Séance du 6 avril 2000
STOCKAGE DES DÉCHETS RADIOACTIFS
Discusion d'une question orale avec débat
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat suivante
:
« M. Jean Arthuis attire l'attention de M. le ministre de l'éducation
nationale, de la recherche et de la technologie sur le problème du stockage des
déchets radioactifs.
« La mission collégiale de concertation "Granite" s'est rendue le 13 mars en
Mayenne. Cette mission est chargée de rencontrer les élus, les associations et
la population des quinze massifs granitiques retenus en France pour l'étude du
projet d'implantation d'un laboratoire de qualification géologique en vue de la
gestion des déchets radioactifs à haute activité et à durée de vie longue. Elle
s'est heurtée à une forte hostilité. En effet, ce projet, qui concerne en
Mayenne le massif d'Izé, suscite, et à juste titre, une vive émotion, de
nombreuses inquiétudes et interrogations. Cela tient sans doute à
l'incompréhension, née de l'absence d'informations claires et cohérentes.
« Il doit d'abord être observé que l'annonce de la liste des sites
susceptibles d'accueillir le laboratoire est venue non pas par la voie
instituée par le Gouvernement mais par un collectif dénommé "Réseau sortir du
nucléaire", opposé au principe de l'enfouissement des déchets.
« S'agissant de la production de déchets radioactifs à longue durée de vie,
les déclarations les plus contradictoires sont prononcées, en effet, au sein du
Gouvernement. Ainsi, M. le ministre de l'éducation nationale affirmait le 30
juin 1997 que, le stockage en profondeur des déchets nucléaires étant dangereux
pour les générations futures, mieux valait les stocker en surface ou en
subsurface. De son côté, l'Agence nationale pour la gestion des déchets
radioactifs, l'ANDRA, indiquait récemment que "certains déchets à vie longue
restent actifs pendant plusieurs dizaines voire centaines de milliers d'années
et que, sur une période aussi longue, la sécurité de leur stockage ne peut
reposer sur la pérennité de barrières ouvragées en surface".
« Par ailleurs, un très récent rapport parlementaire publié le jeudi 9 mars
2000 par Mme Michèle Rivasi, député de la Drôme, met clairement en évidence le
manque total de cohérence de la gestion des déchets radioactifs en France et
réclame qu'un plan national soit élaboré à ce sujet. Enfin, le Parlement est
toujours dans l'attente d'un futur projet de loi sur la transparence nucléaire
promis par le Gouvernement.
« Les ambiguïtés de la démarche gouvernementale contribuent à entretenir
l'inquiétude, tant des élus que de la population des régions concernées, et à
alimenter le rejet de l'accueil éventuel d'un laboratoire de recherche en vue
du stockage de déchets hautement radioactifs. Tant d'incohérence ruine
l'autorité des membres de la mission collégiale de concertation "Granite".
« Il lui demande donc de lui préciser quels sont les risques réels pour
l'environnement du stockage en surface ou en subsurface, et quelle est la
politique de l'Etat en matière de déchets nucléaires. »
Avant d'ouvrir le débat, je veux, monsieur le ministre de la recherche, saluer
votre première venue au Sénat dans vos nouvelles fonctions.
Je forme le voeu, avec tous mes collègues, que nous travaillions ensemble avec
le meilleur esprit de compréhension mutuelle et dans la recherche constante du
dialogue républicain entre le Sénat et le Gouvernement, que vous représentez
aujourd'hui.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
Je demande la parole.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg,
ministre de la recherche.
Monsieur le président, je suis très sensible
aux paroles d'accueil si aimables que vous avez bien voulu prononcer, et je
tiens à vous dire que revenir devant la Haute Assemblée représente pour moi un
grand honneur.
J'ai eu l'occasion de fréquenter cette enceinte voilà quelques années, en tant
que secrétaire d'Etat aux universités, et j'ai toujours vivement apprécié la
très forte expérience et la très haute compétence qui caractérisent les membres
de la Haute Assemblée. J'attache donc beaucoup d'importance au fait d'être ici
aujourd'hui. J'aurai bien sûr, à coeur, dans mes fonctions de ministre de la
recherche, d'écouter et de dialoguer, et en priorité avec les
parlementaires.
M. le président.
La parole est à M. Arthuis, auteur de la question.
M. Jean Arthuis.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais
saluer à mon tour la présence parmi nous de M. Schwartzenberg en sa qualité de
ministre de la recherche.
Bien entendu, les faits que je vais évoquer mettent en cause la politique du
Gouvernement, et votre nomination récente, monsieur le ministre, vous amènera à
sans doute les considérer avec un peu de recul.
A ce propos, je voudrais exprimer un regret, que vous ne devez pas prendre en
mauvaise part : voilà un instant, Mme Voynet était présente dans cet hémicycle
pour traiter d'un autre thème crucial, à savoir la maîtrise des émissions de
gaz à effet de serre, et je déplore qu'elle ne soit pas restée au banc du
Gouvernement pour participer à ce débat relatif à l'énergie nucléaire et au
stockage des déchets nucléaires. En effet, j'observe que, depuis sa nomination
au Gouvernement, ses interventions sur le thème du nucléaire se font rares, et
je regrette donc profondément son absence.
