Séance du 4 avril 2000
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Modification de l'ordre du jour
(p.
1
).
3.
Décisions du Conseil constitutionnel
(p.
2
).
4.
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
(p.
3
).
5.
Questions orales
(p.
4
).
SITUATION DES PRATICIENS DE LA FONDATION
HÔPITAL SAINT-JOSEPH DE MARSEILLE (p.
5
)
Question de M. Francis Giraud. - Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés ; M. Francis Giraud.
SITUATION DES ÉTABLISSEMENTS D'ACCUEIL
POUR LES HANDICAPÉS (p.
6
)
Question de Mme Janine Bardou. - Mmes Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés ; Janine Bardou.
RÉGLEMENTATION APPLICABLE
AUX ATELIERS PROTÉGÉS (p.
7
)
Question de M. Jacques Machet. - Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés ; M. Jacques Machet.
UTILISATION DES INSTALLATIONS SANITAIRES DU RÉGIME
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE MINIÈRE (p.
8
)
Question de M. Pierre Lefebvre. - Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés ; M. Pierre Lefebvre.
SITUATION SCOLAIRE
DANS LE DÉPARTEMENT DE L'AUDE (p.
9
)
Question de M. Roland Courteau. - Mme DominiqueGillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés ; M. Roland Courteau.
CONDITIONS DE TRAVAIL DES AGENTS
DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE (p.
10
)
Question de M. Gérard Cornu. - MM. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ; Gérard Cornu.
RÉFORME DE LA POSTE (p. 11 )
Question de M. Patrice Gélard. - MM. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ; Patrice Gélard.
GRÈVE DE TRÉSORERIES (p. 12 )
Question de M. Pierre Hérisson. - MM. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ; Pierre Hérisson.
SYSTÈME AUTOROUTIER (p. 13 )
Question de M. Paul Masson. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Paul Masson.
CRÉATION D'UN DÉLIT D'ENTRAVE
À LA PERCEPTION DU PÉAGE (p.
14
)
Question de M. Jacques Oudin. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Jacques Oudin.
CONTRAT DE PLAN ÉTAT-RÉGION
DANS LE LIMOUSIN (p.
15
)
Question de M. Georges Mouly. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Georges Mouly.
AÉROPORT INTERNATIONAL DE BEAUVILLIERS (p. 16 )
Question de M. Gérard Larcher. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Gérard Larcher.
AIDE AUX PRODUCTEURS DE POMMES (p. 17 )
Question de M. Jean Huchon. - MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Jean Huchon.
INSTALLATION DE MATÉRIELS DE SÉCURITÉ
AUTOUR DES PISCINES À USAGE PRIVATIF (p.
18
)
Question de M. Jean-Pierre Raffarin. - MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Jean-Pierre Raffarin.
COÛT DU RECYCLAGE DES DÉCHETS
POUR LES COMMUNES (p.
19
)
Question de M. Guy Vissac. - Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; M. Guy Vissac.
LUTTE CONTRE LA MULTIPLICATION
DES RAGONDINS (p.
20
)
Question de M. Jean-Pierre Demerliat. - Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; M. Jean-Pierre Demerliat.
Suspension et reprise de la séance (p. 21 )
6.
Communication de M. le président de l'Assemblée nationale
(p.
22
).
7.
Démission de membres de commissions et candidatures
(p.
23
).
Suspension et reprise de la séance (p. 24 )
8. Présomption d'innocence et droits des victimes. - Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxièmelecture (p. 25 ).
Article 19 bis A (p. 26 )
Amendement n° 114 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel Charasse, Charles
Jolibois, rapporteur de la commission des lois ; Mme Elisabeth Guigou, garde
des sceaux, ministre de la justice ; M. le président, Mme Hélène Luc. -
Retrait.
Adoption de l'article.
Article 19 bis (p. 27 )
Amendement n° 42 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Alain Vasselle. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Articles additionnels après l'article 19 bis (p. 28 )
Amendements n°s 88 rectifié de M. Alain Vasselle, 141 à 143 de M. Michel Charasse. - MM. Alain Vasselle, Michel Charasse, Jacques Larché, président de la commission des lois. - Retrait des quatre amendements.
Article 20 (p. 29 )
Amendements n°s 43 à 45 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des
sceaux. - Adoption des trois amendements.
Adoption de l'article modifié.
Article 20
bis (supprimé)
Article 21 (p.
30
)
Amendement n° 46 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article additionnel après l'article 21 (p. 31 )
Amendement n° 131 rectifié de M. Michel Charasse repris par la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Michel Charasse. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Articles 21 bis A et 21 bis B (supprimés)
9.
Validation législative.
- Adoption d'une proposition de loi (p.
32
).
Discussion générale : Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la
justice ; M. Georges Othily, rapporteur de la commission des lois.
Clôture de la discussion générale.
Article unique (p. 33 )
MM. Robert Bret, Simon Sutour.
Adoption de l'article unique de la proposition de loi.
10.
Lutte contre la corruption.
- Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire (p.
34
).
Discussion générale : M. José Balarello, rapporteur pour le Sénat de la
commission mixte paritaire ; Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre
de la justice.
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire (p.
35
)
Vote sur l'ensemble (p.
36
)
M. Robert Bret.
Adoption du projet de loi.
Suspension et reprise de la séance (p. 37 )
11. Présomption d'innocence et droits des victimes. - Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxièmelecture (p. 38 ).
Article 21 ter (p. 39 )
Amendement n° 47 de la commission. - M. CharlesJolibois, rapporteur de la commission des lois ; Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 21
quinquies
. - Adoption (p.
40
)
Intitulé du chapitre III
bis
et article 21
sexies
(p.
41
)
Amendements n°s 48 et 49 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Réserve de l'amendement n° 48 ; adoption des deux amendements supprimant l'article, la division et son intitulé.
Article 21
septies (supprimé)
Article 21
octies
(p.
42
)
Amendement n° 50 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux,
MM. Robert Bret, JacquesLarché, président de la commission des lois. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 21 octies (p. 43 )
Amendement n° 51 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 21
nonies
A. - Adoption (p.
44
)
Article 21
nonies
B (p.
45
)
Article 380-1 du code de procédure pénale. -
Adoption (p.
46
)
Article 380-2 du code de procédure pénale
(p.
47
)
Amendements n°s 52 de la commission et 115 de M. Robert Badinter. - MM. le rapporteur, Michel Charasse, Mme le garde des sceaux. - Retrait de l'amendement n° 115, adoption de l'amendement n° 52 rédigeant l'article du code.
Articles 380-3 et 380-4 du code de procédure pénale. -
Adoption (p.
48
)
Article additionnel après l'article 380-4
du code de procédure pénale
(p.
49
)
Amendement n° 53 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel du code.
Article 380-5 du code de procédure pénale (p. 50 )
Amendement n° 54 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
- Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article 380-6 du code de procédure pénale. - Adoption
(p.
51
)
Article 380-7 du code de procédure pénale
(p.
52
)
Amendement n° 55 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
- Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article 380-8 du code de procédure pénale. - Adoption
(p.
53
)
Article 380-9 du code de procédure pénale
(p.
54
)
Amendement n° 56 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
- Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article 380-10 du code de procédure pénale (p. 55 )
Amendement n° 57 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux,
M. Michel Charasse. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Articles 380-11 et 380-12
du code de procédure pénale. - Adoption
(p.
56
)
Article 380-13 du code de procédure pénale
(p.
57
)
Amendement n° 58 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
- Adoption.
Amendement n° 59 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
- Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article 380-14 du code de procédure pénale (p. 58 )
Amendement n° 60 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
- Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Adoption de l'article 21
nonies
B modifié.
Demande de priorité (p. 59 )
Demande de priorité des articles 2 G, 2 bis A, 2 bis B, 2 ter et 2 D. - M. le président de la commission, Mme le garde des sceaux. - La priorité est ordonnée.
Article 2 G
(supprimé) (précédemment réservé)
Article 2
bis
A
(précédemment réservé)
(p.
60
)
M. Christian Bonnet.
Amendements n°s 92 de M. Hubert Haenel, 4 de la commission et sous-amendement
n° 155 de M. Robert Bret ; amendements n°s 107 à 109 de M.
MichelDreyfus-Schmidt. - MM. Hubert Haenel, le rapporteur, Michel Charasse, Mme
le garde des sceaux, MM. Robert Bret, Jean Chérioux, Patrice Gélard, Pierre
Fauchon. - Retrait des amendements n°s 4 et 107 à 109, le sous-amendement n°
155 devenant sans objet ; adoption de l'amendement n° 92 supprimant l'article.
Article 2
bis
B
(précédemment réservé).
- Adoption
Article 2
ter (précédemment réservé)
(p.
61
)
Amendement n° 5 de la commission. - M. le rapporteur. - Retrait.
Rejet de l'article.
Article 2 D (précédemment réservé) (p. 62 )
Amendement n° 3 de la commission, sous-amendements n°s 177 rectifié et 183
(priorité)
de M. Jacques Larché. - MM. le rapporteur, Pierre Fauchon,
Jacques Larché, Mme le garde des sceaux, MM. Hubert Haenel, Robert Bret, Michel
Charasse. - Demande de priorité du sous-amendement n° 183 ; retrait du
sous-amendement n° 177 rectifié ; adoption du sous-amendement n° 183 et de
l'amendement n° 3 modifié.
Adoption de l'article modifié.
Suspension et reprise de la séance (p. 63 )
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
12.
Nomination de membres de commissions
(p.
64
).
13.
Présomption d'innocence et droits des victimes.
- Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture (p.
65
).
Article 21 nonies (p. 66 )
Amendement n° 61 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
- Adoption.
Amendement n° 62 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
- Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 21 decies A (p. 67 )
Amendement n° 63 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 21
decies
B. - Adoption (p.
68
)
Article 21
decies
(p.
69
)
Amendement n° 64 de la commission. - M. le rapporteur Mme le garde des sceaux.
- Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 21
undecies
A. - Adoption (p.
70
)
Articles additionnels après l'article 21
undecies
(p.
71
)
Amendements n°s 144 à 149 de M. Michel Charasse. - MM. Michel Charasse, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Retrait des six amendements.
Intitulé du chapitre III
quinquies
et article 21
terdecies
(p.
72
)
Amendement n° 170 du Gouvernement. - Mme le garde des sceaux, M. le rapporteur.
- Réserve.
Amendement n° 171 rectifié du Gouvernement et sous-amendements n°s 176, 178 de
la commission et 182 de M. Robert Badinter ; amendements n°s 116 de M. Robert
Badinter et 65 de la commission. - Mme le garde des sceaux, MM. le rapporteur,
Michel Charasse, Patrice Gélard. - Retrait des amendements n°s 65, 116 et du
sous-amendement n° 178 ; adoption des sous-amendements n°s 176, 182 et de
l'amendement n° 171 rectifié modifié rédigeant l'article.
Amendement n° 170
(précédemment réservé)
du Gouvernement. - Adoption de
l'amendement rédigeant l'intitulé.
Articles additionnels avant l'article 22 A
ou après l'article 27 (p.
73
)
Amendement n° 66 de la commission et sous-amendement n° 185 de M. Patrice Gélard ; amendement n° 169 rectifié du Gouvernement et sous-amendement n° 179 de M. Patrice Gélard ; amendements n°s 118 à 125 de M. Robert Badinter. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Patrice Gélard, Michel Charasse, Louis de Broissia. - Retrait des amendements n°s 118 à 125 et 66, le sous-amendement n° 185 devenant sans objet ; rejet du sous-amendement n° 179 ; adoption de l'amendement n° 169 rectifié insérant un article additionnel avant l'article 22 A.
Article 22 A (p. 74 )
Amendement n° 67 de la commission. - MM. le rapporteur, Michel Charasse, Mme le garde des sceaux, MM. Michel Charasse, Louis de Broissia, Pierre Fauchon. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Article 22 (p. 75 )
Amendement n° 91 de M. Louis de Broissia. - MM. Louis de Broissia, le
rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 25. - Adoption (p.
76
)
Articles additionnels après l'article 25 (p.
77
)
Amendement n° 150 de M. Michel Charasse. - MM. Michel Charasse, le rapporteur,
Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article addi-
tionnel.
Amendement n° 151 rectifié de M. Michel Charasse. - MM. Michel Charasse, le
rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un
article additionnel.
Articles 25
bis
et 25
ter (supprimés)
Article additionnel après l'article 25
ter
(p.
78
)
Amendement n° 94 de M. Patrice Gélard. - MM. Patrice Gélard, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Retrait.
Articles 26, 26
bis
et 27. - Adoption (p.
79
)
Article additionnel après l'article 27 (p.
80
)
Amendement n° 136 rectifié de M. Michel Charasse. - MM. Michel Charasse, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Articles 28 et 28
ter.
- Adoption (p.
81
)
Article additionnel avant l'article 28
quinquies
et article 28
quinquies
(p.
82
)
Amendements n°s 163 à 165 de M. Robert Bret et 68 (priorité) de la commission. - MM. Robert Bret, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption, après une demande de priorité, de l'amendement n° 68 rédigeant l'article 28 quinquies, les amendements n°s 163 à 165 devenant sans objet.
Article additionnel après l'article 28 quinquies (p. 83 )
Amendement n° 166 de M. Robert Bret. - Devenu sans objet.
Article 28 sexies (p. 84 )
Amendement n° 184 du Gouvernerment. - Mme le garde des sceaux, M. le
rapporteur. - Adoption.
Amendement n° 69 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
- Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 28
sexies
ou après l'article 33 (p.
85
)
Amendements n°s 70 de la commission et 127 de M. Michel Charasse. - MM. le rapporteur, Michel Charasse, Mme le garde des sceaux. - Retrait de l'amendement n° 127 ; adoption de l'amendement n° 70 insérant un article additionnel.
Article 29 A. - Adoption (p.
86
)
Article additionnel après l'article 29 B (p.
87
)
Amendement n° 89 rectifié de M. Louis de Broissia. - MM. Louis de Broissia, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Patrice Gélard, Pierre Fauchon, Philippe Nogrix, Michel Charasse. - Retrait.
Article additionnel après l'article 31 (p. 88 )
Amendement n° 90 de M. Louis de Broissia. - MM. Louis de Broissia, le rapporteur. - Retrait.
Articles 31
septies
et 31
octies
A. - Adoption (p.
89
)
Articles additionnels avant l'article 32 A (p.
90
)
Amendements n°s 99 rectifié de M. Michel Charasse et 101 à 104 de M. Michel
Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel Charasse, le rapporteur. - Retrait des cinq
amendements.
Renvoi de la suite de la discussion.
14.
Transmission d'un projet de loi organique
(p.
91
).
15.
Transmission de projets de loi
(p.
92
).
16.
Texte soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
93
).
17.
Ordre du jour
(p.
94
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président.
Je vous rappelle que l'ordre du jour prioritaire de la séance d'aujourd'hui a
été modifié par le Gouvernement, en accord avec la commission des lois, et
s'établit désormais comme suit :
A neuf heures trente :
- Seize questions orales ;
A seize heures :
- Suite de la deuxième lecture du projet de loi renforçant la protection de la
présomption d'innocence ;
A dix-sept heures et, éventuellement, le soir :
- Proposition de loi relative à la validation législative d'un examen d'accès
à l'administration pénitentiaire ;
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à
la lutte contre la corruption ;
- Suite de la deuxième lecture du projet de loi renforçant la protection de la
présomption d'innocence.
La deuxième lecture de la proposition de loi relative à la prestation
compensatoire a été reportée au mercredi 5 avril après-midi.
3
DÉCISIONS
DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
M. le président.
M. le Président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel,
par lettres en date du 30 mars 2000, le texte des décisions rendues par le
Conseil constitutionnel qui concernent la conformité à la Constitution de la
loi organique relative aux incompatibilités entre mandats électoraux et de la
loi relative à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions
et à leurs conditions d'exercice.
Acte est donné de ces communications.
Ces décisions du Conseil constitutionnel seront publiées au
Journal
officiel
, édition des lois et décrets.
4
DÉPÔT D'UN RAPPORT
DU GOUVERNEMENT
M. le président.
M. le président a reçu de M. le Premier ministre le rapport triennal au
Parlement sur l'enfance maltraitée, en application de l'article 17 de la loi n°
89-487 du 10 juillet 1989.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
5
QUESTIONS ORALES
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
SITUATION DES PRATICIENS DE LA FONDATION
HÔPITAL SAINT-JOSEPH DE MARSEILLE
M. le président.
La parole est à M. Francis Giraud, auteur de la question n° 749, adressée à
Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
M. Francis Giraud,
Madame le secrétaire d'Etat, je souhaite appeler votre attention sur la
situation des 282 médecins libéraux exerçant dans un établissement de santé
privé, à but non lucratif, la fondation Hôpital Saint-Joseph à Marseille, et,
bien entendu, de tous ceux qui exercent dans les mêmes conditions sur le
territoire national.
Accordez-moi tout d'abord une remarque : j'interviens auprès de vous, madame
le secrétaire d'Etat, en faveur de confrères libéraux. Je me sens d'autant plus
à l'aise pour le faire qu'ayant été durant toute ma vie professionnelle un
médecin hospitalo-universitaire, j'ai renoncé à exercer moi-même sous un mode
libéral, comme la réglementation m'y autorisait.
Permettez-moi encore de rappeler le contexte dans lequel le problème
s'inscrit. En France, les hôpitaux rencontrent actuellement deux phènomènes
inquiétants concernant les médecins.
D'une part, des postes de praticiens hospitaliers ouverts ne sont pas pourvus
faute de candidats.
D'autre part, des praticiens hospitaliers, qui ont acquis une compétence et
une technicité indiscutables dans de nombreuses disciplines, quittent l'hôpital
pour rejoindre le secteur libéral, mieux payé et plus motivant.
La fondation Hôpital Saint-Joseph, établissement de santé à but non lucratif,
anciennement soumis à un prix de journée préfectoral, a opté pour un
financement par la dotation globale. Que l'établissement fût géré au prix de
journée ou financé par la dotation globale depuis 1998, les médecins libéraux
ont continué, jusqu'au 1er janvier 2000, à être rémunérés à l'acte par la
sécurité sociale, en vertu des conventions qu'ils avaient signées avec la CNAM,
la Caisse nationale de l'assurance maladie.
Or les circulaires du 15 novembre et du 23 décembre 1999 ont modifié leur mode
de rémunération. Leurs honoraires sont désormais inclus dans la dotation
globale de fonctionnement. Ils deviennent, en quelque sorte
ex abrupto
,
salariés de l'hôpital.
Comment concilier le nouveau dispositif mis en place au titre des deux
circulaires et les dispositifs des textes qui les concernent et qui sont
toujours en vigueur ?
En effet, la convention nationale et le règlement minimal conventionnel
auxquels ils ont adhéré les lient jusqu'à ce jour dans leur exercice médical et
ne peuvent être rompus unilatéralement.
Les récents mouvements sociaux du secteur hospitalier, expression d'un réel
malaise, ont montré qu'il est impératif de doter les établissements publics de
santé en moyens humains et financiers adaptés. Est-il opportun de modifier, au
même moment, les modalités de rémunération des médecins libéraux
d'établissements de santé privés, mais à but non lucratif, au risque de
démotiver à leur tour ces personnels ?
Que répondre, en effet, à ces médecins légitimement inquiets pour leur avenir
?
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
Monsieur le sénateur,
vous avez tout d'abord appelé mon attention sur la situation de la fondation
Hôpital Saint-Joseph, à Marseille.
Cet établissement, antérieurement placé sous le régime de financement « par
prix de journée préfectoral », a décidé d'opter pour le régime de financement
par dotation globale à compter du 1er janvier 1998. Ce choix a été fait en
septembre 1996.
Il découle de la notion de dotation globale que toutes les dépenses prises en
charge par les régimes d'assurance maladie à l'occasion de l'hospitalisation
des patients des établissements de santé qui relèvent de ce mode de financement
sont couvertes par cette dotation. Les rémunérations afférentes aux actes
accomplis par les médecins auxquels les hospitalisés ont eu recours sont donc à
la charge des établissements considérés.
Dans sa décision du 7 mai 1999, qui s'impose à tous, le Conseil d'Etat a
indiqué sans ambiguïté que « les honoraires médicaux constituent pour les
établissements de santé publics ou privés une charge d'exploitation du budget
général couverte par la dotation globale ».
Jusqu'au 1er janvier 2000, les règles antérieures relatives aux honoraires ont
été maintenues dans l'attente de l'issue du recours contentieux formé devant le
Conseil d'Etat, justement par la fondation Hôpital Saint-Joseph.
Les circulaires du 15 novembre et du 23 décembre 1999 tirant les conclusions
de cette décision de justice ont indiqué aux agences régionales de
l'hospitalisation les conditions d'achèvement de la réforme du financement des
établissements à prix de journée. Ainsi, les dépenses afférentes notamment à la
rémunération des médecins sont désormais intégrées dans la dotation globale de
ces établissements.
Enfin, il convient de préciser que si, pour des raisons qui lui appartiennent,
l'hôpital Saint-Joseph, qui a librement opté pour ce mode de financement,
estime aujourd'hui que le régime de la dotation globale ne lui convient plus il
peut solliciter le bénéfice du régime du contrat avec l'agence régionale de
l'hospitalisation prévu pour les cliniques privées. Il serait alors soumis au
mode de financement qui leur est propre. Le choix existe donc toujours.
J'en viens à vos observations sur les conditions d'exercice à l'hôpital
public, ayant bien noté que, pour votre part, vous aviez fait le choix exclusif
du service public.
Lors des récentes discussions que Martine Aubry et moi-même avons eues avec
les représentants des médecins notamment, nous avons affirmé la volonté du
Gouvernement de valoriser ce choix exclusif de l'exercice public par
l'attribution d'une prime destinée à compenser le bénéfice que les praticiens
hospitaliers peuvent tirer d'une pratique libérale à l'hôpital.
Par ailleurs, le Gouvernement oeuvre à la revalorisation de la fonction
hospitalière, avec une accélération de la carrière des jeunes praticiens afin
que ces derniers trouvent plus attractive la fonction à l'hôpital.
De même, la prime multisite visant à étendre la couverture médicale aux
différents hopitaux qui sont aujourd'hui mal pourvus du fait de leur faible
attractivité ou d'une organisation difficile du service à l'hôpital a été
confirmée et fait l'objet d'une valorisation et d'une incitation forte.
Je pense donc que l'amélioration des conditions de travail à l'hôpital, dont
bénéficieront également les professionnels hospitaliers non médicaux, devrait
concourir à redonner à l'hôpital public toute son attractivité. Ainsi seront
garanties une meilleure couverture des besoins au regard des inégalités de
santé pouvant être constatées, une amélioration de la qualité des soins et de
la sécurité, ainsi qu'une amélioration assez notable des conditions de travail,
ce qui devrait satisfaire tout le monde.
J'espère donc, monsieur le sénateur, que, dans votre circonscription, les
négociations en cours et les groupes de travail visant à la mise en oeuvre des
deux protocoles signés au début du mois de mars vont concourir à l'amélioration
que vous avez appelée de vos voeux.
M. Francis Giraud.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Francis Giraud.
M. Francis Giraud.
Je tiens à remercier Mme la secrétaire d'Etat de sa réponse. J'ai bien noté le
choix qu'a à faire cet établissement. Je me permets toutefois de rappeler que
les médecins avaient signé à titre individuel un engagement dans le cadre de la
convention avec la Caisse nationale de l'assurance maladie, la CNAM, et que
l'on assiste, si je puis dire, à une rupture unilatérale de cet engagement.
SITUATION DES ÉTABLISSEMENTS D'ACCUEIL
POUR LES HANDICAPÉS
M. le président.
La parole est à Mme Bardou, auteur de la question n° 755, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Janine Bardou.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
réforme de l'organisation de la protection sociale, mise en oeuvre par les
ordonnances de 1996, a instauré une régionalisation de la gestion des
établissements de santé. Depuis lors, les agences régionales de
l'hospitalisation étendent progressivement leur compétence aux établissements
médico-sociaux.
La répartition régionale des dotations budgétaires et du nombre de lits, pour
positive qu'elle soit, risque de remettre en cause la politique dynamique et
novatrice de certains départements, dont la Lozère.
Il serait regrettable que la régionalisation de la gestion, pour nécessaire
qu'elle soit, remette en cause l'existence même d'un certain nombre
d'établissements de qualité, au motif que le ratio régional du nombre de lits
par habitant est dépassé et alors même que, sur le plan national, le nombre
d'établissements pour handicapés reste insuffisant.
Ne pourrait-on pas envisager, à ce titre, que soit maintenue une enveloppe
budgétaire nationale qui tendrait à compenser les frais entraînés par la prise
en charge dans une région des personnes venues d'autres régions dépourvues de
moyens d'accueil ?
Par ailleurs, le passage aux 35 heures va entraîner une baisse de 10 % du
temps de travail dans ces établissements, baisse qui ne sera compensée qu'à
hauteur de 6 % par un recrutement de personnels supplémentaires.
Cette diminution de 4 % du temps consacré aux handicapés n'est guère
compatible avec l'objectif de maintenir les prestations rendues aux usagers.
Quelles mesures envisagez-vous de prendre, madame la secrétaire d'Etat, pour
que la qualité des soins et de l'encadrement soit préservée ?
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
Madame la sénatrice, les
dispositions du décret n° 94-1046 du 6 décembre 1994 donnent effectivement
compétence aux préfets de région pour répartir les ressources entre les
départements chargés de la tarification des établissements sociaux et
médico-sociaux ; les agences régionales de l'hospitalisation n'interviennent
pas dans ce champ.
La mise en oeuvre déconcentrée du plan pluriannuel pour adultes lourdement
handicapés, qui va se développer de 1999 à 2003, s'appuie sur une programmation
pilotée par les directions régionales des affaires sanitaires et sociales, en
articulation très étroite avec les directions départementales des affaires
sanitaires et sociales, et reflète donc les besoins des départements.
La répartition des capacités supplémentaires et des moyens financiers
correspondants vise un double objectif de rééquilibrage en termes de niveau
d'équipement mais également de soutien à une prise en charge adaptée et proche
de la famille.
La priorité accordée par le Gouvernement au développement du secteur social et
médico-social se traduit par des moyens nouveaux élevés, dans le cadre de la
loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000,
en faveur de la prise en charge des personnes âgées dépendantes et des
personnes handicapées. Ainsi, les moyens consacrés par l'assurance maladie à ce
secteur augmenteront de 4,9 % en 2000, contre 2,3 % pour le secteur
sanitaire.
Afin d'amplifier cette politique, des mesures nouvelles très importantes ont
été annoncées, le 25 janvier dernier, par le Premier ministre : il s'agit,
d'une part, de la mobilisation de 2,5 milliards de francs pour favoriser la
prise en charge des personnes handicapées et, d'autre part, de l'engagement,
d'ici à la fin de la législature, d'une réforme profonde de la prestation
spécifique dépendance, réforme qui sera accompagnée par le développement d'un
plan pluriannuel de médicalisation des établissements et des services pour les
personnes âgées, à concurrence de plus de 7 milliards de francs sur cinq
ans.
L'application de la réduction du temps de travail au secteur sanitaire, social
et médico-social privé comporte des spécificités, notamment en termes de
financement public, de prise en charge des personnes fragiles et de continuité
du service dispensé à ces personnes, spécificités qui doivent être prises en
compte dans la négociation collective, afin de parvenir à des accords
équilibrés ne remettant pas en cause la qualité du service rendu, à laquelle
nous sommes très attachées.
Ces préconisations ont été retenues dans les accords de branche et dans les
accords conventionnels ou d'établissements que les partenaires sociaux du
secteur ont négociés et qui ont été agréés par les services du ministère de
l'emploi et de la solidarité.
Ces accords garantissent en effet le maintien tant de la qualité du service
que du salaire. Ils organisent le financement de la réduction du temps de
travail en s'appuyant, d'une part, sur les aides incitatives et sur les
allégements de charges liés aux 35 heures, et, d'autre part, sur une modération
des évolutions salariales conventionnelles. C'est ainsi que, sur les 3 350
accords présentés à l'agrément, 2 188 ont été examinés et 1 673 d'entre eux
agréés, soit 76 %.
Pour ce qui concerne le département de la Lozère, sur les 28 dossiers
enregistrés par les services, 25 ont déjà été examinés et 21 ont été agréés.
Mme Janine Bardou.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou.
Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse. J'ai bien noté
que la plupart des dossiers présentés par la Lozère ont été agréés.
Je voudrais simplement revenir sur les ratios. Vous avez indiqué que vous
teniez à ce que les handicapés soient près de leur famille. J'en conviens tout
à fait. Mais le département de la Lozère accueille depuis quarante ans des
handicapés venant d'autres départements où n'existaient pas, à l'époque de la
prise en charge de cespersonnes, d'établissements pour handicapés. Or, les
familles sont extrêmement attachées à ce que les handicapés restent dans le
département de la Lozère. Et nous craignons toujours la remise en cause de ce
fameux domicile de secours. C'est pourquoi ma question abordait ce point.
RÉGLEMENTATION APPLICABLE
AUX ATELIERS PROTÉGÉS
M. le président.
La parole est à M. Machet, auteur de la question n° 750, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Jacques Machet.
Madame la secrétaire d'Etat, je me permets d'appeler votre attention sur les
vives préoccupations des responsables des ateliers protégés et entreprises de
travail adapté, qui emploient actuellement 16 000 salariés handicapés dans
notre pays.
Les intéressés sont très préoccupés par les conséquences de l'arrêt rendu par
la Cour de cassation le 29 juin 1999 condamnant une entreprise de travail
protégé à payer à l'un de ses salariés un avantage conventionnel, y compris sur
le complément de rémunération pourtant normalement apporté par l'Etat aux
termes des lois du 23 novembre 1957 et du 30 juin 1975. Il s'agit plus
particulièrement de la structure Bretagne-Ateliers et, au-delà, de l'ensemble
des ETA, les entreprises de travail adapté.
Cette décision, qui fait obligation aux ateliers protégés de prendre à leur
charge un avantage conventionnel ou complément de rémunération en lieu et place
de l'Etat, remet en cause la survie même de ces structures.
Par ailleurs, les responsables de ces entreprises de travail adapté craignent
vivement que l'application de l'article 16 de la loi du 19 janvier 2000
relative à l'aménagement et à la réduction du temps de travail n'aboutisse à
faire supporter par l'employeur l'ensemble des compléments de rémunération qui
étaient jusque-là à la charge de l'Etat.
Au-delà de cette difficulté majeure, les entreprises de travail adapté
réclament depuis plusieurs années la redéfinition de leurs missions et de leurs
moyens et aspirent à ce que l'actualisation du dispositif législatif et
réglementaire débouche sur un véritable statut d'entreprise de travail adapté,
qui pérennise le rôle qu'elles doivent exercer dans la cité.
C'est la raison pour laquelle je me permets de vous demander, madame la
secrétaire d'Etat, quelles réponses vous comptez apporter aux propositions du
groupement national des ateliers protégés, le GAP-UNETA, pour que l'engagement
de l'Etat soit réaffirmé, afin de mettre un terme à la situation créée par
l'arrêt de la Cour de cassation du 29 juin 1999, et pour que l'insertion
professionnelle, dont bénéficient heureusement les handicapés par leur statut
de salarié, ne soit pas remise en cause.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
Monsieur le sénateur,
vous évoquez une question qui, actuellement, nous préoccupe grandement.
Effectivement, les ateliers protégés, issus de la loi du 23 novembre 1957 sur
le reclassement des travailleurs handicapés, ont été conçus comme des unités de
production relevant d'une logique économique et non médico-sociale, à l'inverse
des centres d'aide par le travail qui, eux, accueillent des personnes plus
lourdement handicapées. Ils assument une mission sociale spécifique, liée à
l'emploi de 80 % de travailleurs handicapés au minimum. Ceux-ci trouvent dans
l'atelier protégé un lieu d'insertion professionnelle et, pour certains d'entre
eux, un lieu de préparation à l'intégration dans le milieu ordinaire
detravail.
Le soutien de l'Etat à la mission sociale des ateliers protégés se traduit par
une aide à la personne assurée par le mécanisme de la garantie de ressources du
travailleur handicapé visant à offrir aux intéressés une garantie de ressource
minimale, tout en compensant pour les employeurs les conséquences de la moindre
productivité liée au handicap. Cette aide de l'Etat, qui s'élève à 700 millions
de francs, sera complétée par une subvention annuelle d'un montant global de
160 millions de francs.
Vous évoquez, monsieur le sénateur, l'arrêt de la Cour de cassation de juin
1999 qui est venu rappeler que les travailleurs handicapés des ateliers
protégés devaient bénéficier des avantages prévus par les conventions
collectives, en l'occurrence la prime d'ancienneté.
La Cour de cassation a posé le principe que l'assiette de référence pour le
calcul de cet accessoire de salaire devait être l'intégralité de la ressource
garantie à ces travailleurs, et non la seule part salariale de leur
rému-nération.
Les conséquences à tirer de cette décision sont vraisemblablement très
importantes ; elles sont aujourd'hui à l'étude, afin d'en mesurer toute la
portée financière.
Si cela se révélait nécessaire, le Gouvernement pourrait présenter au
Parlement une disposition législative dans le cadre du futur projet de loi de
modernisation sociale, qui viendra bientôt en discussion au Sénat.
Plus généralement, les ateliers protégés connaissent des difficultés qui
tiennent notamment dans la délicate combinaison entre dispositions générales du
code du travail et dispositions liées à leur mission sociale. Pour identifier
et résoudre ces difficultés au bénéfice des ateliers protégés et répondre à la
demande des associations gestionnaires, qui ont souhaité une réflexion sur les
missions et les moyens des ateliers protégés, un groupe de travail issu du
Conseil supérieur pour le reclassement professionnel et social des travailleurs
handicapés a été mis en place au début de l'année.
Les résultats des travaux de ce groupe, dont je suis tenue régulièrement
informée parce que j'y suis très attachée, seront présentés devant ce même
Conseil supérieur et pourront, le cas échéant, donner lieu à des modifications
législatives ou réglementaires.
Enfin, comme le Premier ministre l'a annoncé le 25 janvier dernier, 100
millions de francs supplémentaires vont être dégagés sur trois ans, de 2001 à
2003, pour contribuer au renforcement et à la modernisation des ateliers
protégés, soit un accroissement de plus de 60 % de l'aide aujourd'hui
consentie.
Vous le voyez, les préoccupations émises par les représentants du secteur des
ateliers protégés sont bien connues et ont d'ores et déjà largement prises en
compte par le Gouvernement.
Nous comptons aller jusqu'au bout pour conforter ces structures, à la fois
dans leur rôle d'intégration au travail et dans leur fonction sociale.
M. Jacques Machet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet.
Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, des réponses que vous m'avez
apportées.
Je compte sur vous afin de donner à la mission que vous venez d'évoquer
devant nous les moyens de faire un bon travail et, surtout, d'intervenir assez
rapidement, car nos handicapés attendent.
UTILISATION DES INSTALLATIONS SANITAIRES
DU RÉGIME DE LA SÉCURITÉ SOCIALE MINIÈRE
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre, auteur de la question n° 759, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Pierre Lefebvre.
Madame la secrétaire d'Etat, je souhaite vous interroger sur les dispositions
susceptibles d'être mises en oeuvre pour assurer la pleine utilisation du
potentiel des installations sanitaires du régime de la sécurité sociale minière
dans le Nord - Pas-de-Calais.
Je ne citerai que quelques chiffres de ce potentiel : 160 dispensaires, 36
pharmacies, 39 cabinets dentaires, 13 services de radiologie.
Chacun sait que la durée de vie de ce régime particulier est liée à la
démographie de ses ressortissants. Mais on sait aussi que le Nord -
Pas-de-Calais souffre d'un sous-équipement médical, avec ses conséquences sur
l'état sanitaire de la population.
L'équipement médical, social et hospitalier de la sécurité sociale minière
permettrait de compenser en partie ce déficit.
Des propositions ont été formulées qui n'ont, jusqu'à présent, pas reçu de
suite ni même de réponse : projet d'ouverture réciproque entre le régime minier
et le régime général ; projet de création d'un réseau de soins du Nord -
Pas-de-Calais à partir d'une politique d'ouverture des oeuvres du régime minier
; projet élaboré par la caisse autonome, intitulé : « l'avenir du réseau de
soins miniers ».
Il semble, madame la secrétaire d'Etat, que le temps de la décision soit
venu.
Va-t-on laisser mourir le régime minier, avec son vaste réseau sanitaire et
social décentralisé et moderne, ou va-t-on lui permettre d'apporter au Nord -
Pas-de-Calais une contribution essentielle à l'amélioration de la protection de
la santé ?
Tel est bien l'enjeu sur lequel il me semble, madame la secrétaire d'Etat,
urgent de se prononcer.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
Monsieur le sénateur,
comme vous l'évoquez dans votre question, le régime minier dispose d'un vaste
réseau sanitaire et social, moderne et diversifié.
Ce réseau sanitaire et social des organismes de sécurité sociale minière est
incontestablement une richesse qu'il faut préserver, particulièrement dans la
région du Nord - Pas-de-Calais, où existent d'importants besoins sanitaires non
satisfaits.
Aujourd'hui, face à la diminution de la population minière, le potentiel
d'offre de soins que représente ce réseau et l'expérience qu'il a acquise
peuvent, en effet, contribuer à améliorer la prise en charge sanitaire de
l'ensemble de la population, minière ou non minière.
De nombreuses réalisations ont été mises en oeuvre, comme la polyclinique
d'Hénin-Beaumont, établissement neuf résultant du regroupement de trois
cliniques, ou encore la polyclinique de Riaumont, à Liévin, établissement
médico-chirurgical doté d'une maternité, d'un service de soins de suite et
regroupant l'ancienne clinique de Bully-les-Mines, l'hôpital gériatrique et
l'hôpital général. Ces établissements sont aujourd'hui ouverts à tous, quel que
soit leur régime d'assurance maladie.
D'autres réalisations pourraient être citées. Je pense ainsi aux
établissements de soins de suite à vocation gériatrique d'Escaudin et de
Fresnes, dans le bassin de vie du Hainaut, qui occupent une position de
référence dans le domaine des soins aux personnes âgées du Valenciennois.
Le secteur ambulatoire constitue depuis trente ans un modèle d'organisation
coordonnée des soins. Dans ce domaine aussi, l'expérience acquise doit être
valorisée. La société de secours minière du Pas-de-Calais vient d'ailleurs de
s'engager dans une coopération étroite avec la mutualité du Pas-de-Calais, dans
le domaine de l'optique et de la prothèse dentaire.
Le développement de la coopération et l'ouverture des oeuvres du régime sont
nos objectifs dans le cadre de la réflexion sur l'avenir du réseau. Vous savez
d'ailleurs que Martine Aubry et moi-même sommes très attachées au développement
des réseaux. La contribution du régime minier à la couverture des soins dans le
Nord - Pas-de-Calais est essentielle et il importe que les projets en cours
trouvent leur aboutissement, en partenariat avec l'ensemble des acteurs
concernés.
L'union régionale des sociétés de secours minières du Nord - Pas-de-Calais et
la société de secours minière du Pas-de-Calais achèvent de mettre au point un
projet de réseau de soins. Une forte concertation avec les personnels et les
conseils d'administration sera prochainement engagée sur ce projet,
concertation à laquelle nous serons très attentives.
Je vous informe, enfin, que le bureau du conseil d'administration de la caisse
autonome nationale recevra, dès ce mois-ci, les représentants des personnels,
afin d'aborder avec eux le sujet de l'avenir du régime minier et de son réseau
de soins sur tout le territoire.
J'espère, monsieur Lefebvre, que vous êtes ainsi rassuré sur notre volonté de
maintenir le potentiel et l'expérience acquise du réseau minier pour répondre
aux besoins de santé des habitants de la région Nord - Pas-de-Calais.
M. Pierre Lefebvre.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre.
Madame le secrétaire d'Etat, je tiens à vous remercier pour les informations
que vous m'avez apportées dans votre réponse.
Si je me suis permis d'insister pour que, rapidement, des décisions soient
prises, c'est bien parce que, de restructurations en restructurations, je
craignais que le déclin organisé de la sécurité sociale minière ne crée des
situations irréversibles qui seraient dommageables. Votre réponse me rassure
sur ce point.
SITUATION SCOLAIRE
DANS LE DÉPARTEMENT DE L'AUDE
M. le président.
La parole est à M. Courteau, auteur de la question n° 763, adressée à M. le
ministre de l'éducation nationale.
M. Roland Courteau.
Avant de poser ma question, je tiens à dire que je suis très heureux de
retrouver M. Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de
l'Etat, au banc du Gouvernement.
Dans une récente intervention, M. le Premier ministre reconnaissait que la
mission des enseignants était de plus en plus difficile et que la transmission
des savoirs était plus complexe qu'autrefois. Or, chacun ici en convient,
l'école doit contribuer à assurer à chacun sa juste place dans la société et,
donc, à aider les jeunes à se forger un avenir.
Même si cela a déjà été dit et redit, il me paraît nécessaire de le redire
encore : la mise en oeuvre d'une école de qualité constitue bien pour nos
jeunes la clé d'un avenir différent, en ouvrant à chacun d'eux un chemin vers
la réussite.
Que demandent, au fond, les enseignants, les parents et les élèves ? C'est
bien la transformation qualitative du service public d'éducation ! Ils
considèrent, en effet, que la transformation de l'école passe « par sa capacité
à mieux adapter l'enseignement aux besoins de chacun, ce qui nécessite aussi du
temps, de la formation, et donc des moyens ».
De la même manière, nombre d'enseignants m'ont fait part de leurs grandes
difficultés à apporter à chacun des élèves l'aide dont ils ont besoin. « Pour
pouvoir donner les mêmes chances à tous », m'indiquaient ceux d'une école de
l'Aude, « nous devons pouvoir offrir plus à ceux qui sont en situation d'échec.
C'est aussi pour cela que nous nous battons, pour obtenir des moyens
supplémentaires. »
Comment faire, en effet, lorsque les classes sont surchargées ou lorsque les
professeurs absents ne sont pas remplacés ?
Comment faire lorsque les cours de sciences, de technologie ou de langue sont
dispensés en classe entière et non en groupes de seize à dix-sept élèves ou
lorsque les horaires sont réduits
a minima
dans l'enseignement
artistique ?
Comment faire face a l'impossibilité d'offrir aux élèves en difficulté un
soutien scolaire et psychologique suffisant ?
Comment faire pour assurer l'égalité des chances pour tous si, dans le secteur
médico-social, on constate un manque certain de médecins scolaires,
d'infirmiers ou d'assistantes sociales ?
Je pourrais aussi évoquer les difficultés liées au nombre insuffisant de
personnels administratifs, y compris dans les zones d'éducation prioritaires,
ou encore d'agents de service ou de personnels d'encadrement, comme c'est le
cas dans certains établissements de l'Aude.
Cette situation est mal vécue dans l'académie de Montpellier et dans le
département de l'Aude, où l'on déplore, en matière de moyens, un retard bien
réel par rapport à d'autres académies.
Certes, enseignants et parents ont bien constaté la volonté du Premier
ministre de dialoguer et de prendre en compte leurs préoccupations. Ils ont
aussi enregistré « la fin du dogme du gel de l'emploi public et l'engagement du
Gouvernement dans une démarche pour un plan pluriannuel ».
S'il est vrai que la ligne tracée est bien celle de la qualité du service
public, il importe de concilier les objectifs et les moyens financiers et de
mettre en place un véritable plan de développement.
Pour l'heure, nous souhaitons que ce plan pluriannuel soit mieux précisé et
permette de dégager les moyens suffisants pour garantir les évolutions
nécessaires à un service public d'éducation de qualité.
Des questions sont donc posées : quelle sera la durée de ce plan ? Quels
crédits supplémentaires y seront affectés ? Combien de créations d'emplois
comportera-t-il ? Quelle sera la politique éducative du Gouvernement ?
Enfin, pour conclure, en ce qui concerne l'académie de Montpellier et le
département de l'Aude, quelles dispositions le Gouvernement entend-il mettre en
oeuvre pour répondre à l'attente des élèves, des familles et des personnels de
l'éducation nationale ?
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
Monsieur le sénateur,
vous avez attiré l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la
situation du département de l'Aude, qui se trouve, cette année, confronté à un
certain nombre de difficultés, notamment en matière de taux d'encadrement ou de
remplacement, dans le premier degré en particulier.
M. Jack Lang m'a chargée de vous assurer qu'il est particulièrement attentif à
cette situation, comme d'ailleurs à celle des autres départements de l'académie
de Montpellier qui, comme vous le savez, vont également solliciter de sa part
un traitement spécifique.
Pour ce qui concerne le département de l'Aude, l'une des raisons des problèmes
rencontrés tient au différentiel d'élèves important repéré entre le nombre
prévisionnel d'élèves établi l'an dernier et les élèves effectivement
scolarisés à la rentrée 1999, ce qui aura des répercussions pour la rentrée
2000 : ce différentiel a atteint près de trois cents unités, ce qui est quand
même considérable à l'échelle d'un département.
Dès sa prise de fonction, M. Jack Lang a décidé de rouvrir, en liaison avec le
recteur de l'académie de Montpellier et les inspecteurs d'académie, des
concertations approfondies destinées, dans un premier temps, à corriger dès la
rentrée 2000 les principaux dysfonctionnements que vous avez soulignés et, dans
un second temps, à élaborer un plan d'accompagnement sur trois ans des
évolutions pédagogiques et structurelles souhaitées.
Je vous encourage, monsieur le sénateur, à adhérer à la méthode et au
processus mis en oeuvre par le ministre de l'éducation nationale et à
participer à cette large concertation : le projet va se développer sur trois
ans et devrait répondre aux besoins et aux préoccupations exprimées dans le
secteur scolaire de votre département.
M. Roland Courteau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau.
Monsieur le président, je voudrais remercier Mme le secrétaire d'Etat et lui
dire que nous faisons confiance au Gouvernement pour que l'école, lieu de
savoir, lieu de formation à la réflexion critique et à la pensée autonome de
l'élève puisse accomplir ses missions en faisant en sorte que les chances de
réussite soient les mêmes pour tous.
CONDITIONS DE TRAVAIL DES AGENTS
DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE
M. le président.
Monsieur le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, j'ai
le plaisir de saluer votre première venue au Sénat dans vos nouvelles
fonctions.
Je forme le voeu, avec tous mes collègues, que nous travaillions ensemble avec
le meilleur esprit de compréhension mutuelle et dans la recherche constante du
dialogue républicain entre le Sénat et le Gouvernement que vous représentez
aujourd'hui.
Nous attachons beaucoup d'importance à la participation des ministres
compétents aux séances de questions orales. Je vous remercie donc de votre
présence à notre séance d'aujourd'hui à laquelle les auteurs de questions
seront, je pense, sensibles.
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Je vous
remercie, monsieur le président.
M. le président.
La parole est à M. Cornu, auteur de la question n° 765, adressée à M. le
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
M. Gérard Cornu.
Monsieur le ministre, je tiens à mon tour à vous adresser mes souhaits de
bienvenue, d'autant plus que je suis sénateur d'une région dont vous êtes
encore le président à ce jour. Vous avez toujours fait preuve de pragmatisme ;
j'espère qu'il en sera de même dans vos nouvelles fonctions, notamment à
l'occasion de la réponse que vous allez apporter à ma question.
Il s'agit d'une question dont j'ai été saisi par le maire d'une petite commune
rurale sur la situation d'un de ses agents titulaires à temps partiel.
Ce dernier est employé par le service des eaux de la commune en tant que
surveillant depuis dix ans. Par ailleurs, entrepreneur de travaux agricoles et
ruraux, il effectue, en cette qualité, des réparations sur le réseau.
Or, il se trouve qu'à l'occasion de la délivrance du visa des comptes de
gestion, le trésorier-payeur général a fait valoir que cet état de fait n'était
pas acceptable. Autrement dit, il a fallu dix ans de service dans ces
conditions pour se rendre compte que cet état de fait inacceptable.
En effet, l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 pose le principe selon
lequel « les fonctionnaires consacrent l'intégralité de leur activité
professionnelle aux tâches qui leur sont confiées ». L'interdiction de cumul
souffre certes quelques dérogations : production d'oeuvres scientifiques,
littéraires ou artistiques, activités d'enseignement, d'expertise ou de
consultation. Mais il se trouve que l'intéressé ne peut y prétendre.
De plus, le trésorier-payeur général a cru bon de souligner que l'agent,
effectuant en outre, dans le cadre de son activité privée, des réparations sur
le service des eaux, pourrait être exposé au délit de prise illégale d'intérêt
et voir sa neutralité et son indépendance mises en doute. Ainsi a-t-il demandé
à la municipalité de régulariser sa situation.
Le maire est très ennuyé. Il fait valoir de son côté que cet agent,
n'effectuant que huit heures hebdomadaires, ne peut raisonnablement pas vivre
de ce seul emploi et que la conjugaison de ces deux activités est gage
d'efficacité et de réduction des coûts pour la commune. Cette situation, je le
rappelle, dure depuis dix ans et donne satisfaction à tout le monde.
En se mettant en conformité avec la loi, la commune va, de fait, pénaliser cet
agent.
Monsieur le ministre, j'ai salué votre pragmatisme en tant que président de la
région Centre, j'espère que vous n'allez pas vous en départir en tant que
ministre. Je vous demande donc s'il n'y aurait pas lieu de prévoir, pour les
cas de cette espèce, un assouplissement de la règle en vigueur instaurant un
seuil de tolérance dès lors que l'activité à temps partiel confiée à l'agent ne
suffit pas à assurer sa subsistance.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Permettez-moi tout d'abord, monsieur le président, de vous dire combien j'ai
apprécié les mots que vous avez prononcés pour saluer mon arrivée ici, sur ce
banc que je n'ai pas fréquenté depuis quelques années. J'ai profité de cette
disponibilité ministre pour conquérir et exercer quelques mandats locaux, ce
qui devrait aller droit au coeur des sénateurs, qui sont, comme chacun sait,
les représentants des collectivités territoriales.
Monsieur le président, je comprends l'exigence des sénateurs de tous les
groupes d'avoir pour interlocuteurs les ministres chargés des dossiers sur
lesquels vous les interrogez.
Pour ma part, je l'ai toujours fait avec beaucoup de plaisir. Je n'ai jamais
compté le nombre de journées et de nuits que j'ai passées en tant que
parlementaire au sein de commissions mixtes paritaires, pour faire aboutir un
certain nombre de textes, ou au titre de ministre en participant à nombre de
débats relatifs à la justice ou aux finances.
Monsieur le sénateur, je suis très honoré que ce soit un élu de la région
Centre qui soit le premier à m'interroger. Vous avez souligné ce que vous avez
bien voulu appeler mon pragmatisme. Je ne voudrais pas vous décevoir trop vite,
même si les réponses que je vais vous apporter commenceront par partir des
grands principes. Mais quand on parle de fonction publique, comme vous l'avez
fait vous-même, on doit partir d'un certain nombre de principes puis voir
comment ils pourraient être éventuellement adaptés pour être plus conformes aux
réalités de la vie quotidienne, en particulier dans les collectivités
territoriales.
La loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires
prévoit, ce qui est un grand principe ancien, que ces derniers doivent
consacrer l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur
ont été confiées et qu'ils ne peuvent donc exercer à titre professionnel une
activité privée lucrative de quelque nature que ce soit, sauf dérogations
exceptionnelles fixées par un décret en Conseil d'Etat.
Ce principe selon lequel il n'est pas possible de cumuler un emploi public et
une activité privée est au nombre de ceux qui permettent d'assurer - vous en
serez d'accord - la disponibilité, l'indépendance et l'impartialité des agents
en vue d'une bonne exécution du service public qui leur a été confié. Il
s'applique de manière identique - c'est là où réside la difficulté - aux agents
exerçant à temps complet et ceux qui exercent à temps partiel.
L'article 3 du décret-loi du 29 octobre 1936, qui s'applique toujours en
l'absence de décret pris en application de l'article 25 de la loi du 13 juillet
1983, précise toutefois que l'interdiction de cumul d'un emploi public avec une
activité privée ne s'applique ni à la production des oeuvres scientifiques,
littéraires ou artistiques, ni aux expertises et aux consultations effectuées
sur la demande d'une autorité administative ou judiciaire ou sur autorisation
de l'administration dont dépendent les agents, ni aux enseignements.
L'article L. 324-4 du code du travail place également hors du champ de
l'interdiction du cumul d'un emploi public avec une activité privée les «
travaux ménagers de peu d'importance effectués chez des particuliers pour leurs
besoins personnels ». Bien que cette disposition ne s'applique pas au cas que
vous avez indiqué, elle peut être utile pour nos collectivités territoriales ;
elle peut concerner un certain nombre d'agents employés à temps partiel dans
les collectivités territorailes.
La réglementation est différente en ce qui concerne le cumul d'emplois au sein
de l'administration. J'y fais allusion mais vous savez qu'il existe des
possibilités de cumuler des fonctions au sein de l'administration avec des
limitations.
De même, les centres de gestion de la fonction publique territoriale peuvent
mettre des fonctionnaires à disposition de plusieurs collectivités pour
accomplir auprès de chacune d'elles un service à temps non complet, ce qui peut
être une manière d'utiliser les compétences d'un agent dans plusieurs
collectivités territoriales.
Cela étant, conscient de certaines imperfections des textes actuellement en
vigueur et des problèmes posés par l'évolution des modes de gestion publique,
le Gouvernement a demandé au Conseil d'Etat voilà quelques mois de lui faire
des propositions d'adaptation de la réglementation en vigueur. Le rapport du
Conseil d'Etat lui ayant été remis, c'est sur la base de cette réflexion
qu'avec l'ensemble du Gouvernement je vais réfléchir aux dispositions qui
pourront être améliorées et que le Gouvernement arrêtera sa position à l'issue
d'un travail en cours mené par les différentes administrations concernées et
qui donnera lieu, bien entendu, à un dialogue avec les organisations d'élus,
s'agissant de la fonction publique territoriale.
C'est dans ce cadre, qui à la fois réaffirme les principes auxquels nous
sommes tous attachés et cherche à prendre en considération les difficultés
actuelles que ces principes et leur application peuvent faire surgir, que nous
allons essayer de travailler dans les mois qui viennent pour tenter de répondre
à des problèmes identiques à celui que vous avez bien voulu me soumettre.
M. Gérard Cornu.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu.
La réponse est d'ordre général et je comprends bien que M. Sapin, nouvellement
nommé au Gouvernement, ne puisse pas me donner une réponse plus précise.
Je suis forcément un peu déçu mais il m'a laissé entrevoir une proposition
d'adaptation : nous verrons à l'oeuvre M. le ministre sur cette question.
RÉFORME DE LA POSTE
M. le président.
La parole est à M. Gélard, auteur de la question n° 760, adressée à M. le
secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Patrice Gélard.
Actuellement, une restructuration des services de La Poste est en cours ; elle
est liée en grande partie, d'ailleurs, à l'application de la règle des
trente-cinq heures dans le service public de La Poste.
Cette restructuration prévoit de déconnecter les bureaux de poste et le
service de la distribution du courrier lorsque le tri et la distribution
étaient attachés à un bureau de poste. Dorénavant, le service de tri sera
centralisé, dépersonnalisant, dans une certaine mesure, la distribution du
courrier et les tournées.
D'ores et déjà, plusieurs communes de l'agglomération havraise et de la
Seine-Maritime sont visées par ce projet et, comme la très grande majorité des
Français, je suis attaché, en ce qui concerne La Poste, au maintien d'un
service public de qualité et de proximité.
Cette restructuration risque de dévitaliser le réseau de service public de
certaines communes et est organisée actuellement sans concertation étroite avec
les élus, les usagers et les communes concernées.
J'ai demandé au directeur départemental de La Poste, que j'ai rencontré
récemment, pourquoi les agents de La Poste ne pouvaient pas utiliser leur
véhicule personnel pour aller du centre de tri au lieu de distribution ; c'est
une revendication ancienne, qui n'a jamais abouti.
Monsieur le ministre, quels sont donc les projets du Gouvernement en ce qui
concerne la restructuration de La Poste ? Comment faire en sorte que la
concertation entre élus, usagers et fonctionnaires de ce service puisse
s'établir de façon plus concrète qu'à l'heure actuelle ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Monsieur le
sénateur, ce sujet qui touche à l'organisation de La Poste, vous le savez, est
de la compétence de M. Pierret qui aurait souhaité vous répondre lui-même. Mais
je me permettrai de vous donner en son lieu et place des éléments de réponse
que je souhaite les plus concrets possibles.
Comme vous l'avez indiqué, un accord a été signé en février 1999 sur
l'aménagement et la réduction du temps de travail à La Poste. Cet accord marque
une rupture importante par rapport à la période antérieure puisque 20 000
recrutements à temps plein sont prévus d'ici à la fin de l'année 2000, mettant
ainsi fin à la baisse régulière de l'emploi constatée précédemment dans les
services de La Poste.
Par ailleurs, 2 000 jeunes vont être formés en alternance pour assumer des
tâches ultérieurement au sein du service de La Poste.
Une diminution volontariste du nombre des personnes en contrat à durée
déterminée a également été engagée.
Cette inflexion significative de la politique d'emploi de l'exploitant public,
avec un dialogue social renouvelé - même s'il peut donner lieu parfois à des
difficultés - permet de renforcer de façon importante le nombre de postiers en
contact direct avec le public, améliorant ainsi, comme nous le souhaitons tous,
la qualité du service rendu.
La qualité du service postal est en effet au coeur des préoccupations du
Gouvernement et du ministre chargé de mettre en oeuvre les dispositions
adoptées.
Le Parlement a confié à La Poste, par la loi, que vous connaissez bien, du 25
juin dernier, des missions de service universel, avec des services réservés
importants, qui en assurent l'équilibre économique.
Dans ce secteur comme dans d'autres, le Gouvernement souhaite avoir une vision
ambitieuse du service universel.
Nous voulons en enrichir le contenu, notamment par un niveau de qualité élevé,
une meilleure accessibilité, sur l'ensemble du territoire national comme au
sein de la Communauté européenne.
La Poste doit donc rechercher la meilleure organisation possible de ses
services afin d'améliorer son efficacité et d'assurer partout, pour tous les
publics - quels qu'ils soient : zones rurales, zones urbaines - et sans
augmentation du prix du timbre, un service de qualité.
Monsieur le sénateur, ces mesures d'organisation interne, qui visent par
exemple, dans votre département, à regrouper au bureau du Havre aéroport,
établissement créé en juin 1999, les tournées de distribution rattachées
aujourd'hui à Octeville-sur-Mer et Sainte-Adresse, ne menaçent en rien
l'existence des bureaux de poste, qui sont indispensables à la proximité du
service public à laquelle nous sommes tous attachés.
