SEANCE DU 22 NOVEMBRE 2000
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Décès d'un ancien sénateur
(p.
1
).
3.
Candidatures à une commission d'enquête
(p.
2
).
4.
Elections à l'assemblée de la Polynésie française.
- Discussion d'une proposition de loi organique déclarée d'urgence (p.
3
).
Discussion générale : MM. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer ;
Lucien Lanier, rapporteur de la commission des lois ; Jean-Jacques Hyest, Yvon
Collin, Gaston Flosse, Guy Allouche.
M. le secrétaire d'Etat.
Clôture de la discussion générale.
5.
Nomination de membres d'une commission d'enquête
(p.
4
).
6.
Elections à l'assemblée de la Polynésie française.
- Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi organique
déclarée d'urgence (p.
5
).
Article 1er (p. 6 )
Amendements n°s 3 de M. Guy Allouche et 1
(priorité)
de la commission. -
MM. Guy Allouche, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Gaston Flosse. -
Adoption, après une demande de priorité, de l'amendement n° 1, l'amendement n°
3 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 1er ou après l'article 2 (p. 7 )
Amendements n°s 2 rectifié de M. Yvon Collin et 4 de M. Guy Allouche. - MM. Yvon Collin, Guy Allouche, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Gaston Flosse. - Rejet des deux amendements.
Article 2. - Adoption (p.
8
)
Vote sur l'ensemble (p.
9
)
MM. Guy Allouche, Gérard Le Cam, Gaston Flosse.
Adoption, par scrutin public, de la proposition de loi organique.
Suspension et reprise de la séance (p. 10 )
7.
Carrière des magistrats.
- Discussion d'un projet de loi organique (p.
11
).
Discussion générale : Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la
justice ; MM. Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois ; Robert
Badinter, Hubert Haenel, Michel Charasse, Mme Nicole Borvo.
Mme le garde des sceaux.
Clôture de la discussion générale.
Division additionnelle avant l'article 1er (réserve) (p. 12 )
Amendement n° 1 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Réserve.
Article 1er (p. 13 )
Amendement n° 2 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 3 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
- Adoption.
Adoption de l'article modifié.
8.
Souhaits de bienvenue au ministre syrien de l'éducation
(p.
14
).
9.
Carrière des magistrats.
- Suite de la discussion d'un projet de loi organique (p.
15
).
Article 2 (p. 16 )
M. Michel Charasse, Mme le garde des sceaux, M. le rapporteur.
Adoption, par division, de l'article.
Articles additionnels après l'article 2 (p. 17 )
Amendements n°s 4 à 6 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Robert Badinter. - Adoption des amendements insérant trois articles additionnels.
Articles 3 et 4. - Adoption (p.
18
)
Article 5 (p.
19
)
Amendement n° 7 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
- Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 5 (p. 20 )
Amendement n° 17 de M. Hubert Haenel. - MM. Hubert Haenel, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 6 (p. 21 )
Amendement n° 8 de la commission et sous-amendement n° 19 du Gouvernement. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.
Divisions et articles additionnels après l'article 6 (p. 22 )
Amendement n° 9 de la commission. - Réserve.
Amendement n° 10 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
- Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 11 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde
des sceaux, M. Hubert Haenel. - Adoption de l'amendement insérant un article
additionnel.
Suspension et reprise de la séance (p. 23 )
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
10.
Candidatures à une commission mixte paritaire
(p.
24
).
11.
Carrière des magistrats.
- Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi organique (p.
25
).
Divisions et articles additionnels après l'article 6
et division additionnelle avant l'article 1er
(suite)
(p.
26
)
Amendement n° 12 de la commission. - M. Pierre Fauchon, rapporteur de la
commission des lois ; Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la
justice. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 13 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
- Adoption de l'amendement insérant une division additionnelle et son intitulé
après l'article 6.
Amendement n° 1
(précédemment réservé)
de la commission. - Adoption de
l'amendement insérant une division additionnelle et son intitulé avant
l'article 1er.
Amendement n° 9
(précédemment réservé)
de la commission. - Adoption de
l'amendement insérant une division additionnelle et son intitulé après
l'article 6.
Amendement n° 14 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux.
- Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 18 rectifié de M. Hubert Haenel. - MM. Hubert Haenel, le
rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Robert Badinter. - Adoption de
l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 16 de M. Hubert Haenel. - MM. Hubert Haenel, le rapporteur, Mme
le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article
additionnel.
Amendement n° 20 du Gouvernement. - Mme le garde des sceaux, M. le rapporteur.
- Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements n°s 21 à 25 rectifié de Mme Nicole Borvo. - Mme Nicole Borvo, M. le
rapporteur, Mme le garde des sceaux. - Retrait des cinq amendements.
Intitulé (p. 27 )
Amendement n° 15 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux,
M. Robert Badinter. - Adoption de l'amendement modifiant l'intitulé.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi organique.
12.
Résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique.
- Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p.
28
).
M. le président.
Discussion générale : MM. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de
la réforme de l'Etat ; Daniel Hoeffel, rapporteur de la commission des lois ;
Mme Nicole Borvo, MM. Jacques Mahéas, Daniel Eckenspieller, René Garrec, Aymeri
de Montesquiou, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Alain Vasselle, Guy
Penne.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p. 29 )
Amendement n° 1 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Jacques
Mahéas. - Adoption.
Amendements n°s 43 à 46 de Mme Nicole Borvo. - Mme Nicole Borvo, MM. le
rapporteur, le ministre, Jacques Mahéas. - Rejet des quatre amendements.
Amendements n°s 74 et 75 de Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Mme Monique
Cerisier-ben Guiga, MM. le rapporteur, le ministre, Guy Penne. - Retrait des
deux amendements.
Amendements n°s 2 de la commission et 100 du Gouvernement. - MM. le rapporteur,
le ministre, Jacques Mahéas. - Adoption de l'amendement n° 2, l'amendement n°
100 devenant sans objet.
Amendement n° 97 rectifié de M. Philippe Richert. - MM. Daniel Eckenspieller,
le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Article 2. - Adoption (p.
30
)
Article 3 (p.
31
)
Amendement n° 47 de Mme Nicole Borvo. - Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur, le
ministre. - Rejet.
Amendement n° 3 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 71 rectifié de M. Philippe Darniche. - MM. Philippe Darniche, le
rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 48 de Mme Nicole Borvo. - Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur, le
ministre. - Rejet.
Amendement n° 22 rectifié de M. Fernand Demilly. - MM. Aymeri de Montesquiou,
le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Article 4 (p. 32 )
Amendements n°s 55 de M. René Garrec et 72 rectifié de M. Philippe Darniche. -
MM. René Garrec, Philippe Darniche, le rapporteur, le ministre. - Retrait des
deux amendements.
Amendement n° 4 de la commission. - Adoption.
Amendements n°s 54 de M. René Garrec et 76 de M. Claude Domeizel. - MM. René
Garrec, Claude Domeizel, le rapporteur, le ministre. - Retrait des deux
amendements.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 4 (p. 33 )
Amendement n° 23 rectifié de M. Fernand Demilly. - Retrait.
Article 5 (p. 34 )
Amendement n° 101 du Gouvernement. - Adoption.
Amendement n° 56 de M. René Garrec. - Retrait.
Amendement n° 5 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 6 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. -
Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 5 (p. 35 )
Amendement n° 7 de la commission et sous-amendement n° 102 du Gouvernement. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié insérant un article additionnel.
Article additionnel après l'article 5 ou après l'article 6 (p. 36 )
Amendements n°s 36 de M. Claude Huriet, 50 de Mme Nicole Borvo, 98 (priorité) de la commission, 51 de M. Ivan Renar, 78 de M. Guy Allouche, 68, 69 de M. Michel Mercier et 77 (priorité) de M. Jacques Mahéas. - MM. Claude Huriet, Ivan Renar, le rapporteur, Jacques Mahéas, Michel Mercier, le ministre, Jean-Jacques Hyest. - Demande de priorité des amendements n°s 98 et 77 ; adoption de l'amendement n° 98 insérant un article additionnel après l'article 5.
Suspension et reprise de la séance (p. 37 )
Adoption de l'amendement n° 77 rectifié insérant un article additionnel après l'article 6, les autres amendements devenant sans objet.
Articles additionnels après l'article 5 (p. 38 )
Amendement n° 49 de Mme Nicole Borvo. - Rejet.
Amendement n° 57 de M. René Garrec. - Retrait.
Article additionnel avant l'article 6 (p. 39 )
Amendement n° 52 de Mme Nicole Borvo. - Rejet.
Article 6. - Adoption (p.
40
)
Article additionnel après l'article 6 (p.
41
)
Amendement n° 73 rectifié de M. Philippe Darniche. - MM. Philippe Darniche, le rapporteur. - Retrait.
Article 7 (p. 42 )
Amendements n°s 8 et 9 de la commission. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Article 8. - Adoption (p.
43
)
Intitulé du titre II (p.
44
)
Amendement n° 79 de M. Claude Domeizel. - MM. Claude Domeizel, le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Article 9. - Adoption (p.
45
)
Article 10 (p.
46
)
Amendement n° 10 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 103 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur, Jacques
Mahéas. - Rejet.
Amendement n° 11 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 104 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur. -
Rejet.
Amendement n° 12 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Jacques
Mahéas. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles 11 et 12. - Adoption (p.
47
)
Article 13 (p.
48
)
Amendements identiques n°s 13 de la commission et 25 rectifié de M. Daniel
Eckenspieller ; amendement n° 37 rectifié de M. Daniel Eckenspieller. - MM. le
rapporteur, Daniel Eckenspieller, le ministre, Alain Vasselle, Claude Domeizel,
Jean-Jacques Hyest. - Adoption des amendements n°s 13 et 25 rectifié,
l'amendement n° 37 rectifié devenant sans objet.
Renvoi de la suite de la discussion.
13.
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
(p.
49
).
14.
Modification de l'ordre du jour
(p.
50
).
15.
Communication de l'adoption définitive de textes soumis en application de
l'article 88-4 de la Constitution
(p.
51
).
16.
Dépôt d'un projet de loi
(p.
52
).
17.
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
(p.
53
).
18.
Ordre du jour
(p.
54
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures dix.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DÉCÈS D'UN ANCIEN SÉNATEUR
M. le président. J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancienne collègue Janine Alexandre-Debray, qui fut sénateur de Paris de 1976 à 1977.
3
CANDIDATURES
À UNE COMMISSION D'ENQUÊTE
M. le président.
L'ordre du jour appelle la nomination des membres de la commission d'enquête
sur les conditions d'utilisation des farines animales dans l'alimentation des
animaux d'élevage et les conséquences qui en résultent pour la santé des
consommateurs.
En application de l'article 11, alinéa 2, du règlement, la liste des candidats
présentée par les présidents des groupes a été affichée et les candidatures
seront ratifiées, s'il n'y a pas d'opposition, dans le délai d'une heure.
4
ÉLECTIONS À L'ASSEMBLÉE
DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE
Discussion d'une proposition de loi organique
déclarée d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi organique (n°
439, 1999-2000), adoptée par l'Assemblée nationale, après déclaration
d'urgence, destinée à améliorer l'équité des élections à l'assemblée de la
Polynésie française. [Rapport n° 76 (2000-2001).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Monsieur le président, monsieur le
rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j'étais, il y a peu, à la fin du
mois d'octobre, en Polynésie française où j'ai pu, de manière très concrète,
mesurer par moi-même, en parcourant ce territoire de Papeete à Rangiroa puis en
allant à Tikehau, l'importance, et la difficulté aussi, du débat que nous
allons avoir aujourd'hui.
En effet, la Polynésie est un territoire impressionnant, par ses dimensions,
ses distances, les modes de communication qui y sont nécessaires, mais aussi
par le caractère peu homogène de la répartition de la population.
L'on y constate aussi, et je voudrais d'emblée insister sur ce point, car j'en
ai recueilli le témoignage auprès de nombreux élus du territoire, plusieurs
déséquilibres en termes de fonctionnement, d'organisation et d'expression de la
démocratie.
Il y existe, d'abord, un déséquilibre à l'assemblée territoriale dans la
répartition des sièges de conseiller territorial. C'est l'objet de la
proposition de loi qui vous est soumise.
S'y ajoute un déséquilibre dans la place reconnue aux communes en Polynésie
française. Il résulte de la survivance de textes anciens en matière d'autonomie
communale. Les lois de décentralisation ne sont en effet pas applicables
aujourd'hui à la Polynésie, qui fonctionne encore sous le régime de la
tutelle.
S'agissant des élections pour les conseils municipaux, c'est, là encore, la
survivance d'anciens textes qui conduit à ce que l'opposition n'y soit pas ou
soit mal représentée. Et les nombreux maires de métropole comme d'outre-mer qui
assistent aujourd'hui, depuis les tribunes, à nos débats comprennent, j'en suis
persuadé, ce que je veux dire. En d'autres termes, aujourd'hui, les communes de
Polynésie sont dans la situation que connaissaient les communes de métropole
avant les lois de décentralisation.
Il y a donc en effet une source de déséquilibre dans l'organisation
territoriale de la Polynésie.
L'absence d'échelon intermédiaire entre les communes, d'une part, et le
gouvernement et l'assemblée territoriale, d'autre part, m'a également été
souvent présentée comme un déficit qu'il conviendrait de combler le cas
échéant.
S'agissant des aspects communaux, le Gouvernement souhaite, et l'ensemble des
parlementaires de Polynésie que j'ai rencontrés sur place en sont d'accord,
mettre en chantier la réforme du statut communal durant la présente
législature.
M. Jean-Jacques Hyest.
Oui !
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Je sais, et M. Hyest me le confirmait encore ce matin
même, devant la commission des lois, que vous êtes nombreux ici à être
attentifs au devenir de la réforme communale en Polynésie française.
L'Association des maires de Polynésie et l'assemblée territoriale adhèrent
d'ailleurs à cette perspective, à laquelle il faudra donc donner prochainement
un contenu.
Plus généralement, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai perçu, en
Polynésie, une demande de démocratie, une demande d'affirmation de l'intérêt
général. C'est, je crois, tout simplement une demande de République qui
s'exprime.
Mais, pour revenir très directement à l'objet de cette séance, j'ai pu
constater que le renforcement de la représentativité des élus et l'équilibre
dans la répartition des sièges constituaient un objectif partagé par tous, à
Paris - le rapporteur M. Lanier va, j'en suis sûr, le démontrer une nouvelle
fois aujourd'hui - aussi bien qu'à Papeete, où je l'ai constaté moi-même.
La proposition de loi organique visant à améliorer l'équité des élections à
l'assemblée de la Polynésie française, déposée par le député M. Emile
Vernaudon, a été adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale le 22 juin
dernier.
Compte tenu du déséquilibre constaté, c'est un véritable « devoir démocratique
» qu'une réforme de la répartition des sièges à l'assemblée de la Polynésie
française intervienne avant les prochaines élections territoriales prévues en
mai 2001, et c'est pourquoi mon prédécesseur, M. Jean-Jack Queyranne, avait
déclaré l'urgence sur ce texte.
Dans son rapport, au nom de la commission des lois du Sénat, M. Lanier
rappelle que j'ai toujours été hostile à la transformation des règles du jeu à
quelques semaines des scrutins.
M. Lucien Lanier,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
C'est vrai
!
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Le député ne fera pas mentir le secrétaire d'Etat.
Monsieur le sénateur, vous avez en effet cité un débat de l'Assemblée nationale
qui concernait l'unification du mode de scrutin régional. Je vous confirme
cette position. En ce qui concerne la Polynésie, heureusement, nous sommes
encore à six mois, et non pas à quelques semaines, du scrutin territorial.
Mais, c'est surtout, et j'insiste sur ce point, la présence du consensus, tant
au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, sur la nécessité de corriger le
déséquilibre dans la représentation de la circonscription des Iles-du-Vent qui
nous conduit à souhaiter faire progresser la démocratie en Polynésie française
en rééquilibrant la représentation des différentes circonscriptions.
Chaque parlementaire de Polynésie a d'ailleurs déposé une proposition de loi
visant à corriger ce déséquilibre. Le constat est donc fait par tous. L'un de
mes excellents prédécesseurs, M. Perben, s'est d'ailleurs joint à cet exercice.
C'est une caution supplémentaire. Le Gouvernement n'est donc pas à l'initiative
de cette modification mais, s'agissant d'une question d'équité dans la
représentation des populations, il ne peut, bien sûr, que soutenir cette
démarche de rééquilibrage et il fera tout pour qu'elle s'applique le plus
rapidement possible.
Aujourd'hui, la représentation des habitants des différentes circonscriptions
électorales au sein de l'assemblée de la Polynésie française n'est pas
satisfaisante.
Le nombre des sièges de l'assemblée et leur répartition au sein de cinq
circonscriptions ont été fixés, je le rappelle, par la loi du 18 décembre 1985.
L'assemblée est composée de quarante et un membres, élus selon la répartition
suivante : Iles-du-Vent - Tahiti et Moorea pour l'essentiel - vingt-deux
conseillers ; Iles-sous-le-Vent, huit conseillers ; Iles Australes, trois
conseillers ; Iles Marquises, trois conseillers ; Iles Tuamotu-Gambier, cinq
conseillers.
Or, avec près de 165 000 habitants au dernier recensement de 1996, les
Iles-du-Vent représentent près de 74 % de la population mais ne disposent que
de 53,6 % des sièges. C'est la traduction de ce déséquilibre.
Il est donc indispensable de rééquilibrer la répartition des sièges au profit
des Iles-du-Vent.
Or, vous le savez - votre rapporteur M. Lucien Lanier l'a longuement développé
- la représentation des différentes circonscriptions doit répondre à deux
exigences fortes. La première, c'est le principe d'égalité, qui impose que le
suffrage de chaque électeur pèse d'un poids identique. La seconde exigence,
c'est que l'élection doit se faire sur des bases essentiellement
démographiques. Cela ne signifie pas, bien entendu, qu'une stricte
proportionnalité doit être respectée : la démocratie, chacun en conviendra,
n'est pas un exercice de mathématique.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Très bien !
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Le Conseil constitutionnel a reconnu au législateur,
notamment dans la décision du 8 août 1985 sur la Nouvelle-Calédonie, la
possibilité de tenir compte également d'impératifs précis d'intérêt général.
On peut ainsi penser que la représentation d'archipels éloignés par un nombre
minimal d'élus s'inscrit dans cette jurisprudence, mais seulement en complément
de la prise en compte du poids démographique réel de ces îles.
Cette réforme n'est pas seulement un devoir démocratique ; elle est aussi une
exigence constitutionnelle.
En effet, pour le Conseil constitutionnel, le critère de la population reste
essentiel. Il a été appliqué tant pour l'élection de députés dans une décision
de juillet 1986 que pour l'élection des membres du conseil municipal de la
ville de Marseille. Il est également appliqué par le Conseil d'Etat pour le
contrôle du découpage cantonal.
Aussi - je ne crains pas de le rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs -
la nécessité de procéder à un rééquilibrage de la représentation au profit des
Iles-du-Vent est bien aujourd'hui une exigence constitutionnelle à satisfaire
avant les prochaines élections.
Ce diagnostic est largement partagé. J'en veux pour preuve la multiplication
des propositions de loi qui se sont fait jour, émanant - M. le rapporteur y
reviendra - de tous les parlementaires de Polynésie française. Ainsi, votre
collègue M. Gaston Flosse avait déposé une proposition de loi organique en ce
sens.
Cette proposition de loi ne pouvait prospérer, compte tenu du risque
constitutionnel : l'assemblée territoriale avait certes formulé un voeu par une
délibération de mai 1999, mais il ne s'agissait que d'un voeu, et non d'un avis
formel sur la proposition de loi.
C'est pourquoi l'Assemblée nationale a pris l'initiative d'examiner la
proposition de loi déposée par M. Emile Vernaudon, qui attribue, à effectif de
l'assemblée constant, vingt-neuf sièges aux Iles-du-Vent au lieu de vingt-deux
actuellement, cinq sièges aux Iles-sous-le-Vent, deux sièges aux Iles
Marquises, deux sièges aux Iles Australes et 3 sièges aux Iles Tuamotu et
Gambier.
Aujourd'hui, la commission des lois du Sénat propose, en s'inspirant d'une
autre proposition qui avait été formulée par deux députés, M. Buillard,
représentant de la Polynésie française, et M. Perben, de porter à trente
sièges, soit huit sièges supplémentaires, la représentation des Iles-du-Vent
tout en maintenant le nombre de sièges actuellement attribués aux archipels. Ce
chiffre a été accueilli favorablement par l'assemblée de la Polynésie
française, comme elle me l'a rappelé lors de mon déplacement.
L'objectif est donc toujours de rechercher une solution qui permette d'aller
vers l'égalité des suffrages, en accordant une plus forte représentation aux
Iles-du-Vent tout en assurant une représentation des archipels éloignés pour
tenir compte des spécificités du territoire. La position adoptée par votre
commission a pour conséquence, à la différence du vote des députés, d'augmenter
le nombre de membres de l'assemblée territoriale.
La proposition de loi organique adoptée par l'Assemblée nationale le 22 juin
1999 et que vous examinez pour la première fois aujourd'hui peut être
considérée comme l'une des solutions susceptibles de répondre à l'ensemble des
objectifs fixés.
Tout en conservant le nombre actuel de sièges, soit quarante et un, la
redistribution des sièges permet de parvenir à un équilibre qui, de toute
façon, est plus satisfaisant que la situation actuelle. Elle est réalisée par
le transfert de sept sièges aux Iles-du-Vent, qui éliraient vingt-neuf
conseillers : vingt-deux plus sept. Elle assure, à sa manière, le rééquilibrage
démographique recherché. Les Iles-du-Vent disposeraient d'un peu plus de 70 %
des sièges pour près de 74 % de la population.
Les écarts par rapport à la moyenne seraient très sensiblement réduits. De ce
point de vue, les exigences du Conseil constitutionnel seraient satisfaites.
Les archipels continueraient de bénéficier d'une représentation supérieure à
celle que commanderait la simple proportionnalité par rapport à leur
population. Je ne crois pas que rééquilibrer ainsi la représentation des
circonscriptions les plus peuplées aille « à contre-courant de l'histoire »,
pour reprendre votre expression, monsieur le rapporteur. Elle va vers plus
d'équité et ce sont ces arguments qui avaient emporté l'adhésion de l'Assemblée
nationale. Le Gouvernement avait d'ailleurs accueilli favorablement une telle
solution.
Il est de toute façon indispensable de renforcer la légitimité de l'assemblée
délibérante de la Polynésie française qui, bientôt, verra son statut modifié,
conformément au voeu des deux assemblées, après l'approbation de la
modification constitutionnelle par le Congrès du Parlement qui avait été
envisagée voilà quelques mois et qui est différée.
En conclusion, le texte voté par l'Assemblée nationale constitue, à n'en pas
douter, un réel progrès par rapport à la situation actuelle. La discussion doit
toutefois se poursuivre entre les deux chambres.
Enfin, j'évoquerai deux amendements qui ont été déposés sur un sujet dont on
m'a beaucoup parlé lors de mon déplacement en Polynésie : la concomitance des
élections municipales et des élections territoriales. Ces amendements ont un
objectif là encore digne du plus grand intérêt sur le plan de la démocratie
locale. En effet, organiser le même jour des élections différentes peut
permettre de faciliter la gestion administrative des élections, d'en réduire
les coûts pour les candidats comme pour l'Etat et, c'est tout aussi important,
d'encourager les électeurs à se rendre aux urnes.
Permettez-moi de relever que si le Parlement n'avait pas été conduit à
repousser les élections en 1996 à la suite d'une proposition de loi de M.
Pierre Mazeaud, alors député, pour permettre - c'était tout à fait fondé - aux
élections territoriales de n'avoir lieu qu'après l'adoption du nouveau statut
de la Polynésie française, cette simultanéité des élections municipales et
territoriales aurait tout naturellement eu lieu en 2001.
Ces éléments doivent, comme les autres, être versés au débat. Le Gouvernement
s'en remettra, sur ce point, à la sagesse du Parlement.