Les événements qui se sont produits dans la soirée du 13 mars derniers à Bais,
dans la Mayenne, sont d'une exceptionnelle gravité. Trois hauts fonctionnaires,
un préfet de région honoraire, un ingénieur général des mines et un ingénieur
général du génie rural, des eaux et des forêts se souviendront des longues
heures marquées d'humiliation, d'insultes blessantes, d'expressions de haine et
de violence qu'ils ont vécues. Ces trois représentants de l'Etat ont été nommés
par le Gouvernement le 3 août 1999, en application de la loi du 30 décembre
1991, pour conduire une mission d'information, dite « mission Granite », en
référence à la roche susceptible d'accueillir un laboratoire de qualification
géologique en vue de la gestion de déchets radioactifs à haute activité et à
durée de vie longue. Cette mission s'est heurtée - et c'est peu dire - à
l'incompréhension la plus flagrante.
Comment suscite-t-on la colère ? Comment en vient-on à de telles exactions ?
Comment peut-on laisser une telle prise à la désinformation ? La réponse est
simple : en manquant à son devoir d'information - je sais le poids de notre
héritage d'opacité dans la sphère publique ! - en négligeant les règles de la
concertation, en faisant fi de l'obligation de respecter les personnes
directement concernées par le projet !
Je blâme toutes les formes de violence, je ne cherche aucune excuse aux
manipulateurs et autres apprentis sorciers, aux activistes de la récupération
politique ou aux adeptes de méthodes presque totalitaires, je récuse ce qui ne
relève pas d'une attitude républicaine. J'ai donc tout fait, en ma qualité
d'élu mayennais, pour rendre possibles l'information et le dialogue avec les
trois « missionnaires » mandatés par le Gouvernement.
En cette fin d'après-midi du 13 mars, ils venaient de rencontrer les membres
du conseil général, auxquels s'étaient joints les parlementaires du
département, les maires des communes concernéees, soudainement mis en alerte,
et deux représentants d'associations hostiles à l'implantation éventuelle d'un
laboratoire dans le massif granitique affleurant d'Izé.
La suite, chacun la connaît désormais : c'est l'explosion des peurs et des
angoisses. Elle n'est d'ailleurs pas localisée, puisque, dans les différentes
régions concernées par un éventuel enfouissement de déchets radioactifs, la
même absence d'information a conduit à des comportements de rejet, certes plus
ou moins marqués.
Je pourrais mentionner quelques sites, dans l'Orne, la Vienne, la Charente, la
Vendée, le Cantal, les Deux-Sèvres, etc.
M. Michel Moreigne.
La Creuse !
M. Jean Arthuis.
Mon collègue Pierre Jarlier, sénateur du Cantal, qui regrette de ne pouvoir
être présent aujourd'hui, aurait ainsi aimé vous rappeler, monsieur le
ministre, que les conseils municipaux de quatorze communes concernées et d'une
trentaine de communes périphériques ont voté une délibération s'opposant à ce
projet, qu'ils jugent totalement incompatible avec le développement du
département et sa démarche en matière de qualité de vie. D'autres collègues,
notamment André Dulait et Louis Moinard en ce qui concerne le groupe de l'Union
centriste, interviendront dans ce débat.
Les manifestations de peur que j'évoquais découlent d'une conception étonnante
de l'art de gouverner. C'est donc bien la méthode, ou peut-être devrais-je dire
l'absence de méthode, qui est en cause. Dois-je rappeler ce que Christian
Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, déclarait devant l'Assemblée
nationale le 21 janvier 1999 : « Transparence, parce que nos concitoyens sont
en droit de bénéficier d'une information fiable et objective concernant les
conséquences des choix de politique énergétique. » ?
Eh bien, mes chers collègues, le contrat n'est pas rempli, c'est le moins que
l'on puisse dire ! C'est pourquoi je souhaite, monsieur le ministre, obtenir
des éclaircissements sur la politique du Gouvernement en matière nucléaire,
notamment sur l'important problème du stockage des déchets.
Ma démarche ne relève évidemment pas d'une opposition facile, voire primaire,
instinctive, à un projet pourtant essentiel puisqu'il engage l'avenir de notre
société : le développement de l'industrie électronucléaire. Mais j'ai le devoir
de me faire l'interprète de mes concitoyens, espérant ainsi dissiper leurs
incompréhensions. Je veux aussi faire écho à leur légitime manque d'indulgence
pour un mode de communication défaillant, censé les rendre attentifs aux
caractéristiques d'un projet aussi sensible.
Permettez, monsieur le ministre, que je formule, devant le Sénat, mes
griefs.
En premier lieu, je déplore le manque de transparence qui a précédé l'annonce
clandestine du projet d'implantation en France de ce fameux laboratoire. Je me
dois de vous rappeler, en effet, que l'information a été portée à la
connaissance de la population et des élus concernés non par la voix du
Gouvernement mais par une dépêche émanant de l'Agence France-Presse, reprenant
un texte signé d'un collectif d'associations écologistes et antinucléaires
dénommé « Réseau sortir du nucléaire ».
