Séance du 6 avril 2000






STOCKAGE DES DÉCHETS RADIOACTIFS

Discusion d'une question orale avec débat

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat suivante :
« M. Jean Arthuis attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur le problème du stockage des déchets radioactifs.
« La mission collégiale de concertation "Granite" s'est rendue le 13 mars en Mayenne. Cette mission est chargée de rencontrer les élus, les associations et la population des quinze massifs granitiques retenus en France pour l'étude du projet d'implantation d'un laboratoire de qualification géologique en vue de la gestion des déchets radioactifs à haute activité et à durée de vie longue. Elle s'est heurtée à une forte hostilité. En effet, ce projet, qui concerne en Mayenne le massif d'Izé, suscite, et à juste titre, une vive émotion, de nombreuses inquiétudes et interrogations. Cela tient sans doute à l'incompréhension, née de l'absence d'informations claires et cohérentes.
« Il doit d'abord être observé que l'annonce de la liste des sites susceptibles d'accueillir le laboratoire est venue non pas par la voie instituée par le Gouvernement mais par un collectif dénommé "Réseau sortir du nucléaire", opposé au principe de l'enfouissement des déchets.
« S'agissant de la production de déchets radioactifs à longue durée de vie, les déclarations les plus contradictoires sont prononcées, en effet, au sein du Gouvernement. Ainsi, M. le ministre de l'éducation nationale affirmait le 30 juin 1997 que, le stockage en profondeur des déchets nucléaires étant dangereux pour les générations futures, mieux valait les stocker en surface ou en subsurface. De son côté, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l'ANDRA, indiquait récemment que "certains déchets à vie longue restent actifs pendant plusieurs dizaines voire centaines de milliers d'années et que, sur une période aussi longue, la sécurité de leur stockage ne peut reposer sur la pérennité de barrières ouvragées en surface".
« Par ailleurs, un très récent rapport parlementaire publié le jeudi 9 mars 2000 par Mme Michèle Rivasi, député de la Drôme, met clairement en évidence le manque total de cohérence de la gestion des déchets radioactifs en France et réclame qu'un plan national soit élaboré à ce sujet. Enfin, le Parlement est toujours dans l'attente d'un futur projet de loi sur la transparence nucléaire promis par le Gouvernement.
« Les ambiguïtés de la démarche gouvernementale contribuent à entretenir l'inquiétude, tant des élus que de la population des régions concernées, et à alimenter le rejet de l'accueil éventuel d'un laboratoire de recherche en vue du stockage de déchets hautement radioactifs. Tant d'incohérence ruine l'autorité des membres de la mission collégiale de concertation "Granite".
« Il lui demande donc de lui préciser quels sont les risques réels pour l'environnement du stockage en surface ou en subsurface, et quelle est la politique de l'Etat en matière de déchets nucléaires. »
Avant d'ouvrir le débat, je veux, monsieur le ministre de la recherche, saluer votre première venue au Sénat dans vos nouvelles fonctions.
Je forme le voeu, avec tous mes collègues, que nous travaillions ensemble avec le meilleur esprit de compréhension mutuelle et dans la recherche constante du dialogue républicain entre le Sénat et le Gouvernement, que vous représentez aujourd'hui.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. Je demande la parole.
M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche. Monsieur le président, je suis très sensible aux paroles d'accueil si aimables que vous avez bien voulu prononcer, et je tiens à vous dire que revenir devant la Haute Assemblée représente pour moi un grand honneur.
J'ai eu l'occasion de fréquenter cette enceinte voilà quelques années, en tant que secrétaire d'Etat aux universités, et j'ai toujours vivement apprécié la très forte expérience et la très haute compétence qui caractérisent les membres de la Haute Assemblée. J'attache donc beaucoup d'importance au fait d'être ici aujourd'hui. J'aurai bien sûr, à coeur, dans mes fonctions de ministre de la recherche, d'écouter et de dialoguer, et en priorité avec les parlementaires.
M. le président. La parole est à M. Arthuis, auteur de la question.
M. Jean Arthuis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais saluer à mon tour la présence parmi nous de M. Schwartzenberg en sa qualité de ministre de la recherche.
Bien entendu, les faits que je vais évoquer mettent en cause la politique du Gouvernement, et votre nomination récente, monsieur le ministre, vous amènera à sans doute les considérer avec un peu de recul.
A ce propos, je voudrais exprimer un regret, que vous ne devez pas prendre en mauvaise part : voilà un instant, Mme Voynet était présente dans cet hémicycle pour traiter d'un autre thème crucial, à savoir la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre, et je déplore qu'elle ne soit pas restée au banc du Gouvernement pour participer à ce débat relatif à l'énergie nucléaire et au stockage des déchets nucléaires. En effet, j'observe que, depuis sa nomination au Gouvernement, ses interventions sur le thème du nucléaire se font rares, et je regrette donc profondément son absence.