Ces projets doivent naturellement être menés dans la plus grande transparence
possible, c'est-à-dire après la concertation préalable. C'est pourquoi une
commission de présence postale, dans laquelle les élus sont majoritairement
représentés, a été mise en place dans chaque département.
M. Christian Pierret a demandé à La Poste d'en réunir, avec leur accord, les
présidents d'ici à la fin juin pour effectuer un premier bilan et apporter les
améliorations qui seront nécessaires.
Cette commission doit contribuer à déterminer, au plus près de la réalité, les
moyens qui permettent de mieux répondre aux besoins des clients de La Poste.
L'objectif est clair et je pense qu'il nous est commun : faire bénéficier
l'ensemble du territoire d'une qualité de service toujours plus exigeante.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Je tiens à remercier M. le ministre des explications qu'il vient de me donner.
J'éprouve néanmoins encore quelques inquiétudes.
On sait que La Poste est en train de connaître une mutation technologique
importante. L'augmentation de la masse du courrier implique en effet la mise en
place de machines nouvelles et des restructurations. Le problème, c'est que ces
restructurations se font généralement d'un point de vue exclusivement
technologique et sans concertation préalable.
Je remercie donc M. le ministre de la déclaration qu'il vient de faire, selon
laquelle la transparence doit exister, assortie d'une concertation maximale
entre le personnel de La Poste, les usagers et les représentants des
collectivités territoriales. Ces propos sont de nature à nous rassurer.
J'ajoute que les personnes âgées sont très attachées à leur facteur. Elles
souhaitent voir toujours la même tête. C'est un élément important à prendre en
compte.
GRÈVE DE TRÉSORERIES
M. le président.
La parole est à M. Hérisson, auteur de la question n° 753, adressée à M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Pierre Hérisson.
Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur l'une des
conséquences de la très récente grève des trésoreries.
A la suite de la volonté exprimée par le Gouvernement de réorganiser les
services de l'administration fiscale, sont nées quelques perturbations, qui ont
pris des proportions importantes sur l'ensemble du territoire et qui ont causé
de graves préjudices aux entrepreneurs, aux artisans et, d'une manière
générale, aux fournisseurs des collectivités publiques. Je note en revanche
que, partout, les salaires des fonctionnaires ont été versés dans des
conditions à peu près correctes.
Ces grèves ont une forte incidence sur l'exécution des marchés publics du fait
des règles que tous les partenaires doivent respecter. Les mandatements ont
pris un certain retard, et de petites entreprises qui ont pour clientes les
collectivités locales connaissent aujourd'hui, alors qu'elles commençaient à
redresser la tête après une longue période de manque d'activité, des
difficultés de trésorerie, d'autant que les banquiers ne font pas toujours
preuve de la compréhension qui serait pourtant nécessaire dans ce cas-là.
Monsieur le ministre, je vous demande donc de bien vouloir nous faire part des
mesures que vous envisagez de prendre non seulement pour combler les retards
accumulés, qui sont très importants dans certains départements, mais aussi pour
permettre le paiement et l'exécution des marchés par les collectivités
locales.
Ne pourrions-nous pas, monsieur le ministre, puisqu'il s'agit d'une situation
exceptionnelle, prendre des mesures exceptionnelles, par exemple en appliquant
une forme d'intérêt moratoire à la charge du responsable des retards de
paiement ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
En tant
qu'élu local, je suis bien conscient des difficultés qui ont été entraînées par
les perturbations occasionnées par les mouvements sociaux de ces dernières
semaines.
Si parfois ces perturbations ont pu avoir des conséquences considérées comme
heureuses par les contribuables - comme le report de la date de dépôt de leur
déclaration - les conséquences sont certes plus nombreuses et plus graves pour
les entreprises, en particulier pour les PME qui ont l'habitude de travailler
avec les collectivités territoriales et qui risquent de pâtir ou ont pâti de
retards de paiement.
Les grèves sont maintenant terminées, de sorte que les conséquences pour les
entreprises - que les services du Trésor public se sont attachés à réduire
autant qu'il a été possible, sans pour autant, loin de là, les effacer - ont
été cantonnées dans le temps. Maintenant, il s'agit de rattraper le retard de
la manière la plus efficace possible.
Pour compenser ces retards, les entreprises concernées bénéficient - aux
termes d'une instruction qui a été donnée par le ministre de l'économie et des
finances - du paiement prioritaire de leur créance. Il y a donc un tri entre
les créances pour faire en sorte que les entreprises qui rencontrent des
difficultés de trésorerie puissent voir le plus rapidement possible les
paiements effectivement honorés et le versement dans leur caisse effectué.
Si ce retour à la normale, qui doit être le plus rapide possible s'agissant
des paiements publics, ne permet pas d'exclure toutes les difficultés, il sera
possible aux entreprises de prendre contact avec les trésoriers-payeurs
généraux, qui ont reçu des instructions, pour étudier avec eux les mesures qui
seraient propres à atténuer l'impact de ces difficultés, telles que l'étalement
du paiement des dettes fiscales ou sociales dans le cadre de la commission des
chefs de services financiers et d'organismes de sécurité sociale, ou l'examen
d'ensemble de la situation de l'entreprise dans le cadre du comité
départemental d'examen des problèmes de financement des entreprises, le CODEFI,
ou du comité régional de restructuration industrielle, le CORRI.
Ainsi, monsieur le sénateur, les difficultés réelles qui ont été rencontrées
par ces PME pourront-elles, le plus rapidement possible, soit être surmontées
par un paiement effectif, soit être retardées et améliorées par l'étalement
dans le temps d'autres dettes que ces entreprises devraient normalement honorer
auprès des organismes de l'Etat ou de la sécurité sociale.
Je suis bien conscient de ces difficultés, vous aussi. Je crois que,
maintenant, elles sont derrière nous. A nous de faire en sorte qu'elles soient
effacées le plus rapidement possible.
M. Pierre Hérisson.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson.
Je souhaite tout d'abord vous remercier, monsieur le ministre, de la réponse
que vous m'avez apportée et de votre compréhension s'agissant de l'exécution
des marchés publics, c'est-à-dire aller jusqu'au paiement dès lors que les
travaux ont été réalisés dans des conditions satisfaisantes.
Je me félicite aussi d'apprendre, monsieur le ministre, que ces conflits
sociaux - j'en déduis donc y compris les grèves dans les trésoreries - sont
totalement derrière nous.
SYSTÈME AUTOROUTIER
M. le président.
La parole est à M. Masson, auteur de la question n° 747, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Paul Masson.
Monsieur le ministre, je suis ravi de reprendre notre dialogue sur l'A 19, sur
laquelle vous m'avez répondu déjà à deux reprises.
La première fois, il y a un an, vous me disiez que vous alliez lancer très
prochainement un nouvel avis de publicité pour la mise en concession de l'A 19.
Et la deuxième fois, un peu moins de onze mois après, vous avez indiqué que
vous cherchiez à garantir la fiabilité juridique du système.
Après une première réponse, vous avez demandé quelques mois de réflexion
supplémentaires pour instituer des règles très simples concernant les nouvelles
procédures que vous envisagiez de présenter très rapidement devant le
Parlement. Vous aviez d'ailleurs dit que vous aviez sollicité l'avis de la
Commission de Bruxelles sur l'allongement de la concession des SEMCA, les
sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroute ; vous le connaissez
depuis quelques jours. Ma question est donc simple : que comptez-vous faire
maintenant ?
Plus précisément, envisagez-vous de déposer un projet de loi devant le
Parlement assez vite comme vous le disiez à l'époque ? Peut-on espérer un appel
à candidatures avant l'été, comme vous le laissiez entendre voilà quelques mois
? Enfin, le concessionnaire pourra-t-il être désigné vers la fin de l'année ?
Ces questions sont simples, mais précises, monsieur le ministre.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
A une question
simple, je vais essayer de répondre simplement !
Monsieur le sénateur, les modalités de financement des infrastructures
autoroutières par le système de la concession, système qui a permis à notre
pays de se doter d'un réseau développé - il ne s'agit surtout pas de nier cette
avancée - ne correspondent plus, comme vous l'avez dit et comme je vous l'avais
moi-même indiqué, aux objectifs de transparence dans les choix
d'investissements publics imposés par l'évolution du contexte juridique,
notamment communautaire.
Le Gouvernement a donc été conduit à envisager une réforme du système de
financement des autoroutes qui devra notamment concerner les conditions de
fonctionnement des sociétés publiques d'autoroutes.
Les exigences de respect du droit de la concurrence, et donc d'égalité de
traitement des candidats concessionnaires, impliquent qu'ils soient placés dans
des situations comparables.
Compte tenu du fait que les règles européennes applicables en la matière sont
complexes et qu'elles ne sont pas encore complètement stabilisées, une
concertation avec la commission a préalablement été engagée à partir de
l'automne 1998.
Des échanges ont eu lieu dans cet objectif avec la direction générale chargée
du marché intérieur et la direction générale chargée des transports et de
l'énergie.
Le système de l'adossement n'étant plus possible, deux séries de mesures
devront être mises en oeuvre pour les procédures d'attribution des concessions
et les conditions de fonctionnement des sociétés d'économie mixte
concessionnaires d'autoroutes, les SEMCA.
En premier lieu, les apports publics éventuellement nécessaires à l'équilibre
financier des futures concessions seront prévus sous forme de subventions et,
conformément au droit communautaire, les nouvelles sections feront l'objet d'un
contrat spécifique afin de mieux comparer les offres des différents
candidats.
En second lieu, les SEMCA seront placées dans une situation comparable à celle
des sociétés privées, ce qui impliquera des modifications affectant leur
structure financière et leurs pratiques comptables. En contrepartie, la durée
des concessions devra pouvoir être sensiblement allongée. Nous serons ainsi
dans une situation comparable à celle dont je parlais, entre sociétés privées
et sociétés d'économie mixte.
Dès qu'un accord définitif sera intervenu avec la Commission sur les
différents volets de la réforme, je puis vous assurer, monsieur le sénateur,
que le Gouvernement - j'espère que ce sera dans les tout prochains mois -
soumettra au Parlement des dispositions de caractère législatif. L'Assemblée
nationale et le Sénat auront alors à débattre et à se prononcer, et chacun
pourra faire valoir ses réflexions et ses propositions à cette occasion.
M. Paul Masson.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Masson.
M. Paul Masson.
Monsieur le ministre, votre réponse ne me satisfait pas. Je comprends
d'ailleurs votre embarras : il y a un an, vous m'assuriez que c'était une
affaire de semaines !...
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
C'est toujours
une affaire de semaines !
M. Paul Masson.
Bien sûr ! Il suffit de s'entendre sur le nombre de semaines.
Vous avez dit ensuite que cette question allait être réglée avec Bruxelles, et
que c'était aussi une affaire de semaines. Je croyais que l'avis de Bruxelles,
qui nous a été communiqué le 25 mars 2000, était définitif. Vous confirmez que
ce n'est pas le cas et que la négociation se poursuit...
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Avec Bruxelles
!
M. Paul Masson.
Ainsi, après six mois de négociations, nous n'avons pu obtenir de la
Commission de Bruxelles une réponse à la question suivante : un allongement de
vingt-cinq ans des concessions est-il suffisant, trop long ou pas assez ? On ne
sait pas quoi nous répondre.
Nous sommes donc engagés dans une nouvelle procédure de négociation avec
Bruxelles qui peut durer encore longtemps.
Bref, la loi que vous envisagiez de déposer avant la fin de cette session ne
le sera pas. C'est ce que j'ai cru comprendre de votre réponse, qui était en
marge de la question que je vous ai posée.
C'était pourtant une question simple. Vous pouviez me répondre par oui ou par
non. Dites-moi non, monsieur le ministre !... Vous ne pouvez pas me dire non.
Donc, vous pensez oui ?...
(Sourires.)
Je vois que vous êtes embarrassé
parce que vous ne savez pas comment répondre.
Je dois en conclure que l'on continue à amuser la galerie, si j'ose dire. En
tout cas, la question qui me vient à l'esprit maintenant est de savoir si c'est
l'A 19 ou l'Arlésienne que nous sommes en train de jouer !
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du RPR.)
CRÉATION D'UN DÉLIT D'ENTRAVE
À LA PERCEPTION DU PÉAGE
M. le président.
La parole est à M. Oudin, auteur de la question n° 748, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Jacques Oudin.
Monsieur le ministre, la prise d'otage est un phénomène qui se développe de
plus en plus dans nos sociétés modernes. Même si ces prises d'otages sont
pacifiques, elles sont condamnables et doivent pouvoir être sanctionnées.
C'est pourquoi je vous demande si vous envisagez de proposer au Gouvernement
la création d'un délit spécifique d'entrave à la perception du péage qui
permettrait aux sociétés concessionnaires, qu'elles soient d'économie mixte ou
privée, de se faire rembourser les préjudices causés par les manifestations
dont elles sont victimes.
En effet, entre 1995 et 1998, chaque année, plus de trois cent cinquante
manifestations émanant de diverses catégories de la population, que ce soit des
agriculteurs, des chasseurs, des chauffeurs routiers, des chômeurs et j'en
passe, sans lien aucun avec l'exploitation des autoroutes, ont pris les
barrières de péage comme cadre à leurs revendications.
Ces manifestants s'opposent alors à la perception dudit péage. Il en résulte,
en moyenne, une perte annuelle de recettes de 70 millions de francs, soit
environ 200 000 francs par manifestation.
Or, vous l'avez dit à l'instant, monsieur le ministre, notre réseau
autoroutier a pu se développer de façon remarquable grâce au système de
concession et de péage. Si l'on coupe la racine et la source d'alimentation, il
est évident qu'un problème va se poser.
Le plus étonnant, c'est, non seulement que les forces de l'ordre présentes sur
place n'interviennent quasiment jamais, mais que, de plus, les plaintes
déposées par les sociétés concessionnaires d'autoroute sont, soit classées sans
suite, soit soumises à une jurisprudence défavorable qui ne permet pas aux
sociétés d'être indemnisées des préjudices financiers subis.
Cette situation donne aux manifestants un sentiment d'impunité et contribue
vraisemblablement à la croissance régulière du nombre de manifestations. Elle
engendre également un climat d'insécurité ressenti, à la fois, par les
personnels des péages et, bien entendu par les usagers.
Par ailleurs, la multiplication de ces opérations favorise la remise en cause
du paiement du péage, qui est, je le répète, l'un des moyens essentiels de
financement des infrastructures de transport en général et des autoroutes en
particulier.
C'est pourquoi, dans l'esprit de la circulaire du 10 août 1987 relative aux
entraves à la circulation routière, mais aussi ferroviaire, fluviale et
aérienne, il semble au moins indispensable que des instructions soient données
aux préfets pour mettre un terme, quand cela s'avère nécessaire, à ces
agissements.
De même, ces infractions n'étant pas actuellement retenues par les parquets,
il conviendrait d'envisager la création d'un délit spécifique d'entrave à la
perception des péages, qui assurerait aux sociétés concessionnaires
d'autoroutes un remboursement des préjudices causés par de telles
manifestations.
C'est pourquoi je renouvelle ma question : le Gouvernement a-t-il bien
l'intention de prendre des mesures pour réduire le nombre de manifestations de
ce type en engageant la responsabilité des organisations instigatrices et des
meneurs ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, il est un peu excessif de ramener ce problème à des prises d'otages.
Votre propos a certainement dépassé votre pensée.
Au demeurant, je vous dis tout de suite très nettement que, pour moi, il n'est
pas question de créer un délit spécifique, comme vous le réclamez. Sans doute
cette idée prévaut dans les sociétés concernées ou même dans certains services
administratifs pour les raisons que vous avez évoquées, mais telle n'est ma
conception ni du dialogue social ni de l'intérêt des sociétés autoroutières.
Je pense que vous avez fait allusion à la note adressée à d'autres
départements ministériels, sur laquelle figurait la signature du ministre.
Compte tenu de l'émotion qu'elle a suscitée dans la mesure où il y était fait
référence aux manifestations des agriculteurs, des chasseurs, des chauffeurs
routiers et même des chômeurs, j'ai été amené à exprimer clairement ma
position, et je vous la confirme.
Sur le dialogue social, vous connaissez ma démarche comme vous connaissez
celle du Gouvernement. J'ai eu à plusieurs occasions l'opportunité de vous dire
que je préfèrais plutôt convaincre que contraindre, dialoguer qu'imposer,
associer que mépriser.
En ce qui concerne la défense des sociétés d'autoroutes, je crois qu'il leur
faut effectivement des moyens réels, nouveaux et transparents pour leur
permettre d'assumer pleinement leur mission de service public, dans le souci de
leurs équilibres financiers.
Mais, monsieur Oudin, vous êtes un spécialiste de ces questions. Vous avez
d'ailleurs, je crois, évoqué le problème des sociétés concessionnaires au mois
de juin de l'année dernière et j'avais alors eu l'occasion de vous répondre à
ce sujet.
La réponse que je viens d'apporter à M. Masson devrait vous satisfaire. M.
Masson attendait que je lui dise que, tel jour à telle heure, la question
serait examinée par le Parlement. Nous n'en sommes pas là. Je ne peux pas vous
en dire plus sinon vous me reprocheriez d'avoir avancé une date et, après, de
ne pas l'avoir respectée.
En tout cas, messieurs, nous sommes actuellement dans la toute dernière partie
de la discussion avec la Commission. Cette réforme interviendra donc
propablement dans les prochains mois, pendant la session parlementaire.
M. Jacques Oudin.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Mais ne pensez pas
que, sur ces travées, nous soyons opposés au dialogue social. Nous recommandons
au Gouvernement et aux ministres concernés d'engager avec les chasseurs, les
agriculteurs, les chauffeurs routiers, les chômeurs, le dialogue social le plus
approfondi possible. Mais, que diable ! pourquoi les usagers des autoroutes
devraient-ils être systématiquement pris en otages parce que le dialogue social
s'établit mal entre le Gouvernement, les ministres et les catégories concernées
?
Monsieur le ministre, si vous êtes favorable au dialogue social, engagez-le !
Mais ne faites pas supporter aux usagers des autoroutes les conséquences de
problèmes qui les dépassent complètement.
Votre réponse me paraît donc peu fondée. En tout cas, elle aura un effet
certain : l'ordre républicain sera de moins en moins bien assuré sur les
autoroutes, soyez-en sûr !
Tant que vous ne déciderez pas de créer un délit spécifique et que vous ne
donnerez pas d'instructions aux préfets, les troubles ne feront que
s'accentuer. A l'heure actuelle, on enregistre 350 manifestations par an ; je
parie que l'on dépassera les 400 l'année prochaine !
CONTRAT DE PLAN ÉTAT-RÉGION DANS LE LIMOUSIN
M. le président.
La parole est à M. Mouly, auteur de la question n° 768, adressée à M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Georges Mouly.
Monsieur le ministre, il n'est sans doute pas fréquent - c'est une litote -
que toutes les parties prenantes à l'élaboration d'un contrat de plan y
trouvent également satisfaction.
Le Limousin, singulièrement le département de la Corrèze, attend toujours que
se concrétisent tous les engagements du contrat de plan précédent. Pour ce qui
le concerne, mon département est prêt, néanmoins, à participer au financement
du volet routier du quatrième contrat de plan. Notre souhait est que soient
prises en compte les priorités élaborées par l'ensemble des partenaires.
En effet, s'agissant des opérations à mener sur les routes nationales, à la
suite d'une réflexion menée dans le cadre départemental, qui fut partenariale
et consensuelle - je pense en particulier à la participation des chambres
consulaires - ont été déterminées les priorités suivantes : déviation de Brive,
déviation de Larche - deuxième tranche, déviation d'Ussel-Est, échangeur
d'Egleton, pour un coût total de 535 millions de francs ; je ne citerai pas les
chiffres correspondant à chacun des dossiers, car vos services les connaissent,
monsieur le ministre.
A cette somme, doivent être ajoutées des opérations inscrites au troisième
contrat de plan et non financées à ce jour ; là non plus, je ne donnerai pas le
détail des chiffres. Il s'agit de la déviation d'Ussel-Ouest, de la déviation
de Larche - première tranche, de Seilhac, pour un montant total de 60 millions
de francs.
L'enveloppe annoncée au titre du volet routier pour toute la région Limousin,
crédits d'Etat et de la région confondus, s'élève à 852 millions de francs sur
un total d'opérations à réaliser évalué à 1 238 millions de francs pour les
déviations d'agglomérations, la sécurité et l'aménagement qualitatif.
Le cofinancement des collectivités locales s'élèverait à 386 millions de
francs si l'on ne tient pas compte des opérations retenues par l'Etat et
financées hors contrat de plan ; je pense, par exemple, à la route
Centre-Europe-Atlantique, la RCEA.
Pour que le département de la Corrèze profite pleinement de l'arrivée des
autoroutes, le conseil général et la ville de Brive, pour l'opération qui la
concerne, sont disposés à consentir un effort sans précédent qui pourrait
conduire la Corrèze à participer à concurrence de 233 millions de francs. Cette
participation serait multipliée par six par rapport au troisième contrat de
plan et serait supérieure à celle de la région pour tout le Limousin.
Le désenclavement routier est bien engagé, j'en conviens ; l'autoroute A 20
est achevée, l'autoroute A 89 avance bien, la RCEA également. Aussi serait-il
dommage que le quatrième contrat de plan Etat-région limousin ne permette pas
de finaliser ce désenclavement en réalisant les opérations prévues au précédent
contrat de plan et les priorités établies pour l'actuel contrat de plan.
J'ajoute, pour situer l'importance de l'effort de mon département, que son
implication pour son propre domaine routier atteint environ 170 millions de
francs. Ce financement vise à permettre une connexion des routes
départementales aux autoroutes A 20 et A 89. Il s'agit en quelque sorte, pour
schématiser, du désenclavement de tous les cantons.
Dans ce contexte, monsieur le ministre, nous espérons un effort de l'Etat - en
tout cas il est attendu - afin de soutenir les efforts financiers locaux, que
j'ai évoqués, en vue d'un désenclavement pour lequel vous n'avez pas manqué une
nouvelle fois de souligner vous-même votre attachement en annonçant récemment
l'imminence de l'engagement des travaux inscrits en Corrèze au titre du contrat
de plan précédent. Vous serait-il possible, monsieur le ministre, de préciser,
dans la mesure du possible, les opérations concernées et la hauteur des crédits
alloués, question importante à nos yeux, est-il besoin de le préciser ?
Par ailleurs, alors que l'Etat annonce un taux de financement qui ne tient pas
compte de la TVA qu'il récupère sur les opérations, ne serait-il pas possible
d'envisager un effort supplémentaire en confiant au département de la Corrèze
la maîtrise d'ouvrage des opérations, comme cela serait prévu pour la déviation
d'Aixe-sur-Vienne, dans la Haute-Vienne ?
En conclusion, je voudrais brièvement faire mention du désenclavement
ferroviaire. Le projet de contrat de plan prévoit des opérations d'aménagement
de lignes. Est-il toujours question que le POLT -
Paris-Orléans-Limoges-Toulouse - soit un train à grande vitesse ? Cela n'est
pas indiqué dans les documents du contrat de plan. Les participations de la
région et de l'Etat sont connues, mais qu'en est-il de celle de la SNCF ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, sur certaines des questions que vous m'avez posées, je m'engage à
vous répondre précisément par courrier.
Pour le reste, voici les éléments de réponse que je suis en mesure de vous
apporter ce matin.
Comme vous le savez, lors du Comité interministériel pour l'aménagement et de
développement du territoire du 23 juillet 1999 et de la réunion
interministérielle du 22 novembre 1999, il a été décidé de consacrer 1 139
millions de francs à la modernisation des routes nationales en région
Limousin.
L'importance de cette dotation témoigne de l'intérêt que l'Etat accorde au
désenclavement de cette région puisque ce montant représente une augmentation
de plus de 50 % par rapport à celui que l'Etat avait consacré à la résolution
de ce problème tout à fait réel au cours du précédent contrat.
Bien entendu, ce pourcentage d'augmentation est calculé par rapport à ce qui a
été effectivement réalisé. Il ne s'agit pas de se contenter d'afficher des
chiffres en hausse : il faut surtout faire en sorte que les crédits en question
soient intégralement consommés pendant la période couverte par le contrat de
plan, et cela vaut pour toutes les régions.
S'agissant de la Corrèze, le désenclavement, déjà engagé avec l'autoroute A
20, se poursuit avec la construction de l'A 89. Par ailleurs, des efforts sont
réalisés hors contrat de plan, et je pense ici, notamment, à la RCEA.
Les négociations menées en vue de la signature du contrat de plan, concernant
la Corrèze, pour la période 2000-2006, ont conduit à privilégier l'amélioration
des relations de proximité le long de la RN 89.
Ainsi, outre les opérations de sécurisation du réseau routier, près de 560
millions de francs, dont 255 millions de francs de participation de l'Etat,
pourraient être inscrits pour l'aménagement de cette route nationale, avec
notamment la déviation de Brive-la-Gaillarde.
Cela représente un effort indiscutable de la part du département, mais il
convient de noter que l'Etat, qui doublera sa dotation, fait un effort tout
aussi remarquable.
Je comprends tout à fait votre proposition concernant la délégation de
maîtrise d'ouvrage, qui permettrait d'accélérer les programmes routiers.
Cependant, la réglementation en vigueur ne se prête pas vraiment à ce genre
d'opération.
En effet, même si l'article 5 de la loi du 12 juillet 1985, relative à la
maîtrise d'ouvrage public et à ses relations avec la maîtrise d'oeuvre privée,
prévoit que le maître d'ouvrage peut confier aux collectivités locales
certaines des missions de maîtrise d'ouvrage sous forme de mandat, ces
dispositions ne permettent pas d'accélérer les nécessaires procédures
administratives qui restent du ressort de l'Etat. C'est notamment le cas de
l'approbation des projets, des enquêtes publiques, des autorisations et
déclarations au titre de la loi sur l'eau et de la désignation des
entreprises.
De plus, le mandataire n'a pas accès au paiement direct des entreprises et ne
peut donc pas récupérer la TVA, car je sais bien que c'est là l'objet des
propositions qui me sont - et on peut le comprendre ! - régulièrement faites à
cet égard. La signature d'une convention de mandat entre l'Etat et une
collectivité locale ne présente donc pas vraiment, pour celle-ci, d'intérêt sur
le plan financier. Les collectivités locales ont toujours la possibilité de
faire porter leurs efforts sur le réseau qui leur est dévolu et qui est
complémentaire au réseau national.
Enfin, je crois que le réseau routier corrézien, pris dans sa globalité,
devrait être à même de répondre correctement aux besoins de la population et de
l'activité économique dans les prochaines années, grâce à l'action conjuguée de
l'Etat et des collectivités locales.
M. Georges Mouly.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly.
Monsieur le ministre, je vous remercie sincèrement de votre réponse.
Ce n'est certes pas la première fois que vous entendez parler du
désenclavement du Limousin. J'ai soulevé à nouveau cette question parce que
l'effort doit toujours être poursuivi, malgré ce qui a été fait, et qui n'est
pas négligeable !
J'ai également tenu à souligner l'effort très important que consentent les
collectivités locales et que vous avez vous-même relevé.
S'agissant de l'effort de l'Etat, le problème, comme vous l'avez indiqué,
c'est l'utilisation effective des crédits. Il est tout de même rageant de
constater que les fonds du contrat précédent n'ont pas été intégralement
consommés !
Bien entendu, monsieur le ministre, je serai très intéressé par les réponses
complémentaires que vous voudrez bien m'adresser par écrit.
AÉROPORT INTERNATIONAL DE BEAUVILLIERS
M. le président.
La parole est à M. Gérard Larcher, auteur de la question n° 752, adressée à M.
le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Gérard Larcher.
Monsieur le ministre, à l'automne prochain, le schéma multimodal de transports
de voyageurs devrait être connu.
Je souhaiterais savoir ou en sont les réflexions de votre ministère sur le
projet d'implantation d'un aéroport international sur le site de Beauvilliers,
dans le département d'Eure-et-Loire, autrement dit dans le bassin parisien.
J'aimerais également connaître l'état d'avancement des éventuelles études
d'impact en cours, notamment sur le plan environnemental et en ce qui concerne
les infrastructures.
Quid,
notamment, des infrastructures autoroutières et ferroviaires
dédiées, telles qu'elles ont été envisagées ?
Quid
de l'hypothèse d'une ville nouvelle située entre Dourdan, dans
l'Essonne, Saint-Arnoult-en-Yvelines, dans les Yvelines, et Beauvilliers ?
Quid
de la création d'un établissement foncier pour éviter l'envolée
des prix dans toute la région ? On sait que la région d'Ile-de-France connaît
déjà des tensions sur le foncier.
Quid
de la protection réelle de l'environnement sur un site qui couvre
22 000 hectares ?
Ma dernière question, je la poserai en tant qu'ancien rapporteur de deux
textes concernant l'aménagement et le développement du territoire,
développement dit « durable » s'agissant du second.
Quid
d'un choix qui privilégie la région d'Ile-de-France, ou du moins
le bassin parisien, par rapport à des choix provinciaux ? Il vous est arrivé,
monsieur le ministre, de dire que le choix se situait entre Beauvilliers et
Francfort. Mais n'est-il pas aussi entre Lyon et Francfort ? Sommes-nous
définitivement marqués par le centralisme ? Les textes successifs d'aménagement
et de développement du territoire ne sont-ils que des pétitions pieuses qui
consacrent, finalement, la centralité de la région capitale ?
Telles sont, monsieur le ministre, les préoccupations dont je souhaitais vous
faire part.
Je sais que vous ne m'annoncerez pas la nouvelle qui « fuit » de partout
concernant Beauvilliers, mais je souhaiterais savoir où l'on en est, de manière
que, en septembre prochain, puisque le Parlement ne sera malheureusement pas
consulté sur les schémas de services collectifs ou schémas multimodaux de
transport, la représentation nationale soit au moins informée des réflexions
menées et que notre délégation à l'aménagement du territoire puisse s'exprimer
le moment venu.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains
et Indépendants.)
M. Gérard Cornu.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
C'est une
réponse facile que j'ai à vous faire, monsieur le sénateur puisque vous savez
que je ne vais pas vous répondre...
(Sourires.)
M. Gérard Larcher.
Sur l'état d'avancement de la réflexion, vous le pouvez, monsieur le ministre
!
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je vais tout de
même essayer d'apporter quelques précisions au sujet des questions que vous
évoquez.
Parallèlement à la question du développement du transport aérien, il y a un
autre enjeu, celui de la lutte contre les nuisances provoquées par ce mode de
transport. Je pense que vous y pensiez aussi en posant votre question.
Quand nous avons pris la décision de réaliser les deux pistes supplémentaires
à Roissy - Charles-de-Gaulle, nous avons prévu des dispositions particulières
pour limiter les nuisances sonores engendrées par le trafic aérien et son
développement. L'autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires,
l'ACNUSA, vient d'être installée, comme en a décidé le Parlement, et peut
maintenant jouer pleinement son rôle.
Le transport aérien est en plein développement, après avoir connu une période
assez difficile dans les années quatre vingt-dix. On peut d'ailleurs se
féliciter de voir la compagnie nationale Air France participer, comme d'autres,
à cet essor. Si le rythme actuel de croissance du trafic se maintient à moyen
terme, la capacité maximale des aéroports d'Ile-de-France devrait être atteinte
avant dix ans ; certains font même état d'une échéance encore plus
rapprochée.
Face à une telle situation, les compagnies aériennes seront évidemment
incitées à adapter leur stratégie en accordant un rôle beaucoup plus important
aux aéroports de province.
Bien entendu, pour ce qui est des distances relativement courtes, notamment
lorsque existe une liaison par train à grande vitesse, le recours au réseau
ferroviaire par préférence à l'avion peut être aussi un élément de réponse.
Cela étant, aujourd'hui, selon moi, la question du développement de certains
aéroports de province est posée, mais l'est également celle d'un troisième
aéroport dans la grande région parisienne. Rien n'est encore tranché : tout
cela fait l'objet d'une réflexion et de discussions. Je rejoins évidemment
votre prémonition, monsieur le sénateur,...
M. Gérard Larcher.
Vous voyez !
(Sourires.)
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
... mais je ne
peux pas vous en dire plus en cet instant.
J'ai décidé de lancer trois études. Elles concernent les potentialités
d'intermodalité air-rail, les potentiels de développement des aéroports de
province et les stratégies futures des compagnies aériennes et des aéroports.
C'est aussi au vu de ces éléments-là que nous pourrons prendre les
décisions.
Dans l'hypothèse où l'opportunité de la création d'un troisième aéroport se
confirmerait, il s'agirait non seulement de définir le site de son implantation
mais aussi tout ce qui a trait à son environnement, y compris en ce qui
concerne les liaisons avec les autres métropoles.
En tout état de cause, les conditions d'intégration de cet équipement dans
l'environnement feront l'objet, dans la transparence, d'études rigoureuses, qui
seront portées à la connaissance de tous les acteurs et qui viendront nourrir
le débat public. Vous avez évoqué les schémas de service. C'est dans ce cadre
que pourraient être clarifiées et précisées les décisions qui vont être
prises.
M. Gérard Larcher.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher.
Monsieur le ministre, comme je l'ai indiqué, je savais naturellement que vous
ne pourriez pas m'apporter aujourd'hui de réponse sur le choix d'un site
d'implantation d'un troisième aéroport dans le bassin parisien. L'auriez-vous
fait que j'aurais bondi de mon fauteuil !
Il m'apparaît que l'analyse des « potentialités air-rail » et des rapports
entre aéroports de province et aéroports du Bassin parisien est essentielle.
Nous aurions pu aussi évoquer le problème du fret, qui n'est pas réglé : les
aéroports de fret sont en voie de délocalisation rapide au profit de l'arc
rhénan. De plus, il faut prendre en compte l'interfonctionnement à l'échelon du
bassin parisien.
J'ai bien noté, monsieur le ministre, que la dimension environnementale, mais
aussi, je me permets d'y insister, la dimension foncière, qui est également un
facteur important d'exclusion, y compris d'exclusion sociale, et la politique
d'aménagement du territoire seront prises en compte pour opérer un choix.
Voilà pourquoi, en tant que vice-président de la délégation du Sénat à
l'aménagement et au développement durable du territoire, que préside M.
Jean-Pierre Raffarin, mais aussi en tant qu'élu des Yvelines, je serai
particulièrement attentif à ce dossier. En effet, nous connaissons une ville
nouvelle, née en 1967 et qui n'est toujours pas desservie par une
infrastructure autoroutière : je veux parler de Saint-Quentin-en-Yvelines.
Instruits par cette expérience, dans laquelle nous avons notre part de
responsabilité, nous nous méfions d'une infrastructure dont le fonctionnement
s'appuierait pendant deux décennies sur la RN 10 ou l'autoroute A 10. Ce sont
là des réalités que nous vivons !
En outre, à quoi servirait aujourd'hui, dans l'optique du contrat de plan, de
transformer la RN 10 en un axe à deux fois deux voies entre Rambouillet et
Chartres si, dans le même temps, le trafic double ?
M. Paul Masson.
Tout à fait !
M. Gérard Larcher.
Il s'agit là, à mes yeux, de légitimes préoccupations en termes d'aménagement
du territoire, sur le plan tant national que régional. Monsieur le ministre, je
serai personnellement extrêmement attentif à ce dossier. Le député de la
dixième circonscription des Yvelines, Mme Boutin, le président du conseil
général, M. Borotra, et moi-même avons d'ailleurs mis en place une unité de
syndicat intercommunal de préservation des intérêts du sud de la région
d'Ile-de-France, et nous serons, je le répète, très vigilants.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
AIDE AUX PRODUCTEURS DE POMMES
M. le président.
La parole est à M. Huchon, auteur de la question n° 751, adressée à M. le
ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Jean Huchon.
Monsieur le ministre, j'ai l'honneur d'attirer votre attention sur le marasme
que subit le secteur des fruits et légumes, et plus particulièrement le marché
de la pomme.
Plusieurs raisons expliquent cette désastreuse situation, qui met en péril un
pan important de l'agriculture française. En effet, le marché de la pomme était
jusqu'à présent une production particulièrement développée et utilisatrice de
main-d'oeuvre.
Hélas, pour des raisons étrangères aux producteurs de fruits, en l'occurrence
le boycott décidé par le Royaume-Uni à la suite des incidents et du blocage des
importations de viande anglaise consécutifs à l'épidémie d'encéphalopathie
spongiforme bovine, le marché anglais, qui était un débouché intéressant en
termes de tonnage et de prix, s'est très nettement fermé à nos producteurs.
Nous y avons été remplacés par les Italiens, mais aussi par d'autres
producteurs européens.
Il en résulte, sur le plan national, une mévente et une baisse des prix,
lesquels ne couvrent plus le coût de revient. Il faut dire que la grande
distribution utilise largement cette abondance en exerçant une pression sur les
prix totalement intolérable.
Monsieur le ministre, le Gouvernement peut-il accepter le « massacre » d'une
activité économique parfaitement respectable et victime d'incidents
politico-économiques internationaux dont elle n'est nullement responsable ?
Cette pression sur les prix à la production, qui va rapidement conduire les
producteurs à la ruine, est particulièrement désastreuse. Or les prix au détail
n'ont pas baissé. A titre d'exemple, dans les magasins parisiens, le prix des
pommes varie de 12 à 21 francs le kilogramme, alors qu'elles vont être payées
au producteur, et ce en juillet prochain seulement, au prix maximal de 1,60
franc le kilo !
Je souligne que le manque à gagner est énorme. On cite à cet égard des
chiffres qui sont évidemment incontrôlables, et je n'y insisterai pas.
Je souhaite que le Gouvernement prenne l'exacte mesure de la situation où se
trouvent aujourd'hui de nombreuses exploitations, pour lesquelles la production
de ces fruits constitue l'activité principale.
Je vous demande en conséquence, monsieur le ministre, quelles mesures
concrètes le Gouvernement entend prendre pour compenser le préjudice subi par
les producteurs de pommes du fait du maintien de l'embargo et pour écouler au
mieux les stocks restants d'ici à la fin de la campagne.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, M. Glavany, qui ne pouvait être présent ce matin au Sénat, m'a
demandé de vous communiquer les éléments de réponse qu'il a préparés à votre
intention, ce que je fais bien volontiers.
Le Gouvernement est conscient des difficultés rencontrées par les producteurs
de pommes en raison de l'évolution du marché au cours du second semestre de
1999.
Le début de campagne a en effet été difficile, avec la crise des fruits d'été
et la présence en quantité inhabituelle sur le marché européen de stocks
résiduels de pommes de l'hémisphère sud. La situation a été ensuite encore
aggravée par les rétorsions britanniques pratiquées en réponse à l'embargo
français sur la viande bovine originaire de Grande-Bretagne. La pression sur
les prix au cours de cette première partie de campagne a été forte dans
l'ensemble de l'Union européenne.
Le Gouvernement a été guidé, dans sa décision de mettre en place cet embargo,
par l'application du principe de précaution et la volonté d'assurer au mieux la
sécurité alimentaire du consommateur. Cette position a été bien comprise par
les producteurs de pommes. Elle a cependant indirectement compromis un débouché
important.
La filière française avait su, en effet, tirer parti en Grande-Bretagne de ses
efforts en matière de qualité et acquérir sur ce marché une position de tout
premier ordre. Les opérateurs français ont fait preuve de détermination devant
une situation nouvelle. Ils se sont ainsi attachés à diversifier leurs
destinations d'exportation. Cette attitude prouve la remarquable capacité de
réaction des filières les plus organisées.
Des signes encourageants apparaissent, en ce premier trimestre, sur les
marchés tant intérieur que britannique. Ils permettent d'espérer une meilleure
deuxième partie de campagne. Afin de favoriser la reprise, d'assurer la
promotion de la pomme en France et en Grande-Bretagne et de faciliter les
expéditions, le Gouvernement débloquera des fonds. Leurs conditions
d'utilisation ont été examinées, en concertation avec l'Office national
interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture, l'ONIFLHOR,
dans le souci du meilleur retour au producteur.
En outre, les exploitations les plus durement touchées par cette mauvaise
première partie de campagne peuvent obtenir un soutien immédiat. Les mesures
financières et sociales mises en place pour les producteurs de fruits d'été
leur sont étendues. Les exploitations concernées peuvent ainsi bénéficier de
mesures d'étalement des cotisations sociales personnelles mais aussi
patronales, d'une prise en charge d'intérêts d'emprunts et d'un aménagement des
échéances ou encours.
Par ailleurs, dès la fin de la campagne, les aides au renforcement des
exploitations de l'organisation économique, après mise en place par l'ONIFLHOR
pour les produits d'été, seront étendues aux producteurs de pommes. En vue de
leur mise en oeuvre, des audits individuels d'exploitation pourront être
réalisés dès la fin de la campagne 1999-2000. Des moyens exceptionnels seront
alors dégagés pour répondre aux difficultés rencontrées.
Enfin, le gouvernement français suivra avec vigilance l'évolution du volume
des importations en provenance de l'hémisphère sud pour la nouvelle campagne.
Il demandera à la Commission européenne de faire jouer les mécanismes
existants.
M. Jean Huchon.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Huchon.
M. Jean Huchon.
Monsieur le ministre, je vous remercie de m'avoir communiqué ce message
concernant un secteur ne relevant pas de vos responsabilités ministérielles.
La réponse de M. Glavany ne peut me satisfaire totalement, mais j'ai quand
même noté un certain nombre de points positifs, notamment le recours envisagé à
la clause de sauvegarde visant à éviter les importations massives en provenance
des pays de l'hémisphère sud, qui constituent pour nos producteurs une
concurrence insurmontable.
Il faut en effet souligner que ces pommes sont produites dans des conditions
relevant de l'esclavagisme caractérisé. Je ne manquerai pas de le rappeler à M.
Glavany, car ce secteur des fruits et légumes mérite la considération. Il
représente de nombreux emplois et revêt une grande importance pour
l'agriculture française.
INSTALLATION DE MATÉRIELS DE SÉCURITÉ
AUTOUR DES PISCINES À USAGE PRIVATIF
M. le président.
La parole est à M. Raffarin, auteur de la question n° 756, adressée à M. le
secrétaire d'Etat au logement.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je m'adresse à vous par le biais d'une question
orale, parce que la question écrite que j'avais posée le 18 novembre 1999 à Mme
le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés à propos de l'avis de la
commission de sécurité des consommateurs sur la sécurité des piscines privées
est restée sans réponse.
Dans notre pays, les noyades dans les piscines privées constituent la première
cause de mortalité accidentelle pour les enfants jusqu'à quatre ans. Pourtant,
les statistiques nationales relatives à cette question me laissent sceptique.
Mon expérience de terrain me donne en effet à penser que le nombre des
accidents est encore plus élevé que ne l'indiquent les chiffres du ministère de
l'intérieur. Le sujet est d'importance nationale.
La commission de sécurité des consommateurs préconise un dispositif
contraignant de barrières ; d'autres pays ont adopté des dispositions de cette
nature. Quelle est la position du Gouvernement à l'égard de cette proposition
des consommateurs visant à assurer la sécurité des enfants ? Au mois de juillet
de l'année dernière, j'avais déposé la proposition de loi n° 531, relative à la
sécurité des piscines. Les textes sont donc prêts, nous attendons un geste du
Gouvernement. J'ai beaucoup de considération, monsieur le secrétaire d'Etat,
pour votre action et pour vos fonctions, mais je regrette que le secrétaire
d'Etat à la santé ne se saisisse pas de ce sujet important, à propos duquel M.
Kouchner, avant son départ, avait manifesté sa préoccupation. Nous avons été
laissés, depuis, dans le silence le plus complet.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat au logement.
Monsieur le sénateur, je me rapprocherai,
bien entendu, de ma collègue chargée de la santé, car je suis désolé qu'une
question écrite ait pu ne pas avoir de suite. Cela étant, les problèmes liés à
la protection des usagers des piscines ont toujours été considérés comme
relevant de l'urbanisme, et c'est à ce titre qu'ils entrent dans mon champ de
compétence.
Monsieur le sénateur, la commission de sécurité des consommateurs a, comme
vous l'avez indiqué, rendu public, le 6 octobre dernier, un avis par lequel
elle préconise diverses mesures de prévention.
Je souhaite vous assurer que le Gouvernement est extrêmement vigilant
s'agissant des conditions de sécurité des jeunes enfants, que ce soit à
l'école, sur les aires de jeux ou à domicile, car les risques encourus par
ceux-ci dans la vie quotidienne sont effectivement multiples.
En ce qui concerne plus particulièrement le risque de noyade, il existe aux
abords des piscines, des cours d'eau et de tous les bassins.
S'agissant des piscines, les accidents concernent essentiellement des enfants
âgés de un à cinq ans, qui commencent à marcher et échappent à la vigilance des
parents. Souvent, ces enfants sont non pas ceux des propriétaires de la
piscine, mais ceux de voisins ou d'amis. Je crois qu'il faut le noter pour bien
comprendre la réalité de ce problème.
La commission de sécurité des consommateurs propose de rendre obligatoire
l'installation de barrières autour des piscines enterrées non couvertes à usage
privatif, mais recommande aussi que ces barrières soient normalisées. Dans
cette attente, la commission a demandé aux professionnels que sont les
fabricants et les distributeurs de piscines, mais aussi aux professionnels du
tourisme, de mettre en oeuvre des actions d'information et de prévention. Cela
n'est pas, bien évidemment, sans importance.
Enfin, la commission recommande aux parents et aux autres utilisateurs de
piscines de suivre une formation aux gestes de premier secours, d'équiper les
enfants de brassards ou de gilets gonflables, de les initier à l'usage de ces
matériels et de disposer d'une perche près de la piscine et d'un téléphone sans
fil. La commission préconise également d'améliorer le recensement des
accidents, afin que l'on puisse disposer de statistiques fiables, ce qui
rejoint l'un des points que vous avez évoqués à l'instant, monsieur le
sénateur.
Tel est l'ensemble des préconisations de la commission qui ont donc été
rendues publiques en octobre dernier, voilà maintenant six mois.
A la demande du Gouvernement et d'équipementiers, des travaux de normalisation
des barrières ont été engagés en septembre 1999 par l'Afnor, l'Association
française de normalisation. Ils portent en particulier sur la hauteur des
barrières et sur les dispositifs de fermeture des accès. Des essais ont été
réalisés pour tester l'efficacité de différents matériels. A ce jour, ils
montrent la difficulté de trouver des solutions qui garantissent une sécurité
réelle, notamment pour les dispositifs de fermeture automatique des portillons.
Les travaux en cours portent également sur d'autres équipements de protection
susceptibles d'apporter une contribution efficace à la sécurité.
Monsieur le sénateur, c'est à l'issue de ces travaux normatifs, de l'examen
des possibilités de faire respecter une telle obligation et, surtout, de la
mesure de leur efficacité que ces dispositifs pourront être rendus
obligatoires. Comme vous le voyez, dès que ces éléments techniques seront
clarifiés et assurés, le Gouvernement prendra toutes les dispositions pour
aller dans ce sens.
Sans attendre l'aboutissement de ces travaux préalables, le secrétariat d'Etat
au logement développe des actions d'information et de prévention à destination
des parents et des propriétaires de piscines, en concertation avec le ministère
de la jeunesse et des sports, le secrétariat d'Etat en charge de la
consommation, le secrétariat d'Etat au tourisme et le secrétariat d'Etat à la
santé. C'est ainsi, notamment, qu'une plaquette sur la maison individuelle,
éditée récemment, disponible dans toutes les directions départementales de
l'équipement, et qui est remise à l'ensemble des constructeurs de maison
individuelle, attire plus particulièrement l'attention sur cette question et
sur l'opportunité de précautions, notamment de barrières. Quant à la
généralisation de ces mesures, les travaux en cours permettront de la
prévoir.
Telles sont les indications très précises que j'étais en mesure de vous
fournir, six mois après que nous avons eu connaissance des recommandations de
la commission de sécurité des consommateurs.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je comprends les termes de votre réponse. Les
travaux de normalisation sont en effet très importants, mais le Gouvernement
doit envoyer un signal fort si on veut accélérer le processus.
Depuis que nous avons déposé, ici même, une proposition de loi, les
professionnels se sont engagés dans un certain nombre de procédures. Cependant,
les choses avancent lentement. Le développement de produits nouveaux dans ce
domaine est trop lent pour faire baisser le taux de mortalité des enfants dans
les piscines privées. Aussi le Gouvernement devra-t-il, dans les mois à venir,
prendre des initiatives fortes, envoyer des messages clairs, pour bien montrer
que nous sommes déterminés à maîtriser cette situation.
Il y a, certes, l'initiative législative, qui est réclamée par la commission
de sécurité des consommateurs. Le Sénat s'est d'ores et déjà engagé sur ce
sujet. De nombreux députés sont également motivés. Si le Gouvernement hésite à
déposer un projet de loi, qu'il laisse se développer l'initiative des
parlementaires, par la voie d'une proposition de loi.
En tout état de cause, il importe que, avant la prochaine saison estivale, le
Gouvernement accompagne les collectivités territoriales et toutes les
structures qui prennent des initiatives comme celle qu'a prise la DDE et que
vous avez mentionnée, afin que l'information sur la prévention soit diffusée le
plus largement possible. A un moment où le droit aux vacances est de plus en
plus affirmé, il est important que le droit à la sécurité, droit de l'enfant,
puisse être respecté dans notre pays.
COÛT DU RECYCLAGE DES DÉCHETS
POUR LES COMMUNES
M. le président.
La parole est à M. Vissac, auteur de la question n° 683, adressée à Mme le
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Guy Vissac.
Madame la ministre, ma question porte non pas tant sur le coût - je vous prie
de m'en excuser - que sur les délais ; elle rejoint cependant la question du
coût des déchetteries et des décharges.
La loi du 13 juillet 1992 donne dix ans aux collectivités locales pour
réaliser les plans de traitement des déchets, mettre en oeuvre le recyclage et
fermer les décharges. L'échéance arrivera donc en 2002.
Il faut reconnaître, pour s'en réjouir, les progrès sensibles réalisés dans ce
domaine, tant par les communes et leurs syndicats, pour la mise en oeuvre des
systèmes de collecte, d'élimination et de traitement des déchets, que par tous
les acteurs locaux, pour l'action de sensibilisation pédagogique entreprise
auprès des consommateurs usagers.
En France, nous constatons une réelle prise de conscience collective sur cet
important problème de société de la part de nombre de nos compatriotes. Or,
force est de constater que, si l'action est en marche, les objectifs ne sont
pas atteints.
Il me paraît important de donner du temps aux collectivités locales afin que
celles-ci puissent, sans précipitation imposée, mener à leur terme les schémas
d'élimination des déchets.
Il ne faudrait pas, en effet, que cette date butoir du 1er juillet 2002
devienne un couperet pour des communes qui ont à coeur de s'adapter aux
nouvelles normes.
Car, madame la ministre, cette échéance de 2002 ne pourra probablement pas
être tenue. Seules deux années nous séparent de cette échéance, laps de temps
manifestement trop court pour que soient réalisées dans leur intégralité les
installations de stations de traitement. De nombreux maires sont concernés et
leur inquiétude, à ce sujet, va croissant.
C'est pourquoi je souhaiterais avoir de votre part, madame la ministre, des
précisions quant aux mesures que vous entendez prendre avant que cette échéance
arrive à son terme, afin de rassurer nombre d'élus locaux préoccupés par cette
question.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le sénateur, vous vous inquiétez de la mise en oeuvre de la loi du 13 janvier
1992 sur les déchets, et plus particulièrement des difficultés que pourraient
rencontrer les communes pour respecter l'échéance du 1er juillet 2002.
Vous l'avez vous-même rappelé, la loi a donné dix ans - dix ans, monsieur le
sénateur ! - pour satisfaire aux obligations qu'elle prévoyait. Vous le savez,
l'échéance du 1er juillet 2002 ne doit pas être interprétée comme la fin de la
mise en décharge. Au-delà de cette date, des déchets pourront en effet toujours
être admis en centre de stockage, mais il faut faire en sorte que seuls les
déchets ultimes le soient.
J'ai précisé les orientations à suivre en matière d'élimination des déchets
ménagers dans une circulaire datée du 28 avril 1998, qui résulte de l'analyse
que nous avons souhaité réaliser à mi-course, sous forme, en quelque sorte, de
bilan d'étape, en juin 1997. Nous avions en effet constaté que la plupart des
départements s'étaient bien dotés d'un plan départemental de traitement des
ordures ménagères mais avec, pour un nombre significatif d'entre eux, une part
très belle laissée à l'incinération, situation qui emportait deux conséquences.
La première : on ne respectait pas strictement l'esprit de la loi. La seconde :
on était confronté à une explosion des coûts, très difficile à assumer pour les
contribuables.
J'ai donc, dans cette circulaire du 28 avril 1998, rappelé l'objectif national
: à terme, la moitié de la production des déchets dont l'élimination est de la
responsabilité des collectivités devra être triée et collectée en vue de leur
réutilisation, de leur recyclage ou de leur traitement biologique.
Localement, la déclinaison précise de cet objectif s'effectue dans le cadre
des plans départementaux d'élimination des déchets ménagers. Il en va de même
pour la définition précise du déchet ultime, qui doit se faire à l'échelon
local, en fonction de l'environnement technique et économique du moment.
Vous le savez, le Gouvernement a pris des décisions importantes pour
accompagner cette réorientation de la politique des déchets. Je pense notamment
à la baisse de la TVA sur les opérations de collecte sélective et de tri et à
la modification des barèmes des sociétés agréées, Eco-Emballages et Adelphe,
qui a conduit à l'augmentation du soutien aux collectivités locales. Je pense
aussi à l'effort financier sans précédent décidé dans la loi de finances pour
2000, qui a permis de maintenir à un taux élevé les aides de l'ADEME, l'agence
de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.
De nombreuses collectivités se sont engagées dans la voie de la collecte
sélective et du recyclage. Il ne me paraît donc pas opportun de reporter les
décisions qui permettront d'atteindre les objectifs de la loi de 1992. D'autant
que la plupart des collectivités se sont engagées, avec beaucoup de
volontarisme, dans la satisfaction de leurs obligations, notamment dans la
perspective des prochaines élections municipales.
Çà et là, des problèmes restent pendants, qui justifieront la poursuite de la
concertation ou de nouvelles études techniques. Ces difficultés ponctuelles ne
me semblent pas de nature à justifier un report des dates butoirs.
Avec persévérance et volontarisme, les objectifs fixés dans la loi de 1992
pourront, dans la plupart des cas, être atteints. Ce qui nous intéresse, c'est
de garder un haut niveau de mobilisation de l'ensemble des acteurs locaux. Il
va de soi que nous n'aurons pas une interprétation étriquée de la mise en
oeuvre de la loi. Ce qui compte, c'est la qualité des plans départementaux plus
que la satisfaction purement factuelle d'une échéance. La collecte sélective et
le tri, c'est d'abord un réflexe, que nous, élus et pouvoirs publics, devons
faire partager. La mise en oeuvre de cette politique de traitement des ordures
ménagères a une forte dimension culturelle, au-delà des aspects techniques et
financiers qui ne peuvent être sous-estimés.
Telle est la position de l'Etat. Il nous reste deux ans et demi, ce qui n'est
pas rien. Ce délai est équivalent à celui qui nous sépare du bilan d'étape de
juin 1997. Depuis ce moment-là, un travail considérable a été fait. Je ne doute
pas que les élus locaux, les départements fourniront le coup de collier
nécessaire pour nous permettre, dans de bonnes conditions, d'appliquer la
loi.
M. Guy Vissac.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Vissac.
M. Guy Vissac.
Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Ma question n'avait
bien sûr pas pour objet de rechercher une échappatoire à la loi et à cette
échéance du 1er juillet 2002. Je souhaite que ceux qui n'auraient pas atteint
l'objectif à cette date puissent poursuivre leur action après 2002. Je constate
que la concertation reste ouverte, et je m'en réjouis, madame la ministre.
LUTTE CONTRE LA MULTIPLICATION
DES RAGONDINS
M. le président.
La parole est à M. Demerliat, auteur de la question n° 733, adressée à Mme le
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Jean-Pierre Demerliat.
Madame la ministre, je souhaiterais attirer votre attention sur l'évolution
inquiétante de la population des ragondins dans nos campagnes, et plus
particulièrement dans le département que je représente ici, la Haute-Vienne.
Originaire d'Amérique du Sud, cet animal a proliféré en France dans les années
soixante après s'être échappé des élevages destinés à la production de
fourrure. Depuis cette période, il n'a cessé de se multiplier, causant ainsi de
très importants dégâts, tant aux cultures qu'aux ouvrages hydrauliques.
En effet, herbivore peu sélectif, il s'attaque à une grande variété de
cultures et de productions agricoles, telles que le maïs, les oléagineux, les
céréales, les cultures légumières, les plantations de peupliers ou les
prairies. De même, le creusement de terriers par le ragondin accélère l'érosion
des berges, contribue ainsi à l'envasement des voies d'eau et, parfois,
concourt à déstabiliser des ouvrages construits tels que les digues, les
barrages et mêmes les routes.
Ces dégâts entraînent évidemment des préjudices importants et onéreux pour les
collectivités qui sont chargées de l'entretien de ces ouvrages.
Par ailleurs, il convient de souligner que cet animal peut être porteur de
nombreuses maladies transmissibles à d'autres espèces, voire à l'homme.
Aujourd'hui, malgré les luttes collectives conduites régulièrement dans les
zones favorables à ces rongeurs, ces derniers continuent malheureusement à se
multiplier, et il est clair que les moyens dont disposent les fédérations
départementales des groupements de défense contre les ennemis des cultures sont
insuffisants.
Ces groupements, qui doivent, aux termes du code rural, assurer la lutte
collective contre les organismes nuisibles aux cultures, rencontrent, en
l'occurrence, bien des difficultés pour endiguer la prolifération du ragondin,
classé gibier sur le plan national mais également nuisible dans certains
départements.
C'est pourquoi je vous demande, madame la ministre, de bien vouloir faire
étudier tous les moyens qui permettront sinon l'éradication de cette espèce,
tout au moins la régulation efficace de sa présence.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le sénateur, le ragondin est un gibier dont la chasse est autorisée, en vertu
de l'arrêté ministériel du 26 juin 1987.
Le ragondin est également soumis à la réglementation sur les animaux
nuisibles. Il figure en effet dans l'arrêté du 30 septembre 1988, qui fixe la
liste des animaux susceptibles d'être classés nuisibles dans un département.
Ce classement permet aux propriétaires ou à leurs fermiers d'assurer la
défense préventive de leurs propriétés contre les dommages provoqués par des
animaux tels que les lapins, les sangliers ou les ragondins.