Cette annonce n'accrédite-elle pas l'hypothèse d'une « fuite » tolérée ou
organisée par le cabinet du ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement ? C'est dire si je regrette l'absence de Mme Voynet en cette
instance. Il s'agit alors, vous l'avouerez, d'une conception de la transparence
bien peu conforme à la volonté d'ouverture affichée par le Gouvernement. Ce
dernier a compromis, avant qu'elle débute, la validité même de la démarche de
consultation entreprise par la mission « Granite ». L'amertume a dû s'emparer
de l'esprit des trois émissaires gouvernementaux, face à tant d'incohérence de
la part de ceux qui venaient de les nommer quelques mois plus tôt, notamment
votre prédécesseur, monsieur le ministre.
Le deuxième grief, monsieur le président, mes chers collègues, sera l'occasion
de dénoncer l'art de l'équivoque et de l'ambiguïté que pratique le
Gouvernement. S'agissant du traitement et du stockage de déchets radioactifs à
longue durée de vie, des déclarations contradictoires circulent en effet au
plus haut niveau de l'Etat.
J'en veux pour preuve les propos tenus le 30 juin 1997 par le tout nouveau
ministre de l'éducation nationale et de la recherche, M. Claude Allègre, qui
annonçait alors : « Je suis contre le stockage en profondeur des déchets
nucléaires parce que c'est dangereux pour les générations futures. Un tel choix
procède d'une philosophie de la peur ; on a peur des déchets, on les cache. Il
vaut mieux les stocker en surface ou en subsurface. On peut les surveiller et,
s'il y a des incidents, mieux les maîtriser. »
De son côté, l'ANDRA, l'Agence nationale pour la gestion des déchets
radioactifs, précise « que certains déchets à vie longue restent actifs pendant
plusieurs dizaines voire centaines de milliers d'années et que, sur une période
aussi longue, la sécurité de leur stockage ne peut reposer sur la pérennité de
barrières ouvragées en surface ».
Les progrès de la science ont-ils eu, en si peu de temps, raison des propos de
M. Claude Allègre, géochimiste de formation ? Le doute, vous en conviendrez,
est permis, et les incertitudes les plus fortes demeurent.
En l'état actuel des connaissances scientifiques, s'agissant de la gestion des
déchets radioactifs, il est moralement insoutenable d'engager les générations
futures sur un choix exclusif de traitement dont les conséquences physiques,
chimiques, hydrogéologiques, environnementales et humaines restent mal
appréciées. Le principe de précaution, si souvent invoqué, s'impose donc et
doit engager le Gouvernement à clarifier sa politique en matière de gestion de
déchets nucléaires au niveau national.
Monsieur le ministre, les conclusions du récent rapport parlementaire de Mme
Rivasi, députée apparentée socialiste de la Drôme, doivent naturellement vous y
inciter vivement.
Ce rapport met en effet clairement en évidence « le manque total de cohérence
dans la gestion des déchets radioactifs en France » et recommande la mise en
place d'un plan national de gestion de déchets radioactifs faisant clairement
apparaître les volumes en jeu et les responsabilités des uns et des autres.
Mais la plus grande des responsabilités n'incombe-t-elle pas aux pouvoirs
publics, qui tardent à présenter devant le Parlement un projet de loi sur la
transparence nucléaire ? Il est vrai que le Gouvernement nous a habitués à bien
des atermoiements sur d'autres sujets pourtant vitaux pour l'avenir de notre
pays.
Monsieur le ministre, je n'ignore pas que, à ce jour, la production
d'électricité en France est à 77 % d'origine nucléaire. Je sais, par
conséquent, qu'il en résulte une forte implication du Gouvernement pour imposer
une filière nucléaire qui, contrôlée et maîtrisée, semble rester la manière la
plus sûre de produire de l'électricité, et je pourrais revenir au débat du
début de matinée sur l'effet de serre.
Les faits sont là : grâce au nucléaire, le taux de dépendance énergétique de
la France est de 50 %. La compétitivité du nucléaire n'est plus, me
semble-t-il, à démontrer. Cette énergie permet à EDF de se positionner en
premier exportateur européen d'électricité. S'agissant de son impact écologique
et environnemental, force est de constater que le nucléaire diminue l'émission
de gaz polluants. Un kilowattheure génère 900 grammes de CO2 lorsqu'il est
fabriqué avec du charbon, 700 grammes avec du fioul, 600 grammes avec du gaz,
et n'engendre pas de CO2 quand il est produit avec de l'uranium ; on revient là
au débat qui a eu lieu tout à l'heure sur l'effet de serre. C'est donc une
solution digne d'intérêt.
Néanmoins, le problème majeur concerne les déchets nucléaires, notamment ceux
qui ont une durée de vie longue. Cela doit donc inciter les autorités de l'Etat
à favoriser et à intensifier les recherches dans le sens de la réduction de
leur quantité, de leur volume et de leur nocivité.
Pour y parvenir, la mise en service en 1988 du surgénérateur Superphénix,
réacteur à neutrons rapides, constituait une solution saluée par les
spécialistes et représentait une source primordiale d'énergie renouvelable.
