Séance du 15 juin 2000







M. le président. Je suis saisi par M. Bret, Mmes Beaudeau et Borvo, les membres du groupe communiste républicain et citoyen d'une motion n° 4, tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, la proposition de loi modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à préciser la définition des délits non intentionnels (n° 308, 1999-2000). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commision saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la motion.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen dénoncent la méthode employée par la majorité sénatoriale pour la discussion de cette proposition de loi relative aux délits non intentionnels, qui n'a pas permis qu'une réflexion approfondie soit menée quant aux répercussions potentielles de l'application du texte sur les droits des victimes.
C'est la raison pour laquelle Mme Borvo et M. Bret, membres de la commission des lois, et moi-même avons déposé, au nom de notre groupe, cette motion tendant au renvoi du texte à la commission.
Quand le train de sénateur s'emballe, on peut craindre des dérapages. Nous en avons la preuve aujourd'hui. Quand un texte est compliqué, prenons plus de temps !
Laissez-moi vous rappeler rapidement l'historique de la proposition de loi.
A la fin de l'année passée, la majorité sénatoriale avait tenté de prendre de court le groupe de travail présidé par M. Massot, réuni sur votre initiative, madame la garde des sceaux, qui devait déposer, à la fin du mois de décembre, ses conclusions sur la question de la responsabilité pénale des décideurs publics.
Alors que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen déploraient fortement cette précipation, vous aviez répondu, à l'époque, que le Parlement n'avait pas à prendre en compte les travaux d'une commission pour décider de légiférer. Certes, mais je ne comprends toujours pas l'intérêt qu'il peut y avoir à se priver de sources supplémentaires et à ne pas écouter ceux dont l'expérience n'a plus à être démontrée.
Tout heureux d'un large soutien au sein du Sénat et de la bienveillance du garde des sceaux - à l'époque, nous avions été les seuls à nous abstenir - vous aviez, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, suivi de près, bien entendu, les évolutions du texte à l'Assemblée nationale.
Lorsque le report de l'examen de la proposition de loi a été décidé à l'Assemblée nationale à la suite des mises en garde du réseau associatif, vous n'avez pas hésité à marquer publiquement votre désapprobation face à ce « contretemps ».
Après l'adoption de ce texte, bien modifié, marquée par l'abstention des groupes du RPR et de l'UDF, vous vous félicitiez de sa prochaine transmission au Sénat. Pourtant, aujourd'hui, on sait que les inquiétudes exprimées par les associations, qui s'en étaient publiquement ouvertes auprès de votre ministère, madame la garde des sceaux, ont trouvé un écho et ont pu justifier le retrait du texte de l'ordre du jour ; c'était le 23 mai dernier.
Madame la garde des sceaux, vous décidiez alors de mettre en place une concertation avec les associations pour effectuer ce travail d'évaluation que l'on s'était refusé de faire à l'origine de la proposition de loi. Pourtant, dès le 6 juin, la conférence des présidents du Sénat décidait, faisant fi de cet effort de dialogue avec les associations concernées, d'inscrire la proposition de loi à l'ordre du jour.
On ne peut pas, d'un côté, déplorer le procés d'intention qui serait fait à l'encontre des parlementaires - bien sûr, aucun d'entre nous ne veut exonérer les reponsables publics ou privés de leurs reponsabilités - et, de l'autre côté, ne pas écouter les réserves exprimées sur le texte. Rappelons, en effet, que les associations n'ont pas été invitées à participer à l'élaboration de la proposition de loi.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Ce n'est pas exact !
M. Henri de Raincourt. Vous savez très bien que ce n'est pas vrai !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Me permettez-vous de vous interrompre, madame Beaudeau ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Madame Beaudeau, si vous voulez bien vous référer à mon rapport du mois de janvier dernier, vous constaterez que la fédération nationale de victimes qui a demandé à être entendue, et qui est la seule à s'être manifestée - on ne peut pas deviner l'existence des autres - a été auditionnée. Trois pages de mon rapport sont consacrées au compte rendu de sa déposition. Par conséquent, ne dites pas qu'il n'y a pas eu de concertation avec les associations ! Je vous rappelle que d'autres associations s'étant manifestées au moment du débat à l'Assemblée nationale, je leur ai proposé une nouvelle rencontre, le 23 mai dernier. Elles n'ont pas jugé devoir se déranger. Telle est la vérité, qui est toute différente de ce que vous venez de dire !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et les syndicats ?
