SEANCE DU 17 OCTOBRE 2000


M. le président. « Art. 28 ter. - Il est inséré, après l'article 34 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 précitée, un article 34-1 ainsi rédigé :
« Art. 34-1 . - Pour les produits et services destinés à la consommation courante des ménages, lorsque le délai de paiement convenu entre les parties est supérieur à quarante-cinq jours, calculés à compter de la date de livraison des produits ou de prestation du service, l'acheteur doit fournir, à ses frais, une lettre de change ou un effet de commerce d'un montant égal à la somme due contractuellement à son fournisseur, le cas échéant augmentée des pénalités de retard de paiement. Cette lettre de change ou l'effet de commerce indique la date de son paiement. L'envoi de la lettre de change ou de l'effet de commerce est réalisé sans qu'aucune demande ou démarche du débiteur soit nécessaire. Si le délai de paiement de la lettre de change ou de l'effet de commerce conduit à dépasser le délai de paiement prévu par le contrat de vente, les pénalités de retard prévues par le troisième alinéa de l'article 33 sont automatiquement appliquées sans demande du fournisseur. »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 21, le Gouvernement propose de rédiger comme suit cet article :
« I. - Le quatrième alinéa de l'article L. 441-3 du code du commerce est ainsi rédigé :
« La facture mentionne également la date à laquelle le règlement doit intervenir. Elle précise les conditions d'escompte applicables en cas de paiement à une date antérieure à celle résultant de l'application des conditions générales de vente ainsi que le taux des pénalités exigibles le jour suivant la date de règlement inscrite sur la facture. Le règlement est réputé réalisé à la date à laquelle les fonds sont mis, par le client, à la disposition du bénéficiaire ou de son subrogé. »
« II. - Les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 441-6 du code de commerce sont ainsi rédigés :
« Sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues est fixé au 30e jour suivant la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée.
« Les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d'application et le taux d'intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à une fois et demie le taux d'intérêt légal, ce taux est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 7 points de pourcentage. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu'un rappel soit nécessaire. »
« III. - Le 2° du I de l'article L. 442-6 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« c) De soumettre un partenaire à des conditions de règlement manifestement abusives, compte tenu des bonnes pratiques et usages commerciaux, et s'écartant au détriment du créancier et sans raison objective du délai indiqué au deuxième alinéa de l'article L. 441-6. »
« IV. - Le II du même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« c) D'interdire au cocontractant la cession à des tiers des créances qu'il détient sur lui. »
« IV. - Le III du même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'annulation des clauses relatives au règlement entraîne l'application du délai indiqué au deuxième alinéa de l'article L. 441-6, sauf si la juridiction saisie peut constater un accord sur des conditions différentes qui soient équitables. »
Cet amendement est affecté d'un sous-amendement n° 643, présenté par MM. Larcher et Cornu, et tendant, après les mots : « les parties », à rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa du II du texte proposé par l'amendement n° 21 : « des intérêts sont automatiquement exigibles trente jours après la réception par le débiteur de la facture ou d'une demande de paiement équivalente. »
Par amendement n° 206, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de rédiger ainsi l'article 28 ter :
Dans le troisième alinéa de l'article L. 441-6 du code précité, les mots : "une fois et demie le taux d'intérêt légal" sont remplacés par les mots : "au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement principal la plus récente majoré de sept points". »
Par amendement n° 141, M. Hérisson, au nom de la commission des affaires économiques, propose de rédiger ainsi l'article 28 ter :
« I. - A la fin du troisième alinéa de l'article L. 441-6 du code du commerce, les mots : "une fois et demie le taux d'intérêt légal" sont remplacés par les mots : "au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement principal la plus récente majorée de sept points".
« II. - Le I de l'article L. 442-6 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 6° pour les produits et services non visés à l'article L. 443-1, de dépasser sans motif légitime le délai contractuel de paiement, ou, à défaut d'accord contractuel, le délai de paiement indiqué dans les conditions générales du vendeur, lorsque celui-ci est supérieur ou égal à trente jours à compter de la livraison du produit ou de la prestation de service ; les réparations accordées s'ajoutent aux pénalités pour retard de paiement calculées au taux mentionné à l'article L. 441-6 et à compter du trentième jour suivant la livraison du produit ou la prestation du service. »
Par amendement n° 373, MM. Cornu, Courtois, Cazalet, Francis Giraud et Murat proposent de rédiger ainsi la dernière phrase du second alinéa de l'article 28 ter :
« Si l'acheteur ne fournit pas de lettre de change selon la procédure définie au présent article, son fournisseur peut demander au président du tribunal statuant en référé d'enjoindre sous astreinte l'acheteur de la fournir. »
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat, pour présenter l'amendement n° 21.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Le texte de cet amendement est long parce qu'il s'agit de régulation et qu'en matière de régulation les délais de paiement sont un point important.
