Séance du 9 mars 2000







M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Monsieur le ministre de l'économie et des finances, c'est à vous que s'adresse ma question mais peut-être devrais-je la poser plutôt à M. le Premier ministre, qui est monté en ligne pour annoncer une nouvelle politique fiscale.
Sans être aussi sévère que Le Monde de ce soir qui titre : « La grande panne du ministère des finances », je veux tout de même signaler qu'avec 45,7 % de prélèvements obligatoires la France se situe à un niveau jamais atteint, un véritable sommet !
Face à un tel taux, vous devez agir, mais votre action s'engage dans de très mauvaises conditions.
D'abord, vous devez naviguer entre les contradictions de la gauche plurielle à propos de cette nouvelle politique fiscale. Ensuite, vous ne vous êtes donné pour horizon que les échéances électorales. Enfin, la réduction des impôts que vous annoncez est si limitée que, à la fin de l'année 2000, même si quelques impôts ont effectivement baissé, les Français auront globalement subi plus de prélèvements et leur taux aura encore augmenté.
La méthode est tout à fait mauvaise, et cela me conduit à vous poser trois questions.
Premièrement, quel est votre calendrier en matière de nouvelle politique fiscale ?
Deuxièmement, respecterez-vous les droits du Parlement de débattre et de choisir entre les options de cette nouvelle politique fiscale ?
Troisièmement, comment surmonterez-vous les contradictions ?
Il est possible et souhaitable de combiner les objectifs d'équité fiscale et de dynamisme économique. Pour cela, plusieurs pistes doivent être suivies, et notamment la baisse de la TVA, la réforme de l'impôt sur le revenu des personnes physiques - en intégrant la CSG dans la réflexion -, l'introduction dans le dispositif même de l'impôt sur le revenu de mesures d'incitation pour les investisseurs, pour les épargnants et pour les chefs d'entreprise.
Dans les rangs socialistes quelques voix s'élèvent aujourd'hui qui proposent de nouvelles dépenses. Mais comment réduire les impôts - ce que tous les Français attendent - si vous n'engagez pas une réelle politique de maîtrise des dépenses publiques ? (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, nous avons connu, vous vous en souvenez sûrement - c'était entre 1993 et 1997 - les impôts contre la croissance et contre l'emploi. (Protestations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Pour la qualification à l'euro !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce fut la hausse de deux points de la TVA, qui a porté un coup fatal à une reprise en train de s'installer.
M. Jean-Pierre Raffarin. Quelle ingratitude pour l'euro !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Aujourd'hui, nous vivons une situation toute différente : les impôts qui rentrent dans les caisses de l'Etat viennent de la croissance,...
M. Jean-Pierre Raffarin. Vous cherchez la bagarre ! Ce n'est pas sérieux !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... et cela notamment parce que nous avons pris des mesures en faveur de l'emploi. Je me permets de le rappeler parce que vous semblez l'avoir oublié.
Nous avons procédé à la baisse de la taxe professionnelle, dont ont bénéficié les artisans, les commerçants et les petites et moyennes entreprises,...
M. Jean-Pierre Raffarin. Vous les négligez !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... ainsi qu'à la baisse de la TVA sur les travaux d'entretien. Celle-ci a contribué au dynamisme d'une activité qui, entre 1993 et 1997, était en jachère.
M. Alain Lambert. Le produit de l'impôt augmente quand même !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. A partir de janvier 2000, nous avons quasiment supprimé le droit de bail, impôt qui pesait particulièrement sur les locataires les plus modestes.
M. Jean-Pierre Raffarin. Répondez à la question !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous avons réduit les frais de notaire, ce qui encourage l'accession à la propriété de toutes les familles.
M. Jean-Pierre Raffarin. Mais les impôts augmentent !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous allons continuer à procéder à des baisses d'impôts à la fois justes et utiles.
M. Dominique Braye. Mais les Français paient toujours plus !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Les baisses d'impôts ne constituent pas un objectif en soi. Il faut qu'elles concourent à la justice fiscale et au développement de l'emploi.
Les décisions visant à atteindre ces objectifs seront prises à ciel ouvert. (Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Alain Lambert. Il serait temps !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Dès le printemps prochain, un collectif budgétaire vous sera soumis pour que vous puissiez juger...
M. Alain Lambert. On ne les voit pas, les baisses d'impôts !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... et décider de l'affectation des recettes fiscales supplémentaires. Les droits du Parlement seront donc parfaitement respectés.
Pour ce qui est des contradictions, moi, j'ai entendu un ancien Premier ministre de votre bord dire que l'opposition n'avait pas formulé de propositions depuis trois ans. Peut-être ce jugement est-il sévère, mais je crois que les propositions sont effectivement de notre côté...
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est l'augmentation qui est de votre côté !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... et vous le constaterez lors du débat sur le collectif du printemps prochain comme lors de l'examen des projets de loi de finances pour 2001 et 2002. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Je me félicite que toutes les questions et toutes les réponses aient pu bénéficier de la retransmission télévisée, et cela grâce au respect par chacun des intervenants de son temps de parole.
Avant d'aborder la suite de l'ordre du jour, nous allons interrrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Guy Allouche.)