Seulement voilà, face au puissant lobby antinucléaire, dont l'objectif est de
bloquer tout développement du nucléaire civil, à grand renfort d'assertions
mensongères, de pressions sur l'opinion publique, de campagnes de
désinformation, et compte tenu des petites lâchetés d'un gouvernement en mal de
votes « verts », pris, de plus, en flagrant délit de contradictions internes,
le Premier ministre a confirmé le 2 février 1998 l'arrêt définitif de
Superphénix.
Cette décision remet en cause la notion même de retraitement des déchets et je
m'interroge sur la voie explorée de la recherche sur la transmutation,
préconisée par la loi du 30 décembre 1991.
Le problème de la réversibilité ou de l'irréversibilité des déchets n'est pas
résolu. L'évolution des sciences et des techniques ne délivre aucune expertise
fiable et indépendante sur l'hypothèse du stockage de déchets radioactifs en
surface ou en subsurface.
Le devenir des déchets radioactifs demeure donc entier et extrêmement
préoccupant. La décision annoncée le lundi 3 avril dernier par la mission
collégiale de concertation « Granite » de faire une pause dans ses
consultations n'est-elle pas un aveu d'échec du Gouvernement ? Cela ne laisse
guère augurer une réelle volonté de la part de ce dernier de se conformer aux
exigences de la loi du 30 décembre 1991, qui l'oblige à présenter en 2006 au
Parlement le résultat de quinze ans de recherches scientifiques et
techniques.
Face à cette incapacité à conduire la France dans la voie de la responsabilité
et du progrès, interrogations et doutes se sont emparés de nos concitoyens :
ils se refusent à cautionner plus longtemps une politique qui conduit à de tels
errements et contrevient au bon sens.
Quelle est la politique nucléaire du Gouvernement ? Quelle est sa politique
pour traiter les déchets radioactifs ? Quel est l'état actuel des recherches ?
Quelles options le Gouvernement entend-il prendre en matière de stockage des
déchets ? Enfin, que devient la mission « Granite » ? Lui avez-vous imposé,
monsieur le ministre, d'interrompre son action ?
Avant d'entendre votre réponse à ces questions essentielles aux yeux de tous
les Français, et particulièrement des Mayennais, je veux vous rappeler,
monsieur le ministre, que les conseils municipaux et le conseil général de la
Mayenne ont, pour leur part, répondu, sans ambiguïté, au Gouvernement. Ils
n'étaient pas candidats, ils refusent d'accueillir le laboratoire de
qualification géologique en vue de la gestion des déchets nucléaires, pour des
motifs de cohérence avec leurs options de développement. Ils entendent
privilégier les productions agricoles portant les marques de la qualité et de
l'authenticité, le tourisme rural et le respect des sites et de
l'environnement. Je souhaite que vous leur en donniez acte et que vous
confirmiez que la Mayenne est désormais écartée des sites susceptibles d'être
choisis.
Monsieur le ministre, « nous n'héritons pas de la Terre de nos parents. Nous
l'empruntons à nos enfants ». Les générations futures nous demanderont des
comptes. Aujourd'hui, comment comptez-vous répondre aux angoisses et aux
inquiétudes exprimées par nos concitoyens ? Je vous remercie, monsieur le
ministre, de nous éclairer par vos réponses.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 31 minutes ;
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 10 minutes.
La parole est à M. Bony.
M. Marcel Bony.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'aval du
cycle nucléaire, c'est-à-dire la gestion du combustible usé et des déchets qui
en résultent, est l'une des questions qui préoccupent le plus nos concitoyens
en matière de politique énergétique. C'est certainement parce qu'il s'agit du
point faible de la filière nucléaire. En effet, il n'existe pas, aujourd'hui,
de solution technique satisfaisante permettant de résorber les déchets.
Aussi, cher collègue Arthuis, le contenu de votre question m'a étonné.
Je ne comprends pas, en effet, que l'on aborde ce sujet de façon partisane et
polémique. Je considère que nous n'avons pas à nous interroger sur la politique
de l'Etat en matière de déchets nucléaires, car la réponse est très simple : le
Gouvernement applique la politique définie, à l'unanimité,...
M. Jean Arthuis.
... par une dépêche de l'AFP !
M. Marcel Bony.
... par le Parlement dans la loi du 30 décembre 1991.
Souvenez-vous : cette loi fut votée après que Michel Rocard eut décidé de
suspendre la recherche de sites d'enfouissement de déchets radioactifs. En
effet, ces prospections, engagées plusieurs années auparavant, provoquaient
déjà, à l'époque, une grande inquiétude parmi les populations concernées, y
compris sous la première cohabitation.
Dans ces conditions, il est injuste de rendre l'actuel Gouvernement
responsable de l'émotion, des inquiétudes, que la recherche sur l'enfouissement
des déchets radioactifs provoque parmi nos concitoyens.
De même, il n'est pas correct d'assimiler au Gouvernement l'ANDRA,
établissement public industriel et commercial, pour dénoncer de prétendues
incohérences.
