Séance du 27 avril 2000
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Solidarité et renouvellement urbains.
- Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
1
).
Discussion générale
(suite)
: MM. Ambroise Dupont, Gérard Larcher,
Jacques Pelletier, Daniel Percheron, Denis Badré, Jean-Pierre Raffarin,
Jean-Paul Delevoye, André Vezinhet, Pierre Hérisson, Alain Joyandet, Serge
Lagauche, Jean-Paul Amoudry, Dominique Braye, Michel Teston, Hubert Haenel,
Marcel Vidal.
Clôture de la discussion générale.
MM. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du
logement ; Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.
Suspension et reprise de la séance (p. 2 )
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
3.
Questions d'actualité au Gouvernement
(p.
3
).
M. le président.
DISSENSIONS APPARUES
AU SEIN DE LA MAJORITÉ PLURIELLE
AU SUJET DE LA POLITIQUE FISCALE (p.
4
)
M. Marcel-Pierre Cléach, Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.
« BAVURE » POLICIÈRE DE LILLE-SUD (p. 5 )
MM. Pierre Mauroy, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.
RECONNAISSANCE DU GÉNOCIDE ARMÉNIEN (p. 6 )
MM. Adrien Gouteyron, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.
REVENTE D'AIR LIBERTÉ PAR BRITISH AIRWAYS (p. 7 )
MM. Jacques Pelletier, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.
INSTITUTION DE LA TAXE « TOBIN » (p. 8 )
Mmes Marie-Claude Beaudeau, Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.
COMPENSATION PAR L'ÉTAT
DES EXONÉRATIONS D'IMPÔTS LOCAUX (p.
9
)
M. René Monory, Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget.
ACCÈS DES PERSONNES ATTEINTES DE MALADIE GRAVE
AUX CRÉDITS BANCAIRES ET AUX ASSURANCES (p.
10
)
Mmes Marie-Madeleine Dieulangard, Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
MISE EN PLACE DES 35 HEURES À LA POSTE (p. 11 )
MM. Bernard Fournier, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.
DOCUMENT REMIS AUX JEUNES LORS DE LA JOURNÉE D'APPEL
DE PRÉPARATION À LA DÉFENSE (p.
12
)
MM. Claude Huriet, Alain Richard, ministre de la défense.
GRÈVE DES INTERNES DES HÔPITAUX (p. 13 )
M. Dominique Leclerc, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
MENACE DE DISPARITION DE LA GYNÉCOLOGIE MÉDICALE (p. 14 )
M. Jean Boyer, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
Suspension et reprise de la séance (p. 15 )
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
4.
Solidarité et renouvellement urbains. -
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
16
).
MM. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement ; Jean-Pierre Fourcade.
Intitulé du titre Ier (p. 17 )
Amendements identiques n°s 201 de la commission et 59 de M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. - MM. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Louis Althapé, rapporteur de la commission des affaires économiques ; le secrétaire d'Etat. - Adoption des deux amendements modifiant l'intitulé.
Articles additionnels avant l'article 1er (p. 18 )
Amendement n° 620 de M. Jean-Paul Hugot. - MM. Jean-Paul Hugot, le rapporteur,
le secrétaire d'Etat, Jacques Bellanger. - Adoption de l'amendement insérant un
article additionnel.
Amendement n° 621 de M. Jean-Paul Hugot. - MM. Jean-Paul Hugot, le rapporteur,
le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article
additionnel.
Article 1er (p. 19 )
M. Dominique Leclerc.
Amendement n° 1 rectifié de M. Ladislas Poniatowski. - M. Ladislas Poniatowski.
- Retrait.
Amendements identiques n°s 202 de la commission, 60 de M. Pierre Jarlier,
rapporteur pour avis, et 2 rectifié de M. Ladislas Poniatowski. - MM. le
rapporteur, Pierre Jarlier, rapporteur pour avis ; Ladislas Poniatowski, le
secrétaire d'Etat, Gérard Le Cam, Jacques Bellanger, Jean-Pierre Fourcade,
André Vézinhet. - Adoption des trois amendements.
Article L. 121-1 du code de l'urbanisme (p. 20 )
Amendements n°s 3 rectifié de M. Ladislas Poniatowski et 61 de M. Pierre
Jarlier, rapporteur pour avis. - MM. Ladislas Poniatowski, Pierre Jarlier,
rapporteur pour avis ; le secrétaire d'Etat, Gérard Le Cam, Jacques Bellanger.
- Retrait de l'amendement n° 3 rectifié ; adoption de l'amendement n° 61.
Amendements identiques n°s 203 rectifié de la commission et 62 rectifié de M.
Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, Pierre Jarlier,
rapporteur pour avis ; le secrétaire d'Etat, André Vézinhet, Jean-Pierre
Plancade. - Adoption des deux amendements.
Amendement n° 4 rectifié de M. Ladislas Poniatowski. - MM. Ladislas
Poniatowski, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendement n° 204 rectifié de la commission et sous-amendement n° 63 rectifié
de M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis ; amendement n° 5 rectifié de M.
Ladislas Poniatowski. - MM. le rapporteur, Pierre Jarlier, rapporteur pour avis
; Ladislas Poniatowski, le secrétaire d'Etat, Gérard Le Cam, Jean-Pierre
Plancade, Charles Revet, Pierre Hérisson. - Retrait de l'amendement n° 5
rectifié ; adoption de l'amendement n° 204 rectifié, le sous-amendement n° 63
rectifié devenant sans objet.
Amendements identiques n°s 205 de la commission et 64 de M. Pierre Jarlier,
rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, Pierre Jarlier, rapporteur pour avis
; le secrétaire d'Etat. - Adoption des deux amendements.
Amendement n° 6 rectifié de M. Ladislas Poniatowski. - MM. Ladislas
Poniatowski, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendements identiques n°s 206 de la commission et 65 rectifié de M. Pierre
Jarlier, rapporteur pour avis ; amendement n° 7 rectifié de M. Ladislas
Poniatowski. - MM. le rapporteur, Pierre Jarlier, rapporteur pour avis ;
Ladislas Poniatowski, le secrétaire d'Etat. - Retrait de l'amendement n° 7
rectifié ; adoption des amendements n°s 206 et 65 rectifié.
Amendement n° 942 de M. Gérard Le Cam. - MM. Gérard Le Cam, le rapporteur, le
secrétaire d'Etat. - Retrait.
Amendements identiques n°s 8 rectifié
bis
de M. Ladislas Poniatowski et
700 de M. Dominique Leclerc ; amendements identiques n°s 66 de M. Pierre
Jarlier, rapporteur pour avis, et 9 rectifié de M. Ladislas Poniatowski. - MM.
Ladislas Poniatowski, Dominique Leclerc, le rapporteur. - Retrait des
amendements n°s 8 rectifié et 700 ; adoption des amendements n°s 66 et 9
rectifié.
Amendement n° 207 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat.
- Adoption.
Amendement n° 10 rectifié de M. Ladislas Poniatowski. - MM. Ladislas
Poniatowski, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Denis Badré. - Adoption.
Amendement n° 208 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat.
- Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article L. 121-2 du code de l'urbanisme (p. 21 )
Amendement n° 11 rectifié de M. Ladislas Poniatowski. - M. Ladislas
Poniatowski. - Retrait.
Amendements identiques n°s 209 de la commission, 67 de M. Pierre Jarlier,
rapporteur pour avis, et sous-amendement n° 576 de M. Ambroise Dupont ;
amendement n° 758 de M. Pierre Hérisson. - MM. le rapporteur, Pierre Jarlier,
rapporteur pour avis ; Ambroise Dupont, le secrétaire d'Etat. - Retrait de
l'amendement n° 758 et du sous-amendement n° 576 ; adoption des amendements n°s
209 et 67.
Amendement n° 210 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire
d'Etat. - Adoption.
Amendements identiques n°s 211 de la commission et 68 de M. Pierre Jarlier,
rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, Pierre Jarlier, rapporteur pour avis
; le secrétaire d'Etat. - Adoption des deux amendements.
Amendement n° 212 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat,
Jacques Bellanger, Mme Odette Terrade, MM. Pierre Hérisson, Jean-Pierre
Plancade. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Paragraphe additionnel après l'article L. 121-3
du code de l'urbanisme
(p.
22
)
Amendement n° 1044 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur, Pierre Hérisson, Bernard Piras. - Adoption de l'amendement insérant un paragraphe additionnel.
Article L. 121-4 du code de l'urbanisme (p. 23 )
Amendement n° 12 rectifié de M. Ladislas Poniatowski. - Retrait.
Amendement n° 13 rectifié
bis
de M. Ladislas Poniatowski. - MM. Ladislas
Poniatowski, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Article additionnel après l'article L. 121-4
du code de l'urbanisme
(p.
24
)
Amendement n° 909 de M. Pierre Hérisson. - MM. Pierre Hérisson, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel du code.
Article L. 121-5 du code de l'urbanisme (p. 25 )
Amendements n°s 14 rectifié de M. Ladislas Poniatowski et 213 de la commission.
- MM. Ladislas Poniatowski, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption des
deux amendements.
Amendement n° 69 de M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. - MM. Pierre
Jarlier, rapporteur pour avis ; le rapporteur, le secrétaire d'Etat. -
Adoption.
Adoption de l'article du code, modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
5.
Communication de l'adoption définitive de textes soumis en application de
l'article 88-4 de la Constitution
(p.
26
).
6.
Ordre du jour
(p.
27
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
SOLIDARITÉ ET RENOUVELLEMENT URBAINS
Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 279,
1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
relatif à la solidarité et au renouvellement urbains. [Rapport n° 304
(1999-2000) et avis n°s 307 et 306 (1999-2000).]
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Ambroise
Dupont.
M. Ambroise Dupont.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, organiser la ville du xxie siècle est certainement une
nécessité. Le fait urbain est un élément majeur de l'aménagement du territoire,
et le Gouvernement souhaite donner à la ville une image maîtrisée et
réhabilitée. Nous partageons ce souci, mais la méthode retenue est-elle la
bonne ?
Beaucoup de nos collègues l'ont bien dit, y compris nos excellents
rapporteurs, que je salue ici : avoir déclaré l'urgence sur ce texte si
complexe est incompréhensible. En outre, de nouvelles taxes visant à favoriser
la mixité sociale et une recentralisation redonneront-elles le goût de
l'urbanisme, qui nous fait si cruellement défaut depuis vingt ou trente ans
?
Vouloir faire de l'habitat collectif la seule réponse aux besoins en logement
social et au souci d'assurer une plus grande mixité de l'habitat est
discutable. Par ailleurs, la volonté d'éviter une affectation dominante des
sols, traduite par les plans locaux d'urbanisme, les PLU, oublie les
aspirations de nos concitoyens à habiter dans des quartiers calmes, loin des
lieux d'activité économique, facteurs de nuisances, notamment sonores.
Après l'excellente intervention, hier, de notre collègue Ladislas Poniatowski,
je m'en tiendrai à évoquer quelques aspects de la réforme de l'urbanisme.
La simplification des documents d'urbanisme constitue manifestement un des
objectifs premiers du projet de loi. On peut s'en féliciter, mais qu'en est-il
réellement ?
La procédure d'élaboration associée, qui rassemblait autour d'une même table
tous les partenaires intéressés, est allégée ; elle ne concerne que la
collectivité territoriale, maître d'ouvrage du document d'urbanisme, et l'Etat.
Cela accroît peut-être le pouvoir de « persuasion » que peut exercer ce
dernier, notamment sur les communes moyennes et petites. Le fait de consulter
au cours de l'élaboration les autres partenaires de premier rang, qu'il
s'agisse de la région, du département ou des chambres consulaires, ne me semble
pas constituer une réelle simplification par rapport à leur association.
Le dispositif actuel, dont la mise en oeuvre souffre déjà d'un manque
d'assiduité des services de l'Etat aux réunions d'élaboration des documents
d'urbanisme, conduit souvent à une remise en cause systématique du travail
effectué lors de l'avis écrit formulé par le préfet sur le projet de document.
N'aggrave-t-on pas encore les choses ?
Parmi les simplifications envisagées, le nouveau « porter à connaissance »,
qui n'est plus conçu comme une démarche initiale effectuée dans un délai
précis, est fort critiqué. En effet, le « porter à connaissance » représente un
élément indispensable pour poser le diagnostic préalable à la réflexion
d'urbanisme ; il constitue, par ailleurs, une règle du jeu, souhaitée
intangible, pour l'élaboration de ces documents. L'absence de délai aboutit à
une règle du jeu fluctuante qui risque d'être modifiable, au gré des
opportunités, par les seuls services de l'Etat.
Je m'inquiète aussi des effets de cette simplification des procédures sur la
sécurité juridique des documents d'urbanisme.
Une meilleure association du public à l'urbanisme est un autre objectif du
texte. Si le principe est intéressant, la pratique fait apparaître un bilan
mitigé. Ne risquons-nous pas de relancer la spéculation foncière ?
Par ailleurs, en faisant du schéma de cohérence territoriale, le SCT, le
document fédérateur de toutes les préoccupations concernant une agglomération,
le projet de loi n'expose-t-il pas ce futur SCT à une fragilité juridique non
négligeable ?
Quant au plan local d'urbanisme, le texte incite à alléger son contenu d'une
manière systématique. En l'absence de dispositions clairement formulées et
normatives, c'est la sécurité juridique des autorisations qui s'en trouverait
affaiblie.
Faire référence au « renouvellement urbain » dans l'intitulé du projet de loi
était une belle idée. Toutefois, ce renouvellement se heurte à des difficultés,
principalement engendrées par le coût du foncier.
En effet, refaire la ville sur son site impose d'opérer sur des terrains
coûteux et d'inclure dans le coût foncier initial les sujétions de démolition
et de libération des sols. Sauf aide spécifique en ces domaines, le
renouvellement urbain restera notablement plus coûteux que l'urbanisation
nouvelle en périphérie de la ville. En outre, la surtaxation du foncier bâti à
hauteur de cinq francs du mètre carré suffira-t-elle à éviter la rétention
foncière de la part des propriétaires privés ou institutionnels ?
L'élargissement des motivations permettant d'éventuelles expropriations est,
en revanche, une bonne disposition. Je crains cependant qu'elle ne soit pas
suffisante pour être efficace s'agissant des restructurations des friches
commerciales et industrielles en périphérie des agglomérations.
Redonner le goût de l'urbanisme avait été l'un des thèmes principaux de mon
rapport sur les entrées de ville. Or le projet de loi que nous examinons est
empreint d'une démarche purement administrative, peu susceptible d'y parvenir.
Les incohérences existant entre la conception d'un PLU allégé et les
indispensables règles, parfois plus complexes, permettant de mener à bien
l'exécution d'un projet urbain sont patentes.
Tout d'abord, le projet de loi ne porte aucune incitation à engager des
réflexions en matière d'urbanisme et à les traduire dans des documents
réglementaires ou opérationnels, et les grandes problématiques de la ville sont
ramenées à de simples procédures ou à des pourcentages.
Ensuite, le projet de loi n'améliore en rien la mise à disposition des
services de l'Etat pour aider les communes dans ces démarches ; il réaffirme le
principe de l'aide de l'Etat au titre des études d'urbanisme, mais celle-ci
apparaît de plus en plus virtuelle, puisqu'elle atteint seulement environ 30 %
du coût total.
Enfin, en ce qui concerne le recours à des professionnels qualifiés, on
aimerait que ce point soit précisé.
L'inscription du coût des études au budget d'investissement des collectivités
territoriales constituerait une disposition efficace pour inciter à réaliser
ces études et leur donner leur dimension d'avenir. On investit pour l'avenir !
Les dotations de l'Etat doivent être notablement accrues, s'agissant tant des
dotations propres que de la dotation aux autres collectivités. Il me semble que
ce serait une bonne façon, pour le Gouvernement, de montrer l'intérêt qu'il
porte à l'urbanisme.
Il est également nécessaire de redonner le goût de l'urbanisme tant à l'Etat
qu'aux élus. En ce sens, affirmer le rôle de conseil ou de maître d'oeuvre des
professionnels qualifiés et compétents est une nécessité. La France manque de
professionnels de l'urbanisme et du paysage, tout le monde le sait. En outre,
si l'Etat reconnaît les qualifications des professionnels en matière
d'architecture et de paysage, il n'en est pas encore ainsi en matière
d'urbanisme, et c'est regrettable.
En ce qui concerne le problème des entrées de ville, en particulier, le projet
de loi est muet, certains amendements parlementaires contribuant même à
dénaturer l'actuel article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme. Etant à l'origine
de cet article, je voudrais redire brièvement, monsieur le ministre, monsieur
le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, que sa philosophie n'était pas
d'imposer une contrainte, comme certains l'ont compris. Son objet est avant
tout d'amener les municipalités à anticiper leur développement et leur
restructuration et à définir une véritable démarche de projet urbain. Bref,
c'est une obligation de réfléchir avant de distribuer ce que j'avais appelé du
« droit à vendre ».
Si certaines difficultés se font jour, notamment dans les zones de montagne,
on peut envisager des aménagements, mais à condition de garder l'obligation de
réflexion préalable ! Sinon, nous n'arriverons jamais à redresser l'image de
nos entrées de ville et, d'exception en dérogation, l'urbanisation continue se
développera uniquement le long des voies à grande circulation et nous aurons de
plus en plus de mal à assurer la fluidité et la sécurité du trafic routier.
Pour les communes rurales, qui peuvent éprouver des difficultés lorsqu'elles
n'ont pas de plan d'occupation des sols, la carte communale élevée au rang de
document d'urbanisme doit pouvoir relayer maintenant cette préoccupation. La
lettre de mission de MM. Barnier et Bosson précisait bien, elle aussi, qu'il
faut éviter la dégradation de notre campagne.
Cette précision apportée, je remarque que les dispositions des schémas de
cohérence territoriale et des plans locaux d'urbanisme sont silencieuses sur
les entrées de ville. La restructuration des entrées de ville devrait cependant
être prise en compte dans les mesures ayant trait au renouvellement urbain.
Enfin, même si cette disposition ne relève pas directement du présent projet de
loi, le contrôle exercé par l'Etat sur le contenu des études demandées par
l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme devrait être plus efficace et
contribuer à assurer une réelle qualité de ces études.
Quant au problème de la publicité, laquelle participe fortement à l'image
dégradée de ces zones, il est à noter que les documents d'urbanisme n'incluent
pas les réglementations portant sur l'affichage. Celles-ci sont d'ailleurs peu
respectées par les différents acteurs de la ville et apparaissent comme
secondaires par rapport aux dispositions édictées par un POS. Une avancée
notable dans ce domaine pourrait être d'intégrer les règles d'affichage et
d'implantation des publicités, des enseignes et des pré-enseignes à la
législation courante du droit des sols, tant dans les dispositions des PLU que
dans le régime commun du permis de construire.
Pour en rester à cette notion de qualité urbanistique, guère évoquée dans ce
projet de loi qui sacrifie plutôt à la quantité, je voudrais évoquer le rôle
tout à fait essentiel des conseils d'architecture, d'urbanisme et de
l'environnement, les CAUE.
Ces organismes de conseil très appréciés des collectivités territoriales sont
un lieu privilégié de l'interdisciplinarité. Le projet de loi pourrait donc
prendre acte de ce rôle particulier de conseil. Paradoxalement, la
reconnaissance de leur action n'empêche pas qu'ils connaissent des difficultés
financières. Le désengagement de l'Etat est manifeste et les difficultés
qu'éprouvent les services fiscaux à percevoir les taxes départementales
aggravent une situation ordinairement précaire. Depuis trois ans, Mme Durrieu,
M. Gouteyron, M. Joly et moi-même sommes intervenus à plusieurs reprises pour
tenter de trouver une solution avec le ministère de la culture, sans avoir
encore obtenu de réponse à ce jour. Je suis donc heureux que la commission ait
proposé la suppression de l'article 23. En effet, la modification des
catégories des valeurs forfaitaires risque d'aggraver la situation financière
difficile des CAUE, sans pour autant favoriser la création de logements
sociaux.
J'évoquerai enfin mes regrets de voir les communes rurales si peu concernées
par ce texte qui n'aborde pas le problème de la désertification rurale ni la
question du maintien des populations dans l'ensemble de nos communes.
M. Gérard Larcher.
C'est vrai !
M. Ambroise Dupont.
Ce projet de loi n'incite pas davantage que le code de l'urbanisme actuel à
engager des démarches intercommunales. Le dispositif mis en place pour les
cartes communales paraît au contraire interdire toute démarche intéressant un
territoire supracommunal. Sur ce plan, le projet de loi est en retard par
rapport aux pratiques tendant à entrer en vigueur s'agissant des territoires
ruraux. La « carte intercommunale » peut être une réponse aux préoccupations
liées, par exemple, au développement durable, à la mise en valeur des paysages
et à la préservation de la ressource en eau.
Pour conclure, je soulignerai que l'urbanisme et l'aménagement du territoire
relèvent du patrimoine commun de la nation - je vous renvoie à l'article L. 110
du code de l'urbanisme - ce qui établit le principe de la primauté de l'Etat,
garant du territoire français dans son ensemble. Chaque collectivité
territoriale est, pour ce qui la concerne, garante de l'aménagement de son
territoire dans le cadre des directives établies par l'Etat. Le bon
fonctionnement de la décentralisation nécessite donc un partenariat de tous les
acteurs concernés et ne peut se réduire à un simple face-à-face
Etat-commune.
Je me félicite du travail accompli par nos excellents rapporteurs, qui, malgré
une déclaration d'urgence très dommageable dans ces domaines où la réflexion
partagée est le seul moyen d'assurer la durée et la sécurité, ont tenté de
redonner à ce texte une cohérence indispensable.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, nous voici donc parvenus à l'examen d'un projet de loi
dont l'intitulé, « solidarité et renouvellement urbains », nous laisse à penser
qu'il s'agirait là d'un de ces grands textes qui ouvrent des horizons, où un
souffle puissant va libérer les imaginations et nous présenter, monsieur
Bartolone, la perspective de « la ville autrement » !
M. André Vezinhet.
C'est exactement cela !
M. Gérard Larcher.
Telle était déjà l'ambition du projet de loi d'orientation pour la ville de
1991, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur au Sénat. Pourquoi ne pas le
dire ? Alors que les assises de Bron s'étaient tenues quelques mois auparavant,
à la suite des convulsions de la banlieue lyonnaise, ce texte de 1991, qu'on
l'ait ou non approuvé, fixait à la mixité urbaine de vrais objectifs, prévoyait
des outils et permettait d'engager un certain nombre d'actions visant à
apporter des solutions, notamment, au problème de la copropriété dégradée. On
en parlait déjà !
Même s'il a fallu s'accorder sur des délais pour la mise en place du projet,
même si certains calculs - je pense à des calculs mathématiques sur la
participation à la diversité de l'habitat - se sont révélés impossibles à
mettre en oeuvre, même si les dotations de solidarité n'ont pas déclenché
l'enthousiasme dans les communes qui devaient contribuer, la loi de 1991 a fixé
un cadre que le pacte de relance pour la ville a utilisé et enrichi en 1996.
Fallait-il donc, après ces deux textes, un nouveau texte qui affiche
l'ambition de contribuer à la solidarité urbaine et au renouvellement de la
ville ? Je m'interroge !
Les articles 1er à 24 concernent l'urbanisme, et si l'apparence pourrait nous
faire croire à un bouleversement du code de l'urbanisme, il s'agit, en fait, de
modifications successives relativement ponctuelles et, parfois, principalement
sémantiques.
L'article 1er sacrifie à la mode déclarative du temps. Il compose un sandwich
assez indigeste : une tranche de « durable », une tranche d'« économie du
territoire » ! En revanche, il oppose, comme, au fond, aime à le faire Mme
Voynet, espaces urbains et espaces naturels, et il ne reconnaît pas vraiment la
spécificité de l'espace rural.
Quant à la terminologie, alors qu'il faut des années pour que nos concitoyens
se l'approprient - au passage, combien savent que les schémas directeurs
d'aménagement et d'urbanisme, les SDAU, n'existent plus ? - voici maintenant
les schémas de cohérence territoriale, les SCT, et les plans locaux
d'urbanisme, les PLU, qui remplacent les plans d'occupation des sols, les POS
!
Une bonne chose, en revanche, est la durabilité des structures porteuses.
Pour tout vous dire, je partage les avis de nos rapporteurs, MM. Louis Althapé
et Pierre Jarlier, dont je veux saluer la qualité et la profondeur du travail
sur un texte qui, alors qu'il a l'ambition d'être durable, ne méritait vraiment
pas la déclaration d'urgence. Le fait que plus de 1 000 amendements aient été
déposés nous démontre que cela n'est guère acceptable sur un tel sujet, et il
n'était que de partager une partie de la nuit que nous avons passée à les
examiner pour s'en rendre compte. Ce n'est pas de cette manière que nous ferons
du bon travail.
Concernant les cartes communales, je considère comme innovant et positif le
fait que la commune puisse délivrer le permis de construire.
C'est, naturellement, la politique de la ville qui est le coeur du projet, et
ce au travers de trois articles. Là, il y a beaucoup à dire, et je sais que
nombre d'entre vous s'exprimeront sur ce sujet.
Je souhaite tout d'abord vous faire part de mon sentiment, après qu'avec mes
collègues Alain Gournac et Dominique Braye nous avons tout simplement réuni,
voilà douze jours, les maires des Yvelines pour débattre de ce projet tous
ensemble.
L'expression de ce sentiment partagé, je la résumerai en citant les propos
tenus lors de cette réunion par le maire de Mantes-la-Jolie, qui, lui, a plus
de 50 % de logements locatifs sociaux dans sa commune, d'après la nouvelle
définition, et qui est, en outre, président du plus grand OPAC d'Ile-de-France
: « Dites leur que ce projet de loi ne va en rien améliorer la situation de ma
commune ; au contraire, si, par hasard, il "marche", il va "pomper" mes
populations "stables" des quartiers pour les communes de la périphérie, qui
elles, seront obligées de construire ! »
Je dois dire que ces propos du maire de Mantes-la-Jolie, qui a une dure
réalité à gérer et à vivre, ont sonné, y compris aux oreilles des maires qui
ont très peu de logements à caractère social, aux termes de l'ancienne
définition - j'y reviendrai dans un instant - comme un coup de gong. Ils
n'imaginaient pas que ce maire, à l'occasion de ce débat, puisse tenir de tels
propos.
Cette fois, monsieur le ministre - veuillez me pardonner de le dire de manière
un peu triviale - j'ai l'impression que les « technos » vous ont eu, comme ils
avaient eu quelques ministres voilà deux ou trois décennies.
Ils ont enfin réussi à donner du logement social une définition réductrice qui
conduit au paradoxe que certains qui avaient 20 % de logements sociaux en 1991
n'en ont quasiment plus en l'an 2000 !
Ils ont réussi à fixer, pour certaines communes totalement bâties - prenant
l'exemple de mon département, je citerai Bougival ou Viroflay - ou pour
certaines communes ayant des contraintes patrimoniales fortes - il n'y a pas
que Versailles ou Saint-Germain-en-Laye, il y a aussi Neauphle-le-Château,
Jouars-Pontchartrain, etc. - des objectifs techniquement irréalistes.
Ils ont réussi à imposer une vision uniforme en quantité et en qualité du
logement social.
Ils ont réussi à décourager celles et ceux qui, depuis neuf ans, ont joué le
jeu du programme local de l'habitat, le PLH, et qui, pour certains, voient
leurs efforts pratiquement réduits à néant.
Et quel sort réservez-vous, dans votre projet, aux collectivités qui ont
supprimé le plafond légal de densité, accepté le dépassement du COS pour le
logement social, engagé des opérations programmées d'amélioration de l'habitat
? Elles seront aussi maltraitées que les autres. Toutes les communes seront
mises dans le même sac.
Vos « technos » ont réussi à ignorer le coût du foncier et de la construction
en région d'Ile-de-France, ainsi que les contraintes de réhabilitation en
secteur historique. Outre la taxe de 1 000 francs, passant à 2 000 francs par
logement manquant, les communes, notamment en zone 2, devront verser une
contribution communale allant de 60 000 à 100 000 francs par appartement à
construire. Voilà la réalité en région d'Ile-de-France !
Ces « technos » sont vraiment tous pareils ; ils sont à n'en pas douter, les
enfants de ceux qui ont si bien réussi les quartiers des années soixante !
M. Dominique Braye.
Très bien !
M. Gérard Larcher.
Monsieur le ministre, mon désaccord sur le fond n'est nullement lié à une
quelconque situation locale. La ville de Rambouillet, dont je suis le maire, a
près de 30 % de logements sociaux, selon votre nouvelle définition, et nous
allons continuer à construire trois logements sociaux sur dix, ...
M. Jean-Pierre Plancade.
Bravo !
M. Gérard Larcher.
... à condition, toutefois, que le zonage 2 nous le permette, car, dans le
même temps, vous n'abordez pas le problème du financement du zonage, et donc
des plafonds et des moyens à mettre en oeuvre, notamment pour la grande
couronne de la région d'Ile-de-France.
M. Dominique Braye.
Et ce sont là les vrais problèmes !
M. Gérard Larcher.
Je vous le dis, loin de réussir la mixité, vous êtes en train de provoquer des
réactions de rejet de la population contre le logement social.
J'évoquais, hier soir, ces multiples recours prétendument déposés pour
défendre l'intérêt général, mais qui traduisent, en fait, l'hostilité de la
population à l'annonce de la construction de 20 % à 30 % de logements sociaux
dans telle ou telle ZAC.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, il vous faut écouter nos
commissions et revenir à un cadre cohérent de mixité sociale.
Il faut vous appuyer sur les périmètres des communautés de communes et
d'agglomération ou, à tout le moins, sur le PLH intercommunal.
Il vous faut revenir à la définition du logement social de 1991 - ce n'est pas
la nôtre, c'est celle que nous avons faite ensemble avec M. Delebarre dans un
texte qui a fait l'objet d'une navette - et il vous faut réintégrer dans la
comptabilité de ces logements les logements sociaux de l'Etat, des régions, des
départements et des communes.
Il vous faut surtout abandonner ce caractère monolithique de votre projet et
donner au contrat entre l'Etat, les collectivités locales et les établissements
publics de coopération intercommunale, la mission de développer de manière
harmonieuse la mixité dans la ville comme dans l'espace rural, ainsi que le
soulignait tout à l'heure notre collègue Ambroise Dupont. Un bon contrat
d'objectif vaudra mieux que toutes les taxes !
Chacun ici sait mon attachement au logement social, mais aussi à l'accession
sociale à la propriété, qui est, au fond, le rêve de chacune et de chacun de
nos concitoyens, qui est aussi un élément de progrès et en faveur duquel Alain
Joyandet a tant milité, depuis deux années, dans ses rapports budgétaires.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, parce qu'il est trop
complexe, parce qu'il est contraignant, parce qu'il ne fait pas confiance au
contrat avec les collectivités locales, votre projet ne marchera pas.
Voilà pourquoi je soutiendrai l'ensemble des propositions de nos rapporteurs,
en mettant en garde nos collègues : le logement social ne doit pas être une
espèce d'enjeu idéologique qui évoluerait au gré des alternances ; il est
indispensable à notre pays ; nous jeter au visage les politiques successives de
logement social, c'est, finalement, ne pas rendre service à la nécessaire
cohésion de notre pays !
(Vifs applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, je tiens, en préambule, à féliciter les auteurs du très
ambitieux projet que nous examinons aujourd'hui.
Ce projet est en effet très ambitieux, car il entend régler globalement les
problèmes inhérents à nos villes.
Certains disent qu'il s'agit d'une loi « fourre-tout ». Il est vrai que
traiter en même temps de l'urbanisme, de l'habitat, de la politique de la ville
et de toutes les formes de transport est un peu une gageure ; mais c'est à
nous, parlementaires, de relever le défi et de gagner ce challenge.
L'excellent travail qu'ont accompli nos collègues rapporteurs va dans ce
sens.
A mon tour, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je regrette
très vivement la déclaration d'urgence : un projet aussi vaste, aussi complexe,
aurait mérité plusieurs lectures par nos deux assemblées pour arriver à la
meilleure rédaction possible.
Il faut bien avoir à l'esprit que, pour 80 000 logements programmés par an en
France, seuls 50 000 sont construits. Le parc social est donc insuffisant, ce
qui favorise le marché des taudis.
La ville ne peut pas être assimilée à un espace bipolaire comprenant, d'une
part, des lieux protégés, et, d'autre part, des endroits défavorisés.
La ville stimule et accompagne la vie sociale. Par son rayonnement, elle
influe sur l'ensemble du territoire.
Les politiques qui lui sont consacrées doivent, de ce fait, considérer
l'ensemble des facteurs qui la composent.
Pour cela, devons-nous privilégier une méthode et y consacrer la majorité des
crédits ou privilégier des solutions au cas par cas, comme le réclament les
villes ? Le Gouvernement a opté pour la première solution, estimant que ses
implications parviendront à résoudre les difficultés particulières.
Parler de renouvellement, c'est employer un terme à la mode. Son sens premier
sous-entend une certaine continuité. Mais il est redondant, car la ville est,
par définition, un espace en mouvement constant, en transformation, en
mutation. Le renouvellement lui est intrinsèque.
La volonté du Gouvernement est-elle de refaire la ville sur la ville ou
d'imposer de nouvelles et perpétuelles rénovations ?
Bien souvent, les rénovations urbaines ont entraîné l'éviction des couches
populaires des quartiers rénovés vers des espaces construits spécialement pour
elles. Les ghettos des « Trente glorieuses » ont provoqué les catastrophes
sociales, raciales, économiques et sociologiques des deux dernières
décennies.
Nous devons nous attacher à ne plus répéter les erreurs du passé. Il y a une
peur liée au logement social parce qu'il est associé aux cités ghettos. Or, le
logement social peut prendre, aujourd'hui, d'autres formes, en s'adaptant
harmonieusement aux sites urbains existants.
Dans un récent sondage de l'IFOP pour la fondation de l'abbé Pierre, 78 % des
Français se sont déclarés favorables à l'instauration d'un seuil de 20 % de
logement social par commune. Parce qu'il a su évoluer et s'adapter, le logement
social ne fait plus peur aux Français.
Malgré les efforts engagés depuis vingt ans, les processus de dégradation et
de ségrégation s'aggravent et s'étendent. Ils concernent un grand nombre de
quartiers d'habitat social, mais aussi les ensembles de copropriétés privées,
les territoires urbains ou périurbains dévalorisés par les départs d'activités
et même les centres-villes, dont le bon fonctionnement est essentiel à la vie
locale.
Sous les feux de l'actualité, les banlieues connaissent la course poursuite
entre des politiques de réparation et de revalorisation et la réalité qui les
refoule sans cesse.
Ces problèmes sont le reflet d'une crise sociale plus globale qu'il nous
appartient aujourd'hui de combattre.
L'action publique doit lutter en priorité contre les dysfonctionnements d'une
société qui se pose parfois en véritable machine à exclure, et doit aussi mieux
accompagner les personnes atteintes par le sous-emploi ou par la discrimination
à l'embauche.
Certaines zones de nos villes sont entrées dans des spirales de
déqualification, d'abandon, de développement des friches. Ce processus bloque
le renouvellement et la reconquête.
Par ailleurs, certaines villes subissent de profondes mutations qui sont liées
aux évolutions de leurs activités économiques. La professionnalisation du
service militaire entraîne inévitablement la fermeture de nombreuses casernes ;
les restructurations d'entreprises ou de groupes provoquent la fermeture de
nombreuses usines. Que dire des conséquences sur les activités des villes, sur
leur sociologie, leur habitat ? J'en sais quelque chose dans mon département,
spécialement dans le bassin d'emploi du Soissonais.
La ville du xxie siècle sera confrontée à des évolutions sociologiques sans
précédent : la mobilité croissante de l'emploi, le vieillissement de la
population et la mise en concurrence des territoires et des cités dans le cadre
de l'espace européen. Tout cela risque d'accentuer encore les fossés existants
quand ils n'en creuseront pas de nouveaux.
Les politiques de l'urbanisme, de l'habitat et du logement ont leur place à
part entière à l'échelle de l'agglomération et c'est à ce niveau, à ce niveau
seulement, que ces politiques se doivent d'être globales.
Il est important que les politiques puissent porter sur tous les registres,
que ce soit la gestion quotidienne - sécurité, entretien, services - ou les
restructurations lourdes - démolitions et reconstructions - pour reconfigurer
l'offre de logements, pour assurer une meilleure répartition des activités et
des services, ou encore la réinsertion de certains quartiers.
Il est fondamental d'opérer une alliance entre les vestiges du passé, même
industriels, et de les insérer dans un avenir qui participera à la
transformation sociale, économique et culturelle de nos cités.
Prenons l'exemple de certaines villes comme Dunkerque, où la réconciliation du
port avec le centre-ville est un succès, ou comme Roubaix, où les anciennes
friches industrielles sont désormais des centres tournés vers le XXIe siècle,
avec l'implantation d'universités et d'entreprises innovantes.
La ville renouvelée, c'est le réaménagement, la recomposition au sens de
l'urbain, mais c'est aussi la création ou le développement de meilleures
conditions d'insertion, d'intégration, de vie sociale, de vie multiculturelle
et de civisme.
J'en terminerai par la mesure qui tend à promouvoir 20 % de logements sociaux
dans chaque commune de plus de 1 500 habitants d'une agglomération d'au moins
50 000 habitants.
Si je comprends le sens de cette mesure qui tend à favoriser l'intégration et
à éviter les ghettos, il n'en reste pas moins que cette mesure est très
coercitive et va aussi à l'encontre de la décentralisation.
J'aurais préféré, monsieur le ministre, que vous donniez une prime aux
communes qui ont fait un gros effort dans le domaine du logement social plutôt
que d'infliger une amende - une amende sévère - à celles qui n'ont pas atteint
les 20 %.
Je pense à certaines communes en milieu très dense qui ne disposent pas - qui
ne disposent plus - de terrains pour la construction. Pour satisfaire les
critères, devront-elles raser des zones entières ou construire des barres de
logement le long des axes de transport ?
Pour les villes qui ne disposent pas des 20 % de logements sociaux, nous
pourrions envisager, par exemple, qu'elles participent aux loyers des familles
locataires du parc privé, à hauteur de leur contribution pour les logements
manquants prévue par la loi, l'objectif étant d'insérer le logement social dans
la ville et non de l'excentrer une nouvelle fois.
Certes, la participation des communes ne pourrait pas combler l'écart entre
loyer privé et loyer HLM, mais, accompagné d'une réforme des allocations de
logement, promise de longue date, elle permettrait de pallier certaines
carences. De toute façon, si amendes il y a, elles devraient être appliquées
très progressivement, beaucoup plus progressivement que ne le prévoit le texte
qui nous est soumis.
M. Denis Badré.
Exact !
M. Jacques Pelletier.
Ce projet de loi à l'étude a le mérite et l'avantage de redonner de la
cohérence au développement des villes et de renverser les tendances actuelles
souvent orientées vers la ségrégation sociale et spatiale.
Outre les améliorations qui peuvent lui être apportées, il pallie des
difficultés que rencontrent bon nombre de nos villes.
Le temps n'est plus au cloisonnement, il est à l'ouverture : ouverture vers la
construction d'un troisième millénaire solidaire, à visage plus humain, que le
projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains entend
initier dans l'intérêt de tous, et permettant à chacun d'accéder véritablement
à une meilleure qualité de vie.
(Applaudissements sur les travées du RDSE,
de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Percheron.
M. Daniel Percheron.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, dans la loi, la belle loi sur la solidarité et le
renouvellement urbains, se trouve, je dirais presque se cache, la
décentralisation définitive du transport ferroviaire régional de voyageurs.
Cette nouvelle avancée - il faut l'espérer ! - de la décentralisation est la
plus importante depuis la prise en charge par les régions de la construction et
du fonctionnement des lycées. Elle mérite mieux, sans doute, que ce débat dans
le débat et que cette précipitation, qu'un sénateur responsable des transports
de sa région ne peut que regretter.
Il aurait été plus logique, me semble-t-il, d'attendre le résultat de
l'expérimentation volontaire et réversible, acceptée par sept régions, dont le
Nord - Pas-de-Calais. Il aurait été plus cohérent, malgré son indulgence, de ne
pas anticiper sur les travaux et les propositions de la commission présidée par
notre collègue M. Pierre Mauroy.
Mais le ministre des transports a accéléré brutalement, inexplicablement à mes
yeux, et nous sommes bien obligés de le suivre, de vous suivre, monsieur le
ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, non sans solliciter davantage de
précisions, non sans espérer un surcroît de certitudes.
Depuis de nombreuses années, les régions exercent leur autorité en matière de
transport ferroviaire régional. Le transport express régional fonctionne de
manière satisfaisante. Les trains sont, presque toujours, à l'heure, plus
nombreux, plus rapides, plus confortables qu'avant la régionalisation. La
collaboration, confiante et efficace, entre la SNCF et les conseils généraux a
fait ses preuves. Le trafic progresse lentement mais régulièrement. Les
usagers, vigilants et exigeants, souhaitent une amélioration constante du
service public. Le transfert de compétences s'appuie donc sur une base très
solide. Pourtant, au-delà de sa simplicité apparente, il pose quelques
redoutables questions que je voudrais aborder brièvement.
La première a trait aux contraintes qui pèsent sur les deux partenaires
irremplaçables de cette décentralisation complexe et originale : la SNCF et
RFF, le propriétaire des infrastructures.
La SNCF, tout d'abord. Elle sera - vous l'avez voulue ainsi et nous
l'acceptons sans hésitation - l'entreprise, la seule, chargée d'assurer le
transport ferroviaire régional.
Cette grande entreprise publique, depuis vingt ans, a privilégié sur tous les
plans le réseau national, les longues distances et le TGV. Son endettement est
considérable. Elle fait aujourd'hui un immense effort d'adaptation, de
modernisation, de transparence aussi, ce qui est vital pour l'avenir du
transport régional ferroviaire. Sans l'aide massive de l'Etat, elle serait en
très grande difficulté. Il est donc clair que la SNCF ne pourra en aucun cas
faire pour les régions ce qu'elle a fait pour la nation depuis vingt ans à la
demande des gouvernements successifs.
Le renouvellement du matériel roulant, la renaissance des gares, les sauts
qualitatifs des dessertes ferroviaires - je pense au cadencement horaire,
indispensable, au TER à grande vitesse du Nord-Pas-de-Calais - dépendront
exclusivement de la volonté des budgets publics et de la volonté des budgets
régionaux.
RFF, le propriétaire du réseau ensuite. Les contrats de plan viennent de faire
la démonstration de sa relative impuissance, même nuancée de bonne volonté.
Trop lourdement endetté, RFF hésite devant la régénération et la désaturation
du réseau. RFF renoncerait même souvent sans le concours financier nouveau et
substantiel des grandes collectivités locales, en particulier des régions.
L'ambition, nécessaire, de développer simultanément et le trafic ferroviaire
voyageurs et le trafic ferroviaire marchandises, rencontre là ses limites. Les
régions ne pourront accepter que l'augmentation des péages payés à RFF, si
pauvre, pour l'utilisation des infrastructures qu'elles contribuent à
moderniser, alourdisse considérablement la facture du transport ferroviaire
régional de voyageurs.
La maîtrise des péages est un enjeu plus important que la répartition des
sillons. A l'Etat de veiller et de convaincre.
Face à cette situation, messieurs les ministres, une question vient
naturellement à l'esprit : est-il raisonnable de transférer définitivement le
transport voyageurs aux régions sans s'inspirer, au moins partiellement, de la
régionalisation ferroviaire allemande ? En Allemagne, l'Etat a repris la dette
des chemins de fer allemands avant de confier aux Länder la responsabilité du
rail. Qu'en pense le Gouvernement ?
La deuxième question concerne évidemment la dotation de décentralisation, la
compensation financière de l'Etat.
L'expérimentation dans les sept régions volontaires et la progression très
nette de la clarté des comptes de la SNCF permettent aujourd'hui d'évaluer la
réalité financière et économique du TER : des charges en constante et régulière
augmentation, des recettes provenant un peu des guichets, un peu des voyageurs,
et beaucoup de l'effort public national et régional - dotations, tarifs
sociaux, subventions.
Le transfert de compétence exige donc de l'Etat loyauté et imagination.
Loyauté à l'égard des régions, qui ne pourront assumer un transfert de charges
comparable à celui qu'elles ont accepté, parfois revendiqué, lors du transfert
des lycées, il est vrai transcendé par la perspective de porter 80 % d'une
tranche d'âge au niveau du baccalauréat. En moins de dix ans, rappelons-le, les
crédits pour les lycées sont passés de 1 millard de francs à 15 milliards de
francs.
Imagination pour créer de nouvelles ressources garantissant l'essor du
transport ferroviaire à armes presque égales avec la route. Pourquoi ne pas
accorder une petite part de la TIPP - taxe intérieure sur les produits
pétroliers - la sacro-sainte TIPP aux régions : 5 % par exemple, 8 milliards de
francs, 0,1 % du produit national brut, qui serait affecté au transport
ferroviaire ? Le développement durable vaut bien une légère entorse au dogme
!
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement a
accéléré, nous sommes prêts à le rejoindre, à condition qu'il prenne le temps
et les moyens de nous rassurer.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, vous avez devant vous un sénateur accablé. La loi sur la
parité m'a déjà amené à réduire le nombre de femmes au sein de mon conseil
municipal où elles étaient majoritaires, et voici que l'article 25 de votre
projet de loi sur le logement social va briser l'effort, difficile mais
déterminé, qu'avait engagé ma ville à ce titre.
De nouveau, l'application locale de principes nationaux méconnaissant les
réalités du terrain tue les meilleurs objectifs. Lorsque nous opposons donc à
votre projet de loi le principe de libre administration des communes, nous le
faisons, bien sûr, parce qu'il ne faut pas transiger avec ce principe pour
conserver vivante la démocratie, nous le faisons surtout parce que, de fait, il
n'existe de meilleure administration qu'au plus près. C'est là, dans la
lisibilité et la clarté, qu'efficacité peut rimer avec économie.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, n'est-il vraiment pas
possible de faire confiance aux responsables du terrain ?
Que l'Etat fixe des objectifs, il est dans son rôle, mais qu'il pratique
a
priori
la punition collective, c'est une pédagogie qui a dépuis longtemps
été rejetée dans nos salles de classe. D'ailleurs, nous ne sommes pas à l'école
!
Pourtant, si j'ai bien compris, c'est parce que certaines communes n'auraient
pas respecté la loi de 1991 que vous les punissez toutes ! L'Etat ne peut pas
traiter ainsi les collectivités locales réputées pourtant libres. N'est-ce pas
même à L'Etat qu'il appartient de faire respecter la loi, même celle de 1991 ?
Nous refusons de payer l'incapacité de l'Etat.
Je vais très concrètement développer mon propos. Le terrain devrait d'ailleurs
toujours inspirer l'exécutif, au moins autant que le législatif.
Je souhaite vous montrer pourquoi, en l'état, votre projet de loi risque de
ramener à zéro le rythme de construction de logements sociaux dans ma ville.
C'est bien par nécessité locale - il nous manque des logements sociaux - et
parce que nous voyons où sont nos responsabilités politiques, mais aussi parce
que nous ne pouvions pas payer la contrepartie financière exigée par la loi de
1991 de ceux qui n'en faisaient pas assez, que nous avons fait le maximum pour
appliquer cette loi. Nous l'avons fait logement par logement, quartier par
quartier, en saisissant systématiquement toutes les opportunités, si ténues
soient-elles. Mais faire de la dentelle, n'est-ce pas la meilleure manière de
faire de la mixité ?
Nous avons donc fait ce qui nous était demandé. Nous avons construit du
logement social, et vous venez nous dire aujourd'hui, monsieur le ministre,
monsieur le secrétaire d'Etat, que nous avons eu tort de respecter la loi de
1991. A l'avenir, nous aurons moins confiance en l'Etat.
J'ajoute que, dans un tel domaine, il faut de la continuité et de la
constance. De ce fait, pourquoi casser notre élan ?
Enfin, nous ne pourrons supporter en même temps le poids financier d'une
amende et celui de la construction de logements sociaux.
Depuis 1991, nous avions choisi le logement ; vous nous imposez l'amende ;
nous ne pourrons payer les deux ! Nous sommes dans le cas le pire, c'est la
quadrature du cercle. Cela existe, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire
d'Etat. C'est le minimum de terrain disponible soumis au maximum de contraintes
de protection, le minimum de ressources financières face à des prix
exorbitants.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, de telles situations se
retrouvent ailleurs, dans mon canton, dans le département des Hauts-de-Seine et
en Ile-de-France. J'attends de vous que vous nous disiez si votre projet de loi
pourra les prendre en compte et, dans l'affirmative, comment ? Pour l'instant,
en effet, nous donner vingt ans pour atteindre le seuil fatidique de 20 % ne
nous suffira pas et je le démontre. Depuis dix ans, monsieur le ministre,
monsieur le secrétaire d'Etat, 177 logements - c'est très peu - dont 54
logements sociaux, soit 40 % du total - c'est beaucoup - ont été réalisés dans
ma ville. Ce rythme de 40 % de construction de logement social est deux fois
supérieur à l'objectif fixé par votre projet de loi. Néanmoins, même à ce
rythme, il faudra 150 ans pour construire les 771 logements que nous réclame ce
projet de loi.
