Séance du 22 juin 2000
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Ma question s'adresse à Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille et à l'enfance.
La semaine dernière, la commissaire du Gouvernement au Conseil d'Etat se prononçait contre les dispositions de la circulaire dont vous aviez pris l'initiative lors de vos précédentes fonctions, qui autorisait la délivrance du Norlevo, plus connu sous le nom de « pilule du lendemain », par les infirmières des établissements scolaires.
Je tiens à redire combien la décision courageuse que vous aviez prise alors mérite d'être à nouveau saluée. Reposant sur une analyse très fine de la réalité de la vie des adolescentes, elle avait pour objectif de prévenir les conséquences sociales, médicales et psychologiques, souvent dramatiques d'une grossesse non désirée chez les jeunes filles.
Les chiffres sont hélas connus : chaque année, quelque 10 000 adolescentes sont confrontées à une grossesse non désirée, et 6 400 d'entre elles ont recours à une interruption volontaire de grossesse.
Je tiens à rappeler que le Norlevo est une contraception d'urgence délivrée sans ordonnance à toute femme ou jeune fille qui la demande à un pharmacien.
La décision de rendre accessible cette « pilule du lendemain » dans les établissements scolaires ne conduira pas, comme certains le prétendent, à une banalisation de cet acte. Cette délivrance, par l'infirmière scolaire, vise à répondre aux situations de détresse que rencontrent certaines jeunes filles, dont on sait qu'elles ne peuvent s'adresser ni à leurs parents ni à un médecin et qu'elles n'iront pas dans un centre de planning familial.
De plus, cette solution se situe dans une démarche d'accompagnement, de suivi et d'éducation dans l'établissement scolaire, ce que ne pourra pas réaliser un pharmacien.
Par ailleurs, les gynécologues déclarent, quasi unanimement, qu'une contraception d'urgence réussie favorise, par la suite, une contraception classique et prévient donc le recours éventuel à une interruption volontaire de grossesse.
La recommandation de la commissaire du Gouvernement a provoqué colère et inquiétude parmi les infirmières scolaires. Ces dernières ont en effet démontré leur sens des responsabilités et leur rôle essentiel dans l'éducation sexuelle et la prévention des grossesses. Leurs actions dans ce domaine contribuent à favoriser une plus grande responsabilisation des jeunes et une pleine maîtrise par les adolescentes de leurs corps et de leur devenir.
La loi du 28 septembre 1967 ne prend pas en compte les nouveaux moyens de contraception, moyens dont la « pilule du lendemain » fait partie. Sa révision s'avère urgente, notamment afin que la loi s'adapte aux contraceptions nouvelles et fasse évoluer l'obligation de l'autorisation parentale.
Madame la ministre, d'une part, le Gouvernement a-t-il l'intention de procéder à la révision de la loi de 1967 et, d'autre part, quelle sera sa position si le Conseil d'Etat décidait de suivre l'avis de la commissaire du Gouvernement ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes et sur certains travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué à la famille et à l'enfance. Madame la sénatrice, j'ai en effet autorisé les infirmières scolaires à délivrer, dans des conditions très strictes, le Norlevo, c'est-à-dire une contraception d'urgence, à des adolescentes en situation de grande détresse.
Contrairement à ce qui est dit ici ou là, je l'ai fait avec sérieux et après avoir beaucoup consulté.
Cette autorisation s'inscrit en effet dans un protocole national de soins dans le système scolaire que j'ai mis plus d'un an à rédiger, en accord, bien évidemment, avec les autorités sanitaires de ce pays, protocole qui inclut non seulement la régularisation de l'ensemble du dispositif des médicaments que peuvent détenir les infirmeries scolaires, mais également tous les protocoles de soins d'urgence dans le système scolaire, c'est-à-dire l'autorisation donnée aux infirmières d'accomplir les gestes qui sauvent, en liaison avec la médecine d'urgence.
C'est dans ce cadre, et dans ce cadre seulement, que s'inscrit la possibilité pour les infirmières scolaires de délivrer, dans des conditions très réglementées, la contraception d'urgence aux adolescentes en situation de détresse.
Je voudrais d'ailleurs rendre ici hommage aux infirmières scolaires, qui ont parfaitement appliqué ce protocole. Ainsi, pour ne reprendre que les chiffres connus actuellement, ceux de la région parisienne, sur plus de 250 demandes, les infirmières scolaires ont délivré 16 contraceptions d'urgence, ce qui veut dire qu'elles ont très bien compris mon message ; dans tous les autres cas, soit elles ont réussi à faire prendre en charge le problème par les parents, soit elles ont obtenu que les adolescentes prennent contact avec un centre de planning familial, un service hospitalier ou un médecin.
Seize cas sur plus de deux cent cinquante, cela correspond bien à l'urgence, cela répond bien au sentiment d'atteinte à l'intégrité physique de ces jeunes filles.
Je rappelle également qu'il y a chaque année dans ce pays - et cela touche en particulier des jeunes filles parmi les plus défavorisées, les plus abandonnées, les plus à l'écart des filières d'information, des jeunes filles qui sont victimes de violences - plus de 10 000 adolescentes enceintes, dont 6 000 subissent une interruption volontaire de grossesse. Lorsque les progrès de la science et de la médecine nous permettent de venir en aide à ces jeunes filles et de soulager leur détresse, je considère que nous avons l'obligation morale de le faire.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement attend avec beaucoup de sérénité la décision définitive du Conseil d'Etat. Il prendra alors toutes les dispositions législatives ou réglementaires qui nous permettront de maintenir le dispositif en place. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
INTERCOMMUNALITÉ DANS LE MARAIS POITEVIN