Séance du 17 mai 2000
M. le président. « Art. 85 quater . - Il est créé un établissement public régional à caractère industriel et commercial, doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière dénommé Etablissement public de gestion immobilière du Nord-Pas-de-Calais.
« Cet établissement public, rattaché à la région Nord-Pas-de-Calais, a pour objet, sur l'ensemble du territoire régional, d'acquérir et gérer, directement ou indirectement, les immeubles à usage locatif social détenus par des sociétés à participation majoritaire de Charbonnages de France dans le respect, notamment, des droits statutaires des mineurs et de leurs ayants droit. L'établissement public peut prendre toutes participations dans les sociétés précitées. Il peut également contribuer au financement, en association avec d'autres personnes publiques, de toutes actions en faveur de l'habitat social et du renouvellement urbain dans la région Nord - Pas-de-Calais.
« Les ressources de l'établissement public sont constituées par les produits de la gestion ou de la vente des logements et terrains dont il dispose, des dividendes de ses participations, des subventions, emprunts et dons et legs qu'il reçoit.
« L'établissement public peut apporter sa caution ou sa garantie à tout emprunt contracté par les sociétés visées au deuxième alinéa.
« L'établissement public est administré par un conseil d'administration composé :
« Au titre des collectivités territoriales :
« - de membres désignés par le conseil régional de la région Nord-Pas-de-Calais ;
« - de membres désignés par les conseils généraux des départements du Nord et du Pas-de-Calais ;
« - de membres désignés par l'association des communes minières des départements du Nord et du Pas-de-Calais ;
« Au titre des occupants du parc :
« - de membres désignés par les organisations syndicales de mineurs les plus représentatives des départements du Nord et du Pas-de-Calais ;
« - de membres élus par les locataires ;
« Ainsi que de membres désignés par le représentant de l'Etat dans la région Nord-Pas-de-Calais parmi des personnes exerçant ou ayant exercé des responsabilités dans le domaine du logement.
« Les membres désignés par les collectivités territoriales disposent de la majorité des sièges et les membres représentant les occupants du parc d'au moins un quart des sièges.
« Le conseil d'administration élit en son sein un président et désigne un directeur dont il détermine les attributions.
« Le conseil d'administration règle par ses délibérations les affaires de l'établissement public. Il définit en particulier la politique de réhabilitation du patrimoine, les conditions d'accès aux logements gérés ainsi que leurs conditions de location et de cession, en coordination avec les autres personnes publiques intervenant localement dans le secteur du logement.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article, et notamment les règles destinées à assurer la vocation sociale du patrimoine immobilier et sa contribution à la mixité de l'habitat. »
Sur l'article, la parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. L'article 85 quater du projet de loi porte sur la question particulièrement importante du devenir du patrimoine immobilier de Charbonnages de France, patrimoine comprenant 70 000 logements, répartis dans 130 communes du Nord - Pas-de-Calais.
Le logement minier a constitué, à l'origine, l'un des éléments du statut de la profession, au titre de la mise à disposition gratuite, et nous nous félicitons que les termes de l'amendement pérennisent cette disposition.
La gestion de ce patrimoine est aujourd'hui confrontée à l'importance du parc, à ses conséquences pour l'urbanisme de nos communes, à la disparition prochaine de Charbonnages de France et aussi à des exigences de remise en état et de réhabilitation. Songez que 24 000 logements de ce parc, soit environ un tiers, ne disposent encore ni de salle d'eau, ni de toilettes indépendantes, ni de chauffage central !
Cette situation impose que l'on recherche des solutions juridiques et financières adaptées.
L'article 85 quater, en créant un établissement public régional, répond à une préoccupation déjà fort ancienne et qu'ont portée tant les mineurs que leurs familles et ayants droit, avec leurs organisations syndicales et l'ensemble des élus du bassin minier.
Pour autant, il ne lève pas toutes les ambiguïtés de la situation, et j'attends de la discussion sur cet article des éclaircissements, éclaircissements particulièrement attendus aussi par les premiers intéressés.
Les amendements déposés donnent, en particulier, un statut fiscal approprié à l'établissement public.