M. le président. Veuillez poursuivre, madame Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. J'ai lu, effectivement, votre rapport, et principalement les pages concernant la concertation dont vous nous parlez.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Donc, elle a eu lieu !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il y a des associations qui sont connues à l'échelon national depuis longtemps. Il est très étonnant que vous ayez attendu la dernière minute pour les recevoir. Je ne veux donner de leçon à personne, monsieur le rapporteur, mais lorsqu'on élabore une proposition de loi aussi importante, c'est bien avant son élaboration qu'il faut interroger l'ensemble des associations.
La procédure « à ciel ouvert » que vous évoquiez, monsieur le rapporteur, se déroulait donc plutôt en circuit fermé, vu le peu de monde qui y était convié.
Certes, vous aviez procédé à des auditions en première lecture, vous venez d'en faire état, Mme la professeur Viney et les responsables de la Fédération nationale des victimes d'accidents collectifs, la FENVAC, avaient d'ailleurs attiré votre attention sur les risques d'une baisse de la répression en matière d'accidents professionnels et collectifs sur les droits des victimes. Cela aurait dû vous conduire à entendre bien d'autres associations. Mais il n'en a pas été tenu compte. Il faut dire qu'auditionner les intéressés à la veille de la pulication du rapport, ce n'est pas le moyen le plus profitable pour approfondir la réflexion !
Vous n'avez pas plus souhaité, pour la deuxième lecture, entendre ce qu'avaient à dire les associations ; vous n'avez même pas attendu les premiers résultats de la concertation pour rendre votre rapport !
Combien de temps avez-vous consacré en commission des lois à l'étude des amendements que le Gouvernement présente aujourd'hui après un dialogue qualifié de « très constructif » - mais vous le savez, vous l'avez entendu - par les responsables des principales associations de défense des victimes ?
Ce n'est pas raisonnable, ce n'est pas de bonne méthode : les arguments développés méritent plus que d'être balayés d'un revers de la main comme s'il ne s'agissait que d'affabulations.
Parce que la tentative de passage en force de la proposition de loi n'a pas permis qu'un véritable débat s'instaure, ce qui est tout à fait préjudiciable eu égard à l'objectif poursuivi, parce qu'il est absolument nécessaire, pour une application sereine de la loi - d'autres intervenants l'ont dit tout à l'heure - d'évaluer parfaitement ses conséquences futures, nous demandons qu'un nouvel examen du texte puisse être effectué en commission des lois qui permette de répondre à l'ensemble des réserves qui sont invoquées à l'encontre de la proposition de loi telle qu'elle est rédigée à l'heure actuelle.
Telles sont les raisons pour lesquelles les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen vous demandent, mes chers collègues, de voter la présente motion de renvoi à la commission.
M. Henri de Raincourt, Hélas, nous ne le ferons pas !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, contre la motion.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je profite de cette occasion pour livrer quelques éléments de réponse - très sommaires d'ailleurs, car il y a du ridicule dans ce débat - à certains autres intervenants.
Je dirai tout d'abord à Mme Beaudeau que, si elle veut bien reconstituer honnêtement ce qui s'est passé - et je ne doute pas que telle soit son intention -, elle constatera que ma proposition de loi a été déposée avant que la commission Massot commence ses travaux. Je m'inscrivais alors dans une démarche qui m'était personnelle. Je faisais mon devoir en tant que sénateur, motivé d'ailleurs par un événement particulièrement choquant qui s'était produit dans mon département l'année dernière.
Je ne suis pas obligé d'attendre de savoir si les autres vont faire quelque chose pour agir ! Peut-être voudrez-vous bien l'admettre.
Au demeurant, le rapport de la commission Massot reprend exactement les conclusions qui figuraient dans ma proposition de loi : la première idée était d'opérer une distinction entre les causes directes et indirectes ; la seconde idée consistait à exiger une faute caractérisée. Il n'y a aucune contradiction entre les deux !