Il reste envisageable, et j'en terminerai par là, que la représentation
nationale recherche - le Sénat va, j'en suis sûr, y contribuer cet après-midi -
une solution qui puisse recueillir une large adhésion et qui rende le scrutin
territorial en Polynésie française plus équitable tout en veillant à ne pas
corriger un déséquilibre en créant un autre déséquilibre dans l'indispensable
représentation des archipels. La démocratie commande, et c'est l'ensemble des
Polynésiens qui en bénéficieront.
(Applaudissements sur les travées
socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - M. le
rapporteur et M. Robert Laufoaulu applaudissent également.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pourquoi, oui,
pourquoi revenir sur un sujet dont nous avons déjà débattu voilà un an lors de
l'examen d'une proposition de loi organique présentée par notre collègue M.
Gaston Flosse, ici présent ?
Ce texte avait pour objet essentiel d'améliorer la répartition des sièges à
l'assemblée de la Polynésie française en tenant compte, d'une part, des
évolutions démographiques et, d'autre part, de l'impérieuse nécessité de
préserver un juste équilibre entre les divers archipels disposés, je le
rappelle, en cinq circonscriptions électorales, où se répartissent
quarante-huit communes. Equilibre, donc, qui se doit conforme au principe de
l'équité, qu'elle soit politique, sociale et, bien sûr, culturelle.
Cette proposition était adoptée par le Sénat le 23 novembre 1999. Le
Gouvernement avait affirmé par la voix de Daniel Vaillant, aujourd'hui ministre
de l'intérieur, son souhait « de concilier la nécessité de rééquilibrer la
représentation (...) sans pénaliser celle des archipels éloignés sous prétexte
qu'ils sont plus faiblement peuplés ». « Diminuer la représentation des
archipels irait à l'encontre de cette volonté de rééquilibrage », avait-il
également indiqué.
Les choses étaient d'autant plus claires que tout le monde constatait
l'urgence de cette proposition à l'approche du renouvellement de l'assemblée de
la Polynésie française prévu en mai 2001.
Qu'en a-t-il été ? Malgré ses prises de position très claires et extrêmement
précises, le Gouvernement s'est abstenu de donner suite au déroulement du
processus parlementaire entamé par le Sénat, sans présenter lui-même, comme il
l'avait d'ailleurs prévu, aucun contre-projet.
Ce n'est qu'après six mois d'attente que l'Assemblée nationale fut saisie du
sujet et adopta une proposition de loi organique, le 26 juin dernier, aux
dernières limites de la fin de la précédente session !
C'est ce texte qui nous est aujourd'hui soumis, inscrit à l'ordre du jour
prioritaire après déclaration d'urgence, et ce à moins de six mois de
l'échéance électorale de mai 2001 qui doit renouveler l'assemblée de la
Polynésie française.
Qu'il me soit seulement permis de remarquer la contradiction entre le constat
unanime d'une réforme indispensable et le cheminement laborieux de cette
dernière, la difficulté n'étant, à l'évidence, pas seulement d'ordre
technique.
Considérons avec sagesse le constat qui fait l'unanimité, c'est-à-dire la
nécessité de procéder à une nouvelle répartition des sièges de l'assemblée de
la Polynésie française.
A cet égard, je souscris pleinement, monsieur le secrétaire d'Etat, aux propos
que vous avez tenus tout à l'heure, en faisant un peu, au sujet de la proximité
de mai 2001, la réponse du berger à la bergère : je suis tout à fait convaincu
de l'absolue nécessité de procéder à une nouvelle répartition des sièges, mais,
en même temps, je pense que la déclaration d'urgence aurait pu être évitée
alors que nous sommes maintenant si près de mai 2001.
Procéder à une nouvelle répartition des sièges est en tout état de cause une
nécessité pour plusieurs raisons.
La première, c'est que rien n'a été fait depuis 1985 pour tenir compte
d'évidentes évolutions ; la deuxième raison est la progression démographique
très diversifiée que révèlent les recensements de 1988 et de 1996 ; la
troisième raison est la spécificité accrue des archipels ; la quatrième raison
est la transformation potentielle de la Polynésie française en « pays
d'outre-mer » ; enfin, la cinquième raison est, nous l'avons dit, la proximité
de l'élection de mai 2001 pour renouveler l'assemblée de la Polynésie
française.
Prenons la première raison : la répartition des sièges entre les cinq
circonscriptions électorales a été révisée trois fois - en 1952, en 1957 et en
1985 - pour tenir compte des évolutions démographiques.
Aucune révision n'est intervenue depuis 1985. Or, au cours de ces quinze
dernières années, l'évolution de la Polynésie française a été considérable, non
seulement démographiquement, mais aussi économiquement et socialement. La
fermeture du centre d'expérimentation du Pacifique en est la cause première, en
bien comme en moins bien !
Or, la révision du nombre de sièges à pourvoir dépend de trois paramètres :
tout d'abord, l'importance relative de la progression démographique au cours
des quinze dernières années ; ensuite, la part démographique de tel archipel
considéré au sein de la population totale de la Polynésie française ; enfin, la
nécessité d'une représentation minimale pour les archipels les moins peuplés
mais dont la spécificité doit être respectée.
L'application de ces trois critères fait apparaître l'évident besoin de
rééquilibrer les sièges de l'Assemblée au bénéfice des Iles-du-Vent,
c'est-à-dire des îles qui ont pour ville principale Papeete, capitale de la
Polynésie.
En effet, en nous fondant sur les deux recensements intervenus en 1988 et en
1996, nous constatons que les cinq archipels, circonscriptions électorales,
sont tous en progression démographique, mais d'une façon diversifiée, ce qui
tend à creuser des écarts non négligeables auxquels il convient de remédier.
Ainsi, et bien que son taux d'accroissement annuel se soit considérablement
réduit - de 8,5 % à 2,5 % - les Iles-du-Vent rassemblent encore près des trois
quarts de la population polynésienne, phénomène dû en grande part à l'attrait,
souvent illusoire, de la capitale Papeete.
Comparativement, la population des Iles-sous-le-Vent, dont l'île principale,
bien connue, est Bora-Bora, connaît un rythme de progression plus accéléré et
représente 12,2 % de la population d'ensemble, tandis que ce pourcentage
atteint 7 % pour les Iles Tuamotu et Gambier, 3,7 % pour les Iles Marquises et
3 % pour les Iles Australes.
Nous voici donc confrontés au principe constitutionnel de l'égalité des
suffrages et à l'impérieuse nécessité d'une application spécifique à la
Polynésie française.
En effet, le Conseil constitutionnel a fondé la jurisprudence de l'égalité des
suffrages sur trois critères : premièrement, la prise en considération des
évolutions démographiques ; deuxièmement, la prépondérance du critère
démographique pour la répartition des sièges ; troisièmement, la possibilité de
pondérer la répartition des sièges en considération des impératifs d'intérêt
général.
Jusqu'alors, ces trois critères ont été appliqués en métropole et en
Nouvelle-Calédonie, mais à des entités géographiquement groupées. Aucune
décision, à cet égard, n'a jusqu'alors concerné directement la Polynésie
française, à laquelle s'applique plus qu'ailleurs le troisième critère
susceptible de pondérer la répartition des sièges.
Rappelons une fois encore, pour mieux comprendre le contexte, que nous sommes
en présence d'étendues considérables : 4 200 kilomètres carrés seulement de
terres émergées, comportant 118 îles ou îlots au sein de 5,5 millions de
kilomètres carrés.
L'éloignement est de rigueur, non seulement par rapport à la métropole - 18
000 kilomètres de distance - mais aussi entre les archipels comme entre les
îles qui les composent. Cela correspondrait, en Europe, à une distance allant,
au Sud, de l'Espagne à la Bulgarie, et, au Nord, de l'Irlande à la Pologne.
Cette immense dispersion géographique et insulaire, à laquelle répond la
diversité de ses composants, économiquement et socialement, implique une
interprétation souple de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et
l'aménagement d'un équilibre réfléchi, hors des considérations d'intérêts
personnels - je m'empresse de le dire - garantissant certes l'importance
démographique, mais conjurant les risques d'une marginalisation des archipels
par rapport à Papeete, dont les conséquences seraient graves pour la cohésion
de la Polynésie française, laquelle est bien un impératif d'intérêt général.
Elle l'est d'autant plus que la Polynésie française est sur le point de
devenir un « pays d'outre-mer », seul de cette définition, conformément au
projet de loi constitutionnel voté en termes identiques par les deux
assemblées, projet qui devait être adopté par le Congrès prévu le 24 janvier
dernier, dont la réunion fut annulée, laissant ainsi le projet en attente.
Ajoutons enfin que l'une des raisons motivant l'urgence de la réforme, après
un certain attentisme du Gouvernement - et ne voyez aucune connotation
péjorative dans mon propos, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est juste un
constat que je dresse - reste l'échéance qui se rapproche promptement du
scrutin territorial de mai 2001, portant renouvellement de l'assemblée de la
Polynésie française.
Il convient, en l'occurrence, de bien constater que, malgré la déclaration
d'urgence et à la date où nous sommes, la réforme - vous l'avez d'ailleurs dit
vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat - ne peut intervenir effectivement que
moins de six mois avant la date du scrutin, ce qui contredit le principe
démocratique interdisant de modifier les règles électorales dans l'année
précédant le scrutin. On jouera donc sur le principe pour le mieux
transgresser. Mais il importe de le transgresser parce que, comme vous l'avez
dit vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, l'urgence prime. Il faut faire
quelque chose. Nous ne pouvons pas nous abstenir de faire quoi que ce soit sous
prétexte de l'existence de principes, lesquels principes ne sont d'ailleurs pas
des lois. En effet, cela irait à l'encontre même de la démocratie pleinement
appliquée. Vous avez d'ailleurs reconnu, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il y
avait là une exigence et, vous citant vous-même, vous avez considéré, compte
tenu de cette dernière, que vous ne vous contredisiez pas mais que vous suiviez
l'évolution des choses.
Il est donc navrant de voir que l'impératif d'une réforme aussi indispensable
s'est heurté à une phase d'inertie particulièrement déplorable.
Quoi qu'il en soit, le dispositif que préconise l'Assemblée nationale est
celui d'une proposition de loi organique, présentée par M. Vernaudon, député de
Polynésie, après qu'il eut proposé une première solution, particulièrement
drastique, suggérant une circonscription unique à la proportionnelle, solution
qui fut repoussée à juste titre et avec sagesse par l'Assemblée nationale
puisqu'elle brisait toute représentation institutionnelle des archipels dits «
éloignés ».
Le dispositif retenu en définitive par l'Assemblée nationale procède à une
redistribution des sièges entre les cinq archipels qui forment autant de
circonscriptions électorales.
Le nombre total des sièges à l'assemblée de la Polynésie française demeurerait
inchangé, soit quarante et un sièges, mais sept des sièges actuellement
attribués aux archipels éloignés seraient reportés sur les Iles-du-Vent,
c'est-à-dire sur Tahiti et sur Papeete.
Ainsi les Iles-sous-le-Vent, pourtant en expansion démographique, perdraient
trois sièges sur les huit qu'elles possèdent actuellement ; les Iles Tuamotu et
Gambier perdraient deux sièges sur cinq ; les Iles Marquises et les Iles
Australes perdraient un siège sur trois.
Or, ce dispositif, s'il reconnaît l'augmentation logique des Iles-du-Vent, qui
regroupent, je le rappelle, trois quarts de la population globale, présente
l'immense inconvénient de réduire en données absolues la représentation des
quatre autres archipels, circonscriptions électorales, ce qui va à
contre-courant de leur mouvement de renaissance démographique face au surcroît
de population de Papeete, souvent en proie au chômage.
Enfin, un tel dispositif marque, à un moment parfaitement inopportun, un
retour en arrière, dès lors que, depuis 1946, les archipels n'ont jamais perdu
de siège, bien au contraire, et que certains d'entre eux progressent, mouvement
qu'il convient de favoriser.
Un puissant mouvement de protestation, voire de sécession, ne manquerait pas
de voir le jour, particulièrement de la part des archipels aux spécificités les
plus affirmées, qui ont besoin d'être représentées et donc des'exprimer à
l'assemblée de la Polynésie française.
J'ai pesé mes mots, monsieur le secrétaire d'Etat. En tout cas, mon collègue
Guy Allouche et moi-même avons constaté sur place ces différences entre les
archipels. Ainsi, les Iles Marquises sont effectivement très différentes des
Iles-du-Vent ou des Iles-sous-le-Vent, et nous ne pouvons pas les
sous-représenter.
Ajoutons que le scrutin proportionnel qui est actuellement en vigueur serait
peu compatible avec un nombre de sièges trop réduit dans certains archipels.
Enfin, les débats au Sénat, à l'automne 1999, ont révélé un front unanime pour
refuser toute solution qui réduirait la représentation des quatre archipels
autres que celui des Iles-du-Vent. En effet, le Gouvernement déclarait alors
que « diminuer la représentation des archipels irait à l'encontre de la volonté
de rééquilibrage », et notre excellent collègue Guy Allouche, spécialiste et
fin connaisseur des problèmes de la Polynésie, reconnaissait lui-même que « la
proposition Vernaudon minore et sous-représente gravement - j'insiste,
disait-il, sur ce mot - les archipels des Marquises, des Tuamotu et Gambier,
des Iles Australes et des Iles-sous-le-Vent. La spécificité polynésienne
commande - j'insiste sur ce terme, ajoutait-il - de ne pas toucher à la
représentation actuelle des archipels ». Il avait parfaitement raison ! Je
voulais, à dessein, citer ces déclarations de bon sens.
L'assemblée de la Polynésie française elle-même, consultée, donnait à cette
proposition - celle que je viens de citer, que l'on appelle « la proposition
Vernaudon » - un avis défavorable et dûment commenté.
Mais,
a contrario
, cette même assemblée a proposé une solution plus
nuancée, à savoir augmenter de huit sièges la dotation des Iles-du-Vent sans
réduire pour autant celles des quatre autres archipels, solution qui présente
l'avantage d'une extrême clarté et d'une grande simplicité.
Cette proposition a fait l'objet d'un mémorandum cosigné par l'assemblée de
Polynésie française, par le comité économique, social et culturel, par
l'association des maires de Polynésie française et par le président du parti
d'opposition, Boris Leontieff, ainsi que par deux des trois parlementaires de
Polynésie ; bref, par la quasi-totalité des élus, sauf ceux qui présentent ce
projet, à savoir M. Vernaudon et les indépendantistes.
Cette proposition a d'ailleurs été reprise - sans être retenue - devant
l'Assemblée nationale par Michel Buillard, député-maire de Papeete, et par
Dominique Perben, ancien ministre de l'outre-mer.
J'ai proposé à notre commission des lois de faire sienne cette proposition,
parce qu'elle permet, d'une part, de réduire substantiellement les écarts de
représentation d'un archipel à l'autre et de répondre mieux à la jurisprudence
du Conseil constitutionnel, et, d'autre part, de préserver une représentation
significative des archipels les plus éloignés.
Elle va donc dans le sens du rééquilibrage souhaité et du principe d'égalité
des suffrages.
En effet, l'écart maximum serait réduit d'un point par rapport à la situation
actuelle, passant de 3,38 à 2,47. Ces écarts sont nettement inférieurs à ceux
que le législateur avait admis en 1985 !
Ce dispositif porterait à quarante-neuf conseillers l'effectif global de
l'assemblée, ce qui est parfaitement acceptable pour une population de 220 000
âmes. Le nombre d'élus des Iles-du-Vent passerait ainsi de vingt-deux à trente,
les autres circoncriptions étant inchangées : Iles-sous-le-Vent, huit sièges ;
archipels de Tuamotu et Gambier, cinq sièges ; archipel des Marquises, trois
sièges ; Iles Australes, trois sièges.
C'est ainsi qu'est rédigé, par un amendement unique, l'article 1er de notre
proposition.
Quant à l'article 2 de la proposition de l'Assemblée nationale, il correspond
à une simple clarification formelle concernant le mode de scrutin de liste à la
proportionnelle à la plus forte moyenne.
En conclusion, la commission des lois vous propose d'abord d'augmenter de huit
sièges la dotation des Iles-du Vent, afin de réduire substantiellement les
écarts entre cette circonscription et les autres.
Elle vous propose ensuite de ne pas modifier la représentation des quatre
autres circonscriptions, afin de maintenir une représentation significative de
ces archipels.
Elle vous propose de répondre ainsi à la grande majorité des élus, qui ont
donné un avis favorable à la solution préconisée par la commission des lois.
Elle vous propose, enfin, d'affirmer l'urgence d'un rééquilibrage des sièges à
l'assemblée de la Polynésie française, qui, justement évalué, répond à un
besoin réel qui n'a pas été pris en considération depuis 1985.
En conséquence, la commission des lois vous propose de voter la présente
proposition ainsi amendée en son article 1er.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
Sénat a déjà été saisi d'une proposition de loi sur le sujet qui nous occupe
aujourd'hui. Il avait alors pris l'initiative de rééquilibrer la représentation
des Iles-sous-le-Vent, des Iles-du-Vent et des archipels, car il lui
paraissait, compte tenu de l'évolution démographique, que leur représentation
n'était pas homogène.
Pour des raisons que M. le rapporteur a excellement indiquées, le texte n'a
pas abouti et d'autres propositions ont été formulées.
Je passerai sur le fait que l'une d'entre elles envisageait d'instaurer une
circonscription unique : tout le monde a vite renoncé à cette solution,
estimant qu'il fallait une représentation spécifique des archipels et qu'il
convenait de préserver les circonscriptions telles qu'elles existaient depuis
1946. De ce point de vue, les propositions excessives ont donc été rejetées.
La proposition de loi votée par l'Assemblée nationale contient deux éléments
qui me paraissent étonnants.
En premier lieu, elle réduit, dans certains cas, la représentation à deux
sièges, mais garde le scrutin proportionnel. Or, pour l'élection des députés,
n'a-t-on pas reconnu qu'il fallait garder le scrutin majoritaire dès lors que
deux sièges étaient à pourvoir ? Voilà qui montre donc le sérieux du vote de
l'Assemblée nationale !
En second lieu, je note - pour m'en réjouir, cette fois, et je ne proposerai
aucune modification à ce sujet - que, alors que, en cas d'égalité des
suffrages, elle avait prévu de faire élire le plus jeune, en l'occurrence, on
fera élire le plus âgé. Comme quoi on est plus sage en Polynésie que, parfois,
en métropole ! L'Assemblée nationale n'est donc pas allée jusqu'au bout de ses
innovations, qui sont parfois curieuses.
M. Guy Allouche.
Les Polynésiens sont toujours jeunes !
M. Jean-Jacques Hyest.
Quel que soit leur âge, ils sont jeunes !
M. Pierre Fauchon,
vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation,
du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
C'est
comme au Sénat !
(Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest.
C'est en effet vrai dans un certain nombre d'assemblées, notamment ici.
On peut discuter à perte de vue sur le critère démographique, essentiel selon
la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Toutefois, on peut en trouver
d'autres ! Aucune assemblée ne répond, en effet, au seul critère strictement
démographique, et nous savons très bien, par exemple, que, dans nos conseils
généraux, il est généralement admis qu'aucun canton ne peut représenter plus du
double d'habitants de la moyenne départementale, répondant ainsi à la
jurisprudence du Conseil d'Etat. Au demeurant, le Gouvernement ne propose des
modifications en la matière que lorsque cela l'arrange ! Et ce sont, monsieur
le secrétaire d'Etat, des habitudes prises par tous les gouvernements.
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
« Les » gouvernements, en effet.
M. Jean-Jacques Hyest.
Oui, tous les gouvernements !
Par ailleurs, comme l'a dit M. le rapporteur - et je n'insisterai pas -,
diminuer la représentation des archipels me paraîtrait aller à l'encontre de la
politique globale d'aménagement du territoire de la Polynésie.
Il est vrai qu'il existe une volonté politique de rééquilibrer la population
entre les archipels et les Iles-du-Vent : tous souhaitent éviter la
concentration des populations à Tahiti et, au contraire, développer les
archipels. Ce n'est donc pas le moment, à mon avis, de diminuer leur
représentation.
Une proposition avait été faite par le Sénat pour augmenter la représentation
des Iles-du-Vent, et une nouvelle proposition, qui a recueilli l'avis favorable
de l'assemblée territoriale, nous est faite aujourd'hui. Je crois que, sur ce
point, nous pouvons suivre les propositions de la commission des lois.
Quelle est notre marge de manoeuvre en la circonstance ? Je crois qu'il faut
éviter qu'une seule circonscription ne puisse prendre toutes les décisions sans
tenir compte des autres. N'oubliez pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que,
dans la loi sur la coopération intercommunale, nous avions fixé des règles pour
qu'une collectivité n'impose pas ses vues à une autre ! En l'occurrence, nous
devons donc prendre en compte le critère démographique et éviter qu'une seule
circonscription n'impose ses vues aux autres, qui auraient ainsi l'impression
d'être abandonnées.
C'est pourquoi nous soutiendrons la proposition qui nous est faite d'augmenter
la représentation des Iles-du-Vent, sans diminuer pour autant la représentation
des archipels. Cela me paraît tout à fait équilibré et conforme à tous les
principes que j'évoquais tout à l'heure.
Au-delà de cette réforme, qui intervient peut-être un peu tard compte tenu de
la date des prochaines élections, nous sommes attachés, vous le savez bien,
monsieur le secrétaire d'Etat, au statut des communes de Polynésie - cela me
paraît d'une urgence absolue - mais aussi à l'évolution du statut de la
Polynésie française, pour en faire un pays d'outre-mer.
Même si cela ne dépend pas uniquement de nous, nous espérons être
prochainement en mesure d'accorder à la Polynésie un statut moderne, à l'instar
de ce que nous avons fait pour la Nouvelle-Calédonie.
(Applaudissements sur
les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicain et Indépendants,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Collin.
M. Yvon Collin.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'objet du texte qui nous est soumis cet après-midi a le grand mérite d'être
clair, louable et intangible : il s'agit tout simplement de conférer davantage
de démocratie à l'assemblée de la Polynésie française.
Bien entendu, cela ne signifie pas, dans mon esprit, qu'elle en soit
actuellement exempte ! Heureusement, notre République ne connaît dans son
fonctionnement institutionnel que la démocratie ; mais, en certains points de
son territoire, celle-ci, à l'évidence, peut être perfectible.
C'est le cas pour la Polynésie. C'est un constat largement partagé : il existe
un déséquilibre entre la répartition des sièges au sein de l'assemblée
territoriale et les réalités démographiques. En effet, lorsque les trois quarts
de la population ne sont représentés que par à peine plus de la moitié des élus
d'une assemblée, vous en conviendrez, mes chers collègues, des aménagements
sont nécessaires.
Dans notre pays, les institutions, guidées par un principe fort - « Un homme :
une voix » - favorisent le suffrage universel et sa traduction en termes de
souveraineté nationale.
Le Conseil constitutionnel veille d'ailleurs au respect du facteur
démographique dans l'organisation du découpage électoral. Selon plusieurs de
ses décisions, si l'intérêt général peut justifier une représentation minimale
de certains territoires peu peuplés, la population d'une circonscription ne
peut s'écarter de plus de 20 % de la population moyenne des circonscriptions du
département.
En ce qui concerne la Polynésie, l'éloignement géographique de certains
archipels et leur densité de population justifient, en effet, l'atténuation du
facteur démographique.
Toutefois, le dernier recensement montre que la Polynésie s'écarte trop des
limites posées par le Conseil constitutionnel. En effet, les Iles-du-Vent sont
nettement sous-représentées puisque chaque conseiller élu de cet archipel
représente environ 7 400 habitants, contre moins de 2 200 pour l'élu des Iles
Australes.
C'est pourquoi il est aujourd'hui, à l'évidence, nécessaire de procéder à une
redistribution des sièges au sein de l'assemblée de la Polynésie française.
