettes importantes et exceptionnelles. Ces
recettes ne constituent pas une divine surprise ; c'est plutôt la perception
anticipée de recettes qui auraient dû intervenir au cours des années
suivantes.
Ces sommes constituent donc des « disponibilités », que les collectivités
locales doivent, comme le prévoit l'article 15 de l'ordonnance portant loi
organique du 2 janvier 1959, déposer au Trésor. Ces dépôts, il faut le
rappeler, ne sont pas rémunérés.
Les recettes provenant de la vente des chablis seront naturellement inférieurs
à ce que les collectivités auraient tiré de la vente de la même quantité de
bois si la tempête n'était pas intervenue. Il y aura donc un manque à gagner,
même s'il y a des recettes exceptionnelles.
Pour éviter un second manque à gagner, les fonds provenant de la vente des
chablis doivent pouvoir être placés plutôt que de « dormir » dans un compte non
rémunéré au Trésor public.
Jusqu'ici, notre analyse rejoint celle du Gouvernement. En effet, celui-ci
envisage, comme nous l'a indiqué le ministre de l'intérieur, d'autoriser les
collectivités locales à effectuer des placements en bons du Trésor, quitte à
inventer des coupures plus petites que celles qui sont normalement pratiquées
dans ce domaine. De cette manière, les fonds provenant de la vente des chablis
rapporteraient un intérêt aux collectivités locales, tout en restant dans le
réseau du Trésor public, ce qui permettrait d'assurer la liquidité permanente
de ce réseau selon la doctrine classique des années trente des finances
publiques.
C'est ici que nous divergeons quelque peu. En effet, le ministre des finances
peut décider des dérogations à l'obligation de dépôt des fonds libres au
Trésor, et autoriser les collectivités locales à réaliser des placements. Mais
il a également la faculté de les autoriser à se tourner vers le secteur
financier et à acheter des titres cotés ou tout autre produit financier.
Une dérogation de nature comparable existe déjà et, compte tenu du caractère
particulièrement exceptionnel de la destruction du patrimoine d'une
collectivité locale par une calamité naturelle, il nous semble que la mise en
place d'une autre dérogation pour les fonds provenant d'une telle perte de
patrimoine ne serait pas de nature à remettre en cause le principe général des
dépôts au Trésor des fonds libres. Le ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie pourrait donc décider, sans qu'une modification législative soit
nécessaire, de permettre aux collectivités locales de placer des fonds
provenant de la vente des chablis en dehors du réseau du Trésor. Mais je ne
suis pas sûr qu'il le souhaite vraiment !
(Sourires.)
C'est pourquoi nous sommes conduits à proposer une modification de l'article
15 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances. J'ai bien
conscience de ce que peut représenter une réforme de cette ordonnance, si l'on
considère que c'est probablement, de nos textes institutionnels - puisque cette
loi organique fait partie du corpus constitutionnel - le seul qui n'a pas été
modifié depuis la mise en place de la Constitution de 1958. Alors que nous
avons pris, ces dernières années, l'habitude d'aller au moins deux fois par an
à Versailles pour modifier la Constitution, jamais encore nous n'avons touché à
l'ordonnance du 2 janvier 1959, ce qui montre bien où se trouvent les
véritables règles d'organisation de nos pouvoirs publics sous la Ve
République.
Faut-il aujourd'hui modifier cette ordonnance à propos des ventes de chablis ?
En posant ainsi cette question, madame la secrétaire d'Etat, je facilite votre
tâche, puisque vous ne manquerez pas de me répondre sur ce point dans quelques
instants !
(Sourires.)
Faut-il transformer cette ordonnance en une sorte de statue de bois doré
que nous irions tous régulièrement adorer sans jamais revenir sur son texte !
(Nouveaux sourires.)
C'est peut-être un peu excessif et, sans porter
atteinte à l'ordonnance, on peut sans doute entrouvrir la porte.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Pour l'ouvrir toute grande ensuite !
M. Michel Mercier,
rapporteur.
C'est ce à quoi nous vous invitons, madame la secrétaire
d'Etat. Force est en effet de constater que cette obligation de dépôt au Trésor
des fonds libres des collectivités locales, qui est un des fondements de nos
finances publiques - Gaston Jèze l'a dit fort bien dans les années trente et
Bloch-Lainé dans son ouvrage consacré au mouvement général des fonds l'a écrit
excellemment - est de moins en moins appliquée. Les grandes collectivités
locales ont trouvé, avec les moyens que leur offre aujourd'hui le marché
financier pour la gestion de leur trésorerie, la possibilité d'échapper en
pratique à cette obligation de dépôt des fonds au Trésor.
Seules les petites collectivités, qui n'ont ni des moyens financiers
importants ni de grandes capacités d'ingénierie financière, sont tenues, en
fait, de respecter cette règle.
Je sais bien qu'il ne faut pas faire de grande réforme au détour d'un problème
particulier. Je souhaiterais néanmoins que, sur ce point aussi, vous nous
disiez clairement, madame la secrétaire d'Etat - même si la période ne s'y
prête guère, je le conçois bien - comment vous voyez dans l'avenir les
relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.
En effet, il est toujours difficile, lorsque vous placez votre argent dans un
établissement, de devoir demander à votre voisin de vous aider parce que votre
banquier - c'est un banquier obligatoire qui s'appelle le Trésor - refuse
toujours de vous accorder des avances.
Pour toutes ces raisons, et surtout parce que l'ampleur des dommages subis par
les collectivités forestières appelle des réponses rapides et adaptées, la
commission des finances a adopté la présente proposition de loi dans les
conclusions qu'elle soumet maintenant à votre délibération.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Nachbar.
M. Philippe Nachbar.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, voilà
quelques semaines, le 9 février dernier, notre assemblée débattait des
conséquences de la tempête du mois de décembre. Intervenant lors de ce débat,
j'avais à la fois dressé le bilan de la situation des communes forestières et
de la filière bois en France et présenté quelques propositions que j'ai tenu,
avec les membres du groupe des Républicains et Indépendants, à reprendre dans
la proposition de loi qui est débattue ce matin.
J'avais indiqué alors que le temps du bilan était venu. Sans reprendre les
chiffres que j'avais détaillés devant la Haute Assemblée, j'en citerai
quelques-uns pour montrer l'ampleur des difficultés que connaît aujourd'hui la
filière bois.
La forêt française a en effet perdu 115 millions de mètres cubes à ce jour,
c'est-à-dire plus de 310 millions d'arbres. J'ajoute, puisqu'on ne parle bien
que de ce que l'on connaît bien, que mon département, la Meurthe-et-Moselle, a
perdu 8 millions de mètres cubes, soit l'équivalent de dix années de
production.
Les conséquences de cette situation sont évidemment très lourdes pour
l'environnement - je n'y reviendrai pas - et pour la filière bois sur le plan
économique. Je n'oublie pas en effet, même si l'objet de notre débat
d'aujourd'hui est la situation des communes forestières, qu'il y a aussi des
professionnels qui vivent de la forêt et qui sont en grande difficulté.
Les conséquences de la tempête vont également peser très durablement sur le
budget des communes forestières qui se voient confrontées à d'immenses
difficultés tant à court qu'à moyen et à long terme.
A court terme - nous débattons de ce sujet depuis quasiment le lendemain de la
tempête du 26 décembre 1999 - les communes sont toujours confrontées à un
double problème. D'une part, il leur faut dégager les routes permettant
d'accéder aux massifs forestiers. Or, il faut le savoir, aujourd'hui, dans
l'est de la France, un certain nombre de massifs ne sont toujours pas
accessibles parce que les communes, faute de moyens tant financiers que
techniques, ne sont pas venu à bout de l'immense quantité de bois qui obstrue
les voies. D'autre part, il leur faut assurer la récolte et le stockage des
bois, et ce dans l'urgence pour certaines essences qui, nous le savons
aujourd'hui, ne peuvent se conserver très longtemps lorsqu'elles sont à
terre.
A moyen et à long terme, un autre problème s'ajoutera, dont nous mesurons
aujourd'hui les conséquences : la chute des cours du bois.
Nous avions espéré, à la fin du mois de décembre 1999 et au début du mois de
janvier 2000, que les bois chablis se vendraient dans des conditions
convenables. Nous savons aujourd'hui que ce n'est pas le cas. L'ONF le constate
jour après jour, puisqu'il est parfois obligé d'annuler des ventes publiques
organisées pour vendre les bois des forêts endommagées.
Nous constatons aujourd'hui que les cours s'effondrent, que certains essences
prestigieuses se vendent à 15 %, voire à 25 % du prix normal. Ces chiffres, je
les ai obtenus hier, par téléphone, auprès de communes qui vendent des essences
très recherchées comme l'alisier et le sycomore.
Par ailleurs, nous savons désormais que ce phénomène s'inscrit dans la durée.
Une partie des bois tombés restera à jamais dans la forêt et sera par
conséquent perdue. Il est, bien sûr, impossible d'évaluer aujourd'hui les
pertes, mais je crains qu'elles ne soient tout à fait considérables.
Enfin, à plus long terme encore, les conséquences de la tempête seront
particulièrement lourdes sur les budgets communaux.
A titre d'exemple, toujours en Meurthe-et-Moselle où les forêts publiques
communales représentent 163 000 hectares, 90 000 hectares sont à terre ou
gravement endommagés.
Certaines forêts communales, notamment de feuillus malheureusement, sont
détruites à 90 %. Cela signifie que, pour trente, quarante, voire cinquante
ans, les communes propriétaires de ces forêts ont perdu l'essentiel de leur
ressource forestière, laquelle représentait parfois jusqu'à 40 % du montant de
leur budget. C'est d'autant plus grave que ces communes vont devoir remettre en
état leurs routes et régénérer leurs forêts.
L'effort d'investissement de ces communes va se trouver compromis par une
telle situation, avec toutes les conséquences qui s'ensuivront pour les
secteurs d'activité, notamment pour le bâtiment et les travaux publics. C'est
la raison pour laquelle j'avais suggéré, voilà quelques semaines, devant le
ministre de l'intérieur et le ministre de l'agriculture qui participaient à
notre débat sur les conséquences de la tempête, un certain nombre de mesures
que j'ai tenu, avec l'ensemble de mon groupe, à reprendre dans le texte que
nous examinons aujourd'hui.
Elles s'articulent autour de trois idées que notre rapporteur vient d'évoquer
d'une manière excellente. C'est la raison pour laquelle je me contenterai d'en
rappeler les principes.
La première disposition consiste, par dérogation à l'ordonnance organique de
1959, à autoriser les communes à placer les fonds qu'elles vont retirer de la
vente des chablis. Certaines communes vont enregistrer des gains qui pourront
paraître importants. Mais cette augmentation des recettes est illusoire,
puisque, en fait, elle traduit une perte très lourde, voire quasi totale, de la
ressource.
Il importe donc que les communes puissent gérer les fonds au mieux. Or je
crois que l'on peut faire confiance aux élus, aux maires adjoints et aux
conseillers municipaux pour qu'aucune décision imprudente ne soit prise
concernant la gestion de ces fonds.
La deuxième idée vise, afin d'encourager l'investissement forestier, à déroger
aux règles prévalant en matière de fonds de compensation pour la TVA.
Dans un premier temps, j'avais envisagé d'en étendre l'application. Le
rapporteur et la commission des finances ont choisi une voie que j'approuve
entièrement, consistant à la fois à accélérer le versement de la TVA, à
modifier les règles d'imputation des travaux forestiers et à en réduire à 5,5 %
le taux, ce que le Gouvernement avait déjà annoncé et dont je ne peux que le
complimenter.
Enfin, puisque la concertation s'est opérée dès le lendemain de la tempête
entre les services de l'Etat et les élus, il me paraît important de mettre en
place, dans chaque département forestier concerné, une commission associant à
parité les services de l'Etat et les élus. La collaboration entre les services
préfectoraux, l'ONF et les communes a été exemplaire ; il convient, par
conséquent, de l'institutionnaliser. Cette commission aurait pour mission et de
faire l'inventaire du préjudice financier subi par les communes et d'informer
le Gouvernement de ce qui serait nécessaire pour remédier à ces situations.
Voilà, très simplement résumés, les trois axes du texte que mon groupe et
moi-même avons déposé. Ces mesures dérogent au droit commun, comme l'a dit
notre rapporteur. C'est d'ailleurs avec émotion que je l'ai entendu évoquer
celui que, dans une maison proche d'ici, mes professeurs présentaient comme le
pape des finances publiques. Je n'aurais jamais pensé que Gaston Jèze serait
cité dans ce débat !
Je sais que ces mesures dérogent au droit commun, aux règles de base des
finances publiques. Mais, à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles
!
Les communes forestières sont en droit aujourd'hui, et leur exigence grandit
jour après jour en raison de l'ampleur de leurs difficultés et de
l'instatisfaction que font naître les mesures qui sont prises, de dire qu'après
le temps de l'émotion est venu le temps de la solidarité.
Tels sont, monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, les objectifs et les idées qui sous-tendent la proposition de loi
que mon groupe et moi-même avons déposée et que nous examinons aujourd'hui.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
grande tempête du xxe siècle entraîne des dégâts qui s'affirment dans tous les
secteurs de la vie sociale et économique, pour aujourd'hui mais aussi pour une
bonne partie du début du nouveau siècle, et les chiffres sont
impressionnants.
C'est ainsi que l'EDF estime le coût global de la tempête à 10 milliards de
francs, avec 10 000 kilomètres de lignes réparées d'urgence et devant être
consolidées. Par ailleurs, la SNCF évalue à 500 millions de francs les
réparations des lignes, des voies et des bâtiments. Enfin, le million de
déclarations de sinistres sera dépassé.
La forêt et l'agriculture sont les victimes principales de cette
catastrophe.
En Bretagne, mais aussi en Meurthe-et-Moselle, des centaines de milliers de
litres de lait ont été jetés.
En Dordogne, de nombreuses plantations de noyers sont détruites.
Dans le Sud-Ouest, pruniers et fraisiculture ont subi de lourds dégâts, le
maraîchage aussi. Des élevages de volailles ont été décimés. Que l'on considère
les abris tunnels pour l'aviculture ou les serres, c'est tout un outil de
production qui a été touché. Il faudra du temps pour le reconstruire. L'effort
national s'impose.
Aujourd'hui, nous parlons de la forêt, mais il ne faut pas oublier
l'agriculture, qui, elle aussi, a besoin d'un grand effort national.
Avant de reparler du bilan, il nous faut nous interroger sur notre
responsabilité. N'avons-nous pas rendu la forêt française plus vulnérable par
une politique que bien des forestiers ont du mal à comprendre ? Depuis des
dizaines d'années, nous pratiquons en effet une politique dommageable à notre
forêt.
Dans une recherche de profit immédiat, ne pratique-t-on pas, avec la coupe à
blanc, le raccourcissement des délais pour de nouvelles coupes, la régénération
« table rase », une méthode rendant la forêt plus vulnérable aux ouragans et
aux tempêtes et compromettant son développement ?
Où sont passés la régénération naturelle, les dégagements de semis qui
protégent et valorisent le développement des essences, la régénération
protectrice et fondée sur une vie naturelle des arbres ?
Il ne faut pas oublier non plus que l'augmentation des émissions de dioxyde de
carbone résulte en premier lieu de la combustion des énergies fossiles. Mais
elle se fonde aussi sur le recul de la forêt, qui joue le rôle d'absorbateur de
dioxyde de carbone. La forêt est en effet un facteur de l'équilibre écologique
de la planète.
Toujours dans une recherche de profit immédiat, n'a-t-on pas affaibli les
forêts ancestrales de feuillus en replantants des résineux en plaine, là où la
nature ne les aurait jamais admis ? Des résineux ont été plantés de façon
inadaptée, ce qui les rend plus vulnérables aux assauts du vent. Evidemment, un
chêne a besoin du siècle pour être un très bel arbre, alors qu'un résineux, il
suffit d'attendre vingt ans pour le couper. Mais quelle différence, les
essences de résineux en plaine ne donnant qu'un bois de qualité plus que
médiocre !
Il faudra réfléchir avant de lancer la nouvelle stratégie forestière. Il
n'existe plus de forêt primaire sur le territoire national, sauf peut-être en
Corse. Notre forêt exige des interventions plus intelligentes.
Le rapport Bianco prévoit un développement de la ressource et de l'emploi,
soit plus de 6 millions de mètres cubes de bois et plus de 100 000 emplois.
La prochaine loi forestière nous permettra de donner un avis à ce propos. En
attendant, la forêt française a souffert à un point tel que, dans bien des
régions, il faudra du temps pour la relever.
Le bilan fait apparaître 27 603 000 mètres cubes de chablis pour les forêts de
collectivités. Les régions les plus touchées sont, par ordre décroissant en
valeur absolue : la Lorraine avec 13,4 millions de mètres cubes de chablis,
l'Alsace avec 3,8 millions de mètres cubes, la Champagne-Ardenne avec 3,49
millions de mètres cubes, la Franche-Comté avec 2,27 millions de mètres cubes
et l'Auvergne avec 1,067 million de mètres cubes.
En valeur relative, c'est le Poitou-Charentes qui a le plus fort pourcentage
de chablis en 1999 par rapport à la récolte de 1998 avec 25,44 %, suivi du
Limousin avec 9,90 %, de Champagne-Ardenne avec 9,63 %, de l'Ile-de-France avec
9,09 %, de la Lorraine avec 9,01 %, de la Haute-Normandie avec 6,22 % et de
l'Auvergne avec 5,04 %.
Ce ne sont pas seulement 11 000 communes forestières qui sont touchées. Les
parcs et les bois des grandes agglomérations - je pense à ceux de Paris et de
nos banlieues - sont également concernés.
En entendant défiler ces chiffres et pourcentages, n'est-ce pas l'ensemble de
la forêt française qui est touché ?
Notre inquiétude est grande. Les populations et élus des communes forestières
s'interrogent : comment faire ?
Après les intempéries, le ministre de l'agriculture a publié une brochure que
nous ne pouvons qu'approuver et qui s'intitule :
Gérer l'urgence,
sauvegarder le patrimoine, préparer l'avenir. Quelles mesures pour les communes
forestières ?
Je partage tout à fait l'analyse de M. le ministre. Trois objectifs majeurs
sont définis : assurer la mobilisation des bois, permettre le stockage et
favoriser la valorisation des bois, organiser la reconstitution des écosystèmes
forestiers ; je les approuve.
Le Gouvernement a pris des premières mesures financières pour s'engager dans
cette voie. Ses engagements portent déjà sur plus de 2 milliards de francs pour
l'exercice 2000, auxquels s'ajoute la mise en place d'une enveloppe de prêts
bonifiés de 12 milliards de francs. Ces crédits sont complétés par le
recrutement de 250 agents forestiers et l'appel « au bois » de 200 ingénieurs
et techniciens sous les drapeaux. Des aides immédiates ont été accordées pour
le déblaiement des voies forestières et des emprunts assortis d'un faible taux
d'intérêt ont été mis à disposition.
Mais, madame la secrétaire d'Etat, ces mesures sont-elles suffisantes pour
aider les communes forestières qui tirent de la forêt de 40 % à 60 % de leurs
revenus nets ? Nous ne le pensons pas.
Ces communes ont à équilibrer leur budget. Tous les bois touchés ne sont pas
exploitables : près de 30 % seront en effet impropres à la vente. La recherche
du profit en tout genre va conduire à l'affaiblissement des cours. La
conservation des bois de qualité nécessite des investissements importants.
Certaines communes vont être contraintes à vendre, sans attendre, ce qui
représente habituellement de six à sept années de récoltes. Des arbres vont
encore tomber. Les bilans définitifs seront établis en avril et en mai.
Le groupe communiste républicain et citoyen est donc conduit à s'exprimer sur
la proposition de loi rapportée par notre collègue de la commission des
finances, Michel Mercier. Nous ne pouvons qu'approuver l'article 2 prévoyant
que les dépenses réelles à prendre en compte pour le FCTVA seront celles de
l'exercice en cours lorsqu'elles portent sur les dommages dus aux inondations
et à la tempête.
L'article 3 permet l'inscription à la section de fonctionnement du budget de
la commune des attributions du fonds correspondant à des dépenses
d'investissement pour reconstitution de forêts sinistrées.
L'article 4 complète l'article 279 du code général des impôts permettant la
réduction du taux de TVA pour les travaux de sylviculture et d'exploitation de
forêts.
L'article 5 prévoit la constitution d'une commission paritaire, Etat et
collectivités territoriales, pour déterminer le montant d'une subvention
d'équilibre annuelle pour aider chaque commune à reconstituer la ressource
financière.
On peut cependant s'interroger sur l'orientation du travail de ces
commissions. En effet, il ne semble pas nécessairement souhaitable que soit
institué un principe d'équilibre automatique sans contrepartie résidant, par
exemple, dans le maintien de la vocation forestière des terrains boisés et
frappés par la tempête.
Il s'agit donc là de mesures équilibrées, efficaces et susceptibles de
permettre aux communes forestières de résoudre un problème local d'équilibre
budgétaire et un problème national de valorisation de nos richesses
forestières.
En commission des finances, j'ai émis un vote positif sur ces articles. Je
pense que, de son côté, le Gouvernement les approuve, si j'en juge par le
contenu des mesures déjà prévues par lui.
Pourquoi, mes chers collègues de la commission des finances, faire émerger un
problème qui n'a alors plus rien à voir avec la tempête ?
L'article 1er que vous proposez est à l'image de la tempête forestière : il
constitue une véritable bourrasque financière que nous ne pouvons accepter,
même si, les besoins des communes concernées rapportés au nombre des communes
touchées, les sommes en jeu ne dépassent pas, dans de nombreux cas, le million
de francs.
Si le Sénat - le Gouvernement donnant son accord - adoptait le principe de
l'article 1er - ce que je ne pense pas - les collectivités locales pourraient
alors déposer leurs disponibilités ailleurs qu'au Trésor public. L'argent
public « pur » serait transformé en argent public « de profit ». Vous comprenez
bien, chers collègues, que nous entrons alors dans un monde financier nouveau
car, très vite, de la forêt, nous passerions à tous les secteurs de la vie
économique.
Votre proposition, monsieur le rapporteur, est aussi tempête, car elle ouvre
un champ nouveau de dispersion de l'argent public et de rentabilité de
celui-ci. En ce sens, elle répond pleinement aux souhaits des établissements
bancaires privés, qui souhaitent, grâce au relâchement de quelques principes
républicains budgétaires et comptables relatifs aux collectivités locales,
faire main basse sur des mouvements financiers nouveaux issus des budgets des
collectivités locales.
Nous avons combattu l'ordonnance du 2 janvier 1959. Mais, lorsque dans
l'article 15 de cette ordonnance relative aux lois de finances, il est précisé
que : « Les collectivités territoriales de la République et les établissements
publics sont tenus de déposer au Trésor toutes leurs disponibilités », nous ne
pouvons, comme républicains, que partager ce choix politique - jacobin
peut-être - qui place au-dessus de l'argent producteur d'argent l'argent valeur
publique respectée, utilisée pour le bien de tous.
Si nous dérogions à cet article 15 de l'ordonnance, un champ nouveau se
dessinerait et, au-delà des circonstances exceptionnelles de tempête, les
exceptions se multiplieraient et l'argent des communes pourrait alimenter la
spéculation, avec toutes les conséquences des dérives prévisibles, et les élus
auraient constamment la tentation de répondre à des propositions axées sur la
rentabilité.
Quant à la question du rendement du placement des sommes déposées par les
collectivités locales, on peut souligner que les dernières émissions
d'obligations assimilables du Trésor portent aujourd'hui un intérêt de 3 % à 4
%, résultant d'ailleurs du mouvement de baisse des taux que nous avons noté en
1998 et en 1999, tandis que la dette publique est grevée d'un taux moyen de
5,58 %.
Une dernière question se pose : comment motivez-vous votre proposition ?
Première motivation : le placement des bons du Trésor représenterait une
faible rentabilité. Peut-être ! Mais allez-vous souhaiter la hausse des taux
d'intérêt, le retour de l'inflation et l'aggravation des déficits publics ?
(M. le rapporteur rit.)
J'en serais étonnée, compte tenu des
propositions que je vous entends bien souvent faire en commission des
finances.
Seconde motivation : une telle possibilité permettrait à certaines banques de
renforcer leur réseau d'implantation et de prendre pied sur le marché des
collectivités locales.
Ces deux motivations ne sont pas acceptables. Les communes n'ont pas encore
été trop gangrenées par l'argent-roi - en l'espèce, il s'agit d'un faible
argent-roi -...
M. Michel Mercier,
rapporteur.
Cela ne risque pas de leur arriver, compte tenu de ce que
vous leur accordez comme dotations !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
... mais, une fois la brèche ouverte, quelles en seraient les conséquences,
monsieur le rapporteur ? Ces remarques nous conduisent à penser qu'un tel texte
pourrait faire l'objet d'un consensus dont bénéficieraient les 11 000 communes
forestières françaises et la forêt. Mais l'article 1er vient tout gâcher. S'il
devait être maintenu en l'état, nous nous verrions contraints, avec beaucoup de
regret, d'émettre un vote négatif. La forêt est noble. Elle doit être
respectée, non seulement pour s'embellir, mais aussi pour survivre. De la
forêt, l'homme a besoin et, comme l'affirmait saint Bernard, n'apprend-il pas
autant dans les bois que dans les livres ?
M. Michel Mercier,
rapporteur.
Voilà enfin une bonne référence !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Bravo pour la référence ultime !
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à M. Jourdain.
M. André Jourdain.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme
vous le savez tous, les conséquences de la tempête du 26 décembre dernier sont
extrêmement lourdes pour les communes forestières. Le volume très important de
chablis nous place en effet dans une situation économique et financière
difficile, voire incertaine, car nous ignorons encore comment compenser les
pertes des prochaines années. L'initiative de mes collègues Claude Huriet et
Philippe Nachbar me semble à cet égard tout à fait excellente, et je souscris
pleinement à leurs propositions de loi respectives.
Je veux souligner l'importance que revêt pour les communes forestières la
possibilité de placer le produit des ventes de chablis hors des bons du Trésor.
En effet, nous allons vendre cette année le double, le triple - voire vingt
fois plus parfois pour certaines communes - de ce que nous aurions dû vendre
chaque année. En revanche, nous vendrons très peu ou rien les trois, quatre,
cinq ou vingt prochaines années. Cela représentera à terme, bien entendu, un
manque à gagner considérable pour les communes forestières.
La possibilité - et non l'obligation - de réaliser des placements financiers
dans le secteur privé semble à cet égard une bonne solution pour réduire la
dépendance à la solidarité nationale et pouvoir sinon rééquilibrer les budgets
de nos communes - ce serait trop beau ! - du moins les améliorer. Les
intempéries exceptionnelles que nous avons subies à la fin de l'année 1999
justifient, me semble-t-il, une dérogation aux règles financières qui
s'imposent habituellement aux collectivités locales.
Je ne reviens pas sur ce qu'a dit excellement notre rapporteur Michel Mercier,
mais je voudrais citer, pour traduire le problème général que je viens
d'exposer, un exemple que je connais bien : celui de la commune de Sapois, dans
le Jura, dont je suis maire et qui a cette année - elle n'est pas l'une des
plus sinistrées, j'allais dire gangrenées, madame Beaudeau - 2 500 mètres cubes
de chablis.
Ce volume représente à peu près les ventes de cinq années, qui auraient
rapporté, bon an mal an, 200 000 francs par an, c'est-à-dire le quart du budget
de fonctionnement annuel de ma commune. Sur cinq ans, ces recettes se seraient
élevées à 1 000 000 francs. Or je viens de vendre, et j'ai eu beaucoup de
chance, 2 000 mètres cubes pour une recette nette de 380 000 francs. En
espérant vendre les derniers 500 mètres cubes au même prix, ma commune
percevrait une recette nette complémentaire de 70 000 à 80 000 francs. C'est
donc une recette globale de 450 000 francs que je percevrai cette année, mais
pour cinq ans. Je subirai donc une perte de 550 000 francs par rapport aux
recettes perçues en situation normale. Ce n'est pas négligeable pour une petite
commune de trois cents habitants.
Vous comprendrez, madame le secrétaire d'Etat, que je cherche à faire
fructifier le plus possible les 250 000 francs que je n'espérais pas en 2000
pour compenser un peu les pertes des années futures, en utilisant les
possibilités offertes par la proposition de loi de Claude Huriet que j'ai
cosignée.
J'avais d'ailleurs espéré que l'Etat instituerait un fonds de mutualisation,
qui aurait permis à ma commune de Sapois de transférer les 250 000 francs de
trop-perçu cette année à des communes qui ont accepté de geler leurs coupes,
c'est-à-dire de ne pas vendre leur bois cette année afin de ne pas envenimer la
crise. Mais, hélas ! rien de tel n'a été proposé, d'où mon souhait de placer
cet argent pour essayer de ne pas trop dépendre, à l'avenir, de la solidarité
nationale.
Je voudrais maintenant aborder un autre sujet : la création d'aires de
stockage pour conserver les bois par aspersion.
La communauté de communes que je préside va réaliser deux de ces aires afin
d'accueillir environ 50 000 mètres cubes de bois de qualité. Ces bois ne
viendront pas, ou peu, des communes membres de la communauté, car celles-ci ne
possèdent pas, hélas ! de bois à forte valeur. Ils viendront d'autres communes
du Haut-Jura qui ont subi des dégâts considérables, en termes de quantité,
certes, mais aussi de qualité, s'agissant en particulier des épicéas, essence
de grande valeur mais très sensible aux maladies, et qu'il faut d'urgence
préserver. Il en va de même des hêtres en ce qui concerne les feuillus.
Ces communes du Haut-Jura, riches en valeur forestière, n'ont pas suffisamment
de points d'eau pour assurer l'arrosage de leurs produits, d'où l'idée, pour
résoudre ce problème, de se tourner vers le territoire de ma communauté, au nom
prédestiné puisque composé des noms de deux rivières, l'Ain et l'Anguillon, par
conséquent un territoire riche en eau.
Par solidarité, nous avons donc accepté la création d'aires de stockage. Mais,
en ma qualité de futur maître d'ouvrage, je suis dans le flou le plus complet
tant au regard du taux définitif de subvention - on m'a parlé de 80 %, mais
cela n'a rien d'officiel - qu'au regard de la TVA.
D'après des informations toujours non officielles, ma communauté de communes
pourra être assujettie à la TVA au taux actuel de 20,6 %. Cela signifie que,
pour 1 000 000 francs de travaux hors taxe, je paierai 1 206 000 francs toutes
taxes comprises. Certes, je récupérerai les 206 000 francs de TVA, mais,
d'après les renseignements que j'ai pu obtenir, l'activité de telles zones
n'étant pas pérenne, je devrai restituer au bout de trois ans, en fin
d'activité de ces zones, 17/20 de ces 206 000 francs, c'est-à-dire 170 000
francs. Dans ce cas, il faudra bien que la communauté de communes inclue ces
170 000 francs dans le coût de facturation. Ce sont les services fiscaux de mon
département qui m'ont donné ces renseignements, lesquels ont été confirmés par
la préfecture.