Les événements qui se sont produits dans la soirée du 13 mars derniers à Bais, dans la Mayenne, sont d'une exceptionnelle gravité. Trois hauts fonctionnaires, un préfet de région honoraire, un ingénieur général des mines et un ingénieur général du génie rural, des eaux et des forêts se souviendront des longues heures marquées d'humiliation, d'insultes blessantes, d'expressions de haine et de violence qu'ils ont vécues. Ces trois représentants de l'Etat ont été nommés par le Gouvernement le 3 août 1999, en application de la loi du 30 décembre 1991, pour conduire une mission d'information, dite « mission Granite », en référence à la roche susceptible d'accueillir un laboratoire de qualification géologique en vue de la gestion de déchets radioactifs à haute activité et à durée de vie longue. Cette mission s'est heurtée - et c'est peu dire - à l'incompréhension la plus flagrante.
Comment suscite-t-on la colère ? Comment en vient-on à de telles exactions ? Comment peut-on laisser une telle prise à la désinformation ? La réponse est simple : en manquant à son devoir d'information - je sais le poids de notre héritage d'opacité dans la sphère publique ! - en négligeant les règles de la concertation, en faisant fi de l'obligation de respecter les personnes directement concernées par le projet !
Je blâme toutes les formes de violence, je ne cherche aucune excuse aux manipulateurs et autres apprentis sorciers, aux activistes de la récupération politique ou aux adeptes de méthodes presque totalitaires, je récuse ce qui ne relève pas d'une attitude républicaine. J'ai donc tout fait, en ma qualité d'élu mayennais, pour rendre possibles l'information et le dialogue avec les trois « missionnaires » mandatés par le Gouvernement.
En cette fin d'après-midi du 13 mars, ils venaient de rencontrer les membres du conseil général, auxquels s'étaient joints les parlementaires du département, les maires des communes concernéees, soudainement mis en alerte, et deux représentants d'associations hostiles à l'implantation éventuelle d'un laboratoire dans le massif granitique affleurant d'Izé.
La suite, chacun la connaît désormais : c'est l'explosion des peurs et des angoisses. Elle n'est d'ailleurs pas localisée, puisque, dans les différentes régions concernées par un éventuel enfouissement de déchets radioactifs, la même absence d'information a conduit à des comportements de rejet, certes plus ou moins marqués.
Je pourrais mentionner quelques sites, dans l'Orne, la Vienne, la Charente, la Vendée, le Cantal, les Deux-Sèvres, etc.
M. Michel Moreigne. La Creuse !
M. Jean Arthuis. Mon collègue Pierre Jarlier, sénateur du Cantal, qui regrette de ne pouvoir être présent aujourd'hui, aurait ainsi aimé vous rappeler, monsieur le ministre, que les conseils municipaux de quatorze communes concernées et d'une trentaine de communes périphériques ont voté une délibération s'opposant à ce projet, qu'ils jugent totalement incompatible avec le développement du département et sa démarche en matière de qualité de vie. D'autres collègues, notamment André Dulait et Louis Moinard en ce qui concerne le groupe de l'Union centriste, interviendront dans ce débat.
Les manifestations de peur que j'évoquais découlent d'une conception étonnante de l'art de gouverner. C'est donc bien la méthode, ou peut-être devrais-je dire l'absence de méthode, qui est en cause. Dois-je rappeler ce que Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, déclarait devant l'Assemblée nationale le 21 janvier 1999 : « Transparence, parce que nos concitoyens sont en droit de bénéficier d'une information fiable et objective concernant les conséquences des choix de politique énergétique. » ?
Eh bien, mes chers collègues, le contrat n'est pas rempli, c'est le moins que l'on puisse dire ! C'est pourquoi je souhaite, monsieur le ministre, obtenir des éclaircissements sur la politique du Gouvernement en matière nucléaire, notamment sur l'important problème du stockage des déchets.
Ma démarche ne relève évidemment pas d'une opposition facile, voire primaire, instinctive, à un projet pourtant essentiel puisqu'il engage l'avenir de notre société : le développement de l'industrie électronucléaire. Mais j'ai le devoir de me faire l'interprète de mes concitoyens, espérant ainsi dissiper leurs incompréhensions. Je veux aussi faire écho à leur légitime manque d'indulgence pour un mode de communication défaillant, censé les rendre attentifs aux caractéristiques d'un projet aussi sensible.
Permettez, monsieur le ministre, que je formule, devant le Sénat, mes griefs.
En premier lieu, je déplore le manque de transparence qui a précédé l'annonce clandestine du projet d'implantation en France de ce fameux laboratoire. Je me dois de vous rappeler, en effet, que l'information a été portée à la connaissance de la population et des élus concernés non par la voix du Gouvernement mais par une dépêche émanant de l'Agence France-Presse, reprenant un texte signé d'un collectif d'associations écologistes et antinucléaires dénommé « Réseau sortir du nucléaire ».