Conformément à l'article R. 227-6 du code rural, « dans chaque département, le
préfet détermine les espèces d'animaux nuisibles parmi celles figurant sur la
liste nationale, en fonction de la situation locale, et pour l'un des motifs
ci-après : dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ; pour
prévenir des dommages importants aux activités agricoles, forestières et
aquacoles ; pour la protection de la flore et de la faune. »
Dans les départements où ils sont classés nuisibles, les ragondins peuvent
être détruits par le piégeage et par le tir. C'est notamment le cas dans la
Haute-Vienne.
Par ailleurs, une autre réglementation, gérée par le ministère de
l'agriculture et de la pêche au titre de la protection des végétaux, permet de
lutter contre les « organismes nuisibles », ennemis des cultures. Au titre de
cette réglementation, des campagnes de lutte collective sont menées contre le
ragondin en faisant appel au piégeage, mais parfois aussi à l'empoisonnement
avec des appâts qui contiennent des anticoagulants.
Le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement privilégie
les opérations de lutte qui s'inscrivent dans une stratégie intégrée portant
d'abord sur les causes du développement de populations de rongeurs. Faute d'une
telle stratégie, les campagnes de destruction sont d'une efficacité limitée et
doivent être renouvelées fréquemment.
Quand les destructions s'avèrent nécessaires, le ministère de l'aménagement du
territoire et de l'environnement recommande donc le piégeage. En effet,
l'emploi de substances toxiques présente des risques d'empoisonnement majeurs
pour d'autres espèces que le ragondin, soit par consommation directe des
appâts, soit par consommation de ragondins empoisonnés.
C'est dans un contexte similaire qu'a été autorisé, voilà deux ans, l'emploi
de bromadiolone pour réguler des populations de campagnols dans ma région. Les
dégâts absolument considérables constatés sur la faune sauvage ont conduit non
seulement les protecteurs de l'environnement, mais aussi les chasseurs et les
agriculteurs à demander une suspension de cette expérience, qui s'est révélée
désastreuse.
Vous l'aurez compris, monsieur le sénateur, mon ministère préconise le recours
au piégeage et au tir d'un animal qui est chassable et qui est soumis à la
réglementation sur les animaux nuisibles.
M. Jean-Pierre Demerliat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat.
Madame la ministre, je vous remercie des précisions que vous venez de
m'apporter.
Mais, sans aller jusqu'à préconiser l'importation massive du prédateur naturel
de cet animal qui, comme chacun le sait, est l'alligator
(sourires),
peut-être pourrions-nous étudier d'autres pistes ?
Je partage tout à fait votre point de vue, madame la ministre, à savoir que
l'empoisonnement peut se révéler dangereux pour d'autres espèces, voire pour
l'homme, lorsque ce dernier ingère des produits dérivés.
Vous avez évoqué le piégeage et le tir. Pourquoi ne pas allier les avantages
de la destruction de cet animal à des activités sportives, voire ludiques ? On
m'a dit que, si le tir à l'arc de ce gibier était autorisé toute l'année, de
nombreuses personnes qui aiment exercer leur art dans la nature seraient
intéressées. De même, pourquoi ne pas autoriser toute l'année le déterrage,
qui, m'a-t-on dit, est un moyen extrêmement efficace de combattre la
prolifération des ragondins ? De nombreux équipages se feraient en effet un
devoir mais aussi un plaisir de s'adonner à cette activité.
Madame la ministre, je livre ces quelques pistes à votre sagacité et je vous
remercie de la suite que vous voudrez bien y donner.
M. le président.
L'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre
nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures
vingt-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
6
COMMUNICATION DE M. LE PRÉSIDENT
DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
M. le président. M. le président a reçu de M. le président de l'Assemblée nationale la lettre suivante :
« Paris, le 3 avril 2000.
« Monsieur le président,
« J'ai l'honneur de vous informer qu'au cours de la première séance du 30 mars
2000 Mme Christine Lazerges a été nommée vice-présidente de l'Assemblée
nationale.
« A la suite des nominations auxquelles il a été procédé les 29 et 30 mars
2000, le bureau de l'Assemblée nationale est ainsi composé :
« Président : M. Raymond Forni ;
« Vice-présidents : Mme Christine Lazerges, MM. Yves Cochet, Patrick Ollier,
Pierre-André Wiltzer, Mme Nicole Catala et M. Philippe Houillon ;
« Questeurs : MM. Serge Janquin, Patrick Braouezec et Henri Cuq ;
« Secrétaires : MM. René André, Bernard Charles, René Dosière, Mme Nicole
Feidt, MM. Edouard Landrain, Pierre Lequiller, Germinal Peiro, Mme
Marie-Françoise Pérol-Dumont, M. François Rochebloine, Mme Yvette Roudy, MM.
Michel Suchod et Jean Ueberschlag.
« Je vous prie, monsieur le président, de croire à l'assurance de ma haute
considération.
« Signé Raymond Forni »
Acte est donné de cette communication.
7
DÉMISSION DE MEMBRES
DE COMMISSIONS ET CANDIDATURES
M. le président.
J'ai reçu avis de la démission de Mme Nicole Borvo, comme membre de la
commission des affaires sociales.
Le groupe intéressé a fait connaître à la présidence le nom du candidat
proposé en remplacement.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à
l'article 8 du règlement.
J'informe le Sénat que le groupe communiste républicain et ciotyen a fait
connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la
commission des lois en remplacement de M. Michel Duffour, démissionnaire de son
mandat de sénateur.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à
l'article 8 du règlement.
Mes chers collègues, avec la courtoisie qui sied au sein de notre Haute
Assemblée, j'ai cru de mon devoir d'attendre que Mme le garde des sceaux nous
rejoigne avant de reprendre nos travaux.
Dans la mesure où elle n'était toujours pas là au bout de vingt-cinq minutes,
j'ai considéré que je devais vous en informer, ouvrir la séance puis, bien
entendu, la suspendre immédiatement, dans l'attente de son arrivée.
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt-huit, est reprise à seize heures
trente.)
M. le président. La séance est reprise.
8
PRÉSOMPTION D'INNOCENCE
ET DROITS DES VICTIMES
Suite de la discussion d'un projet de loi
en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du
projet de loi (n° 222, 1999-2000), adopté avec modifications par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture, renforçant la protection de la présomption
d'innocence et les droits des victimes. [Rapport n° 283 (1999-2000).]
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 19
bis
A.
Article 19
bis
A
M. le président.
« Art. 19
bis
A. - I. - L'article 149-1 du même code est ainsi rédigé
:
«
Art. 149-1
. - L'indemnité prévue à l'article précédent est allouée
par décision du premier président de la cour d'appel dans le ressort de
laquelle a été prononcée la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement.
»
« II. - Au premier alinéa de l'article 149-2 du même code, les mots : "La
commission, saisie" sont remplacés par les mots : "Le premier président de la
cour d'appel, saisi" et les mots : "qui n'est susceptible d'aucun recours de
quelque nature que ce soit" sont supprimés.
« III. - Le dernier alinéa du même article est supprimé.
« IV. - Il est inséré, après l'article 149-2 du même code, deux articles 149-3
et 149-4 ainsi rédigés :
«
Art. 149-3
. - Les décisions prises par le premier président de la
cour d'appel peuvent, dans les dix jours de leur notification, faire l'objet
d'un recours devant une commission nationale d'indemnisation des détentions
provisoires. Cette commission, placée auprès de la Cour de cassation, statue
souverainement et ses décisions ne sont susceptibles d'aucun recours, de
quelque nature que ce soit.
« Le bureau de la Cour de cassation peut décider que la commission nationale
comportera plusieurs formations.
« La commission nationale, ou le cas échéant, chacune des formations qu'elle
comporte, est composée du premier président de la Cour de cassation, ou de son
représentant, qui la préside, et de deux magistrats du siège de la cour ayant
le grade de président de chambre, de conseiller ou de conseiller référendaire,
désignés annuellement par le bureau de la cour. Outre ces deux magistrats, ce
bureau désigne également, dans les mêmes conditions, trois suppléants.
« Les fonctions du ministère public sont remplies par le parquet général près
la Cour de cassation.
« Les dispositions de l'article 149-2 sont applicables aux décisions rendues
par la commission nationale.
«
Art. 149-4
. - La procédure devant le premier président de la cour
d'appel et la commission nationale, qui statuent en tant que juridictions
civiles, est fixée par un décret en Conseil d'Etat. »
« V. - Les dispositions du présent article entreront en vigueur six mois après
la publication de la présente loi au
Journal officiel
. »
Par amendement n° 114, MM. Dreyfus-Schmidt, Charasse et Badinter proposent de
rédiger comme suit cet article :
« L'article 149-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
«
Art. 149-1. -
L'indemnité prévue à l'article précédent est allouée
par décision de la commission prévue à l'article 706-4. »
La parole est à M. Charasse...
Est-ce bien vous, monsieur Charasse, qui défendez cet amendement ?
M. Michel Charasse.
Pardonnez-moi, monsieur le président, de vous avoir fait attendre un peu, mais
Mme le ministre est arrivée un peu vite, si bien que je n'ai pas eu le temps de
prendre mes dispositions et de classer ma liasse d'amendements.
(Sourires.)
Il s'agit, par cet amendement, de confier le contentieux de l'indemnisation à
raison d'une détention provisoire à la commission d'indemnisation des victimes
d'infraction, la CIVI, chargée jusqu'à présent de la seule indemnisation des
victimes d'infraction.
Cette commission a une grande pratique et un grand savoir-faire. Il nous a
semblé préférable de retenir cette solution plutôt que de faire intervenir
l'unique commission siégeant à la Cour de cassation.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
La
commission n'est pas favorable à cet amendement.
La CIVI est une commission tout à fait différente que celle qui est prévue
ici, puisqu'elle est chargée d'indemniser les victimes d'infraction dont on ne
retrouve pas l'auteur.
L'Assemblée nationale a décentralisé le système d'indemnisation des détentions
provisoires puisque ce sont les premiers présidents des cours d'appel qui,
dorénavant, statueront en première instance. Nous considérons que l'idée est
bonne et qu'il est préférable de retenir le système qui nous est proposé par
l'Assemblée nationale.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Avant de donner l'avis du
Gouvernement sur cet amendement, je tiens à faire une remarque.
Puisque M. Charasse a ironisé sur l'heure à laquelle j'arrivais...
M. Michel Charasse.
Pas du tout !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... et que j'ai cru entendre quelques rires - j'aurais
préféré que cela s'exprime de façon plus claire, c'eût été moins grossier ! -
(Exclamations sur certaines travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains Indépendants),
je veux dire ici que j'ai indiqué à plusieurs
reprises que je ne pouvais donner l'assurance d'être au Sénat à seize heures
quinze, alors que j'assistais à l'Assemblée nationale à la séance consacrée aux
questions d'actualité, séance qui, très fréquemment - c'était encore le cas
aujourd'hui - se prolonge jusque vers seize heures dix.
Je ne vois pas comment, matériellement - sauf à utiliser, et encore ! des
moyens auxquels je n'aime pas recourir - on peut parcourir la distance qui
sépare l'Assemblée nationale du Sénat en cinq minutes en milieu
d'après-midi.
Je répète donc que, si la conférence des présidents s'obstine à fixer la
séance à seize heures quinze, j'aurai le regret, de temps en temps, d'être en
retard et de faire attendre le Sénat, ce dont je le prie par avance de bien
vouloir m'excuser.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Il faut
voir cela avec le ministre chargé des relations avec le Parlement, madame le
garde des sceaux !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
C'est la conférence des présidents qui fixe les
horaires, et pas seulement le ministre chargé des relations avec le
Parlement.
J'en viens à l'amendement n° 114.
Cet amendement vise à confier l'indemnisation des détentions provisoires à la
commission d'indemnisation des victimes d'infraction, la CIVI.
Il me paraît contestable de faire un parallèle entre la victime d'une
infraction pénale et une personne qui a été placée en détention provisoire et
qui a bénéficié par la suite d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un
acquittement.
Un juge d'instruction aujourd'hui, un juge de la détention provisoire demain,
peut, au moment où il est saisi, au vu des éléments du dossier de la procédure
et pour assurer le succès des investigations nécessaires à la manifestation de
la vérité, décider une mesure de placement en détention provisoire.
Ce qui est justifié à cet instant au vu des éléments du dossier pourra être
effectivement contesté plus tard.
La personne placée dans ces conditions en détention provisoire est
effectivement une victime : le préjudice qu'elle a subi doit être légitimement
indemnisé.
Ce qui la distingue, toutefois, de la victime d'une infraction pénale, c'est
qu'aucune faute n'est à l'origine du préjudice dont elle a souffert.
Le parallèle avancé par les auteurs de l'amendement ne peut donc être accepté
et, dans ces conditions, le recours à la CIVI ne se justifie pas.
De plus, le système proposé par le Gouvernement, et accepté par l'Assemblée
nationale - je rappelle qu'il confie l'indemnisation au premier président de la
cour d'appel et qu'il prévoit un appel devant la commission placée auprès de la
Cour de cassation - me paraît répondre aux voeux de l'auteur de
l'amendement.
Le premier président pourra élaborer une jurisprudence qui s'appliquera à
l'ensemble de la cour d'appel. Cela lui permettra d'évaluer de façon encore
plus précise l'action des juges d'instruction et des magistrats des cours et
des tribunaux de son ressort, dont il assure la notation.
Je demande donc au Sénat de rejeter l'amendement.
M. le président.
Madame le garde des sceaux, permettez-moi, à la suite de vos propos, de vous
dire que l'ensemble des membres de la Haute Assemblée ont eu envers vous une
attitude très courtoise, que leurs sourires ironiques faisaient suite à la
réflexion de M. Charasse et ne visaient pas du tout votre personne.
Au Sénat, la courtoisie a toujours été la règle envers tous les
gouvernements.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 114.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Madame le garde des sceaux, sans vouloir prolonger l'incident, je tiens
néanmoins à vous dire, pour que vous n'interprétiez pas mal le propos que j'ai
tenu tout à l'heure, que M. le président a suspendu la séance en indiquant que
vous étiez légèrement retardé et cela quelques secondes seulement avant votre
arrivée. J'avais cru naïvement pouvoir disposer de quatre ou cinq minutes pour
reclasser mes amendements, et il se trouve qu'en raison de votre arrivée
immédiate c'est moi qui ai dû faire attendre et le Sénat et vous-même. Donc, si
quelqu'un doit être confus, c'est moi et pas vous !
En tout cas, n'interprétez pas ce que j'ai dit tout à l'heure comme quelque
chose de désagréable à votre endroit. Nous sommes un certain nombre ici à
connaître les contraintes des membres du Gouvernement lorsqu'il faut se
partager entre les deux assemblées en temps réel, et loin de moi l'idée de
faire au garde des sceaux, en particulier, quelque reproche que ce soit à cet
égard !
Par conséquent, pardon, madame le garde des sceaux, de vous avoir fait
attendre tout à l'heure trop longtemps avant de présenter l'amendement n° 114,
que, compte tenu de vos explications et de celles de la commission, je retire
!
(Très bien ! sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
L'amendement n° 114 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 19
bis
A.
(L'article 19
bis
A est adopté.).
Mme Hélène Luc.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc.
Puisque la question vient d'être abordée, j'indique que je vais renouveler à
la conférence des présidents ma proposition de commencer à seize heures quinze
le mardi après-midi pour que les ministres puissent être à l'heure.
M. le président.
C'est à la conférence des présidents que vous ferez cette proposition, madame
Luc.
Article 19
bis
M. le président.
« Art. 19
bis.
- Une commission de suivi de la détention provisoire est
instituée. Elle est placée auprès du ministre de la justice. »
« Elle est composée de deux représentants du Parlement, d'un magistrat de la
Cour de cassation, d'un membre du Conseil d'Etat, d'un professeur de droit,
d'un avocat et d'un représentant d'un organisme de recherche judiciaire.
« Elle est chargée de réunir les données juridiques, statistiques et
pénitentiaires concernant la détention provisoire, en France et à l'étranger.
Elle se fait communiquer tout document utile à sa mission et peut procéder à
des visites ou à des auditions.
« Elle publie dans un rapport annuel les données statistiques locales,
nationales et internationales concernant l'évolution de la détention provisoire
ainsi que la présentation des différentes politiques mises en oeuvre. Elle
établit une synthèse des décisions en matière d'indemnisation de la détention
provisoire prises en application des articles 149-1 à 149-4 du code de
procédure pénale.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent
article. »
Par amendement n° 42, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de
supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
L'Assemblée nationale a institué une commission du suivi de
la détention provisoire chargée de collecter des statistiques, d'élaborer un
rapport annuel et de faire une synthèse des décisions de la commission
d'indemnisation.
La commission des lois a estimé que cette commission supplémentaire, qui
s'ajouterait, évidemment, à tant d'autres, n'était pas nécessaire dès lors
qu'un certain nombre de dispositions étaient prévues : ainsi, dorénavant, les
parlementaires pourront tous visiter les prisons dans leur département ; par
ailleurs, la Cour de cassation dresse déjà, chaque année, un bilan des
décisions de la commission d'indemnisation des détentions provisoires abusives,
bilan que les commissions des lois des assemblées parlementaires peuvent
naturellement se procurer.
J'ajoute, au surplus - ce point n'est pas sans importance - que la question
relève du domaine réglementaire et non pas du domaine législatif.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 42.
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Je regrette la suppression d'une disposition qui, aux yeux de M. le
rapporteur, n'a pas d'utilité dans la mesure où il est permis à tout
parlementaire de visiter les prisons.
Soit, nous allons visiter des prisons et des maisons d'arrêt ! Mais qu'en
résultera-t-il ? Lorsqu'un parlementaire, après avoir visité des prisons,
adressera un courrier au garde des sceaux ou au Premier ministre pour faire
état des conditions dans lesquelles les détenus sont hébergés, peut-il espérer
que cette initiative trouvera auprès d'eux quelque écho ?
J'en doute, et c'est la raison pour laquelle je considérais - sans doute à
tort, si j'en crois M. le rapporteur - que cette commission de suivi aurait eu
quelque utilité, et qu'au moins un rapport annuel aurait pu être présenté sur
les conditions dans lesquelles les détenus sont hébergés.
J'ai moi-même visité, sans doute comme d'autres dans leur département, une ou
deux prisons et les maisons d'arrêt de mon département. J'ai été effaré de
constater dans quelles conditions l'hébergement était assuré et quelles étaient
les conditions de vie. Il s'agit certes de détenus, mais voilà bien longtemps
que les directeurs de prison dénoncent l'insuffisance, quels que soient les
gouvernements, des moyens mis à leur disposition pour l'humanisation des
établissements !
Certes, si cette commission avait eu pour seul objet d'établir des
statistiques sur le plan national, elle n'aurait présenté qu'un intérêt
relatif, mais, si elle avait pu appeler l'attention de la représentation
nationale et du Gouvernement sur les moyens qu'il faut mettre en oeuvre pour
que les prisons et les maisons d'arrêt soient aménagées de façon acceptable,
encore une fois, elle aurait eu son utilité.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Monsieur Vasselle, je comprends parfaitement votre souci, qui
est d'ailleurs également le nôtre.
Vous le savez, une commission d'enquête a été créée pour étudier ce sujet.
Vous savez également que M. Canivet, Premier président de la Cour de cassation,
a établi un rapport sur ce problème des prisons. Dans ce texte même, nous avons
fait un certain nombre de démarches, notamment celle visant l'emprisonnement
individuel lorsqu'on est en détention provisoire.
C'est vrai, cette commission de suivi n'est pas faite seulement pour établir
des statistiques, mais nombre d'informations convergent déjà vers nous sur la
détention provisoire, et nous continuerons à suivre cette affaire, qui est de
la plus haute importance.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 42, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 19
bis
est supprimé.
Articles additionnels après l'article 19
bis
M. le président.
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 88 rectifié, M. Vasselle propose d'insérer, après l'article
19
bis,
un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 4 du code de procédure pénale, il est inséré un article
additionnel ainsi rédigé :
«
Art. ... -
Lorsque le procureur de la République est saisi d'une
plainte avec constitution de partie civile à raison des actes d'un élu ou d'un
agent public et que l'instruction est confiée à un juge d'instruction, le
préfet peut élever le conflit à tout moment afin que soit déterminé s'il y a eu
faute de service ou faute personnelle. »
Par amendement n° 141, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 19
bis,
un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales,
il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. ... -
Lorsqu'une personne qui se prétend lésée par un crime ou
un délit dépose plainte contre un élu municipal agissant en qualité de maire ou
par délégation de ce dernier, le procureur de la République saisit le tribunal
des conflits afin qu'il apprécie le caractère sérieux et fondé de la plainte
et, dans l'affirmative, qu'il détermine si les faits incriminés sont
détachables ou non de la fonction d'élu municipal. Dans le cas où le tribunal
des conflits déclare que les faits ne sont pas détachables de la fonction, il
examine si l'auteur des faits a accompli les diligences normales compte tenu,
le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses
compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il dispose et dans
l'affirmative ordonne le renvoi devant les juridictions administratives
compétentes. Dans le cas contraire ou si les faits sont détachables de la
fonction, il ordonne le renvoi devant la juridiction judiciaire compétente.
»
Par amendement n° 142, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 19
bis,
un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article L. 3123-28 du code général des collectivités
territoriales, un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. ... -
Lorsqu'une personne qui se prétend lésée par un crime ou
un délit dépose plainte contre un membre d'un conseil général agissant en
qualité de président ou par délégation de celui-ci, le procureur de la
République saisit le tribunal des conflits afin qu'il apprécie le caractère
sérieux et fondé de la plainte et, dans l'affirmative, qu'il détermine si les
faits incriminés sont détachables ou non de leurs fonctions. Dans le cas où le
tribunal des conflits déclare que les faits ne sont pas détachables de la
fonction, il examine si l'auteur des faits a accompli les diligences normales
compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions,
de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il dispose et dans
l'affirmative ordonne le renvoi devant les juridictions administratives
compétentes. Dans le cas contraire ou si les faits sont détachables de la
fonction, il ordonne le renvoi devant la juridiction compétente. »
Par amendement n° 143, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 19
bis,
un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article L. 4135-28 du code général des collectivités
territoriales, un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ...
- Lorsqu'une personne qui se prétend lésée par un crime ou
un délit dépose plainte contre un membre d'un conseil régional agissant en
qualité de président ou par délégation de celui-ci, le procureur de la
République saisit le tribunal des conflits afin qu'il apprécie le caractère
sérieux et fondé de la plainte et, dans l'affirmative, qu'il détermine si les
faits incriminés sont détachables ou non de leurs fonctions. Dans le cas où le
tribunal des conflits déclare que les faits ne sont pas détachables de la
fonction, il examine si l'auteur des faits a accompli les diligences normale
compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions,
de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il dispose et dans
l'affirmative ordonne le renvoi devant les juridictions administratives
compétentes. Dans le cas contraire ou si les faits sont détachables de la
fonction, il ordonne le renvoi devant la juridiction judiciaire compétente.
»
La parole est à M. Vasselle, pour défendre l'amendement n° 88 rectifié.
M. Alain Vasselle.
Cet amendement reprend, dans son esprit, un amendement que j'avais déposé en
première lecture et qui avait fait l'objet de l'assentiment de la commission
des lois et de la Haute Assemblée. Il concerne l'aiguillage des plaintes
déposées par certaines personnes ou certaines entreprises se considérant
victimes d'initiatives prises par des magistrats municipaux dans l'exercice de
leurs responsabilités.
Le présent amendement a été rejeté par la commission des lois, et j'ai bien
noté dans le rapport que, si tel est le cas, c'est parce que la commission a
considéré qu'il avait plutôt sa place ailleurs que dans le texte de loi sur la
présomption d'innocence.
Bien évidemment, on s'est fondé sur le rapport Massot et, surtout, sur la
proposition de loi de M. Fauchon, adoptée par la Haute Assemblée telle
qu'amendée par la commission des lois.
Ce que j'ai lu et ce que j'ai entendu laisse à penser qu'en définitive, avec
la proposition de loi de M. Fauchon, nous avons réglé de manière définitive les
problèmes qui se posent aux maires.
Je pense tout particulièrement, en ce qui me concerne, aux seize maires de
l'Oise qui ont connu la mise en oeuvre de la procédure pénale à leur encontre,
c'est-à-dire la mise en examen et la garde à vue.
D'ailleurs, ce dossier, vieux déjà de plusieurs mois, n'a toujours pas connu,
pour le moment, d'aboutissement : les maires sont encore sous contrôle
judiciaire, aucune issue n'a été trouvée, le juge d'instruction n'a même pas
remis son rapport et la procédure est complètement stoppée. Les maires,
évidemment, vivent assez mal cette attente d'un jugement qui peut survenir à un
moment ou à un autre.
Sans doute ce problème sera-t-il évoqué lorsque nous examinerons, à la fin du
texte, tout ce qui a trait à la garde à vue. Les maires avaient en effet mal
vécu les conditions dans lesquelles la garde à vue avait été mise en oeuvre à
leur encontre : ils avaient été traités comme des criminels de grand chemin et
les officiers de police judiciaire n'avaient pas fait preuve de discernement au
cours de l'interrogatoire auquel ils les avaient soumis et qui avait pour but
d'éclairer la justice pour savoir s'il y avait faute ou non.
Par conséquent, cet amendement vise notamment à revenir sur cette idée du
filtre, qui permettrait d'orienter dans la bonne voie la plainte déposée par un
administré ou par une entreprise, afin d'éviter le recours à la procédure
pénale. Chacun sait qu'aujourd'hui nombre de victimes s'engagent dans cette
procédure, souvent sur le conseil de leur avocat, d'une part, parce que cela ne
leur coûte rien et, d'autre part, parce que cela leur permet d'obtenir plus
rapidement la réparation des dommages, la procédure civile ne leur permettant
pas de parvenir aux mêmes résultats.
Chacun reconnaît aujourd'hui qu'il y a une utilisation perverse de la
procédure pénale et que celle-ci est complètement inadaptée aux situations
vécues par les maires, par les élus.
C'est pourquoi il m'apparaît urgent que nous puissions à nouveau aller plus
loin en matière d'aménagement du code de procédure pénale, mais également
d'aménagement des dispositions législatives, pour que, effectivement, il y ait
une procédure tout à fait adaptée aux plaintes visant les maires dans
l'exercice de leurs fonctions.
Je tenais à présenter l'objet de cet amendement dès à présent devant la Haute
Assemblée. J'adopterai la position qu'il me paraîtra utile d'adopter en
fonction des éléments de réponse ou des considérations que ne manqueront pas
d'apporter M. le rapporteur, le président de la commission des lois ou le
Gouvernement sur cet amendement.
Je me réserve donc la possibilité de le retirer pour reprendre un peu plus
tard l'initiative à l'occasion de la deuxième lecture de la proposition de loi
de M. Fauchon devant la Haute Assemblée, sous réserve, bien entendu, d'être
assuré que la commission des lois acceptera de prendre en considération une
disposition de cette nature ; sans préjuger la suite qui y sera donnée par le
Sénat, je veux au moins avoir l'assurance qu'elle sera examinée.
M. le président.
La parole est à M. Charasse, pour défendre les amendements n°s 141, 142 et
143.
M. Michel Charasse.
Ces trois amendements pourraient n'en constituer qu'un seul, puisque leur
philosophie est identique, mais ils visent chacun une catégorie d'élus locaux :
le premier, les élus municipaux ; le deuxième, les élus départementaux ; le
troisième, les élus régionaux.
La philosophie de ces trois amendements est analogue, même si le dispositif
est différent, à la philosophie de l'amendement n° 88 rectifié que vient de
présenter M. Vasselle.
Ce que je propose, c'est que chaque fois qu'une plainte est déposée contre un
élu local, le tribunal des conflits apprécie si la plainte relève de l'ordre
judiciaire ou de l'ordre administratif, puisque, contrairement à ce que l'on
peut croire, tout n'est pas pénal, mais qu'aujourd'hui tout le devient, puisque
tout va systématiquement devant le juge judiciaire.
Je m'étais rallié en première lecture à un amendement, je dis analogue parce
qu'il n'était pas exactement le même que celui que M. Vasselle vient de nous
présenter, qui partait de la même idée, même si le dispositif était
défférent.
L'Assemblée nationale ne l'a pas retenu - dont acte - sans que j'arrive
d'ailleurs à savoir si elle l'a contesté sur le fond ou si elle a considéré
qu'il était mal placé dans le projet de loi dont nous discutons.
Monsieur le président, personnellement, je suis prêt, comme l'a laissé
entendre à l'instant M. Vasselle, à renoncer à cette discussion et au vote
maintenant, si nous avons l'assurance que la proposition de loi de M. Fauchon
qui reviendra en deuxième lecture sera ouverte. C'est ce que l'on nous a dit la
semaine dernière ; j'ai d'ailleurs accepté de retirer deux ou trois amendements
la semaine dernière, en indiquant que je me réservais de reprendre cette
discussion, en accord d'ailleurs avec le rapporteur de la commission des lois
et peut-être même le président de la commission des lois, lorsque la
proposition de loi de M. Fauchon nous sera soumise en deuxième lecture.
Mais j'ai appris tout à l'heure, de la bouche du rapporteur de ce texte à
l'Assemblée nationale, qui a prévenu mon groupe politique, qu'un accord
pourrait être conclu entre M. Fauchon et l'Assemblée nationale, pour que nous
votions ici, en deuxième lecture, conforme la proposition de loi de M. Fauchon
modifiée et complétée par l'Assemblée nationale.
Je voudrais savoir ce qu'il en est exactement parce que l'on ne peut pas nous
« baguenauder » ainsi pendant toute la session, en nous disant : ce n'est pas
maintenant, c'est tout à l'heure ; ce n'est pas tout à l'heure, c'est
maintenant ; ce n'est pas aujourd'hui, c'est demain, etc... ! Sur un plan
purement sexuel, par exemple, certains sont devenus fous avec de tels allers et
retours !
(Rires.)
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'aministration générale.
Me
permettez-vous de vous interrompre, monsieur Charasse ?
M. Michel Charasse.
Certes, je vais vous permettre de m'interrompre, mais je voudrais savoir ce
qu'il en est exactement. Cela ne nous empêchera pas de présenter nos
amendements ; mais s'il doit être entendu à l'avance qu'ils ne seront pas
adoptés parce que l'on veut faire un « conforme », je ne retire rien du tout
!
M. le président.
La parole est M. le président de la commission des lois, avec l'autorisation
de l'orateur.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Puisque nous sommes dans le domaine
de la fabulation, du on-dit ou du racontar, je ne sais vraiment pas comment
vous répondre ! Ce n'est pas sérieux !
Moi, je peux vous dire qu'à ma connaissance ce texte viendra devant la
commission des lois quand il reviendra de l'Assemblée nationale. Il sera
normalement discuté et la commission fera les propositions qu'elle entend faire
et la Haute Assemblée décidera. Il paraît peu convenant de subordonner la suite
de notre discussion à...
M. Hilaire Flandre.
A un engagement !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
... à la vérification d'un on-dit
!
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Charasse.
M. Michel Charasse.
Monsieur Larché, qu'il n'y ait pas de malentendu : il n'est pas question de
soumettre la commission des lois à quelque mandat impératif que ce soit. Ce que
nous souhaitons, et je pense que c'est également l'opinion de M. Vasselle,
c'est que nos textes puissent être discutés et que le Sénat puisse se prononcer
à leur sujet sans aucune obligation ni contrainte.
Si le président de la commission des lois nous confirme qu'il n'est pas
question de partir sur la base d'un vote conforme - ce qui ne veut pas dire que
la commission des lois n'a pas le droit de changer d'avis, lorsqu'elle sera
saisie, en deuxième lecture, de la proposition de M. Fauchon - donc, si d'ores
et déjà les choses ne sont pas déterminées, je veux bien en tenir compte, pour
simplifier, et accepter de ne pas insister aujourd'hui comme, je le pense, M.
Vasselle. Mais si nous devions nous sentir floués, lorsque la proposition de
loi de M. Fauchon viendra en deuxième lecture, cela augure mal de notre
souplesse et de notre bienveillance dans des débats ultérieurs.
En tout état de cause, je ne peux pas me prononcer sur l'amendement n° 88
rectifié de M. Vasselle, mais, pour ce qui est de mes amendements n°s 141, 142
et 143, compte tenu de la confiance que je porte à la parole de M. le président
de la commission des lois, je les retire.
M. le président.
Les amendements n°s 141, 142 et 143 sont retirés.
Monsieur Vasselle, l'amendement n° 88 rectifié est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle.
Au bénéfice de la confiance incommensurable que je porte à M. le président de
la commission et à M. le rapporteur, je suis M. Charasse en retirant mon propre
amendement.
Mais les choses doivent être claires. J'ai l'habitude de parler franc et
d'être très direct - je suppose que M. Charasse le ferait également - je
reprendrai l'initiative lorsque la proposition de loi de M. Fauchon viendra en
deuxième lecture car je tiens à dire ici - cela n'engage que moi, mais je crois
savoir que quelques autres collègues ne sont pas loin de partager mon sentiment
- que ce texte ne me satisfait pas.
Je considère que nous n'avons pas réglé, une fois pour toutes, le problème de
l'insécurité juridique dans laquelle se trouvent les élus locaux. Il faudra
aller plus loin ; la proposition de loi de M. Fauchon en est l'occasion, au
bénéfice d'ailleurs des réflexions et des amendements qui auront été apportés
par l'Assemblée nationale. Cet éclairage supplémentaire permettra à la Haute
Assemblée d'aller encore plus loin s'agissant des dispositions législatives à
prendre sur ce sujet.
M. le président.
L'amendement n° 88 rectifié est retiré.
Chapitre III
Dispositions renforçant le droit à être jugé
dans un délai raisonnable
Article 20
M. le président.
« Art. 20. - Après l'article 77-1 du même code, sont insérés deux articles
77-2 et 77-3 ainsi rédigés :
«
Art. 77-2
. - Toute personne placée en garde à vue au cours d'une
enquête préliminaire ou de flagrance qui, à l'expiration d'un délai de six mois
à compter de la fin de la garde à vue, n'a pas fait l'objet de poursuites, peut
interroger le procureur de la République dans le ressort duquel la garde à vue
s'est déroulée sur la suite donnée ou susceptible d'être donnée à la procédure.
Cette demande est adressée par lettre recommandée avec accusé de réception.
« Dans le mois suivant la réception de la demande, le procureur de la
République compétent doit soit engager des poursuites contre l'intéressé, soit
engager l'une des mesures prévues aux articles 41-1 à 41-4, soit lui notifier
le classement sans suite de la procédure à son égard, soit, s'il estime que
l'enquête doit se poursuivre, saisir le président du tribunal de grande
instance. A défaut de saisine de ce magistrat, il ne peut être procédé contre
l'intéressé, à peine de nullité, à aucun acte d'enquête postérieurement au
délai d'un mois à compter de la réception de la demande.
« Lorsque le président du tribunal de grande instance est saisi en application
des dispositions du précédent alinéa, il entend, au cours d'un débat
contradictoire, les observations du procureur de la République et de la
personne intéressée, assistée le cas échéant par son avocat. A l'issue de ce
débat, le président décide si l'enquête peut être poursuivie. En cas de réponse
négative, le procureur de la République doit, dans les deux mois, soit engager
des poursuites contre l'intéressé, soit lui notifier le classement sans suite
de la procédure à son égard, soit engager l'une des mesures prévues aux
articles 41-1 à 41-4. Si le président autorise la continuation de l'enquête, il
fixe un délai qui ne peut être supérieur à six mois, à l'issue duquel la
personne intéressée peut, le cas échéant, faire à nouveau application des
dispositions du présent article.
« Si la personne intéressée en fait la demande, le débat contradictoire prévu
à l'alinéa précédent se déroule en audience publique, sauf si la publicité est
de nature à entraver les investigations nécessitées par l'enquête, à nuire à la
dignité de la personne ou aux intérêts d'un tiers. Le président du tribunal de
grande instance statue sur cette demande par une décision motivée qui n'est pas
susceptible de recours.
«
Art. 77-3
. -
Non modifié.
»
Par amendement n° 43, M. Jolibois, au nom de la commission, propose, à la fin
du premier alinéa du texte présenté par cet article pour l'article 77-2 du code
de procédure pénale, de remplacer les mots : « accusé de réception » par les
mots : « demande d'avis de réception ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement purement rédactionnel.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Sagesse.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 43, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 44, M. Jolibois, au nom de la commission, propose, dans les
deuxième, troisième et quatrième alinéas du texte présenté par l'article 20
pour l'article 77-2 du code de procédure pénale, de remplacer les mots : «
président du tribunal de grande instance » par les mots : « juge des libertés
».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Cet amendement tend à donner au juge des libertés, dont nous
avons admis le principe et l'ensemble des pouvoirs lors de nos premières
délibérations, le pouvoir de contrôler l'évolution des enquêtes
préliminaires.
Comme je l'avais déjà dit, le juge des libertés n'interviendrait pas seulement
pour toutes les procédures ou instructions ; il sera le gardien des libertés
individuelles et il interviendra pour toute une série d'affaires dont j'avais
déjà donné d'ailleurs la liste.
Il s'ensuit cet amendement qui vise à remplace les mots « président du
tribunal de grande instance » par les mots « juge des libertés ».
M. le président.
Par amendement n° 45, M. Jolibois, au nom de la commission, propose, dans la
deuxième phrase du troisième alinéa du texte présenté par l'article 20 pour
l'article 77-2 du code de procédure pénale, de remplacer les mots : « le
président décide », par les mots : « le juge des libertés décide ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 44 et 45 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable par coordination.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 44, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 45, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 20, modifié.
(L'article 20 est adopté.)
Article 20 bis
M. le président.
L'article 20
bis
a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Article 21
M. le président.
« Art. 21. - I. - Le deuxième alinéa de l'article 89-1 du même code est
remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« S'il estime que le délai prévisible d'achèvement de l'information est
inférieur à un an en matière délictuelle et dix-huit mois en matière
criminelle, le juge d'instruction en avise la partie civile. Si le juge ne peut
fixer un délai prévisible d'achèvement inférieur à ces durées, il indique à la
partie civile qu'elle pourra demander, en application de l'article 175-1, la
saisine du président de la chambre d'accusation au bout d'une année en matière
délictuelle et de dix-huit mois en matière criminelle.
« Les avis prévus par le présent article peuvent également être faits par
lettre recommandée. »
« II. - Il est inséré, après le quatrième alinéa de l'article 116 du même
code, un alinéa ainsi rédigé :
« S'il estime que le délai prévisible d'achèvement de l'information est
inférieur à un an en matière délictuelle et dix-huit mois en matière
criminelle, le juge d'instruction en avise la personne mise en examen. Si le
juge ne peut fixer un délai prévisible d'achèvement inférieur à ces durées, il
indique à la personne qu'elle pourra demander, en application de l'article
175-1, la saisine du président de la chambre d'accusation au bout d'une année
en matière délictuelle et de dix-huit mois en matière criminelle. »
« III. - L'article 175-1 du même code est ainsi rédigé :
«
Art. 175-1. -
Le témoin assisté, la personne mise en examen ou la
partie civile peut, si l'information n'est pas close à l'issue d'un délai de
douze mois en matière délictuelle ou dix-huit mois en matière criminelle à
compter, selon le cas, de la date de la première audition, de la première
comparution ou de celle du dépôt de la plainte avec constitution de partie
civile, demander au juge d'instruction de transmettre immédiatement le dossier
de la procédure au président de la chambre d'accusation. Le juge d'instruction
effectue cette transmission par une ordonnance motivée justifiant la durée de
l'information et les perspectives de son règlement.
« Dans les huit jours de la réception de ce dossier, le président peut
autoriser le juge d'instruction, par une ordonnance non susceptible d'appel, à
poursuivre l'information pour une durée qui ne peut excéder six mois.
« Dans le même délai, il peut également transmettre le dossier de la procédure
au procureur général qui le soumet à la chambre d'accusation dans les
conditions prévues aux articles 194 et suivants. Celle-ci peut ordonner soit le
renvoi devant la juridiction de jugement ou la mise en accusation devant la
cour d'assises, soit le non-lieu à suivre. Elle peut également soit renvoyer le
dossier au même juge d'instruction ou à tel autre aux fins de poursuite de
l'information, soit évoquer et procéder dans les conditions prévues aux
articles 201, 202 et 204, auxquels cas elle fixe un délai qui ne peut excéder
un an en matière délictuelle ou dix-huit mois en matière criminelle ; si
l'information n'est toujours pas close à l'issue de ce nouveau délai, la
chambre d'accusation peut, selon la même procédure et les mêmes conditions, le
proroger.
« Jusqu'à ce que la chambre d'accusation ait statué, le juge d'instruction
peut procéder à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la
manifestation de la vérité. »
Par amendement n° 46, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit cet article :
« I. - Le deuxième alinéa de l'article 89-1 du même code est remplacé par deux
alinéas ainsi rédigés :
« S'il estime que le délai prévisible d'achèvement de l'information est
inférieur à un an, le juge d'instruction donne connaissance de ce délai à la
partie civile et l'avise qu'à l'expiration dudit délai elle pourra demander la
clôture de la procédure en application des dispositions de l'article 175-1. Si
le juge ne peut fixer un délai prévisible d'achèvement inférieur à un an, il
indique à la partie civile qu'elle pourra demander, en application de ce même
article, la clôture de la procédure au bout d'une année.
« Les avis prévus au présent article peuvent également être faits par lettre
recommandée. »
« II. - L'article 175-1 du même code est ainsi rédigé :
«
Art. 175-1. -
La personne mise en examen ou la partie civile peut, à
l'expiration du délai qui lui a été indiqué en application du cinquième alinéa
de l'article 116 ou du deuxième alinéa de l'article 89-1, ou, si un tel délai
n'a pas été notifié, après qu'une année s'est écoulée à compter,
respectivement, de la date de la mise en examen ou de la constitution de partie
civile, demander au juge d'instruction, selon les modalités prévues au dixième
alinéa de l'article 81, de prononcer le renvoi devant la juridiction de
jugement ou de transmettre la procédure au procureur général, ou de déclarer
qu'il n'y a pas lieu à suivre, y compris en procédant, le cas échéant, à une
disjonction. Cette demande peut également être formée lorsqu'aucun acte
d'instruction n'a été accompli pendant un délai de quatre mois.
« Dans le délai d'un mois à compter de la réception de cette demande, le juge
d'instruction y fait droit ou déclare, par ordonnance motivée, qu'il y a lieu à
poursuivre l'information. Dans le premier cas, il procède selon les modalités
prévues à la présente section. Dans le second cas, ou à défaut pour le juge
d'avoir statué dans le délai d'un mois, la personne peut saisir le président de
la chambre de l'instruction en application de l'article 207-1. Cette saisine
doit intervenir dans les cinq jours qui suivent la notification de la décision
du juge ou l'expiration du délai d'un mois.
« Lorsque le juge d'instruction a déclaré qu'il poursuivait son instruction,
une nouvelle demande peut être formée à l'expiration d'un délai de six mois.
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables après l'envoi de
l'avis prévu au premier alinéa de l'article 175. »
« III. - Après l'article 175-1 du même code, il est inséré un article 175-2
ainsi rédigé :
«
Art. 175-2. -
En toute matière, la durée de l'instruction ne peut
excéder un délai raisonnable au regard de la gravité des faits reprochés à la
personne mise en examen, de la complexité des investigations nécessaires à la
manifestation de la vérité et de l'exercice des droits de la défense.
« Si, à l'issue d'un délai de deux ans à compter de l'ouverture de
l'information, celle-ci n'est pas terminée, le juge d'instruction rend une
ordonnance motivée par référence aux critères prévus à l'alinéa précédent,
expliquant les raisons de la durée de la procédure, comportant les indications
qui justifient la poursuite de l'information et précisant les perspectives de
règlement. Cette ordonnance est communiquée au président de la chambre de
l'instruction qui peut, par requête, saisir cette juridiction conformément aux
dispositions de l'article 221-1.
« L'ordonnance prévue à l'alinéa précédent doit être renouvelée tous les six
mois. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
L'importance de cet amendement ne vous a sans doute pas
échappé. Il s'agit de revenir au dispositif prévu par le projet de loi initial,
s'agissant du contrat de procédure et du « droit au cri ».
Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale pouvait aboutir à bloquer les
instructions en prévoyant la transmission au président de la chambre
d'accusation du dossier de l'instruction à l'issue d'un délai d'un an. Le Sénat
avait prévu, en première lecture, une demande de clôture au bout d'un an et, à
la demande de M. Hyest, un renvoi obligatoire du dossier au président de la
chambre d'accusation au terme d'une période de deux ans.
Notre amendement tend à revenir au système que nous avions prévu lors de la
première lecture. La commission saisit l'occasion de cette deuxième lecture
pour vous proposer d'en améliorer la rédaction en reprenant un amendement
déposé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale et que celle-ci n'avait pas
retenu. L'objectif est en fait, sur le fond, de revenir aux dispositions
adoptées par le Sénat en première lecture.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement est très favorable à cet amendement,
qui est un nouvel exemple du rôle très constructif du Sénat.
Votre assemblée a amélioré, en première lecture, la disposition initialement
présentée, en ajoutant au mécanisme du calendrier prévisionnel proposé par le
Gouvernement un contrôle automatique de la chambre d'accusation à l'issue d'un
délai de deux ans.
Votre commission propose de rétablir ce contrôle qui a été supprimé par
l'Assemblée nationale en reprenant sous une forme très légèrement différente un
amendement que j'avais déposé à l'Assemblée nationale et qui était directement
inspiré du texte que vous aviez adopté en première lecture. Là encore, je ne
peux que me réjouir de cette amélioration et, évidemment, de la communauté de
vues qui existe entre le Gouvernement et le Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 46, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 21 est ainsi rédigé.
Article additionnel après l'article 21
M. le président.
Par amendement n° 131, MM. Charasse et Dreyfus-Schmidt proposent d'insérer,
après l'article 21, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 432-14 du code pénal est complété,
in fine,
par un second
alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, les violations des dispositions du code des marchés publics ne
peuvent donner lieu qu'à réparation civile, quand elles n'ont pas été commises
intentionnellement dans un but d'enrichissement personnel de leurs auteurs ou
de leurs bénéficiaires. »
L'amendement est-il soutenu ?...
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Je le reprends, monsieur le président, la commission ayant
émis un avis favorable.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 131 rectifié, présenté par M. Jolibois,
au nom de la commission.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Cet amendement soulève un problème très important - la
complexité des règles relatives aux marchés publics - et recouvre une partie
des préoccupations que nous avons évoquées tout à l'heure lorsque M. Vasselle a
exposé son amendement.
Dans de petites collectivités, la passation de marchés publics est
effectivement extrêmement risquée : très souvent, on peut se trouver en
infraction sans même en avoir conscience.
Une refonte du code des marchés publics avait été annoncée, mais on n'a rien
vu venir malgré les appels réitérés des parlementaires.
Dans l'attente d'une vraie réforme, cet amendement de M. Charasse a le mérite
d'éviter que des personnes parfaitement honnêtes ne se trouvent poursuivies
pénalement parce qu'elles n'ont pas respecté une procédure qui - il faut le
reconnaître - est très souvent difficile à maîtriser.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je suis défavorable à cet amendement tendant à
restreindre le champ d'application du délit de favoritisme aux seules
violations du code des marchés publics qui auraient « été commises
intentionnellement dans un but d'enrichissement personnel de leurs auteurs ou
de leurs bénéficiaires ».
J'observe, en premier lieu, que - contrairement à ce que semble sous-entendre
cet amendement - le délit de favoritisme n'a pas la portée générale que
certains veulent bien lui prêter. Le délit de favoritisme est bien un délit
intentionnel.
Les juridictions de fond ne se contentent pas, en effet, de démontrer la
violation en connaissance de cause d'une disposition du code des marchés
publics. Elles caractérisent aussi l'intention coupable par des éléments
objectifs tirés de la procédure de passation du marché, tels que l'existence
d'autres infractions - faux en écriture, corruption, prise illégale d'intérêts
-, la succession, la gravité ou l'évidence des irrégularités ou des manquements
constatés, le niveau de formation, l'expérience, l'ancienneté dans les
fonctions électives de l'auteur du délit.
Par ailleurs, le critère de l'enrichissement personnel ne me paraît ni
juridiquement fondé ni en vérité très opérationnel. Le droit pénal est
indifférent au mobile. Or l'amendement proposé érige en élément constitutif de
l'infraction ce qui n'est que son mobile.
En outre, des hésitations jurisprudentielles ne manqueront pas de surgir quant
à la définition de la notion d'enrichissement personnel, qui pourrait se
caractériser soit par un accroissement du patrimoine, soit par l'absence
d'appauvrissement. Ainsi, loin d'accroître la lisibilité de la loi pénale,
l'amendement proposé générerait une insécurité juridique accrue au préjudice
des élus.
J'ajoute que, si la jurisprudence adoptait une conception restrictive de
l'enrichissement personnel, seraient désormais exonérés de responsabilités
pénales les auteurs d'agissements pouvant s'avérer préjudiciables à la loyauté
de la concurrence mais qui, pour autant, n'en tireraient aucun bénéfice
personnel. L'existence de l'enrichissement personnel conduirait donc à «
patrimonialiser » la commande publique.
Je rappelle enfin que le délit de favoritisme est intimement lié à la
moralisation de la vie publique. Son objet est de sanctionner pénalement les
premiers signes de corruption, à savoir la passation d'un marché en violation
des règles garantissant la mise en concurrence loyale et égalitaire des
candidats. La restriction de son champ d'application serait donc en
contradiction avec la volonté d'accroître la transparence de la vie politique
et économique.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 131 rectifié.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Je voudrais d'abord remercier M. le rapporteur d'avoir bien voulu reprendre
cet amendement. J'ai été retardé dans le couloir et, au moment où j'ai rejoint
l'hémicycle, ce texte avait été appelé. J'ai bien des problèmes avec le temps,
cet après-midi !...
(sourires.)
Je remercie également M. le rapporteur d'avoir exposé de la façon la plus
claire l'objet de cet amendement, qui vise, naturellement, non pas à couvrir
d'horribles turpitudes, mais à avoir une vue réaliste des choses telles
qu'elles se passent aujourd'hui.
Le code des marchés est d'une incroyable complexité. Il a été modifié à
plusieurs reprises ces dernières années, mais toujours dans le sens de la
complication.
Il nous arrive aux uns et aux autres, lorsque nous présidons une commission
d'adjudication, de nous poser des questions, de nous demander si nous avons le
droit ou non de faire ceci ou cela. Or les services qui nous conseillent - dans
les petites communes ils sont d'ailleurs peu nombreux, voire inexistants - ne
savent pas toujours à quoi s'en tenir.
J'ajoute, madame le garde des sceaux - vous pouvez faire la commission - que
l'on ne peut pas tellement compter sur le concours des services de la
concurrence et de la consommation !... Dans les communes rurales, les
commissions d'adjudication ont lieu le vendredi soir, le samedi et le dimanche,
et ces jours-là - je le dis aux maires des collectivités plus importantes -
vous êtes tranquilles, vous êtes sûrs qu'il n'y aura personne du ministère des
finances, les personnels sont en week-end. Cela ne les empêche pas de faire des
observations
a posteriori.
Ils ne s'en privent pas !
Chaque fois, je leur dis : « Vous étiez sous la table, on ne vous a pas vus !.
» Mais, Dieu merci ! j'ai peu d'observations parce que je fais plutôt
attention. Cela vaut mieux, d'ailleurs, parce que certains sont très attentifs,
font très attention au fait que d'autres ne font pas attention, vous voyez ce
que je veux dire !...
Cet amendement vise donc à éviter des « chicayas ». Au fond, madame le garde
des sceaux, à la limite, on aurait pu prévoir la violation des dispositions «
non substantielles » portant sur une question de détail non fondamentale.
Lorsqu'un marché est divisé en plusieurs lots et que la même entreprise est
candidate à plusieurs lots, elle doit fournir le même dossier pour chaque lot.
Si, pour le deuxième lot, elle a oublié, par exemple, l'attestation d'assurance
qui figure au dossier du premier lot, elle doit être écartée alors que cette
attestation, la commission la détient, elle est sur la table, à côté de nous.
Si on applique les textes strictement, tels qu'ils ont été écrits par des gens
intelligents, on est obligé d'écarter cette entreprise.
Quand je parle de « gens intelligents », il se trouve que je les connais, que
je sais de qui je parle. Et, pour certains, leur situation ne s'améliore
pas.
Je serais prêt, madame le garde des sceaux, à accepter qu'à la faveur de la
commission mixte paritaire, par exemple, vous proposiez un seuil ou une somme.
Il est bien évident que, si une violation involontaire devait entraîner un
préjudice considérable, on pourrait se poser la question de savoir si, au fond,
le pénal n'a pas son mot à dire.
Mais ce qui compte dans cette affaire et au stade où nous en sommes,
c'est-à-dire avant la commission mixte paritaire, c'est que le Sénat confirme
sa volonté, exprimée en première lecture, de régler ce genre de problèmes.
Dans mon esprit, en tant qu'auteur de cet amendement, il s'agit naturellement
de petites sommes et non de plusieurs milliards de francs, de marchés conclus
par de petites communes plutôt que par de grandes collectivités.
Si le Sénat adoptait cet amendement, je suis persuadé que, en commission mixte
paritaire, la bonne solution serait trouvée ; il s'agit d'une mesure qui ne
serait pas exagérée, mais qui serait suffisante pour un très grand nombre
d'élus locaux, notamment de petites et moyennes communes qui ont quelquefois
bien des ennuis pour des marchés modestes parce que, involontairement, ils
n'ont pas respecté telle ou telle disposition. Pourtant, ils l'ont fait sans
penser à mal, sans s'enrichir, et même sans penser à enrichir celui qui a
bénéficié du marché.
Je remercie à nouveau M. Jolibois d'avoir repris cet amendement, que je
voterai naturellement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 131 rectifié, repoussé par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 21.
Articles 21 bis A et 21 bis B
M. le président.
Les articles 21
bis
A et 21
bis
B ont été supprimés par
l'Assemblée nationale.
Conformément à la décision de la conférence des présidents, nous allons
interrompre la discussion de ce texte et aborder le point suivant de notre
ordre du jour.
9
VALIDATION LÉGISLATIVE
Adoption d'une proposition de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 245,
1999-2000) adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la validation
législative d'un examen professionnel d'accès au grade de premier surveillant
des services extérieurs de l'administration pénitentiaire. (Rapport n° 288
[1999-2000].)
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, le texte soumis à votre examen a été voté à
l'unanimité par l'Assemblée nationale. Je remercie votre commission des lois,
son président, Jacques Larché, et son rapporteur, M. Georges Othily, de vous
proposer de l'adopter sans modification.
Je vois d'ailleurs une certaine continuité entre les deux assemblées quand je
constate que l'auteur de la proposition de loi, M. le député André Gérin, est
le rapporteur du budget de l'administration pénitentiaire et que M. le sénateur
Georges Othilly exerce la même fonction au sein de la Haute Assemblée.
Le texte que votre commission des lois vous propose d'adopter apportera à un
grand nombre d'agents de l'administration pénitentiaire un apaisement auxquels
ils aspirent après avoir craint de voir remettre en cause leur situation
professionnelle.
Je rappellerai brièvement les événements qui sont à l'origine de ce texte et
la situation susceptible d'en résulter pour certains agents de l'administration
pénitentiaire avant d'aborder, plus brièvement encore, les questions juridiques
susceptibles de se poser.
Sur les événements se trouvant à l'origine de la proposition de loi, ce texte
a pour objet de valider les promotions de 181 fonctionnaires au grade de
premier surveillant de l'administration pénitentiaire.
Ces promotions prenaient respectivement effet au 1er juillet 1992 et au 1er
mars 1993 et faisaient suite à un arrêté ministériel du 10 avril 1992 fixant le
liste d'aptitude à l'exercice des fonctions de premier surveillant telle
qu'elle avait été établie à l'issue de l'examen professionnel d'accès à ce
grade organisé au titre de la session 1991-1992.
Elles ont été annulées par deux jugements du tribunal administratif de Paris
des 20 mai et 1er juillet 1997 confirmés en appel le 4 juin 1998.
Ces décisions étaient fondées sur deux motifs tirés d'irrégularités formelles
dans l'organisation de l'examen.
Le premier de ces motifs tenait à la désignation de certains examinateurs en
dehors des membres du jury. Je précise qu'un arrêté ministériel du 20 janvier
1978, signé du directeur de l'administration pénitentiaire de l'époque,
autorisait alors le président du jury à faire appel à d'autres examinateurs
participant aux épreuves de sélection dans les mêmes conditions que les membres
du jury.
L'objet de cette disposition était de permettre de recourir à des compétences
extérieures pour la bonne organisation d'épreuves auxquelles se présentent un
très grand nombre de candidats. Cet arrêté a été invalidé par les décisions que
je viens d'évoquer.
Le second motif tenait à l'absence de mention au procès-verbal des
délibérations d'une péréquation des notes entre les différents groupes
d'examinateurs. C'était une erreur purement formelle, bien que particulièrement
regrettable, car la péréquation avait bien eu lieu.
Autrement dit, le concours n'a été entaché d'aucune fraude portant atteinte à
l'égalité entre les candidats. Or les conséquences d'une annulation susceptible
d'intervenir pour les agents sont d'une gravité très disproportionnée au regard
des erreurs que je viens de rappeler.
Quelles seraient les conséquences pour les agents si le concours n'était pas
validé ?
Je rappelle que 181 agents sont directement concernés par l'invalidation de
l'examen qui leur a permis d'accéder aux fonctions de premier surveillant.
Certains ont, depuis leur promotion, pris des grades supplémentaires.
D'autres ont été admis à la retraite et l'annulation de leur nomination en
qualité de premier surveillant aurait pour effet de remettre en cause le
montant de leur pension, calculée à partir du dernier indice de traitement
d'activité perçu. Il faut aussi penser aux ayants droit de deux agents décédés
depuis.
Toutes ces situations se trouveraient brusquement compromises.
En outre, la promotion au grade de premier surveillant des agents concernés a
induit de nouveaux recrutements et des mutations en vue de combler la vacance
des emplois de surveillant qu'ils occupaient précédemment. Les personnels ainsi
recrutés ou mutés pourraient également voir leur situation remise en cause si
l'administration procédait à la rétrogradation des 181 agents.
Enfin, certains de ces agents ont siégé en qualité de représentant des
premiers surveillants à la commission administrative paritaire du corps de
gradés et surveillants, chargée d'émettre des avis sur les mesures
individuelles intéressant la carrière des membres de ce corps, qu'il s'agisse
de décisions concernant des mutations, des avancements ou des mesures de
discipline. Cette circonstance pourrait être la cause de contestations de la
validité des avis émis par une commission paritaire ainsi jugée irrégulièrement
composée.