Le coût à la charge des communes qui auront déposé leur bois va donc être
majoré. Ne serait-il pas possible, madame le secrétaire d'Etat, pour éviter
cela, de réduire à 5,5 %, comme cela vient d'être décidé pour d'autres
activités forestières, le taux de la TVA applicable aux travaux effectués sur
ces aires ? Tel est l'objet de l'amendement que j'ai déposé à l'article 4.
Enfin, je voudrais profiter de cette occasion pour rappeler les contraintes
d'organisation du travail dans les entreprises de première transformation du
bois. Certes, il ne s'agit pas, madame le secrétaire d'Etat, de votre domaine
de compétence. J'avais alerté Mme Aubry sur ce point en lui demandant si des
dérogations pouvaient être apportées à l'application de la loi sur les 35
heures compte tenu des circonstances, qui entraînent des durées de travail
importantes, supérieures à 35 heures. Je n'ai toujours pas de réponse alors que
la situation exige que des mesures soient prises très rapidement.
Telles sont, monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, les observations d'un homme de terrain sur certains problèmes
forestiers liés à la tempête et sur les excellentes propositions de mes
collègues MM. Claude Huriet et Philipe Nachbar.
J'insiste sur l'extrême urgence qu'il y a à prendre des décisions, des
décisions claires, précises et réalistes. Il faut en effet mettre un terme à
une période d'attente qui n'a que trop duré, alors que l'arrivée des beaux
jours risque de favoriser le développement très rapide des maladies du bois. Ce
serait alors une nouvelle catastrophe, au plan tant écologique qu'économique.
Une suffit amplement !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Fournier.
M. Bernard Fournier.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
tiens d'abord à saluer l'excellente initiative de MM. Huriet, Delevoye,
Fourcade et Jourdain, ainsi que celle de M. Nachbar, qui, en déposant les
propositions de loi organique dont nous discutons aujourd'hui, ont montré, une
fois de plus, combien le Sénat était vigilant sur le rôle qui lui est confié à
l'article 24 de la Constitution, soucieux des difficultés rencontrées par les
collectivités locales, et qu'il restait le lieu privilégié de débat sur tout ce
qui concerne ces dernières.
C'est la capacité même de notre chambre à être une force de proposition
constructive que nous démontrons aujourd'hui par l'examen de ces textes. Leur
inscription à l'ordre du jour dans le cadre de la « fenêtre parlementaire »
témoigne du fort attachement des sénateurs aux problèmes quotidiens des
collectivités locales. C'est encore la démonstration que le réalisme et la
connaissance du terrain font la qualité du travail du législateur.
Certes, la Constitution encadre strictement l'initiative législative du
Parlement ; cependant, la discussion des textes qui arrivent devant nous
aujourd'hui va permettre de poser la question de la modernisation des relations
financières entre l'Etat et les collectivités locales, modernisation que chacun
trouve indispensable.
Le groupe du RPR s'est largement associé à cette initiative législative pour
plusieurs raisons, au premier rang desquelles l'urgence qui doit nécessairement
s'attacher à la prise en considération des conséquences des tempêtes du mois de
décembre 1999.
Le dispositif contenu dans les propositions de loi qui nous sont soumises me
semble répondre au triple impératif auquel les maires des communes forestières
sont confrontés, à savoir : assurer à moyen terme l'équilibre de leurs finances
publiques, maintenir la valorisation du patrimoine et veiller, à terme, au bon
entretien du domaine. Il n'est naturellement pas question de déroger
définitivement au principe fondateur des finances publiques, qui interdit le
placement des produits des propriétés domaniales sur la place privée. Il ne
s'agit nullement en effet de spéculer avec l'argent public. Il est seulement
question d'adapter notre droit financier aux évolutions qui se sont produites
dans les vingt dernières années.
Il s'agit en outre de prendre en compte les conséquences financières qui vont
résulter pour les communes des événements du mois de décembre.
Certes, face à l'obligation imprévue de la vente des bois, les communes
forestières vont disposer d'une manne financière qui, par son ampleur, va, dans
un premier temps, largement excéder leurs besoins habituels. Par ailleurs,
cette manne sera immédiatement disponible, mais sa valeur absolue sera
largement inférieure à celle qu'elle aurait pu être sur le long terme. En
effet, compte tenu de la chute des cours du bois, de la piètre qualité des
chablis et des lourdes charges dues au déblayage, la perte financière des
communes sera très importante.
L'obligation de placement des fonds disponibles des collectivités locales au
Trésor n'est donc pas remise en cause. Il convient simplement de constater que
la libre gestion temporaire des fonds provenant exclusivement de la vente de
ces chablis est de nature à atténuer les conséquences financières
catastrophiques de la tempête de décembre 1999. Elle constituerait par là même
une mesure de bonne administration, d'anticipation et de prévisibilité.
Il n'est plus à prouver que le marché privé est plus attractif que le Trésor.
Il existe toute une série de produits financiers à très faible risque mais très
rémunérateurs.
Cette considération est à prendre en compte dans la mesure où les fonds
disponibles des collectivités sont actuellement placés sans intérêt au Trésor
et que le risque encouru resterait mesuré du fait de la diversité des produits
offerts. Le fait pour les collectivités de pouvoir tirer un meilleur parti des
fruits de leur capital, largement endommagé, pourrait compenser en partie les
pertes enregistrées.
Le dispositif dont nous discutons n'est pas complètement révolutionnaire
puisque le ministre des finances est implicitement autorisé à déroger aux
règles de placement des fonds des collectivités par l'article 15 de
l'ordonnance portant loi organique relative aux lois de finances du 2 janvier
1959. Il convient donc d'inviter M. le ministre à mettre en oeuvre les
prérogatives que le législateur a entendu lui conférer dès la mise en place de
notre Constitution.
D'autres mesures proposées par la commission, comme l'accélération du
versement des attributions du fonds de compensation de la taxe sur la valeur
ajoutée ou encore l'imputation des attributions du FCTVA en section
d'investissement dans le budget des collectivités sinistrées, de même que la
diminution du taux de TVA sur l'ensemble des travaux forestiers sont de nature
à encourager les travaux de réparation et de reconstitution de la forêt, tâche
à laquelle chacun doit s'atteler.
De même, la proposition qui consiste à associer les collectivités à
l'évaluation des conséquences financières des dommages qui ont été causés à
leur patrimoine permettra de resserrer les liens de confiance qui existent au
niveau local entre le représentant de l'Etat et les maires. L'inscription de ce
principe de participation va dans le bon sens et constituerait un gage pour les
élus locaux.
Cependant, les communes forestières ne sont pas les seules à souffrir des
conséquences de la tempête et mon propos serait incomplet si je n'évoquais pas
plus globalement la politique forestière qui a découlé de cet événement. M. le
rapporteur a lui-même pris acte de la nécessité d'élargir le débat : force est
de constater que, sur le terrain, l'administration n'a pas toujours été en
mesure de répondre aux interrogations des maires, et ce malgré l'extrême
disponibilité et la grande compétence des préfets et des agents, que je salue
ici.
Si les fonctionnaires disposaient effectivement de circulaires, ils n'avaient
pas toujours connaissance de l'articulation pratique ou juridique des
mécanismes proposés par le Gouvernement. Les choses ont donc été longues à se
mettre en place, beaucoup trop longues.
Les blocages administratifs ont été trop nombreux et ils le demeurent. Il y a
un décalage évident entre le terrain et la structure centrale.
Les déclarations de sinistre étant faites, peu d'éléments de réponse concrets
nous sont maintenant apportés. Le montant global des enveloppes allouées par
l'Etat nous est parfois avancé, sans que jamais un dispositif prévisionnel
précis ou un véritable plan de sauvetage de la forêt nous soit soumis, et ce
bien qu'il ait été annoncé ; et cela fera bientôt trois mois que la catastrophe
s'est produite !
Que constatons-nous aujourd'hui ?
Certes, le Gouvernement a annoncé le déblocage de plusieurs milliards de
francs à destination de la filière bois, mais, sur cette somme globale mise à
disposition des collectivités et des particuliers, ce sont essentiellement des
prêts à taux bonifiés qui sont proposés.
Pour bénéficier de ces prêts, les forestiers se voient exiger par les banques
des garanties qu'ils ne pourront pas apporter. Je soulignerai par ailleurs que,
dans un premier temps, ils ne connaissent pas encore les établissements
bancaires référents. Il existe donc une évidente inadéquation entre les moyens
mis en oeuvre et les objectifs visés.
Dans la somme de 1,2 milliard de francs effectivement mobilisée pour la forêt,
je déplore l'extrême complexité du morcellement des aides publiques : celle-ci
ne manque pas d'engendrer ces blocages administratifs que je soulignais à
l'instant et qui paralysent l'intégralité de la chaîne de subvention.
Il faut donc envisager de toute urgence des aides à l'exportation et un
soutien actif des cours du bois, mais aussi dégager un volet fiscal
volontariste pour alléger les charges non seulement des communes forestières,
mais aussi des entreprises de la filière et des propriétaires afin de leur
donner les moyens de reconstituer le patrimoine perdu.
Sur le plan local, on ne peut pas passer sous silence le fait que
l'intervention des conseils généraux et des conseils régionaux a le plus
souvent permis de répondre aux situations d'urgence : c'est une nouvelle
démonstration de l'intérêt du rapprochement de la prise de décision des
administrés.
A circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles. L'urgence
commande.
Les bois se détériorent, s'abîment ; les insectes vont les endommager ; de
réels risques d'incendie vont apparaître tant il est évident que toutes les
forêts ne seront pas dégagées avant l'été. Les feux, notamment dans le sud de
la France, sont considérés par tous comme inévitables.
Des champignons germent et endommagent les bois dans les Landes. Ailleurs,
c'est la pourriture qui menace. D'ores et déjà, 70 millions de mètres cubes de
bois sont perdus, soit la moitié des 140 millions de mètres cubes qui ont été
endommagés. Le manque à gagner pour les communes et les propriétaires privés va
être catastrophique.
Perte financière d'une part, problèmes juridiques, d'autre part : les élus
sont confrontés à de multiples difficultés.
En cas d'accident, leur responsabilité, celle des collectivités, ne manquera
pas d'être engagée sur la base du défaut d'entretien normal. Les tribunaux sont
parfois sévères : ils pourraient arguer de la prévisibilité des incidents.
Toutes ces interrogations sont le quotidien de nos collègues maires : ils nous
interpellent, nous devons les écouter.
Je ne peux, vous le comprendrez, manquer d'évoquer à la tribune de cette
assemblée la problématique spécifique du département de la Loire. Au-delà du
simple propos sur les communes forestières, dois-je vous dire combien je
déplore que le Gouvernement n'ait à aucun moment jugé souhaitable le classement
total ou partiel de notre département en zone de catastrophe naturelle ? « Cela
ne change rien » nous a-t-on assuré, mais, si cela ne change rien, pourquoi la
procédure existe-t-elle ?
Comment puis-je faire comprendre à mes collègues, maires ruraux de communes,
forestières ou non, que « cela ne change rien », alors qu'à une dizaine de
kilomètres de là, dans le Puy-de-Dôme, la commune voisine a, elle, été classée
en zone sinistrée, et que cela change tout, notamment quant à l'écoute des
compagnies d'assurance et à la diligence avec laquelle le dossier sera traité
par l'administration ?
Dans certaines communes de mon canton, le patrimoine forestier a été anéanti à
hauteur de 80 %. Je prendrai le seul exemple de Rozier-Côtes-d'Aurec, où 600
hectares de bois répartis en 2 500 parcelles concernant quelque 500
propriétaires ont été littéralement ravagés, soit 40 000 mètres cubes de bois
d'une valeur de 10 millions de francs sur lesquels une moins-value de l'ordre
de 50 % à 100 % va être enregistrée.
Il y a donc urgence pour le Gouvernement à mettre en place le véritable plan
pluriannuel de reconstitution de la forêt qu'il a annoncé et que demandent les
maires. Il doit en délimiter les orientations. C'est le but même de notre
discussion. N'oublions pas que la forêt qui a été ravagée est le leg de deux,
trois, voire quatre générations, et qu'il a fallu attendre la fin du xixe
siècle pour que la France se bâtisse un vrai patrimoine forestier.
Nous ne devons pas oublier non plus que le temps du droit n'est pas le temps
de la forêt. Il faut anticiper. Ce plan d'envergure est une urgence absolue. Il
doit être mis en place en direction des communes, bien sûr, mais pas uniquement
; il doit aussi viser les propriétaires privés, le plus souvent non assurés,
qui ont vu anéanties des années d'effort, qui ont vu détruit ce qu'ils avaient
reçu de leur famille.
La proposition de loi organique dont nous discutons aujourd'hui me semble
être un excellent point de départ pour le plan que je réclame au Gouvernement.
Mais elle ne peut à elle seule suffire à répondre à tous les besoins qui
s'expriment dans le domaine forestier. Elle y répondra simplement en ce qui
concerne le volet domanial des collectivités locales.
Je déplore le flou qui entoure les positions gouvernementales : c'est le
moment, pour le Gouvernement, de nous prouver non plus sa capacité à réagir,
mais sa capacité à anticiper !
Certes, la situation est exceptionnelle, nous l'avons dit, mais ce caractère
ne doit pas pour autant dispenser l'Etat de l'obligation qui lui incombe de
remplir l'intégralité de ses responsabilités.
En votant les conclusions que lui soumet la commission, le Sénat adresse un
message fort en direction des communes les plus touchées par la tempête ; il
donne aussi un signal au Gouvernement. Je forme le voeu que la proposition de
loi organique, dont l'initiative revient aux membres de la majorité
sénatoriale, soit largement adoptée et qu'elle reçoive, en dehors des clivages
traditionnels, l'accueil favorable et consensuel qu'elle mérite devant
l'Assemblée nationale.
Mes chers collègues, vous le voyez, les questions restent nombreuses, et,
au-delà du dispositif que nous allons adopter - dispositif largement inspiré
par la nécessité de bonne administration des fonds publics - c'est un ensemble
de réponses que nous attendons du Gouvernement.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
En vous saluant respectueusement, je vous donne la parole, madame le
secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat au budget.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous
avez, à travers cette proposition de loi, soulevé un véritable problème, qui
touche l'ensemble de nos communes forestières dévastées par les tempêtes de la
fin de l'année 1999.
Ce sont environ 115 millions de mètres cubes de bois, correspondant à 110
millions d'arbres, 27 millions de mètres cubes de chablis, représentant
plusieurs années d'exploitation de la forêt française, qui ont ainsi
disparu.
Face à cette situation, le Gouvernement a immédiatement réagi et a apporté des
réponses aux situations très difficiles qu'elle a créées.
La forêt, mesdames, messieurs les sénateurs, est un facteur d'équilibre de la
planète, comme l'a fort bien rappelé Mme Beaudeau. C'est aussi un facteur
d'équilibre pour notre pays, qui a une grande tradition forestière.
Toutefois, le texte que le Sénat s'apprête à adopter ne me paraît pas adapté,
et cela pour au moins deux raisons principales.
D'abord, il traite de questions auxquelles le Gouvernement a déjà apporté, ou
est en train d'apporter des réponses. Il fait en effet de l'aide aux communes
forestières une de ses priorités essentielles ; or, comme vous le savez, un
plan national d'action en faveur de la forêt française a été adopté.
Ce programme spécifique comporte trois axes majeurs : tout d'abord, assurer la
mobilisation des bois ; ensuite, permettre le stockage et favoriser la
valorisation des bois ; enfin, organiser la reconstitution des écosystèmes
forestiers. Les communes forestières sont éligibles à l'essentiel des mesures
prises dans ce cadre.
Nous avons mis en oeuvre une aide à la réouverture des routes et pistes
forestières.
Nous avons mis en place des subventions pour la création d'aires de stockage
humide des bois.
Nous avons également prévu des prêts bonifiés à 1,5 % pour préfinancer
l'abattage et la sortie des bois, pour une enveloppe totale de 8 milliards de
francs.
Nous avons mobilisé des subventions pour la reconstitution des forêts
sinistrées, ainsi qu'une aide au transport des bois abattus.
Certes, s'agissant des aires de stockage des bois, question évoquée par M.
Jourdain, nous ne pouvons que regretter que le taux de la TVA n'ait pu être
réduit à 5,5 %. La Commission de Bruxelles ne nous a en effet autorisés à le
faire que pour les travaux forestiers à proprement parler. Sont ainsi exclus
les travaux concernant les aires de stockage.
Nous ne pouvons que le regretter, je le répète, mais c'est aussi pour cette
raison que le Gouvernement a décidé d'accorder une enveloppe de 4 milliards de
francs de prêts bonifiés pour l'aide au stockage, prêts qu'il a voulu aussi
ouverts que possible.
Les communes forestières bénéficient également, indirectement, des
dispositions mises en oeuvre dans un cadre collectif, telles que les mesures
phytosanitaires, qui représentent 100 millions de francs, l'accompagnement
technique et organisationnel - mobilisation d'ingénieurs et de techniciens -,
l'attribution de bourses de travaux forestiers ou les aides au transport de
bois, qui représentent un volume global de subvention de 700 millions de
francs.
Les communes forestières peuvent enfin, dans certains cas, avoir accès à
d'autres types d'aides prévues pour les entreprises du secteur forestier : aide
à l'acquisition de matériel d'exploitation forestière - 50 millions de francs -
ou mesures en faveur de l'emploi et de la formation.
M. Fournier s'est interrogé quant à lui sur le volet fiscal des mesures
arrêtées par le Gouvernement. Parmi ces nombreuses mesures, il en est une très
importante que vous avez tous remarquée : le passage du taux de la TVA de 20,6
% à 5,5 % pour tous les travaux d'exploitation forestière effectués au profit
d'exploitants agricoles, tels que la plantation, le débardage et l'élagage. Ce
taux s'applique également à l'abattage et au tronçonnage des arbres.
A cette mesure s'en ajoutent deux autres : d'une part, le dégrèvement
exceptionnel de taxe foncière pour les propriétaires forestiers et, d'autre
part, des déductions de charges exceptionnelles des revenus tirés de
l'exploitation forestière.
Dans son ensemble, le plan pour la forêt mobilisera plus de 2 milliards de
francs au cours de l'année 2000. A plus long terme, c'est toute la forêt
française qu'il faudra reconstituer. A cet effet, le Gouvernement a prévu un
effort considérable pour le reboisement : 6 milliards de francs de subventions
y seront consacrés sur les dix prochaines années.
Ces mesures seront aussi complétées dans les jours à venir, par voie de
circulaire, par de nouvelles dispositions qui concerneront spécifiquement les
communes forestières.
Permettez-moi d'en énoncer les grands axes.
Le premier concerne un dispositif d'aide aux communes forestières sinistrées,
dont l'objectif est d'éviter que des communes et des établissements publics de
coopération intercommunale, confrontés à la disparition de recettes
d'exploitation du fait des destructions occasionnées à leur patrimoine
forestier, soient, pendant plusieurs années, dans l'incapacité de voter leur
budget en équilibre, ce qui risquerait d'entraîner une saisine de la chambre
régionale des comptes, comme l'a justement souligné M. Nachbar.
Afin d'y parvenir, il sera donc procédé à une évaluation précise de la
situation financière des communes confrontées à la disparition de recettes
d'exploitation du fait des destructions occasionnées à leur patrimoine
forestier.
Pour ce faire, des commissions départementales présidées par le préfet et
associant les élus locaux seront chargées de cette évaluation, conformément à
la demande de M. le rapporteur.
Cette évaluation servira de base à la mise en oeuvre d'un dispositif d'aide
budgétaire aux communes forestières sinistrées.
Le deuxième axe vise à élargir les possibilités de placement budgétaires pour
les communes forestières.
Compte tenu du caractère très exceptionnel, par leur ampleur, des ventes de
chablis, les recettes tirées de ces ventes peuvent être assimilées à une
aliénation forcée du patrimoine communal. Il est donc possible de placer le
produit de ces ventes en placement budgétaire par dérogation à la règle du
dépôt des fonds libres au Trésor.
Les communes forestières sont donc autorisées à souscrire auprès du réseau des
comptables du Trésor des bons à taux fixe émis par le Trésor, à partir d'un
seuil qui a été considérablement abaissé - 1 000 euros - qui viendront
s'ajouter aux placements en bons du Trésor à taux annuel normalisé ou en
obligations assimilables du Trésor. Cela garantit aux communes des placements
sûrs, non spéculatifs, conformément aux principes républicains justement
défendus par Mme Beaudeau.
Le troisième axe concerne les communes forestières non sinistrées, pour
lesquelles ont été prévus des prêts bonifiés.
Pour assurer une meilleure régulation des cours du bois, les communes
forestières non sinistrées ainsi que les établissements publics de coopération
intercommunale sont encouragés à reporter la réalisation des coupes de bois
déjà vendues en 1999 et à reporter les coupes prévues en 2000 ou 2001,
notamment par leur document d'aménagement.
Ces communes bénéficieront de prêts bonifiés à 1,5 % décidés par le
Gouvernement dans le cadre du plan national en faveur de la forêt pour prendre
en compte le manque à gagner occasionné par ces reports de coupes ou de
ventes.
Une commission départementale
ad hoc
sera créée pour instruire les
demandes des communes, attester de la réalité du report des coupes de bois et
fixer le montant maximum des prêts bonifiés par l'Etat auquel peut prétendre
chaque collectivité.
J'ai dit tout à l'heure que cette proposition de loi me paraissait devoir être
retirée pour au moins deux raisons.
La première tient au fait que, pour l'essentiel des problèmes soulevés, le
Gouvernement a déjà apporté un certain nombre de réponses ou est en train de le
faire.
La seconde raison, c'est que cette proposition de loi contient des
dispositions qui sont, en fin de compte, beaucoup moins favorables pour les
collectivités locales que les mesures que le Gouvernement a prévues ou met déjà
en oeuvre.
En l'occurrence, ce dont les collectivités locales ont le plus besoin, c'est
de rapidité et de souplesse.
Tout d'abord, ainsi que cela a été très justement souligné par M. Jourdain,
face aux difficultés consécutives aux tempêtes de décembre, les collectivités
locales, notamment les communes forestières, ont besoin d'une action rapide.
Or, sans sous-estimer le moins du monde la volonté du Sénat de venir en aide à
ces collectivités - une volonté que, encore une fois, je comprends et partage -
il m'apparaît qu'une proposition de loi organique n'est pas forcément le
vecteur optimal pour atteindre l'objectif visé, ce que, m'a-t-il semblé,
monsieur le rapporteur, vous avez vous-même bien voulu reconnaître.
En effet, les délais inhérents à l'adoption d'un tel texte, compte tenu
notamment de la nécessité pour les deux assemblées de trouver un accord, ne
doivent pas être négligés. Cela donne à penser que les mesures préconisées,
compte tenu du calendrier législatif, ne pourraient entrer en vigueur, si elles
étaient adoptées, avant plusieurs semaines, voire plusieurs mois.
Or les communes forestières, je le répète, ont besoin d'obtenir rapidement des
réponses à leurs problèmes. C'est pourquoi le Gouvernement a pris l'engagement
- et, bien entendu, il le respectera - d'inscrire dans le collectif budgétaire
de printemps l'ensemble des mesures financières d'urgence consécutives aux
intempéries.
L'inscription de ces mesures en collectif permettra d'apporter une prompte
réponse aux besoins des collectivités locales et d'éviter les incertitudes
liées au cheminement législatif d'une proposition de loi organique.
Mais les communes forestières ont également besoin d'un régime juridique
exceptionnel caractérisé par la souplesse.
C'est encore un objectif qui ne me paraît pas susceptible d'être atteint
aisément par la voie que vous avez retenue, mesdames, messieurs les
sénateurs.
En effet, en voulant en même temps ouvrir un débat sur la modification de
l'ordonnance organique de 1959 - ce « pilier » encore intact des finances
publiques - adapter le code général des impôts dans un domaine qui fait
d'ailleurs l'objet d'un examen attentif de la part des autorités communautaires
- et nous avons vu que nous nous heurtions à leur volonté, s'agissant de la
baisse de la TVA sur les travaux relatifs aux aires de stockage - et enfin
modifier le code général des collectivités territoriales, on ne peut fournir
une réponse suffisamment souple et adaptée aux besoins des communes
forestières.
Ces communes ont besoin moins d'un débat législatif que de réponses concrètes,
de facilités immédiates dans leur gestion financière et comptable, d'une
souplesse accrue de fonctionnement. Ces facilités, cette souplesse accrue, le
Gouvernement est précisément en train de les leur apporter sans attendre.
Au total, mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi, si elle
est inspirée par des considérations que je comprends parfaitement, ne me paraît
offrir ni sur le plan de la méthode ni sur le fond les réponses adaptées aux
difficultés que rencontrent les communes particulièrement touchées par les
intempéries.
Elle est, en outre, susceptible d'ouvrir un débat plus général sur l'équilibre
des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales, débat que
nous ne saurions épuiser à cette seule occasion.
Voilà pourquoi je souhaite le retrait de cette proposition de loi.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - Après la première phrase du dernier alinéa de l'article 15 de
l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois
de finances, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Ce dépôt est facultatif pour les fonds provenant de l'aliénation forcée d'un
élément de patrimoine par suite de tempête ou autre calamité publique. »
Sur cet article, la parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier,
rapporteur.
Je tiens d'abord à vous remercier, madame la secrétaire
d'Etat, d'avoir souligné les difficultés que rencontrait le Parlement pour agir
sous l'empire de textes qui le brident depuis maintenant longtemps.
Vous avez également fort bien expliqué que la loi n'était pas faite pour
permettre l'intervention de mesures rapides, que le Parlement n'était pas là
pour aider ceux qui en avaient besoin mais que, heureusement, le Gouvernement y
veillait et que toutes les choses allaient bientôt s'arranger. Tout cela est
peut-être vrai, mais on ne peut pas dire que les choses s'arrangent vite...
Or, notre proposition de loi a précisément pour premier objet d'accélérer un
peu le processus.
La discussion qui vient d'avoir lieu a bien montré qu'il existait un large
accord entre le Parlement et le pouvoir exécutif sur la nécessité de mesures
spécifiques. Tout le problème est de faire en sorte que cet accord se traduise
par des solutions concrètes pour tous ceux qui sont concernés.
Je souhaite que ce débat puisse au moins nous permettre de montrer aux
communes forestières, aux exploitants forestiers et aux propriétaires
forestiers qu'à Paris on ne se contente pas de faire des discours et que l'on
s'y préoccupe aussi de répondre concrètement à leurs difficultés.
M. Serge Vinçon.
Exactement !
M. Michel Mercier,
rapporteur.
S'agissant maintenant de l'article 1er, je voudrais rappeler,
notamment à l'intention de Mme Beaudeau, que l'obligation pour les
collectivités locales de déposer leurs fonds au Trésor n'est en rien un
principe républicain. La République, c'est bien autre chose !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Cela en fait aussi partie !
M. Michel Mercier,
rapporteur.
Ma chère collègue, le texte fondateur de cette obligation est
un décret impérial de 1811 : il remonte donc à une époque où les idées
républicaines en avaient quand même « pris un coup ». Et ce n'est pas ce texte
qui les a restaurées dans leur plénitude ! Ce qui a suivi 1811, c'est 1815 et
le baron Louis ! C'est en fait le baron Louis qui est à l'origine de nos
finances publiques modernes.
L'obligation de déposer ces fonds au Trésor répond à un besoin évident : il
faut que le moins d'argent possible sorte du circuit du Trésor, de manière que
le Trésor soit toujours alimenté. C'est un bon principe technique, mais ce
n'est pas du tout un principe républicain !
M. Alain Lambert,
président de la commission.
Il vaut en fait pour tous les régimes !
M. Michel Mercier,
rapporteur.
La République, grâce à Dieu, c'est bien autre chose !
Madame la secrétaire d'Etat, si vous ne voulez pas que nous touchions à ce
principe - et je vous concède que l'occasion est un peu ténue pour modifier
l'ordonnance du 2 janvier 1959 - vous avez une solution toute simple ! Il
suffit que vous nous disiez que, puisque l'article 15 de l'ordonnance du 2
janvier 1959 permet au ministère des finances d'accorder des dérogations à
cette obligation de placement, il examinera les demandes qui lui seront
présentées et, lorsque le montant des ventes ou des recettes exceptionnelles
justifiera la pertinence du placement envisagé, y compris hors du circuit du
Trésor, il fera usage de ce pouvoir que lui confère l'article 15.
Si vous nous dites cela, madame la secrétaire d'Etat, je proposerai sans
hésiter à la commission de retirer l'article 1er.
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention, non seulement en tant que sénateur d'un
département sinistré, mais aussi en tant que vice-président de la fédération
des communes forestières de France, les explications de Mme la secrétaire
d'Etat, et je dois confesser ma perplexité sur un point.
Mme la secrétaire d'Etat a paru indiquer que, par assimilation au régime des
aliénations forcées du patrimoine communal, certains placements bénéficiant de
conditions privilégiées pourraient être autorisés. Il s'agirait en fait de
procéder auprès du réseau des comptables du Trésor, à des placements sans doute
un peu plus rémunérateurs - mais dans quelles proportions ? - correspondant à
une nouvelle catégorie de bons du Trésor ou ressemblant aux obligations
assimilables du Trésor. C'est en tout cas ce que j'ai cru comprendre.
J'aimerais d'abord obtenir de vous, madame la secrétaire d'Etat, quelques
précisions sur l'avantage financier que représenteraient de tels placements.
Il reste que la réforme de l'administration des finances annoncée par M.
Christian Sautter et par vous-même prévoit, semble-t-il, à très brève échéance,
la suppression des services chargés de l'épargne dans le réseau de la
comptabilité publique. Dès lors, comment peut-on suggérer la réalisation de
nouveaux placements auprès du réseau des comptables du Trésor alors que l'on va
le supprimer d'ici six à sept mois ?
M. le président.
Mes chers collègues, M. le rapporteur ayant évoqué l'éventualité d'un retrait
de l'article 1er, en fonction de la réponse que lui apporterait Mme la
secrétaire d'Etat, je vous propose d'interrompre nos travaux pendant quelques
minutes, afin de permettre à la commission des finances de se réunir.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures cinquante-cinq, est reprise à onze heures
dix.)
M. le président.
La séance est reprise.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Lambert,
président de la commission.
Je ne voudrais pas, madame la secrétaire
d'Etat, que ma demande spontanée de parole apparaisse comme une mauvaise
manière à votre endroit, mais ce que j'ai à vous dire peut sans doute vous
permettre d'apporter une réponse au problème posé.