Cette annonce n'accrédite-elle pas l'hypothèse d'une « fuite » tolérée ou organisée par le cabinet du ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ? C'est dire si je regrette l'absence de Mme Voynet en cette instance. Il s'agit alors, vous l'avouerez, d'une conception de la transparence bien peu conforme à la volonté d'ouverture affichée par le Gouvernement. Ce dernier a compromis, avant qu'elle débute, la validité même de la démarche de consultation entreprise par la mission « Granite ». L'amertume a dû s'emparer de l'esprit des trois émissaires gouvernementaux, face à tant d'incohérence de la part de ceux qui venaient de les nommer quelques mois plus tôt, notamment votre prédécesseur, monsieur le ministre.
Le deuxième grief, monsieur le président, mes chers collègues, sera l'occasion de dénoncer l'art de l'équivoque et de l'ambiguïté que pratique le Gouvernement. S'agissant du traitement et du stockage de déchets radioactifs à longue durée de vie, des déclarations contradictoires circulent en effet au plus haut niveau de l'Etat.
J'en veux pour preuve les propos tenus le 30 juin 1997 par le tout nouveau ministre de l'éducation nationale et de la recherche, M. Claude Allègre, qui annonçait alors : « Je suis contre le stockage en profondeur des déchets nucléaires parce que c'est dangereux pour les générations futures. Un tel choix procède d'une philosophie de la peur ; on a peur des déchets, on les cache. Il vaut mieux les stocker en surface ou en subsurface. On peut les surveiller et, s'il y a des incidents, mieux les maîtriser. »
De son côté, l'ANDRA, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, précise « que certains déchets à vie longue restent actifs pendant plusieurs dizaines voire centaines de milliers d'années et que, sur une période aussi longue, la sécurité de leur stockage ne peut reposer sur la pérennité de barrières ouvragées en surface ».
Les progrès de la science ont-ils eu, en si peu de temps, raison des propos de M. Claude Allègre, géochimiste de formation ? Le doute, vous en conviendrez, est permis, et les incertitudes les plus fortes demeurent.
En l'état actuel des connaissances scientifiques, s'agissant de la gestion des déchets radioactifs, il est moralement insoutenable d'engager les générations futures sur un choix exclusif de traitement dont les conséquences physiques, chimiques, hydrogéologiques, environnementales et humaines restent mal appréciées. Le principe de précaution, si souvent invoqué, s'impose donc et doit engager le Gouvernement à clarifier sa politique en matière de gestion de déchets nucléaires au niveau national.
Monsieur le ministre, les conclusions du récent rapport parlementaire de Mme Rivasi, députée apparentée socialiste de la Drôme, doivent naturellement vous y inciter vivement.
Ce rapport met en effet clairement en évidence « le manque total de cohérence dans la gestion des déchets radioactifs en France » et recommande la mise en place d'un plan national de gestion de déchets radioactifs faisant clairement apparaître les volumes en jeu et les responsabilités des uns et des autres.
Mais la plus grande des responsabilités n'incombe-t-elle pas aux pouvoirs publics, qui tardent à présenter devant le Parlement un projet de loi sur la transparence nucléaire ? Il est vrai que le Gouvernement nous a habitués à bien des atermoiements sur d'autres sujets pourtant vitaux pour l'avenir de notre pays.
Monsieur le ministre, je n'ignore pas que, à ce jour, la production d'électricité en France est à 77 % d'origine nucléaire. Je sais, par conséquent, qu'il en résulte une forte implication du Gouvernement pour imposer une filière nucléaire qui, contrôlée et maîtrisée, semble rester la manière la plus sûre de produire de l'électricité, et je pourrais revenir au débat du début de matinée sur l'effet de serre.
Les faits sont là : grâce au nucléaire, le taux de dépendance énergétique de la France est de 50 %. La compétitivité du nucléaire n'est plus, me semble-t-il, à démontrer. Cette énergie permet à EDF de se positionner en premier exportateur européen d'électricité. S'agissant de son impact écologique et environnemental, force est de constater que le nucléaire diminue l'émission de gaz polluants. Un kilowattheure génère 900 grammes de CO2 lorsqu'il est fabriqué avec du charbon, 700 grammes avec du fioul, 600 grammes avec du gaz, et n'engendre pas de CO2 quand il est produit avec de l'uranium ; on revient là au débat qui a eu lieu tout à l'heure sur l'effet de serre. C'est donc une solution digne d'intérêt.
Néanmoins, le problème majeur concerne les déchets nucléaires, notamment ceux qui ont une durée de vie longue. Cela doit donc inciter les autorités de l'Etat à favoriser et à intensifier les recherches dans le sens de la réduction de leur quantité, de leur volume et de leur nocivité.
Pour y parvenir, la mise en service en 1988 du surgénérateur Superphénix, réacteur à neutrons rapides, constituait une solution saluée par les spécialistes et représentait une source primordiale d'énergie renouvelable.