En définitive, c'est la régularité de plus de 3 000 décisions individuelles
prononcées après avis de cette commission qui pourrait se trouver soumise à
contestation.
Il est vrai, comme le relève votre commission des lois, que la théorie
jurisprudentielle dite « des fonctionnaires de fait » laisserait augurer
favorablement de l'issue d'un contentieux, mais il demeure que les agents
seraient, au moins pendant un temps, placés dans une situation réelle
d'insécurité juridique.
La validation législative est ici non seulement le meilleur mais aussi
l'unique moyen de remédier à ces difficultés.
Le recours à cette procédure pour pallier les effets de ce qui est
indiscutablement un dysfonctionnement administratif peut, j'en suis consciente,
susciter des interrogations.
Mes services ont, bien sûr, été sensibilisés à l'obligation qui leur incombe
d'éviter le renouvellement d'une telle situation, dont je comprends, moi aussi,
que personne ne puisse la trouver satisfaisante.
Mais, pour autant, peut-on faire supporter les conséquences d'une erreur, si
regrettable soit-elle, à des fonctionnaires qui y sont totalement étrangers ?
Je ne le pense pas. Votre commission des lois ne l'a pas voulu et je l'en
remercie.
Reste à examiner si cette validation législative est juridiquement
possible.
Votre commission des lois rappelle que le juge constitutionnel subordonne la
constitutionnalité d'une loi de validation au respect de la chose jugée, d'une
part, à sa justification par des nécessités d'intérêt général, d'autre part.
Je crois pouvoir ici faire miennes, sans les développer plus avant, ses
observations, qui rejoignent en tous points mon analyse, aux termes de laquelle
ces deux critères sont ici réunis.
Ainsi, cette proposition de validation législative est régulière en droit et,
j'espère vous l'avoir montré, justifiée en opportunité. L'Assemblée nationale
l'a admis à l'unanimité. Je souhaite que vous partagiez cette analyse, dans le
contexte d'une actualité où les fonctionnaires de l'administration
pénitentiaire sont particulièrement sensibles à l'attention qui leur est
portée.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Georges Othily,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, madame le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de M.
André Gérin, député, adoptée sans modification par l'Assemblée nationale le 29
février 2000, comporte un article unique tendant à valider les promotions au
grade de premier surveillant de l'administration pénitentiaire, qui sont
consécutives à un examen professionnel organisé en 1991 et qui ont, depuis
lors, été annulées par la juridiction administrative.
L'examen professionnel d'accès au grade de premier surveillant, transformé en
concours interne en 1993, constitue une voie de promotion interne au sein du
corps des surveillants de l'administration pénitentiaire.
A l'issue de l'organisation de cet examen professionnel au titre de la session
1991-1992, 181 fonctionnaires ont été promus, les uns à compter du 1er juillet
1992 et les autres à compter du 1er mars 1993, par des décisions du directeur
de l'administration pénitentiaire datées respectivement des 4 mai et 2 décembre
1992.'
Cependant, ces décisions ont été annulées par deux jugements du tribunal
administratif de Paris des 20 mai et 1er juillet 1997, confirmés par deux
arrêts de la cour administrative d'appel de Paris du 4 juin 1998.
Ces jugements sont fondés sur la désignation d'examinateurs en dehors des
membres du jury et l'absence de mention au procès-verbal d'une péréquation des
notes attribuées aux candidats, qui sont apparues contraires aux dispositions
du dernier alinéa de l'article 20 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant
statut général de la fonction publique de l'Etat.
La cour administrative d'appel a en effet considéré que la constitution de
quatorze groupes d'examinateurs, eu égard aux modalités retenues, n'avait pas
permis d'assurer le respect du principe d'égalité entre les candidats.
Cette jurisprudence a conduit le Gouvernement à proposer au Parlement de
régulariser les promotions au grade de premier surveillant consécutives au
concours interne organisé en 1997, qui risquaient d'être annulées par le juge
administratif pour les mêmes raisons. Ces promotions ont ainsi déjà été
validées par l'article 5 de la loi n° 99-957 du 22 novembre 1999 portant sur
diverses professions relevant du ministère de la justice, la procédure civile
et le droit comptable. En outre, les modalités d'organisation du concours
interne d'accès au grade de premier surveillant ont désormais été réformées
afin de prendre en compte la jurisprudence relative à l'examen professionnel de
1991.
Reste néanmoins posé le problème résultant des conséquences pratiques de
l'annulation de ce dernier examen, qui soulèvent de nombreuses difficultés
alors que près de huit années se sont écoulées depuis les promotions des agents
intéressés.
Les décisions précitées de la cour administrative d'appel de Paris en date du
4 juin 1998 ont en effet pour conséquence de remettre en cause la carrière des
181 fonctionnaires concernés du fait de la perte du bénéfice de leur nomination
au grade de premier surveillant.
Pour exécuter ces décisions, l'administration est en principe tenue
d'organiser un nouvel examen professionnel se substituant à celui qui a été
annulé, ce qui entraîne la nécessité de procéder à de multiples reconstitutions
de carrière à l'issue de ce nouvel examen.
Certes, en application de la théorie jurisprudentielle dite des «
fonctionnaires de fait », les actes accomplis par les fonctionnaires concernés
avant l'annulation de leur nomination seraient considérés comme valables et les
intéressés n'auraient pas à rembourser les rémunérations qui leur ont été
versées avant cette annulation.
En revanche pourraient être remises en cause leurs rémunérations pour
l'avenir, de même que les montants des pensions versées à ceux qui ont depuis
lors été admis à la retraite, ainsi qu'aux ayants droit des agents décédés.
En outre, la situation des agents qui ont remplacé les 181 fonctionnaires
irrégulièrement promus pourrait également être compromise.
Enfin, la régularité de plus de 3 000 décisions individuelles prononcées,
après avis d'une commission administrative paritaire, en matière de mutation,
d'avancement ou de discipline, pourrait être contestée en raison de la
participation à ladite commission paritaire de certains agents dont la
promotion a été annulée.
Toutes ces difficultés ont conduit Mme le garde des sceaux à considérer devant
l'Assemblée nationale, lors de la discussion de la présente proposition de loi,
que les conséquences susceptibles de découler, pour les agents, de l'annulation
de l'examen professionnel de 1991, étaient « d'une gravité très
disproportionnée au regard de l'erreur commise » et que la validation
législative était, en l'espèce, « non seulement le meilleur mais aussi l'unique
moyen de ne pas s'engager dans un processus impossible ».
Si une mesure de validation législative apparaît donc justifiée en
opportunité, il importe néanmoins de s'assurer qu'elle est possible sur le plan
juridique, eu égard à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Celle-ci, en effet, soumet les lois de validation à deux conditions
essentielles, comme l'a rappelé Mme le garde des sceaux : le respect de
l'autorité de la chose jugée, conformément au principe de la séparation des
pouvoirs, et la justification de la validation par un motif d'intérêt
général.
S'agissant de la première condition, une loi de validation ne peut revenir sur
une décision de justice devenue définitive, car « il n'appartient ni au
législateur ni au Gouvernement de censurer les décisions des juridictions »,
selon une décision du Conseil constitutionnel du 22 juillet 1980.
Certes, les voies d'appel sont, en l'espèce, épuisées, mais certains agents
dont la promotion a été annulée ont engagé une procédure de tierce opposition -
sur le fondement de l'article R. 225 du code des tribunaux administratifs et
des cours administratives d'appel - qui permet à toute personne de remettre en
cause un jugement qui préjudicie à ses droits, dès lors qu'elle n'a pas été
représentée au cours de l'instance ayant abouti à cette décision.
Dans la mesure où une décision de justice ne passe en force de chose jugée
vis-à-vis des tiers opposants qu'à compter du rejet éventuel de la tierce
opposition, on peut donc considérer que les décisions précitées de la cour
administrative d'appel de Paris ne sont pas définitives à l'égard des tiers
opposants et qu'une mesure de validation législative est encore possible.
En ce qui concerne la condition tenant aux motifs justifiant la validation,
l'existence d'un motif d'intérêt général ne fait guère de doute. En effet, le
Conseil constitutionnel admet que des mesures relatives aux agents publics
puissent être validées afin de préserver le « déroulement normal des carrières
du personnel ».
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel admet la rétroactivité d'une loi de
validation dès lors qu'elle n'intervient pas en matière pénale et qu'elle ne
concerne pas des actes pouvant être assimilés à des sanctions.
Aux termes de cet examen, la validation proposée apparaît sans doute
envisageable, même si elle n'est guère satisfaisante sur le plan des principes.
Elle présente en tout état de cause l'avantage d'éviter les difficultés liées à
l'organisation d'un nouveau concours et d'assurer la sécurité juridique des
fonctionnaires intéressés.
Je vous propose donc d'adopter sans modification la présente proposition de
loi soumise à la Haute Assemblée.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique. -
Sont validées rétroactivement les promotions au
grade de premier surveillant des services extérieurs de l'administration
pénitentiaire prononcées par le directeur de l'administration pénitentiaire en
application de l'arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, du 10
avril 1992 portant liste d'aptitude aux fonctions de premier surveillant des
services extérieurs de l'administration pénitentiaire, établie à l'issue de la
session 1991-1992 de l'examen professionnel organisé conformément au décret n°
77-1540 du 31 décembre 1977, relatif au statut particulier du personnel de
surveillance des services extérieurs de l'administration pénitentiaire, et à
l'arrêté ministériel du 20 janvier 1978. »
La parole est à M. Bret pour explication de vote.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, mon
propos sera bref, car notre collègue M. Georges Othily a présenté, de manière
précise, le contenu de cette proposition de loi de mon ami M. André Gérin,
adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 29 février dernier.
Je tiens d'ailleurs à rappeler que j'avais moi-même déposé, avec mes amis du
groupe communiste républicain et citoyen, une telle proposition, le 22 décembre
1999, sous le numéro 157.
Notre objectif était donc clair et simple : il s'agissait d'éviter de faire
payer à 181 personnes membres du personnel de l'administration pénitentiaire
des défauts, voire des erreurs, d'organisation d'un examen professionnel
organisé en 1991.
Il aurait été inacceptable, en effet, d'obliger ces personnels à repasser le
concours. Depuis 1993, un concours a remplacé l'examen.
De plus, l'annulation définitive des promotions prononcées en 1992 aurait eu
pour effet de remettre en cause la carrière de ces agents. Cette rétrogradation
aurait eu pour conséquence la révision des traitements ou des pensions de
réversion versées aux conjoints des agents décédés depuis.
Je vous demande, madame la ministre, de mettre tout en oeuvre pour éviter que
de telles difficultés ne se reproduisent, poussant le Parlement à utiliser une
procédure atypique, dont il ne faudrait surtout pas abuser. Le fait d'avoir
transformé l'examen professionnel en concours apporte un certain nombre de
garanties, mais pas suffisamment semble-t-il, puisque déjà une mesure de
validation a été nécessaire en 1997.
Nous comptons donc, madame la ministre, sur votre vigilance en la matière.
La mesure que cette proposition de loi met en exergue est une mesure d'intérêt
général. Il ne s'agit aucunement d'une accumulation d'intérêts individuels,
c'est une mesure de justice à l'égard du personnel pénitentiaire à l'heure où
la question des prisons est au centre des débats. Nous savons bien ici que la
question des conditions de vie des prisonniers est étroitement liée aux
conditions de travail du personnel pénitentiaire.
C'est après avoir ajouté ces quelques remarques au rapport de M. Othily que je
voterai, avec mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen, cette
proposition de loi.
M. le président.
La parole est à M. Sutour pour explication de vote.
M. Simon Sutour.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me félicite
que le rapporteur ait proposé à notre assemblée d'adopter conforme cette
proposition de loi tendant à valider les promotions au grade de premier
surveillant de l'administration pénitentiaire consécutives à un examen
professionnel organisé en 1991.
En effet, l'annulation par la juridiction administrative soulève de
nombreuses difficultés, alors qu'il est avéré que le concours lui-même n'a été
entaché d'aucune fraude portant atteinte à l'égalité des candidats.
Si 181 fonctionnaires sont directement concernés par l'invalidation de
l'examen qui leur a permis d'accéder aux fonctions de premier surveillant, ce
sont 3000 décisions individuelles prononcées après avis de cette commission qui
pourraient se trouver mises en cause.
Le groupe socialiste est donc favorable à cette proposition de loi proposant
la validation du concours en cause et la votera.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi.
M. Emmanuel Hamel.
Nous voterons la proposition de loi !
(La proposition de loi est adoptée.)
10
LUTTE CONTRE LA CORRUPTION
Adoption des conclusions
d'une commission mixte paritaire
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 275,
1999-2000) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur
les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant le code pénal
et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. José Balarello,
rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
Monsieur le
président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici au terme du
processus législatif concernant le projet de loi relatif à la lutte contre la
corruption, en particulier dans le domaine du commerce international.
La commission mixte paritaire est parvenue à élaborer un texte commun aux deux
assemblées.
Les deux assemblées avaient en effet la même volonté de mettre fin à des
comportements qui portent atteinte aux fondements de la démocratie et entravent
gravement le développement économique de nombreux pays.
Toutefois, l'Assemblée nationale et le Sénat avaient quelques divergences
d'appréciation relatives aux moyens de lutter contre la corruption. Ces
divergences ont pu être surmontées.
Le texte dont je vous propose aujourd'hui l'adoption complète notre code pénal
pour y intégrer de nouvelles infractions de corruption d'agents publics
appartenant aux pays de l'Union européenne et de corruption d'agents publics
étrangers.
Il s'agit de prendre en compte plusieurs conventions signées au sein de
l'Union européenne et de l'OCDE. Les nouvelles infractions seront punies de dix
ans d'emprisonnement et de 1 million de francs d'amende, conformément au droit
actuel en matière de corruption d'agents publics nationaux.
Le Sénat aurait souhaité que les peines d'emprisonnement prévues en matière de
corruption d'agents publics étrangers soient plus faibles pour tenir compte du
fait que nos principaux partenaires commerciaux se sont dotés d'une législation
où les peines les plus fortes sont moitié moins lourdes que celles qui sont
prévues par notre code.
Il conviendra, madame la garde des sceaux, de veiller à ce que les autres pays
signataires de la convention de l'OCDE, qui ont été prompts à nous donner des
leçons - vous le savez -, se montrent aussi rigoureux que la France dans
l'application de la convention. En particulier, il nous semble d'ores et déjà
que la transposition de la convention de l'OCDE par les Etats-Unis est
inacceptable en ce qui concerne l'échelle des peines retenue et la procédure
suivie.
Un point essentiel du texte adopté par la commission mixte paritaire est la
centralisation des poursuites à Paris, mesure que le Sénat a souhaitée tout au
long de la procédure parlementaire. Cette centralisation permettra une grande
cohérence de la politique d'action publique dans un domaine extrêmement
sensible. Nous ne pouvons donc que nous féliciter que ce système soit retenu
dans le présent projet de loi.
Un autre point mérite d'être mentionné. Dans le projet de loi initial, vous
aviez prévu, madame la garde des sceaux, que les nouvelles infractions ne
s'appliqueraient pas aux commissions versées dans le cadre des contrats signés
avant l'entrée en vigueur de la convention de l'OCDE. Il s'agissait au fond
d'inscrire explicitement dans la loi le principe de non-rétroactivité de la loi
pénale plus sévère.
Le Sénat a approuvé cette disposition, mais l'Assemblée nationale l'a écartée.
Elle a en effet estimé qu'il n'était pas possible de condamner la corruption
tout en continuant de tolérer certains versements. Elle a cependant indiqué que
le principe de non-rétroactivité était un principe constitutionnel, qui n'avait
pas à être rappelé dans la loi.
Aussi, en commission mixte paritaire, nous avons finalement estimé qu'il
n'était peut-être pas nécessaire de rappeler ce principe dans la loi. En
revanche, nous avons été unanimes pour dire que le principe de
non-rétroactivité ne souffrait aucune exception. Cela signifie que les
commissions versées dans le cadre de contrats antérieurs à l'entrée en vigueur
de la convention de l'OCDE ne sont pas pénalement punissables.
A cet égard, la centralisation des poursuites à Paris est très heureuse, car
elle évitera que les procureurs n'aient des pratiques divergentes, notamment
sur ce point, d'un parquet à l'autre. En tout état de cause, la volonté du
législateur est absolument claire : la nouvelle loi ne s'applique pas aux
commissions versées dans le cadre de contrats signés antérieurement à l'entrée
en vigueur de la loi.
Tels sont, monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers
collègues, les éléments les plus saillants du texte, adopté par la commission
mixte paritaire, que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Le projet de loi modifiant le
code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la
corruption revient devant le Sénat après qu'un accord a été trouvé en
commission mixte paritaire.
Je me réjouis de cet accord et remercie tout particulièrement votre
rapporteur, M. José Balarello, de l'excellente qualité du travail accompli tout
au long de la procédure parlementaire et, en dernier lieu, devant la commission
mixte paritaire.
Je ne peux que me féliciter de la teneur de ce texte, qui permettra à la
France non seulement de respecter les engagements internationaux qu'elle a
souscrits, mais aussi d'être l'un des pays les mieux armés juridiquement pour
lutter contre la corruption internationale.
Une faillite importante est ainsi comblée dans notre droit positif : la
corruption d'un fonctionnaire étranger est désormais punissable.
Les principales dispositions de ce texte traduisent la volonté du Gouvernement
de lutter de façon implacable contre la corruption sous toutes ses formes,
qu'il s'agisse de l'extension de la répression de la corruption aux versements
faits à des fonctionnaires étrangers « à tout moment », du large éventail des
peines prévues tant pour les personnes physiques que pour les personnes morales
ou de la prohibition de toute déductibilité fiscale des commissions versées
postérieurement à l'entrée en vigueur en France de la convention de l'OCDE.
Je voudrais m'arrêter un court instant sur l'article 3
bis.
La commission mixte paritaire a, en effet, souhaité réserver à la juridiction
parisienne une compétence facultative pour les faits de corruption active
d'agent public étranger dans les transactions commerciales internationales.
Cette centralisation parisienne, dont j'observe qu'elle n'est que facultative,
peut être légitime pour certaines affaires particulièrement complexes de
corruption internationale qui, d'ailleurs, en raison du lieu des sièges
sociaux, dans la plupart des cas, relèvent de fait de cette juridiction.
Cette compétence facultative ne fera pas obstacle à la politique déconcentrée
de modernisation de la justice économique et financière que je conduis au nom
du Gouvernement.
Le texte adopté sera ainsi, tant sur un plan procédural qu'au fond, une pierre
angulaire de la lutte contre la délinquance économique et financière, qui est
et qui demeure une priorité.
L'effort du Gouvernement ne s'arrêtera pas là : ainsi que vous le savez, dans
le cadre du projet de loi sur les nouvelles régulations économiques, des
mesures relatives à l'amélioration de la lutte contre le blanchiment d'argent
seront très prochainement soumises à l'examen du Parlement.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen. - M. le rapporteur applaudit
également.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement,
d'une part, aucun amendement n'est recevable, sauf accord du Gouvernement ;
d'autre part, étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, le Sénat
statue sur les amendements puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte. En
l'occurrence, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :
« Art. 1er A. - I. - Dans le premier alinéa de l'article 432-11 du code pénal,
après les mots : "sans droit,", sont insérés les mots : "à tout moment,".
« II. - Dans le premier alinéa de l'article 433-1 du code pénal, après les
mots : "sans droit,", sont insérés les mots : "à tout moment,".
« Dans le dernier alinéa du même article, après les mots : "sans droit,", sont
insérés les mots : "à tout moment,".
« III. - Dans le premier alinéa de l'article 434-9 du code pénal, après les
mots : "sans droit,", sont insérés les mots : "à tout moment,".
« Dans le deuxième alinéa du même article, après les mots : "le fait", sont
insérés les mots : ", à tout moment,". »
« Art. 1er. - Il est créé, dans le titre III du livre IV du code pénal, un
chapitre V intitulé :
"Des atteintes à l'administration publique des Communautés européennes, des
Etats membres de l'Union européenne, des autres Etats étrangers et des
organisations internationales publiques" comprenant trois sections ainsi
rédigées :
« Section 1
« De la corruption passive
«
Art. 435-1. -
Pour l'application de la convention relative à la lutte
contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes
ou des fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne faite à Bruxelles
le 26 mai 1997, est puni de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 francs
d'amende le fait par un fonctionnaire communautaire ou un fonctionnaire
national d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou par un membre de la
Commission des Communautés européennes, du Parlement européen, de la Cour de
justice et de la Cour des comptes des Communautés européennes de solliciter ou
d'agréer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres,
des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour
accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de
son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat.
« Section 2
« De la corruption active
« Sous-section 1
« De la corruption active des fonctionnaires des Communautés européennes, des
fonctionaires des Etats membres de l'Union européenne, des membres des
institutions des Communautés européennes
«
Art. 435-2. -
Pour l'application de la convention relative à la lutte
contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes
ou des fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne faite à Bruxelles
le 26 mai 1997, est puni de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 francs
d'amende le fait de proposer sans droit, à tout moment, directement ou
indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des
avantages quelconques pour obtenir d'un fonctionnaire communautaire ou d'un
fonctionnaire national d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou d'un
membre de la Commission des Communautés européennes, du Parlement européen, de
la Cour de justice et de la Cour des comptes des Communautés européennes qu'il
accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou
de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat.
« Est puni des mêmes peines le fait de céder à une personne visée à l'alinéa
précédent qui sollicite, sans droit, à tout moment, directement ou
indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des
avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte visé
audit alinéa.
« Sous-section 2
« De la corruption active des personnes relevant d'Etats étrangers autres que
les Etats membres de l'Union européenne et d'organisations internationales
publiques autres que les institutions des Communautés européennes
«
Art. 435-3.
- Pour l'application de la convention sur la lutte contre
la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales
internationales signée à Paris le 17 décembre 1997, est puni de dix ans
d'emprisonnement et de 1 000 000 francs d'amende le fait de proposer sans
droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses,
des dons, des présents ou des avantages quelconques pour obtenir d'une personne
dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public, ou
investie d'un mandat électif public dans un Etat étranger ou au sein d'une
organisation internationale publique, qu'elle accomplisse ou s'abstienne
d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité
par sa fonction, sa mission ou son mandat, en vue d'obtenir ou conserver un
marché ou un autre avantage indu dans le commerce international.
« Est puni des mêmes peines le fait de céder à une personne visée à l'alinéa
précédent qui sollicite, sans droit, à tout moment, directement ou
indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des
avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte visé
audit alinéa.
« La poursuite des délits visés au présent article ne peut être exercée qu'à
la requête du ministère public.
«
Art. 435-4
- Pour l'application de la convention sur la lutte contre
la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales
internationales signée à Paris le 17 décembre 1997, est puni de dix ans
d'emprisonnement et de 1 000 000 francs d'amende le fait de proposer sans
droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses,
des dons, des présents ou des avantages quelconques pour obtenir d'un
magistrat, d'un juré ou de toute autre personne siégeant dans une fonction
juridictionnelle, d'un arbitre ou d'un expert nommé soit par une juridiction,
soit par les parties, ou d'une personne chargée par l'autorité judiciaire d'une
mission de conciliation ou de médiation, dans un Etat étranger ou au sein d'une
organisation internationale publique, qu'il accomplisse ou s'abstienne
d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité
par sa fonction, sa mission ou son mandat, en vue d'obtenir ou conserver un
marché ou un autre avantage indu dans le commerce international.
« Est puni des mêmes peines le fait de céder à une personne visée à l'alinéa
précédent qui sollicite, sans droit, à tout moment, directement ou
indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des
avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte visé
audit alinéa.
« La poursuite des délits visés au présent article ne peut être exercée qu'à
la requête du ministère public.
« Section 3
« Peines complémentaires
et responsabilité des personnes morales
«
Art. 435-5. - Non modifié.
«
Art. 435-6.
- Les personnes morales peuvent être déclarées
responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2, des
infractions définies aux articles 435-2, 435-3 et 435-4.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;
« 2° Pour une durée de cinq ans au plus ;
« - l'interdiction d'exercer directement ou indirectement l'activité
professionnelle ou sociale dans laquelle ou à l'occasion de l'exercice de
laquelle l'infraction a été commise ;
« - le placement sous surveillance judiciaire ;
« - la fermeture des établissements ou de l'un des établissements de
l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ;
« - l'exclusion des marchés publics ;
« - l'interdiction de faire appel public à l'épargne ;
« - l'interdiction d'émettre des chèques autres que ceux qui permettent le
retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés ou
d'utiliser des cartes de paiement ;
« 3° La confiscation suivant les modalités prévues par l'article 131-21, de la
chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui
en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution ;
« 4° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions
prévues par l'article 131-35. »
« Art. 2. - Les articles 435-1 à 435-4 du code pénal ainsi que l'article 689-8
du code de procédure pénale entreront en vigueur à la date d'entrée en vigueur
sur le territoire de la République des conventions ou protocoles visés par ces
articles. »
« Art. 3
bis
. - I. - L'article 706-1 du code de procédure pénale est
rétabli dans la rédaction suivante :
«
Art. 706-1.
- Pour la poursuite, l'instruction et le jugement des
actes incriminés par les articles 435-3 et 435-4 du code pénal, le procureur de
la République de Paris, le juge d'instruction et le tribunal correctionnel de
Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l'application
des articles 43, 52, 282, du second alinéa de l'article 663 et de l'article
706-42.
« Lorsqu'ils sont compétents pour la poursuite et l'instruction des
infractions prévues aux articles 435-3 et 435-4 du code pénal, le procureur de
la République et le juge d'instruction de Paris exercent leurs attributions sur
toute l'étendue du territoire national. »
« II. - A la fin du premier alinéa de l'article 693 du même code, les mots :
"et 706-17", sont remplacés par les mots : ",706-1 et 706-17,". »
« Art. 4. - Le deuxième alinéa (1°) de l'article 704 du code de procédure
pénale est ainsi rédigé :
« 1° Délits prévus par les articles 222-38, 313-1, 313-2, 313-4, 313-6, 314-1,
314-2, 324-1, 324-2, 432-10 à 432-15, 433-1, 433-2, 434-9, 435-1 et 435-2 du
code pénal. »
« Art. 4
bis
. - Le début du 2
bis
de l'article 39 du code
général des impôts est ainsi rédigé : "A compter de l'entrée en vigueur sur le
territoire de la République de la convention sur la lutte contre la
corruption"...
(Le reste sans changement.) »
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi résultant du texte
élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Bret pour
explication de vote.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les
hasards de l'ordre du jour ne manquent parfois pas d'ironie : on en a l'exemple
aujourd'hui, qui nous offre de traiter de la lutte contre la corruption en
plein milieu du texte sur la présomption d'innocence !
Ces deux textes ont toutefois une similarité : ils nous montrent que, au-delà
de leurs divergences, les parlementaires savent se rassembler sur les principes
fondamentaux qui font l'essence de notre démocratie.
La lutte contre la corruption est en effet - chacun en convient ici - une
nécessité impérieuse. On est de plus en plus conscient du coût que ces
pratiques engendrent, et pas seulement du point de vue financier : au-delà,
elles induisent une rupture d'égalité dans le commerce international entre les
entreprises qui ne jouent plus à part égale.
Plus encore, les sénateurs communistes avaient souhaité mettre l'accent sur
les graves conséquences que la corruption fait peser sur la démocratie : au nom
de l'économique, on finit par transiger avec des principes moraux ; au nom du
succès financier des entreprises, on entretient volontairement les liens de
dépendance des pays en voie de développement en légitimant une économie
pervertie.
Depuis la première lecture, les sénateurs communistes ont invariablement
plaidé pour un traitement à l'identique des délits de corruption, qu'ils se
produisent à l'intérieur ou à l'extérieur de nos frontières.
C'est pourquoi ils sont particulièrement satisfaits que la commission mixte
paritaire soit parvenue à un accord sur les peines applicables pour ce type de
délit en les alignant sur celles qui sont encourues pour corruption sur un
agent public national ; il en est désormais ainsi, tant du point de vue des
peines d'emprisonnement des personnes physiques que des sanctions applicables
aux personnes morales.
Pour parfaire cette identité de traitement, nous aurions certes préféré que
ces affaires de corruption soient traitées par les pôles financiers. Néanmoins,
nous prenons acte de l'accord qui s'est dégagé en commission mixte autour d'une
compétence exclusive du tribunal de grande instance de Paris.
Quant au problème de l'applicabilité aux contrats en cours, qui a suscité bien
des discussions, la solution retenue par la commission mixte paritaire nous
semble la plus sage dans la mesure où elle se fonde sur le principe général de
non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère.
Nous avions en effet, lors de la seconde lecture, fait part de nos inquiétudes
quant aux risques que risquait d'entraîner à terme un aménagement de ce
principe fondamental de notre droit, même justifié par les meilleures
intentions du monde.
Avec ce texte, que les sénateurs communistes voteront sans réserve
aujourd'hui, la France aura indiqué sa volonté de lutter fermement contre des
pratiques que notre morale réprouve absolument.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix
l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte proposé par la
commission mixte paritaire.
(Le projet de loi est adopté.)
M. José Balarello,
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. Balarello.
M. José Balarello,
au nom de la commission des lois.
Monsieur le président, avant que nous
ne reprenions l'examen du projet de loi relatif à la présomption d'innocence,
au nom de la commission des lois, je demande une suspension de séance.
M. le président.
Le Sénat va, bien entendu, accéder à votre demande.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit
heures cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
11
PRÉSOMPTION D'INNOCENCE
ET DROITS DES VICTIMES
Suite de la discussion d'un projet de loi
en deuxième lecture
M. le président.
Nous reprenons la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 222,
1999-2000), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième
lecture, renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits
des victimes.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 21
ter
.
Article 21
ter
M. le président.
« Art. 21
ter.
- Après l'article 175-1 du même code, il est inséré un
article 175-2 ainsi rédigé :
«
Art. 175-2
. - Le juge d'instruction informe tous les six mois la
partie civile de l'avancement de l'instruction. »
Par amendement, n° 47, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de
supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Cet article
prévoit que le juge d'instruction doit informer tous les six mois la partie
civile du déroulement de l'information. Nous en proposons, comme en première
lecture, la suppression, car nous estimons que, la partie civile ayant un
avocat, elle est de toute façon tenue au courant. Par conséquent, cette
disposition ne nous paraît pas avoir une grande utilité.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Défavorable : je pense que
cette formalité n'induit pas de charges excessives, et elle me paraît utile.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 47, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 21
ter
est supprimé.
Article 21
quinquies
M. le président.
« Art. 21
quinquies
. - Après l'article 215-1 du même code, il est
inséré un article 215-2 ainsi rédigé :
«
Art. 215-2
. - L'accusé détenu en raison des faits pour lesquels il
est renvoyé devant la cour d'assises est immédiatement remis en liberté s'il
n'a pas comparu devant celle-ci à l'expiration d'un délai d'un an à compter de
la date à laquelle la décision de mise en accusation est devenue définitive.
« Toutefois, si l'audience sur le fond ne peut débuter avant l'expiration de
ce délai, la chambre d'accusation peut, à titre exceptionnel, par une décision
rendue conformément à l'article 144 et mentionnant les raisons de fait ou de
droit faisant obstacle au jugement de l'affaire, ordonner la prolongation des
effets de l'ordonnance de prise de corps pour une nouvelle durée de six mois.
La comparution personnelle de l'accusé est de droit si lui-même ou son avocat
en font la demande. Cette prolongation peut être renouvelée une fois dans les
mêmes formes. Si l'accusé n'a pas comparu devant la cour d'assises à l'issue de
cette nouvelle prolongation, il est immédiatement remis en liberté. » -
(Adopté.)
Chapitre III
bis
Dispositions relatives aux audiences
M. le président.
Par amendement n° 48, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de
supprimer la division Chapitre III
bis
et son intitulé.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Monsieur le président, je demande la réserve de cet
amendement, jusqu'après l'examen de l'amendement n° 49.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur la demande de réserve ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
La réserve est ordonnée.
Article 21 sexies
M. le président.
« Art. 21
sexies
. - Après l'article L. 311-15 du code de l'organisation
judiciaire, il est inséré une sous-section 4
bis
ainsi rédigée :
«
Sous-section 4
bis.
« Composition des audiences pénales.
«
Art. L. 311-15-1
. - La composition prévisionnelle des audiences
pénales est déterminée par une commission paritaire composée de magistrats du
siège et du parquet. »
Par amendement n° 49, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de
supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
L'Assemblée nationale a adopté cette disposition destinée à
faciliter le concertation au sein des tribunaux en ce qui concerne le nombre et
la nature des affaires inscrites aux différentes audiences.
La commission des lois considère que c'est surtout un certain état d'esprit
qui doit prévaloir, comme il prévaut d'ailleurs déjà dans beaucoup de
tribunaux. En effet, interprétée littéralement, cette disposition pourrait
remettre en cause l'un des aspects du principe de l'opportunité des poursuites,
qui permet au procureur de citer une personne à comparaître à une date qu'il
détermine.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat, pour
cet amendement comme pour l'amendement n° 48.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 49, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 21
sexies
est supprimé.
Nous en revenons à l'amendement n° 48, précédemment réservé, qui tend à
supprimer la division Chapitre III
bis
et son intitulé.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
L'unique article de la division ayant été supprimé, celle-ci
n'a plus de raison d'être.
M. le président.
Le Gouvernement s'est déjà prononcé.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 48, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, la division Chapitre III
bis
et son intitulé sont
supprimés.
Article additionnel après l'article 21 sexies
M. le président.
Par amendement n° 132, M. Dreyfus-Schmidt propose d'insérer, après l'article
21
sexies,
un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après les mots : "par la chambre criminelle, soit sur requête du", la
fin du deuxième alinéa de l'article 665 du code de procédure pénale est ainsi
rédigée : "ministère public établi par la juridiction saisie soit sur requête
des parties."
« II. - Le second alinéa de l'article 663 du même code est suprimé. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
Article 21 septies
M. le président. L'article 21 septies a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Chapitre III ter
Dispositions instaurant un recours
en matière criminelle
Article 21
octies
M. le président.
« Art. 21
octies
. - I. - Le premier alinéa de l'article 231 du code de
procédure pénale est ainsi rédigé :
« La cour d'assises a plénitude de juridiction pour juger, en premier ressort
ou en appel, les personnes renvoyées devant elle par la décision de mise en
accusation. »
« II. - L'article 296 du même code est ainsi modifié :
« 1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le jury de jugement est composé de sept jurés lorsque la cour d'assises
statue en premier ressort et de neuf jurés lorsqu'elle statue en appel. » ;
« 2° Aux deuxième et troisième alinéas, les mots : "des neufs jurés" sont
remplacés par les mots : "des jurés de jugement". »
« III. - L'article 298 du même code est ainsi rédigé :
«
Art. 298
. - Lorsque la cour d'assises statue en première instance,
l'accusé ne peut récuser plus de trois jurés, et le ministère public plus de
deux. Lorsqu'elle statue en appel, l'accusé ne peut récuser plus de cinq jurés,
le ministère public plus de quatre. »
« IV. - A l'article 359 du même code, les mots : "à la majorité de huit voix
au moins" sont remplacés par les mots : "à la majorité de sept voix au moins
lorsque la cour d'assises statue en premier ressort et à la majorité de huit
voix au moins lorsque la cour d'assises statue en appel".
« V. - A l'article 360 du même code, les mots : "la majorité de huit voix au
moins" sont remplacés par les mots : "la majorité de voix exigée par l'article
359".
« VI. - Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 362 du même
code, les mots : "qu'à la majorité de huit voix au moins" sont remplacés par
les mots : "qu'à la majorité de sept voix au moins lorsque la cour d'assises
statue en premier ressort et qu'à la majorité de huit voix au moins lorsque la
cour d'assises statue en appel". Dans l'avant-dernière phrase de cet alinéa,
les mots : "la majorité de huit voix" sont remplacés par les mots : "cette
majorité". »
Par amendement n° 50, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de
supprimer les paragraphes II, III, IV, V et VI de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Nous abordons là les dispositions qui concernent la cour
d'assises.
Le Sénat avait pris l'initiative, sur la suggestion de sa commission des lois,
de créer un double degré de juridiction pour les cours d'assises. L'Assemblée
nationale, soucieuse de souligner le caractère d'appel de ce deuxième degré de
juridiction, a retenu une solution consistant à porter de neuf à sept le nombre
de jurés en première instance et à le maintenir à neuf en appel.
La commission des lois du Sénat a estimé au contraire qu'il fallait absolument
conserver les neuf jurés quel que soit le degré de juridiction. En effet, si
l'on réduit le nombre de jurés, on modifie du même coup le rapport numérique,
au sein du jury, entre jurés tirés au sort et magistrats professionnels, ce qui
n'est pas anodin.
Pour souligner le caractère d'appel du deuxième degré de juridiction - j'ai
même eu recours à un néologisme, pour lequel j'implore le pardon des uns et des
autres, en parlant d'« appeliser » le deuxième degré de juridiction - nous
proposons que, en appel, la cour d'assises soit obligatoirement présidée par un
président de chambre de cour d'appel.
Par ailleurs, en adoptant le système dit de l'« appel tournant » pour créer le
deuxième degré de juridiction, nous n'avons pas voulu bouleverser les habitudes
des cours d'assises. Leur fonctionnement est fortement ancré dans notre
histoire : il remonte à l'époque où l'on a fondé la composition des cours
d'assises sur l'échevinage, en plaçant, aux côtés de magistrats professionnels,
des jurés pris parmi les simples citoyens.
Nous avons estimé qu'il était plus sage et plus prudent de conserver le même
système tout en donnant, en quelque sorte, des galons obligatoires à celui qui
sera appelé à présider la cour d'appel d'assises.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Il s'agit là évidemment d'un point extrêmement
important, et même de l'un des plus importants de ce projet de loi.
Je veux souligner à nouveau, comme je l'avais fait dans mon propos liminaire,
que c'est en effet au cours de la première lecture de ce projet de loi au Sénat
que le principe de l'appel tournant a été institué pour la cour d'assises.
Cette initiative mérite à mon sens d'être saluée.
Je voudrais tout d'abord rappeler la communication en conseil des ministres du
27 octobre 1997, qui, vous le savez, a tracé le panorama de la réforme de la
justice que souhaite le Gouvernement. J'y évoquais le principe de l'appel des
décisions de cours d'assises.
J'avais demandé à mes services de réfléchir de façon approfondie aux
différents scénarios envisageables et à leurs coûts respectifs, parce que
j'avais souhaité tirer les leçons des longs débats que vous aviez eus sur la
proposition de mon prédécesseur, M. Jacques Toubon, et surtout sur les
implications en termes de créations de postes, eu égard à d'autres priorités,
que ces scénarios pouvaient induire. J'ai d'ailleurs adressé aux parlementaires
intéressés un document de synthèse sur cette question, qui montrait clairement
les avantages et les inconvénients, les difficultés et les problèmes qui
pouvaient résulter de tel ou tel choix.
Lors de l'examen du projet de loi au Sénat en première lecture, en juin
dernier, le texte a été complété par un amendement tendant à instituer le
principe du recours circulaire des décisions de cours d'assises. Nous en étions
restés là, car j'avais pensé, à l'époque, que notre réflexion n'avait pas
encore suffisamment mûri.
Cependant, le texte que vous avez adopté en juin m'a amenée à présenter sept
mois plus tard devant l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, des
propositions précises sur l'appel tournant, conformément d'ailleurs aux
engagements que j'avais pris devant vous.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale vise à engager une réforme tenant
compte des enseignements du passé et des choix opérés par le Sénat en juin
dernier. L'objectif de cette réforme peut se résumer, de mon point de vue, en
une phrase : donner aux personnes condamnées pour crime le droit à une deuxième
chance.
Deux interrogations principales demeurent au stade où nous en sommes, que vous
avez d'ailleurs rappelées, monsieur le rapporteur : elles portent sur le nombre
de jurés et sur la question de l'appel. Il s'agit évidemment ici, à titre
principal, de la possibilité d'appel pour le condamné - cela est déjà inscrit
dans le projet de loi, sinon il n'y aurait pas de deuxième chance - mais ne
faut-il pas aussi prévoir que le parquet puisse interjeter appel, sauf, bien
entendu, en cas d'acquittement ? En outre, ne convient-il pas d'ouvrir une
possibilité d'appel à la partie civile s'agissant des intérêts civils ?
En ce qui concerne le nombre de jurés, les thèses qui s'affrontent, les uns
souhaitant que le nombre des jurés soit identique pour les deux degrés, les
autres optant pour un effectif différent, sont à mon avis également
soutenables. Je ne doute pas qu'un accord soit possible en commission mixte
paritaire sur cette question.
Je m'étendrai plus longuement sur la question plus complexe de l'appel.
Conférer un droit d'appel principal au parquet ou à la partie civile implique
que l'appel criminel n'est plus uniquement une deuxième chance pour le
condamné, comme j'en avais fait le choix au nom du Gouvernement lorsque j'avais
déposé le texte à l'Assemblée nationale, mais qu'il peut également constituer
une deuxième chance pour la société. Depuis l'adoption du texte par l'Assemblée
nationale, j'ai procédé à de nombreuses consultations et il est vrai que de
nombreux magistrats m'ont dit souhaiter un appel principal du parquet, même si,
à leurs yeux, un tel appel devrait rester exceptionnel.
Je souhaite là encore qu'un accord puisse être trouvé à ce propos entre les
deux assemblées, et je voudrais suggérer une solution qui pourrait être étudiée
par la commission mixte paritaire, si le Sénat en était d'accord, et qui aurait
précisément pour avantage de permettre d'instaurer le principe de cet appel du
parquet tout en faisant en sorte qu'il reste exceptionnel : elle consisterait à
réserver la possibilité d'appel principal au seul procureur général.
Telle est l'idée que je soumets à votre réflexion, mesdames, messieurs les
sénateurs. En tout état de cause, je m'en remets à la sagesse du Sénat sur
l'amendement n° 50, et je souligne naturellement à nouveau l'importance
historique, ce qualitatif ne me semble pas exagéré, de la réforme sur laquelle
le Sénat va se prononcer. Je me félicite encore une fois que le Sénat en ait
pris l'initiative sur le plan des principes et que le travail que nous avons pu
accomplir ensemble, ainsi qu'avec l'Assemblée nationale, nous permette de la
faire aboutir dans des conditions qui n'avaient pas été réunies à ce degré lors
de l'examen du texte de mon prédécesseur, qui cependant a certainement
contribué aussi, je tiens à le souligner, à faire mûrir les esprits.
Je suis donc très heureuse que nous puissions trouver une solution à cette
question qui est débattue depuis maintenant plusieurs années. Elle nous
permettra de donner une deuxième chance aux personnes condamnées par la cour
d'assises et de nous mettre ainsi au diapason des pays européens et des
préconisations de la Convention européenne des droits de l'homme.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 50.
M. Robert Bret.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
« Dispositions instaurant un recours en matière criminelle » : à lui seul,
l'intitulé du chapitre III
ter
représente une véritable révolution.
Ainsi, il est enfin remédié à ce qui, avec le temps, apparaissait comme un
anachronisme : pour les infractions les plus graves, mettant en jeu, plus qu'en
nul autre domaine, la vie des personnes et le droit des victimes, il n'existe
actuellement aucun recours aux décisions de justice quant au fond.
En effet, hormis le contrôle de la Cour de cassation, la contestation d'une
décision de cour d'assises n'est actuellement possible que par la voie du
procès en révision. Pourtant, ni l'existence d'une instruction à double degré
ni la spécificité de la composition de la cour d'assises ne pouvaient justifier
que l'on refuse durablement le droit à une seconde chance. Cela étant, nous
avons encore des difficultés à concevoir la procédure d'appel, comme le
montrent les tâtonnements actuels.
Si nous approuvons la quasi-totalité des modifications proposées par la
commission des lois en cette matière, en particulier le droit d'appel octroyé
au ministère public et la possibilité d'appel de la victime s'agissant des
intérêts civils, il nous semble toutefois que le choix d'une composition
identique pour les deux cours d'assises de premier et de second ressorts n'est
pas bon.
On peut notamment douter que soient pleinement remplies les exigences posées
par l'article 2 du protocole n° 7 annexé à la Convention européenne des droits
de l'homme : celui-ci donne en effet le droit à toute personne déclarée
coupable d'une infraction pénale par un tribunal de faire examiner par une
juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation.
La nécessité d'un appel devant une juridiction supérieure n'implique-t-elle
pas au moins une composition différente et singulièrement plus large de la cour
d'assises d'appel par rapport à celle de la cour d'assises de première instance
? Il ne suffit pas, selon nous, de confier la présidence de celle-là au
président de la cour d'appel pour qu'elle ait une légitimité renforcée
justifiant la remise en cause d'une décision prise par le peuple souverain.
On sait que les procès d'assises sont toujours traumatisants pour les
victimes,
a fortiori
s'agissant de l'appel des décisions de
condamnation. Si l'on veut que l'institution d'un appel permette d'atteindre
les objectifs visés, il ne faut surtout pas que l'on puisse mettre les deux
décisions de premier et de second ressorts en concurrence, sur le même plan,
spécialement en cas d'appréciations divergentes sur la culpabilité de
l'accusé.
Telles sont les réflexions que je souhaitais vous livrer, mes chers collègues,
s'agissant du dispositif proposé par la commission des lois.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je crois que nous vivons un moment
important du débat parlementaire. Au terme d'un très long travail, qui a
commencé sous de précédents gouvernements et qui a été alimenté par bon nombre
de réflexions tendant à souligner le caractère inéquitable de notre système
judiciaire, nous sommes en voie d'aboutir.
Cela étant, faisons très attention : c'est une lourde mécanique que nous
mettons en place. En effet, lorsqu'une cour d'assises se sera prononcée dans un
sens et qu'une autre cour d'assises aura émis un jugement différent, que dira
l'opinion publique ? Or chacun bénéficiera de ce droit d'appel. Songez à des
procès d'allure historique relativement récents : que serait-il advenu si
l'appel avait été alors possible ? C'est donc une voie difficile, mais
nécessaire, que celle dans laquelle nous nous engageons.
Il est un point de procédure que nous ne pouvons pas régler par la loi, mais
qui revêtira, dans la pratique, une extrême importance : c'est la Cour de
cassation qui décidera du choix de la chambre de renvoi. Toute une politique
est sous-jacente, car, on le sait bien, certaines cours d'assises ont
quelquefois tendance à être plus répressives ou, à l'inverse, plus indulgentes
que d'autres. Il faudra donc que ceux qui seront responsables de cette
dévolution y prêtent une attention considérable.
Vous savez que, lorsqu'il y a cassation d'une décision de la cour d'assises de
Paris, il est de coutume que l'on renvoie l'affaire à Orléans ; il en est ainsi
dans presque tous les cas. Or il faudra faire très attention au choix de la
chambre de renvoi, j'y insiste, car il entraînera, en pratique, des
conséquences considérables. Je relève que plusieurs systèmes étaient possibles
: celui qu'avait proposé M. Jacques Toubon et un autre, auquel j'avais réfléchi
mais qui n'a pas eu la faveur de la Cour de cassation, et qui consistait à
accroître le pouvoir de vérification donné à la Cour de cassation.
Nous aboutissons cependant à un système acceptable. Vos quelques remarques,
madame le garde des sceaux, montrent, à l'évidence, non pas que nous sommes
parfaitement d'accord, mais que, aux détails près que vous avez soulignés, nous
sommes très proches de l'accord. Je crois donc que nous pourrons tous nous
souvenir que nous aurons vécu la mise en place de l'appel des cours
d'assises.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 50, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
M. Robert Bret.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 21
octies
, ainsi modifié.
(L'article 21
octies
est adopté.)
Article additionnel après l'article 21
octies
M. le président.
Par amendement n° 51, M. Jolibois, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 21
octies
, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 244 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi
rédigée :
« Lorsque la cour d'assises statue en appel, elle est présidée par un
président de chambre de la cour d'appel. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Cet amendement prévoit que lorsque la cour d'assises statue
en appel, elle est obligatoirement présidée par un président de chambre de la
cour d'appel.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Sagesse.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 51, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
M. Robert Bret.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 21
octies
.
Article 21
nonies
A
M. le président.
« Art. 21
nonies
A. - I. - Il est inséré, après l'article 349 du même
code, un article 349-1 ainsi rédigé :
«
Art. 349-1
. - Lorsqu'est invoquée comme moyen de défense l'existence
de l'une des causes d'irresponsabilité pénale prévue par les articles 122-1
(premier alinéa), 122-2, 122-3, 122-4 (premier et second alinéas), 122-5
(premier et second alinéas) et 122-7 du code pénal, chaque fait spécifié dans
le dispositif de la décision de mise en accusation fait l'objet de deux
questions posées ainsi qu'il suit :
« 1° L'accusé a-t-il commis tel fait ? ;
« 2° L'accusé bénéficie-t-il pour ce fait de la cause d'irresponsabilité
pénale prévue par l'article ... du code pénal selon lequel n'est pas pénalement
responsable la personne qui... ? »
« Le président peut, avec l'accord des parties, ne poser qu'une seule question
concernant la cause d'irresponsabilité pour l'ensemble des faits reprochés à
l'accusé.
« Sauf si l'accusé ou son défenseur y renonce, il est donné lecture des
questions posées en application du présent article.
« II. - A l'article 356 du même code, après les mots : "s'il y a lieu,", sont
insérés les mots : "sur les causes d'irresponsabilité pénale,".
« III. - Il est inséré, après l'article 361 du même code, un article 361-1
ainsi rédigé :
«
Art. 361-1
. - Si, lorsqu'il est fait application des dispositions de
l'article 349-1, la cour d'assises a répondu positivement à la première
question et négativement à la seconde question, elle déclare l'accusé coupable.
Si elle a répondu négativement à la première question ou positivement à la
seconde question, elle déclare l'accusé non coupable. » -
(Adopté.)
Article 21
nonies
B
M. le président.
« Art. 21
nonies
B. - Il est inséré, après l'article 380 du même code,
un chapitre VIII ainsi rédigé :
« Chapitre VIII
« De l'appel des décisions rendues
par la cour d'assises en premier ressort
« Section 1
« Dispositions générales
«
Art. 380-1
. - Les arrêts de condamnation rendus par la cour
d'assises en premier ressort peuvent faire l'objet d'un appel dans les
conditions prévues par le présent chapitre.
« Cet appel est porté devant une autre cour d'assises désignée par le
président de la chambre criminelle de la Cour de cassation et qui procède au
réexamen de l'affaire selon les modalités et dans les conditions prévues par
les chapitres II à VII du présent titre.
«
Art. 380-2
. - La faculté d'appeler appartient à l'accusé.
« En cas d'appel de l'accusé, la faculté d'appeler appartient également :
« 1° Au procureur de la République ou au procureur général près la cour
d'appel ;
« 2° A la personne civilement responsable quant aux intérêts civils seulement
;
« 3° A la partie civile, quant à ses intérêts civils seulement ;
« 4° Aux administrations publiques, dans les cas où celles-ci exercent
l'action publique.
«
Art. 380-3
. - La cour d'assises statuant en appel sur l'action
publique ne peut, sur le seul appel de l'accusé, aggraver le sort de ce
dernier.
«
Art. 380-4
. - Pendant les délais d'appel et durant l'instance
d'appel, il est sursis à l'exécution de l'arrêt sur l'action publique.
« Toutefois, l'ordonnance de prise de corps continue de produire ses effets à
l'encontre de la personne condamnée à une peine privative de liberté
conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 367.
«
Art. 380-5
. - La cour d'assises statuant en appel sur l'action
civile ne peut, sur le seul appel de l'accusé, du civilement responsable ou de
la partie civile, aggraver le sort de l'appelant.
« La partie civile ne peut, en cause d'appel, former aucune demande nouvelle ;
toutefois, elle peut demander une augmentation des dommages et intérêts pour le
préjudice souffert depuis la première décision.
«
Art. 380-6
. - Pendant les délais d'appel et durant l'instance
d'appel, il est sursis à l'exécution de l'arrêt sur l'action civile, sous
réserve des dispositions de l'article 374.
«
Art. 380-7
. - Lorsque la cour d'assises statuant en premier ressort
sur l'action civile a ordonné le versement provisoire, en tout ou en partie,
des dommages-intérêts alloués, cette exécution provisoire peut être arrêtée, en
cause d'appel, par le premier président, statuant en référé si elle risque
d'entraîner des conséquences manifestement excessives. Le premier président
peut subordonner la suspension de l'exécution provisoire à la constitution
d'une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes
restitutions ou réparations.
« Lorsque l'exécution provisoire a été refusée par le tribunal statuant sur
l'action civile ou lorsque l'exécution provisoire n'a pas été demandée, ou si,
l'ayant été, la cour a omis de statuer, elle peut être accordée, en cas
d'appel, par le premier président statuant en référé.
« Pour l'application des dispositions du présent article, est compétent le
premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle siège la cour
d'assises désignée pour connaître de l'affaire en appel.
« Section 2
« Délais et formes de l'appel
«
Art. 380-8
. - L'appel est interjeté dans le délai de dix jours à
compter du prononcé de l'arrêt.
« Toutefois, le délai ne court qu'à compter de la signification de l'arrêt,
quel qu'en soit le mode, pour la partie qui n'était pas présente ou représentée
à l'audience où le jugement a été prononcé, mais seulement dans le cas où
elle-même ou son représentant n'auraient pas été informés du jour où l'arrêt
serait prononcé.
«
Art. 380-9
. - En cas d'appel de l'accusé, pendant les délais
ci-dessus, les autres parties ont un délai supplémentaire de cinq jours pour
interjeter appel.
«
Art. 380-10
. - L'accusé peut se désister de son appel jusqu'à son
interrogatoire par le président prévu par l'article 272.
« Ce désistement rend caducs les appels incidents formés par le ministère
public ou les autres parties.
« Le désistement d'appel est constaté par ordonnance du président de la cour
d'assises.
«
Art. 380-11
. - La déclaration d'appel doit être faite au greffe de
la cour d'assises qui a rendu la décision attaquée.
« Elle doit être signée par le greffier et par l'appelant lui-même, par un
avocat, par un avoué près la cour d'appel, ou par un fondé de pouvoir spécial ;
dans ce dernier cas, le pouvoir est annexé à l'acte dressé par le greffier. Si
l'appelant ne peut signer, il en sera fait mention par le greffier.
« Elle est inscrite sur un registre public à ce destiné et toute personne a le
droit de s'en faire délivrer une copie.
«
Art. 380-12
. - Lorsque l'appelant est détenu, l'appel peut être fait
au moyen d'une déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire.
« Cette déclaration est constatée, datée et signée par le chef de
l'établissement pénitentiaire. Elle est également signée par l'appelant ; si
celui-ci ne peut signer, il en est fait mention par le chef de
l'établissement.
« Ce document est adressé sans délai, en original ou en copie, au greffe de la
cour d'assises qui a rendu la décision attaquée ; il est transcrit sur le
registre prévu par le troisième alinéa de l'article 380-11 et annexé à l'acte
dressé par le greffier.
« Section 3
« Désignation de la cour d'assises statuant en appel
«
Art. 380-13
. - Dès que l'appel a été enregistré, le ministère public
adresse sans délai au greffe de la chambre criminelle de la Cour de cassation,
avec ses observations éventuelles, la décision attaquée et, le cas échéant, le
dossier de la procédure.
« Dans le mois suivant la réception de l'appel, le président de la chambre
criminelle désigne la cour d'assises chargée de statuer en appel.
« Il est alors procédé comme en cas de renvoi après cassation.
«
Art. 380-14
. - Si le président de la chambre criminelle de la Cour
de cassation constate que l'appel n'a pas été formé dans les délais prévus par
la loi ou porte sur un arrêt qui n'est pas susceptible d'appel, il dit n'y
avoir lieu à désignation d'une cour d'assises chargé de statuer en appel. »
Sur cet article, je suis saisi d'un certain nombre d'amendements.
ARTICLE 380-1 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Sur le texte proposé pour l'article 380-1 du code de procédure pénale, je ne
suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je le mets aux voix.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 380-2 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Sur le texte proposé pour l'article 380-2 du code de procédure pénale, je suis
saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 52, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger
commer suit le texte présenté par l'article 21
nonies
B pour l'article
380-2 du code de procédure pénale :
«
Art. 380-2.
- La faculté d'appeler appartient :
« 1° A l'accusé ;
« 2° Au ministère public ;
« 3° A la personne civilement responsable, quant à ses intérêts civils ;
« 4° A la partie civile, quant à ses intérêts civils ;
« 5° En cas d'appel du ministère public, aux administrations publiques, dans
les cas où celles-ci exercent l'action publique. »
Par amendement n° 115, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent :
« I. - De compléter
in fine
le premier alinéa du texte présenté par
l'article 21
nonies
B pour l'article 380-2 du code de procédure pénale
par les mots : "et au ministère public, sauf en cas d'acquittement".
« II. - En conséquence, de supprimer le deuxième alinéa (1°) du texte présenté
par l'article 21
nonies
B pour l'article 380-2. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 52.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Cet amendement est extrêmement important, car à partir du
moment où un second degré de juridiction en assises a été créé, il est
essentiel de décider qui aura la faculté d'interjeter appel.
Il est vrai que nous avions d'abord prévu que seul l'accusé aurait le droit
d'interjeter appel. A la réflexion, cette solution apparaît déséquilibrée
voire, dans certains cas, pratiquement impossible à mettre en oeuvre.
Elle est déséquilibrée parce que, si nous souhaitons essentiellement donner
une deuxième chance à l'accusé, il importe d'en donner une également à la
société, qui a son mot à dire par l'intermédiaire du parquet.
Mais il faut aussi reconnaître que, en l'état actuel du dispositif, lorsqu'il
y a plusieurs accusés et qu'un seul d'entre eux décide d'interjeter appel, on
risque d'aboutir à des situations totalement extraordinaires et à des décisions
qui pourraient être véritablement contestables sur le plan de l'équité et,
peut-être, sur celui de la moralité des débats judiciaires. C'est la raison
pour laquelle nous proposons un dispositif, qui existe en matière d'appel
correctionnel, aux termes duquel la faculté d'appeler appartiendrait : à
l'accusé ; au ministère public ; à la personne civilement responsable, quant à
ses intérêts civils ; à la partie civile, quant à ses intérêts civils ; en cas
d'appel du ministère public, aux administrations publiques, dans les cas où
celles-ci exercent l'action publique. Ainsi le dispositif nous paraît-il plus
complet, plus équilibré, autant dire plus juste.
M. le président.
La parole est à M. Charasse, pour présenter l'amendement n° 115.