Après vous avoir entendue, comme nous tous, avec beaucoup d'attention, M. le
rapporteur a beaucoup insisté sur le fait que le caractère organique du présent
texte et les propositions qui figurent à l'article 1er tiennent à notre volonté
de donner aux communes forestières la possibilité de faire face aux immenses
difficultés auxquelles elles sont confrontées.
Dans votre intervention au cours de la discussion générale - mais c'est moins
votre fait personnel que la tendance naturelle du Gouvernement - vous avez
indiqué qu'il ne revenait pas au Parlement de se préoccuper du sort des
communes forestières. Nous, nous avons le sentiment que Bercy est bien loin de
la réalité de la province française et qu'il ne la hume pas, si je puis dire.
Sans doute nous trompons-nous... Si vous envoyiez vos collaborateurs de temps à
autre au-delà du périphérique, là où sont les forêts françaises, peut-être
rencontreraient-ils la dure réalité dont nous considérons, peut-être à tort,
qu'ils ne perçoivent pas toujours l'ampleur.
M. Philippe Nogrix.
Il faudrait les envoyer en stage !
M. Alain Lambert,
président de la commission.
Le Sénat, grand conseil des communes de
France, considère qu'il a légitimement droit de traiter les difficultés des
communes forestières. C'est pourquoi la Haute Assemblée va vous écouter dans un
silence religieux nous dire ce que le Gouvernement - puisque vous avez
expliqué, voilà quelques instants, que le Parlement n'est pas l'instance
appropriée pour s'occuper de ces questions - va annoncer aux communes
forestières comme solution à tous les problèmes qu'elles rencontrent, étant
entendu que celles que vous avez d'ores et déjà annoncées, dont nous prenons
acte et qu'elles connaissent, ne sont pas suffisantes.
Si vous ne nous apportez pas d'informations nouvelles, si vous ne prenez pas
des engagements dont la portée pourra être appréciée par notre commission, je
ne vois pas ce qui pourrait conduire celle-ci à changer de position, même si
une offre vient de vous être faite par M. le rapporteur, qui a été très
compréhensif.
Encore une fois, nous allons vous écouter dans un silence religieux, pour
savoir si votre réponse modifiera substantiellement la donne et nous conduira à
changer notre position.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président de la commission des finances,
monsieur le rapporteur, au fond, vous voulez savoir si je m'engage à utiliser
la possibilité offerte par l'article 15 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, qui
prévoit que, « sauf dérogation admise par le ministre des finances, les
collectivités territoriales de la République et les établissements publics sont
tenus de déposer au Trésor toutes leurs disponibilités », en contrepartie de
quoi, si j'ai bien compris, vous seriez prêts à retirer l'article 1er de cette
proposition de loi, dont le caractère organique est effectivement avéré.
Je considère que notre priorité, aujourd'hui, est de procéder à l'évaluation
des dégâts ; cela va être fait dès maintenant, comme nous l'avons annoncé, avec
les commissions départementales qui sont en cours d'installation, et c'est sur
la base de ces travaux que nous prendrons les mesures appropriées.
La proposition de la commission des finances me paraît souffrir d'au moins
trois handicaps.
Tout d'abord, les dérogations demandées ne permettront pas aux collectivités
locales d'obtenir un rendement beaucoup plus élevé par rapport à celui qui est
proposé par les produits du Trésor, alors même - et c'est tout de même un point
très important - que le risque de perte en capital, lui, sera bien
supérieur.
Par ailleurs - c'est le deuxième handicap - vous nous demandez de créer une
sorte de précédent dont les conséquences au regard des relations financières
qu'entretiennent les collectivités locales et l'Etat n'ont peut-être pas été
bien mesurées. Nous discutons aujourd'hui des dégâts immenses qui ont été
causés par une tempête météorologique sans précédent ; ne provoquons pas une
tempête d'un genre différent entre l'Etat et les collectivités locales ! Cela
ne me semble vraiment pas prioritaire.
Enfin - c'est le troisième handicap - vous demandez au Gouvernement, au fond,
non pas de déroger à l'obligation de déposer au Trésor les disponibilités
financières des communes, mais de déroger aux règles de placement prévues par
la réglementation financière publique, notamment par le décret de 1962. Vous
soulevez ainsi une question tout à fait différente.
Il me semble donc que l'article 1er de la proposition de loi vise en réalité
un objectif qui dépasse largement la demande que vous formulez en sollicitant
le recours aux dérogations prévues par l'article 15 de l'ordonnance organique
de 1959.
Par conséquent, je ne peux que réaffirmer l'opposition du Gouvernement à cet
article et inciter les communes à tirer le meilleur parti des trois éléments de
souplesse qui ont été annoncés et que je rappelle : premièrement,
l'assimilation des recettes tirées des ventes de chablis à une aliénation
forcée du patrimoine communal, ce qui permettra aux communes de procéder au
placement budgétaire de ces recettes par dérogation à la règle du dépôt des
fonds libres au Trésor ; deuxièmement, l'abaissement à 1 000 euros du seuil à
partir duquel les communes pourront effectuer des placements en bons du Trésor
à taux fixe, et ce afin de répondre aux besoins des plus petites communes ;
troisièmement, l'assouplissement des règles de gestion budgétaire et comptable
afférentes aux recettes issues de ces placements : alors que celles-ci sont
affectées, en principe, à la seule section d'investissement du budget communal,
les communes qui le souhaitent seront autorisées, par exception à ce principe,
à abonder de ces recettes, par un mécanisme de provision, leur section de
fonctionnement.
Pour toutes ces raisons, je ne peux donc que maintenir l'opposition du
Gouvernement à cet article.
M. Alain Lambert,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Lambert,
président de la commission.
Je souhaiterais faire une remarque à
caractère politique à propos de la réponse que vient de nous apporter Mme la
secrétaire d'Etat. Cette dernière nous explique, au fond, que la méthode du
Gouvernement consiste à étudier - c'est bien le sentiment que nous en avions !
- et à dire pour la suite : on verra demain.
M. Serge Vinçon.
Et les bois seront pourris !
M. Alain Lambert,
président de la commission.
Les communes forestières ont donc la réponse
à leurs préoccupations : on étudiera leur cas, et on verra demain ! J'imagine
que M. le rapporteur considérera, comme moi-même, que les éléments nouveaux ne
sont pas suffisants pour que la commission se réunisse encore une fois, et que
l'article 1er peut donc maintenant être soumis au vote de la Haute
Assemblée.
M. Michel Mercier,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier,
rapporteur.
M. le président de la commission des finances vient de dire
l'essentiel. Je voudrais simplement vous indiquer une nouvelle fois, madame la
secrétaire d'Etat, que, par cet article 1er, nous ne vous demandons rien
d'autre que l'application d'une instruction de 1976, qui prévoit que les
collectivités locales peuvent être également autorisées à « employer les fonds
provenant de libéralités en toutes valeurs mobilières inscrites à la côte
officielle d'une bourse française ».
Compte tenu de votre réponse négative, je ne peux que maintenir l'article 1er,
que j'invite la Haute Assemblée à adopter.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'article 1er.
M. Philippe Nogrix.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix.
Je suis un peu choqué de la façon dont nos travaux sont considérés : le
Gouvernement, estimant détenir la vérité, trouve que nous ne cherchons qu'à
entraver ses décisions. Je ne ferai que répéter ce qu'ont dit mes collègues. On
parle beaucoup de stages en entreprises : madame le secrétaire d'Etat, ce sont
des stages en entreprise forestière qui devraient actuellement être imposés à
vos collaborateurs de Bercy afin de leur permettre de se rendre compte de la
gravité de la situation !
Quand des événements exceptionnels se produisent, des décisions
exceptionnelles doivent être prises ! Et le débat parlementaire permet de faire
remonter à Paris ce qui se passe dans les provinces.
Par conséquent, je suis pour ma part tout à fait favorable au maintien de
l'article 1er, que je voterai, d'autant que les arguments avancés par le
Gouvernement ne m'ont pas du tout convaincu. Cet article me semble très bien
circonscrire les choses et ne fait craindre aucun débordement : il s'agit en
effet d'une mesure liée très directement aux chablis et à la situation qui a
été décrite.
Par ailleurs, quant au fait de dire que le Gouvernement est plus rapide que la
loi, j'ai l'impression, après avoir écouté mes collègues, qu'on ne s'en rend
pas tellement compte sur le terrain !
Telles sont toutes les raisons pour lesquelles je voterai l'article 1er.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Articles 2 et 3
M. le président.
« Art. 2. - L'article L. 1615-6 du code général des collectivités
territoriales est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« IV. - Pour les bénéficiaires du Fonds de compensation de la taxe sur la
valeur ajoutée mentionnés à l'article L. 1615-2, les dépenses réelles
d'investissement à prendre en compte pour les attributions du Fonds au titre
d'une année déterminée sont celles afférentes à l'exercice en cours lorsque ces
dépenses ont trait à la réparation des dommages causés par les inondations
survenues entre le 12 et le 14 novembre 1999 et par la tempête survenue entre
le 25 et le 29 décembre 1999. » -
(Adopté.)
« Art. 3. - L'article L. 1615-5 du code général des collectivités
territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les attributions du Fonds correspondant à des dépenses réelles
d'investissement relatives à la reconstitution des forêts sinistrées par la
tempête survenue entre le 25 et le 29 décembre 1999 peuvent être inscrites à la
section de fonctionnement du budget de la collectivité, de l'établissement ou
de l'organisme bénéficiaire. » -
(Adopté.)
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - L'article 279 du code général des impôts est complété par un
alinéa ainsi rédigé :
« i. les travaux de sylviculture et d'exploitation des forêts. »
Par amendement n° 1, M. Jourdain propose :
I. - De compléter
in fine
le texte présenté par cet article pour le i
de l'article 279 du code général des impôts, par les mots :
« , y compris ceux réalisés sur les aires de stockage appartenant aux communes
ou à leurs groupements. »
II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I, ci-dessus, de
compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'éligibilité des
travaux réalisés sur les aires de stockage des communes au taux réduit de la
taxe sur la valeur ajoutée sont compensées à due concurrence par la création de
taxes additionnelles aux droits visés aux articles 403, 575 et 575 A du code
général des impôts. »
III. - En conséquence, de faire précéder le premier alinéa de cet article de
la mention : « I. »
La parole est à M. Jourdain.
M. André Jourdain.
Vous m'avez répondu à l'avance sur cet amendement, madame le secrétaire
d'Etat, mais je voudrais vous faire deux observations.
Tout d'abord, vous vous êtes fondée sur une décision européenne pour refuser
de ramener de 20,6 % à 5,5 % le taux de la TVA sur les travaux visés par mon
amendement. Or, si l'on ne crée pas d'aires de stockage, je ne sais pas où l'on
entreposera les bois et comment on pourra les exploiter ! Il y a là un non-sens
! Et si, comme le disait à l'instant mon collègue Philippe Nogrix, il faut
envoyer en province vos collaborateurs de Bercy, il serait bon, à mon avis, de
les faire accompagner par les gens de Bruxelles ! En effet, si l'on ne peut pas
stocker les bois, il est évident que l'on ne pourra pas les exploiter.
Par ailleurs, je vous ai dit tout à l'heure, lors de la discussion générale,
que la communauté de communes que je préside allait réaliser deux aires de
stockage. Le coût des travaux est estimé à 1,5 million de francs. Avec un taux
de TVA de 20,6 %, cela représente donc, en arrondissant, 300 000 francs de TVA.
Or, je vais stocker sur ces deux aires 50 000 mètres cubes de bois de valeur.
Même si cette valeur a diminué, on peut l'estimer à 350 francs le mètre cube,
soit un montant de 17,5 millions de francs d'achats de bois sur lesquels l'Etat
percevra une TVA au taux de 5,5 %, soit 950 000 francs.
M. Philippe Nogrix.
Tout à fait !
M. André Jourdain.
En ce qui concerne la subvention de l'Etat, on hésite pour savoir si elle sera
de 50 % ou de 60 %. Si elle est de 50 %, l'Etat apportera, certes, 750 000
francs, mais pour récupérer sur les achats de bois 950 000 francs. De surcroît,
d'après ce que m'ont dit, encore une fois, les services fiscaux du département
du Jura, je devrai, sur les 300 000 francs de TVA récupérés en 2000, restituer
en 2003 les dix-sept vingtièmes, soit 250 000 francs. Autrement dit, l'Etat va
accorder, pour ces deux aires, 750 000 francs, mais va récupérer 1 200 000
francs, c'est-à-dire un bénéfice de 450 000 francs sur trois ans, soit un
rendement de 60 % en trois ans, ou encore de 20 % par an ! Pourquoi ne pas
autoriser les communes à faire des placements rapportant autant que celui que
l'Etat va faire ? Il y a là une aberration complète !
Je ne suis pas intervenu sur l'article 1er mais, indirectement, j'y
reviens.
Certes, vous allez nous aider, mais vous allez tout de même gagner beaucoup
d'argent. Or, même si les communes qui vont bénéficier de rentrées d'argent
peuvent le placer à des taux réduits, cela ne va pas les aider beaucoup. Dans
ces conditions, j'aimerais savoir si, au-delà du taux de TVA, qui est de 20,6
%, vous allez appliquer les dix-sept vingtièmes, qui, eux, dépendent non pas de
l'Europe mais de notre réglementation interne.
M. Philippe Nogrix.
Tout à fait !
M. André Jourdain.
Faute de réponse, je ne pourrais pas informer mes collègues maires sur le coût
de location que je leur ferai payer pour les bois qui seront déposés sur mes
aires de stockage.
J'attends donc une réponse sur ces dix-sept vingtièmes puisque,
malheureusement, je dois faire mon deuil de la réduction de la TVA sur les
aires de stockage... encore que je considère que vous pourriez solliciter de
nouveau les instances européennes pour leur démontrer qu'elles n'ont rien
compris.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier,
rapporteur.
Notre collègue M. Jourdain vient de dire l'essentiel.
Son amendement ne peut cependant être retenu parce qu'il n'est pas «
eurocompatible », comme il convient de dire désormais. Je l'invite donc, après
qu'il aura entendu la réponse de Mme le secrétaire d'Etat sur la seconde partie
de sa question, à le retirer. A défaut, je serais obligé d'inviter notre
assemblée à voter contre.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Les règles de restitution de la taxe récupérée, que
vous avez décrites, monsieur Jourdain, avec une exactitude d'orfèvre, sont
moins sévères qu'il n'y paraît.
Dans le cas de la cessation de l'exploitation d'une telle aire de stockage,
les biens acquis par la commune pour équiper l'aire et qui sont revendus
ensuite avec de la TVA ne donneront pas lieu à restitution.
Il en ira de même pour les biens mis au rebut par la commune, de même que pour
les biens réaffectés par la commune à un autre usage sous couvert du mécanisme
de la livraison à soi-même.
J'espère avoir ainsi répondu pour l'essentiel à la préoccupation de M.
Jourdain.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 1.
M. le président.
L'amendement est-il maintenu, monsieur Jourdain ?
M. André Jourdain.
Je remercie Mme le ministre des précisions qu'elle vient d'apporter. Cela
étant, si l'on peut revendre les équipements, il ne faut pas oublier les
travaux de terrassement !
Certes, ces aires peuvent se situer sur un stade, mais qu'en sera-t-il des
aires situées en bordure de forêt ? Comment la commune pourra-t-elle récupérer
la TVA dans ce cas ? Sur la voirie ? En prévoyant des aménagements touristiques
?
Quoi qu'il en soit, comme l'a dit excellemment M. le rapporteur, cet
amendement étant incompatible avec les normes européennes, je suis obligé de le
retirer. Mais je souhaiterais obtenir une précision supplémentaire sur
l'application des dix-sept vingtièmes.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Sur la question très précise du terrassement, je ne
peux que confesser qu'il m'est un peu délicat de répondre sur-le-champ. Nous
allons donc étudier cette question d'ici à la présentation du prochain
collectif, mais je confirme que je ne suis pas en mesure de répondre
précisément sur ce point aujourd'hui, et je le regrette.
M. le président.
Madame le secrétaire d'Etat, vous pourrez éventuellement adresser un courrier
à notre collègue M. Jourdain, anticipant ainsi sur le débat que nous aurons
lors de l'examen du collectif budgétaire !
M. André Jourdain.
Un courrier urgent !
(Sourires.)
M. le président.
L'amendement n° 1 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - Il est créé, dans chaque département concerné, une commission
composée à parité de représentants de l'Etat et des collectivités locales.
« Elle est chargée, en concertation avec l'Office national des forêts et
chaque commune concernée, de dresser l'inventaire, commune par commune, des
conséquences sur la forêt des tempêtes survenues entre le 25 et le 29 décembre
1999 et de chiffrer le montant et la durée du préjudice financier subi.
« Elle calcule, pour chaque commune concernée, le montant d'une subvention
d'équilibre annuelle qui permettrait de compenser la perte de revenu jusqu'à
reconstitution de la ressource forestière. Elle en informe le ministre de
l'intérieur.
« La composition et les modalités de fonctionnement des commissions sont
fixées par décret. »
Sur l'article, la parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Il s'agit là d'un article très important.
Madame le secrétaire d'Etat, je souhaite vous rappeler - mais vous le savez
sans doute - que les élus forestiers et la fédération des communes forestières
ont salué, au lendemain du 12 janvier, le plan que M. le Premier ministre a
présenté et qui prévoit une double aide : outre les subventions de
fonctionnement accordées aux communes sinistrées - je reprends là les termes
mêmes de M. le Premier ministre - il était prévu des aides de trésorerie pour
les communes ayant déjà vendu des coupes sur pied sans toutefois les mettre sur
le marché - la coupe ne se fera donc pas - ainsi que pour celles qui vendront
des coupes au cours des deux prochaines années.
A cet égard, vous avez évoqué, madame le secrétaire d'Etat, les commissions
d'évaluation qui sont en cours d'installation. Or, à ma connaissance, les
circulaires, notamment celles du ministère de l'intérieur, ne sont pas encore
parues. Avec M. le préfet de l'Aube et une délégation de notre association des
communes forestières, nous nous sommes réunis, voilà trois jours, pour évoquer
très précisement ces sujets et, à toutes les questions que nous lui avons
posées, il nous a répondu qu'il n'avait pas encore d'instructions. Les
commissions ne sont donc pas « en cours d'installation » !
Quoi qu'il en soit, nous tenons - mais il me semble avoir compris que vous n'y
étiez pas totalement défavorable - à ce que les communes fassent partie de ces
commissions.
Par ailleurs, ne serait-il pas souhaitable que la même commission étudie à la
fois les aides budgétaires et les aides de trésorerie ? Vous avez en effet
évoqué, pour cette deuxième catégorie d'aides, des commissions
ad hoc.
Faut-il vraiment créer deux types de commissions ? Ne peut-on faire varier
la composition d'une commission unique ?
S'agissant de ces aides de trésorerie, la fédération des communes forestières
souhaitait qu'une aide à taux 0 soit attribuée aux communes qui, ayant déjà
vendu leurs coupes, seront privées du bénéfice des mesures nouvelles, tandis
qu'elle acceptait le taux de 1,5 % pour les autres. Or, si j'ai bien compris,
sur ce point, la décision du Gouvernement est négative, puisque vous appliquez
le taux de 1,5 % à tout le monde. C'est une déception, pour nous, qui vient
tempérer notre discrète satisfaction.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
M. le président.
« Art. 6. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application des
dispositions ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une
taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général
des impôts. » -
(Adopté.)
Intitulé
M. le président.
La commission des finances propose de rédiger comme suit l'intitulé de la
proposition de loi organique : « Proposition de loi organique portant diverses
mesures en faveur des collectivités forestières sinistrées par la tempête de
décembre 1999. »
Il n'y a pas d'opposition ?...
L'intitulé est ainsi rédigé.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi organique, je
donne la parole à M. Lagauche, pour explication de vote.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
proposition de loi organique qui nous est soumise traduit assurément le souci
des sénateurs de répondre à l'inquiétude des nombreuses communes forestières
qui ont subi de graves dommages à la suite des tempêtes du mois de décembre
1999.
Cependant, devant l'ampleur des dommages, le Gouvernement a déjà procédé en
urgence à des redéploiements de crédits visant à financer des actions touchant
tant aux dépenses de fonctionnement qu'aux dépenses d'investissement des
communes sinistrées.
Par ailleurs, il a annoncé un plan national pour la forêt visant à mettre en
place un dispositif alliant prêts bonifiés, subventions de fonctionnement et
possibilité de placer en valeurs d'Etat les fonds provenant de la vente des
chablis.
Dans l'attente de l'annonce officielle, précise et détaillée des mesures
préparées par le Gouvernement en faveur des communes forestières, serait-il
opportun de permettre à ces dernières de placer des fonds libres issus de la
vente de bois chablis sur le marché privé, certes plus rémunérateur, en
général, que les bons du Trésor ?
Les circonstances exceptionnelles que nous connaissons justifieraient-elles
qu'une dérogation soit apportée au principe posé par le décret impérial du 27
février 1811 et repris par l'ordonnance du 2 janvier 1959 selon lequel les
collectivités territoriales doivent déposer toutes leurs disponibilités au
Trésor ? Le groupe socialiste ne le pense pas.
Nous estimons qu'il n'est pas opportun, sous la pression d'événements certes
terribles mais contingents, d'allonger la liste des dérogations admises par le
ministère des finances à cette obligation de dépôt des fonds libres des
collectivités locales. D'une part, il n'est pas bon de multiplier à l'envi les
dérogations à un principe, sous peine de risquer de vider ledit principe de sa
substance ; d'autre part, il ne serait pas bon que les citoyens puissent ne
serait-ce que suspecter des maires de spéculer, aussi peu que ce soit, avec de
l'argent public.
Ce précédent ne risquerait-il pas, en outre, d'ouvrir une voie aussi facile
que dangereuse non seulement au jeu financier avec ledit argent public, mais
encore à un début de démantèlement d'un système éminemment républicain qui,
assurant la trésorerie de l'Etat, minimise les frais financiers dont il est
redevable et, par conséquent, est gage de bonne et saine gestion de l'argent
des citoyens ?
En conséquence, monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, le groupe socialiste votera contre la proposition de loi organique
qui nous est soumise, tout en manifestant la plus grande attention, croyez-le
bien, aux préoccupations des communes forestières, qui méritent de bénéficier
de la solidarité nationale. A cet égard, l'exposé de Mme la secrétaire d'Etat
sur le dispositif mis en place par le Gouvernement me paraît aller dans le bons
sens.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
discussion de ces deux propositions de loi organique qui, après les travaux de
la commission des finances, n'en sont finalement devenues qu'une seule, vient
de montrer, s'il en était encore besoin, de quelle manière certains des élus de
notre Haute Assemblée tentent de détourner les interrogations et les
aspirations des élus locaux pour servir des intérêts qui ne sont pas ceux de
leurs mandants et de la forêt française, ouvrant ainsi, par la petite porte, le
champ de la déréglementation financière et budgétaire des finances locales, que
n'avaient admise ni l'article 15 de l'ordonnance de 1959 ni les gouvernements
successifs, de de Gaulle à Jospin.
Notre pays a, en effet, deux spécificités qu'il importe, encore et toujours,
de rappeler et de mettre en évidence.
La première, c'est de compter un nombre de collectivités locales plus
important que nos autres partenaires, fruit d'une riche histoire et des
conditions particulières de constitution de notre territoire.
La seconde, c'est d'avoir sorti, pour l'essentiel, les finances locales - dont
on ne doit jamais oublier qu'elles ont la qualité de fonds publics et que nos
compatriotes en sont, de par nos principes démocratiques, juges - de la seule
logique du marché en confiant au Trésor public le soin d'assurer le
recouvrement des fonds concernés et de favoriser leur juste allocation.
Dans les faits, que le travail de la commission des finances ait, d'une
certaine manière, consisté à masquer l'objectif initial des deux propositions
de loi organique ne doit pas tromper.
Certaines des mesures contenues dans le rapport de la commission sont, de
notre point de vue, tout à fait estimables.
M. Alain Lambert,
président de la commission.
Ah !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Avec mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen, je ne suis pas
convaincue, cependant, qu'il faille, pour atteindre les objectifs fixés, passer
par une navette parlementaire dont l'organisation s'avère assez incertaine,
alors même que tout porte à croire que certaines des dispositions concernées
soit sont déjà prises, soit feront l'objet d'articles du prochain collectif
budgétaire - Mme la secrétaire d'Etat s'y est engagée -, compte tenu de la
sensible amélioration des comptes publics liée à la croissance.
Que les choses soient claires : que les fruits de cette croissance,
judicieusement utilisés, permettent de faire jouer la solidarité nationale en
direction des communes forestières frappées par les pertes liées aux
intempéries de la fin de l'année 1999 nous paraît tout à fait légitime.
Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, que ce débat,
nécessaire et qui en appelle d'autres sur la modification des rapports entre
l'Etat et les collectivités locales, offre à certains l'opportunité de proposer
aux élus locaux de se soumettre un peu plus à la logique des marchés financiers
ne nous paraît pas acceptable.
Nous ne voterons donc pas les conclusions de la commission des finances sur
ces deux propositions de loi organique rassemblées en un texte unique.
M. le président.
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au
terme de cette discussion, je ne reviendrai pas sur la situation financière, la
gestion de la ressource des propriétaires, l'état de surproduction, la chute
des cours, tous problèmes qui ont déjà largement été évoqués, sinon pour
ajouter, en tant qu'élu d'un département savoyard, que le bilan définitif est
bien loin d'être connu puisqu'il faudra, dans nos régions, attendre la fonte
des neiges pour apprécier l'étendue précise des dégâts.
Mme Beaudeau a fait tout à l'heure un lapsus tout à fait révélateur
lorsqu'elle a parlé d'« écosystème financier ». A nos yeux, il s'agit d'une
situation exceptionnelle résultant d'une catastrophe naturelle et à laquelle il
convient de faire face en adoptant des dispositions exceptionnelles, et tel est
bien le sens de la proposition de loi organique.
Je veux souligner ici l'excellent travail du président de la commission des
finances, de son rapporteur et de l'ensemble de nos collègues qui ont participé
à ces travaux pour prendre en compte, au nom du Grand Conseil des communes de
France, les difficultés que rencontrent les collectivités locales.
Tout à l'heure, l'un de nos collègues a rappelé que les sénateurs effectuaient
des stages en entreprise ; peut-être conviendrait-il également que les
fonctionnaires de Bercy effectuent de temps à autre un stage dans les
collectivités locales pour voir les difficultés que nous rencontrons dans la
gestion du quotidien lorsque nous sommes placés dans une telle situation !
Madame le secrétaire d'Etat, le groupe de l'Union centriste votera donc cette
proposition de loi organique, et il le fera aussi pour deux raisons
supplémentaires de nature politique.
Tout d'abord, les discussions que nous avons eues ce matin ici même nous ont
permis de progresser avec un peu plus de cohérence vers la décentralisation,
qui a encore beaucoup de chemin à faire dans notre pays.
Ensuite, pour appartenir à cette assemblée depuis quelques années, j'ai eu le
sentiment, ce matin, qu'un petit coin de ciel bleu éclairait la Haute Assemblée
dans la mesure où, grâce à l'adoption d'une proposition de loi organique, nous
rétablissions un certain rapport de forces dans une démocratie parlementaire
qui souffre cruellement d'un déséquilibre chronique.
M. Alain Lambert,
président de la commission.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Lambert,
président de la commission.
Au fond, la question qui était posée ce matin
était de savoir si les effets de la tempête qui s'est produite le 26 décembre
dernier méritaient d'être traités au Parlement.
J'ai cru comprendre que le ministère des finances pensait que, de Bercy, on
voyait les effets de cette tempête mieux que de nos départements.
M. Louis Moinard.
Tout à fait !
M. Alain Lambert,
président de la commission.
Au Sénat, on pense le contraire.
M. Philippe Nogrix.
Absolument !
M. Alain Lambert,
président de la commission.
On pense que, finalement, il vaut mieux que
le Parlement se saisisse de ce sujet et essaie de trouver les solutions les
plus rapides possibles pour faire face à la situation dramatique que nous
vivons tous les jours dans nos départements.
Aussi, je demande instamment au Gouvernement de laisser le Parlement
s'exprimer sur ces sujets et formuler des propositions, qu'il pourra ensuite
apprécier et juger.
Après tout, les Français ont désigné des représentants pour parler et traiter
en leur nom des difficultés qu'ils rencontrent, et il ne faut pas que les
gouvernements pensent, les uns après les autres, qu'ils savent mieux que nous
répondre au souci de nos concitoyens !
Quelle déviation de notre démocratie ! Voilà des gouvernements qui se piquent
de connaître la réalité des difficultés des Français mieux que leurs
représentants !
Donc, mes chers collègues, chaque fois que vous prendrez en compte les
préoccupations pratiques, quotidiennes, douloureusement vécues par les
Français, vous serez dans votre rôle, et vous aurez raison de ramener le
Gouvernement à la réalité de tous les jours.
Chers collègues de gauche, j'ai compris que l'ordonnance organique était votre
référence
(Sourires),
j'ai compris que c'était votre livre de chevet, que c'était
le monument de la France auquel vous teniez le plus.
Je vous donne rendez-vous pour les discussions budgétaires qui viennent.
Lorsque vous nous direz, madame Beaudeau, que les géniales propositions du
groupe communiste ne peuvent pas aboutir à cause de l'ordonnance organique, je
vous rappellerai notre débat de ce matin.
Non, l'ordonnance organique mérite d'être revue ! J'avais d'ailleurs compris
que tout le monde était d'accord sur ce point. Que nous le fassions sous cette
forme...
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Voilà !
M. Alain Lambert,
président de la commission.
Sans doute peut-on faire mieux ; nous y
sommes prêts et nous donnons rendez-vous au Gouvernement pour ce faire.
J'aimerais d'ailleurs être sûr que le Gouvernement est lui-même impatient de
remettre l'ouvrage sur le métier pour qu'enfin le Parlement ne soit pas
condamné à voter le budget de la France comme il est.
Quelle est en effet la réalité, mes chers collègues ? En vertu de cette
ordonnance organique si admirée par nos collègues de gauche, le Parlement est
condamné à voter 97 % des dépenses en un seul article, dépenses sur lesquelles
il ne peut émettre aucun avis, car, s'il rejette cet article, la discusion
s'arrête.
Voilà les conditions dans lesquelles nous travaillons depuis quarante ans,
voilà les conditions dont nous devrions dire ce matin qu'elles sont bonnes. Eh
bien non, elles ne sont pas bonnes !
A quoi ont-elles conduit ? Au déficit invraisemblable que nous constatons
encore en cette période de croissance,...
M. Philippe Nogrix.
C'est exact !
M. Alain Lambert,
président de la commission.