Mes chers collègues, les nombreuses propositions de loi déposées en ce sens
démontrent l'existence d'un consensus, du moins sur le principe, car,
s'agissant des moyens pour y parvenir, j'ai cru comprendre que les avis
divergeaient.
En ce qui concerne les radicaux de gauche, le texte présenté par le député
Emile Vernaudon, soutenu par le Gouvernement et approuvé par la majorité de
l'Assemblée nationale, recueille naturellement leur entière adhésion, et ce
pour une raison simple : ce texte se rapproche le plus du principe que
j'évoquais à l'instant, à savoir « un homme, une voix ». En effet, en portant
le nombre de conseillers des Iles-du-Vent à vingt-neuf à partir d'un
prélèvement de sièges sur ceux des autres îles, la proposition de loi aboutit,
à l'évidence, à un meilleur ratio.
Un élu représenterait 5 610 personnes dans les Iles-du-Vent, 5 368 dans les
Iles-sous-le-Vent, 5 123 dans les Iles Tuamotu et Gambier, 4 032 dans les Iles
Marquises et 3 282 dans les Iles Australes. Dans ces conditions, on serait
proche d'une représentativité élective très en rapport avec les réalités
démographiques.
Concrètement, les Iles-du-Vent récupèrent légitimement sept sièges, tandis que
les autres îles conservent deux sièges au minimum, ce qui, au regard de la
densité démographique de certaines îles, apparaît tout à fait honorable.
Aux Iles Tuamotu et Gambier, le recensement de 1996 montre que, sur cet
archipel, 70 % des électeurs sont concentrés sur huit îles, toutes situées au
nord-ouest, dans un rayon de 100 kilomètres environ. Trois conseillers
territoriaux suffisent donc pour représenter l'ensemble de l'archipel.
Aux Iles Australes, la répartition des 6 563 habitants sur les cinq îles
montre que 62 % des habitants sont regroupés sur deux îles ; donc, là aussi,
deux conseillers territoriaux suffisent pour être à l'écoute de l'ensemble de
la population.
Aux Iles Marquises, 79 % des électeurs vivent sur les trois plus grandes îles
des six qui composent l'archipel. Avec la proposition de loi d'Emile Vernaudon,
le rapport de représentativité serait d'un conseiller pour trois îles.
Aux Iles-sous-le-Vent, ce sont cinq îles qui concentrent la majorité de la
population ; donc, une fois encore, la représentativité de l'archipel serait
assurée puisque nous aurions un conseiller par grande île.
Avec une représentation maintenue à hauteur de quarante et un sièges pour
l'assemblée territoriale, les îles polynésiennes faiblement peuplées conservent
une représentativité en mesure, me semble-t-il, de répondre à leurs
attentes.
Certes, afin de ne pas froisser la population des circonscriptions auxquelles
on soustrait des sièges, la solution de facilité consisterait - je l'entends
bien - à augmenter le nombre total d'élus de l'assemblée.
Cependant, outre l'augmentation des dépenses de fonctionnement inhérente à ce
procédé, l'assemblée pourrait à terme devenir pléthorique. Imaginons que ce
choix fasse jurisprudence et qu'à chaque hausse de la population on augmente le
nombre de conseillers ! Compte tenu de l'évolution toujours croissante de la
population en Polynésie, cette solution ne paraît pas raisonnable.
C'est pourquoi le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, qui
privilégie la sagesse et, surtout, qui flatte le principe de l'égal suffrage,
pilier de notre fonctionnement démocratique, est pour nous, radicaux de gauche,
la meilleure voie.
« L'amour de la démocratie est celui de l'égalité », disait Montesquieu. Le
gage de la démocratie en Polynésie sera le choix de l'équité.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Flosse.
M. Gaston Flosse.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
voilà presque exactement un an, nous avions discuté d'une proposition de loi
que j'avais présentée avec mes collègues du RPR.
Cette proposition avait pour objet de rééquilibrer, sur le plan démographique,
la représentation des différentes circonscriptions électorales de la Polynésie
française, qui correspondent à chacun de nos archipels.
Ma proposition visait, de manière très simple, à augmenter le nombre de sièges
attribués à la circonscription des Iles-du-Vent, la plus peuplée.
Notre rapporteur, M. Lucien Lanier, avait exposé pourquoi la commission avait
estimé que l'augmentation du nombre d'élus des Iles-du-Vent devait être de six,
pour revenir aux écarts qui prévalaient en 1985, date de la dernière
modification dans la répartition des sièges, qui résultait du projet qui avait
été présenté au Parlement par le ministre de l'outre-mer de l'époque, M.
Lemoine.
Dans sa sagesse, la commission avait estimé que les ratios qui étaient bons en
1985 pouvaient le rester en 1999.
Certes, notre collègue Guy Allouche avait souhaité que le nombre de sièges des
Iles-du-Vent soit encore plus important - quatorze, je crois - comme
d'ailleurs, au nom du Gouvernement, M. Daniel Vaillant, alors ministre des
relations avec le Parlement.
Mais l'un et l'autre, mes chers collègues, avaient exprimé une position très
claire : la réforme est nécessaire et elle doit se faire par la seule
augmentation du nombre d'élus des Iles-du-Vent, aucun archipel ne devant
souffrir une diminution de sa représentation. C'est bien, cher Guy Allouche, ce
que vous aviez dit, n'est-ce pas ?...
C'est pourquoi notre texte avait été adopté à l'unanimité des suffrages
exprimés.
Le ministre, comme notre collègue socialiste, avait en outre souhaité que la
réforme électorale soit définitivement adoptée dans un délai rapide, dans le
souci qu'elle puisse être mise en application, selon l'usage républicain, plus
d'un an avant les élections à l'assemblée de la Polynésie française, fixées en
mai 2001.
Or, notre proposition n'a jamais été mise à l'ordre du jour de l'Assemblée
nationale !
Et, tout à coup, en juin dernier le Gouvernement a déclaré l'urgence sur une
proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale par M. Emile Vernaudon,
député RPR devenu RCV et dont l'audience auprès du parti socialiste est
inversement proportionnelle à son importance électorale.
(Sourires.)
C'est cette proposition de loi que la commission a examinée la semaine
dernière.
Contrairement à toutes les déclarations faites dans notre enceinte, en
particulier par le ministre Daniel Vaillant et par notre collègue Guy Allouche,
contrairement au voeu de l'assemblée de la Polynésie française, de notre
conseil économique, social et culturel, de l'association des maires de
Polynésie, la représentation des archipels éloignés est réduite de manière
drastique.
Les Iles Marquises et les Iles Australes n'auraient plus que deux
représentants, les Tuamotu et Gambier et les Iles-sous-Vent, dont la population
a augmenté de plus de 20 % entre les recensements de 1988 et de 1996,
perdraient respectivement deux et trois représentants.
Les sept sièges ainsi « gagnés » - je préfère dire « volés » - aux archipels
éloignés seraient affectés aux Iles-du-Vent.
Le résultat est que la spécificité polynésienne d'archipels à forte
personnalité, dispersés sur quelque 5 millions de kilomètres carrés d'océan,
disparaît dans la négation de leur réalité géographique, historique,
sociologique, culturelle, au nom d'une pseudo-égalité de représentation dont le
seul critère est un constat démographique déjà dépassé.
Pourquoi un tel « assassinat des archipels » ? Je reprends là l'expression de
M. Lucien Kimitete, maire de Taiohae, conseiller des Iles Marquises, membre
d'un parti d'opposition à ma majorité, le Fetia Api, mais uni à celle-ci dans
la même condamnation de la loi Vernaudon.
Eh bien ! tout simplement parce que l'objet de ce texte n'est pas l'équité,
n'est pas la justice, n'est pas la prise en compte des besoins de la Polynésie
française, mais seulement l'espoir de changer la majorité.
M. Vernaudon et ses alliés indépendantistes ne peuvent persuader les
Polynésiens qu'ils ont la capacité de gouverner ?
Qu'à cela ne tienne ! Il suffit de modifier la loi électorale, de telle sorte
qu'elle réponde à la demande. Peu importe qu'elle sacrifie l'avenir de la
Polynésie !
Ne croyez pas, mes chers collègues, que je dénonce des faits imaginaires !
Permettez-moi de citer une dépêche de l'Agence France-Presse du 12 avril 2000
: « Le premier secrétaire du PS, François Hollande, a apporté mercredi son
soutien à une proposition de loi organique pour réformer le mode de scrutin aux
élections territoriales en Polynésie française émanant de trois partis de
l'opposition au gouvernement de Gaston Flosse.
« Le texte, qui ferait de la Polynésie une seule circonscription électorale au
lieu de cinq, permettrait, selon ses auteurs, de renverser la majorité
actuelle. »
J'en viens à la déclaration vidéo de M. Hollande lors du congrès du Ai'a Api à
Tahiti : « Il y a aussi la nécessité d'une voie électorale qui permette une
véritable alternance en Polynésie ; la proposition qu'a déposée Emile et qui a
fait l'objet déjà de discussions doit permettre justement de régler une des
questions majeures pour la Polynésie, c'est-à-dire le fait que le pouvoir soit
véritablement attribué à ceux qui ont légitimité à travers des élections libres
et permettant l'expression de tous. »
Vous apprenez ainsi, mes chers collègues, comme l'ont appris avec stupeur mes
concitoyens de Polynésie, que les élections ne sont pas libres en Polynésie
française ! Eh oui, monsieur le secrétaire d'Etat !
Quelle caricature de la Polynésie a-t-on pu faire au chef d'un parti important
dans la vie nationale pour qu'il puisse s'exprimer de la sorte ?
Par ailleurs, M. Vernaudon déclarait à la tribune de l'Assemblée nationale, le
22 juin dernier : « Cette proposition de circonscription unique a laissé
espérer en Polynésie qu'un changement démocratique allait enfin se produire,
car l'application de la proportionnelle intégrale à l'ensemble de la Polynésie
signifiait la défaite assurée de la majorité locale actuelle. Je vous rappelle
d'ailleurs que la circonscription unique était revendiquée dans le mémorandum
conclu par les leaders des mouvements progressistes polynésiens, dont moi-même.
»
Mais la modification du régime électoral ne suffit évidemment pas, puisqu'on
se propose maintenant d'y ajouter une nouvelle manipulation du scrutin, en
dissociant les élections municipales en Polynésie de celles de métropole pour
les fixer à la même date que les élections territoriales - lorsque vous êtes
venu en Polynésie, monsieur le secrétaire d'Etat, vous vous êtes déclaré opposé
à la simultanéité des dates de ces élections.
Quel aveu !
Pourquoi ne pas aller directement au résultat recherché, en nommant les élus
locaux au lieu de laisser le peuple les désigner ? Ce serait plus simple !
M. Guy Allouche.
La prochaine fois !
M. Gaston Flosse.
Malgré cela, vous n'y réussirez pas, mon cher collègue !
Mais quittons ce terrain de politique politicienne,...
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Merci, monsieur le sénateur !
M. Gaston Flosse.
... où l'on se préoccupe, à quelques mois des élections, du meilleur système
électoral pour renverser une majorité que les Polynésiens ont choisie.
Restons donc sérieux, comme l'est le rapport de notre collègue Lucien Lanier,
auquel je n'ai rien à ajouter, et que j'approuve entièrement. Il respecte la
Polynésie, il respecte ses élus, il respecte les Polynésiens. Il est un hommage
à la raison et à la démocratie.
Votons donc à l'unanimité les propositions de la commission.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Mes chers collègues, à travers vous, je veux adresser un salut amical et
fraternel à tous nos compatriotes polynésiens qui sont représentés certes par
notre collègue M. Flosse mais aussi par de nombreux maires qui nous font
l'amitié d'assister aujourd'hui à nos travaux ainsi qu'à notre ancien collègue
et ami Millaud, qui est présent dans les tribunes. Il est heureux que l'examen
de cette proposition de loi organique ait lieu aujourd'hui au Sénat alors que
se tient le congrès de l'Association des maires de France auquel participent
nos collègues qui sont maires en Polynésie.
Mes chers collègues, s'il est un constat qui fait l'unanimité, c'est bien
celui de réformer le plus rapidement possible l'effectif global et la
répartition des sièges au sein de l'assemblée territoriale de la Polynésie
française.
La mise en oeuvre de cette réforme est laborieuse. Chacun conviendra que si
des difficultés d'ordre technique se posent, elles sont mineures au regard des
problèmes politiques soulevés. Est-il possible de les surmonter ? Je suis
convaincu que oui et qu'un compromis peut et doit être recherché. Pour ma part,
au nom du groupe socialiste au nom duquel je m'exprime, je m'efforcerai de vous
présenter ce qui me paraît être le fondement d'un compromis acceptable parce
que politiquement et juridiquement fondé.
J'ai lu l'excellent rapport de notre collègue, M. Lucien Lanier, fin
connaisseur de la Polynésie, mais peut-être sommes-nous allés en quelque sorte
sur les mêmes bancs d'école... Nous avons appris la Polynésie ensemble. Je lui
adresse mes félicitations pour la qualité de ce rapport dont les données sont
utiles à la compréhension des difficultés.
Notre rapporteur rappelle nos débats précédents et fait état de mes
déclarations, tant en commission qu'en séance publique. Je l'en remercie et je
ne peux que confirmer ce que je déclarais alors.
Qu'il me permette cependant d'apporter les précisions suivantes.
S'il est exact que ce débat est beaucoup trop tardif, qu'il faut veiller,
comme nombre d'entre nous l'ont dit, y compris l'actuel secrétaire d'Etat alors
député, à ne pas modifier un mode de scrutin dans les mois qui précèdent une
élection, on ne peut que reconnaître, mes chers collègues, qu'aujourd'hui nous
modifions non pas le mode de scrutin mais l'effectif de l'assemblée
territoriale polynésienne et, sur ce point, il y a un consensus. Monsieur
Lanier, le reproche n'est donc pas fondé !
Si le Sénat a été la première assemblée parlementaire à adopter une
proposition de loi organique - celle de notre collègue M. Gaston Flosse, en
novembre dernier - il faut reconnaître que notre collègue député M. Emile
Vernaudon avait déposé, bien avant Gaston Flosse, une proposition de loi ayant
le même objet. Certes, l'Assemblée nationale n'en a pas débattu, mais j'avais
déclaré que la proposition de Gaston Flosse, lors de notre débat de novembre
dernier, prenait en quelque sorte le contre-pied de celle d'Emile Vernaudon. Il
n'y a rien d'anormal à cela. Oserais-je dire que c'est le silence de Gaston
Flosse qui aurait alors étonné plus d'un d'entre nous ! Il a eu raison, et
c'est très légitime, de déposer à son tour une proposition de loi organique.
Je me dois également de rappeler que, si effectivement l'assemblée
territoriale a débattu du sujet, a formellement adopté un voeu et a avancé des
propositions de nouvelle répartition, elle l'a fait à partir du texte de M.
Vernaudon et non de celui de M. Flosse. Il convenait de rétablir la chronologie
exacte des faits.
Quant à l'Assemblée nationale, elle n'a pas pu être saisie de la proposition
de loi de Gaston Flosse qui comportait un risque d'inconstitutionnalité tenant
au non-respect de la procédure d'examen de ce type de disposition.
Reproche est fait par notre rapporteur - sans polémique mais il est fait tout
de même - au Gouvernement de n'avoir pas respecté l'engagement pris devant nous
de déposer un texte dans le cadre du projet de loi organique statutaire qui
devait suivre la réunion du Parlement en congrès à Versailles pour modifier la
Constitution et faire de la Polynésie française un pays d'outre-mer.
Il est exact que le secrétaire d'Etat à l'outre-mer avait pris l'engagement
devant le Sénat de déposer ce texte, mais après la réforme de la Constitution à
Versailles ! Or, qui n'a pas voulu de cette réunion du Congrès et qui n'a pas
convoqué le Parlement à Versailles ? Je crois pouvoir dire, sans aucun risque
de me tromper, que ce n'est sûrement pas Lionel Jospin ! Je le dis sans
polémique mais, là aussi, nous devons rétablir la vérité.
Parlant du Congrès réuni à Versailles, permettez-moi, monsieur le secrétaire
d'Etat, d'ouvrir une parenthèse - si tant est que le terme soit approprié -
pour dire combien je regrette que nous n'ayons pas encore modifié, non
seulement le statut de la Polynésie française, mais également une disposition
importante relative au corps électoral en Nouvelle-Calédonie. A ce jour, rien
ne peut nous laisser espérer une prochaine réunion du Congrès. Je veux espérer
que ce retard, ô combien fâcheux et regrettable, ne sera pas une source de
graves difficultés, voire de conflits nouveaux tant au sein de la population
néo-calédonienne qu'au sein des institutions politiques de cette collectivité
publique.
Pour en revenir au débat d'aujourd'hui, il faut bien admettre qu'il n'est pas
aisé d'assurer une juste représentativité d'une assemblée démocratique et de
conforter ainsi sa légitimité. Nous en mesurons les uns et les autres les
difficultés et, pourtant, nous devrons parvenir à un accord. Je le redis et je
ne cesserai de le dire, l'accord est indispensable dans l'intérêt de la
population et de l'assemblée territoriale elle-même.
Ces difficultés sont-elles à ce point insurmontables ? Je dis non ! Certes, il
y faut de la volonté politique et surtout veiller à ce que les critères retenus
pour la juste répartition des sièges soient objectifs, qu'ils tiennent compte
des données démographiques, de la représentation du territoire, c'est ce que
nous rappelle la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Le principe d'une réforme urgente faisant l'objet d'un consensus, il est grand
temps de parvenir à une solution de nature à emporter la conviction de toutes
les parties. J'ai déposé avec mes collègues du groupe socialiste un amendement
de compromis. Je veux croire - mais nous verrons au fil de la discussion - que
notre débat nous permettra de parvenir à cette fin.
Je voudrais dire à notre rapporteur que, si je le crois sincère lorsqu'il
parle lui aussi de compromis et d'accord en commission mixte paritaire, je ne
suis pourtant pas sûr qu'il nous facilite la tâche en proposant au Sénat, comme
il vient de le faire, de prendre en considération la proposition au demeurant
légitime de nos collègues MM. Buillard et Perben. Je n'en suis pas sûr et je me
devais de vous le dire.
Je ne m'attarderai pas sur l'évolution démographique de la Polynésie
française, qui n'échappe à personne tant elle est une donnée indiscutable.
Notre rapporteur en fait la démonstration dans son rapport écrit. Cette réalité
démographique doit être au coeur de nos préoccupations.
Pour autant, nous devons veiller à ne pas pénaliser les archipels éloignés,
qui n'ont pas connu la même progression de leur population ou qui ont vu un
nombre significatif de Polynésiens aller vers d'autres archipels, notamment
ceux des Iles-du-Vent et des Iles-sous-le-Vent.
J'évoque volontairement les archipels éloignés pour bien les distinguer de la
situation géographique et démographique particulière des Iles-du-Vent et des
Iles-sous-le-Vent. Notre rapporteur a pris le soin de rappeler le propos de M.
Daniel Vaillant qui, siégeant au banc du Gouvernement, a confirmé ce que je
viens de dire. Mais il lui a aussi parlé d'archipels éloignés. Et ce matin, en
commission des lois, je me suis permis de dire : « Qu'est-ce que la Polynésie,
si ce n'est un ensemble de cinq archipels ? Seulement, deux sont assez
rapprochés, les trois autres le sont moins ! »
M. Gaston Flosse.
Vous jouez sur les mots !
M. Guy Allouche.
Non, je ne joue pas sur les mots !
Voilà quelques semaines, j'avais reçu au Sénat une importante délégation de
Polynésie - une délégation pluraliste, j'insiste sur ce terme - et nous en
avons longuement parlé. Je redirai ce que j'ai dit à cette délégation en
réponse à une question posée par deux membres de cette délégation, Boris
Léontieff et Lucien Kimitete - qui sont vos opposants, cher Gaston Flosse : je
ne suis pas favorable à une quelconque pénalisation de la représentation des
archipels éloignés. C'est ce qui me sépare de la proposition de mon collègue
député M. Vernaudon, même si je reconnais et je respecte ses motivations et ses
propositions.
Parce que nous sommes allés sur place, Lucien Lanier et moi-même, nous avons
entendu plus d'une fois les représentants de ces trois archipels nous dire : «
Ne touchons pas à la représentation ! » Je veux donc rester fidèle à ce qui a
été dit et aux déclarations que j'ai faites.
Nous ne parlons donc pas d'archipels éloignés ; nous parlons toujours de la
spécificité de la Polynésie française - la superficie, l'éloignement de la
métropole, l'éloignement des archipels entre eux, des particularismes
économique, social, culturel - mais j'ajoute qu'il existe aussi des
spécificités au sein de cette spécificité polynésienne. C'est pourquoi il nous
faut prendre certaines dispositions, et nous ne pourrons pas ne pas en tenir
compte.
Les deux derniers recensements de la population polynésienne de 1988 et 1996
ne se sont pas traduits par un réajustement du nombre de conseillers à
l'assemblée territoriale. Le moment est venu d'en tenir compte et de porter
l'effectif à un nombre qui soit représentatif, raisonnable, adapté à la
situation nouvelle.
Certe, notre collègue Gaston Flosse et notre rapporteur nous disent que,
depuis le recensement officiel de 1996, il y a eu une progression
démographique, et, cela, nous n'avons aucun moyen de le contester. Mais nous
légiférons et nous avons tous appris que nous devions, autant que faire se
peut, légiférer sur le fondement de chiffres officiels. Nous nous devons donc
de nous fonder sur le recensement officiel et, même si un recensement
complémentaire nous aurait facilité la tâche, nous ne devons pas en faire un
préalable à toute évolution.
J'ajoute que, par comparaison avec la population de Nouvelle-Calédonie ou,
même, avec celle de Corse, une assemblée territoriale de cinquante et un
membres - puisque c'est le nombre que je propose - n'aurait rien d'excessif.
Chacun sait que l'assemblée de Polynésie française a déjà des pouvoirs
importants et que, dans quelques mois, lorsque la Polynésie sera - je l'espère
- devenue un pays d'outre-mer, de nouvelles compétences, qui seront encore plus
importantes, lui seront dévolues.
Cinquante et un membres, c'est un effectif très satisfaisant. Je vous rappelle
pour mémoire qu'au fil des débats et des propositions de lois, ce nombre a
augmenté de quatre, puis de six et, enfin, de huit. Je vous propose, pour ma
part, une augmentation de dix sièges par rapport à l'effectif actuel : de
quarante et un, nous passerions donc à cinquante et un.
J'ai d'ailleurs eu le plaisir de constater que, par un avis officiel rendu le
9 mai 2000, l'assemblée territoriale de Polynésie française elle-même a «
envisagé » l'hypothèse d'un accroissement du nombre de conseillers à cinquante
et un - c'est une hypothèse qu'elle n'a pas écartée - avec une répartition qui
tienne compte précisément des poussées démographiques dans trois des cinq
archipels, comme j'y faisais allusion à l'instant.
C'est dire que ce que je propose aujourd'hui, une assemblée de cinquante et un
membres, me semble être la base d'un bon compromis quant à l'effectif total de
la nouvelle assemblée territoriale. Vous voyez, chez Gaston Flosse, que j'ai
réduit mes prétentions parce que je veux aboutir à un accord avec nos collègues
députés.
Par ailleurs, Gaston Flosse ne m'en voudra pas de dire - cela a été publié
dans le bulletin des commissions - que, mercredi dernier, lors de notre réunion
de commission, il ne s'est pas montré hostile - je ne dis pas qu'il l'a
approuvé - à ce nombre de cinquante et un. Voilà déjà ce qui pourrait
constituer un point d'accord.
Quant à la répartition au sein des cinq archipels, je propose que deux sièges
de droit soient attribués à chaque archipel pour garantir sa représentation
territoriale. Les quarante et un sièges restants seront ou seraient répartis à
la proportionnelle et à la plus forte moyenne sur la base de la population
totale de chaque archipel, officiellement recensée en 1996. Les critères
territorial et démographique sont les fondements constitutionnels d'une juste
et équitable représentativité d'une assemblée politique.