M. Michel Charasse.
Cet amendement rejoint en partie celui que vient de présenter M. le
rapporteur. Cependant, s'il vise à octroyer au ministère public la faculté
d'interjeter appel, M. Badinter et les membres du groupe socialiste proposent
que le ministère public ne puisse pas procéder ainsi en cas d'acquittement.
Je serais assez tenté de retirer cet amendement pour me rallier à l'amendement
n° 52, si dans celui-ci au 2°, après les mots « au ministère public », sont
ajoutés les mots « sauf en cas d'acquittement ».
Par ailleurs, s'agissant du 5° de l'amendement n° 52, je ne comprends pas
pourquoi la commission ne souhaite pas que les administrations publiques
puissent faire appel s'il n'y a pas d'appel du ministère public. En effet, je
ne vois pas pour quelle raison les administrations publiques n'auraient pas une
autonomie par rapport au parquet. Aussi je souhaite que soient supprimés, dans
le 5°, les mots : « En cas d'appel du ministère public ».
Si la commission modifie son amendement sur ces deux points, je retirerai
l'amendement n° 115.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
La commission a considéré que l'amendement n° 115 était
satisfait.
Tout d'abord, j'aurai dû le préciser, mais je me suis exprimé sans recourir à
mes notes, nous avons maintenu la règle selon laquelle l'appel n'est pas
possible en cas d'acquittement. Cela résulte de la phrase, déjà adoptée, qui
prévoit que l'appel est possible en cas de condamnation. Par conséquent,
lorsqu'il y a un acquittement, l'appel n'est pas possible. Voilà ce que je
tenais à indiquer s'agissant du premier point sur lequel vous avez bien voulu
vous exprimer, monsieur Charasse.
Par ailleurs, vous m'avez interrogé sur le sens du 5° du texte que nous
proposons pour l'article 380-2 du code de procédure pénale. Aux termes de cet
alinéa, la faculté d'appeler appartient « en cas d'appel du ministère public,
aux administrations publiques, dans les cas où celles-ci exercent l'action
publique ». En effet, il existe deux cas : ou bien les administrations
publiques ont le droit d'exercer directement l'action publique et elles
l'exercent en formulant leur appel ; ou bien, conformément aux textes, elles
n'ont pas le droit d'exercer directement l'action publique et, dès lors, la
voie officielle et institutionnelle pour les représenter, c'est le ministère
public, qui peut faire appel. Vous avez donc également satisfaction sur ce
point, monsieur Charasse.
M. le président.
Monsieur Charasse, avez-vous été convaincu par M. le rapporteur ?
M. Michel Charasse.
Les explications de M. le rapporteur m'ayant convaincu, je n'insiste pas
s'agissant des modifications que je proposais et je retire l'amendement n°
115.
M. le président.
L'amendement n° 115 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 52 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Voilà un instant, j'ai indiqué ma position sur la
question de l'appel qui serait formulé par le parquet sur les décisions de la
cour d'assises. Aussi, je n'y reviens pas.
Je comprends tout à fait que l'on veuille donner aussi une deuxième chance à
la société, et pas seulement au condamné. S'il faut certes prendre en compte la
situation des victimes, l'appel du parquet doit rester en pratique
exceptionnel. J'ai donc suggéré, peut-être pour la commission mixte paritaire,
une solution qui consisterait en l'appel du procureur général.
Cela étant dit, en l'état actuel de la discussion, je m'en remets à la sagesse
du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 52, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, le texte proposé pour l'article 380-2 du code de procédure
pénale est ainsi rédigé.
ARTICLES 380-3 ET 380-4 DU CODE
DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Sur les textes proposés pour les articles 380-3 et 380-4 du code de procédure
pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les textes proposés pour les articles 380-3 et 380-4 du code
de procédure pénale.
(Ces textes sont adoptés.)
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 380-4
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 53, M. Jolibois, au nom de la commission, propose d'insérer,
après le texte présenté par l'article 21
nonies
B pour l'article 380-4
du code de procédure pénale, un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. ...
Lorsque la cour d'assises n'est pas saisie de l'appel formé
contre le jugement rendu sur l'action publique, l'appel formé par une partie
contre le seul jugement rendu sur l'action civile est porté devant la chambre
des appels correctionnels. Les articles 380-13 et 380-14 ne sont pas
applicables. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
La commission propose que la partie civile puisse faire appel
même lorsque l'accusé n'a pas fait appel. Mais, s'il n'y a pas d'appel sur
l'action publique, on ne va pas réorganiser un procès d'assises. Dans ces
conditions, l'amendement prévoit que, lorsque l'appel ne porte que sur les
intérêts civils, il est porté devant la chambre des appels correctionnels.
Cette disposition figurait dans le projet de loi présenté par M. Jacques Toubon
et elle respecte complètement les intérêts à la victime.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je suis tout à fait favorable à cet amendement, qui
prévoit l'hypothèse du seul appel de la partie civile sur la décision rendue
sur l'action civile. Cet appel, dans la mesure où il ne concerne pas la
décision sur l'action publique - car, de manière générale, même en
correctionnelle, la victime ne peut pas faire appel de la condamnation pénale -
ne soulève nullement les interrogations concernant l'appel principal du
ministère public. Il ne soulève pas non plus de difficultés pratiques puisque,
à défaut d'appel concomitant sur l'action publique, il sera porté devant la
chambre des appels correctionnels.
En revanche, ce mécanisme prend bien en compte les droits des victimes, et
c'est une très bonne chose.
J'indique d'ores et déjà que j'émettrai également un avis favorable sur
l'amendement n° 54, que nous examinerons dans un instant et qui participe du
même esprit.
M. Jean-François Picheral.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 53, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré après l'article
380-4 du code de procédure pénale.
ARTICLE 380-5 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 54, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de
compléter le second alinéa du texte présenté par l'article 21
nonies
B
pour l'article 380-5 du code de procédure pénale par une phrase ainsi rédigée :
« Même lorsqu'il n'a pas été fait appel de la décision sur l'action civile, la
victime constituée partie civile en première instance peut exercer devant la
cour d'assises statuant en appel les droits reconnus à la partie civile jusqu'à
la clôture des débats ; elle peut également demander l'application des
dispositions du présent alinéa, ainsi que de celle de l'article 375. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de conséquence de l'amendement n°
53.
M. le président.
Le Gouvernement s'est déjà exprimé.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 54, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 380-5 du code
de précédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 380-6 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Sur le texte proposé pour l'article 380-6 du code de procédure pénale, je ne
suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le texte proposé pour l'article 380-6 du code de procédure
pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 380-7 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 55, M. Jolibois, au nom de la commission, propose, dans le
deuxième alinéa du texte présenté par l'article 21
nonies
B pour
l'article 380-7 du code de procédure pénale, de remplacer les mots : « le
tribunal » par les mots : « la cour ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Cet amendement vise à corriger une erreur matérielle.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 55, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 380-7 du code
de procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 380-8 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Sur le texte proposé pour l'article 380-8 du code de procédure pénale, je ne
suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le texte proposé pour l'article 380-8 du code de procédure
pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 380-9 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 56, M. Jolibois, au nom de la commission, propose, dans le
texte présenté par l'article 21
nonies
B pour l'article 380-9 du code de
procédure pénale, de remplacer les mots : « de l'accusé » par les mots : «
d'une partie ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 56, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 380-9 du code
de procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 380-10 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 57, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de
compléter le texte présenté par l'article 21
nonies
B pour l'article
380-10 du code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :
« La caducité de l'appel de l'accusé résulte également de la constatation, par
le président de la Cour d'assises, que ce dernier a pris la fuite et n'a pas pu
être retrouvé avant l'ouverture de l'audience ou au cours de son déroulement.
»
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Cet amendement a pour objet d'apporter une précision
indispensable pour éviter des situations inextricables en cas d'appel en
matière criminelle si l'accusé prenait la fuite entre la décision en première
instance et l'audience en appel. Dans un tel cas, le procès d'appel ne pourrait
pas être mené jusqu'à son terme et la personne ne pourrait être jugée
définitivement. Il convient donc de prévoir que, dans une telle hypothèse, la
fuite de l'accusé rend caduc son appel, ce qui aura pour conséquence de rendre
définitive la décision rendue par la première cour d'assise.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 57.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Je souhaite savoir, monsieur le rapporteur, si vous avez bien voulu écrire que
l'accusé « a pris la fuite et n'a pu être retrouvé ». En effet, si l'accusé est
retrouvé et qu'il n'est pas ramené devant la juridiction, à quoi sert-il de
savoir qu'il est, par exemple, à Cayenne ? Cher rapporteur et ami, le mot «
retrouvé » n'est-il pas mal choisi et ne serait-il pas préférable de le
remplacer par « interpellé » ou par un autre terme ? Si on « retrouve »
l'accusé à Bangkok : il est retrouvé.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Vous nous croyez peut-être trop optimistes, monsieur Charasse
! Nous pensons que si l'accusé a été retrouvé, il pourra être ramené. Ce point
pourra sans doute être réglé lors de la réunion de la commission mixte
paritaire. Toutefois, le mot « retrouvé » ne nous paraît pas inexact dans ce
texte et en l'état actuel du débat.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 57, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 380-10 du
code de procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLES 380-11 ET 380-12
DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Sur les textes proposés pour les articles 380-11 et 380-12 du code de
procédure pénale, je ne suis saisi d'aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les textes proposés pour les articles 380-11 et 380-12 du
code de procédure pénale.
(Ces textes sont adoptés.)
ARTICLE 380-13 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 58, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit le deuxième alinéa du texte présenté par l'article 21
nonies
B
pour l'article 380-13 du code de procédure pénale :
« Dans le mois qui suit la réception de l'appel, la chambre criminelle, après
avoir recueilli les observations écrites du ministère public et des parties ou
de leurs avocats, désigne la cour d'assises chargée de statuer en appel. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement important, qui tend à confier à la
chambre criminelle elle-même, et non au président de la chambre, le soin de
désigner la cour d'assises chargée de statuer en appel. Il convient, en effet,
d'éviter que ce choix ne puisse être critiqué comme étant imputé à une seule
personne.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 58, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 59, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de
compléter le texte présenté par l'article 21
nonies
B pour l'article
380-13 du code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 380-1, en
cas d'appel d'une décision de la cour d'assises d'un département d'outre-mer,
de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et des îles
Wallis-et-Futuna, la chambre criminelle peut désigner la même cour d'assises,
autrement composée, pour connaître de l'appel. Les dispositions du présent
alinéa sont également applicables en cas d'appel des décisions de la cour
criminelle de Mayotte ou du tribunal criminel de Saint-Pierre-et-Miquelon. En
cas de vacance de poste, d'absence, d'empêchement ou d'incompatibilité légale,
les fonctions de président de la juridiction criminelle statuant en appel et,
le cas échéant, des magistrats assesseurs qui la composent, sont exercées par
des conseillers désignés, sur une liste arrêtée pour chaque année civile, par
le premier président de la cour d'appel de Paris, ou, pour la cour criminelle
de Mayotte, par le premier président de la cour d'appel de Saint-Denis de la
Réunion. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Cet amendement est indispensable pour permettre l'application
de la réforme dans les départements et territoires ou collectivités d'outre
mer. Sauf hypothèses exceptionnelles, il convient en effet de permettre à la
chambre criminelle de la Cour de cassation de désigner la même juridiction,
autrement composée, pour juger de l'appel, afin d'éviter aux victimes, aux
accusés, aux experts et aux témoins de devoir se déplacer en métropole ou dans
un autre territoire, à plusieurs milliers de kilomètres, pour assister au
procès en appel. On prévoit, en outre, le cas où la cour d'assises ne pourrait
être composée différemment ; il faudrait alors pouvoir faire venir des
magistrats de la métropole.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 59, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article 380-13 du code de
procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE 380-14 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE
M. le président.
Par amendement n° 60, M. Jolibois, au nom de la commission, propose :
I. - Au début du texte présenté par l'article 21
nonies
B pour
l'article 380-14 du code de procédure pénale de remplacer les mots : « Si le
président de la chambre criminelle » par les mots : « Si la chambre criminelle
» ;
II. - En conséquence, dans le même texte, de remplacer le mot : « il » par le
mot : « elle ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Il s'agit d'un simple amendement de coordination, compte tenu
de ce que le Sénat vient de voter.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 60, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article 380-14 du
code de procédure pénale.
(Ce texte est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 21
nonies
B, modifié.
(L'article 21
nonies
B est adopté.)
Demande de priorité
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Monsieur le président, madame le
garde des sceaux, mes chers collègues, vous vous souvenez sans doute que,
précédemment, à la demande de notre commission et pour la commodité du débat,
le Sénat avait réservé les articles 2 D à 2
ter.
La commission
souhaiterait que ces articles viennent en discussion maintenant et que nous
examinions l'article 2 D après l'article 2
ter.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je n'y vois pas d'objection.
M. le président.
La priorité est ordonnée.
Nous allons donc examiner l'article 2 G, puis les articles 2
bis
A, 2
bis
B et 2
ter,
et, enfin, l'article 2 D.
Article 2 G
(précédemment réservé)
M. le président.
L'article 2 G a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Article 2
bis
A
(précédemment réservé)
M. le président.
« Art. 2
bis
A. - I. - Il est inséré, après l'article 63-4 du même
code, un article 63-5 ainsi rédigé :
«
Art. 63-5
. - Les interrogatoires des personnes placées en garde à
vue font l'objet d'un enregistrement sonore. L'enregistrement original est
placé sous scellés fermés et sa copie est versée au dossier.
« Sur décision d'un magistrat, l'enregistrement original peut être écouté au
cours de la procédure.
« A l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la date de l'extinction
de l'action publique, l'enregistrement original et sa copie sont détruits dans
le délai d'un mois. »
« II. - Dans le dernier alinéa de l'article 77 du même code, après la
référence : "63-4", est insérée la référence : "63-5".
« III. - Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article 154 du même
code, après la référence : "63-4", est insérée la référence : "63-5". »
Sur l'article, la parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tout au long
de son histoire, la France a connu des procès en sorcellerie dont les
motivations étaient le plus souvent entachées de légitimes suspicions.
Nous assistons aujourd'hui à un procès de même essence fait à notre assemblée
que certains, irrités par son indépendance, souhaiteraient voir s'aligner en
tous domaines sur la pensée dominante.
C'est, alimenté par certains au mépris des réalités, un procès en ringardise
qui est instruit depuis quelque temps contre le Sénat, affligé de la très
lourde tare d'être une assemblée de réflexion dans une société soumise à la
dictature de l'image et sensible au choc de l'instant.
« Au mépris des réalités », disais-je, et cinq exemples concrets, tous tirés
de l'actualité, en portent témoignage, n'en déplaise à ses contempteurs.
Ringard, le Sénat, initiateur, grâce à Guy Cabanel, de l'alternative à
certains abus du placement en détention provisoire qu'est le bracelet
électronique ?
Ringard, le Sénat, qui peut se flatter d'avoir, là encore en éclaireur, pallié
cette faille du système judiciaire français qu'est l'impossibilité de faire
appel des jugements rendus en cour d'assises, ce qui vient d'être salué par
vous-même, madame la ministre, comme un moment historique ?
Ringard, le Sénat, qui, sensible à certaines dérives de la prestation
compensatoire a, de son propre chef, à l'invitation de l'un des siens, notre
collègue Nicolas About, décidé d'y porter remède ?
Ringard, le Sénat, qui, il y a tout juste douze jours, applaudissait
longuement Claude Allègre lors de son ultime plaidoyer en forme de testament
pour la réforme de notre système éducatif ?
Ringard, le Sénat, qui, jeudi dernier, votait la constitution de sa commission
des finances en commission d'enquête dans le dessein de mettre un terme à
l'omerta de la citadelle de Bercy ?
M. Michel Charasse.
Oh ! le mot est fort !
M. Christian Bonnet.
Il appartient à ce Sénat, dont l'indépendance a toujours été la fierté, de ne
pas tomber dans le travers du « suivisme », de ne pas céder à la grande peur de
l'an 2000 : celle de ne pas être « dans le coup », celle d'être insensible aux
caprices du vent !
Le Sénat, s'il n'est pas sourd aux évolutions nécessaires, ne doit pas pour
autant faire preuve d'aveuglement face à une improvisation lourde de
conséquences surgie au Palais-Bourbon en deuxième lecture.
Il ne doit pas avaliser, fût-ce en tentant de l'encadrer, le principe d'un
enregistrement dont Mme le garde des sceaux a été amenée, voilà quelques jours,
à confirmer, ici même, avec la finesse dont elle est coutumière, qu'il
l'amenait à se poser des questions... propos ô combien révélateur !
Notre réputation, mes chers collègues, nous la devons à la qualité de notre
réflexion. Et, quelle que doit la prégnance médiatique, nous n'avons pas le
droit de l'altérer sur un sujet aussi fondamental en apportant notre caution à
une mesure dont l'application se révèlerait immédiatement ingérable : sait-on
qu'il y a eu, en France, près de 450 000 gardes à vue, qui ont ouvert la voie à
près d'un million d'auditions ?
La police, comme toute institution humaine, connaît des défaillances. Mais
elle est aussi la plus exposée et la plus contrôlée de toutes les
institutions.
Volontiers prolixe sur les manques de ceux - policiers et gendarmes - qui ont
la charge de veiller à la sécurité des Français dans un contexte social de plus
en plus difficile, on ne l'est guère sur leurs mérites.
Mes chers collègues, chacun aura compris que le Sénat doit, après réflexion,
refuser un enregistrement ingérable mais aussi, montrant par là son ouverture
d'esprit, adopter le progrès que va représenter la formule de compromis
imaginée, avec l'objectivité qui est l'une des marques de son talent, par
l'excellent rapporteur de la commission des lois qu'est notre collègue Charles
Jolibois.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains
et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste
et du RDSE.)
M. le président.
Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 92, MM. Haenel, Gélard et les membres du groupe du
Rassemblement pour la République et apparentés proposent de supprimer cet
article.
Par amendement n° 4, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit les deux premiers alinéas du texte présenté par le I de l'article 2
bis
A pour l'article 63-5 du code de procédure pénale :
« Les interrogatoires des personnes placées en garde à vue font, à leur
demande, leur avocat consulté, l'objet d'un enregistrement sonore.
L'enregistrement original est placé sous scellés fermés et sa copie est versée
au dossier.
« En cas de contestation du contenu du procès-verbal d'interrogatoire par la
personne, l'enregistrement original peut être écouté sur décision d'un
magistrat au cours de la procédure. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 155, présenté par M. Bret
et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et tendant, dans la
première phrase du premier alinéa du texte présenté par l'amendement n° 4, à
supprimer les mots : "à leur demande, leur avocat consulté," ».
Par amendement n° 109, MM. Dreyfus-Schmidt, Charasse, Badinter et les membres
du groupe socialiste et apparentés proposent de compléter le deuxième alinéa du
texte présenté par le I de l'article 2
bis
A pour l'article 63-5 du code
de procédure pénale par deux phrases ainsi rédigées :
« Toutefois, ces enregistrements sonores ne sont versés au dossier qu'à titre
indicatif. Seuls les procès-verbaux écrits et signés font foi sauf si la bande
enregistrée fait l'objet, sur le champ, d'une transcription intégrale signée
par la personne entendue. »
Par amendement n° 107, MM. Dreyfus-Schmidt, Charasse, Badinter et Rouvière
proposent, après le deuxième alinéa du texte présenté par le I de l'article 2
bis
A pour l'article 63-5 du code de procédure pénale, d'insérer un
alinéa ainsi rédigé :
« La publication ou la diffusion, totale ou partielle, de ces enregistrements
sonores par tout moyen audiovisuel est passible des peines prévues au 1er
alinéa de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la
presse. »
Par amendement n° 108, MM. Dreyfus-Schmidt, Charasse, Badinter et Rouvière
proposent de compléter
in fine
l'article 2
bis
A par un
paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Le premier alinéa de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 est
complété par une phrase ainsi rédigée : "Cette amende est portée à 200 000
francs en cas de publication ou de diffusion totale ou partielle par tout moyen
audiovisuel des enregistrements sonores visés à l'article 63-5 du code de
procédure pénale". »
La parole est à M. Haenel, pour défendre l'amendement n° 92.
M. Hubert Haenel.
Je crois que nous sommes toutes et tous, quelles que soient les travées de la
Haute Assemblée sur lesquelles nous siégions, profondément attachés au respect
de la liberté individuelle et de la dignité humaine. Il ne faut donc pas, à mon
avis, faire de procès sur ce terrain-là.
Je ne reviendrai pas sur les arguments que j'ai déjà eu l'occasion de
développer lors de la discussion générale en faveur de la suppression de
l'amendement, adopté par l'Assemblée nationale, visant à instituer
l'enregistrement sonore systématique des gardes à vue dont le nombre - M.
Bonnet vient de le rappeler - s'élève à près de 450 000 par an.
Je rappelle que cet amendement n'est pas réaliste, et ce pour toutes sortes de
raisons d'ordre pratique, technique et budgétaire. Mme la ministre nous avait
d'ailleurs indiqué, en réponse aux propos que j'avais tenus dans la discussion
générale, le coût qu'une telle masse représenterait pour le budget du ministère
de la justice.
Par ailleurs, cet amendement ne va pas jusqu'au bout de la logique sur
laquelle il se fonde. En effet, un enregistrement sonore n'a pas de sens. Il
aurait fallu, pour être parfaitement cohérent, parler d'enregistrement
vidéo.
En outre, cet amendement jette dangereusement - on vient de le dire et je
reprends ce propos - et de façon infondée la suspicion sur l'ensemble des
officiers de police judiciaire, tant de la police nationale que de la
gendarmerie nationale. Il n'est pas opportun. Il faut rappeler - et c'est
notamment aux sénateurs, qui sont souvent confrontés à ces difficiles questions
tant dans les villes que dans les zones rurales, qu'il incombe de le faire - le
difficile métier exercé aujourd'hui par les policiers et les gendarmes. Je
crois que nos policiers et nos gendarmes ont plus besoin de considération que
de suspicion !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
Une autre question se pose - vous-même, madame la ministre, en êtes
convenue, je crois - concernant la nature juridique de cet enregistrement.
Quelle sera sa valeur probante ? Quelles garanties aurons-nous que
l'enregistrement sera bien fidèle, compte tenu de tous les problèmes que cela
pose et surtout des nullités à la clef. Quand, comme cela arrive
malheureusement de temps en temps, un magistrat, une cour d'appel ou une
chambre d'accusation doit, pour cause de nullité, relâcher une personne qui est
pourtant passée aux aveux, nos concitoyens considèrent cela comme inadmissible
et se demandent ce que fait la justice. Il ne faut donc pas donner des motifs
supplémentaires d'avoir à relâcher, pour des raisons de nullité, des truands,
des bandits de grand chemin.
Il y a au moins trois autres solutions pour recadrer la garde à vue. Tout
d'abord, il faut faire en sorte que le procureur de la République et ses
substituts contrôlent effectivement la garde à vue ; pour cela, ils ont besoin
de temps et de moyens.
Par ailleurs, il y a la présence du médecin - ne l'oublions pas ! - au cours
de la garde à vue.
Enfin, il y a la présence de l'avocat : actuellement à l'issue de la vingtième
heure, bientôt dès la première heure, si ce projet de loi est adopté, ou dès la
dixième heure, si le sous-amendement n° 183 déposé par M. Jacques Larché est
adopté.
Par conséquent, tenons-nous en à ces formules de contrôle et ne tentons pas de
copier des modèles étrangers qui - il faut absolument le dire - ne sont pas
transposables dans notre système.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à adopter l'amendement n°
92, visant à la suppression de l'article 2
bis
A.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants,
ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 4.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Mes chers collègues, vous en savez suffisamment maintenant,
compte tenu à la fois du débat public et des intéressantes interventions qui
ont eu lieu dans cette assemblée, sur le problème de l'enregistrement sonore.
Cette disposition a été introduite dans le projet de loi lors de la deuxième
lecture à l'Assemblée nationale. Nous avons donc dû examiner cette disposition
présentée à la fois comme généreuse et comme protectrice des intérêts et des
droits des citoyens placés en garde à vue.
Il nous est ainsi très rapidement apparu - et cette réflexion a aussi été la
vôtre, madame la garde des sceaux - que l'enregistrement pouvait donner lieu à
certaines dérives, qu'une telle mesure, si elle était adoptée, devrait être
encadrée, et qu'elle nécessiterait en tout cas une profonde réflexion.
Les dérives possibles sont évidentes.
Tout d'abord la police peut, dans une certaine mesure, être paralysée dans la
recherche des preuves, alors que, très souvent, le délit vient juste d'être
commis.
Par ailleurs, l'enregistrement peut, dans certains cas, se retourner contre
l'intéressé, ce qui risquerait d'aller à l'encontre du souhait des auteurs de
l'amendement. Rappelez-vous le nombre de fois où un inculpé ou un accusé, même
au cours de l'audience, revient sur les aveux qu'il a faits et qui figurent au
dossier. Je rappelle que le dossier de garde à vue est essentiellement
constitué de longs interrogatoires qui se terminent quelquefois par deux pages
de déclaration contresignées par la personne auditionnée. Je rappelle également
qu'il en est de même, au cours de l'instruction, puisque le juge d'instruction,
en présence de l'avocat, procède, devant le greffier, à de longs
interrogatoires, qui sont souvent résumés, quelquefois avec beaucoup de talent,
par le juge d'instruction et ne reprennent donc pas la totalité de la
conversation.
Quel serait l'intérêt de diffuser
in extenso,
à l'audience,
l'enregistrement sonore de la garde à vue, alors que la personne interrogée est
présente et peut être à nouveau questionnée ?
Nous avons déjà eu sur ce point un débat très intéressant, dont certains
d'entre vous peuvent se souvenir. M. Dreyfus-Schmidt, qui, malheureusement,
n'est pas là aujourd'hui, était intervenu tant en commission des lois que dans
l'hémicycle pour nous rappeler que le système français était fondamentalement
ancré sur l'oralité des débats.
L'oralité des débats, c'est l'audience. A l'audience, bien que l'on dispose
d'un dossier écrit, on fait revenir les témoins, on interroge à nouveau
l'accusé. La possibilité de passer des enregistrements au cours de l'audience
pourrait donc constituer une atteinte à l'oralité des débats selon le choix de
la partie de l'audition diffusée.
C'est la raison pour laquelle, lors de la discussion du projet de loi relatif
aux infractions sexuelles contre les mineurs, dont j'étais le rapporteur, le
Sénat avait refusé, sur proposition de la commission, qu'il soit procédé à la
diffusion de l'enregistrement de l'audition de la petite victime au cours de
l'audience, en raison de l'impression que cela pouvait avoir soit sur les
juges, soit sur les jurés.
Nous avions ainsi déjà senti la difficulté que présentait le système de
l'enregistrement, et nous avions voulu y parer.
Dans le cas présent, j'avais cru, dans un premier temps, qu'il était possible
de répondre à ces dérives éventuelles en proposant à la commission des lois,
qui l'avait accepté, un système comportant deux barrières. La première
consistait à ne procéder à l'enregistrement que lorsque la personne interrogée
le demandait ; la seconde, à ne pouvoir produire l'enregistrement au cours de
l'audience qu'en cas de contestation du procès-verbal par la personne gardée à
vue. Cette double protection aurait permis d'encadrer l'introduction de
l'enregistrement sonore dans notre procédure judiciaire, qui n'est pas prête
pour une telle innovation.
Cela étant, un amendement tendant à la suppression pure et simple de l'article
2
bis
A a été déposé par M. Haenel et les membres du groupe du RPR. La
commission des lois, qui l'a examiné, est alors revenue quelque peu sur sa
décision, décision qu'elle avait prise, reconnaissons-le, après beaucoup
d'hésitation et à une courte majorité. Ainsi, dans sa sagesse, elle a
finalement estimé préférable, pour l'instant, de supprimer l'enregistrement.
Ce mot seul d'« enregistrement » avait d'ailleurs ouvert de nombreuses portes
: certains demandaient un enregistrement audiovisuel complet, d'autres qu'il
soit procédé à des vérifications de l'enregistrement. Nous aurions alors couru
le risque de basculer dans un tout autre système au moment même où les
innovations très importantes qui sont introduites dans notre code de procédure
pénale - que je salue aujourd'hui, comme vous avez bien voulu le faire, madame
le garde des sceaux - pouvaient, parce que nous aurions voulu en faire trop
sans prévoir l'encadrement suffisant de la mesure proposée, nous faire perdre
la chance qui nous est offerte d'élaborer un texte moderne et prometteur pour
l'avenir.
C'est la raison pour laquelle c'est sans aucun regret que je vois s'évanouir
la chance de voir adopté l'amendement que j'avais imaginé pour encadrer
l'enregistrement et l'enserrer dans des règles protectrices à la fois pour la
société et pour les droits de la personne gardée à vue.
J'ai, en effet, reçu de la commission des lois instruction de retirer cet
amendement, ce que je fais bien volontiers dans la mesure où nous allons
aboutir à un système qui tiendra quand même compte des idées que nous avons
échangées et qu'a suscitées ce simple mot d'« enregistrement ». Nous aurons
ainsi pénétré dans les mécanismes complexes de ces trois phases d'un procès que
sont la garde à vue, l'instruction et l'audience.
Dès lors, j'indique sans aucun regret que la commission des lois est favorable
à l'amendement n° 92 de M. Haenel, qui tend à supprimer l'enregistrement dans
l'attente d'un futur système.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. Hubert Haenel.
Merci !
M. le président.
L'amendement n° 4 est retiré.
En conséquence, le sous-amendement n° 155 n'a plus d'objet.
La parole est à M. Charasse, pour présenter les amendements n°s 109, 107 et
108.
M. Michel Charasse.
Ces amendements ne se justifient, bien entendu, que dans l'hypothèse où
l'amendement n° 92 de M. Haenel, qui vient de recueillir le soutien de la
commission, ne serait pas adopté. Dans le cas contraire, ces amendements
faisant référence au même article 63-5 du code de procédure pénale, ils
n'auraient bien évidemment plus d'objet.
Nous vous proposons de prendre un certain nombre de précautions, dans l'esprit
qu'a rappelé M. le rapporteur, en précisant d'abord - c'est l'objet de
l'amendement n° 109 - que les enregistrements sonores ne seraient versés au
dossier qu'à titre indicatif, puisque seuls les procès-verbaux écrits et signés
par l'intéressé font foi, sauf si la bande enregistrée devait être décryptée
immédiatement et la transcription signée par l'intéressé avant la fin de
l'audition. Cela me paraît être une précaution élémentaire.
M. Jean Chérioux.
Cela prouve bien que cela ne sert à rien !
M. Michel Charasse.
L'amendement n° 107 vise à réprimer le risque - et c'est à mon avis l'un des
risques majeurs de ce dispositif d'enregistrement - de diffusion de
l'enregistrement à la radio le lendemain matin. En effet, on n'est jamais sûr
qu'il n'y aura pas de fuite et, dans ce cas, la fuite serait absolument
dramatique puisque l'on entendrait sur France Inter, RTL, Europe 1 ou telle
radio périphérique...
M. Hubert Haenel.
Ne citons personne !
M. Michel Charasse.
... un extrait de l'enregistrement d'une personne entendue en garde à vue,
extrait choisi à dessein sans que l'intéressé ait la possibilité de se défendre
ou de faire valoir ses arguments.
L'amendement n° 107 vise donc à interdire absolument toute diffusion,
partielle ou totale, de ces enregistrements par un moyen audiovisuel, en
renvoyant à la loi de 1881 et en fixant l'amende, dans ce cas, à 200 000
francs, ce qui est la moindre des choses.
Cela étant, monsieur le président, il est évident que si l'amendement n° 92
est adopté, je n'aurai parlé que pour le
Journal officiel ! (Rires.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 92, 109, 107 et 108
?
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
La commission n'a pas émis d'avis sur les amendements n° 109,
107 et 108 puisqu'elle est, je le confirme, favorable à l'amendement de
suppression n° 92. Et, si ces amendements n°s 109, 107 et 108 deviennent sans
objet, je n'aurai parlé que pour le
Journal officiel. (Nouveaux
rires.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 92, 109, 107 et 108
?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, l'Assemblée nationale a adopté deux dispositions prévoyant
l'enregistrement sonore des interrogatoires des majeurs et des mineurs au cours
de la garde à vue.
Ces dispositions ont fait ici, au Sénat, l'objet de nombreux amendements. Je
vais vous donner dans un instant l'avis du Gouvernement sur ces amendements,
mais peut-être me permettrez-vous d'abord de vous faire part de la position du
Gouvernement sur le principe même des mesures adoptées par l'Assemblée
nationale.
D'abord, je rappelle que le Gouvernement n'a pas proposé l'enregistrement
sonore des gardes à vue : celui-ci résulte de deux amendements introduits en
deuxième lecture par l'Assemblée nationale...
M. Maurice Ulrich.
C'est habile !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
... et adoptés, je le souligne, à l'unanimité de tous
les groupes.
M. Jacques Oudin.
C'est inquiétant !
M. Michel Charasse.
Les erreurs collectives, cela existe !
M. Jean Chérioux.
Cela ne nous fera pas changer pour autant !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je souligne cette unanimité, parce que je veux quand
même rappeler la réalité des faits !
M. Michel Charasse.
Oui !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Par conséquent, le Gouvernement n'a pas proposé
l'enregistrement sonore, c'est l'Assemblée nationale qui l'a proposé et adopté
en deuxième lecture, à l'unanimité de tous les groupes.
L'amendement n° 92, de MM. Haenel et Gélard, tend à supprimer cet
enregistrement.
Votre rapporteur, de son côté, avait proposé de conditionner l'enregistrement
à une demande expresse du gardé à vue.
Des policiers s'interrogent sur les conséquences de cet enregistrement sur le
déroulement de l'étrange dialogue que constitue l'interrogatoire de la garde à
vue.
Des magistrats se demandent ce que deviendra cet enregistrement écouté dans le
silence du prétoire ou, pis, comme vient de l'indiquer à l'instant M. Charasse,
produit sur une radio de manière légale ou illégale.
Nous sommes donc tous d'accord, et ce bref rappel des péripéties du débat le
montre, il s'agit d'une question délicate.
Devant l'Assemblée nationale, je vous l'ai rappelé, j'avais marqué ma réserve
sur la réponse qui était apportée à une vraie question, celle du contrôle des
gardes à vue.
J'ai trois doutes, essentiellement, sur la portée réelle d'un éventuel
enregistrement des gardes à vue. Je les ai exprimés à l'Assemblée nationale, je
les redis ici.
Tout d'abord, risque de contestation ultérieure de la véracité des
enregistrements dès lors que la bande magnétique n'est pas inviolable, et donc
de fragilisation des procédures.
Ensuite, risque d'allongement des procédures si les audiences se transforment
en auditorium : comment refuser à telle personne mise en cause le droit
d'entendre, même à plusieurs reprises, tel enregistrement pour en commenter ou
en contester tel passage ?
Enfin, risque d'affaiblissement de l'enquête : l'enregistrement sonore suppose
du son et il peut conduire la personne mise en cause à se taire de peur de se
voir opposer directement la version originale de ses dires.
L'intérêt principal d'un enregistrement serait de vérifier d'éventuelles
discordances de fond - et non de forme - entre les propos tenus et les propos
retranscrits dans un procès-verbal signé par l'intéressé, qui accepte ainsi
cette retranscription.
J'avais également souligné, devant l'Assemblée nationale, la difficulté
résultant du fait que l'enregistrement pouvait être écouté sur décision d'un
magistrat, ce qui semblait indiquer qu'aucun contentieux ne pourrait intervenir
si ce magistrat, malgré la demande des parties, refusait cette consultation ;
on pouvait par ailleurs penser qu'il aurait été difficile pour la juridiction
d'instruction ou de jugement de refuser de faire droit à de telles demandes, ce
qui pouvait avoir pour conséquence de paralyser le traitement des affaires en
temps réel, notamment les audiences de comparution immédiate.
J'avais aussi indiqué que certaines personnes pouvaient refuser de parler en
sachant que leurs propos seraient enregistrés et que cet enregistrement pouvait
être utilisé contre elles.
Voilà le rappel des questions que j'avais posées devant l'Assemblée
nationale.
Dès lors, faut-il, dans ces conditions, comme le propose M. Haenel dans
l'amendement n° 92, supprimer ces dispositions ? Je comprends que la question
soit posée.
M. le rapporteur vient de retirer son amendement n° 4. Je ferai à ce sujet une
simple remarque, même si j'avais préparé un argumentaire plus complet au cas où
il l'aurait maintenu : cet amendement m'avait paru intéressant, parce qu'il
répondait à certaines de mes préoccupations. Il empêchait, notamment, qu'un
enregistrement ne se retourne contre la personne gardée à vue, ce qui, parmi
toutes les considérations que j'ai énumérées, est sans doute la plus
préoccupante. Mais je passe rapidement, puisque votre rapporteur vient de
retirer son amendement.
La même remarque vaut pour le sous-amendement n° 155 de M. Bret.
Par ailleurs - j'en viens aux amendements n°s 109, 107 et 108 - faut-il
prévoir une sanction en cas de diffusion des enregistrements sonores effectués
lors d'une garde à vue, comme le prévoient les amendements n°s 107 et 108 du
groupe socialiste ? Sans doute, ne serait-ce que parce qu'une disposition
similaire existe pour la diffusion des enregistrements sonores ou audiovisuels
des auditions des mineurs victimes d'infractions sexuelles : il s'agit, vous
vous en souvenez, de l'article 706-54 du code de procédure pénale, qui résulte
de la loi du 17 juin 1998.
Je pense donc que ces amendements sont justifiés dans leur principe.
Je me demande toutefois s'il ne serait pas plus simple, comme c'est le cas
dans l'article 706-54, qui prévoit, dans son dernier alinéa, une peine d'un an
d'emprisonnement et de 100 000 francs d'amende, de faire figurer cette sanction
dans le nouvel article 63-5 du code de procédure pénale plutôt que dans la loi
sur la presse, et de prévoir des pénalités similaires. Mais cette question
pourra sans doute être examinée lors de la commission mixte paritaire.
M. Michel Charasse.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Faut-il, enfin, préciser que les enregistrements ne
sont qu'indicatifs et que seul le procès-verbal fait foi, sauf retranscription
intégrale et immédiate de ces enregistrements, comme le prévoit l'amendement n°
109 ?
Je ne le pense pas, pour plusieurs raisons. D'une part, d'une manière
générale, les procès-verbaux ne valent qu'à titre de simple renseignement, ils
ne font foi que jusqu'à preuve du contraire, en application des articles 430 et
431 du code de procédure pénale. D'autre part, si, en écoutant
l'enregistrement, on découvre une discordance de fond - et non de forme - si,
par exemple, à aucun moment la personne ne reconnaît les faits alors que les
aveux sont couchés sur le procès-verbal, il serait paradoxal que le juge ne
puisse pas en tenir compte.
M. Michel Charasse.
Les enregistrements peuvent être « bidouillés » !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Enfin, si une retranscription intégrale et immédiate de
l'enregistrement était prévue, cela démultiplierait les difficultés
matérielles, déjà très importantes, qui résultent des nouvelles dispositions
proposées. Cela justifie d'ailleurs que le Gouvernement prévoie le report de
leur entrée en vigueur d'un an afin de permettre leur application effective
dans de bonnes conditions.
Voilà les quelques remarques que je voulais faire.
En résumé, tout en comprenant les interrogations des auteurs des différents
amendements, en les remerciant d'approfondir ainsi la réflexion sur une
question complexe et certainement importante - même si elle n'a pas
l'importance historique de la réforme de la cour d'assises et des libérations
conditionnelles, n'est-ce pas ! - le Gouvernement adopte la position
suivante.
Le Gouvernement n'a pas proposé, dans son projet initial, d'enregistrement des
gardes à vue. Il ne l'a ensuite pas demandé. Par conséquent, il s'en remet à la
sagesse du Sénat sur l'amendement n° 92, il est favorable aux amendements n°s
107 et 108 sur les sanctions en cas de diffusion de l'enregistrement - si,
finalement, la CMP décidait de conserver cette modalité - et il est défavorable
à l'amendement n° 109 sur les valeurs probantes respectives du procès-verbal et
de l'enregistrement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 92.
M. Robert Bret.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues,
l'amendement présenté par MM. Haenel et Gélard tend à supprimer purement et
simplement l'enregistrement sonore des gardes à vue, qui, comme vient de le
rappeler à l'instant Mme le garde des sceaux, a été adopté à l'unanimité par
l'Assemblée nationale.
Cette position qui a été finalement retenue, alors que la commission des lois
avait initialement opté pour le principe de l'enregistrement, en l'assortissant
de conditions restrictives, reflète les hésitations que nous avons ici et là
sur une question délicate qui a cristallisé l'opposition des syndicats de
police.
Ces derniers ont en effet ressenti l'adoption des dispositions à l'Assemblée
nationale comme une marque de suspicion injustifiée à leur égard.
Il est, à mon avis, fort dommage que le débat ait pris une telle ampleur,
alors qu'il ne représente, en fin de compte, qu'un élément de la réforme en
profondeur qui est réalisée ici.
Mais peut-être est-ce parce que le système des enregistrements sonores est
assez éloigné de notre droit pénal. En France, celui-ci reste essentiellement
fondé sur l'écrit et l'on ne conçoit pas facilement d'entourer le travail
d'enquête de certaines garanties vécues comme autant d'entraves.
J'en veux pour preuve l'étrange ressemblance des arguments développés
aujourd'hui contre l'enregistrement des interrogatoires avec les critiques
qu'on avait pu entendre lors de la réforme du code pénal en 1993, quand le
Parlement avait introduit la présence de l'avocat à la vingtième heure de garde
à vue.
L'usage a montré que cette disposition n'avait pas entraîné les catastrophes
que certains avaient pu prédire à l'époque. D'ailleurs, les expériences menées
à l'étranger devraient nous convaincre que, à défaut d'être une panacée,
l'enregistrement des interrogatoires ne porte pas en lui toutes les menaces
qu'on lui prête trop volontiers, à mon goût.
Je regrette que les enregistrements sonores aient été perçus comme un «
espionnage » déguisé des commissariats. Mais peut-être aurait-il mieux valu,
pour éviter ce sentiment, associer plus étroitement les personnels de police et
de gendarmerie au traitement de la question !
M. Hubert Haenel.
Ça, c'est vrai !
M. Robert Bret.
Pour nous, l'enregistrement ne doit être qu'un complément du procès-verbal
d'interrogatoire : en cas de contestation de ce dernier, l'enregistrement sert
d'instrument de certification. C'est pourquoi nous y sommes favorables.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Je voterai, bien sûr, l'amendement n° 92.
Je dois dire que j'ai écouté Mme le garde des sceaux avec beaucoup d'intérêt,
notamment lorsqu'elle a rappelé les déclarations qu'elle avait faites devant
l'Assemblée nationale. Ce que je constate, c'est qu'à l'évidence l'Assemblée
nationale ne les a pas entendues, si j'en juge par son vote.
Ce que je constate aussi, c'est que le Sénat, lui, les a bien enregistrées et
qu'il en a fait son miel, ce qui montre, à l'évidence, l'importance de son
rôle. Le Sénat est une chambre de réflexion, et il vient encore de le
prouver.
Ce qui m'étonne, dès lors, c'est que Mme le garde des sceaux s'en remette à la
sagesse du Sénat, un Sénat qui vient de lui donner raison puisqu'elle nous a
dit que le Gouvernement n'avait jamais proposé l'enregistrement et qu'elle nous
a donné les raisons pour lesquelles, au fond, sans trop le dire, elle était
contre.
Malgré cela donc, peut-être en raison d'une espèce de révérence pour
l'Assemblée nationale, qu'elle ne veut pas désavouer, Mme le garde des sceaux
se contente de s'en remettre à la sagesse.
C'est déjà quelque chose, et cela montre, en tout cas, que le Sénat est plein
de sagesse !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
M. Chérioux est très perspicace.
En effet, si je suis très respectueuse du Sénat - je l'ai montré à plusieurs
reprises en saluant les apports de votre Haute Assemblée à ce projet de loi sur
la présomption d'innocence - je suis aussi très respectueuse du vote de
l'Assemblée nationale, surtout lorsqu'il est unanime.
M. Josselin de Rohan.
Ce n'est pas un critère !
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
A ce moment du débat, je souhaite rappeler un certain nombre d'éléments qui
ont peut-être échappé aux uns et aux autres.
C'est vrai, dans d'autres pays, on procède à l'enregistrement. Je signale
d'ailleurs qu'en Grande-Bretagne, c'est la police elle-même qui a pris
l'initiative de procéder à l'enregistrement, pour se défendre contre des
attaques dont elle était parfois l'objet.
Je crois que l'on a mal cerné le problème en voulant utiliser l'enregistrement
dans les prétoires. En règle générale, les pays qui pratiquent l'enregistrement
- l'Espagne, l'Allemagne, la Grande-Bretagne - n'utilisent pas les
enregistrements dans le prétoire, au cours du procès.
Le vrai problème, c'est que, dans ce projet de loi sur la présomption
d'innocence, nous avons fait d'énormes progrès, mais que nous ne sommes pas
allés au bout des choses. Il est vraisemblable que, dans cinq ou dix ans, il
nous faudra revenir sur la loi sur la présomption d'innocence,...
M. Henri de Raincourt.
Peut-être même avant !
M. Patrice Gélard.
... il nous faudra revoir l'ensemble de notre système d'instruction pénale
pour le mettre en conformité avec les normes européennes, pour le rendre plus
dynamique, plus moderne.
Le problème est si difficile, si complexe, qu'on ne peut pas se lancer dans
l'aventure par le biais de l'adoption d'un amendement déposé et adopté,
malheureusement, à l'unanimité - Mme le garde des sceaux l'a rappelé à
l'instant même - à l'Assemblée nationale.
C'est une réforme dont on n'a pas étudié les conséquences, qu'il ne serait
donc pas sérieux de mettre en oeuvre sans une véritable étude d'impact, sans
une véritable étude comparative avec ce qui se passe à l'étranger. Nous n'avons
pas fait ces préalables. La justice, la presse, les avocats, la police et la
gendarmerie ne sont pas mûrs, ne sont pas prêts.
Aussi, la sagesse était de trouver une autre solution, et c'est pourquoi mon
collègue Hubert Haenel et moi-même avons proposé la suppression de
l'article.
Ce n'est pas un enterrement, c'est simplement une mise en réflexion pour voir
si, par la suite, nous ne pourrons pas reprendre cette disposition, mais
certainement pas dans les termes où elle a été retenue à l'Assemblée
nationale.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication du vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Monsieur le président, mes chers collègues, la commission mixte paritaire aura
une lourde tâche, notamment dans ce domaine, et nos collègues qui y siégeront -
je n'en serai pas - peuvent s'attendre à ce que les discussions avec leurs
collègues de l'Assemblée soient vives, même si elles sont courtoises et
amicales. Il n'est donc pas inutile que les membres de la commission mixte
paritaire puissent, le moment venu, se référer aux travaux du Sénat.
J'ai écouté, tout à l'heure, Mme le garde des sceaux commenter les amendements
n°s 109, 107 et 108, qui sont, qu'on le veuille ou non, liés à l'article 2
bis
A, dont l'amendement n° 92 propose la suppression.
J'ai bien entendu ce qu'a dit Mme le garde des sceaux sur les amendements n°s
107 et 108 : si la commission mixte paritaire devait revenir à
l'enregistrement, à supposer que le Sénat le supprime, il serait utile de
prévoir des pénalités, sous une forme ou une autre, pour éviter la diffusion
audiovisuelle de ces enregistrements.
A titre de bienveillance, je retire les amendements n°s 107 et 108, car il me
paraît préférable d'attendre que la commission mixte paritaire trouve la bonne
rédaction. Ce que souhaitait le groupe socialiste c'est que les idées soient
retenues et que sa démarche soit comprise et acceptée. A cet égard, je remercie
le Gouvernement.
S'agissant de l'amendement n° 109 - j'en viens, du même coup, à l'amendement
n° 92 - je me demande si nous ne sommes pas tous en train de commettre une
erreur de raisonnement, erreur que j'ai peut-être moi-même commise lorsque je
l'ai rédigé avec mes collègues.
Que recherchait l'Assemblée nationale, ou alors je n'y comprends rien ? A
l'évidence, à protéger les droits individuels pour qu'il n'y soit pas porté
atteinte pendant une garde à vue, qu'il y ait donc un témoin. Et comme on n'a
pas trouvé le témoin physique, on a mis le magnétophone.
Mais, s'il s'agit de cela, mes chers collègues, il ne peut s'agir que de cela,
et la bande enregistrée ne peut être éventuellement utilisée que si on l'évoque
ou l'on invoque des incidents en cours de garde à vue. Dès lors, quand on
prévoit, dans telle disposition, qu'on peut, à titre indicatif, écouter
l'enregistrement pour vérifier, par exemple, si la personne entendue ne s'est
pas contredite entre le texte du procès-verbal écrit et ce qui a été
enregistré, on n'est plus du tout dans le domaine qui était visé, celui de la
garantie des droits, et rien d'autre. On ne peut pas à la fois prétendre
garantir les droits et utiliser l'enregistrement, le cas échéant, pour protéger
ou piéger l'intéressé. C'est un point qui devra être examiné de très près en
commission mixte paritaire.
L'amendement n° 109 participe donc de cette confusion dans laquelle je m'étais
également laissé entraîner au départ, et c'est pourquoi, je le retire.
J'en viens à l'amendement n° 92. S'il s'agit de savoir si la garde à vue s'est
passée normalement ou non, c'est-à-dire si chacun a fait son métier sans
franchir les limites de l'épure, l'enregistrement est-il le meilleur moyen d'y
parvenir ?
Mme le garde des sceaux a énuméré tout à l'heure - d'autres collègues en ont
également parlé - les inconvénients qui pouvaient s'attacher à l'enregistrement
: risque de fuite, de diffusion audiovisuelle. Mais le magnétophone peut aussi
tomber en panne sans que personne s'en aperçoive : on continue à interroger
l'intéressé, qui dit peut-être des choses très intéressants - on ne sait pas,
on n'a pas fait attention ! - alors qu'il y a eu une panne de courant ou que la
bande est arrivée au bout de sa course. La technique n'est pas si facile à
manipuler, comme dirait « M. Microsoft », après le jugement de ce matin !
(Sourires.)
Encore une fois, l'enregistrement est-il le meilleur moyen ? On n'en sait
rien. N'y en a-t-il pas d'autres ? Ne peut-on imaginer que l'avocat soit témoin
muet, interdiction lui étant faite d'intervenir, de parler ? Simplement, il
regarde. Ce moyen n'est peut-être pas plus contestable que l'enregistrement, et
il a au moins l'avantage de ne pas être lié à l'électricité ou à la
mécanique.
En tout cas, le groupe socialiste, qui comprend parfaitement la démarche de
ceux de ses amis qui, à l'Assemblée nationale, avaient proposé cette solution,
même si elle est techniquement discutable, souhaite que, dans un domaine qui
touche aux libertés individuelles, on arrive à trouver une solution qui
concilie les indispensables nécessités de l'enquête et l'indispensable
préservation des droits et des garanties individuels.
Alors, enregistrement, témoin ? Je n'en sais rien, car je dois dire que le
groupe socialiste n'a pas tranché. C'est la raison pour laquelle il
s'abstiendra sur l'amendement n° 92.
M. le président.
Les amendements n°s 109, 107 et 108 sont retirés.
M. Pierre Fauchon.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon.
Madame la garde des sceaux, dans ce débat effectivement complexe et délicat -
vous l'avez très bien dit - j'avoue que je suis embarrassé. Je vois bien les
difficultés de l'enregistrement, mais je regrette tout de même qu'apparemment
un mot n'ait pas été prononcé, et donc qu'un souci n'ait pas été exprimé. Ce
mot, c'est celui d'« authenticité ».
M. Hubert Haenel.
Si, moi je l'ai dit !
M. Pierre Fauchon.
Il ne faut pas oublier que les transcriptions que l'on fait des déclarations
des gens ne sont jamais que des transcriptions. Quant on les rapproche de
l'original on est quelquefois très surpris de la distance qui les sépare.
Ensuite, la transcription devient un acte définitif et poursuit son cours.
C'est un vrai problème, et je regrette qu'on ne puisse pas opter pour le
dispositif prévoyant la version authentique. Je reconnais que cela soulèverait
des difficultés, mais il est fâcheux que nous ne puissions pas choisir la
version qui, dans les technologies modernes, devrait être la transcription
audiovisuelle.
L'étape de l'enregistrement sonore est déjà dépassée ; aujourd'hui, la
solution tout à fait satisfaisante, c'est l'enregistrement audiovisuel.
Songeons, si je peux rêver et vous offrir de rêver un instant, à ce que
seraient les enregistrements audiovisuels des grands procès du passé. Peut-être
verrions-nous Jeanne d'Arc, là, à qui on demanderait : « Etes-vous en état de
grâce ? » et qui répondrait : « Si je n'y suis, Dieu m'y mette ; si j'y suis,
Dieu m'y garde »... Cela serait extraordinaire ! Or, nous sommes en train de
renoncer à de telles ressources historiques ! Peut-être est-ce dommage.
Mais je vois bien qu'on ne peut pas faire autrement. Je reste donc fidèle à la
solution proposée par M. le rapporteur, à laquelle je m'étais rallié, non sans
hésitation.
Je rends hommage à sa solution qui, me semblait-il, était assez raisonnable.
Je doute pourtant que, en réalité, nous puissions trouver une solution
parfaitement raisonnable.
Ces doutes montrent combien notre système inquisitorial bat de l'aile, de plus
en plus d'ailleurs. En fait, on ne peut probablement plus le rendre
supportable.
Je présenterai une autre solution tout à l'heure ; mais je sais bien qu'elle
ne sera pas retenue. Pourtant, on le voit bien, il faudrait probablement
remettre en cause le principe même de nos procédures inquisitoriales aller vers
des procédures accusatoires.
Cela supposerait, au préalable, de mettre en place un système de « plaider
coupable », qui permettrait d'évacuer des débats, comme c'est le cas en
Grande-Bretagne, on oublie toujours de le dire, 90 % des affaires qui échappent
dès lors à cette procédure accusatoire. La procédure accusatoire peut se
dérouler d'une manière à peu près normale et satisfaisante, oralement, en
présence du juge, des jurés et des avocats pour des affaires réellement
problématiques.
Oserai-je dire que nous allons continuer à « patauger » quelque peu. M. Gélard
a dit quant à lui que ce n'était pas un enterrement, je dirai pour ma part que
c'est une mise au congélateur. Tout cela n'est guère satisfaisant.
Donc, en ce qui me concerne, je m'abstiendrai.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?
Je mets aux voix l'amendement n° 92, accepté par la commission et pour lequel
le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Michel Charasse.
Le groupe socialiste s'abstient.
M. Jacques Larché.
Je m'abstiens également.
M. Robert Bret.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 2
bis
A est supprimé.
Article 2
bis
B
(précédemment réservé)
M. le président.
« Art. 2
bis
B. - Dans la première phrase du premier alinéa de
l'article 64 du même code, après les mots : "ces interrogatoires, ", sont
insérés les mots : "les heures auxquelles elle a pu s'alimenter, ". » -
(Adopté.)
Article 2
ter
(précédemment réservé)
M. le président.
« Art. 2
ter.
- L'article 4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945
relative à l'enfance délinquante est complété par un VI ainsi rédigé :
« VI. - Les interrogatoires des mineurs placés en garde à vue font l'objet
d'un enregistrement sonore. L'enregistrement original est placé sous scellés
fermés et sa copie est versée au dossier.
« Sur décision d'un magistrat, l'enregistrement original peut être écouté au
cours de la procédure.
« A l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la date de l'extinction
de l'action publique, l'enregistrement original et sa copie sont détruits dans
le délai d'un mois. »
Par amendement n° 5, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit les deux premiers alinéas du texte présenté par l'article 2
ter
pour le VI de l'article 4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 :
« Les interrogatoires des mineurs placés en garde à vue font l'objet, à leur
demande, leur avocat consulté, d'un enregistrement sonore. L'enregistrement
original est placé sous scellés fermés et sa copie est versée au dossier.
« En cas de contestation du contenu du procès-verbal d'interrogatoire par le
mineur, l'enregistrement original peut être écouté sur décision d'un magistrat
au cours de la procédure. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Du fait de l'adoption de l'amendement n° 92, je retire
l'amendement n° 5, qui concerne les mineurs. Je vous demande par voie de
conséquence, mes chers collègues, de rejeter l'article 2
ter.
M. le président.
L'amendement n° 5 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2
ter.
M. Michel Charasse.
Le groupe socialiste s'abstient.
(L'article 2
ter
n'est pas adopté.)
Article 2 D
(précédemment réservé)
M. le président.
« Art. 2 D. - I. - Dans le premier alinéa de l'article 63-1 du même code,
après les mots : "agent de police judiciaire, ", sont insérés les mots : "de la
nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête, ". »
« II. - Le premier alinéa du même article est complété par une phrase ainsi
rédigée :
« Les dispositions de l'article 77-2 sont également portées à sa connaissance.
»
Par amendement n° 3, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de
supprimer le II de cet article.
Cet amendement est assorti de deux sous-amendements.
Par sous-amendement n° 177 rectifié, MM. Jacques Larché, Gélard, Ulrich, de
Richemont, Fauchon et Balarello proposent :
I. - De compléter l'amendement n° 3 par un B ainsi rédigé :
« B. - Compléter
in fine
cet article par un paragraphe ainsi rédigé
:
« Il est inséré, après l'article 63-4 du même code, un article 63-5 ainsi
rédigé :
«
Art. 63-5.
- Sans préjudice des dispositions de l'article 63-4, la
personne gardée à vue peut être assistée par un avocat pendant ses
auditions.
« Toute personne placée en garde à vue est immédiatement informée de ce droit.
Si elle n'est pas en mesure de désigner un avocat ou si l'avocat choisi ne peut
être contacté. elle peut demander qu'il lui en soit commis un d'office par le
bâtonnier.
« Le bâtonnier est informé de cette demande par tous moyens et sans délai.
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsque la garde
à vue est soumise à des règles particulières de prolongation et lorsque
l'enquête a pour objet la participation à une association de malfaiteurs prévue
par l'article 450-1 du code pénal, les infractions de proxénétisme et
d'extorsion de fonds aggravés prévues par les articles 225-7, 225-9, 312-2 à
312-5 et 312-7 du code pénal ou une infraction commise en bande organisée
prévue par les articles 224-3, 225-8, 311-9, 312-6, 322-8 du code pénal. »
II. - En conséquence, de faire précéder le texte de l'amendement n° 3 de la
mention : « A ».