... à une explosion incroyable de la
dette.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, n'ayez aucun regret : vous avez
fait votre devoir, ce matin, en vous préoccupant de la situation des communes
forestières, et vous avez bien fait de penser que vous connaissiez mieux le
sujet qu'on ne le connaît rue de Bercy.
Voilà pourquoi la commission des finances vous invite à voter le présent
texte.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Monsieur le président de la commission, par votre expression et votre
gestuelle, vous laissiez penser qu'en vous adressant à vos collègues de gauche
vous leur disiez : « Je vous ai compris » !
(Sourires.)
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
J'aurais mauvaise grâce à ajouter quoi que ce soit à l'admirable exercice
oratoire qu'a présenté en notre nom M. le président de la commission des
finances. Je joins ma voix à la sienne - et par la mienne, c'est un peu la
fédération des communes forestières de France qui s'exprime - pour lui dire que
lesdites communes forestières seront reconnaissantes au Sénat, même si sa
proposition de loi n'aboutit pas, d'avoir, au cours de ce débat très
intéressant, examiné leurs problèmes, et ce quoi qu'ait pu dire Mme le
secrétaire d'Etat, dont l'expression a peut-être dépassé la pensée.
Nous voterons, bien entendu, cette proposition de loi organique.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des finances sur
les deux propositions de loi organique n°s 179 et 225 (1999-2000).
Je rappelle qu'en application de l'article 59 du règlement le scrutin public
est de droit.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
39:
Nombre de votants | 290 |
Nombre de suffrages exprimés | 290 |
Majorité absolue des suffrages | 146 |
Pour l'adoption | 196 |
Contre | 94 |
3
ÉCHEC D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives n'est pas parvenue à l'adoption d'un texte commun. (Sourires.)
Je constate que le Sénat ne semble pas surpris de ce résultat ! (Nouveaux sourires.) 4
CANDIDATURES
À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
J'informe le Sénat que la commission des lois m'a fait connaître qu'elle a
procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à la commission mixte
paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en
discussion du projet de loi modifiant le code pénal et le code de procédure
pénale, et relatif à la lutte contre la corruption.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission
mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.
L'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre
nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à midi, est reprise à quinze heures, sous la présidence
de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est reprise.
5
QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT
M. le président.
L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Conformément à la règle posée par la conférence des présidents, je rappelle
que l'auteur et le ministre disposent chacun de deux minutes trente.
Chaque intervenant aura à coeur de respecter le temps qui lui est imparti afin
que toutes les questions et toutes les réponses puissent bénéficier de la
retransmission télévisée.
CRÉATION D'UN CORPS DE GARDES-CÔTES EUROPÉENS
M. le président.
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin.
Madame la secrétaire d'Etat au tourisme, le naufrage du pétrolier
Erika
et la marée noire qui continue à souiller les côtes atlantiques ont montré
l'insuffisance des contrôles et de la surveillance des navires en mer.
La dégradation des conditions matérielles et sociales du transport maritime
provoque des situations graves contrevenant aux règles maritimes
internationales.
A cette occasion, les dispositifs de prévention et de surveillance maritimes
ont montré une certaine incapacité opérationnelle face à l'ampleur et à la
répétition des incidents sur nos côtes. Rappelons qu'en vingt-cinq années le
littoral breton et vendéen a été victime de cinq pollutions majeures, sans
oublier les dégazages quotidiens.
La charte de la sécurité du transport maritime et le récent comité
interministériel de la mer ont porté sur un effort commun des opérateurs de la
mer en faveur de solutions de prévention, de contrôle et d'intervention, en
matière de lutte contre les pollutions. Il convient ainsi de responsabiliser
l'ensemble des acteurs de la mer.
Le principe de précaution implique, dès lors, une réflexion sur la mise en
place d'une véritable « police des mers ».
Afin d'harmoniser des tâches parfois similaires qui incombent à plusieurs
administrations - affaires maritimes, douanes, gendarmerie, marine et police
nationale - la création d'un corps de gardes-côtes européens ne
permettrait-elle pas de veiller au respect de la réglementation maritime avec
plus d'efficacité ?
Nombreux sont les arguments en faveur de cette entité administrative nouvelle,
qui pourrait être placée sous le contrôle du Parlement européen et sous la
responsabilité des autorités maritimes des pays de l'Union.
En effet, qu'il s'agisse des trafics illicites, du sauvetage en mer, de la
police des pêches, de la lutte anti-pollution ou de la sécurité du trafic
commercial, de nombreuses voix se font entendre pour la création de ce qui
constituerait, à l'aube de la prochaine présidence française de l'Union
européenne, un message fort en faveur de l'Europe de la mer.
La création d'un tel corps dépasse le cadre des frontières maritimes de
l'Union européenne.
M. le président.
Votre question !
M. Yvon Collin.
Le débat actuel sur la sécurité maritime m'amène ainsi à vous interroger sur
les mesures concrètes que le Gouvernement compte proposer, lors du conseil des
ministres européens des transports du 22 mars prochain.
Pourriez-vous nous indiquer les propositions qui serviront de bases communes
pour le plan de lutte international en faveur de la sécurité maritime, visant
notamment à aboutir à une réelle harmonisation entre l'Union européenne et
l'Office des migrations internationales, l'OMI, en ce qui concerne un strict
contrôle des navires en circulation ?
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Michelle Demessine,
secrétaire d'Etat au tourisme.
Monsieur le sénateur, le naufrage de
l'
Erika
et ses conséquences écologiques, économiques et humaines sur
notre littoral atlantique nous ont rappelé l'urgence de reconsidérer en le
renforçant notre dispositif de prévention de telles catastrophes.
Le drame que constitue toute marée noire pour la population locale, pour les
collectivités locales, les conséquences qu'elle entraîne sur l'environnement et
sur les activités économiques telles que la mer et le tourisme, réclament la
définition, non seulement à l'échelle de notre pays mais aussi à l'échelle de
l'Europe, de nouvelles règles en matière de transport de marchandises à risque
comme de nouvelles mesures en matière de contrôle.
En effet, monsieur le sénateur, le système de surveillance des côtes et de
contrôle des navires s'appuie sur plusieurs administrations. Vous les avez
rappelées. De leur côté, les pays européens ont chacun leur histoire et leur
mode de fonctionnement.
Nous pensons que la proposition de créer une garde-côte européenne se
heurterait à une très forte diversité des schémas nationaux, comme le montrent
d'ailleurs les dissensions fréquentes entre les administrations américaines. De
plus, un tel dispositif ne résoudrait pas les difficultés liées à la diversité
des tâches des administrations maritimes.
Dans son mémorandum, le Gouvernement a proposé à ses partenaires européens
d'instituer un suivi et un contrôle commun des structures existantes, et
notamment des inspections des ports de tous les pays ainsi que des sociétés de
classification.
Nous avons également proposé de multiplier les formations, les échanges
d'expériences et les contrôles en commun afin que les pratiques s'harmonisent
pour le renforcement de la sécurité et des contrôles en Europe.
Dans ce sens également, les informations quant à la surveillance et aux
contrôle des navires seront plus rapidement et plus facilement disponibles à
travers l'Europe grâce au système Equasis qui sera mis en place à partir du
mois de mai sur l'initiative de la France et de la Commission européenne.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
RESTRUCTURATION DU GROUPE ABB-ALSTOM POWER
M. le président.
La parole est à M. Autexier.
M. Jean-Yves Autexier.
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Le 2 mars
dernier, la direction du groupe transnational ABB-Alstom Power annonçait la
suppression de 10 000 emplois dans le monde, 866 emplois à Belfort, 270 emplois
à La Courneuve, et la disparition programmée du site de Lys-lez-Lannoy dans le
Nord.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je tiens à vous dire à quel point la fermeté de
votre position hier a été appréciée. La clarté de votre engagement est
précieuse pour tous ceux qui se battent pour l'emploi.
La logique du groupe est non pas industrielle mais financière. Déjà, la
privatisation malheureuse en 1987 d'Alstom puis le dépeçage de l'entreprise, la
vente de la filiale des turbines à gaz à General Electric, demain le transfert
des secteurs de la recherche en Allemagne, en Italie, en Grande-Bretagne et en
Suisse vont transférer à l'extérieur les grands centres de décision vitaux pour
notre stratégie industrielle.
L'Union européenne a une politique de la concurrence, mais elle n'a pas de
politique industrielle.
Monsieur le secrétaire d'Etat, face à cette dérive, de quelle capacité
d'expertise peut disposer l'Etat ? Quelles mesures peuvent être prises pour
mettre Alstom en face de ses responsabilités vis-à-vis des salariés et des
collectivités locales ?
Mon collègue Ivan Renar m'indiquait que, dans le site de Lys-lez-Lannoy, 25 %
de la population active est au chômage. Quelle diversification, quels nouveaux
produits peuvent être encouragés ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, les syndicalistes, les élus locaux, les
parlementaires sont décidés à agir. Vous savez à quel point l'engagement du
Gouvernement sera précieux pour faire revenir la direction du groupe sur un
plan inacceptable.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes. - M. Hamel
applaudit également.)
M. Henri Weber.
Très bonne question !
M. le président.
Je remercie M. Autexier qui a rigoureusement respecté son temps de parole.
Mme Hélène Luc.
D'autant que c'est sa première intervention au Sénat !
M. le président.
Je tiens à saluer la venue parmi nous de M. le Premier ministre.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
Je veux tout d'abord affirmer la
solidarité active, déterminée, résolue, du Gouvernement avec les salariés, les
élus et l'ensemble de ceux qui, à Belfort, à Lys-lez-Lannoy et à la Courneuve,
sont concernés par cette annonce encore générale mais qui, évidemment, nous
touche les uns et les autres.
Je tiens également à rappeler sa fermeté - vous l'avez soulignée et je vous en
remercie - vis-à-vis d'une évolution de ce groupe qui nous paraît inacceptable,
et à vous redire qu'il veut faire prévaloir une logique industrielle et non pas
une logique financière.
Le Gouvernement souhaite que l'ensemble de ce problème puisse être clarifié de
manière que l'on puisse faire prévaloir l'intérêt des salariés et privilégier
l'emploi. Il en va aussi de l'intérêt des régions concernées.
Il faut faire appel en effet à toute notre analyse pour développer, si
possible, de nouveaux marchés, de nouveaux produits, et favoriser l'innovation,
afin que ce groupe puisse retrouver un second souffle face à la concurrence
internationale très rude qu'il affronte.
Il faut également clarifier la dévolution des responsabilités. ABB-Alstom
Power ne peut pas s'exonérer de ses responsabilités fondamentales vis-à-vis des
régions et vis-à-vis des salariés. Le soutien public, les marchés publics, le
soutien public à l'exportation ont, depuis des décennies, constitué, avec
l'expérience des travailleurs et leur engagement personnel, la richesse du
groupe.
Notre détermination à maintenir l'avantage compétitif des sites français,
notamment en ce qui concerne l'innovation et le savoir-faire des équipes
d'ABB-Alstom Power, est totale. Nous voulons le faire en dialoguant avec les
élus et les organisations syndicales.
Les capacités d'analyse de la direction générale de l'industrie sont au
service de l'entreprise et des travailleurs. J'ai déjà reçu les représentants
et les élus de Lys-Lez-Lannoy et de Belfort. La semaine prochaine, je recevrai
à mon cabinet l'ensemble des organisations syndicales.
Nous nous battons et nous voulons faire prévaloir une véritable logique
d'innovation, de croissance et de confiance dans le savoir-faire des équipes
d'ABB-Alstom Power, en bref une logique industrielle au service de l'emploi.
Sachez, monsieur le sénateur, que notre détermination est totale.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
FERMETURE DE L'USINE ALSTHOM À LYS-LEZ-LANNOY
M. le président.
La parole est à M. Diligent.
M. André Diligent.
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
J'ai « bu du petit-lait » en entendant l'orateur précédent. Je m'efforcerai
donc d'être bref car il a déjà posé un certain nombre de questions.
Monsieur le secrétaire d'Etat, êtes-vous prêt à faire en sorte que tout le
monde joue carte sur table en cette affaire, c'est-à-dire à exiger que la
société ABB-Alstom Power joue le jeu et s'explique ? Elle parle de
désengagement. Qu'est-ce que cela signifie ? Va-t-on « fermer la boîte », si
j'ose dire, ou bien procéder à certains licenciements ? Par ailleurs, est-elle
prête à jouer l'opération vérité ?
Le Gouvernement a déclaré que cette société devrait prendre ses
responsabilités. Mais il devrait lui-même assumer les siennes. Surtout, que
cette société ne fasse pas d'humour sinistre en soutenant que, dans la région
de Roubaix, les emplois hautement qualifiés sont suffisamment nombreux pour que
l'on puisse espérer reclasser les salariés licenciés !
Quand on sait, monsieur Autexier, que dans cette région le taux de chômage est
non pas de 25 % mais de 30 %, on n'a pas le droit d'aller plus loin !
Je poserai maintenant une question très précise au Gouvernement : est-il prêt
à faire en sorte que, non seulement par ses commandes mais aussi par un certain
nombre de pressions, il fasse « jouer le jeu ». Est-il prêt à faire en sorte
qu'un niveau élevé d'emploi soit atteint, objectif qui doit être inclus dans
tout projet industriel sur lequel la Commission européenne est appelée à donner
son avis ?
J'ai l'impression que les règles européennes n'ont pas été respectées. C'est
la raison pour laquelle je fais appel, en l'espèce, à la fermeté du
Gouvernement, d'autant plus que, dans quelques mois, la France assurera la
présidence de l'Europe.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez reçu les élus. N'oubliez pas qu'un
élu centriste est originaire de la région de Roubaix. Or, pour la première
fois, en quarante ans de vie parlementaire, j'ai été exclu d'une
délégation...
M. Dominique Braye.
C'est scandaleux !
M. André Diligent.
Cela n'a pas d'importance en regard du problème lui-même !... Ma personne ne
compte pas. Cependant, j'espère que M. le ministre a été manipulé...
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
M. le président.
M. Diligent a parfaitement respecté son temps de parole. Je ne doute pas, par
ailleurs, que, lors de la prochaine réunion, il sera invité.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
Monsieur le sénateur, j'ai en effet reçu
un collectif de parlementaires constitué il y a deux ans sur l'initiative de
Mme Dinah Derycke, sénatrice du Nord et, par ailleurs, conseillère municipale
de la ville principalement concernée : Lys-lez-Lannoy.
Ce collectif s'est donné pour tâche d'accompagner les salariés de l'entreprise
ABB-Alstom Power dans leur combat pour la survie du site de Lys-lez-Lannoy.
Voilà quelques semaines, ce même collectif a demandé à être reçu au
secrétariat d'Etat à l'industrie. J'ai évidemment accepté d'entamer ce
dialogue. Il est clair, monsieur le sénateur - et vous le savez bien - que nous
connaissons votre attachement et votre intérêt pour le sort des salariés
d'ABB-Alstom Power, et je suis certain que vous vous associerez au dialogue et
aux réunions ultérieures pour tenter de trouver des solutions positives.
Ces solutions doivent s'organiser, comme ma collègue Martine Aubry et moi-même
l'avons redit plusieurs fois depuis le début de cette terrible affaire pour le
Nord, et pour Roubaix et sa région qui connaissent un taux de chômage très
élevé, autour de quelques pôles : innovation, expertise et analyse des
possibilités de faire rebondir l'entreprise dans la voie du progrès et de
l'emploi, notamment dans les domaines de la production énergétique, de la
production d'outils pour le traitement des déchets et de la recherche de
nouveaux produits.
Nous réfutons, je le répète, une logique purement financière pour nous tourner
vers une logique industrielle. Toutes les possibilités économiques de
développement de nouveaux produits et de nouveaux services permettant le
maintien des savoir-faire français- j'ai parlé tout à l'heure du « site France
» en répondant à une question de M. Autexier - sur les sites français seront,
naturellement, privilégiées.
Le dialogue social avec les organisations syndicales et les élus doit être le
préalable à toute décision.
Monsieur le sénateur, nous nous connaissons bien, vous savez donc que vous
serez totalement associé à cette démarche. Mme Derycke a d'ailleurs veillé à ce
que l'ensemble des élus locaux du Nord, qui sont directement concernés, soient
les premiers à être associés à une démarche de dialogue et de recherche de
solutions positives.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que
sur celles du groupe communiste républicain et citoyen et sur certaines travées
du RDSE.)
MM. Serge Vinçon et Josselin de Rohan.
Sauf M. Diligent !
M. Jacques Mahéas.
Mais non !
RÉFORMES EN COURS DANS L'ÉDUCATION NATIONALE
M. le président.
La parole est à M. Balarello.
M. José Balarello.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation
nationale.
Monsieur le ministre, à l'heure où les enseignants sont dans la rue et où le
mécontentement est croissant au sein de l'éducation nationale, je souhaite vous
interroger sur deux points : le premier concerne l'annonce de la suppression de
la dissertation au baccalauréat de français dès 2002, le second a trait à la
situation des lycées professionnels.
Il y a quelques jours, dans un grand quotidien national, 150 enseignants,
chercheurs, écrivains et comédiens ont dénoncé « l'assassinat programmé de la
littérature dans nos lycées »,...
M. Henri Weber.
C'est très exagéré !
M. José Balarello.
... acte qui serait commis sous couvert d'une réforme que vous auriez lancée
et dont le but est la démocratisation de l'enseignement secondaire.
En effet, comme le laisse supposer le
Bulletin officiel
de l'éducation
nationale du 12 août 1999 communiquant aux enseignants le nouveau programme de
français pour les classes de seconde, la dissertation serait supprimée du
baccalauréat de français dès 2002. Pouvez-vous nous confirmer cette décision
?
M. Emmanuel Hamel.
Consternant !
M. José Balarello.
Dans l'affirmative, avez-vous l'intention par la suite d'étendre cette
réforme, élaborée sans la participation des professeurs, à toutes les
disciplines qui ont recours à la dissertation telles que l'histoire, la
géographie, la philosophie et les sciences économiques et sociales ?
Ne craignez-vous pas qu'après avoir limité l'enseignement du grec puis du
latin nous n'en arrivions rapidement à un nivellement par le bas de
l'enseignement public en France, en proposant une culture au rabais dans les
collèges et lycées, alors que l'étude de la littérature française est un moyen
d'intégration important qui permet de faire accéder des jeunes dont les parents
sont immigrés de fraîche date à notre culture ?
Par ailleurs, sauf à éliminer les élèves des lycées publics de tous les grands
concours comme l'ENA, Polytechnique, l'agrégation ou le CAPES, qui comportent
des épreuves de dissertation et de littérature française, voulez-vous nous
indiquer comment vous concevez au niveau de l'enseignement supérieur les
conséquences d'une telle réforme ?
J'en arrive au second point de ma question.
Alors que les enseignants des lycées d'enseignement professionnel manifestent
et que de nombreux secteurs font face à une pénurie de main-d'oeuvre, la
confédération de l'artisanat et du bâtiment estime à 30 000 les offres d'emploi
non pourvues dans l'artisanat et 51 % des entreprises du bâtiment déclarent
rencontrer des difficultés de recrutement.
Ne pensez-vous pas que s'il est utile, comme vous le faites, de développer les
rapports avec l'entreprise de façon plus importante, il faut cependant mettre
plus de moyens financiers à la disposition des lycées d'enseignement
professionnel, afin que ces jeunes, en dehors d'un métier, aient des bases
solides et afin que vous puissiez créer d'autres emplois ?
(Applaudissements
sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre,
ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
Je vous remercie d'avoir posé cette question, monsieur le sénateur.
Non seulement nous n'allons pas supprimer la dissertation qui, aujourd'hui,
n'est choisie que par 8 % des candidats au baccalauréat, mais nous allons la
rendre obligatoire pour les épreuves de français au baccalauréat, puisque nous
rénovons la filière du français dont nous prolongeons l'étude jusqu'en
terminale.
Mon combat, depuis que j'exerce mes responsabilités au ministère de
l'éducation nationale, consiste à dire que le français est la discipline numéro
un dans tout l'enseignement...
(Applaudissements.)
et si j'ai demandé
que, dans l'enseignement du français, figure la rédaction d'une lettre ou des
épreuves d'imagination, ce n'est surtout pas en substitution de la
dissertation.
Par ailleurs, nous faisons en sorte que tous les lycées professionnels
fonctionnent à l'avenir en coopération avec le monde économique, puisqu'ils
doivent signer un contrat soit avec les entreprises, soit avec les chambres de
métiers. Certains sont hostiles à cette option, je pense pourtant qu'elle
répond à une nécessité.
Dans l'enseignement professionnel intégré, nous avons fait passer les horaires
des professionnels de vingt-trois heures à dix-huit heures par semaine. En
contrepartie, au lieu d'être libres pendant les deux mois de stage des élèves,
nous leur demandons de suivre ceux-ci quatre jours au cours de leur passage
dans l'entreprise.
C'est cela l'enseignement professionnel intégré ! Je me félicite d'avoir
entrepris cette réforme, qui répond à l'intérêt du pays, de l'emploi et des
jeunes.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines
travées du RDSE et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Pierre Raffarin.
Il reste à l'expliquer aux professeurs !
AVENIR DE LA GYNÉCOLOGIE MÉDICALE
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Madame la secrétaire d'Etat, au lendemain du 8 mars, je souhaite tout d'abord
saluer votre action en faveur de la santé des femmes, droit fondamental dont
elles doivent disposer à part entière.
La prévention des cancers féminins et de l'ostéoporose, la prise en charge des
femmes séropositives, qui sont souvent en marge du système de soins, une
meilleure organisation des centres d'orthogénie font partie de vos priorités.
Je note également que vous contribuez à lever un tabou important, celui de la
santé des femmes détenues.
Mais c'est sur le problème de la gynécologie médicale que je souhaite
aujourd'hui attirer votre attention, ainsi que sur l'inquiétude toujours vive
des Françaises au sujet d'une possible disparition de leurs « spécialistes »,
les gynécologues médicaux.
Cette question a déjà fait l'objet de plusieurs interventions de
parlementaires et le Sénat a organisé un débat au mois de juin 1999, en
présence de votre prédécesseur, M. Bernard Kouchner.
Celui-ci avait alors levé un certain nombre de malentendus, notamment sur la
question de l'harmonisation européenne des études, du médecin référent, ou
encore sur le conflit opposant gynécologues obstétriciens et gynécologues
médicaux.
Madame la secrétaire d'Etat, dès votre prise de fonctions, vous avez su
prendre en main cet épineux problème qui a rassemblé de nombreuses femmes
soucieuses de défendre leurs droits.
Le groupe de travail sur la gynécologie médicale, que vous avez mis en place
et animé, a proposé dès le mois de septembre des solutions jugées
satisfaisantes par la quasi-totalité des représentants de la profession,
solutions que vous vous êtes engagée à mettre en oeuvre très rapidement.
Il s'agirait notamment de créer un diplôme d'études spécialisées en
gynécologie obstétrique et gynécologie médicale, où la formation en gynécologie
médicale serait renforcée.
Il s'agirait également de mieux former les médecins généralistes, qui ont
aussi un rôle important à jouer, puisque 40 % des femmes ne consultent pas de
gynécologue.
Pouvez-vous, madame la secrétaire d'Etat, exposer en détail votre plan en
faveur des gynécologues médicaux et nous confirmer que, malgré la mise en place
du médecin référent, les femmes pourront continer de consulter directement le
gynécologue de leur choix ? En effet, des inquiétudes demeurent. Beaucoup de
femmes continuent de croire que les gynécologues médicaux vont disparaître et,
avec eux, un des droits qu'elles ont acquis au cours des années
soixante-dix.
Ces inquiétudes semblent toutefois procéder de malentendus. Pouvez-vous,
madame la secrétaire d'Etat, nous assurer que le slogan : « Touche pas à mon
gynéco » n'a plus de raison d'être ?
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Madame la sénatrice,
je vous remercie de me donner l'occasion de répondre encore une fois sur un
sujet qui, vous le savez, me tient particulièrement à coeur, comme à
vous-même.
Il n'a jamais été question de procéder à la disparition programmée de la
gynécologie médicale. Que les choses soient bien établies ! Cependant, il est
vrai qu'une inquiétude légitime s'est diffusée très largement dans l'esprit des
femmes. Elles nous ont alertés sur leur attachement à cette médecine
particulière qui s'intéresse à leurs problèmes féminins.
C'est pourquoi, dans la continuité des travaux effectivement engagés par
Bernard Kouchner, j'ai mobilisé ces derniers mois mes efforts pour restaurer et
conforter l'enseignement et la présence de la gynécologie médicale.
« Touche pas à mon gynéco ! », ce slogan n'a effectivement plus de raison
d'être. Je voudrais que toutes les femmes de France qui se sont alarmées le
comprennent bien et soient aujourd'hui rassurées.
Grâce à une concertation longue et avec l'appui de l'ensemble des
représentants de la profession du ministère de l'éducation nationale, j'ai
proposé de réformer le diplôme de gynécologie et la formation de cette
spécialité médico-chirurgicale afin de remédier au déficit démographique
constaté et de lever à tout jamais le risque de disparition de la gynécologie
médicale.
Le nombre d'internes sera progressivement porté de 80 en 1998 à 200 en 2002.
De plus, pour répondre à la demande de renforcement de formation identifiée et
adaptée, la maquette de formation comprendra, comme vous l'avez dit, un tronc
commun et deux options distinctes : une en gynécologie médicale et une en
gynécologie obstétrique.
La mise en oeuvre de cette nouvelle maquette de formation et du diplôme est
déjà à l'étude, et sa mise en oeuvre est suivie par un comité de pilotage au
sein duquel siègent l'ensemble des représentants de la profession et du comité
de défense de la santé des femmes. Leurs travaux permettront que ce nouvel
enseignement soit mis en place dès la rentrée universitaire de 2000.
Pour ce qui est de la formation des généralistes, elle est liée à la réforme
des études médicales générales.
Par conséquent, vous le voyez, notre volonté est bien de préserver la
gynécologie au sein du paysage médical français, afin que les femmes puissent
bénéficier de cette spécialité, de prestations de qualité, adaptées à leurs
besoins et dispensées par des professionnels auxquels elles peuvent accorder
toute leur confiance.
J'en profite pour réaffirmer que la procédure conventionnelle ne leur interdit
en rien le libre accès aux gynécologues et aux spécialistes de leur choix. Le
médecin référent n'est en aucun cas un obstacle à ce libre choix, je les
rassure de nouveau.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
PRÉSENCE DE NATIONALISTES DANS LES NÉGOCIATIONS
SUR L'AVENIR INSTITUTIONNEL DE LA CORSE
M. le président.
La parole est à M. de Rohan.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Josselin de Rohan.
Monsieur le Premier ministre, répondant à l'appel émouvant et digne de Mme
Erignac, vous avez indiqué, de la manière la plus claire et la plus nette,
qu'il n'y aurait aucune amnistie, ni maintenant ni demain, pour les assassins
de son mari. Nous vous en donnons acte.
Mais parmi les élus corses que vous avez reçus à Matignon figurent les leaders
d'une formation qui propagent des idées d'exclusion, des idées racistes, des
idées de violence et qui se sont, à plusieurs reprises, refusé à condamner les
auteurs d'attentats et de crimes de sang tel celui dont le préfet Erignac,
votre ancien condisciple, mon ancien condisciple, a été victime.
Vous me direz que les leaders sont des élus. Mais, en Autriche, M. Haider et
ses amis aussi sont des élus du suffrage universel !
Dès lors, ma question est simple ; elle ne s'adresse pas exclusivement à vous,
monsieur le Premier ministre, je tiens à ce que cela soit souligné. Peut-on,
doit-on négocier l'avenir de la Corse avec des dirigeants de formations qui
refusent de condamner la violence et de se désolidariser des criminels ?
Doit-on tenir pour des interlocuteurs ordinaires les négateurs de l'état de
droit sans qu'ils aient au moins renié les principes qu'ils propagent ? M.
Talamoni et ses amis sont-ils plus fréquentables que M. Haider ?
(Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
Monsieur le sénateur, je ne me livrerai pas à des
comparaisons historiques, politiques et géographiques en Europe. En ce qui
concerne le parti de M. Haider, je me suis exprimé : j'ai dénoncé et déploré
publiquement les attaques qu'il a portées, par exemple contre le Président de
la République française. En effet, quand le Président de mon pays est attaqué
particulièrement à l'étranger, mon attitude est de le défendre !
(Vifs applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.- Applaudissements sur quelques travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Je profite de votre question pour donner quelques éléments de
clarification, s'ils sont nécessaires, sur la politique que nous suivons en
Corse.
Oui, le Gouvernement a engagé avec les élus de la Corse une démarche de
dialogue sur l'avenir de l'île. Face au blocage de la situation politique, à la
multiplication d'attentats très dangereux, notamment les derniers, pour la
population, j'ai pris l'initiative d'un dialogue avec les élus de l'assemblée
de Corse et les parlementaires de l'île.
Il se trouve que cette assemblée de Corse, où les élus dialoguent entre eux, y
compris ceux qui appartiennent à vos rangs, qui se rattachent à vos partis,
comporte un certain nombre d'élus nationalistes, élus donc par le suffrage
universel. Je les ai effectivement et naturellement reçus avec les autres,
n'ayant pas l'intention d'opérer là une discrimination.
(M. Dominique Braye s'exclame.)
Je n'ai pas, au travers de cette réunion, ouvert un dialogue avec les
nationalistes ; le dialogue que j'ai ouvert l'est avec les élus de la Corse,
tous les élus de la Corse. Je n'ai en rien approuvé des thèses, des
déclarations et des comportements du groupe que vous mentionnez, monsieur le
sénateur, ou de tout autre de l'assemblée de Corse, mais je cherche, si c'est
possible, à conduire chacun à préférer une démarche de dialogue.
Deuxième affirmation : il n'y a aucune ambiguïté sur la condamnation, par le
Gouvernement, de la violence en Corse ni sur son action contre cette violence,
pour le présent comme pour l'avenir.
Le 13 décembre, recevant les élus de Corse, tous les élus de Corse, j'ai dit :
« Le Gouvernement condamnera et combattra cette violence, toujours et en toutes
circonstances. L'Etat a la responsabilité du respect de la loi républicaine et
de la sécurité publique. Il l'assurera avec une détermination qui ne faiblira
pas. »
J'ai toujours pensé que l'on ne bâtirait pas un projet solide pour la Corse
dans l'ambiguïté à l'égard de la violence. L'arrestation récente, à peine trois
mois après les faits, des auteurs présumés des attentats très dangereux
perpétrés contre l'URSSAF et la direction départementale de l'équipement en
Corse est là pour témoigner que la police et la gendarmerie continuent
d'oeuvrer, pour le respect de la loi et sous l'implusion des autorités
judiciaires, à l'élucidation des délits et des crimes.