La vérité, c'est que la question du nucléaire a échappé trop longtemps au
débat démocratique. Cela a contribué - et c'est compréhensible - à faire naître
un sentiment de méfiance.
La loi de 1991 permet au Parlement d'être le garant de la démocratie et du
dialogue dans un domaine extrêmement sensible.
En agissant comme vous le faites, monsieur Arthuis, vous décrédibilisez la
représentation nationale puisque vous sabotez un débat que vous avez contribué
à instaurer.
Les manifestants de la Mayenne, que vous invoquez, prétendent que
l'installation d'un laboratoire de recherche souterrain préfigure
inévitablement l'enfouissement de déchets sur les sites retenus, et ce alors
que la loi de 1991 prévoit que les décisions ne seront prises qu'en 2006, sur
la base de données scientifiques recueillies pendant quinze ans.
M. Jean Arthuis.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur Bony ?
M. Marcel Bony.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. Arthuis, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean Arthuis.
Monsieur Bony, votre intervention a sans doute été rédigée avant que vous ayez
pu entendre mes propos.
Je n'ai en effet pas manqué de dire que ce qui s'est produit en Mayenne a
laissé une prise fantastique à la désinformation, à la suite, me semble-t-il de
l'échec du Gouvernement dans sa mission d'information. C'est par une dépêche de
l'AFP qu'un collectif de Verts a rendu public ce projet, doublant en quelque
sorte la mission « Granite » et le Gouvernement.
Comment a-t-on pu permettre une telle fuite d'informations et créer des
conditions aussi déplorables pour que les manipulateurs, les apprentis
sorciers, les désinformateurs, tous ceux qui jouent sur les peurs et sur les
angoisses aient pu à ce point susciter la colère, la réponse de toute bonne foi
étant malheureusement, bien souvent, la violence ?
(Exclamations sur les
travées socialistes.)
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Bony.
M. Marcel Bony.
Monsieur Arthuis, je rappelais que les manifestants de la Mayenne, que vous
invoquez, prétendent que l'installation d'un laboratoire de recherches
souterrain préfigure inévitablement l'enfouissement de déchets sur les sites
retenus, et ce alors que la loi de 1991 prévoit que les décisions ne seront
prises qu'en 2006, sur la base de données scientifiques recueillies pendant
quinze ans.
Ces personnes pensent donc que le Parlement est réduit au rôle de chambre
d'enregistrement des choix d'un lobby nucléaire incontrôlable.
Il faut cesser les querelles inutiles et retrouver l'esprit qui nous animait
lorsque nous avons décidé, unanimement, de nous saisir enfin de ces
questions.
Si nous ne sommes pas capables de remplir notre rôle, les gens se tourneront
de plus en plus vers des associations pour faire entendre leur voix.
C'est pourquoi le groupe socialiste préfère poser au Gouvernement une série de
questions.
Tout d'abord, où en est-on dans l'application de la loi de 1991, qui, comme
vous le savez, fixe trois actes de travail ?
Le premier axe correspond à la recherche sur la séparation et la
transmutation.
En 1991, cet axe était difficile à formaliser compte tenu de l'état de la
science nucléaire. Mais le Parlement avait tenu à l'inscrire au premier plan,
non sans raisons d'ailleurs, puisque, aujourd'hui, certains experts pensent
que, d'ici à une cinquantaine d'années, une méthode sera trouvée pour
transformer par réaction nucléaire des déchets radioactifs à haute activité en
éléments stables ou à vie courte.
La séparation-transmutation est donc aujourd'hui théoriquement fondée.
Ecarte-t-elle la voie du stockage ? Rien n'est moins sûr ! En effet, d'après
le rapport Bataille, il semble, pour l'instant, que les deux axes de recherche
soient complémentaires et non pas alternatifs.
Mais certains estiment déjà que, si la séparation-transmutation ne pouvait
être réalisée entièrement, il serait inutile de mettre en oeuvre des processus
longs et coûteux uniquement pour atteindre une réduction du volume des déchets
ultimes, qui devraient être stockés tout de même.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous tous, citoyens et
élus, avons besoin d'être rassurés sur le soutien du Gouvernement à ce premier
axe, en lequel le législateur a fondé beaucoup d'espoirs.
Quel est l'avenir des réacteurs de type Phénix ? Où en sont les projets sur la
transmutation et les coopérations entre le Centre national de la recherche
scientifique et le Commissariat à l'énergie atomique ? Les réponses à ces
interrogations sont primordiales pour l'après 2006 et l'éventuelle prééminence
d'une voie sur l'autre.
Les deux autres axes fixés par la loi du 30 décembre 1991 sont relatifs à
l'entreposage en profondeur et à l'entreposage en surface.
Nombreux sont les pays à avoir prévu des places de stockage souterrain. Mais
la question de la sécurité reste posée. En France, l'ANDRA nous assure que les
« barrières » successives entre les « colis » de déchets radioactifs et la
surface permettent d'obtenir une sûreté maximale.
Cependant, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques n'écarte pas l'accident géologique.