Par sous-amendement n° 183, M. Jacques Larchépropose :
I. - De compléter l'amendement n° 3 par un B ainsi rédigé :
« B. - Compléter
in fine
cet article par un paragraphe ainsi rédigé
:
« Le premier alinéa de l'article 63-4 du même code est complété par une phrase
ainsi rédigée :
« La personne peut également demander à s'entretenir avec un avocat à l'issue
de la dixième heure. »
II. - En conséquence, de faire précéder le texte de l'amendement n° 3 de la
mention : « A ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 3.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
L'article 2 D prévoit que l'officier de police judiciaire
doit immédiatement prévenir une personne mise en garde à vue que, six mois plus
tard, si elle ne fait l'objet d'aucune poursuite, elle pourra interroger le
procureur pour connaître la suite donnée à la procédure. Il nous est apparu
qu'à la minute où une personne est placée en garde à vue la notification de
cette information revêt un caractère quelque peu surréaliste.
Nous maintenons la position que nous avions adoptée en première lecture : nous
demandons la suppression de cet article.
M. le président.
La parole est à M. Fauchon, pour défendre le sous-amendement n° 177
rectifié.
M. Pierre Fauchon.
C'est un enfant qui a eu beaucoup de pères à l'origine et qui n'en a plus
qu'un. C'est un enfant abandonné. Ce n'est pas comme le Cid, qui arrive au port
de plus en plus entouré : là, j'arrive tout seul, et il faut que je tienne le
coup encore quelques minutes !
(Sourires.)
Dans les incertitudes où nous étions, il me semblait que la solution saine et
raisonnable consistait à dire, comme le pensent beaucoup de professionnels, que
plutôt que d'avoir l'avocat à la première, à la dixième, à la vingtième heure -
c'est comme les ouvriers de l'Evangile ! - l'avocat est présent d'un bout à
l'autre de l'interrogatoire.
Les interrogés sont bien assistés d'avocats pour une raison que je vais vous
apprendre et qui va être une révélation extraordinaire ! Depuis plus de cent
ans, on considère en effet que les personnes soumises aux pressions d'un
interrogateur, d'un inquisiteur, doivent être défendues, doivent être
assistées.
Dans ce cas de figure-là, cela paraît une évidence, et personne ne songerait à
supprimer la présence de l'avocat en cours d'instruction.
En revanche, dans la phase antérieure, celle de la garde à vue, où cependant
la pression morale - je préfère ne pas parler des pressions physiques puisqu'il
est entendu qu'ici nous restons un peu à la surface des choses - est plus forte
qu'elle ne le sera jamais par la suite, les avocats ne sont pas nécessaires, si
ce n'est pour jouer le rôle d'infirmiers ou de témoins de temps à autre.
Le Sénat va sans doute se rallier à cette dernière solution. Elle est
peut-être un peu moins mauvaise que celle qui figure dans le texte qui nous a
été transmis. Disons que, parmi les solutions acceptables ou acceptées - car
nous en sommes à faire le recensement de ce qui est supporté ou non ici ou là,
et généralement plus ailleurs qu'ici en vérité - c'est cette solution qui passe
le mieux.
Pourtant, la solution saine, normale, à laquelle on aboutira me semble-t-il
assez rapidement, à moins de passer directement à l'accusatoire, consisterait
tout simplement à dire que, lorsqu'on est dans un état aussi angoissant,
lorsqu'on se trouve seul face à un inquisiteur redoutable, il est normal que
l'on soit assisté, parce qu'il est juste et conforme aux principes les plus
anciens des droits de l'homme qu'un homme qui est mis en accusation, qui est «
mis sur la sellette », ne soit pas seul. C'est un droit fondamental ! Il me
semble qu'il eût été bien de le reconnaître à cette occasion en prévoyant que
la personne gardée à vue peut être assistée par un avocat pendant toutes ses
auditions.
Voilà ce que je propose pour ma part et sur quoi je souhaiterais entendre les
réflexions des uns et des autres.
M. le président.
La parole est à M. Jacques Larché, pour défendre le sous-amendement n° 183.
M. Jacques Larché.
Pour ce sujet, il y a eu tout un cheminement avant de parvenir au
sous-amendement que j'ai l'honneur de présenter à la réflexion de la Haute
Assemblée.
Tout d'abord, je dirai qu'aucun membre de la Haute Assemblée n'entend jeter la
suspicion sur les gendarmes et la police. Je dirai par ailleurs qu'aucun parmi
nous, j'en suis persuadé, ne voudrait faciliter outre mesure ce qui se passe au
cours d'une garde à vue.
Un problème se pose, ce problème est très simple à formuler. Nous nous
efforçons tous de le résoudre, mais en utilisant des méthodes différentes.
La garde à vue existe. Elle fonctionne. Fonctionne- t-elle bien ?
Si nous répondons oui à cette question, nous n'avons pas besoin de voter quoi
que ce soit, nous pouvons même supprimer la présence de l'avocat à quelque
moment que ce soit.
Si nous estimons en revanche que le déroulement de la garde à vue, qui est
nécessaire, ô combien ! présente quelquefois, quelquefois seulement, un certain
nombre d'aspects qui ne sont peut-être pas intégralement satisfaisants, nous
pouvons chercher à améliorer le dispositif.
Il ne s'agit nullement de jeter une suspicion sur qui que ce soit. Cela peut
même être de nature à aider ceux qui accomplissent la tâche difficile de mener
la garde à vue, dans le respect des lois et de la dignité des personnes, autant
que faire se peut. Le cheminement, vous le connaissez : l'amendement,
l'Assemblée nationale l'a voté à l'unanimité, mais pas à la demande du
Gouvernement ; circonstance atténuante, si j'ose dire ! Mais nous ne sommes pas
en garde à vue, pour l'instant, nous sommes en train de voir exactement le
déroulement des événements
(Sourires.)
La proposition de notre collègue M. Charles Jolibois, je le dis très
franchement, m'avait paru, à titre personnel, parfaitement raisonnable.
L'enregistrement était encadré et il pouvait conduire à des résultats positifs
aussi bien pour ceux qui mènent l'enquête que pour ceux qui la subissent.
La position de la commission des lois était parfaitement claire, sur la base
de l'amendement de notre collègue. Mais la proposition d'un enregistrement
n'existant plus, nous nous sommes efforcés de trouver une autre solution.
C'est alors qu'un certain nombre de démolisseurs habituels de l'ordre public
(Sourires),
je veux parler de MM. Patrice Gélard, Maurice Ulrich, Henri
de Richemont, Pierre Fauchon, José Ballarello et de moi-même, bien sûr, se sont
demandés si l'on ne pouvait pas envisager la présence de l'avocat tout au long
de la garde à vue.
Je dois dire que je rejoins ici le propos très éloquent qu'a tenu tout à
l'heure mon ami Pierre Fauchon : si nous adoptons cette mesure, nous changeons
de système, et l'avocat change de nature. Il n'est plus cet avocat que nous
avons l'habitude entre nous de qualifier d'« avocat humanitaire », c'est-à-dire
celui qui vérifie si les sandwichs étaient bons, si le médecin est venu à
l'heure, ou s'il faisait chaud dans la salle, toute une série de prescriptions
particulièrement importantes qui doivent êtres vérifiées, c'est un avocat
d'assistance. La garde à vue se transforme dès lors en instruction.
Vous avez dit, monsieur Fauchon, que l'on y viendrait peut-être dans cinq ou
dix ans.
M. Pierre Fauchon,
Bien sûr !
M. Jacques Larché.
Je suis persuadé pour ma part que l'on y viendra bien avant ! Nous allons en
effet nous rendre compte que tout ce que nous nous efforçons de faire ne
produit pas le résultat escompté.
Nous aboutirons donc, un jour, à la présence de l'avocat de manière constante
tout au long de la garde à vue, ce qui induira, sans aucun doute, un certain
nombre de progrès importants dans la manière dont ces gardes à vue se déroulent
parfois. En disant cela, je ne pense pas aux violences physiques ! Il y a
tellement d'autres moyens que les violences physiques pour faire aboutir une
garde à vue qu'il n'est même plus besoin de parler de ce genre de procédés.
On viendra un jour à la présence de l'avocat tout au long de la garde à vue
mais, vous l'avez reconnu, monsieur Fauchon, nous ne sommes pas prêts à la
transposition totale non seulement de ce mécanisme, mais de tout ce qui
l'accompagne.
Si nous passons d'un système inquisitoire à une procédure accusatoire, il faut
en effet instituer le « plaider coupable », ce qui n'est pas facile. Il faut
aussi changer le rôle des procureurs de manière fondamentale. Le procureur ne
sera plus obligatoirement un magistrat pouvant passer de la magistrature assise
à la magistrature debout. Mais ce n'est pas tout.
Honnêtement, à dix-neuf heures quarante-cinq, ce soir, je dirai que nous ne
sommes pas prêts pour aboutir à un résultat de cet ordre. Je vous propose donc,
c'est l'objet du sous-amendement n° 183, un système plus modeste : la présence
accrue de l'avocat.
Cette présence accrue ne change pas la nature de l'avocat. Il reste celui qui
vient vérifier les conditions matérielles de la garde à vue et qui n'entre pas
dans le déroulement de l'interrogatoire. Mais il sera là un peu plus que dans
le passé.
Nous sommes déjà convenus qu'il serait là à la première heure, à la vingtième
heure et, si la garde à vue est prolongée, à la trente-sixième heure, nous
proposons aujourd'hui qu'il soit là, aussi, à la dixième heure.
Mais, ne nous y trompons pas, même si cet amendement paraît relativement
secondaire, il est important et intéressant. Il signifie que le Sénat aura
porté une attention particulière aux conditions dans lesquelles se déroule la
garde à vue. Qui plus est, il démontre que le Sénat aura entendu apporter sa
pierre à la correction nécessaire des conditions dans lesquelles se déroulent
certaines gardes à vue
(Applaudissements sur certaines travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 183 et 177
rectifié ?
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
La commission est défavorable au sous-amendement n° 177
rectifié de M. Fauchon...
M. Pierre Fauchon.
Nous n'avons pas délibéré !
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
C'est par voie déductive et non par délégation !
Elle est favorable au sous-amendement n° 183 de M. Larché, qui s'inscrit plus
dans la logique de ce que nous avons décidé à l'occasion des discussions que
nous avons eues lorsque nous avons accepté la présence de l'avocat dès la
première heure.
M. Henri de Raincourt.
Absolument !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 3 et les sous-amendements
n° 177 rectifié et 183 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Comme je l'avais indiqué en première lecture, il ne me
paraît pas illogique de prévoir, comme le propose l'Assemblée nationale,
d'aviser les personnes gardées à vue de leur droit de saisir le président du
tribunal dans le cas où, six mois après cette garde à vue, elles s'inquiètent
de la suite de la procédure. Je suis donc défavorable à l'amendement n° 3.
Le sous-amendement n° 183 prévoit que, à sa demande, le gardé à vue pourra
consulter un avocat à l'issue de la dixième heure. Le sous-amendement n° 177
rectifié prévoit que l'avocat pourra être présent en permanence pendant la
garde à vue et assister son client. Ces dispositions ont clairement pour
objectif de constituer une contrepartie à la suppression, que vous venez de
décider, de l'enregistrement sonore des auditions. Je me suis expliquée sur les
questions que soulève l'enregistrement sonore.
Je voudrais tout d'abord souligner que le texte d'ores et déjà adopté en
termes conformes par le Sénat et l'Assemblée nationale prévoit des garanties
fondamentales indépendamment de ces deux amendements, puisque la personne
gardée à vue pourra demander à trois reprises l'intervention d'un avocat : dès
la première heure - je rappelle que cette présence de l'avocat dès la première
heure de la garde à vue est une disposition que j'avais présentée dès le 27
octobre 1997 dans ma communication en conseil des ministres - à la vingtième
heure et à la trente-sixième heure, c'est-à-dire douze heures après une
éventuelle prolongation. Ce sont là des droits significatifs qui constitueront
des contraintes importantes pour les enquêteurs, il ne faut pas le cacher, mais
que justifie la nécessité de sauvegarder les libertés individuelles.
Le Gouvernement se demande s'il est possible d'aller plus loin, sauf à
modifier trop sensiblement les équilibres de notre procédure pénale. Bien sûr,
la disposition proposée par M. Jacques Larché, la présence de l'avocat à la
dixième heure, soulève moins de difficultés que la proposition de M. Fauchon
qui prévoit la présence de l'avocat tout au long des auditions. Mais je
voudrais tout de même souligner quelques-unes des difficultés importantes que
provoquerait la proposition de M. Jacques Larché, à savoir la présence de
l'avocat à la dixième heure.
D'abord, il s'en suivrait, pour l'avocat, un aller-retour qui serait
difficilement possible dans la plupart des procédures en raison de la charge
que cela représenterait pour les barreaux. Qu'un avocat puisse être
suffisamment disponible pour intervenir pendant trente minutes à trois reprises
pendant les premières vingt heures de la garde à vue pour s'entretenir avec la
personne mise en cause sera souvent difficile. Les contraintes liées à la
présence de l'avocat à la première, à la vingtième et à la trente-sixième
heures sont déjà très importantes. La Chancellerie, qui a augmenté le budget de
l'aide juridictionnelle en conséquence, de plus de 55 millions de francs, ne
peut qu'espérer que les barreaux, spécialement ceux de province, pourront y
faire face.
Permettre un nouvel entretien du gardé à vue pendant trente minutes avec
l'avocat à la dixième heure est, à l'évidence, une source de contraintes
supplémentaires pour les enquêteurs. Je voudrais vous donner un exemple précis
des difficultés qui en résulteraient pour les enquêteurs si l'avocat devait
revenir aussi à la dixième heure.
Imaginons un cas de violences urbaines ; de nombreux auteurs présumés sont
arrêtés en même temps par les enquêteurs. Dans le temps limité de la garde à
vue, les enquêteurs devraient gérer les auditions d'une dizaine de personnes
pouvant s'entretenir avec un avocat à trois reprises - première, dixième et
vingtième heure - pendant les vingt premières heures, soit trente entretiens !
Le sous-amendement n'exige pas que les enquêteurs attendent l'arrivée de
l'avocat pour procéder à des auditions, mais il est évident que les enquêteurs
devront, en pratique, concilier leurs investigations avec les disponibilités
des avocats ! Je voulais souligner ces difficultés matérielles que, je crois,
il ne faut pas négliger.
Avec le sous-amendement n° 177 rectifié de M. Fauchon, qui prévoit que
l'avocat pourra être présent en permanence pendant la garde à vue et assister
son client, à l'évidence on change de système. On confère à l'enquête de police
judiciaire un aspect aussi contradictoire que l'instruction elle-même.
M. Hubert Haenel.
Absolument !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
D'ailleurs, M. Fauchon est cohérent puisqu'il a rappelé
tout à l'heure qu'il souhaitait qu'on passe à la procédure accusatoire, de type
anglo-saxon. C'est effectivement ainsi que cela se passe dans la procédure
accusatoire. Mais en proposant un tel sous-amendement, il oublie que la plupart
des procédures, au Royaume-Uni, par exemple - je ne parle pas des Etats-Unis -
comprennent une phase policière très longue sans la présence de personne.
M. Pierre Fauchon.
Avec enregistrement !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Pas toujours, loin de là ! Comme je l'ai souligné la
semaine dernière, on voit les défauts de notre système, mais pas ceux des
autres !
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants. - M. Charasse applaudit également.)
Outre le fait qu'il tend à changer de système, le sous-amendement n° 177
rectifié présenté par M. Fauchon non seulement entraînerait des difficultés
matérielles, comme je viens de le dire s'agissant de la présence de l'avocat à
la dixième heure, mais présenterait le risque d'affaiblir l'enquête et donc de
la rendre moins efficace, puisqu'il ne retient pas tous les dispositifs qui
sont en vigueur dans les pays anglo-saxons et qui rendent l'enquête ô combien
efficace.
Le sous-amendement n° 183 de M. Jacques Larché entraînerait des difficultés
matérielles, que je crains considérables et difficiles à surmonter.
Vous l'aurez compris, je vous demande de laisser aux nouvelles dispositions
qui font l'objet d'un accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat, à savoir
la présence de l'avocat à la première heure, à la vingtième heure et à la
trente-sixième heure, le temps de faire leurs preuves. Déjà, nous instituons
une avancée considérable en permettant au gardé à vue de demander trois
entretiens successifs avec un avocat, le premier ayant lieu dès le début. Ces
dispositions très protectrices doivent d'abord être appliquées au moins quelque
temps. Ce n'est qu'après que l'on verra s'il est nécessaire et possible d'aller
plus loin, ce dont je ne suis pas aujourd'hui persuadée, mais cela peut
apparaître.
Un bilan détaillé, qui n'a jamais été réalisé pour les dispositions de la loi
du 4 janvier 1993, qui a institué la présence de l'avocat à la vingtième heure
de la garde à vue, pourra être dressé. Nous ferons de même au début de l'année
2002 pour la présence de l'avocat à la première heure de la garde à vue,
disposition introduite par la loi du 4 janvier 1993 et supprimée par une loi
d'août 1993, rappelons-le. Tout le monde évolue et les esprits mûrissent. En
effet, cette disposition avait été introduite en janvier 1993 pour permettre la
présence de l'avocat dès la première heure de garde à vue, mais elle a été
supprimée en août 1993 par la nouvelle majorité de l'époque. Quoi qu'il en
soit, c'est très bien que nos points de vue se rapprochent.
Ce bilan, sur la présence de l'avocat à la première heure, que je compte faire
effectuer pourra comporter une appréciation quantitative sur le nombre
d'interventions sollicitées, effectuées à la première heure, à la vingtième
heure et à la trente-sixième heure, sur les pourcentages d'avocats choisis et
d'avocats commis d'office, sur les délais moyens pour l'arrivée de l'avocat et
enfin, sur les conséquences sur la durée des gardes à vue ; n'oublions pas ce
dernier point. Il pourra également comporter une appréciation qualitative
demandée aux praticiens : avocats, enquêteurs et magistrats.
Je m'engage à réaliser un rapport pour le début de 2002, à le porter, bien
évidemment, à la connaissance des parlementaires, qui verront ainsi s'il est
vraiment nécessaire de légiférer. Voilà pourquoi je demande au Sénat de ne pas
se précipiter sur la solution proposée.
Je comprends, certes, que vous vouliez manifester - c'est aussi mon souci -
votre volonté d'améliorer les conditions de garde à vue. Nous sommes tous, je
crois, d'accord sur cet objectif. Toutefois, je vous demande d'abord de
réfléchir déjà sur les dispositions qui font l'objet d'un accord entre
l'Assemblée nationale et le Sénat. Vous l'aurez donc compris, je souhaite que
vous rejetiez ces deux sous-amendements.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Monsieur le président, je demande que le sous-amendement n°
183 soit mis aux voix en priorité.
M. Pierre Fauchon.
Ce n'est pas gentil !
M. Michel Charasse.
Ce n'est pas M. Fauchon qui aurait fait ça !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je n'ai pas d'opposition.
M. le président.
La priorié est ordonnée.
Je vais donc mettre aux voix le sous-amendement n° 183.
M. Hubert Haenel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel.
Ma première considération sera de rappeler que le Sénat est réputé, et à juste
titre, pour sa sagesse et son sérieux. Nous devons donc faire très attention de
ne pas bouleverser complètement les ordres juridiques au détour d'un
sous-amendement dont nous ne sommes pas en mesure d'apprécier toutes les
conséquences.
Deuxième considération : si des lecteurs étrangers lisaient nos débats, ils
auraient le sentiment que, dans le système français, la garde à vue n'est
absolument pas encadrée, ce qui est totalement faux ! La garde à vue est
encadrée, même si elle mérite encore des aménagements, auxquels nous sommes en
train de réfléchir.
Troisième considération : qu'est-ce que la garde à vue ? Le système
britannique, qui a été évoqué tout à l'heure, ne comporte pas d'officiers de
police judiciaire, qui sont des mandataires de justice. Ils ont une
qualification qui leur a été reconnue à l'occasion d'un concours et ils sont
habilités par chaque procureur général pour exercer leurs pouvoirs dans un
ressort. La garde à vue est donc « sous main de justice ». Ne l'oublions jamais
!
C'est pourquoi je m'étonne qu'on parle beaucoup d'avocats, mais que l'on n'ait
pas encore évoqué une seule fois les procureurs de la République. Ce sont
pourtant eux et leurs substituts qui sont chargés du contrôle de la garde à vue
! J'aimerais bien qu'on me dise, une fois pour toutes, si l'on donne les moyens
nécessaires aux procureurs de la République et aux substituts.
En fait, comme ils n'en ont pas, on prévoit la présence des avocats à la
vingtième heure, à la huitième heure, à la onzième heure... Mais ce n'est pas
satisfaisant.
Qu'il y ait un avocat, oui ! Mais alors le procureur de la République, qui est
tout de même le gardien de l'intérêt général, doit être présent, d'une façon ou
d'une autre. Arrêtons de dire, pour des raisons qui m'échappent, que seul
l'avocat doit être présent ! Cela me choque profondément, pour des raisons qui
tiennent au droit.
Où est donc passé le procureur de la République ?
M. Michel Charasse.
On se le demande !
M. Hubert Haenel.
S'agissant de l'avocat à la première heure, à la dixième heure, à la vingtième
heure, vous avez dit, les uns et les autres - sauf Pierre Fauchon - que c'est
un avocat humanitaire qui sera présent, mais en se taisant, et qui aura droit
de s'entretenir avec celui qui n'est même pas son client puisqu'il ne l'assiste
pas. Quel est exactement son rôle ? Cela mériterait aussi une définition.
M. Michel Charasse.
Il serait un témoin.
(Sourires.)
M. Hubert Haenel.
Que va donc dire l'avocat à cette personne, sinon lui répéter ce que lui a
déjà dit le policier avec peut-être plus de détails ? « Voici vos droits ! »
On aurait pu aussi imaginer que le procureur de la République, ou son
substitut, intervienne à la dixième heure. C'était également une solution.
Personne n'y a songé, et je me garderai bien d'aller à l'encontre de la
position du président de la commission des lois sur ce point !
J'en viens au barreau. J'ai dit dès la première lecture que je regrettais - je
sais que M. Badinter n'était pas d'accord avec moi - qu'un truand appréhendé
puisse présenter une carte et dire : « Appelez M. Untel, avocat ; s'il n'est
pas là, appelez tel autre ! » Cela me semble dangereux.
Il faudrait donc que le barreau s'organise. Il pourrait y avoir un avocat de
permanence, commis d'office, lequel avocat - je l'avais dit, j'y reviens - ne
pourrait pas ensuite défendre la personne qu'il aurait assistée. Voilà qui me
paraîtrait sérieux.
On n'a pas voulu adopter cette proposition. Tant pis ! Mais cela méritait de
figurer dans le débat. Si, par la suite nous avons encore un débat sur la
présence accrue de l'avocat, il faudra bien entendu se poser la question !
Si nous allions au bout de la logique de Pierre Fauchon, il n'y aurait plus de
garde à vue ! Une personne arrêtée serait immédiatement mise entre les mains du
juge d'instruction : il faut le savoir ! Je ne vois pas pourquoi on
conserverait la garde à vue si, pendant son déroulement, il y a un avocat et
pas de procureur. Je trouve quand même un peu extravagant qu'un avocat soit
présent, ainsi que le policier qui mène son enquête, mais pas celui qui
représente l'intérêt général et qui est, jusqu'à nouvel ordre, le procureur de
la République !
On reparlera peut-être un jour de ce problème lorsque l'on abordera les
relations parquet-Chancellerie. En tout cas, monsieur le président, madame le
ministre, ayons bien cela présent à l'esprit lorsque nous examinons les
amendements d'où qu'ils viennent.
M. Pierre Fauchon.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon.
Est-ce parce que j'ai fait allusion aux procédures médiévales que l'on a créé
une chausse-trappe en appelant le sous-amendement n° 183 en priorité pour faire
disparaître le mien ? Au demeurant, celui-ci ne disparaîtra pas facilement car
je vais profiter de cette explication de vote pour répondre aux observations de
Mme la ministre, observations dont je la remercie mais qui ne sont pas
satisfaisantes.
Elle m'a d'abord dit que mon système consistait en réalité à « liquider » le
système inquisitoire et à le remplacer par le système accusatoire au stade de
la garde à vue. La deuxième observation, sur laquelle nous reviendrons tout à
l'heure, a été seulement esquissée, mais, en réalité, c'est la vraie raison de
son opposition.
Je tiens à dire que le fait d'introduire l'avocat au cours de la garde à vue
ne constitue pas nécessairement un changement de procédure, pas davantage que
le fait que l'avocat intervienne au cours de l'instruction, sous réserve de ce
que notre collègue Hubert Haenel a fait observer pour le procureur et qui est
assez fondé, me semble-t-il.
Je rappellerai qu'actuellement 90 % des affaires ne font pas l'objet d'une
instruction. Nous ne sommes plus du tout au temps où la moitié des affaires
étaient instruites. C'est fini ! Il faut bien savoir que l'instruction ne
concerne que 8 % ou 10 % des affaires. Pour les autres affaires, il n'y a rien
ou bien il y a justement la garde à vue.
Par conséquent, dire que si l'on prévoit l'assistance d'un avocat pendant la
phase de l'instruction, on peut également la prévoir pour les affaires qui ne
font pas l'objet d'une instruction - soit 90 % des affaires - et qui donnent
lieu à une garde à vue, ne changerait pas le système.
Comme je l'ai dit, toutes ces solutions ne sont pas satisfaisantes et je
reconnais volontiers que la mienne est loin d'être parfaite. Tout cela nous
achemine vers un changement du système, lequel- à supposer que nous le
décidions et il y a peu de chances, à l'heure qu'il est, qu'il en soit ainsi -
ne consisterait pas à faire intervenir l'avocat en tant qu'assistant pendant la
durée de la garde à vue.
En réalité, madame, le garde des sceaux - et c'est ce que vous avez dit à la
fin de votre explication - vous pensez que la présence de l'avocat pourrait
nuire à l'« efficacité de l'enquête ». Sur cette formule pleine de pudeur, mais
aussi d'une clarté quelque peu obscure, j'aurais aimé avoir plus de détails.
Mais je n'insiste pas davantage.
Si on m'en avait laissé le loisir, j'aurais retiré cet amendement non pas
parce que je souhaitais qu'il disparaisse, mais pour qu'on ne puisse pas dire
que le Sénat avait voté contre l'assistance de l'avocat pendant toute la durée
de la garde à vue car je ne crois pas souhaitable que nous donnions cette image
à l'extérieur.
Mais, puisque la question ne va pas se poser, disons simplement que je retire
mon amendement pour qu'il ne tombe pas dans la chausse-trappe, traîtreusement
mise sur son chemin.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste.)
M. le président.
La chausse-trappe, dont vous parlez, monsieur Fauchon, est la stricte
application de notre règlement et n'est le fait ni du président de séance ni du
président de la commission des lois. Cela dit, le sous-amendement n° 177
rectifié est retiré.
M. Robert Bret.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Je pense que tout le monde est conscient de la nécessité de renforcer les
garanties de la personne à ce stade de la procédure et de renforcer la
transparence de la garde à vue. De ce point de vue, le procès-verbal est
largement insuffisant.
Les réticences et les inquiétudes que soulèvent les enregistrements sonores
ont conduit certains de nos collègues à proposer des solutions alternatives,
par le biais de deux sous-amendements, à savoir la présence de l'avocat pendant
les auditions - c'est l'objet du sous-amendement n° 177 rectifié - et la
possibilité de s'entretenir avec un avocat à l'issue de la dixième heure -
c'est l'objet du sous-amendement n° 183.
Je souhaite, à ce sujet, formuler quelques remarques.
Tout d'abord, nous sommes en deuxième lecture et il convient à ce stade de
nous placer dans la perspective d'une éventuelle commission mixte paritaire qui
devrait suivre.
Si nous décidions d'adopter le sous-amendement n° 177 rectifié, nous
risquerions de bouleverser l'équilibre que nous avions, me semble-t-il, réussi
à atteindre et que nous avions pourtant jusqu'à présent et d'un commun accord
décidé de préserver, pour basculer, c'est vrai, dans un système accusatoire de
type anglo-saxon.
Je sais que cette solution a de nombreux adeptes. Pour notre part, nous avons
à plusieurs reprises souligné les risques d'une telle option qui favorise, on
le sait, les classes aisées, au détriment des plus pauvres.
Le débat peut s'engager, mais je ne pense pas que ce soit le bon moment, sauf
à considérer que le texte peut bien attendre encore un peu, sans compter que
cela changerait, à notre avis, la lecture d'ensemble de la réforme globale de
la justice.
Quant à la présence de l'avocat à la dixième heure de garde à vue, prévue par
le sous-amendement n° 183, c'est une garantie supplémentaire, même si je ne
suis pas certain qu'elle soit d'application aisée. Cela pose en effet la
question des moyens et cela sous-entend, comme notre collègue M. Haenel l'a
évoqué, des systèmes de permanence, car il n'y a pas toujours d'avocats
disponibles, notamment dans les petites communes. Je rappelle que les gardes à
vue ont bien souvent lieu la nuit.
Aussi, je pense préférable d'en rester au texte initial et il serait bon que
la sagesse gagne le Sénat sur cette question.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Je crois que nous sommes en train de nous engager dans une discussion qui, à
mon avis, mérite une réflexion plus approfondie en commission mixte paritaire.
Il faudra bien, en effet, que l'on trouve une solution, et on ne pourra la
trouver qu'en essayant de rapprocher nos points de vue de ceux de l'Assemblée
nationale, puisqu'elle a aussi son mot à dire.
Donc, point n'est besoin, me semble-t-il, de s'éterniser là-dessus.
Que voulons-nous, mes chers collègues, et l'opinion publique le comprendra à
la lecture de nos débats ? Renforcer les garanties individuelles et ne pas
empêcher, entraver ou freiner l'enquête.
Le magnétophone n'est pas forcément le meilleur témoin et, pour ce qui est de
l'avocat, moi, je n'en sais rien !
Comme le disait très justement Mme le garde des sceaux, que se passera-t-il
dans les petits barreaux qui ne comptent qu'un nombre d'avocats très restreint
? Si, d'aventure, à l'issue d'une manifestation agricole, par exemple, deux ou
trois avocats peuvent être présents alors que dix ou vingt personnes sont
interrogées à la suite de saccages divers, que se passera-t-il ?
M. Hilaire Flandre.
Pourquoi les agriculteurs ?
M. Michel Charasse.
Les membres de mon groupe sont donc perplexes sur la proposition de M. Larché,
même si nous en comprenons bien les motifs et si elle n'est pas forcément à
écarter de façon systématique.
En revanche, monsieur Fauchon, l'assistance de l'avocat en permanence pendant
la garde à vue, c'est le désarmement des enquêteurs, l'impossibilité de faire
avancer l'enquête. L'avocat cherchera éventuellement à prolonger indéfiniment
l'interrogatoire pour arriver aux vingt-quatre, puis aux quarante-huit heures.
Or, ce n'est pas un domaine où l'on a tout le temps devant soi ! La durée de la
garde à vue est limitée. On ne peut pas se permettre de se perdre dans les
fantaisies ou les « chicayas » de ceux qui joueront la montre pour que, au bout
de vingt-quatre ou de quarante-huit heures, l'enquête préliminaire soit
interrompue sans que l'on ait abouti au moindre résultat.
Monsieur le président, tout cela n'est pas satisfaisant. Aussi, de même que
tout à l'heure, sur le magnétophone, nous nous sommes abstenus, nous nous
abstiendrons sur le sous-amendement n° 183, tout en espérant beaucoup, je le
répète,...
M. Hubert Haenel.
Qui ne dit mot consent.
M. Michel Charasse.
... que ce débat inspire celles et ceux de nos collègues qui siégeront à la
commission mixte paritaire pour dégager une solution qui préserve les intérêts
de la personne mais aussi, et ils ne sont pas négligeables, ceux de la société
et de l'Etat.
(Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RPR,
des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 183, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
M. Michel Charasse.
Le groupe socialiste s'abstient.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 3, repoussé par le
Gouvernement.
M. Michel Charasse.
Le groupe socialiste s'abstient.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2 D, ainsi modifié.
(L'article 2 D est adopté.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons interrompre maintenant nos travaux. Nous les
reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt-deux heures
quinze, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
12
NOMINATION
DE MEMBRES DE COMMISSIONS
M. le président.
Je rappelle au Sénat que le groupe communiste républicain et citoyen a
présenté une candidature pour la commission des affaires sociales et une
candidature pour la commission des lois.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :
M. Roland Muzeau membre de la commission des affaires sociales, en
remplacement de Mme Nicole Borvo, démissionnaire.
Mme Nicole Borvo membre de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
en remplacement de M. Michel Duffour, démissionnaire de son mandat de sénateur.
13
PRÉSOMPTION D'INNOCENCE
ET DROITS DES VICTIMES
Suite de la discussion d'un projet de loi
en deuxième lecture
M. le président.
Nous reprenons la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 222,
1999-2000), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième
lecture, renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits
des victimes.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 21
nonies.
Article 21
nonies
M. le président.
« Art. 21
nonies
. - I. - L'article 181 du même code est ainsi rédigé
:
«
Art. 181
. - Si le juge d'instruction estime que les faits retenus à
la charge des personnes mises en examen constituent une infraction qualifiée
crime par la loi, il ordonne leur mise en accusation devant la cour
d'assises.
« Il peut également saisir cette juridiction des infractions connexes.
« L'ordonnance de mise en accusation contient, à peine de nullité, l'exposé et
la qualification légale des faits, objet de l'accusation, et précise l'identité
de l'accusé.
« Lorsqu'elle est devenue définitive, l'ordonnance de mise en accusation
couvre, s'il en existe, les vices de la procédure.
« Le mandat d'arrêt ou de dépôt décerné contre l'accusé au cours de
l'information conserve sa force exécutoire jusqu'à la comparution de celui-ci
devant la cour d'assises, sous réserve des dispositions de l'article 215-2. Le
contrôle judiciaire dont fait l'objet l'accusé continue à produire ses
effets.
« La détention provisoire ou le contrôle judiciaire des personnes renvoyées
pour délit connexe prend fin, sauf s'il est fait application des dispositions
du troisième alinéa de l'article 179. Le délai prévu par le quatrième alinéa de
l'article 179 est alors porté à six mois.
« L'ordonnance de mise en accusation ordonne également prise de corps contre
l'accusé, et contre les personnes renvoyées pour délits connexes.
« Le juge d'instruction transmet le dossier avec son ordonnance au procureur
de la République. Celui-ci est tenu de l'envoyer sans retard au greffe de la
cour d'assises.
« Les pièces à conviction, dont il est dressé état, sont transmises au greffe
de la cour d'assises si celle-ci siège dans un autre tribunal que celui du juge
d'instruction.
« II. - Au premier alinéa de l'article 186 du même code, les mots : "et 179,
troisième alinéa" sont remplacés par les mots : ", 179, troisième alinéa, et
181".
« III. - Il est inséré, après l'article 186-1 du même code, un article 186-2
ainsi rédigé :
«
Art. 186-2
. - En cas d'appel contre une ordonnance prévue par
l'article 181, la chambre d'accusation statue dans les quatre mois de
l'ordonnance, faute de quoi, si la personne est détenue, elle est mise d'office
en liberté. »
« IV. - Le dernier alinéa de l'article 214 du même code est supprimé.
« V. - L'article 215 du même code est ainsi rédigé :
«
Art. 215
. - L'arrêt de mise en accusation contient, à peine de
nullité, l'exposé et la qualification légale des faits, objet de l'accusation
et précise l'identité de l'accusé.
« Il décerne en outre ordonnance de prise de corps contre l'accusé et contre
les personnes renvoyées pour délit connexe devant la cour d'assises.
« Les dispositions des cinquième et sixième alinéas de l'article 181 sont
applicables. »
« VI. - L'article 215-1 du même code est abrogé.
« VII. - Au deuxième alinéa de l'article 272 du même code, les mots : "à
l'article 215-1, deuxième alinéa" sont remplacés par les mots : "à l'article
272-1".
« VIII. - Il est inséré, après l'article 272 du même code, un article 272-1
ainsi rédigé :
«
Art. 272-1
. - Si l'accusé, après avoir été convoqué par la voie
administrative au greffe de la cour d'assises, ne se présente pas, sans motif
légitime d'excuse, au jour fixé pour être interrogé par le président de la cour
d'assises, ce dernier peut, par décision motivée, mettre à exécution
l'ordonnance de prise de corps.
« Il en est de même, y compris pendant le déroulement de l'audience de la cour
d'assises, si l'accusé se soustrait aux obligations du contrôle judiciaire, ou
s'il apparaît que sa détention est l'unique moyen d'assurer sa présence lors
des débats ou du prononcé de l'arrêt. Les dispositions du présent alinéa sont
également applicables aux personnes renvoyées pour délits connexes.
« A tout moment, la personne peut demander sa mise en liberté devant la cour.
»
Par amendement n° 61, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de
supprimer la première phrase du cinquième alinéa du texte présenté par le I de
cet article pour l'article 181 du code de procédure pénale.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Dans la
mesure où l'ordonnance de prise de corps se substitue au mandat d'arrêt ou de
dépôt, la première phrase du cinquième alinéa du texte proposé pour l'article
181 du code de procédure pénale apparaît comme juridiquement inutile et elle
risque d'entraîner des confusions sur les effets de cette ordonnance. Elle doit
donc être supprimée.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 61, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 62, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit le deuxième alinéa du texte présenté par le VIII de l'article 21
nonies
pour l'article 272-1 du code de procédure pénale :
« Pendant le déroulement de l'audience de la cour d'assises, la cour peut
également, sur réquisition du ministère public, ordonner la mise à exécution de
l'ordonnance de prise de corps si l'accusé se soustrait aux obligations du
contrôle judiciaire ou s'il apparaît que la détention est l'unique moyen
d'assurer sa présence lors des débats ou d'empêcher des pressions sur les
victimes ou les témoins. Dès le début de l'audience, la cour peut aussi, sur
les réquisitions du ministère public, ordonner le placement de l'accusé sous
contrôle judiciaire afin d'assurer sa présence au cours des débats ou empêcher
des pressions sur les victimes ou les témoins. Les dispositions du présent
alinéa sont également applicables aux personnes renvoyées pour délits connexes.
»
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Il paraît nécessaire de mieux préciser les conséquences de la
suppression de l'obligation, pour un accusé libre, de se constituer prisonnier
la veille de l'audience.
Tout d'abord, la possibilité d'ordonner l'incarcération de l'accusé en cours
d'audience, déjà prévue dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, doit
être subordonnée aux réquisitions du parquet et décidée non pas par le
président, mais par la Cour, c'est-à-dire par le président et les deux
magistrats assesseurs. Cette incarcération doit pouvoir intervenir non
seulement en cas de violation d'un contrôle judiciaire ou de risque de fuite,
mais également si des pressions sont susceptibles d'être exercées sur les
témoins ou les victimes.
Par ailleurs, afin d'éviter autant que possible ces incarcérations en cours
d'audience, il faut permettre à la cour d'assises d'ordonner, en début
d'audience, si nécessaire, le placement de l'accusé sous contrôle
judiciaire.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 62, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 21
nonies,
modifié.
(L'article 21
nonies
est adopté.)
Article 21
decies
A
M. le président.
« Art. 21
decies
A. - Dans toutes les dispositions de nature
législative, les mots : "chambre d'accusation" sont remplacés par les mots :
"chambre d'appel de l'instruction". »
Par amendement n° 63, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit cet article :
« Dans toutes les dispositions de nature législative, les mots : "chambre
d'accusation" sont remplacés par les mots : "chambre de l'instruction". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
L'Assemblée nationale a souhaité qualifier la chambre
d'accusation de « chambre d'appel de l'instruction », ce qui ne rend pas
pleinement compte de toutes les attributions de cette chambre et de celles de
son président. Le présent amendement tend à retenir la dénomination de «
chambre de l'instruction », au demeurant plus courte.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur
cet amendement, tout en espérant qu'un accord pourra être trouvé en commission
mixte paritaire à ce sujet.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 63, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 21
decies
A est ainsi rédigé.
Article 21
decies
B
M. le président.
« Art. 21
decies
B. - Dans la première phrase du premier alinéa de
l'article 183 du code de procédure pénale, les mots : "ou de transmission des
pièces au procureur général" sont remplacés par les mots : "ou de mise en
accusation". » -
(Adopté.)
Article 21
decies
M. le président.
« Art. 21
decies
. - I. - L'article 367 du même code est ainsi rédigé
:
«
Art. 367
. - Si l'accusé est exempté de peine ou acquitté, s'il est
condamné à une peine autre qu'une peine ferme privative de liberté, ou s'il est
condamné à une peine ferme privative de liberté couverte par la détention
provisoire, il est mis immédiatement en liberté s'il n'est retenu pour autre
cause.
« Dans les autres cas, tant que l'arrêt n'est pas définitif et, le cas
échéant, pendant l'instance d'appel, l'ordonnance de prise de corps est mise à
exécution ou continue de produire ses effets, jusqu'à ce que la durée de
détention ait atteint celle de la peine prononcée. Toutefois, si la cour
d'assises saisie en appel n'a pas commencé à examiner l'affaire à l'expiration
d'un délai d'un an à compter de la date à laquelle a été interjeté l'appel,
l'accusé est remis en liberté.
« La cour d'assises peut, par décision spéciale et motivée, décider que
l'ordonnance de prise de corps sera mise à exécution contre la personne
renvoyée pour délit connexe qui n'est pas détenue au moment où l'arrêt est
rendu, si la peine prononcée est supérieure ou égale à un an d'emprisonnement
et si les éléments de l'espèce justifient une mesure particulière de sûreté.
« Les sanctions pénales prononcées en application des articles 131-6 à 131-11
du code pénal peuvent être déclarées exécutoires par provision. »
« II. - L'article 374 du même code est ainsi rétabli :
«
Art. 374
. - Lorsqu'elle statue en premier ressort, la cour peut
ordonner l'exécution provisoire de sa décision, si celle-ci a été demandée,
sans préjudice des dispositions de l'article 380-8.
« Toutefois, l'exécution provisoire des mesures d'instruction est de droit.
»
Par amendement n° 64, M. Jolibois, au nom de la commission, propose, à la fin
du deuxième alinéa du texte présenté par cet article pour l'article 367 du code
de procédure pénale, de remplacer les mots : « à compter de la date à laquelle
l'appel a été interjeté, l'accusé est remis en liberté » par les mots : « à
compter de la date à laquelle la cour d'assises d'appel a été désignée,
l'accusé est remis en liberté, sauf si la chambre de l'instruction prolonge les
effets de l'ordonnance de prise de corps dans les conditions et selon les
modalités prévues par l'article 215-2 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
L'Assemblée nationale a prévu que, en cas d'appel d'une
décision de cour d'assises, l'instance d'appel devrait se tenir dans un délai
d'un an, faute de quoi la personne serait remise d'office en liberté.
Il nous semble indispensable, à la fois pour des raisons pratiques, liées à
l'encombrement actuel des cours d'assises - et l'on espère que cette situation
évoluera dans le bon sens ! - et de cohérence juridique, eu égard à ce que
dispose le projet de loi, à l'article 21
quinquies
, s'agissant des
délais d'audiencement en matière criminelle, de prévoir que la chambre de
l'instruction pourra, à titre exceptionnel, prolonger ce délai d'un an.
Cette prolongation ne pourra intervenir que pour une durée de six mois,
renouvelable une seule fois, par une décision exposant les raisons de fait ou
de droit faisant obstacle au jugement de l'affaire.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 64, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 21
decies
, ainsi modifié.
(L'article 21
decies
est adopté.)
Article 21
undecies
A
M. le président.
« Art. 21
undecies
A. - L'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945
relative à l'enfance délinquante est ainsi modifiée :
« 1°
a)
Dans le 4° de l'article 9, les mots : "l'ordonnance de
transmission de pièces au procureur général, prévue par l'article 181 du code
de procédure pénale" sont remplacés par les mots : "une ordonnance de mise en
accusation devant la cour d'assises des mineurs" ;
«
b)
Dans la deuxième phrase de l'antépénultième alinéa du même
article, les mots : "la chambre d'accusation" sont remplacés par les mots : "le
juge d'instruction" ;
«
c)
Dans le dernier alinéa du même article, les mots : "la chambre
d'accusation" sont remplacés par les mots : "le juge d'instruction" ;
« 2° Le troisième alinéa de l'article 24 est ainsi rédigé :
« Les règles sur l'appel résultant des dispositions du code de procédure
pénale sont applicables aux jugements du juge des enfants et du tribunal pour
enfants et aux arrêts de la cour d'assises des mineurs rendus en premier
ressort. » -
(Adopté.)
Articles additionnels après l'article 21
undecies
M. le président.
Par amendement n° 144, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 21
undecies
, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 441-2 du code pénal est complété
in fine
par un alinéa
ainsi rédigé :
« Lorsque le faux ou l'usage de faux est commis par un magistrat de l'ordre
judiciaire administratif ou financier, il constitue un crime de forfaiture.
»
« II. - L'article 441-4 du code pénal est complété
in fine
par un
alinéa ainsi rédigé :
« Les infractions prévues aux premier et deuxième alinéas constituent un crime
de forfaiture si elles sont commises par un magistrat de l'ordre judiciaire,
administratif ou financier. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Comme j'ai retiré les amendements rétablissant le crime de forfaiture, cet
amendement devient sans objet : il fait référence à des dispositions qui
n'existent plus. Par conséquent, je le retire également.
M. le président.
L'amendement n° 144 est retiré.
Par amendement n° 145, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 21
undecies
, un article additionnel ainsi rédigé :
« La troisième phrase de l'article 103 du code de procédure pénale est
complétée par les mots : "dans le procès verbal, et ce à peine de nullité".
»
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Si vous le permettez, monsieur le président, pour faire gagner du temps au
Sénat, je présenterai d'un même mouvement les amendements n°s 145, 146, 147,
148 et 149, qui sont tous des amendements de précision.
M. le président.
Je suis en effet saisi de cinq amendements présentés par M. Charasse.
L'amendement n° 146, tend à insérer, après l'article 21
undecies
, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Les deux premières phrases de l'article 106 du code de procédure pénale sont
ainsi rédigées :
« Dans chacun des procès-verbaux, doivent être portées, à peine de nullité, la
signature du juge, la signature du greffier, la signature du témoin, ainsi que
les questions posées et les réponses à ces questions. Le témoin est alors
invité à relire sa déposition telle qu'elle vient d'être transcrite, puis à la
signer s'il déclare y persister. »
L'amendement n° 147, a pour objet d'insérer, après l'article 21
undecies
, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 428 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
«
Art. 428.
- Ce procès-verbal est dicté par la personne entendue en ce
qui concerne les réponses aux questions posées. Il doit porter, à peine de
nullité, la mention selon laquelle elle fait cette déclaration spontanément,
après avoir été préalablement avisée de son droit au silence et de ne pas
témoigner. »
L'amendement n° 148, vise à insérer, après l'article 21
undecies
, un
article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 429 du code de procédure pénale est complété par deux alinéas
ainsi rédigés :
« Afin d'assurer la loyauté du procès-verbal, la personne entendue, qu'elle
soit témoin ou mise en examen, doit savoir avec précision sur quelle matière
chaque question lui est posée.
« Tout procès-verbal d'interrogatoire, même ceux afférents à un aveu, doit, à
peine de nullité, comporter les questions auxquelles il est répondu. »
L'amendement n° 149, tend à insérer, après l'article 21
undecies
, un
article additionnel ainsi rédigé :
« A la fin du premier alinéa de l'article 427 du code de procédure pénale, les
mots : "et le juge décide d'après son intime conviction" sont supprimés. »
Veuillez poursuivre, monsieur Charasse.
M. Michel Charasse.
Par l'amendement n° 145, il s'agit d'apporter une précision à l'article 103 du
code de procédure pénale.
Par l'amendement n° 146, il s'agit, à l'article 106 du même code, de préciser
d'une façon claire les mentions qui doivent être portées sur les
procès-verbaux.
L'amendement n° 147 tend à préciser, à l'article 428 dudit code, que le
procès-verbal est dicté par la personne entendue en ce qui concerne les
réponses aux questions posées et qu'il doit porter, à peine de nullité, la
mention selon laquelle elle fait cette déclaration spontanément.
L'amendement n° 148 a pour objet de faire apparaître, à l'article 429, que la
personne entendue, qu'elle soit témoin ou mise en examen, doit savoir avec
précision sur quelle matière chaque question lui est posée et que tous les
procès-verbaux doivent comporter les questions auxquelles il est répondu, car,
paradoxalement, ce n'est pas le cas.
Enfin l'amendement n° 149 vise à supprimer la notion d'intime conviction.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 145 ?
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Je voudrais à mon tour, monsieur le président, si vous le
permettez, présenter globalement l'avis de la commission sur les amendements
n°s 145, 146, 147 et 148.
La commission a en effet considéré qu'ils étaient tous quatre satisfaits par
l'amendement qui a été précédemment adopté par le Sénat et où il est bien
précisé qu'il est nécessaire de faire apparaître les questions auxquelles il
doit être donné une réponse.
Je suggère donc à M. Charasse de retirer ces quatre amendements.
M. le président.
Monsieur Charasse, êtes-vous convaincu par les explications de M. le
rapporteur ?
M. Michel Charasse.
Monsieur le président, ayant une confiance illimitée en M. le rapporteur, je
retire ces quatre amendements.
(Sourires.)
M. le président.
Les amendements n°s 145, 146, 147 et 148 sont retirés.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 149 ?
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Comment pourrait-on supprimer la notion d'intime conviction alors que celle-ci
est à la base même du raisonnement du juge ? Ce dernier, après avoir recueilli
toutes les preuves, procède en effet par la voie de l'intime conviction.
Nous ne saurions donc admettre la suppression proposée par M. Charasse.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Cet avis est défavorable.
Ce que l'adoption de l'amendement n° 149 provoquerait, ce n'est rien de moins
qu'une rupture radicale avec la tradition française en matière de procédure
pénale. En effet, il vise à ce que soit abandonné le principe selon lequel le
juge décide d'après son intime conviction.
J'observe que cet amendement ne s'attache qu'aux règles s'appliquant au
contentieux correctionnel, alors que, au terme de l'article 304 du code de
procédure pénale, il doit être dit aux jurés : « Vous vous déciderez selon
votre conscience et votre intime conviction. »
M. Michel Charasse.
Là, c'est le peuble !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Sur le fond, il faut savoir qu'il n'existe que deux
systèmes possibles en matière de preuve pénale : celui du régime des preuves
légales ou celui de la liberté de la preuve, corollaire du principe de l'intime
conviction.
Je ne suis guère favorable, vous le savez - je me suis exprimée souvent à ce
sujet - au modèle anglo-saxon et, sur ce point comme sur beaucoup d'autres, je
ne vois nullement l'avantage qu'il y aurait, pour la protection des droits des
personnes poursuivies, à changer radicalement de système.
Le système de l'intime conviction s'appuie sur le principe de la liberté de la
preuve. Celui-ci est néanmoins strictement encadré. Si le juge apprécie
librement la valeur des éléments de preuve régulièrement versés au dossier,
ceux-ci doivent avoir été soumis à la discussion contradictoire des parties.
Ils doivent également justifier la motivation de la décision.
Le libre et complet exercice des droits de la défense constitue le contrepoint
du principe de l'intime conviction.
Je demande donc au Sénat de repousser cet amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 149.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse
J'ai bien entendu Mme le garde des sceaux. Je ne suis pas vraiment convaincu
par ses propos parce que je considère que, dans l'intime conviction, il y a un
côté « doigt mouillé » qui est très déplaisant.
Cela étant, le sujet n'est pas mûr, et ce n'est pas maintenant que nous
pouvons aller au fond des choses. Dans ces conditions, je retire l'amendement
n° 149.
M. le président
L'amendement n° 149 est retiré.
Chapitre III
quinquies
Dispositions relatives aux demandes de révision
M. le président.
Par amendement n° 170, le Gouvernement propose de rédiger comme suit
l'intitulé du chapitre III
quinquies
: « Dispositions relatives au
réexamen d'une décision pénale consécutif au prononcé d'un arrêt de la Cour
européenne des droits de l'homme ».
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux,
Monsieur le président, dans la mesure où j'ai déposé
un amendement à l'article 21
terdecies,
qui constitue le corps de ce
chapitre, je demande la réserve de l'amendement n° 170, jusqu'après l'examen de
cet article.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur cette demande de réserve ?
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
La réserve est ordonnée.
Article 21 terdecies
M. le président.
« Art. 21
terdecies
. - L'article 622 du code de procédure pénale est
complété par un 5° ainsi rédigé :
«
5°
Après un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme
constatant une violation de la Convention européenne des droits de l'homme et
des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ou de ses protocoles, lorsque la
condamnation continue de produire ses effets et qu'une réparation équitable du
préjudice causé par cette violation ne peut être obtenue que par la voie de la
révision. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 171, le Gouvernement propose de rédiger comme suit cet
article :
« I. - Il est inséré, après l'article 626 du code de procédure pénale, un
titre III ainsi rédigé :
TITRE III
DU RÉEXAMEN D'UNE DÉCISION PÉNALE
CONSÉCUTIF AU PRONONCÉ D'UN ARRÊT
DE LA COUR EUROPÉENNE
DES DROITS DE L'HOMME
«
Art. 626-1.
- Le réexamen d'une décision pénale définitive peut être
demandé au bénéfice de toute personne reconnue coupable d'une infraction
lorsqu'il résulte d'un arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'homme
que la condamnation a été prononcée en violation des dispositions de la
convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou
de ses protocoles additionnels, dès lors que, par sa nature et sa gravité, la
violation constatée entraîne pour le condamné des conséquences dommageables
auxquelles la "satisfaction équitable" allouée sur le fondement de l'article 41
de la convention ne pourrait mettre un terme.
«
Art. 626-2
. - Le réexamen peut être demandé par :
« - le ministre de la justice ;
« - le procureur général près la Cour de cassation ;
« - le condamné ou, en cas d'incapacité, son représentant légal ;
« - les ayants droit du condamné, en cas de décès de ce dernier.
«
Art. 626-3
. - La demande en réexamen est adressée à une commission
composée de sept magistrats de la Cour de cassation, désignés par l'assemblée
générale de cette juridiction ; chacune des chambres est représentée par un de
ses membres, à l'exception de la chambre criminelle qui est représentée par
deux magistrats, l'un d'entre eux assurant la présidence de la commission. Les
fonctions du ministère public sont exercées par le parquet général de la Cour
de cassation.
« La demande en réexamen doit être formée dans un délai de six mois à compter
de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme.
« La décision de la commission est prononcée à l'issue d'une audience publique
au cours de laquelle sont recueillies les observations orales ou écrites du
requérant ou de son avocat, ainsi que celles du ministère public ; cette
décision n'est pas susceptible de recours.
«
Art. 626-4
. - Si elle estime la demande justifiée, la commission
procède conformément aux dispositions ci-après :
« - si le réexamen du pourvoi du condamné, dans des conditions conformes aux
dispositions de la convention, est de nature à remédier à la violation
constatée par la Cour européenne des droits de l'homme, la commission, qui
statue alors comme Cour de cassation, réexamine elle-même le pourvoi ;
« - dans les autres cas, la commission renvoie l'affaire devant une
juridiction de même ordre et de même degré que celle qui a rendu la décision
litigieuse, sous réserve de l'application des dispositions du troisième alinéa
de l'article 625.
«
Art. 626-5
. - La suspension de l'exécution de la condamnation peut
être prononcée, à tout moment, par la commission.
«
Art. 626-6
. - Pour l'application des dispositions du présent titre,
le requérant peut être représenté ou assisté par un avocat au Conseil d'Etat ou
à la Cour de cassation ou par un avocat régulièrement inscrit à un barreau.
«
Art. 626-7
. - Si, à l'issue de la procédure, le condamné est reconnu
innocent, les dispositions de l'article 626 sont applicables.
« II. - A titre transitoire, les demandes de réexamen présentées en
application des articles 626-1 et suivants du code de procédure pénale et
motivées par une décision rendue par la Cour européenne des droits de l'homme
rendue avant la publication de la présente loi au
Journal officiel
de la
République française peuvent être formées dans un délai de six mois à compter
de cette publication. Pour l'application des dispositions de ces articles, les
décisions du comité des ministres du Conseil de l'Europe sont assimilées aux
décisions de la Cour européenne des droits de l'homme. »
Cet amendement est assorti de trois sous-amendements.
Le sous-amendement n° 176, présenté par M. Jolibois, au nom de la commission,
a pour objet :
I. - Dans le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 171 pour
l'article 626-3 du code de procédure pénale, de remplacer les mots : « de six
mois » par les mots : « d'un an ».
II. - En conséquence, de procéder au même remplacement dans le paragraphe II
de cet amendement.
Le sous-amendement n° 182, déposé par M. Badinter et les membres du groupe
socialiste et apparentés, tend, à la fin du deuxième alinéa du texte présenté
par l'amendement n° 171 pour l'article 626-4 du code de procédure pénale, à
remplacer les mots : « la commission qui statue alors comme Cour de cassation
réexamine elle-même le pourvoi. » par les mots : « la commission renvoie
l'affaire devant la Cour de cassation qui statue en assemblée plénière. »
Le sous-amendement n° 178, présenté par M. Jolibois, au nom de la commission,
vise à supprimer la dernière phrase du paragraphe II de l'amendement n° 171.
Par amendement n° 116, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent de rédiger comme suit l'article 21
terdecies
:
« I. - L'article 622 du code de procédure pénale est complété par un 5° ainsi
rédigé :
«
5°
Après un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme
constatant une violation de la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ou de ses
protocoles, lorsque la condamnation continue de produire ses effets et qu'une
réparation équitable du préjudice causé par cette violation ne peut être obtenu
que par la voie de la révision. Lorsque la décision de la Cour européenne porte
sur les conditions dans lesquelles a été jugé le pourvoi en cassation la
révision ne concerne que l'instance de cassation. »
« II. - Le troisième alinéa de l'article 623 du code de procédure pénale est
complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Dans l'hypothèse où la demande fondée sur le 5° de l'article 622 met en
cause un arrêt rendu par la Cour de cassation, la commission ne peut comprendre
de magistrat membre de la chambre criminelle et sa présidence est assurée par
le premier président de la Cour de cassation. L'assemblée plénière est alors
compétente comme cour de révision. »
Par amendement n° 65, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit le texte présenté par l'article 21
terdecies
pour le 5° de
l'article 622 du code de procédure pénale.
