SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2000
M. le président.
Je rappelle que, à la demande de la commission, nous allons examiner par
priorité les amendements n°s 3 et 106.
Par amendement n° 3, M. Descours, au nom de la commission des affaires
sociales, propose d'insérer, après l'article 3, un article additionnel ainsi
rédigé :
« I. - Toute mesure d'exonération de la contribution pour le remboursement de
la dette sociale fait l'objet d'une compensation à due concurrence par le
budget de l'Etat.
« Cette compensation s'impute sur le versement de la recette mentionnée au IV
de l'article 4 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996.
« II. - La perte de recettes, pour l'Etat, résultant du I est compensée à due
concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs
visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 106, MM. Adnot, Darniche, Donnay, Durand-Chastel, Foy,
Seillier et Türk proposent d'insérer, après l'article 3, un article additionnel
ainsi rédigé :
« Le IV de l'article 4 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au
remboursement de la dette sociale est ainsi rédigé :
« IV. - La caisse verse chaque année au budget général de l'Etat, de l'année
1996 à l'année 2000, une somme de 12,5 milliards de francs, et de l'année 2009
à l'année 2013, une somme de 20 milliards de francs. »
La parole est à M. Descours, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 3.
M. Charles Descours,
rapporteur.
L'article 3 prévoit des exonérations de la contribution pour
le remboursement de la dette sociale en faveur des retraités et des chômeurs
non imposables. Nous nous réjouissons, bien sûr, de ces mesures pour les
intéressés, mais nous constatons que l'Etat les prodigue à bon compte puisqu'il
n'entend pas compenser à la caisse d'amortissement de la dette sociale, la
CADES, les exonérations de CRDS.
Or la CADES a pour mission de rembourser, depuis 1996 et jusqu'en 2014, la
dette sociale, soit 334 milliards de francs, au seul moyen de la CRDS.
Réduire l'assiette de la CRDS conduit à fragiliser le plan de financement de
la dette sociale et, à l'évidence, à reporter une nouvelle fois le
remboursement de cette dette sur les « générations futures » qui, pour
reprendre le titre d'un livre célèbre, pourront aller « cracher sur nos tombes
» !
Il est prévu d'accorder, dès 2001, 2,8 milliards de francs d'exonérations.
Compte tenu de la montée en charge de l'exonération de la CRDS sur les revenus
d'activité, que nous venons de supprimer à l'article 2 mais qui pourrait être
rétablie par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, le coût est de 4,1
milliards de francs en 2003. Cumulées sur l'ensemble de la période, ces
exonérations - Philippe Adnot l'a bien montré hier - représentent 50 à 60
milliards de francs.
Pour ces raisons, la commission des affaires sociales propose, par analogie
avec l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, qui pose le principe
général de compensation par le budget général des exonérations de cotisations
de sécurité sociale - et le Sénat avait joué un grand rôle dans l'édiction de
ce principe -, d'instituer un principe général de compensation des exonérations
de CRDS.
Cette compensation est possible, cher collègue Fischer, sans « tuyauterie »
supplémentaire.
En effet, elle peut aisément s'imputer à due concurrence sur les 12,5
milliards de francs que verse chaque année la CADES au budget général et qui
constituent une recette non fiscale de ce même budget. Ce versement, opéré
depuis 1996 et jusqu'en 2009, est lié, sans qu'aucune disposition juridique le
précise expressément, à la « reprise de la dette » de 110 milliards de francs
qu'avait financée l'Etat au titre des déficits d'avant 1994.
M. le président.
La parole est à M. Adnot, pour présenter l'amendement n° 106.
M. Philippe Adnot.
Madame la secrétaire d'Etat, l'année dernière, je vous avais posé une question
sur le profil de remboursement de la dette de la CADES ; vous ne m'aviez pas
fait l'honneur d'une réponse. Cette année, je ne vous ai pas posé de question,
mais j'ai décrit l'impasse dans laquelle vous allez vous trouver ; vous n'avez
pas, là non plus, daigné me fournir d'explications.
Vous vous trouvez exactement dans la situation d'une entreprise en règlement
judiciaire qui privilégierait le remboursement de l'un des créanciers.
La CADES doit de l'argent à l'Etat, entre autres. Vous vous servez
intégralement. Le reste, éventuellement, suffira peut-être, un jour, à
rembourser les autres créanciers.
Voici donc ce que je vous propose par cet amendement : laissez d'abord la
CADES rembourser la dette qui porte intérêt, prenez ensuite le reste, puisque
vous êtes certaine qu'il y aura suffisamment d'argent.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 106 ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je souhaiterais entendre l'avis du Gouvernement, qui, depuis
deux ans, semble avoir du mal à répondre sur ce sujet.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 3 et 106 ?
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
L'amendement n° 3 tend à poser un principe général de
compensation, par le budget général, des mesures d'exonération de la CRDS.
Une telle disposition ne nous paraît pas nécessaire. En effet, les projections
dont nous disposons, qui sont visiblement différentes des vôtres, montrent que,
dans les hypothèses centrales de taux d'intérêt et de croissance, la CADES est
en mesure d'assurer le remboursement de la dette bien avant 2014, en dépit des
exonérations de la CRDS proposées initialement par le Gouvernement. Il n'y a
donc pas lieu de compenser la perte de recettes résultant de ces
dispositions.
L'amendement n° 106 a pour objet de supprimer le versement de la CADES à
l'Etat entre 2001 et 2009, et de le reporter sur la période 2009-2013, afin que
ce versement n'intervienne qu'après le remboursement de la dette contractée par
la CADES auprès des organismes financiers.