Vous avez parlé de la hâte - vous n'êtes pas la seule, hélas ! - que nous avons mise à inscrire cette affaire à l'ordre du jour du Sénat. Mais que dire de la hâte mise par le Gouvernement à l'inscrire, lui, le 30 mai ? Nous sommes quand même moins rapides que le Gouvernement, madame le garde des sceaux, puisque nous avons inscrit cette proposition de loi seulement le 15 juin. Que ceux qui sont ici les porte-parole du Gouvernement ne nous reprochent pas cette supposée hâte ! C'est peu sérieux !
Enfin, abordant le fond, vous avez dit que ce texte devrait être amélioré. Je me permets de vous faire observer que nous vous proposons de voter le texte de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire celui qui, à l'Assemblée nationale, a été voté par le groupe communiste.
M. Claude Estier. Mais il n'a pas été voté par vos amis politiques !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je ne croyais pas qu'en proposant de voter le texte adopté par le groupe communiste je me heurterais à une opposition aussi farouche. Il est curieux que le groupe communiste de l'Assemblée nationale n'ait pas cru, lui, devoir demander un peu plus de temps pour réfléchir.
M. Claude Estier. Votre argument se retourne contre vous puisque vos amis politiques ne l'ont pas voté à l'Assemblée nationale !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je ne vois pas en quoi l'argument se retourne contre nous, mais vous allez me l'expliquer tout à l'heure, monsieur Estier !
M. Claude Estier. Vos amis politiques ne l'ont pas voté !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. C'est une tout autre question !
Mme Nicole Borvo. Il n'est jamais trop tard pour bien faire !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Le groupe communiste dit qu'il n'a pas le temps d'examiner cette question. J'ai cru répondre par avance à cette préoccupation en proposant le vote conforme du texte adopté par le groupe communiste. C'est une question qui, vous l'admettrez, est tout à fait indépendante de celle de savoir comment s'explique l'attitude d'autres groupes dans la même assemblée.
M. Claude Estier. Ce que je dis, c'est que vous êtes dans une situation différente de celle de vos amis politiques à l'Assemblée nationale !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. C'est une tout autre question ! Je ne propose pas de les suivre, je propose de suivre la rédaction adoptée par le groupe communiste. La vérité, c'est que cela vous gêne que le groupe communiste et vos propres amis aient accepté cette rédaction ! Là est le fond de la question ! Il y a des limites à tout !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ne vous énervez pas !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je ne m'énerve pas, mais il est tout de même des moments où il faut dire les choses avec une certaine force !
M. Henri de Raincourt. Il a raison !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. M. Dreyfus-Schmidt nous a abreuvé de citations, toutes fort intéressantes, et s'est inspiré d'auteurs que, généralement, il ne considère pas comme des références.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est pour vous !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Mais vous n'avez pas à me donner de leçon, cher ami ! Je suis assez grand pour m'instruire moi-même !
Cela laisse supposer que vous êtes en pleine contradiction. S'il n'y avait que cette contradiction-là, ce ne serait rien. La pire des contradictions, monsieur Dreyfus-Schmidt, c'est celle qui résulte de vos propres démarches antérieures.
Ce texte a pour objet de modifier l'article 221-6 du code pénal qui institue l'homicide par imprudence et l'article 222-19 qui définit les blessures par imprudence.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je l'ai dit !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Non, vous avez dit que vous étiez réticent à l'égard de ces articles. Or, le 17 juin 1999, dans un amendement signé par M. Charasse et par vous-même, vous proposiez la suppression pure et simple de ces deux articles. Vous proposiez donc de supprimer purement et simplement les délits d'homicide par imprudence et les délits de blessure par imprudence. Pour vous, le travail ne devait pas être fait à moitié...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas exact ! Je l'ai modifié à propos des accidents du travail et des accidents de la circulation.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Puisqu'il en est ainsi, je vais vous citer complètement. Vous seriez gentil de ne pas m'interrompre continuellement. Mais, je l'avoue, c'est trop vous demander ! (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Henri de Raincourt. Ça c'est vrai !
M. Pierre Fauchon rapporteur. Je donne lecture de votre amendement : « Le premier alinéa de l'article 221-6 du code pénal est supprimé. En conséquence, le deuxième alinéa du même article est ainsi modifié : Les mots : "en cas de" sont remplacés par les mots : "le fait de causer la mort d'autrui par un"... »
Vous souhaitiez donc supprimer le premier alinéa de l'article 221-6, qui institue les délits d'homicide par imprudence. Vous souhaitiez également supprimer le premier alinéa de l'article 222-19 du code pénal. Le Sénat ne vous a pas suivi, mais cela ne vous a pas suffit. Voilà quelques mois, dans cette enceinte, lorsque nous avons examiné la présente proposition de loi,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je l'ai dit !