Même si 100 % du logement construit était social - mais alors, à quel prix
dans une ville comme la mienne ? - il nous faudrait plus de cinquante ans pour
atteindre un objectif que vous nous imposez d'atteindre en vingt ans. Sans
compter que, dans ma ville, le nombre total de terrains voués à la construction
va se raréfiant.
Mais il faut dire que deux tiers de la surface communale sont occupés par une
forêt domaniale, évidemment inaliénable, le tiers restant étant soumis à toutes
les protections possibles au titre des monuments historiques.
Pour ce qui concerne la protection des monuments historiques, je rappelle
simplement l'excellente intervention de notre collègue, M. Etienne Pinte, à
l'Assemblée nationale. Je le rejoins en soulignant que son analyse peut être
transposée dans la plupart des villes des Hauts-de-Seine, qui se trouvent dans
sa ligne de mire de votre loi.
Pour ce qui est de la forêt, elle est également bien utile à tous. Or il se
trouve que, dans un département comme les Hauts-de-Seine, les emplois, les
logements, mais aussi les indispensables espaces verts ne sont pas répartis
dans les mêmes proportions dans chaque ville. Il en résulte que celles qui
apportent le plus d'oxygène sont généralement aussi celles qui ont le moins de
terrains libres - et, surtout, celles qui disposent des plus faibles recettes
de taxe professionnelle. Dans ces conditions, n'est-ce pas à l'échelle
d'ensemble du département, et non de chaque commune, que les différents besoins
doivent être couverts, qu'une réflexion doit être menée, que de vrais choix
peuvent intervenir ? Viser les communes de plus de 2 500 habitants dans une
agglomération de 50 000 habitants, cela n'a aucun sens dans la région
parisienne.
M. Dominique Braye.
Aucun !
M. Denis Badré.
Ne condamnez pas
a priori
les petites communes de cette grande région,
petites communes qui ont néanmoins entre 10 000 et 20 000 habitants. Ce ne
serait ni glorieux ni efficace.
Ou alors, soyons complets, et prenons en compte tous les besoins de nos
concitoyens. Pendant que nous y sommes, pourquoi ne pas exiger un projet de loi
punissant, cette fois, les communes qui n'offriraient pas 20 % d'espaces verts
?
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous fais cette
suggestion : les citadins ont besoin de logements sociaux, mais aussi
d'oxygène. Votre projet de loi, lui, en manque cruellement. Or c'est bien la
mixité « logements-espaces verts » qu'il devrait d'abord envisager pour
retrouver du souffle.
Les communes qui apportent beaucoup d'oxygène peuvent-elles bénéficier d'un
traitement moins brutal pour ce qui concerne le logement social ? L'espace
n'étant pas extensible, il est parfois difficile d'avoir à la fois des forêts
et des logements.
Dans ma ville, les rares terrains qui peuvent se libérer ont des valeurs
locatives doubles de la moyenne des valeurs locatives du département. Faire du
logement social à Ville-d'Avray est donc très coûteux. La commune y consacre
tout de même chaque année une somme de l'ordre de la taxation que vous projetez
de nous imposer. C'est là un considérable effort dans la mesure où l'assiette
de taxe professionnelle par habitant n'atteint pas 20 % de la moyenne
nationale. Votre punition, qui s'élève à 750 000 francs pour ma ville et qui
viendrait sanctionner l'histoire et la géographie et non une quelconque faute
de gestion ou une erreur de choix politique, représenterait, à elle seule,
environ le tiers de nos recettes de taxe professionnelle. Quelle commune peut
supporter une saignée pareille ?
Vous condamnez ma ville parce qu'elle ne pourra pas avoir 20 % de logements
sociaux dans vingt ans. Or, comme je viens de le démontrer, je ne vois pas
comment cela sera possible. Cet objectif est inaccessible, et ce avant beaucoup
plus longtemps. Cet objectif est inaccessible parce que les terrains manquent.
A moins que je n'utilise la mairie ou l'église... mais elles sont classées !
Cet objectif était financièrement inaccessible avant le présent projet de loi.
Or, ce dernier est de nature à aggraver une situation déjà impossible à vivre.
Ma ville, comme d'autres, se trouve donc condamnée à perpétuité ! De quel droit
?
Pouvez-vous confirmer votre volonté d'écoute, monsieur le ministre, monsieur
le secrétaire d'Etat, en acceptant d'approfondir une concertation à partir du
cas réel que je vous présente et que je n'invente pas. Pourriez-vous me dire
comment de telles villes, la mienne et d'autres dans le département, pourront
appliquer votre projet de loi et survivre ? Surtout, pourrez-vous me dire
comment elles pourront continuer à construire les logements sociaux dont elles
ont besoin ?
Au-delà de cet appel au secours lancé au nom des communes que ce projet de loi
va donc mettre en grande difficulté, voire à la limite de la précarité - je
pèse mes mots - je vous pose trois questions.
La première question a déjà été évoquée par plusieurs orateurs : allez-vous
enfin nous proposer une définition stable et lisible du logement social ?
Aujourd'hui, vous proposez d'en diminuer encore le champ, notamment en sortant
de la définition les logements privés conventionnés. Ne relèverait-il pas du
bon sens de revenir à la définition de 1991, sur laquelle se sont précisément
appuyées les communes pour la mise en oeuvre des PLH ? Je note d'ailleurs que
la définition retenue dans votre projet de loi n'est pas non plus celle qui
s'applique pour la dotation de solidarité urbaine. Il faut de la cohérence, là
aussi.
Deuxième question : que pensez-vous de l'idée d'établir une relation entre
recettes de taxe professionnelle et besoin de logements sociaux - les logements
sociaux, cela a un coût - en mutualisant par exemple les unes et les autres au
niveau d'une agglomération assez vaste pour que cela ait un sens ?
Troisième question : votre objectif est bien la construction de logement
social, dès lors pourquoi le fixer en volume ? Ce sont les flux qui
construisent ! Pourquoi ne pas exonérer les communes qui construisent
effectivement plus de 20 % de logements sociaux chaque année sans pour autant
parvenir à atteindre le seuil de 20 % en volume en vingt ans ?
Cela dit, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je ne perds pas
espoir, même s'il est plus difficile de gérer une commune pauvre, enclavée dans
la forêt, à l'écart des grands axes de développement de la région et qui, de
plus, va être condamnée par votre loi, parce que les causes les plus difficiles
peuvent aussi être les plus intéressantes et parce que je continue à croire en
l'avenir et peut-être un peu en vous.
Pour le montrer, je termine sur une note constructive en soulignant à nouveau
que c'est bien sur le terrain que cet avenir, auquel nous croyons tous, se
gagnera. Pour illustrer mon propos, je citerai un exemple vécu actuellement,
toujours dans ma ville, de ce que l'Etat ne saura jamais faire aussi bien
qu'une municipalité.
Un propriétaire a décidé de vendre à un promoteur immobilier un terrain
construit avec cinq petits appartements occupés et ayant grand besoin d'être
rénovés. Le prix de vente en était largement sous-estimé au regard de
l'évaluation des domaines. J'ai exercé mon droit de préemption. Le bien fut
retiré de la vente pour réapparaître, quelques mois plus tard, à un prix
légèrement réévalué, mais toujours très sous-estimé.
Du fait de difficultés de procédure sur lesquelles je ne m'étends pas, la
transaction fut malheureusement tout de même réalisée dans ces conditions. Je
n'ai alors pas hésité à choisir, là encore, la seule solution possible : lancer
une enquête d'utilité publique permettant l'expropriation pour réhabiliter ces
cinq logements, tout cela aux frais de la commune.
Le logement social et la morale y trouvent leur compte. Ce n'est que
localement que de telles opérations peuvent être conduites ; jamais l'Etat ne
pourra le faire sur cinq logements. Ce sont de tels comportements de proximité
qui, mieux que toutes les lois et toutes les taxations, rendront nos villes
plus humaines et notre société plus solidaire et plus vivante.
En bridant les volontés et en réduisant les possibilités locales, auxquelles
il faut faire confiance, je crains que vous ne fassiez au contraire une grave
erreur. Alors que la concertation s'imposerait, curieusement, vous en réduisez
d'avance le champ en déclarant une urgence que rien ne semble justifier.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, ne refusez pas le
dialogue. Acceptez de prendre vraiment en compte la réalité du terrain dans sa
diversité. Ces difficultés vous paraissent peut-être caricaturales, mais je
tiens à votre disposition toutes les données qui vous permettront de vérifier
ce que je viens de dire.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, prenez en compte cette
réalité dans sa richesse, richesse des possibilités et de l'enthousiasme local,
le logement social lui-même en sortira gagnant !
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains
et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Ladislas Poniatowski.
Très bonne intervention !
M. le président.
La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, je n'interviendrai que sur la partie ferroviaire de ce
texte. A ce titre, je regrette l'absence de M. Gayssot, mais nous avons d'ores
et déjà eu quelques conversations, notamment au sein de l'Association des
régions de France.
Nous voici devant un projet de loi gâché, une réforme cassée, abîmée, comme si
Bercy avait voulu faire taire la voix du rail régional.
Cette réforme, en elle-même, portait quelque chose d'essentiel : une
décentralisation réussie, à un moment, où, dans notre pays, les « mammouths »
sont incapables de s'attaquer à la réforme de leurs propres structures. Alors
que, de Bercy aux affaires sociales en passant par l'éducation nationale, la
concentration des pouvoirs conduit à l'impuissance, il y avait là une
ouverture, une perspective : le « mammouth » SNCF était peut-être réformable
grâce à l'expérimentation.
Voilà que sept régions en France, plusieurs années durant, se lancent dans une
expérimentation de décentralisation. Les élus prennent à coeur le dossier, les
personnels s'engagent, l'ensemble des acteurs participent. Pour la commission
de décentralisation que préside M. Mauroy, cette expérience était pleine
d'espoir : expérimentons, et cela bougera !
Nous avons vu des choses extraordinaires ! Nous avons vu la CGT locale
convaincre la CGT nationale et des élus locaux convaincre les élus nationaux.
Une vision positive est montée du terrain : et si l'on faisait en sorte que les
territoires aient de vraies responsabilités pour organiser le transport
ferroviaire.
Cette réforme-là était sur les bons rails. De nombreuses expériences ont été
menées. Dans la grande région dynamique et performante qu'est l'Alsace, elles
avaient engendré une augmentation de la fréquentation du rail et réussi à
instaurer une cohérence territoriale entre les villes moyennes. Le Limousin
avait d'autres soucis et était confronté à d'autres préoccupations qu'il
cherchait à surmonter. Tout le monde s'était mis au travail. Et puis, au moment
où un bilan de cette expérimentation aurait pu être dressé, d'un seul coup, on
précipite le tout...
M. Ladislas Poniatowski.
L'urgence !
M. Jean-Pierre Raffarin.
D'abord, ce projet de loi est assorti de la procédure d'urgence.
M. Nicolas About.
Monstrueux !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Songez aux problèmes qui vont se poser. Qui sera responsable de la sécurité
dans les gares ? Le personnel est, à juste titre, concerné. Qui va gérer les
tarifs sociaux ?
J'en appelle à la conscience républicaine de nos collègues socialistes. Qui,
dans notre pays, est responsable de la cohérence républicaine, de l'action
sociale ? Qui doit être responsable des tarifs sociaux ? Qui aura accès à cette
justice sociale à laquelle nous sommes tous attachés ? Veut-on que les tarifs
sociaux se décident d'une région à une autre sans aucune cohérence, avec une
compétition sur le « mieux-disant » social ? Qui est responsable de la
cohérence sociale ? Qui va payer ? Et comment allons-nous arbitrer ?
La SNCF veut augmenter - et elle a raison ! - la part de son fret ; elle va
donc créer des trains nouveaux et, pour ce faire, elle a besoin de sillons
nouveaux.
Par conséquent, les régions vont être en concurrence avec la SNCF pour avoir
des trains nouveaux, des sillons nouveaux. Qui arbitrera ? Car la SNCF ne
manquera pas de faire valoir que, sans sillons nouveaux, elle fera passer en
priorité ses trains de marchandises. Bravo ! A ce moment-là, la SNCF sera
joueur et arbitre.
Tout cela aurait mérité plus de discussions et un approfondissement, notamment
de l'expérimentation, laquelle n'est intéressante que si l'on prend le temps
d'en lire les résultats !
Dans ce contexte, de vraies solutions sont apparues, qui auraient mérité autre
chose que quelques articles dans un projet de loi, articles d'ailleurs passés
inaperçus à l'Assemblée nationale, mais qui modifient profondément les
responsabilités des collectivités territoriales.
Nous avons préparé un certain nombre d'amendements pour apporter des
correctifs liés à l'expérimentation et pour préciser les intentions du
Gouvernement, car on sent bien, compte tenu du petit nombre d'articles, que
cette régionalisation se fera principalement par la voie réglementaire, ce qui
nous préoccupe.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, tout cela aurait pu être
acceptable et même profitable aux uns et aux autres s'il n'y avait pas eu cette
triste affaire du règlement financier.
M. Ladislas Poniatowski.
Bien sûr !
M. Jean-Pierre Raffarin.
La SNCF annonce des résultats positifs et s'en félicite - on peut tous se
féliciter de ces résultats - mais, d'un côté, elle transfère ses dettes à
Réseau ferré de France, RFF, et, de l'autre, elle garde les bénéfices du TGV et
décentralise les déficits du TER ! Voilà bien la plus malicieuse de toutes les
recentralisations : je vous donne les déficits, je garde les bénéfices et voyez
comme je suis généreuse et décentralisatrice ; à vous les problèmes, à moi les
recettes !
C'est en vérité la pire des recentralisations, une recentralisation à
laquelle, de plus, nous ne sommes pas vraiment associés. M. Mauroy a bien eu
l'élégance d'inviter M. Gayssot le matin même de la présentation de son texte à
l'Assemblée nationale, mais c'était un peu tard pour qu'on lui fasse part, au
sein de la commission sur la décentralisation, de la véritable appréciation que
nous avions sur un texte qui est en fait un texte de recentralisation.
Nous allons donc nous trouver dans la situation suivante : alors que les
responsabilités seront lourdes sur le plan financier, nous n'aurons aucune
assurance que les financements nécessaires nous seront accordés. De plus, nous
nous heurtons à un « niet » absolu du Gouvernement lorsque nous demandons une
indexation non pas sur les salaires de la SNCF - ce qui aurait pourtant été
possible et nous aurait mis à l'abri d'un certain nombre de dérives, mais je
conçois que cela soit excessif -, mais sur le PIB pour tenir compte de la
richesse nationale, faire en sorte que la préoccupation « transport ferroviaire
» garde sa place dans l'ensemble des préoccupations nationales et éviter un
déclin des financements dû à une indexation insuffisante.
Le Gouvernement ne nous concède que la DGD, toute la DGD et rien que la DGD,
nous condamnant donc à un déficit global qui va peser terriblement sur les
finances locales.
Sur le fond, c'était certes un coup dur, mais nous aurions pu discuter sur
cette situation financière si, de surcroît, nous n'avions pas été confrontés à
la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation. Nous nous
demandons vraiment si la volonté n'est pas d'assécher les territoires, et de
les priver de moyens. C'est bien la pire de toutes les recentralisations !
Au moment où nous venons de négocier nos contrats de plan avec loyauté, ...
M. Henri de Raincourt.
Quelle erreur !
(Sourires.)
M. Jean-Pierre Raffarin.
... et alors que, dans toutes les régions, nous sommes parvenus, en dépit de
majorités souvent difficiles, à faire voter ces contrats de plan pour engager
des financements très importants - la contractualisation, pour laquelle
l'Europe, l'Etat, les régions, les départements et les villes ont joué un rôle
très important, représente en effet, pour la période 2000-2006, plus de 400
milliards de francs - c'est à ce moment-là qu'on nous annonce que la part
régionale de la taxe d'habitation est confisquée !
La DGF a évolué de 2,02 % sur la période 1994-1998, alors que les bases de la
taxe d'habitation ont augmenté de plus de 3 %. Cela signifie que, pour la
période 2000-2006, le déficit sera pour les régions de 1,5 milliard de francs,
alors que la régionalisation du ferroviaire va exiger que nous mobilisions des
moyens financiers considérables. En effet, la régionalisation n'a d'intérêt que
si nous améliorons les services, donc si nous investissons. Pour progresser, il
faut investir. C'est précisément au moment où nous devons investir qu'on nous
prive encore de ce moyen de financement qu'est la part régionale de la taxe
d'habitation !
On explique aux Français qu'il s'agit d'une suppression de taxe alors que,
chacun le sait, il s'agit en grande partie d'un transfert. Il y aura tout de
même un manque à gagner, que devront supporter les collectivités territoriales
qui doivent assumer la mission nouvelle de la régionalisation du
ferroviaire.
Nous sommes à un moment où notre pays doit faire face aux agressions dont est
victime le national, qui est l'espace de la cohérence politique. La nouvelle
économie menace le national, qui a besoin, pour se défendre, de la puissance de
l'Europe et de l'initiative du local.
M. Henri de Raincourt.
Bien sûr !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Ce triangle de forces nouvelles est la véritable réponse française au défi de
la mondialisation. Or comment voulez-vous que le local participe de ce
mouvement si le national lui confie ses déficits et le met dans l'incapacité de
régler les problèmes ? Monsieur le ministre, c'est grave !
Nous croyons vraiment que la décentralisation est une perspective importante.
Nous avons cru que la régionalisation du ferroviaire était une piste d'avenir
importante, et nous continuons à penser qu'il faut aller dans ce sens-là. Mais
faisons en sorte que notre République respecte ses territoires et leurs
capacités d'initiative, parce que l'on sait bien que l'avenir est aux forces
ascendantes et aux énergies locales.
Ce texte est, pour nous, profondément décevant. Nous comptons sur la sagesse
de la Haute Assemblée et sur les amendements qui seront proposés pour donner au
Gouvernement une perspective qui permette de convaincre l'Assemblée nationale.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, aussi que sur certaines travées
du RDSE.)
M. Henri de Raincourt.
Quel réquisitoire !
M. le président.
La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, on ne peut que regretter
que le projet relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, qui aborde
plusieurs problèmes importants - dont celui de la régionalisation du transport
ferroviaire - et pose le problème de fond des relations entre l'Etat et les
collectivités locales ait ouvert une caricature du débat sur la ville, sujet
qui est pourtant au coeur de la problématique de la civilisation du xxie
siècle, et nous ait fait rapidement retrouver les vieux clivages politiciens,
entre les cris d'horreur devant la défense des égoïsmes et l'angoisse des élus
devant le retour de l'Etat jacobin.
« On ne peut pas résoudre les problèmes avec ceux qui les ont créés », disait
Einstein. Or je crois que le fond du débat, tant pour les uns que pour les
autres, c'est l'efficacité de l'action publique et le fait que la relation
entre l'Etat et les collectivités locales ne peut pas consister, pour l'Etat, à
transférer ses échecs ou ses incapacités sur le dos des élus locaux. Cela
serait contraire à l'intérêt national.
Je m'interroge pour savoir si nous ne commettons les mêmes erreurs. Nous
analysons une situation avec, quelquefois, une approche identique sur les
déséquilibres constatés, mais nous oublions peut-être les flux qui, depuis
vingt-cinq ou trente ans, ont structuré notre territoire.
De 1945 à 1955, on a construit 900 000 logements ; de 1955 à 1965 trois
millions de logements, qui, aujourd'hui, sont critiqués par les uns et par les
autres. Mais, à l'époque, cela correspondait à un progrès perçu par tous, avec
du travail, du confort, et la ville était un lieu de repos, un lieu de loisir.
Chacun sait l'apport considérable qu'ont eu les villes dans la politique
culturelle, dans la politique sportive, dans la dynamique même du comportement
des uns et des autres.
Aujourd'hui, sont-ce les données techniques ou les données sociétales qui ont
changé ? Chacun sait que moins de travail, moins de confort, ont transformé le
mieux-vivre urbain en mal-vivre urbain, au point que, dans certains quartiers,
la vacance atteint 30 % ou 40 %. Cela signifie qu'il y a une inadéquation entre
la demande formulée par les habitants et l'offre publique. C'est une leçon
qu'il nous faut intégrer : lorsque l'offre publique ne correspond pas à une
demande, c'est l'histoire d'un échec annoncé. La volonté politique peut être
réelle, la réalité sociale s'imposera.
On nous indique qu'il y a un réel déséquilibre entre les territoires. Cela est
dû, bien évidemment, à l'égoïsme de certains élus et à la générosité d'autres.
Mais sont-ce les maires qui ont fait la ville ou les villes qui se sont
imposées aux maires ? Dans certains cas, en effet, elles sont le fruit de
l'histoire - les villes minières - de la géographie, voire de l'Etat lui-même
qui, dans les années soixante, a créé les villes nouvelles ou les grands
ensembles.
Hier, j'entendais M. Gayssot opposer la République et l'égoïsme communal. Si,
aujourd'hui, il existe un déséquilibre en matière de logements sociaux, c'est,
certes, l'expression d'une volonté politique locale, mais, si ma mémoire est
bonne, cette volonté a aussi été accompagnée de crédits d'Etat. Nous avons donc
une responsabilité partagée dans le paysage urbain, qui, aujourd'hui, pose
problème.
S'agissant des 20 % de logements sociaux, je trouve qu'on réduit un peu le
débat, comme si une harmonisation statutaire était inéluctable au nom de
l'égalité, afin qu'au cours des vingt-cinq prochaines années chacun, pour
reprendre l'expression d'un journaliste, ait « son pauvre, son immigré, son
chômeur » !
Nous devons aujourd'hui valoriser l'image du logement social et ne pas le
réduire à la difficulté sociétale de nos concitoyens. Or enfermer les gens dans
des statuts pose aujourd'hui le véritable problème de l'intégration. Nous
devrions éviter d'enfermer les territoires dans des statuts. Nous passons, je
crois, à côté d'un vrai débat qui consiste à nous interroger sur les réponses
que nous devons apporter à notre société, qui conjugue le déclin moral, le
suicide culturel, la désunion politique avec une montée des comportements
asociaux, un déclin de la famille, un déclin du capital social, une faiblesse
de l'éthique, et au sein de laquelle la cohésion et l'intégration se faisaient
autour des valeurs morales partagées et de lois acceptées.
En réalité, nous vivons non pas l'échec d'une politique urbaine, mais celui
d'une société qui a raté son intégration, qui est menacée aux deux extrémités
par un déséquilibre statique des sociétés fermées qui se replient sur
elles-mêmes et une désagrégation des sociétés transactionnelles. L'homme vaut
plus par ce qu'il dépense que par ce qu'il pense ; demain, il ne faudrait pas
hiérarchiser les individus en fonction du caractère statutaire du logement.
Au moment où s'accélèrent les mutations économiques, qui rendent fragile
l'avenir des territoires, des règles environnementales imposent de nouvelles
limites à leur développement et à leur potentialité. On nous parle à nouveau de
maîtrise de l'espace périurbain et de densification urbaine. Je pense que la
réponse est non pas dans l'unicité, mais au contraire dans la diversité et la
complémentarité.
Nous vous avons donné notre accord pour l'émergence d'un nouveau pouvoir
d'agglomération permettant d'assurer une cohérence des différents schémas et
une harmonisation des différentes politiques. Il faut effectivement que nous
réfléchissions à des outils de régulation afin de parvenir à une harmonisation
dans la gestion de l'espace. Toutefois, s'il y a plusieurs dimensions de
l'espace, il n'y a qu'une dimension du temps. Si l'agglomération n'est pas un
facteur de progrès social, cette loi n'aura pour résultat que la répartition
des échecs de notre société et elle augmentera les risques de racisme social et
de fracture territoriale.
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Jean-Paul Delevoye.
Nous risquons de nous préparer de belles campagnes électorales municipales
opposant, d'un côté, ceux qui prôneront les vertus de l'intégration mais qui
préféreront voir l'étranger ailleurs et, de l'autre, ceux qui prôneront
l'égalité des chances en ne voulant accueillir que les plus performants.
L'Etat, qui refuse d'analyser cette logique de politique publique, veut faire
retomber les échecs sur le dos des élus locaux.
J'aurais préféré une loi plus visionnaire, plus contractuelle entre l'Etat et
les collectivités locales, pour tout dire, une loi plus proche de la réalité du
terrain. J'ai du mal à concevoir que l'on puisse avoir la même approche
thématique pour des régions différentes. L'égalité des chances territoriales
passe par l'inégalité des réponses et l'accompagnement de l'Etat à des
expressions du terrain.
Nous devrions analyser les besoins. Avons-nous besoin de 20 % de logements
sociaux partout ? Je n'en suis pas convaincu. Quelle est l'offre dans sa
globalité et non selon les statuts ? N'aurions-nous pas pu déconcentrer les
moyens de l'Etat avec une souplesse d'utilisation adaptée au terrain : ici la
démolition, là la modification des plafonds de ressources, là encore une
allocation de logement mensualisée, une solvabilisation qui épouse le parcours
du locataire ? N'aurions-nous pas pu initier une approche globale des quartiers
par l'Etat intégrant, bien évidemment, l'offre en matière de logements, mais
aussi, le logement n'étant plus qu'une partie d'une politique globale ;
comprenant une action en matière de services, de santé et de culture ? Ce que
les collectivités locales réclament de l'Etat c'est une approche globale, un
partenariat et non une approche culturelle sectorielle.
Alors que le logement est un droit pour tous, le logement social véhicule une
image négative et nous devons éviter que cette loi ne soit la loi de la
répartition des pauvres ou des échecs de notre société.
La ville doit redevenir un lieu de progrès pour tous, un lieu d'épanouissement
pour chacun et d'égalité des chances. Il faut un droit au logement pour tous,
mais à un logement adapté à la situation de chacun, assorti d'un droit à la
santé, à l'éducation et à la sécurité. Il nous faut éviter que la ville ne soit
à l'image de notre société : la liberté pour ceux qui peuvent se l'offrir et le
piège pour les autres. Ce n'est pas toujours une question de logement ; c'est
une question de qualité de vie. Nous avons fait un certain nombre de
propositions dans ce sens et la commission des lois en a repris
quelques-unes.
Ce projet de loi comporte trois volets.
Sur le premier concernant le renforcement de la cohérence, j'ai déjà exprimé
notre avis favorable, même s'il conviendra de réfléchir, à l'échelon des
schémas régionaux, sur l'intégration de la ville dans une approche beaucoup
plus globale, dépassant même les limites de l'agglomération. En effet, si
l'histoire et la géographie ont façonné les villes, l'automobile en a déplacé
la centralité, et, aujourd'hui, les services sont en train de déplacer les
lieux de décision.
Sur la simplification des documents d'urbanisme, je ne partage pas votre
optimisme, monsieur le secrétaire d'Etat. Je crains l'augmentation des recours,
l'augmentation des contentieux. Aussi, dans les délais que vous imposez aux
collectivités locales, il faudrait prendre en compte la gestion des
contentieux. Quelquefois, en effet, le délai qui s'écoule entre une décision
politique locale et son application se trouve considérablement allongé par le
déroulement de contentieux juridiques. De tels cas ne devraient pas faire
l'objet de sanctions.
Il reste le problème du logement. Vous avez, chacun en convient, augmenté les
crédits, accéléré les démolitions, mais nous restons en dehors d'une réflexion
sur l'individualisation de la politique du logement épousant l'invidivu dans
son parcours personnel, sur une adaptation des crédits publics au financement.
Vous allez contraindre les collectivités locales et, parallèlement, leur
demander des cautions, exiger d'elles une surcharge foncière, augmenter leur
budget consacré à l'aide personnalisée au logement.
Nous aurions dû engager une réflexion d'ensemble sur la politique du logement
intégrant le public, le privé, l'aide à la pierre et l'aide à la personne. Il
faudrait que le logement redevienne la dynamique pour la ville qu'il était
alors que, pour certains, il apparaît maintenant comme un fardeau.
Je partage votre volonté d'offrir à chacun la possibilité de suivre un
parcours positif avec un droit à l'activité, voire un devoir d'activité, un
droit au logement, voire un devoir de locataire, pour développer la volonté de
sortir de la misère des grandes villes modernes, celle-ci n'étant pas le
résultat d'un affaiblissement des qualités humaines mais découlant de
l'existence d'environnements sociaux qui inhibent l'expression de ces qualités.
La ville était un rêve. Elle doit le redevenir.
Au moment où l'Assemblée nationale vote une loi sur la régulation économique
permettant aux uns de croire aux coups de menton et aux autres à la main
invisible du marché, je ne crois ni à l'un ni à l'autre mais à la régulation
par l'homme. C'est son comportement qui détermine l'échec ou la réussite d'une
politique. Une politique du logement ne peut se concevoir que si elle améliore
le comportement des individus.
A de nouvelles données sociales, de nouvelles réponses urbanistiques. La
liberté de choisir est un facteur essentiel de la condition humaine. A mon
sens, ce projet de loi ne doit pas être guidé par une notion d'échec ; il doit
au contraire répondre à une vision prospective de l'avenir.
Le fait que le quota de 20 % apparaisse comme une punition ne me paraît pas
correspondre à l'esprit du temps. Je crois plus à l'incitation. On vante
aujourd'hui le résultat de l'intercommunalité urbaine. Est-elle le fruit de la
volonté politique locale ou celui d'une incitation financière que l'Etat a
accepté de mettre en place et qui produit aujourd'hui ses effets ?
Si je suis favorable à la cohérence des schémas, si je dis oui à la nécessaire
complémentarité des territoires, je dis non à la contrainte. Nous aurions dû
imaginer des contrats Etat-agglomération suffisamment incitatifs financièrement
pour atteindre les objectifs assignés par l'Etat.
Si, aujourd'hui, on stigmatise les déséquilibres, chacun porte sa part de
responsabilité. En effet, le refus de l'élu local, qui ne mesurait pas bien
quelquefois les excès s'est accompagné de l'irresponsabilité de l'Etat en
matière de crédits publics.
J'aurais préféré que l'offre de logements se fasse en intégrant l'accession et
la location, la construction et la réhabilitation, le public et le privé,
qu'elle réponde à une demande sociale de logements mobiles, adaptés et
évolutifs.
Ainsi, lorsque l'on modifie les cartes scolaires, on voit immédiatement le
flux des écoliers se diriger vers les meilleurs établissements scolaires, avec
les conséquences qui en découlent sur le logement. De même les constructions de
logements s'accompagnent immédiatement de flux de locataires qui cherchent à
fuir certains immeubles pour aller vers d'autres. Nous aurions dû, me
semble-t-il, commencer par adopter une démarche pragmatique d'analyse des
besoins et de l'offre, l'Etat laissant la volonté locale s'exprimer sans la
contraindre.
Je regrette le mélange des genres, je regrette l'urgence qui a été déclarée
sur ce texte, je regrette que nous passions à côté d'un véritable débat, car la
question n'est pas de savoir si la civilisation du xxie siècle sera urbaine ou
non. Elle sera humaine ou elle se détruira. La sururbanisation à laquelle nous
avons assisté dans certains pays a montré qu'elle nuisait à la vitalité des
territoires, notamment en augmentant les coûts. Or le présent projet de loi sur
la solidarité et le renouvellement urbains néglige cette dimension humaine,
risquant ainsi de mettre en échec une politique publique trop statutaire, trop
budgétaire, qui ne prend pas suffisamment en compte les effets comportementaux.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Vezinhet.
M. André Vezinhet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, « La ville demain : pour la première fois depuis 1967, le
Gouvernement définit sa politique urbaine à long terme. Priorité au logement
social et aux agglomérations ». Voilà ce que l'on pouvait lire dans le journal
Libération
du 20 décembre 1999.
Le projet de loi que nous examinons a probablement une essence
révolutionnaire, comme je vous le disais, monsieur le secrétaire d'Etat au
logement, le 1er mars dernier à Montpellier, lors de la clôture des assises
départementales du logement social, le terme révolutionnaire étant pris non au
sens dramatique mais au sens étymologique et littéral.
A partir d'un constat d'éclatement urbain produisant de l'exclusion, de
l'isolement et du repli sur soi, il faut inverser ces fâcheuses tendances. Ce
projet de loi le propose dans le droit-fil des lois sur l'aménagement du
territoire et sur l'intercommunalité, qui favorisent la territorialisation des
politiques publiques.
Dans le titre Ier, le schéma de cohérence territoriale, le plan local
d'urbanisme prennent en compte globalement les principales politiques urbaines,
rompant avec les démarches sectorielles en matière de logement, d'urbanisme et
de transport.
Les dispositifs des années soixante - soixante-dix, conçus pour répondre à la
forte extension des villes, avaient produit des logiques fonctionnelles de
zonage, propices aux ségrégations spatiales et sociales.
Le PLU, plus simple à élaborer et à réviser que le POS, intégrera, comme vous
l'avez dit, monsieur le ministre, tous les projets d'ensemble de la commune. Il
ne s'agit pas, comme certains ont pu le dire, d'un retour en force de l'Etat,
puisque aussi bien la démocratie locale y trouvera plus de vigueur et d'intérêt
dans les concertations rendues obligatoires avec les habitants.
L'enjeu du titre III est considérable. Il vise à assurer une politique
cohérente de transports à l'échelle de l'agglomération. Il faut pour cela
prendre en compte les nouveaux besoins de déplacements entre lieux de vie, de
travail ou de loisirs ; il faut également limiter les pollutions citadines.
Lionel Jospin, lors de la conférence des villes à Paris, le 4 avril dernier,
avait insisté sur cette vision de la ville du xxie siècle.
A cette fin, les PDU sont renforcés. Je tiens à marquer tout particulièrement
l'intérêt que je porte à la coopération, suggérée dans le projet de loi, entre
les autorités organisatrices de transports, et à la faculté ouverte à la
constitution de syndicats mixtes. Il y va de l'intérêt des utilisateurs sur de
très larges territoires.
Abordons maintenant l'article 25. Que n'a-t-on entendu à son sujet ! « Texte
extrêmement dangereux et totalement inapplicable ! Je suis très favorable à la
mixité sociale, mais ce texte va renouer avec la politique des grands ensembles
trop denses et massifs. C'est une loi de recentralisation, le préfet se
substituant au maire ; c'est bafouer la démocratie. » Ainsi s'exprimait
l'ancien Premier ministre Alain Juppé, dans le journal
Sud-Ouest.
Ces propos constituent, à mon sens, un sommet de caricature, voire de
ridicule, à moins qu'ils ne soient un obstacle à la noble et louable ambition
de notre gouvernement de tendre vers une ville qui serait non plus subie mais
choisie.
Pourtant, à première vue, l'article 25 semble avoir rallié les suffrages de la
majorité sénatoriale. En effet, je constate qu'aucune des trois commissions
saisies n'a déposé, comme ce fut le cas à l'Assemblée nationale, d'amendement
de suppression.
S'agirait-il, mes chers collègues, d'une conversion tardive ? Hélas, non !
Selon une méthode bien rodée dans cette assemblée, des amendements soutenus par
les trois rapporteurs et jugés essentiels par eux risquent, s'ils sont adoptés,
de vider totalement de sa substance et de sa signification l'article 25.
Pour sa part, le groupe socialiste considère - vous vous en doutez - que
l'obligation qui sera faite aux communes d'atteindre 20 % de logements sociaux
en vingt ans est porteuse d'égalité et d'équité. Après tout, dans nombre des
petits villages qui forment la France profonde à laquelle je sais la Haute
Assemblée particulièrement attachée, les riches et les moins riches vivent
ensemble l'espace communautaire villageois. Trop de villes, petites et grandes,
ont oublié cet enseignement de la France rurale d'il y a à peine un siècle. Le
sens du partage s'est perdu dans notre pays ; il faut saisir cette occasion de
le retrouver. Ne cédons pas à cette dérive qui nous guette d'espaces urbains de
plus en plus privés jusqu'à être autorisés aux uns et interdits aux autres ou
d'espaces publics tellement marginaux qu'ils constituent des endroits à hauts
risques. J'ai connu cela ailleurs. Voilà une France dont je ne voudrais pas.
Mon temps de parole touchant à sa fin, je veux très brièvement indiquer ma
satisfaction de voir que sont réaffirmés et précisés la place de l'habitat
social, le rôle des HLM et l'importance accordée à l'information et au dialogue
avec les locataires.
Je me réjouis également que soit proposée, pour la première fois, une
définition du logement décent. J'apprécie, enfin, la batterie de mesures
concrètes visant à s'attaquer au point noir des copropriétés dégradées, qui
sont, plus souvent que les HLM, responsables du mal dit « des banlieues ».
En conclusion, saluons la parfaite cohérence entre le projet de loi relatif à
la solidarité et au renouvellement urbains et le programme national de
renouvellement urbain arrêté le 14 décembre 1999 par le comité interministériel
des villes et auquel l'Etat consacrera 20 milliards de francs d'ici à 2006.
Je compte bien, tout au long de la discussion des articles, soutenir les
nombreux mérites de ce projet de loi tout en proposant, avec le groupe
socialiste, des amendements pour l'améliorer encore et le rendre essentiel à la
construction de l'avenir de nos cités. C'est cela, au sens littéral du terme,
la politique ; c'est cela sa noblesse.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Mes chers collègues, je me permets de vous indiquer que les temps de parole
impartis aux différents groupes pour cette discussion générale sont d'ores et
déjà pratiquement épuisés. Par conséquent, j'invite les derniers intervenants à
user de la mansuétude du président de séance mais à ne pas en abuser.
(Sourires.)
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
permettez au président du groupe de travail sur la modernisation du droit de
l'urbanisme, que la commission des affaires économiques et du Plan a créé en
janvier 1999, d'évoquer les principales conclusions auxquelles celui-ci est
parvenu. Elles me donneront l'occasion de souligner les lacunes du texte que le
Gouvernement nous soumet aujourd'hui, selon la procédure d'urgence.
Comme l'a montré le rapport de notre collègue Louis Althapé intitulé
Simplifier et décentraliser, deux défis pour l'urbanisme
, il y a urgence
à parachever la décentralisation entamée voilà plus de dix-sept ans.
Vous le savez, près des deux tiers des autorisations d'occupation du sol sont,
aujourd'hui encore, instruites par des services de l'Etat ou avec leur
concours. Cette situation est insatisfaisante pour deux raisons.
En premier lieu, on constate ce que le conseil général des Ponts et Chaussées
appelait dans son dernier rapport annuel « l'affaiblissement des compétences du
ministère de l'équipement ». La même instance, peu suspecte d'être hostile aux
services du ministère, relevait que, si « le travail des agents d'instruction
eux-mêmes est mené avec sérieux, trop souvent, le manque de soutien de la part
du subdivisionnaire comme l'absence quasi générale d'un contrôle hiérarchique
organisé et régulier nuisent à la sécurité juridique des propositions adressées
au maire ».
Le même conseil général craignait en outre que « l'évolution de la
jurisprudence ne fasse émerger la notion de responsabilité pour "défaut
d'exercice du contrôle de légalité" ».
Aujourd'hui, l'Etat est à la fois le conseiller, le contrôleur et le
fournisseur des collectivités locales. Cette situation nous apparaît comme
gravement dommageable. Lorsque règne la confusion des rôles, il est impossible
d'établir avec clarté la responsabilité respective de chacun des acteurs.
L'Etat doit désormais se recentrer sur la mission de contrôle administratif et
de contrôle du respect des lois que lui reconnaît le troisième alinéa de
l'article 72 de la Constitution.
La faculté donnée aux communes dans lesquelles une carte communale est établie
de délivrer les permis de construire en leur nom propre, est une avancée
majeure. Cependant, cette avancée demeurera fort limitée si, comme
actuellement, les communes ne peuvent avoir d'autre support technique que celui
des services déconcentrés de l'Etat.
La question du renforcement des moyens techniques des collectivités locales
est donc posée, et il appartient au Gouvernement d'y apporter une réponse. Or
celle-ci fait défaut dans le projet de loi qui nous est soumis. La gratuité de
la mise à disposition des services ne résout pas le problème que je viens
d'évoquer.
J'observe d'ailleurs que l'Etat bénéficie d'une forme d'irresponsabilité au
titre des conseils qu'il délivre aux collectivités locales en matière
d'urbanisme. Le juge considère, en effet, que les agents mis à disposition sont
placés sous l'autorité du maire. Mais à qui fera-t-on croire que le directeur
départemental de l'équipement puisse être un jour soumis à l'autorité du maire
d'une commune de 250 habitants ?
Un autre sujet de préoccupation tient à l'absence de toute disposition
relative à la compensation des charges qui ne manqueront pas de résulter de
l'application du texte qui nous est proposé.
Le Gouvernement serait bien inspiré de s'interroger sur les conséquences
pratiques du texte qu'il défend aujourd'hui. A n'en pas douter, la création
obligatoire des schémas de cohérence territoriale, telle qu'elle est prévue par
l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme, ne manquera pas de susciter nombre
de révisions de documents centralisés.
Si M. le ministre de l'équipement ou M. le secrétaire d'Etat au logement ne
sont pas sensibles à cette question, peut-être pourrons-nous compter sur M. le
maire de Béziers ou sur M. le maire de Chambéry pour y prêter une oreille plus
attentive ?
(Sourires.)
Nous sommes également préoccupés par les problèmes que pose l'importance du
contentieux de l'urbanisme. Nous avons montré dans notre rapport que l'on
annule chaque année, en France, deux fois plus de plans d'occupation des sols
que l'on n'en crée ! Le juge censure en effet, bon an, mal an, deux cents POS
en révision totale ou partielle ou en création, alors que l'ensemble des
communes en publient environ une centaine ! Cette situation nous est apparue
comme particulièrement intolérable dans le cas où les annulations reposent sur
des motifs de procédure. Il convient d'introduire dans le texte des
dispositions qui permettent d'améliorer une telle situation.
Mais il y a plus grave : le projet actuel ne prévoit rien pour diminuer le
nombre des recours abusifs qui sont déposés. Or ceux-ci ont un coût, tant pour
les collectivités publiques que pour les investisseurs privés. Je rappelle
qu'un POS coûte au minimum 150 000 francs et que, même dans une petite commune,
ce coût peut atteindre, en fonction des contraintes nouvelles, 400 000, voire
500 000 francs, dès lors que l'Etat impose des règles spécifiques.
En outre, quiconque connaît les innombrables réunions préparatoires auxquelles
donne lieu l'élaboration d'un POS comprendra que les élus locaux ne voient pas
sans quelque découragement le juge en prononcer l'annulation sur l'initiative
d'une association de circonstance. J'ajoute que le seul dépôt d'un recours
contre un permis de construire suffit d'ailleurs à empêcher une opération
puisque, le plus souvent, aujourd'hui, les banques n'accordent pas de prêt dès
lors qu'un contentieux a été engagé.
Que faites-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, pour limiter la fréquence des
recours abusifs ? Rien, ou pas grand chose ! Est-il normal qu'un requérant
animé d'intentions dolosives reçoive pour prix de ses manoeuvres un désistement
monnayé qui peut atteindre 300 000 francs ? On en trouve des exemples dans le
rapport de notre collègue Louis Althapé.
Nous sommes tous conscients de la nécessité de protéger le droit d'ester en
justice, qui est reconnu par notre bloc constitutionnel. Encore faudrait-il que
sa mise en oeuvre ne conduise pas à des aberrations et que le Gouvernement
s'emploie à y trouver des remèdes !
J'en viens maintenant au volet « transports » du projet de loi. Cela me permet
de souligner que les dispositions prévues reconnaissent le succès de la
régionalisation de la SNCF que Mme Idrac, alors secrétaire d'Etat aux
transports, avait engagée de manière expérimentale en 1996. La région
Rhône-Alpes avait, à ce titre, ouvert la voie.
J'approuve la volonté du Gouvernement de généraliser cette évolution, et la
date du 1er janvier 2002 me paraît raisonnable.
Cependant, les dotations budgétaires qu'il prévoit d'accorder aux régions pour
le chemin de fer sont en complet décalage par rapport à l'ampleur de la tâche à
accomplir. L'indexation de ces dotations sur l'évolution de la DGF correspond
en réalité à une baisse programmée, à moyen terme, de la part du PIB affectée
au transport en commun ferroviaire.
Les vrais partisans du développement durable exigent que la part de la
richesse nationale consacrée au chemin de fer régional dans le cadre de la
décentralisation soit au moins constante dans les années à venir, et non pas en
régression, comme cela nous est proposé. Le dispositif de compensation
financière, tel qu'il est envisagé, même s'il représente des sommes
importantes, ne témoigne pas d'une vision suffisamment dynamique du
développement du service public de transport ferroviaire régional.
C'est la raison pour laquelle je soutiens la position du rapporteur de la
commission des affaires économiques : il a tenu à assurer une compensation
équitable des nouvelles charges supportées par les régions. J'espère que le
Gouvernement sera sensible aux propositions du Sénat et comprendra que, en
refusant de donner aux régions les moyens de leurs ambitions, il condamne la
régionalisation des transports ferroviaires ou, tout au moins, la retarde.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Excellent !
M. Pierre Hérisson
En ce qui concerne, enfin, le volet « mixité sociale et logement », je ne suis
évidemment pas favorable au mécanisme de l'article 25, qui apparaît largement
dicté par une stratégie politique, sinon politicienne. Les amendements déposés
par la commission des affaires économiques et par la majorité sénatoriale
témoignent, je le crois, d'une volonté de dépassionner le débat. Au moment de
l'examen de cet article, nous pourrons juger de la volonté du Gouvernement de
faire prévaloir l'intérêt général, l'intérêt des collectivités locales et leur
avenir.
Tel est, messieurs les ministres, l'état de nos préoccupations, qui, vous
l'aurez compris, sont grandes.
Nous nous apprêtons à courir un véritable marathon puisque plus de 1 000
amendements ont été déposés. C'est la preuve que ce texte soulève plus de
problèmes qu'il n'en résout.
Il est totalement inadmissible que n'ayons eu que vingt-quatre heures pour
déposer nos amendements et à peine plus de temps pour les examiner en
commission.
Le Gouvernement pourra-t-il encore longtemps continuer à traiter le Parlement
de la sorte ? La réponse est évidemment non ! Mais nous sommes en démocratie et
le suffrage universel permettra un jour prochain de dégager d'autres
perspectives et d'autres orientations.
(Rires sur les travées
socialistes.)
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat au logement.
Il faut bien rêver !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Oui, ça fait du bien !
M. Pierre Hérisson
M. Gayssot rappelait dans son intervention, en faisant référence à l'article
72 de la Constitution, que, si les collectivités territoriales s'administrent
librement, elles le font dans le cadre de la loi. Faut-il lui rappeler, alors,
que la loi est votée par le Parlement et non par le Gouvernement ?
Cette procédure d'urgence, qui nous est imposée une fois encore et qui tronque
le débat, tend à devenir la règle, au mépris de la démocratie parlementaire, du
rôle et de la mission du Parlement.
En conclusion, je reviendrai brièvement sur l'article 25. La Révolution
française a distribué des terres à ceux qui les travaillaient. Pourquoi ne pas
attribuer, sous une forme d'accès à la propriété simplifié, les logements à
ceux qui les occupent depuis longtemps et qui paient régulièrement leur loyer ?
Vous verrez, dès cet instant, se réveiller un réflexe de citoyen propriétaire,
qui est également inscrit dans notre Constitution.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Jean-Pierre Raffarin.
Excellent ! Et merci pour l'espoir !
M. le président.
La parole est à M. Joyandet.
M. Alain Joyandet.
Monsieur le président, je vais m'efforcer à la brièveté à laquelle vous avez
invité chacun. Au demeurant, cet effort me coûtera d'autant moins que beaucoup
de choses ont déjà été dites par les orateurs qui m'ont précédé à cette
tribune.
Beaucoup d'entre eux ont fort bien exprimé les regrets que peut inspirer le
texte qui nous est présenté. Pour ma part, j'en retire une impression de
brutalité, à la fois dans la forme et dans le fond.
Le 6 juin 1997, M. Jospin émettait le souhait que le Gouvernement laisse au
Parlement le temps de débattre en prévoyant des délais d'examen des textes plus
importants que ceux qui avaient pu être observés au cours des années passées.
Tout cela est maintenant bien loin !
En effet, une nouvelle fois, sur un texte très important, le Gouvernement a
déclaré l'urgence, et cela pour des raisons qui nous échappent. Cela contribue
évidemment beaucoup à cette impression de brutalité que j'évoquais à l'instant.
Jean-Piere Raffarin l'a très bien montré en ce qui concerne les problèmes de
transports, et notre collègue Denis Badré l'a dit aussi à propos du logement
social.
Le fait de déclarer l'urgence sur des grands textes, qui devient une habitude,
ne nous permet pas de travailler dans de bonnes conditions, et le débat se
résume finalement à une opposition droite-gauche. Or, sur des textes qui
conditionnent l'avenir de notre société, si nous disposions vraiment du temps
nécessaire pour réfléchir ensemble, je suis persuadé que nous pourrions nous
rejoindre sur un certain nombre de points.
Je me rappelle, à ce propos, la loi sur la ville, dont nous avions longuement
débattu ici avant de découvrir, quelques jours plus tard, à la suite d'une
conférence de presse que vous donniez, monsieur le ministre délégué à la ville,
les mesures que vous envisagiez. En préférant les annoncer d'abord aux
journalistes, vous avez montré l'estime dans laquelle vous tenez le Parlement
!