Dans ces conditions, le groupe socialiste a déposé un amendement qui détermine
le rééquilibrage suivant : trente-trois sièges pour les Iles-du-Vent - contre
vingt-deux auparavant - sept sièges pour les Iles-sous-le-Vent - elles en
comptaient huit auparavant, et je reconnais donc que cet archipel en perd un,
mais rien n'est fermé - trois sièges pour les Iles Australes, cinq sièges pour
les Iles Tuamotu et Gambier et trois pour les Marquises.
Nos collègues députés et le Gouvernement ont clairement exprimé, lors du débat
à l'Assemblée nationale, leur souhait de parvenir à un rapprochement des points
de vue, sinon à un accord lors de la navette. Certes, l'urgence est déclarée ;
raison de plus pour que le Sénat adresse un signe, fasse un geste en direction
de nos collègues avant la réunion, la semaine prochaine, de la commission mixte
paritaire.
Avant de conclure, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
souhaite dire un mot sur la concomitance des élections municipales et
territoriales en mai 2001. Notre collègue Yvon Collin en a parlé, M. le
secrétaire d'Etat y a fait allusion dans son intervention : ces échéances vont
se dérouler à quelque deux mois d'intervalle. Notre amendement vise simplement
à rapprocher le renouvellement des conseils municipaux et territoriaux, afin de
prendre en considération les difficultés matérielles inhérentes à la géographie
de la Polynésie française. Nous sommes animés par la volonté de favoriser cette
participation des citoyens polynésiens et d'éviter, autant que faire se peut,
un doublement des dépenses pour ces campagnes électorales.
La légitimité de la prochaine assemblée de Polynésie ne doit prêter à aucune
controverse. Elle doit reposer sur l'application de règles simples, objectives,
adaptables, fondées sur le respect des principes d'équité et de
proportionnalité, sans pour autant méconnaître la spécificité géographique de
ce territoire.
Ces caractéristiques essentielles ont guidé l'élaboration de la solution que
je vous propose d'adopter, qui est de nature à assurer un compromis
satisfaisant. Ainsi que vous le disiez, monsieur le secrétaire d'Etat, et,
comme je le crois également, la démocratie en sortira gagnante. Tous ensemble,
nous aurons contribué à renforcer l'adhésion de nos compatriotes polynésiens à
une institution locale qui devra s'atteler à l'évolution statutaire de ce futur
pays d'outre-mer.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Je répondrai très brièvement, monsieur le président,
car l'ordre du jour du Sénat est chargé. Mais on ne parle pas tous les jours de
la Polynésie française au Sénat.
Monsieur le rapporteur, vous avez parfaitement analysé les termes de ce débat
: vous avez dressé un constat que tous les groupes de votre assemblée admettent
et relevé les divergences sur les modalités pour résorber le déséquilibre. Ces
divergences sont-elles irréductibles ? L'avenir nous le dira.
Vous avez également souligné que l'urgence primait. Certes, mais elle ne prime
pas sur les principes, même s'il est vrai qu'il est important en effet que le
Parlement adopte cette proposition de loi à « distance républicaine » des
prochaines échéances électorales en Polynésie.
Quoi qu'il en soit, monsieur le rapporteur, votre analyse de ce texte va tout
à fait dans le bon sens, même s'il me faudra sans doute vous dire tout à
l'heure que vous vous êtes peut-être arrêté au milieu du gué s'agissant du
rééquilibrage nécessaire des sièges à l'assemblée territoriale de Polynésie
française.
M. Hyest a évoqué la nécessité de ce rééquilibrage. Il l'a fait en se référant
notamment aux règles qui ont été mises en place pour les établissements publics
de coopération intercommunale. C'est une référence intéressante. Au sein des
communautés de communes ou d'agglomération, nous avons les uns et les autres su
établir des équilibres entre plusieurs collectivités ; après tout, c'est une
bonne école.
M. Collin a également évoqué l'exigence démocratique, je crois qu'il a même
parlé d'évidence démocratique. Je souscris tout à fait à cette obligation.
Monsieur Flosse, vous avez rappelé l'identité des archipels. Je voudrais vous
dire très courtoisement que personne n'a le monopole de la défense des
archipels. Je crois que le Gouvernement, M. Jean-Jack Queyranne pendant
plusieurs années, moi-même aujourd'hui, avons écouté et entendu les différentes
positions sur ce délicat dossier du rééquilibrage de la représentation au sein
de l'assemblée territoriale. Chacun d'entre nous a bien entendu aussi le cri
des communes des archipels polynésiens confrontés à l'isolement, à
l'éloignement, à la faiblesse de leurs moyens et à des risques climatiques
considérables. Ce cri des maires des communes polynésiennes, je l'ai en
particulier entendu à Mataiva et à Tibéhau, quand je m'y suis rendu il y a
quelques semaines.
Les maires souhaitent, bien sûr, que les archipels ne soient pas mal
représentés ou sous-représentés à l'assemblée territoriale. C'est un fait
incontestable, et je salue les nombreux élus de Polynésie qui sont présents
dans les tribunes aujourd'hui.
J'ai entendu aussi des maires me dire qu'ils souhaitent que leurs communes
soient dotées de moyens, afin de les rendre plus autonomes. Ces maires veulent
oeuvrer avec plus de moyens, au plus près des citoyens de leur commune, donc
des citoyens des archipels.
Je les ai entendus également évoquer la nécessité d'instaurer un meilleur
équilibre entre les différents niveaux de responsabilités en Polynésie
française.
Je les ai par ailleurs entendus demander au Gouvernement que je représente,
dans cette enceinte, devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, que la
République fasse respecter ces équilibres.
S'agissant ensuite de la concomitance des scrutins, monsieur Flosse, vous avez
employé le terme de « manipulation ». A cet égard, je voudrais vous demander
simplement de méditer sur la question suivante : qui dispose des moyens
financiers de mener, à deux mois d'intervalle, une campagne électorale sur un
territoire aussi vaste que celui de la Polynésie française ?
Un certain nombre d'élus de toutes tendances, de toutes sensibilités ont, très
légitimement, posé cette question. Il était normal qu'elle soit évoquée
publiquement devant le Parlement et que le Gouvernement se fasse l'écho de
cette attente citoyenne.
Enfin, M. Guy Allouche a fait sur ce dossier une approche très mesurée, se
montrant une nouvelle fois à l'écoute de l'ensemble des élus polynésiens, de
leurs représentants au Parlement.
Sur ce sujet, n'en doutez pas, mesdames, messieurs les sénateurs, M. Allouche
sera l'homme de la sagesse et je souhaite qu'il ne soit pas isolé.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
5
NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE
M. le président.
J'informe le Sénat que la liste des candidats à une commission d'enquête a été
affichée et n'a fait l'objet d'aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame : MM. Jean Bernard,
Jacques Bimbenet, Jean Bizet, Paul Blanc, Bernard Dussaut, Bernard Cazeau,
Gérard César, Yvon Collin, Gérard Dériot, Jean-Paul Emorine, Bernard Fournier,
Georges Gruillot, Jean-François Humbert, Gérard Le Cam, Serge Lepeltier, Roland
du Luart, François Marc, Gérard Miquel, Philippe Nogrix, Jean-Marc Pastor et
Michel Souplet membres de la commission d'enquête sur les conditions
d'utilisation des farines animales dans l'alimentation des animaux d'élevage et
les conséquences qui en résultent pour la santé des consommateurs.
6
ÉLECTIONS À L'ASSEMBLÉE
DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE
Suite de la discussion et adoption
d'une proposition de loi organique déclarée d'urgence
M. le président.
Nous reprenons la discussion de la proposition de loi organique adoptée par
l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, destinée à améliorer
l'équité des élections à l'assemblée de la Polynésie française.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - L'article 1er de la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 relative à
la composition et à la formation de l'assemblée territoriale de la Polynésie
française est ainsi rédigé :
«
Art. 1er
. - L'assemblée de la Polynésie française est composée de
quarante et un membres élus pour cinq ans et rééligibles. Elle se renouvelle
intégralement.
« Le territoire est divisé en cinq circonscriptions électorales. Les sièges
sont répartis conformément au tableau ci-après :
« Iles-du-Vent : 29 conseillers ;
« Iles-sous-le-vent : 5 conseillers ;
« Iles Marquises : 2 conseillers ;
« Iles Australes : 2 conseillers ;
« Iles Tuamotu et Gambier : 3 conseillers. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 3, M. Allouche et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent de rédiger comme suit le texte proposé par cet article
pour l'article 1er de la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 relative à la
composition et à la formation de l'assemblée territoriale de la Polynésie
française :
«
Art. 1er.
- L'assemblée de la Polynésie française est composée de
cinquante et un membres élus pour cinq ans et rééligibles. Elle se renouvelle
intégralement.
« Le territoire est divisé en cinq circonscriptions électorales. Les sièges
sont répartis conformément au tableau ci-après :
DÉSIGNATION DES CIRCONSCRIPTIONS |
NOMBRE DE SIÈGES |
---|---|
Iles-du-Vent | 33 |
Iles-sous-le-Vent | 7 |
Iles Australes | 3 |
Iles Tuamotu et Gambier | 5 |
Iles Marquises |
3
|
Total | 51 |
Par amendement n° 1, M. Lanier, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 1er de la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 relative à la composition et à la formation de l'assemblée territoriale de la Polynésie française :
« Art. 1er. - L'assemblée de la Polynésie française est composée de quarante-neuf conseillers élus pour cinq ans et rééligibles. Elle se renouvelle intégralement.
« La Polynésie française est divisée en cinq circonscriptions électorales. Les sièges sont répartis conformément au tableau ci-après :
DÉSIGNATION DES CIRCONSCRIPTIONS |
NOMBRE DE SIÈGES |
---|---|
Iles-du-Vent | 30 |
Iles-sous-le-Vent | 8 |
Iles Australes | 3 |
Iles Tuamotu et Gambier | 5 |
Iles Marquises |
3
|
Total | 49 |
La parole est à M. Allouche, pour défendre l'amendement n° 3.
M. Guy Allouche. Je ne vais pas reprendre par le menu les explications que j'ai données dans mon intervention lors de la discussion générale. Je veux cependant redire une fois de plus que faire passer de quarante et un à cinquante et un membres l'assemblée de la Polynésie française nous permet de rester dans le raisonnable, dans l'acceptable.
Avec cet amendement, nous voulons garantir, par l'attribution de deux sièges de droit, en quelque sorte, la représentation des archipels, quoi qu'il arrive par la suite, quelles que soient les évolutions démographiques. Pour établir ce nombre de sièges, je me suis fondé sur le recensement.
Je reconnais que si, pour trois archipels, le nombre de leurs représentants sera identique, les Iles-sous-le-Vent, avec Bora Bora, cette pierre précieuse parmi les pierres précieuses au sein de la Polynésie française, perdrait un siège. On nous explique que cet archipel enregistre une poussée démographique due au développement économique et au tourisme. J'en conviens, mais je me suis fondé sur le recensement, et rien n'est intangible.
D'ailleurs, y compris avec ce siège en moins, il s'agit là de la meilleure adéquation possible du nombre des élus par rapport au nombre des habitants.
Je persiste à penser que cet amendement peut être le point de départ d'une discussion sérieuse en commission mixte paritaire, qui pourrait aboutir à un compromis acceptable par toutes les parties afin qu'il n'y ait ni vainqueur ni battu. J'espère que le Sénat pourra entendre l'appel que je lui lance.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 1.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Je souhaite, monsieur le président, que cet amendement puisse être examiné en priorité, car c'est lui qui est au coeur du dispositif que nous proposons.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. La priorité est de droit.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. M'étant déjà longuement exprimé à ce sujet, monsieur le président, je considère que cet amendement est déjà défendu.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 1 et 3 ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Nous sommes bien au coeur de cette proposition de loi organique. L'amendement n° 1 vise à modifier le nombre des conseillers à élire dans la seule circonscription des Iles-du-Vent. Leur nombre passerait ainsi de 22 à 30.
A l'Assemblée nationale, en juin dernier, le Gouvernement avait souhaité souligner qu'il était nécessaire de sortir de longues années de statu quo afin de faire respecter le principe d'égalité du suffrage. A ce titre, même si, comme je le disais tout à l'heure, l'amendement de M. Lanier consiste à augmenter de huit la représentation des Iles-du-Vent, il ne paraît pas, aux yeux du Gouvernement, aller suffisamment loin, même s'il va dans le sens souhaité. Aussi le Gouvernement n'est-il pas favorable à cet amendement.
L'amendement n° 3, présenté par M. Allouche, est une proposition qui me semble peut-être plus intéressante, car elle permet de combiner de façon positive trois objetifs qui nous guident dans cette discussion.
Tout d'abord, notons une augmentation du nombre de sièges à l'assemblée territoriale, qui reste limitée même si elle est significative.
Relevons également l'établissement de principes très clairs pour la répartition des sièges entre les cinq circonscriptions, chacune disposant au minimum de deux sièges, les autres étant répartis selon une règle bien connue du code électoral qui ne me paraît pas souffrir de critiques.
Au final, la répartition donne aux Iles-du-Vent un nombre de sièges qui se rapproche de leur importance démographique sans bouleversement pour les archipels.
Parce que cet amendement paraît aller dans le sens souhaité, le Gouvernement ne veut pas s'y opposer et s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Lucien Lanier, rapporteur. Je voudrais simplement ajouter une précision.
Je remercie M. le secrétaire d'Etat d'avoir apporté de l'eau au moulin de mon amendement, qui, en définitive - et je réponds par là-même à mon ami et collègue Guy Allouche - est une avancée par rapport au dispositif adopté par le Sénat en novembre 1999.
Nous avons fait un très gros effort : nous ne supprimons aucun siège pour les archipels, qu'ils soient plus ou moins éloignés, et nous augmentons encore le nombre de sièges pour les Iles-du-Vent. Ma réponse est faite !
Nous avons des propositions et nous devons nous entendre car, comme Guy Allouche, je considère que c'est trop important pour la Polynésie française !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Guy Allouche. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Je m'inscris contre l'amendement afin de me réserver le droit d'intervenir pour expliquer mon vote.
J'ai noté des progrès sensibles dans la démarche de notre rapporteur. Voilà un an, il disait qu'il lui était impossible d'aller plus loin que ce qu'il avait fait. Il était certes allé un peu plus loin que Gaston Flosse dans sa proposition, mais il avait atteint la limite, et je pensais que cela n'était pas encore raisonnable.
Aujourd'hui, notre rapporteur fait sienne la proposition de loi de nos collègues Guyard et Perben ; c'est son choix et je le respecte sincèrement.
Pour parvenir à un accord, je le redis, il ne faut pas que l'un triomphe sur l'autre. (M. le rapporteur fait un signe d'assentiment.)
L'adoption de la proposition Guyard-Perben ne peut donc pas être la base d'un compromis. En Polynésie, les forces politiques en présence s'affrontent, c'est la démocratie, mais n'arrivent pas à se mettre d'accord. Si vraiment le Sénat veut aller dans le sens d'un compromis, ce qui est son rôle, il lui appartient de devenir une sorte de médiateur. C'est pourquoi, cher rapporteur, je vous invite à faire un effort, pour passer de 49 à 51. Ce serait la base d'un compromis, car le Sénat fera preuve d'ouverture en ce sens.
Je regrette que la priorité ait été demandée, car si l'amendement n° 1 de Lucien Lanier est adopté par le Sénat, le mien tombera, ce qui serait bien dommage, mais je ferai tout pour le faire adopter dans une semaine !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Gaston Flosse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Flosse.
M. Gaston Flosse. Nous sommes, bien sûr, favorables à l'amendement n° 1 de notre excellent rapporteur - je m'en suis expliqué à la tribune - et défavorables à l'amendement n° 3 de mon ami Guy Allouche.
Je n'ai pas compris l'intervention que vient de faire Guy Allouche. Si le compromis consiste, pour lui, à adopter son propre amendement, et rien que le sien, je ne vois pas de compromis dans cette façon de faire !
La première raison pour laquelle je suis opposé à son amendement - et elle est importante - c'est que M. Allouche se moque de l'avis des Polynésiens et des responsables de notre pays. (M. Guy Allouche fait un signe de dénégation.) L'assemblée de Polynésie française a souhaité, dans sa grande majorité, que l'augmentation du nombre des conseillers pour les Iles-du-Vent soit de huit, ce qui a été adopté par les membres, non seulement de la majorité, mais également d'une grande partie de l'opposition, auxquels il faut ajouter ceux du Conseil économique, social et culturel ainsi que ceux de l'Association des maires.
Pour la première fois en Polynésie française, les maires de tous les archipels ont quitté leur île, y compris les îles éloignées : Rapa, à 1 700 kilomètres de Tahiti, les Marquises, à 1 500 kilomètres de Tahiti, les Gambier, à 1 650 kilomètres de Tahiti - pour venir manifester leur opposition à la proposition de loi de M. Vernaudon en défilant dans les rues de Papeete ! Le fait que, pour la première fois, les représentants des archipels manifestent de la sorte, ce qui, encore une fois, ne s'était jamais vu en Polynésie française, a quand même une signification !
Nous restons attachés à ce nombre de huit sièges supplémentaires pour les Iles-du-Vent. Bien sûr, comme l'a dit mon ami Guy Allouche, il avait été envisagé de porter le nombre de conseillers à cinquante et un. Oui, c'est vrai, mais il n'est pas allé jusqu'au bout de sa lecture.
En effet, l'assemblée avait précisé qu'elle serait éventuellement favorable à une augmentation du nombre des conseillers pouvant aller jusqu'à dix, à condition qu'il ait huit sièges pour les Iles-du-Vent et que les deux autres sièges aillent, le premier aux Iles-sous-le-Vent et le second aux Tuamotu et aux Gambier. Pourquoi ? Parce que, à l'occasion du recensement de 1996, on avait constaté une progression très nette de la population de ces deux archipels de 20,4 % pour les Iles-sous-le-Vent et 22,6 %, pour Tuamotu et Gambier. Dans le cas contraire, elle n'y serait pas favorable.
La deuxième raison par laquelle nous sommes opposés à l'amendement n° 3, c'est parce que notre collègue Guy Allouche, qui était d'accord pour ne pas réduire la représentation des archipels, supprime un siège aux Iles-sous-le-Vent. Nous ne pouvons l'admettre pour une circonscription où, comme je viens de vous le dire, la population a progressé du plus de 20 % selon le dernier recensement officiel de 1996.
Mon collègue Guy Allouche joue en fait sur les mots lorsqu'il dit s'être prononcé au Sénat, à l'époque, uniquement pour les archipels éloignés car, en tant que spécialiste de la Polynésie française, il connaît bien la signification de l'expression « archipel éloigné », que l'on utilise chez nous, en Polynésie française, pour distinguer l'archipel des Iles-du-Vent de tous les autres archipels, y compris celui des Iles-sous-le-Vent.
Ce dernier est bien sûr considéré comme un archipel éloigné : d'ailleurs, lorsqu'on projette la carte de la Polynésie française sur celle de l'Europe, la ville de Papeete étant superposée à Paris, pour la circonscription des Iles-sous-le-Vent l'île de Huahine est à seulement cent kilomètres de Papeete, Bora-Bora à seulement deux cents kilomètres, mais les archipels de Scilly et de Bellingshausen se trouvent à la hauteur de l'Irlande ! S'agit-il d'archipels proches ? Non, ce sont des archipels éloignés !
M. le président. Monsieur Flosse, je vous prie de conclure.
M. Gaston Flosse. Monsieur le président, j'ai fait 20 000 kilomètres pour m'exprimer ici et de nombreux maires - surtout des archipels - présents dans les tribunes, sont venus pour nous soutenir, ce dont je les remercie. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Par conséquent, ne touchons pas à la représentation des archipels !
Enfin, permettez-moi, monsieur le président, de répondre aux remarques de M. le secrétaire d'Etat.
Bien entendu, les maires présents dans les tribunes demandent davantage de moyens et nous sommes tout à fait d'accord. Il suffirait - je m'adresse là à M. le secrétaire d'Etat - que l'Etat augmente sa participation dans le fonctionnement des communes. Vous savez en effet que les trois quarts du budget des communes sont alimentés par les recettes fiscales du territoire. La part de l'Etat est nettement inférieure à celle du territoire. Je demande donc à M. le secrétaire d'Etat de l'augmenter. S'il en était ainsi, je suis sûr que les communes seraient satisfaites.
M. Guy Allouche. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Gaston Flosse me donne une idée : moi qui suis né en Algérie et qui ai été une première fois rapatrié, j'ai envie de me présenter la prochaine fois en Polynésie ! (Sourires.)
Plus sérieusement, cher Gaston Flosse, je préfère oublier l'expression que vous avez employée : « Guy Allouche se moque des Polynésiens ».
D'abord, je ne me moque de personne. Je respecte chacun et chacune d'entre nous, quels que soient ses grades et qualités.
M. Gaston Flosse. Je retire cette expression.
M. Guy Allouche. Ensuite, si je me moquais des Polynésiens, je ne serais pas allé en mission avec Lucien Lanier et je ne me serais pas occupé de cette question. Mais oublions cela !
Dans l'avis formulé, il est vrai que le chiffre de cinquante et un sièges a été envisagé. Or je disais tout à l'heure que l'Assemblée a proposé une nouvelle répartition. C'est exact mais, si on se met déjà d'accord sur le chiffre de cinquante et un, ce sera un point d'acquis.
J'ai fait une proposition de répartition, mais je demeure ouvert et si, pour telle ou telle raison, que je n'écarte pas a priori, il peut y avoir glissement d'un élu d'un archipel vers un autre, pourquoi pas ? Toutefois, puisqu'il semble que le Sénat va voter l'amendement de la commission, nous verrons, lors de la réunion de la commission mixte paritaire, ce qu'il est possible de faire. C'est en tout cas le voeu que je forme pour que l'on débouche sur une solution qui soit vraiment acceptable.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 3 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, ainsi modifié.
(L'article 1er est adopté.)
M. le président. Je profite de cette occasion pour saluer la présence dans les tribunes non seulement des maires de Tahiti, qui nous le plaisir de nous rendre visite, mais également de notre ancien collègue Daniel Millaud, qui fut votre prédécesseur dans cette assemblée, monsieur Flosse.
Article additionnel après l'article 1er
ou après l'article 2
M. le président.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faite l'objet d'une
discussion commune.
Par amendement n° 2 rectifié, MM. Collin, Baylet, André Boyer et Delfau
proposent d'insérer, après l'article 2, un article additionnnel ainsi rédigé
:
« Par dérogation aux dispositions de l'article L. 227 du code électoral, le
mandat des conseillers municipaux élus en Polynésie française sera soumis à
renouvellement les 13 et 20 mai 2001. »
Par amendement n° 4, M. Allouche et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent d'insérer, après l'article 1er, un article additionnel
ainsi rédigé :
« Par dérogation aux dispositions de l'article L. 227 du code électoral, le
prochain renouvellement des conseillers municipaux de Polynésie française aura
lieu en même temps que le renouvellement des membres de l'assemblée de la
Polynésie française, en mai 2001.
« Le mandat des conseillers municipaux de la Polynésie française sera soumis à
renouvellement en mars 2007. »
La parole est à M. Collin, pour défendre l'amendement n° 2 rectifié.
M. Yvon Collin.
Cet amendement vise à modifier la date des élections municipales.
En effet, le renouvellement des conseillers membres de l'assemblée de
Polynésie française est normalement prévu le 13 mai 2001. Un décret du ministre
de l'intérieur a fixé le renouvellement des conseils municipaux les 11 et 18
mars 2001.
Or, la superficie de la Polynésie, la complexité des liaisons inter-îles
rendent difficile et surtout coûteuse pour les partis politiques locaux
l'organisation de deux campagnes électorales en un si court laps de temps.
Aussi, nous proposons de ne pas dissocier les élections municipales et
territoriales en Polynésie française. Le premier tour des municipales serait
donc repoussé au 13 mai, en simultanéité avec les élections territoriales. Le
deuxième tour des municipales interviendrait, quant à lui, le 20 mai 2001.