Ils le rendent éligible à la contribution additionnelle au droit de bail, afin de lui permettre, dans les faits, de bénéficier des aides de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, et exonèrent l'ensemble des opérations de cession de patrimoine qui pourraient intervenir entre les propriétaires actuels - en l'occurrence, essentiellement, la SOGINORPA - et l'établissement public de l'ensemble des droits d'enregistrement prévus en principe par la législation.
Pour autant, la question essentielle pour l'avenir, concerne les conditions de dévolution de ce patrimoine. Selon que cette dévolution sera effectuée globalement, partiellement, à titre gracieux ou à titre onéreux, les conditions de montage financier des opérations de réhabilitation seront tout à fait différentes.
Il nous semble en particulier que l'opération ne peut décemment se transformer en opération immobilière fructueuse pour la SOGINORPA, opération dont le « coût serait, en dernière instance, supporté par les locataires et ayants droit et risquerait de réduire les sommes effectivement consacrées à la réhabilitation du parc, se traduisant, notamment, par une réévaluation importante du niveau des loyers.
Monsieur le secrétaire d'Etat, toute équivoque sur ces questions doit être levée au cours de ce débat et une réponse doit être apportée aux questions que se posent naturellement non seulement les locataires du parc locatif social minier et leurs ayants droit mais aussi les élus du pays minier.
Telles sont les observations que je souhaitais présenter à l'occasion de l'examen de cet article 85 quater.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements présentés par le Gouvernement.
Le premier, n° 1042, vise à compléter in fine le deuxième alinéa de l'article 85 quater par trois phrases ainsi rédigées : « Pour financer leurs travaux d'amélioration de l'habitat, cet établissement public et ses filiales bénéficient de subventions de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat en application des articles L. 321-1 et L. 321-2 du code de la construction et de l'habitation. L'établissement public est assujetti à la contribution dénommée présentement "contribution additionnelle à la contribution représentative du droit de bail" et dénommée pour l'année 2001 "contribution sur les revenus tirés de la location des locaux" prévue à l'article 234 nonies, premier alinéa, du code général des impôts. Les opérations d'acquisition et de prise de participation prévues au présent alinéa sont exonérées du droit de timbre, de droit d'enregistrement et de taxe de publicité foncière. »
Le second, n° 1043, tend à rédiger comme suit le onzième alinéa de l'article 85 quater :
« - de membres désignés par les fédérations des organisations syndicales de mineurs représentatives parmi les membres de leurs instances dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais. »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Vous me permettrez, monsieur le président, d'exposer ces deux amendements en répondant à M. Lefebvre, dont je viens d'écouter avec attention l'intervention.
Monsieur le sénateur, vous avez souligné l'importance des 70 000 logements de la SOGINORPA pour les 130 communes du bassin minier du Nord - Pas-de-Calais et les attentes locales très fortes d'une évolution du statut de ce patrimoine, attentes auxquelles répond l'article 85 quater de ce projet de loi.
Vous avez rappelé aussi l'exigence de mener à bien la réhabilitation de ce patrimoine privé, dont une partie est encore dépourvue du confort de base.
Très tôt, le Gouvernement a été alerté sur les enjeux du parc immobilier minier du Nord - Pas-de-Calais par les élus de cette région.
Sur l'initiative de mon collègue Christian Pierret et en étroite collaboration entre nos deux départements ministériels, une concertation approfondie a été conduite pendant plusieurs mois au sein d'un groupe de travail rassemblant des élus, des représentants des mineurs et de leurs ayants droit et les organisations syndicales.
Au terme de ces travaux, le Gouvernement a pris des engagements clairs qui seront suivis d'effets. Je veux les confirmer ici à M. Lefebvre, pour lever toute ambiguïté.
Le premier engagement porte sur l'achèvement du programme de réhabilitations lourdes d'ici à la fin du contrat de plan, en mobilisant les enveloppes annuelles de crédits ANAH et aussi GIRZOM nécessaires. Dès cette année, une enveloppe de crédits GIRZOM de 160 millions de francs a été déléguée pour la réfection des voies et réseaux divers du bassin minier, à laquelle s'ajoutent 70 millions de francs de crédits ANAH pour les travaux dans les logements.