Mais c'est surtout au nom des maires que je voudrais m'exprimer ici, et pour
évoquer d'abord le plan d'occupation des sols.
S'il est parfois sévèrement critiqué, il reste aujourd'hui une référence. Il a
tout de même permis d'établir la paix entre les uns et les autres. Or voilà
que, après trente ans d'existence, on s'apprête à le rayer d'un trait de plume
pour y substituer une procédure nouvelle, le PLU.
Je ne suis pas sûr qu'elle rende les choses plus faciles et plus
compréhensibles. Je crains plutôt que plus personne n'y comprenne rien ! Et,
une fois de plus, on va bien sûr nous demander : « Mais que fait le Parlement ?
» Car, dans quelques années, alors que l'urgence nous est imposée, c'est le
Parlement qui devra endosser la responsabilité de textes inapplicables parce
que votés à la va-vite !
Quant au quota de 20 % de logements, il relève de cette même démarche
brutale.
En tant que maire, à l'instar de Denis Badré, j'ai fait beaucoup d'efforts
dans ma commune pour essayer de substituer à la logique du logement vertical
celle d'un logement horizontal, beaucoup plus convivial, beaucoup plus
accueillant, beaucoup plus favorable à l'épanouissement des enfants. C'est
pourquoi je considère comme particulièrement regrettable ce véritable coup de
massue porté sur les maires et les communes qui n'atteignent pas le seuil des
20 %. Je suis d'autant plus à l'aise pour en parler que ma commune n'est pas
concernée par cette punition que vous allez infliger à d'autres.
Décidément, la brutalité est le maître mot de votre démarche ! Comment, dans
ces conditions, le Parlement peut-il effectuer un travail véritablement
constructif, en se souciant avant tout de l'intérêt général ?
J'ai beau chercher les motivations d'une telle loi, très franchement, je ne
les trouve pas ! Tout à l'heure, on a évoqué des réponses politiques ou
politiciennes. J'espère qu'elles ne servent pas de fondement à un texte qui
devrait être essentiellement motivé par l'intérêt général, mais j'ai quelques
craintes. En tout cas, je ne vois rien de constructif dans cette rapidité et
dans cette brutalité.
Monsieur le ministre délégué à la ville, mon sentiment est que nous passons à
côté d'une grande occasion. Il ne me semble pas, en effet, que l'on puisse
construire l'avenir en tirant un trait sur le passé, en niant tout ce qui a été
réalisé auparavant.
La ville, telle qu'elle a été construite voilà quelques dizaines d'années,
représentait un plus, une avancée sociale pour un grand nombre de personnes,
compte tenu du contexte de l'époque. Ne jetons donc pas le bébé avec l'eau du
bain !
Il aurait fallu tenir compte de l'existant, conduire une analyse sérieuse de
ce qui marche et de ce qui marche moins bien et en tirer toutes les
conséquences. Or, ce texte tranchant brutalement avec le passé, on nous propose
des conditions tout à fait nouvelles pour la construction de la ville du xxie
siècle.
Très franchement, bien que passionné par la ville du xxie siècle, je ne peux
souscrire à une telle démarche qui, sur la forme comme sur le fond, n'est que
brutalité.
Je remercie d'ailleurs nos rapporteurs et les commissions qui, dans des délais
particulièrement courts, ont su apporter des améliorations très importantes à
ce texte, d'autant que le Gouvernement leur a infligé une punition
supplémentaire puisqu'il les a privés du repos pascal auquel nous avons tous eu
droit.
(Exclamations amusées sur les travées socialistes ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Braye
applaudit.)
Mme Odette Terrade.
Ils n'ont pas pu aller à la messe !
M. Alain Joyandet.
C'est une confirmation supplémentaire, s'il en fallait une, que ce projet de
loi n'est pas très catholique !
(Sourires et applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Par conséquent, en bon chrétien, je ne peux le soutenir.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville.
Vous nous crucifiez !
(Nouveaux
sourires.)
M. Alain Joyandet.
Non pas que je veuille vous crucifier mais, en bon chrétien, je soutiendrai -
sans enthousiasme, mais il faut bien corriger les textes qui nous viennent de
l'Assemblée nationale - les propositions de nos commissions qui, élaborées dans
les conditions de rapidité que j'ai rappelées, contribueront néanmoins
grandement à améliorer ce texte.
M. André Vezinhet.
Deo gratias !
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. André Vezinhet.
Voilà un mauvais chrétien !
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, deux cent mille ménages sont en attente d'un logement
locatif social en Ile-de-France.
Le rapport de la fondation Abbé-Pierre sur l'état du mal-logement en France
pour l'année 1999 fustige l'aggravation des difficultés d'accès à un logement
décent pour les publics les plus fragiles, les personnes à faibles ressources
ou qui présentent des aléas de revenus.
Or le logement constitue un droit social. Faut-il relire le préambule de la
Constitution du 27 octobre 1946 ?
« La nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à
leur développement.
« Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux
travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et
les loisirs. »
D'ailleurs, le Conseil constitutionnel a consacré, dans sa décision du 19
janvier 1995, la possibilité d'obtenir un logement décent comme objectif de
valeur constitutionnelle fondé sur le principe de sauvegarde de la dignité
humaine.
Il appartient à l'Etat, garant de la solidarité nationale et de la cohésion
sociale, de créer les conditions d'accessibilité au logement pour chaque
citoyen, et aux collectivités publiques et à leurs partenaires institutionnels
de les mettre en oeuvre.
La loi d'orientation pour la ville de 1991 avait tenté d'apporter une réponse
à l'exigence républicaine de mixité sociale dans nos villes, avant d'être vidée
de son contenu, par la droite, dès son retour au pouvoir, en 1993.
En neuf ans, seuls 30 000 logements locatifs sociaux ont été construits grâce
à cette loi, alors qu'il en manque 450 000. C'est pourquoi, aujourd'hui, le but
recherché à travers l'objectif de 20 % de logements sociaux en vingt ans est
bien qu'aucune ville ne puisse s'exonérer de l'obligation de diversifier
l'habitat, véritable devoir de solidarité.
C'est ce droit au logement que les plus virulents opposants au quota de 20 %
de logements sociaux ont oublié, que ce soit par leur pétition de mauvaise foi,
agitant la peur des barres et des tours, par le cliché de la densification
urbaine, constamment répété lors du débat à l'Assemblée nationale, ou par leur
refus ostensiblement annoncé dans les médias de ne pas appliquer la loi. Ils
ont abusé nos concitoyens en avançant de purs fantasmes.
Mais on en a fini depuis de nombreuses années avec les barres et les tours. Ce
gouvernement va même jusqu'à les détruire : lors du comité interministériel du
14 décembre dernier, cinquante grands projets de ville de développement social
et urbain et trente opérations de démolition-reconstruction, financés à hauteur
de 5 milliards de francs, ont été programmés. Les récentes réalisations de
logements sociaux ne souffrent pas de la comparaison avec les programmes
immobiliers privés : constituées de petites unités, elles sont très bien
intégrées au paysage urbain existant et ne se distinguent plus du reste du
bâti.
Quant à l'argument selon lequel le volet habitat de ce projet de loi, et tout
particulièrement la possibilité donnée au préfet en dernier recours de se
substituer aux communes pour réaliser des logements sociaux, porterait atteinte
à la décentralisation et à la libre administration des communes, il ne tient
pas ! La Constitution énonce nettement la limite de cette libre administration,
dans son article 72 : « Ces collectivités s'administrent librement par des
conseils élus et dans les conditions prévues par la loi. » Il est donc tout à
fait légitime que le préfet, représentant de l'Etat, garantisse l'application
des obligations légales des communes.
En région parisienne, le manque de terrains a souvent été mis en avant, mais
ces terrains existent bien lorsqu'il s'agit de programmes immobiliers de
standing. J'en veux pour preuve le nombre de programmes en cours dans les
communes les plus résidentielles du Val-de-Marne, dont certains députés-maires,
M. Carrez en est un exemple frappant, sont les plus hostiles au logement
social. Je citerais ainsi les jardins de Siam, au Perreux-sur-Marne : cinquante
appartements du deux au cinq pièces avec terrasses ; à Nogent-sur-Marne, pas
moins de six programmes en cours, avec un total minimum de deux cent
soixante-dix appartements, dont le prix de vente au mètre carré oscille entre
14 500 francs et 21 000 francs ; à Saint-Mandé, trois programmes en cours ; à
Saint-Maur, deux programmes en cours ; enfin, à Vincennes, cinq programmes en
cours pour une centaine de logements.
Par ailleurs, il n'est pas uniquement question de nouvelles constructions.
Ainsi, les opérations d'acquisition-amélioration et l'utilisation du parc
conventionné de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH,
entrent tout à fait dans la démarche d'augmentation de l'offre de logements
sociaux.
Il faut que les communes fassent jouer leur droit de préemption sur une partie
des transactions immobilières. Il ne faut pas oublier non plus que les
organismes HLM peuvent bénéficier de prêts sur une durée de cinquante ans pour
le rachat de logement anciens.
Au final, les moyens sont multiples pour répondre aux besoins en logements
sociaux de nos concitoyens, encore faut-il en avoir la volonté.
La ville du xxie siècle ne doit pas être celle du refus de la différence, de
la recherche de « l'entre soi » dans des enclaves résidentielles repliées sur
elles-mêmes et hors d'atteinte des quartiers les plus populaires. Il s'agit là
d'un vrai débat de société. Aussi est-ce avec la plus grande vigueur que le
groupe socialiste, dans un esprit de solidarité et de justice sociale,
s'opposera à ce que la majorité sénatoriale dilue la notion de logement social
dans le but inavoué de réduire à néant l'exigence légitime de diversification
de l'habitat et de mixité urbaine envers les communes récalcitrantes.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. André Vezinhet.
C'est le triomphe de la Lagauche !
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à M. Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, je tiens, en premier lieu, à rendre hommage, après
d'autres, à l'excellent travail accompli, et dans de très courts délais, par
nos collègues Louis Althapé, Pierre Jarlier et Jacques Bimbenet, rapporteurs du
volumineux projet de loi soumis à notre examen.
Je veux aussi saluer l'exercice accompli par nos commissions qui, autour des
rapporteurs, ont eu la lourde tâche d'étudier, en des temps records, plusieurs
centaines d'amendements.
Aussi ne puis-je que déplorer, à mon tour, la précipitation avec laquelle la
déclaration d'urgence oblige le Parlement à examiner un texte dont
l'importance, à maints égards, nécessitait une concertation préalable mieux
structurée et plus approfondie.
Compte tenu du temps imparti, je limiterai mon intervention à la seule
question de l'urbanisme, pour appeler l'attention sur trois difficultés, trois
dysfonctionnements graves que vivent quotidiennement élus, acteurs de
l'aménagement et de la construction et citoyens, singulièrement dans les
collectivités de montagne. Ce sont autant de problèmes auxquels il appartient
au Gouvernement comme au Parlement de porter remède.
Première de ces difficultés, il arrive que des plans d'occupation des sols
soient annulés par le juge administratif pour non-conformité à la loi du 9
janvier 1985, dite « loi montagne », et que, par application de cette
jurisprudence, de nombreux POS soient déclarés illégaux plusieurs années après
leur approbation et leur mise en oeuvre.
Dès lors, la constructibilité de quantités de terrains est remise en cause,
entraînant un préjudice tant pour les communes qui ont réalisé des équipements
de viabilité que pour les propriétaires, spoliés par des changements de zonage
venant bouleverser l'économie des partages familiaux.
Et qui est, aujourd'hui, responsable ? La commune !
Il n'est pas admissible que celle-ci soit juridiquement responsable de ces
changements, au titre desquels elle pourrait, à l'extrême, être condamnée à
dédommager les propriétaires. C'est d'autant moins acceptable que l'Etat,
auteur de ces changements, après avoir validé les POS à l'origine, a, de
surcroît, prélevé les droits de succession ou de mutation. J'ai pris
l'initiative d'un amendement visant à corriger cette iniquité.
Une deuxième difficulté, véritablement pathologique, a été évoquée par un
précédent orateur, M. Pierre Hérisson, et tient aux recours abusifs. Rapporteur
du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les
administrations, j'ai pu constater que le Parlement - en tout cas, la Haute
Assemblée - comme le Gouvernement s'accordaient non seulement sur la réalité du
problème - facteur d'instabilité juridique, de ralentissement de l'activité
économique et d'engorgement des tribunaux - mais aussi sur la nécessité de
rechercher des solutions.
Le 13 octobre 1999, le ministre de la fonction publique, de la réforme de
l'Etat et de la décentralisation annonçait ici même que le Gouvernement
engagerait sans tarder une réflexion sur ce problème, ajoutant que Mme le garde
des sceaux entendait apporter une réponse à cette question des recours
abusifs.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, faire savoir
à la Haute Assemblée si cette réflexion a été engagée et, si tel n'est pas le
cas, quelles sont précisément vos intentions en ce domaine ?
Enfin, troisième problème, comme l'ont très justement relevé nos rapporteurs,
il est nécessaire de prendre en considération le cas de toutes les communes
véritablement asphyxiées par la superposition de contraintes issues de
différents dispositifs normatifs, tels que les plans de prévention des risques
naturels prévisibles et les lois montagne ou littoral.
Dans ces collectivités, la preuve est faite que la logique d'application
unilatérale du règlement exclut toute possibilité d'aménagement et de
développement communal minimum et vide de sens, en cette matière, le principe
d'autonomie des collectivités.
Or la loi montagne de 1985, dont vous avez été le promoteur, monsieur le
secrétaire d'Etat, affirmait, dans son titre comme en son article 1er, que le
développement était, à un même degré de priorité que la protection, l'un des
deux objectifs fondamentaux de cette loi. Or, pour nombre de nos collectivités,
cet objectif de développement est devenu, en pratique, purement formel. Il
appartient au législateur de le réanimer.
Mieux affirmer et développer le rôle des commissions départementales de
conciliation pourrait sans doute être l'une des voies de progrès pour atteindre
cet objectif.
Je voudrais, avant de conclure, m'arrêter sur l'obligation instaurée
de
facto
par ce projet de loi de subordonner les plans locaux d'urbanisme aux
schémas de cohérence territoriale.
Certes, cette obligation peut se concevoir d'un point de vue intellectuel et
eu égard aux objectifs généraux de l'aménagement du territoire. Mais, en raison
même des modalités juridiques et pratiques de sa mise en oeuvre, cette
obligation alourdira inévitablement les procédures, en surajoutant les niveaux
de décision et en les éloignant du citoyen.
Dans de telles conditions, cette réforme risque fort d'aboutir à des résultats
contraires aux objectifs de simplification administrative affirmés aujourd'hui
par le Gouvernement comme l'une de ses priorités et naturellement attendus par
tous nos concitoyens.
C'est pourquoi, en conclusion, je souhaite que ce projet de loi réponde aux
objectifs suivants : en premier lieu, adopter des mesures qui, loin de
compliquer encore le droit de la construction, en facilitent l'application
autant que faire se peut ; en deuxième lieu, prévenir les sources de litiges,
afin de résorber le contentieux de l'urbanisme ; en troisième lieu, clarifier
les responsabilités entre l'Etat et les communes, en particulier en cas de
modification de zonage ; en quatrième lieu, enfin, mettre en oeuvre un «
urbanisme de projet », plus décentralisé, plus concerté et plus respectueux de
la démocratie locale.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Braye.
(Murmures sur les travées socialistes.)
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat au logement.
Ah ! Nous allons faire dans la
modération...
M. Dominique Braye.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, comme nombre d'orateurs qui m'ont précédé à cette tribune,
je me ferai le porte-parole de l'incompréhension et de l'indignation ressenties
par les élus, quelles que soient leurs opinions politiques
(Exclamations sur
les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen)...
M. Claude Estier.
Vous n'êtes pas notre porte-parole !
M. Dominique Braye.
... des centaines de communes...
M. Jean-Pierre Plancade.
Il ne faut pas exagérer !
M. Dominique Braye.
... directement ou indirectement visées par l'article 25 du projet de loi
relatif à la solidarité et au renouvellement urbains.
Comme vous, mes chers collègues, j'ai pu prendre la mesure de cette
indignation et de cette incompréhension en rencontrant, dans mon département
des Yvelines,...
M. Jean-Pierre Plancade.
Nous ne rencontrons pas les mêmes personnes !
M. Dominique Braye.
... avec mes collègues MM. Gérard Larcher et Alain Gournac, ces élus choqués
par ce dispositif qui ajoute une sanction financière à l'obligation de
construire des logements locatifs sociaux dans les communes qui sont censées en
manquer.
Comment ne seraient-ils pas révoltés par ce mécanisme technocratique,
autoritaire et profondément attentatoire à l'autonomie des communes ?
J'essaierai donc de relayer ici leurs légitimes inquiétudes et critiques,
inquiétudes quant aux principes qui ont présidé à l'élaboration de ce
dispositif, mais aussi critiques eu égard à ses funestes conséquences. Sans
vouloir prétendre les recenser toutes, nos excellents rapporteurs MM. Louis
Althapé, Pierre Jarlier et Jacques Bimbenet l'ayant déjà fait d'une façon
remarquable, je souhaite toutefois revenir sur certaines d'entre elles.
Sur la forme d'abord, qui a été évoquée par nombre de nos collègues, il s'agit
d'un étonnement devant le manque de concertation avec les élus locaux pour
l'élaboration de ce texte, mais aussi devant son examen suivant la procédure
d'urgence, deux choix qui, cumulés volontairement, nuisent à l'instauration du
dialogue et de la réflexion indispensables à l'élaboration d'un bon texte. Vous
démontrez ainsi, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, le
profond mépris dans lequel vous tenez la représentation parlementaire et nos
concitoyens.
(Protestations sur les travées socialistes et sur les travées
du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Claude Estier.
Et c'est vous qui dites cela, vous qui interrompez sans cesse les orateurs
!
M. Dominique Braye.
Je comprends que cela vous dérange,...
M. Serge Lagauche.
Absolument pas !
M. Dominique Braye.
... vous qui parlez tant de démocratie mais qui ne l'appliquez jamais !
(Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Sur le fond ensuite, il s'agit d'une révolte devant la remise en cause du
principe même de la décentralisation par le Gouvernement
(Exclamations sur
plusieurs travées socialiste)...
M. le président.
Mes chers collègues, je vous en prie.
M. Claude Estier.
Il faut bien que nous interrompions de temps en temps M. Braye, lui qui passe
son temps à interrompre les autres !
M. Dominique Braye.
... et de sa volonté d'imposer par la force sa vision du logement social, au
mépris du droit des communes à être les premières responsables de leur habitat
et de leur avenir.
Ce projet de loi constitue à cet égard une véritable machine à remonter le
temps, un retour à une planification dirigiste de l'habitat social, qui fait
craindre la répétition des erreurs de l'urbanisme des décennies cinquante à
soixante-dix, erreurs dont nous payons tous aujourd'hui le prix fort. Certes,
la politique dirigiste et autoritaire demande moins d'efforts d'imagination
qu'une politique incitative. Mais comment ignorer que les meilleurs résultats
sont toujours obtenus par une adhésion librement choisie, et non par la
coercition et la punition ?
Le retour au passé, c'est aussi votre volonté aveugle de privilégier le
logement locatif de type HLM comme modèle de logement social, contre l'attente
des Français, dont le désir majoritaire est l'accession à la propriété.
M. Guy Fischer.
C'est faux !
M. Serge Lagauche.
Ne parlez pas des HLM !
M. Dominique Braye.
Je vous donnerai des précisions tout à l'heure. Gardez votre énergie, je vais
encore vous dire des choses qui ne vous plairont pas !
(Sourires.)
M. Pierre Lefebvre.
Ce n'est pas surprenant !
M. Dominique Braye.
Ce désir, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, vous le niez
par une définition trop étroite du logement social, qui exclut le logement
social de fait, le logement intermédiaire et, surtout, l'accession sociale à la
propriété...
M. Serge Lagauche.
Avec quel argent ?
M. Dominique Braye.
... qui contribue non seulement à la mixité sociale mais aussi à la promotion
sociale, à laquelle aspirent ardemment tous nos concitoyens.
La définition du logement social est pour vous, monsieur le ministre, monsieur
le secrétaire d'Etat, fonction du statut du propriétaire. Pour nous, elle est
tout à fait différente, voire opposée à la vôtre. Pour nous, le logement social
est celui qui permet à nos concitoyens disposant de revenus modestes de se
loger décemment, que ce soit dans le parc locatif public ou privé, et même en
accession à la propriété s'ils peuvent, grâce à de gros sacrifices, réaliser le
rêve de leur vie.
Il est malhonnête de faire l'impasse sur les millions de Français qui ont
acquis leur logement grâce aux prêts aidés, comme en témoigne le succès du prêt
à taux zéro, l'un des plus récents exemples de cette accession sociale à la
propriété.
J'illustrerai cette réflexion par le cas d'une commune des Yvelines de 3 400
habitants, Issou, gérée par une municipalité communiste,
(Ah ! sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen)
...
M. Pierre Lefebvre.
Bon exemple !
M. Dominique Braye.
... dont le taux de logements locatifs sociaux est de 0 % d'après votre
système de comptabilité, et qui devrait donc construire 188 logements locatifs
sociaux.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Cela fait neuf par an !
M. Dominique Braye.
Cela peut surprendre, mais s'explique très bien du fait de la définition très
restrictive du logement social que vous proposez dans ce projet de loi.
En effet, cette commune est presque uniquement composée de petits pavillons
occupés par des ménages aux revenus modestes, voire très modestes, mais qui ont
bénéficié des dispositifs relevant de l'accession sociale à la propriété, mode
de logement non reconnu par votre article 25 comme du « vrai » logement social,
puisque ce ne sont pas des logements locatifs. Je ne ferai pas d'autres
commentaires sur ce point.
M. Pierre Lefebvre.
C'est inutile !
(Sourires.)
M. Dominique Braye.
J'en viens aux craintes et critiques liées à l'application de l'article 25. Le
reproche qui vous est le plus souvent adressé, c'est que vous ne tenez aucun
compte, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, de la diversité
des situations locales de notre pays. Vous voulez appliquer des mesures
identiques à des situations très différentes, voire opposées. Je prendrai
seulement quelques exemples.
J'évoquerai, d'abord, le cas de la divergence entre l'offre et la demande de
logements sociaux. Monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi vouloir construire
de nouveaux logements locatifs sociaux dans des communes où les logements de ce
type subissent déjà un taux de vacance structurelle important ?
J'évoquerai, ensuite, la diversité des caractéristiques foncières, point
rappelé par notre collègue M. Denis Badré tout à l'heure et par M. Etienne
Pinte à l'Assemblée nationale. Que faire, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, dans le cas fréquent de l'absence de réserves foncières,
lorsque la totalité du territoire communal est déjà construite de façon dense,
comme à Vélizy, à Viroflay ou à Neauphle-le-Château, cas que connaît bien, ou,
plutôt, que devrait bien connaître M. Jacques Bellanger ?
(Exclamations sur
les travées socialistes.)
M. André Vezinhet.
Si vous ne savez pas faire, on vous aidera !
M. Dominique Braye.
Que faire dans le cas non moins fréquent des communes où les seules zones
constructibles sont éloignées du centre-ville et mal desservies, voire non
desservies, par les transports en commun ?
Comment feront les communes qui se voient imposer contre leur gré la
construction de nouveaux logements alors qu'elles n'ont pas les moyens
financiers de supporter le coût de la création et de la gestion des équipements
collectifs et des services nécessaires aux habitants de ces nouveaux quartiers
et alors qu'elles devront en plus verser une « amende » importante ?
M. Serge Lagauche.
Ça c'est normal !
M. Dominique Braye.
J'ajouterai à ces exemples, pris parmi tant d'autres, une autre spécificité
locale très importante, qui me tient particulièrement à coeur et qui est
totalement oubliée par l'article 25, je veux parler de la dimension
intercommunale des problèmes de l'urbanisme, de l'habitat et du logement
social, dont nous a pourtant beaucoup parlé hier M. Gayssot.
M. Serge Lagauche.
Lisez le texte !
M. Dominique Braye.
Cet oubli...
M. Serge Lagauche.
Non !
M. André Vezinhet.
Il faut lire le texte !
M. Dominique Braye.
... est d'autant plus grave que le fait intercommunal est aujourd'hui une
réalité incontournable, qui a été considérablement renforcée par la loi
Chevènement, laquelle a institué l'agglomération comme l'échelon pertinent des
réflexions, des équilibres et des réalisations en matière d'habitat.
Alors, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, cette différence
essentielle d'appréciation est-elle le résultat d'une cacophonie
gouvernementale entre le ministre de l'intérieur et vos ministères, ou bien les
élus ont-ils été trompés au moment des débats de la loi Chevènement ?
M. André Vezinhet.
C'est lourd !
M. Claude Estier.
C'est n'importe quoi !
M. Jean-Pierre Plancade.
Il s'agit plutôt de la cacophonie de la majorité sénatoriale !
M. le président.
Monsieur Braye, pardonnez-moi de vous interrompre, mais il serait souhaitable
que vous laissiez un peu de temps de parole à votre collègue M. Haenel.
M. Dominique Braye.
Je m'en remets à votre compréhension, monsieur le président.
Les communes qui ont joué le jeu de ce renforcement intercommunal veulent
savoir si elles ont été flouées ou s'il s'agit d'un simple oubli qu'il est
alors encore temps de réparer, comme le proposera le Sénat. Monsieur le
ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, votre approche essentiellement
communale remet, en effet, en cause le choix de l'agglomération comme échelon
intercommunal pertinent de la politique de l'équilibre social de l'habitat qui,
je vous le rappelle, fait partie des quatre compétences obligatoires des
communautés d'agglomération, ainsi que l'a voulu la loi Chevènement.
Je prendrai comme exemple le cas de la communauté d'agglomération de Mantes en
Yvelines, que j'ai l'honneur de présider et qui a été la première communauté
d'agglomération créée en Ile-de-France.
Sur l'ensemble des huit communes de cette structure intercommunale, le taux
moyen de logements locatifs sociaux, avec votre définition pourtant très
réductrice du logement social, est tout de même de près de 40 %. Or, avec
l'approche communale, deux communes sont sous le seuil des 20 % et devraient
construire environ 250 logements locatifs sociaux.
Pour qui connaît les problèmes de reconversion industrielle de cette région et
sa situation sociale, cette construction obligatoire de nouveaux logements
locatifs sociaux, qui augmentera le pourcentage déjà beaucoup trop élevé de
ceux-ci dans notre agglomération, est le type même de l'erreur technocratique
ubuesque décidée dans les bureaux parisiens.
Le fragile équilibre social, maintenu grâce à l'action de tous mais, surtout,
des élus locaux qui ont unanimement décidé, toutes sensibilités politiques
confondues, un arrêt de la construction de nouveaux logements sociaux, pourrait
être compromis par cette mesure irresponsable de l'article 25.
Alors que l'Europe, l'Etat, la région, le département, la communauté
d'agglomération et les communes injectent des centaines de millions de francs
pour la requalification et la redynamisation du Mantois par le biais de
multiples procédures, dont hier, la procédure du grand projet urbain et,
aujourd'hui, la procédure du grand projet de ville, le Gouvernement ne peut pas
raisonnablement défendre des dispositions qui entraîneraient la construction de
nouveaux logements sociaux sans tenir aucun compte de l'équilibre de l'habitat
social sur l'ensemble de cette agglomération.
Je vous le dis solennellement, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire
d'Etat, en tant que président de cette communauté d'agglomération, qui connaît
le taux de chômage le plus élevé de notre département et le taux d'activité le
plus faible, je respecterai la volonté unanime des élus locaux de ne pas
construire de nouveaux logements sociaux.
M. le président.
Veuillez conclure, monsieur Braye.
M. Dominique Braye.
J'ai presque fini, monsieur le président.
Nous n'avons déjà pas suffisamment d'emplois pour notre population et nous ne
construirons pas de nouveaux logements sociaux pour y entasser de nouveaux
chômeurs ou de nouveaux RMistes.
(Protestations sur les travées
socialistes.)
M. Pierre Lefebvre.
Cachez ces pauvres !
M. Guy Fischer.
C'est la politique de la terre brûlée !
M. Dominique Braye.
Venez dans le Mantois ! J'ai eu la chance, contrairement à certains d'entre
vous, de faire mon parcours résidentiel ascendant au Val-Fourré. J'ai habité au
Val-Fourré. Je n'ai pas eu la chance, comme la plupart d'entre vous, d'habiter
dans des quartiers bourgeois !
(Nouvelles protestations sur les mêmes
travées.)
M. le président.
Je vous prie de conclure, monsieur Braye.
M. Dominique Braye.
Il conviendrait donc, en accord avec l'esprit et la lettre de la loi
Chevènement, d'apprécier le seuil des 20 % à l'échelle de la communauté
d'agglomération, et non à l'échelon des communes. En effet, comment ferons-nous
demain, et je voudrais que vous répondiez à cette question, monsieur le
ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, si une commune membre d'une communauté
d'agglomération et soumise à l'obligation de construction de logements sociaux
décide d'obtempérer alors qu'elle n'en a pas la compétence tandis que la
communauté d'agglomération compétente en la matière décide de s'y opposer ?
Autre incohérence, de taille, mais que je ne développerai pas faute de
temps...
M. le président.
Concluez, monsieur Braye.
M. Jean-Pierre Plancade.
Monsieur le président, laissez-le parler pour qu'il termine enfin !
M. Dominique Braye.
Je comprends que mes propos dérangent même M. le président, qui fait souvent
preuve, à l'égard de certains, d'une mansuétude plus grande !
(Exclamations
sur les travées socialistes.)
Je refuse, pour ma part, ce nivellement par le bas qu'entraînerait
inéluctablement l'article 25 de ce texte s'il était voté en l'état. Ce que nous
devrions tous vouloir pour notre pays et pour nos concitoyens, ce sont bien des
mesures améliorant la mixité sociale, mais aussi des mesures incitatives ayant
pour objectif la promotion sociale.
Pour transformer ce texte SRU - et ce sera ma dernière phrase, monsieur le
président -...
M. André Vezinhet.
Elle est longue votre phrase !
M. Dominique Braye.
... qui, tel qu'il nous vient de l'Assemblée nationale, devrait signifier «
socialisme et rabaissement urbains »
(Protestations sur les travées
socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen)...
M. Guy Fischer.
Le mépris !
M. Dominique Braye.
... et lui faire retrouver son véritable intitulé, qui doit être « solidarité
et renouvellement urbains », je soutiendrai les amendements présentés par nos
excellents rapporteurs.
M. Jean-Pierre Plancade.
M. Braye ne recule devant aucun sacrifice !
M. Guy Fischer.
Il faudrait tout raser !
M. Dominique Braye.
Je vous remercie, mes chers collègues, mais je ne remercie pas M. le président
puisqu'il ne m'a pas permis de dire tout ce que j'avais à dire.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Et on le regrette, monsieur le sénateur !
(Sourires.)
M. André Vezinhet.
Nous non plus, nous ne vous remercions pas !
M. Dominique Braye.
Monsieur le ministre, dites-le à M. le président ! Mais ce n'est pas parce que
l'on préside la séance que l'on est pour autant impartial !
M. le président.
La parole est à M. Teston.
M. Michel Teston.
Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, je traiterai d'abord du troisième volet du projet de loi,
relatif aux déplacements et aux transports, en particulier de ce qu'il est
désormais communément admis de dénommer la « régionalisation des transports
ferroviaires de voyageurs ».
M. Hubert Haenel.
Très bien !
M. Michel Teston.
J'évoquerai ensuite une deuxième avancée significative, qui est relative aux
possibilités de construction en zone de montagne.
La régionalisation des transports de voyageurs constitue une avancée
importante dans le processus de décentralisation. L'expérimentation engagée
depuis 1997 avec six, puis sept volontaires, permet d'ores et déjà de tirer un
bilan très positif.
La nouvelle organisation régionalisée est tout à fait pertinente puisqu'elle
permet d'apporter une réponse plus efficace aux attentes des usagers. Ainsi,
dans les régions concernées, le trafic a augmenté, en moyenne, de 5 % par
an.
Cette forte croissance se nourrit bien évidemment d'une amélioration
significative de la qualité de l'offre de service et d'une vigilance accrue
concernant les besoins de la clientèle. Les usagers du transport ferroviaire
sont donc bien les premiers bénéficiaires de l'expérimentation.
Dès lors, un large consensus s'est dégagé en faveur d'un transfert définitif
de compétence aux régions.
Avec l'adoption de ce projet de loi, la régionalisation des services
ferroviaires de voyageurs va passer du stade expérimental au stade du droit
commun. Un certain nombre de remarques me paraissent donc devoir être
formulées, remarques face auxquelles des engagements clairs doivent être pris
par les partenaires, notamment par le Gouvernement.
En premier lieu, il faut souligner que l'Etat demeure responsable de la
définition des obligations générales de service public applicables aux
transports ferroviaires de voyageurs : principes généraux de tarification,
exigences en matière de sécurité et d'environnement, conditions d'accès aux
personnes à mobilité réduite, intermodalité, par exemple. En conséquence, c'est
toujours à l'Etat qu'appartiendra le choix du mode de dévolution de
l'exploitation des services ferroviaires régionaux.
Cette définition des obligations de service public par l'Etat est
fondamentale, afin d'interdire une trop grande diversité des pratiques
régionales, diversité qui conduirait inévitablement à une inégalité des
citoyens français face aux services publics de transports. L'unicité du service
public ferroviaire n'est donc absolument pas remise en cause, ce qui est très
positif.
Il est souhaitable que ces points essentiels soient solidement inscrits dans
les conventions qui seront passées entre l'Etat et les régions.
Deuxièmement, si certains ont posé la question de la compatibilité des
conventions qui seront passées entre la SNCF et les régions avec le droit
européen de la concurrence, nous savons désormais que ce débat est clos. Le
Gouvernement a d'ailleurs su aborder cette question avec la Commission
européenne, afin de lever toute ambiguïté.
La troisième question qui est soulevée par ce texte et qui a déjà été abordée
par de nombreux intervenants a trait à la compensation, prévue à l'article 53
du projet de loi, qui sera apportée aux régions pour assumer cette nouvelle
compétence. Il est compréhensible que l'Etat n'entende indexer cette
compensation ni sur le produit intérieur brut ni sur l'indice des prix.
Néanmoins, des réponses claires doivent être apportées d'ici à la date du
transfert, c'est-à-dire au 1er janvier 2002. Pourquoi ne pas réserver une part
de la taxe intérieure sur les produits pétroliers au secteur ferroviaire ? Il
est en tout cas important qu'un chiffrage précis soit réalisé, afin de définir
les sommes financières qui seront engagées, notamment en ce qui concerne le
renouvellement du matériel roulant et la rénovation des gares.
Enfin, il est d'actualité de poser la question de la responsabilité des élus
en matière de sécurité. Si un accident ferroviaire se produit, la
responsabilité pénale des présidents de région pourra-t-elle être engagée ?
Dans l'affirmative, le sera-t-elle solidairement avec celle de l'exploitant ou
indépendamment de l'éventuelle responsabilité propre de ce dernier ? A toutes
ces questions, je souhaite que des réponses précises soient apportées.
Je conclurai mon intervention en évoquant l'avancée très positive que
constitue, à mon sens, la rédaction des articles 10
bis
et 10
ter
du présent projet de loi.
La loi du 10 janvier 1985, dite « loi montagne », a été adoptée avec
l'objectif d'aménager et de protéger l'espace montagnard. En termes
d'urbanisme, cette loi s'est traduite, en zone de montagne, par l'obligation de
construire en continuité avec les bourgs et villages existants.
La loi du 4 février 1995, dans son article 5, avait déjà introduit une
possibilité de construire en continuité des hameaux existants. Néanmoins, cette
disposition est difficilement applicable, car les notions de continuité et de
distance ne sont pas suffisamment définies.
Force est de constater, aujourd'hui, que l'application rigoureuse de ces lois
sur des territoires d'habitat dispersé a accentué le processus de
désertification en limitant les nouvelles constructions. Les communes de
montagne se trouvent donc souvent dans l'impossibilité d'accueillir de nouveaux
habitants ou de nouvelles activités économiques, ce qui fragilise les commerces
et les services publics de proximité.
La modernisation générale des outils de l'urbanisme mise en oeuvre par ce
projet de loi s'adresse d'abord aux zones urbaines ; cependant, la spécificité
des territoires de montagne ou de massif n'a pas été omis dans ce texte, ce
dont il faut se réjouir.
En effet, le projet de loi introduit également, dans son article 10
bis
, un assouplissement de la règle d'urbanisation en continuité en zone
de montagne. Quant à l'article 10
ter
, il devrait ouvrir de nouvelles
possibilités de constructions dans les zones de massif, en rétablissant les
prescriptions particulières de massif qui avait été supprimées par la loi
Pasqua du 4 février 1995. Ces deux dispositions ont pu être introduites lors du
débat en première lecture à l'Assemblée nationale, sur l'initiative du
Gouvernement. Elles constituent en tout cas une avancée fondamentale pour le
maintien et le développement des territoires ruraux.
En conclusion, les réformes profondes de notre législation introduites par ce
projet de loi auront, j'en suis persuadé, des conséquences très positives pour
l'avenir de notre société. L'esprit de ce texte le prouve : il est possible de
réformer...
M. Hubert Haenel.
C'est vrai !
M. Michel Teston.
... en conciliant développement durable et progrès technique, économie
performante et société plus solidaire.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées
du groupe communiste républicain et citoyen et du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel.
Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, je tiens tout d'abord à saluer le travail tant de la
commission des affaires économiques et de son rapporteur, Louis Althapé, que de
la commission des lois et de la commission des affaires sociales, et des deux
rapporteurs pour avis, Pierre Jarlier et Jacques Bimbenet.
Comme vous l'imaginez, mon intervention sera limitée au transport ferroviaire
régional.
En juin 1993, la commission d'enquête sénatoriale créée pour examiner le
fonctionnement de la SNCF dans ses missions de service public et en tant
qu'instrument puissant d'aménagement du territoire remettait son rapport,
adopté à l'unanimité des membres de la commission - j'insiste sur ce point - ce
dont notre collègue Jacques Bellanger pourrait témoigner.
Nos conclusions pouvaient se résumer en trois priorités, trois points, pour
remettre la SNCF sur les rails et pour stopper son déclin, qui apparaissait à
beaucoup - mais on a pu montrer qu'ils s'étaient trompés - inexorable.
Le premier point consistait à faire en sorte que l'Etat joue pleinement son
rôle à l'égard de l'entreprise et ne lui impose pas constamment - ou ne lui
impose plus - le grand écart, et à séparer l'infrastructure de l'exploitation.
Ce fut fait à l'occasion de la réforme sur le transport ferroviaire créant
Réseau ferré de France.
Ensuite, il fallait doter la SNCF d'un véritable projet d'entreprise auquel
l'ensemble du personnel pourrait adhérer. Ce fut l'oeuvre du président Louis
Gallois, sous la dénomination « Projet industriel ».
Enfin, il convenait de faire des régions, à titre expérimental, des autorités
organisatrices du transport ferroviaire régional de plein exercice. Cette
réforme, que, notamment, avec Jacques Chauvineau, nous avons soutenue parfois
contre vents et marées et, au départ, envers et contre tous, a porté ses fruits
dans six régions expérimentatrices.
La preuve tangible est là, aujourd'hui - tous les orateurs se sont accordés
pour le dire...
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Pas tous !
M. Hubert Haenel.
... même si, bien évidemment, des questions se posent encore - la preuve est
là, disais-je, que cela marche.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
C'est vrai !
M. Hubert Haenel.
L'arrivée tardive d'une septième région, le Limousin, n'a pas permis, à ce
jour, de dresser pour elle un bilan pertinent.
Les douze propositions que j'avais formulées à la suite de ce rapport, à la
demande de Bernard Bosson, appliquées dans ces six régions à partir des
relations triangulaires SNCF-Etat-région que j'avais imaginées, ont permis de
démontrer que le transport ferroviaire régional avait de l'avenir, sous réserve
de changer l'esprit des uns et des autres et d'appliquer la méthode
expérimentale. Il fallait expérimenter - je l'ai souvent dit et je le répète
aujourd'hui - pour tester, ajuster, convaincre et étendre ; nous sommes dans la
dernière phase. Il fallait opérer une décentralisation expérimentée et
négociée. Enfin, trois révolutions devaient être menées : la révolution
institutionnelle, la révolution culturelle et la révolution technique. Tels
étaient mes maîtres mots.
Je crois qu'on peut affirmer, monsieur le ministre des transports, qu'avant
l'été, pour la loi, et dès l'automne, pour les décrets d'application, nous
aurons atteint l'objectif que nous nous étions fixé, à savoir passer de la
notion d'expérimentation à celle de décentralisation.
Quelles leçons doit-on tirer de tout cela ? A cet égard, je me garderai bien
de prétendre être exhaustif.
On peut d'abord dire que le Parlement, notamment le Sénat, a toute sa place -
il ne l'occupe d'ailleurs pas assez à mes yeux - dans le contrôle de
l'administration et des entreprises, qu'il peut, dans la diversité de ses
compétences et le pluralisme politique, s'attaquer parfois avec succès aux
questions de société. Et tout le monde, ici, sera d'accord, je crois, pour
reconnaître que le déplacement des personnes et le transport des marchandises
relèvent bien de ces questions.
On peut ensuite dire que rien n'est jamais irréversible et que le pire n'est
jamais sûr. Souvenez-vous : le transport régional ferroviaire semblait
condamné. Aujourd'hui, il ne se contente pas de survivre : non seulement il
vit, mais il se développe, il démontre sa pertinence et devient, en région,
l'assembleur des autres transports publics dépendant d'autres autorités
organisatrices, telles que le département, les villes ou les structures
intercommunales.
Par ailleurs, l'expérimentation est, je crois, la méthode pour réformer notre
pays, où règne trop souvent la défiance entre l'Etat et les collectivités
locales, entre l'Etat et les syndicats, voire vis-à-vis des usagers des
services publics. Renouer avec la confiance implique donc de démontrer que le
contrat a un sens ou, si vous préférez, qu'il faut redonner tout son sens au
contrat.
Les réformes ne peuvent plus - et je crois que vous en conviendrez, messieurs
les ministres - être concoctées à Paris, à l'échelon central, puis appliquées
uniformément aux réalités territoriales, comme une sorte d'artifice plaqué sur
du vivant.
La régionalisation, ne l'oublions pas, n'est pas née du travail que le Sénat a
accompli en 1993 et que les ministres successifs ont accepté de poursuivre ;
elle était déjà en embryon dans les réformes engagées par M. Guichard puis dans
la loi d'orientation des transports intérieurs, la LOTI.
Par conséquent, force est de constater que - et c'est cela la République - les
ministres et les gouvernements de couleurs politiques différentes se succèdant,
nous parvenons petit à petit à faire cheminer une idée et à aboutir. Voilà tout
de même un succès qui mérite d'être souligné, et dont nous pourrions peut-être
nous inspirer pour d'autres réformes. En outre, l'implication forte des régions
dans l'infrastructure ferroviaire, dans l'optique du XIIe Plan, est aussi à mon
sens l'une des conséquences, même si elle n'est peut-être pas directe, de la
régionalisation.
Par ailleurs, on entend souvent dire du mal de la SNCF. Or j'estime, mes chers
collègues, que nous devons nous rendre compte que la SNCF a beaucoup changé
depuis le début des années quatre-vingt-dix, tout spécialement sous l'impulsion
de son président actuel, M. Louis Gallois, les syndicats ayant bien sûr
également joué le jeu, tout comme les régions.
La SNCF a démontré qu'elle était capable de se réformer et de sortir de son
isolement ; elle a montré qu'elle pouvait établir des relations de partenariat,
sortir d'un certain hermétisme et renoncer à son monolithisme. La
régionalisation a été un puissant moteur, un point d'appui, un levier pour la
transformation en profondeur qui s'opère. La SNCF a fait, comme l'on dit en
psychologie, un important travail sur elle-même, un travail qui était peut-être
inimaginable voilà une dizaine d'années, qui est en tout cas sans précédent,
sans être bien sûr terminé.
Deux forces puissantes contribuent à ce changement : la régionalisation, dont
je viens de parler, et l'ouverture européenne de l'entreprise, la comparaison
et la confrontation avec d'autres entreprises ferroviaires d'autres pays de
l'Union européenne. La SNCF et les régions ont démontré, au travers de
l'expérimentation, la pertinence du transport ferroviaire.
Est-ce à dire, pour autant, que la partie est gagnée ? Non. D'ailleurs, des
orateurs, notamment le président de l'association des régions de France, notre
collègue Jean-Pierre Raffarin, et Josselin de Rohan, ont exprimé leurs
interrogations, qui étaient parfois fortes, et ont fait état d'inquiétudes ou
de réticences que seuls l'Etat, la SNCF et RFF peuvent dissiper.
La confiance se mérite et se conforte dans la conclusion et l'exécution du
contrat. Nous sommes en effet trop habitués, quels que soient les gouvernements
- il faut le dire - à voir l'Etat bouleverser à sa guise les règles du jeu en
cours de partie et ne pas tenir parole. Cela explique le ton adopté depuis hier
dans cet hémicycle : chat échaudé craint l'eau froide !
Je terminerai mon propos en disant qu'une des clés du succès non plus de
l'expérimentation, mais de la décentralisation, de la régionalisation étendue,
est syndicale.
En effet, le succès dépendra aussi de la qualité des relations
professionnelles au sein de l'entreprise SNCF, qui, ne l'oublions pas, est à
peine entrée en convalescence. Sa fragilité sociale est encore grande, et le
succès tiendra donc pour partie à l'attitude des syndicats. Je crois qu'usagers
et régions ne comprendront plus et n'admettront plus, à l'avenir, les grèves à
répétition, décidées souvent sans explication. L'entreprise devra donc sortir
de sa culture de préavis de grève. Les temps ont certes déjà changé, des
améliorations ont été constatées, mais le travail est loin d'avoir abouti.
Toutefois, pour observer cette entreprise d'assez près depuis quelques années,
je sais que les ressources humaines y sont de très grande qualité. Je suis donc
confiant, mais je mets en garde contre d'éventuelles rechutes.
En conclusion, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'Etat, je
voudrais former un voeu : jusqu'à présent, grâce à des hommes et des femmes de
bonne volonté, les débats sur la régionalisation ont été préservés de la
politique politicienne ; je vous invite donc à ne pas tenter de « passer en
force » sur ce volet du projet de loi relatif à la régionalisation, car vous
risqueriez alors de mettre à mal tout l'édifice que nous nous sommes efforcés
de construire ensemble.
Serait-ce donc trop vous demander, messieurs les ministres, monsieur le
secrétaire d'Etat, que d'essayer de faire en sorte que ce point au moins fasse
l'objet d'un accord en commission mixte paritaire, même si nous ne parvenions
pas, comme je le pense, à un accord sur l'ensemble du texte ? Ce serait à mon
sens un signal très fort adressé aux régions, certes, mais aussi aux usagers et
au personnel de l'entreprise.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RDSE, ainsi que sur
certaines travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Vidal.
M. Marcel Vidal.
Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes cherscollègues, le projet de loi relatif à la solidarité et au
renouvellement urbains qui nous est soumis constitue non une simple réforme
législative, mais un véritable projet à long terme.
En effet, il tend à définir une politique de la ville, aujourd'hui encore
embryonnaire, qui sera fondée sur trois valeurs : la solidarité et le partage,
le développement durable et la qualité de la vie, la démocratie et la
décentralisation.
Aussi l'examen de ce texte nous permet-il de nous interroger sur la
physionomie que nous entendons donner demain à nos communes.
Souhaitons-nous voir nos villes et nos communes se développer selon le modèle
américain, où le centre-ville est déserté au profit de banlieues souvent
lointaines et réservées aux individus les plus riches, ou bien souhaitons-nous
que le développement de nos villes soit fondé sur la recherche d'une mixité
sociale indispensable à l'évolution de notre société ?
Notre volonté est, bien entendu, de privilégier une politique de la ville
cohérente, tendant au rapprochement de l'ensemble des composantes de notre
société par une meilleure offre d'habitat, et non à la création de communes
destinées à accueillir telle ou telle catégorie du corps social. Le
développement durable d'une commune ne peut en effet s'appuyer que sur une
dynamique reposant elle-même sur le mélange social.
Le présent projet de loi a donc pour objet de donner aux élus locaux les
moyens d'atteindre cet objectif essentiel pour notre société, et ceux qui
taxent le Gouvernement d'immobilisme devraient donc soutenir une telle démarche
et non s'y opposer en faisant ainsi la preuve de leur conservatisme !
S'agissant plus particulièrement du renouveau urbain, l'intérêt majeur du
texte est qu'il prend en compte d'une manière globale les politiques
d'urbanisme, de logement et de déplacements. L'objectif du Gouvernement est, en
effet, d'aboutir à une plus grande cohérence tant entre ces trois domaines
qu'entre les outils propres à chaque politique.
A cet égard, force est de constater que les actuels outils d'aménagement se
sont superposés et juxtaposés sans que soit établi de lien entre urbanisme,
habitat et transport, ce qui a favorisé un zonage des agglomérations par type
de fonction et donc, indirectement, une perte de vigueur des centres.