Enfin, il n'y aura pas de solution pour la Corse, c'est ma conviction, qui ne
soit approuvée largement par nos compatriotes de Corse. C'est pourquoi j'ai
voulu que les élus de la Corse débattent entre eux et fassent des propositions
au pouvoir central que, d'une certaine façon, nous représentons. Aujourd'hui
même, vous le savez, et demain encore, l'assemblée de Corse délibère sur des
projets qui résultent précisément des discussions consécutives à la réunion de
Matignon. Et je ne vais pas me plaindre qu'on discute en Corse et
qu'aujourd'hui les armes se taisent.
Après que l'assemblée se sera prononcée, je recevrai de nouveau à Matignon,
dans les semaines qui suivront, les élus de Corse, l'ensemble des élus de
Corse, pour examiner les propositions que ces élus auront présentées. La nature
des propositions des élus de la Corse et le degré d'accord que ces élus
réaliseront entre eux influeront naturellement - cela a été dit - sur les
propositions que fera, le moment venu, le Gouvernement.
Celui-ci espère tout simplement que l'élaboration de projets communs et la
consolidation durable de la paix civile en Corse seront possibles. Il
s'emploiera à atteindre cet objectif, qui devrait tous nous rassembler. Ce
serait une chance pour la Corse et pour tout notre pays.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
L'importance de la question et de la réponse nécessitait que j'accepte un
léger dépassement de temps.
M. Lionel Jospin,
Premier ministre.
Je vous remercie, monsieur le président.
FERMETURE DE LA MATERNITÉ DE BEAUPRÉAU
(MAINE-ET-LOIRE)
M. le président.
La parole est à M. Huchon.
M. Jean Huchon.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les
ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Le problème des équipements publics en milieu rural ne cesse d'être un souci
permanent pour les élus de terrain.
En effet, l'aménagement équilibré du territoire impose à l'Etat que subsistent
des équipements de proximité qui permettent à l'ensemble de la population
d'avoir accès aux services minimum dispensés par une nation moderne.
Je n'évoquerai pas aujourd'hui les inquiétudes suscitées par les intentions de
modification des structures des services des finances, de l'équipement, des
gendarmeries, etc. Je veux simplement, à travers ces faits vécus
douloureusement par une région du Maine-et-Loire et qui concernent la
clinique-maternité de Beaupréau, vous parler de l'équipement médical de
proximité.
Assurant la naissance de 500 bébés par an et située au milieu d'un tissu de
villes éloignées de 30 à 50 kilomètres dans un pays de six cantons et 100 000
habitations, cette maternité assure depuis des décennies un service dont la
qualité est unanimement reconnue et appréciée. Située dans un site remarquable,
servie par un corps médical dont les compétences et la réputation vont bien
au-delà des frontières de la petite région, disposant d'un personnel fidèle et
dévoué, rien ne justifie l'arrêt de l'activité d'un tel établissement, sauf
l'application d'un décret d'octobre 1998 prescrivant des obligations
impossibles à assumer pour une maternité assurant 500 naissances :
anesthésistes supplémentaires, chirurgiens supplémentaires, pédiatres
supplémentaires. Voilà des charges imposées qui ne peuvent conduire qu'à la
fermeture, c'est-à-dire, la suppression d'un service de proximité, mettant
quarante-deux personnes au chômage et condamnant les familles à des
déplacements beaucoup plus longs, vers Cholet, Angers et Nantes.
Une rapide enquête m'a permis de constater que, dans beaucoup de grands
hôpitaux, les décrets de 1998 ne sont appliqués qu'avec modération, pour ne pas
dire avec restriction.
Madame le secrétaire d'Etat, je vous demande d'examiner cette situation avec
bienveillance, de donner le temps à cet établissement de répondre aux exigences
du décret de 1998, de prendre progressivement les mesures nécessaires et
d'éviter les conséquences d'une fermeture-couperet désastreuse pour
l'établissement et son personnel, et décourageante pour les élus et les
citoyens qui se battent pour un pays agréable et bien équipé.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Monsieur le sénateur,
la clinique-maternité Saint-Joseph de Beaupréau est située à dix-neuf
kilomètres de Cholet, où existent deux maternités, une dans un établissement
privé et une à l'hôpital public, et à trente kilomètres d'Ancenis, où existe
également une maternité publique.
Certes mille accouchements avaient lieu dans la clinique de Beaupréau au début
des années quatre-vingt, mais, depuis, la baisse d'activité est continue et
plus de la moitié des femmes enceintes du canton de Beaupréau ont choisi
d'accoucher à Cholet.
Les responsables de la maternité et l'administration locale sont conscients,
depuis de nombreuses années, de la situation fragile de la maternité, notamment
au regard de la permanence médicale, vous l'avez dit vous-même : un seul
anesthésiste titulaire, deux gynécologues, dont un seul chirurgien, pas de
pédiatre sur place.
La clinique-maternité de Beaupréau a évalué les difficultés qu'elle
rencontrera pour se conformer aux conditions de fonctionnement prévues par les
décrets d'octobre 1998 visant avant tout la sécurité périnatale. Elles sont
principalement liées à l'incapacité d'attirer des praticiens pour une activité
trop réduite.
Devant cette évolution, les responsables de la maternité, encouragés par
l'Agence régionale de l'hospitalisation, ont, dans un premier temps, recherché
des complémentarités avec la maternité de Cholet, mais se sont heurtés à
l'obstacle de la permanence médicale, qui a été évoquée précédemment.
Devant cette situation, de manière à anticiper les évolutions inéluctables,
les responsables du conseil d'administration ont mis au point un protocole
d'accord qui devrait être signé dans les tout prochains jours et qui prévoit la
transformation de la maternité et l'ouverture d'un service de soins infirmiers
à domicile. Le protocole prévoit évidemment le maintien de l'emploi.
Il s'agit de concilier l'exigence de sécurité toujours plus grande de nos
concitoyens et la volonté d'assurer en tous points du territoire les services
nécessaires à la population. Les créations d'équipements et les services
nouveaux qui correspondent à des besoins indiscutables se feront à Beaupréau
même.
Chacun est bien entendu attaché à la notion de proximité. Mais il est
illusoire de penser que tous les établissements de santé pourront bénéficier du
même plateau technique sophistiqué.
Devant cet état de fait, l'engagement des responsables locaux, maire et
membres du conseil d'administration, doit anticiper les évolutions pour
permettre de préserver l'emploi, voire de l'accroître et d'améliorer la qualité
des soins et la sécurité des usagers.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
HARMONISATION FISCALE EUROPÉENNE
M. le président.
La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé.
Ma question s'adresse à Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget, et
concerne l'harmonisation des fiscalités européennes.
L'harmonisation fiscale est la condition nécessaire à la coordination des
politiques économiques et des politiques de l'emploi. Elle est aussi un
garde-fou contre la concurrence exagérée que se livrent les pays de l'Union
européenne afin d'attirer à eux les entreprises. Elle devrait tout au moins
remplir ces rôles contre le
dumping
social et fiscal, si elle était plus
effective. Il s'agit d'un chantier parmi les plus anciens, mais aussi, hélas !
de chantiers où les progrès de l'intégration ont été les plus lents.
Quarante-trois ans après le traité de Rome, il faut en effet rappeler qu'à
l'article 99 de ce texte fondateur était mentionnée la nécessité d'harmoniser
les impôts indirects en vue de supprimer les contrôles aux frontières. Etait
également prévue, à l'article 220, la possibilité pour la Commission de faire
des propositions au Conseil pour le cas où la disparité des fiscalités directes
créerait des distorsions de concurrence entre les Etats membres.
Le commissaire européen Frederic Bolkestein a d'ailleurs annoncé récemment,
avec son collègue Mario Monti, son intention de mettre en oeuvre les moyens mis
à sa disposition par les traités successifs afin de réduire cette disparité.
Mais si nous voulons véritablement enrichir l'Europe d'une politique fiscale,
c'est d'une initiative politique que nous aurons besoin et qui demandera le
passage, en matière fiscale, à la majorité qualifiée.
M. le président.
Votre question, monsieur Signé !
M. René-Pierre Signé.
Et beaucoup fondent leurs espoirs sur la prochaine présidence française pour y
parvenir.
M. Henri Weber.
A juste titre !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Grâce à Chirac !
M. René-Pierre Signé.
Quoi qu'il en soit, la Commission a déjà pris une initiative intéressante en
organisant le recensement des soixante techniques fiscales les plus
dommageables à une saine concurrence entre les Etats pour attirer chez eux des
entreprises.
M. le président.
Votre question !
M. René-Pierre Signé.
Bruxelles a également eu le mérite de relancer la question de la coordination
des taux de TVA. En décembre prochain, à Nice, la France clôturera son semestre
de présidence de l'Union par un sommet dont j'espère qu'il permettra d'avancer
de façon décisive dans l'harmonisation des fiscalités.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Avec le président de la République !
M. René-Pierre Signé.
Quelle vous semble, madame la secrétaire d'Etat, la volonté de nos partenaires
d'aboutir à un accord à cette date, en particulier celle du Royaume-Uni ?
Quelle est l'analyse du Gouvernement ?
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le sénateur, le Gouvernement est,
comme vous, convaincu de l'importance et de l'urgence d'une harmonisation des
fiscalités en Europe.
Elle est urgente parce que, pour des raisons d'efficacité économique,
l'absence d'harmonisation fiscale conduit nécessairement à une surtaxation des
facteurs de production peu mobiles, tels que l'immoblier ou le travail, au
profit des facteurs de production très mobiles, tels que les valeurs
mobilières. C'est cette évolution - que nous condamnons depuis vingt ans, mais
que nous constatons en Europe - qui fait que les taxes sur le travail ont
plutôt augmenté tandis que les taxes sur le capital ont diminué, ce qui
certainement explique la persistance d'un chômage élevé en Europe.
L'harmonisation fiscale européenne est urgente aussi pour des raisons d'équité
sociale. Evidemment, ce sont les contribuables qui disposent des plus gros
partrimoines, les grandes entreprises qui ont la possibilité de localiser leur
fortune ou leurs activités dans des zones de basse pression fiscale, ce qui est
évidemment impossible aux petits contribuables ou aux petites entreprises.
C'est pourquoi, depuis juin 1997, la France a fermement appuyé les initiatives
prises par l'Union européenne en ce domaine. C'est grâce à la France et grâce à
l'action résolue de Dominique Strauss-Kahn et de Christian Sautter que la
directive sur la TVA en faveur des services à forte intensité de main-d'oeuvre
a pu aboutir en octobre dernier, ce qui a permis au Gouvernement de proposer au
Parlement une baisse de la TVA sur les travaux dans les logements, qui a été
adoptée dans le budget pour l'année 2000.
C'est aussi grâce à l'appui constant de la France au groupe de travail qui est
présidé par Mme Primarolo, secrétaire d'Etat au budget britannique, et auquel
participent tous les Etats membres que, pour la première fois en Europe, a pu
être établie une liste de soixante-cinq pratiques fiscales déloyales. Les Etats
membres se sont engagés sur le principe d'un démantèlement de ces pratiques,
conformément au code de conduite.
La publication du rapport qui établit cette liste a été décidée par le conseil
Ecofin du 28 février dernier, et nous avons aussitôt transmis ce document au
président du Sénat, ainsi qu'aux présidents des commissions des finances et des
affaires étrangères et à celui de la délégation à l'Union européenne de la
Haute Assemblée.
En revanche, comme vous l'avez souligné, le dossier de la fiscalité de
l'épargne reste au point mort. Nous avons été déçus, à Helsinki, par le blocage
de la Grande-Bretagne sur cette question.
Cela étant, Helsinki n'a pas fermé tout espoir de progrès. Un groupe de
travail, auquel je participe, s'est réuni une première fois le 25 février
dernier.
Il est clair, pour le Gouvernement que, en cas d'échec, la question de
l'extension du vote à la majorité qualifiée en matière fiscale ne pourra pas ne
pas se poser.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
NIVEAU ATTEINT PAR LES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
M. le président.
La parole est à M. Blanc.
M. Paul Blanc.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie.
Après le cocasse épisode de la « cagnotte fiscale », découverte par le Sénat,
plus particulièrement par mon excellent collègue Philippe Marini, rapporteur
général du budget, et en dépit de vos dénégations, monsieur le ministre, les
plus récentes informations fiscales sont autant de mauvaises nouvelles pour nos
compatriotes.
Avec un taux de prélèvements obligatoires sans précédent, représentant 45,7 %
de la richesse nationale en 1999, le gouvernement de Lionel Jospin vient de
pulvériser son propre record de 1998.
Faut-il rappeler que, depuis juin 1997, il a créé quinze impôts et taxes
supplémentaires, sans parler des deux supplémentaires que M. Gayssot nous
promet pour la semaine prochaine ?
Certes, vous avez annoncé, monsieur le ministre, que les impôts allaient
baisser, mais il ne suffit pas de le dire, encore faut-il préciser lesquels et
dans quelles proportions. La majorité plurielle ne parlant pas d'une seule
voix, il est bien difficile de connaître les intentions du Gouvernement dans
une telle cacophonie.
Une mesure simple pourrait être décidée : la suppression de la redevance
audiovisuelle, qui permettrait d'économiser les 500 millions de francs que
coûte chaque année sa collecte. Les prélèvements sur les Français seraient
allégés. Cela irait, semble-t-il, dans le sens de la volonté de certains de vos
amis, si j'en crois la presse.
Quant aux 1 433 employés du service de la redevance qui sont, je le rappelle,
des agents du Trésor public, ils pourraient être redéployés dans les
perceptions. La fermeture de ces services publics en milieu rural qui devrait
résulter de la réforme que vous avez annoncée serait ainsi évitée.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux.
Heureusement que nous sommes là !
M. Paul Blanc.
Ma question est donc la suivante : allez-vous, monsieur le ministre, mettre en
place cette proposition de bon sens qui satisferait à la fois nos concitoyens
et la bonne qualité d'un service public de proximité auquel nous sommes tous
très attachés ?
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le
sénateur, le produit des impôts a crû plus vite que la production en 1999, pour
une raison très simple : notre pays a retrouvé le chemin de la croissance
(Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
Après une période de quasi-stagnation économique, de 1992 à 1997, nous
avons connu - et ce n'est pas entièrement par hasard - une excellente année
1998...
M. Jean-Pierre Raffarin.
C'est une erreur de calcul !
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
... puisque nous
avons enregistré 3,5 % de croissance, ce qui a permis aux entreprises de
dégager des bénéfices. Et qui se plaindrait qu'elles paient plus d'impôts ? Qui
a permis aux ménages d'avoir des gains de pouvoir d'achat ? Qui a permis des
créations d'emplois ?
(Vives protestations sur les travées du RPR.)
M. Dominique Braye.
C'est faux ! C'est un mensonge !
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le
sénateur, je vous rappellerai que, l'an dernier,...
M. Dominique Braye.
Il ne faut pas mentir au Parlement !
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
... les
entreprises françaises ont créé 300 000 emplois. C'est le plus beau chiffre
depuis de très longues années !
Ces emplois, ces gains de pouvoir d'achat ont nourri le revenu des ménages, la
consommation, la croissance.
(Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Henri Weber.
Ecoutez la réponse !
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Une autre raison
de la hausse des impôts est que le Gouvernement tient ses promesses.
(Protestations continues sur les travées des Républicains et Indépendants,
du RPR et de l'Union centriste.)
Il a donné satisfaction aux associations
familiales en supprimant le plafonnement des allocations familiales tout en
diminuant le quotient familial.
M. Dominique Braye.
Et le pouvoir d'achat !
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Toutes les
familles concernées ont retrouvé des allocations familiales dès 1999.
M. Dominique Braye.
Vous les aviez supprimées avant !
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Ces recettes
fiscales ont permis...
M. Jean-Pierre Raffarin.
Musica !
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
... de maintenir
un service public de qualité.
M. Henri de Raincourt.
C'est ça !
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Elles ont permis
de réduire les déficits.
Monsieur le sénateur, j'en viens directement à votre question : ces recettes
ont permis de faire baisser les impôts.
M. Dominique Braye.
C'est le paradis, monsieur le ministre !
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Mme Florence
Parly a mis en place, depuis le 15 septembre 1999, la baisse de la TVA sur les
travaux d'entretien.
Pour 2000, une baisse de 40 milliards de francs des impôts a déjà été votée
par la minorité du Sénat notamment, et nous réfléchissons à de nouvelles
baisses.
Quant à l'audiovisuel, nous sommes attachés à ce service public,...
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Il faut le dire et le redirel, monsieur le ministre !
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
... contrairement
à d'autres.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
MODALITÉS DE LA VISITE DE Mme LE MINISTRE
DE L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
ET DE L'ENVIRONNEMENT AU SALON
DE L'AGRICULTURE
M. le président.
La parole est à M. Fournier.
M. Bernard Fournier.
Madame la ministre, votre venue au salon de l'agriculture samedi dernier à
vingt heures trente
(Rires sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants),
après la fermeture de la manifestation, n'a pas été
appréciée, c'est le moins qu'on puisse dire, par le monde rural. Vous faire
photographier avec des animaux en voie de disparition
(Exclamations sur les
mêmes travées)
et éviter les producteurs a légitimement été interprété
comme une stratégie que je qualifierai de « hasardeuse ».
Devant l'Assemblée nationale, vous avez tenté d'expliquer que vous étiez
victime de l'incompréhension générale. Vous n'avez convaincu personne.
M. Henri Weber.
C'est du machisme « beauf » !
M. Bernard Fournier.
Une fois encore, les agriculteurs se sentent provoqués.
S'agit-il d'un nouveau faux pas du même ordre que celui qui vous a conduit
récemment à déclarer que les conséquences du naufrage de l'
Erika
ne
constituaient pas une catastrophe écologique ou est-ce une volonté manifeste
d'ignorer le travail des agriculteurs et de ne pas engager de dialogue avec eux
?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est du harcèlement !
M. Bernard Fournier.
Le dogmatisme qui anime votre action au sein du Gouvernement et qui,
d'ailleurs, reste diversement apprécié par les membres de votre majorité, va à
l'encontre de la nécessaire maturité qui doit accompagner l'exercice du
pouvoir.
Le temps du rôdage depuis que vous êtes aux affaires est achevé ! C'est
aujourd'hui le temps de l'action et de la concertation.
M. Henri Weber.
Assez de condescendance !
M. Bernard Fournier.
Et sachez aussi, madame la ministre, que les Verts n'ont pas le monopole de la
préoccupation environnementale.
M. Henri Weber.
Pour qui vous prenez-vous ?
M. Bernard Fournier.
Les agriculteurs, eux, ont une culture de l'environnement qui est celle du
quotidien, qui est celle de la gestion et non celle de la théorie.
C'est à vous, madame la ministre, de faire le premier pas en direction des
paysans, des chasseurs, des ostréiculteurs.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
C'est de la provocation !
M. Bernard Fournier.
Solennellement, madame la ministre, je vous le demande : comptez-vous revoir
votre stratégie de dialogue avec le monde rural ? Comptez-vous oublier vos
a
priori
théoriques pour revenir à la réalité ? Enfin, pensez-vous
sincèrement qu'il était opportun de faire l'apparition furtive que vous avez
faite samedi dernier ?
(Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le sénateur, permettez-moi, malgré mon indignité, de vous donner un conseil :
épargnez-moi et épargnez-vous surtout le ton patelin et paternaliste avec
lequel vous vous permettez de parler aux femmes en général et à moi en
particulier !
(Vives protestations sur les travées du RPR et des Républicain et
Indépendants. - Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Josselin de Rohan.
Vous êtes au Sénat !
M. Jean Chérioux.
On parle comme on veut !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le sénateur, j'ai fait partie de ceux qui, hier, pointaient...
(Brouhaha prolongé sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
Mes chers collègues, si vous voulez entendre la réponse, faites un peu de
silence !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Ils ne le
veulent pas, c'est clair !
M. le président.
Mes chers collègues, je vous demande de faire un peu de silence.
M. Jean Chérioux.
Elle ne doit pas agresser le Sénat !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Il ne fallait pas poser la question si on ne veut pas écouter la réponse !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le sénateur, j'ai fait partie de ceux qui, hier, pointaient le caractère non
durable d'une agriculture qui produisait beaucoup, certes, mais qui se
préoccupait peu du maintien des emplois et de l'impact de ses activités sur
l'environnement.
Ceux qui, à l'époque, plaidaient pour une redistribution plus juste des aides
publiques, pour la reconnaissance de la multifonctionnalité de l'agriculture
étaient qualifiés de provocateurs. Aujourd'hui, cette analyse est largement
partagée par le monde agricole, tous syndicats confondus, et je me réjouis que
le dialogue nourri que nous avons mené avec le monde agricole depuis si
longtemps...
M. Jean Chérioux.
Au salon ! Porte de Versailles !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
... ait
permis cette mutation.
Simplement, monsieur le sénateur, je doute que le dialogue avec les
agriculteurs soit plus facile dans le brouhaha qui a accompagné ma visite l'an
dernier que dans le calme des groupes de travail qui animent cette concertation
au sein de mon ministère. Je veux parler du groupe de travail sur l'eau, du
comité national de suivi du plan de maîtrise des pollutions d'origine agricole,
du comité sur l'épandage des boues des stations d'épuration, du groupe de
travail sur les organismes génétiquement modifiés ; du groupe de travail sur
Natura 2000, des groupes de travail existant au sein des agences de l'eau, et
j'en passe !
Ces contacts sont réguliers ; ils sont hebdomadaires, voire quotidiens puisque
ma dernière rencontre avec Luc Guyau date du 16 février et celle avec les
représentants de la fédération paysanne de la semaine suivante.
Je voudrais donc vous le redire : je tiens énormément à avancer sur les
chantiers qui intéressent, à la fois et le monde agricole et le ministère de
l'environnement. J'y crois fort.
M. Dominique Braye.
Vous êtes la seule !
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je tiens
par ailleurs à vous informer, monsieur le sénateur, que je n'ai prévu de me
rendre ni au salon de la randonnée et des sports de nature, ni au salon du
thermalisme, ni au salon de l'artisanat, ni à celui des vins, du tourisme ou du
livre, mais cela ne devrait pas vous amener à nourrir des inquiétudes exagérées
quant à la nature des relations que j'ai avec les animateurs de cette
profession. Je fais mon travail et j'aimerais que les sénateurs de l'opposition
sachent parfois le reconnaître !
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
FISCALITÉ ET PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
M. le président.
La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Monsieur le ministre de l'économie et des finances, c'est à vous que s'adresse
ma question mais peut-être devrais-je la poser plutôt à M. le Premier ministre,
qui est monté en ligne pour annoncer une nouvelle politique fiscale.
Sans être aussi sévère que
Le Monde
de ce soir qui titre : « La grande
panne du ministère des finances », je veux tout de même signaler qu'avec 45,7 %
de prélèvements obligatoires la France se situe à un niveau jamais atteint, un
véritable sommet !
Face à un tel taux, vous devez agir, mais votre action s'engage dans de très
mauvaises conditions.
D'abord, vous devez naviguer entre les contradictions de la gauche plurielle à
propos de cette nouvelle politique fiscale. Ensuite, vous ne vous êtes donné
pour horizon que les échéances électorales. Enfin, la réduction des impôts que
vous annoncez est si limitée que, à la fin de l'année 2000, même si quelques
impôts ont effectivement baissé, les Français auront globalement subi plus de
prélèvements et leur taux aura encore augmenté.
La méthode est tout à fait mauvaise, et cela me conduit à vous poser trois
questions.
Premièrement, quel est votre calendrier en matière de nouvelle politique
fiscale ?
Deuxièmement, respecterez-vous les droits du Parlement de débattre et de
choisir entre les options de cette nouvelle politique fiscale ?
Troisièmement, comment surmonterez-vous les contradictions ?
Il est possible et souhaitable de combiner les objectifs d'équité fiscale et
de dynamisme économique. Pour cela, plusieurs pistes doivent être suivies, et
notamment la baisse de la TVA, la réforme de l'impôt sur le revenu des
personnes physiques - en intégrant la CSG dans la réflexion -, l'introduction
dans le dispositif même de l'impôt sur le revenu de mesures d'incitation pour
les investisseurs, pour les épargnants et pour les chefs d'entreprise.
Dans les rangs socialistes quelques voix s'élèvent aujourd'hui qui proposent
de nouvelles dépenses. Mais comment réduire les impôts - ce que tous les
Français attendent - si vous n'engagez pas une réelle politique de maîtrise des
dépenses publiques ?
(Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées
des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le
sénateur, nous avons connu, vous vous en souvenez sûrement - c'était entre 1993
et 1997 - les impôts contre la croissance et contre l'emploi.
(Protestations
sur les mêmes travées.)
M. Jean-Pierre Raffarin.
Pour la qualification à l'euro !
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Ce fut la hausse
de deux points de la TVA, qui a porté un coup fatal à une reprise en train de
s'installer.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Quelle ingratitude pour l'euro !
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Aujourd'hui, nous
vivons une situation toute différente : les impôts qui rentrent dans les
caisses de l'Etat viennent de la croissance,...
M. Jean-Pierre Raffarin.
Vous cherchez la bagarre ! Ce n'est pas sérieux !
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
... et cela
notamment parce que nous avons pris des mesures en faveur de l'emploi. Je me
permets de le rappeler parce que vous semblez l'avoir oublié.
Nous avons procédé à la baisse de la taxe professionnelle, dont ont bénéficié
les artisans, les commerçants et les petites et moyennes entreprises,...
M. Jean-Pierre Raffarin.
Vous les négligez !
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
... ainsi qu'à la
baisse de la TVA sur les travaux d'entretien. Celle-ci a contribué au dynamisme
d'une activité qui, entre 1993 et 1997, était en jachère.
M. Alain Lambert.
Le produit de l'impôt augmente quand même !
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
A partir de
janvier 2000, nous avons quasiment supprimé le droit de bail, impôt qui pesait
particulièrement sur les locataires les plus modestes.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Répondez à la question !
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Nous avons réduit
les frais de notaire, ce qui encourage l'accession à la propriété de toutes les
familles.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Mais les impôts augmentent !
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Nous allons
continuer à procéder à des baisses d'impôts à la fois justes et utiles.
M. Dominique Braye.
Mais les Français paient toujours plus !
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Les baisses
d'impôts ne constituent pas un objectif en soi. Il faut qu'elles concourent à
la justice fiscale et au développement de l'emploi.
Les décisions visant à atteindre ces objectifs seront prises à ciel ouvert.
(Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de
l'Union centriste.)
M. Alain Lambert.
Il serait temps !
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Dès le printemps
prochain, un collectif budgétaire vous sera soumis pour que vous puissiez
juger...
M. Alain Lambert.
On ne les voit pas, les baisses d'impôts !
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
... et décider de
l'affectation des recettes fiscales supplémentaires. Les droits du Parlement
seront donc parfaitement respectés.
Pour ce qui est des contradictions, moi, j'ai entendu un ancien Premier
ministre de votre bord dire que l'opposition n'avait pas formulé de
propositions depuis trois ans. Peut-être ce jugement est-il sévère, mais je
crois que les propositions sont effectivement de notre côté...
M. Jean-Pierre Raffarin.
C'est l'augmentation qui est de votre côté !
M. Christian Sautter,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
... et vous le
constaterez lors du débat sur le collectif du printemps prochain comme lors de
l'examen des projets de loi de finances pour 2001 et 2002.
(Applaudissements
sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen. - Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, du
RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Je me félicite que toutes les questions et toutes les réponses aient pu
bénéficier de la retransmission télévisée, et cela grâce au respect par chacun
des intervenants de son temps de parole.
Avant d'aborder la suite de l'ordre du jour, nous allons interrrompre nos
travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze,
sous la présidence de M. Guy Allouche.)
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept
membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un
texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant le
code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la
corruption.
La liste des candidats établie par la commission des lois a été affichée
conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat
à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jacques Larché, José Balarello, Patrice Gélard, Jean-Jacques
Hyest, Guy Cabanel, Robert Badinter et Robert Bret.
Suppléants : MM. Jean-Paul Amoudry, Luc Dejoie, Mme Dinah Derycke, MM. Paul
Girod, François Marc, Henri de Richemont et Jean-Pierre Schosteck.
7
MESURES FISCALES TENDANT
AU DÉVELOPPEMENT DU MARCHÉ DE L'ART
Adoption des conclusions du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 250,
1999-2000) de M. Yann Gaillard, fait au nom de la commission des finances, du
contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur :
- la proposition de loi (n° 468, 1998-1999) de MM. Yann Gaillard, Louis
Althapé, Pierre André, Jean Bernard, Roger Besse, Jean Bizet, Mme Paulette
Brisepierre, MM. Jacques Chaumont, Jean Chérioux, Charles
de Cuttoli, Xavier Darcos, Désiré Debavelaere, Luc Dejoie, Jacques Delong,
Christian Demuynck, Charles Descours, Michel Doublet, Daniel Eckenspieller,
Bernard Fournier, Alain Gérard, Francis Giraud, Daniel Goulet, Georges
Gruillot, Jean-Paul Hugot, Roger Husson, André Jourdain, Lucien Lanier, Gérard
Larcher, René-Georges Laurin, Jacques Legendre, Jean-François Le Grand,
Philippe Marini, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Jacques Oudin, Victor
Reux, Martial Taugourdeau et Jacques Valade tendant à aménager le régime fiscal
des achats d'oeuvres d'art par les entreprises ;
- la proposition de loi (n° 469, 1998-1999) de MM. Yann Gaillard, Louis
Althapé, Pierre André, Jean Bernard, Roger Besse, Jean Bizet, Mme Paulette
Brisepierre, MM. Jacques Chaumont, Jean Chérioux, Charles de Cuttoli, Xavier
Darcos, Désiré Debavelaere, Luc Dejoie, Jacques Delong, Christian Demuynck,
Charles Descours, Michel Doublet, Daniel Eckenspieller, Bernard Fournier, Alain
Gérard, Francis Giraud, Daniel Goulet, Georges Gruillot, Jean-Paul Hugot, Roger
Husson, André Jourdain, Lucien Lanier, Gérard Larcher, René-Georges Laurin,
Jacques Legendre, Jean-François Le Grand, Philippe Marini, Lucien Neuwirth, Mme
Nelly Olin, MM. Jacques Oudin, Victor Reux, Martial Taugourdeau et Jacques
Valade portant diverses mesures fiscales tendant au développement du marché de
l'art et à la protection du patrimoine national.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Yann Gaillard,
rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame la
ministre, mes chers collègues, l'ordre du jour réservé du Sénat appelle en
effet l'examen de deux propositions de loi tendant respectivement à aménager le
régime fiscal des achats d'oeuvres d'art par les entreprises et à prévoir
diverses mesures fiscales tendant au développement du marché de l'art et à la
protection du patrimoine national.
Les mesures à caractère essentiellement fiscal contenues dans ces deux
propositions de loi constituent l'aboutissement de l'étude que j'ai entreprise
au nom de la commission des finances sur les aspects fiscaux et budgétaires
d'une politique de relance du marché de l'art en France.