M. Pierre Fauchon rapporteur. Moi, je le redis plus clairement. Vous, vous y avez simplement fait allusion.
M. le président. Ne dialoguez pas, mes chers collègues !
M. Pierre Fauchon rapporteur. Le 27 janvier, vous avez déclaré ici même : « Voilà pourquoi la réforme proposée, pour sympathique qu'elle nous paraisse, ne répond pas, à la vérité, à notre attente et à l'attente de tous. J'en viens à la troisième et dernière idée que j'entendais développer : une nouvelle fois, nous n'allons pas assez loin. »
Aujourd'hui, il paraît que l'on va trop loin, mais, en janvier, nous n'allions pas assez loin.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'avais dit avant que vous alliez trop vite !
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je vous en prie, n'interrompez pas M. le rapporteur.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, laissez-les faire ! C'est sympathique ! (Sourires.)
M. Pierre Fauchon rapporteur. Oui, mais c'est fatigant ! M. Dreyfus-Schmidt est infatigable, mais ce n'est pas mon cas, monsieur Charasse : je suis plus fragile que lui.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Pierre Fauchon rapporteur. « Où devrions-nous aller ? », disait alors M. Dreyfus-Schmidt, dans un élan magnifique. Il ajoutait : « A mons sens, il arrivera un jour où le législateur se décidera, sauf en matière de circulation et de législation du travail, à supprimer toute exception au principe posé par le premier alinéa de l'article 121-3 du code pénal : "Il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre". »
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je l'ai dit !
M. Pierre Fauchon rapporteur. La vérité, monsieur Dreyfus-Schmidt, ce n'est pas que, selon vous, ce texte va trop loin...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le rapporteur, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Pierre Fauchon rapporteur. Non ! Ce serait trop commode.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous n'êtes pas beau joueur, monsieur le rapporteur !
M. Pierre Fauchon rapporteur. Moi, je ne vous ai pas interrompu tout à l'heure, monsieur Dreyfus-Schmidt.
M. le président. Monsieur le rapporteur, permettez-moi simplement...
M. Pierre Fauchon rapporteur. Si cela vous est agréable, monsieur le président, j'accepte d'être interrompu par M. Dreyfus-Schmidt, mais à condition qu'il s'engage à ne plus m'interrompre dans le cours du débat ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur le rapporteur, permettez-moi de rappeler à M. Dreyfus-Schmidt, qui connaît le règlement, que vous intervenez contre la motion et qu'il ne peut donc demander à vous interrompre.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Vous m'en voyez désolé, monsieur Dreyfus-Schmidt. J'étais en train de faire une concession, mais elle aurait été coûteuse pour vous, car c'était à condition que vous renonciez à m'interrompre par la suite...
M. le président. Poursuivez, monsieur le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. M. Dreyfus-Schmidt considère, et il me l'a dit personnellement dans différentes occasions, qu'il faut supprimer toutes les circonstances de délit sans intention de le commettre. Aujourd'hui, il nous explique que nous allons trop loin dans cette voie. Or, voilà six mois, il nous reprochait de ne pas aller assez loin. Monsieur Dreyfus-Schmidt, si j'étais à votre place, cela me gênerait,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je suis le porte-parole de mon groupe !
M. Michel Charasse. Et en plus, il mouille tout le monde ! (Rires.)
M. Pierre Fauchon, rapporteur. ... mais il en faut probablement plus pour vous gêner !
Puisque vous avez bien voulu citer un certain nombre d'auteurs, je vais, et ce sera ma seule façon de répondre à cette motion tendant au renvoi à la commission, en citer trois autres.
Voilà six mois, ici même, M. Mauroy disait : « Quant au Sénat, mes chers collègues, il sait en certaines occasions apporter une contribution essentielle à l'oeuvre législative. C'est ce qu'il fait en ce moment même...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas aujourd'hui !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. ... avec la responsabilité pénale, sur un bon texte, qui a été bien travaillé. » Je viens de citer André Maurois.