Or l'histoire démontre que la vie sociale ne peut réellement s'organiser
qu'autour de lieux de vie associant logements, commerces et équipements
culturels.
Aussi le projet de loi vise-t-il, d'une part, à redéfinir les objectifs des
documents d'urbanisme et, d'autre part, à améliorer les procédures d'édiction
de ces derniers.
Il est ainsi prévu de substituer aux documents d'urbanisme, qui ne
réglementent actuellement que l'occupation des sols, des documents prenant en
compte les politiques de l'habitat, de loisirs, de services d'infrastructures
et de déplacements.
Mais ce texte a également pour objet de renforcer la décentralisation dans
l'élaboration des documents d'urbanisme.
En effet, en s'associant au sein d'un établissement public de coopération
intercommunale pour définir les schémas de cohérence territoriale ou en se
regroupant pour mettre en place un plan local d'urbanisme, les communes auront
désormais la possibilité d'élaborer elles-mêmes leurs documents d'urbanisme,
alors qu'il nous faut reconnaître que la majorité des communes sont aujourd'hui
dans l'obligation de recourir aux services de l'Etat et de s'en remettre à
leurs conclusions.
Or les directions départementales de l'équipement sont très souvent
incapables, en raison du manque d'effectifs, de fournir aux communes des études
complètes et de bonne qualité. On ne saurait donc affirmer que les élus locaux
ont aujourd'hui pleinement la maîtrise des sols de leur commune.
De plus, les dispositions législatives que nous examinons tendent à prendre en
considération la diversité des 36 000 communes françaises. En effet, chaque
commune pourra se doter d'un document d'urbanisme, dont le contenu sera
compatible avec sa taille et ses moyens, la majorité des dispositions relatives
aux plans locaux d'urbanisme étant facultatives.
Loin de remettre en question la maîtrise des sols par les élus locaux, comme
certains le soutiennent, ce projet de loi vise donc à conforter la
décentralisation. Ainsi, le Gouvernement témoigne de sa confiance dans la
gestion locale.
En conséquence, la responsabilité d'user avec sagesse de ces dispositions
incombera aux élus locaux que nous sommes.
En outre, les documents d'urbanisme tels qu'ils sont envisagés dans le projet
de loi constituant les bases essentielles de la gestion communale, il est
impératif d'associer largement à leur élaboration l'ensemble des acteurs de la
société.
On ne peut donc qu'approuver la volonté de démocratiser la procédure
d'élaboration des documents d'urbanisme par le biais de la consultation de
nombreux organismes et de la généralisation de l'enquête publique.
Je considère qu'il conviendrait, d'ailleurs, d'aller encore plus loin dans la
concertation, en associant notamment les professionnels de l'urbanisme, tels
que les architectes et les paysagistes, à l'élaboration de ces documents.
En effet, de par leur formation et leur expérience, ils sont à même d'indiquer
les grandes orientations de l'urbanisation de demain. Cela permettrait
également de donner un nouveau souffle aux écoles d'architecture et aux
conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement.
Enfin, j'ai l'espoir que les futurs documents d'urbanisme pourront être de
véritables instruments d'une politique d'aménagement du territoire prenant en
compte la protection des espaces et des sites vierges de toute urbanisation.
Nous devons en effet nous attacher à sauvegarder nos paysages, qui
constitueront dans dix ou quinze ans des ballons d'oxygène pour nos
concitoyens, notamment pour les citadins.
Mais, au-delà des dispositions législatives, la réussite de la politique de la
ville incombera, en réalité, aux élus locaux, qui devront développer des
projets urbains à la fois équilibrés et prospectifs.
Votre projet de loi, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'Etat,
définit une approche à la fois généreuse et cohérente de la politique de la
ville. Nous le voterons donc avec autant de détermination que d'enthousiasme.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous allons donc bientôt aborder
l'examen des articles et des 1 100 amendements qui, m'a-t-on dit, ont été
déposés.
Permettez-moi, à cet instant, de saluer le travail important et de qualité
réalisé par le rapporteur de la commission des affaires économiques, M.
Althapé, et par les deux rapporteurs pour avis, MM. Bimbenet et Jarlier.
Il convient d'ailleurs, à ce propos, de se féliciter de ce que, contrairement
à l'opposition de l'Assemblée nationale, la majorité sénatoriale n'ait pas jugé
utile de déposer des motions de procédure. J'en déduis qu'il existe ici une
réelle volonté d'engager une discussion constructive.
La discussion générale a ainsi montré tout l'intérêt que vous portez,
mesdames, messieurs les sénateurs, à ce projet de loi qui, comme plusieurs
d'entre vous l'ont souligné, est un véritable projet de société.
Cela étant, des propos excessifs ont aussi été tenus, comme toujours, mais
c'est dans la nature des choses, et il faut l'accepter. Cependant, il ne suffit
pas, monsieur Lassourd, d'exciper de sa profession de vétérinaire pour prouver
que l'on connaît la ville et les citadins.
Vous avez fait référence, monsieur Lassourd, à une loi « de droite » votée en
1991. Il faut ici rappeler la chronologie : c'est en 1993 qu'est intervenu le
changement de majorité. La loi de 1991, qui est effectivement une loi de
référence, a donc été proposée par un gouvernement de gauche.
Pour bien situer les faits, je rappelle que la municipalité de Rennes a mis en
oeuvre une grande partie des dispositions que nous proposons bien avant le
dépôt du projet de loi dont nous discutons. Cette municipalité, comme
d'ailleurs celle de Lille, compte maintenant une proportion de logements
sociaux bien supérieure à 20 %.
Pour en revenir à une analyse plus générale, je relève encore que le Sénat n'a
pas déposé d'exception d'irrecevabilité au regard de la Constitution, ce qui
tend à prouver qu'il considère que ce projet de loi ne soulève pas de
difficulté sur ce plan.
Je serai bref parce que le débat qui nous attend sera long, compte tenu à la
fois de l'intérêt dont je viens de faire état et du dépôt d'un grand nombre
d'amendements que leurs auteurs auront sûrement à coeur de défendre. Avec MM.
Bartolone et Besson, nous ne manquerons pas, à cette occasion, de répondre de
manière plus précise à chacun. Je sais que la commission saisie au fond n'a
examiné qu'une partie de ces amendements et qu'au moins deux séances
supplémentaires lui seront encore nécessaires, la semaine prochaine, pour en
terminer.
Certains d'entre vous ont regretté la déclaration d'urgence, notamment le
rapporteur, M. Althapé, qui m'a même confié qu'il aurait volontiers consacré
six mois à ce débat.
Je veux rappeler que le dépôt de ce projet de loi a été précédé de plusieurs
débats l'an dernier, sinon dans toutes les villes, c'est vrai, du moins dans
six grandes villes de France : Lille, Orléans, Lyon, Dijon, Perpignan et Nîmes.
Il y a donc eu de vrais débats avec les élus, avec les citoyens, avec les
experts. Une rencontre très importante a eu lieu ensuite au cirque d'Hiver, à
Paris, avec le Premier ministre.
De même, une très large concertation a été menée avec les associations d'élus,
les professionnels, les associations, etc.
Par ailleurs, il a semblé important à Louis Besson, à Claude Bartolone et à
moi-même que les nouvelles règles du jeu posées par ce projet de loi puissent
être connues avant les échéances électorales, de telle sorte que chacune et
chacun puisse éventuellement les intégrer dans ses projets municipaux.
Enfin, et c'est peut-être le plus important, on ne peut à la fois dire qu'il y
a urgence sociale et refuser de remédier aux situations les plus défavorisées,
d'apporter rapidement des solutions aux problèmes de mixité sociale, de
logements insalubres, de copropriétés dégradées.
Mais cette urgence ne signifie pas, monsieur Fourcade, que nous avançons dans
la précipitation. De même, sachez que nous n'avons nullement le volonté de «
surdensifier », bien au contraire.
Avec le calendrier législatif chargé des assemblées parlementaires, telles
sont les raisons qui ont milité en faveur de la déclaration d'urgence.
Je sais bien que plus on passe de temps à débattre, à se concerter, mieux la
démocratie s'en porte ; mais il faut aussi, un jour, prendre des décisions. Au
passage, je rappelle que ce gouvernement n'a jamais utilisé l'article 49-3 pour
faire avancer ses projets, ce qui prouve bien le souci que nous avons de
respecter la démocratie.
M. Althapé s'est demandé si, plutôt que de faire trois lois en une, il
n'aurait pas été préférable de déposer trois projets distincts. Eh bien !
justement, pour bien comprendre le sens du projet gouvernemental, il faut
intégrer cette façon nouvelle de poser le problème. Nous n'avons pas voulu
recommencer en quelque sorte les mêmes erreurs, en coupant en tranches, en
empilant les textes, car nous voulons traiter les problèmes de société, qui,
partant du terrain, sont obligatoirement imbriqués, interactifs.
Parler de l'habitat, de l'urbanisme et des déplacements de la manière la plus
cohérente possible participe à la fois de la lisibilité, de la simplification,
mais aussi de l'efficacité.
A ce sujet, je veux saluer les propos de M. Pierre Mauroy, qui, comme
d'autres, a mal ressenti les attaques quelque peu injustes contre les logements
sociaux, même si l'on sait qu'il y a beaucoup à faire. Elles sont souvent
vécues comme une espèce d'agression, pour ne pas dire de mépris, vis-à-vis de
ceux qui y habitent. M. Pierre Mauroy a eu raison de rendre hommage aux
millions de Français qui vivent dans les logements sociaux, et qui, pour nombre
d'entre eux, d'ailleurs, y vivent bien.
M. Alain Vasselle.
Pas dans les quartiers difficiles !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
On sait
d'ailleurs les efforts qu'a déployés depuis longtemps le maire de Lille en ce
domaine.
Monsieur Fischer, votre expérience d'élu de terrain à Vénissieux montre que,
dans les quartiers qui ont connu toutes les procédures mises en place depuis
les années quatre-vingt, l'énergie et la combativité des habitants et des élus
permettent de faire avancer les choses et de modifier peu à peu des conditions
de vie dans les quartiers.
Je veux également insister sur l'idée que ce projet de loi ne procède pas d'un
mouvement de recentralisation - M. Vidal vient de le dire avec raison - qui
remettrait en cause le principe de la libre administration des collectivités
territoriales posé par l'article 72 de la Constitution, qui, je le souligne,
doit être lu dans son entier.
Les pouvoirs des préfets ne seront guère différents de ce qu'il sont
actuellement vis-à-vis des documents d'urbanisme. Tout le sens de la réforme du
code de l'urbanisme vise à le simplifier et à introduire plus de concertation
et de démocratie dans l'élaboration et la mise en cohérence des projets
urbains.
Je veux rappeler que, même décentralisé, l'Etat ne perd évidemment pas son
rôle : il est le garant de la solidarité et de la démocratie. Pourquoi la
solidarité ne serait-elle pas un critère national d'exigence de l'Etat, au même
titre que l'éducation et la formation ? Il ne viendrait à l'idée de personne,
et surtout pas d'un parlementaire, de dire qu'au nom de la décentralisation,
décentralisation que nous souhaitons encore approfondir, l'on pourrait refuser
des écoles primaires ! La solidarité serait-elle en marge des valeurs
essentielles de la France ?
L'Etat, je le répète, est le garant de la solidarité et de la démocratie.
Cette analyse, nombreux sont ceux qui, par-delà les clivages, la partagent.
Dans la foulée de M. Carrez, qui a évoqué, à l'Assemblée nationale, le fameux
Gosplan, M. de Rohan a parlé du retour au centralisme démocratique. Je me suis
même demandé s'il n'allait pas rappeler l'image du « couteau entre les dents »
! On était bien parti pour cela !
Mme Odette Terrade.
C'est parce qu'il n'a pas suivi nos congrès !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
En plus, cela
fait tout de même un moment !
(Marques d'approbation sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Xavier Emmanuelli, président du haut comité pour le logement des personnes
les plus défavorisées, et que tout le monde connaît ici, a écrit aux
parlementaires une lettre dans laquelle il faisait référence au Président de la
République.
M. Ladislas Poniatowski.
Nous l'avons reçue !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Vous avez reçu
cette lettre, mais, alors que vous avez cité bien d'autres personnes pour
montrer que cette loi était menaçante pour la démocratie, pour la
décentralisation, et que sais-je encore, vous n'avez jamais cité M. Xavier
Emmanuelli.
Je dois avouer que je n'avais pas l'habitude d'entendre des propos aussi
excessifs dans la bouche de M. de Rohan. Je ne le savais pas aussi joueur !
Quant à M. Braye, il n'y est pas allé avec le dos de la cuiller. SRU, a-t-il
dit, signifie « socialisme et rabaissement urbains ».
L'enjeu, qui est un enjeu de société, c'est la vie de tous les jours, c'est
l'avenir des villes, c'est la solution aux problèmes dont chaque élu a à
connaître au quotidien. Ramener le débat à ce type de formule ne me paraît
vraiment pas à la hauteur de cet enjeu.
Plus sérieusement, ce projet de loi n'est en aucune manière recentralisateur.
Il a pour vocation d'étendre les pouvoirs des élus, dans la continuité de la
loi de Jean-Pierre Chevènement sur l'intercommunalité, et de faire mieux
participer les citoyens aux décisions.
M. Delevoye a dit préférer le contrat à la contrainte. Moi aussi ! D'ailleurs,
j'ai déjà eu l'occasion de le dire ici, y compris lorsque certains réclamaient
des mesures autoritaires à propos du droit de grève.
Faire prévaloir le contrat sur la contrainte, c'est l'idée qui guide les
propositions du Gouvernement. Les collectivités territoriales doivent
assurément pouvoir développer leur créativité, mais il convient qu'elles le
fassent dans l'esprit qui émane de la volonté de l'ensemble de la nation et
avec la volonté de contribuer à l'intérêt général, qui ne saurait être
uniquement, bien sûr, l'addition des 36 000 volontés particulières.
Comme l'a souligné Mme Terrade, ce projet de loi a pour objet de donner du
sens à la ville, et la reconquête de la ville doit, avant tout, être une
question citoyenne d'appropriation.
Mme Terrade a également raison de dire que, alors que la croissance semble
repartie, il est indispensable de ne pas donner l'impression aux six millions
d'habitants des quartiers sensibles que cette reprise s'arrêterait à la porte
de leur logement ou à celle de leur quartier.
MM. Haenel, Raffarin, Teston et plusieurs autres orateurs ont montré l'intérêt
qu'ont les régions à s'inscrire dans la régionalisation des services
ferroviaires de voyageurs, encore que M. Raffarin ait employé une formule qui
m'a fait quelque peu sursauter. Je crois avoir compris que, selon lui, l'Etat
transférait la dette à RFF, les déficits des TER aux régions et, avec le TGV,
laissait les bénéficices à la SNCF.
S'agissant de la dette transférée à RFF, vous me pardonnerez de dire que c'est
votre majorité, messieurs, qui a voté la loi instaurant RFF pour cantonner la
dette ferroviaire.
M. Pierre Hérisson.
Oui, et c'est une bonne loi !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
M. Hérisson dit
que c'est une bonne loi !
D'ailleurs, on a fait ce que j'ai appelé la réforme de la réforme après, mais
on n'a pas abrogé la loi.
Je rappelle que la SNCF, avec 200 milliards de francs d'endettement, était
complètement « plombée », qu'elle ne pouvait pas s'en sortir. Il fallait donc
changer la donne, et nous l'avons fait.
Aujourd'hui, les comptes ont été publiés, ils ne sont pas toujours très
faciles à lire, mais, hors les prévisions concernant le SERNAM, il semblerait
qu'il y ait un résultat positif de plus de 1 milliard de francs. La situation a
tout de même changé par rapport à ce qui avait cours dans le passé !
Ces progrès traduisent non seulement une croissance du trafic voyageurs dans
les régions et sur les grandes lignes, mais également un progrès du transport
combiné par rapport à l'année dernière.
D'une manière ou d'une autre, messieurs Haenel, Raffarin et Teston, ainsi que
plusieurs autres orateurs, vous avez montré l'intérêt que les régions ont de
s'inscrire dans la régionalisation des services ferroviaires de voyageurs.
Très sincèrement, monsieur Haenel, comment ne pas souligner combien je partage
votre vision pour le développement des transports ferroviaires, tous types de
trafic confondus.
Avec ce projet de loi, nous tirons les conséquences de l'expérimentation en
cours puisque, à l'issue d'une concertation approfondie engagée depuis près
d'un an, nous décidons du transfert de compétence aux régions d'un service de
transports de proximité.
Evidemment, en cas de transfert de compétence sans transfert de moyens, le
risque est un transfert de charges. C'est la crainte de tous les élus.
Mais, je tiens à rassurer, MM. Raffarin, Joly et Percheron. La volonté du
Gouvernement est, bien entendu, d'effectuer ce transfert de compétence sans
transfert de charges, dans le strict respect des lois de 1982 et 1983 en
matière de décentralisation, qui prévoient également un transfert de
ressources.
C'est la raison pour laquelle est mise en place, dans les conditions du droit
commun, une dotation générale de décentralisation, et ce sans remettre en
cause, comme l'a dit M. Teston, l'unicité du système ferroviaire.
D'ailleurs, la généralisation de la régionalisation à toutes les régions en
même temps, que vous avez proposée et que M. Raffarin a proposée, conforte
l'unicité du système : on réalise la décentralisation tout en maintenant
l'unicité du système, et ce sans remettre en cause la notion de responsabilité,
ainsi que le craignait M. Teston.
Vous avez évoqué la question de l'indexation et, plus largement, vous
souhaitez modifier les conditions financières dans lesquelles s'effectue ce
transfert de compétence. Ce n'est pas la première fois que nous en parlons et
j'ai le sentiment que c'est une demande qui est largement partagée. Des
amendements ont été déposés en ce sens, nous aurons donc l'occasion d'y
revenir.
Je rappelle simplement, à ce stade du débat, que, dans le cadre de la
concertation rappelée il y a quelques instants, le Gouvernement a annoncé ses
engagements financiers qui, loin d'être négligeables, sont très importants :
une prise en charge, lors du transfert sur l'exercice 2002, du déficit des
comptes TER - constatez, monsieur Raffarin, que le déficit n'est pas celui dont
vous avez parlé - et une dotation pour le renouvellement du matériel
ferroviaire, qui s'ajoutent à la dotation permettant le financement du
fonctionnement du service. Cela représente tout de même un supplément de
ressources de l'ordre de 1,1 à 1,2 milliard de francs. Le Gouvernement a pris
ses responsabilités, il faut le reconnaître.
M. Hoeffel a posé une vraie question. J'avoue avoir mesuré sa dimension en
l'écoutant évoquer hier les problèmes des régions frontalières et des problèmes
transfrontaliers, notamment dans le domaine des transports. Je ne m'étendrai
pas sur ce sujet à ce stade du débat, mais je souhaite que nous y revenions
ultérieurement car cette question me paraît effectivement importante.
Enfin, comme l'a dit M. Plancade, ce projet de loi, qui s'inscrit dans la
cohérence de l'action gouvernementale, n'a pas vocation à régler tous les
problèmes, même si certains, non contents de nous reprocher d'avoir fait trois
lois en une, voudraient néanmoins que nous y ajoutions des dispositions
supplémentaires pour ne rien négliger. Non ! Nous agissons sans ignorer ce qui
se fait par ailleurs et qui participe de la démarche d'ensemble. Ce texte
contribuera à faire avancer les choses et à ramener de l'urbanité dans nos
villes.
MM. Besson et Bartolone vous apporteront des éléments supplémentaires. Pour ma
part, j'aurai l'occasion de vous répondre plus précisément lors de la
discussion des articles.
A l'Assemblée nationale, nous avons accepté plusieurs centaines d'amendements.
Cela témoigne de l'esprit d'ouverture constructive qui anime le Gouvernement
dès lors qu'il s'agira d'enrichir la loi dans l'esprit de solidarité et de
renouvellement urbain qui l'inspire.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.).
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville.
Mesdames, messieurs les sénateurs,
permettez-moi de réagir à une grande partie de vos interventions.
Le premier enseignement que j'en tire est l'approbation unanime de la loi
d'orientation sur la ville, la LOV, de 1991, notamment de ses objectifs en
termes de mixité sociale. Quand je pense, mesdames, messieurs les sénateurs, à
l'opposition qu'avait suscitée ce texte à l'époque, j'y vois une évolution qui
laisse espérer que le texte qui vous est présenté aujourd'hui, avec le temps,
recevra de votre part la même approbation !
Messieurs Althapé, Lassourd et de Rohan, vous avez tous trois défendu la LOV
avec vigueur, et je vous en remercie. Monsieur Larcher, vous avez même dit que
vous l'aviez faite ensemble avec M. Michel Delebarre.
M. Gérard Larcher.
Eh oui !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Je ne suis pas sûr, tout de même, que l'intéressé ait
la même interprétation que vous des termes : « faire ensemble » !
M. Gérard Larcher.
Ce n'est pas certain !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Le débat qui nous réunit ici est donc de savoir comment
réussir à passer des paroles aux actes. Comme l'a dit très justement Mme
Terrade, il s'agit aujourd'hui non plus d'approuver le principe de la mixité
sociale, mais de le traduire plus efficacement sur le terrain. Tel est
l'objectif du Gouvernement dans le titre II de ce projet de loi sur la
solidarité et le renouvellement urbains. Le principe des 20 % par commune n'est
pas nouveau, mais il nous faut tirer les enseignements de la loi précédente
pour améliorer sa mise en oeuvre à l'échelon local.
Dans cette optique, messieurs les rapporteurs, monsieur Fourcade, vous nous
proposez de prendre en compte le critère de 20 % de logements sociaux à
l'échelle de la structure intercommunale lorsqu'elle existe. Mais cette
proposition ne répond pas du tout à l'objectif du Gouvernement, ni d'ailleurs à
celui de la LOV de 1991. En effet, nous ne voulons pas qu'il y ait 20 % de
logements sociaux dans chacune des agglomérations françaises. Dans ce cas, bien
entendu, le chiffre serait trop faible. Non, le sens de la proposition du
Gouvernement à l'article 25, c'est de rééquilibrer les agglomérations et de
faire en sorte que les logements sociaux soient mieux répartis sur l'ensemble
des villes, donc prévoir un minimum de 20 % de logements sociaux dans chaque
commune.
Prenons l'exemple de la communauté urbaine de Lyon. M. Fischer, qui l'a
d'ailleurs évoquée, y sera sensible. Tout le monde reconnaît que le
rééquilibrage est-ouest de l'agglomération est un enjeu majeur pour la
politique de la ville dans le Rhône, car le fait qu'il y ait déjà plus de 20 %
de logements sociaux sur l'ensemble de la communauté urbaine ne garantit pas la
mixité. Or, avec les amendements que vous nous proposez, messieurs les
rapporteurs, la communauté urbaine de Lyon - comme celles de Lille et de
Strasbourg - sortirait du dispositif.
Vous le voyez, cela transformerait complètement l'objectif du texte. Pour moi,
c'est davantage la question de la répartition du logement social, et non pas
seulement celle du nombre des logements sociaux, qui doit être prise en compte
en priorité au niveau intercommunal.
Vous suggérez également de prendre en compte, dans la définition du logement
social, l'accession sociale à la propriété.
Là encore, je crois qu'il y a une méprise sur l'objectif du Gouvernement au
travers de ce texte. Il s'agit, en effet, non pas de réguler l'ensemble du
parcours résidentiel de tous les Français, mais plutôt de s'attacher au segment
du parcours résidentiel qui connaît le plus d'obstacles aujourd'hui, à savoir
le locatif social.
M. Poniatowski l'a dit, nous connaissons une sous-consommation des crédits
PLA. « Pourquoi ? », nous demande-t-il. Je crois que M. Plancade y a répondu.
D'un côté, dans les communes qui comptent aujourd'hui un nombre suffisant de
logements sociaux, les élus souhaitent faire respecter un minimum de mixité
sociale, donc n'en construisent plus, ce qui est légitime. Nombreux sont ceux
qui demandent même des démolitions. Mais, de l'autre côté, dans les communes
qui n'ont jamais construit de logement social, on continue à en refuser,
parfois par idéologie, parfois par démagogie, parfois par crainte des réactions
de l'électorat. Donc, évidemment, on construit moins.
Pour contribuer à répondre à ce problème que nous connaissons sur le logement
locatif social, le projet de loi est donc parfaitement adapté.
Quant à l'accession sociale à la propriété, elle se porte bien. C'est un souci
permanent du Gouvernement - Louis Besson le dit tous les jours - mais ce n'est
pas le sujet de l'article 25. Qui plus est, il faut rappeler que l'accession
sociale à la propriété s'adresse à 85 % des Français. En l'intégrant dans le
logement social, ce n'est plus un seuil de 20 % qu'il vous faudrait fixer comme
minimum dans chacune des communes, mais sans doute 40 % voire 50 %. Tel n'est
plus du tout le sens du texte initial du Gouvernement.
MM. Jarlier et Grignon ont instruit un procès en accusation de
recentralisation. Nous avons pourtant eu la chance hier, au cours de ce débat,
d'entendre le Premier ministre qui avait défendu les lois de décentralisation
de 1982, face, à l'époque, à une opposition « vent debout » contre le projet
qui était présenté. Pierre Mauroy nous a dit très clairement qu'il approuvait
ce texte. Pourquoi ? Parce que la décentralisation, ce n'est pas le
déménagement de la République. Car, quand les égoïsmes communaux vont à
l'encontre d'un grand principe de notre République que nous approuvons tous, si
je ne me trompe, il faut mettre en place une règle qui s'impose à tous.
M. Jean-Pierre Plancade.
Très bien !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Monsieur Bimbenet, vous m'avez étonné en mettant en
avant la complexité du dispositif. J'avoue que c'est la première fois qu'on me
fait cette remarque-là. Franchement, c'est difficile de faire plus simple comme
objectif de politique publique : 20 % de logements sociaux dans chacune des
communes urbaines et, pour atteindre cet objectif, une épargne en faveur du
logement social de 1 000 francs par logement manquant. Avouez que ce n'est pas
très complexe quand même comme règle de base !
M. Fourcade a rebondi d'ailleurs sur cette épargne de précaution. Il a
souhaité en effet un système de provision dans le budget communal.
Mais, monsieur Fourcade, vous défendez en quelque sorte le système proposé par
le Gouvernement. En effet, les 1 000 francs par logement manquant sont destinés
à être utilisés par la commune. Si une commune joue le jeu et réalise ses
logements sociaux manquants, le prélèvement sera nul. En revanche, si elle
n'utilise pas l'ensemble de la provision, celle-ci tombe dans le budget de la
structure intercommunale, ce qui me paraît légitime compte tenu des
orientations du Gouvernement en faveur de l'intercommunalité. L'épargne longue
en faveur du logement social, la provision à long terme dont vous parliez, doit
selon moi se situer à cette échelle. Une fois cette idée acceptée, votre
proposition rejoint celle du Gouvernement.
Messieurs Fourcade et Badré, vous avez aussi déploré les changements fréquents
de définition du logement social. Mais qui a changé cette définition en 1995 si
ce n'est la droite ? On ne peut pas en même temps critiquer les changements
fréquents de cette définition et, dès que l'on arrive au pouvoir, faire
exactement le contraire. Par ailleurs, je vous confirme bien que les logements
privés conventionnés ANAH sont bien intégrés dans la définition du logement
social dans le projet qui vous est soumis.
MM. Poniatowski et Lassourd ont indiqué que ce texte ne s'adressait pas aux
communes qui ont, sur leur territoire, des quartiers en difficulté.
D'abord, ce n'est pas tout à fait exact. Les mesures en faveur des
copropriétés dégradées ou du logement social s'adressent avant tout à toutes
ces communes. C'est vous, messieurs les sénateurs de l'opposition nationale,
qui ne voyez dans ce texte que l'article 25.
M. Gérard Larcher.
Non, ce n'est pas vrai !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
De plus, je ne vais pas rappeler longuement ce que j'ai
développé hier. La politique de la ville portée par Lionel Jospin repose sur
deux ambitions : d'une part, le rééquilibrage de nos agglomérations - c'est
l'objet de l'article 25 qui, par essence même, vise les communes qui n'ont pas
de logements sociaux - et, d'autre part, la revalorisation de nos quartiers les
plus en difficulté - c'est l'objet de tout le reste de mon action ou
presque.
Les décisions du comité interministériel des villes du 14 décembre dernier ont
été importantes. Le plan de rénovation urbaine et de solidarité inclut un
programme national de renouvellement urbain, mais aussi la création de 10 000
postes d'adultes relais, la mise en place de 150 équipes emploi-insertion, des
mesures en faveur de la revitalisation économique des quartiers sur lesquelles
j'aurai l'occasion de revenir lors de la discussion des articles, des actions
sur les services publics, la santé et l'éducation. Je me félicite d'ailleurs
que M. Delevoye ait largement appuyé cette nécessité d'une politique globale
que le Gouvernement met en oeuvre.
Ce plan de rénovation urbaine et de solidarité représente un engagement de
l'Etat de 20 milliards de francs pour le prochain plan, et cela vient
évidemment en plus de contrats de ville.
Je tiens à cet égard à saluer l'intervention de M. Lagauche, qui a décrit avec
précision la grande diversité des moyens à la disposition des communes.
Par ailleurs, monsieur Braye, je précise que les mesures les plus importantes
en faveur des communes les plus défavorisées ne sont pas toutes dans ce texte,
comme vous avez eu raison de le dire. En revanche, elles sont toutes dans le
budget !
(M. Braye s'exclame.)
Par ailleurs, monsieur Braye, quand on sait que vous êtes à la tête d'une
agglomération aussi sensible que le Mantois, on s'attend à un peu plus
d'équilibre dans vos propos, surtout au moment où l'on évoque dans cette
assemblée un sujet aussi important pour vos administrés que la solidarité entre
les communes.
M. Dominique Braye.
Ne comptez pas sur moi pour déséquilibrer le Mantois. Je ne serai pas votre
complice.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Vous rendez-vous compte de ce que vous dites ? Vous
avez évoqué par exemple la commune d'Issou. Mais sachez que, dans ce cas
précis, le projet de loi ne prévoit que la construction annuelle de neuf
logements sociaux dans cette commune...
M. Dominique Braye.
Non, 188 !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
... alors qu'on y construit annuellement trente-cinq
logements neufs en moyenne depuis dix ans. Je ne vois vraiment pas où est le
problème !
M. Dominique Braye.
Vous êtes dans la techno, restez-y !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
J'ai l'impression que, lorsque vous parlez de SRU, vous
annoncez presque la création d'une association du sectarisme et du
réactionnaire urbains.
(Sourires et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Dominique Braye.
Les élus de votre sensibilité s'en plaignent eux aussi.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Sur le Mantois, vous engagez, dans le cadre du grand
projet de ville, 700 démolitions de logements sociaux au Val-Fourré. Dans le
même temps, vous refusez de réaliser cinq logements sociaux par an dans votre
commune de Buchelay, où il en manque.
(M. Braye proteste.)
Quel exemple en tant que président de la structure
d'agglomération !
(M. Braye proteste à nouveau.)
C'est une véritable honte.
M. Dominique Braye.
Apportez des emplois et nous ferons plus de logements sociaux.
M. le président.
Ressaisissez-vous, monsieur Braye.
M. Dominique Braye.
Je suis tout à fait calme, monsieur le président.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
M. Braye donne libre cours à sa véritable
personnalité.
M. Dominique Braye.
Absolument ! Quand il s'agit des Français, je me bats jusqu'au bout.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Madame Terrade, vous avez attiré mon attention sur le
risque de voir les personnes dans les situations les moins précaires quitter le
quartier dès qu'elles retrouveraient un emploi. Vous avez raison ; il convient
d'être vigilant. Mais le Gouvernement entend précisément s'attaquer au problème
dans toutes ses dimensions.
D'un côté, il lance un plan de rénovation urbaine et de solidarité pour
redynamiser nos quartiers les plus défavorisés sur quinze ans - M. Pelletier
l'a approuvé - de l'autre, il prévoit le rééquilibrage de nos agglomérations
sur vingt ans. Telle est l'ambition urbaine du Gouvernement.
Monsieur Larcher, le propos de M. Bédier serait juste si l'on ne faisait pas
cet effort de renouvellement urbain en parallèle à ce projet de loi. Mais je ne
peux pas croire que M. Bédier ait pu donner une réelle importance à sa
déclaration.
M. Dominique Braye.
Vous vous trompez !
M. Claude Estier.
Monsieur Braye, arrêtez, cela suffit !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Cela voudrait dire qu'il ne croit pas en son grand
projet de ville, pour lequel il ne cesse de me demander toujours plus de
crédits.
En revanche, il est vrai qu'à Jouars-Ponchartrain, à Neauphle-le-Château, on
préfère construire des golfs de dix-huit trous plutôt que des logements
sociaux. De cela, je n'en doute pas.
M. Dominique Braye.
Ce n'est pas vrai !
M. Gérard Larcher.
Non, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Braye.
Non, monsieur le secrétaire d'Etat, ce n'est pas vrai, vous parlez de choses
que vous ne connaissez pas. Et Saint-Nom-la-Bretêche !...
M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville.
Vous m'avez demandé des précisions sur notre
politique en faveur de l'emploi. Je puis vous dire que je suis particulièrement
attentif à la question de l'emploi dans nos quartiers.
En effet, dans le contexte de croissance que nous connaissons actuellement,
grâce à la politique de ce gouvernement, je sais que l'écart entre nos
quartiers et le reste des agglomérations peut s'accroître en termes de taux de
chômage, ce qui rendrait encore plus insupportable l'exclusion urbaine et
sociale dont sont victimes une partie de nos concitoyens.
M. Dominique Braye.
C'est ce qui se passe effectivement dans le Mantois !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Lors du dernier comité interministériel des villes et
du développement social urbain, j'ai donc souhaité que cent-cinquante équipes
emploi-insertion puissent se mettre en place dès 2000. Celles-ci seront animées
par des directeurs d'agence locale de l'ANPE et mises en place en collaboration
avec les collectivités locales. Ces équipes devront avoir des objectifs de
résultats quantifiés. Elles bénéficieront de crédits de droit commun des
politiques de l'emploi et de l'action sociale et des crédits spécifiques de la
politique de la ville.
Messieurs Pierre Jarlier et Ladislas Poniatowski, vous avez reproché au
Gouvernement de ne pas avoir tenu compte des réalités locales, en termes de
budget communal...
MM. Dominique Braye et Gérard Larcher.
A juste titre !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
... et de disponibilité foncière.
Sur le premier point, je crois, messieurs Poniatowski et Badré, que vous
oubliez les charges que doivent supporter aujourd'hui les communes qui ont plus
de 20 % de logements sociaux.
(M. Braye proteste.)
Pour vous, le seul coût qui compte, c'est celui de la réalisation des
logements sociaux. On voit bien que vous ne voulez pas prendre en compte les
charges qui pèsent sur les communes et les élus qui ont à gérer des villes où
il y a un grand nombre de logements sociaux.
M. Dominique Braye.
Et vous voulez en rajouter dans le Mantois !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
En effet, une famille précarisée, c'est 100 000 francs
par an pour un budget communal.
C'est pour cette raison que j'estime qu'il est indispensable que les communes
apportent leur contribution de 1 000 francs par logement manquant, même
lorsqu'une structure intercommunale existe.
(M. Braye s'exclame.)
Outre le fait que la commune garde des compétences
nécessaires à la réalisation de ces logements sociaux, il me paraît légitime
qu'elle participe à la construction de ceux qui lui manquent.
Sur la question des disponibilités foncières, j'aimerais entendre davantage
les représentants des communes qui connaissent réellement des problèmes.
Souvent, en effet, je constate que les élus locaux qui crient le plus sont ceux
qui réalisent chaque année de nombreuses opérations de logements de haut
standing dans leur ville. Et, pour ces opérations-là, il n'y a pas de problème
de disponibilité foncière !
M. Denis Badré.
Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Je vais y venir, monsieur Badré.
Je constate également que les arguments sont quelquefois fallacieux.
Monsieur Badré, vous me dites : « J'ai une forêt, je ne peux pas construire. »
Mais sachez que 20 % de logements sociaux, c'est un pourcentage, et, que je
sache, il n'y a pas non plus de résidence principale dans votre forêt. Le
problème n'est donc pas la forêt, mais le déséquilibre en termes de mixité dans
la partie urbanisée.
Ensuite, je tiens à vous rappeler qu'il existe aussi la possibilité de faire
des acquisitions-améliorations dans le parc ancien. C'est même très largement
souhaitable.
M. Denis Badré.
C'est ce qui me permet d'avoir 40 % de logements sociaux depuis dix ans !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Moi, je ne souhaite pas, comme M. Fourcade, que l'on
fasse du logement social là où il reste des terrains. Il faut aussi faire du
logement social dans le parc ancien, dans les secteurs sauvegardés. Ce sont
généralement les meilleures opportunités d'accueil pour nos populations les
plus modestes.
Mme Hélène Luc.
Absolument ! On peut même faire de beaux logements sociaux !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
A ce propos, M. Joly m'a interpellé sur la campagne de
dénigrement dont auraient été victimes certaines communes de droite de la
Seine-Saint-Denis.
M. Dominique Braye.
C'est n'importe quoi ! C'est de la provocation !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Monsieur Joly, je veux rappeler que ce sont les maires
de ces communes, qui, avant même la sortie du texte, ont commencé à lancer des
pétitions, à organiser des réunions pour abuser leur population sur la portée
du projet de loi, voire pour dire qu'ils n'appliqueraient pas la loi.
M. Dominique Braye.
Moi, j'en ai organisé plusieurs !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Que n'ai-je pas entendu ? « Le Gouvernement veut
construire des barres et des tours. Il faudra atteindre l'objectif de 20 % de
logements sociaux en trois ans ». Certains ont même poussé des cris d'orfraie :
« Le Gouvernement souhaite que l'on héberge et accueille les familles immigrées
de la commune d'à côté. »
Mme Hélène Luc.
C'est en 1960 qu'on a construit des barres !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Tout cela, je crois, est vite retombé, car, comme je le
disais hier, la mauvaise foi finit toujours par perdre dans un débat ouvert.
M. Dominique Braye.
C'est pour cela que vous perdrez.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Par ailleurs, monsieur Joly, que pensez-vous de la
campagne de dénigrement dont sont victimes au quotidien les habitants de
Clichy-sous-Bois et de Montfermeil par une partie de ces maires de droite de la
Seine-Saint-Denis ? M. Mauroy l'a dit hier, il est inacceptable d'insulter les
populations de nos quartiers populaires. Pourtant, c'est une réalité
quotidienne dans cette circonscription de la Seine-Saint-Denis.
M. Dominique Braye.
C'est vous qui les insultez en les obligeant à continuer à vivre là-dedans.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais terminer
sur une note d'optimisme : je suis persuadé, quels que soient les propos de M.
Braye, qui détonnent dans le climat serein que connaît traditionnellement le
Sénat,...
M. Dominique Braye.
Eh oui !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
... que ce texte portant sur la solidarité et le
renouvellement urbains, avec le temps, vous l'accepterez, comme vous acceptez
aujourd'hui le principe de la LOV...
M. Dominique Braye.
Vous avez dit qu'elle était inappliquée ! C'est vous qui l'avez dit !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
... comme vous vous félicitez aujourd'hui de la grande
loi de décentralisation voulue en 1981.
Alors, oui, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis sûr qu'après ce débat
nous retrouverons, avec une grande partie des sénateurs qui ont une certaine
responsabilité, l'envie de construire pour le xxie siècle des villes du « tous
ensemble ».
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Dominique Braye.
Amen !
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze
heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est reprise.
3
QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT
M. le président.
L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Conformément à la règle posée par la conférence des présidents, je rappelle
que l'auteur de la question et le ministre qui lui répond disposent chacun de
deux minutes trente.
Chaque intervenant aura à coeur de respecter le temps imparti de deux minutes
trente afin que toutes les questions et toutes les réponses puissent bénéficier
de la retransmission télévisée.
DISSENSIONS APPARUES
AU SEIN DE LA MAJORITÉ PLURIELLE
AU SUJET DE LA POLITIQUE FISCALE
M. le président.
La parole est à M. Cléach.
M. Marcel-Pierre Cléach.
Ma question s'adressait à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie, mais je crois savoir qu'il est retenu à l'Assemblée nationale et
que Mme la secrétaire d'Etat le remplacera. Je regrette qu'il n'ait pu nous
rejoindre cet après-midi, car ma question a une connotation personnelle.
Madame la secrétaire d'Etat, l'arrivée de M. Fabius à la tête du ministère de
l'économie a été saluée avec intérêt par le monde politique et le monde de
l'économie et, il faut le dire, avec sympathie compte tenu des opinions qu'il a
tout récemment développées, notamment en matière de réduction des déficits
publics, de la fiscalité et de la réforme de l'Etat.
M. Fabius prend ses fonctions dans un paysage économique et financier
contrasté : la croissance, bien sûr, mais aussi les grands débats publics qui
préoccupent tous les Français, tels que le fonctionnement de leur retraite, le
financement des conséquences de la loi dite des « trente-cinq heures », la
réforme fiscale, la réforme de l'Etat et, en premier lieu, celle de votre
ministère, le financement des moyens nécessaires à assurer la sécurité de
l'ensemble des Français.
Face à ces immenses besoins, il hérite d'une situation financière tendue que
les produits de la croissance ne doivent pas masquer. En effet, notre
fiscalité, celle des ménages qui paient l'impôt et celle des entreprises,
devient insupportable. Nos entreprises de main-d'oeuvre sont contraintes à la
délocalisation pour subsister. Le phénomène de délocalisation des hommes, qui
sont souvent des entrepreneurs, créateurs de richesse, n'est pas négligeable.
Le mouvement de délocalisation des capitaux est également important. Notre
dette publique représente 58,6 % du PIB, nos dépenses publiques 53,8 % du PIB
et les prélèvements obligatoires 45,6 % du PIB. Ce n'est pas glorieux ! La
fonction publique résiste aux réformes et semble tenir le Gouvernement en otage
puisqu'il qu'il lui sacrifie ses ministres réformateurs.
M. René-Pierre Signé.
C'est faux !
M. Marcel-Pierre Cléach.
En cas de retournement de la conjoncture, compte tenu de ce refus de la
réforme, vous n'aurez aucune marge de manoeuvre pour atteindre les objectifs
dont le ministre a souligné à plusieurs reprises la nécessité, à moins, bien
évidemment, d'augmenter encore les impôts. Pourtant, nous le savons bien, et
vous le savez aussi, le ministre l'a dit et répété : il n'y a pas d'autre issue
qu'une réduction drastique des dépenses publiques...
M. le président.
Question !
M. Marcel-Pierre Cléach.
... qui permettra, par voie de conséquence, la réduction de la dette, celle du
déficit, et donc celle des prélèvements obligatoires.
M. René-Pierre Signé.
Discours libéral !
M. Marcel-Pierre Cléach.
M. Fabius saura-t-il convaincre ses amis et alliés que tel est le chemin
nécessaire pour conserver sur notre territoire les créateurs de richesse et
assurer le maintien ou le développement de la compétitivité des entreprises
françaises et donc de l'emploi, ou sera-t-il contraint de succomber, de
compromis en compromis, aux résistances politiques ou syndicales, aux droits
acquis, aux nécessités de type électoral, bref, au court terme ?
Plusieurs sénateurs socialistes.
La question !
M. Jean Chérioux.
C'est une question importante !
M. Marcel-Pierre Cléach.
Comment pense-t-il concilier les idées qu'il a développées et défendues tout
récemment, et ce matin même à la radio, avec les positions de ceux de ses amis
qui prônent encore la réhabilitation et la vertu de la dépense publique et
limitent leurs ambitions à vouloir faire payer les riches ?
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le sénateur, tout d'abord je vous
prie de bien vouloir excuser l'absence de M. Fabius, qui est effectivement
retenu à l'Assemblée nationale.
Avant même de répondre à votre question, permettez-moi de vous dire que je ne
partage pas la description fort sombre que vous faites du paysage économique et
financier de ce pays.
Vous me demandez comment le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie va mettre en oeuvre, notamment, ses idées en matière de baisse
d'impôts. Cette question intervient à point nommé puisque, hier, nous avons
présenté ensemble, devant la commission des finances du Sénat, le projet de loi
de finances rectificative pour 2000, qui comprend la bagatelle de 40 milliards
de francs de baisse d'impôts, lesquels s'ajoutent eux-mêmes à 40 milliards de
francs de baisse d'impôts qui étaient prévus par la loi de finances initiale.
Au total, il s'agit donc de 80 milliards de francs de baisse d'impôts pour la
seule année 2000.
C'est un record historique que nous nous plaisons, M. Fabius et moi-même, à
souligner. Voilà une heureuse manière de concrétiser, dès son arrivée au
Gouvernement, les souhaits qu'il a pu exprimer avant qu'il ne soit lui-même
ministre.
Comme M. le Premier ministre et M. Laurent Fabius s'y sont engagés ensemble,
cette politique sera poursuivie de telle manière que nous retrouvions très
rapidement le taux des prélèvements obligatoires qui était le nôtre avant la
dernière élection présidentielle de 1995. Voilà qui me paraît répondre à votre
interrogation, monsieur le sénateur.
Mais, bien entendu, contrairement à ce qu'ont pu faire des précédents
gouvernements, notre choix n'est pas la baisse d'impôts pour la baisse d'impôts
; c'est une baisse qui est au service d'une stratégie, et celle-ci n'est autre
que la croissance et la solidarité.
Tel est le sens des mesures que nous avons présentées hier et qui ont été
prises sur la taxe d'habitation, l'impôt sur le revenu et la TVA. C'est aussi
en ce sens que seront décidées les mesures qui interviendront dans les
prochains mois.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
« BAVURE » POLICIÈRE DE LILLE-SUD
M. le président.
La parole est à M. Mauroy.
M. Pierre Mauroy.
Monsieur le ministre de l'intérieur, la mort tragique du jeune Riad Hamlaoui,
survenue dans la nuit du 15 au 16 avril dernier dans le quartier de Lille-Sud,
a provoqué une émotion extrême, une lourde colère durant plusieurs jours, et
des actes de violence ont frappé l'opinion.
En ce qui concerne les faits eux-mêmes, la justice suivra son cours, bien sûr
; je veux d'ailleurs saluer ici la capacité de réaction du ministère public,
dans la journée du 16 avril, qui a qualifié cette mort d'homicide volontaire.
Vous vous êtes exprimé vous-même, monsieur le ministre, ce dont je vous
remercie, et Mme Aubry a eu, hélas ! également l'occasion de le faire.
Monsieur le ministre, comment le Gouvernement réagit-il face à des événements
d'une telle ampleur ?
Il m'est apparu qu'il existait une réelle incompréhension entre une partie de
la population et certaines forces de police, je pense en particulier à la
brigade anti-criminalité, qui effectue un travail difficile de maintien de
l'ordre. Son intervention est indispensable, mais sa fonction, par nature
essentiellement répressive, peut susciter des réactions négatives.
Loin de moi, monsieur le ministre, l'idée de mettre en cause la qualité des
relations de travail et de confiance entre la police nationale et la mairie de
Lille. La signature d'un contrat local de sécurité témoigne d'ailleurs de cet
esprit de concertation.
La mise en place de la police de proximité, que vous avez initiée, entraîne
une large adhésion de la part non seulement des élus, mais aussi de la
population, en particulier des jeunes. Cette police de proximité est une
excellente initiative, dont l'ampleur dépasse largement l'ancien îlotage. La
police de proximité, qui est réclamée, permet au policier d'être connu et
reconnu des habitants.
Je souhaite, monsieur le ministre de l'intérieur, que ce dispositif en place
soit encore élargi en effectifs, mais aussi dans le temps et dans l'espace.
Dans le temps pour couvrir toute la journée, le soir et les week-ends. Dans
l'espace, car il n'y a pas qu'un seul quartier difficile à Lille.
La commission sur la décentralisation, dont M. le Premier ministre m'a confié
la présidence, travaille bien entendu sur les problèmes de sécurité.
Il est essentiel d'élargir fortement la place que doit prendre cette police de
proximité, de créer des commissariats, des bureaux de police, car une police
comme la brigade anti-criminalité ne peut pas être véritablement une police du
quotidien. Or, dans certains quartiers, une police du quotidien est
nécessaire.
Vous avez lancé le mouvement, monsieur le ministre, il faut très rapidement
l'élargir.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le sénateur, le drame qui s'est produit
le 16 avril dernier, au cours duquel le jeune Riad Hamlaoui a trouvé la mort, a
entraîné une vive émotion non seulement dans la population, mais également dans
toute l'institution de la police nationale, et chez moi-même, qui en ai la
charge.
Il ne s'est pas passé douze heures avant que le policier, qui a commis une
faute incontestable, ait été suspendu, ait été déféré à la justice. Celle-ci
devra se prononcer en toute impartialité.
A partir de là, vous le savez, des émeutes se sont produites qui ont entraîné
l'incendie de plus de 100 véhicules. Il a été procédé à 127 interpellations et
23 personnes ont été déférées à la justice, car, bien évidemment, l'Etat ne
peut pas laisser commettre des exactions à l'encontre des biens publics et
privés.