«
5°
Après un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme
constatant une violation de la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ou de ses
protocoles, lorsque la violation de la convention a été de nature à modifier la
décision devenue définitive dans un sens défavorable au condamné. Lorsque la
condamnation par la Cour européenne porte sur les conditions dans lesquelles a
été examiné le pourvoi en cassation, le condamné ne peut demander qu'un
réexamen de son pourvoi. La demande en révision doit être déposée dans le délai
d'un an suivant l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme. »
La parole est à Mme le garde des sceaux, pour présenter l'amendement n°
171.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Cet amendement porte sur une question très importante,
à savoir la révision des condamnations pénales dans l'hypothèse d'une
condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme.
L'Assemblée nationale a adopté, par le biais d'un amendement, sur lequel
j'avais émis un avis favorable, déposé par M. Jack Lang, une disposition
prévoyant qu'une telle condamnation ouvrirait désormais un nouveau cas de
révision.
J'ai totalement fait miens les objectifs de l'auteur de cette disposition -
vous connaissez mon engagement européen - et, après avoir notamment consulté la
Cour de cassation sur cette question, j'ai déposé l'amendement n° 171, qui
prévoit une procédure spécifique de réexamen des décisions pénales, mieux
adaptée au traitement du problème considéré que la procédure de révision.
Les adaptations proposées rejoignent d'ailleurs en partie, j'y reviendrai,
certaines suggestions de la commission des lois du Sénat ou de M. Badinter.
Outre la différence de terminologie, qui paraît opportune pour distinguer la
révision fondée sur des raisons de fait et le réexamen fondé sur des raisons de
droit, cette nouvelle procédure permettra à une commission chargée de se
prononcer sur les demandes de réexamen soit d'examiner elle-même le pourvoi,
dans le cas où c'est la décision de la chambre criminelle elle-même qui a été
critiquée, comme dans l'affaire Kalfaoui, soit de renvoyer directement
l'affaire devant la juridiction du fond, si c'est la décision rendue par la
juridiction du fond qui a été jugée contraire à la convention européenne, comme
dans l'affaire Hakkar.
Dans les deux hypothèses, il ne sera donc pas nécessaire que la chambre
criminelle examine elle-même de nouveau l'affaire, comme c'est le cas en
matière de révision. Cette solution, qui évite à la chambre criminelle de se
déjuger et assure l'impartialité de la décision, rejoint ainsi les propositions
avancées par la commission par son amendement n° 65 et par M. Badinter au
travers de son amendement n° 116, c'est-à-dire que nous adaptons la procédure,
mais que nous acceptons qu'il puisse y avoir une procédure de réexamen du
procès en raison d'une condamnation, fût-ce pour vice de forme, comme c'est le
cas dans l'affaire Hakkar, par la Cour européenne des droits de l'homme.
La composition de la commission chargée de statuer sur la demande de réexamen,
qui a été suggérée par le premier président de la Cour de cassation, se
rapproche de celle de l'assemblée plénière, puisque chacune des chambres de la
Cour de cassation est représentée. Cette solution recoupe également en partie
le dispositif que proposait M. Badinter par l'amendement n° 116.
Par ailleurs, la demande en réexamen devra être formulée dans un certain délai
à compter de la décision de la Cour de Strasbourg : il est proposé un délai de
six mois, identique à celui qui est prévu pour la saisine de la Cour européenne
par l'article 35 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales. A titre transitoire, pour les décisions
rendues avant la publication de la présente loi, un délai de six mois à compter
de cette publication est également prévu. Je suis ouverte à la discussion pour
une modification éventuelle de ce délai.
J'insiste sur le caractère capital des dispositions transitoires. Celles-ci
ont pour objet de permettre à des personnes faisant l'objet de condamnations
définitives de bénéficier de la nouvelle procédure qui vous est proposée.
Autrement dit, une personne se trouvant, par exemple, dans la situation de M.
Hakkar, ainsi que M. Hakkar lui-même, bien entendu, pourra introduire un
recours dans le délai de six mois après la publication de la présente loi
renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des
victimes.
C'est la raison pour laquelle j'estime que nous avons trouvé là le dispositif
qui permettra de réexaminer des affaires jugées, suite à des décisions de la
Cour européenne des droits de l'homme, qui, de surcroît, ouvre le bénéfice de
dispositions transitoires à des personnes qui, depuis 1981, auraient fait
l'objet de décisions favorables de la Cour européenne des droits de l'homme et,
par conséquent, qui permet de régler le problème, comme je m'y étais engagée
devant l'Assemblée nationale. En effet, contrairement à une position
traditionnelle, depuis 1981 justement, de la chancellerie sur ces questions, il
n'était plus possible d'ignorer les recours formés devant la Cour européenne
des droits de l'homme et les arrêts auxquels ils ont donné lieu.
Compte tenu de ce que je viens de vous dire et qui a été décidé, en vérité,
depuis la deuxième lecture de ce projet de loi à l'Assemblée nationale, puisque
je m'étais engagée devant celle-ci, en dehors de l'accord de principe que
j'avais donné à l'amendement de M. Jack Lang relatif à l'affaire Hakkar, à
présenter au Sénat un système nous permettant de mettre en place des procédures
de réexamen qui soient tout à fait comparables à celles de nos partenaires
européens et qui respectent, bien entendu, nos institutions, j'ai lu avec un
grand étonnement les déclarations, rapportées ce soir par une dépêche de
l'AFP,...
M. Michel Charasse.
En volapuk !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux
... d'un parlementaire néerlandais, membre du Conseil de
l'Europe, assemblée non élue au suffrage universel, c'est-à-dire émanation des
parlements nationaux. Ce parlementaire néerlandais a cru devoir mettre en
cause, dans des termes inadmissibles, l'attitude de notre pays à la suite de la
décision rendue par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire
Hakkar.
M. Hakkar, chacun ici s'en souvient, a été condamné en 1989 à la réclusion
criminelle à perpétuité par une cour d'assises pour l'assassinat d'un policier,
commis en France en 1984. Plus tard, la Cour européenne des droits de l'homme a
condamné la France pour violation des droits de la défense : M. Hakkar avait
récusé tous ses défenseurs, et le procès s'est donc tenu sans défenseur, ce qui
certes est sans doute très regrettable. Telles sont les raisons de la
condamnation de la France.
Les déclarations de ce parlementaire sont d'autant plus déplacées qu'elles
surviennent la veille du jour où il devait être reçu, à sa demande, à la
chancellerie, et ce non pas par n'importe qui, mais par le directeur de mon
cabinet, c'est-à-dire par mon représentant personnel. Or ce parlementaire s'est
indigné de ce que je ne le reçoive pas moi-même. Mais je vous le demande,
mesdames, messieurs les sénateurs : ai-je reçu personnellement chacun des 898
parlementaires nationaux élus à l'Assemblée nationale ou au Sénat ? Les
parlementaires nationaux que je n'ai pas reçus personnellement ont-ils eu
l'outrecuidance de s'en plaindre, et ce publiquement ?
M. Josselin de Rohan.
Très bien !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Voilà ! Par le biais d'une dépêche de l'AFP, on se
permet de donner des leçons à la France à travers son Gouvernement, et ce dans
des termes évidemment inadmissibles.
M. Josselin de Rohan.
Ne vous laissez pas troubler, les Néerlandais sont coutumiers du fait !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je ne veux pas généraliser, mais j'ai décidé de ne pas
laisser passer cela, d'autant que chacun connaît mon engagement européen et que
je suis en passe de résoudre le problème qui a alerté ce parlementaire, ce que
personne n'avait fait avant moi.
M. Michel Charasse.
La bière et l'aquavit !...
(Sourires.)
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
J'ajoute que, compte tenu de ces déclarations, le
rendez-vous qui avait été accordé à ma demande par le directeur de mon cabinet
à ce parlementaire n'a évidemment plus lieu d'être.
(Applaudissements.)
M. Josselin de Rohan.
Vous avez raison !
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Si ce parlementaire avait rencontré le directeur de mon
cabinet, il lui aurait été rappelé que la France, en dehors de toute injonction
de tel ou tel parlementaire, tient le plus grand compte des décisions de la
Cour européenne des droits de l'homme. Par ailleurs, je signale que j'ai
autorisé la visite de ce parlementaire au détenu Hakkar sur le lieu de la
détention de celui-ci, le 14 février dernier, alors que rien ne m'y obligeait,
et que j'avais accepté de le faire recevoir à mon cabinet. Je rappelle enfin
que nous sommes dans un Etat de droit ; hormis par le biais de la grâce
présidentielle, monsieur le président du groupe du RPR, laquelle ne relève que
du seul Président de la République, on ne fait pas sortir de prison une
personne condamnée en dehors des règles du code de procédure pénale. Surtout,
en liaison avec le Parlement, notamment avec M. Jack Lang, qui était alors
député, le Gouvernement a, depuis quelques mois, entendu travailler à
introduire dans notre législation les outils juridiques nécessaires à la prise
en compte sans délai des conséquences des décisions de la Cour européenne des
droits de l'homme.
Les dispositions prévues par l'amendement n° 171 seront, si celui-ci est
adopté, applicables au cas Hakkar. Ainsi, la France aura rendu possible la
révision, y compris pour des affaires jugées avant la promulgation de la loi
dont nous débattons en ce moment. Les critiques du membre de l'assemblée
parlementaire du Conseil de l'Europe sont donc particulièrement irrecevables ce
soir. Il est inutile de vous préciser, mesdames, messieurs les sénateurs, que,
en dehors de l'écho qui sera forcément donné à cette déclaration que je
prononce devant vous, mes paroles seront naturellement transmises
personnellement par le directeur de mon cabinet à M. l'ambassadeur des Pays-Bas
en France.
(Applaudissements.)
MM. Michel Charasse et Jacques Pelletier.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter le sous-amendement n° 176.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
J'ai compris tout à l'heure, en écoutant son exposé, que Mme
la ministre était tout à fait disposée à envisager un allongement du délai dans
lequel la demande en réexamen doit être formée.
Précisément, prévoir un délai d'un an nous semble préférable. En effet, un
délai de six mois est vraiment trop court. Tel est l'objet du sous-amendement
n° 176.
M. le président.
La parole est à M. Charasse, pour présenter le sous-amendement n° 182.
M. Michel Charasse.
Il s'agit d'apporter une précision à l'amendement n° 171 du Gouvernement,
s'agissant de l'article 626-4 du code de procédure pénale, en prévoyant que
c'est non pas la commission qui statue alors comme Cour de cassation, mais la
commission qui renvoie l'affaire devant la Cour de cassation qui statue en
assemblée plénière.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter le sous-amendement n° 178.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Cet amendement tend à supprimer la dernière phrase du
paragraphe II de l'amendement n° 171.
En effet, la commission estime que l'on peut admettre le réexamen d'une
procédure pénale à la suite d'une décision juridictionnelle de la Cour
européenne des droits de l'homme, mais que cela paraît beaucoup plus
contestable lorsque la décision émane du comité des ministres, même si cette
possibilité n'était ouverte qu'à titre transitoire.
M. le président.
La parole est à M. Charasse, pour présenter l'amendement n° 116.
M. Michel Charasse.
Monsieur le président, pour gagner du temps, comme il a été commenté tout à
l'heure, allusivement en tout cas, à deux ou trois reprises par Mme le garde
des sceaux dans son commentaire d'ensemble sur l'amendement n° 171, je
considère qu'il est défendu.
J'ai cru comprendre qu'une partie de l'amendement n° 116 rejoignait les
préoccupations du garde des sceaux.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 65.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Par cet amendement, nous avions rédigé à nouveau le texte
relatif à la révision après un arrêt de la Cour européenne des droits de
l'homme. Cet amendement devient sans objet, puisqu'il se trouve satisfait par
celui du Gouvernement, qui nous semble plus complet et plus précis.
Par conséquent, la commission retire l'amendement n° 65.
M. le président.
L'amendement n° 65 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 171, le sous-amendement
n° 182 et l'amendement n° 116 ?
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
La commission a émis un avis favorable sur l'amendement n°
171, sous réserve de l'adoption des sous-amendements n°s 176 et 178 qu'elle a
déposés.
Je rappelle pour mémoire que le sous-amendement n° 176 a pour objet de
remplacer les mots « de six mois » par les mots « d'un an ».
Quant au sous-amendement n° 182, la commission n'a pas pu l'examiner.
Cependant, M. Badinter l'avait évoqué lors de la réunion de la commission. Au
fond, il paraît assez normal que la commission renvoie une affaire aussi grave
devant la Cour de cassation qui statue en assemblée plénière. Je suis donc
favorable au sous-amendement n° 182.
Le sous-amendement n° 178 de la commission vise à supprimer la dernière phrase
du II de l'amendement n° 171 du Gouvernement afin de retirer des cas de
révision les décisions qui émanent non pas de la Cour européenne des droits de
l'homme mais du comité des ministres.
Quant à l'amendement n° 116, il est satisfait par l'amendement n° 171 du
Gouvernement. Je pense donc que M. Charasse pourrait le retirer.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les sous-amendements n°s 176, 182 et 178,
ainsi que sur l'amendement n° 116 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 176, qui vise
à porter à un an le délai pour saisir la commission de réexamen, je m'en remets
à la sagesse du Sénat.
L'amendement n° 116 est effectivement satisfait par celui qu'a présenté le
Gouvernement.
M. Michel Charasse.
Retiré !
M. le président.
L'amendement n° 116 est retiré.
Veuillez poursuivre, madame le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je ne suis pas favorable au sous-amendement n° 178, car
il tend à supprimer la référence aux décisions du comité des ministres du
Conseil de l'Europe. Il me semble qu'il existe un malentendu, que je vais
essayer de dissiper.
Avant le 1er novembre 1998, date de l'entrée en vigueur du protocole n° 11 qui
a supprimé la Commission européenne des droits de l'homme, le mécanisme de
recours prévu par la convention était le suivant : le requérant saisissait la
Commission européenne, qui rendait un avis sous forme de rapport concluant à la
violation ou non de la convention. Si, dans un délai de trois mois, ni la
commission ni l'Etat intéressé ne saisissait la Cour européenne, le comité des
ministres, en tant qu'organe juridictionnel, jugeait lui-même l'affaire, en
application de l'article 32. C'est ce qui s'est passé dans l'affaire Hakkar.
Depuis l'entrée en vigueur du protocole n° 11, la Commission et le pouvoir
juridictionnel du comité des ministres ont été supprimés, sauf à titre
transitoire pour des affaires pendantes devant le comité à la suite des
décisions déjà rendues par l'ancienne commission. C'est l'article 5, paragraphe
6, du protocole.
Il est donc indispensable de faire référence aux décisions du comité des
ministres, sinon aucun réexamen ne sera possible dans ces affaires, notamment
dans l'affaire Hakkar qui, je le rappelle, concerne une personne condamnée en
cour d'assises sans l'assistance d'un avocat.
Pour éviter toute ambiguïté, le Gouvernement propose toutefois de rectifier
son amendement afin de montrer clairement dans quelles circonstances
exceptionnelles le comité des ministres a pu avoir ou pourra avoir un rôle
juridictionnel. Vous connaissez les dispositions de l'amendement n° 171. Je
souhaiterais simplement vous donner lecture de la rédaction que nous
proposerions pour la dernière phrase du paragraphe II : « Pour l'application
des dispositions de ces articles, les décisions du Comité des ministres du
Conseil de l'Europe, après une décision de la commission européenne des droits
de l'homme, en application de l'article 32 (ancien) de la convention de
sauvegarde des droits de l'homme ou de l'article 5 (paragraphe 6) de son
protocole n° 11, sont assimilées aux décisions de la Cour européenne des droits
de l'homme. »
Compte tenu de ces précisions et cette rectification, le sous-amendement n°
178, qui aura eu le mérite de permettre une clarification opportune d'un texte
important, pourrait, me semble-t-il, être retiré, monsieur le rapporteur. Je
suis donc prête à déposer la rectification à l'amendement n° 171 du
Gouvernement si vous retirez votre sous-amendement. Nous aurons ainsi la
clarification sans ambiguïté que vous souhaitez.
Par ailleurs, je ne suis pas favorable au sous-amendement n° 182. Il me semble
que le texte proposé par le Gouvernement présente, au regard de l'objectif, les
garanties nécessaires.
En effet, la commission de réexamen prévue par l'amendement du Gouvernement
est composée d'un membre de chacune des chambres de la Cour de cassation. C'est
donc une forme d'assemblée plénière. Exiger que la commission renvoie l'affaire
à l'assemblée plénière alourdirait, me semble-t-il, la procédure sans raison
véritable. En pratique, la commission statuera elle-même sur le pourvoi dans
les cas où la France a été condamnée pour avoir refusé d'examiner le pourvoi au
fond ; c'est l'affaire Kalfaoui. Ce qui est critiqué, ce n'est donc pas le fond
de la décision de la Cour de cassation, c'est plutôt l'absence de décision.
Dans ces conditions, pourquoi vouloir demander à la commission de dire que le
pourvoi doit être examiné et demander ensuite à l'assemblée plénière de
l'examiner elle-même ? Je crois que cela ne ferait que retarder encore l'examen
du fond du pourvoi par la commission, ce qui nuirait aux intérêts du requérant.
Nous sommes là sur des questions de procédure. Je crois que nous avons
exactement le même résultat.
M. le président.
Monsieur le rapporteur, le sous-amendement n° 178 est-il maintenu ?
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Madame le garde des sceaux, vous avez bien voulu proposer de
préciser - ce qui allonge effectivement l'article - le caractère exceptionnel
et purement temporaire de l'application de la révision dans le cas d'une
décision qui émanerait du Comité des ministres. Ainsi, la phrase qui pouvait
nous irriter ne nous irriterait que quelque temps, l'espace d'un instant. Je
pense donc, à titre personnel, que l'on pourrait accepter cette irritation
temporaire.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendements n° 176.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Monsieur le président, je crois que M. le rapporteur a fait un oubli.
C'est la raison pour laquelle je lui suggère une rectification. En effet, le
délai de six mois apparaît à deux reprises dans l'amendement du Gouvernement :
dans le texte proposé pour l'article 626-3 du code de procédure pénale et dans
celui qui est présenté pour l'article 626-7 du même code, qui concerne les
mesures transitoires. Ne serait-il pas souhaitable d'étendre le sous-amendement
n° 176 à l'article 626-7 ?
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
M. Gélard me rappelle un oubli... qui n'en est pas un.
M. Patrice Gélard.
Ah ?
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
En effet, dans le texte même du sous-amendement n° 176, un
paragraphe II vise à corriger la deuxième mention du délai.
M. Patrice Gélard.
D'accord ! J'ai lu trop vite !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 176, pour lequel le Gouvernement s'en
remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 182, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je viens d'être saisi de la rectification à l'amendement n° 171 du
Gouvernement, qui tend à écrire comme suit la dernière phrase du II :
« Pour l'application des dispositions de ces articles, les décisions du Comité
des ministres du Conseil de l'Europe rendues, après une décision de la
commission européenne des droits de l'homme, en application de l'article 32
(ancien) de la convention de sauvegarde des droits de l'homme ou de l'article 5
(paragraphe 6) de son protocole n° 11, sont assimilées aux décisions de la Cour
européenne des droits de l'homme. »
Il s'agit donc de l'amendement n° 171 rectifié, et le sous-amendement n° 178
est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 171 rectifié, accepté par la
commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 21
terdecies
est ainsi rédigé.
Nous en revenons à l'amendement n° 170, qui a été précédemment réservé et qui
tend à rédiger comme suit l'intitulé du chapitre III
quinquies :
« Dispositions relatives au réexamen d'une décision pénale consécutif au
prononcé d'un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme. »
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 170, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'intitulé du chapitre III
quinquies
est ainsi
rédigé.
Chapitre IV
Dispositions relatives à la communication
Articles additionnels avant l'article 22 A
ou après l'article 27
M. le président.
Je suis saisi de dix amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 66, M. Jolibois, au nom de la commission, propose d'insérer,
avant l'article 22 A, un article additionnel ainsi rédigé :
« La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifiée
:
« I. - Dans le troisième alinéa de l'article 14, les mots : "d'un
emprisonnement d'un an et" sont supprimés.
« II. - Dans le premier alinéa de l'article 26, les mots : "d'un
emprisonnement d'un an et d'une amende de 300 000 francs ou de l'une de ces
deux peines seulement" sont remplacés par les mots : "d'une amende de 300 000
francs".
« III. - L'article 27 est ainsi modifié :
« 1° Dans le premier alinéa, les mots : "d'un emprisonnement de trois ans, et
d'une amende de 300 000 francs, ou de l'une de ces deux peines seulement" sont
remplacés par les mots : "d'une amende de 300 000 francs" ;
« 2° Dans le second alinéa, les mots : "d'un emprisonnement de cinq ans et"
sont supprimés.
« IV. - Dans l'article 30, les mots : "d'un emprisonnement d'un an et d'une
amende de 300 000 francs, ou de l'une de ces deux peines seulement" sont
remplacés par les mots : "d'une amende de 300 000 francs".
« V. - Dans le premier alinéa de l'article 32, les mots : "d'un emprisonnement
de six mois et" sont supprimés.
« VI. - L'article 33 est ainsi modifié :
« 1° Dans le premier alinéa, les mots : "d'un emprisonnement de trois mois et
d'une amende de 80 000 francs, ou de l'une de ces deux peines seulement" sont
remplacés par les mots : "d'une amende de 80 000 francs" ;
« 2° Dans le deuxième alinéa, les mots : "d'un emprisonnement de deux mois et
d'une amende de 80 000 francs ou de l'une de ces deux peines seulement" sont
remplacés par les mots : "d'une amende de 80 000 francs".
« VII. - Dans l'article 36, les mots : "d'un emprisonnement d'un an et d'une
amende de 300 000 francs, ou de l'une de ces deux peines seulement" sont
remplacés par les mots : "d'une amende de 300 000 francs".
« VIII. - Dans l'article 37, les mots : "d'un emprisonnement d'un an et d'une
amende de 300 000 francs, ou de l'une de ces deux peines seulement" sont
remplacés par les mots : "d'une amende de 300 000 francs". »
Par amendement n° 169 rectifié, le Gouvernement propose d'insérer, avant
l'article 22 A, un article additionnel ainsi rédigé :
« Sont supprimées les peines d'emprisonnement encourues pour les délits prévus
par les articles 32, premier alinéa, 33, deuxième alinéa, et 37 de la loi du 29
juillet 1881 sur la liberté de la presse. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 179, présenté par MM.
Gélard, Paul Girod et Martin, et tendant :
I. - A compléter le texte proposé par l'amendement n° 169 par un II ainsi
rédigé :
«
II
. - L'article 63 de la loi du 29 juillet 1881 est complété par un
alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, en cas de récidive des délits prévus par les articles 32, premier
alinéa, 33, deuxième alinéa, et 37 et lorsque l'infraction est commise contre
la même victime, pourra également être prononcée une peine de six mois
d'emprisonnement. »
« II. - En conséquence, à faire précéder le début du texte proposé par
l'amendement n° 169 de la mention : "I". »
Les huit amendements suivants sont présentés par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt
et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 118 a pour objet d'insérer, après l'article 27, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Dans le troisième alinéa de l'article 14 de la loi du 29 juillet 1881 sur la
liberté de la presse, après les mots : "sont punies", les mots : "d'un
emprisonnement de six jours à un an et" sont supprimés. »
L'amendement n° 119 vise à insérer, après l'article 27, un article additionnel
ainsi rédigé :
« Après les mots : "est punie", la fin du premier alinéa de l'article 26 de la
loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigée : "d'une
amende de 300 000 francs". »
L'amendement n° 120 tend à insérer, après l'article 27, un article additionnel
ainsi rédigé :
« I. - Après les mots : "sera punie", la fin du premier alinéa de l'article 27
de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigée :
"d'une amende de 300 000 francs" ;
« II. - Dans le second alinéa du même article, après les mots : "seront
punis", les mots : "d'un emprisonnement de un an à cinq ans et" sont supprimés.
»
L'amendement n° 121 a pour but d'insérer, après l'article 27, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Après les mots : "sera punie", la fin de l'article 30 de la loi du 29
juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigée : "d'une amende de
300 000 francs". »
L'amendement n° 122 a pour objet d'insérer, après l'article 27, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Après les mots : "sera punie", la fin du premier alinéa de l'article 32 de
la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigée :
"d'une amende de 80 000 francs". »
L'amendement n° 123 vise à insérer, après l'article 27, un article additionnel
ainsi rédigé :
« Dans l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse
:
« I. - Après les mots : "sera punie", la fin du premier alinéa est ainsi
rédigée : "d'une amende de 80 000 francs" ;
« II. - Après les mots : "sera punie", la fin du deuxième alinéa est ainsi
rédigée : "d'une amende de 80 000 francs". »
L'amendement n° 124 tend à insérer, après l'article 27, un article additionnel
ainsi rédigé :
« Après les mots : "sera punie", la fin de l'article 36 de la loi du 29
juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigée : "d'une amende de
300 000 francs". »
L'amendement n° 125 a pour but d'insérer, après l'article 27, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Après les mots : "sera punie", la fin de l'article 37 de la loi du 29
juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigée : "d'une amende de
300 000 francs". »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 66.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Cet amendement est très important car il vise à supprimer la
plupart des peines de prison en matière de délits de presse. Ces peines ne sont
jamais prononcées en France. Il faut dire que la loi française est d'une
certaine manière, dans d'autres domaines, heureusement copiée.
Dans beaucoup d'Etats étrangers, notamment en Afrique, des journalistes sont
emprisonnés. Il est donc nécessaire que notre législation ne serve plus de
prétexte à ces Etats pour mener une politique répressive à l'égard de la
presse. Il est vrai que l'on ne manque pas de citer en exemple la législation
française quand on veut justifier, à l'étranger, un emprisonnement.
La commission avait décidé de supprimer ces peines de prison et de conserver
uniquement celles qui sont prévues en cas de provocation à commettre des
infractions graves ou d'appel à la haine nationale, raciale ou religieuse. Elle
avait adopté un amendement à cet effet, mais elle a ensuite émis un avis
favorable sur l'amendement n° 169 rectifié du Gouvernement.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux, pour défendre l'amendement n° 169
rectifié.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Cet amendement reprend un amendement similaire que le
Gouvernement avait déposé devant l'Assemblée nationale, mais qui n'a pas été
adopté pour des raisons de procédure.
Il a pour objet de supprimer les peines d'emprisonnement actuellement prévues
par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse en matière de
diffamation ou d'injures envers les particuliers et d'outrage envers les agents
diplomatiques étrangers.
On sait que de telles peines ne sont quasiment jamais prononcées par les
juridictions françaises.
Au demeurant, cette suppression, par son caractère symbolique, aura vertu
d'exemplarité dans nombre de pays dont la législation en matière de presse
reproduit celle de la loi de 1881 mais dans lesquels, à la différence de la
France, les tribunaux n'hésitent pas à prononcer fréquemment des peines
d'emprisonnement ferme contre des journalistes poursuivis pour de telles
infractions.
Une telle modification de la loi sur la presse a ainsi été préconisée par
l'association Reporters sans frontières, qui avait attiré l'attention du
Gouvernement sur cette question - je les avais reçus personnellement et j'avais
saisi ma collègue Catherine Trautmann - puis alerté la commission consultative
des droits de l'homme.
Resteront toutefois punies de peines d'emprisonnement, en raison de leur
gravité, les provocations, notamment les provocations à la haine, à la
discrimination ou à la violence raciste, le négationnisme, les diffusions de
fausses nouvelles de nature à troubler la paix publique ainsi que les
diffamations ou injures racistes.
Par ailleurs, l'amendement du Gouvernement ne prévoit pas la suppression des
peines d'emprisonnement pour les délits d'offense au chef de l'Etat, d'offense
envers les chefs d'Etat étrangers et pour les délits de diffamations et
d'injures envers les corps constitués - ainsi que, par conséquence obligée, les
administrations publiques, les dépositaires de l'autorité publique - car ces
modifications suscitent des difficultés particulières.
Je vous demande donc d'adopter cet amendement plutôt que les autres
amendements déposés sur le même sujet, dont je partage les objectifs mais qui
me semblent parfois aller trop loin.
Par exemple, je ne pense pas que soit également justifiée la suppression des
peines d'emprisonnement prévues pour le délit de diffusion de fausses nouvelles
de nature à troubler la paix publique, qui présente, de par sa nature, une
gravité particulière. Il permet ainsi de sanctionner des personnes qui
diffuseraient, en la sachant inexacte, une information selon laquelle l'eau du
robinet de telle ou telle ville est dangereuse pour la santé, provoquant ainsi
une panique chez les consommateurs.
L'amendement du Gouvernement me paraît, sur la forme, plus lisible et, sur le
fond, mieux circonscrit.
Je ne suis donc pas favorable à l'amendement n° 66 de votre commission, ni aux
amendements n°s 118 à 125 de M. Badinter.
M. le président.
La parole est à M. Gélard, pour présenter le sous-amendement n° 179.
M. Patrice Gélard.
Pour défendre ce sous-amendement, je vais vous raconter une histoire qui,
rassurez-vous, sera courte.
M. Michel Charasse.
C'est l'heure des histoires !
(Sourires.)
M. Patrice Gélard.
Un de nos concitoyens - également élu local, mais il pourrait ne pas l'être -
fait l'objet depuis dix-huit ans de diffamations permanentes de la part d'un
tiers. Ce dernier diffuse ainsi, journée après journée, des tracts, tout en
colportant au téléphone des nouvelles complètement fausses, diffamant ainsi
l'élu en question.
Le corbeau a été condamné sept fois, dont trois fois à 100 000 francs
d'amende, qu'il n'a jamais payés. La dernière fois, le tribunal correctionnel
et la cour d'appel l'ont condamné à trois mois de prison ferme. La Cour de
cassation, qui a été saisie, attendra que nous ayons statué avant de se
prononcer.
Quoi qu'il en soit, la vie de l'élu dont je vous parle est empoisonnée depuis
dix-huit ans, sa famille est complètement traumatisée par ces attaques
permanentes et il n'a pas d'autre solution que d'obtenir une peine de
condamnation de prison, puisque l'auteur des diffamations est insolvable et que
les trois amendes de 100 000 francs auxquelles il a été condamné ne seront
jamais payées.
Voilà pourquoi le sous-amendement n° 179 prévoit que, en cas d'infractions
répétées contre une victime par la même personne, des peines de prison pourront
être prononcées. Ce sera le seul moyen de faire cesser ce type de comportement
!
Cela étant, monsieur le président, par précaution, dans l'hypothèse où
l'amendement du Gouvernement ne serait pas adopté, je dépose sans attendre un
sous-amendement identique à l'amendement n° 66 de la commission. Ainsi, je me
couvre des deux côtés !
M. le président.
Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 185, présenté par M. Gélard, et
tendant à compléter le texte proposé par l'amendement n° 66 par un IX ainsi
rédigé :
« IX. - L'article 63 de la loi du 29 juillet 1881 est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« Toutefois, en cas de récidive des délits prévus par les articles 31, premier
alinéa, 32, premier alinéa, 33, deuxième alinéa, et 37, et lorsque l'infraction
est commise contre la même victime, pourra également être prononcée une peine
de six mois d'emprisonnement. »
La parole est à M. Charasse, pour défendre les amendements n°s 118, 119, 120,
121, 122, 123, 124 et 125.
M. Michel Charasse.
Ces huit amendements ont le même objet.
Il s'agit, dans tous les cas, de modifier plusieurs dispositions de la loi sur
la presse afin de supprimer des peines qui ne sont plus prononcées et de
renforcer, en contrepartie, les amendes prévues.
Ces amendements ont été suggérés par mes collègues MM. Badinter et
Dreyfus-Schmidt, qui ne peuvent malheureusement les défendre personnellement ce
soir. Vous imaginez bien, en effet, que je ne peux être l'auteur d'amendements
qui visent à alléger les peines en matière de presse !
(Sourires.)
Cela étant, il se trouve que l'amendement n° 169 rectifié du Gouvernement nous
convient parfaitement. Par conséquent, je suis autorisé à retirer les
amendements n°s 118 à 125, au profit de l'amendement du Gouvernement.
M. le président.
Les amendements n°s 118, 119, 120, 121, 122, 123, 124 et 125 sont retirés.
M. Pierre Fauchon.
Quelle hécatombe !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 179 et 185 ?
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Ces sous-amendements ont reçu un avis favorable, même s'il
s'agit d'un avis virtuel sur le second, qui vient d'être déposé.
M. Gélard ayant eu la courtoisie de déposer le même sous-amendement à la fois
sur l'amendement du Gouvernement et sur celui de la commission, le Sénat va
pouvoir se prononcer maintenant entre le texte du Gouvernement et celui de la
commission, qui est beaucoup moins répressif...
M. Louis de Broissia.
Tout à fait !
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
... puisqu'il ne maintient la peine de prison que sur un seul
point - qui devrait recueillir l'unanimité au sein de cette assemblée -, alors
que l'amendement n° 169 rectifié ne supprime pas les peines de prison en cas de
délits d'offense et d'injures aux chefs d'Etat, aux corps constitués et aux
personnalités diplomatiques.
Quoi qu'il en soit, la commission m'a chargé, quelles que soient mes opinions
personnelles, de donner un avis favorable à l'amendement n° 169 rectifié du
Gouvernement et de retirer, par voie de conséquence, l'amendement n° 66.
M. le président.
L'amendement n° 66 est retiré.
En conséquence, le sous-amendement n° 185 n'a plus d'objet.
Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 179 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 179.
M. Louis de Broissia.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, vous ne vous
étonnerez pas que j'intervienne sur une disposition qui touche à la liberté de
la presse et à la grande loi du 29 juillet 1881.
Permettez-moi d'abord de regretter que l'amendement n° 66, qui me convenait
parfaitement, ait été retiré. Mais je ne ferai pas de commentaires sur un
amendement qui a été retiré.
Permettez-moi ensuite de vous dire, madame le ministre, que, s'agissant de
l'amendement n° 169 rectifié, le fait que reste punie de peines
d'emprisonnement la diffusion de fausses nouvelles de nature à troubler la paix
publique est susceptible d'illustrer des comportements qui, dans des pays qui
prennent exemple sur la France, demeurent relativement fâcheux.
On a parlé d'un corbeau national. Je raconterai, moi, l'histoire d'un
journaliste qui vit sur un continent proche du nôtre et que je ne citerai pas.
Ce journaliste est en prison parce qu'un soir il a annoncé, sur la foi d'une
information qu'il avait obtenue, que le chef de l'Etat avait été victime d'un
malaise en assistant à un match de football. Le lendemain, il a publié un
rectificatif pour dire que son information était erronée, mais il est en prison
depuis lors.
Cela ne se passe pas en France, je le sais bien, mais je tiens à dire que le
fait d'introduire un élément extrêmement vague - la diffusion de fausses
nouvelles de nature à troubler l'ordre public - me gêne. Autant tout ce qui est
propagation de la haine raciale, de la violence raciste, du négationnisme, de
la discrimination m'apparaît tout à fait condamnable, autant la diffusion de
fausses nouvelles est un élément qui me paraît flou, surtout à l'heure
d'Internet. On a bien annoncé que le fromage d'Epoisses était atteint de
listéria. Or c'était faux ! Cela a pourtant forcément troublé la paix publique
dans toute le production de ce secteur.
Je considère en tout cas que cette notion est trop vague, et je regrette
infiniment, je dois le dire, cette formulation.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 179, accepté par la commission et pour
lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par
assis et levé, n'adopte pas le sous-amendement.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 169 rectifié, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, avant l'article 22 A.
Article 22 A
M. le président.
« Art. 22 A. - Dans le deuxième alinéa de l'article 9-1 du code civil, après
les mots : "mise en examen", sont insérés les mots : ", entendue comme témoin
assisté". »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 67, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit cet article :
« L'article 9-1 du code civil est ainsi rédigé :
«
Art. 9-1. -
Chacun a droit au respect de la présomption
d'innocence.
« Lorsqu'une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement
comme coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction
judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du
dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l'insertion d'une
rectification ou la diffusion d'un communiqué, aux fins de faire cesser
l'atteinte à la présomption d'innocence et ce, aux frais de la personne,
physique ou morale, responsable de cette atteinte. L'action se prescrit par un
an. Ce délai est ouvert à nouveau pour la même durée à compter de la décision
définitive sur ces faits. »
Par amendement n° 117, MM. Badinter et Dreyfus-Schmidt proposent de rédiger
ainsi l'article 22 A :
« I. - Dans le second alinéa de l'article 9-1 du code civil, les mots :
"placée en garde à vue, mise en examen ou faisant l'objet d'une citation à
comparaître en justice, d'un réquisitoire du procureur de la République ou
d'une plainte avec constitution de partie civile" sont supprimés.
« II. - Dans le même alinéa, les mots : "faisant l'objet de l'enquête ou de
l'instruction judiciaire" sont remplacés par les mots : "faisant ou non l'objet
d'une enquête ou d'une instruction judiciaire". »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 67.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Cet amendement a pour objet de rédiger différemment l'article
9-1 du code civil relatif au « référé présomption d'innocence ». Nous sommes
donc au coeur du sujet !
L'article 9-1 du code civil ne permet aujourd'hui que la protection de la
présomption d'innocence des personnes qui sont en garde à vue, mises en examen
ou faisant l'objet d'un réquisitoire ou d'une citation à comparaître en
justice. Les personnes qui sont accusées publiquement d'être coupables de faits
répréhensibles alors qu'aucune enquête n'est en cours ne peuvent utiliser
l'article 9-1 du code civil pour faire cesser l'atteinte à la présomption
d'innocence. C'est donc une situation paradoxale.
Nous ne voulons pas aller jusqu'au bout de ce que l'on pourrait faire,
c'est-à-dire prévoir que l'atteinte à la présomption d'innocence peut être
réprimée par le référé présomption d'innocence même s'il n'y a absolument
aucune instance judiciaire.
Notre amendement vise à étendre l'application de l'article 9-1 du code civil à
toutes les personnes présentées comme coupables de faits faisant l'objet d'une
enquête ou d'une instruction. La limite que nous introduisons est qu'il faut
que les faits que l'on impute à ces personnes fassent l'objet d'une enquête ou
d'une instruction, mais il n'y a pas besoin que ces personnes soient déjà
engagées dans la procédure judiciaire.
Il est paradoxal que, pour pouvoir être protégées par le référé présomption
d'innocence, ces personnes aient déjà dû être, par exemple, mises en examen ou
visées dans une procédure, car celles qui ne sont pas visées méritent encore
plus la protection que celles qui le sont.
Je rappelle que cette modification avait été proposée par la commission
Truche, et, dans mon souvenir, la rédaction que nous proposons était déjà celle
qui figurait dans le rapport que j'avais eu l'honneur de faire sur la
présomption d'innocence et le secret de l'instruction dans le cadre d'une
mission d'information de la commission des lois. Par conséquent, il s'agit
d'une demande ancienne.
M. le président.
L'amendement n° 117 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 67 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
L'amendement n° 169 du Gouvernement supprimant les
peines d'emprisonnement pour certains délits prévus par la loi du 29 juillet
1881 s'expliquait par la volonté du Gouvernement de préserver la liberté de la
presse.
C'est cette même volonté qui justifie mon opposition à une extension de
l'article 9-1 du code civil autre que celle, de pure coordination, à laquelle a
procédé l'Assemblée nationale du fait de l'extension du témoin assisté.
Je me suis longuement expliquée sur cette question en première lecture et je
reconnais à M. Jolibois la constance de son point de vue.
Je ne vois pas pourquoi l'article 9-1 du code civil devrait être applicable à
des personnes qui ne sont pas juridiquement mises en cause dans une procédure
pénale, comme le prévoit l'amendement présenté par la commission.
Dans de telles hypothèses, les dispositions réprimant la diffamation comme
celles sur le droit de réponse peuvent recevoir application, et cela m'apparaît
constituer une voie suffisante pour parvenir à un équilibre entre la protection
de la réputation des personnes et la liberté de la presse. Je suis donc opposée
à l'amendement n° 67.
Pour les mêmes raisons, j'étais opposée à l'amendement n° 117, qui supprime
toute référence à l'existence d'une procédure judiciaire en cours, ce qui vide
de tout sens les dispositions de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, et
tout particulièrement la possibilité de faire la preuve des faits
diffamatoires.
A quoi bon, notamment, encadrer l'
exceptio veritatis
, qui permet à la
personne poursuivie pour diffamation de se défendre, si l'article 9-1
s'applique à chaque propos diffamatoire faisant état de l'existence d'une
infraction, ce qui est le cas dans la plupart des diffamations ? Ce n'est que
lorsqu'une procédure judiciaire est en cours, et qu'elle est en cours contre
une personne mise en cause par les autorités judiciaires, que l'article 9-1
doit recevoir application.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 67.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
N'étant pas cosignataire de l'amendement n° 117, je ne pouvais pas le
défendre, mais cet amendement rejoint, dans ses préoccupations, ce qu'a exposé
M. le rapporteur en défendant l'amendement n° 67, même si les deux rédactions
ne sont pas tout à fait les mêmes.
Je voudrais dire amicalement à Mme la garde des sceaux que je commence à en
avoir assez de la position des tribunaux, aujourd'hui relayée par la
Chancellerie, selon laquelle la liberté de la presse serait la première liberté
en France et toutes les autres devraient lui céder le pas. Que je sache, la
liberté individuelle prime toutes les autres, et la liberté de la presse ne
consiste pas à avoir le droit de salir à tout propos, sans motif, sans preuve
et sans risque !
Nombre de nos collègues étant friands de comparaisons - on a parlé tout à
l'heure de la Grande-Bretagne, de la procédure inquisitoriale ou de la
procédure directe, sans juge d'instruction, de certains autres pays étrangers -
je dirai que, si nous étions aux Etats-Unis, ce genre de choses ne se passerait
pas. Même si les Américains sont très respectueux de la liberté de la presse,
j'aime autant vous dire que, quand la presse franchit la bande jaune, les
sanctions tombent, et c'est autre chose que les sanctions d'opérette que l'on
voit devant les tribunaux français !
C'est la raison pour laquelle, ne pouvant pas voter en faveur de l'amendement
n° 117, que j'aurais voté des deux mains, je voterai avec plaisir, bien que ce
ne soit pas le texte de mes amis, pour l'amendement n° 67, parce que trop c'est
trop, surtout lorsque cela concerne des gens qui peuvent n'être en rien
concernés par une procédure en cours.
M. Louis de Broissia.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia.
Puisqu'il y a eu un orateur pour l'amendement, il y aura un orateur contre, en
tout cas pour le Gouvernement.
Je tiens à dire à Mme le garde des sceaux que je partage l'expression qui est
la sienne...
M. Michel Charasse.
Il est directeur de journal !
M. Louis de Broissia.
... et à M. le rapporteur que je lui reconnais une grande continuité dans sa
ligne législative.
Mes chers collègues, la première lecture a permis au Sénat de faire une
avancée importante par rapport au texte de l'Assemblée nationale. Nous avons en
effet tenu à séparer ce qui relevait du code de procédure pénale de ce qui
relevait de la loi sur la presse, nous avons « rapatrié » dans la loi sur la
presse tout ce qui la concernait.
Autrement dit, sans vouloir faire, comme M. Charasse, une exégèse sur la
liberté individuelle par rapport à la liberté de la presse - je pense qu'elles
sont compatibles et non contradictoires - je dirai que les deux exercices
doivent être distincts.
M. Charasse sait comme moi que, face à la presse, il y a l'exercice fréquent,
quotidien, du droit de réponse et qu'une possibilité très grande est ouverte à
chaque citoyen diffamé d'aller devant les tribunaux.
L'amendement n° 67 introduit une confusion qui est contradictoire avec
l'intention du Sénat, en première lecture, de faire deux lois distinctes et de
ne pas affaiblir la grande loi de 1881.
M. Michel Charasse.
Les tribunaux sont aux ordres de la presse !
M. Louis de Broissia.
C'est la raison pour laquelle je ne voterai pas l'amendement soutenu par notre
excellent rapporteur.
M. Pierre Fauchon.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon.
Je voterai, moi aussi, l'amendement, qui me paraît bienvenu.
A cette occasion, je veux dire, après beaucoup d'autres, qu'il y a tout de
même un problème de la presse, monsieur de Broissia, un grave problème auquel
on n'arrive pas à trouver une solution.
Voila bien longtemps que l'on connaît les inconvénients et les abus de la
presse, le pouvoir immense dont disposent, directement ou indirectement, les
journalistes par les allusions, par les titres, par la mise en page, par toutes
sortes de procédés...
M. Michel Charasse.
Par des sous-entendus !
M. Pierre Fauchon.
... qui parviennent, sinon toujours à diffamer clairement, du moins à réduire
les uns, à oublier les autres, à faire la promotion des troisièmes. Il y a
toute une manipulation d'opinion par l'ensemble de la presse qui pose, il faut
tout de même le dire, un vrai problème.
Je ne suis pas de ceux qui croient que l'on peut résoudre ce problème par des
textes répressifs dont l'application serait confiée aux juridictions. En
revanche, je suis de ceux qui croient que, lorsqu'on dispose d'un tel pouvoir,
si l'on veut garder son autonomie, il faut gérer ses reponsabilités à travers
une démarche de déontologie.
Nous sommes quelque-uns, ici ou là, à appartenir à des professions qui
jouissent, elles aussi, d'un assez grand pouvoir, de prérogatives, mais qui
acceptent de s'engager dans des démarches de déontologie, avec des conseils de
l'ordre qui peuvent prendre des dispositions, donc un système, des mécanismes,
qui arrivent tout de même à réguler, à éviter le pire.
Pourquoi la presse n'accepte-t-elle pas d'entrer spontanément dans une telle
voie, excepté quelques chartes sympathiques adoptées par tel ou tel journal,
surtout de province d'ailleurs, alors que chacun sent bien que c'est surtout à
la presse parisienne que je fais allusion ici ? Pourquoi tout cela ne prend-il
pas plus d'envergure ?
Madame le garde des sceaux, une réflexion sur une déontologie de la presse,
compte tenu de l'importance de son pouvoir, ne serait-elle pas la bienvenue et
n'entrerait-il pas dans vos responsabilités d'engager cette réflexion ?
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 67, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 22 A est ainsi rédigé.
Article 22
M. le président.
« Art. 22. - Il est inséré, après l'article 35
bis
de la loi du 29
juillet 1881 sur la liberté de la presse, un article 35
ter
ainsi rédigé
:
«
Art. 35
ter
. - I. - Lorsqu'elle est réalisée sans l'accord de
l'intéressé, la diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le
support, de l'image d'une personne identifiée ou identifiable mise en cause à
l'occasion d'une procédure pénale mais n'ayant pas fait l'objet d'un jugement
de condamnation et faisant apparaître qu'elle porte des menottes ou des
entraves, est punie de 100 000 francs d'amende.
« II. - Est puni de la même peine le fait :
« - soit de réaliser, de publier ou de commenter un sondage d'opinion, ou
toute autre consultation, portant sur la culpabilité d'une personne mise en
cause à l'occasion d'une procédure pénale ou sur la peine susceptible d'être
prononcée à son encontre ;
« - soit de publier des indications permettant d'avoir accès à des sondages ou
consultations visés à l'alinéa précédent. »
Par amendement n° 91, M. de Broissia propose, dans le I du texte présenté par
cet article pour l'article 35
ter
de la loi du 29 juillet 1881, de
remplacer les mots : « et faisant apparaître qu'elle porte des menottes ou des
entraves » par les mots : « et faisant apparaître soit que cette personne porte
des menottes ou entraves, soit qu'elle est placée en détention provisoire ».
La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia.
J'avais déjà défendu cet amendement en première lecture.
J'estime effectivement - j'espère être rejoint en cela par la commission et
par le Sénat - que faire apparaître une personne placée en détention
provisoire, par exemple derrière les barreaux d'une prison, dans un journal est
de nature à porter atteinte à la présomption d'innocence, au même titre que la
montrer avec des menottes ou des entraves.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
La commission a émis un avis favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement a émis un avis défavorable.
J'avais déjà indiqué, en première lecture, que j'étais opposée à toute
aggravation des dispositions pénales du projet concernant la communication, car
il en résulterait, à mes yeux, une atteinte excessive à la liberté de la
presse.
J'indique toutefois que la prise de photographies au téléobjectif d'une
personne détenue dans un établissement pénitentiaire et sa diffusion ultérieure
peuvent non seulement donner lieu à des dommages et intérêts sur le fondement
des dispositions du code civil, mais constituer également le délit d'atteinte à
la vie privée, comme l'ont d'ailleurs déjà jugé le tribunal correctionnel et la
cour d'appel de Paris en 1986.
Les peines prévues par les articles 226-1 et suivants du code pénal, qui
protègent tant les prévenus que les condamnés, sont d'ailleurs plus sévères que
celles qui sont prévues par le projet de loi. Aussi M. de Broissia pourrait-il
peut-être - c'est une suggestion que je me permets de lui faire - retirer son
amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 91, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 22, ainsi modifié.
(L'article 22 est adopté.)
Article 25
M. le président.
« Art. 25. - I. -
Non modifié
.
« II. - Le quatrième alinéa de l'article 145 du même code est complété par
deux phrases ainsi rédigées :
« Si la personne majeure mise en examen ou son avocat en font la demande dès
l'ouverture de l'audience, le débat contradictoire a lieu en audience publique,
sauf si la publicité est de nature à entraver les investigations spécifiques
nécessitées par l'instruction ou à nuire à la dignité de la personne ou aux
intérêts d'un tiers. Le juge de la détention provisoire statue par ordonnance
motivée sur cette demande de publicité après avoir recueilli les observations
du ministère public, de la personne mise en examen et de son avocat. »
« III. -
Non modifié
.
« IV. - L'article 199 du même code est ainsi modifié :
« 1° Le premier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Toutefois, si la personne majeure mise en examen ou son avocat le demande
dès l'ouverture des débats, ceux-ci se déroulent et l'arrêt est rendu en séance
publique, sauf si la publicité est de nature à entraver les investigations
spécifiques nécessitées par l'instruction ou à nuire à la dignité de la
personne ou aux intérêts d'un tiers. La chambre d'accusation statue sur cette
demande, après avoir recueilli les observations du procureur général et, le cas
échéant, des avocats des autres parties, par un arrêt rendu en chambre du
conseil qui n'est susceptible de pourvoi en cassation qu'en même temps que
l'arrêt portant sur la demande principale. » ;
« 2° La seconde phrase du cinquième alinéa est supprimée.
« V. -
Supprimé.
« VI. -
Non modifié.
« VII. -
Supprimé.
» -
(Adopté.)
Articles additionnels après l'article 25
M. le président.
Par amendement n° 150, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 25, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article 26 de la loi du 29 juillet 1881 sur la
liberté de la presse, un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - La publication des noms, images et qualité des magistrats de
l'ordre judiciaire, administratif et financier ayant en charge l'instruction
d'une affaire est passible d'un an d'emprisonnement et de 500 000 francs
d'amende. Cette disposition s'applique aux publications ou émissions étrangères
vendues ou diffusées en France.
« Les magistrats qui ont facilité la divulgation des informations en cause ou
qui y ont participé sont passibles des mêmes peines. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Je suggère de compléter la loi de 1881 sur la presse par une disposition
interdisant la publication des noms, images et qualité des magistrats des
ordres judiciaire, administratif et financier qui ont en charge l'instruction
d'une affaire, sous peine d'un an de prison et d'une amende de 500 000
francs.
J'avais déjà présenté cet amendement en première lecture et Mme le garde des
sceaux m'avait dit qu'elle était « sensible au problème de la médiatisation
excessive des juges et de la justice ». Mme le garde des sceaux continuait : «
Les juges exercent leur fonction au nom du peuple français. Leur personnalité
doit disparaître derrière l'exercice de cette fonction. L'intérêt n'a pas à se
porter ni sur leur vie privée ni sur leurs opinions politiques ou
philosophiques. Cela est essentiel, me semble-t-il, pour la sécurité de la
justice et pour le bien de nos concitoyens. Par ailleurs, cette
personnalisation peut parfois transformer le cours de la procédure dans un
débat personnalisé qui oppose les uns et les autres, ce qui ne me paraît pas de
bon aloi ».
Mme le garde des sceaux m'avait cependant dit qu'elle pensait que la mesure
que je proposais était un peu sévère et avait conclu en souhaitant le retrait
de mon amendement. Elle avait toutefois affirmé que la réflexion devait se
poursuivre pour envisager des solutions permettant effectivement d'éviter les
médiatisations excessives.
J'ai donc retiré mon amendement. J'attendais une initiative de l'Assemblée
nationale, mais rien ne s'est passé.
Je constate d'ailleurs que les juges et les magistrats tiennent toujours le
haut du pavé, une photo par-ci, Mme Joly chez son coiffeur, Mme Machin
ailleurs. On est au courant de leur vie intime, ou à peu près.
Parallèlement lorsqu'on arrête, à Rouen, un pédophile, on n'a pas le droit de
connaître son nom, lequel ne paraît pas dans le journal. Et lorsqu'on a arrêté
un magistrat proxénète, comme à Bordeaux, voilà trois jours, on n'a pas donné
son nom. Je ne sais pas si vous le connaissez ; mais moi, je l'ignore !
Dans certains cas, on est content d'être en photo à la une ; dans d'autres
cas, en revanche, on préfère que cela ne paraisse pas. Si un maire d'une
commune de 150 habitants faisait la même chose, il ferait la une des journaux ;
mais là, les magistrats se protègent !
Madame le garde des sceaux et chère amie, la réflexion sur le sujet n'ayant
pas beaucoup avancé, je dépose à nouveau cet amendement. Il y en a marre de ces
juges qui se produisent à la une des journaux. La médiation est excessive. Ils
deviennent les vedettes de certaines affaires alors qu'ils sont là pour être
muets, cachés, et pour servir la loi.
M. François Autain.
Il faut leur interdire la télévision !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
La commission a émis un avis défavorable. Elle estime que cet
amendement est contraire à une certaine forme de liberté.
M. Michel Charasse.
Et au droit de réserve !
Qu'en est-il par ailleurs de l'anonymat de ceux qui violent ?
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je reconnais, monsieur le sénateur, qu'il existe des
excès dans la médiatisation de certains magistrats et, plus encore, que
certains magistrats sont fortement sollicités. Je ne crois pourtant pas que la
réponse à ces problèmes se situe au plan pénal.
Cette réponse suppose, d'une part, une adaptation des règles sur le secret des
procédures, et nous avons un début de réponse sur ce point avec les
dispositions du présent projet sur les fenêtres de publicité. Elle suppose,
d'autre part, des procédures disciplinaires en cas de manquement au devoir de
réserve. Je ne pense donc pas que la création d'une infraction pénale en cas de
divulgation de l'identité ou de l'image d'un magistrat soit la bonne réponse et
votre amendement ne semble en réalité pas adapté.
Quant à l'anonymat des magistrats qui se sont rendus coupables de crimes ou de
délits, en général, dans le cas de sanctions pénales, il ne dure pas très
longtemps et, dans le cas de sanctions disciplinaires, surtout lorsqu'elles
sont assorties de sanctions pénales, de plus en plus, on sait de qui il
s'agit.
J'ajoute que j'avais proposé dans le projet de loi organique sur la
responsabilité des magistrats, lequel projet est bloqué - provisoirement je
l'espère - en raison du report de la loi constitutionnelle sur le Conseil
supérieur de la magistrature, que l'anonymat soit levé dans le cas de sanctions
disciplinaires du Conseil supérieur de la magistrature.
Sachant qu'en matière pénale, en général, cet anonymat n'est pas tenu, il ne
faut pas non plus trop exagérer.
Ces dispositions, je l'espère, entreront rapidement en vigueur ; par ailleurs,
il ne me semble pas possible de sanctionner au plan pénal la médiatisation
excessive, je suis donc défavorable à l'amendement.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Je maintiens cet amendement parce que je considère que les magistrats n'ont
pas à se faire de publicité sur les affaires qu'ils instruisent.
J'ajoute que j'ai bien entendu les propos qu'a tenus Mme le garde des sceaux
en ce qui concerne ceux qui fautent. Je constate simplement que, tant que
l'affaire n'est pas arrivée devant le Conseil supérieur de la magistrature ou
la juridiction de jugement, on ignore complètement les noms de ceux qui
franchissent la bande jaune.
En revanche, le pauvre instituteur d'une commune de cent cinquante habitants
qui est soupçonné de la moindre chose, lui, j'aime autant vous dire qu'on ne
lui fait pas de cadeau et que le juge, quelquefois, se charge de faire de la
publicité sur son cas.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 150, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 25.
Par amendement n° 151, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 25, un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse
est abrogé.
« II. - Il est inséré, après le premier alinéa de l'article 32 de la même loi,
un alinéa ainsi rédigé :
« Les peines sont portées à un an et 300 000 francs lorsque la diffamation est
commise, à raison de leurs fonctions ou de leur qualité, envers un ou plusieurs
membres du ministère, un ou plusieurs membres de l'une ou l'autre Chambre, un
fonctionnaire public, un dépositaire ou agent de l'autorité publique, un
ministre de l'un des cultes salariés par l'Etat, un citoyen chargé d'un service
ou d'un mandat public, temporaire ou permanent, un juré ou un témoin à raison
de sa déposition. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Il y a là une disposition que j'avais déjà présentée en première lecture et
qui avait été adoptée par le Sénat. En revanche, je ne comprends pas pourquoi -
mais je finirai un jour par comprendre, je pense - l'Assemblée nationale ne l'a
pas retenue.
Mes chers collègues, ceux d'entre vous qui ont été confrontés à ce problème
savent les difficultés de procédure qui entourent la mise en oeuvre de la
diffamation dans le cadre de la loi de 1881, notamment lorsqu'on exerce des
responsabilités. Deux articles de la loi de 1881 traitent du sujet : les
articles 31 et 32. Ces articles prévoient des peines pour la diffamation, mais
ils font la distinction entre les personnes dites protégées et celles qui ne le
sont pas.
La personne non protégée, c'est le citoyen de base, oserai-je dire ; et la
personne protégée, c'est le citoyen qui exerce des responsabilités
particulières, un élu, un ministre, un fonctionnaire, un agent de l'autorité
publique, un citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public, etc. Or un très
grand nombre de procédures engagées pour diffamation sont déclarées
irrecevables par les tribunaux, d'abord parce qu'ils n'aiment pas beaucoup
condamner la presse et, ensuite, parce que, lorsqu'il s'agit d'un responsable
ou d'un élu, le tribunal s'efforce de faire une analyse très fine pour savoir
si l'individu a été insulté ou diffamé comme personne individuelle ou comme
personne protégée.