Seulement voilà, face au puissant lobby antinucléaire, dont l'objectif est de bloquer tout développement du nucléaire civil, à grand renfort d'assertions mensongères, de pressions sur l'opinion publique, de campagnes de désinformation, et compte tenu des petites lâchetés d'un gouvernement en mal de votes « verts », pris, de plus, en flagrant délit de contradictions internes, le Premier ministre a confirmé le 2 février 1998 l'arrêt définitif de Superphénix.
Cette décision remet en cause la notion même de retraitement des déchets et je m'interroge sur la voie explorée de la recherche sur la transmutation, préconisée par la loi du 30 décembre 1991.
Le problème de la réversibilité ou de l'irréversibilité des déchets n'est pas résolu. L'évolution des sciences et des techniques ne délivre aucune expertise fiable et indépendante sur l'hypothèse du stockage de déchets radioactifs en surface ou en subsurface.
Le devenir des déchets radioactifs demeure donc entier et extrêmement préoccupant. La décision annoncée le lundi 3 avril dernier par la mission collégiale de concertation « Granite » de faire une pause dans ses consultations n'est-elle pas un aveu d'échec du Gouvernement ? Cela ne laisse guère augurer une réelle volonté de la part de ce dernier de se conformer aux exigences de la loi du 30 décembre 1991, qui l'oblige à présenter en 2006 au Parlement le résultat de quinze ans de recherches scientifiques et techniques.
Face à cette incapacité à conduire la France dans la voie de la responsabilité et du progrès, interrogations et doutes se sont emparés de nos concitoyens : ils se refusent à cautionner plus longtemps une politique qui conduit à de tels errements et contrevient au bon sens.
Quelle est la politique nucléaire du Gouvernement ? Quelle est sa politique pour traiter les déchets radioactifs ? Quel est l'état actuel des recherches ? Quelles options le Gouvernement entend-il prendre en matière de stockage des déchets ? Enfin, que devient la mission « Granite » ? Lui avez-vous imposé, monsieur le ministre, d'interrompre son action ?
Avant d'entendre votre réponse à ces questions essentielles aux yeux de tous les Français, et particulièrement des Mayennais, je veux vous rappeler, monsieur le ministre, que les conseils municipaux et le conseil général de la Mayenne ont, pour leur part, répondu, sans ambiguïté, au Gouvernement. Ils n'étaient pas candidats, ils refusent d'accueillir le laboratoire de qualification géologique en vue de la gestion des déchets nucléaires, pour des motifs de cohérence avec leurs options de développement. Ils entendent privilégier les productions agricoles portant les marques de la qualité et de l'authenticité, le tourisme rural et le respect des sites et de l'environnement. Je souhaite que vous leur en donniez acte et que vous confirmiez que la Mayenne est désormais écartée des sites susceptibles d'être choisis.
Monsieur le ministre, « nous n'héritons pas de la Terre de nos parents. Nous l'empruntons à nos enfants ». Les générations futures nous demanderont des comptes. Aujourd'hui, comment comptez-vous répondre aux angoisses et aux inquiétudes exprimées par nos concitoyens ? Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous éclairer par vos réponses. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 31 minutes ;
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 10 minutes.
La parole est à M. Bony.
M. Marcel Bony. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'aval du cycle nucléaire, c'est-à-dire la gestion du combustible usé et des déchets qui en résultent, est l'une des questions qui préoccupent le plus nos concitoyens en matière de politique énergétique. C'est certainement parce qu'il s'agit du point faible de la filière nucléaire. En effet, il n'existe pas, aujourd'hui, de solution technique satisfaisante permettant de résorber les déchets.
Aussi, cher collègue Arthuis, le contenu de votre question m'a étonné.
Je ne comprends pas, en effet, que l'on aborde ce sujet de façon partisane et polémique. Je considère que nous n'avons pas à nous interroger sur la politique de l'Etat en matière de déchets nucléaires, car la réponse est très simple : le Gouvernement applique la politique définie, à l'unanimité,...
M. Jean Arthuis. ... par une dépêche de l'AFP !
M. Marcel Bony. ... par le Parlement dans la loi du 30 décembre 1991.
Souvenez-vous : cette loi fut votée après que Michel Rocard eut décidé de suspendre la recherche de sites d'enfouissement de déchets radioactifs. En effet, ces prospections, engagées plusieurs années auparavant, provoquaient déjà, à l'époque, une grande inquiétude parmi les populations concernées, y compris sous la première cohabitation.
Dans ces conditions, il est injuste de rendre l'actuel Gouvernement responsable de l'émotion, des inquiétudes, que la recherche sur l'enfouissement des déchets radioactifs provoque parmi nos concitoyens.
De même, il n'est pas correct d'assimiler au Gouvernement l'ANDRA, établissement public industriel et commercial, pour dénoncer de prétendues incohérences.