Je me plais à souligner le rôle qu'ont joué la municipalité de Lille,
vous-même, monsieur le maire, Mme Aubry, le recteur de la mosquée, M. Amar
Lasfar, et beaucoup d'autres pour ramener le calme dans ces quartiers de
Lille-Sud, cela afin que l'effort de six mois ne soit pas anéanti, six mois
pendant lesquels avait été expérimentée la police de proximité qui va être
généralisée dans cinq circonscriptions de police du Nord à partir du 1er juin
prochain.
Vous l'avez dit, mais je veux le redire avec force, cette tragédie ne doit pas
remettre en cause l'effort qui est fait pour rapprocher la police de la
population. La police de proximité implique à la fois la territorialisation de
l'action de la police, la responsabilisation des équipes dans les quartiers,
une action polyvalente de cette police en liaison étroite avec l'ensemble des
intervenants, dont la mairie de Lille puisqu'un contrat local de sécurité a été
signé. Cet effort ne doit pas être interrompu. Il a d'ailleurs toute sa
légitimité dans un cadre plus général : le dialogue engagé avec l'Islam, le
recrutement de policiers à l'image de la population.
Nous voulons donc poursuivre cet effort et, bien évidemment, pour cela il faut
renforcer la présence de la police dans le temps. Nous y veillons. La nuit, ce
n'est guère possible.
M. Pierre Mauroy.
C'était le soir.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Le policier qui est intervenu à minuit et demi
appartenait non pas à une brigade anticriminalité mais à une brigade
cynophile.
Il est possible d'étendre la plage horaire des présences, de renforcer les
effectifs. J'ai fait des propositions en ce sens à M. le Premier ministre.
Dès cet automne, les 2 400 policiers en surnombre, dont l'affectation a été
acceptée par le Premier ministre, seront mis sur le terrain pour compenser les
départs à la retraite, qui s'étaient, vous le savez, accélérés.
En tout cas, s'agissant de l'événement qui s'est produit, rien ne doit nous
amener à changer de cap.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
Mes chers collègues, je salue la présence au banc du Gouvernement de M. le
Premier ministre, venu participer à nos travaux, et que nous accueillons, bien
sûr, avec satisfaction.
RECONNAISSANCE DU GÉNOCIDE ARMÉNIEN
M. le président.
La parole est à M. Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron.
Monsieur le Premier ministre, c'est à vous que s'adresse ma question.
Je souhaite évoquer, en commençant mon propos, les massacres terribles dont la
communauté arménienne a été victime dans l'ancien Empire ottoman à partir de
l'année 1915. Ces événements sont de ceux qui, au cours du xxe siècle, ont
suscité le chagrin et la pitié, et ce siècle en a, hélas ! connu beaucoup !
Les manifestations de la communauté arménienne de France doivent susciter, sur
l'ensemble de nos travées, non seulement la compréhension, mais également le
respect.
Ces 450 000 de nos compatriotes ont un vrai devoir de mémoire à remplir,
devoir que nous devons assumer avec eux, pour que ne sombre pas dans l'oubli le
souvenir de ces événements tragiques.
L'Assemblée nationale a voté, à l'unanimité, une proposition de loi en 1998.
On pouvait s'attendre à ce que ce texte vînt en discussion devant le Sénat et
fût inscrit à l'ordre du jour prioritaire par le Gouvernement. Le Gouvernement
ne l'a pas souhaité. Il nous a donné ses raisons ; je vais les rappeler en les
résumant.
Il a expliqué, d'une part, qu'un texte de cette nature n'était sans doute pas
constitutionnel - ce n'est d'ailleurs pas cet argument qui nous touche le plus
- et, d'autre part, qu'une telle initiative pouvait être contraire à l'action
engagée par la France dans le Caucase, la France qui, au sein du groupe de
Minsk, mène une action de paix fondée sur l'équilibre et le respect des
peuples.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, vous avez qualifié ce dernier
argument, sans que ce soit péjoratif, bien au contraire, de raison
d'opportunité. Il nous a paru très fort et nous nous sommes fiés à vos propos.
C'est la raison pour laquelle, lors de la conférence des présidents, les
représentants de la majorité de cette assemblée ont suivi la position qui était
exprimée par les autorités françaises.
J'ai donc été surpris qu'hier, à l'Assemblée nationale, monsieur le ministre
des affaires étrangères, vous ayez tenu des propos qui pouvaient laisser penser
que telle n'était plus la position du Gouvernement.
Dès lors, je vous demande, monsieur le Premier ministre, si les raisons
d'opportunité que vous avez avancées et qui nous ont paru fortes ne sont plus
retenues par le Gouvernement aujourd'hui.
Nous souhaitons que le Gouvernement s'exprime clairement sur ce point parce
que la question est grave. Elle ne supporte en effet ni le double langage ni,
évidemment, la duplicité, attitude que je ne vous attribue pas ou plutôt pas
encore dans l'attente des explications que vous allez me donner et qui, je
l'espère, nous donneront satisfaction.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
Mme Hélène Luc.
La majorité a voté contre la discussion immédiate !
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine,
ministre des affaires étrangères.
Monsieur le sénateur, je vous répondrai
sur le même ton sensible et grave que celui que vous avez employé pour parler
de cette très douloureuse question. Il n'y a, me semble-t-il, aucun changement
ni dans le contexte ni dans l'analyse qu'en fait le Gouvernement.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire, il n'y a aucune différence entre nous
s'agissant de la compassion, l'émotion, la sympathie que nous ressentons les
uns et les autres à l'égard des événements survenus dans l'Empire ottoman en
1915 entre les Turcs et les Arméniens, les Turcs et les Kurdes de l'époque,
événements que la grande majorité des historiens, dont c'est la fonction,
considèrent comme un génocide. La question n'a d'ailleurs jamais été posée en
ces termes.
La question qui a été débattue au sein de la Haute Assemblée, avec beaucoup de
sagesse, me semble-t-il, portait sur la légitimité et l'utilité d'un texte
législatif visant à qualifier ce genre de tragédie. Ce débat honorable a été
mené ici dans de bonnes conditions.
Au-delà de ce débat, le Sénat avait voulu connaître l'appréciation des
autorités françaises sur la situation d'aujourd'hui, sur la situation dans le
Caucase en 1999 et en 2000. Nous avons dit alors, et cela demeure vrai, que
l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Géorgie et la Turquie demandaient à la France de
s'engager envers eux, d'être disposée à dialoguer, discuter, négocier avec eux
tous, pour les aider à surmonter les problèmes qui se posent à eux tels que
ceux du Haut Karabakh - je pourrais d'ailleurs énumérer bien d'autres problèmes
touchant les minorités. Vous imaginez à quel point nous sommes vigilants à cet
égard.
Ce raisonnement et ces explications demeurent vraies. Elles ont été fournies à
plusieurs reprises à la Haute Assemblée. C'est cette dernière, dans les
conditions que vous avez vous-même rappelées, monsieur le sénateur, qui a
apprécié ce qu'il convenait de faire. Ce n'était pas à l'exécutif de trancher.
C'est la Haute Assemblée qui, ayant tous les éléments d'appréciation, n'a pas
inscrit le texte auquel vous faisiez allusion. Cela circonscrit la portée de la
discussion entre nous. Tous les arguments fournis pour vous permettre de vous
prononcer demeurent valables, monsieur le sénateur.
REVENTE D'AIR LIBERTÉ PAR BRITISH AIRWAYS
M. le président.
La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
Monsieur le ministre des transports, nous apprenons par la presse qu'Air
Liberté, filiale de British Airways, pourrait être rachetée par un consortium
piloté par Swissair.
La compagnie Swissair possède déjà 49 % d'Air Littoral et d'AOM. Si elle
obtenait 49 % d'Air Liberté, elle posséderait un tiers des créneaux de
l'aéroport d'Orly. Cela me paraît excessif pour la compagnie aérienne d'un Etat
qui n'est pas membre de l'Union européenne. Air France semble ne plus pouvoir
concourir au rachat d'Air Liberté. Pourquoi ? Dans cette opération, la France a
pourtant un intérêt industriel majeur.
Nous avons l'impression que les gouvernements américain, allemand, néerlandais
et autres sont plus protecteurs pour leurs compagnies aériennes - toutes
privées cependant - que ne l'est le Gouvernement français vis-à-vis d'Air
France, dont la majorité des capitaux est encore publique. Il est vrai que, si
Air France reprenait Air Liberté, elle disposerait de 63 % des créneaux
horaires à l'aéroport d'Orly. Cela n'a rien d'anormal quand on sait que la
Lufthansa, British Airways et KLM disposent de 70 % des créneaux à Francfort,
Londres et Amsterdam.
Je sais, monsieur le ministre, que Swissair n'aurait que 49 % des parts, comme
pour Air Littoral ou AOM, mais la société Marine Wendel, majoritaire à 51 %, ne
fait que du portage, Swissair assurant la gestion de fond.
Je sais aussi, monsieur le ministre, qu'une votation nationale doit avoir lieu
prochainement en Suisse au sujet d'une adhésion éventuelle au système
réglementaire aérien de l'Union europénne. Mais ce n'est pas encore fait et
nous ne pouvons préjuger le résultat de ce référendum.
Je souhaiterais connaître, monsieur le ministre, l'appréciation du
Gouvernement sur ce problème, qui inquiète vivement les parlementaires mais
aussi et surtout les 2 500 salariés d'Air Liberté.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
sénateur, une votation va effectivement se dérouler en Suisse. Dans le cas où
le résultat serait positif, Swissair serait considérée comme une compagnie
européenne ordinaire, mais nous n'en sommes pas là !
Air France a répondu à l'appel d'offres lancé par British Airway, qui est, si
je puis m'exprimer ainsi, la maison mère d'Air Liberté. Bristish Airway a
sélectionné deux offres, celle d'Air France et celle de Marine Wendel, qui est
associée à Swissair. Tout laisse à penser aujourd'hui que c'est l'offre de
Marine Wendel qui a été jugée la plus intéressante.
L'offre d'Air France a été faite, si je puis dire, dans le cadre des décisions
relevant de la direction d'Air France. Vous le savez, mesdames, messieurs les
sénateurs, un projet de loi actuellement en cours de discussion porte sur
l'autonomie de gestion et sur les choix de la direction d'Air France, y compris
en ce qui concerne ses alliances.
Pour répondre rapidement aux questions que vous posez, monsieur le sénateur,
je vous indique que, lorsque le choix de British Airways sera arrêté, la
cession sera soumise à l'approbation des pouvoirs publics, notamment pour ce
qui concenre la licence d'exploitation de transport aérien d'Air Liberté.
Je serai particulièrement attentif à ce que ces opérations se déroulent dans
le respect des règles nationales et communautaires en vigueur, tant dans le
domaine du droit du travail que dans celui de la concurrence, puisqu'il
s'agirait en effet d'un rapprochement entre Air Liberté, AOM et Air
Littoral.
Pour conclure, je peux vous dire que la bonne santé d'Air France ne fait que
se confirmer : les résultats de l'exercice clos le 31 mars dernier affichent
une progression de 12 % du trafic, et l'alliance avec la compagnie américaine
Delta, qui ne fait que se développer, attire et attirera un nombre croissant de
partenaires.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Jean Chérioux.
Vive la privatisation !
INSTITUTION DE LA TAXE TOBIN
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie.
L'économiste américain James Tobin, prix Nobel, était certainement très loin
de se douter que la proposition qu'il avait faite en 1978 visant à imposer les
transaction monétaires à un taux de 0,1 % à 0,25 % aurait un tel
retentissement. Cette idée suscite des propositions sur lesquelles les
parlements débattent et se prononcent. Le 30 janvier, par 229 voix contre 223,
donc d'extrême justesse, une telle proposition a été repoussée par le parlement
européen. Partout dans le monde, notamment dans notre pays avec le mouvement
ATTAC, des mobilisations citoyennes se développent autour de cette proposition.
Je rappelle qu'au Sénat un comité a été constitué.
La taxe Tobin serait, à en croire les tenants du capitalisme, inefficace,
impossible à mettre en place, inéquitable.
Voyons les chiffres.
En 1998, le montant des transactions quotidiennes opérées sur les marchés des
changes a atteint 1 587 milliards de dollars ; 0,1 % de ces sommes représentent
228 milliards de dollars par an, somme de nature à faire reculer la faim dans
le monde et à scolariser les 140 millions d'enfants qui ne reçoivent aucune
éducation.
En France, une taxation de 0,15 % sur les achats et ventes de toute nature
effectués par une personne physique ou morale domiciliée ou établie hors de
France représenterait 189 milliards de francs. Serait-ce inefficace ? Serait-il
injuste d'en faire bénéficier la lutte contre l'exclusion, les créations
d'emplois, les minima sociaux, sans mettre à mal pour autant les profits
financiers ?
La mondialisation de l'économie appelle le va-et-vient des capitaux portés sur
la spéculation, les profits financiers là où ils sont le plus importants.
Chemin faisant, ne doivent-ils pas rendre une partie du trop-perçu ? N'est-ce
pas un principe de morale tout en restant, comme l'écrit un journaliste du
Monde diplomatique
, un grain de sable dans l'engrenage libéral ?
Voici ma question : puisque M. le Premier ministre s'est prononcé à plusieurs
reprises en faveur de la taxe Tobin, ne faut-il pas maintenant passer à l'acte
? Que comptez-vous faire en faveur de cette taxe sur les mouvements de capitaux
financiers dans les espaces français, européen et mondial ?
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat au budget.
Madame la sénatrice, vous nous interrogez
sur le mouvement de mondialisation en cours. Je voudrais d'emblée vous dire que
je ne fais pas partie des libéraux qui en font le nouveau slogan d'un marché
devenu roi
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants),
pas plus que je n'y vois la résurrection de la « contrainte
extérieure », dont on a beaucoup parlé au cours des vingt dernières années.
Essayons de regarder les choses telles qu'elles sont, sans excès et sans
illusions. Oui, la mondialisation a des effets positifs : politiquement, car,
ne l'oublions jamais, ouverture économique et émancipation politique vont
souvent de pair ; mais aussi économiquement, car la mobilité des hommes, des
capitaux et des biens a souvent favorisé l'amélioration des conditions de
vie.
Cependant, c'est vrai, ce mouvement s'est aussi accompagné d'un développement
préoccupant des inégalités, tant au sein des pays industrialisés qu'entre pays
riches et pays pauvres. De ce fait, les pays les moins avancés sont restés au
bord de la route et, souvent, les mafias et la corruption sont venues combler
le vide laissé par certains Etats.
Il faut donc maîtriser la mondialisation et contrecarrer les débordements d'un
libéralisme débridé.
C'est la raison pour laquelle, depuis 1997, ce gouvernement a multiplié les
initiatives : pour accroître la transparence des acteurs financiers, notamment
des fonds spéculatifs, pour lutter plus efficacement contre le blanchiment,
comme en témoigne le projet de loi actuellement en cours de discussion sur les
nouvelles régulations économiques, pour impliquer le secteur privé dans le
règlement des crises financières et, enfin, pour aider les pays à adopter des
régimes de change adaptés à leur situation.
Tout cela forme un ensemble cohérent que l'on peut résumer d'un mot clé : la
régulation. C'est là, en effet, le fondement de la réponse que nous apportons
aux problèmes qu'entraîne la mondialisation.
La régulation entre aujourd'hui dans les faits, y compris à l'échelon
international, et vous verrez que de nouvelles initiatives seront prises, à
partir du mois de juillet, pour réguler les centres financiers
off
shore.
M. Emmanuel Hamel.
Parlez français !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Bien sûr, le débat ne peut pas se réduire à la seule
taxe Tobin. Celle-ci constitue une réponse possible aux excès de la
spéculation, mais elle ne vaudrait, tout le monde le comprendra, que si elle
était appliquée par la totalité des pays du globe. Il suffirait d'une seule
exception pour faire échouer le système.
Or, aujourd'hui, il n'y a pas de consensus international pour la mise en place
de cette taxe. C'est sans doute la raison pour laquelle cette idée n'a pas
progressé.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur
celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
COMPENSATION PAR L'ÉTAT DES EXONÉRATIONS
D'IMPÔTS LOCAUX
M. le président.
La parole est à M. Monory.
M. René Monory.
C'est à vous, monsieur le Premier ministre, que je m'adresserai, si vous le
voulez bien.
Je n'ai pas l'habitude de prendre la parole au cours des séances des questions
d'actualité mais, aujourd'hui, je suis inquiet, et c'est pourquoi je souhaite
vous interroger.
A mes yeux, la meilleure loi qui a été votée au cours de la décennie 1980-1990
était la loi Deferre. J'ai d'ailleurs beaucoup participé à son élaboration.
Cette loi a permis aux responsables locaux, départementaux et même régionaux de
mieux s'impliquer dans la vie politique. Je remarque au passage que, dans les
problèmes que vous avez rencontrés récemment avec certains syndicats, c'est
malheureusement la décentralisation qui a suscité des réticences. Mais il faut
prendre garde à ne pas la remettre en cause.
C'est pourquoi, monsieur le Premier ministre, je vous demande quel peut être
l'avenir de nos communes et de nos départements si l'on continue à leur faire
payer les cadeaux que vous faites aux entreprises.
Bien sûr, je suis favorable à une baisse de la taxe professionnelle et des
autres taxes locales. Mais il faut que ce soit les caisses de l'Etat qui les
financent !
J'ai été maire d'une commune pendant quarante années. Il s'agit d'une ville
qui était peu industrialisée au départ. Pendant quarante ans, avec mon équipe,
j'ai tout fait pour y favoriser les implantations d'entreprises, à tel point
que la taxe professionnelle y réprésente aujourd'hui 10,5 millions de francs,
la population y passant dans le même temps de 5 000 à 8 000 habitants.
Cependant, compte tenu de l'indexation de la DGF que vous avez décidée, tout
cela risque d'être remis en cause.
Au cours des dernières années, dans ma commune, les bases de taxe
professionnelle ont augmenté de 43 %. En 2000, en s'appuyant sur le premier
cinquième, qui avait été la référence, l'évolution a été nulle ! Ce n'est pas
ainsi que nous pourrons favoriser le développement dans nos villes et nos
départements !
Réfléchissez-y bien, monsieur le Premier ministre : si vous continuez à faire
de tels cadeaux empoisonnés, nous aurons beaucoup de difficultés. Certains
contribuables en ont profité, mais les maires et les conseillers généraux sont
très inquiets. Je me fais un peu, en cet instant, leur porte-parole. Nous
n'arriverons pas à boucler nos budgets si nous continuons à payer la dette de
l'Etat.
Je ne dis pas du tout qu'il ne faut pas baisser les impôts des entreprises,
mais il faut prendre l'argent là où il se trouve, c'est-à-dire dans les caisses
de l'Etat. La DGF est indexée à 1 %. Au regard des mesures qui sont prises, ce
sont donc 9 % qui manquent aux budgets de nos collectivités territoriales.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et
Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
(Protestations sur les mêmes
travées.)
M. Jean-Pierre Raffarin.
Ce n'est pas correct !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat au budget.
Monsieur le sénateur, votre question
s'adressait initialement à M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie. M. le Premier ministre y aurait, je le crois,
volontiers répondu s'il avait su préalablement qu'elle s'adressait également à
lui.
Vous m'interrogez sur les modalités de compensation de la suppression de la
part salariale de la taxe professionnelle et, d'une manière générale, sur les
compensations que l'Etat peut être amené à apporter aux collectivités locales
lorsque certaines ressources fiscales sont supprimées.
Le Gouvernement a proposé la suppression - et le Parlement l'a votée, dans le
cadre du budget de 1999 - de la part salaires de la taxe professionnelle en
raison de son aspect destructeur en termes d'emploi. L'Etat compense cet
allégement en prenant pour base les établissements qui existaient au 1er
janvier 1999. Cette compensation est en effet indexée, au titre des années 2000
à 2003, sur la dotation globale de fonctionnement, ce qui représente pour
l'Etat un coût de 22,850 milliards de francs en 2000.
(Protestations sur les
travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du
RPR.)
En 2000, c'est vrai, la DGF devait évoluer faiblement : de 0,8 %. Cela tient
au fait que certains paramètres économiques d'évolution de la DGF, comme la
croissance, ont été sous-évalués, tandis que d'autres, comme l'inflation, ont
été surévalués.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a accepté, lors du débat
budgétaire, l'an dernier, de corriger cette indexation en ne tenant pas compte
de cette régularisation négative de DGF ; ainsi, l'indexation est de 2,05 % au
titre de l'année 2000.
Pour les années à venir, je peux rassurer les parlementaires sur ce que sera
l'évolution de la compensation de l'Etat. En effet, l'accélération de la
croissance, qui est aussi le résultat de la politique économique mise en oeuvre
par le Gouvernement, permettra, dès 2001, une évolution beaucoup plus forte de
la DGF et de l'ensemble des compensations qui y sont liées.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste, républicain et citoyen.)
M. Jean-Pierre Raffarin.
C'est une réponse technocratique à une question démocratique !
ACCÈS DES PERSONNES ATTEINTES DE MALADIE GRAVE
AUX CRÉDITS BANCAIRES ET AUX ASSURANCES
M. le président.
La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Ma question s'adresse à Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et
aux handicapés, et concerne les difficultés d'accès aux assurances des
personnes séropositives ou atteintes de maladies particulièrement graves :
cancer, diabète, maladies cardio-vasculaires.
Un comité, mis en place par M. le Premier ministre en juin dernier et présidé
par M. Belorgey, doit travailler sur ces questions et remettre très
prochainement son rapport.
Derrière la difficulté de l'accès aux assurances, l'enjeu est l'accès aux
prêts qui nécessitent une assurance : prêts immobiliers, mais aussi prêts à la
consommation.
Aujourd'hui, les progrès médicaux ouvrent des perspectives plus optimistes aux
malades et à leurs proches. Ces progrès vont également dans le sens d'une
diminution des risques pour les compagnies d'assurance.
Or permettre à ces personnes gravement malades de réaliser des projets, grâce
notamment à l'obtention de prêts et à l'accès aux assurances qui les
conditionnent, me paraît fondamental.
Les discriminations dont sont victimes ces malades sont connues. Elles ont été
soulignées, notamment, par les associations de soutien aux personnes porteuses
du VIH, dont le travail précieux doit bénéficier à d'autres malades.
Dans un souci de rentabilité financière, les compagnies d'assurance cherchent,
et parviennent, à contourner le secret médical, que ce soit au moment de
conclure la police d'assurance ou au moment d'indemniser. Refus et surprimes :
voilà à quoi se heurtent ces malades.
La convention de 1991 passée entre l'Etat et les compagnies d'assurance
proposait un code de bonne conduite sans caractère obligatoire. Elle n'a
pratiquement pas été appliquée.
Aujourd'hui, il importe d'adopter des solutions plus énergiques, qui
respectent les droits des malades.
Le rapport élaboré sous l'égide de M. Belorgey comportera des propositions
dont la presse s'est déjà faite l'écho. Vous vous en inspirerez peut-être,
madame la secrétaire d'Etat, pour préparer le projet de loi sur les droits des
malades.
Ma question porte sur le sens que prendra votre politique. Rendrez-vous plus
effectives les dispositions déjà existantes contre les discriminations, ou
chercherez-vous à refondre les dispositifs en matière d'accès aux assurances
?
Par ailleurs, ne serait-il pas possible d'élargir la gamme des emprunts pour
lesquels la souscription d'une assurance ne serait pas obligatoire ? Sans
méconnaître les intérêts partagés des banques et des compagnies d'assurance, il
convient de faire prévaloir ceux des malades.
(Applaudissements sur les
travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
Madame la sénatrice, le
problème que vous évoquez touche effectivement une grande partie de la
population, puisque 130 000 personnes sont actuellement porteuses du VIH, que
plusieurs centaines de milliers sont atteintes d'une maladie chronique et que
beaucoup plus encore vivent avec un handicap.
Or il importe que toutes ces personnes puissent accéder dans des conditions
satisfaisantes, explicites et respectées par tous à des prêts leur permettant
de réaliser leurs légitimes projets et d'éviter ainsi tout processus
d'exclusion.
Lutter contre toutes les formes d'exclusion est, vous le savez, un objectif
majeur des politiques sanitaires et sociales que nous menons. L'amélioration de
l'accès à l'assurance pour les personnes qui présentent des « risques aggravés
», pour reprendre l'expression habituelle, c'est-à-dire l'accès à l'assurance
des personnes atteintes de maladies graves ou chroniques, ou frappées par un
handicap, est une condition du renforcement des droits des malades et du
respect qui leur est dû.
Nous y travaillons, dans le cadre de la préparation de la loi sur la
modernisation du système de santé et les droits des malades.
Nous nous inspirerons en particulier des conclusions de la mission confiée à
Jean-Michel Belorgey.
Le comité qu'il préside a pour mission d'évaluer les besoins des personnes
concernées, de recenser et d'analyser les problèmes concrets qu'elles
rencontrent, d'en rechercher les causes et de préciser les moyens permettant
d'y remédier.
Le rapport final de ce comité doit nous être remis dans les jours qui viennent
; il contiendra des propositions pour que soit mieux respectée la
confidentialité des données médicales, que soient mieux informées les personnes
sur les possibilités d'assurance et de recours à des garanties alternatives,
que soient mis en place des mécanismes de médiation et de garantie.
Martine Aubry et moi-même attachons beaucoup d'importance à ce que ce comité,
qui regroupe des personnalités représentant les associations ayant fait
beaucoup progresser la connaissance de ces problèmes, remplisse pleinement la
mission qui lui a été confiée et réponde ainsi aux attentes de nos concitoyens
actuellement victimes de discriminations en raison de leur état de santé.
N'oublions pas que ces hommes et ces femmes, souvent jeunes, peuvent retrouver
l'espoir grâce aux progrès thérapeutiques. Il faut parallèlement que la société
leur garantisse les possibilités de jouir pleinement de leurs droits.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
MISE EN PLACE DES 35 HEURES À LA POSTE
M. le président.
La parole est à M. Fournier.
M. Bernard Fournier.
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
La mise en place de la réduction du temps de travail au sein de La Poste met
en relief les difficultés considérables que pose la loi de Mme Aubry que la
majorité a votée.
Dans le sud de la France, à Nice, ce n'est qu'après trente-huit jours de
conflit que les citoyens ont retrouvé le service public de la distribution du
courrier.
Aujourd'hui, c'est le paiement des jours de grève qui est le prétexte de
nouvelles menaces.
De tels blocages ne sont pas acceptables car ils mettent en péril des secteurs
entiers de l'économie. En outre, ils isolent des personnes à la situation
précaire, qui, elles, n'ont pas les moyens de se faire entendre.
Ici, ils sont l'expression de conservatisme - oserai-je dire de corporatisme ?
- là, ils vont à l'encontre de la modernisation de l'administration et de
l'amélioration du service rendu aux usagers. La cause de ces attitudes
radicales réside dans un texte mal rédigé, centralisateur et ne tenant pas
compte des réalités différentes de chacune des branches concernées.
En fait, les administrations, les entreprises, les services de l'Etat ne sont
pas à même d'appliquer la législation que vous avez imposée au secteur privé.
Il y a comme une irresponsabilité commune qui organise la mise en danger de la
compétitivité de La Poste.
Après la reprise du travail à Nice, chaque jour nous apporte de nouveaux
mouvements sociaux. N'est-il pas effarant de constater que, à La Poste, ce sont
plus de mille grèves qui ont été déclenchées depuis le 1er janvier 2000 ?
Doit-on enregistrer avec résignation le fait qu'en 1999 plus 100 000 journées
de travail ont été perdues, soit 150 % de plus qu'en 1998 ?
En France, on fait grève d'abord, on discute ensuite ! En France, sous votre
gouvernement, on légifère d'abord, on tente d'éponger les dégâts ensuite !
M. le président.
Veuillez poser votre question, mon cher collègue.
M. Bernard Fournier.
Les citoyens et les entrepreneurs en ont assez d'être tantôt les
sapeurs-pompiers, tantôt les victimes du manque de prévision, du manque de
concertation.
Je rappellerai que l'opposition n'a jamais eu une attitude de blocage de
principe sur la question de la réduction du temps de travail.
M. Bernard Piras.
La question !
M. Bernard Fournier.
Mais l'exemple de La Poste nous donne aujourd'hui, malheureusement, raison.
M. René-Pierre Signé.
C'est trop long !
M. Bernard Fournier.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous vous le demandons solennellement : quelles
sont les mesures que vous entendez prendre pour prévenir les conflits dans le
service public de la distribution du courrier ? Allez-vous, d'ailleurs, prendre
des mesures, ou bien le citoyen devra-t-il se résigner à ne recevoir son
courrier que cinq semaines après qu'il lui aura été envoyé ?
(Vifs
applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie.
Monsieur le sénateur, il y a en France
306 000 postiers. Un accord a été signé en février 1999 pour
l'aménagement-réduction du temps de travail. La méthode adoptée dans cet accord
pour la promotion de cette mesure est le dialogue avec chaque postier, dans
chaque établissement, avec chaque organisation syndicale.
Il peut arriver en effet que cette méthode, dont le principe fondamental est
la concertation, fasse apparaître des différences d'appréciation entre La Poste
et les représentants du personnel et conduise à un certain nombre de conflits,
dont il ne faut cependant exagérer ni le nombre ni la portée.
Nous devons tirer les leçons du conflit de Nice, et j'ai engagé La Poste -
elle l'avait d'ailleurs déjà promu avant que je signale l'urgence de cette
méthode - à rechercher, dans la concertation qu'elle met en oeuvre, des
méthodes de prévention des conflits permettant de consolider les pratiques de
négociation et de définir un parcours commun entre les salariés et la
direction.
Il convient, monsieur le sénateur, que quinze mois après la signature de
l'accord national, La Poste puisse, avec l'ensemble de ses salariés, aller
désormais plus vite - toujours par une concertation intense et par des
discussions avec chaque postier, dans chaque établissement, vers la
généralisation de l'effectivité des 35 heures à La Poste, et ce en tenant
compte, par la négociation, de certaines contraintes particulières lorsqu'elle
existent localement, contraintes qui sont inhérentes au service public
postal.
Au demeurant, cette démarche est un succès puisque, aujourd'hui, 80 000
postiers sont effectivement aux 35 heures, et même 100 000 si l'on compte ceux
qui l'étaient déjà auparavant.
Il est normal de se poser la question de l'accélération de ce processus. La
Poste en est bien consciente et elle met en oeuvre, par le dialogue, cette
démarche fondamentale d'aménagement-réduction du temps de travail.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
DOCUMENT REMIS AUX JEUNES LORS DE LA JOURNÉE D'APPEL DE PRÉPARATION À LA
DÉFENSE
M. le président.
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Monsieur le ministre de la défense, j'ai en main le premier numéro d'un
bulletin d'information trimestriel,
Droits des jeunes,
dont je voudrais
vous lire quelques extraits.
La deuxième page de ce bulletin d'information titre : « Le boum du PACS »,
avec une citation dont je ne peux vous épargner la lecture : « C'est un premier
pas vers les homosexuels. Et il faudrait supprimer le mariage afin que tous les
couples soient égaux. »
D'autres rubriques concernent le droit au logement et apprennent au jeune qui
ne paie pas son loyer les différents termes d'une procédure dont il doit
pouvoir tirer profit.
Enfin, une autre rubrique a trait aux modalités de présentation des documents
d'identité et informe également les jeunes des conditions dans lesquelles ils
peuvent y échapper !
Bien sûr, la liberté de la presse est un principe sacré auquel aucun d'entre
nous ne voudrait porter atteinte. Ce qui est grave, monsieur le ministre de la
défense, c'est que ce document a été mis en distribution à l'occasion des
journées d'appel de préparation à la défense
(Exclamations sur les travées
de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants),
auxquelles sont convoqués désormais toutes les jeunes Françaises et tous les
jeunes Français de dix-huit ans.
Mes questions, monsieur le ministre de la défense, sont les suivantes :
étiez-vous au courant de la mise à la disposition des jeunes de ce document ?
Avez-vous donné votre accord ? Avez-vous donné l'ordre que ce document soit
diffusé ? Dans l'affirmative, vous avez pris une responsabilité très lourde qui
risque de mettre en cause la confiance que les militaires vous avaient accordée
jusqu'à présent. Dans le cas contraire, cela traduirait un dysfonctionnement
grave au sein du Gouvernement.
Etes-vous d'accord pour entériner le fait accompli ? Envisagez-vous, par
là-même, de laisser poursuivre la diffusion de ce document aux jeunes qui
participent aux journées d'appel de préparation à la défense ?
(Bravo ! et
applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains
et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Monsieur le président, je suis reconnaissant à M.
Huriet d'avoir posé cette question qui va me permettre d'expliquer, document en
main, comment on monte de toutes pièces une controverse sans fondement.
M. Alain Lambert.
On va voir !
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
C'est une leçon de choses politiques !
Je lis le passage du texte qui correspond aux questions locatives : « Si vous
n'avez pas payé votre loyer, le bailleur peut demander votre expulsion du
logement. Il adresse alors, par l'intermédiaire d'un huissier de justice, un
commandement de payer qui indique qu'il sera mis fin au bail si le paiement
n'intervient pas dans un délai de deux mois. A ce stade, le locataire peut
saisir le tribunal d'instance pour demander des délais de paiement. »
Je lis ensuite l'extrait relatif aux documents d'identité : « Toute personne
circulant sur le territoire français doit pouvoir justifier de son identité.
(...) Seuls les officiers de police judiciaire, ainsi que des policiers ou des
gendarmes placés sous leur responsabilité directe, ont le droit de procéder à
un contrôle d'identité. Ce n'est pas le cas, par exemple, des agents de police
municipale. »
L'ensemble des éléments du document qui a été mis en cause dans une
controverse récente, que M. Huriet a préféré ne pas citer, sont exactement du
même ton et de la même nature, c'est-à-dire qu'ils ne sont que la copie exacte
ou le commentaire extrêmement précis de textes de loi qui font la légalité
républicaine.
Ce document est, en effet, mis à la disposition des jeunes, lors des journées
d'appel de préparation à la défense, par accord entre le ministère de la
jeunesse et des sports et le ministère de la défense. Tous ceux qui, parmi les
élus ici présents, ont pu vérifier comment se déroulait la journée d'appel de
préparation à la défense le savent, le ministère de la jeunesse et des sports
contribue à informer les jeunes sur leurs obligations en matière de défense. Il
est donc parfaitement légitime que les deux ministères coopèrent à la fois pour
informer les jeunes des droits qu'ils tiennent de la République et de leurs
obligations
(Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Alain Lambert.
Donc, vous avez donné votre accord !
M. Jean-Patrick Courtois.
Vous étiez d'accord, oui ou non ?
M. Alain Richard,
ministre de la défense.
Je précise que la prochaine livraison de cette
publication, toujours en accord entre nos deux ministères, présentera en détail
(Ah ! sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR)
les
obligations des jeunes ainsi que la marche à suivre pour le recensement
militaire et l'accomplissement de la journée d'appel de préparation à la
défense.
Je serais surpris qu'il y ait ici quelqu'un pour penser que le fonctionnement
normal de la République, notamment l'accès à la citoyenneté, ne soit pas un
alliage réussi de droits et d'obligations !
(Applaudissements sur les
travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen. - Exlamations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Jean-Paul Hugot.
Vous vous êtes défaussé !
GRÈVE DES INTERNES DES HÔPITAUX
M. le président.
La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc.
Pour ma part, j'évoquerai les problèmes des internes des centres hospitaliers
qui, je le pense, voudraient terminer une grève engagée depuis le 17 avril
dernier.
Ces internes, véritables chevilles ouvrières des différents services
hospitaliers dans lesquels ils exercent, ont vraiment le sentiment d'être les
laissés-pour-compte des hôpitaux.
En effet, totalement oubliés en mars dernier, lors de l'annonce des mesures
prises en faveur de l'hôpital, ils aspirent aujourd'hui à ce que leurs
revendications soient entendues.
Madame la secrétaire d'Etat, vous êtes, à l'heure actuelle, en pourparlers
avec les représentants des différents syndicats d'internes. Je voudrais
néanmoins insister encore sur la légitimité de la plupart de leurs
revendications.
Ces internes, nous le savons tous, sont de véritables professionnels qui ne
veulent plus être assimilés à d'éternels étudiants. Ils sont tous au moins du
niveau bac + 6 ou bac + 7. Ils assument d'authentiques responsabilités
médicales et professionnelles et sont d'une importance essentielle dans
l'accueil et la prise en charge des patients et de leurs familles.
C'est pourquoi il est temps de prendre en considération à leur juste valeur
leur compétence, le travail de qualité qu'ils effectuent et les responsabilités
qu'ils assument.
Il convient pour cela de donner aux hôpitaux les moyens de financer justement
le travail réel des internes, une rémunération adaptée à leurs horaires de
travail et à leurs tâches effectives au sein de l'hôpital, ainsi que des postes
supplémentaires, y compris de chef de clinique assistant, pour répartir la
charge de travail au sein des services et pour assurer l'encadrement.
Au moment où vous prônez les 35 heures hebdomadaires pour l'ensemble des
salariés, comment pouvez-vous ignorer que les internes effectuent des horaires
de 60 à 70 heures par semaine, et je n'exagère pas ? De plus, certains internes
travaillent souvent plus de 30 heures d'affilée et sont soumis à plus de cinq
gardes mensuelles, sans parler des week-ends. C'est proprement insensé, et cela
pose un problème de fond, celui de la sécurité des patients.
C'est pourquoi, madame la secrétaire d'Etat, vous ne pouvez leur refuser le
repos de sécurité après les gardes de nuit selon des modalités compatibles avec
le fonctionnement actuel des services.
L'inscrire dans les statuts, c'est bien ! Mais qui va faire le travail le
lendemain des gardes ?
Il est plus que temps de satisfaire cette demande avant la survenue
d'accidents aux conséquences dramatiques.
J'ai évoqué le repos de sécurité, mais il convient également d'opérer une
revalorisation décente et en rapport avec le travail et la responsabilité des
internes afin de contribuer à garantir une meilleure sécurité aux patients.
Madame la secrétaire d'Etat, puisque vous concluez les discussions avec les
internes, êtes-vous décidée à prendre en compte les revendications légitimes de
cette catégorie méprisée du personnel soignant des hôpitaux en décidant des
mesures réalistes et réellement applicables ? (
Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.
)
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
Monsieur le sénateur, les
internes et les résidents, comme vous l'avez rappelé, sont des médecins en
formation qui jouent un rôle très important au sein de l'hôpital. Nous
reconnaissons le rôle qu'ils jouent dans le système sanitaire.
Je vous rappelle que, depuis 1997, leur situation a été améliorée ; leur
statut a été entièrement rénové ; deux demi-journées hebdomadaires sont
réservées à leur formation universitaire ; la rémunération des gardes a été
revalorisée en 1999, en moyenne de 20 %.
Nous le savons, les internes et les résidents assument des responsabilités
importantes dans la prise en charge des patients.
Ils réclament de meilleures conditions de travail et il est essentiel que nous
portions collectivement attention à leur demande. Et quand je dis «
collectivement », je veux dire nous, pouvoirs publics et responsables
hospitaliers. Les chefs de service, en particulier, doivent être attentifs à ce
que disent et vivent les internes au jour le jour dans les services.
Les situations sont très différentes d'une région à l'autre, d'un
établissement à l'autre et d'un service à l'autre. Il y a des abus par
endroits, notamment sur les gardes et contre-visites le dimanche matin.
Il a été convenu qu'en cas de nécessité reconnue ce travail au-delà du temps
habituel devra être rémunéré.
Le Gouvernement est très attentif à la situation des internes et des
résidents, vous l'avez bien compris. Il a étudié avec eux, ces derniers jours,
les questions qui se posent aujourd'hui, car les problèmes soulevés sont bien
réels. Nous avons d'ailleurs discuté longuement ; un projet de protocole
élaboré hier est actuellement soumis à la concertation.
Dans ce protocole d'accord, nous avons proposé aux internes de mettre sur pied
une mission nationale de contrôle chargée de veiller à l'application de leur
statut.
Nous avons également décidé d'accorder aux internes et aux résidents le
bénéfice du repos de sécurité tel qu'ils le demandaient. C'est là une avancée
importante, et une revendication majeure des internes se trouvera ainsi
satisfaite.
Des créations de postes seront vraisemblablement nécessaires, nous en
discuterons. Nous avons déjà créé 600 postes d'assistant en trois ans, pour
1999, 2000 et 2001, ainsi que 85 postes de chef de clinique supplémentaires.
Nous avons également proposé une revalorisation de la rémunération des
internes, d'un peu plus de 5 % en moyenne, soit une augmentation forfaitaire
annuelle de leur salaire de 6 400 francs.
Enfin, j'indique pour conclure que la réforme du troisième cycle, à laquelle
les internes et les résidents sont attachés, tout comme le Gouvernement, est
inscrite dans le projet de loi de modernisation sociale. Les dispositions de la
réforme continuent de faire l'objet d'une concertation avec les internes et les
résidents. Elles conduiront notamment à faire de la médecine générale une
spécialité à part entière.
Comme vous le voyez, monsieur le sénateur, la concertation avec les internes
nous a permis de progresser sur l'ensemble des questions qu'ils se posent.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
MENACE DE DISPARITION
DE LA GYNÉCOLOGIE MÉDICALE
M. le président.
La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer.
Madame le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, les femmes sont
inquiètes. La spécialité de gynécologie médicale est en voie de disparition.
Elles ont été des milliers à manifester très récemment pour demander la
restauration d'une spécialité qui a permis de réduire de près de 75 % en vingt
ans le nombre des cancers du col de l'utérus.
La création d'un diplôme d'études spéciales n'a pas apaisé les inquiétudes.
Dans cette nouvelle formation, la gynécologie médicale devient une simple
option dans un cursus essentiellement consacré à la gynécologie obstétricale et
chirurgicale. La pérennité de la gynécologie médicale n'est donc nullement
assurée.
En outre, obliger ceux qui se destinent à la gynécologie médicale à faire
trois ans de gardes très astreignantes d'obstétrique et de chirurgie, alors
qu'ils n'exerceront pas ces spécialités plus tard, les dissuadera de prendre
cette voie. La pression des chefs de service d'obstétrique fera le reste.
Par ailleurs, le succès de la gynécologie médicale dans notre pays et les
remarquables résultats sanitaires obtenus grâce à elle tiennent à la
possibilité d'avoir accès directement à un spécialiste, et à un spécialiste
femme, pour évoquer tout ce qui relève de l'intimité la plus personnelle.
Or la mise en place du médecin référent et la formation de trois mois en
gynécologie qui sera bientôt dispensée à tous les médecins généralistes
inciteront ces derniers à procéder eux-mêmes au suivi gynécologique de leurs
patientes.
Des baisses de remboursement viendraient d'ailleurs sanctionner les femmes qui
consulteraient directement leur gynécologue. Vos dénégations, madame le
secrétaire d'Etat, faites à l'Assemblée nationale le 28 mars dernier, n'ont pas
rassuré sur ce point.
Ma question est donc double.
Premièrement, afin de préserver les progrès de santé publique obtenus grâce à
cette spécialité, n'est-il pas nécessaire de rétablir une filière à part
entière, et non pas seulement optionnelle, de gynécologie médicale ?
Deuxièmement, les femmes pourront-elles continuer à avoir un accès direct à
leur gynécologue médical sans être pénalisées pour le paiement de la
consultation ?
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
Monsieur le sénateur,
vous me donnez l'occasion de réaffirmer une fois encore, mais je le fais avec
beaucoup de plaisir, que je suis moi-même très attachée à l'avenir et au
renforcement de la gynécologie médicale dans le paysage sanitaire français.
Les femmes ont en effet montré leur attachement à cette spécialité et, depuis
plusieurs mois, je me suis efforcée, en concertation avec l'ensemble des
professionnels et avec l'éducation nationale, de trouver des solutions qui
permettront non seulement de préserver la gynécologie médicale, mais de lui
garantir sa vraie place dans l'hôpital universitaire, en assurant la formation
par l'internat, par le biais de cette formation répartie entre un tronc commun
« gynécologie médicale, obstétrique et chirurgicale » et une option «
gynécologie médicale » de deux ans et demi, qui permettra aux futurs diplômés
d'accéder au poste de chef de clinique et d'entrer dans la filière
hospitalo-universitaire.
Par ailleurs, le libre choix du gynécologue ou d'un spécialiste par les femmes
n'a jamais été menacé par la mise en oeuvre de la filière contractuelle avec le
médecin référent. Il s'agit d'une procédure optionnelle, une possibilité qui
est offerte par la Caisse nationale de l'assurance maladie, mais qui n'interdit
absolument pas à toute femme d'avoir accès au gynécologue de son choix. La
seule contrainte c'est que, si elle bénéficie d'un contrat avec un médecin
référent, elle paiera directement sa consultation et se fera ensuite rembourser
par la sécurité sociale.
Les dispositions que j'ai introduites, avec l'accord de l'ensemble des
professionnels, sont à l'étude pour une mise en oeuvre dès la rentrée
prochaine, par le biais d'un comité de pilotage dans lequel sont représentés
l'ensemble de la profession et l'association qui a mobilisé les femmes
manifestant leur intérêt pour la gynécologie médicale. Ce comité se réunit très
régulièrement. Les travaux avancent. Le compte rendu de ceux-ci m'est
communiqué très régulièrement. Ce nouvel enseignement, qui nous permettra de
former deux cents internes à partir de 2002, alors que, aujourd'hui, nous n'en
formons que quatre-vingts, sera ouvert dès la rentrée prochaine.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
Mme Hélène Luc.
On avance !
M. le président.
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
La commission des affaires économiques m'a fait savoir qu'elle devait se
réunir pour examiner les amendements qui ont été déposés sur le projet de loi
relatif à la solidarité et au renouvellement urbains.
En conséquence, nous allons interrompre nos travaux pendant une trentaine de
minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures
trente-cinq, sous la présidence de M. Paul Girod.)
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
SOLIDARITÉ ET RENOUVELLEMENT URBAINS
Suite de la discussion
d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi (n° 279, 1999-2000), adopté par
l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la solidarité et
au renouvellement urbains. [Rapport n° 304 (1999-2000) et avis n°s 307 et 306
(1999-2000).]
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat au logement.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, permettez-moi, après MM. Gayssot et Bartolone, d'adresser tout
d'abord des remerciements aux trois rapporteurs, qui ont accompli un très gros
travail.
M. Charles Revet.
C'est vrai, et en peu de temps !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Je tiens à le souligner, et ce même si nous ne sommes
pas forcément d'accord sur toutes leurs conclusions.
Je remercie aussi, bien sûr, tous les sénateurs qui ont contribué, par leurs
interventions, soit à défendre ce texte, soit à faire preuve d'une certaine
ouverture à la démarche suivie et d'un esprit positif auquel j'ai été très
sensible.
M. Pierre Mauroy, dans une intervention très forte qui m'a fait chaud au
coeur, a approuvé avec force, me semble-t-il, les orientations de ce texte,
tout en soulignant - et il était, je crois, très autorisé à le faire - que les
principes de décentralisation ne pouvaient exonérer quiconque du respect de la
loi. C'est bien cela qui est au coeur de notre débat.
Vous avez été nombreux à regretter que le Gouvernement ait déclaré l'urgence
sur ce texte. Je ne reprendrai pas la réponse apportée sur ce point par
Jean-Claude Gayssot. Mais j'avoue ne pas très bien saisir - peut-être ne
suis-je pas assez habitué aux débats au sein de votre assemblée - pourquoi
l'urgence déclarée empêcherait un bon travail parlementaire. En effet, lorsque
l'urgence n'est pas déclarée et en cas d'absence d'accord en commission mixte
paritaire, trois lectures ont lieu devant chaque assemblée, puis une septième,
décisive, se déroule à l'Assemblée nationale. Si l'urgence est déclarée, et, en
l'absence d'accord en commission mixte paritaire, deux lectures ont lieu devant
chaque assemblée, l'Assemblée nationale statuant définitivement à l'occasion
d'une cinquième lecture. Pour quelles raisons escamoterions-nous la seconde
lecture devant la Haute Assemblée ? J'ai le sentiment que nous pouvons très
bien nous donner rendez-vous pour une seconde lecture à laquelle nous
consacrerons tout le temps nécessaire, de façon à ne pas avoir à regretter la
procédure choisie.
Un intervenant s'est appuyé sur le nombre des amendements déposés pour
considérer que le texte posait plus de problèmes qu'il n'en résolvait. J'ai,
pour ma part, une explication quelque peu différente : j'ai, en effet, plutôt
le sentiment que les nombreux sujets traités par ce texte ont suscité une
imagination et des contributions nombreuses, ce qui, me semble-t-il, n'est pas
négatif.
Nombre d'orateurs ont évoqué l'atteinte qui pourrait être portée à la libre
administration des collectivités territoriales, avec ce qu'ils ont appelé « le
retour de l'Etat ». Sur ce point, je me limiterai à donner quelques éléments
concernant l'urbanisme, partie par laquelle nous allons ouvrir la discussion
des articles dans quelques instants.