M. le président.
La parole est à M. Allouche, pour défendre l'amendement n° 4.
M. Guy Allouche.
Cet amendement va dans le même sens que celui que vient de présenter à
l'instant mon collègue et ami Yvon Collin.
Dans son propos liminaire, M. le secrétaire d'Etat a fait état des raisons qui
inciteraient à cette concomitance d'élections. Je voudrais rappeler pour ma
part que, lorsque notre ancien collègue M. Pierre Mazeaud avait proposé de
décaler dans le temps, pour des raisons d'ailleurs justifiées, l'élection de la
nouvelle assemblée pour qu'elle ait lieu simultanément à la mise en place du
statut, nous avions cru comprendre à l'époque que c'était une mesure
dérogatoire et qu'on en reviendrait ensuite au cycle normal.
Aujourd'hui, je pense que, pour des raisons de bon sens et pour éviter un
grand nombre de désagréments à nos compatriotes polynésiens, qui se verraient
obligés de se déplacer plusieurs fois - nous nous plaignons tous du taux
important d'abstentions qui règne dans toute la République française - il
serait opportun de repousser les élections municipales.
Nous avons déjà eu l'occasion au cours de ces dernières années de changer la
date d'élection. Je rappelle qu'en 1995 les élections municipales ont été
déplacées à cause d'un autre scrutin national, tout aussi important, voire plus
important puisqu'il s'agissait du premier d'entre les scrutins. Il est donc
devenu relativement fréquent que le Parlement tienne compte de circonstances
exceptionnelles pour déplacer telle ou telle élection.
J'ajoute qu'en mars 2001, en métropole, nous allons voter et pour des
municipales et pour des cantonales. La concomitance n'est donc pas un fait
exceptionnel. Comme la jurisprudence du Conseil constitutionnel nous enseigne
qu'il est préférable d'allonger un mandat que de le raccourcir, j'ai pensé
qu'il était judicieux de repousser de quelques semaines le scrutin
municipal.
Enfin, je reprendrai un argument qu'a invoqué M. le secrétaire d'Etat : il n'y
a pas de démocratie sans moyens.
Si la démocratie n'a pas de prix, elle a un coût et, pour qu'elle soit
respectée, il faut tenir compte de la spécificité polynésienne, des conditions
d'éloignement et permettre à toutes les formations politiques d'accéder, autant
que faire se peut, à une égalité, non seulement de traitement, mais également
de moyens.
Or nous savons que les moyens des différentes formations politiques
polynésiennes sont très disparates. Ce serait, me semble-t-il, une
manifestation de démocratie vivante que de donner aux petits partis l'occasion
de participer aux deux scrutins.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n° 2 rectifié et 4 ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
L'article 227 du code électoral dispose en substance, que les
conseillers municipaux sont renouvelés intégralement au mois de mars, à une
date fixée au moins trois mois auparavant.
Comme pour l'ensemble des communes françaises, les élections municipales en
Polynésie française sont donc fixées au mois de mars prochain.
L'amendement n° 2 rectifié tend à déroger à cette règle en proposant de
différer la date des élections municipales en Polynésie française en la
reportant du mois de mars au mois de mai, afin que ces élections aient lieu au
même moment que les élections territoriales visant au renouvellement de
l'assemblée de la Polynésie française.
La seule raison invoquée est une raison d'économie de déplacement.
Soudainement se trouve posé ce problème, que je considère tout de même beaucoup
moins important que la sanction que pourrait prendre le Conseil constitutionnel
!
En effet, s'il admet la possibilité de différer la date d'élections, il l'a
assortie d'une série de conditions : l'existence d'une justification d'intérêt
général ; le caractère limité dans le temps de l'allongement des mandats en
cours et le caractère exceptionnel et transitoire de la prorogation des mandats
; enfin, l'exigence que la différence introduite dans la durée des mandats pour
un même type d'élection reste provisoire, de même que la différence de
traitement quant à la périodicité suivant laquelle les électeurs exerceront
leur droit de vote.
Le dispositif proposé par M. Collin paraît en contradiction avec cette
jurisprudence du Conseil constitutionnel sur au moins deux points : le décalage
du mois de mars au mois de mai pour le déroulement des élections municipales et
la différence de traitement quant à la périodicité suivant laquelle les
électeurs exerceront leur droit de vote.
En outre, bien que le Conseil constitutionnel ne semble pas avoir eu à se
prononcer sur une situation similaire jusqu'à présent, il ne paraît pas
possible qu'une élection, certes locales, mais organisée au niveau national,
puisse de dérouler à des dates différentes dans une collectivité particulière
et sur le reste du territoire. Je ne veux pas employer de grands mots, mais je
pense que cela porterait atteinte au principe constitutionnel d'indivisibilité
de la République.
M. Allouche, conscient des difficultés que je viens d'exposer, a déposé un
autre amendement. Il a précisé que c'était uniquement pour les prochaines
élections municipales qu'il proposait de différer la date et que ce report ne
se reproduirait pas par la suite.
En tout cas, pour ma part, je ne vois vraiment pas l'absolue nécessité d'un
tel report. S'il est dicté par de simples raisons d'économie, c'est vraiment
transgresser une règle générale applicable à l'ensemble de la République pour
un motif véniel !
L'amendement de M. Allouche tend donc à satisfaire le critère du caractère
exceptionnel du report de la date de l'élection, mais demeure le grief
essentiel : il paraît difficilement admissible de réserver un sort particulier
à une collectivité pour une élection organisée au niveau national, ce qui porte
atteinte, qu'on le veuille ou non, au principe d'indivisibilité de la
République. Cela pourrait, à mon avis, servir de prétexte à d'autres ouvertures
plus dangereuses que celle qui est proposée aujourd'hui.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des lois émet un avis
défavorable sur les deux amendements.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
M. le rapporteur - je ne crois pas que tel était le
sens de sa démonstration ! - m'a totalement rassuré quant à la position que
pourrait prendre le Conseil constitutionnel sur ces deux amendements.
Si le Parlement adoptait cette disposition, il s'agirait bien d'un cas
exceptionnel et provisoire puisque, la durée des mandats étant différente, la
même situation ne se reproduit que tous les trente ans.
Par ailleurs, sur le fond, ces amendements soulèvent une question d'intérêt
général. J'ai beaucoup entendu parler, lors de mon déplacement en Polynésie, de
cette concomitance des scrutins, Aussi, ces amendements me semblent très
opportuns.
Tout à l'heure, M. Flosse nous a donné une leçon de géographie. Tous ceux qui
ne connaissent pas bien la Polynésie l'ont appréciée. Il faut savoir en effet
que, si on la plaque sur la carte de l'Europe, la Polynésie s'étend de l'Italie
à la Norvège et de l'Irlande à l'Ukraine. La conduite d'une campagne électorale
exige donc un investissement considérable à titre personnel et en termes de
moyens. Deux campagnes successives, à quelques semaines d'intervalle, ne
feraient qu'accroître cette lourde charge.
Le principal objectif de ces amendements est donc de réduire le coût de ces
consultations pour l'ensemble des acteurs de la démocratie en Polynésie. Il y a
donc un objectif d'économie, mais aussi un objectif citoyen, celui d'accroître
la participation aux scrutins.
Le dispositif proposé vise donc à reporter la date des élections municipales à
celles des élections territoriales. D'autres solutions auraient pu être
retenues, comme le rapprochement des deux dates mais elles auraient peut-être
posé d'autres problèmes juridiques.
Je pense que les deux assemblées devraient trouver sur ce point un accord,
pour le respect de l'égalité entre les candidats et la participation du plus
grand nombre possible de citoyens polynésiens à ces deux scrutins qui les
concernent tout particulièrement.
C'est pourquoi, sur ces deux amendements, je m'en remettrai à la sagesse du
Sénat.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2 rectifié.
M. Gaston Flosse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Flosse.
M. Gaston Flosse.
Nous sommes opposés aux amendements n°s 2 rectifié et 4 pour des raisons de
fond, et les arguments avancés par nos collègues MM. Allouche et Collin ne nous
ont pas du tout convaincus.
M. Allouche soutient que, si les deux scrutins ont lieu le même jour, le taux
de participation sera peut-être plus important. C'est absolument faux ! En
Polynésie française, le taux de participation est toujours élevé. Ainsi, lors
de la dernière élection présidentielle, c'est en Polynésie française qu'on a
enregistré le plus fort taux de participation de toute la République.
M. Josselin de Rohan.
C'est là que M. Chirac a obtenu le plus de voix !
M. Gaston Flosse.
Aux dernières élections européennes - et Dieu sait si l'Europe est loin de
nous ! - le taux de participation de la Polynésie française a été l'un des plus
élevés, atteignant même 70 % des inscrits dans certaines communes.
En effet, les Polynésiens pensent profondément que voter est un devoir, et ils
vont voter. Ce n'est donc pas parce que les scrutins seront séparés qu'ils
n'iront pas voter : ils iront voter !
D'ailleurs, aux élections municipales ou à l'élection de l'assemblée de la
Polynésie française, le taux de participation avoisine souvent les 80 %.
M. Allouche a également invoqué l'argument des moyens, et il a été rejoint par
M. le secrétaire d'Etat. Nouvelle erreur !
En fait, de ce point de vue, selon qu'il s'agit de l'une ou l'autre élection,
la situation est tout à fait différente, monsieur le secrétaire d'Etat. Vous
avez tendance à trop écouter M. Vernaudon et vous ne nous écoutez pas
suffisamment !
(Sourires.)
Les élections municipales ne sont pas des élections
politiques. Les partis politiques ne s'y impliquent pas. Dans les quarante-huit
communes, monsieur le secrétaire d'Etat, aucun conseil ne porte l'étiquette de
notre parti politique, le Tahoerra Huiraatira. Dans ma propre commune de Pirae,
ma liste est toujours une liste d'union et d'action communale. Les partis
politiques ne mènent donc pas de campagne pour les élections municipales. Cela
signifie que nous n'avons pas à nous déplacer.
Il est si vrai que les élections municipales sont des élections purement
locales qu'elles donnent souvent lieu à la constitution de listes où l'on
retrouve pratiquement tous les partis. Nous voyons même parfois, à notre
étonnement, certains de nos partisans s'allier avec des partisans de
l'indépendance ! Ils sont simplement prêts à travailler ensemble pour le bien
de leur commune.
Quoi qu'il en soit, pour les élections municipales, la question des moyens ne
se pose donc pas.
Il n'en va pas de même, c'est vrai, pour les élections à l'assemblée : là, il
faut se déplacer pour mener campagne. Mais ce n'est vrai que pour ces
élections-là.
Pourquoi, en Polynésie, les citoyens n'éliraient-ils pas leurs conseillers
municipaux en même temps que les autres citoyens de la République ? Sommes-nous
donc des citoyens de seconde zone ?
Plusieurs sénateurs du RPR.
Pas du tout !
M. Gaston Flosse.
Bien sûr, en 1995, les élections avaient été différées, mais c'était
uniquement parce que l'on attendait le vote de la loi statutaire : c'était tout
à fait logique. Mais, aujourd'hui, quel est le motif exceptionnel qui
justifierait le recul de la date ?
En fait, vous le savez bien, monsieur le secrétaire d'Etat, et mon collègue
Guy Allouche le sait également, le motif est purement politique. Lorsque vous
dites, monsieur le secrétaire d'Etat : « On m'a beaucoup parlé », ce sont les
hommes de l'opposition qui vous ont parlé : M. Vernaudon, M. Oscar Temaru. Un
point, c'est tout ! Les autres, la grande majorité des élus, n'ont pas demandé
que les deux scrutins aient lieu simultanément.
Je demande donc à mes collègues de rejeter ces deux amendements.
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Flosse, vous combattez cette disposition avec
beaucoup de passion, mais ce n'est pas ce qui me la rend sympathique.
Je me permets d'appeler votre attention sur le fait que, en métropole, il y
aura concomitance des scrutins municipaux et cantonaux en 2001 : personne n'y
voit une insulte à la démocratie.
Je vous rappelle en outre, après Guy Allouche, qu'à l'origine la simultanéité
des scrutins était prévue pour 2001 et que c'est le vote d'un amendement de M.
Pierre Mazeaud qui a conduit, pour des motifs tout à fait acceptables à
l'époque mais qui n'ont plus lieu d'être aujourd'hui, à leur déconnexion.
Convenez avec moi que tout cela peut être abordé sans passion et que cette
disposition n'est sans doute pas exempte de vertus !
M. Guy Allouche.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Pour répondre à M. le rapporteur ainsi qu'à Gaston Flosse, je vais reprendre
ce que vient de dire M. le secrétaire d'Etat.
Cher Gaston Flosse, s'il n'y avait pas eu l'amendement Mazeaud ou si celui-ci
avait bien précisé : « à titre exceptionnel pour 1995 », aujourd'hui, en
Polynésie, les deux scrutins seraient concomitants. Qu'auriez-vous dit alors ?
Que c'est politicien, que c'est une manoeuvre du Gouvernement et de Guy
Allouche, qui sont à l'écoute constante d'Oscar Temaru, à ses ordres ?
Nous avons tous accepté le principe de l'amendement Mazeaud parce qu'il était
évident qu'il fallait une coïncidence entre le nouveau statut et l'élection de
la nouvelle assemblée. Mais je vous renvoie aux débats de 1995 : il expliquait
lui-même que c'était à titre exceptionnel.
M. Gaston Flosse.
Exceptionnel !
M. Guy Allouche.
Aujourd'hui, il s'agit donc simplement de revenir au calendrier normal !
Si vous ne voulez pas que les élections municipales aient lieu en mai, je peux
rectifier mon amendement pour que les élections à l'assemblée territoriale
aient lieu en mars ! Cela étant, moi, je préfère qu'on allonge la durée du
mandat des conseillers municipaux afin de ne pas nous attirer les foudres du
Conseil constitutionnel. Toutefois, si vous tenez à ce que les élections
municipales se déroulent en Polynésie en même temps qu'en métropole, je suis
prêt à rectifier mon amendement.
Cher Gaston Flosse, je ne sais pas exactement ce qu'il en est en Polynésie
mais, en métropole, quand j'entends un maire me dire qu'il est apolitique, je
sais bien où il se place en fait sur l'échiquier politique... Je veux bien
croire que certains maires ne soient pas partisans mais, en règle générale,
quand on se dit « apolitique », c'est manifestement qu'on n'est pas de gauche
!
(Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Josselin de Rohan.
Et c'est pour cela qu'il faut changer la date du scrutin !
M. Guy Allouche.
Pour ce qui est du Conseil constitutionnel, moi, j'ai tendance à faire
confiance à l'intelligence des hommes et des femmes qui le composent : je pense
qu'ils sont à même de considérer qu'il y a des circonstances exceptionnelles.
Quand ils prennent une décision en fonction d'une situation donnée, ils ne
ferment pas toutes les portes ! La jurisprudence, par essence, est évolutive
parce qu'elle peut tenir compte, aussi, des circonstances.
J'ai pris soin, dans l'objet de mon amendement, de préciser que le report
resterait exceptionnel dans la mesure où, du fait de la durée des mandats,
cette concomitance ne se reproduira pas.
Quant au civisme des Polynésiens, je ne peux que le saluer et m'en réjouir. Je
voudrais bien que les métropolitains prennent exemple sur eux ! Raison de plus
pour faire en sorte qu'ils soient encore plus exemplaires.
Encore une fois, monsieur Flosse, si vous souhaitez que les deux scrutins
aient lieu en mars, sous-amendez mon amendement ou demandez-moi de le
rectifier.
M. Gaston Flosse.
Nous souhaitons respecter la loi, et la loi prévoit le mois de mars pour le
scrutin municipal !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié, repoussé par la commission et
pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par la commission et pour lequel
le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - L'article 2 de la loi n° 52-1175 du 21 octobre 1952 précitée est
ainsi rédigé :
«
Art. 2
. - Dans chaque circonscription électorale, les élections ont
lieu au scrutin de liste, à la représentation proportionnelle à la plus forte
moyenne, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre
de présentation.
« Les sièges sont attribués aux candidats d'après l'ordre de présentation sur
chaque liste. Toutefois, les listes qui n'ont pas obtenu au moins 5 % du nombre
des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges.
« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège,
celui-ci revient à la liste qui a le plus grand nombre de suffrages. En cas
d'égalité de suffrages, le siège est attribué au plus âgé des candidats
susceptibles d'être proclamés élus. »
- (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi organique, je
donne la parole à M. Allouche, pour explication de vote.
M. Guy Allouche.
A l'issue de ce débat, je remercie nos différents collègues qui nous ont
permis d'avoir un échange très intéressant.
Le groupe socialiste ne pourra pas souscrire au texte tel qu'il nous est
finalement soumis. Cependant, je forme à nouveau le souhait que, la semaine
prochaine, en commission mixte paritaire, nous puissions parvenir à un accord.
Je pense que le débat d'aujourd'hui permettra à nos collègues députés de bien
savoir ce que pense le Sénat. Si, le 29 novembre, nous arrivons à un accord, je
serai le premier à m'en féliciter mais, pour l'instant, mes amis et moi-même ne
voterons pas le texte.
M. le président.
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
souhaite brièvement exposer la position du groupe communiste républicain et
citoyen.
Nous nous abstiendrons sur le vote final en regrettant que, parfois, des
enjeux politiciens peu transparents prennent le dessus sur le débat de fond :
la discussion autour du nombre et de la répartition des sièges en témoigne.
Nous souhaitons accompagner efficacement le processus de l'évolution
institutionnelle de la Polynésie et, comme le veulent également les
progressistes polynésiens, permettre à la Polynésie de garantir sa
souveraineté.
Nous regrettons que le Sénat, comme l'Assemblée nationale, n'ait pas adopté
l'idée de la concomitance des élections municipales et territoriales, les
secondes intervenant trois mois après les premières.
Cette simultanéité permettrait de garantir aux différentes forces politiques,
bien qu'elles disposent de moyens inégaux, de faire face aux échéances
électorales dans de meilleures conditions d'égalité.
Nous espérons néanmoins que la commission mixte paritaire fera évoluer le
texte vers des solutions plus adaptées.
M. le président.
La parole est à M. Flosse.
M. Gaston Flosse.
Si j'ai pu, par moments, donner l'impression d'une passion peut-être
excessive, c'est parce que la perspective prochaine du renouvellement de
l'assemblée de Polynésie française nous paraît donner lieu, sinon à des
manipulations politiciennes - je ne veux pas employer une expression qui
pourrait fâcher mon collègue Guy Allouche ! - mais à d'étonnantes
modifications, d'autant plus étonnantes qu'elles interviennent à quelques mois
du scrutin.
Tout à l'heure, j'ai cité des déclarations du premier secrétaire du Parti
socialiste, qui ne parle généralement pas pour ne rien dire. Or, dans ces
déclarations, il a bien expliqué qu'il fallait modifier la loi électorale et
tout faire pour que la majorité change en Polynésie française.
Mettez-vous à notre place : nous ne pouvons pas admettre ce genre de
manoeuvres. C'est la raison pour laquelle nous nous y sommes opposés, parfois
peut-être avec un peu de véhémence.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de
droit.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 302 |
Majorité absolue des suffrages | 152 |
Pour l'adoption | 220 |
Contre | 82 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Avant d'aborder la suite de l'ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante.)
M. le président. La séance est reprise.
7
CARRIÈRE DES MAGISTRATS
Discussion d'un projet de loi organique
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique (n° 483,
1999-2000) modifiant les règles applicables à la carrière des magistrats
(Rapport n° 75 [2000-2001]).
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président, j'ai
conscience que le temps du Sénat est compté. Je vais donc essayer d'être plus
brève que prévu.
Le projet de loi organique modifiant les règles applicables à la carrière des
magistrats, qui est aujourd'hui soumis à l'examen de votre Haute Assemblée, est
à la fois limité dans son objet et important par sa portée.
La revalorisation et la simplification du déroulement de la carrière des
magistrats de l'ordre judiciaire sont en effet devenues indispensables pour
mettre fin à une situation injuste de blocage de l'avancement, tout en
favorisant la mobilité.
Un rapide état des lieux de la magistrature judiciaire permet de s'en
convaincre.
Il y a, aujourd'hui, 6 882 magistrats. Je tiens à souligner à cette occasion
que la parité est une réalité dans la magistrature, qui compte 3 413 femmes et
3 469 hommes. Ces magistrats exercent à la Cour de cassation, dans 35 cours
d'appel, 181 tribunaux de grande instance, 5 tribunaux de permière instance et
473 tribunaux d'instance. Par ailleurs, sont placés en position de détachement
257 autres magistrats.
Or la structure du corps judiciaire est à la fois complexe et source de
blocage des carrières : à la base, le « second grade » compte 3 892 emplois,
soit près de 58 % du corps ; au grade d'avancement, dit « premier grade », on
compte 2 480 emplois, soit environ 37 % du corps ; enfin, au sommet, les
emplois « hors hiérarchie » sont en nombre très limité, 349, soit à peine plus
de 5 % du corps.
Cette structure d'emplois crée un véritable « goulot d'étranglement » dans le
déroulement de la carrière des magistrats. Une majorité d'entre eux ne peut en
effet, dans ces conditions, accéder à un rang auquel la commission
d'avancement, qui apprécie les mérites professionnels des magistrats, les a
cependant reconnus aptes.
Les chiffres sont éloquents : de 654 en 1995, le nombre de magistrats inscrits
au tableau d'avancement et donc en attente de promotion est passé à 1 132 en
2000. Dans le cadre de l'actuel statut et en tenant compte des projets en cours
de réalisation, ce sont plus de 800 magistrats inscrits au tableau d'avancement
qui ne pourront réaliser cette année leur promotion, soit les trois quarts des
inscrits.
Compte tenu de la structure démographique du corps, ce nombre ne ferait
qu'augmenter dans les années à venir si aucune mesure n'était prise pour mettre
fin à cette situation d'injustice.
Le présent projet de loi organique a deux objectifs complémentaires : tout
d'abord, revaloriser et simplifier le déroulement de la carrière des
magistrats, mais aussi favoriser la nécessaire mobilité des magistrats.
La revalorisation des carrières, c'est d'abord un effort budgétaire historique
pour une réforme d'envergure et sans précédent depuis plus de quarante ans. Le
Gouvernement a en effet décidé d'y consacrer une somme totale de 177 millions
de francs par an. Je rappelle que le précédent plan de revalorisation des
carrières, initié en 1991, a porté sur une somme totale de 58 millions de
francs. C'est donc un effort financier de la nation trois fois supérieur qui va
être réalisé.
Cette réforme était attendue depuis très longtemps. Il est en effet naturel
que la reconnaissance du travail effectué par les magistrats trouve son
expression dans le déroulement des carrières individuelles.
Il s'agit de réparer une injustice constatée par rapport à d'autres grands
corps de l'Etat. A cet effet, le présent projet de loi organique aligne le
déroulement de la carrière des magistrats judiciaires sur celle des magistrats
administratifs et financiers.
Il convient, en outre, de rendre plus attractive la carrière des magistrats
judiciaires, dans la mesure où l'institution judiciaire doit être à même de
concurrencer, dans son recrutement, le secteur privé et d'attirer à elle les
meilleurs éléments pour exercer des fonctions qui sont au coeur de
l'impartialité de l'Etat.
Je voudrais aussi rappeler que la justice a fait face, en vingt ans, à une
augmentation considérable des contentieux - chacun ici la connaît - alors que
les moyens humains n'ont pas été accrus dans des proportions identiques.
C'est pourquoi le Gouvernement a fait de la création des postes de magistrat
une des priorités essentielles de la rénovation de l'institution judiciaire
qu'il a entreprise. Ainsi est-il prévu, dans le projet de loi de finances pour
2001, la création de 307 postes de magistrat.
En quatre ans, 729 emplois de magistrat judiciaire ont été créés, c'est-à-dire
plus que dans la période 1981-1997.
Le premier objectif de la réforme consiste dans la simplification du
déroulement de la carrière des magistrats. Il s'articule autour de trois axes
principaux.