Généralement, si l'on va devant le tribunal en disant : « On m'a insulté en ma
qualité de parlementaire », le tribunal répond : « Non ! on vous a insulté à
titre personnel. Vous vous êtes fondé sur l'article 32, alors qu'il fallait
vous fonder sur l'article 31. Irrecevable ». Si l'on dit au contraire : « On
m'a insulté à titre personnel », le tribunal répond : « Non ! on vous a insulté
comme parlementaire. Il ne fallait pas vous fonder sur l'article 31, il fallait
vous fonder sur l'article 32. Irrecevable aussi ».
Le maintien de ce privilège de personne protégée ne se justifiant plus dans un
Etat moderne, où l'on est contre les privilèges, à juste titre d'ailleurs, je
propose de supprimer la distinction entre les personnes protégées et celles qui
ne le sont pas, de manière que tous les citoyens, qu'ils soient responsables ou
non, soient soumis à la même règle.
C'est la raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement n° 151, qui vise à
abroger l'article 31 de la loi de 1881 sur la presse et à regrouper tout sous
l'article 32. Ainsi, les tribunaux n'auront plus d'échappatoire par la
procédure pour éviter d'avoir à se prononcer sur le fond sur des faits qui sont
caractérisés comme diffamatoires.
J'ajoute que, dans la plupart des cas, le tribunal commence par dire : « C'est
vraiment diffamatoire, c'est vraiment scandaleux, inadmissible. Vous n'avez pas
pris le bon article, allez donc vous rhabiller ! »
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
L'amendement a pour objet d'éviter qu'une personne ne se
trompe lorsqu'elle porte plainte en ne choisissant pas le bon article. Or, le
regroupement des deux incriminations dans un même article n'aura certainement
pas les effets escomptés, puisqu'il faudra que le plaignant porte plainte sur
le fondement de l'alinéa pertinent, dès lors que les peines ne sont pas les
mêmes.
Nous retrouverons exactement les inconvénients que l'auteur de l'amendement
voulait éviter.
M. Michel Charasse.
Pas du tout !
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président,
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Le Gouvernement lui non plus n'est pas favorable à cet
amendement, puisque je ne pense pas qu'il permette d'atteindre les objectifs
qu'il s'est fixés. Même en insérant dans le même article les diffamations
contre les personnes publiques et contre les particuliers, les peines étant
différentes, il s'agira toujours de deux infractions différentes. Le bon alinéa
devra être visé précisément dans les actes de poursuite à peine de nullité de
la procédure.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 151.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Je crois que M. le rapporteur et Mme le garde des sceaux ont fait une
confusion, monsieur le président, mais c'est certainement involontaire.
Pour l'instant, les personnes dites protégées relèvent de l'article 31 de la
loi du 29 juillet 1881. Je propose de le supprimer. Il n'y a donc plus de
personnes protégées.
Je procède simplement, dans l'article 32, à une distinction entre les citoyens
que j'appellerai « ordinaires » - mais ce terme n'est pas méprisant dans ma
bouche - et les personnes qui sont investies de responsabilités
particulières.
La plainte sera déposée sur le fondement de l'article 32 et il reviendra,
ensuite, au tribunal de décider si la personne est passible de l'aggravation
des peines prévues à l'article 32 que j'ajoute ou de la peine simple.
Aujourd'hui, en revanche, il n'est pas possible de déposer une plainte sur le
fondement des articles 31 et 32. Il faut choisir l'un ou l'autre de ces
articles. C'est ainsi que 80 % des affaires sont déclarées irrecevables alors
que les faits de diffamation sont caractérisés. Je me permets d'insister sur ce
point.
J'ajoute que le Sénat avait adopté en première lecture cette disposition que
la commission des lois avait jugée à l'époque, très bonne.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
La loi du 29 juillet 1881 est semée d'embûches et de causes
de nullité qu'il faut connaître. Il faut être un spécialiste pour la manier.
M. Michel Charasse.
Je suis parfaitement d'accord !
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Si un plaideur, dans son assignation, ne visait pas le bon
alinéa, sa plainte serait rejetée.
Par conséquent, si vous aviez voulu créer une nouvelle disposition, il aurait
fallu unifier les peines mais, comme précisément on veut les aggraver pour les
personnalités investies de responsabilités particulières, le spécialiste qui
rédigera l'assignation devra viser le bon alinéa.
Il est aussi difficile de ne pas se tromper entre deux articles qu'entre deux
alinéas. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis
défavorable.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Compte tenu des explications de M. le rapporteur, je rectifie mon amendement
en supprimant le paragraphe II et la référence aux personnes protégées.
C'est plus simple. Il n'y aurait plus qu'une seule procédure pour tout le
monde, il n'y aura donc plus de problème.
M. le président.
Je suis donc saisi par M. Charasse d'un amendement n° 151 rectifié tendant à
insérer, après l'article 25, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est
abrogé. »
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Cet amendement répond à une raison technique. Mais je n'ai
pas dit tout à l'heure qu'il fallait supprimer le cas des personnes protégées.
Selon moi, il faut le maintenir.
M. Michel Charasse.
Elles ne sont plus du tout protégées, puisqu'elles perdent tout le temps !
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Par conséquent, à titre personnel, puisque je n'ai pas pu
consulter la commission, je maintiens l'avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 151 rectifié ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 151 rectifié, repoussé par la commission et
par le Gouvernement.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par
assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 25.
Articles 25 bis et 25 ter
M. le président.
Les articles 25
bis
et 25
ter
ont été supprimés par l'Assemblée
nationale.
Article additionnel après l'article 25
ter
M. le président.
Par amendement n° 94, M. Gélard propose d'insérer, après l'article 25
ter,
un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article 65-2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la
liberté de la presse, un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. ... -
L'annonce d'une décision de non-lieu, de relaxe ou
d'acquittement doit faire l'objet de la part des organes de presse écrite et
audiovisuelle des mêmes conditions de diffusion que l'annonce de la mise en
examen. »
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Les organes de presse oublient généralement de mentionner, après qu'une
personne a été mise en examen, la décision de non-lieu, de relaxe ou
d'acquittement dont elle fait l'objet. Cet amendement vise donc à rétablir un
équilibre entre les annonces publiées qui concernent la mise en examen et
celles qui sont relatives à l'acquittement, au non-lieu ou à la relaxe.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
La commission est défavorable à cet amendement, les termes :
« mêmes conditions de diffusion » recouvrant une notion extrêmement vague, qui
rend la disposition difficilement applicable. Comment faut-il entendre ces
termes ? Faut-il prendre en compte la quantité des articles, leur emplacement ?
Les droits de réponse donnent lieu à un dosage extrêmement précis.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je comprends l'objectif que M. Gélard cherche à
atteindre. Toute personne mise en cause ayant, à ce titre, fait l'objet
d'articles de presse très fréquents et bénéficiant, finalement, d'une décision
de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement souhaiterait, bien évidemment, que la
publicité donnée à la décision qui l'innocente soit équivalente à celle qui a
été donnée à sa mise en cause, injustifiée selon la décision de justice. Mais
je partage le point de vue de M. le rapporteur : il sera, en pratique,
impossible de prendre des dispositions exactement équivalentes.
Par ailleurs, il est déjà prévu par ce projet de loi un droit de réponse et la
possibilité de demander au juge la publication d'un communiqué dans des
conditions qui sont encore améliorées. Je suis donc défavorable à cet
amendement n° 94.
M. le président.
Monsieur Gélard, l'amendement est-il maintenu ?
M. Patrice Gélard.
Je voulais attirer, une fois de plus, l'attention sur la nécessité de mettre
en place une déontologie dont a parlé tout à l'heure M. Fauchon.
Toutefois, je me rends bien compte qu'une telle disposition est quasiment
impossible à appliquer. C'est la raison pour laquelle, ayant posé le problème,
je retire cet amendement.
M. Pierre Fauchon.
Merci pour ce soutien moral !
M. le président.
L'amendement n° 94 est retiré.
TITRE II
DISPOSITIONS
RENFORÇANT LES DROITS DES VICTIMES
Chapitre Ier
Dispositions réprimant l'atteinte à la dignité
d'une victime d'une infraction pénale
Articles 26, 26
bis
et 27
M. le président.
« Art. 26. - I. - Il est inséré, après l'article 35
bis
de la loi du 29
juillet 1881 sur la liberté de la presse, un article 35
quater
ainsi
rédigé :
«
Art. 35
quater
. - La diffusion, par quelque moyen que ce soit
et quel qu'en soit le support, de la reproduction des circonstances d'un crime
ou d'un délit, lorsque cette reproduction porte gravement atteinte à la dignité
d'une victime et qu'elle est réalisée sans l'accord de cette dernière, est
punie de 100 000 francs d'amende. »
« II. -
Non modifié.
« III. - Les troisième et quatrième alinéas de l'article 38 de la même loi
sont supprimés. » -
(Adopté.)
« Art. 26
bis.
- L'article 48 de la loi du 29 juillet 1881 précitée est
ainsi modifié :
« 1° Il est ajouté, après le 6°, un 7° et un 8° ainsi rédigés :
«
7°
Dans le cas de diffusion de l'image d'une personne menottée ou
entravée prévue par l'article 35
ter,
la poursuite n'aura lieu que sur
la plainte de la personne intéressée ;
«
8°
Dans le cas d'atteinte à la dignité de la victime prévue par
l'article 35
quater
, la poursuite n'aura lieu que sur la plainte de la
victime. » ;
« 2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« En outre, dans les cas prévus par les 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7° et 8°
ci-dessus, ainsi que dans les cas prévus aux articles 13 et 39
quinquies
de la présente loi, la poursuite pourra être exercée à la requête de la partie
lésée. » -
(Adopté.)
« Art. 27. - I. - L'article 39
bis
de la loi du 29 juillet 1881
précitée est ainsi rédigé :
«
Art. 39
bis
. - Est puni de 100 000 francs d'amende le fait de
diffuser, de quelque manière que ce soit, des informations relatives à
l'identité ou permettant l'identification :
« - d'un mineur ayant quitté ses parents, son tuteur, la personne ou
l'institution qui était chargée de sa garde ou à laquelle il était confié ;
« - d'un mineur délaissé dans les conditions mentionnées aux articles 227-1 et
227-2 du code pénal ;
« - d'un mineur qui s'est suicidé ;
« - d'un mineur victime d'une infraction.
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsque la
publication est réalisée à la demande des personnes ayant la garde du mineur ou
des autorités administratives ou judiciaires. »
« II. -
Non modifié.
» -
(Adopté.)
Article additionnel après l'article 27
M. le président.
Par amendement n° 136, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 27, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Après le 1° de l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la
liberté de la presse, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ... . Dans les cas d'injure, de diffamation, d'offense ou d'outrage envers
un membre du Gouvernement, la poursuite aura lieu sur sa demande adressée au
ministre de la justice qui donne les instructions nécessaires au ministère
public. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Il s'agit d'une disposition que nous avions adoptée, avec l'accord du
Gouvernement, au moment de l'examen du projet de loi sur les
liensChancellerie-parquet. Le garde des sceaux se souvient certainement de la
conversation que nous avions eue alors à propos des cas de diffamation à
l'égard des membres du Gouvernement.
Ces derniers n'ont pas le droit de saisir eux-mêmes la justice lorsqu'ils font
l'objet d'une diffamation. Seul le garde des sceaux peut saisir, et ce en vertu
non pas d'une disposition de la loi de 1881, mais d'une interprétation
jurisprudentielle très ancienne de la Cour de cassation. Or, au moment de la
discussion du projet de loi sur les liens Chancellerie-parquet, le garde des
sceaux nous a dit à plusieurs reprises qu'elle ne donnait plus d'instruction au
parquet. Au cas particulier, pour pouvoir poursuivre dans une affaire qui
concerne les ministres, il faut pourtant donner une instruction de poursuite au
parquet. C'est la raison pour laquelle j'avais proposé cet amendement lors de
la discussion du projet de loi relatif aux liens Chancellerie-parquet.
Mais ce projet de loi étant actuellement en instance à l'Assemblée nationale
pour la deuxième lecture, et ne sachant pas à quelle date nous le
réexaminerons, je pense qu'il faut régler le problème en revotant cette
disposition, qui a plus de chance de « prospérer » et d'aller à son terme dans
ce texte que dans le projet sur les liens Chancellerie-parquet !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
L'amendement n° 136 a pour objet de prendre en compte les
dispositions du projet de loi Chancellerie-parquet tendant à supprimer les
instructions du garde des sceaux, mais la discussion de ce projet de loi est
actuellement interrompue.
Il est préférable d'attendre qu'elle reprenne, car je ne pense pas qu'il soit
opportun d'examiner cet amendement dans le cadre de la présomption d'innocence.
C'est pourquoi la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je ne suis pas opposée à cet amendement, à condition
qu'il soit rédigé comme l'actuel 5° de l'article 48 de la loi du 29 juillet
1881, qui concerne les délits d'offenses ou d'outrages aux chefs d'Etat ou
diplomates étrangers.
Il conviendrait donc de rédiger ainsi la fin de la disposition : « la
poursuite aura lieu sur sa demande adressée au ministre de la justice », sans
préciser que ce dernier « donne les instructions nécessaires au ministère
public ».
En effet, comme en cas d'offense aux chefs d'Etat étrangers, le garde des
sceaux n'a pas à donner d'instruction au parquet ; il lui adresse simplement la
plainte et le ministère public est tenu d'y donner suite en raison de la
tradition républicaine qui existe en cette matière.
Il conviendrait par ailleurs de supprimer de l'amendement les mots « d'offense
ou d'outrage », car seules l'injure ou la diffamation envers les membres du
Gouvernement, et non les offenses ou outrages, sont réprimés par la loi sur la
presse.
Si le texte était ainsi rectifié, je m'en remettrais à la sagesse du Sénat.
Cela n'a donc pas grand-chose à voir avec le projet relatif aux liens
parquet-Chancellerie. Par conséquent, j'espère ardemment qu'une fois levée
l'opposition de l'opposition, à la révision constitutionnelle par le Congrès,
je pourrais présenter le projet en deuxième lecture devant le Parlement.
M. le président.
Monsieur Charasse, acceptez-vous la suggestion de Mme le garde des sceaux ?
M. Michel Charasse.
Tout à fait, monsieur le président, cela répond au problème posé.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 136 rectifié, présenté par M. Charasse
et tendant à insérer, après l'article 27, un article additionnel ainsi rédigé
:
« Après le 1° de l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la
liberté de la presse, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Dans les cas d'injure et de diffamation, envers un membre du
Gouvernement, la poursuite aura lieu sur sa demande adressée au ministre de la
justice. »
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 136 rectifié ?
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 136 rectifié, pour lequel la commission et le
Gouvernement s'en remettent à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 27.
Chapitre II
Dispositions relatives aux associations d'aide
aux victimes et aux constitutions de partie civile
Section 1
Dispositions relatives aux associations d'aide
aux victimes
Articles 28 et 28
ter
M. le président.
« Art. 28. - L'article 41 du code de procédure pénale est complété par un
alinéa ainsi rédigé :
« Le procureur de la République peut également recourir à une association
d'aide aux victimes ayant fait l'objet d'un conventionnement de la part des
chefs de la cour d'appel, afin qu'il soit porté aide à la victime de
l'infraction. » -
(Adopté.)
« Art. 28
ter.
- I. - Après l'article 53 du code de procédure pénale,
il est inséré un article 53-1 ainsi rédigé :
«
Art. 53-1
. - Les officiers et les agents de police judiciaire
informent les victimes de leur droit d'obtenir réparation du préjudice subi et
d'être aidées par un service relevant d'une ou plusieurs collectivités
publiques ou une association conventionnée d'aide aux victimes. »
« II. - L'article 75 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ils informent les victimes de leur droit d'obtenir réparation du préjudice
subi et d'être aidées par un service relevant d'une ou plusieurs collectivités
publiques ou une association conventionnée d'aide aux victimes. » -
(Adopté.)
Article additionnel avant l'article 28
quinquies
et article 28
quinquies
M. le président.
Par amendement n° 163, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain
et citoyen proposant d'insérer, avant l'article 28
quinquies,
un article
additionnel ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa de l'article 2-6 du code de procédure pénale, après
les mots : "discriminations fondées sur le sexe", sont insérés les mots : ",
l'orientation sexuelle, vraie ou supposée," et après les mots : "commises en
raison du sexe," sont insérés les mots : "de l'orientation sexuelle, vraie ou
supposée,". »
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Les explications que je développerai ici valent également pour les amendements
n°s 164, 165 et 166 qui ont été déposés par le groupe communiste républicain et
citoyen et qui ont pour objet commun la lutte contre l'homophobie.
La récente loi sur le PACS a révélé combien les homosexuels, gays ou
lesbiennes étaient encore exposés à des manifestations de violences physiques
ou verbales et à des discriminations.
A cette occasion, nous ont aussi été révélées les lacunes de notre droit et
l'urgence qu'il y a à adopter une législation adaptée, permettant de protéger
les homosexuels contre les discours de haine et les discriminations, et à faire
ainsi respecter pleinement les principes d'égalité et de liberté auxquels notre
pays est profondément attaché.
L'article Ier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789,
auquel notre Constitution donne force positive par référence dans son
préambule, constitue l'un des principes fondateurs de notre République qui
affirme sans ambiguïté : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en
droits ».
Pour être effective, la lutte contre les comportements homophobes nécessite
que les homosexuels puissent être défendus par des associations agissant en
leur nom collectif. Bien souvent, la lutte individuelle en cette matière est
douloureuse, difficile à mettre en oeuvre et, dès lors, insuffisante. On en a
des exemples, en particulier en matière de propos racistes ou antisémites.
Il apparaît par conséquent impératif de modifier l'article 2-6 du code de
procédure pénale afin d'intégrer, au titre des associations habilitées à
exercer les droits reconnus à la partie civile, celles qui visent la lutte
contre les discriminations fondées non seulement sur le sexe et les moeurs,
mais également sur l'orientation sexuelle, vraie ou supposée.
Dans le même sens, il est nécessaire de modifier l'article 2-18 du code, tel
qu'il est proposé par le texte de l'Assemblée nationale, afin de permettre à
des associations gays et lesbiennes de se porter partie civile dans les
affaires d'atteintes volontaires à la vie et à l'intégrité de la personne. Tel
est l'objet de nos amendements n°s 164 et 165.
Enfin, il nous semble indispensable que l'incitation à la haine homophobe soit
pénalement réprimée : nous vous proposons, en conséquence, de permettre à ces
mêmes associations de se constituer partie civile dans les affaires de presse.
Elles doivent également pouvoir porter plainte pour diffamation ou injure ;
l'amendement n° 166 a été déposé dans cette perspective.
En commission des lois, nous avons vu opposer à nos amendements l'argument
selon lequel l'expression « orientation sexuelle » serait trop floue pour
constituer une définition juridique opérationnelle. Je note pourtant que ces
termes sont précisément ceux qui sont retenus dans l'article 13 du traité
instituant la Communauté européenne, modifié par le traité d'Amsterdam : « Sans
préjudice des autres dispositions du présent traité et dans les limites des
compétences que celui-ci confère à la Communauté, le Conseil, statuant à
l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement
européen, peut prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute
discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion
ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle ».
Cet article, je le souligne, figure d'ailleurs dans la partie consacrée aux
principes de la Communauté, ce qui en fait une pierre angulaire de tout le
droit communautaire.
La commission des lois nous a, en outre, objecté que nos propositions feraient
double emploi avec la lutte contre les discriminations fondées sur les moeurs.
C'est vrai, en théorie ! Mais ce discours s'effrite devant la réalité
judiciaire car, si l'on y regarde de plus près, il n'existe pas de
jurisprudence sur cette base.
Il apparaît donc aujourd'hui indispensable d'aller au-delà et d'affirmer
explicitement notre volonté, en tant que législateurs, de prendre toutes les
mesures qui s'imposent pour lutter contre les discriminations liées tant au
sexe qu'à l'orientation sexuelle de la personne.
A l'heure de la parité, on ne peut justifier que subsistent encore des
inégalités de cette nature. C'est pourquoi nous vous demandons d'adopter
l'ensemble des amendements de notre groupe.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Je demande que l'amendement n° 68, qui concerne le même
problème, soit examiné par priorité.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
La priorité est ordonnée.
J'appelle donc en discussion par priorité l'article 28
quinquies.
« Art. 28
quinquies
. - Après l'article 2-16 du même code, il est inséré
un article 2-18 ainsi rédigé :
«
Art. 2-18
. - Toute association régulièrement déclarée depuis au
moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de combattre
les discriminations fondées sur le sexe, sur les moeurs, peut exercer les
droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne, d'une part, les
discriminations réprimées par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal,
d'autre part, les atteintes volontaires à la vie et à l'intégrité de la
personne et les destructions, dégradations réprimées par les articles 221-1 à
221-4, 222-1 à 222-18 et 322-13 du code pénal, lorsqu'elles ont été commises en
raison du sexe, de la situation de famille, des moeurs de la victime, et par
l'article L. 123-1 du code du travail. »
Sur cet article, je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet
d'une discussion commune.
Par amendement n° 68, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit cet article :
« L'article 2-6 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« L'association peut également exercer les droits reconnus à la partie civile
en cas d'atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne et de
destructions, dégradations et détériorations réprimées par les articles 221-1 à
221-4, 222-1 à 222-18 et 322-1 à 322-13 du code pénal, lorsque ces faits ont
été commis en raison du sexe ou des moeurs de la victime, dès lors qu'elle
justifie avoir reçu l'accord de la victime ou, si celle-ci est un mineur ou un
majeur protégé, celui de son représentant légal. »
Les deux amendements suivants sont présentés par M. Bret et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 164 vise, dans le texte présenté par l'article 28
quinquies
pour l'article 2-18 du code de procédure pénale, après les
mots : « discriminations fondées sur le sexe, », à insérer les mots : «
l'orientation sexuelle, vraie ou supposée ».
L'amendement n° 165 tend, dans le texte présenté par l'article 28
quinquies
pour l'article 2-18 du code de procédure pénale, après les
mots : « commises en raison du sexe, », à insérer les mots : « l'orientation
sexuelle, vraie ou supposé, ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 68.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Cet amendement a pour objet de permettre à des associations
qui luttent contre les discriminations en matière de moeurs d'exercer des
droits reconnus à la partie civile. Il couvre donc le même problème que
l'amendement de M. Bret, mais avec un langage différent.
Ce langage a paru préférable à la commission. Nous visons ainsi les faits qui
ont été commis en raison du sexe ou des moeurs de la victime. Cette expression
me paraît plus complète, plus claire et plus précise que la notion
d'orientation sexuelle, vraie ou supposée.
C'est la raison pour laquelle la commission des lois souhaite le vote de
l'amendement n° 68, qui rendrait inutile l'adoption de l'amendement n° 163,
dont la conséquence était d'introduire dans nos codes une nouvelle notion déjà
comprise dans la notion traditionnelle.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 68 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Les amendements n°s 164 et 165 ont le même objectif :
mieux asseoir la condamnation de discrimination pour des orientations
sexuelles. J'avoue, moi aussi, préférer la rédaction de l'amendement de la
commission des lois, amendement auquel je suis favorable.
M. le président.
Les amendements n°s 164 et 165 sont-ils maintenus ?
M. Robert Bret.
Ils le sont.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 68, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 28
quinquies
est ainsi rédigé et les
amendements n°s 163, 164 et 165 n'ont plus d'objet.
Article additionnel après l'article 28
quinquies
M. le président.
Par amendement n° 166, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain
et citoyen proposent d'insérer, après l'article 28
quinquies,
un article
additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la
liberté de la presse est ainsi rédigé :
« Toute association, régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date
des faits, se proposant, par ses statuts, de combattre le racisme, l'homophobie
ou d'assister les victimes de discriminations fondées sur leur origine
nationale, ethnique, raciale, religieuse ou leur orientation sexuelle, vraie ou
supposée, peut exercer les droits reconnus à la partie civile, en ce qui
concerne les articles 24 (alinéas 2 et 6), article 32 (alinéa 2) et article 33
(alinéa 3) de la présente loi. »
Cet amendement est devenu sans objet du fait de l'adoption de l'amendement n°
68.
Article 28
sexies
M. le président.
« Art. 28
sexies
. - Après l'article 2-16 du même code, il est inséré un
article 2-19 ainsi rédigé :
«
Art. 2-19
. - Toute association nationale régulièrement déclarée
depuis au moins cinq ans à la date des faits qui se propose, par ses statuts,
de défendre ou d'assister les victimes d'accidents du travail ou de maladies
professionnelles peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui
concerne les infractions prévues par les articles 221-6, 222-19 et 222-20 du
code pénal commises à l'occasion d'une activité professionnelle, lorsque
l'action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie
lésée. »
Par amendement n° 184, le Gouvernement propose, dans le texte présenté par cet
article pour l'article 2-19 du code de procédure pénale, de supprimer le mot :
« nationale » et les mots : « à la date des faits ».
La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
L'article 2-19 résultant de l'article 28
sexies
du projet de loi prévoit que les associations nationales déclarées depuis
au moins cinq ans à la date des faits et défendant les victimes d'accidents du
travail ou de maladies professionnelles pourront se constituer partie civile
pour les infractions d'homicides et de blessures involontaires commises à
l'occasion d'une activité professionnelle.
Il convient toutefois de ne pas réserver ce droit, qui ne pourra être exercé
que si l'action publique a déjà été mise en mouvement par le parquet ou la
victime et, du fait de l'amendement n° 69 de la commission de loi, uniquement
avec l'accord de la victime, aux seules associations « nationales », notion
dont l'interprétation n'est d'ailleurs pas évidente.
De même, il n'est pas souhaitable d'exiger que l'association ait cinq ans
d'ancienneté depuis la date des faits, car les fautes d'imprudence à l'origine
du dommage, notamment en matière de maladies professionnelles, peuvent avoir
été commises plusieurs dizaines d'années auparavant.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
La commission n'a pas examiné cet amendement. Je me
contenterai donc de donner mon avis personnel.
Pour ma part, je trouve une certaine logique aux modifications souhaitées par
le Gouvernement. La notion d'association nationale ne me paraît pas une notion
claire. Par ailleurs, les fautes d'imprudence peuvent en effet avoir été
commises voilà plusieurs dizaines d'années : les cinq ans d'ancienneté à la
date des faits ne se justifient donc pas.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 184, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 69, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de
compléter le texte présenté par l'article 28
sexies
pour l'article 2-19
du code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, l'association ne sera recevable dans son action que si elle
justifie avoir reçu l'accord de la victime ou, si celle-ci est mineure, celui
du titulaire de l'autorité parentale ou du représentant légal. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
La commission souhaite que la recevabilité de l'action des
associations qui défendent les victimes d'accidents du travail ou de maladies
professionnelles soit subordonnée à l'accord de la victime.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des secaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 69, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 28
sexies,
modifié.
(L'article 28
sexies
est adopté.)
Articles additionnels après l'article 28
sexies
ou après l'article 33
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 70, M. Jolibois, au nom de la commission, propose, après
l'article 28
sexies
, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 2-16 du code de procédure pénale, il est inséré un article
additionnel ainsi rédigé :
«
Art. ...
- Toute association départementale des maires régulièrement
déclarée, affiliée à l'Association des maires de France, et dont les statuts
ont été déposés depuis au moins cinq ans, peut exercer les droits reconnus à la
partie civile dans toutes les instances introduites par les élus municipaux à
la suite d'injures, d'outrages, de menaces ou de coups et blessures à raison de
leurs fonctions.
« Toutefois, l'association ne sera recevable dans son action que si elle
justifie avoir reçu l'accord de l'élu. »
Par amendement n° 127, MM. Charasse, Dreyfus-Schmidt, Badinter et les membres
du groupe socialiste et apparentés proposent, après l'article 33, d'insérer un
article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 2-16 du code de procédure pénale, il est inséré un article
additionnel ainsi rédigé :
«
Art. ...
- Toute association départementale des maires régulièrement
déclarée, dont les statuts ont été déposés depuis au moins cinq ans et qui est
affiliée à l'Association des maires de France, reconnue d'utilité publique,
peut exercer les droits reconnus à la partie civile dans toutes les instances
introduites par les élus municipaux à la suite d'injures, d'outrages, de
menaces ou d'agressions à raison de leurs fonctions. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 70.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
L'objet de l'amendement n° 70 est de reprendre une
disposition que vous aviez déjà adoptée, mes chers collègues, sur proposition
des membres du groupe socialiste lors de la discussion du projet de loi relatif
à l'action publique en matière pénale.
De très nombreuses associations peuvent exercer des droits reconnus à la
partie civile, et il paraît légitime que les associations de maires puissent
aussi jouer ce rôle lorsque certains d'entre eux sont victimes d'infractions
dans l'exercice de leurs fonctions.
M. le président.
La parole est à M. Charasse, pour présenter l'amendement n° 127.
M. Michel Charasse.
C'est la reprise de l'amendement que nous avions adopté, avec l'accord du
Gouvernement, à propos du texte parquet-chancellerie. Toutefois, l'amendement
n° 70 comprend un deuxième alinéa, qui contient une précision utile. Par
conséquent, je retire l'amendement n° 127 au profit de l'amendement n° 70.
M. le président.
L'amendement n° 127 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 70 ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des secaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 70, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 28
sexies.
Section 2
Dispositions
relatives aux constitutions de partie civile
Article 29 A
M. le président.
« Art. 29 A. - L'article 80-3 du même code est ainsi rétabli :
«
Art. 80-3
. - Dès le début de l'information, le juge d'instruction
doit avertir la victime d'une infraction de l'ouverture d'une procédure, de son
droit de se constituer partie civile et des modalités d'exercice de ce droit.
Si la victime est mineure, l'avis est donné à ses représentants légaux. » -
(Adopté.)
Article additionnel après l'article 29 B
M. le président.
Par amendement n° 89, MM. de Broissia, Darcos et Gélard proposent d'insérer,
après l'article 29 B, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 418 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« Toutefois les associations pouvant exercer les droits reconnus à la partie
civile ne peuvent demander des dommages-intérêts d'un montant supérieur à un
franc. »
La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia.
Mes collègues MM. Darcos et Gélard et moi-même souhaitons attirer l'attention
de la Haute Assemblée sur le fait que certaines associations, comme l'ont
souligné le rapport Massot et le rapport Albertini, peuvent aller au-delà de
leur mandat qui consiste à défendre leurs adhérents et devenir des financiers
avisés, se livrant parfois à du harcèlement judiciaire à des fins purement
financières. Nous proposons donc qu'à l'instar de ce qui existe en Espagne, en
Italie et au Royaume-Uni, les associations pouvant exercer les droits reconnus
à la partie civile ne puissent demander qu'un franc de dommages et intérêts.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
L'exercice par les associations des droits reconnus à la
partie civile peut parfois donner lieu à des abus. Cependant, la mesure
suggérée par M. de Broissia, qui consiste, au détour d'un amendement, à limiter
le montant des dommages et intérêts à un franc est bien brutale. Si cette
disposition était adoptée, certaines associations remarquables seraient très
rapidement mises hors de course alors que leur utilité n'est pas contestée.
Cet amendement soulève certes un réel problème, mais il mérite une réflexion
beaucoup plus approfondie que celle qui a été menée. C'est pourquoi la
commission y a émis un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Je suis également défavorable à cet amendement pour des
raisons indentiques à celles que vient d'exposer M. le rapporteur.
Même si des abus existent, il n'empêche que, dans certains cas, et ils sont
nombreux, il est légitime qu'une association puisse percevoir des dommages et
intérêts. Quand une association de lutte contre le tabagisme, dont le budget
sert à communiquer sur les dangers du tabac chez les jeunes, obtient des
dommages et intérêts importants de la part d'une société condamnée pour
publicité illicite en faveur du tabac, publicité qui réduit à néant les efforts
de communication de l'association, n'est-ce pas légitime ?
On peut tenir le même raisonnement vis-à-vis d'autres associations qui
accomplissent un rôle social : je pense aux associations antisectes, aux
associations qui défendent les travailleurs victimes de maladies
professionnelles. En outre, une association peut être la victime directe d'une
infraction, par exemple d'un vol ; elle a alors également le droit à des
dommages et intérêts. C'est pourquoi je ne pense pas qu'il faille prévoir dans
un texte que les associations ne peuvent avoir droit qu'à des dommages et
intérêts limités au franc symbolique.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 89.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Monsieur le président, je souhaite rectifier cet amendement n° 89 pour que la
fin de l'alinéa proposé soit rédigé de la façon suivante : « ...ne peuvent
demander des dommages-intérêts d'un montant supérieur à un franc en sus du
remboursement éventuel des dépenses engagées dans l'affaire. »
M. Michel Charasse.
C'est l'article 700.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 89 rectifié, tendant à insérer, après
l'article 29 B, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 418 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« Toutefois, les associations pouvant exercer les droits reconnus à la partie
civile ne peuvent demander des dommages-intérêts d'un montant supérieur à un
franc en sus du remboursement éventuel des dépenses engagées dans l'affaire.
»
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Sans doute cette rectification témoigne-t-elle de la bonne
volonté des auteurs de l'amendement pour venir au-devant des préoccupations de
la commission, mais elle ne saurait lever complètement nos réserves, notamment
au regard de la jurisprudence des tribunaux et des cours en ce qui concerne
l'article 700.
En effet, monsieur Gélard, on ne voit pas comment ces dommages-intérêts de un
franc « en sus du remboursement éventuel des dépenses engagées » pourraient
être suffisants, ni comment une association pourrait faire la preuve des
dépenses effectivement engagées.
Par conséquent, force m'est de considérer que les raisons demeurent qui
avaient conduit la commission à émettre un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou,
garde des sceaux.
Défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 89 rectifié.
M. Pierre Fauchon.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon.
Je voudrais me référer à la pensée de Tocqueville, qu'on ne peut guère
suspecter d'avoir été un avant-gardiste effréné.
Je trouve surprenant, désolant même, ce genre de dispositif manifestement
anti-associations. On voit bien à quel état d'esprit il correspond ! Eh bien
moi, avec Tocqueville et quelques autres, je crois que les associations jouent
un rôle essentiel dans les sociétés qui se veulent démocratiques, pour
compenser l'isolement des citoyens face à la puissance des appareils d'Etat ou
d'autres grandes structures collectives. Les associations créent des réseaux de
solidarité, suscitent et fédèrent des capacités d'initiative, d'imagination, de
créativité, de dévouement.
Il est tout à fait légitime, reconnaissez-le, chers collègues, qu'à travers
les dommages et intérêts elles reçoivent non pas l'essentiel de leurs moyens,
mais des renforts qui leur sont tout à fait nécessaires. Cela est
malheureusement d'autant plus vrai chez nous que, dans la société française, à
la différence des sociétés anglo-saxonnes, il y a peu de dévouement pour
l'action collective et que le mouvement associatif n'a pas la vitalité qui
serait souhaitable.
Personnellement, je me suis beaucoup occupé, à une certaine époque de ma vie,
d'associations de consommateurs. Je me souviens que M. Monory disait alors fort
justement : « Il semble que les associations de consommateurs dérangent. Eh
bien, il faut qu'elles dérangent parce que c'est leur raison d'être ! »
Effectivement, dans une économie libérale bien équilibrée, il faut que les
consommateurs soient défendus pour rétablir l'équilibre du marché. Il faut donc
que leurs associations aient des moyens pour agir.
Dans un tout autre registre, j'évoquerai aussi des associations que je connais
bien, celles qui militent pour la défense de l'enfance maltraitée. Dans ce
domaine, il n'y a évidemment que des associations qui peuvent repérer les cas,
provoquer des poursuites. Ce ne sont certes par les enfants qui sont
susceptibles d'agir, et encore moins leurs parents ! Voilà un autre exemple
d'associations qui jouent un rôle essentiel dans notre société.
Même si, j'en suis convaincu, chers collègues, vous ne souhaitez nullement
faire du tort à de telles associations, c'est finalement la signification que
prend votre amendement.
(M. de Broissia fait un signe de dénégation.)
Mais si ! Vous ne pouvez
pas empêcher qu'il ait cette signification ! Dans le vaste réseau des
associations, cette information sera diffusée et reçue comme une marque de
défiance et d'hosilité du Sénat à l'égard de la vie associative.
C'est pourquoi, bien que n'ayant aucune autorité pour le faire, je me permets
de vous suggérer, sinon en mon nom personnel, du moins au nom de Tocqueville,
de retirer cet amendement.
M. Philippe Nogrix.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix.
Je voudrais à mon tour évoquer un exemple, qui m'est, lui, suggéré par
l'actualité toute récente. Comment les associations qui ont organisé le
nettoyage des plages par des bénévoles à la suite du naufrage de l'
Erika
pourraient-elles ne réclamer qu'un franc de dommages et intérêts ?
M. Louis de Broissia.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia.
Je rappellerai à mes éminents collègues que tout ce qui est excessif est
insignifiant. Certes, le mot n'est pas de Tocqueville, monsieur Fauchon, mais
sachez que celui-ci a nourri mon enfance. A l'occasion, je vous raconterai
comment j'ai lu Tocqueville alors que j'étais encore un enfant.
Cela étant, il ne me paraît pas sain, pour la qualité de nos débats, de
dénaturer ainsi le sens de notre proposition. Nous avons tous, ici, la volonté
de défendre les associations, de défendre leur liberté.
Je préside moi-même des associations. L'une d'elles a peut-être trois siècles,
mais elle n'a jamais vécu de procès !
Monsieur Fauchon, comprenez bien ce que nous voulons dénoncer ! Lisez le
rapport Massot et le rapport Albertini ! J'espère que vous avez au moins lu
l'objet de notre amendement...
Une association du type « loi de 1901 » doit vivre des cotisations de ses
adhérents. Elle ne doit pas vivre de procès inutiles. Qu'elle obtienne le
remboursement des frais qu'elle a engagés, cela me paraît tout à fait naturel,
mais pas plus !
Les associations qui s'occupent de l'enfance malheureuse, nous les connaissons
bien. Les présidents de conseils généraux qui sont ici travaillent tous les
jours avec elles. Quand nous nous portons partie civile, il va de soi que nous
défendons l'intérêt des enfants. Je ne demande pas pour autant des
dommages-intérêts pour couvrir tous nos frais, parce qu'une association doit
avoir ses propres ressources.
J'espère que les associations conserveront leur indépendance. Il y a une
grande loi, celle de 1901. Une commission a été créée, et je crois savoir que
Jean-Michel Belorgey, ancien président de la commission des affaires
culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, où j'ai moi-même
siégé, travaille sur cette question. Je serai très intéressé de connaître ses
propositions.
En tout cas, je ne pense pas avoir, à travers cet amendement, porté atteinte
aux associations dont j'ai l'honneur, monsieur Fauchon, d'être le président, et
qui n'ont jamais sollicité de décisions judiciaires leur permettant
d'équilibrer leurs comptes.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
M. de Broissia doit savoir que nous sommes un certain nombre à ne pas être
totalement insensibles à ses arguments. Seulement, comme le disait notre
rapporteur tout à l'heure à propos d'un autre amendement, c'est une bonne
question mais la réponse qui y est apportée n'est pas satisfaisante. Et il est
vrai que ce n'est pas facile !
Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : nous savons tous qu'il existe
quelques associations nationales, comme le Centre national de lutte contre le
tabac, qui engagent systématiquement des poursuites judiciaires, avec à la clé
de très gros dommages et intérêts. L'association que je viens de citer ne vit
que de cela et est en train de constituer une véritable sinécure à un certain
nombre de ses responsables. Deux ou trois autres associations nationales plus
ou moins spécialisées dans le domaine de l'environnement font à peu près la
même chose, notamment en récusant les déclarations d'utilité publique.
Seulement, monsieur de Broissia, comment peut-on lutter contre ces trois ou
quatre associations qui abusent de la loi...
M. Pierre Fauchon.
En assommant les autres !
M. Michel Charasse.
... sans « taper » sur toutes les autres, qui, elles, n'en abusent pas ?
M. Pierre Fauchon.
Ce n'est pas une solution !
M. Michel Charasse.
Malheureusement, c'est un problème qui, au fond, relève de l'appréciation de
l'autorité judiciaire. Si, dans ce domaine, le garde des sceaux voulait bien
réfléchir à une instruction générale aux parquets, de telle manière que, au
moins au stade des réquisitions, il soit fait preuve de discernement et qu'on
n'en vienne pas à arroser quelques associations dans des conditions
scandaleuses - étant entendu que le parquet ne fait que requérir mais que cela
donne quand même une indication au juge - je pense que nous aurions l'amorce
d'un début de commencement de réponse à la question soulevée par M. de
Broissia.
En tout état de cause, eu égard au caractère trop général de son amendement,
le groupe socialiste ne pourra pas le voter.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Monsieur le président, en accord avec le coauteur de cet amendement, compte
tenu des explications qui ont été données par les uns et par les autres, à
l'exception néanmoins de celles de M. Fauchon
(Sourires),...
M. Pierre Fauchon.
Pourtant, c'était les plus justifiées !
M. Patrice Gélard.
... je retire l'amendement n° 89 rectifié.
M. le président.
L'amendement n° 89 rectifié est retiré.
Article additionnel après l'article 31
M. le président.
Par amendement n° 90, MM. de Broissia, Darcos et Gélard proposent d'insérer,
après l'article 31, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 618-1 du code de la procédure pénale, il est inséré un
article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. ...
- La Cour peut, aux dépens de la partie adverse, mais en
tout état de cause au seul profit des associations, condamner à la publication
du jugement dans la presse, selon une liste de quotidiens et hebdomadaires
fixée par le juge. »
La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia.
Sur cet amendement, je sollicite toute l'attention de M. Fauchon, car il
témoigne bien du souci d'équilibre qui a animé ses trois coauteurs. Il s'agit
en effet de permettre à la Cour de cassation, pour bien faire valoir l'intérêt
moral des associations, de condamner la partie adverse à publier à ses frais le
texte du jugement dans la presse.
C'est dire, monsieur Fauchon - vous avez été trop rapide, mais je vous
pardonne -...
M. Pierre Fauchon.
Comme c'est gentil !
M. Louis de Broissia.
... l'intérêt que nous portons au rôle moral des associations, qui n'a rien à
voir avec leurs intérêts financiers.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
La commission fait observer qu'il est écrit dans l'objet de
l'amendement : « Toutefois, cet amendement ne serait opérant que dans
l'hypothèse où le montant des dommages-intérêts demandés par les associations
se constituant partie civile serait plafonné. »
Par conséquent, il semble bien que cet amendement a une sorte d'odeur de
contrepartie et qu'il est totalement lié à celui qui vient d'être retiré.
M. Patrice Gélard.
C'est vrai !
M. Pierre Fauchon.
C'est le cachet d'aspirine !
(Rires.)
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Dès lors, il semblerait logique que vous retiriez aussi
celui-ci, monsieur de Broissia.
M. le président.
Monsieur de Broissia, l'amendement n° 90 est-il maintenu ?
M. Louis de Broissia.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 90 est retiré.
Articles 31
septies
et 31
octies
A
M. le président.
« Art. 31
septies
. - A l'article 706-5 du même code, après les mots :
"juridiction répressive", sont insérés les mots : " ; lorsque l'auteur d'une
infraction mentionnée aux articles 706-3 et 706-14 est condamnée à verser des
dommages-intérêts, le délai d'un an court à compter de l'avis donné par la
juridiction en application de l'article 706-15". » -
(Adopté.)
« Art. 31
octies
A. - I. - Au début du premier alinéa de l'article
706-14 du même code, les mots : "ou d'un abus de confiance," sont remplacés par
les mots : ", d'un abus de confiance, d'une extorsion de fonds ou d'une
destruction, d'une dégradation ou d'une détérioration d'un bien lui
appartenant,".
« II. - Dans le premier alinéa du même article, après les mots : "situation
matérielle", sont insérés les mots : "ou psychologique". » -
(Adopté.)
Articles additionnels avant l'article 32 A
M. le président.
Par amendement n° 99 rectifié, MM. Charasse et Rouvière proposent d'insérer,
avant l'article 32 A, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 231-3 du code des juridictions financières est complété par un
alinéa ainsi rédigé :
« L'action en déclaration de gestion de fait se prescrit par cinq ans à
compter du dernier acte constitutif de ladite gestion. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps les
amendements n°s 101, 102, 103 et 104.
M. le président.
Je suis en effet saisi également de quatre amendements présentés par MM.
Dreyfus-Schmidt, Charasse, Badinter, Rouvière, Plancade, Godard, Picheral et
les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 101 a pour objet d'insérer, avant l'article 32 A, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Le second alinéa de l'article L. 236 du code électoral est supprimé. »
L'amendement n° 102 tend à insérer, avant l'article 32 A, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Le second alinéa de l'article L. 205 du code électoral est supprimé. »
L'amendement n° 103 vise à insérer, avant l'article 32 A, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Le second alinéa de l'article L. 341 du code électoral est supprimé. »
L'amendement n° 104 a pour objet d'insérer, avant l'article 32 A, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Le huitième alinéa (6°) de l'article L. 231 du code électoral est supprimé.
»
Veuillez poursuivre, monsieur Charasse.
M. Michel Charasse.
Il s'agit de régler une question urgente avant les prochaines consultations
électorales municipales, qui a trait au délai de prescription en matière de
gestion de fait.
Comme vous le savez, le droit français est particulièrement homogène en
matière de délais de prescription : trois ans en matière d'impôt sur le revenu,
dix ans en ce qui concerne les droits d'enregistrement et l'impôt de solidarité
sur la fortune, dix ans pour les crimes, mais trois ans pour les délits, sauf
s'il s'agit d'un abus des biens sociaux ; là, c'est trois ans à partir du jour
où l'on a découvert le délit. Quant à la prescription de droit commun, elle est
de trente ans. J'en passe et des meilleures ! Pour les créances de l'Etat et
des collectivités locales, la déchéance est quadriennale. Mais, pour la gestion
de fait, c'est trente ans.
Pourquoi trente ans ? Parce que le Conseil d'Etat, en 1990, et je ne lui en
ferai pas reproche, ne trouvant aucun texte fixant la prescription en la
matière, a décidé que cela ne pouvait être que la prescription de droit commun,
c'est-à-dire trente ans.
Pouvoir rechercher un élu local pour une gestion de fait, même minime, trente
ans après qu'il a cessé ses fonctions - même après sa mort, on peut se
retourner contre ses héritiers : cela s'est vu - c'est un peu abusif !
L'amendement n° 99 rectifié fixe ce délai de prescription à cinq ans, soit
encore un an de plus que la déchéance quadriennale des créances de l'Etat et
des collectivités locales, ce qui est raisonnable.
Quant aux amendements n°s 101 à 104, ils portent sur la seule inéligibilité
pour gestion de fait.
Voilà quelques mois, le Conseil constitutionnel a précisé que, s'agissant du
droit des sociétés - c'était à propos de la Nouvelle-Calédonie, mais cela vaut
d'une façon générale - une décision de perte de droits civiques ou
d'inéligibilité ne pouvait résulter que d'une décision juridictionnelle
expresse et que seul le juge judiciaire, gardien de la liberté individuelle,
était habilité à la prononcer.
Or le code des juridictions financières précise que dès qu'on est déclaré
gérant de fait, on est inéligible avant même que les voies de recours soient
épuisées, ce qui est contraire à la convention européenne des droits de
l'homme, puisque nous sommes dans le domaine des sanctions.
Je souhaitais donc proposer, par ces amendements, que l'inégibilité pour les
comptables de fait, comme pour tout le monde, ne puisse être prononcée qu'en
cas de délit par le juge de l'ordre judiciaire.
Mais il se trouve que ces dispositions concernent des problèmes touchant aux
mandats locaux. Conformément à la position que nous avons adoptée depuis le
début de ce débat, dans la mesure où l'on nous a assuré que nous pourrions
reprendre ces discussions lors de la deuxième lecture de la proposition de loi
de M. Fauchon, je retire provisoirement l'ensemble de ces amendements, étant
entendu que je les reprendrai lors de cette discussion en deuxième lecture.
M. Pierre Fauchon.
Retrait stratégique !
M. le président.
Les amendements n°s 99 rectifié, 101, 102, 103 et 104 sont retirés.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois,
rapporteur.
Tout en saluant le retrait de ces amendements qui ne
correspondent pas, bien qu'ils soient intéressants, à l'objet du présent texte,
je suis obligé de signaler, et peut-être M. Charasse en sera-t-il d'accord, que
le Sénat a accompli un travail très important à propos des chambres régionales
des comptes, grâce au groupe de travail animé par nos collègues Jean-Paul
Amoudry et Jacques Oudin.
Ce groupe de travail a rédigé un rapport d'une certaine ampleur et préparé une
proposition de loi qui doit être discutée au mois de mai prochain, la
conférence des présidents ayant décidé mardi dernier son inscription à l'ordre
du jour du Sénat. Il me semble, monsieur Charasse, que vos amendements
devraient porter sur ce texte plutôt que sur la proposition de loi de M.
Fauchon.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
J'entends bien ce que dit M. le rapporteur, et il parle d'or. Mais il se
trouve que je pense, avec mes amis du groupe socialiste, que les questions que
je viens d'évoquer doivent être réglées au plus tard avant les élections
municipales de l'année prochaine.
Or, mes chers collègues, rien ne nous assure que l'Assemblée nationale sera
disposée à « prendre » la proposition de loi relative aux chambres régionales
des comptes avec la même diligence que la proposition de loi de M. Fauchon.
M. Jacques Larché,
président de la commission.
On verra !
M. Michel Charasse.
Je peux même dire, après avoir lu l'édition d'hier du quotidien
Libération
, que nous avons déjà subi une première salve de tirs de la
part de l'Assemblée nationale, qui semble nous indiquer de la façon la plus
claire que celle-ci n'est pas du tout d'accord avec la démarche du Sénat, tant
et si bien que notre proposition de loi sur les chambres régionales des
comptes, dont je sais bien, monsieur le rapporteur, qu'elle est inscrite à
l'ordre du jour du Sénat du 11 mai, puisque ce point a fait l'objet d'une
discussion assez longue au sein du groupe socialiste, a, nous le savons tous,
de fortes chances de tomber aux oubliettes à l'Assemblée nationale, où
quelques-uns de nos collègues députés se font leur réputation et leur renom en
tapant systématiquement sur le dos des élus locaux, en ne se rendant pas compte
qu'ils tapent du même coup sur le suffrage universel.
Par conséquent, si je suis sûr que la proposition de loi « Fauchon » reviendra
devant le Sénat, je n'ai pas la même certitude s'agissant de la proposition de
loi sur les chambres régionales des comptes. Je veux bien dire, pour vous faire
plaisir, monsieur le rapporteur, que nous reprendrons peut-être ce débat à
l'occasion de l'examen de la proposition de loi sur les chambres régionales des
comptes, mais, en tout état de cause, nous nous retrouverons sur le texte de M.
Fauchon. Fauchon, si je puis dire, c'est plus sûr !
(Rires.)
M. Pierre Fauchon.
Mieux vaut Fauchon que fauché !
M. le président.
Mes chers collègues, il reste vingt-quatre amendements à examiner sur ce texte
; nous allons maintenant interrompre nos travaux.
La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.
14
TRANSMISSION D'UN PROJET
DE LOI ORGANIQUE
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi organique,
adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture,
tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre
des assemblées de province et du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, de
l'Assemblée de la Polynésie française et de l'Assemblée territoriale des îles
Wallis et Futuna.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 296, distribué et renvoyé à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale.
15
TRANSMISSION DE PROJETS DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté avec
modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, tendant à
favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et
fonctions électives.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 295, distribué et renvoyé à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions statutaires relatives aux
magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes
modifiant le code des juridictions financières.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 297, distribué et renvoyé à la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la chasse.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 298, distribué et renvoyé à la
commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution
évenutelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le
règlement.
16
TEXTE SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution.
Proposition de la Commission relative aux prix des produits agricoles
(2000-2001), volume I : exposé des motifs, volume II : répercussions
financières, volume III : actes juridiques.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1432 et distribué.
17
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, mercredi 5 avril 2000, à quinze heures :
1. Examen d'une demande conjointe des présidents des commissions des affaires
économiques, des finances, des affaires étrangères et des affaires sociales
tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission commune
d'information chargée d'étudier l'ensemble des questions liées à l'expatriation
des compétences, des capitaux et des entreprises.
2. Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 222,
1999-2000), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième
lecture, renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits
des victimes.
Rapport (n° 283, 1999-2000) de M. Charles Jolibois, fait au nom de la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
3. Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi (n° 241,
1999-2000), modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la prestation
compensatoire en matière de divorce.
Rapport (n° 291, 1999-2000) de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
4. Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 242, 1999-2000),
adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture,
portant création d'une commission nationale de déontologie de la sécurité.
Rapport (n° 290, 1999-2000) de M. Henri de Richemont, fait au nom de la
commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de
loi de M. Paul Vergès et plusieurs de ses collègues tendant à conférer à la
lutte contre l'effet de serre et à la prévention des risques liés au
réchauffement climatique la qualité de priorité nationale et portant création
d'un observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en France
métropolitaine et dans les départements et territoires d'outre-mer (n° 293,
1999-2000).
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 5 avril 2000, à dix-sept
heures.
Question orale avec débat n° 21 de M. Jean Arthuis sur le stockage des déchets
radioactifs.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 5 avril
2000, à dix-sept heures.
Question orale avec débat n° 20 de M. Alain Lambert à M. le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie (Effets sur les finances publiques
de la politique de la fonction publique).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 5 avril
2000, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 5 avril 2000, à zéro heure
trente-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATION DE MEMBRES
DE COMMISSIONS PERMANENTES
Dans sa séance du mardi 4 avril 2000, le Sénat a nommé :
M. Roland Muzeau membre de la commission des affaires sociales, en
remplacement de Mme Nicole Borvo, démissionnaire ;
Mme Nicole Borvo membre de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale,
en remplacement de M. Michel Duffour, démissionnaire de son mandat de sénateur.
MODIFICATIONS
AUX LISTES DES MEMBRES DES GROUPES
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN
(17 membres au lieu de 16)
Ajouter le nom de M. Roland Muzeau.
SÉNATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE
(7 au lieu de 8)
Supprimer le nom de M. Roland Muzeau.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Développement du trafic aérien
et construction d'un aéroport international
780.
- 4 avril 2000. -
Mme Marie-Claude Beaudeau
attire l'attention de
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement
sur la progression du trafic aérien à l'aéroport Charles-de-Gaulle à
Roissy-en-France. La Direction de l'aviation civile annonce une augmentation de
8,02 % des vols civils aériens en France au cours de l'année 1999 par rapport à
l'année 1998. Elle lui fait remarquer que la hausse dépasse les 10 % à
l'aéroport Charles-de-Gaulle. Dans de telles conditions, le chiffre de 500 000
vols prévus il y a encore deux ans comme objectif de l'année 2015, sera atteint
dès la fin de l'année 2000. Elle lui fait remarquer que, dans ces conditions,
la construction d'un troisième aéroport ne peut plus être considérée comme une
hypothèse, mais bien comme une nécessité. Elle lui demande de lui préciser si
cette construction d'un troisième aéroport est bien devenue la solution
qu'envisage le Gouvernement pour faire face à l'augmentation croissante du
trafic aérien et, dans ce cas, de lui préciser la localisation éventuelle de
l'implantation, ainsi que le calendrier de réalisation.
Prévention des risques liés à l'exposition aux rayonnements
des antennes-relais de téléphone
781.
- 4 avril 2000. -
M. Denis Badré
appelle l'attention de
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité
sur les risques pour la santé des populations liés à l'exposition du public aux
champs électromagnétiques diffusés par les antennes-relais utilisées pour les
téléphones cellulaires. Il rappelle à cet égard que jusqu'à 4 mètres, les
dispositions générales de l'urbanisme ne peuvent être opposées à une
installation. Le problème est bien réel puisque, par recommandation du 12
juillet 1999, la Commission européenne a pris parti dans le sens d'une
limitation de l'exposition du public aux champs électromagnétiques. Lors de la
discussion de cette recommandation devant le Parlement européen, le rapporteur
a d'ailleurs proposé plusieurs amendements portant sur les effets
potentiellement nocifs des rayonnements, les conditions de mise en oeuvre du
principe de précaution ou la fixation de distances minimales de sécurité. A
l'heure actuelle, la généralisation très rapide du téléphone cellulaire
entraîne l'installation de nombreuses antennes-relais à proximité des
habitations alors que, par lettre du 2 février 1999, le directeur général de la
santé écrivait au directeur de l'habitat et de la construction que « ... si
aucune pathologie objective n'a pu être mise en évidence à la suite de
l'exposition au long cours du public à ces installations, il ne peut être
établi qu'il n'existe aucun risque, compte tenu du développement récent de
telles technologies et du manque de recul. » Il lui demande si elle entend
prendre des dispositions concernant le regroupement des antennes-relais des
différents opérateurs sur un seul site. Proposer de fixer une distance minimum
entre les antennes-relais et les habitations ? Mettre en oeuvre le principe de
précaution à travers des valeurs limites d'exposition du public ?
Mise en place des sections d'enseignement général
et professionnel adapté
782.
- 4 avril 2000. -
M. Fernand Demilly
appelle l'attention de
M. le ministre de l'éducation nationale
sur les SEGPA (sections d'enseignement général et professionnel adapté) des
collèges qui se substituent aux SES (sections d'enseignement spécialisé). Dans
le cadre de la mise en place des SEGPA, le département de la Somme doit
entreprendre une importante modification des structures existantes, mais des
fermetures et des suppressions de postes et de spécialités ont été annoncées
début février, puis gelées provisoirement. Or, ces mesures ont des conséquences
importantes pour les collectivités concernées : sur les transports scolaires ;
sur la programmation en cours des travaux dans les collèges ; sur les travaux
réalisés, laissant à penser qu'ils deviennent inutiles ! sur la participation
des communes, antérieure à cette année, calculée sur les effectifs scolarisés
lors des travaux, alors que les élèves ne fréquenteront plus l'établissement.
En conséquence, il lui demande quelles mesures il entend prendre pour éviter de
tels errements.
Conséquences des « raves parties »
783. - 4 avril 2000. - M. Gérard Cornu attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les conséquences des rassemblements de « raveurs » qui se multiplient dans le département d'Eure-et-Loir, perpétrant des actes de dégradation irréparables. Depuis le début de l'année, quatre manifestations de ce type ont eu lieu dans le département. Dans la nuit du samedi 25 au dimanche 26 mars, 2 000 « raveurs » ont investi les bâtiments du Séminaire des Barbelés du Coudray et dévasté le musée dédié à la mémoire de l'abbé Franz Stock. Des documents historiques inestimables ont été volés ou saccagés. Les forces de l'ordre n'ont pu intervenir faute de moyens humains. Il lui demande quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour prévenir ce type d'infractions et empêcher que ces rassemblements « clandestins » ne viennent porter atteinte à la sécurité des biens et des personnes.