La vérité, c'est que la question du nucléaire a échappé trop longtemps au débat démocratique. Cela a contribué - et c'est compréhensible - à faire naître un sentiment de méfiance.
La loi de 1991 permet au Parlement d'être le garant de la démocratie et du dialogue dans un domaine extrêmement sensible.
En agissant comme vous le faites, monsieur Arthuis, vous décrédibilisez la représentation nationale puisque vous sabotez un débat que vous avez contribué à instaurer.
Les manifestants de la Mayenne, que vous invoquez, prétendent que l'installation d'un laboratoire de recherche souterrain préfigure inévitablement l'enfouissement de déchets sur les sites retenus, et ce alors que la loi de 1991 prévoit que les décisions ne seront prises qu'en 2006, sur la base de données scientifiques recueillies pendant quinze ans.
M. Jean Arthuis. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur Bony ?
M. Marcel Bony. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. Arthuis, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean Arthuis. Monsieur Bony, votre intervention a sans doute été rédigée avant que vous ayez pu entendre mes propos.
Je n'ai en effet pas manqué de dire que ce qui s'est produit en Mayenne a laissé une prise fantastique à la désinformation, à la suite, me semble-t-il de l'échec du Gouvernement dans sa mission d'information. C'est par une dépêche de l'AFP qu'un collectif de Verts a rendu public ce projet, doublant en quelque sorte la mission « Granite » et le Gouvernement.
Comment a-t-on pu permettre une telle fuite d'informations et créer des conditions aussi déplorables pour que les manipulateurs, les apprentis sorciers, les désinformateurs, tous ceux qui jouent sur les peurs et sur les angoisses aient pu à ce point susciter la colère, la réponse de toute bonne foi étant malheureusement, bien souvent, la violence ? (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Bony.
M. Marcel Bony. Monsieur Arthuis, je rappelais que les manifestants de la Mayenne, que vous invoquez, prétendent que l'installation d'un laboratoire de recherches souterrain préfigure inévitablement l'enfouissement de déchets sur les sites retenus, et ce alors que la loi de 1991 prévoit que les décisions ne seront prises qu'en 2006, sur la base de données scientifiques recueillies pendant quinze ans.
Ces personnes pensent donc que le Parlement est réduit au rôle de chambre d'enregistrement des choix d'un lobby nucléaire incontrôlable.
Il faut cesser les querelles inutiles et retrouver l'esprit qui nous animait lorsque nous avons décidé, unanimement, de nous saisir enfin de ces questions.
Si nous ne sommes pas capables de remplir notre rôle, les gens se tourneront de plus en plus vers des associations pour faire entendre leur voix.
C'est pourquoi le groupe socialiste préfère poser au Gouvernement une série de questions.
Tout d'abord, où en est-on dans l'application de la loi de 1991, qui, comme vous le savez, fixe trois actes de travail ?
Le premier axe correspond à la recherche sur la séparation et la transmutation.
En 1991, cet axe était difficile à formaliser compte tenu de l'état de la science nucléaire. Mais le Parlement avait tenu à l'inscrire au premier plan, non sans raisons d'ailleurs, puisque, aujourd'hui, certains experts pensent que, d'ici à une cinquantaine d'années, une méthode sera trouvée pour transformer par réaction nucléaire des déchets radioactifs à haute activité en éléments stables ou à vie courte.
La séparation-transmutation est donc aujourd'hui théoriquement fondée.
Ecarte-t-elle la voie du stockage ? Rien n'est moins sûr ! En effet, d'après le rapport Bataille, il semble, pour l'instant, que les deux axes de recherche soient complémentaires et non pas alternatifs.
Mais certains estiment déjà que, si la séparation-transmutation ne pouvait être réalisée entièrement, il serait inutile de mettre en oeuvre des processus longs et coûteux uniquement pour atteindre une réduction du volume des déchets ultimes, qui devraient être stockés tout de même.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous tous, citoyens et élus, avons besoin d'être rassurés sur le soutien du Gouvernement à ce premier axe, en lequel le législateur a fondé beaucoup d'espoirs.
Quel est l'avenir des réacteurs de type Phénix ? Où en sont les projets sur la transmutation et les coopérations entre le Centre national de la recherche scientifique et le Commissariat à l'énergie atomique ? Les réponses à ces interrogations sont primordiales pour l'après 2006 et l'éventuelle prééminence d'une voie sur l'autre.
Les deux autres axes fixés par la loi du 30 décembre 1991 sont relatifs à l'entreposage en profondeur et à l'entreposage en surface.
Nombreux sont les pays à avoir prévu des places de stockage souterrain. Mais la question de la sécurité reste posée. En France, l'ANDRA nous assure que les « barrières » successives entre les « colis » de déchets radioactifs et la surface permettent d'obtenir une sûreté maximale.
Cependant, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques n'écarte pas l'accident géologique.