Christian Pierret, au nom du Gouvernement a obtenu l'adoption d'une directive à l'échelon européen. Cette directive 2000/35/CEE a été publiée le 8 août 2000. Nous ne pouvions donc la transposer avant.

L'amendement gouvernemental vise à effectuer une transposition rapide en ce qui concerne les paiements privés, ainsi que le Gouvernement l'a envisagé à plusieurs reprises. Il traduit la volonté des pouvoirs publics de sanctionner les mauvais payeurs.
Il est ainsi fait usage de la possibilité laissée par la directive aux Etats membres d'adopter des dispositions plus favorables au créancier que ce que prévoit le dispositif communautaire minimal.
L'amendement prévoit, en ce sens, tout d'abord l'application du taux d'intérêt inscrit dans la directive, à savoir le taux BCE + 7 - il a fallu une longue discussion pour arracher cette directive, mais nous sommes parvenus à un accord sur ce taux - à l'actuel taux bornant inférieurement les pénalités de retard quand les parties n'ont convenu d'aucun taux ; elles peuvent, comme la directive le prévoit, déroger à ce taux par contrat, sans toutefois pouvoir convenir d'un taux inférieur à une fois et demie le taux d'intérêt légal, comme cela est déjà le cas.
Par ailleurs, il prévoit que les pénalités sont exigibles sans rappel, nonobstant toute disposition contraire. Cela répond à une forte demande de l'ensemble des petites et moyennes entreprises de notre pays - et d'ailleurs de la majorité des pays européens - et également à une forte demande de nombre de petits sous-traitants ou cotraitants qui ont connu des difficultés de trésorerie parce qu'ils n'ont pas réclamé les pénalités qui auraient pu être exigées, de peur de ne pas obtenir le marché suivant. De ce point de vue, cet article apparaîtra comme étant une petite révolution dans l'éthique économique.
Ensuite, l'amendement prévoit la nullité des clauses interdisant la cesssion des créances à un tiers et une transposition de la clause « anti-abus » précisant que l'annulation des clauses de paiement abusives entraîne l'application du délai de trente jours, sauf si le juge saisi peut constater l'accord des parties sur de nouvelles conditions équitables.
Les autres dispositions inscrites dans la directive ne sont pas reprises, dans la mesure où elles figurent déjà dans le droit français actuel et ne nécessitent donc pas de transposition.
Il nous a semblé, en outre, que nous ne pouvions traiter dans cette loi et à cet endroit que des délais de paiement privés, un certain nombre de négociations étant nécessaires pour traiter d'autres types de délais de paiement dits « publics ». Il faudrait en effet rencontrer l'association des maires de France, l'assemblée des départements de France et l'assemblée des présidents de conseils régionaux pour examiner l'application de ces conditions.
Alors que l'opportunité nous est offerte de transposer rapidement, je retiens surtout qu'il y a en France près de cinq fois plus de crédits interentreprises que d'encours bancaires et que cette disposition sur les délais de paiement, d'une part, respecte la notion de contrat et, d'autre part, rend automatiques les pénalités, ce qui est fondamental pour les petites entreprises.
M. le président. La parole est à M. Cornu, pour défendre le sous-amendement n° 643.
M. Gérard Cornu. L'amendement déposé par le Gouvernement en vue de procéder à la transposition anticipée des dispositions de la récente directive communautaire tend à ériger le délai de trente jours en délai standard.
Il convient donc de retenir un dispositif qui préserve la liberté contractuelle et qui, en même temps, soit une transposition pure et simple de la directive communautaire relative aux retards de paiement dans les transactions commerciales, laquelle fait d'un délai de trente jours un seuil de déclenchement d'intérêts de retard et non un délai de paiement de référence.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 206.
M. Philippe Marini, rapporteur. Monsieur le président, je retire cet amendement au bénéfice de l'amendement n° 21 déposé par le Gouvernement. A ce propos, permettez-moi d'indiquer que j'émets un avis favorable sur le sous-amendement n° 643.
M. le président. L'amendement n° 206 est retiré.
La parole est à M. Hérisson, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 141.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à supprimer le dispositif relatif aux lettres de change introduit par l'Assemblée nationale. En effet, si le problème des délais de paiement entre fournisseur et client est, en France, particulièrement préoccupant, l'utilisation des lettres de change pour y remédier apparaît contestable. Il s'agit en effet d'un moyen de paiement peu opérationnel au regard des moyens de paiement modernes.
Par ailleurs, la lettre de change risque de générer des coûts de par les implications qu'elle induira dans le traitement des factures.
En contrepartie, cet amendement pose le principe, pour les produits et services non visés à l'article 35 de l'ordonnance de 1986, d'un délai de paiement de trente jours, comme y incite la directive 2000/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2000 concernant la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales et les délais de paiement, qui sera à terme transposée en droit français.