L'inversion de la répartition des emplois entre le premier et le second grade
est le premier axe.
Après la réforme, le grade de base ne comprendra plus que 28 % de l'ensemble
des magistrats, contre 58 % aujourd'hui. En revanche, 62 % des magistrats,
contre 37 % actuellement, relèveront du premier grade, c'est-à-dire,
globalement, près de deux magistrats sur trois.
Cette modification radicale de la structure du corps judiciaire permettra non
seulement d'assurer sans délai un déblocage des carrières mais aussi de
garantir pour l'avenir un avancement fluide à chaque magistrat jugé digne de
l'obtenir.
Le doublement du nombre des postes hors hiérarchie est le deuxième axe.
Il s'agit des plus hauts postes de la magistrature. Leur nombre passera de 349
à 663, pour représenter environ 10 % de l'ensemble des emplois.
Cette « aspiration » vers le haut des carrières aura des retentissements sur
la situation de l'ensemble des magistrats. Elle permettra, en effet, de «
fluidifier » également les avancements en évitant de recréer, à un niveau
supérieur, les obstacles qui sont actuellement ceux du passage au premier
grade.
C'est l'objet de l'article 2 de ce projet de loi, qui élève à la « hors
hiérarchie » tous les emplois de président de chambre et d'avocat général dans
les cours d'appel, offrant ainsi en province des débouchés jusqu'alors presque
exclusivement réservés à la région parisienne.
Par ailleurs, la liste des emplois hors hiérarchie dans les tribunaux de
grande instance, désormais fixée par décret en Conseil d'Etat en fonction de
critères prévus par la loi organique, sera également élargie.
Enfin, la suppression des groupes de fonctions dans le premier grade est le
troisième axe de ce premier objectif.
L'article 1er du projet de loi organique supprime cet obstacle que constitue,
au sein du grade d'avancement, l'existence de deux groupes, la promotion au
groupe supérieur s'effectuant actuellement au choix. Une simplification de même
nature était d'ailleurs intervenue dès 1992 pour le grade de base, au sein
duquel les groupes avaient été fusionnés.
Concrètement, cela signifie que tous les magistrats du premier grade ont
vocation à voir leur classement indiciaire terminal relevé à l'échelle B.
D'autre part, l'ancienneté nécessaire pour prétendre à une inscription au
tableau d'avancement sera réduite, passant de dix ans à sept ans.
Ainsi, non seulement les magistrats pourront enfin accéder à un statut
indiciaire revalorisé, mais encore ils y accéderont plus rapidement et sans les
blocages actuels.
A titre indicatif, l'accès à l'échelon terminal B au lieu de l'échelon
terminal A représente un gain net mensuel d'environ 3 500 francs par mois,
primes comprises, et la fin de carrière au nouveau premier grade représente un
gain mensuel de 8 500 francs par mois par rapport à la fin de carrière actuelle
du second grade.
Mais cette revalorisation reste subordonnée à la nomination du magistrat dans
un nouveau poste, au premier grade ou en hors hiérarchie, et sera, à chacune de
ces étapes, assortie d'une exigence de mobilité.
En effet, et c'est le second objectif de la réforme, la mobilité des
magistrats est encouragée par de nouvelles exigences statutaires.
La mobilité du corps judiciaire est essentielle. Nécessaire à l'enrichissement
du parcours professionnel du magistrat, la mobilité géographique et
fonctionnelle est aussi une condition fondamentale de son impartialité. Elle
est enfin indispensable à une gestion dynamique de l'institution judiciaire,
propre à favoriser les pratiques nouvelles.
Cette nécessaire mobilité est favorisée par deux dispositions de ce projet de
loi organique.
L'article 1er prévoit ainsi qu'un magistrat ne pourra être promu au premier
grade dans une juridiction où il est affecté depuis plus de cinq ans.
Cette disposition, rapprochée de l'ancienneté minimale de sept ans pour
l'inscription au tableau d'avancement, signifie concrètement que, pour accéder
à un poste du premier grade, tout magistrat devra avoir changé de juridiction
au moins une fois avant la réalisation de son avancement ou effectuer ce
changement lors de la réalisation de son avancement.
L'article 3 pose une autre condition de mobilité, cette fois pour l'accès aux
emplois hors hiérarchie, puisque nul ne pourra y être nommé sans avoir au
préalable occupé deux postes du premier grade dans deux juridictions
différentes.
Des mesures transitoires d'application sont naturellement nécessaires ; c'est
notamment l'objet de l'article 6 du projet de loi organique, en ce qui concerne
l'accès à la Cour de cassation des présidents de chambre et avocats généraux de
cour d'appel.
Votre commission des lois a elle-même proposé, par voie d'amendements,
d'autres dispositions transitoires ou de clarification des dispositions du
texte, à l'esprit desquelles le Gouvernement est tout à fait favorable.
En revanche, d'autres amendements de votre commission des lois sont, à mon
sens, étrangers à l'objet du texte aujourd'hui débattu. Je pense, en
particulier, aux dispositions qui tendent à modifier la procédure et les
sanctions disciplinaires ou encore à limiter la durée de l'exercice de
certaines fonctions.
Je tiens, en effet, à rappeler que le texte examiné par votre Haute Assemblée
est limité aux dispositions strictement nécessaires à la mise en oeuvre du
déroulement de la carrière des magistrats judiciaires. Le Gouvernement a
lui-même renoncé à y inclure certaines dispositions, par ailleurs utiles, mais
sans lien direct avec l'unique objet de ce projet de loi organique.
Le texte aujourd'hui en discussion ne constitue donc pas un démembrement de
l'avant-projet de réforme statutaire élaboré dans la perspective de l'adoption,
par le Congrès, du projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur
de la magistrature.
Cet avant-projet avait une cohérence, le renforcement de l'indépendance des
magistrats et son corollaire en termes de responsabilités, mais aussi la
modernisation de la gestion de l'institution judiciaire et l'ouverture, par la
diversification de son recrutement, du corps des magistrats.
Je ne pourrai donc, dans ce souci de cohérence, que m'opposer aux amendements
de votre commission des lois, mais aussi à ceux qui ont été déposés par MM.
Haenel, Gélard, André et par Mme Borvo. J'y reviendrai, rapidement, au cours de
la discussion des articles.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je mesure aujourd'hui votre « frustration »
au regard de la teneur limitée du texte qui vous est proposé. Ce n'est pas une
grande réforme du statut de la magistrature. Mais le Gouvernement ne porte pas
la responsabilité politique de l'absence de saisine du Congrès.
Cependant, faisons le pari de l'avenir ; dès l'adoption par le Congrès du
projet de loi constitutionnelle, nous pourrons travailler ensemble, je le
souhaite, à une réforme en profondeur, cette fois du statut de la
magistrature.
Je sais aussi que le texte que je vous propose aujourd'hui n'a pas la
prétention d'apporter une réponse à l'ensemble des défis auxquels la justice,
ou même la seule magistrature, est aujourd'hui confrontée. Mais il doit
permettre d'apporter sans retard une solution juste et équilibrée à la
situation de blocage que connaît aujourd'hui la magistrature judiciaire. Je ne
doute pas que vous partagez cet objectif.
(M. le rapporteur
applaudit.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
La
présentation de ce projet de loi organique, madame le ministre, inaugure, pour
notre assemblée, l'aspect le plus éminent des responsabilités législatives dans
lesquelles vous succédez à une garde des sceaux dont il me paraît convenable et
équitable de saluer le passage à la Chancellerie comme marqué d'une activité
intense, inlassable et féconde.
(Mme la garde des sceaux opine.)
M. René-Pierre Signé.
Très bien !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
A votre tour, vous accédez à ces responsabilités qui sont,
dans la République, parmi les plus hautes, les plus délicates et, en ce moment
même, les plus difficiles du fait de leur méconnaissance ou de leur
insuffisante prise en compte par la plupart des gouvernements depuis des
décennies.
Souhaitons que votre expérience des problèmes concrets, votre souci d'un
service public digne de ce nom, c'est-à-dire au service des justiciables,
permettent aux Français de retrouver, à l'égard de leur justice, une confiance
aujourd'hui, et à juste raison, plus qu'affaiblie.
Il est peut-être symbolique que ce texte, dont je tiens à souligner qu'il a
été déposé en premier lieu au Sénat, ce dont nous vous remercions, concerne les
moyens de la justice, question à laquelle cette assemblée, spécialement sa
commission des lois, porte un intérêt contenu, convaincus que nous sommes de ce
que les problèmes de la justice sont de l'ordre de la quantité des moyens dont
elle dispose et de la qualité de leur mise en oeuvre, infiniment plus que de
l'ordre des principes et du perfectionnisme juridiques quelquefois ressentis
comme un harcèlement textuel tout à la fois irritant et vain.
Cette loi organique, pour l'essentiel, tend à permettre, par l'extension des
catégories supérieures, une progression plus rapide et plus simple des
rémunérations des magistrats, spécialement de ceux qui appartiennent aux
catégories moyennes et supérieures. Il procède, à cet égard, du souci de mettre
en harmonie les rémunérations des magistrats de l'ordre judiciaire avec celles
des magistrats des ordres administratif et financier. Le résultat de cette
opération, curieusement dénommée « repyramidage » renverse en réalité la
pyramide, puisque le second grade, qui correspond au début de carrière, passera
de 58 % à 28,3 % de l'effectif, tandis que le premier grade, correspondant au
niveau supérieur, passera de 36,9 % à 61,8 %, la catégorie hors hiérarchie
passant elle-même de 5,1 % à 9,9 %. Si l'on tient absolument aux comparaisons
géométriques, je crois que le corps judiciaire va plutôt ressembler à un
losange dont on aurait aplati les deux extrémités !
(Sourires.)
M. Michel Charasse.
Au moins, il ressemblera à quelque chose !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Une autre préoccupation, celle de la nécessaire mobilité des
membres de la magistrature, vous a inspirée et vous a conduite à lier l'accès à
des fonctions supérieures au changement de juridiction : une fois pour accéder
au premier grade, après plus de cinq années dans la même juridiction, deux fois
pour accéder au grade « hors hiérarchie ». Par ailleurs, nul ne pourra être
promu sur place procureur ou président.
Particulièrement sensible au problème de la mobilité des magistrats, la
commission vous proposera, non seulement d'approuver les dispositions du projet
de loi organique, mais, en outre, de les compléter afin de parvenir, dans ce
domaine, à une réelle efficacité.
Enfin, elle vous proposera de saisir l'opportunité offerte par ce texte pour
apporter au régime disciplinaire des magistrats des améliorations de procédure
qui paraissent particulièrement souhaitables.
Madame le ministre, nous vous avons entendue nous dire que le texte était d'un
objet strictement limité. Permettez-moi de vous faire observer que le pouvoir
législatif est le pouvoir législatif, et qu'il ne faut pas lui dire qu'il est
strictement limité, sauf à lui donner alors envie de franchir les limites,
naturellement !
(Nouveaux sourires.)
Et permettez-moi de vous dire que nous avons déjà vu des cas dans lesquels
nous avons franchi ces strictes limites pour introduire des dispositions qui
ont été considérées comme tellement bonnes - l'appel des décisions de cours
d'assises, par exemple - que votre prédécesseur, quand elle en parlait, les
présentait comme les résultats de sa propre action ! C'est dire si elle les
avait intégrées. Mais c'était tout de même aller un peu loin.
Sur le premier point, qui est l'essentiel du texte, la commission ne peut que
se réjouir de voir le Gouvernement apporter une amélioration assez
substantielle, puisqu'elle varie entre 1 500 francs et 4 000 francs par mois -
n'ayons pas peur des chiffres, il n'y a aucune honte à cela ! - à la
rémunération des magistrats concernés, dont elle connaît et salue les très
réels mérites, confrontés qu'ils sont à l'obligation de faire face à la double
et irrépressible inflation des litiges et de la législation.
Elle ne peut pas pour autant ne pas s'interroger sur un certain nombre de
choix à l'égard desquels elle aimerait connaître les raisons du
Gouvernement.
Le premier choix qui pose problème, c'est celui de la priorité donnée à cet
aspect particulier des problèmes de fonctionnement de la justice par rapport à
d'autres, non moins pressants, qu'il s'agisse, par exemple, du nombre
insuffisant des personnels dans tous les domaines, ce qui se traduit par la
suppression d'audiences, donc par l'aggravation de retards qui sont d'ores et
déjà - j'allais dire depuis des lustres, mais ce sont peut-être des décennies -
insupportables et dont on sait maintenant qu'ils équivalent à des dénis de
justice, ou qu'il s'agisse, autre exemple, de l'inacceptable sous-rémunération
de l'aide judiciaire et juridique.
La grève actuelle des barreaux est un avertissement très grave et nous ne
saurions la désavouer. Elle crée une situation qui est une plaie supplémentaire
par la suppression du débat oral - puisqu'il paraît que l'on dépose les
dossiers sans plaider : où est, alors, le débat oral ? - ou par le renvoi des
affaires.
Elle témoigne de la démoralisation d'une profession dont la mission est tout
de même indissociable de l'idée de justice et qui, actuellement, se trouve
devoir osciller entre la catégorie des avocats dits d'affaires - d'un type
relativement anglo-saxon, contre lequel on ne saurait s'insurger, mais qui ne
représente tout de même qu'une minorité - et les autres, qui sont en voie de
prolétarisation, dans une situation qui n'est pas conforme à la dignité
inhérente à la notion même de défense, si essentielle à un Etat de droit.
Que penser, dès lors, de la priorité choisie par vous et du signal ainsi donné
par le Gouvernement en direction des uns, alors que les autres sont aimablement
priés d'attendre ?
Dans le cadre d'une telle priorité, que penser, par ailleurs, de l'emploi fait
des sommes dégagées ? Vous avez rappelé qu'il s'agissait de 177 millions de
francs en année pleine.
Le Gouvernement propose de consacrer entièrement ces sommes aux catégories
moyennes et supérieures. La rémunération des magistrats débutants, qui oscille
entre 15 000 francs pour la première année et 20 000 francs au bout de cinq
ans, n'est pas modifiée, alors qu'il s'agit des magistrats qui supportent,
comme le dit La Fontaine, le poids du jour, c'est-à-dire souvent de lourdes
charges à l'instruction, au parquet, dans les tribunaux d'instance. N'y a-t-il
pas là quelque chose de singulier et même, oserai-je dire, avec une pointe de
malice et eu égard aux orientations officielles du Gouvernement, de paradoxal,
puisque les basses rémunérations ne sont pas améliorées alors que les hautes
rémunérations bénéficient d'une augmentation.
La manne ainsi annoncée n'aurait-elle pas dû, comme cela s'est d'ailleurs
passé dans la Bible, se répartir de manière égale sur l'ensemble du corps, en
proportion, bien entendu, de la situation de chacun ?
Une autre conception nous aurait semblé encore plus appropriée : elle aurait
consisté à porter les augmentations sur les primes qui correspondent à un
surcroît de responsabilité ou à des sujétions exceptionnelles, quelquefois tout
à fait exorbitantes. Je pense, par exemple, à l'obligation au parquet ou à
l'instruction d'assumer des permanences qui ne font l'objet d'aucune
compensation. Je pense également aux primes pour encourager les déménagements
et les changements de juridiction.
C'est une erreur affectée par certains, mais qui n'est pas pour rien dans
l'abaissement de la qualité du service public, que de supposer égaux les
mérites de tous les agents d'une catégorie déterminée, alors que nul ne peut
ignorer sérieusement qu'il y a des postes plus difficiles, comme il y a des
agents plus actifs, plus dévoués. Faire semblant de l'ignorer n'est pas agir en
faveur d'une amélioration du service public. Mais, de cela, qui se soucie ?
Vous, je l'espère, madame la ministre.
Ces considérations auraient pu conduire la commission des lois du Sénat à
modifier de fond en comble - c'est le cas de le dire ! - l'économie du projet
de loi. Si elle ne l'a pas fait, ce n'est pas seulement par suite de la
difficulté technique d'y procéder. C'est essentiellement parce que nous avons
considéré que ces questions, en l'occurrence la rémunération des différentes
catégories de fonctionnaires, étaient de l'ordre des responsabilités du
Gouvernement et donc de nature réglementaire, même si formellement et parce
qu'il s'agit de la justice la consécration législative organique est tout de
même nécessaire.
Dès lors, nous proposons à nos collègues d'approuver le dispositif présenté
par le Gouvernement sans pour autant souscrire aux options qu'il présuppose et
dans l'attente des explications qui pourront être apportées par la poursuite du
débat.
La question de la mobilité des magistrats, qui constitue le second point, nous
paraît non moins importante en un temps où se manifeste une certaine
régionalisation - j'aurais tendance à dire une certaine « provincialisation » -
de la magistrature.
Cette régionalisation dont les causes sont connues et, au demeurant,
humainement compréhensibles, bien entendu, est en elle-même fondamentalement
contraire à l'unité de la République. Elle est aussi contraire à
l'indépendance, dans la mesure où, comme le Conseil supérieur de la
magistrature l'a souligné dans son dernier rapport, « un magistrat doit éviter
de se fixer de longues années dans une même juridiction, et ainsi de s'exposer
au risque de la routine, ou de compromettre son indépendance et son
impartialité par une insertion devenue trop confortable dans l'environnement ».
On ne peut pas mieux dire !
Les mesures inscrites dans le projet de loi sont certes intéressantes et
opportunes. Leur effet sera cependant limité dans la mesure où, d'une part, le
Conseil supérieur de la magistrature a d'ores et déjà intégré dans ses choix
l'exigence d'une certaine mobilité et où, d'autre part, ces dispositions qui
concernent l'avancement n'empêcheront pas un trop grand nombre de magistrats de
demeurer toute leur carrière dans la même région, voire dans la même
agglomération.
Il est dès lors nécessaire de s'interroger sur la possibilité, à tout le
moins, de limiter dans le temps la durée pendant laquelle un magistrat pourra
occuper le même poste, du moins lorsque celui-ci correspond à une fonction
particulière, telle que chef de juridiction ou responsable de fonctions
spéciales comme la formation de juge d'instruction.
Il y a longtemps que le Sénat, comme le Gouvernement d'ailleurs, cherche une
solution à ce problème.
Déjà, en 1996, le rapport de la mission sur les moyens de la justice, présidée
par notre excellent collègue M. Jolibois, qui a le grand chagrin de ne pas être
des nôtres ce soir mais qui pense certainement à nous, indiquait, sous ma plume
d'ailleurs
(sourires)
: « Est-il souhaitable, est-il possible
d'envisager l'instauration d'une mobilité obligatoire au terme de quelques
années passées dans un poste ? » On parlait à l'époque de tous les cinq ans,
chiffre que l'on a retrouvé dans un projet du Gouvernement. « Une telle
obligation permettrait notamment de donner plus rapidement un caractère
effectif à la suppression d'un poste et de pourvoir plus rapidement le poste
redéployé. Une telle mobilité pourrait ne pas être contraire au principe de
l'inamovibilité, dans la mesure où celui-ci a pour objet de protéger
l'indépendance morale des magistrats en les mettant à l'abri contre des mesures
arbitraires individuelles. Il ne devrait pas conduire à les rendre en quelque
sorte propriétaires de leur poste. Aussi bien, l'institution du Conseil
supérieur de la magistrature et sa récente réforme ont-elles fait cesser tout
risque sérieux de cette nature. L'inamovibilité ne saurait aboutir à faire
renaître une forme nouvelle de patrimonialité des charges. »
De son côté, le Gouvernement avait inscrit une disposition tendant à limiter
dans le temps l'exercice de certaines fonctions au sein d'une même juridiction
dans son avant-projet de loi organique de décembre 1999.
Cela nous conduit donc à proposer une telle limitation, que nous avons arrêtée
au chiffre de sept années, qui a paru raisonnable à la commission, une durée de
cinq années nous semblant un peu brève. Mais le débat ne porte pas
essentiellement sur cette question.
Enfin, la commission a considéré qu'il convenait, à l'occasion de l'examen
d'un texte relatif à la condition des magistrats - et qui aura tout de même
pour effet d'améliorer sensiblement celle-ci - de s'intéresser à la
déontologie, et ce dans une double démarche : d'une part, améliorer la
procédure des poursuites disciplinaires ; d'autre part, et du même coup,
clarifier la notion de responsabilité des juges, qui prête actuellement,
spécialement dans la presse et dans l'opinion publique, à de graves erreurs
d'interprétation qu'il convient de tirer au clair et de rectifier.
Les améliorations de la procédure disciplinaire proposées par voie
d'amendement procèdent directement des suggestions du Conseil supérieur de la
magistrature, reprises d'ailleurs par l'avant-projet de loi organique de
décembre 1999 ; nous n'avons donc rien imaginé.
Il s'agit de confier la saisine du Conseil supérieur de la magistrature,
instance disciplinaire des magistrats du siège, non seulement au ministre mais
aussi et directement aux premiers présidents de cour d'appel, qui verraient
ainsi leurs responsabilités affirmées en même temps que seraient dissipés des
doutes inévitables sur l'efficacité et l'impartialité du système actuel de la
saisine par le garde des sceaux, à laquelle il n'est d'ailleurs pas porté
atteinte.
Il s'agit également d'introduire une nouvelle sanction intermédiaire dans la
gamme actuelle des sanctions, qui manque de souplesse.
Il s'agit, enfin, de consacrer le caractère public des audiences
disciplinaires, qui correspond d'ores et déjà à la pratique du Conseil
supérieur de la magistrature et qui répond aux exigences de la Cour européenne
des droits de l'homme.
A cette occasion et formulant de telles propositions, la commission souhaite
dissiper les ambiguïtés qui accompagnent la notion de responsabilité des juges,
puisqu'on entend dire ou on lit qu'ils doivent enfin être responsables et
qu'ils doivent répondre de leurs décisions.
Il nous paraît nécessaire de rappeler que les décisions régulièrement
prononcées par les autorités de justice ne sauraient en tant que telles et en
principe engager la responsabilité de leurs auteurs quant aux dommages qu'elles
peuvent causer. Ce principe, inhérent à la notion même d'autorité judiciaire,
exclut la possibilité pour les « victimes » d'une décision judiciaire -
c'est-à-dire tous ceux qui perdent en totalité ou en partie leur procès : et,
par hypothèse, il y en a toujours à peu près un sur deux - de mettre en cause
la personne même auteur de cette décision. Leur recours ne peut porter que sur
la décision elle-même et emprunter normalement le chemin des voies de recours,
au demeurant très complètes, qui leur sont offertes et que le développement de
la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme vient encore de
renforcer. Exceptionnellement, la responsabilité de l'Etat, non la
responsabilité personnelle du magistrat, peut être mise en cause.
Dans son rapport pour l'année 1999, le Conseil supérieur de la magistrature a
fort bien rappelé ces principes en annonçant quelques pistes de réflexion dans
lesquelles il conviendra sans doute un jour de s'engager, sans se faire
cependant trop d'illusions sur la possibilité d'organiser une sorte de prise à
partie personnelle des juges, qui serait désastreuse.
Telles sont, mes chers collègues, les conditions dans lesquelles votre
commission vous invite à approuver et à compléter le présent projet de loi.
(
Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR - M. Michel
Charasse applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, à
cette heure et compte tenu de la nature du sujet, je préfère aux charmes de
l'éloquence attique la concision spartiate.
Madame le garde des sceaux, soyez félicitée d'avoir soumis aussi vite à notre
examen ce projet de loi que nous devons au premier chef à votre « prédécesseur
». Je ne sais pas comment on écrit ce mot au féminin. Peut-être avec un « e » ?
(Sourires.)
En tout cas, ce projet de loi comporte, s'agissant de la carrière des
magistrats, et non des moyens matériels, d'indiscutables avancées. J'en
dénombre trois.
La première, c'est la simplification, et s'agissant du statut de la
magistrature on peut dire que ce n'est jamais vain. La gymnastique
intellectuelle du II-1 au I-2 a toujours laissé perplexes ceux qui n'en ont pas
été les praticiens quotidiens.
(M. le rapporteur sourit.)