Je constate qu'il a été beaucoup question ces derniers mois - cela finit
peut-être même par lasser l'assistance - du marché de l'art, qui s'est trouvé,
une fois n'est pas coutume, au coeur de l'actualité législative.
Il y a d'abord eu le projet de loi portant réglementation des ventes
volontaires de meubles aux enchères publiques, que le Sénat vient d'adopter en
deuxième lecture et dont on espère qu'il sera voté définitivement - enfin ! -
avant le terme de la présente session.
Il y a eu, ensuite, la proposition de loi de M. Serge Lagauche, que je salue,
de Mme Dinah Derycke et des membres du groupe socialiste et apparentés relative
à la protection des trésors nationaux.
Il y a eu, enfin, à l'occasion tant de la loi de finances pour 2000 que de la
loi de finances rectificative pour 1999, une série de mesures adoptées ou
proposées intéressant directement le marché de l'art et les agents économiques
qui interviennent sur ce marché.
L'examen des deux propositions de loi est l'occasion pour le rapporteur
désigné par la commission des finances, qui est aussi leur premier signataire,
de faire la synthèse de ces initiatives, en les « remembrant » en un seul texte
portant diverses mesures qui, pour la plupart, ont déjà été présentées au Sénat
- et, pour la plupart également, ont été adoptées par lui - trois d'entre elles
seulement lui étant présentées pour la première fois.
Lors de la loi de finances pour 2000, le Sénat a été amené à voter deux
mesures : le relèvement du seuil de la taxe forfaitaire dont le projet de loi
harmonisait le taux, comme cela était demandé dans la proposition de loi n°
469, ainsi que l'assouplissement des achats d'oeuvres d'art par les
entreprises.
La proposition de loi de M. Lagauche et des membres du groupe socialiste
relative à la protection des trésors nationaux, dont la commission s'était
saisie pour avis, a donné lieu également à la discussion par le Sénat de
suggestions contenues dans la proposition de loi n° 469, comme l'exonération de
droits de mutation des objets mobiliers classés qui a été adoptée par le Sénat.
Au cours du débat, votre rapporteur avait proposé, pour les retirer ensuite,
deux mesures complémentaires articulant les procédures d'attribution de la
qualité de trésor national, de classement et de dation en paiement.
Enfin, à l'occasion de l'examen en deuxième lecture sur les ventes publiques,
votre rapporteur a défendu le principe de l'extension de l'exonération des
catalogues, qu'il s'agisse de ceux des maisons de ventes ou des galeries.
Compte tenu de l'importance de la mesure, il a paru utile d'insister à nouveau
sur ce point bien que la disposition soit encore en navette.
L'intérêt d'une telle initiative est de nous permettre de débattre de ces
mesures dans un cadre unique de nature à redonner sa cohérence à la politique
que nous préconisons pour le marché de l'art et, surtout, de le faire avec Mme
la ministre de la culture, qui est bien entendu notre interlocuteur
privilégié.
A la base de toutes ces propositions, il y a - et ce n'est pas une évidence
pour tous - l'idée que le marché de l'art est important pour la France entière
et pas seulement pour une poignée de privilégiés.
D'abord, ce marché, qui ne se réduit pas aux seuls ventes aux enchères, car il
faut tenir compte des marchands et des galeries, fait vivre un nombre important
de professions connexes, dont certaines perpétuent des savoirs faisant
incontestablement partie du patrimoine national, allant du grand expert jusqu'à
l'ouvrier d'art ou au restaurateur de tableaux.
Ensuite, au-delà des 40 000 emplois directs qu'il représente, le marché de
l'art est devenu, comme le montre l'actualité récente, un secteur stratégique,
ou tout au moins symbolique, par ses liens avec les industries du luxe et ceux
qui semblent s'établir avec ce qu'il est convenu d'appeler « la nouvelle
économie ».
Je rappellerai en passant la prise de contrôle, en mai 1998, de Christie's,
puis, aujourd'hui, de l'étude Piasa par M. François Pinault, tout comme
l'acquisition par M. Bernard Arnault, en novembre 1999, de la firme anglaise
Philips, troisième maison de ventes, et, tout récemment, de l'étude Tajan.
Ce n'est pas un hasard si les deux entreprises emblématiques, les deux
animateurs économiques de plus en plus présents dans l'industrie du luxe
s'emparent aussi du marché de l'art comme secteur iconique et stratégique de
leurs ensembles respectifs : ces exemples montrent que le marché de l'art
occupe une position clé par son caractère très médiatique dans le domaine des
industries du luxe, qui constitue précisément un des points forts de notre pays
dans la spécialisation internationale.
On pourrait même généraliser et soutenir que cette importance du marché de
l'art, nouvelle du point de vue des entreprises, a été, en France, perçue par
l'Etat depuis longtemps. Notre pays, prolongeant une tradition colbertiste
d'encouragement aux arts, cultive volontiers « l'Etat culturel » : il a,
beaucoup plus que d'autres, investi dans la sauvegarde et la mise en valeur de
son patrimoine artistique comme en témoigne toute la politique de grands
travaux menée notamment depuis le début des années quatre-vingt.
C'est dans ce contexte de libéralisation du marché que la commission des
finances a voulu intervenir pour présenter une série de mesures de nature à
accompagner les évolutions en cours et renforcer « l'attractivité » du marché
de l'art français, tout en protégeant un patrimoine national à caractère
mobilier, dont il serait hypocrite de ne pas reconnaître qu'il est menacé par
le processus actuel de mondialisation du marché de l'art.
Depuis qu'a été mis en place le nouveau régime de contrôle à l'exportation des
oeuvres d'art par la loi du 31 décembre 1992 - par un gouvernement que je
soutenais donc, madame la ministre
(Mme la ministre sourit) -,
la France se vide de son patrimoine. Elle accuse un solde « positif », si on
ose dire, dans le domaine des oeuvres d'art de 2 milliards de francs par an,
qu'il faudait pour être juste corriger en tenant compte de l'exode invisible
d'oeuvres achetées pour quelques milliers de francs ou quelques centaines de
milliers de francs chez nous et vendues quelques centaines de milliers de
dollars, voire quelques millions de dollars aux Etats-Unis - ce que j'appelle
l'effet « vide-grenier ».
La conviction de votre rapporteur est que, faute de pouvoir dans le contexte
budgétaire actuel - et en dépit de votre bonne volonté, madame la ministre -
augmenter significativement les dotations budgétaires affectées à l'acquisition
d'oeuvres d'art, il faut mettre en place des incitations fiscales de nature à
fixer sur le territoire national les pièces les plus importantes du patrimoine
de la France.
D'ailleurs, nous ne ferions ainsi que nous inspirer de l'exemple anglais,
reconnu comme excellent par nos collèges Serge Lagauche et Dinah Derycke lors
du débat sur la proposition de loi relative à la protection des trésors
nationaux, dont ils étaient les signataires.
L'idée directrice qui sous-tend l'ensemble des mesures que je présente est
donc simple : il faut cesser de faire reposer sur l'Etat, et, lui seul, la
charge de la défense du patrimoine national.
Jusqu'à présent, cette défense est toujours passée par des achats publics,
immédiatement coûteux pour l'Etat et bien souvent générateurs de coûts de
fonctionnement accrus.
Des incitations fiscales adaptées sont de nature à faire participer
particuliers et entreprises à cette politique d'intérêt général.
Tel est l'objet, à côté des mesures ayant pour but d'alléger les charges
pesant sur le marché de l'art, de l'essentiel du dispositif.
Il est ainsi proposé, au-delà des mesures déjà présentées au Sénat et sur
lesquelles je reviendrai lors de la discussion des articles, d'octroyer un
crédit d'impôt aux personnes faisant don d'oeuvres d'art à l'Etat, comme le
préconise le rapport Aicardi : l'acquéreur devrait bénéficier d'un crédit
d'impôt renforçant ainsi l'efficacité de l'article 1131.
Il est ensuite proposé d'accorder, sur la lancée de la rationalisation par la
dernière loi de finances de l'article 200 du code général des impôts, une
possibilité de déduction du revenu imposable des dons d'oeuvres d'art agréés
dans les limites et suivant le régime prévu pour les dons aux associations
d'intérêt général.
Il est enfin prévu de mettre en place en matière de classement d'office un
processus d'expertise codifié sur le modèle de celui qui a été mis en place aux
termes de la proposition de loi relative aux trésors nationaux de façon à
permettre à la décision de classement de n'intervenir qu'en toute connaissance
de cause, après l'évaluation de l'indemnité que l'Etat peut avoir à payer. En
effet, comme vous le savez, depuis la jurisprudence Walter, le classement n'est
plus gratuit.
Votre rapporteur voudrait également saisir l'occasion de cette discussion pour
demander au Gouvernement de faire le point du dossier des charges, qu'il
s'agisse de la TVA à l'importation ou du droit de suite.
En ce qui concerne la TVA à l'importation, répétons, à l'instar de ceux qui
connaissent le secteur, à commencer par M. Chandernagor, président de
l'Observatoire du marché de l'art, qu'il faudrait, maintenant, que la
Grande-Bretagne s'est enfin alignée sur le taux européen, défendre le marché de
l'art européen contre les Américains et supprimer cette taxe, qui ne rapporte
que 40 millions de francs à l'Etat. A quand l'entente cordiale, maintenant que
nous avons fait la paix à l'intérieur des frontières de l'Europe avec les
Anglais sur cette affaire fondamentale ?
Il conviendrait également que le Gouvernement nous dise, si possible, où en
sont les négociations en cours à Bruxelles au sujet du droit de suite et quelle
est sa position à l'égard du compromis qui, à la connaissance du rapporteur,
serait en cours d'élaboration avec la Grande-Bretagne.
L'ensemble de ces mesures ne constitue en aucune façon des avantages
cumulatifs mais représente une panoplie d'instruments permettant aux détenteurs
d'oeuvres d'art et d'objet de collection de choisir celui qui est le mieux
adapté à sa situation ou à ses intentions particulières.
En tout état de cause, le principe commun à tous ces textes consiste à essayer
de combiner initiative privée et initiative publique pour faire jouer un effet
de levier en faveur de la politique de l'Etat de préservation du patrimoine
national.
Ils ont, certes, un coût, que votre rapporteur ne cherche pas à nier, mais qui
lui paraît maîtrisable et gage de dépenses publiques moindres pour l'avenir.
Ils ont en outre le mérite - espérons-le - d'ouvrir le « débat sur la
défiscalisation de l'achat d'oeuvres d'art par les Français », souhaité sur de
nombreuses travées, et de permettre de prendre date pour des discussions
ultérieures, que votre rapporteur espère proches, en proposant des mesures qui,
pour la plupart, se trouvent dans les rapports d'experts qui ont déjà été remis
au présent gouvernement ou à ceux qui l'ont précédé.
En tout état de cause, comme le rappelle le rapport de M. Maurice Aicardi,
autorité intellectuelle incontestable en la matière : « C'est une évidence que
de le dire, mais on peut le rappeler : toute grande oeuvre détenue par un
résident français reste dans le patrimoine national et son maintien ne
nécessite pas de la part de l'Etat une intervention toujours onéreuse pour les
finances publiques. On peut ajouter que la détention privée d'une oeuvre plutôt
que publique décharge l'Etat du soin d'assurer son entretien et sa surveillance
et la transfère au propriétaire qui participe ainsi à la politique de maintien
du patrimoine. »
Cela est vrai pour les oeuvres accessibles au public dans des lieux qui lui
sont ouverts, oeuvres qui méritent une attention toute particulière de la part
de l'Etat du fait de la contribution à la vie locale qu'apportent les monuments
historiques.
Cependant, il faut affirmer, plus généralement, que, tôt ou tard, une bonne
partie des oeuvres dont on favorise ainsi le maintien ou l'entrée dans le
patrimoine des particuliers finiront, par le jeu normal des donations ou de la
dation, dans les collections publiques.
On note que, sauf pour ce qui est de l'actualisation du seuil d'application de
la taxe forfaitaire et de l'aménagement du régime fiscal des achats d'oeuvres
d'art par les entreprises, il s'agit non pas de dépenses mécaniques ou « à
guichet ouvert », mais d'avantages fiscaux contrôlés, parce qu'ils sont
subordonnés à une décision administrative préalable, voire à un agrément fiscal
exprès.
Tel est le cas, en particulier, de l'exonération des droits de mutation à
titre gratuit conférée aux objets mobiliers classés. Dans le rapport établi au
nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de
l'Assemblée nationale sur la proposition de loi relative à la protection des
trésors nationaux, on trouve développée l'idée fausse que ce dispositif
pourrait remettre en cause, par une sorte d'effet pervers, le mécanisme de
dation en paiement. Il y est indiqué que « la dation en paiement est bien
souvent pour les héritiers d'une collection le seul moyen de s'acquitter des
droits de succession y afférents. Si la taxe à payer est réduite de moitié, le
don d'une ou plusieurs oeuvres à l'Etat pourra, dans certains cas, ne plus être
nécessaire pour se libérer de la dette fiscale. Les biens demeureront donc dans
les collections privées et ne seront pas accessibles au public, alors que
l'Etat aura néanmoins « perdu la moitié des droits de mutation correspondants.
» Quelle attitude d'épicier et à courte vue !
L'attitude de votre rapporteur est tout autre et, jusqu'à présent, il a été
suivi par le Sénat dans les différentes avancées qu'il a proposées : il n'est
pas question d'obliger systématiquement les détenteurs d'oeuvres d'art à les
vendre et l'Etat à les acheter. Ce qu'il faut, c'est inciter les
collectionneurs à conserver les oeuvres qu'ils possèdent pour ne pas mettre les
pouvoirs publics dans l'obligation d'avoir à choisir entre acquérir ces oeuvres
ou les laisser sortir.
Bref, il faut laisser le temps faire son oeuvre pour l'enrichissement des
collections publiques par le jeu naturel des donations et des dations.
Certes, me dira-t-on, comme nombre d'avantages fiscaux, ceux qui vous sont
proposés ici ne sont susceptibles de concerner que des personnes relativement
imposées, mais c'est sans doute le prix à payer pour la sauvegarde du
patrimoine dans un monde ouvert où la défense de celui-ci, longtemps assurée
par des méthodes régaliennes non dénuées d'arbitraire, doit aujourd'hui être
payée à son juste prix, compte tenu de l'évolution de la jurisprudence.
Encore une fois, toutes ces propositions qui ne font, pour la plupart, que
prolonger et concrétiser des réflexions antérieures sont avancées non sans
prudence dans le cadre d'un exercice dont on connaît les limites, pour amorcer
un processus de dialogue auquel pourraient participer des parlementaires de
tous horizons eu égard à l'enjeu qui est bien la sauvegarde du patrimoine
national.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Comme vous venez de le
rappeler, monsieur le rapporteur, la présente session parlementaire a été
l'occasion d'évoquer la situation du marché de l'art de notre pays et son
évolution internationale.
Vous avez souligné les travaux engagés pour la réforme des ventes volontaires
de meubles aux enchères publiques, avec la nécessité d'adapter la profession de
commissaire-priseur à la réalité économique des acteurs européens du marché de
l'art.
De même, votre assemblée, sur l'initiative de Mme Dinah Derycke et de M. Serge
Lagauche, a déposé une proposition de loi tendant à améliorer le dispositif
juridique lié à la circulation des objets d'art.
Le Gouvernement, tout comme le Parlement dans son ensemble, a la volonté de
donner plus de liberté aux échanges commerciaux sans porter atteinte à la
nécessaire préservation de notre patrimoine et au maintien sur le territoire
national des chefs-d'oeuvre de notre culture.
Telle me paraît être la clef de voûte de notre approche commune du marché de
l'art. Nous nous devons d'inscrire notre stratégie de développement économique
dans cet objectif. Il s'agit non pas de construire un système de protection,
autour d'un « Etat culturel » tout puissant, mais de nous donner les moyens de
maîtriser les effets négatifs de la mondialisation.
Le débat que nous avons eu sur l'utilisation d'Internet pour les ventes
publiques aux enchères illustre bien ce propos. Si ma collègue Elisabeth Guigou
et moi-même avons accepté d'étendre l'application de la future loi relative aux
ventes volontaires de meubles aux enchères publiques aux seuls sites Internet
qui commercialisent des biens culturels, c'est afin de permettre aux acteurs
économiques de notre pays de jouer pleinement leur rôle. Comme le rappelle M.
le rapporteur, il était nécessaire de prendre en compte les synergies entre le
monde de l'art et la nouvelle économie.
Les récentes fusions, absorptions et mises en réseau d'importantes études de
commissaires-priseurs de notre pays montrent, à l'évidence, l'intérêt du marché
international pour notre marché national. Cet intérêt marque une reconnaissance
de la compétence et du savoir-faire des professionnels français, qui ont, par
ailleurs, une connaissance approfondie du patrimoine de nos régions.
Comment mener de front cette expansion de nos échanges commerciaux dans le
domaine de l'art et protéger notre patrimoine afin qu'il puisse être connu et
reconnu par la majorité de nos concitoyens ?
Comment accroître les collections publiques des musées nationaux et des musées
des collectivités territoriales ?
Comment faire en sorte que les trésors nationaux, en référence à la loi du 31
décembre 1992, puissent être maintenus sur notre territoire ?
Les questions sont à l'origine des propositions de M. le rapporteur. Ce sont
aussi celles que se posent de nombreux élus de la représentation nationale.
Je crois utile de rappeler que l'Etat n'est pas démuni. La loi de 1992 a
permis à trente chefs-d'oeuvre de rejoindre les collections publiques. Le fonds
du patrimoine doté de 105 millions de francs, le fonds national d'art
contemporain avec 21 millions de franc de crédits, le fonds d'acquisition du
musée national d'art moderne et contemporain du centre Georges-Pompidou qui
dispose de 25 millions de francs, auxquels s'ajoutent les crédits de la Réunion
des musées nationaux, soit 50 millions de francs environ, de la Bibliothèque
nationale de France, ainsi que ceux des fonds régionaux d'acquisition des
musées et des fonds régionaux d'art contemporain permettent de mobiliser,
chaque année, quelque 300 millions de francs pour les acquisitions.
Avec ma collègue Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget, j'ai présenté
hier le bilan des dernières dations de l'année 1999 avec, entre autres oeuvres
d'art, deux oeuvres exceptionnelles : le
Portrait de Berthe Morisot à
l'éventail,
par Edouard Manet, qui sera mis en dépôt au musée des
Beaux-Arts de Lille, et celui de
Julie Manet, l'enfant au chat,
par
Renoir, présenté au musée d'Orsay. Depuis la création du dispositif
exceptionnel des dations, le montant total des oeuvres acceptées s'élève à 2,3
milliards de francs.
M. le rapporteur suggère bien sûr de maintenir cet effort mais de ne pas
l'accentuer démesurément afin d'obtenir un partenariat des entreprises et des
particuliers.
Puisque nous évoquons ici le rôle des partenaires privés, permettez-moi de
rappeler l'action exemplaire menée par les collectionneurs de notre pays.
Chacun d'entre nous, au cours de ses découvertes des musées de toute nature,
mesure l'apport essentiel des mécènes et des collectionneurs. Ils accomplissent
leur acte par passion pour l'art et par volonté de compléter les collections
publiques. Leur générosité a été très forte dans les siècles passés, elle n'en
demeure pas moins importante aujourd'hui.
Depuis longtemps, nous savons que la trilogie marchands, collectionneurs et
musées est vitale pour notre patrimoine national. Plus de cent cinquante
libéralités sont acceptées chaque année. Aucune grande acquisition, notamment
de trésors nationaux, n'a lieu sans le soutien, souvent déterminant, de
mécènes, qui agissent avec un désintéressement que je tiens à saluer ici.
Je n'oublierai pas d'associer les sociétés d'amis des grands musées comme
celles d'établissements possédant des collections moins prestigieuses.
Ce rappel, mesdames, messieurs les sénateurs, est nécessaire car il permet de
resituer le débat d'aujourd'hui.
Je maintiens l'idée que l'une des meilleurs chances du développement du marché
de l'art repose sur l'harmonisation fiscale européenne. M. le rapporteur a
insisté, dans l'analyse factuelle du marché de l'art, sur les conséquences
néfastes de la dérogation dont a bénéficié le Royaume-Uni en matière de taxe
sur la valeur ajoutée à l'importation jusqu'en juillet 1999.
L'application différée de la norme européenne a porté atteinte, en effet, aux
intérêts des professionnels français. Cette distorsion de concurrence a
aujourd'hui disparu grâce à l'action résolue de la Commission européenne et des
Etats membres, en particulier de la France. De même, alors que d'aucuns
pensaient impossible que l'Union européenne soit capable d'avancer sur le droit
de suite, je me réjouis de constater que les récents travaux préparatoires ont
permis de rapprocher les points de vue.
Ce travail a porté ses fruits et un nouveau compromis a été examiné hier au
COREPER, le Comité des représentants permanents, par nos amis britanniques. Il
permettra au Conseil « marché intérieur », qui se réunira le 16 mars prochain,
d'adopter une position commune sur la proposition de directive. Les choses
avancent donc et elles avancent bien.
Le texte proposé prévoit essentiellement, outre un délai de transposition de
cinq années, une période de transition pour les Etats membres dans lesquels le
droit de suite ne s'applique pas à l'heure actuelle. Pendant cette période,
d'une durée de dix années, celui-ci ne s'appliquera, dans ces seuls pays,
qu'aux auteurs vivants, l'applicabilité aux ayants droit des auteurs décédés
n'intervenant qu'à l'expiration de cette période.
Nous avons consenti cette importante concession afin d'obtenir une directive
d'harmonisation tout en facilitant une mise en oeuvre progressive du droit de
suite pour les Etats qui ne connaissaient pas ce droit et qui, au départ,
étaient sur une position négative. Ce compromis marque donc une avancée
importante pour nos artistes compte tenu de l'importance du marché de l'art de
certains de ces pays.
Il porte également sur le seuil de perception du droit de suite dans les
différents Etats. Celui-ci ne pourra être supérieur à 4 000 euros, au lieu des
2 500 euros prévus précédemment. Enfin, il est prévu que le plafond de
perception du droit de suite soit porté à 12 500 euros, au lieu des 10 000
euros envisagés dans le compromis précédent.
J'ajoute que les tranches et les taux de redevance prévus par le projet de
directive ont été négociés afin de concilier l'objectif d'une rémunération
satisfaisante pour les auteurs et celui de la nécessaire compétitivité des
professionnels du marché. Nous avons par ailleurs obtenu une mesure spécifique
pour les opérateurs qui soutiennent, par leurs acquisitions, la jeune
création.
Je me félicite de ces dernières évolutions. A cet égard, je tiens à remercier
votre assemblée, ainsi que l'Assemblée nationale, du soutien qu'elle a apporté
au Gouvernement dans cette longue et difficile négociation, en exprimant sa
préoccupation.
L'harmonisation des mesures fiscales du marché de l'art sur le plan européen
est une première étape nécessaire et il est évident que la présidence française
poursuivra le travail mené. Je suis par ailleurs consciente que nous devons
aussi renforcer le dialogue avec d'autres pays disposant d'une forte capacité
d'intervention économique sur le marché de l'art, comme les Etats-Unis.
Il s'agit là d'actions de longue durée, et c'est pourquoi nous devons
parallèlement, dans le cadre de notre droit interne, envisager des modalités
appropriées de soutien au marché de l'art.
Dès cette année, le Gouvernement, sur ma proposition, a décidé de réduire de 7
% à 4,5 % le taux de la taxe forfaitaire sur les ventes privées effectuées par
les particuliers, en alignant celui-ci sur le taux appliqué pour les ventes
publiques. Cette mesure, adoptée dans le cadre de la loi de finances pour 2000,
permettra d'harmoniser les conditions d'activités des opérateurs nationaux sur
le marché de l'art et de favoriser le développement des transactions.
Le toilettage des textes à modifier ou à compléter n'est pas achevé. Il
conviendra de compléter le dispositif de protection des objets et ensembles
mobiliers présentant un intérêt historique ou artistique, dont certains
événements récents ont montré le caractère insuffisamment protecteur.
Je compte déposer, à cet effet, avant la fin du premier semestre, un projet de
loi modifiant la loi du 31 décembre 1913.
Je ne détaillerai pas aujourd'hui les mesures de ce texte qui comportera des
dispositions fiscales. J'aurai l'occasion de revenir sur ce sujet lors de
l'examen de l'article 8.
Je comprends les raisons qui ont conduit M. Gaillard à déposer la proposition
de loi que nous examinons aujourd'hui. Toutefois, il est manifeste que la
plupart des dispositions qu'elle comporte dérogent aux principes généraux du
droit fiscal français et peuvent heurter des préoccupations d'équité devant
l'impôt.
Nous devons d'abord parfaire notre arsenal juridique de protection avant
d'envisager des mesures fiscales pertinentes qui compensent le classement des
oeuvres. Nous devons le faire dans la sérénité et la cohérence, afin
d'apprécier l'effet exact de mesures à cibler et d'éviter le saupoudrage, mais
aussi le risque de cumul d'avantages fiscaux.
Il me semble, à cet égard, essentiel et prioritaire de préserver les acquis
actuels.
Je veux parler tout d'abord de la dation en paiement, qui est une procédure
exceptionnelle permettant, sur agrément, à tout héritier, donataire ou
légataire, d'acquitter les droits d'enregistrement dus à raison de la
succession, de la donation ou du legs par la remise d'oeuvres d'art, de livres,
d'objets de collection, de documents de haute valeur historique ou
artistique.
Cette procédure permet ainsi d'enrichir les collections du patrimoine
national. Elle fonctionne de manière satisfaisante - je l'ai rappelé à
l'instant - et contribue grandement à l'enrichissement de nos collections
publiques.
Par ailleurs, le développement du marché de l'art et la poursuite de
l'enrichissement du patrimoine français dépendent fondamentalement du maintien
de l'exonération des oeuvres d'art de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Plutôt que de mettre en oeuvre des mesures ponctuelles qui pourraient susciter
des critiques au regard du principe d'égalité devant l'impôt, la priorité me
paraît être, à cet égard, de préserver cette exonération, alors que celle-ci
est périodiquement menacée.
Voilà la ligne directrice de la position du Gouvernement que je développerai
lors de l'examen des articles de la présente proposition de loi présentée par
M. Gaillard.
M. le président.
La parole est à M. Schosteck.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, notre ordre du
jour réservé amène le Sénat à débattre de la relance et de la dynamisation de
la politique du marché de l'art dans notre pays.
Le groupe du RPR tient, en premier lieu, à remercier et à féliciter notre
collègue Yann Gaillard, qui est à l'origine de ce débat. Sa qualité de
rapporteur spécial des crédits de la culture et le rapport d'information qu'il
a présenté il y a un an témoignent, si besoin était, de sa maîtrise de ces
sujets. Il était donc, nous semble-t-il, le mieux placé pour éclairer les
travaux de la Haute assemblée.
Le marché de l'art est en pleine mutation et s'ouvre vers de nouveaux
horizons. Chacun garde en mémoire les récentes acquisitions des plus grandes
sociétés de ventes aux enchères par des entreprises du secteur du luxe et les
rapprochements économiques et financiers avec des sociétés intervenant sur
Internet, qui ont été fortement médiatisés. On assiste à l'évidence à une
accélération de la libéralisation du marché de l'art. Le mérite des
propositions de M. le rapporteur est, d'une part, qu'elles renforcent la
position de notre marché national et, d'autre part, qu'elles tendent à protéger
notre patrimoine.
Ce second point est particulièrement important. Nous souscrivons totalement à
la nécessité de maintenir en France, par des incitations fiscales, notre
patrimione artistique. L'Etat ne peut effectivement plus assumer seul cette
mission de défense. Il convient donc de créer un environnement favorable à
l'intervention des entreprises.
Il faut que soit pris en compte le fait qu'aujourd'hui l'avenir du marché de
l'art français passe par un nécessaire allégement des contraintes économiques
et financières pesant sur lui. Les dispositifs proposés par M. le rapporteur
visant, notamment, à actualiser la taxe forfaitaire sur les oeuvres d'art et à
exempter de droit de reproduction les catalogues de vente des expositions
tendent à cette fin.
Nous joignons notre voix à celle de notre collègue Yann Gaillard pour
interpeller le Gouvernement sur l'état des discussions qu'il a engagées avec
nos partenaires européens tant sur la TVA à l'importation que sur le délicat
dossier du droit de suite. Des propositions concrètes ont été faites, et le
Parlement doit être informé de l'évolution prévisible de celles-ci. Vous venez
de nous apporter des indications, madame la ministre, et je vous en
remercie.
Face à l'insuffisance des crédits alloués au rachat d'oeuvres d'art par le
budget de l'Etat, la commission nous propose d'utiliser le moyen des
aménagements fiscaux.
Afin de développer la demande nationale d'oeuvres d'art, on retiendra le rôle
moteur dévolu aux entreprises en tant que mécènes. Force est de constater que
la rigueur des dispositifs existants, notamment pour ce qui est des
possibilités d'achats et des exigences en matière d'exposition publique,
constitue un frein aux investissements des entreprises.
Les propositions de M. le rapporteur visent à lever ces obstacles et à
permettre aux entreprises de prendre toute la mesure du rôle qui est le leur
dans la sauvegarde du patrimoine national et la revitalisation du marché de
l'art. Le temps où l'intervention de l'Etat, le plus souvent très onéreuse pour
les finances publiques, constituait la règle unique de la politique du maintien
du patrimoine en France est révolu. Les entreprises doivent être appelées à
prendre toute leur part dans la défense et la protection de notre patrimoine
artistique.
Les collectionneurs privés, de leur côté, doivent être incités à conserver les
oeuvres d'art dont ils sont propriétaires. L'alternative qui se présente alors
à la puissance publique - acquérir le bien en cause ou le laisser franchir nos
frontières - ne devrait plus exister.
Ces propositions de loi sont l'occasion d'un débat fructueux avec le ministre
de la culture et de la communication sur un sujet où nous nous étions habitués
à voir le Gouvernement représenté par le ministre de l'économie et des finances
ou le ministre de l'intérieur, ce qui, avouons-le, n'était guère
satisfaisant.
L'ensemble des propositions de M. le rapporteur doit être analysé comme une
première étape. Il conviendra de poursuivre dans la voie tracée par le rapport
d'information du rapporteur de la commission des finances sur le marché de
l'art en France.
Le groupe du Rassemblement pour la République votera les conclusions de la
commission des finances et remercie à nouveau M. le rapporteur pour la qualité
de son rapport et de ses propositions.
M. le président.
La parole est à M. Bordas.
M. James Bordas.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen par
le Sénat des conclusions de la commission des finances sur deux propositions de
loi déposées par notre excellent collègue Yann Gaillard nous amène à nous
interroger à nouveau sur les moyens fiscaux nécessaires pour assurer le
dynamisme de notre marché de l'art mais aussi pour garantir la protection de
notre patrimoine national, objectifs en réalité étroitement liés. Ces deux
propositions de loi constituent l'aboutissement de l'étude que la commission
des finances avait entreprise sur la situation du marché de l'art.