Le projet de loi, dans ses dispositions sur l'urbanisme, n'obéit en rien à une
logique de recentralisation. Au contraire, l'ensemble des mesures qu'il
contient vise à permettre aux élus locaux de mieux prendre leurs
responsabilités, dans l'organisation de l'espace et des territoires - c'est en
particulier le cas des schémas de cohérence territoriale - dans l'organisation
de la mixité de l'habitat au niveau de l'agglomération, puisque les programmes
locaux de l'habitat vont être en quelque sorte renforcés par cette mise en
cohérence avec les schémas, autrefois nommés « schémas directeurs », et, bien
sûr, en matière de déplacements.
Le projet de loi renforce même le pouvoir des élus dans plusieurs domaines ;
celui de la réforme de la carte communale en est un parmi d'autres.
Comme vous le savez, les maires dont les communes se sont dotées d'une carte
communale pourront désormais, si celle-ci est allée au bout de sa procédure,
délivrer les permis de construire au même titre que les maires des communes
plus importantes dotées d'un plan d'occupation des sols.
Il a été dit que la place réservée au préfet dans les documents d'urbanisme
pourrait être attentatoire à la liberté communale.
Je veux appeler votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le
fait que les prérogatives des préfets n'ont pas varié depuis les lois de
décentralisation et qu'elles ne sont en aucun cas renforcées dans ce texte.
Simplement, un certain nombre de textes faisaient référence au représentant de
l'Etat et non pas au préfet. Si la dénomination était différente, il s'agissait
cependant bien de la même personne. Par conséquent, les prérogatives
antérieures des préfets sont purement et simplement reprises dans ce texte.
S'agissant par exemple de la délimitation du périmètre du schéma de cohérence
territoriale, le dispositif est le même que pour la définition du périmètre du
schéma directeur. Je ne vois donc rien de critiquable sur ce point et je
souhaitais, bien sûr, le souligner.
L'un d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, a évoqué le problème
posé par les études que ce texte pourrait susciter et par l'éventuelle mise à
disposition par l'Etat, à la demande des communes, des chargés d'études des
DDE.
En ce qui concerne précisément les DDE, je ne méconnais pas les difficultés
auxquelles elles peuvent se heurter. Vous savez que, pendant quinze ans, elles
ont subi une réduction constante de leurs moyens, au nom de cette politique de
stabilisation, voire de réduction des effectifs de la fonction publique
réclamée par beaucoup. Je veux témoigner ici des efforts déployés par M.
Gayssot pour inverser cette tendance, mais je vous concède que le rattrapage,
que l'on pourrait juger souhaitable, n'a pas encore eu lieu.
Cependant, s'ils regrettent que les DDE disposent de moyens insuffisants, les
intervenants ont tenu, et je les rejoins tout à fait sur ce point, à saluer la
disponibilité, la compétence et la conscience professionnelle avec lesquelles
leurs agents remplissent leur mission dans le domaine du droit des sols,
notamment, bien sûr, dans toutes les communes où ils sont mis à disposition
pour permettre à celles-ci d'exercer leurs compétences.
En ce qui concerne les conséquences qu'entraînera l'entrée en vigueur du
texte, il est vrai que l'élaboration des schémas de cohérence territoriale
devrait se traduire par une augmentation du nombre des études commandées par
les collectivités locales. A cet égard, le mécanisme prévoyant l'intervention
de la dotation générale de décentralisation pour financer ces études sera bien
évidemment maintenu. Je crois que, dans quelques années, nous ne regretterons
nullement d'avoir relancé ces études, car chacun sait combien les
professionnels déplorent l'insuffisance de la réflexion en matière d'urbanisme.
Il s'agit là d'une réalité largement constatée sur le terrain.
Par ailleurs, il a été affirmé que le Gouvernement confondrait politique du
logement et promotion du logement locatif social. Il m'est impossible
d'accepter cette assertion, car je crois qu'elle ne correspond pas du tout à la
vérité.
En effet, le Gouvernement, je pense que vous pourrez en convenir, a pris des
engagements s'agissant du soutien à l'accession à la propriété. Ainsi, le
financement par l'Etat des prêts à taux zéro fait maintenant l'objet d'une
ligne budgétaire pérenne, alors qu'auparavant ceux-ci étaient financés par le
biais d'un prélèvement sur la collecte du 1 %, et ce pour une durée prévue de
seulement deux ans. Ce Gouvernement a donc levé l'hypothèque qui pesait sur
l'avenir du dispositif en reprenant la charge budgétaire de son financement, ce
que vous avez approuvé, mesdames, messieurs les sénateurs, en votant les
dispositions correspondantes de la loi de finances. Je ne crois donc pas que
l'on puisse nous prêter quelque intention que ce soit de limiter l'accession à
la propriété.
J'ajoute que le prêt à taux zéro, comme le prêt à l'accession sociale, le PAS,
n'avait pas jusqu'alors été sécurisé, ce qui a été fait au travers de la
modernisation du 1 %. Aujourd'hui, ce produit est donc entouré de garanties de
base permettant à ses bénéficiaires de faire face aux aléas de la vie, tout
particulièrement aux risques de perte d'emploi.
Dois-je aussi rappeler que ce Gouvernement, qui avait mis en place des
incitations fiscales conjoncturelles en faveur de l'investissement locatif, les
a remplacées, et ce non pas même par anticipation, puisqu'il les a prorogées
auparavant de huit mois, par un dispositif fiscal ambitieux, conforté, renforcé
mais aussi moralisé visant à favoriser l'investissement locatif privé ? C'est
bien ainsi, me semble-t-il, que les professionnels le perçoivent.
L'article 60 du projet de loi, auquel j'avais fait allusion dans mon
intervention d'hier, manifeste clairement cette approche globale de la
politique du logement, puisque, comme vous avez pu le constater, il témoigne de
la diversité des outils de la politique du logement. Chacun voit bien que la
mise à disposition de cette pluralité d'outils marque une volonté de marier, de
manière tout à fait complémentaire, les différents produits. Tel est bien l'axe
de la politique du logement du Gouvernement.
L'accession à la propriété et la promotion du logement locatif sont
complémentaires ; le secteur locatif privé et le secteur locatif social public
sont complémentaires ; le neuf et l'ancien sont complémentaires : c'est bien la
raison pour laquelle, me semble-t-il, nous sommes fondés à souhaiter que
l'ensemble des composantes de cette politique globale du logement, à laquelle
nous sommes tous attachés, trouvent leur place dans toutes nos communes, de
manière à répondre à la diversité des aspirations et des besoins de nos
concitoyens en tenant compte des évolutions qui interviennent au cours de la
vie.
C'est bien entendu cette diversité des produits qui permettra ce que MM.
Delevoye et Lassourd, si j'ai bonne mémoire, ont appelé « le parcours
résidentiel personnel de nos concitoyens ». Sur ce point, nous sommes
parfaitement d'accord. Fallait-il pour autant considérer que l'ensemble du
dispositif du logement aidé devait s'imposer à chaque commune ? Cela aurait
posé un problème extrêmement complexe car, pour une moyenne, établie sur bien
des années, de 300 000 logements mis annuellement en chantier dans notre pays,
de 210 000 à 220 000 de ceux-ci font l'objet d'une aide publique.
Mme Hélène Luc.
Oui !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Sur ce total, on compte 115 000 prêts à taux zéro,
dont la bonification est assurée par les finances publiques, de 45 000 à 50 000
logements locatifs privés pour lesquels entrent en jeu les avantages fiscaux
dont bénéficient les investisseurs privés et une cinquantaine de milliers de
logements locatifs publics faisant l'objet du « financement HLM », que vous
connaissez bien.
Par conséquent, si nous nous étions hasardés à nous engager dans une voie qui
aurait consisté à rendre obligatoire la mise en oeuvre de l'ensemble du
dispositif relatif au logement aidé, je pense que vous auriez été unanimes pour
estimer que, dans ces conditions, les communes n'auraient plus eu aucune marge
de liberté et d'action.
Nous avons donc fait le choix, peut-être critiquable mais défendable, me
semble-t-il, d'essayer d'identifier quelle était, dans le secteur du logement,
la part de l'offre faisant problème en raison de l'opposition des communes ou
parce qu'il existe, en certains points du territoire, de trop lourdes
difficultés sociales, à l'origine de la mise en échec de l'action des
travailleurs sociaux.
C'est cette définition du logement posant problème, qui n'est pas partout bien
accepté, que nous avons essayé d'élaborer. Elle est sans doute imparfaite, mais
il faut bien voir que nous ne souhaitions pas créer de contrainte s'agissant de
quelque segment que ce soit de l'offre de logements ne se heurtant à aucune
opposition de la part du voisinage ou de la collectivité locale. C'est la
raison pour laquelle nous n'avons pas évoqué l'accession à la propriété, qui
est appréciée partout, ni l'investissement locatif, qui est partout encouragé
et accompagné, ni même le logement intermédiaire, qui concerne des populations
spontanément bien accueillies.
Cela étant, ce n'est pas que nous souhaitions reprendre à notre compte
l'association faite par certains entre logement social et familles posant des
problèmes. Quand je me rends dans des ensembles de logements où des tensions se
manifestent, les responsables des organismes d'HLM, qui connaissent bien la
population, m'affirment à chaque fois que les cas difficiles ne représentent
que de 2 % à 3 % des occupants du parc. En d'autres termes, plus de 95 % des
habitants ne posent pas de problèmes.
Pour autant, cela ne signifie pas que la forme d'habitat qu'on leur a proposé
soit satisfaisante pour les décennies à venir. Même si nous n'avons guère de
responsabilités politiques dans les mesures de financement de la politique du
logement prises dans les années soixante ou soixante-dix, nous devons
reconnaître qu'il fallait apporter une réponse à des besoins. Cette réponse a
été ce qu'elle a été, on peut la critiquer après coup, mais nombre de nos
concitoyens ont passé l'essentiel de leur vie dans des logements réalisés à
cette époque. Des propos très forts ont d'ailleurs été tenus sur ce point. Je
ne veux pas y insister, mais, par respect pour ces populations, pour ces
occupants de ces grands ensembles, nous ne devons pas procéder à une
assimilation abusive.
Ce projet de loi a donc bien pour objet de faire en sorte que les logements
locatifs sociaux soient mieux accueillis sur l'ensemble du territoire, afin
d'éviter que notre société ne s'engage dans une spirale de ségrégation de plus
en plus renforcée, qui serait bien entendu source de tensions et d'échecs dans
l'avenir. Je pense que nous sommes en tout cas nombreux ici à partager, au-delà
des clivages partisans, des valeurs qui sont le fondement de la République.
Pourquoi avoir retenu le seuil de 20 % ? Je n'ai pas sorti ce pourcentage d'un
chapeau : une analyse de la répartition actuelle des logements locatifs sociaux
dans nos agglomérations montre que le taux moyen de ceux-ci est de 23 %.
L'Assemblée nationale a ajouté à l'offre locative sociale HLM les logements
conventionnés de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH,
certaines structures d'accueil comme les foyers, ainsi que les places en
centres d'hébergement et de réadaptation sociale, les CHRS, qui seront
désormais assimilées à une forme de logement social, et le logement minier. Si
nous nous étions fondés sur un parc de logements sociaux ainsi défini, la
moyenne du taux de logements locatifs sociaux par agglomération serait
probablement de l'ordre de 25 %. Or nous fixons pour objectif que toutes les
communes atteignent le seuil de 20 % d'ici à vingt ans, pourcentage qui est
donc en retrait par rapport à la situation actuelle.
Il s'agit non pas, par conséquent, d'une volonté de renforcer l'offre HLM là
où cela ne serait pas nécessaire, mais simplement de se donner le moyen
d'assurer une répartition équilibrée sur le territoire du parc locatif
social.
Sur ce point, la Haute Assemblée, grâce au travail de fond de ses commissions,
a cherché à étudier comment cet équilibre pourrait être trouvé. Mais c'est là
un point de divergence entre nous, parce que vos commissions ont estimé que
l'équilibre devait être apprécié à l'échelle de l'agglomération. Or la réalité
quotidienne nous montre, me semble-t-il, que le logement locatif social est
bien intégré quand la composition de chaque quartier est équilibrée. Par
conséquent, c'est plutôt à l'échelon infracommunal, celui du quartier, qu'à
l'échelon supracommunal que les problèmes devront être envisagés en vue
d'assurer le mélange des populations.
Une autre critique, émise parfois avec force, est que les dispositions du
projet conduiraient à un retour des tours et des barres. Telle n'est vraiment
pas la politique que nous favorisons depuis un certain nombre d'années. Bien au
contraire, nous pouvons prendre l'engagement que nous continuerons à améliorer
les conditions de financement du logement locatif social pour permettre aux
opérateurs de conduire des opérations de meilleure qualité, bien insérées,
généralement de petite dimension.
A celui qui s'inquiétait de la tentation que nous aurions de privilégier les
immeubles collectifs, je dirai que, bien évidemment, nous nous réjouissons
chaque fois que des organismes d'HLM réalisent du logement locatif
individuel.
C'est une formule qui existe, qui se développe et qui permet de répondre à la
diversité des attentes.
M. Charles Revet.
La demande est très importante !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Le constat qui peut nous être commun, me semble-t-il,
c'est celui des erreurs de l'urbanisation du passé. Aujourd'hui, je crois que
nous pouvons faire confiance à tous les élus de France pour veiller, lorsqu'ils
délivrent les permis de construire, à ce que ne se répètent pas ces programmes
massifs qui ont favorisé les concentrations et les échecs. Donc, évoquer
aujourd'hui cette époque avec la crainte qu'elle ne revienne me semble relever
du fantasme.
M. Philippe de Gaulle.
La situation n'était pas du tout la même !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Monsieur le secrétaire d'Etat, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Je vous en prie, monsieur le sénateur.
M. le président.
La parole est à M. Fourcade, avec l'autorisation de M. le secrétaire
d'Etat.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de m'autoriser à vous
interrompre.
La commune que j'ai l'honneur d'administrer comporte un ensemble HLM de mille
trois cents appartements dans des barres. Les problèmes sociaux - nous en avons
encore eu un exemple hier soir - et les problèmes de sécurité s'y posent avec
acuité.
Etes-vous bien conscient que le texte que vous nous proposez m'interdit, à
l'intérieur de cet ensemble de mille trois cents logements PLA, gérés
d'ailleurs par une autorité extérieure à la commune, puisqu'il s'agit de l'OPAC
de Paris, de démolir deux cents ou trois cents logements et de les remplacer
par des logements sociaux d'accession à la propriété ou par des logements
intermédiaires ?
M. Charles Revet.
Exactement !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Cela me permettrait pourtant d'améliorer les conditions d'existence dans cet
ensemble, qui est un ensemble sur dalle, un ensemble inhumain, dépourvu
d'équipements sportifs, je dirai même dépourvu de tout.
J'ai demandé à un architecte célèbre, M. Roland Castro, de regarder ce que
l'on pouvait faire. Il m'a dit qu'il fallait démolir deux cents appartements,
ce qui - c'est bien compréhensible ! - a créé quelques remous dans le quartier.
Mais, encore une fois, le texte que vous nous proposez m'interdit de faire
cette opération, qui serait pourtant une opération salutaire.
Pourquoi ne pas inclure dans le texte les accessions à la propriété, car un
certain nombre de personnes qui paient des surloyers dans cet ensemble
pourraient parfaitement s'engager dans une accession sociale à la propriété
avec des prix étalés, avec un système de location-vente ; de même, d'autres
pourraient s'engager dans des opérations de loyers intermédiaires.
Voilà le reproche que je vous fais. Vous m'interdisez, dans votre texte,
d'améliorer les conditions de fonctionnement d'un ensemble qui date des année
soixante, qui est mal conçu et qui est générateur de tensions sociales.
(Applaudissements sur certaines travées du RPR.)
MM. Jacques Machet et Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, je suis d'autant plus heureux
d'avoir accepté cette demande d'interruption que je vais pouvoir apporter une
réponse positive à M. Fourcade.
Si M. Fourcade a compris ainsi notre texte, c'est peut-être qu'il y a un petit
problème de rédaction, car telle n'est pas du tout notre intention, bien au
contraire. Je m'en explique.
Au 1er janvier 1998, la première loi de finances que ce gouvernement a
proposée au Parlement a prévu un nouveau produit, qui s'appelle le PLA
construction-démolition. Ce fut une rupture avec le tabou de la non-démolition,
qui a eu la vie longue puisqu'il a fallu attendre ce produit pour
qu'effectivement la démolition soit officiellement un élément de la politique
du logement et de l'habitat dans notre pays.
Autrement dit, monsieur Fourcade, tout programme du type de celui que vous
indiquez fera l'objet d'une instruction, puisqu'il y aura des engagements de
fonds publics. Le seul obstacle à la démolition pourrait être le fait que vous
n'ayez pas retenu les deux termes du produit financier que nous avons mis en
place, le PLA construction-démolition.
Si donc vous avez par ailleurs un programme compensant l'offre locative que
vous souhaitez ainsi faire disparaître, et si vous pouvez, à cette occasion,
diversifier un secteur concentré de logements locatifs, nous ne pourrons que
souscrire à votre projet. Simplement, il faut les deux termes, et si possible
simultanément. Je serais, par conséquent, ravi, bien que je n'aie pas de
prétention à la durée, d'aller dans votre commune pour voir la concrétisation
de ce projet.
M. Jacques Pelletier, qui a apporté une contribution très positive au débat, a
émis quelques craintes quant aux possibilités d'absorption, par certains tissus
urbains, du complément d'offre locative que cette loi rend obligatoire.
En fait, nous utilisons toujours, pour qualifier les obligations que nous
créons, non pas le terme de « construction » mais celui de « réalisation »
d'une offre nouvelle, car nous voulons que celle-ci puisse naître soit de la
construction neuve, qui nécessite du foncier, soit de la mobilisation de
logements existants, dont le statut changerait par l'acquisition,
éventuellement accompagnée, d'ailleurs, d'une amélioration.
Vous savez que nous avons mis en place un nouveau produit financier, qui est
un prêt amortissable en cinquante ans. Nous avons également, dans la loi contre
les exclusions, accordé une exonération de quinze ans de taxe foncière bâtie,
compensée par l'Etat, pour les acquisitions dans l'ancien : ainsi, alors que,
antérieurement, la réalisation de logements locatifs sociaux dans l'ancien
était plus difficile, pour les constructeurs d'HLM, que la construction neuve,
aujourd'hui, c'est l'inverse, ce qui montre bien que nous avons là les outils
d'une diversification, même après coup. C'est d'ailleurs souvent la
diversification la mieux réussie parce que l'intégration est quasiment assurée
du succès.
M. Braye, qui m'a prié d'excuser son absence cet après-midi, a rapporté un
propos du maire de Mantes-la-Jolie, sur lequel il a appelé notre attention.
C'est vrai, le Mantois connaît une situation difficile. On a beaucoup parlé du
Val-Fourré où je me suis rendu à plusieurs reprises.
M. Braye est le maire d'une commune imbriquée géographiquement dans ce grand
ensemble du Val-Fourré, plus près donc de sa commune que du chef-lieu de la
commune dont il dépend. Si bien que M. Braye, dont la commune n'a pas le
pourcentage prévu de logements locatifs sociaux, a tout de même le sentiment de
contribuer à la diversification de l'habitat dans son secteur, car telle est
bien, géographiquement parlant, la réalité. Cette réalité est incontestable,
mais une loi de portée nationale ne saurait - chacun en convient -, aller
jusqu'à ce degré de précision sur le terrain.
M. Braye a dit être d'accord pour que le système fonctionne à Neuilly ou
ailleurs - il a cité plusieurs villes - mais il a estimé que, chez lui, cela ne
pouvait pas marcher.
Certes, la loi ne peut pas aller jusqu'à proposer une rectification des
limites communales, mais il est tout à fait vrai que, si la petite commune dont
M. Braye est le maire se rapprochait de sa voisine ou fusionnait avec elle, le
seuil de 20 % serait atteint sans qu'il en résulte pour lui des contraintes.
Mais je laisse cela à sa libre appréciation !
Nous voulons, face à une situation comme celle du Mantois, que, par une offre
nouvelle, on parvienne à démanteler ce qui a pu être une concentration
excessive. L'offre nouvelle étant de qualité, il est bien évident que c'est en
déconcentrant là où il y a des concentrations excessives qu'on retrouvera la
qualité.
C'est un travail de longue haleine, délicat mais exaltant, car on peut
complètement transformer le cadre urbain si l'on s'y implique de manière
déterminée sur un certain nombre d'années.
J'espère que M. Braye conviendra que, grâce aux dispositions que nous
proposons, s'il en est fait bon usage, nous pourrons inviter toutes les
communes et toutes les villes françaises à procéder non pas, comme il le
disait, à un nivellement par le bas, mais à une recomposition urbaine dans la
qualité, et donc par le haut.
M. Badré a dit qu'il ne pourrait pas supporter l'ajout d'une amende au coût
des constructions de logements sociaux. Bien évidemment, la prise en charge des
dépenses de logement qu'il fera viendra se déduire de cette contribution
fiscale, qu'il appelle amende, et très vite la dépasser, si bien que les deux
n'auront pas à s'ajouter, j'en suis sûr.
Plusieurs d'entre vous ont fait remarquer que ce projet était un projet pour
les villes. Mais quand le Parlement examine une loi d'orientation agricole,
nombre de parlementaires pourraient dire qu'elle est plus tournée vers l'espace
rural que vers l'espace urbain. A l'inverse, quand le Parlement examine un
projet de loi dont le thème est le renouvellement urbain, il est à peu près
normal, me semble-t-il, que ce texte soit plus tourné vers l'espace urbain que
vers l'espace rural !
M. Charles Revet.
Mais l'habitat, c'est un tout !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
En tout cas, ce projet de loi, en particulier dans
toute sa partie concernant l'urbanisme, montre bien, au travers des mesures
qu'il contient, que la volonté du Gouvernement n'est pas d'opposer la ville et
la campagne, bien au contraire.
Certaines mesures, générales, concernent toutes les communes. Il en va ainsi
de la transformation des plans d'occupation des sols en plans locaux
d'urbanisme, et ce autour de la notion de projet de développement, qui est
évidemment complètement indépendante de la taille de la collectivité
concernée.
D'autres mesures concernent spécifiquement les communes rurales ; je pense à
la réforme de la carte communale.
Enfin - je crois que vous pouvez nous en donner acte - d'autres dispositions
encore sont inspirées spécifiquement par le souci de mieux faire évoluer, de
mieux faire vivre ensemble les territoires urbains, périurbains et ruraux
formant un même ensemble de vie. C'est le cas, en particulier, des dispositions
visant les transports.
Voilà, me semble-t-il, l'illustration de ce que le parti pris de la loi est
bien celui de créer un lien et non une coupure entre l'urbain et le rural, même
si, s'agissant de renouvellement urbain, on parle plus de l'espace urbain que
de l'espace rural, je vous l'accorde !
MM. Mauroy et Hoeffel ont abordé l'un et l'autre, entre autres sujets, bien
sûr, le thème de la coopération transfrontalière. C'est une question
importante, qui - je leur en donne acte - est aujourd'hui absente de notre
droit. Cela étant, aucune consultation de collectivité locale étrangère n'est
interdite. Mais peut-être faut-il, effectivement, réfléchir à un système plus
organisé de coopération entre collectivités en dépit de l'existence de la
frontière. Comme j'ai cru comprendre que des amendements seront déposés sur ce
point, nous aurons l'occasion peut-être d'y revenir.
M. Amoudry a redouté que, de contrainte en contrainte, nous n'arrivions à trop
peu de « constructibilité ». Il a évoqué le cas de son département, la
Haute-Savoie, où la loi montagne s'applique au-delà d'une certaine altitude et
où la loi littoral s'applique sur les rives du lac Leman et, sans doute aussi,
du lac d'Annecy, j'en conviens. Parmi les délégations que nous avons reçues
dans le cadre de la concertation préalable à l'élaboration de ce texte, figure
notamment une délégation de la fédération départementale des syndicats
d'exploitants agricoles de Haute-Savoie. Elle m'a tenu le propos suivant : « La
poussée de l'urbanisation chez nous représente 800 hectares de moins par an
pour l'agriculture ; de grâce ! ne touchez aucune des protections qui existent
car nos enfants ne termineront pas leur carrière dans l'agriculture si vous
donnez plus de possibilités d'urbanisation qu'il n'en existe aujourd'hui. »
Telle est la réponse que je peux apporter à M. Amoudry, qui est manifestement
l'élu d'un département où ces questions font débat.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques points que je
souhaitais relever de manière que notre débat puisse être allégée d'autant
quand nous discuterons des articles et des amendements. Les explications auront
été données globalement et je vous promets de ne pas vous imposer de les
entendre à nouveau. En contrepartie, je vous demanderai de comprendre que, dans
ces conditions, le Gouvernement sera évidemment très succinct dans ses prises
de position sur les articles et sur les amendements.
Je terminerai mon propos, justement, sur la première partie du projet de loi
dont nous allons débattre maintenant. Avant d'aborder la discussion sur les
schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d'urbanisme, je voudrais
préciser la position du Gouvernement sur la réforme des documents d'urbanisme
et sur les propositions de MM. les rapporteurs.
En revoyant profondément le contenu des schémas directeurs et des plans
d'occupation des sols pour créer les nouveaux schémas de cohérence territoriale
et les plans locaux d'urbanisme, le Gouvernement tente - et il espère y
parvenir tout en maintenant le rôle fondamental actuel de ces documents qui
définissent les principes et les règles de constructibilité des terrains - de
doter les collectivités locales d'un outil indispensable pour mieux organiser
leur politique et leurs interventions urbaines.
Les amendements proposés par vos rapporteurs, mesdames, messieurs les
sénateurs, apportent une contribution précieuse à cette réforme en précisant le
contenu du diagnostic qui doit être nécessairement établi avant toute
définition d'une politique de développement et de renouvellement urbains et en
enrichissant la notion de projet urbain. Je tiens à en remercier tout
particulièrement le Sénat.
Je considère, pour ma part, que le travail déjà accompli sur ce chapitre de
l'urbanisme permet d'augurer très positivement des résultats du débat
parlementaire. Pour autant, le Gouvernement ne peut pas, dans l'état actuel des
amendements retenus par les commissions, donner son accord aux rédactions
proposées. Il craint en effet que certains de ces amendements n'induisent dans
le détail de leur rédaction un certain nombre de risques juridiques en donnant
le sentiment qu'ils alourdissent les procédures et que l'élaboration des
documents d'urbanisme relèverait d'une succession d'étapes dont chacune serait
l'occasion de multiples contentieux.
Pour en avoir discuté avec MM. les rapporteurs, je sais, bien sûr, que telle
n'est pas leur intention et je suis persuadé qu'à l'occasion de la commission
mixte paritaire, ou lors de la navette qui suivra, nous parviendrons, avec
l'aide du Parlement, à un texte qui intégrera les améliorations proposées par
le Sénat, sans susciter de contestations inutiles lors de l'élaboration des
documents.
Dans cet esprit et en voulant saluer le travail qui a été accompli, même si je
ne peux pas l'approuver,...
M. Charles Revet.
C'est dommage !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
... vous m'entendrez m'en remettre à la sagesse du
Sénat sur les principaux amendements déposés sur cette partie du texte.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
Je vous rappelle que la discussion générale a été close.
Nous passons à la discussion des articles.
TITRE Ier
RENFORCER LA COHÉRENCE
DES POLITIQUES URBAINES
M. le président.
Sur l'intitulé du titre Ier, je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 201 est présenté par M. Althapé, au nom de la commission des
affaires économiques.
L'amendement n° 59 est présenté par M. Jarlier, au nom de la commission des
lois.
Tous deux tendent à compléter
in fine
l'intitulé de cette division par
les mots : « et territoriales ».
La parole est à M. Jarlier, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement
n° 59.
M. Pierre Jarlier,
rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration
générale.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez fort justement précisé
que ce projet de loi pouvait apparaître comme très urbain.
(Sourires.)
Le titre Ier du projet de loi modifie des documents d'urbanisme susceptibles
de concerner toutes les parties du territoire et pas seulement les zones
urbaines.
Aussi, pour répondre à cette préoccupation partagée par de très nombreux
collègues, l'amendement n° 59 tend à prendre en compte la dimension
territoriale du projet de loi.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 201 et donner
l'avis de la commission sur l'amendement n° 59.
M. Louis Althapé,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
La
commission ne peut qu'être favorable à l'amendement n° 59 puisqu'elle présente
un amendement identique.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 201 et 59, pour lesquels le
Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'intitulé du titre Ier est ainsi modifié.
Section 1
Les documents d'urbanisme
et les opérations d'aménagement
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président.
Par amendement n° 620, MM. Hugot, Bernard, Calmejane, Cazalet, Chaumont,
Debavelaere, Dufaut, Dugoin, Doublet, Eckenspieller, Esneu, Gérard, Gerbaud,
Goulet, Gournac, Gruillot, Haenel, Hamel, Husson, Jourdain, Lanier, Leclerc,
Legendre, Masson, Miraux, Murat, Natali, Neuwirth, Mme Olin, MM. Ostermann,
Oudin, Reux, Schosteck, Taugourdeau et Trégouët proposent d'ajouter, avant
l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le titre Ier du livre Ier du code de l'urbanisme est ainsi rédigé :
"Règles générales d'utilisation du sol et du sous-sol".
« II. - Dans la dernière phrase de l'article L. 110 du même code, après les
mots : "gérer le sol", sont insérés les mots : "et le sous-sol". »
La parole est à M. Hugot.
M. Jean-Paul Hugot.
Aucun texte n'appréhende le sous-sol de manière globale. C'est la raison pour
laquelle une proposition de loi a d'ailleurs été déposée, d'autant que cela
concerne 5 000 communes, soit une sur sept.
Cette lacune mérite donc d'être comblée, et cela passe par sa reconnaissance
dans le code de l'urbanisme, plus précisément dans les règles générales
d'utilisation du sol et du sous-sol.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Althapé,
rapporteur.
Nous saluons l'initiative de notre collègue M. Hugot.
Il est vrai que le code de l'urbanisme comporte une lacune : la commission
émet un avis très favorable sur cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement ne nie pas le problème. Il est tout à
fait conscient de l'importance du sous-sol, qui parfois recèle des richesses,
parfois pose bien des difficultés.
Cela étant, je souhaite appeler l'attention du Sénat sur le fait que le code
de l'urbanisme n'a jamais comporté de dispositions régissant l'utilisation du
sous-sol : ce sont toujours des législations spécifiques et autres que le droit
de l'urbanisme qui le visent.
Le Gouvernement ne souhaite pas déroger à cette très ancienne tradition,
puisque nous n'en avons pas les moyens, à l'occasion de ce texte. Il est donc
défavorable à l'amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 620.
M. Jacques Bellanger.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger.
Cet amendement a pour objet de créer un nouveau chapitre dans le code de
l'urbanisme traitant de la valorisation du sous-sol et d'y inclure des articles
au champ plus restreint, puisqu'ils ne portent que sur le rôle et la
composition de l'agence de valorisation du sous-sol intituée par le présent
chapitre.
Cet amendement pose une question de fond : doit-on encourager l'aménagement du
sous-sol ? Est-ce nécessaire ? Et si oui, pour quels objectifs ?
L'exposé des motifs, pour nous engager dans cette voie, cite les exemples
suédois et canadien, omettant d'indiquer que, si l'on a dans ces pays encouragé
l'aménagement du sous-sol, c'est, notamment au Canada, à cause des contraintes
climatiques.
Nous n'avons pas en France ce genre de contraintes. Les besoins d'aménagement
en surface sont déjà assez nombreux, coûteux et loin d'être satisfaits, pour
que nous ne facilitions pas l'aménagement du sous-sol, encore plus coûteux et,
surtout, à risque. En outre, cet amendement ne règle pas la question de la fin
de l'exploitation du sous-sol et des responsabilités y afférentes.
Je crois que nous devons avant tout aménager de manière durable notre
territoire en surface et, pour le sous-sol, réparer les dommages causés par une
exploitation industrielle parfois peu regardante ; je pense aux carrières.
C'est pourquoi nous voterons contre cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 620, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, avant l'article 1er.
Par amendement n° 621, MM. Hugot, Bernard, Calmejane, Cazalet, Chaumont,
Debavelaere, Dufaut, Dugoin, Doublet, Eckenspieller, Esneu, Gérard, Gerbaud,
Goulet, Gournac, Gruillot, Haenel, Hamel, Husson, Jourdain, Lanier, Leclerc,
Legendre, Masson, Miraux, Murat, Natali, Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM.
Ostermann, Oudin, Reux, Schosteck, Taugourdeau et Trégouët proposent d'insérer,
avant l'article 1er, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le titre Ier du livre Ier du code de l'urbanisme est complété
in
fine
par un chapitre ainsi rédigé :
Chapitre ...
« La valorisation du sous-sol
«
Art. L.
... - Un établissement public dénommé agence de valorisation
du sous-sol est créé. Il a pour mission :
« - de promouvoir la mise en valeur et l'aménagement durable du sous-sol par
des études, actions et prestations de service qui peuvent donner lieu à
rémunération, notamment par les opérateurs de travaux souterrains ;
« - d'élaborer des outils informatiques de collecte et de diffusion des
informations de toute nature relatives au sous-sol à des fins de prévention des
risques, d'urbanisme et d'aménagement du territoire ;
« - de contribuer à l'objectif de gestion rationnelle du sol et du sous-sol
défini par l'article L. 110 et à son application par l'article L. 121-1 relatif
aux documents d'urbanisme, notamment par des recommandations de nature à
faciliter la coordination administrative et les partenariats à l'échelon
régional.
« L'agence peut être consultée sur l'opportunité des travaux et aménagements
intéressant le sous-sol.
«
Art. L. ...
- L'agence de valorisation du sous-sol est administrée
par un conseil d'administration composé de :
« - représentants des collectivités locales,
« - représentants des entreprises et des associations compétentes en matière
d'aménagement souterrain,
« - représentants de l'Etat et des personnalités qualifiées,
« - représentants du personnel de l'agence.
«
Art. L. ...
- Le vendeur d'un terrain est tenu de communiquer à
l'agence de valorisation du sous-sol les informations qu'il détient sur la
composition et l'état des éléments souterrains de son bien.
«
Art. L. ...
- Les ressources de l'agence de valorisation du sous-sol
sont notamment constituées par la rémunération des prestations de service
mentionnées à l'article L. ... »
« II. - Les charges éventuelles résultant pour l'Etat de l'application du I
sont compensées, à due concurrence, par la création de taxes additionnelles aux
droits visés aux articles 403, 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Hugot.
M. Jean-Paul Hugot.
La connaissance du sous-sol doit être perfectionnée. D'une part, les textes
qui traitent du sous-sol sont disséminés, notamment dans le code minier, le
code de l'urbanisme, le code de l'environnement, le code civil et le code de la
santé. D'autre part, les données géographiques et techniques sont incomplètes
et dispersées. Ces conditions ne facilitent pas une bonne évaluation des
risques.
C'est pourquoi il convient de stimuler l'effort entrepris pour dresser un état
des lieux afin de prévenir et hiérarchiser les risques.
En zone urbaine, les exemples suédois et canadien montrent que l'aménagement
souterrain constitue un gisement d'amélioration du cadre de vie, d'économies
d'énergie et de sécurité industrielle. J'ajouterai volontiers, monsieur
Bellanger, l'exemple de l'Anjou, qui a trouvé dans les caves de tuffeau de
nombreuses occasions de développer des activités économiques de toutes
natures.
Le dynamisme des zones rurales peut également bénéficier de la valorisation du
sous-sol. L'aménagement du patrimoine archéologique peut, en particulier,
susciter la création de pôles d'attraction touristique.
Sur le plan financier, enfin, le coût élevé des travaux souterrains apparaît
immédiatement, alors que les avantages s'apprécient sur le long terme. Là
encore, la mobilisation des connaissances sur le sous-sol est fondamentale pour
mettre à la disposition des décideurs un outil de sélection des meilleurs
projets d'investissement. L'erreur dans ce domaine peut être fatale, car les
ouvrages souterrains modifient le sous-sol de manière irréversible.
C'est pourquoi le présent amendement vise à créer une agence de valorisation
du sous-sol, à laquelle seraient confiées quatre missions : premièrement,
donner une impulsion à la mise en valeur et à l'aménagement du sous-sol ;
deuxièmement, mobiliser et diffuser l'information sur le sous-sol en utilisant
les techniques les plus modernes : troisièmement, intégrer les données sur le
sous-sol dans les préoccupations et les documents d'urbanisme ; enfin,
quatrièmement, apporter une aide à la décision en matière de travaux
souterrains.
Le conseil d'administration de l'agence serait composé de manière à garantir
le pragmatisme et la pertinence scientifique de son action.
Le vendeur d'un terrain serait tenu de communiquer à l'agence les informations
dont il dispose. Deux raisons motivent ce dispositif : d'abord, dans certaines
zones à risques, l'existence de cavités souterraines n'est connue que des
propriétaires du sol et tout recensement exhaustif doit nécessairement faire
appel à la mémoire humaine ; ensuite, la vente d'un terrain est un moment
particulièrement propice, sinon à un « contrôle technique » du sous-sol, du
moins à la transmission de l'information existante à une banque de données.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Althapé,
rapporteur.
Comme vient de le dire notre collègue, cet amendement tend à
créer un établissement public spécifique, l'agence de valorisation du sous-sol,
destiné à promouvoir la mise en valeur et l'aménagement du sous-sol et à
contribuer à sa gestion rationnelle.
Aujourd'hui, nous pouvons tous en convenir, un tel établissement public fait
défaut. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis favorable sur cet
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Même objection que pour l'amendement précédent, même
avis défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 621, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, avant l'article 1er.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - A. - Le chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de
l'urbanisme est ainsi modifié :
« I. - L'intitulé du chapitre est ainsi rédigé : "Dispositions générales
communes aux schémas de cohérence territoriale, aux plans locaux d'urbanisme et
aux cartes communales". »
« II. - Les articles L. 121-1 et L. 121-2 sont ainsi rédigés :
«
Art. L. 121-1
. - Les schémas de cohérence territoriale, les plans
locaux d'urbanisme et les cartes communales déterminent les conditions
permettant d'assurer :
« 1° Les équilibres entre le développement urbain, la préservation des espaces
affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des espaces
naturels et des paysages, en respectant les objectifs du développement durable,
tels que définis notamment aux articles L. 200-1 du code rural et L. 110 du
présent code ;
« 2° La mixité urbaine et la mixité sociale dans l'habitat, en prévoyant des
capacités de construction et de réhabilitation suffisantes pour la
satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs en matière
d'habitat, d'activités économiques, notamment commerciales, sportives ou
culturelles et d'intérêt général ainsi que d'équipements publics, en tenant
compte notamment de l'équilibre territorial entre emploi et habitat ainsi que
des moyens de transport et de la gestion des eaux ;
« 3° Une utilisation économe de l'espace urbain et de l'espace naturel, la
maîtrise de la demande de déplacement, la limitation de la circulation
automobile, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du sol, des
écosystèmes, des espaces verts, des milieux, sites et paysages naturels ou
urbains, la réduction des nuisances sonores, la sauvegarde des ensembles
urbains remarquables et du patrimoine bâti, la prévention des risques naturels
prévisibles, des risques technologiques, des pollutions et des nuisances de
toute nature.
«
Art. L. 121-2
. - Dans les conditions précisées par le présent titre,
l'Etat veille au respect des principes définis à l'article L. 121-1 et à la
prise en compte des projets d'intérêt général ainsi que des opérations
d'intérêt national.
« Le préfet porte à la connaissance des communes ou de leurs groupements
compétents toutes les informations nécessaires à l'exercice de leurs
compétences, et notamment celles portant sur les incidences pour les documents
d'urbanisme locaux des schémas nationaux de services collectifs prévus par
l'article 2 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour
l'aménagement et le développement du territoire, et les servitudes d'utilité
publique affectant l'utilisation des sols.
« Les porters à connaissance sont tenus à la disposition du public. »
« III. - L'article L. 121-4 est ainsi rédigé :
«
Art. L. 121-4.
- L'Etat, les régions, les départements, les autorités
compétentes en matière d'organisation des transports urbains et les organismes
de gestion des parcs naturels régionaux sont associés à l'élaboration des
schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d'urbanisme dans les
conditions définies aux chapitres II et III ci-après.
« Il en est de même des chambres de commerce et d'industrie, des chambres de
métiers, des chambres d'agriculture et, dans les communes littorales au sens de
l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la
protection et la mise en valeur du littoral, des sections régionales de la
conchyliculture. Ces organismes assurent les liaisons avec les organisations
professionnelles intéressées. »
« IV. - L'article L. 121-5 est ainsi rédigé :
«
Art. L. 121-5
. - Les associations locales d'usagers agréées dans des
conditions définies par décret en Conseil d'Etat, ainsi que les associations
agréées mentionnées à l'article L. 252-1 du code rural sont consultées, à leur
demande, pour l'élaboration des schémas de cohérence territoriale, des schémas
de secteur et des plans locaux d'urbanisme. Elles ont accès au projet de schéma
ou de plan dans les conditions prévues à l'article 4 de la loi n° 78-753 du 17
juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre
l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif,
social et fiscal.
« Un décret fixe les modalités d'application du présent article. »
« V. - L'article L. 121-6 est ainsi rédigé :
«
Art. L. 121-6
. - Il est institué, dans chaque département, une
commission de conciliation en matière d'élaboration de schémas de cohérence
territoriale, de schémas de secteur, de plans locaux d'urbanisme et de cartes
communales. Elle est composée à parts égales d'élus communaux désignés par les
maires et les présidents des établissements publics de coopération
intercommunale compétents en matière de schémas de cohérence territoriale ou de
plans locaux d'urbanisme du département et de personnes qualifiées désignées
par le préfet. Elle élit en son sein un président qui doit être un élu
local.
« La commission peut être saisie par le préfet, les communes ou groupements de
communes et les personnes publiques mentionnées à l'article L. 121-4. Elle
entend les parties intéressées et, à leur demande, les représentants des
associations mentionnées à l'article L. 121-5. Elle formule en tant que de
besoin des propositions dans le délai de deux mois à compter de sa saisine. Ces
propositions sont publiques.
« La commission peut également être saisie par le préfet, les communes ou les
groupements de communes afin de formuler des propositions concernant la
localisation d'équipements publics relevant de la législation des installations
classées, dans la mesure où ces collectivités ne seraient pas parvenues à un
accord quant à cette localisation. »
« VI. - L'article L. 121-7 est ainsi rédigé :
«
Art. L. 121-7
. - Les dépenses entraînées par les études et
l'établissement des documents d'urbanisme sont prises en charge par les
communes ou groupements de communes compétents pour leur élaboration. Ces
dépenses font l'objet d'une compensation par l'Etat dans les conditions
définies aux articles L. 1614-1 et L. 1614-3 du code général des collectivités
territoriales.
« Toutefois, les services extérieurs de l'Etat peuvent être mis gratuitement
et en tant que de besoin à la disposition des communes ou des groupements de
communes compétents, pour élaborer, modifier ou réviser les schémas de
cohérence territoriale, les schémas de secteur, les plans locaux d'urbanisme ou
tout autre document d'urbanisme. Pendant la durée de cette mise à disposition,
les services et les personnels agissent en concertation permanente avec le
maire ou le président de l'établissement public qui leur adresse toutes
instructions nécessaires pour l'exécution des tâches qu'il leur confie. »
« VII. - Les articles L. 121-8 et L. 121-9 sont ainsi rédigés :
«
Art. L. 121-8
. - L'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un
schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'une carte
communale, d'un schéma directeur ou d'un plan d'occupation des sols ou d'un
document d'urbanisme en tenant lieu a pour effet de remettre en vigueur le
schéma de cohérence territoriale, le schéma directeur ou le plan local
d'urbanisme, la carte communale ou le plan d'occupation des sols ou le document
d'urbanisme en tenant lieu immédiatement antérieur.
«
Art. L. 121-9.
- Des décrets en Conseil d'Etat déterminent, en tant
que de besoin, les conditions d'application du présent chapitre. Ces décrets
précisent notamment la nature des projets d'intérêt général, qui doivent
présenter un caractère d'utilité publique, et arrêtent la liste des opérations
d'intérêt national mentionnées à l'article L. 121-2. »
« B. - I. - Le treizième alinéa de l'article 22 de la loi n° 95-115 du 4
février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire
est ainsi rédigé :
« Lorsqu'un pays comprend des territoires soumis à une forte pression urbaine
et n'est pas situé en tout ou partie à l'intérieur d'un périmètre d'un schéma
de cohérence territoriale, les communes membres de ce pays peuvent selon les
modalités prévues au III de l'article L. 122-3 du code de l'urbanisme décider
que la charte des pays comprendra tout ou partie des dispositions prévues à
l'article L. 122-1 du même code en vue de préserver et requalifier le
patrimoine naturel, paysager et culturel et de conforter les espaces agricoles
et forestiers. Dans ce cas, les dispositions de la charte de pays sont soumises
à enquête publique avant leur approbation et les plans locaux d'urbanisme
doivent être compatibles avec les orientations fondamentales de la charte. »
« II. - Le cinquième alinéa de l'article 2 de la loi n° 95-115 du 4 février
1995 précitée est complété par les mots : "et des pays mentionnés au treizième
alinéa de l'article 22". »
« III. - Si le pays défini au treizième alinéa de l'article 22 de la loi n°
95-115 du 4 février 1995 précitée est inclus dans un schéma de cohérence
territoriale, ses dispositions se substituent aux dispositions de l'urbanisme
de la charte de pays à compter de l'approbation de ce schéma de cohérence
territoriale. »
Sur l'article, la parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc.
Avec cet article, nous entamons l'examen du titre Ier qui vise à rénover le
cadre juridique des politiques d'aménagement de l'espace. Ce souhait est très
louable et je ne peux que l'approuver.
Cependant, si la suppression ou la simplification de certaines procédures me
semblent être nécessaires, je m'interroge sur l'appauvrissement du rôle que
vous laissez, monsieur le secrétaire d'Etat, à l'élu local dans cette
démarche.
En premier lieu, bien évidemment, en donnant une large part au SCT - schéma de
cohérence territoriale - vous en faites un élément fédérateur de tous les plans
qui s'imposent aux communes. Les SCT devront intégrer un certain nombre de
dispositifs.
De même les PLU, les ex-POS et les cartes communales devront être en cohérence
avec ces fameux SCT.
Ainsi, inévitablement à mon sens, la maîtrise des sols dévolue aux communes
s'en trouvera limitée. Où est l'espace de liberté pour l'urbanisme communal
?
Par ailleurs, les élus n'ont pas manqué de le dire, vous renforcez le rôle du
préfet et des services de l'Etat, et ce au moment même où vous allégez les
contraintes que les POS imposaient par le passé.
Le préfet pourra seul apprécier si l'intérêt d'une commune est lésé par
l'élaboration d'un SCT. Sans l'avis favorable du préfet, la commune n'aura même
plus le droit de se retirer du schéma. Où est le libre arbitre des communes
dans tout cela ?
En outre, votre texte remet en cause certains transferts de compétence et
porte atteinte à l'autonomie des collectivités locales en recentralisant des
procédures, et je n'évoque pas la commission présidée par notre collègue M.
Mauroy. Permettez-moi de ne pas toujours comprendre votre démarche bien que je
vous aie écouté avec attention.
Le présent projet de loi aboutira à une simplification, selon vous. J'en
doute. Au contraire, il contribuera à rendre encore plus complexes les prises
de décisions et les procédures. Je crains que les contentieux ne s'accroissent
encore.
M. le président.
Sur l'article 1er, je suis saisi d'un certain nombre d'amendements.
Par amendement n° 1 rectifié, MM. Poniatowski, Revet, Cléach, Emin, Mme Bardou
et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent :
« I. - Dans le I du A de l'article 1er, de remplacer les mots : "schémas de
cohérence territoriale", par les mots : "schémas directeurs".
« II. - En conséquence, de procéder à la même modification dans le reste des
dispositions du projet de loi. »
La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski.
Cet amendement a pour objet de proposer d'abandonner le SCT, le schéma de
cohérence territoriale, créé par ce texte, et de revenir au SDAU, le schéma
directeur d'aménagement d'urbanisme, que tout le monde connaît.
Nous savons tous qu'un ministre en place s'efforce de laisser une trace de son
passage. Deux possibilités lui sont offertes. La première consiste à élaborer
un texte de loi fort. C'est le cas de celui-ci et je suis sûr que, dans une
dizaine d'années, on parlera de la loi Gayssot, que ce soit pour son volet «
transports » ou pour son volet « urbanisme ».
M. Emmanuel Hamel.
Pourquoi pas la loi Besson ?
M. Ladislas Poniatowski.
La seconde manière de laisser une trace de son passage consiste à débaptiser
des termes connus et qui sont entrés dans les moeurs. C'est une des volontés de
ce texte : on débaptise le SDAU et l'on crée le SCT ; on débaptise le POS et
l'on crée le PLU.
En cet instant, je vais simplifier votre tâche, monsieur le président - mais
je n'aurai pas la même attitude lorsque je proposerai de revenir au terme POS -
puisque je vais retirer cet amendement. Je reconnais en effet qu'il existe une
petite différence entre le SDAU et le SCT, qui met en cohérence différents
documents d'urbanisme. Une telle différence n'existe pas entre le POS et le
PLU, j'y reviendrai ultérieurement.
M. le président.
L'amendement n° 1 rectifié est retiré.