Est-il possible d'affirmer que les eaux souterraines ne feront pas remonter les éléments toxiques ou que des forages ne provoqueront pas de rupture du confinement ? Est-il possible, monsieur le ministre, de faire un point sur les recherches déjà effectuées, notamment par le BRGM, le Bureau de recherches géologiques et minières et l'ANDRA ?
Par ailleurs, la mission collégiale de concertation « Granite » chargée de consulter les élus, les associations et la population concernés devait se rendre dans le Puy-de-Dôme le 7 avril, c'est-à-dire demain. Or la réunion a été reportée. Cela signifie-t-il que le Gouvernement attend une période plus propice ou qu'il cherche à définir une autre méthode sur cet axe ?
Dans le Puy-de-Dôme, comme dans d'autres départements, les projets de laboratoire envisagés se télescoperaient avec les programmes de développement émanant des communautés de communes et interféreraient de manière très forte avec la gestation des « pays », au sens de la loi d'orientation pour l'aménagement et de développement durable du territoire.
Les travaux de réflexion sur l'entreposage en surface, troisième axe de la loi de 1991, avaient pris du retard par rapport à ceux des autres voies. Ce retard a été rattrapé.
Les problèmes portent sur les systèmes d'entreposage de différentes catégories de déchets sur de très longues durées. De cette réflexion dépend la réversibilité du processus.
La notion de réversibilité est essentielle. Les parlementaires y sont très attachés et l'ont affirmé.
Les générations futures doivent en effet pouvoir être en mesure de surveiller, de contrôler et, le cas échéant, de reprendre les déchets. C'est une charge qui pèsera sur elles, mais je n'ai, pour ma part, aucun doute sur cette option de précaution. Je la préfère à celle qui consisterait à faire en sorte que nos descendants n'aient aucune obligation de contrôle et de surveillance sur des stocks irréversibles. L'accident est peut-être improbable ; il est toujours possible.
Dès lors, je vous demande, monsieur le ministre, de veiller à optimiser cette réversibilité, sans que cela soit conçu au détriment de la sécurité et de la sûreté des installations.
Voilà donc les questions cruciales. Toutefois, le groupe socialiste ne pense pas que la démocratisation de la question nucléaire s'arrête au problème du traitement des déchets. Le Parlement doit pouvoir assurer un rôle régulier de surveillance de l'activité nucléaire en général.
L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, instauré en 1983, a représenté un premier pas important dans cette direction, suivi par la loi du 30 décembre 1991. Il nous faut aller plus loin et mettre fin définitivement à la culture du secret !
L'organisation française du contrôle et de l'expertise dans le domaine du nucléaire est aujourd'hui techniquement satisfaisante. Mais il convient de mieux dissocier les activités d'expertise et de contrôle de l'activité d'exploitation : il faut mettre en place des études sanitaires précises, comme le suggère Mme Rivasi dans le récent rapport que vous avez évoqué, monsieur Arthuis. A l'heure où les mots « sécurité » et « traçabilité » sont à la mode, c'est bien la moindre des choses.
Monsieur le ministre, quand le Gouvernement déposera-t-il le projet de loi sur la transparence nucléaire ?
De façon encore plus générale, la loi relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, adoptée récemment, prévoit qu'un projet de loi d'orientation sur la politique énergétique doit être présenté au Parlement avant le 31 décembre 2002.
Il faut assurer l'intervention la plus large, la plus complète possible du Parlement dans ce domaine pour aller dans le sens des aspirations de nos concitoyens en faveur de modes de production durable et de la mise en place de dispositifs d'évaluation.
Pour conclure, je tiens à revenir à la question de l'enfouissement des déchets, car c'est ce qui focalise le débat.
Nous respecterons la loi de 1991 si nous abordons ce sujet sans préjugés.
Pour ma part, il me paraît essentiel d'écouter et d'étudier tous les arguments.
Les associations de défense de l'environnement posent, à mon avis, de bonnes questions : comment garder la mémoire d'un site pendant des milliers d'années ? Comment éviter la pollution des nappes phréatiques ou le retour de particules radioactives dans la biosphère ? J'attends des réponses à ces questions.
En 2006, ou plus tard, ce devra être au Parlement, et à lui seul, de trancher en toute objectivité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Moinard.
M. Louis Moinard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le massif granitique d'Avrillé, en Vendée, a été présélectionné pour l'étude d'un projet d'installation d'un centre de gestion de déchets radioactifs.
L'émoi de toute la population est le reflet d'une angoisse très profonde liée à tout ce qui concerne le nucléaire.
La commune d'Avrillé est située à moins de dix kilomètres du littoral, déjà atteint par les hydrocarbures échappés de l' Erika .
Imaginez un seul instant l'impact de la seule annonce d'une procédure de concertation locale !
La croissance démographique du territoire concerné, l'environnement de qualité qui favorise l'économie touristique d'un des premiers départements touristiques français plaident pour un refus catégorique à l'encontre d'un tel projet.