Je me
souviens, lorsque j'avais le privilège de diriger un institut d'études
judiciaires, qu'à la simple question : « Pouvez-vous me situer dans l'échelle
hiérarchique la position d'un conseiller de cour d'appel de province ? », un
long silence et des yeux égarés étaient généralement la seule réponse que
j'obtenais.
Donc, c'est fort bien. Nous vivrons désormais dans le régime des grades, sans
les groupes. Chacun s'en trouvera mieux.
Je ne me suis pas interrogé sur les formes géométriques qui appellent chez
notre ami et excellent rapporteur M. Fauchon des comparaisons du style Picasso.
Je me suis demandé s'il ne serait pas bon - je livre cette question à votre
réflexion - de trouver une autre qualification pour le sommet de cette
pyramide. Le « hors hiérarchie » dans un corps qui déteste la hiérarchie ne me
paraît pas la meilleure dénomination possible ! Ouvrons le concours. Je suis
assuré qu'il y aura, à cet égard, un effort d'imagination. Notre ami M. Michel
Charasse n'en manquera pas, j'en suis convaincu.
Les choses étant ce qu'elles sont, c'est fort bien, nous simplifions. On ne
peut que s'en féliciter.
La deuxième avancée, ce n'est pas indifférent, est l'amélioration des
traitements. C'est bien. L'élargissement de la catégorie « hors hiérarchie » et
du grade I ne manquera pas d'améliorer la situation.
Il est bon, dans cette partie du corps, de faire en sorte qu'il n'y ait pas de
distinction désagréable, et notamment au regard des magistrats de l'ordre
administratif. Cependant, je considère que le traitement des magistrats qui
commencent leur carrière est insuffisant.
M. Hubert Haenel.
C'est vrai !
M. Robert Badinter.
Leur salaire est de quelque 15 000 francs par mois en début de carrière. Or
les magistrats instructeurs ou les juges de l'application des peines sont
appelés à exercer de très lourdes responsabilités. Ils assurent une fonction
difficile et souvent angoissante. Il faut donc reconsidérer cette question,
quelles que soient les modalités que nous retiendrons. Notre excellent
rapporteur en a mentionné quelques-unes. Il faut trouver le moyen d'améliorer
la condition de ces magistrats. Il n'est pas bon qu'après tant d'années
d'études, qu'à leur sortie de l'Ecole nationale de la magistrature ils
perçoivent une rémunération de cet ordre.
Enfin, la troisième avancée, c'est la mobilité. Certes, l'inamovibilité est,
depuis Napoléon Ier, la première garantie d'indépendance des magistrats du
siège. Cependant, inamovibilité n'a jamais voulu dire immobilité. On le sait,
on l'écrit, les commentateurs et les maîtres de la doctrine se plaisent à le
répéter ; je n'y reviens donc pas.
Il est certain que la liaison entre avancement et mobilité ne heurte pas la
Constitution. Je me souviens d'une décision, en date du 21 février 1992, me
semble-t-il, relative à cette question. Dans ces conditions et au regard du
texte que vous nous proposez, il n'y a pas lieu d'avoir d'inquiétude quant au
respect du principe de l'inamovibilité des magistrats du siège.
Nous aurons cependant l'occasion, tout à l'heure, de nous interroger sur cette
question quand viendra en discussion l'avancée que M. le rapporteur proposera.
J'y reviendrai : je ne suis pas aussi assuré que je viens de le dire de la
constitutionnalité de ce qui nous sera soumis.
Simplification, amélioration de la condition, même si elle n'est pas
suffisante, plus grande mobilité : voilà autant de progrès qu'il faut
souligner.
Je me plais à vous indiquer, madame le garde des sceaux, que nous voterons ce
projet de loi ; mais, indépendamment des adjonctions qui sont évoquées, nous le
ferons avec une sorte de nostalgie : où est le texte de la révision
constitutionnelle, navire échoué dans des eaux mortes, sans que nous en
comprenions bien la raison ?
Je souhaiterais que, avant la fin de la législature et le terme de la présente
cohabitation, et puisque les deux assemblées ont voté dans les mêmes termes le
même texte et que la magistrature, à juste titre, l'appelle de ses voeux, comme
le feraient les justiciables s'ils étaient réellement au fait de ces questions,
nous en finissions et que nous ayons le plaisir, madame le garde des sceaux, de
vous retrouver ce jour-là à nos côtés au Congrès.
(Applaudissements sur les
travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen. - M. le rapporteur applaudit également.)
M. Michel Charasse.
J'applaudis Robert Badinter, mais pas le Congrès !
M. le président.
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de
loi organique qui est soumis à notre délibération tend à simplifier et à
revaloriser le déroulement des carrières ainsi qu'à encourager la mobilité des
magistrats.
Ce texte apparemment technique répond à une légitime attente du corps
judiciaire qui se retrouvait, du point de vue des carrières, dans une situation
proche de celle des années soixante. A cette époque, les perspectives de
carrière des magistrats étaient bouchées, résultat de la combinaison de la
pyramide des âges et de la structure hiérarchique engorgée du corps
judiciaire.
Il était urgent et juste - nous devons le dire solennellement aujourd'hui - de
donner aux magistrats un statut et une carrière à la hauteur des missions
assignées à la justice et correspondant aux charges de travail et aux
responsabilités de plus en plus lourdes des magistrats. L'arbitrage obtenu peut
même étonner par son ampleur.
Mais ce texte aurait mérité, aurait dû, pour avoir tout son sens et sa
visibilité, s'insérer dans une réforme plus vaste du statut des magistrats tant
du siège que du parquet. Le Parlement, l'opinion publique, les magistrats
auraient eu une plus grande visibilité de ce que doit être le devenir du
magistrat dans la société moderne. C'est ce travail d'ensemble qui était
nécessaire : il aurait fallu un beau et un grand texte refondateur de la
légitimité et du pouvoir du magistrat, qu'il soit juge ou parquetier.
Nous aurions dû travailler ensemble sur le thème : quelles missions assigner à
la justice ? Qu'est-ce qu'un magistrat ? Quels sont ses droits mais aussi ses
devoirs et ses reponsabilités ? Qu'est-il en droit d'attendre de la société, et
la société, qu'est-elle en droit d'attendre de lui ? Il aurait fallu
retravailler sur la source de la légitimité des magistrats, sur leur
imperium
et donner tout son sens à la formule symbolique que l'on oublie
si souvent : « au nom du peuple français », qui précède chaque décision et la
non moins fameuse formule, dite exécutoire : « la République française ordonne
». Il est donc dommage que nous n'ayons pas entamé cette réflexion à cette
occasion.
Que le rapporteur, mon excellent collègue Pierre Fauchon, me permette de lui
dire que ses observations m'ont paru particulièrement pertinentes. Je partage
ses interrogations et ses suggestions, et je voterai les amendements de la
commission.
Après ces considérations, vous comprendrez, madame la ministre, que, dans ces
conditions, je m'en tienne au texte et que je me contente donc, dans cette
intervention, d'aborder quelques questions concrètes et précises.
Revenons-en donc à la véritable dimension de ce texte pour dire qu'on ne peut
que souscrire à l'objectif poursuivi. En effet, on peut constater depuis
plusieurs années un blocage structurel de l'avancement des magistrats, tant du
siège que du parquet, et à tous les niveaux de la hiérarchie. Le signe le plus
manifeste résulte de l'accroissement constant du nombre de magistrats inscrits
au tableau d'avancement. Selon l'étude d'impact réalisée par la Chancellerie,
ce nombre est ainsi passé de 477 en 1992 à 589 en 1994, à 674 en 1996, à 799 en
1998 et à 1 132 en 2000, soit environ un sixième du corps.
Autant on peut souscrire à la nécessité de revaloriser le déroulement des
carrières des magistrats, autant, je le répète, on peut regretter que nous
n'ayons pas profité de l'occasion, madame la ministre, pour remettre cette
réforme en perspective. Celle-ci n'a pas l'ampleur qu'on aurait pu souhaiter.
Les propositions d'amendements de la commission des lois vont bien sûr
l'étoffer - encore que vous ayez dit qu'il n'était pas question d'amendement,
madame la ministre -, notamment en ce qui concerne un renforcement des
exigences de mobilité déjà contenues dans le texte et une amélioration du
régime disciplinaire.
Je souscris totalement à la proposition de M. le rapporteur d'étendre aux
présidents des cours d'appel le pouvoir de saisine du Conseil supérieur de la
magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège,
actuellement réservé au garde des sceaux, comme je souscris également à un
amendement tendant à compléter l'échelle des sanctions disciplinaires
applicables aux magistrats ainsi qu'à l'amendement qui pose le problème de la
publicité des audiences disciplinaires du Conseil supérieur de la
magistrature.
Il est aussi tout à fait souhaitable d'accroître les possibilités de
recrutement des conseillers à la Cour de cassation en service extraordinaire.
De l'avis même du Premier président de la Cour de cassation, ce recrutement est
particulièrement satisfaisant et utile.
Il faudra encore, madame la ministre, examiner de toute urgence le problème du
statut et de la carrière des collaborateurs de magistrat, et donc de l'ensemble
du personnel des greffes. On peut considérer que ce gouvernement, ou un autre,
doit nécessairement envisager d'une manière plus générale - cela ne dépend pas
que de vous - de reconsidérer fondamentalement les rémunérations et les
carrières de tous les agents de l'Etat qui sont au coeur des fonctions
régaliennes et qui, chaque jour, font face à tous les problèmes de sécurité se
posant au coeur de nos cités et, de plus en plus, jusque dans les zones rurales
les plus profondes. Je pense à cet égard notamment aux policiers et aux
gendarmes, aux personnels de l'administration pénitentiaire, à tous ces agents
de l'Etat dont les difficultés de travail ne peuvent se comparer avec celles
des agents au rôle purement administratif.
Je ferai une autre parenthèse. Lors des tournées que j'ai effectuées dans les
juridictions au cours des derniers mois en ma qualité de rapporteur spécial des
crédits du budget de la justice, j'ai pu demander aux magistrats que je
rencontrais leur avis sur cette réforme.
A mon grand étonnement, j'ai constaté qu'ils en avaient plus ou moins entendu
parler, même si une lettre personnelle leur a, paraît-il, été adressée. Je me
demande si cette dernière ne leur a pas été envoyée en même temps que leur
bulletin de paie, et s'ils n'ont pas cru qu'il s'agissait d'un prospectus !
(Sourires.)
En tout cas, je tiens à vous dire, madame la ministre, que
j'ai été très étonné par leur manque d'information sur cette réforme.
Ceux qui connaissent un peu le projet se demandent ce qu'il adviendra des
dispositions à la suite du face à face entre le Conseil supérieur de la
magistrature et la direction des services judiciaires, s'agissant de la mise en
oeuvre.
En effet, il est un problème qui n'a pas été abordé dans le texte législatif
lui-même - mais ce n'était pas le lieu pour le faire - et auquel vous devrez
nécessairement répondre, madame la ministre : celui de la méthode que vous
envisagez de mettre au point pour appliquer le mieux possible et le plus vite
possible l'ensemble des dispositions qui seront nécessairement votées par le
Parlement. Comment allez-vous porter à la connaissance des magistrats les
modalités d'application de cette réforme ? Y aura-t-il des avancements sur
place pour ceux qui auront plus de deux ans de fonction et moins de cinq ans,
etc ? Il y a en effet des « on dit » - on dit : « le Conseil supérieur de la
magistrature exige que... » - mais ce n'est jamais écrit nulle part.
La gestion des ressources humaines en magistrats par la direction des services
judiciaires et le Conseil supérieur de la magistrature est de plus en plus
complexe et de plus en plus lente - madame la ministre, il faudrait que vous
examiniez ce point de près -, ce qui explique notamment que certaines
juridicitons, comme j'ai pu le constater, attendent de nombreux mois avant de
voir pourvus des postes devenus vacants. La direction des services judiciaires
- que M. le directeur des services judiciaires me pardonne de dire cela - est
incapable, en instantané, d'indiquer quels magistrats occupent les postes dans
telle ou telle juridiction, de connaître le profil de ces magistrats, leurs
desiderata
et si un mouvement les concernant est prévu ou non. Je pense
que les techniques informatiques actuelles devraient permettre d'y parvenir.
Et Mme la ministre - en tout cas au moins M. le directeur des services
judiciaires - devrait avoir sur son bureau un ordinateur lui permettant de
savoir en instantané quel magistrat occupe quel poste.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
J'en ai un !
M. Hubert Haenel.
En tout cas, j'ai pu constater, lors des contrôles que j'ai effectués, en tant
que rapporteur spécial du budget de la justice, dans les ressorts des cours
d'appel de Reims, de Paris, et particulièrement dans les tribunaux de grande
instance de Bobigny et d'Evry-Corbeil, que les magistrats ne le savent pas et
se plaignent de cette situation.
Comment expliquer, madame la ministre, que deux postes de haut magistrat -
pour ne prendre que cet exemple, mais je pourrais en citer des dizaines et des
dizaines d'autres - celui de procureur général à Reims, libre depuis le 1er
juillet, date normale de départ à la retraite de son titulaire - c'était donc
prévisible depuis des mois - et celui de Colmar, libre depuis le départ à la
retraite de son titulaire au 1er septembre, départ annoncé au
Journal
officiel
depuis le début de cette année, ne soient toujours pas pourvus ?
Et qu'on ne vienne pas imputer ces errements à la cohabitation !
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Ah non !
M. Hubert Haenel.
Je ne pense pas, en effet, qu'il s'agisse de postes particulièrement sensibles
!
Ce sont des postes importants qui relèvent, bien sûr, de la formalité du
décret en conseil des ministres et qui échappent donc à l'avis du Conseil
supérieur de la magistrature et à la procédure de la transparence. On ne peut
donc pas se retrancher derrière les prétextes de la transparence et des
réclamations !
Est-il concevable madame la ministre, que des postes de préfet ou tout autre
poste relevant de la désignation en conseil des ministres restent vacants aussi
longtemps ?
Je souhaiterais, madame la ministre, que vous examiniez cette question et que
vous puissiez me répondre sur le fond à l'occasion de l'examen des crédits de
votre ministère. Je ne manquerai pas de reformuler, le lundi 11 décembre au
matin, la même question à l'occasion du vote du budget.
Puisque nous examinons le statut, il y a une autre question qui mériterait
réflexion et débat : celle de ces magistrats qui entrent dans les « affaires »,
comme l'a stigmatisé récemment un article paru dans un grand hebdomadaire,
Le Nouvel Observateur
, pour ne pas le nommer. Je vous renvoie donc à cet
article, en date des 6 et 12 juillet dernier, qui dénonçait cet état de fait et
se posait la question de savoir si ces sociétés qui embauchent à tour de bras
des magistrats avaient pour seule motivation que ces hommes et femmes de loi
leur permettent de rester vertueuses. Je me pose en tous cas la question.
Dans le même ordre d'idées, j'ai toujours été étonné que l'on laisse des
magistrats devenus parlementaires faire un usage parfois abusif des anciennes
fonctions qu'ils occupaient dans des affaires pointues, délicates et
médiatisées.
M. Michel Charasse.
M. Jean-Pierre !
M. Hubert Haenel.
Il y a un mélange des genres préjudiciable à la fois pour le corps de la
magistrature et pour le Parlement, une confusion des genres qui peut troubler
l'opinion publique. Madame la ministre, lorsqu'au journal télévisé de vingt
heures ces magistrats-là, devenus parlementaires, que ce soit parlementaires
européens ou députés - il n'y en a pas parmi les sénateurs, jusqu'à présent -,
s'expriment, on ne sait si c'est au nom de leur corps d'origine ou en tant que
députés de la majorité ou de l'opposition - je ne fais pas de différence !
M. Michel Charasse.
Très bien !
M. Hubert Haenel.
J'en termine là-dessus, mais il faudra un jour aborder la question au fond. On
ne peut pas laisser les choses en l'état.
Autant la mobilité et les détachements sont nécessaires et salutaires, autant
je me demande s'il n'y a pas cependant une réflexion à mener pour resserrer le
dispositif statutaire qui impose aux magistrats, qu'ils soient dans les cadres
ou hors cadre, une stricte obligation de réserve. Je crois savoir - vous
pourrez le vérifier - que, dans le statut de la magistrature, il est prévu que
le fait de devenir parlementaire n'empêche pas que l'on reste tenu vis-à-vis de
l'Etat à une certaine obligation de réserve.
M. Michel Charasse.
Absolument !
M. Hubert Haenel.
Il faudrait de temps en temps le rappeler !
M. Michel Charasse.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur Haenel ?
M. Hubert Haenel.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. Charasse, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Michel Charasse.
Je souhaite rappeler que, dans des circonstances analogues, le statut des
militaires, et donc le devoir de réserve des militaires, a été en son temps
appliqué au général Stehlin, qui était pourtant député.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Haenel.
M. Hubert Haenel.
Madame la ministre, il faudra donc, un jour ou l'autre, vous pencher sur ce
sujet.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Oui !
M. Hubert Haenel.
Envisagez-vous de prendre des initiatives pour remédier à cet état de fait
?
Un autre point sur lequel j'aurais souhaité une complète information concerne
les modifications apportées au code de l'organisation judiciaire. Je n'ai pas
déposé d'amendement sur ce point, mais les contrôles que j'ai effectués m'ont
permis de constater que certaines dispositions de ce code sont de nature
législatives, et d'autres de nature réglementaires, décrets simples, décrets en
Conseil d'Etat, voire circulaires.
La réforme du code de l'organisation judiciaire modifie la répartition et
l'étendue des pouvoirs des chefs de cour sur les juridictions de leur ressort.
Elle distingue pour la première fois la gestion administrative de
l'administration judiciaire des juridictions. Alors que, jusqu'ici, le code de
l'organisation judiciaire avait limité ces pouvoirs à une fonction d'inspection
des chefs de cour, le projet rend ces derniers responsables de la gestion et de
l'administration judiciaire, pour ne citer que cet exemple.
De nombreux magistrats, que j'ai entendus sur ce point, regrettent que le
projet de réforme du code de l'organisation judiciaire, dont nous ne sommes pas
saisis tout simplement parce qu'il ne relève pas, pour la plupart de ses
dispositions, de la compétence du législateur, s'inscrive dans une logique
hiérarchique peu opérationnelle.
Il paraît donc indispensable de compléter l'architecture de la déconcentration
par la définition dans le même texte des pouvoirs et responsabilités des chefs
de juridiction du premier degré.
Il me semble, madame la ministre - et vous me direz, là encore, que je suis
hors sujet -, qu'un débat pourrait être un jour organisé devant le Parlement,
car celui-ci est en droit de connaître vos réponses sur toutes les questions
relatives à l'organisation judiciaire. Et je ne parle pas de la carte
judiciaire !
Une autre question mériterait à elle seule un débat, ou tout au moins une
audition.
D'après les informations parues dans la presse, votre prédécesseur a fait
passer au crible près de 200 juridictions pour vérifier si les procureurs de la
République et les procureurs généraux appliquaient bien les consignes
ministérielles, non pas individuelles...
M. Michel Charasse.
Les instructions générales !
M. Hubert Haenel.
Oui !
Or il semble que ce ne soit pas toujours le cas et que certains magistrats
auraient fait valoir, lors de cet audit, que, débordés, ils regrettaient même
de devoir rendre des comptes trop souvent et en temps réel à leur hiérarchie,
donc au ministère.
L'étude dont il s'agit a été présentée comme un véritable audit de la
politique pénale, destiné à mesurer l'efficacité des directives ministérielles,
ce qui est très important. Pourquoi le Parlement n'a-t-il pas été destinataire
des résultats de cette étude et pourquoi un débat, au moins en commission des
lois, ne pourrait-il pas être organisé sur ce sujet qui nous concerne au
premier chef puisqu'il s'agit d'appliquer la loi pénale ?
A l'occasion de mes contrôles, j'ai pu constater que les magistrats du parquet
sont de plus en plus souvent sollicités - politique de la ville, traitement en
temps réel et, à compter du 1er janvier prochain, loi sur la présomption
d'innocence - et soumis à un rythme de travail « ahurissant », selon les
propres mots du président de l'Union syndicale de la magistrature. Leur charge
de travail a augmenté d'un tiers en cinq ans !
On peut d'ailleurs, à cette occasion, se demander si les fonctions de
magistrats du parquet et du siège, du fait de la différence de nature des
charges, ne vont pas de plus en plus se séparer.
Il m'a été dit et soutenu - est-ce vrai ? Vous pourrez peut-être nous
répondre, madame la ministre - que, de plus en plus, les magistrats, quand ils
le peuvent, s'éloignent des fonctions du parquet.
Il y aurait aussi lieu de traiter et il me semble qu'il y a là urgence,
l'ensemble des questions relatives à l'accès à la Cour de cassation et au
fonctionnement de cette juridiction.
La commission des lois aborde ces questions sous l'angle d'une augmentation du
nombre des conseillers en service extraordinaire, mais il me semble qu'il
faudrait aussi prévoir que la Cour de cassation puisse bénéficier de postes
d'assistants de justice. Le texte actuel ne prévoit pas la présence de tels
assistants de justice au sein de cette haute juridiction. Vous avez certes
imaginé un dispositif, madame la ministre, mais il ne me paraît quand même pas
très clair.
Il y a aussi le problème du tarissement possible - lié au texte - du vivier
provincial de recrutement de la Cour en conseillers, du fait de l'alignement
des carrières de président de chambre à Paris et de président de chambre de
cour d'appel de province.
Pensez-vous que des magistrats de chambre de province, qui seront tous classés
hors échelle lettre C, donc hors hiérarchie, vont se porter candidat aux
fonctions de conseiller à la Cour de cassation ? J'en doute ! Nous reviendrons
donc aux errements du passé, où seuls les présidents de chambre de Paris
constituaient le vivier permettant de pourvoir ces postes relevant de
l'initiative du Conseil supérieur de la magistrature.
Les mêmes questions valent pour les conseillers référendaires, qui constituent
l'ossature des chambres, au dire des présidents de chambre de la Cour de
cassation et de son Premier président.
A partir du moment où l'on bouleverse l'ensemble du corps judiciaire, il me
paraît nécessaire de rebâtir une hiérarchie d'emplois à la Cour de cassation.
Il ne faut pas que cette dernière soit en décalage ou en déphasage par rapport
à la réforme !
Il serait donc peut-être nécessaire, finalement, d'avoir trois catégories de
conseillers référendaires - deuxième grade, premier grade, comme c'est le cas
aujourd'hui, et des postes hors hiérarchie à créer, même si le mot « hiérarchie
» est peut-être à supprimer - et prévoir, bien sûr, la nécessaire mobilité pour
accéder aux fonctions de conseiller.
Toujours à propos de la Cour de cassation, il est nécessaire de prendre des
mesures drastiques pour liquider les stocks, afin de revenir à un
fonctionnement normal. Mais je reviendrai sur ce point à l'occasion de l'examen
des crédits du ministère de la justice.
Il y aurait encore bien d'autres questions à poser à propos du fonctionnement
de la Cour de cassation, mais elles relèvent, il est vrai, du code de procédure
civile plus que d'une loi organique relative au statut.
Il me paraît urgent, madame la ministre, qu'en liaison avec le Premier
président de la Cour de cassation et le procureur général près ladite cour vous
meniez rapidement une réflexion d'ensemble sur cette juridiction et formuliez
d'ici à l'été des propositions de réforme. Il ne faut pas attendre, et cela ne
dépend pas de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature !
Si la chancellerie devait à nouveau « botter en touche », alors, comme l'a dit
M. le rapporteur, le Sénat devrait se substituer à elle et prendre le relais.
Il en a les moyens...
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Et le devoir !
M. Hubert Haenel.
... et il l'a déjà démontré.
Permettez-moi encore une question, madame la ministre - ce sera la dernière -,
que je formulerai en ma qualité de président de la commission d'harmonisation
du droit local en vigueur dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de
la Moselle, c'est-à-dire au nom de nombreuses catégories de parlementaires, de
tous horizons politiques.