Je suis maintenant saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 202 est présenté par M. Althapé, au nom de la commission des
affaires économiques.
L'amendement n° 60 est déposé par M. Jarlier, au nom de la commission des
lois.
L'amendement n° 2 rectifié est présenté par MM. Poniatowski, Revet, Cléach,
Emin, Mme Bardou et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
Tous trois tendent :
« I. - Dans le I du A de l'article 1er, à remplacer les mots : "plans
locaux d'urbanisme" par les mots : "plans d'occupation des sols".
« II. - En conséquence, à procéder à la même modification dans le reste des
dispositions du projet de loi. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 202.
M. Louis Althapé,
rapporteur.
Mon intervention conforte celle de M. Poniatowski : pourquoi
avoir changé la dénomination de documents d'urbanisme bien connus ?
Lorsqu'un projet de loi est voté, on retient souvent le nom du ministre qui
l'a présenté ! En l'occurrence, il est regrettable de proposer de modifier la
dénomination de documents d'urbanisme, notamment celles des plans d'occupation
des sols, que les élus locaux connaissent bien.
Tout en prenant en compte la notion d'aménagement, qui est plus dynamique que
celle d'occupation, cet amendement vise à maintenir la dénomination POS.
M. le président.
La parole est à M. Jarlier, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement
n° 60.
M. Pierre Jarlier,
rapporteur pour avis.
Je souscris à l'argumentaire présenté par M. le
rapporteur.
M. le président.
La parole est à M. Poniatowski, pour défendre l'amendement n° 2 rectifié.
M. Ladislas Poniatowski.
Je partage l'avis de MM. les rapporteurs. Permettez-moi cependant d'ajouter
une observation sur le POS par rapport au PLU.
Le POS est un document d'urbanisme assez fort : il impose des contraintes et
des obligations, notamment quant à l'utilisation du sol ; il fixe également des
règles en matière de construction.
En trente ans, cet instrument est entré dans les moeurs, les Français savent
bien de quoi il s'agit. Qui plus est, c'est un document plus fort qu'un PLU,
mais nous aurons l'occasion de revenir sur ce point.
Ne serait-ce que pour des raisons symboliques, il serait bon, selon moi, de
garder le terme de plan d'occupation des sols, qui est bien entré dans les
moeurs.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Je voudrais tout d'abord indiquer que je ne vois pas
très bien où serait la source du souhait qui conduirait un ministre à donner
son nom à cette loi.
M. Ladislas Poniatowski.
C'est humain, monsieur le ministre !
M. Charles Revet.
Tous les ministres ont la même maladie !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Ils n'y sont vraiment pour rien, je peux vous rassurer
sur ce point. Cette pratique s'est pourtant installée au fil des années. Ainsi,
la loi qui a créé les schémas directeurs d'aménagement et d'urbanisme et les
plans d'occupation des sols, je ne l'ai jamais appelée autrement que la LOF, la
loi d'orientation foncière.
M. Ladislas Poniatowski.
Et les logements Besson !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Je n'y suis pour rien, je le confirme. Cette
modification de dénomination ne traduit nullement un souhait d'auteur.
J'ajoute que, voilà quelques jours, j'ai rencontré fortuitement un membre d'un
gouvernement précédent...
M. Henri de Raincourt.
Ah !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
... qui a été responsable de l'urbanisme. Il m'a dit :
« Vous vous êtes enfin lancé dans ce grand chantier. On me l'avait présenté
comme urgent, mais je n'ai jamais osé m'y engager car je ne savais pas si
j'avais la durée. Il fallait le faire. »
Voilà ce qu'il m'a dit très spontanément, et je crois effectivement qu'il
fallait modifier les textes.
La loi d'orientation foncière - il importe de la restituer dans le contexte de
l'époque - était destinée à faciliter et accompagner une logique d'extension
urbaine par des aménagements importants, par des zones à urbaniser en priorité,
les ZUP, des zones d'aménagement concerté, les ZAC, etc.
Aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, convenons-en, l'objectif que
nous nous fixons est beaucoup plus de recomposer nos agglomérations, de
revitaliser certains quartiers dégradés, en un mot de reconstruire la ville sur
la ville, plutôt que de menacer en permanence les espaces agricoles et
naturels, en tout cas, dans un certain nombre de nos régions françaises. Je
vous accorde toutefois que la tension n'est pas partout la même.
Force est de constater qu'un changement de logique s'impose. Il ne s'agit plus
de fabriquer des urbains nouveaux, il s'agit de retrouver la cité dans la
ville, dans ses quartiers.
Ces nouvelles dénominations traduisent nos ambitions pour les décennies à
venir, pédagogiquement parlant pour nos amis élus locaux. Elles peuvent aussi
être utiles, pour les jeunes en les incitant à regarder les choses de plus
près.
Le projet de loi en effet modifie considérablement la nature des documents
d'urbanisme ; s'il ne conteste pas leur vocation à fixer la destination des
sols, il étend nettement leur portée.
Monsieur Poniatowski, vous avez retiré votre amendement sur les schémas de
cohérence territoriale. Je tiens cependant à souligner combien il était urgent
de redonner un peu de lisibilité à cet empilement de documents que les
agglomérations ont été dans l'obligation de constituer.
Les schémas directeurs d'aménagement et d'urbanisme ont été instaurés par la
loi de 1967. La LOTI, en 1982, a ouvert la faculté d'établir des plans de
déplacements urbains. La loi de 1996 sur l'air, qui ne porte pas le nom de son
auteur, Mme Lepage, a rendu ces plans obligatoires dans toutes les
agglomérations de plus de 100 000 habitants. En 1991, la loi d'orientation pour
la ville a puissamment incité les agglomérations à se doter de programmes
locaux de l'habitat. Par ailleurs, la loi Raffarin nous incite à nous doter,
sur l'ensemble de nos territoires, de schémas d'équipement commercial.
Le problème, c'est qu'aucun de ces documents - SDAU, PLH, PDU ou SEC - ne fait
l'objet d'une enquête publique. Si nos concitoyens en entendent parler, il ne
s'agit pour eux que de sigles abscons. Sauf si les élus organisent une
opération d'information, tout cela leur passe complètement au-dessus de la
tête, si je puis employer cette expression un peu familière.
Aujourd'hui, le schéma de cohérence territoriale, pour donner un sens à tous
ces efforts de planification des diverses démarches urbaines, prévoit que
l'ensemble de ces documents devra effectivement être compatible avec un
document fédérateur qui sera, lui, soumis à enquête publique, ce qui permettra
une participation citoyenne. Je crois que c'est bien nécessaire.
Entre le schéma directeur et le schéma de cohérence territoriale, les
différences sont très fortes.
Pour ce qui est des plans locaux d'urbanisme, telle ou telle disposition
obligatoire est devenue facultative afin d'offrir un peu plus de souplesse et
de permettre aux collectivités de mieux adapter, de mieux maîtriser des
réponses correspondant à la réalité des problèmes auxquels elles sont
confrontées.
Par ailleurs, leur champ et leur portée seront beaucoup plus larges, puisque
ces documents traduiront le projet d'aménagement s'il s'agit d'une commune, le
projet de développement urbain s'il s'agit d'une ville, en intégrant diverses
composantes, les espaces publics, la centralité, bref tout ce qui fait
l'identité de la ville à laquelle nous sommes attachés dans notre pays et qui
n'est pas la ville américaine, laquelle se développe sur des distances infinies
où il est extrêmement difficile de savoir à quel moment on se trouve au centre
plutôt qu'ailleurs. Bref, il s'agit de passer de la simple occupation des sols
à une réflexion beaucoup plus approfondie.
De la même manière, on réintroduit dans le plan local d'urbanisme les
opérations d'aménagement alors que nous connaissons un certain nombre de villes
en France où le POS compte tellement de blancs là où des actes sont en cours
que son illisibilité est totale. Nous avons supprimé la coupure qui existait
entre le document d'urbanisme et l'urbanisme opérationnel, les opérations
d'aménagement. Il y a donc une réunification qui sera, me semble-t-il, décisive
en matière de lisibilité.
La commission des affaires économiques a reconnu l'importance de ces
modifications dans son rapport. Elle a même proposé d'aller plus loin dans la
réforme de ces documents d'urbanisme, dans le sens d'une amélioration, comme je
l'ai dit tout à l'heure à la tribune et comme je le confirme en cet instant.
Dans ce contexte, mesdames, messieurs les sénateurs, il faut vraiment voir
dans le changement de dénomination qui est proposé la volonté de mettre en
place un outil nouveau, de procéder à une évolution importante.
Voilà pourquoi le Gouvernement est attaché à sa proposition et il apprécierait
que votre commission des affaires économiques fasse preuve de la même sagesse
que M. Poniatowski en retirant son amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 202, 60 et 2
rectifié.
M. Gérard Le Cam.
Je demande la parole contre les amendements.
M. le président.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Les amendements identiques de la commission des affaires économiques et de la
commission des lois visant à supprimer les PLU et à revenir aux POS dans
l'ensemble du texte sont à mettre en parallèle avec les amendements de M.
Poniatowski et de ses amis, qui, de surcroît, tendent à rétablir la
dénomination de « schéma directeur ».
Tous entendent maintenir les notions actuellement en vigueur dans le code de
l'urbanisme pour éviter de déstabiliser les élus locaux. Soit ! C'est une
intention louable.
Pour autant, vous êtes conscients, mes chers collègues, que les changements
sémantiques voulus par le Gouvernement traduisent, au fond, un changement de
nature, une évolution du contenu des documents d'urbanisme, comme vient de le
souligner M. le secrétaire d'Etat.
Plus dynamiques, plus complets, plus riches et
de facto
plus «
contraignants » que les plans d'occupation des sols ou les schémas directeurs,
les PLU et les SCT sont bel et bien des outils nouveaux au service d'une
politique cohérente d'urbanisme et d'aménagement.
Faute d'être persuadés que les amendements sont motivés uniquement par le
souci de ne pas induire de confusion dans l'esprit de nos concitoyens, l'examen
ultérieur des modifications envisagées par la majorité sénatoriale, notamment
par le groupe des Républicains et Indépendants, confiant cette crainte, nous ne
pouvons les voter.
M. Henri de Raincourt.
C'est dommage !
M. Jacques Bellanger.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre intervention me permettra d'être très
bref.
Vous avez expliqué avec beaucoup plus de talent que je n'en ai et avec une
force de conviction que j'admire pour quelles raisons ce changement de
dénomination n'est pas un gadget. Il s'agit vraiment d'une rupture avec une
logique de l'aménagement de l'espace qui était purement fonctionnelle.
Nous tenons, nous aussi, à ce que ce changement radical d'orientation se
traduise par une nouvelle appellation.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade.
Je ne suis pas du tout convaincu par l'argumentation de M. le secrétaire
d'Etat.
Auant il me paraît préférable de rebaptiser « schéma de cohérence territoriale
» le schéma d'ensemble, car nous voyons bien que l'objectif est d'essayer de
faire travailler ensemble un certain nombre de communes dans le cadre
d'agglomérations ou de communautés - c'est une opération importante au niveau
de l'urbanisme spatial - autant l'appellation nouvelle, à l'échelon communal,
me semble beaucoup plus sémantique.
La véritable question que se posent les élus est de savoir si le nouveau
système entraînera moins de contentieux que l'actuel. L'aspect un peu flou de
certaines dispositions et ce que vous appelez les « marges de souplesse » me
laissent à penser, comme aux rapporteurs, que les contentieux seront plus
nombreux.
Par conséquent, mieux vaut garder l'appellation actuelle, qui est entrée dans
les moeurs et que tout le monde connaît.
Nombre de communes ont entamé la révision de leur plan d'occupation des sols
et, à cette occasion, comme nous sommes tous des élus dynamiques et ouverts,
nous avons organisé des expositions, des préconcertations sur ce thème.
Le fait de changer de terme va créer une espèce de fossé et, une fois de
plus, il nous faudra des années pour expliquer l'objet de la modification. On
n'y gagnera qu'une appellation nouvelle, mais pas du tout de garanties
juridiques supplémentaires. On risque même d'aggraver le risque de contentieux.
Compte tenu de nos traditions locales et communales, il me semble donc plus
judicieux de modifier le contenu du plan d'ocupation des sols pour en accroître
la souplesse et la sécurité juridique plutôt que de changer d'appellation.
C'est pourquoi je me rallie aux amendements des trois commissions.
M. Ladislas Poniatowski.
Bien sûr !
M. Henri de Raincourt.
C'est le bon sens !
M. André Vezinhet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vezinhet.
M. André Vezinhet.
Permettez-moi, en ma qualité de président de conseil général, d'ajouter que je
vois poindre, dans l'ensemble des communes rurales, qu'elles soient petites ou
grandes, une idée nouvelle que nous impose la société urbaine, celle des plans
d'urbanisme. Cette adaptation n'est donc pas seulement sémantique, elle est
aussi au goût du jour !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Par courtoisie vis-à-vis de M. Fourcade, je voudrais
revenir sur le problème de la sécurité juridique.
En matière d'urbanisme, les contentieux de la construction sont massivement,
aujourd'hui, des contentieux de procédure et, minoritairement, des contentieux
de fond. Nous nous sommes donc attachés, dans le texte qu'on vous propose, à
une réécriture du code de l'urbanisme, qui fait tomber plus de trente pages de
procédures qui étaient devenues de nature législative, je pense notamment à
l'organisation de la concertation entre les personnes publiques et la
collectivité qui a engagé le processus. Ce sont autant de nids à contentieux
qui disparaissent ! En affinant les rédactions, j'ose espérer que nous
obtiendrons le même résultat, en termes de sécurité juridique, dans la partie
restante.
J'attire donc votre attention sur le fait que nous avons eu le souci de la
sécurité juridique, sans pour autant réduire les possibilités de contestation
au fond, bien sûr. Quand un POS tombait, que dix permis de construire étaient
annulés parce que, à telle réunion, il manquait tel organisme, non seulement
cela n'avait pas de sens, mais c'était du gâchis ! Nous espérons que cette
réécriture sera, de ce point de vue, un progrès, même si la rédaction peut
toujours être un peu plus resserrée, ce qui sera le sens, bien entendu, des
travaux à venir.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 202, 60 et 2 rectifié,
repoussés par le Gouvernement.
(Ces amendements sont adoptés.)
ARTICLE L. 121-1 DU CODE DE L'URBANISME
M. le président.
Je suis tout d'abord saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Par amendement n° 3 rectifié, MM. Poniatowski, Revet, Cléach, Emin, Mme Bardou
et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent, à la fin
du premier alinéa du texte présenté par le II du A de l'article 1er pour
l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme, de remplacer les mots : «
déterminent les conditions permettant d'assurer » par les mots : « prennent en
considération ».
Par amendement n° 61, M. Jarlier au nom de la commission des lois, propose, à
la fin du premier alinéa du texte présenté par le II du A de l'article 1er pour
l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme, de remplacer les mots : «
déterminent les conditions permettant d'assurer » par les mots : « déterminent
les conditions dans lesquelles sont pris en considération ».
La parole est à M. Poniatowski, pour défendre l'amendement n° 3 rectifié.
M. Ladislas Poniatowski.
Cet amendement a pour objet d'améliorer la rédaction actuelle, qui risque
d'être la source de contentieux. Mais j'ai besoin de l'avis des commissions et
du Gouvernement.
M. le président.
La parole est à M. Jarlier, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement
n° 61.
M. Pierre Jarlier,
rapporteur pour avis.
En raison de leur caractère assez général, le
contenu exact des principes énoncés dans l'article L. 121-1 du code de
l'urbanisme ne sera pas toujours aisé à déterminer. En conséquence, si ces
principes doivent inspirer l'élaboration des documents d'urbanisme, il convient
d'éviter de leur conférer une portée normative excessive, qui ne pourrait que
nourrir des contentieux multiples, comme vient de le souligner M.
Poniatowski.
C'est pourquoi, par cet amendement, la commission des lois vous suggère de
préciser que les documents d'urbanisme devront déterminer les conditions dans
lesquelles ces principes sont pris en considération.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Althapé,
rapporteur.
La commission est défavorable à l'amendement n° 3 rectifié et
souhaite qu'il soit retiré au profit de l'amendement n° 61 de la commission des
lois, qui tend à assouplir les conditions dans lesquelles les principes
généraux contenus dans l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme sont respectés
par les documents d'urbanisme.
M. le président.
Monsieur Poniatowski, maintenez-vous votre amendement n° 3 rectifié ?
M. Ladislas Poniatowski.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 3 rectifié est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 61 ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 61,
bien qu'il partage le souci de la commission des lois et des auteurs de
l'amendement n° 3 rectifié de limiter les contentieux, je crois l'avoir dit
très clairement. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le texte qui vous est
présenté simplifie assez considérablement les obligations procédurales.
Toutefois, la substitution de termes qui vous est proposée pour assouplir le
lien entre les documents d'urbanisme et les principes généraux qu'ils doivent
respecter reviendrait, aux yeux du Gouvernement, à vider de sa substance
l'article sur le contenu des documents d'urbanisme, ce à quoi le Gouvernement
ne peut souscrire.
C'est pour cette raison qu'il est défavorable à l'amendement n° 61.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 61.
M. Gérard Le Cam.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
L'article 1er du projet de loi, qui centralise l'ensemble des principes
fondamentaux applicables à tous les documents d'urbanisme, stipule que les SCT,
les PLU et les cartes communales devront « déterminer les conditions permettant
d'atteindre... », c'est-à-dire permettant de donner du corps à des objectifs
ambitieux tels que le développement durable, la mixité sociale, etc.
Considérant que ces règles de fond ont un contenu trop vague, craignant, par
exemple, qu'un PLU ne soit entaché d'illégalité s'il se révèle être entièrement
tourné vers le tout-automobile, pour éviter la prolifération de contentieux, la
commission des lois, comme certains sénateurs du groupe des Républicains et
Indépendants, propose de substituer au lien de comptabilité prévu par le texte,
mais jugé juridiquement trop contraignant, une simple prise en
considération.
Accepter de diminuer la portée normative de ces principes revient à se
satisfaire qu'ils demeurent de simples déclarations de bonnes intentions et à
vider, ainsi, l'article 1er de son sens.
Les risques de contentieux ne seront pas pour autant écartés ; peut-être même
seront-ils favorisés par la perte de cohérence entre les divers documents.
Ces amendements vont à l'encontre des objectifs qui président à la réforme du
droit de l'urbanisme ; c'est pourquoi nous voterons contre.
M. Jacques Bellanger.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger.
L'amendement n° 61, comme l'amendement n° 3 rectifié qui a été retiré et une
série d'autres amendements principalement présentés par les commissions,
affaiblit la portée des documents d'urbanisme, qui ne doivent pas simplement
déterminer les conditions dans lesquelles sont pris en considération les
principes et les objectifs fondamentaux. Ils doivent aussi déterminer les
conditions permettant d'assurer ces principes.
C'est en raison de cet affaiblissement que nous ne voterons ni cet amendement
ni un certain nombre d'autres qui sont dans la même lignée et qui seront
présentés par la suite.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 61, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Toujours sur l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme, je suis saisi de deux
amendements identiques.
L'amendement n° 203 est présenté par M. Althapé, au nom de la commission des
affaires économiques.
L'amendement n° 62 est déposé par M. Jarlier, au nom de la commission des
lois.
Tous deux tendent à rédiger comme suit le début du deuxième alinéa (1°) du
texte proposé par le II du A de l'article 1er pour l'article L. 121-1 du code
de l'urbanisme :
« L'équilibre entre la restructuration urbaine, un développement urbain
maîtrisé, le développement de l'espace rural et la préservation... ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 203.
M. Louis Althapé,
rapporteur.
La restructuration de certains quartiers bâtis, pour la
plupart, entre le début des années soixante-dix et la fin des années
quatre-vingt constitue une nécessité. C'est ainsi qu'ont été récemment détruits
à Saint-Etienne toute une barre d'immeubles de ce type. Vous conviendrez,
monsieur le secrétaire d'Etat, que la reconstruction des quartiers les plus
endommagés, demandera du temps. C'est pourquoi elle doit devenir un objectif
durable.
Le présent amendement tend à souligner que la restructuration urbaine passe,
là où elle est nécessaire, avant le développement urbain que nous souhaitons
tous voir maîtrisé, qu'il faut un équilibre entre restructuration et
développement et que l'on doit mentionner l'espace rural.
M. le président.
La parole est à M. Jarlier, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement
n° 62.
M. Pierre Jarlier,
rapporteur pour avis.
En affichant un objectif de développement urbain,
sans plus de précisions, le projet de loi laisse entendre que la densification
urbaine serait la seule voie envisageable pour l'aménagement de l'espace.
L'amendement n° 62 tend donc à favoriser un rééquilibrage de l'aménagement de
l'espace.
Par ailleurs, les documents d'urbanisme n'ont pas vocation à concerner le seul
espace urbain. L'amendement vise donc à rétablir la logique des territoires en
prenant en compte, dans cette perspective dynamique, le développement de
l'espace rural.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements identiques ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
J'ai bien entendu les deux rapporteurs. Je dirai
simplement à M. Jarlier que, bien sûr, la lecture qu'il vient de faire n'est
pas celle du Gouvernement.
Mais, pour bien montrer que, sur ce point, il n'y a pas de divergence
insurmontable, j'indique à MM. les rapporteurs que, s'ils voulaient bien
substituer le terme « renouvellement » au terme de « restructuration », le
Gouvernement pourrait se rallier à ces amendements.
En effet, la restructuration est souvent considérée comme étant forcément liée
à des opérations très lourdes ; le terme de renouvellement est un peu plus
large, puisqu'il peut aller de la simple réhabilitation à la
démolition-reconstruction.
M. le président.
Messieurs les rapporteurs, acceptez-vous de rectifier vos amendements en ce
sens ?
M. Louis Althapé,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Pierre Jarlier,
rapporteur pour avis.
Bien sûr !
M. le président.
Je suis donc saisi des amendements identiques n° 203 rectifié et 62 rectifié,
qui, tous deux, tendent à rédiger comme suit le début du deuxième alinéa (1°)
du texte proposé par le II du A de l'article 1er pour l'article L. 121-1 du
code de l'urbanisme :
« L'équilibre entre le renouvellement urbain, un développement urbain
maîtrisé, le développement de l'espace rural et la préservation... ».
Le Gouvernement est favorable à ces deux amendements.
Je vais les mettre aux voix.
M. Jean-Pierre Plancade.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade.
Ces amendements ainsi rectifiés ont pour intérêt d'introduire les notions non
plus de restructuration mais de renouvellement urbain et de développement
urbain maîtrisé, notions qui n'avaient pas été précisées par l'Assemblée
nationale. C'est pourquoi nous les voterons volontiers.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 203 rectifié et 62 rectifié,
acceptés par le Gouvernement.
(Ces amendements sont adoptés.)
M. le président.
Par amendement n° 4 rectifié, MM. Poniatowski, Revet, Cléach, Emin, Mme Bardou
et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent, après les
mots : « et des paysages », de supprimer la fin du deuxième alinéa (1°) du
texte proposé par le II du A de l'article 1er pour l'article L. 121-1 du code
de l'urbanisme.
La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski.
L'alinéa 1° du texte proposé pour l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme
concerne les schémas de cohérence territoriaux, les plans locaux d'urbanisme et
les cartes communales. Cet amendement a pour objet de supprimer, dans cet
alinéa, les mots : « en respectant les objectifs du développement durable »
qui, pour moi, ne signifient rien.
En effet, à ma connaissance, tout document d'urbanisme doit avoir une durée.
La seule chose qui y met un terme, c'est sa modification. Je ne vois donc pas à
quoi sert une telle précision.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Althapé,
rapporteur.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
Cet amendement tend, je le rappelle, à supprimer, à l'article L. 121-1 du code
de l'urbanisme, la référence à l'objectif de développement durable tel qu'il
est défini notamment aux articles L. 201 du code rural et L. 110 du code de
l'urbanisme.
A titre personnel, je ne suis pas très favorable à cette suppression, au moins
pour deux raisons.
D'abord, et surtout, il ne me paraît pas souhaitable de nous opposer en
apparence au principe de développement durable, dont, au fond, tout le monde
est convaincu. Qui peut dire ici qu'il est hostile à la préservation des droits
des générations futures ?
Ensuite, je tiens à le rappeler, cette référence à l'article L. 110 du code de
l'urbanisme résulte d'un amendement du Sénat à la loi Voynet qui a été retenu
dans la version définitive du texte.
M. Jean-Pierre Plancade.
Très bien !
M. Louis Althapé,
rapporteur.
En suivant M. Poniatowski, nous désapprouverions la
commission spéciale du Sénat, ce qui me gênerait.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement ne s'en remet pas à la sagesse du
Sénat, même s'il apprécie l'avis de sagesse « négative » que vient d'exprimer
M. le rapporteur, qui, tout en s'en remettant à la sagesse, a expliqué qu'il
était défavorable.
(Sourires.)
Il me semble que ses auteurs devraient accepter de retirer l'amendement.
Certes, l'on peut toujours disputer des termes. On a entendu parler, pendant
un certain nombre d'années, du développement soutenable, du développement
qualitatif. Puis est intervenu le sommet de Rio, et le terme qui est devenu
mondialement admis est celui de « développement durable ». Dès lors, nous avons
tous un peu révisé notre vocabulaire. Ce texte ne peut pas s'affranchir de
cette notion au risque de donner à penser qu'il veut la récuser, ce qui n'est
sûrement pas l'intention de la Haute Assemblée.
M. le président.
Monsieur Poniatowski, maintenez-vous votre amendement ?
M. Ladislas Poniatowski.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 4 rectifié est retiré.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Par amendement n° 204, M. Althapé, au nom de la commission des affaires
économiques, propose de rédiger comme suit le début du troisième alinéa (2°) du
texte présenté par le II du A de l'article 1er pour l'article L. 121-1 du code
de l'urbanisme :
« La mixité urbaine et la mixité sociale dans l'habitat urbain et dans
l'habitat rural en prévoyant des capacités ».
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 63 rectifié, présenté par
M. Jarlier, au nom de la commission des lois, et tendant, dans le texte proposé
par l'amendement n° 204 de la commission des affaires économiques, à remplacer
les mots : « mixité urbaine » par les mots : « diversité urbaine ».
Par amendement n° 5 rectifié, MM. Poniatowski, Revet, Cléach, Emin, Mme Bardou
et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent, au début
du troisième alinéa (2°) du texte présenté par le II du A de l'article 1er pour
l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme, de remplacer les mots : « La mixité
urbaine » par les mots : « La diversité des fonctions urbaines ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 204.
M. Louis Althapé,
rapporteur.
La mixité sociale dans l'habitat est un objectif qui doit
être fixé tant en zone urbaine qu'en zone rurale.
Aujourd'hui, de très nombreux prêts locatifs aidés ne sont pas utilisés -
c'est un problème dont on a souvent parlé ici - alors même que des besoins se
font sentir et que les habitants des quartiers sensibles seraient prêts à vivre
à la campagne.
Je citerai le cas qui nous a été soumis lors d'une visite que le groupe de
travail sur l'urbanisme a effectuée dans un village normand, situé dans le
département de notre collègue Charles Revet.
M. Charles Revet.
Je vous remercie de le signaler !
M. Louis Althapé,
rapporteur.
L'exemple est très parlant : six logements neufs ont été
réalisés pour quatre-vingts demandes !
La mixité de l'habitat rural doit, elle aussi, être prise en compte ; c'est la
raison pour laquelle nous souhaitons qu'elle soit mentionnée dans cet article
du code.
M. le président.
La parole est à M. Jarlier, rapporteur pour avis, pour défendre le
sous-amendement n° 63 rectifié.
M. Pierre Jarlier,
rapporteur pour avis.
La notion de mixité urbaine n'est pas définie. Il
paraît préférable de lui substituer la notion de diversité urbaine, qui rend
mieux compte de l'objectif fixé consistant, selon les propos qu'a tenus M. le
secrétaire d'Etat devant l'Assemblée nationale, à favoriser une meilleure
intégration dans les quartiers de l'ensemble des fonctions urbaines.
M. le président.
La parole est à M. Poniatowski, pour défendre l'amendement n° 5 rectifié.
M. Ladislas Poniatowski.
Cet amendement est très proche du sous-amendement de la commission des lois.
Pour ma part, je propose les termes « diversité des fonctions urbaines » plutôt
que ceux de « diversité urbaine ».
Nous savons ce que sont ces fonctions urbaines : il s'agit à la fois de
l'habitat, des activités économiques et des équipements publics. Cette
dénomination me semble donc préférable. Au demeurant, je me rallierai à
l'amendement de la commission si le sous-amendement n° 63 rectifié est
adopté.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 63 rectifié ?
M. Louis Althapé,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Dans ces conditions, monsieur le rapporteur, accepteriez-vous de modifier
votre amendement en y intégrant le sous-amendement ?
M. Louis Althapé,
rapporteur.
Tout à fait !
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 204 rectifié visant à rédiger comme suit
le début du troisième alinéa (2°) du texte proposé par le II du A de l'article
1er pour l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme :
« La diversité urbaine et la mixité sociale dans l'habitat urbain et dans
l'habitat rural en prévoyant des capacités ».
En conséquence, le sous-amendement n° 63 rectifié n'a plus d'objet.
L'amendement n° 5 rectifié est-il maintenu, monsieur Poniatowski ?
M. Ladislas Poniatowski.
Je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 5 rectifié est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 204 rectifié ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Compte tenu de la modification qui vient d'intervenir,
l'amendement comporte deux différences par rapport au texte initial.
Tout d'abord, je rappellerai que, depuis la loi d'orientation sur la ville,
que, selon leurs dires, nombre de sénateurs apprécient, c'est l'expression «
mixité urbaine » qui figure dans les textes. Faut-il en changer dans la mesure
où elle correspond strictement à la signification souhaitée ? Le Gouvernement
n'en voit pas la nécessité.
S'agissant de la seconde modification, le Gouvernement souligne que le mot «
habitat » est un terme générique et que la quasi-totalité de notre législation
et de notre réglementation n'opère pas de distinction entre habitat urbain et
habitat rural. Il en est ainsi pour l'ANAH, pour la PAH et pour le financement
des HLM. Le Gouvernement est donc très défavorable à l'idée de découpler ces
deux notions.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 204 rectifié.
M. Gérard Le Cam.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
En intitulant le présent texte « projet de loi relatif à la solidarité et au
renouvellement urbains », en modernisant les outils actuels de l'aménagement
urbain et en présentant des mesures phares telles que l'obligation de
construire des logements sociaux, le Gouvernement a fait le choix d'agir en
profondeur pour remédier aux dysfonctionnements urbains, pour redessiner des
villes et des agglomérations socialement et spatialement homogènes.
Réaliser concrètement la mixité urbaine et sociale dans l'habitat, tel est le
nouvel objectif fort qui s'impose au contenu des documents d'urbanisme.
Arguant du fait que cette notion de mixité urbaine ne serait pas définie,
qu'elle ne renverrait à aucune exigence précise, le commission des lois et le
groupe des Républicains et Indépendants entendent la remplacer par celle de «
diversité urbaine ».
Attachés au concept de mixité, qui, selon nous, est distinct de celui de
diversité, beaucoup plus fort, car renvoyant, non pas à une simple pluralité,
juxtaposition des fonctions urbaines au sein d'un même espace, mais
véritablement à l'intégration dans les quartiers des constructions et
installations destinées au logement, au travail, au commerce, aux loisirs, nous
voterons contre cet amendement.
M. Jean-Pierre Plancade.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade.
Nous aurions bien volontiers voté l'amendement n° 204 présenté par M. Althapé
s'il n'avait pas été rectifié. En effet, un équilibre s'était établi entre
l'habitat rural et l'habitat urbain, les deux termes ayant été cités. Mais nous
ne pouvons accepter le remplacement du mot « mixité » par le mot « diversité ».
En effet, les deux mots ne recouvrent pas des notions équivalentes.
La notion de diversité renvoie à une conception fonctionnelle de la ville dont
nous voulons précisement nous éloigner. la notion de mixité est en revanche
plus sociologique. Par ailleurs, elle est plus large : la mixité suppose la
diversité.
En revanche, la diversité n'induit pas forcément la mixité. La notion de
diversité autorise que « dans une ville » coexistent sans se juxtaposer des
quartiers HLM et des quartiers résidentiels. C'est donc tout le contraire de la
notion de mixité urbaine, qui suppose que, sur un même territoire, se mêlent
différents types d'habitats et de populations.
Nous voterons donc contre l'amendement n° 204 rectifié.
M. Charles Revet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Revet.
M. Charles Revet.
Je voterai, bien entendu, cet amendement rectifié. Je me réjouis d'ailleurs de
la modification qui est intervenue parce que diversité et mixité sont
complémentaires, me semble-t-il.
Cela étant, monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai écouté avec beaucoup
d'attention vos réponses aux intervenants dans la discussion générale. Vous
avez affirmé qu'il fallait essentiellement se consacrer au renouvellement
urbain, ce qui ne suppose pas d'opposition entre le rural et l'urbain.
Il est habituel de dire qu'aujourd'hui 80 % de la population vit sur 20 % du
territoire. Et l'on fait comme si cet état de fait devait être immuable.
Il me semble qu'il conviendrait tout d'abord de faire l'analyse de la
situation.
Pourquoi 80 % de la population vit-elle sur 20 % du territoire ? C'est parce
que, pendant de très longues années, nos concitoyens ne se sont pas vu offrir
d'autres possibilités.
Mme Hélène Luc.
C'est parce qu'il y a moins d'agriculteurs !
M. Charles Revet.
Non, Madame, c'est parce qu'aujourd'hui on oppose beaucoup de difficultés à la
construction en milieu rural. M. le rapporteur a cité à cet égard un exemple
pris dans mon canton. J'ai dû véritablement insister pour que l'autorisation de
construire soit donnée dans la petite commune rurale concernée.
Le maire envisageait simplement de construire six ou huit logements. Que lui
a-t-il été répondu au moment d'établir la répartition des PLA ? « C'est fini,
on ne construit plus dans des petites communes comme celle-là ! » Ce que je
vous décris là se reproduit en bien d'autres endroits. Nous l'avons constaté en
sillonnant le territoire dans le cadre d'un groupe de travail constitué pour
préparer l'examen de ce texte.
Or, comme M. Althapé le rappelait à l'instant, dans cette commune de
Fongueusemare, pour six logements construits, il y a eu quatre-vingts demandes
! D'où émanaient ces demandes, monsieur le secrétaire d'Etat ? A 90 %,
d'habitants de la banlieue havraise qui souhaitaient s'installer dans ce
village où il n'y a peut-être pas de service public ni de commerce. Lorsque
l'on a demandé aux familles si elles regrettaient leur choix, si elles
souhaitaient retourner d'où elles venaient, elles ont répondu : « Pas question,
nous sommes heureux d'être ici ; nos enfants s'épanouissent. »
Monsieur le secrétaire d'Etat, quelle est notre mission ? N'est-ce pas de
faire vivre les hommes, les femmes, les familles dans un environnement qui
favorise le meilleur épanouissement possible ? Pour cela il faut certes
faciliter la construction en milieu urbain, faire du renouvellement urbain,
j'en suis d'accord, mais il faut aussi permettre que, dans les villages où une
demande se fait sentir, les élus puissent répondre à cette demande.
Telle est la raison pour laquelle il ne faut pas opérer de distinction entre
l'urbain et le rural. Il doit y avoir complémentarité entre les deux et la
démarche que nous conduisons doit aller dans ce sens.
Je pourrais aussi évoquer - mais je ne veux pas prolonger le débat - mon
propre village, où, chaque fois que l'on a construit, les demandes ont été dix
fois supérieures aux logements disponibles. Et pourtant on construit, puisque
le village a été multiplié par cinq !
Il faut travailler dans ce sens et, malgré ce que vous disiez tout à l'heure,
monsieur le secrétaire d'Etat - je vous connais, vous êtes venu dans le
département de Seine-Maritime -, telle est votre volonté. Mais bien des freins
existent au niveau de l'application. Je vous demande donc de transmettre le
message pour que, sur le terrain, cette volonté que nous partageons de
favoriser un meilleur aménagement du territoire, de faire en sorte que les gens
puissent aller habiter là où ils veulent se traduise véritablement dans les
faits.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Je voudrais répondre brièvement à M. Revet.
Les circulaires de programmation que M. le directeur général de l'urbanisme,
de l'habitat et de la construction et moi-même signons chaque année sont, me
semble-t-il, sans ambiguïté. Il est systématiquement demandé aux services
instructeurs d'être attentifs à la réalité des besoins, notamment dans les
secteurs où se trouvent des bâtiments anciens inutilisés, où il existe une
offre locative privée trouvant quelquefois difficilement preneur. Il est
simplement conseillé de veiller, dans de tels secteurs, à ne pas déséquilibrer
le marché par des constructions qui viendraient concurrencer des bâtiments
existants vacants, voire les rendre vacants.
En dehors de cette précaution, qui est de bon sens, il n'y a pas de
restriction. J'en veux pour preuve que nous avons signé, au début du mois de
février, un décret autorisant les communes, lorsque les organismes d'HLM ne
veulent pas intervenir, à faire du prêt locatif d'usage social - PLUS - en
acquisition-amélioration. Ainsi, les maires des communes rurales qui ne peuvent
pas obtenir le concours d'un organisme d'HLM - certains organismes, en effet,
ne veulent pas avoir un patrimoine trop émietté, avec deux logements dans une
commune, trois dans une autre, etc. - puissent se tourner vers la Caisse des
dépôts et consignations pour que soit consenti un PLUS en
acquisition-amélioration, amortissable en cinquante-ans, au taux de 3,45 %, et
même assorti d'une subvention. Je suis d'ailleurs heureux de rappeler
l'existence de ce dispositif devant la Haute Assemblée, qui dispose, je le
sais, d'un réseau actif de relations avec les maires.
En tout cas, cet exemple montre clairement que nous ne sommes nullement
hostiles au développement de l'offre locative sociale dans le secteur rural.
Simplement, il faut prendre des précautions et essayer, d'abord, de mobiliser
les capacités existantes. C'est un principe de bonne gestion, et les maires s'y
retrouveront.
M. Charles Revet.
Il faut aussi du neuf, monsieur le secrétaire d'Etat, pas seulement de la
réhabilitation !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Mais rien ne l'interdit !
M. Pierre Hérisson.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson.
Je tiens à appuyer l'intervention de notre collègue M. Revet, d'autant qu'il a
participé, comme M. Althapé, au groupe du travail sur les deux défis pour
l'urbanisme que j'ai eu l'honneur de présider.
Il est effectivement nécessaire de préciser les choses.
Vous avez rappelé, monsieur le secrétaire d'Etat, les possibilités qui sont
offertes aujourd'hui aux communes de France pour la réalisation de logements.
Il n'en reste pas moins que des précisions méritent d'être introduites dans le
texte parce que, sur le terrain, certains fonctionnaires des services
déconcentrés de l'Etat font prévaloir, dès lors que les textes ne sont pas
suffisamment clairs, leur propre conception idéologique de l'aménagement du
territoire, de la constructibilité et de l'urbanisation en milieu rural.
M. Charles Revet.
Absolument !
M. Pierre Hérisson.
Bien souvent, le principal obstacle ne tient pas au financement : il est le
fait du fonctionnaire de l'Etat que l'on a en face soi et qui ne songe qu'à
mettre en pratique son idéologie en faisant du regroupement urbain. Certaines
conceptions raisonnables à l'origine finissent par revêtir un caractère quasi
idéologique et par constituer une entrave au véritable développement.
Dès lors, je me demande s'il ne conviendrait pas que vous exigiez un accusé de
réception des circulaires que vous adressez aux services déconcentrés de
l'Etat. Peut-être cela leur montrerait-il votre volonté de les voir exécuter
sur le terrain les recommandations qui figurent dans ces circulaires.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 204 rectifié, repoussé par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis maintenant saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 205 est déposé par M. Althapé, au nom de la commission des
affaires économiques.
L'amendement n° 64 est présenté par M. Jarlier, au nom de la commission des
lois.
Tous deux tendent, dans le troisième alinéa (2e) du texte proposé par le II du
A de l'article 1er pour l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme, après les
mots : « d'activités économiques, » de supprimer le mot : « notamment ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 205.
M. Louis Althapé,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel. L'adoption d'un
amendement à l'Assemblée nationale a pour conséquence de faire figurer deux
fois l'adverbe « notamment » dans cet alinéa, alors même que sa première
occurrence était inutile.
M. le président.
La parole est à M. Jarlier, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement
n° 64.
M. Pierre Jarlier,
rapporteur pour avis.
Je n'ai rien à ajouter, monsieur le président.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
En vérité, monsieur le président, c'est à la
suppression de l'autre « notamment » que le Gouvernement serait favorable !
(Sourires.)
Même si le propos peut en effet prêter à sourire, je suis
tout à fait sérieux.
En effet, il est évident que les activités commerciales ne sont qu'un
sous-ensemble des activités économiques. Il importe de ne pas donner à penser
que ces deux types d'activités pourraient être opposées.
Autrement dit, le Gouvernement a parfaitement conscience qu'il y a un «
notamment » de trop, mais il ne pense pas au même.
M. Ladislas Poniatowski.
Supprimons tous les « notamment » !
M. Pierre Jarlier,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Jarlier, rapporteur pour avis.
M. Pierre Jarlier,
rapporteur pour avis.
Nous tenons beaucoup à la suppression de ce «
notamment »-là, car il limite la portée normative de l'ajout de l'Assemblée
nationale, qui a souhaité la prise en compte des activités commerciales,
sportives ou culturelles, et crée en outre une confusion quant à la nature de
ces dernières activités, qui ne peuvent être assimilées à des activités
économiques.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 205 et 64, repoussés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
Par amendement n° 6 rectifié, MM. Poniatowski, Revet, Cléach, Emin, Mme Bardou
et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent, à la fin
du troisième alinéa (2°) du texte présenté par le paragraphe II du A de
l'article 1er pour l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme, de remplacer les
mots : « et de la gestion des eaux » par les mots : « , de la gestion des eaux
et des sources d'énergie ».
La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski.
Le troisième alinéa du texte présenté pour l'article L. 121-1 prévoit que
l'élaboration des documents doit tenir compte d'un certain nombre d'éléments,
parmi lesquels figurent les moyens de transport et la gestion des eaux. Je
propose d'y ajouter les sources d'énergie. En effet, le transport de
l'électricité, en particulier, mérite d'être pris en compte dans un document
d'urbanisme.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Althapé,
rapporteur.
La commission est favorable à cet amendement, qui apporte une
utile précision à l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
A l'Assemblée nationale, le Gouvernement n'a pas été
très favorable à l'adjonction répétée de formules complémentaires. Il n'a pas
été suffisamment convaincant à l'Assemblée nationale... Il pense qu'il ne le
sera pas davantage au Sénat.
(Sourires.)
En conséquence, il s'en remet à
la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6 rectifié, accepté par la commission et pour
lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis maintenant saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 206 est présenté par M. Althapé, au nom de la commission des
affaires économiques.
L'amendement n° 65 rectifié est présenté par M. Jarlier, au nom de la
commission des lois.
Tous deux tendent à rédiger comme suit le début du dernier alinéa (3°) du
texte proposé par le II du A de l'article 1er pour l'article L. 121-1 du code
de l'urbanisme :
« Une utilisation économe et équilibrée des espaces naturels, urbains,
périurbains et ruraux, la maîtrise... ».
Par amendement n° 7 rectifié, MM. Poniatowski, Revet, Cléach, Emin, Mme Bardou
et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent, dans le
dernier alinéa (3°) du texte présenté par le II du A de l'article 1er pour
l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme, de remplacer le mot : « économe »,
par le mot : « équilibrée ».
La parole est à M. Althapé, pour défendre l'amendement n° 206.
M. Louis Althapé,
rapporteur.
Cet amendement tend à faire apparaître les différents aspects
du continuum qui caractérise l'espace, la dualité espace naturel - espace
urbain n'étant qu'approximative, et sans doute un peu trompeuse.
M. le président.
La parole est à M. Jarlier, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement
n° 65 rectifié.
M. Pierre Jarlier,
rapporteur pour avis.
La notion d'utilisation économe retenue par le
projet de loi pourrait contraindre les documents d'urbanisme à promouvoir un
développement de la ville sur elle-même, favorisant en conséquence les
phénomènes de densification urbaine, au détriment d'un développement plus
équilibré de l'espace. C'est pourquoi l'amendement fait expressément référence
à une utilisation équilibrée de l'espace.
En outre, dans une perspective territoriale, il convient de viser également
les espaces périurbains et ruraux, selon la logique que nous avons exposée
précédemment.
M. le président.
La parole est à M. Poniatowski, pour défendre l'amendement n° 7 rectifié.
M. Ladislas Poniatowski.
Pour ma part, je considère qu'il y a, derrière ce texte, une volonté de
densification. Il ne s'agit pas seulement d'un risque d'erreur
d'interprétation. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement,
qui, tout en allant dans le sens des deux amendements qui viennent d'être
présentés, tend au remplacement du mot : « économe » par le mot : « équilibrée
».
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 7 rectifié ?
M. Louis Althapé,
rapporteur.
Il est satisfait par les amendements identiques n°s 206 et 65
rectifié.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 206, 65 rectifié et 7
rectifié ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est favorable à la formule qui associe
les deux termes : « économe » et « équilibrée ».
J'ajoute que l'adjectif « économe » est parfaitement cohérent avec la logique
de l'option du développement durable, sur laquelle nous sommes tombés
d'accord.
Je dirai simplement à M. Poniatowski qu'il n'y a aucunement volonté de
densification ; le problème ne se pose pas dans ces termes. Il faut éviter le
gaspillage de certains espaces et donc ne pas laisser les friches perdurer ou
la dégradation de certains quartiers se pourvuivre. La densité, c'est une
affaire de plan local d'urbanisme.
Au demeurant, le mal-vivre affecte aussi des quartiers où la densité est
moindre que celle de quartiers de nos grandes villes où l'on vit beaucoup
mieux.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 206 et 65 rectifié.
M. Ladislas Poniatowski.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous dites que, dans une commune, il faut
utiliser tous les espaces. J'en suis d'accord ! Mais utiliser ne signifie pas
nécessairement construire ! Les espaces libres peuvent aussi devenir des
espaces verts, des jardins...
M. Denis Badré.
Absolument !
M. Ladislas Poniatowski.
C'est bien pourquoi je dis que l'utilisation de certains termes témoigne d'une
volonté de densifier, et cela transparaît dans d'autres parties du texte.
Cela étant, je me rallie volontiers aux amendements n°s 206 et 65 rectifié, et
retire donc l'amendement n° 7 rectifié.
M. le président.
L'amendement n° 7 rectifié est retiré.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 206 et 65 rectifié, acceptés
par le Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
Par amendement n° 723 rectifié, Mme Michaux-Chevry, MM. Lassourd, Gournac,
Lanier et Vial proposent, dans le dernier alinéa (3°) du texte présenté par le
II du A de l'article 1er pour l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme, après
les mots : « de la demande de déplacement, », d'insérer les mots : « notamment
au regard des situations insulaires et archipélagiques, ».
Cet amendement est-il soutenu ?...
Par amendement n° 942, MM. Le Cam, Lefebvre, Mme Terrade et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le dernier alinéa (3°)
du texte présenté par le II du A de l'article 1er pour l'article L. 121-1 du
code de l'urbanisme, après les mots : « demande de déplacement » d'insérer les
mots : « le développement d'une offre qualitative et quantitative de transport
collectif adapté aux besoins permettant ».
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Parmi les principes liés à l'utilisation économe de l'espace que les SCT, les
PLU, les cartes communales sont tenus de respecter figure celui de la maîtrise
de la demande de déplacement, auquel est associé un nouveau principe de
limitation de la circulation automibile.
Nous sommes tous confrontés, en tant qu'élus, mais aussi en tant que citoyens,
aux problèmes de circulation. Les habitants des centres-villes, surtout,
souffrent des désagréments occasionnés par le trafic automobile excessif. Ici
et là sur le territoire national, des associations de riverains se battent pour
obtenir des déviations afin de désengorger les routes départementales devenues
dangereuses du fait, notamment, du flux de camions ou de voitures provenant
principalement de zones industrielles.
L'objet de l'amendement que nous vous soumettons est étranger à celui des
amendements présentés tant par le groupe des Républicains et Indépendants que
par M. Jarlier, au nom de la commission des lois, et visant respectivement à
refuser qu'il soit précisé dans la loi que les documents d'urbanisme assurent
la limitation de la circulation automobile ou à préférer à cette notion celle,
beaucoup moins contraignante, de maîtrise de la circulation automobile.
Notre amendement tend, au contraire, à réaliser pleinement cet objectif
légitime en prévoyant que les documents d'urbanisme doivent intégrer les
conditions du développement de l'offre en moyens de transport collectif adaptés
aux besoins.
Pour limiter effectivement l'utilisation de l'automobile, encore faut-il que
nos concitoyens aient le choix, et donc qu'ils aient à leur disposition une
offre de transport collectif !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Althapé,
rapporteur.
Défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement partage complètement les objectifs des
auteurs de l'amendement. Il s'autorise cependant à leur faire remarquer que la
disposition qu'ils suggèrent a sa place au titre III, qui vise les plans de
déplacements urbains.