En effet, à la différence de ce qui vaut pour la plupart des autres secteurs
économiques, une balance commerciale excédentaire constitue non pas, en matière
de négoce des oeuvres d'art, une source d'enrichissement et un indice de
performance, mais, à l'inverse, le signe évident et alarmant de
l'appauvrissement du « gisement » d'oeuvres qui représente traditionnellement
l'un des atouts les plus précieux du marché de l'art français.
Je rappellerai un chiffre : en 1998, la valeur des exportations d'oeuvres
d'art atteignait près de trois fois celle des importations, alors que ce
rapport était seulement de l'ordre du double au début des années quatre-vingt,
pour des montants environ deux fois inférieurs. Ce chiffre ne peut nous laisser
indifférents.
En effet, cette situation est à l'évidence préjudiciable au maintien sur le
territoire national de notre patrimoine, et ce pour deux raisons essentielles :
attirés par des opérateurs étrangers performants s'appuyant sur des réseaux
commerciaux internationaux, les propriétaires français préfèrent vendre leurs
oeuvres hors de la France, profitant ainsi, de plus, d'un différentiel fiscal
significatif, du moins pour les oeuvres les plus prestigieuses. Cet exode n'est
pas compensé par des flux inverses dans la mesure où les collectionneurs
étrangers semblent réticents à s'établir en France, le régime fiscal y étant,
si ce n'est moins favorable que dans la plupart des grands pays occidentaux, du
moins plus incertain ; il suffira d'évoquer ici les débats devenus rituels sur
la soumission des oeuvres d'art à l'impôt de solidarité sur la fortune.
La question se trouve donc posée de savoir comment retenir les oeuvres en
France ou - objectif plus audacieux - comment les y attirer. Il est
certainement plus difficile de répondre à cette question aujourd'hui qu'il y a
une dizaine d'années, puisque, depuis l'entrée en vigueur de la loi de 1992, le
marché de l'art français est un marché ouvert : désormais, lorsque l'Etat
souhaite retenir une oeuvre sur le territoire national, il doit l'acheter.
L'arme du classement a été neutralisée par une décision de justice qui a
de
facto
« abrogé » les dispositions de la loi de 1913 destinées à nous
garantir contre l'exode de notre patrimoine mobilier, exode qui, je le
rappelle, a en fait commencé dès les années vingt.
Faut-il considérer cette jurisprudence comme définitive et la hisser en
quelque sorte au rang d'arrêt de règlement ? Peut-on susciter un revirement de
jurisprudence qui ne semble pas
a priori
à exclure si l'on considère les
conditions contestables dans lesquelles le préjudice a été évalué par les juges
du fond ? Quoi qu'il en soit, à supposer même que la jurisprudence évolue, le
classement demeurera aléatoire en raison du risque financier qu'il continuera à
comporter, dans la mesure où la loi de 1913 prévoit, dans le cas du classement
sans le consentement du propriétaire, une indemnisation. Faut-il pour autant
faire son deuil de cet instrument de protection du patrimoine ?
L'un des mérites fort nombreux des conclusions de la commission des finances
est de proposer une modification de la loi de 1913 destinée à réduire l'aléa
que représente le classement.
S'inspirant de la procédure que prévoit pour l'acquisition des trésors
nationaux la proposition de loi du Sénat en cours d'examen, la commission des
finances suggère un dispositif permettant de fixer préalablement au classement
l'indemnité due à ce titre par l'Etat au propriétaire. Il s'agit là d'une piste
certes originale, mais qui serait de nature à susciter un dialogue entre l'Etat
et les propriétaires privés, dialogue qui fait malheureusement encore
défaut.
En dépit des améliorations apportées aux modalités d'acquisition par l'Etat
des trésors nationaux que devrait permettre la proposition de loi du Sénat,
force est de constater que les ressources budgétaires dont vous disposez,
madame la ministre, ne peuvent permettre l'acquisition d'oeuvres
exceptionnelles. Pour remédier à cette situation, a été évoquée à maintes
reprise la possibilité de créer un fonds de concours alimenté par une dotation
de La Française des jeux. Un amendement en ce sens a été examiné le 2 mars
dernier par l'Assemblée nationale ; vous y avez été défavorable, sans pour
autant nous éclairer sur l'appréciation que vous portez sur l'opportunité d'une
telle disposition.
Faute de pouvoir anticiper un changement de l'ordre de grandeur des crédits
budgétaires consacrés aux acquisitions, il nous reste donc à explorer la
seconde branche de l'alternative, qui consiste à retenir les oeuvres en France
par le biais de la fiscalité en permettant l'enrichissement des collections
nationales par le jeu des dations et des donations ou en suscitant les
vocations de collectionneurs, encore trop peu fréquentes en France.
Les résultats du mécanisme fiscal original que constitue la dation ont prouvé
l'intérêt qu'est susceptible de représenter cette voie. Entre 1992 et 1997, la
valeur des oeuvres remises à l'Etat dans ce cadre s'élevait à près de 800
millions de francs tandis que, durant la même période, les crédits dégagés par
l'Etat pour l'acquisition de trésors nationaux ne représentaient que 105,65
millions de francs.
Ce chiffre ne peut que souligner la pertinence de la réflexion de la
commission des finances sur les moyens d'améliorer encore ce dispositif.
Le mécanisme de la donation, qui connaît un succès moindre que la dation,
pourrait être également rendu plus attractif s'il était assorti d'une
incitation fiscale ; c'est ce que prévoient les articles 3 et 4 de la
proposition de loi que nous examinons aujourd'hui.
S'agissant des moyens d'encourager la détention d'oeuvres en mains privées,
qu'il s'agisse de particuliers ou d'entreprises par le biais du mécénat, les
aménagements proposés par la commission des finances portent sur des
dispositifs existants et ne constituent pas des bouleversements.
Sur l'ensemble de ces propositions, il est plus que temps, madame la ministre,
de nous apporter une réponse claire.
Lors de l'examen de la proposition de loi sur les trésors nationaux, vous avez
opposé aux propositions fiscales trois arguments.
Tout d'abord, des mesures fiscales en faveur des propriétaires privés
contrediraient l'esprit de la proposition de loi puisqu'elles inciteraient les
collectionneurs à conserver leurs oeuvres. C'est, je crois, mal interpréter
l'intention du législateur : la proposition de loi avait pour objet non pas de
contraindre les propriétaires à vendre, mais de rendre moins problématiques les
cas trop rares où l'Etat veut et peut acheter. Il y a une différence de
taille.
Par ailleurs, des incitations fondées sur une réduction des droits de mutation
risqueraient de réduire l'offre potentielle de dations ; sur ce point, je ne
peux pas vous suivre. Cette logique conduirait en effet à considérer qu'il faut
inclure les oeuvres d'art dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la
fortune pour favoriser les dations ! Enfin, madame la ministre, vous avez
estimé que de telles dispositions étaient dépourvues de liens avec la
proposition de loi en discussion. Parfait ! Cependant, si l'on se fie à ce
critère, certains amendements adoptés sur l'initiative du Gouvernement semblent
ne pas témoigner de la même rigueur d'analyse.
Sur ces questions fiscales, la réflexion est depuis longtemps engagée ; il
suffit de se référer aux rapports de MM. Aicardi et Chandernagor. Le Parlement
a pour sa part, lui aussi, beaucoup travaillé. Les législations de nos
partenaires européens souvent riches d'enseignement ont été analysées.
Je sais, madame la ministre, votre intérêt pour le marché de l'art et votre
connaissance de ses enjeux. A cet égard, je ne pourrai que soutenir vos efforts
pour faire avancer le dossier du droit de suite ; le projet de directive
devrait être examiné en Conseil des ministres dans des délais assez brefs. Vous
nous avez indiqué, voilà quelques instants, qu'un COREPER s'était réuni hier à
ce sujet. La position française, tout en défendant la légitimité de ce droit
reconnu aux créateurs, vise à réduire les conséquences les plus néfastes de la
proposition de directive, notamment en accentuant la dégressivité des taux et
en relevant les barèmes. Un compromis sur ces bases avec nos principaux
partenaires constituerait une avancée incontestable.
Les évolutions que connaît aujourd'hui le marché de l'art ont souligné l'enjeu
économique qu'il représente : les restructurations du secteur des ventes
publiques et le développement de liens inédits entre le marché de l'art et les
nouvelles technologies de communication exigent de considérer sous un angle
nouveau la question du dynamisme du marché de l'art, qui ne constitue plus
seulement une nécessité de politique culturelle mais également un impératif de
politique économique.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui répond à cet objectif
essentiel. A ce titre, elle appelle une réponse claire du Gouvernement.
Le groupe des Républicains et Indépendants, au nom duquel je m'adresse à vous,
madame la ministre, votera les conclusions de la commission.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, inscrites dans
le cadre d'une série de débats que nous avons eus ces dernières semaines sur
les ventes aux enchères ou la protection des trésors nationaux et dans le
droit-fil de nos débats budgétaires les plus récents, les deux propositions de
loi de notre collègue Yann Gaillard, tendant, l'une, à aménager le régime
fiscal des achats d'oeuvres d'art par les entreprises et, l'autre, au
développement du marché de l'art et à la protection du patrimoine national,
appellent, naturellement, un certain nombre d'observations.
Pour ce qui nous concerne, nous considérons que la politique de promotion de
la création artistique, de connaissance de cette création par le public et de
développement de notre patrimoine commun, nécessite une approche globale,
dépassant la seule sollicitation de la dépense fiscale comme tendent à le faire
ces deux propositions de loi, devenues une seule et unique proposition après
les travaux de la commission des finances.
Si l'on en croit les attendus de l'exposé des motifs des deux textes initiaux,
notre pays serait menacé de voir s'étioler son patrimoine artistique.
Deux raisons expliqueraient cette situation.
La première, partagée par le rapporteur et auteur des deux propositions,
tiendrait aux limites de la politique de commandes publiques d'oeuvres d'art,
limites issues de la régulation budgétaire.
En clair, l'Etat, selon notre rapporteur, n'aurait plus les moyens, à lui
seul, d'assumer la préservation du patrimoine artistique et culturel et nous
devrions d'autant plus accepter ce principe que notre rapporteur est l'un de
ceux qui estiment nécessaire une réduction de la dépense publique pour
retrouver la voie de l'équilibre budgétaire.
Il est vrai que, dans le passé - mais c'était aussi une autre époque -, l'Etat
n'a pas toujours été à la hauteur des enjeux en matière de commandes publiques
et que nous ne pouvons que regretter qu'aient ainsi été ignorés Van Gogh,
Mondrian, ou que les oeuvres de Degas s'exposent bien plus dans les musées
américains que dans ceux de notre pays.
La seconde raison tiendrait au caractère insuffisamment incitatif, pour ne pas
dire plus, de la fiscalité entourant l'achat et la possession d'oeuvres d'art,
qu'il s'agisse du mécénat, des droits de mutation ou de succession.
Le texte refondu des deux propositions de loi contient donc une série de
propositions tendant à remplacer, en quelque sorte, la dépense publique par une
forme de dépense fiscale accrue, concernant, soit dit en passant, un public
relativement restreint de particuliers et d'entreprises.
Loin de nous l'idée de ne pas prendre en compte que le comportement éclairé de
quelques collectionneurs privés ait pu permettre dans le passé - et permette
encore, d'ailleurs - que se développe dans notre pays une pratique continue de
création artistique.
On peut ainsi penser au rôle joué par Durand-Ruel dans le développement de la
peinture impressionniste, à celui de la famille Masurel, dont la collection
privée est devenue, comme me l'a précisé mon collègue Ivan Renar, l'essentiel
du fonds du Musée d'art moderne de Villeneuve-d'Asq, à d'autres familles
encore, dont les relations qu'elles avaient nouées avec certains artistes
essentiels de notre temps ont permis à nos musées nationaux et à nombre de
musées de province de posséder des collections particulièrement
intéressantes.
Dans un autre domaine, on ne peut pas oublier que c'est la bonne volonté et
l'amitié du comte de Noailles qui ont permis à un cinéaste comme Bun~uel de
réaliser quelques-uns de ses premiers films.
Le problème est que cette histoire spécifique du développement artistique de
notre pays est aujourd'hui assez directement menacée par la logique du marché,
qui tend en particulier à procéder par la voie d'une surenchère permanente sur
le prix des oeuvres, qu'elles soient anciennes ou contemporaines.
New York, Londres et Tokyo sont les sites essentiels de cette escalade
permanente des prix qui, en fin de compte, confisque au regard du plus grand
nombre la connaissance de la diversité des pratiques artistiques et en fait un
simple objet de transaction commerciale.
Cette situation appelle un grand débat, mené au niveau national comme au
niveau international, que les propositions de loi dont nous débattons
aujourd'hui ne font qu'entrouvrir.
Le défaut de ces deux propositions de loi est en effet de n'envisager la
question que sous l'angle unique de la dépense fiscale et de l'évasion qui en
découle.
Pour une part, les propositions qui nous sont soumises ont un air de « déjà vu
» !
Qu'il s'agisse, en effet, de la question des droits de mutation ou du
développement du mécénat par la voie de la défiscalisation, cela nous ramène à
des propositions antérieures et à des débats déjà anciens, dans un cas pour
nous dire que ces droits de mutation sont trop importants, dans l'autre pour
nous inviter, parmi tout un attirail déjà pourtant largement fourni, à
permettre aux entreprises de bénéficier d'une nouvelle source de réduction de
leur contribution aux dépenses publiques.
Observons, d'ailleurs, que l'une des particularités de ces propositions est de
créer, pour les contribuables concernés, un minimum d'obligations.
Les contreparties qui sont associées à la mise en place des dispositions
prévues par le texte de la proposition de loi sont bien limitées, notamment
pour ce qui concerne l'obligation d'exposition au public.
Dans un autre ordre d'idées, on a un peu l'impression que la création du
crédit d'impôt pour les particuliers est, plus qu'une mesure destinée à
favoriser le maintien de notre patrimoine artistique et esthétique sur le
territoire national, une mesure dont la nature est de permettre à quelques
contribuables de l'impôt sur la fortune de se dégager à bon compte de leurs
obligations devant la collectivité.
Par un étonnant renversement, les objets d'art qui, dans leur ensemble, sont
exonérés du paiement de l'impôt concerné seraient appelés à devenir des
instruments de paiement du même impôt.
(M. le rapporteur proteste.)
On est, en cette matière, assez loin des préoccupations affichées de défense
et d'illustration du patrimoine et beaucoup plus proche d'obscures mesures
d'optimisation fiscale.
Décidément, la présente proposition de loi n'a pas grand-chose à voir avec une
démarche raisonnée et mesurée de protection et de développement du patrimoine.
Elle est enfermée dans le carcan d'un « libéralisme bien-pensant » que la
politique publique, notamment au travers de la dépense fiscale, ne ferait
qu'accompagner et même, dans une certaine mesure, favoriser.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Ben voyons !
Mme Odette Terrade.
De manière incontestable, le débat sur le patrimoine artistique comme,
d'ailleurs, sur l'exercice des professions artistiques, sur la connaissance qui
en est donnée au plus grand nombre, appelle une réflexion plus complète.
Au demeurant, je m'étonne du fait qu'aucune mesure ne soit envisagée, dans
cette proposition de loi, pour les créateurs eux-mêmes, mais que nous ne nous
préoccupions que des acheteurs et des intermédiaires.
De la même manière, vous me permettrez, mes chers collègues, de souligner
qu'aucune des dispositions préconisées ne porte sur le rôle particulier que les
collectivités locales peuvent jouer - et qu'elles jouent déjà, d'ailleurs -
dans la préservation et le développement de notre patrimoine artistique.
Enfin, c'est sans surprise que nous constatons que la proposition de loi ne
prévoit aucune disposition tendant réellement à dissuader la spéculation qui
fait vivre les intermédiaires mais, en général, pas suffisamment les
artistes...
Nous ne souhaitons pas que les questions essentielles posées par la
connaissance, la défense et le développement de notre patrimoine artistique
soient ainsi enfermées dans une simple logique marchande, animée par les modes
et appuyée sur la mobilisation de sommes toujours plus importantes, confisquant
au regard du public des pans entiers de la création.
Le groupe communiste républicain et citoyen ne votera donc pas les conclusions
de la commission des finances.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Chapitre Ier
Dispositions relatives à certaines charges
pesant sur le marché de l'art
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - Au I de l'article 150 V
bis
du code général des impôts,
le chiffre "20 000" est remplacé par le chiffre "65 596" et le chiffre "30 000"
par le chiffre "98 394". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Yann Gaillard,
rapporteur.
Je serai d'autant plus bref que le Sénat a déjà adopté un
article similaire lors de l'examen de la loi de finances pour 2000. Toutefois,
l'Assemblée nationale ne l'a pas repris alors que nous y tenions.
Cet article 1er a pour objet d'actualiser en fonction de l'inflation le seuil
d'application de la taxe forfaitaire sur les oeuvres d'art prévue à l'article
150 V
bis
du code général des impôts, qui n'a pas été modifié depuis
1976. Il s'agit de lutter contre une augmentation rampante, le nouveau seuil
étant fixé, je le précise, à la contrevaleur en francs de 10 000 euros.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
La loi du 16 juillet 1976
a institué un régime d'imposition généralisée des plus-values de cession de
meubles ou d'immeubles réalisées par les particuliers dans le cadre de la
gestion de leur patrimoine privé.
Toutefois un régime de taxation forfaitaire représentative de cette imposition
a été prévu pour les métaux précieux, les bijoux, les objets d'art, de
collection et d'antiquité, compte tenu de la spécificité de ces biens.
Il a été inspiré par des motifs de commodité et de simplification pour éviter
les difficultés liées à la justification de la date et du prix d'acquisition
des objets vendus.
Ce régime, déjà favorable, vient d'être amélioré dans le cadre du projet de
loi de finances pour 2000.
Je rappelle que, sur ma proposition, les taux de la taxe forfaitaire sur les
oeuvres d'art ont été unifiés à 4,5 % pour tous les types de vente alors que
les ventes privées étaient passibles du taux de 7 %.
Par ailleurs, le vendeur d'objets d'art de collection et d'antiquité peut
opter, s'il l'estime plus favorable, pour le régime d'imposition de droit
commun des plus-values sur biens meubles quand il peut établir de manière
certaine la date et le prix d'acquisition de l'objet cédé.
Pour les biens cédés au-delà d'un an de détention, il est tenu compte de
l'érosion monétaire et de la durée de détention, avec un abattement de 5 % par
année de détention au-delà de la première année. La plus-value est ainsi
exonérée à l'expiration d'un délai de détention de vingt et un ans.
Je précise que sont actuellement exonérées de la taxe les ventes faites à un
musée national, à un musée classé ou contrôlé par l'Etat ou une collectivité
locale, ainsi qu'à la Bibliothèque nationale ou à une autre bibliothèque d'une
autre collectivité publique. Il n'apparaît pas opportun d'aller au-delà en
retenant la mesure d'indexation des seuils que vous préconisez dans cet
article. En effet, la question de l'actualisation dépasse le marché de l'art et
concerne potentiellement l'ensemble des plus-values immobilières réalisées par
les personnes privées.
J'émets donc un avis défavorable sur cette mesure.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - Le huitième alinéa (
d
du 3°) de l'article L. 122-5 du code
de la propriété intellectuelle est rédigé comme suit :
«
d.
Les reproductions, intégrales ou partielles, d'oeuvres d'art
graphiques ou plastiques offertes à la vente, mises à la disposition du public
sur les lieux ou à l'occasion de la vente. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Yann Gaillard,
rapporteur.
Cet article, auquel nous tenons beaucoup, a déjà été adopté
par le Sénat lors de la deuxième lecture du projet de loi sur les ventes
volontaires de meubles aux enchères, qui est encore en navette.
Nous souhaitons que l'Assemblée nationale examine cette disposition avec la
même compréhension que celle qu'elle avait manifestée pour la suppression de la
taxe sur les ventes.
Cet article a pour objet d'étendre à l'ensemble des catalogues de vente, qu'il
s'agisse de ceux des futures maisons de vente aux enchères ou de ceux des
galeries, l'exemption de droits de reproduction dont bénéficient acuellement
les seuls catalogues de vente des officiers ministériels. Cette exemption est
limitée aux reproductions des oeuvres mises en vente.
Il est évidemment contradictoire de demander la taxation de documents qui ont
pour objet d'améliorer la situation des artistes en promouvant la valeur des
oeuvres mises en vente !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Je comprends l'importance
qu'accorde M. Gaillard à un examen attentif par l'Assemblée nationale de la
disposition qu'il propose. Cependant, je voudrais rapidement redire les raisons
pour lesquelles je demeure défavorable à cet article.
Les principes généraux de la propriété intellectuelle, tant en droit interne
qu'en droit international ou communautaire, prévoient en faveur de l'auteur
d'une oeuvre le droit d'interdire ou d'accepter la reproduction de celle-ci et
d'en obtenir une rémunération. Seules quelques exceptions sont prévues en
matière de reproduction à des fins privées, ou de courtes citations.
La proposition de directive sur l'harmonisation de certains aspects du droit
d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information applique les
mêmes règles. Il n'existe donc pas d'évolution qui irait dans le sens de vos
préconisations. Elle ne prévoit qu'un nombre limité d'exceptions : il s'agit de
la reprographie, de l'usage privé et à des fins non commerciales ou d'actes
accomplis par les établissements accessibles au public qui ne visent aucun
avantage économique ou commercial, direct ou indirect, ou encore à des fins
d'illustration, d'enseignement ou de recherche...
Il en résulte qu'une exception large telle que celle qui est prévue par ce
projet d'article 2, autorisant la reproduction par tout intermédiaire
effectuant des ventes, serait contraire aux principes défendus par la France
dans les enceintes internationales, et surtout aux textes internationaux
qu'elle est tenue de respecter.
A cet égard, je veux attirer votre attention sur le fait qu'admettre dans
notre législation une dérogation aussi large risquerait d'entraîner la France
dans un contentieux communautaire. Nous serions, en quelque sorte, mis en
pleine contradiction.
Enfin, j'ajoute que le respect du droit de reproduction pour les catalogues,
dont le tarif est librement fixé entre le titulaire des droits et les
commissaires-priseurs, n'est pas un facteur économique ou psychologique décisif
dans la décision du vendeur de délocaliser la vente à l'étranger.
Vous l'aurez compris, pour l'ensemble de ces raisons, je continue d'être
défavorable à l'article 2.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Chapitre II
Dispositions relatives à l'enrichissement
des collections publiques
et à la sauvegarde du patrimoine national
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - L'article 1131 du code général des impôts est complété par un
paragraphe IV ainsi rédigé :
« IV. - L'acquéreur, le donataire, l'héritier ou le légataire qui fait un don
à l'Etat, dans les conditions prévues aux paragraphes I à III ci-dessus,
bénéficie d'un crédit d'impôt pour le paiement des droits de mutation égal au
tiers de la valeur du bien fixée par la décision d'agrément.
« Lorsque le bien donné fait l'objet d'une réserve d'usufruit, le crédit
d'impôt est égal au tiers de sa valeur en nue-propriété, calculée selon le
barème fixé à l'article 762. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Yann Gaillard,
rapporteur.
Cet article a pour objet d'octroyer à toute personne faisant
don à l'Etat d'une oeuvre d'art, de livres, d'objets de collection ou de
documents de haute valeur artistique ou historique, dans les conditions prévues
à l'article 1131 du code général des impôts, d'un crédit d'impôt en matière de
droits de mutation égal au tiers de la valeur du bien fixée par la commission
des dations.
On note que le don peut être fait avec réserve d'usufruit, moyennant une
diminution de la valeur du don calculée suivant le barème du code général des
impôts partageant la valeur d'un bien entre usufruit et nue-propriété en
fonction de l'âge de l'usufruitier.
Cette idée contenue dans le rapport de M. Maurice Aicardi et que nous nous
sommes contentés de reprendre est présentée pour la première fois devant le
Sénat. C'est là une contribution aux débats futurs, la commission des finances
se réjouissant que le Sénat puisse ouvrir la discussion suivant la bonne
vieille méthode que nous avons déjà éprouvée à plusieurs reprises, madame la
ministre : nous faisons quelques avancées que le Gouvernement refuse ou sur
lesquelles il chipote et qu'il se permet ensuite de s'approprier ou
d'améliorer. Mais si vous voulez aller plus loin que ce que nous proposons,
madame la ministre, pourquoi pas ! Je dirai même, tant mieux !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
M. le rapporteur s'est
félicité que le marché de l'art soit au coeur du débat parlementaire ; je m'en
félicite également.
Il est vrai que depuis longtemps il n'y a pas eu des débats aussi nourris et
argumentés sur tous les aspects de l'enrichissement des collections nationales,
sur la protection de nos trésors nationaux, sur les procédures d'acquisition et
sur la fiscalité du marché de l'art.
Je m'en félicite parce que je pense que cela permet effectivement de clarifier
les positions et d'avancer. Pour autant, je ne dirai pas que le Gouvernement
chipote ; le Gouvernement argumente, analyse, examine et répond.
Et je vous réponds, monsieur le rapporteur, que le dispositif que vous
envisagez appelle de ma part des réserves, car, si nos concitoyens sont
favorables à l'enrichissement des collections publiques, ils sont aussi
sensibles au principe d'égalité devant l'impôt.
Je rappelle que l'article 1131 du code général des impôts permet, sur
agrément, à tout bénéficiaire d'une transmission à titre onéreux ou gratuit
d'une oeuvre d'art, de livres, d'objets de collection ou de documents de haute
valeur artistique ou historique, de bénéficier d'une exonération des droits dus
au titre de la transmission de ce bien s'il en est fait don à l'Etat, avec
réserve d'usufruit, le cas échéant. Comme l'indique le rapport annexé à la
proposition de loi, cette procédure a donné lieu à un nombre réduit de
demandes.
Cette situation résulte, en fait, directement de l'existence de la procédure
plus attractive de la dation en paiement, qui vise les mêmes catégories de
biens. En effet, le même bien, au lieu d'être offert gratuitement à l'Etat dans
le cadre de la procédure de l'article 1131 du code général des impôts, peut
servir, dans le cadre d'une offre de dation, à payer l'impôt dû au titre d'une
succession ou d'une donation, ou, le cas échéant, l'impôt de solidarité sur la
fortune.
La mesure que vous proposez, monsieur le rapporteur, aboutirait, si j'ai bien
compris, à accorder un cumul d'avantages fiscaux au titre d'une même opération
puisque le don serait à la fois exonéré des droits de mutation et ouvrirait
droit à un crédit imputable sur des droits de mutation résiduels ou futurs
lorsque le don est différé, à concurrence du tiers de sa valeur.
Une telle disposition n'est pas acceptable dès lors qu'elle aboutirait à cet
avantage en confondant deux dispositifs distincts : l'exonération d'un bien
conditionné par le don à l'Etat et la dation en paiement.
Pour l'ensemble de ces raisons, monsieur le rapporteur, le Gouvernement est
défavorable à l'adoption de cette mesure.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - L'article 200 du code général des impôts est complété par un
paragraphe 6, ainsi rédigé :
« 6. Ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 50 % de leur
montant dans la limite de 6 % du revenu imposable, les dons effectués par les
contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B, portant sur des
oeuvres d'art, des livres, des objets de collection ou des documents de haute
valeur historique et artistique agréés dans les conditions fixées à l'article
1716
bis.
« La réduction d'impôt n'est pas cumulable pour un même don avec le crédit
d'impôt prévu au IV de l'article 1131. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Yann Gaillard,
rapporteur.
C'est là la troisième mesure nouvelle présentée au Sénat par
rapport au débat antérieur.
Il s'agit de permettre aux contribuables de bénéficier d'une réduction d'impôt
sur le revenu au titre de leurs dons d'oeuvres d'art à l'Etat - agréés par la
commission des dations - de la même façon et sous les mêmes limites qu'ils
peuvent le faire pour leurs dons aux associations et organismes d'intérêt
général, en application de l'article 200 du code général des impôts.
Là encore, c'est l'amorce d'un débat qui devrait se révéler fructueux à
l'avenir. Même si Mme la ministre nous dit qu'elle n'est pas favorable à la
mesure et même si l'Assemblée nationale ne nous suit pas, il est bon que le
Sénat trace le chemin.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Pour le coup, on me
permettra de dire que le Gouvernement a marqué la direction avant le Sénat,
car, de fait, le Parlement vient, dans la loi de finances pour 2000, de revoir
le régime fiscal des dons et du mécénat dans le but de le simplifier. Par
conséquent, cela est déjà, en quelque sorte, acté par le Parlement, monsieur le
rapporteur. Si donc le Sénat fait des propositions, je note que le Gouvernement
en fait également.
La proposition d'accorder une réduction d'impôt sur le revenu aux particuliers
qui donnent des oeuvres d'art agréées à l'Etat peut apparaître séduisante, dans
le sens que vous lui donnez.
Mais ce texte doit être combiné avec la mesure actuelle d'exonération des
droits de mutation prévue à l'article 1131 du code général des impôts, que vous
avez par ailleurs prévu d'amplifier par l'article 3 de cette proposition de
loi, que nous venons d'examiner.
Certes, vous avez cherché à éviter la superposition des trois avantages
fiscaux pour la même opération et vous avez prévu une mesure d'incompatibilité
entre les dispositifs des articles 3 et 4. Cela étant, vous n'avez pas précisé
laquelle des deux mesures primait sur l'autre ou si le contribuable bénéficiait
d'une option.
Force est de constater que la création d'une nouvelle réduction avec un
mécanisme différent des dispositifs existants s'inscrit à contre-courant de
l'objectif de simplification que le Gouvernement a poursuivi dans la loi de
finances pour 2000.
J'émets donc un avis défavorable sur l'article 4.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - I. - L'article 793 du code général des impôts est complété par un
3. ainsi rédigé :
« 3. Les objets classés en application du premier alinéa de l'article 16 de la
loi modifiée du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques, à concurrence
de la totalité de la valeur du bien, lors de la première transmission à titre
gratuit après le classement, et de la moitié de cette valeur dans les autres
cas. »
« II. - Il est inséré dans le code général des impôts un article 793
bis
A ainsi rédigé :
«
Art. 793
bis
A.
L'exonération partielle prévue au 3 de
l'article 793 est subordonnée à la condition que le bien soit resté la
propriété du défunt ou du donateur pendant 5 ans à la date de la transmission à
titre gratuit. »
« III. - Le présent article est applicable aux objets classés à compter du 1er
janvier 2001. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Yann Gaillard,
rapporteur.