Est-il possible d'affirmer que les eaux souterraines ne feront pas remonter
les éléments toxiques ou que des forages ne provoqueront pas de rupture du
confinement ? Est-il possible, monsieur le ministre, de faire un point sur les
recherches déjà effectuées, notamment par le BRGM, le Bureau de recherches
géologiques et minières et l'ANDRA ?
Par ailleurs, la mission collégiale de concertation « Granite » chargée de
consulter les élus, les associations et la population concernés devait se
rendre dans le Puy-de-Dôme le 7 avril, c'est-à-dire demain. Or la réunion a été
reportée. Cela signifie-t-il que le Gouvernement attend une période plus
propice ou qu'il cherche à définir une autre méthode sur cet axe ?
Dans le Puy-de-Dôme, comme dans d'autres départements, les projets de
laboratoire envisagés se télescoperaient avec les programmes de développement
émanant des communautés de communes et interféreraient de manière très forte
avec la gestation des « pays », au sens de la loi d'orientation pour
l'aménagement et de développement durable du territoire.
Les travaux de réflexion sur l'entreposage en surface, troisième axe de la loi
de 1991, avaient pris du retard par rapport à ceux des autres voies. Ce retard
a été rattrapé.
Les problèmes portent sur les systèmes d'entreposage de différentes catégories
de déchets sur de très longues durées. De cette réflexion dépend la
réversibilité du processus.
La notion de réversibilité est essentielle. Les parlementaires y sont très
attachés et l'ont affirmé.
Les générations futures doivent en effet pouvoir être en mesure de surveiller,
de contrôler et, le cas échéant, de reprendre les déchets. C'est une charge qui
pèsera sur elles, mais je n'ai, pour ma part, aucun doute sur cette option de
précaution. Je la préfère à celle qui consisterait à faire en sorte que nos
descendants n'aient aucune obligation de contrôle et de surveillance sur des
stocks irréversibles. L'accident est peut-être improbable ; il est toujours
possible.
Dès lors, je vous demande, monsieur le ministre, de veiller à optimiser cette
réversibilité, sans que cela soit conçu au détriment de la sécurité et de la
sûreté des installations.
Voilà donc les questions cruciales. Toutefois, le groupe socialiste ne pense
pas que la démocratisation de la question nucléaire s'arrête au problème du
traitement des déchets. Le Parlement doit pouvoir assurer un rôle régulier de
surveillance de l'activité nucléaire en général.
L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques,
instauré en 1983, a représenté un premier pas important dans cette direction,
suivi par la loi du 30 décembre 1991. Il nous faut aller plus loin et mettre
fin définitivement à la culture du secret !
L'organisation française du contrôle et de l'expertise dans le domaine du
nucléaire est aujourd'hui techniquement satisfaisante. Mais il convient de
mieux dissocier les activités d'expertise et de contrôle de l'activité
d'exploitation : il faut mettre en place des études sanitaires précises, comme
le suggère Mme Rivasi dans le récent rapport que vous avez évoqué, monsieur
Arthuis. A l'heure où les mots « sécurité » et « traçabilité » sont à la mode,
c'est bien la moindre des choses.
Monsieur le ministre, quand le Gouvernement déposera-t-il le projet de loi sur
la transparence nucléaire ?
De façon encore plus générale, la loi relative à la modernisation et au
développement du service public de l'électricité, adoptée récemment, prévoit
qu'un projet de loi d'orientation sur la politique énergétique doit être
présenté au Parlement avant le 31 décembre 2002.
Il faut assurer l'intervention la plus large, la plus complète possible du
Parlement dans ce domaine pour aller dans le sens des aspirations de nos
concitoyens en faveur de modes de production durable et de la mise en place de
dispositifs d'évaluation.
Pour conclure, je tiens à revenir à la question de l'enfouissement des
déchets, car c'est ce qui focalise le débat.
Nous respecterons la loi de 1991 si nous abordons ce sujet sans préjugés.
Pour ma part, il me paraît essentiel d'écouter et d'étudier tous les
arguments.
Les associations de défense de l'environnement posent, à mon avis, de bonnes
questions : comment garder la mémoire d'un site pendant des milliers d'années ?
Comment éviter la pollution des nappes phréatiques ou le retour de particules
radioactives dans la biosphère ? J'attends des réponses à ces questions.
En 2006, ou plus tard, ce devra être au Parlement, et à lui seul, de trancher
en toute objectivité.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées
socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Moinard.
M. Louis Moinard.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le massif
granitique d'Avrillé, en Vendée, a été présélectionné pour l'étude d'un projet
d'installation d'un centre de gestion de déchets radioactifs.
L'émoi de toute la population est le reflet d'une angoisse très profonde liée
à tout ce qui concerne le nucléaire.
La commune d'Avrillé est située à moins de dix kilomètres du littoral, déjà
atteint par les hydrocarbures échappés de l'
Erika
.
Imaginez un seul instant l'impact de la seule annonce d'une procédure de
concertation locale !
La croissance démographique du territoire concerné, l'environnement de qualité
qui favorise l'économie touristique d'un des premiers départements touristiques
français plaident pour un refus catégorique à l'encontre d'un tel projet.
Un site est visé, et c'est tout un département qui est touché !