Le Gouvernement souhaite donc que cet amendement soit, en cet instant,
retiré.
M. le président.
Monsieur Le Cam, accédez-vous au souhait de M. le secrétaire d'Etat ?
M. Gérard Le Cam.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 942 est retiré.
Je suis maintenant saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 8 rectifié
bis
est présenté par MM. Poniatowski, Revet,
Cléach, Emin, Mme Bardou, M. du Luart et les membres du groupe des Républicains
et Indépendants.
L'amendement n° 700 est déposé par M. Leclerc.
Tous deux tendent, dans le dernier alinéa (3°) du texte proposé par le II du A
de l'article 1er pour l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme, à supprimer
les mots : « la limitation de la circulation automobile ».
Les deux amendements suivants sont également identiques.
L'amendement n° 66 est présenté par M. Jarlier, au nom de la commission des
lois.
L'amendement n° 9 rectifié est déposé par MM. Poniatowski, Revet, Cléach,
Emin, Mme Bardou et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
Tous deux tendent, dans le dernier alinéa (3°) du texte proposé par le II du A
de l'article 1er pour l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme, à remplacer
les mots : «, la limitation », par le mot : « et ».
La parole est à M. Poniatowski, pour défendre l'amendement n° 8 rectifié
bis.
M. Ladislas Poniatowski.
Je ne suis pas certain que les termes : « limitation de la circulation
automobile » soient vraiment nécessaires dans les documents d'urbanisme,
nouveaux ou anciens. Voilà pourquoi je vous propose de supprimer cette
précision, à mon sens, inopportune.
M. le président.
La parole est à M. Leclerc, pour présenter l'amendement n° 700.
M. Dominique Leclerc.
Mes propos s'inscrivent dans la continuité de ce que vient de dire M.
Poniatowski.
Que l'on parle, comme l'a fait M. Le Cam, de « maîtrise » ou, de façon plus
positive, de « favoriser l'accès et le développement du transport collectif »,
là, je suis d'accord, Mais on a pris l'habitude dans notre pays d'être toujours
contre quelqu'un, contre un corps social, contre, contre ! Je ne suis pas du
tout d'accord avec cet état d'esprit, et c'est pourquoi j'ai déposé cet
amendement.
M. le président.
La parole est à M. Jarlier, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement
n° 66.
M. Pierre Jarlier,
rapporteur pour avis.
La notion de « limitation » affectant la
circulation automobile pourrait être source de contentieux. Elle pourrait ainsi
conduire à refuser l'implantation d'une entreprise ou de logements au seul
motif que, la desserte en transport en commun étant insuffisante, ils ne
seraient accessibles que par la voiture. Il paraît préférable de substituer à
cette notion celle, plus souple, de « maîtrise » de la circulation
automobile.
M. le président.
La parole est à M. Poniatowski, pour défendre l'amendement n° 9 rectifié.
M. Ladislas Poniatowski.
Par cet amendement, je fais en quelque sorte coup double, en supprimant la «
limitation » de la circulation automobile tout en insistant sur la nécessité de
préserver la qualité de l'air.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission, d'une part, sur les amendements identiques
n°s 8 rectifié
bis,
et 700, d'autre part, sur les amendements identiques
n°s 66 et 9 rectifié ?
M. Louis Althapé,
rapporteur.
Les amendements identiques n°s 8 rectifié
bis
et 700
sont satisfaits par l'amendement n° 66 et donc n'auront plus d'objet si
l'amendement de la commission des lois est adopté.
Par ailleurs, la commission est favorable aux amendements identiques n°s 66 et
9 rectifié.
M. le président.
Monsieur Poniatowski, votre amendement est-il maintenu ?
M. Ladislas Poniatowski.
Etant donné qu'il est satisfait, je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 8 rectifié
bis
est retiré.
L'amendement n° 700 est-il maintenu ?
M. Dominique Leclerc.
Je le retire également.
M. le président.
L'amendement n° 700 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 66 et 9
rectifié ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement tient à s'expliquer sur le fait qu'il
a fait figurer ces termes dans le projet de loi. Je rappelle qu'il s'agit des
termes mêmes que votre assemblée a votés en adoptant la loi sur l'air, dont
l'une des dispositions modifiait la loi d'orientation des transports
intérieurs, la LOTI. C'est au nom de la continuité entre les deux textes que le
Gouvernement est attaché cette terminologie.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 66 et 9 rectifié, acceptés par
la commission et repoussés par le Gouvernement.
M. Jacques Bellanger.
Le groupe socialiste vote contre.
M. Pierre Lefebvre.
Le groupe communiste républicain et citoyen également.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
Par amendement n° 207, M. Althapé, au nom de la commission des affaires
économiques, propose, dans le quatrième alinéa (3°) du texte présenté par le II
du A de l'article 1er pour l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme, après les
mots : « du sol », d'insérer les mots : « et du sous-sol ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Althapé,
rapporteur.
Comme l'a montré la proposition de loi n° 160 (1999-2000) de
M. Jean-Paul Hugot, il est souhaitable de mieux intégrer le droit du sous-sol
dans le code de l'urbanisme.
Le sous-sol doit, lui aussi, être préservé au même titre que les écosystèmes
et que les espaces verts mentionnés au 3° du paragraphe II du A de l'article
1er.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Compte tenu du vote précédemment intervenu, le
Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 207, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis maintenant saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 10 rectifié est présenté par MM. Poniatowski, Revet, Cléach,
Emin, Mme Bardou et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
L'amendement n° 889 est déposé par MM. Hoeffel et Amoudry.
Tous deux tendent à compléter le texte proposé par le II du A de l'article 1er
pour l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme par un alinéa ainsi rédigé :
« La qualité des constructions et leur insertion harmonieuse dans le milieu
environnant par la création architecturale. »
La parole est à M. Poniatowski, pour défendre l'amendement n° 10 rectifié.
M. Ladislas Poniatowski.
Cet amendement vise à intégrer la création architecturale au titre de « la
qualité des constructions » et de « leur insertion harmonieuse dans le milieu
environnant ».
Je reviendrai à plusieurs reprises, au cours du débat, sur la nécessité
d'intégrer cette notion de « création architecturale ».
M. le président.
L'amendement n° 889 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 10 rectifié ?
M. Louis Althapé,
rapporteur.
La commission est favorable à cet amendement, qui introduit
une utile précision dans l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme en prévoyant
que, parmi les principes généraux qui s'appliquent aux SCT, aux PLU et aux
cartes communales, figurent la « qualité des constructions et leur insertion
harmonieuse dans le milieu environnant par la création architecturale ».
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 10 rectifié ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, non
qu'il ne souscrive pas à l'objectif de recherche d'un bon niveau de qualité des
constructions, mais parce qu'il estime que ces dispositions relèvent du plan
d'urbanisme, qui est à la bonne échelle, et non pas du schéma de cohérence
territoriale. Le chapitre général, qui concerne les deux documents, ne semble
pas être l'endroit du texte le plus pertinent pour introduire de telles
dispositions.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 10 rectifié.
M. Denis Badré.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré.
J'apporte le soutien plein et actif de notre groupe à l'amendement de M.
Poniatowski. M. Daniel Hoeffel insiste toujours beaucoup auprès de nous pour
faire la promotion de la qualité architecturale. Si nous voulons faire en sorte
que les nouvelles constructions s'insèrent harmonieusement dans
l'environnement, il faut, en effet, que la promotion de la qualité
architecturale soit première.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10 rectifié, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 208, M. Althapé, au nom de la commission des affaires
économiques, propose de compléter
in fine
le texte présenté par le II du
A de l'article 1er pour l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme par un alinéa
ainsi rédigé :
« Les dispositions des 1° à 3° du présent article sont applicables aux
directives territoriales d'aménagement visées à l'article L. 111-1-1. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Althapé,
rapporteur.
Cet amendement tend à soumettre les directives territoriales
d'aménagement qui sont élaborées par l'Etat à l'ensemble des dispositions de
l'article L. 121-1 nouveau du code de l'urbanisme. Dans le texte transmis au
Sénat, le chapitre I du livre II du livre Ier du code de l'urbanisme ne
concerne que les SCT, les PLU et les cartes communales, tous documents élaborés
par les collectivités locales. Je pense que cet amendement remédie à cette
carence. On ne voit pas, en effet, pourquoi l'Etat s'affranchirait des règles
qu'il impose aux collectivités locales.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Tout à fait favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 208, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 121-1 du code de
l'urbanisme.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE L. 121-2 DU CODE DE L'URBANISME
M. le président.
Par amendement n° 11 rectifié, MM. Poniatowski, Revet, Cléach, Emin, Mme
Bardou et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent,
avant le premier alinéa du texte présenté par le II du A de l'article 1er pour
l'article L. 121-2 du code de l'urbanisme, d'ajouter un alinéa ainsi rédigé
:
« Les documents d'urbanisme prévus à l'article L. 121-1 sont élaborés avec le
concours de professionnels qualifiés dans les domaines de l'architecture et de
l'urbanisme. »
La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski.
Monsieur le président, je suis un peu gêné. Du fait de l'urgence déclarée sur
ce texte, nous avons dû examiner cet amendement en commission entre vingt-deux
heures et vingt-trois heures. De cet examen il est ressorti que je devais
modifier ma rédaction, qui posait problème, mais je n'en ai pas eu le temps.
M. le président.
Mon cher collègue, vous pouvez encore rectifier l'amendement.
M. Ladislas Poniatowski.
J'avoue que je n'ai pas eu le temps de travailler la question depuis hier
soir. Je préfère donc retirer l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° 11 rectifié est retiré.
Je suis maintenant saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 209 est présenté par M. Althapé, au nom de la commission des
affaires économiques.
L'amendement n° 67 est déposé par M. Jarlier, au nom de la commission des
lois.
Tous deux tendent :
I. - A rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par le II du A
de l'article 1er pour l'article L. 121-2 du code de l'urbanisme :
« Le représentant de l'Etat dans le département porte à la connaissance des
communes ou de leurs groupements compétents les informations nécessaires à
l'exercice de leurs compétences en matière d'urbanisme. Tout retard ou omission
dans la transmission desdites informations est sans effet sur les procédures
engagées par les communes ou leurs groupements.
II. - En conséquence, dans toutes les dispositions du projet de loi, à
remplacer le mot : « préfet », par les mots : « représentants de l'Etat dans le
département ».
L'amendement n° 67 est assorti d'un sous-amendement n° 576, présenté par M.
Ambroise Dupont et les membres du groupe des Républicains et Indépendants, et
tendant, au début du second alinéa du I de l'amendement n° 67, après les mots :
« Le représentant de l'Etat dans le département porte », à insérer les mots : «
dans un délai de trois mois ».
Par amendement n° 758, M. Hérisson propose, dans le deuxième alinéa du texte
présenté par le II du A de l'article 1er pour l'article L. 121-2 du code de
l'urbanisme, après les mots : « à la connaissance des communes ou de leurs
groupements compétents », d'insérer les mots : « dans un délai fixé par un
décret en Conseil d'Etat ».
Par amendement n° 934, MM. César, Murat et Lassourd proposent, après les mots
: « de leurs compétences », de rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa du
texte présenté par le II du A de l'article 1er pour l'article L. 121-2 du code
de l'urbanisme : « et les servitudes d'utilité publique affectant l'utilisation
des sols. »
La parole est à M. Jarlier, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement
n° 67.
M. Pierre Jarlier,
rapporteur pour avis.
L'obligation continue d'information mise à la
charge du représentant de l'Etat ne devrait pas avoir pour effet de bloquer les
procédures engagées par les communes ou leurs groupements.
Par cet amendement, la commission des lois suggère de le préciser expressément
dans le texte proposé.
Conformément aux dispositions de l'article 34 de la loi du 2 mars 1982 et aux
solutions retenues dans le cadre de la codification, en particulier lors de
l'élaboration du code général des collectivités territoriales, le même
amendement tend à substituer la dénomination « représentant de l'Etat dans le
département » à celle de « préfet ».
L'amendement vise enfin à supprimer la référence, inutile au plan juridique,
au schéma de services collectifs et aux servitudes d'utilité publique.
J'insiste sur l'importance de la première partie de l'amendement, qui permet
de ne pas retarder les procédures d'élaboration des documents.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 209.
M. Louis Althapé,
rapporteur.
S'agissant d'un amendement identique, je n'ai rien à ajouter
aux propos de M. Jarlier, rapporteur pour avis.
M. le président.
La parole est à M. Ambroise Dupont, pour présenter le sous-amendement n°
576.
M. Ambroise Dupont.
M. Jarlier est tout autant que moi soucieux de ne pas voir s'allonger les
procédures. C'était bien l'objet de ce sous-amendement, qui visait à rétablir
un délai de trois mois pour que les informations soient portées à la
connaissance des collectivités en cours d'élaboration d'un plan d'occupation
des sols.
Il me semble, après avoir entendu M. le secrétaire d'Etat, que c'était une
bonne façon, d'un part, d'éviter aux communes ou aux groupements de communes de
s'engager sur de fausses pistes au moment d'élaborer un plan d'occuation des
sols, et, d'autre part, en imposant un délai au préfet, de ne pas retarder les
procédures et de clarifier le débat. Cela étant, j'ai bien entendu la
commission.
M. le président.
La parole est à M. Hérisson, pour défendre l'amendement n° 758.
M. Pierre Hérisson.
Cet amendement va dans le même sens. On ne saurait trop insister sur
l'avantage qu'il y a, pour les communes, à disposer en une seule fois et dans
un délai de trois mois de toutes les informations émanant des différents
services de l'Etat.
Moi aussi, j'ai bien entendu la commission, mais il est important que les
choses soient claires sur ce plan, de manière que ce ne soit pas un moyen de
retarder les procédures.
M. le président.
L'amendement n° 934 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 576 et sur
l'amendement n° 758 ?
M. Louis Althapé,
rapporteur.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 576, qui ressemble
quelque peu à l'amendement n° 758, l'avis de la commission est défavorable.
Elle a accepté le principe d'un porter à connaissance en continu et a
d'ailleurs prévu, par un amendement n° 209 identique à celui de la commission
des lois, que tout retard dans la transmission des informations serait sans
effet sur des procédures engagées par les communes ou leurs groupements.
Rétablir un délai de trois mois, dont nous savons tous qu'il n'est bien souvent
pas respecté, ne me semble pas forcément opportun.
Enfin, si la législation change, elle s'appliquera de toute façon aux projets
en cours d'élaboration et, en conséquence, il sera bien utile que le préfet
porte à connaissance ces nouveaux éléments en dehors du délai de trois mois.
Ces observations valent aussi pour l'amendement n° 758, qui précise que le
délai est fixé par un décret en Conseil d'Etat.
M. le président.
Monsieur Hérisson, l'amendement n° 758 est-il maintenu ?
M. Pierre Hérisson.
Je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 758 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 209 et 67
ainsi que sur le sous-amendement n° 576 ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est défavorable aux amendements
identiques n°s 209 et 67 ainsi qu'au sous-amendement n° 576 pour deux raisons
très simples.
Tout d'abord, je rappelle que, dans le système actuel, le porter à
connaissance intervient au début de la procédure. Nous proposons qu'il
intervienne désormais aussitôt qu'un élément est de nature à intéresser la
collectivité locale. En conséquence, les administrations, informées d'éléments
susceptibles d'intéresser les collectivités locales, ne peuvent plus faire de
rétention. L'information est continue. Je peux prendre l'engagement que des
instructions très fermes seront données pour que cette procédure du porter à
connaisance en continu fonctionne réellement.
Par ailleurs, la précision apportée par les amendements n°s 209 et 67 -
j'appelle l'attention de leurs auteurs sur ce point - n'est pas utile puisqu'un
retard éventuel des services de l'Etat est toujours sans effet sur la légalité
d'une procédure. Mais le fait de le préciser aboutirait
a contrario
à
créer, dans les autres procédures pour lesquelles cette précision n'existerait
pas, la situation que l'on veut récuser ici, ce qui ne serait pas heureux.
S'agissant du sous-amendement n° 576, j'indiquerai que le Gouvernement ne
souhaite pas fixer de délai : il vous est proposé, en effet, une communication
sans délai.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement souhaite le retrait ou
le rejet tant des amendements que du sous-amendement.
M. Pierre Jarlier,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Jarlier, rapporteur pour avis.
M. Pierre Jarlier,
rapporteur pour avis.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je maintiens
l'amendement n° 67, car les élus sont très attachés à l'accélération des
procédures. Le projet de loi permet en théorie d'aller plus vite, mais, dans la
pratique, la production des documents prend quelquefois plus de temps que ce
que l'on aurait souhaité.
Le fait de prévoir un délai aboutirait forcément, à terme, à ce que la durée
de la procédure soit égale au délai imparti, et pas moins.
Mais le fait de bien préciser que tout retard ou omission dans la transmission
des informations est sans effet sur les procédures nous assure de la
possibilité de pouvoir préparer les documents sans retard.
M. le président.
Monsieur Ambroise Dupont, le sous-amendement n° 576 est-il maintenu ?
M. Ambroise Dupont.
Je le retire, monsieur le président, compte tenu des explications de M. le
secrétaire d'Etat et de M. le rapporteur pour avis, en espérant que le système
fonctionnera bien.
M. le président.
Le sous-amendement n° 576 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 209 et 67, repoussés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
Par amendement n° 210, M. Althapé, au nom de la commission des affaires
économiques, propose, après le deuxième alinéa du texte présenté par le II du A
de l'article 1er pour l'article L. 121-2 du code de l'urbanisme, d'insérer un
alinéa ainsi rédigé :
« Le représentant de l'Etat dans le département fournit également les études
techniques dont dispose l'Etat en matière de prévention des risques et de
protection de l'environnement. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Althapé,
rapporteur.
Comme l'a recommandé le groupe de travail sur la
modernisation de l'urbanisme, il est souhaitable que l'Etat ne fasse pas de
rétention des études techniques souvent coûteuses dont il dispose ; cela
permettrait aux communes de ne réaliser, en matière de prévention de risques en
particulier et de protection de l'environnement, que des études de détails, à
moindre frais donc.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sous
réserve de la substitution du mot plus neutre « notamment » au mot « également
», susceptible de créer un
a contrario
. Mais j'ai bien compris que
c'était là un argument qui ne retenait pas beaucoup l'attention des
rapporteurs...
M. Louis Althapé,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Althapé,
rapporteur.
Monsieur le président, la commission accepte de rectifier
l'amendement n° 210, afin de substituer le mot « notamment » au mot « également
».
M. le président.
Je suis donc saisi de l'amendement n° 210 rectifié, qui est ainsi rédigé : «
Le représentant de l'Etat dans le département fournit notamment les études
techniques dont dispose l'Etat en matière de prévention des risques et de
projection de l'environnement. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 210 rectifié, pour lequel le Gouvernement
s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 211 est présenté par M. Althapé, au nom de la commission des
affaires économiques.
L'amendement n° 68 est déposé par M. Jarlier, au nom de la commission des
lois.
Tous deux tendent à supprimer le dernier alinéa du texte proposé par le II du
A de l'article 1er pour l'article L. 121-2 du code de l'urbanisme.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 211.
M. Louis Althapé,
rapporteur.
La mise à la disposition du public du porter à connaissance
semble être une procédure trop lourde. Mieux vaut prévoir que le contenu des
documents principaux qui le composent soient annexés à l'enquête publique,
comme un amendement le proposera ultérieurement.
M. le président.
La parole est à M. Jarlier, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement
n° 68.
M. Pierre Jarlier,
rapporteur pour avis.
Je n'ai rien à ajouter au propos de M. le
rapporteur.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 211 et 68 ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 211 et 68, acceptés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
Par amendement n° 212, M. Althapé, au nom de la commission des affaires
économiques, propose de compléter
in fine
le texte présenté par le II du
A de l'article 1er pour l'article L. 121-2 du code de l'urbanisme par un alinéa
ainsi rédigé :
« Une synthèse des principales informations portées à la connaissance des
communes ou de leurs groupements compétents est annexée au dossier d'enquête
publique. »
la parole et à M. le rapporteur.
M. Louis Althapé,
rapporteur.
Il s'agit de prévoir que l'Etat établira une synthèse des «
porter » à connaissance qui sera annexée au dossier d'enquête publique.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, car
l'idée de proposer une synthèse semble comporter des dangers. Qui va être
chargé d'établir la synthèse ? Le document de synthèse ne risque-t-il pas de
fragiliser le document principal si des requérants font valoir, par exemple,
que la synthèse est insuffisante ? Par conséquent, le Gouvernement préfère que
certains éléments du porter à connaissance puissent être joints en tant que de
besoin au dossier de l'enquête publique.
M. le président.
Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 212 est-il maintenu ?
M. Louis Althapé,
rapporteur.
J'entends bien les arguments de M. le secrétaire d'Etat, mais
je considère que l'Etat doit être en mesure de réaliser une synthèse et de
s'engager sur l'ensemble des documents remis.
Je maintiens donc l'amendement n° 212, considérant de surcroît qu'il
permettrait de clarifier la position de l'Etat, qui paraît intéressante à
suivre.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 212.
M. Jacques Bellanger.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger.
Trouvant l'amendement n° 212 intéressant, nous nous apprêtions à le voter.
Mais nous sommes très sensibles à l'avis du Gouvernement et craignons donc
beaucoup qu'une synthèse ne soit mise en cause par une partie quelconque. Il
faudrait par conséquent trouver une autre rédaction.
Mme Odette Terrade.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen s'apprêtaient
également à voter en faveur de l'amendement n° 212, qui leur semblait une
solution de compromis. Ils se rallient cependant aux arguments avancés par M.
le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
J'ajoute, pour la complète information de la Haute
Assemblée, que, si l'Etat transmet les éléments qui font l'objet du porter à
connaissance, son avis est également joint au moment de l'enquête publique. Par
conséquent, un document supplémentaire sous forme de synthèse alourdirait la
procédure : qui va en être chargé ? Pas l'Etat, car cela va être échelonné dans
le temps. Il vous faut, à mon avis, réfléchir à cette question.
M. Louis Althapé,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Althapé,
rapporteur.
Je m'étonne quand même beaucoup de constater que le préfet
n'est pas capable de produire un document de synthèse !
M. Jean-Pierre Plancade.
Ce n'est pas cela !
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Nous sommes dans un système de porter à connaissance
immédiat, et donc en continu. Tout cela vient éclairer l'appréciation des élus
qui sont chargés de l'élaboration de ces documents ; viennent ensuite leur
adoption, puis l'enquête publique.
L'Etat s'exprime, en tenant compte bien sûr de tous les éléments qu'il a
portés à connaissance, par un avis qui n'est pas conçu comme une synthèse des
éléments portés à connaissance ; il va au-delà.
Il me semble donc qu'il existe deux types de documents d'un intérêt certain :
les éléments portés à connaissance et l'avis ; quant à la synthèse, c'est un
exercice supplémentaire que vous demanderiez à quelqu'un de réaliser. Pour la
première fois, vous dites que ce serait à l'Etat de le faire, mais ce n'est pas
ce qui figure dans l'amendement.
Bref, je crois que l'Etat n'a pas à réaliser cette synthèse puisqu'il donne un
avis, qui est déjà forcément synthétique ; par ailleurs, je vous mets en garde
contre les contestations dont pourra faire l'objet la synthèse.
M. Pierre Hérisson.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson.
On voit bien que le problème n'est pas résolu dans la mesure où la sécurité
juridique n'est pas garantie. Un certain nombre de parlementaires se sont
exprimés sur la capacité et la compétence des services de l'Etat ayant à
traiter des problèmes d'urbanisme. Si le préfet n'est pas entouré de
fonctionnaires capables à la fois de rédiger une synthèse et d'apporter une
certaine garantie et une sécurité juridique aux avis donnés, le problème
restera entier, et nous n'aurons rien résolu.
M. Jean-Pierre Plancade.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade.
Je pense que l'intention est louable, et nous étions d'ailleurs prêts à voter
ce texte. Mais, très sensibles aux arguments développés par M. le secrétaire
d'Etat, nous craignons maintenant que le remède - la synthèse - soit pis que le
mal.
Que se passera-t-il le jour où la collectivité locale ne sera pas d'accord
avec la synthèse réalisée par le préfet ? J'y vois une source de litiges
supplémentaires qui va tendre les relations entre l'administration de l'Etat et
les collectivités locales.
Je redoute par conséquent un document de synthèse, et je voterai contre cet
amendement, qui nous avait pourtant séduits au départ, tant est grande notre
envie de transparence et de clarté.
La synthèse revêtira un caractère beaucoup plus officiel qu'un simple avis du
préfet, et, en cas de désaccord, elle fera certainement naître dans nos
communes des débats virulents.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 212, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 121-2 du code de
l'urbanisme.
(Ce texte est adopté.)
PARAGRAPHE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE L. 121-3
DU CODE DE L'URBANISME
M. le président.
Par amendement n° 1044, le Gouvernement propose, après le II du A de l'article
1er, d'insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - L'article L. 121-3 est ainsi modifié :
«
a)
Dans la deuxième phrase, après les mots : "de participer à la
définition des politiques d'aménagement et de développement" sont insérés les
mots : ", à l'élaboration des documents d'urbanisme, notamment des schémas de
cohérence territoriale,".
«
b)
La dernière phrase est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
"Elles peuvent prendre la forme d'association ou de groupements d'intérêt
public. Ces derniers sont soumis aux dispositions de l'article 21 de la loi n°
82-610 du 15 juillet 1982 d'orientation et de programmation pour la recherche
et le développement technologique de la France". »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Les agences d'urbanisme sont actuellement constituées
sous la forme d'associations de la loi de 1901. Il est nécessaire de leur
permettre de moderniser leur statut en prenant la forme de groupements
d'intérêts publics, ou GIP, et de rappeler leur mission de participation à
l'élaboration des documents d'urbanisme, notamment des schémas de cohérence
territoriale.
Cet amendement répond à une préoccupation exprimée au Gouvernement par la
Fédération nationale des agences d'urbanisme, quant aux compétences de ces
dernières.
Il leur permettra en outre de disposer - de façon facultative, j'y insiste -
d'un cadre juridique plus solide que celui de l'association de la loi de 1901,
à savoir du cadre d'un GIP.
Cet amendement comporte deux parties. D'une part, il confirme les missions des
agences - c'est ce qu'elles souhaitent - notamment leur intervention dans
l'élaboration des documents d'urbanisme. D'autre part, il leur donne la
possibilité de prendre ou la forme d'une association ou celle d'un GIP, choix
qu'il leur appartiendra d'apprécier au cas par cas.
Je suppose que les groupes parlementaires ont été, comme le Gouvernement,
saisis par la Fédération nationale des agences d'urbanisme de ces
préoccupations. Cet amendement a en tout cas pour objectif d'y répondre.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Althapé,
rapporteur.
Sagesse favorable !
(Sourires.)
Je souhaiterais tout d'abord souligner que le Gouvernement nous a soumis cet
amendement ce matin, et qu'il porte le numéro 1044 !
Je constate que l'article 48 de la loi du 25 juin 1999, dite loi Voynet, avait
prévu que les agences d'urbanisme pouvaient prendre la forme d'une
association.
La proposition que vous nous faites, monsieur le secrétaire d'Etat, nous
paraît intéressante : ces agences d'urbanisme doivent aujourd'hui évoluer, et
la commission s'en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Pour consolider cette sagesse, je peux indiquer que
si, au cours de la navette, il était nécessaire de traiter des questions liées
au statut des personnels de ces agences, notamment des problèmes de continuité
de contrat de travail qui seront peut-être posés avec le GIP, nous nous
permettrions de verser ce point au débat en vue d'une adoption, en sachant que,
là encore, nous sommes non pas dans un porter à connaissance en continu, mais
dans une saisine en continu par la Fédération nationale des agences
d'urbanisme.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1044.
M. Pierre Hérisson.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson.
Je pense qu'il serait logique, les agences d'urbanisme ayant fait leurs
preuves dans un certain nombre de départements, de leur donner un véritable
statut.
Je rappelle qu'un projet de loi relatif aux établissements publics locaux est
actuellement en gestation. Dans la mesure où l'on arrivera à définir un cadre
juridique permettant de régler l'ensemble des situations, il sera intéressant
de revenir alors sur le sujet qui nous occupe afin d'instituer un véritable
statut à vocation multiple.
M. Bernard Piras.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Piras.
M. Bernard Piras.
S'il n'avait pas été déposé, cet amendement n° 1044 nous aurait manqué, mes
chers collègues !
En effet, il y aurait alors eu omission grave s'agissant d'une part de la
définition du rôle joué par les agences d'urbanisme, car il me semble tout
naturel et de bon aloi qu'elles participent à l'élaboration des documents, et
d'autre part de leur statut, car il est important que celui-ci évolue.
M. Denis Badré.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1044, pour lequel la commission s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un paragraphe additionnel ainsi rédigé est inséré après
l'article L. 121-3 du code de l'urbanisme.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de formuler une réflexion en
tant que vice-président du Sénat : le fait que le Gouvernement dépose une «
avalanche », d'une ampleur certes relative, d'amendements sur un texte qui va
être examiné par la Haute Assemblée et pour lequel l'urgence a été déclarée me
semble quelque peu en décalage avec, précisément, la notion de procédure
d'urgence telle qu'elle est comprise par beaucoup d'entre nous.
ARTICLE L. 121-4 DU CODE DE L'URBANISME
M. le président.
Par amendement n° 935, MM. César, Murat et Lassourd proposent, après les mots
: « plans locaux d'urbanisme », de supprimer la fin du premier alinéa du texte
présenté par le paragraphe III de l'article 1er pour l'article L. 121-4 du code
de l'urbanisme.
Cet amendement est-il soutenu ?...
Par amendement n° 12 rectifié, MM. Poniatowski, Revet, Cléach, Emin, Mme
Bardou et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent,
dans la première phrase du second alinéa du texte présenté par le paragraphe
III du A de l'article 1er pour l'article L. 121-4 du code de l'urbanisme, après
les mots : « chambres d'agriculture », d'insérer les mots : « , des conseils
régionaux de l'ordre des architectes
».
La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 12 rectifié est retiré.
Par amendement n° 13 rectifié, MM. Poniatowski, Revet, Cléach, Emin, Mme
Bardou et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent,
dans la seconde phrase du second alinéa du texte présenté par le paragraphe III
du A de l'article 1er pour l'article L. 121-4 du code de l'urbanisme, après les
mots : « organisations professionnelles », d'insérer les mots : « et d'usagers
».
La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski.
L'article L. 121-4 du code de l'urbanisme énumère tous les acteurs associés à
l'élaboration à la fois des schémas de cohérence et des POS. Au nombre de ces «
associés » figurent bien sûr l'Etat, la région et le département, une seconde
catégorie d'organismes associés à cette phase d'élaboration étant constituée
par les chambres de commerce, les chambres de métiers et les chambres
d'agriculture.
Cela étant, d'autres acteurs peuvent également être concernés par les
documents d'urbanisme. Ainsi, le projet de loi a prévu que les chambres de
commerce, les chambres de métiers et les chambres d'agriculture pourraient
consulter, même si le verbe n'est pas expressément employé, les « organisations
professionnelles », terme vague, certes, mais qui recouvre des personnalités
compétentes.
Par mon amendement, je souhaite que le texte vise également les propriétaires
immobiliers, les bailleurs et les occupants, qui sont tous concernés par les
documents d'urbanisme. J'ai suggéré de les désigner par le terme d'« usagers »,
qui est peut-être malheureux, car un peu vague.
Lors de l'examen de cet amendement en commission, M. le rapporteur a indiqué
que s'il était en effet souhaitable de mentionner les usagers, qui ne seront
pas associés à l'élaboration des documents d'urbanisme mais qui pourront être
consultés, il émettait cependant des réserves sur la formulation. Mais je crois
que M. le rapporteur a ensuite trouvé la solution, ce dont je me réjouis !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Althapé,
rapporteur.
Je vais en effet proposer une solution au problème posé par
l'amendement de M. Poniatowski : il suffirait, à la fin du texte de
l'amendement, de remplacer les mots : « et d'usagers » par les mots : « et les
organisations représentatives des usagers ».
Je pense que cette rédaction donnera satisfaction à M. Poniatowski. La
commission émettra bien sûr un avis favorable sur l'amendement ainsi
rectifié.
M. le président.
Monsieur Poniatowski, acceptez-vous la suggestion de M. le rapporteur ?
M. Ladislas Poniatowski.
Tout à fait, monsieur le président !
M. le président.
Il s'agit donc de l'amendement n° 13 rectifié
bis,
présenté par MM.
Poniatowski, Revet, Cléach, Emin et Mme Bardou et tendant, dans la seconde
phrase du second alinéa du texte proposé par le paragraphe III du A de
l'article 1er pour l'article L. 121-4 du code de l'urbanisme, après les mots :
« organisations professionnelles », à insérer les mots : « et les organisations
représentatives des usagers ».
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, car
il estime nécessaire de faire la distinction entre les adjectifs « associé » et
« consulté ».
Il est bien évident que les usagers et les associations peuvent s'exprimer
dans l'optique de la concertation, au cours de l'élaboration des documents
d'urbanisme ou de l'enquête publique, mais seules les collectivités publiques
sont associées à l'élaboration desdits documents. S'il est certes souhaitable
que les associations locales d'usagers agréées participent à l'élaboration des
documents d'urbanisme, les modalités de cette participation sont garanties par
l'article L. 121-5 du code de l'urbanisme ; il appartient donc aux élus d'en
assumer la responsabilité.
Par conséquent, faisons cette distinction entre « associés » et « consultés ».
Ne créons pas de confusion, sinon le texte ne sera pas commodément
applicable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 13 rectifié
bis
.
M. Ladislas Poniatowski.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je pourrais vous relire intégralement le texte
de l'article L. 121-4 du code de l'urbanisme : il prévoit que les partenaires
associés sont l'Etat, la région, le département et les organismes compétents en
matière de transport, ainsi que les chambres de commerce, les chambres de
métiers et les chambres d'industrie.
Or moi non plus je ne veux pas modifier cette liste, et les acteurs que j'ai
cités tout à l'heure ne doivent pas être « associés » à la procédure
d'élaboration des documents d'urbanisme.
Cependant, votre texte, monsieur le secrétaire d'Etat, fait référence aux «
organisations professionnelles », qui peuvent être consultées. Par conséquent,
par souci d'équilibre, je souhaite que les organisations représentant les
usagers puissent l'être elles aussi.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Sous le bénéfice de ces explications complémentaires,
le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 13 rectifié
bis
.
M. Ladislas Poniatowski.
Merci !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13 rectifié
bis
, accepté par la
commission et par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, le texte proposé pour l'article L. 121-4 du
code de l'urbanisme.
(Ce texte est adopté.)
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE L. 121-4
DU CODE DE L'URBANISME
M. le président.
Par amendement n° 909, M. Hérisson propose d'insérer, après le texte présenté
par le paragraphe III du A de l'article 1er pour l'article L. 121-4 du code de
l'urbanisme, un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 121-4, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Les études économiques nécessaires à la préparation des documents
prévisionnels d'organisation commerciale et artisanale peuvent être réalisées à
l'initiative des chambres de commerce et d'industrie et des chambres de
métiers. »
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson.
L'article L. 121-5 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction actuelle,
reconnaît que les chambres consulaires sont compétentes pour réaliser des
études économiques préalables aux documents prévisionnels d'organisation
commerciale.
Or cet article est supprimé par le projet de loi. Cette suppression n'est pas
fondée, car les chambres de métiers disposent d'une capacité d'expertise
unanimement reconnue en matière d'équipement commercial et artisanal. Leur
contribution représente un élément important du volet économique des documents
d'urbanisme.
Le présent amendement tend donc à rétablir le texte de l'article L. 121-5 du
code de l'urbanisme.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Althapé,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est tout à fait conscient de la valeur
de la contribution que peuvent apporter les assemblées consulaires, qui sont
d'ailleurs citées à plusieurs reprises dans le projet de loi. Il n'est donc pas
question de nier leur aptitude à contribuer, par la production d'études
économiques, à la préparation de documents, notamment dans les domaines du
commerce et de l'artisanat.
Cela étant, le Gouvernement a souhaité supprimer la disposition en question
dans le code de l'urbanisme parce qu'il s'agit d'une mesure qui n'en relève
pas. Ce n'est donc qu'une question de « toilettage », qui m'amène à être
défavorable à la réintroduction, à cet endroit du texte, d'une disposition qui
n'a rien à voir avec l'urbanisme.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 909, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré après l'article
L. 121-4 du code de l'urbanisme.
ARTICLE L. 121-5 DU CODE DE L'URBANISME
M. le président.
Sur ce texte, je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet
d'une discussion commune.
Par amendement n° 724 rectifié, Mme Michaux-Chevry, MM. Gournac, Lanier et
Vial proposent de remplacer la première phrase du texte présenté par le
paragraphe IV du A de l'article 1er pour l'article L. 121-5 du code de
l'urbanisme par deux phrases ainsi rédigées :
« Les associations ayant compétence en matière d'habitat, d'urbanisme, de
déplacement, d'aménagement et d'environnement ainsi que les associations
agréées mentionnées à l'article L. 252-1 du code rural sont informées de
l'élaboration des schémas de cohérence territoriale, des schémas de secteur, et
des plans locaux de l'urbanisme. Elles sont consultées, à leur demande, pour
l'élaboration de ces documents d'urbanisme. »
Par amendement n° 14 rectifié, MM. Poniatowski, Revet, Cléach et Emin, Mme
Bardou et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent,
dans la première phrase du premier alinéa du texte présenté par le paragraphe
IV du A de l'article 1er pour l'article L. 121-5 du code de l'urbanisme, après
les mots : « Conseil d'Etat », d'insérer les mots : « les représentants des
propriétaires immobiliers, bailleurs et occupants ».
Par amendement n° 213, M. Althapé, au nom de la commission des affaires
économiques, propose, dans la première phrase du premier alinéa du texte
présenté par le paragraphe IV du A de l'article 1er pour l'article L. 121-5 du
code de l'urbanisme, de remplacer les mots : « sont consultées » par les mots :
« , le Conservatoire du littoral et, le cas échéant, le conseil d'architecture,
d'urbanisme et de l'environnement, sont consultés ».
L'amendement n° 724 rectifié est-il soutenu ?...
La parole est à M. Poniatowski, pour défendre l'amendement n° 14 rectifié.
M. Ladislas Poniatowski.
L'article L. 121-4 du code de l'urbanisme énumérait les acteurs associés ou
consultés lors de l'élaboration des documents d'urbanisme.
A l'article L. 121-5 du même code, il s'agit en revanche des acteurs
souhaitant pouvoir donner leur avis sur les documents d'urbanisme. A cet égard,
le texte du projet de loi vise notamment, comme vous l'avez indiqué tout à
l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, les associations locales d'usagers,
ainsi que des associations agréées.
Or les représentants des propriétaires immobiliers, des bailleurs et des
occupants n'appartiennent en aucun cas à ces catégories. Je dois pourtant
souligner qu'il peut parfois s'agir d'OPAC ou d'offices d'HLM gérant un
important parc immobilier, qui peuvent être très directement concernés par des
décisions relatives aux nouveaux documents d'urbanisme.
Voilà pourquoi je propose que ces acteurs de l'immobilier soient nommément
cités dans le projet de loi.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 213 et pour
donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 14 rectifié.
M. Louis Althapé,
rapporteur.
Il nous paraît utile que le Conservatoire du littoral,
lorsque cela est pertinent, et les conseils d'architecture, d'urbanisme et de
l'environnement, lorsqu'ils existent, puissent, s'ils le souhaitent, être
entendus lors de l'élaboration des documents d'urbanisme.
Quant à la précision apportée par l'amendement n° 14 rectifié, elle nous
semble judicieuse. Aussi la commission est-elle favorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 14 rectifié et 213
?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est défavorable aux deux
amendements.
L'amendement n° 14 rectifié fait référence aux « propriétaires immobiliers,
bailleurs et occupants », donc à tous les citoyens, sauf éventuellement aux «
sans domicile fixe ». Or il faut, pour être représentatif, être organisé, sinon
on est consulté au même titre que tous les citoyens. Ainsi, les associations
agréées pour la défense de l'environnement jouent un rôle institutionnel du
fait de leur agrément. Il n'existe rien de comparable dans le secteur de
l'immobilier, mais, dans la mesure où la totalité de la population est
concernée, la consultation par le maire est tout à fait possible, et même
souhaitable.
S'agissant de l'amendement n° 213, je tiens à préciser à M. le rapporteur que
les deux types d'organismes qu'il mentionne ne peuvent pas être assimilés à des
associations d'usagers. Le premier est un établissement public de l'Etat et le
second regroupe des structures généralement rattachées au département. Il est
bien évident qu'il appartient au préfet, pour le Conservatoire du littoral, et
au président du conseil général, pour le CAUE, de consulter et d'associer ces
organismes, par leur entremise, à l'élaboration des documents d'urbanisme.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 213, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 69, M. Jarlier, au nom de la commission des lois, propose de
supprimer le second alinéa du texte présenté par le IV du A de l'article 1er
pour l'article L. 121-5 du code de l'urbanisme.
La parole est à M. Jarlier, rapporteur pour avis.
M. Pierre Jarlier,
rapporteur pour avis.
Cet amendement supprime un renvoi erroné à un
décret simple.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Althapé,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 69, accepté par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 121-5 du code de
l'urbanisme.
(Ce texte est adopté.)
M. le président.
La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.
5
COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE
DE SEPT TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication,
en date du 25 avril 2000, l'informant de l'adoption définitive des sept textes
soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :
N° E 615. - Proposition de décision du Conseil et de la Commission relative à
la conclusion d'un accord euro-méditerranéen établissant une association entre
les CE et leurs Etats membres, d'une part, et l'Etat d'Israël, d'autre part
(adopté au conseil Agriculture le 17 avril 2000).
N° E 1150. - Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil
établissant le programme d'action communautaire en faveur de la jeunesse
(adopté au conseil Affaires générales le 10 avril 2000).
N° E 1267 (annexe n° 4). - Avant-projet de budget rectificatif et
supplémentaire n° 5/99, section III. - Commission (adopté suite à l'arrêt
définitif du budget signé par le président du Parlement européen le 18 novembre
1999).
N° E 1344. - Proposition de règlement du Conseil relatif aux actions
d'information dans le domaine de la politique agricole commune (adopté au
conseil Agriculture le 17 avril 2000).
N° E 1390. - Proposition de décision du Conseil autorisant l'Allemagne à
appliquer un taux réduit de droit d'accises à certaines huiles minérales
utilisées à des fins spécifiques, conformément à la procédure prévue par
l'article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE (adopté au conseil
Affaires générales le 10 avril 2000).
N° E 1426. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE)
n° 1294/99 relatif à un gel des capitaux et à une interdiction des
investissements en relation avec la République fédérale de Yougoslavie (RFY)
[et abrogeant les règlements (CE) n° 1295/98 et (CE) n° 1607/98] (adopté par
procédure écrite le 6 avril 2000).
N° E 1427. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE)
n° 2505/96 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires
communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels
[ferrochrome] (adopté au conseil Consommateurs le 13 avril 2000).
6
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au mardi 2 mai 2000, à onze heures et à seize heures :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 279, 1999-2000), adopté par
l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la solidarité et
au renouvellement urbains.
Rapport (n° 304, 1999-2000) de M. Louis Althapé, fait au nom de la commission
des affaires économiques et du Plan.
Avis (n° 307, 1999-2000) de M. Pierre Jarlier, fait au nom de la commission
des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
règlement et d'administration générale.
Avis (n° 306, 1999-2000) de M. Jacques Bimbenet, fait au nom de la commission
des affaires sociales.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence,
relatif à la chasse (n° 298, 1999-2000).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mardi 9 mai 2000, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 9 mai 2000, à onze
heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de MM. Jacques
Oudin, Jean-Paul Amoudry, Philippe Marini, Patrice Gélard, Joël Bourdin, Paul
Girod et Yann Gaillard tendant à réformer les conditions d'exercice des
compétences locales et les procédures applicables devant les chambres
régionales des comptes (n° 84, 1999-2000).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mercredi 10 mai 2000, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 10 mai 2000, à dix-sept
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quinze.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATIONS DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES
M. Jean Faure a été nommé rapporteur du projet de loi n° 294 (1999-2000)
autorisant l'adhésion au protocole additionnel aux conventions de Genève du 12
août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés
internationaux (protocole I) (ensemble deux annexes).
Mme Danielle Bidard-Reydet a été nommée rapporteur de la proposition de
résolution n° 240 (1999-2000) de M. Louis Le Pensec, présentée au nom de la
délégation du Sénat pour l'Union européenne, en application de l'article 73
bis
du règlement, sur la proposition de règlement du Conseil modifiant
le règlement n° 1488/96 du 23 juillet 1996 sur les mesures financières et
techniques accompagnant la réforme des structures économiques et sociales dans
le cadre du partenariat euro-méditerranéen (MEDA) (n° E 1331).
COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LÉGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL,
DU RÈGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GÉNÉRALE
M. Alex Türk a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 117
(1999-2000) de M. Pierre Laffitte et plusieurs de ses collègues tendant à
généraliser dans l'administration l'usage d'Internet et de logiciels libres,
dont la commission des lois est saisie au fond.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Politique de lutte contre l'insécurité
799.
- 27 avril 2000. -
M. Roland Courteau
expose à
M. le ministre de l'intérieur
que la sécurité est un droit fondamental, un droit pour tous, qui doit être
garanti, dans les mêmes conditions, quelle que soit la commune ou quel que soit
le quartier. Il se réjouit que le Gouvernement qui a fait, de la sécurité
quotidienne, la priorité de son action, après l'emploi, ait décidé, pour
répondre aux demandes exprimées et faire reculer la délinquance et les
incivilités, d'orienter la lutte contre l'insécurité, au plus près du terrain.
La réforme engagée qui se traduit par le développement de la police de
proximité va dans ce sens. L'expérimentation a démontré que c'est, en effet, la
meilleure façon de répondre aux besoins des habitants qui attendent de la
police qu'elle soit à l'écoute de leurs problèmes, plus visibles, et donc plus
présente, mieux reconnue et plus efficace. Par ailleurs, l'objectif d'une
police qui ne doit pas seulement réagir, mais anticiper, selon le souhait du
Gouvernement, mérite aussi d'être souligné. Pour cela, les contrats locaux de
sécurité lancés par le Gouvernement en octobre 1997 constituent un excellent
outil de par le partenariat qu'ils impliquent et leur adaptabilité aux
situations spécifiques locales. C'est donc vers une profonde transformation de
la police nationale que l'on s'oriente, qui va nécessiter formation et moyens
supplémentaires. Plus précisément et concernant la ville de Narbonne (Aude), il
lui indique qu'une première série de mesures a été mise en oeuvre, notamment
sur les quartiers ouest, répondant aux objectifs du Gouvernement pour le
développement d'une police plus proche des habitants. C'est pourquoi il lui
demande, dans ce cadre, de quels moyens en général et notamment en effectifs,
le commissariat de Narbonne (Aude) pourra disposer, afin d'assurer une présence
de la police plus soutenue y compris nocture, sur la voie publique. Par
ailleurs, la réforme engagée devant faire l'objet d'une généralisation en trois
phases, pour convrir tout le territoire national en 2002, il lui demande s'il
entend agir, pour que la situation de Narbonne et de ses quartiers sensibles
soit prise en compte, dans le cadre de la mise en place de la première phase
prévues, d'avril à décembre 2000.
Bouclage de l'A 4-A 86 à Joinville-le-Pont
800.
- 27 avril 2000. -
M. Serge Lagauche
attire l'attention de
M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement
sur l'urgence du bouclage de l'A 86 à hauteur de Joinville-le-Pont. Il ne
s'agit pas seulement d'une priorité pour le département du Val-de-Marne : cette
infrastructure supporte un trafic régional, national, voire international. Elle
représente également un enjeu à la fois de développement économique au regard
du pôle d'emplois Orly-Rungis, qui pourrait être redynamisé par une liaison
Orly-Roissy, et de développement touristique avec l'augmentation du trafic
engendrée, à terme, par la réalisation du deuxième parc d'attractions Disney à
Marne-la-Vallée. Or cette portion d'autoroute est déjà saturée et l'absence de
tronçon entre Saint-Maurice et Nogent-sur-Marne constitue un véritable goulet
d'étranglement à l'origine, en amont, de bouchons quoditiens sur la partie A
4-A 86. Sachant que l'on se trouve dans le cadre d'un dossier non clôturé par
l'Etat lors des deux précédents contrats de plan, il serait difficilement
acceptable que cet aménagement figure à nouveau dans l'enveloppe du XIIe
contrat de plan Etat-régions. Dans cette perspective, il lui demande quelles
modalités de financement peuvent être envisagées hors contrat de plan.
Lutte contre la drogue et la toxicomanie
801. - 27 avril 2000. - Mme Nelly Olin demande à M. le Premier ministre quelles mesures entend prendre la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie pour mettre en place un dispositif particulier d'information et de sensibilisation du public, plus spécialement des enfants et des adolescents, sur les dangers spécifiques du cannabis, dont les variétés les plus récentes se rapprochent des drogues dites dures entraînant très rapidement un degré de dépendance élevé.