Par cet amendement, monsieur le sénateur, vous faites peser, me semble-t-il,
une certaine suspicion sur la capacité de la CADES à honorer ses engagements.
Comme je viens de le dire, les projections dont nous disposons montrent que,
dans les hypothèses centrales de taux d'intérêt et de croissance, la CADES est
en mesure d'assurer le remboursement de la dette avant janvier 2014.
Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de modifier les mécanismes de
refinancement de la dette ni les engagements de la CADES à l'égard du budget de
l'Etat.
Je m'oppose donc à votre amendement.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Madame le secrétaire d'Etat, je voudrais savoir si les
projections auxquelles vous venez de faire allusion tiennent compte des 60
milliards de francs d'exonération de la CRDS...
M. Christian de la Malène.
C'est intéressant !
M. Jean Chérioux.
Oui, il faut répondre !
M. Charles Descours,
rapporteur.
J'attends la réponse de Mme le secrétaire d'Etat !
M. le président.
Elle n'est pas obligée de répondre !
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Vous venez de faire référence à deux reprises,
madame le secrétaire d'Etat, aux projections dont vous disposiez.
M. Philippe Adnot.
Quelles sont-elles ?
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Peut-être m'avez-vous entendu hier poser, au nom de
la commission des finances, des questions au Gouvernement sur la CADES. Or je
n'ai pas reçu de réponse.
La commission des affaires sociales, pour sa part, n'a aucune projection.
D'ailleurs, personne, dans cet hémicycle, n'en a ! Avouez qu'il est pour le
moins surprenant que le Parlement n'ait pas d'informations financières sur les
capacités de la CADES : et dont je suis membre du comité de surveillance, après
en avoir été le président. Vous affirmez que nous les détenons. Pas que je
sache !
Par conséquent, communiquez-nous ces projections, madame le secrétaire d'Etat,
et nous vous croirons sur chiffres.
M. Jean Chérioux.
Nous attendons !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je comprends, monsieur le rapporteur pour avis, que
vous vous mettiez en colère. Cependant, toutes les informations utiles ont été
données aux membres du comité de surveillance sur les perspectives financières
de la CADES.
M. Jean Delaneau,
président de la commissoin des affaires sociales.
C'est faux !
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
On ne les a pas !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Que je sache, vous en faites partie ! Vous devez donc
avoir les mêmes informations que les nôtres : les marges de manoeuvre sont
utilisées et les perspectives sont bonnes et équilibrées. Ces projections ont
été réalisées en tenant compte du prélèvement de 60 milliards de francs.
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Nous le contestons !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Ce sont des phrases,
pas des chiffres !
M. Jean Chérioux.
Il n'y a pas beaucoup de chiffres dans tout ça !
M. Christian de la Malène.
On aimerait bien avoir quelques chiffres !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 3.
M. Bernard Cazeau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau.
Notre groupe votera contre cet amendement.
M. Guy Fischer.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Il est évident que nous ne pouvons souscrire à la philosophie qui a été
développée. Nous voterons donc contre ces deux amendements.
M. Yves Fréville.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
Je voterai, bien évidemment, l'amendement de la commission.
Madame le secrétaire d'Etat, je suis simple parlementaire et je ne fais pas
partie du comité de surveillance de la CADES. Je sais que M. Oudin tient
parfaitement sa place, et ce qu'il nous a dit ne fait que confirmer mes
présomptions. Mais, pour ma part, je m'en tiens aux documents qui sont
communiqués au Parlement.
Or, à l'annexe F du projet de loi de finances pour 2001, figurent les comptes
de résultats prévisionnels de la CADES. Madame le secrétaire d'Etat, je
constate simplement que le résultat, qui se traduisait par une diminution de la
dette en 2000, s'élevait à 5,7 milliards de francs, et qu'il est ramené, en
2001, à 4,5 milliards, alors que n'a pas encore été voté le passage de 1,3 à
1,4 SMIC. Il sera donc certainement de 4 milliards de francs.
Je sais, par ailleurs, que les taux d'intérêt n'ont pas tendance à
diminuer.
Par conséquent, ce que nous disait M. Oudin, rapporteur pour avis, n'est pas
du tout démenti par vos propres documents. Si vous voulez nous convaincre,
donnez-nous au moins des simulations et non pas des documents incomplets.
M. Jean Chérioux.
Nous nageons dans le flou !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Ou vous naviguez à vue,
ou vous avez les chiffres !
M. Philippe Adnot.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot.
Madame la secrétaire d'Etat, il est quand même un peu trop facile de nous
répondre que vos projections sont bonnes ! On ne peut pas se contenter de cette
affirmation. Les chiffres que j'ai cités sont ceux de la CADES ; M. Fréville
vient de les rappeler.
L'année dernière, les recettes étaient de 28,7 milliards de francs, contre 28
milliards de francs cette année. On observe donc non pas une augmentation, mais
une diminution des recettes. Vous êtes dans une impasse ! Votre affirmation
n'est pas suffisante.
J'ajouterai que 16 % environ de la dette contractée par la CADES est en
dollars : 16 % de 209 milliards de francs, cela représente quelques milliards
de francs, qui, d'un seul coup, viennent de bénéficier d'une certaine
revalorisation !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement n° 3 est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 3, et l'amendement n° 106 n'a plus d'objet.
Nous en revenons à l'article 3.
Article 3