Un site est visé, et c'est tout un département qui est touché !
Vous prenez des décisions aujourd'hui, mais ce seront les générations futures qui géreront les impacts, voire les risques !
Par ailleurs, mon collègue et ami Pierre Jarlier, sénateur du Cantal, qui ne peut être présent aujourd'hui, m'a fait part de l'opposition unanime des habitants et des élus à un projet identique dans son département, projet que les élus locaux ont également appris par voie de presse !
Monsieur le ministre, quinze sites au total ont été retenus par les géologues pour l'installation éventuelle du futur laboratoire d'études en terrain granitique.
Pouvez-vous me préciser si, préalablement à cette présélection, qui, bien évidemment, tient compte de la géologie des sites, il est procédé à une analyse de l'évolution démographique et économique du territoire visé ?
Face à l'opposition des Vendéens, quelles assurances pouvez-vous donner à ces derniers ? Peuvent-ils continuer à investir dans l'économie touristique ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le stockage des déchets radioactifs est de nouveau d'actualité depuis quelques semaines, et ce pour deux raisons.
Le premier élément d'actualité tient à la publication du rapport de Mme Rivasi, intitulé Les conséquences des installations de stockage des déchets nucléaires sur la santé publique et l'environnement. L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, dans le cadre duquel ce rapport a été préparé, a dû reporter sa décision avant de décider de son adoption. Je tiens à le rappeler parce que c'est un fait rarissime dans l'histoire de l'Office. A cette occasion, notre collègue Henri Revol, président de l'Office, a pu exprimer des réserves, que nous partageons, sur les propositions contenues dans ce rapport.
Le second élément d'actualité, mis en avant par M. Arthuis, est la manière de travailler de la mission dite « de concertation » : il s'agit, bien entendu, de la mission de concertation préalable au choix d'un ou de plusieurs sites pour implanter un laboratoire en zone granitique. Or, les déplacements de cette mission sont loin d'ouvrir le dialogue que l'on est en droit d'attendre et ne font qu'augmenter les crispations et le rejet sur le terrain par les populations.
Monsieur le ministre, votre collègue M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, nous l'a dit clairement, le 23 mars dernier, lors d'une de nos séances de questions d'actualité au Gouvernement : « Rien ne sera forcé, rien ne sera obligatoire, tout sera mêlé intimement grâce à une concertation très approfondie et au dialogue démocratique. »
Dans ce contexte, l'initiative de notre collègue Jean Arthuis est tout à fait appropriée, car elle devrait permettre d'ouvrir le débat et de clarifier les positions, même si l'on sait que la majorité gouvernementale n'aborde jamais sans difficulté et sans arrière-pensées politiques la question du nucélaire.
Depuis 1974, la France a fait le choix du nucléaire, ce qui lui a permis d'assurer son indépendance énergétique.
Bien sûr, le nucléaire produit des déchets. Mais les volumes de déchets radioactifs sont très faibles en comparaison avec les autres déchets industriels et chimiques toxiques, pour lesquels on ne prend pas toujours les mêmes précautions de traitement et de stockage.
Cependant, la dangerosité et la durée d'activité des déchets radioactifs expliquent qu'une procédure particulière leur soit réservée. Tel était l'objectif, qui prévoyait que les déchets de faible et moyenne activité à vie courte devaient être stockés dans des installations d'entreposage de surface et que les déchets nucléaires à haute radioactivité devaient être stockés en profondeur, dans des couches géologiques différentes, avec possibilité de réversibilité.
La loi prévoit, pour 2006, un rapport global d'évaluation des travaux, accompagné, le cas échéant, d'un projet de loi autorisant la création d'un centre de stockage. Il y a donc une « obligation de résultat » pour 2006.
Ce qu'il faut aussi savoir, c'est que le retraitement, même très poussé, ne permettra pas l'élimination totale des déchets. En conséquence, le stockage profond apparaît comme le mode de stockage le plus raisonnable sur lequel s'accordent la plupart des experts.
C'est en 1998 qu'avait été rendue publique la décision de créer un premier laboratoire en site argileux, à Bure, dans la Meuse, ainsi que la décision de rechercher un deuxième site en terrain granitique.
Je tiens à rappeler ce qu'a dit, à cette occasion, Dominique Strauss-Kahn : « Le choix de l'énergie nucléaire sera poursuivi comme composante majoritaire de l'approvisionnement électrique national. Ce choix nécessite un effort de recherche renforcé pour apporter des réponses aux questions laissées ouvertes par le cycle nucléaire, en particulier celles qui sont relatives aux déchets nucléaires. »
La construction des laboratoires est un choix adapté, car on ne connaît pas tous les effets à long terme des déchets radioactifs. Les laboratoires permettent de continuer les recherches pour trouver la meilleure réponse possible à la question du stockage, dans le respect de la sécurité des populations et de la protection de l'environnement.