Vous prenez des décisions aujourd'hui, mais ce seront les générations futures
qui géreront les impacts, voire les risques !
Par ailleurs, mon collègue et ami Pierre Jarlier, sénateur du Cantal, qui ne
peut être présent aujourd'hui, m'a fait part de l'opposition unanime des
habitants et des élus à un projet identique dans son département, projet que
les élus locaux ont également appris par voie de presse !
Monsieur le ministre, quinze sites au total ont été retenus par les géologues
pour l'installation éventuelle du futur laboratoire d'études en terrain
granitique.
Pouvez-vous me préciser si, préalablement à cette présélection, qui, bien
évidemment, tient compte de la géologie des sites, il est procédé à une analyse
de l'évolution démographique et économique du territoire visé ?
Face à l'opposition des Vendéens, quelles assurances pouvez-vous donner à ces
derniers ? Peuvent-ils continuer à investir dans l'économie touristique ?
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le stockage
des déchets radioactifs est de nouveau d'actualité depuis quelques semaines, et
ce pour deux raisons.
Le premier élément d'actualité tient à la publication du rapport de Mme
Rivasi, intitulé
Les conséquences des installations de stockage des déchets
nucléaires sur la santé publique et l'environnement.
L'Office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, dans le cadre duquel ce
rapport a été préparé, a dû reporter sa décision avant de décider de son
adoption. Je tiens à le rappeler parce que c'est un fait rarissime dans
l'histoire de l'Office. A cette occasion, notre collègue Henri Revol, président
de l'Office, a pu exprimer des réserves, que nous partageons, sur les
propositions contenues dans ce rapport.
Le second élément d'actualité, mis en avant par M. Arthuis, est la manière de
travailler de la mission dite « de concertation » : il s'agit, bien entendu, de
la mission de concertation préalable au choix d'un ou de plusieurs sites pour
implanter un laboratoire en zone granitique. Or, les déplacements de cette
mission sont loin d'ouvrir le dialogue que l'on est en droit d'attendre et ne
font qu'augmenter les crispations et le rejet sur le terrain par les
populations.
Monsieur le ministre, votre collègue M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à
l'industrie, nous l'a dit clairement, le 23 mars dernier, lors d'une de nos
séances de questions d'actualité au Gouvernement : « Rien ne sera forcé, rien
ne sera obligatoire, tout sera mêlé intimement grâce à une concertation très
approfondie et au dialogue démocratique. »
Dans ce contexte, l'initiative de notre collègue Jean Arthuis est tout à fait
appropriée, car elle devrait permettre d'ouvrir le débat et de clarifier les
positions, même si l'on sait que la majorité gouvernementale n'aborde jamais
sans difficulté et sans arrière-pensées politiques la question du nucélaire.
Depuis 1974, la France a fait le choix du nucléaire, ce qui lui a permis
d'assurer son indépendance énergétique.
Bien sûr, le nucléaire produit des déchets. Mais les volumes de déchets
radioactifs sont très faibles en comparaison avec les autres déchets
industriels et chimiques toxiques, pour lesquels on ne prend pas toujours les
mêmes précautions de traitement et de stockage.
Cependant, la dangerosité et la durée d'activité des déchets radioactifs
expliquent qu'une procédure particulière leur soit réservée. Tel était
l'objectif, qui prévoyait que les déchets de faible et moyenne activité à vie
courte devaient être stockés dans des installations d'entreposage de surface et
que les déchets nucléaires à haute radioactivité devaient être stockés en
profondeur, dans des couches géologiques différentes, avec possibilité de
réversibilité.
La loi prévoit, pour 2006, un rapport global d'évaluation des travaux,
accompagné, le cas échéant, d'un projet de loi autorisant la création d'un
centre de stockage. Il y a donc une « obligation de résultat » pour 2006.
Ce qu'il faut aussi savoir, c'est que le retraitement, même très poussé, ne
permettra pas l'élimination totale des déchets. En conséquence, le stockage
profond apparaît comme le mode de stockage le plus raisonnable sur lequel
s'accordent la plupart des experts.
C'est en 1998 qu'avait été rendue publique la décision de créer un premier
laboratoire en site argileux, à Bure, dans la Meuse, ainsi que la décision de
rechercher un deuxième site en terrain granitique.
Je tiens à rappeler ce qu'a dit, à cette occasion, Dominique Strauss-Kahn : «
Le choix de l'énergie nucléaire sera poursuivi comme composante majoritaire de
l'approvisionnement électrique national. Ce choix nécessite un effort de
recherche renforcé pour apporter des réponses aux questions laissées ouvertes
par le cycle nucléaire, en particulier celles qui sont relatives aux déchets
nucléaires. »
La construction des laboratoires est un choix adapté, car on ne connaît pas
tous les effets à long terme des déchets radioactifs. Les laboratoires
permettent de continuer les recherches pour trouver la meilleure réponse
possible à la question du stockage, dans le respect de la sécurité des
populations et de la protection de l'environnement.