Cette mesure a déjà été présentée au Sénat sous une forme
voisine et adoptée par lui à l'occasion de l'examen en première lecture de la
proposition de loi relative aux trésors nationaux. Elle a pour objet d'exonérer
les objets mobiliers classés à partir du 1er janvier 2001 de droits de mutation
à titre gratuit à raison de la totalité de la valeur de l'oeuvre pour la
première mutation à compter du classement et de 50 % de cette valeur pour les
mutations suivantes. On note qu'il est prévu une durée minimale de détention
pour le bénéfice de l'exonération.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Le Gouvernement est
défavorable à cet article, sur lequel je me suis déjà exprimée précédemment,
comme vient de le rappeler M. le rapporteur.
L'article proposé procède du souci de rendre attractif le classement en
l'assortissant d'un avantage fiscal lors de la transmission du bien.
A cet égard, la mesure proposée créerait une exonération totale ou partielle
des droits de mutation à titre gratuit.
Or, vous savez que la question du niveau des droits de succession est un sujet
sensible qui dépasse la question du marché de l'art ; elle ne peut donc être
appréciée isolément.
Cependant, je dois préciser que les objets d'art bénéficient d'ores et déjà
d'un régime favorable dans ce domaine, et tout d'abord du fait de leurs
modalités d'évaluation.
En ce qui concerne les droits de mutation par décès, il résulte en effet des
dispositions de l'article 764 du code général des impôts que la valeur vénale
des oeuvres d'art est constituée, dans l'ordre de préférence : par le prix net
de la vente publique intervenue dans les deux ans du décès ; en l'absence de
vente publique, par la plus élevée des valeurs figurant soit dans un acte
estimatif de la valeur des biens à la date du décès, soit dans un contrat
d'assurance concernant les biens ; à défaut, par la déclaration détaillée et
estimative des parties.
En matière de donation, les règles d'évaluation sont encore plus favorables
puisque, à défaut de vente publique, les objets d'art ou de collection doivent
faire l'objet d'une déclaration estimative qui peut être fixée à 60 % de
l'évaluation faite dans les contrats ou conventions d'assurances en cours
contre le vol ou l'incendie.
Par ailleurs, l'article 795 A du code général des impôts exonère totalement de
droits de mutation à titre gratuit non seulement les immeubles classés ou
inscrits sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, mais aussi
les meubles qui en constituent le complément historique ou artistique, dès lors
qu'une convention prévoyant notamment l'ouverture du monument au public a été
conclue avec les ministres de la culture et du budget.
Voilà pourquoi, monsieur le rapporteur, le Gouvernement reste défavorable à
l'article 5.
M. Yann Gaillard,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Yann Gaillard,
rapporteur.
En l'espèce, il s'agit d'objets classés qui ne sont ni
compléments d'immeubles historiques, ni immeubles par destination, ni éléments
de décor qui accompagnent les immeubles classés.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
M. le président.
« Art. 6. - Le II de l'article 1716
bis
du code général des impôts est
rétabli dans la rédaction suivante :
« II. - L'agrément mentionné au I est de droit pour les biens ayant la qualité
de trésor national au sens de la loi modifiée du 31 décembre 1992, à la
condition que la valeur libératoire proposée soit égale au prix d'expertise
proposé ou non refusé par l'Etat dans le cadre de la procédure d'acquisition
prévue à l'article 9-1 de ladite loi. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Yann Gaillard,
rapporteur.
Cet article, je le présente avec résolution, mais une
résolution tout de même teintée d'une certaine prudence, car nous avons déjà eu
une discussion sur cette affaire lors de l'examen de la proposition de loi
relative aux trésors nationaux. Nous cherchons, en fait, une solution à un réel
problème.
L'article 6 vise à introduire un nouveau paragraphe II à l'article 1716
bis
du code général des impôts pour préciser que l'agrément est de droit pour
les oeuvres qui ont été classées à la suite d'un refus de certificat.
Il est vrai que cet article pose un problème vis-à-vis de la commission des
dations, dont on connaît les immenses services qu'elle rend à l'enrichissement
des collections nationales. Je souhaite toutefois qu'il soit retenu, même s'il
n'est pas parfait, je le reconnais, afin d'encourager - toujours notre volonté
de vous encourager, madame la ministre ! - à une réflexion permettant que
l'articulation, qui peut être critiquée au nom de l'indépendance des
procédures, puisse être remplacée par une jurisprudence constante de la
commission des dations - je ne remets absolument pas en cause son autorité, non
plus que celle de son très éminent président, le professeur Changeux - qui
aboutirait au même résultat.
Si vous pouviez vous engager dans cette voie, madame la ministre, et proposer
que cette réflexion soit entreprise, je serais prêt à retirer cet article. Si
vous pensez ne pas pouvoir aller jusque-là, afin d'armer votre courage, je
proposerai à notre assemblée de le voter.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Il est vrai, monsieur le
rapporteur, que vous aviez déjà retiré cette disposition lorsque vous l'aviez
déposée sous forme d'amendement en termes quasiment identiques sur la
proposition de loi relative aux trésors nationaux.
Vous venez de dire, en quelque sorte, ce que j'aurais pu dire moi-même pour
contester cette disposition et expliquer la position du Gouvernement.
Je veux néanmoins répéter devant votre assemblée que la procédure d'agrément
offre toutes les garanties nécessaires puisque le ministre du budget statue sur
proposition du ministre de la culture et de la communication, et au vu de
l'avis émis par une commission sur l'intérêt de l'oeuvre offerte et sa valeur
libératoire.
Hier encore, je rendais hommage au président de la commission, M. le
professeur Changeux, et à la commission dans son ensemble, qui fait un travail
absolument remarquable. Il n'y a donc aucune raison, à mes yeux, de modifier un
dispositif qui fonctionne de manière satisfaisante et qui a, d'ores et déjà,
contribué de manière substantielle, vous venez d'ailleurs vous-même de le
rappeler, à l'enrichissement des collections nationales.
Cette proposition de faire en sorte que les trésors nationaux soient admis en
paiement des droits de manière automatique et, en quelque sorte, « à guichet
ouvert », ne peut pas recueillir l'adhésion du Gouvernement. En effet, il n'est
pas envisageable que la possibilité offerte aux contribuables de régler
certains impôts par la remise de biens - et non en numéraire - soit de droit,
compte tenu de son caractère tout à fait exceptionnel et dérogatoire aux règles
fiscales et budgétaires de droit commun.
Je l'ai expliqué dans mon intervention liminaire et vous le savez vous-même,
nos concitoyens sont très sensibles à l'égalité devant l'impôt et à ce que
l'impôt représente la même chose pour tous les contribuables.
Par ailleurs, la procédure doit être mise en oeuvre de manière ciblée et
sélective pour conserver à la commission des dations une marge d'appréciation
sur l'intérêt muséal des oeuvres. Or, là on serait, en quelque sorte, en
contradiction.
Monsieur le rapporteur, je vous ai déjà proposé, à une autre occasion, de
retirer votre amendement et je ne vais tout de même pas vous demander
aujourd'hui de retirer cet article, bien que vous l'ayez vous-même suggéré. Si
vous considérez que j'ai besoin de courage - moi je ne le pense pas car, du
courage, j'en ai plein - je vous laisse libre, au vu des arguments que je viens
d'évoquer et de ceux que vous avez vous-même développés, de savoir ce qu'il
vous paraît nécessaire de faire en l'instant.
M. Yann Gaillard,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Yann Gaillard,
rapporteur.
Pourriez-vous au moins, madame la ministre, vous engager à
demander une étude sur la possibilité, pour la commission des dations,
d'établir une jurisprudence valable au-delà même de la simple procédure de
dation, dans l'hypothèse où notre système se compliquerait et s'enrichirait
afin que nous disposions d'un instrument de mesure valable en tout temps, en
tout lieu et pour toutes les procédures ?
Si vous pouviez accorder de l'intérêt à cette requête, je pourrais non pas
retirer l'article, car je n'en ai pas le pouvoir, mais montrer quelque
indifférence sur son sort...
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le rapporteur, je
ne comprends pas très bien quel engagement vous me demandez de prendre. En
fait, la commission des dations a déjà une jurisprudence à laquelle elle se
réfère. Si vous souhaitez, dans un souci de transparence, qu'elle soit
clairement établie - et je comprends que la représentation nationale y soit
attentive - je souscris à votre demande.
Je suis plus réservée quant à la possibilité d'aller au-delà, car la
commission des dations n'a pas vocation à juger de l'évolution du droit. Cette
prérogative revient au Gouvernement ou au législateur.
Cela étant, si l'analyse de la jurisprudence de la commission des dations peut
contribuer à ce débat, encore faut-il préciser le champ de l'étude. Mais je
suis un peu perplexe, car je ne comprends pas trop dans quel sens vous
souhaiteriez que cette étude soit faite.
M. Yann Gaillard,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Yann Gaillard,
rapporteur.
Je demande un vote à titre conservatoire, selon la méthode
que nous avons déjà employée.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
M. le président.
« Art. 7. - L'article 16 de la loi modifiée du 31 décembre 1913 sur les
monuments historiques est rédigé comme suit :
«
Art. 16
. - Les objets mobiliers appartenant à toute personne autre
que celles énumérés à l'article précédent peuvent être classés avec le
consentement de leur propriétaire par l'autorité administrative.
« L'autorité administrative peut présenter au propriétaire une proposition de
classement assortie d'une indemnité représentative du préjudice résultant de
l'application de la servitude de classement, fixée en fonction des prix
pratiqués sur les marchés national et international.
« Si le propriétaire n'accepte pas le montant de l'indemnité proposée dans un
délai de trois mois, l'autorité administrative fait procéder à une expertise
pour fixer le montant de l'indemnisation dans les conditions fixées
ci-après.
« L'autorité administrative et le propriétaire désignent respectivement un
expert. En cas de carence, le tribunal compétent de l'ordre judiciaire procède
à la désignation. Ces experts rendent un rapport conjoint dans un délai de
trois mois à compter de leur désignation.
« En cas de divergence entre ces experts, l'indemnité est fixée par un expert
désigné conjointement par l'autorité administrative et le propriétaire du bien
ou, à défaut d'accord, par le tribunal compétent de l'ordre judiciaire.
« A défaut de consentement du propriétaire, l'autorité administrative peut
faire procéder au classement d'office de l'objet par un décret en Conseil
d'Etat sur la base de l'indemnité déterminée dans les conditions prévues aux
quatrième et cinquième alinéas du présent article. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Yann Gaillard,
rapporteur.
Il s'agit là d'une mesure entièrement nouvelle, qui tend à se
substituer à un dispositif contenu dans la proposition de loi n° 469 tendant à
limiter les effets de la jurisprudence « Walter » sur laquelle je ne reviens
pas puisque notre collègue M. Bordas en a très savamment parlé tout à
l'heure.
L'idée est d'instituer, sur le modèle de ce qui doit être mis en place pour
l'acquisition par l'Etat de trésors nationaux - je me réfère à la très
intéressante proposition de loi de notre collègue M. Lagauche - une procédure
d'expertise contradictoire sous contrôle du juge du préjudice consécutif au
classement d'office, afin de permettre à l'Etat de ne prendre une mesure de
classement d'office d'objets d'art mobiliers en mains privées qu'après
détermination de l'indemnité due au propriétaire.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
L'avis du Gouvernement est
défavorable, car M. Gaillard propose de créer, avant toute décision de
classement, une procédure contradictoire entre l'Etat et le propriétaire du
bien, destinée à déterminer le montant de l'indemnité représentative du
préjudice résultant du classement.
Je voudrais préciser qu'il n'est pas certain qu'un tel dispositif permette à
l'administration d'être mieux informée qu'elle ne l'est actuellement des prix
du marché international de l'art, au moment de la prise de décision du
classement.
En outre, la modification proposée de la procédure de classement d'office
renverse les principes généraux de la responsabilité et de l'indemnisation en
matière de servitudes administratives. En effet, cette proposition crée une
procédure préalable et systématique d'indemnisation d'un préjudice éventuel
résultant d'une décision future de classement.
De plus, elle semble supprimer le recours au juge pour déterminer le principe
de l'indemnité et fixer le montant de l'indemnité.
Cette solution, peu conforme aux principes généraux du droit, ne me semble pas
pouvoir être retenue.
Enfin, je voudrais rappeler que la création prochaine d'une procédure
d'estimation et d'acquisition de gré à gré des trésors nationaux, à l'issue de
la réforme en cours de la loi du 31 décembre 1992 sur la circulation des biens
culturels, devrait rendre sans intérêt, dans la pratique, le recours à la
procédure de classement d'office, prévue à l'article 16 de la loi de 1913.
En effet, il est permis de penser que le recours au classement d'office, pour
éviter la sortie du territoire de trésors nationaux, demeurera tout à fait
rarissime.
C'est la raison pour laquelle je pense que, même si nous pouvons en débattre,
cet article deviendra sans objet.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Chapitre III
Dispositions relatives
au mécénat d'entreprise
Article 8
M. le président.
« Art. 8. - I. - L'article 238
bis
0-A du code général des impôts est
rédigé comme suit :
«
Art. 238
bis
0-A.
Les entreprises qui achètent, à compter du
1er janvier 2001, des objets mobiliers classés avec le consentement de leur
propriétaire en application de la loi modifiée du 31 décembre 1913 et les
inscrivent à un compte d'actif immobilisé, peuvent déduire du résultat de
l'exercice d'acquisition et des neuf années suivantes, par fractions égales,
une somme égale au prix d'acquisition.
« La déduction ainsi effectuée au titre de chaque exercice ne peut excéder la
limite mentionnée au premier alinéa du 2 de l'article 238
bis,
minorée
du total des déductions mentionnées à l'article 238
bis
A du code
général des impôts.
« Pour bénéficier de la déduction prévue au premier alinéa, l'entreprise doit
exposer au public le bien qu'elle a acquis dans un musée national, un musée
classé ou contrôlé ou tout autre établissement agréé par le ministre chargé de
la culture, pendant au moins trois ans à compter de l'acquisition.
« L'entreprise doit inscrire à un compte de réserve spéciale au passif du
bilan une somme égale à la déduction opérée en application du premier alinéa.
Cette somme est réintégrée au résultat en cas de non-respect de l'obligation
prévue à l'alinéa précédent, de cession de l'oeuvre ou de prélèvements sur le
compte de réserve. »
« II. - Le premier alinéa de l'article 238
bis
AB du code général des
impôts est rédigé comme suit :
« Les entreprises qui achètent, à compter du 1er janvier 2001 des oeuvres
originales d'artistes vivants et les inscrivent à un compte d'actif immobilisé,
peuvent déduire du résultat de l'exercice d'acquisition et des quatre années
suivantes, par fractions égales, une somme égale au prix d'acquisition. »
« III. - Les troisième et quatrième alinéas de l'article 238
bis
AB du
code général des impôts sont rédigés comme suit :
« Pour bénéficier de la déduction prévue au premier alinéa, l'entreprise doit
exposer au public le bien quelle a acquis, dans un musée national, un musé
classé ou contrôlé ou tout autre établissement agréé par le ministre chargé de
la culture, pendant au moins un an à compter de l'acquisition.
« L'entreprise doit inscrire à un compte de réserve spéciale au passif du
bilan une somme égale à la déduction opérée en application du premier alinéa.
Cette somme est réintégrée au résultat en cas de non respect de l'obligation
prévue à l'alinéa précédent, de cession de l'oeuvre ou de prélèvement sur le
compte de réserve. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Yann Gaillard,
rapporteur.
Cet article a déjà été présenté et voté par le Sénat en
première partie du projet de loi de finances pour 2000. Il a pour objet
d'assouplir le régime fiscal des achats d'oeuvres d'art ancien et contemporain
par les entreprises.
Il prévoit la suppression de l'obligation de cession des oeuvres d'art ancien
à l'issue d'une période de dix ans, qui sont donc acquises en pleine
propriété.
Il raccourcit le délai de déduction des achats d'oeuvres d'art contemporain de
dix à cinq ans.
Il substitue à la contrainte d'exposition permanente au grand public une
obligation de prêt à un musée pour une durée comprise, selon la nature de
l'oeuvre, entre un an et trois ans.
Il s'agit de revenir sur le dispositif existant, qui procède d'une loi du 23
juillet 1987, qui a été pratiquement sans effet parce qu'elle n'était
absolument pas compatible avec la marche des entreprises et qu'elle ne
présentait pas pour celles-ci un intérêt quelconque.
J'ai déjà très longuement exposé cette affaire au Sénat, trop longuement, car
je me rappelle, lorsque j'avais présenté cet amendement, m'être fait
réprimander par M. Gaudin qui présidait la séance, Je n'insisterai pas plus, ne
voulant pas être à nouveau réprimandé, cette fois par vous, monsieur le
président !
M. le président.
Il n'est pas dans mes habitudes de réprimander mes collègues !
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Je suis d'accord avec
l'objectif recherché qui est de réformer de manière significative un dispositif
qui date de 1987 et qui n'a jamais été utilisé.
Cela étant, si nous sommes d'accord sur le constat, nous divergeons sur les
causes de l'échec du régime actuel et les moyens de l'améliorer.
A cet égard, c'est la contrainte d'exposition permanente au public qui me
paraît constituer l'obstacle principal au plein effet des dispositions de
l'article 238
bis
OA. C'est donc cette condition que je vous propose de
réexaminer dans le cadre d'une prochaine loi de finances.
En revanche, il me paraît fondamental de continuer à subordonner l'application
du régime de déduction fiscale à la remise du bien à l'Etat au terme d'un délai
maximum de dix ans et, par conséquent, de conserver le régime de l'agrément qui
en constitue le support juridique.
J'ai eu la même analyse sur le dispositif qui concerne les oeuvres originales
d'artistes vivants, s'agissant notamment de la contrainte d'exposition au
public qui doit être assouplie.
J'émets donc un avis défavorable sur les deux propositions contenues dans
l'article 8, qui me paraissent prématurées et doivent être réexaminées à mon
sens sur le plan technique et dans le cadre de la loi de 1913.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Article 9
M. le président.
« Art. 9. - La perte de recettes résultant des dispositions de la présente
proposition de loi est compensée à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Yann Gaillard,
rapporteur.
Il s'agit du gage.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Trautmann,
ministre de la culture et de la communication.
Je suis bien entendu
défavorable à cet article.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
Intitulé
M. le président.
La commission des finances propose de rédiger comme suit l'intitulé de la
proposition de loi : « Proposition de loi portant diverses mesures fiscales
tendant au développement du marché de l'art et à la protection du patrimoine
national. »
Il n'y a pas d'opposition ?...
L'intitulé de la proposition de loi est ainsi rédigé.
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission, je donne
la parole à M. Lagauche, pour explication de vote.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition
de loi qui nous est soumise, excellement présentée par M. Yann Gaillard,
manifeste le souci des sénateurs d'alléger la charge de l'Etat en matière de
défense du patrimoine national.
Le groupe socialiste n'est pas fermé à cette préoccupation, croyez-le bien,
mais tient, pour sa part, à défendre un souci de cohérence qui nous empêche de
suivre les propositions qui sont offertes à notre vote.
En ce qui concerne les achats d'oeuvres d'art par les entreprises, par
exemple, nous pensons qu'il n'est pas pertinent de traiter aujourd'hui des
questions de plafonds de déductibilité relatives aux dépenses de mécénat, alors
même que nous sommes, semble-t-il, à la veille d'engager une réflexion
d'ensemble sur le mécénat d'entreprise.
Ainsi, ne faut-il pas envisager, dès maintenant, l'extension des conditions
offertes au mécénat d'entreprise à des entreprises qui, pour le moment, se
trouvent, dans la pratique, exclues de ces conditions du simple fait de leur
taille ?
Par ailleurs, nous sommes tout à fait d'accord pour améliorer la protection du
patrimoine artistique national et pour développer le marché de l'art, qui jour
un rôle croissant dans les économies modernes. Mais lorsque l'on nous propose
d'alléger certaines charges pesant sur le marché de l'art, notamment en
assouplissant, même ponctuellement, le régime de la dation, comme M. Gaillard
nous le propose dans sa proposition de loi, ne remet-on pas en cause le
principe même de la dation, qui, parce qu'elle constitue un paiement, doit
aboutir à l'enrichissement immédiat des collections publiques ?
En ce qui concerne les incitations fiscales aux dons d'oeuvres d'art à l'Etat,
serait-il normal et juste que les acquéreurs de telles oeuvres d'art puissent
bénéficier de crédits d'impôt de solidarité sur un impôt tel que l'impôt de
solidarité sur la fortune ? Nous ne le pensons pas.
Quant à l'octroi d'avantages fiscaux aux oeuvres classées, tels qu'exonération
ou diminution de droits de mutation, fondés sur un régime d'inscription à
l'inventaire supplémentaire des monuments historiques pour les objets mobiliers
en mains privées, alors que le régime actuel de l'inscription à l'inventaire
supplémentaire ne concerne que les objets en mains publiques, ne
constituerait-il pas une brèche dangereuse de privation larvée dans un
dispositif qui, pourtant, a largement faits ses preuves ?
Certes, le patrimoine national ne se confond pas avec le seul patrimoine
détenu par l'Etat. Mais attendre du jeu naturel des successions ou des actes de
générosité, c'est-à-dire, finalement, du temps parce que les trésors nationaux
finiront bien, en fin de compte, par rejoindre le patrimoine public est un pari
peut-être jouable mais qui n'est pas dans la nature d'un Etat actif, mécène,
volontaire et dynamique tel que l'a été, le plus souvent, l'Etat français.
Comme par ailleurs nous nous acheminons vers le renforcement des moyens mis à
la disposition des acteurs du marché de l'art pour développer celui-ci dans la
continuité des acquis dont nous avons tout lieu de nous féliciter, vous l'aurez
compris, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le
groupe socialiste rejettera la proposition de loi qui nous est soumise.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des finances sur
les propositions de loi n°s 468 et 469 (1998-1999).
Je suis saisi d'une demande de scrutin émanant du groupe du RPR.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
40:
Nombre de votants | 315 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 216 |
Contre | 99 |
8
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président.
J'ai reçu de M. Guy Cabanel, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom
de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi tendant à favoriser l'égal
accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions
électives.
Le rapport sera imprimé sous le n° 263 est distribué.
9
COMMUNICATION
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le mardi 14 mars 2000, de neuf heures à treize heures et de quinze heures à seize heures quarante-cinq, le forum des Sénats du monde se réunira dans notre hémicycle.
10
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mercredi 15 mars 2000, à quinze heures :
1. Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 195, 1999-2000),
modifié par l'Assemblée nationale, relatif à l'élection des sénateurs.
Rapport (n° 260, 1999-2000) de M. Paul Girod, fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mardi 14 mars 2000, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements à ce projet de loi : mardi 14 mars
2000, à dix-sept heures.
2. Discussion du projet de loi organique (n° 235 rectifié, 1999-2000)
modifiant le nombre de sénateurs.
Rapport (n° 261, 1999-2000) de M. Paul Girod, fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale.
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble.
3. Discussion du projet de loi (n° 236 rectifié, 1999-2000) modifiant la
répartition des sièges de sénateurs.
Rapport (n° 261, 1999-2000) de M. Paul Girod, fait au nom de la commission des
lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale.
La conférence des présidents a décidé qu'il serait procédé à une discussion
générale commune de ces deux textes.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale
commune : mardi 14 mars 2000, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements à ces deux projets de loi : mardi
14 mars 2000, à dix-sept heures.
Délais limites
pour le dépôt des amendements
Proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la
protection des trésors nationaux et modifiant la loi n° 92-1477 du 31 décembre
1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à
la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane
(n° 253, 1999-2000).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 20 mars 2000, à dix-sept
heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'élargissement du
conseil d'administration de la société Air France et aux relations de cette
société avec l'Etat, et portant modification du code de l'aviation civile (n°
254, 1999-2000).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 20 mars 2000, à dix-sept
heures.
Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture, relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les
administrations (n° 256, 1999-2000).
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 20 mars 2000, à dix-sept
heures.
Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième
lecture, relatif à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage (n° 243,
1999-2000).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 21 mars 2000, à dix-sept
heures.
Projet de loi relatif à l'organisation de la consultation de la population de
Mayotte (n° 237, 1999-2000).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 22 mars 2000, à dix-sept
heures.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à la
reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre
l'humanité (n° 234, 1998-1999).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 22 mars 2000, à dix-sept
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures cinquante.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
M. Guy Fischer a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 230
(1999-2000) relative aux ex-fonctionnaires d'Afrique du Nord, anciens
combattants et rapatriés.
COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL,
DU RÈGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
M. Jean-Jacques Hyest a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 241
(1999-2000), modifiée par l'Assemblée nationale, relative à l'attribution de la
prestation compensatoire en cas de divorce (en remplacement de M. Daniel
Hoeffel).
M. Jean-Pierre Schosteck a été nommé rapporteur de la proposition de loi n°
244 (1999-2000), adoptée par l'Assemblée nationale, instaurant une Journée
nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de
l'Etat français et d'hommage aux Justes de France.
M. Georges Othily a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 245
(1999-2000), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la validation
législative d'un examen professionnel d'accès au grade de premier surveillant
des services extérieurs de l'administration pénitentiaire.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Mesures en faveur des femmes
746.
- 9 mars 2000. -
Mme Marie-Claude Beaudeau
attire l'attention de
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
sur la nécessité de rechercher l'ensemble des mesures nécessaires pour aboutir
à une égalité réelle des hommes et des femmes au plan professionnel, à celui de
leurs salaires, de leurs conditions de travail, de leurs droits aux loisirs, au
logement, à la santé, à la culture... Elle lui fait remarquer que la garde,
l'éducation des enfants, la vie familiale sont des facteurs constituant encore
trop souvent des obstacles à l'accès aux responsabilités permettant l'égalité.
Elle lui demande de lui faire connaître les mesures qu'elle envisage pour
améliorer les possibilités de garde des enfants en offrant aux femmes salariés
une plus grande diversité et choix du mode de garde, un plus grand nombre de
places, des aides financières renforcées et des tarifs plus accessibles.
Système autoroutier
747.
- 9 mars 2000. -
M. Paul Masson
demande à
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement
de bien vouloir lui faire connaître les conclusions des négociations avec la
Commission européenne sur les modalités d'un allongement de la durée des
concessions autoroutières et les procédures qu'il envisage pour inscrire à
l'ordre du jour des débats au Parlement le texte réformant le système
autoroutier français.
Création d'un délit d'entrave
à la perception du péage
748.
- 9 mars 2000. -
M. Jacques Oudin
demande à
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement
s'il envisage la création d'un délit spécifique d'entrave à la perception du
péage qui permettrait aux sociétés d'économie mixte concessionnaires de se
faire rembourser les préjudices causés par les manifestations dont elles sont
victimes. En effet, entre 1995 et 1998, chaque année plus de 350 manifestations
de diverses catégories (agriculteurs, chasseurs, chauffeurs routiers,
chômeurs...) sans lien avec l'exploitation des autoroutes ont pris pour cadre
les barrières de péage pour exprimer leurs revendications. Ces manifestants
s'opposant à la perception du péage, il en résulte une perte de recette
annuelle moyenne de 70 millions de francs, soit environ 200 000 francs par
manifestation.
Situation des praticiens
de la fondation Hôpital Saint-Joseph-de-Marseille
749.
- 9 mars 2000. -
M. Francis Giraud
appelle l'attention de
Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale
sur les difficultés rencontrées notamment par les 282 praticiens de la
fondation Hôpital-Saint-Joseph-de-Marseille dans leur exercice libéral. La
fondation Hôpital-Saint-Joseph, établissement de santé à but non lucratif,
anciennement soumis à un prix de journée préfectoral a opté pour un financement
par la dotation globale. Ce choix n'avait jusqu'à présent en rien modifié les
modalités de l'exercice libéral de ces praticiens. Or, l'agence régionale de
l'hospitalisation (ARH) a, en raison des dispositions comprises dans les
circulaires des 15 novembre et 23 décembre 1999, inclus les honoraires des
praticiens libéraux dans la dotation globale alors que ceux-ci ont adhéré à la
convention nationale des médecins puis au règlement minimal conventionnel. En
conséquence, il lui demande de lui apporter tous les éclaircissements sur cette
affaire et notamment sur la comptabilité entre le nouveau dispositif mis en
place, la convention nationale et les articles pertinents du code de la santé
publique.
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du jeudi 9 mars 2000
SCRUTIN (n° 39)
sur l'ensemble de la proposition de loi organique portant diverses mesures en
faveur des collectivités forestières sinistrées par la tempête de décembre
1999.
Nombre de votants : | 289 |
Nombre de suffrages exprimés : | 289 |
Pour : | 196 |
Contre : | 93 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (17) :
Contre :
17.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
N'ont pas pris part au vote :
23.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
98.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
GROUPE SOCIALISTE (77) :
Contre :
76.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Guy Allouche, qui présidait la
séance.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
52.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :
Pour :
46.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
N'ont pas pris part au vote :
7.
Ont voté pour
Nicolas About
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Charles Jolibois
André Jourdain
Alain Joyandet
Roger Karoutchi
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Jacques Oudin
Michel Pelchat
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Ont voté contre
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Gérard Collomb
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
N'ont pas pris part au vote
François Abadie
Philippe Adnot
Jean-Michel Baylet
Georges Berchet
Jacques Bimbenet
André Boyer
Guy-Pierre Cabanel
Yvon Collin
Philippe Darniche
Gérard Delfau
Fernand Demilly
Jacques Donnay
Hubert Durand-Chastel
Jean-Pierre Fourcade
Alfred Foy
Jean François-Poncet
Paul Girod
Pierre Jeambrun
Bernard Joly
Pierre Laffitte
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Georges Othily
Lylian Payet
Jacques Pelletier
Jean-Marie Rausch
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Alex Türk
André Vallet
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Guy Allouche, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 290 |
Nombre de suffrages exprimés : | 290 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 146 |
Pour l'adoption : | 196 |
Contre : | 94 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 40)
sur l'ensemble de la proposition de loi portant diverses mesures fiscales
tendant au développement du marché de l'art et à la protection du patrimoine
national.
Nombre de votants : | 319 |
Nombre de suffrages exprimés : | 319 |
Pour : | 221 |
Contre : | 98 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (17) :
Contre :
17.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
18.
Contre :
5. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer,
Yvon Collin et Gérard Delfau.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
98.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
GROUPE SOCIALISTE (77) :
Contre :
76.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Guy Allouche, qui présidait la
séance.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
52.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :
Pour :
46.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
7.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Jacques Donnay
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Roger Karoutchi
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Jean-Jacques Robert
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Ont voté contre
François Abadie
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Yvon Collin
Gérard Collomb
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
Louis Le Pensec
Pierre Lefebvre
André Lejeune
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Jean-Luc Mélenchon
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Paul Raoult
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
N'ont pas pris part au vote
MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Guy Allouche, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 315 |
Nombre de suffrages exprimés : | 315 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 158 |
Pour l'adoption : | 216 |
Contre : | 99 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.