M. Henri de Raincourt ! Pierre Mauroy !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Excusez-moi, oui, Pierre Mauroy !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il dénonce tout le monde ! (Sourires.)
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Non, je cite de bons auteurs ! Mais je peux aussi citer M. Vila !
Voilà trois semaines, à l'Assemblée nationale, M. Gouzes...
Mme Hélène Luc. Dites-nous ce que vous pensez de la motion de Mme Beaudeau !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Cela vous ennuie ce que je dis !
M. le président. Monsieur le rapporteur, ne provoquez pas vos collègues !
M. Pierre Fauchon, rapporteur. M. Gouzes, à l'Assemblée nationale, déclarait : « Il faut avoir le courage de dire que cette proposition de loi n'exonérera pas les coupables, ni dans le domaine médical, ni dans celui de la route, ni dans celui des accidents du travail, ni dans celui de la responsabilité des élus, et j'en passe. Cette proposition de loi évitera tout simplement qu'aux injustices de la vie s'ajoutent des injustices judiciaires. »
Enfin, et ce sera ma façon de répondre à Mme Beaudeau, je ferai une dernière citation :
« Les critiques qui se multiplient à la veille de notre débat, suscitant une attention médiatique, sont inexactes et injustes. Elles sont inexactes quand elles prétendent que le texte est examiné en catimini. Elles sont inexactes quand elles laissent entendre que ce texte ne concerne que les élus locaux alors même que le Premier ministre a refusé qu'ils bénéficient d'un traitement particulier. Elles sont inexactes surtout quand elles précisent que ce texte a pour objet de supprimer les sanctions pénales à l'égard des décideurs. Elles sont même choquantes quand elles nous reprochent de vouloir mettre un terme aux poursuites dans l'affaire du sang contaminé. Et si je reste modéré dans mes propos, c'est par considération envers les victimes et leurs familles dont je comprends toute la douleur.
Mes chers collègues, la commission des lois a adopté ce texte à l'unanimité, car il a été élaboré en étroite concertation avec vos services, madame la ministre, et avec le Sénat. Je vous propose donc de confirmer ce soir le vote de la commission. »
Je viens de citer M. Dosière, rapporteur et membre du groupe socialiste.
Je n'ai rien d'autre à dire, mes chers collègues, pour vous inviter à ne pas voter cette motion. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, pour des raisons que j'ai exposées dans mon propos introductif, je pense que le débat gagnerait à être prolongé de quelques semaines.
Mme Hélène Luc. Effectivement !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Par conséquent, j'approuve la motion de renvoi à la commission, présentée par Mme Beaudeau, voilà quelques instants.
La motion de renvoi à la commission va tout à fait dans le sens de ma préoccupation. Je suis prête à participer à ce travail complémentaire si la commission des lois du Sénat souhaite m'entendre, comme elle l'a fait lors de la première lecture.
Je suis certaine qu'il serait utile et opportun de poursuivre la discussion sur les amendements du Gouvernement. Je les ai communiqués au rapporteur de l'Assemblée nationale en même temps qu'au Sénat. Puisque M. Fauchon vient de terminer en citant M. Dosière, rapporteur socialiste de cette proposition de loi à l'Assemblée nationale, je veux apporter la précision suivante. Le rapporteur à l'Assemblée nationale, M. Dosière, a bien voulu m'indiquer, après avoir lui-même participé, comme vous d'ailleurs, monsieur Fauchon, à une réunion de travail au ministère avec les associations, que ces amendements lui paraissaient bienvenus. Je sais, par ailleurs, que la majorité de l'Assemblée nationale les considère avec intérêt.
M. Henri de Raincourt. Des godillots !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je répète que ces amendements sont non pas des amendements d'abandon du projet, mais bien des amendements d'amélioration. En ce sens, le renvoi à la commission rejoint le souci du Gouvernement. C'est ainsi, je pense, que nous pourrons aboutir à un texte utile pour tous.
Je demande donc au Sénat d'approuver cette motion. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 4, repoussée par la commission et acceptée par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 80:

Nombre de votants 313
Nombre de suffrages exprimés 313
Majorité absolue des suffrages 157
Pour l'adoption 94
Contre 219

Nous passons donc à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

Article 1er