A ce propos, monsieur le ministre, j'aimerais connaître votre analyse sur
l'expérience que la Suisse est en train de mener et qui paraît très
intéressante : celle d'un stockage évolutif durable, sous contrôle régulier,
réversible durant au moins une centaine d'années. La France a-t-elle engagé des
études similaires sur ce point ?
Nous ne l'avions pas envisagé en 1991. Or, aujourd'hui, que se passe-t-il ? Où
en sommes-nous ?
Nous avons l'impression de revivre ce que nous avions connu avant le vote de
la loi de 1991, lorsque l'Agence nationale pour la gestion des déchets
radioactifs avait commencé à rechercher les sites susceptibles de répondre aux
critères géologiques d'un stockage en profondeur. A l'époque, ces travaux,
menés sans information ni concertation, avaient provoqué un fort phénomène de
rejet.
Il en est de même aujourd'hui tant apparaît au grand jour le manque de
diplomatie et de clarté avec lequel intervient la mission « Granite » au fil de
ses déplacements. Il est vrai que la tâche de ses participants est
particulièrement difficile au regard de l'accueil qu'ils reçoivent à chaque
étape !
A ce sujet, monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire pourquoi c'est une
association écologiste qui a révélé à l'AFP les quinze sites présélectionnés
pour l'implantation des laboratoires ?
Par ailleurs, monsieur le ministre, alors qu'il reste encore onze sites sur
quinze à visiter d'ici au 30 juin, on peut d'ores et déjà s'interroger sur la
validité de la démarche entreprise. Les délais seront-ils tenus ? Ne devrait-on
pas reprendre la concertation en ouvrant un véritable dialogue et un débat
contradictoire clair ?
Nous connaissons les craintes qui se cristallisent autour du nucléaire, plus
particulièrement autour de la question de la gestion des déchets. En
conséquence, nous devons, d'une part, mieux comprendre les réactions de nos
concitoyens, notamment de ceux qui habitent près des sites concernés, et,
d'autre part, faire un véritable effort de communication et d'information.
Je voudrais vous poser une dernière question sur l'accueil, que je qualifierai
d'organisé et d'irresponsable, qui attendait la mission « Granite » à chaque
étape.
En Corrèze, un porte-parole a lu, au nom de 250 manifestants présents, une fin
de non-recevoir.
En Mayenne - je n'y reviens pas, Jean Arthuis a bien rappelé comment cela
s'est passé - plusieurs milliers de personnes ont encerclé pendant cinq heures
le minibus dans lequel se trouvaient ces missionnaires avant de les
raccompagner, encadrés par des tracteurs, jusqu'à la frontière départementale,
vers la Sarthe.
Dans la Vienne, à Poitiers, 500 manifestants ont accueilli la mission.
A Dinan, dans les Côtes-d'Armor, ils étaient 5 000. C'était suffisant pour
interrompre la mission, dont les membres ont décidé « de se donner le temps de
la réflexion et d'adapter sa méthode d'information ». Je pense d'ailleurs
qu'ils ont eu raison de prendre une telle décision.
Je vous ai parlé d'accueil organisé et irresponsable, monsieur le ministre,
car, chaque fois, l'accueil était le même. Les missionnaires pouvaient entendre
et lire les mêmes slogans sur les mêmes pancartes : « Non à une bombe sous nos
pieds » ou encore : « Non à 180 Tchernobyl sous terre ». Ils retrouvaient
exactement les mêmes organisateurs, membres d'un collectif d'associations qui
s'est donné le nom « Sortir du nucléaire » !
Ce collectif déclare très ouvertement que, « à travers ce refus des
laboratoires d'enfouissement de déchets nucléaires ; ils souhaitent poser la
question du nucléaire », et ils ajoutent : « La première manière de se
débarrasser des déchets nucléaires, c'est de ne plus en produire. »
C'est facile, mais sacrément irresponsable !
En matière nucléaire, monsieur le ministre - majorité plurielle oblige,
devrais-je dire -, nous avons été habitués aux décisions abruptes, unilatérales
et politiques, à l'image de l'abandon de Superphénix.
Aujourd'hui, nous attendons que soit clarifiée la position du Gouvernement sur
la question des déchets et sur l'application de la loi votée par le Parlement
en 1991.
Cela signifie au moins deux choses : premièrement, il faut expliquer à nos
concitoyens de manière claire et cohérente la stratégie poursuivie, à court
terme comme à long terme ; deuxièmement, il faut étudier sans
a priori
toutes les options de stockage avant de décider et d'arbitrer.
Ces deux conditions sont, en effet, les garantes du respect de la loi de 1991,
qui prévoit, je le rappelle après d'autres, qu'en 2006 le Gouvernement
transmettra au Parlement un rapport afin que ce dernier puisse décider, en
connaissance, des modalités de stockage pour notre pays.
En guise de conclusion, je présenterai une suggestion, monsieur le ministre :
ne serait-il pas judicieux que la mission « Granite » ne reprenne son tour de
France qu'après les élections municipales de 2001 ?
(M. le ministre sourit.)
La tension serait peut-être alors moins violente...
(Applaudissements
sur les travées des Républicains et Indépendans, de l'Union centriste et du
RPR.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures,
sous la présidence de M. Christian Poncelet.)