A cet égard, je souhaite vous rassurer, monsieur Lefebvre : toutes les actions engagées ont bien pour objet d'améliorer les conditions de réhabilitation de ce parc, notamment de les accélérer, tout en les portant au niveau souhaité.
Le second engagement concerne la gestion de ce patrimoine.
La concertation a fait ressortir la nécessité de construire une solution ad hoc. C'est pourquoi le projet de loi prévoit la création d'un EPIC rattaché à la région Nord - Pas-de-Calais, qui aura pour mission d'acquérir et de gérer le patrimoine immobilier antérieurement détenu par Charbonnages de France.
Cette solution publique associe les collectivités territoriales au devenir de ce patrimoine et garantit les droits des mineurs et de leurs ayants droit. Une telle solution facilitera l'intégration dans les politiques locales de l'habitat de ce parc à vocation sociale.
Il est clair que les conditions de dévolution de ce patrimoine au nouvel établissement public prendront en compte, comme nous le souhaitons tous, l'exigence de mener à bien dans les délais que j'ai indiqués la réhabilitation nécessaire. C'est d'ailleurs notamment le sens de l'amendement du Gouvernement qui prévoit l'exonération des droits de mutation et assujettit l'établissement à la contribution additionnelle au droit de bail pour lui permettre de bénéficier des aides de l'ANAH.
Les clarifications fiscales que souhaitait obtenir M. Lefebvre sont bien apportées par les deux amendements que le Gouvernement soumet au vote de la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Althapé, rapporteur. Avant de donner l'avis de la commission, je souhaite poser une question à M. le secrétaire d'Etat : Charbonnages de France est-il toujours redevable de la taxe additionnelle au droit de bail ?
En effet, depuis sa création, l'ANAH finance essentiellement la réhabilitation de logements privés. Aucune étude n'a été pour l'instant réalisée sur les fonds susceptibles d'être engagés sur cette opération, qui risque de se révéler lourde et qui constituerait une sorte de précédent par rapport à toutes les opérations que l'ANAH a financées jusqu'à présent.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je confirme à M. le rapporteur que la SOGINORPA acquitte la taxe additionnelle au droit de bail et que son statut fiscal demeure le même pour permettre la prolongation des interventions de l'ANAH. Celle-ci intervient maintenant depuis une dizaine d'années, après une décision dont j'ai le souvenir...
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Louis Althapé, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements du Gouvernement.
M. Pierre Lefebvre. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. S'agissant de l'amendement n° 1043, je ne comprends pas très bien ce qui a pu amener le Gouvernement à le déposer, car il vise à revenir sur une pratique jusqu'à maintenant acceptée par tous dans le bassin minier.
Les organisations syndicales de mineurs ont leurs structures propres, les unions minières, au niveau du bassin. De tout temps, elles ont été les partenaires des pouvoirs publics comme des collectivités territoriales.
A ce titre, elles ont participé à la concertation importante, dont vous avez fait état, monsieur le secrétaire d'Etat, qui a été engagée depuis déjà de nombreuses années et qui vient d'aboutir. Elles ne comprennent donc pas aujourd'hui que, en fait, elles puissent être dessaisies, après un long travail, une longue préparation, de leurs responsabilités au profit du niveau national.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat. M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Je ne voudrais pas que le vote du Sénat soit perçu par les populations du bassin minier comme un recul par rapport à la situation existante, car il y a maintenant une décennie qu'en contrepartie du versement de la TADB par la SORGINORPA, propriétaire, intervient l'ANAH.
En conséquence, en conférant ce statut fiscal à l'établissement qui va reprendre ce patrimoine, il s'agit de faire perdurer l'existant. Si le Sénat émettait un vote négatif, le bassin minier y verrait un recul, qui ne serait pas facile à légitimer. Dans le climat de confiance de notre discussion, je souhaite mettre en garde le Sénat contre un vote négatif.
M. Louis Althapé, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Louis Althapé, rapporteur. Je remercie M. le secrétaire d'Etat de ces précisions. Dans ces conditions, je donne un avis favorable aux amendements n°s 1042 et 1043. (« Très bien ! » et applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1042, accepté par la c ommission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1043, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 85 quater , modifié.
(L'article 85 quater est adopté.)
M. le président. La suite de la discussion du projet de loi est renvoyé à la prochaine séance.
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