A ce propos, monsieur le ministre, j'aimerais connaître votre analyse sur l'expérience que la Suisse est en train de mener et qui paraît très intéressante : celle d'un stockage évolutif durable, sous contrôle régulier, réversible durant au moins une centaine d'années. La France a-t-elle engagé des études similaires sur ce point ?
Nous ne l'avions pas envisagé en 1991. Or, aujourd'hui, que se passe-t-il ? Où en sommes-nous ?
Nous avons l'impression de revivre ce que nous avions connu avant le vote de la loi de 1991, lorsque l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs avait commencé à rechercher les sites susceptibles de répondre aux critères géologiques d'un stockage en profondeur. A l'époque, ces travaux, menés sans information ni concertation, avaient provoqué un fort phénomène de rejet.
Il en est de même aujourd'hui tant apparaît au grand jour le manque de diplomatie et de clarté avec lequel intervient la mission « Granite » au fil de ses déplacements. Il est vrai que la tâche de ses participants est particulièrement difficile au regard de l'accueil qu'ils reçoivent à chaque étape !
A ce sujet, monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire pourquoi c'est une association écologiste qui a révélé à l'AFP les quinze sites présélectionnés pour l'implantation des laboratoires ?
Par ailleurs, monsieur le ministre, alors qu'il reste encore onze sites sur quinze à visiter d'ici au 30 juin, on peut d'ores et déjà s'interroger sur la validité de la démarche entreprise. Les délais seront-ils tenus ? Ne devrait-on pas reprendre la concertation en ouvrant un véritable dialogue et un débat contradictoire clair ?
Nous connaissons les craintes qui se cristallisent autour du nucléaire, plus particulièrement autour de la question de la gestion des déchets. En conséquence, nous devons, d'une part, mieux comprendre les réactions de nos concitoyens, notamment de ceux qui habitent près des sites concernés, et, d'autre part, faire un véritable effort de communication et d'information.
Je voudrais vous poser une dernière question sur l'accueil, que je qualifierai d'organisé et d'irresponsable, qui attendait la mission « Granite » à chaque étape.
En Corrèze, un porte-parole a lu, au nom de 250 manifestants présents, une fin de non-recevoir.
En Mayenne - je n'y reviens pas, Jean Arthuis a bien rappelé comment cela s'est passé - plusieurs milliers de personnes ont encerclé pendant cinq heures le minibus dans lequel se trouvaient ces missionnaires avant de les raccompagner, encadrés par des tracteurs, jusqu'à la frontière départementale, vers la Sarthe.
Dans la Vienne, à Poitiers, 500 manifestants ont accueilli la mission.
A Dinan, dans les Côtes-d'Armor, ils étaient 5 000. C'était suffisant pour interrompre la mission, dont les membres ont décidé « de se donner le temps de la réflexion et d'adapter sa méthode d'information ». Je pense d'ailleurs qu'ils ont eu raison de prendre une telle décision.
Je vous ai parlé d'accueil organisé et irresponsable, monsieur le ministre, car, chaque fois, l'accueil était le même. Les missionnaires pouvaient entendre et lire les mêmes slogans sur les mêmes pancartes : « Non à une bombe sous nos pieds » ou encore : « Non à 180 Tchernobyl sous terre ». Ils retrouvaient exactement les mêmes organisateurs, membres d'un collectif d'associations qui s'est donné le nom « Sortir du nucléaire » !
Ce collectif déclare très ouvertement que, « à travers ce refus des laboratoires d'enfouissement de déchets nucléaires ; ils souhaitent poser la question du nucléaire », et ils ajoutent : « La première manière de se débarrasser des déchets nucléaires, c'est de ne plus en produire. »
C'est facile, mais sacrément irresponsable !
En matière nucléaire, monsieur le ministre - majorité plurielle oblige, devrais-je dire -, nous avons été habitués aux décisions abruptes, unilatérales et politiques, à l'image de l'abandon de Superphénix.
Aujourd'hui, nous attendons que soit clarifiée la position du Gouvernement sur la question des déchets et sur l'application de la loi votée par le Parlement en 1991.
Cela signifie au moins deux choses : premièrement, il faut expliquer à nos concitoyens de manière claire et cohérente la stratégie poursuivie, à court terme comme à long terme ; deuxièmement, il faut étudier sans a priori toutes les options de stockage avant de décider et d'arbitrer.
Ces deux conditions sont, en effet, les garantes du respect de la loi de 1991, qui prévoit, je le rappelle après d'autres, qu'en 2006 le Gouvernement transmettra au Parlement un rapport afin que ce dernier puisse décider, en connaissance, des modalités de stockage pour notre pays.
En guise de conclusion, je présenterai une suggestion, monsieur le ministre : ne serait-il pas judicieux que la mission « Granite » ne reprenne son tour de France qu'après les élections municipales de 2001 ? (M. le ministre sourit.) La tension serait peut-être alors moins violente... (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendans, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)