En outre, cet amendement tend à ce que tout dépassement de ce délai de trente jours, même prévu par un contrat ou par les conditions générales de vente, donne lieu au versement non seulement de pénalités de retard mais aussi de réparations civiles.
Enfin, il tend à augmenter les pénalités de retard en modifiant les calculs, conformément à la directive européenne.
Avec cet amendement nous proposons une transposition de la directive par anticipation qui me paraît devoir être examinée et prise en compte dès lors que l'on souhaite légiférer pour quelque temps et non pour une période transitoire, c'est-à-dire jusqu'à la transposition de la directive.
M. le président. La parole est à M. Cornu, pour défendre l'amendement n° 373.
M. Gérard Cornu. L'amendement vise à soustraire à une pénalisation excessive une procédure d'injonction de faire sous astreinte dont l'efficacité, qui est reconnue, sera sensiblement accrue.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 141 et 373 ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Les amendements n°s 141 et 373, seront satisfaits par l'amendement n° 21 du Gouvernement, qui nous semble, je voudrais y insister, transposer de manière tout à fait correcte la directive européenne du 29 juin 2000 relative aux retards de paiement.
J'ajoute que cet amendement effectue cette transposition dans un esprit plutôt libéral, ce qui, pour les commissions, est un point tout à fait favorable. (Sourires.) Comme vous l'indiquez vous-même, madame le secrétaire d'Etat, cette transposition respecte en effet la volonté contractuelle. C'est ainsi, notamment - c'est un souci partagé sur certaines travées - qu'il n'est plus exigé de lettre de change pour certains paiements. Une telle exigence semblait vraiment excessive et, dans le contexte des moyens modernes de paiement, un peu décalée par rapport à la réalité.
Il faut toutefois remarquer que les dispositions dont il s'agit ne s'appliquent qu'aux paiements privés et qu'un texte futur interviendra sans doute pour transposer les dispositions de la directive du mois de juin aux marchés publics.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 643 et les amendements n°s 141 et 373 ?
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Le souhait de M. Hérisson est satisfait par l'amendement du Gouvernement, je n'insisterai pas sur ce point.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 643, en revanche, je constate qu'il est inquiétant parce qu'il vise à remplacer le point de départ du délai supplétif à compter non de la date de réception des marchandises, mais de la date de réception par le débiteur de la facture ou d'une demande de paiement équivalente. Il est cependant exact que les deux options sont prévues par la directive.
Le droit national dispose que la délivrance de la facture s'effectue dès que les marchandises sont livrées ou la prestation effectuée. Or, il existe quelques cas de factures différées ou récapitulatives, en général lorsque les transactions sont d'un faible montant. Et c'est pour éviter que les entreprises plus petites, qui sont les émettrices de ce genre de factures, ne soient pénalisées alors qu'elles sont les plus fragiles au regard des retards de paiement qu'il est sain de prévoir que le point de départ du calcul du délai parte du jour où la transaction est réellement effectuée.
Ayant à connaître les difficultés des petites entreprises, je ne peux qu'être défavorable à ce sous-amendement qui les pénalise et j'en demande le retrait.
Quant à l'amendement n° 373, il est satisfait, je crois, par l'amendement n° 21.
M. le président. Monsieur Cornu, accédez-vous à la demande de Mme le secrétaire d'Etat ?
M. Gérard Cornu. Je souhaite d'abord connaître le sentiment de la commission.
M. le président. Monsieur le rapporteur, vous êtes à nouveau sollicité pour donner votre avis sur le sous-amendement n° 643.
M. Philippe Marini, rapporteur. J'ai émis tout à l'heure un avis favorable sur ce sous-amendement.
J'ai certes entendu les explications de Mme le secrétaire d'Etat mais, dans l'intérêt d'un fournisseur d'un bien ou d'un service, en particulier, lorsqu'il s'agit d'une petite ou d'une moyenne entreprise, il est précieux de pouvoir compter sur une date certaine à partir de laquelle des intérêts de retard seront exigibles. C'est le confort qui est apporté par le sous-amendement n° 643.
Je vous concède que cela peut conduire à multiplier les factures, mais mieux vaut sans doute multiplier les factures et être certain de pouvoir recouvrer son argent à bonne date. Je crois que, même pour une petite entreprise, mieux vaut ne pas laisser l'argent dehors, le principe de base pour bien gérer une trésorerie consistant à faire rentrer de l'argent le plus tôt possible et à ne payer que le plus tard possible. Le petit sacrifice de scinder les factures me paraît acceptable, si l'on dispose en contrepartie du confort procuré par le dispositif prévu par le sous-amendement n° 643.
M. le président. M. Cornu, compte tenu des explications qui viennent d'être données, maintenez-vous le sous-amendement n° 643 ?
M. Gérard Cornu. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 643, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 21, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 28 ter est ainsi rédigé, et les amendements n°s 141 et 373 n'ont plus d'objet.

Article additionnel après l'article 28 ter