Séance du 13 juin 2000
TRAITANT DES DROITS DE LA MATERNITÉ
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel, auteur de la question n° 815, adressée à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Daniel Hoeffel.
Ma question concerne la convention 103 de l'Organisation internationale du
travail traitant des droits de la maternité.
La législation française prévoit seize semaines de congé de maternité et
l'interdiction absolue de licenciement des femmes enceintes et en congé de
maternité.
Au nom de l'harmonisation européenne, il semble qu'il soit envisagé de
modifier cette législation dans les prochains mois. Cette modification irait
dans le sens de l'assouplissement prévu dans la convention 103 de l'OIT.
Si une telle réforme devait aboutir, elle marquerait une régression du droit
social français en faisant passer les congés de maternité de seize à quatorze
semaines.
De même, le projet de modification semble revenir sur l'interdiction totale de
licenciement en période de congé de maternité, en autorisant le licenciement
pour des motifs sans lien avec la grossesse. Cela permettrait à un employeur de
se séparer d'une femme enceinte en invoquant d'autres motifs.
Or, selon les principes fondamentaux et juridiques de l'OIT, une convention de
cette organisation n'est révisée que lorsque les modifications apportées
portent à un dégré supérieur le contenu de la convention concernée et le niveau
de protection des travailleurs.
Pourriez-vous préciser, madame la ministre, les modifications de la convention
103 de l'OIT qui sont envisagées, ainsi que les raisons qui pourraient
justifier de telles modifications ?
A l'heure actuelle, trente-six pays seulement sur cent soixante-quatorze ont
signé la convention 103. La mise au point de nouvelles normes internationales
de travail, leur révision et leur assouplissement sont considérés, par certains
pays, comme un moyen d'obtenir leur ratification. Cette orientation ne
risque-t-elle pas de se faire au détriment de droits considérés comme
essentiels par notre pays, en particulier du point de vue de la protection de
la maternité ?
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre délégué à la famille et à l'enfance.
Monsieur le sénateur, je
voudrais redire très clairement l'attachement du Gouvernement français à la
protection de la maternité au travail. La ministre du travail, Mme Martine
Aubry, s'est d'ailleurs exprimée devant vous à ce sujet le 8 mars dernier, à
l'occasion de la Journée internationale des femmes.
La protection de la maternité au travail est l'une des plus anciennes normes
internationales puisque la convention 3 sur ce sujet a été adoptée dès 1919,
année de la fondation de l'OIT, que cette convention a été révisée en 1952 pour
tenir compte de l'évolution des législations et des pratiques nationales et
que, quarante-huit ans plus tard, une procédure de révision de ce texte est à
nouveau engagée.
Le texte actuellement soumis à la discussion par le Bureau international du
travail, le BIT, présente des avancées importantes par l'élargissement du champ
des protections proposées : protection contre les discriminations à l'embauche,
protection contre les licenciements durant toute la grossesse et la période
d'allaitement, instauration d'une période obligatoire de congé de maternité,
prise en compte des risques pour la procréation ou pour la santé de la femme et
de l'enfant, toutes choses qui nous semblent naturelles à nous Français, parce
qu'elles sont ancrées depuis longtemps dans notre droit, mais qui représentent
une vraie révolution pour d'autres pays.
Ce sont donc des éléments nouveaux et importants qui sont débattus dans le
cadre de cette conférence ; ils n'étaient pas abordés par la convention de
1952.
La France a décidé d'oeuvrer pour qu'un plus grand nombre de pays ratifient
cette convention. Comme vous l'avez également souligné, la convention 103 n'a
en effet été ratifiée que par trente-six pays, selon vous, et trente-sept,
selon les chiffres qui m'ont été donnés, c'est-à-dire moins de 20 % du total
possible. Par comparaison, j'indique que la convention n° 100 sur l'égalité de
rémunération a été ratifiée par 137 pays, et la convention 111 concernant la
discrimination à l'emploi par 132 pays.
Mais cet objectif d'un plus grand nombre de pays ratifiant cette convention ne
doit pas se traduire par un recul sur certaines normes de la convention 103.
Nous partageons à ce titre l'inquiétude de ceux qui, comme nous, regrettent
que le texte proposé par le BIT à la conférence soit moins précis que le texte
de 1952. Si, comme je l'ai dit, une protection contre les discriminations liées
à la grossesse est introduite, l'interdiction de licenciement pendant le congé
de maternité ne figure plus. De même, le projet de texte maintient, certes, la
durée du congé de maternité de douze semaines et prévoit une obligation d'arrêt
de travail dont la durée et la répartition sont fixées par les Etats membres,
mais elle revient sur le droit à six semaines de congé de maternité après
l'accouchement.
La France n'apportera pas son soutien à des modifications qui seraient en
retrait par rapport à la convention 103.
Nous oeuvrons pour parvenir à adopter un texte qui, tout respectant les
différences culturelles des pays membres, élargisse le champ des protections
accordées aux femmes, assure un niveau de protection global au moins équivalent
à celui de la convention actuelle.
M. Daniel Hoeffel.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.
Deux objectifs sont recherchés, mais il convient de veiller à ce qu'ils ne
soient pas contradictoires. Il s'agit, d'une part, d'obtenir la ratification
par le maximum de pays de la convention 103, cet objectif d'harmonisation, qui
est lié à la ratification, pouvant entraîner certains assouplissements quant
aux droits déjà obtenus, et, d'autre part, de veiller à ce que cette
harmonisation ne se fasse pas au détriment d'un certain nombre de droits
fondamentaux qui, depuis des décennies, sont reconnus comme tels par notre
pays.
Je fais confiance au Gouvernement pour qu'il veille à ce qu'il n'y ait pas de
contradiction entre les exigences de l'harmonisation et le respect des droits
obtenus au plan national et que, au contraire, ces deux principes puissent
cheminer de pair.
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