Pouvez-vous indiquer au Sénat si vous envisagez de prendre en considération, à
l'occasion de cette réforme, la situation des juges du Livre foncier en
fonction dans les ressorts des cours d'appel de Colmar et de Metz ?
Avec votre réforme, une partie des emplois de juge sera élevée au premier
grade et la fonction pourra être exercée aussi bien au premier qu'au second
grade. Il me semble donc que certains emplois de juge du Livre foncier
localisés dans les villes les plus importantes pourraient être élevés au
premier grade. Peut-être me direz-vous ce que vous en pensez, madame la
ministre ?
Voilà, madame la ministre, quelques simples questions liées directement ou
indirectement à la carrière des magistrats et à leur statut. Mais il y a en
aurait, certes, bien d'autres !
Une fois encore, on peut regretter que ces questions tout à fait légitimes
d'amélioration de carrière n'aient pas été traitées en même temps que celles
qui sont relatives au statut.
J'ajoute que le fait que la réforme du Conseil supérieur de la magistrature
n'ait pas été votée en début d'année n'est pas la seule explication possible.
Au demeurant, je faisais partie de ceux qui souhaitaient qu'elle soit adoptée.
Quoi qu'il en soit, je pourrais vous indiquer des pans entiers de réforme qui
pouvaient être engagés sans qu'il soit nécessaire de modifier les dispositions
de l'article 64 de la Constitution !
A la limite, madame la ministre, en vous entendant tout à l'heure, je me
demande si j'aurais dû intervenir à la tribune du Sénat : à quoi bon un débat
parlementaire si vous nous proposez un contrat d'adhésion ? Selon vous, nous
devrions voter ce texte conforme, un point c'est tout.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je n'ai jamais dit cela !
M. Hubert Haenel.
En matière de justice, cette attitude me paraît singulière. Pourquoi, dans ces
conditions, ne pas avoir utilisé une autre procédure législative, celle des
ordonnances ?
Je le constate, quel que soit le gouvernement, et depuis bientôt quinze ans
que je suis parlementaire, dans le domaine judiciaire comme dans bien d'autres
domaines, ce n'est jamais le bon moment pour faire des réformes. Celles-ci se
font toujours à la va-vite, sous la pression de la rue ou à l'occasion
d'élections.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet qui
nous est proposé a un double objet. Il vise d'abord à améliorer le déroulement
de la carrière des magistrats et, par ricochet, leur niveau de rémunération,
l'avancement de nombre d'entre eux se trouvant bloqué faute de postes
disponibles ; il favorise ensuite la mobilité, en l'érigeant en condition
indispensable pour l'avancement.
Ce texte a donc une vocation essentiellement pragmatique et technique : il
s'agit d'apporter une réponse concrète à une situation objective qui aboutit,
on le sait, à démotiver et scléroser le corps.
Cette réforme, qui permet d'aligner la carrière des magistrats de l'ordre
judiciaire sur celle des juges administratifs et financiers, est, me
semble-t-il équitable et indispensable si l'on veut bien se rappeler que le
corps judiciaire devrait se trouver confronté dans les prochaines années à des
départs nombreux, sinon massifs, à la retraite : il ne faudrait pas qu'une
carrière moins attractive décourage les éventuels postulants, sachant qu'il en
manque déjà beaucoup !
Cette réforme utile reçoit le large agrément des organisations
professionnelles représentatives, comme je l'ai constaté. Elle a également la
faveur des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen.
La réforme était-elle prioritaire ? C'est une des questions qui nous est posée
par M. Fauchon dans son rapport.
J'avoue ne pas bien comprendre le sens de la critique, tant il est vrai
qu'elle pourrait s'appliquer à beaucoup de textes que nous adoptons. Sans
vouloir faire de mauvais procès, dans un autre registre, la réforme du
quinquennat présidentiel a pu sembler incongrue face à d'autres priorités !
On a évoqué aussi l'aspect catégoriel de la réforme en évoquant les
difficultés de fonctionnement de la justice au quotidien. Pourtant, il me
semble que ces deux éléments sont inextricablement liés et que les opposer l'un
à l'autre n'a pas de sens : il ne s'agit pas de faire l'un contre l'autre, mais
l'un avec l'autre, tant il est vrai que toute amélioration statutaire des
magistrats ne peut que servir la justice au quoditien et que, inversement,
toute revalorisation des moyens servira logiquement le corps judiciaire. Nous
aurons évidemment l'occasion d'en parler lors de la discussion budgétaire !
M. le rapporteur a néanmoins posé une vraie question, que j'avais moi-même
soulevée en commission : les magistrats en début de carrière ne bénéficieront
pas de cette revalorisation statutaire.
Les membres du groupe communiste républicain et citoyen partagent l'idée d'une
revalorisation générale de la situation de l'ensemble des magistrats, et il
importe, notamment, de veiller à ce que la réduction des délais pour accéder à
l'échelon supérieur soit effective.
Dans ce sens, les dispositions permettant la reconstitution de carrière des
magistrats recrutés sur concours exceptionnel doivent être approuvées, mais,
d'une façon générale, les débuts de carrière des cadres de la fonction publique
sont à reconsidérer.
La situation des magistrats débutants me conduit à évoquer la situation des
quelque 1 500 assistants de justice actuellement en poste dans les
juridictions.
J'attire à nouveau votre attention, madame la ministre, comme l'a fait mon
collègue Robert Bret en commission, sur le fait que ces étudiants qualifiés
font bien souvent le double des heures qui leur sont demandées et exercent des
responsabilités qui vont bien au-delà d'une simple aide à la décision.
Les organisations syndicales nous ont confirmé cette situation, et les mêmes
problèmes semblent d'ailleurs être posés par les agents de justice, qui
exercent souvent des fonctions de greffiers.
Faute d'avoir de plus amples garanties sur le travail qu'ils effectuent
réellement, nous ne pouvons encourager le développement de ce système et nous
sommes dubitatifs sur l'amendement qui a été déposé par certains de nos
collègues afin de l'étendre au sein de la Cour de cassation, même s'il est
évident que, du point de vue de la formation des étudiants, cela peut sembler
intéressant, ces étudiants pouvant, par la suite, postuler à des postes de
titulaire.
J'en viens maintenant à la seconde critique émise à l'encontre de ce projet de
loi organique : son manque d'ambition.
Il est vrai, que si l'on se réfère à l'avant-projet de loi organique relatif
au statut de la magistrature élaboré par votre prédécesseur, madame la
ministre, on peut être surpris par l'aspect limité du texte qui nous est
présenté.
N'oublions pas, cependant, que le contexte a beaucoup changé depuis. La remise
à plat du statut des magistrats envisagée par Mme Guigou s'insérait, en effet,
dans une réflexion d'ensemble sur la place de la justice dans l'Etat.
La refonte du statut des magistrats, qui abordait la question de la mobilité,
de l'avancement, mais aussi de la responsabilité des magistrats, était conçue
comme le corollaire d'une autonomie renforcée par rapport au pouvoir politique
autonome qui devait être consacrée par la réforme constitutionnelle du Conseil
supérieur de la magistrature. On connaît le sort de cette réforme !
Le rappel de ce changement de contexte me semble d'autant plus nécessaire que
cette réforme conduit, à mon sens, à une relecture de l'obligation de mobilité
retenue par la commission des lois.
La plupart des magistrats sont favorables à une mobilité plus grande, mais,
dans le système actuel, qui ne rompt pas le lien entre politique et justice, on
peut craindre qu'elle ne mette en péril leur autonomie par rapport au pouvoir
politique. N'oublions pas, notamment, que, pour ce qui concerne les
parquetiers, le garde des sceaux conserve le pouvoir de proposition ... sans
même parler de la situation des procureurs généraux, qui est laissée à la
discrétion du Gouvernement.
Il nous semble, dès lors, que le système retenu par le projet de loi
organique, qui consacre et renforce les règles mises en oeuvre par le Conseil
supérieur de la magistrature, est équilibré.
Que nous est-il proposé ?
Il s'agit, d'une part, de conditionner l'accès au grade supérieur à la
mobilité : il ne serait plus possible d'accéder au premier grade dans une
juridiction où le magistrat est affecté depuis plus de cinq ans ; pour accéder
aux emplois hors hiérarchie ou hors grade - j'ignore l'appellation qui sera
retenue - il serait désormais nécessaire d'avoir exercé deux fonctions au
premier grade dans deux juridictions différentes.
Il s'agit, d'autre part, de rendre impossible l'accès aux fonctions de
président ou de procureur général d'un tribunal de grande instance sans
changement de juridiction.
Qu'il faille prévoir des dérogations ou des mesures transitoires, cela paraît
évident, et tant les dispositions relatives aux conseillers référendaires que
celles qui concernent les conseillers de cassation ou les magistrats ayant une
grande ancienneté dans les fonctions importantes hors hiérarchie permettent une
réforme en douceur.
La majorité de la commission des lois, suivant en cela son rapporteur, a
estimé qu'il convenait de renforcer cette mobilité, de façon, notamment, à
faire échec à la volonté de certains magistrats de rester en poste quitte à
sacrifier leur avancement. Elle nous propose de limiter strictement dans le
temps l'exercice de certaines fonctions de chef de juridiction et de certaines
fonctions spécialisées.
A ce stade de la réforme d'ensemble de la justice, l'institution d'un délai «
couperet » mérite d'être discutée, tant il est vrai que la question se pose
différemment selon les fonctions. Si ce délai peut sembler opportun pour des
chefs de juridiction, certaines fonctions paraissent nécessiter une
spécialisation qui ne peut être acquise qu'avec le temps.
Prenons l'exemple des juges d'instruction. L'obligation de mobilité ne posera
pas de problème pour les « petits » dossiers. Mais qu'en sera-t-il, par
exemple, des affaires financières ? Ne faudrait-il pas prévoir des dérogations
? Autant d'interrogations auxquelles je n'ai pas de réponse aujourd'hui, mais
qui mériteraient d'être approfondies avant que d'instaurer un couperet.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyens sont, en revanche,
beaucoup plus favorables aux dispositions qui tendent à améliorer le régime
disciplinaire des magistrats, notamment celles qui consacrent le caractère
public des audiences, en déplorant que les magistrats du parquet, qui
continuent de relever du ministère de la justice, ne puissent en bénéficier.
De même, la faculté de saisine par les chefs de cour peut contribuer à
renforcer la transparence des procédures disciplinaires.
C'est également pour aller dans le sens d'une plus grande transparence que
nous proposerons une série d'amendements qui nous semblent de nature à
favoriser la démocratisation et le pluralisme au sein du Conseil supérieur de
la magistrature, grâce à une meilleure représentation sociologique du corps.
C'est l'occasion d'entamer le débat sur une question qui ne semble pas poser
de problème au sein de la profession. Nous serions heureux, madame la ministre,
d'avoir la position du Gouvernement sur cette question.
Au vu de ces remarques, et sous réserve de leur prise en compte, les sénateurs
du groupe communiste républicain et citoyen voteront le projet de loi organique
sur la carrière des magistrats.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je vais essayer de répondre rapidement à chacun des
intervenants.
Pour ce qui est du « repyramidage », évoqué par plusieurs orateurs, voilà une
quinzaine de jours, le directeur des services judiciaires - je l'ai vu réagir,
tout à l'heure, lorsqu'on a mis en cause, à tort, sa direction - a vu, avec le
Conseil supérieur de la magistrature, comment on pouvait mettre en place
rapidement cette organisation pour les 411 emplois concernés. Pour favoriser la
mobilité, on reprendra la pratique actuelle. Ne seront pas « repyramidés » - le
mot est épouvantable, veuillez m'en excuser ! - sur place les présidents ou
procureurs de la République qui ont été nommés depuis moins de deux ans ou qui
sont en place depuis plus de cinq ans, pour éviter de commencer par ne pas
appliquer les règles qui, éventuellement, seront adoptés tout à l'heure.
Monsieur Haenel pour connaître en temps réel les mouvements des magistrats
dans les juridictions, vous pouvez consulter le site Internet. Il est vrai que
le logiciel, qui date de 1984, n'est pas particulièrement performant. Mais le
nouveau logiciel, dont le mise en place a été décidée l'an dernier, sera
opérationnel à partir du mois de janvier. Je vous donnerai l'adresse du site,
monsieur Haenel, afin que vous puissiez suivre avec moi au jour le jour la
situation dans toutes nos juridictions ! C'est un outil extrêmement
intéressant.
Le passage dans le privé des magistrats est un sujet que je ne pensais pas
aborder.
Il n'y a pas eu plus de départs de magistrats dans le privé ces derniers
temps, mais il est vrai qu'on en a parlé beaucoup plus dans les médias. Ces
départs sont surtout le fait de magistrats spécialisés dans les affaires
économiques et financières et ce pour des raisons que je n'ai pas à analyser,
ni en ce qui concerne l'employeur, ni en ce qui concerne celui qui accepte
l'emploi. Les postes offerts sont des postes de haut niveau.
Les magistrats exerçant dans le privé sont tenus, en vertu du statut, aux
mêmes devoirs que les magistrats en juridiction et sont passibles des mêmes
poursuites disciplinaires. Sur ce point, vous êtes donc rassuré, monsieur le
sénateur.
Vous pouvez l'être aussi s'agissant des trente-cinq juges fonciers
d'Alsace-Lorraine. Leur recrutement est en effet dérogatoire, vous l'avez
souligné. Ils sont exclusivement recrutés parmi les greffiers en chef. Ils
bénéficieront donc des mêmes avantages que les magistrats pour leur carrière
après trois ans d'exercice. Vous pouvez les appeler tout de suite pour leur
annoncer la bonne nouvelle, mais je pense qu'ils le savent déjà.
De fait, ces juges fonciers bénéficient d'un avantage en matière de
recrutement par rapport aux autres magistrats. Mais telle est, dans cette
région, la règle pour bien d'autres fonctionnaires appartenant à d'autres
administration que la nôtre. Ce n'est donc pas quelque chose d'inattendu.
Monsieur le rapporteur, il n'est pas exact de dire qu'il s'agit simplement,
sous prétexte de repyramidage, d'augmenter les magistrats. Nous constations
tous qu'il n'était pas possible aux magistrats d'obtenir de l'avancement. La
possibilité d'avancer plus vite leur est donc donnée, et quand on avance plus
vite, on a également une rémunération supérieure plus vite.
Mais nombre de magistrats - j'ai donné les chiffres tout à l'heure - étaient
bloqués dans leur carrière. Ce n'était pas juste. Il s'agit donc bien aussi de
leur rendre justice et de faire mieux fonctionner nos juridictions. Cela,
ajouté aux dispositions sur la mutualisation, se traduit par une amélioration
de la situation.
Tous les intervenants ont souligné le fait que les magistrats en début de
carrière étaient mal rémunérés. D'abord, on peut dire cela de tous les
fonctionnaires. Mais, si l'on considère des postes équivalents nécessitant un
même niveau d'études dans d'autres administrations, on se rend compte qu'ils
sont mieux payés.
Ce qui est intéressant, maintenant, c'est que, pour atteindre le sommet, on
ira beaucoup plus vite. Donc, même si l'on peut toujours souhaiter que les
débuts de carrière soient meilleurs, on ne peut pas dire que la situation soit
catastrophique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez tous dit que j'étais, en fait,
sortie de mon rôle en disant que je n'accepterai pas d'amendement. Je sais
qu'il n'y a pas très longtemps, ordre absolu avait été donné qu'il n'y ait pas
d'amendement sur un texte. Tel n'est pas le cas aujourd'hui. J'ai simplement
voulu, pour gagner du temps - sans doute ai-je été maladroite - vous indiquer
quels amendements je soutiendrai et quels sont ceux que je repousserai.
Je vous ai donc d'ores et déjà indiqué la position de l'exécutif. Mais le
législatif votera comme il l'entend.
En conclusion, je veux féliciter l'ensemble des intervenants de la qualité de
leurs propos sur la carrière des magistrats, mais je veux regrette que nous ne
soyons pas allés jusqu'au bout de la réforme. Je n'y suis pour rien, Elisabeth
Guigou non plus. Je prends acte de l'impossibilité. Mais, comme M. Badinter,
j'ai de l'espoir !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Division additionnelle avant l'article 1er (réserve)
M. le président.
Par amendement n°1, M. Fauchon, au nom de la commission, propose d'ajouter,
avant l'article 1er, une division additionnelle ainsi rédigée :
« Chapitre Ier
« Dispositions relatives à la carrière
et à la mobilité des magistrats »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Monsieur le président, le sort de cette division et de son
intitulé étant fonction de celui que nous réserverons aux amendements suivants,
je demande la réserve de l'amendement jusqu'après l'examen de l'amendement n°
13 tendant à insérer un article additionnel après l'article 6.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
La réserve est de droit.
Article 1er
M. le président.
« Art. 1er. - L'article 2 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature est ainsi modifié
:
« I. - Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Nul magistrat ne peut être promu au premier grade dans la juridiction où il
est affecté depuis plus de cinq années, à l'exception de la Cour de cassation.
»
« II. - Aux troisième et quatrième alinéas, les mots : "et, au sein du premier
grade, de chaque groupe" sont supprimés.
« III. - Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Nul magistrat ne peut être nommé aux fonctions de président de tribunal de
grande instance ou de tribunal de première instance, à celles de procureur de
la République et à celles d'adjoint au président ou au procureur de la
République, dans la juridiction où il est affecté. Toutefois, cette disposition
n'est pas applicable au magistrat qui remplit l'une de ces fonctions lorsque
l'emploi correspondant est élevé au niveau hiérarchique supérieur. »
Par amendement n° 2, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, dans la
première phrase du texte présenté par le III de cet article pour le dernier
alinéa de l'article 2 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, de
remplacer les mots : « nommé aux fonctions de » par les mots : « nommé dans un
emploi correspondant aux fonctions de ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 3, M. Fauchon, au nom de la commission, propose, dans la
première phrase du texte présenté par le III de l'article 1er pour le dernier
alinéa de l'article 2 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, de
remplacer les mots : « , à celles de procureur de la République et à celles
d'adjoint au président ou au procureur de la République » par les mots : « et à
celles de procureur de la République ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Le texte du projet prévoit que nul magistrat ne peut être
nommé aux fonctions de président de tribunal de grande instance ou de tribunal
de première instance, à celles de procureur de la République et à celles
d'adjoint au président ou au procureur de la République dans la juridiction où
il est affecté.
Or, si nous connaissons aujourd'hui des vice-présidents ou des procureurs de
la République adjoints, nous ne connaissons pas d'adjoints au président ou au
procureur. Introduire cette distinction me paraîtrait quelque peu compliqué.
D'autre part, il me semble qu'il est suffisant, dans votre esprit, madame la
ministre, de viser les présidents et les procureurs de la République.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux
Il est effectivement préférable - vous avez raison,
monsieur le rapporteur - de limiter les dispositions interdisant la promotion
sur place aux seules fonctions de président de tribunal de grande instance et
de procureur de la République.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
8
SOUHAITS DE BIENVENUE
AU MINISTRE SYRIEN DE L'ÉDUCATION
M. le président.
Mes chers collègues, j'ai le très grand plaisir de saluer la présence, dans
notre tribune officielle, de M. Richeh, ministre de l'éducation de la Syrie,
qui est accompagné de notre excellent collègue Serge Vinçon.
Nous sommes particulièrement sensibles à l'intérêt et à la sympathie qu'il
porte à notre institution.
(Mme le garde des Sceaux, Mmes et MM. les
sénateurs se lèvent et applaudissent.)
9
CARRIÈRE DES MAGISTRATS
Suite de la discussion et adoption
d'un projet de loi organique
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi organique modifiant les règles
applicables à la carrière des magistrats.
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - L'article 3 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée est ainsi
modifié :
« I. - Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° Les présidents de chambre des cours d'appel et les avocats généraux près
lesdites cours ; ».
« II. - Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d'Etat fixe, en fonction de l'importance de l'activité
juridictionnelle, des effectifs de magistrats et de fonctionnaires des services
judiciaires et de la population du ressort, la liste des emplois de président
et de premier vice-président de tribunal de grande instance, ainsi que des
emplois de procureur de la République et de procureur de la République adjoint,
qui sont placés hors hiérarchie. »
« III. - Les 4° et 5° sont abrogés à compter de la date de publication du
décret en Conseil d'Etat prévu au II. »
Sur l'article, la parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
En ce qui concerne l'article 2, je voudrais indiquer que, jusqu'à présent, les
grades hors hiérarchie étaient énumérés par la loi organique. D'ailleurs,
chaque fois que l'on voulait en ajouter, il fallait adopter une loi
organique.
L'article 2 établit ce que j'appellerai une « cote mal taillée », puisqu'il
énumère certains postes qui relèvent de la loi organique et qu'il renvoie à un
décret en Conseil d'Etat pour les autres postes. La question, dès lors, se pose
: la matière est-elle réglementaire ou législative ?
A vrai dire, c'est une question qui est d'importance secondaire, dès lors que
les postes visés dans la loi organique sont classés hors hiérarchie à partir de
critères précis. Les critères sont précis en ce qui concerne la Cour de
cassation - elle est seule dans son genre - les cours d'appel et les chambres
des cours d'appel et leurs avocats généraux.
En revanche, ces critères ne sont pas du tout précis en ce qui concerne les
présidents, premiers vices-présidents, procureurs de la République et
procureurs adjoints, qui seront désignés par décret en Conseil d'Etat.
Si l'on veut éviter que la loi organique ne les énumère, au moins le décret
doit-il découler de critères précis que seule la loi organique peut fixer, car
elle seule peut apporter la garantie indispensable au principe d'inamovibilité.
Le magistrat qui sollicite sa mutation doit connaître avec certitude la
caractéristique du poste, et donc la carrière à laquelle il peut prétendre et
qui justifie qu'il demande à changer de poste.
On ne peut donc pas, me semble-t-il, laisser au décret le soin de fixer des
critères à partir des très générales considérations qui figurent dans la loi.
Encore que les critères qui nous sont proposés, et qui seront précisés par le
décret, aient une valeur très variable quant à leur objectivité.
Le plus facile à établir est sans doute celui de la population du ressort,
élément objectif et qui justifie, par l'importance de la démographie, la hors
hiérarchie. Encore faudrait-il inscrire un chiffre, à moins que l'on n'envisage
un mixage des trois critères afin de limiter le nombre des hors hiérarchie pour
des raisons, par exemple, budgétaires - on peut le comprendre, mais le problème
ne s'en pose pas moins.
Là où les choses deviennent plus complexes, c'est lorsque l'administration
doit évaluer l'activité juridictionnelle - plusieurs critères sont retenus et
varient sans arrêt - ou fixer les effectifs des personnels dans chaque
juridiction - ils varient souvent en fonction du volume de travail, certaines
affectations étant temporaires afin de faire face à des affaires lourdes et
complexes, affectations qui sont rapportées lorsque le « coup de feu » est
passé.
On imagine donc mal, mes chers collègues, que ce soit un décret qui, en
fonction de pratiques administratives plus ou moins conjoncturelles, règle le
profil des postes au point de perturber gravement l'appréciation et le choix
des magistrats qui acceptent de changer d'affectation ou qui y seront tenus par
la loi, si certains amendements qu'on nous propose sont adoptés.
Si les postes ne sont plus énumérés par la loi organique, c'est en revanche
celle-ci qui doit définir avec précision les critères retenus, sans permettre
au pouvoir exécutif de modifier leur modalité d'évaluation.
Cette disposition ne me paraît donc pas avoir une très grande chance de survie
devant le Conseil constitutionnel.
J'ajoute que, en cours de mutation, les critères pourront ou pourraient
éventuellement être changés sans préavis, afin, par exemple, de favoriser un
magistrat que l'on veut récompenser - dans ce cas, le poste qu'il brigue
deviendra subitement hors hiérarchie - ou de nuire à un magistrat que l'on veut
pénaliser - dans ce cas, le poste qu'il brigue ne sera plus hors hiérarchie. On
ne sait pas, cela peut arriver ! Je me souviens du décret Rousselet.
Bref, cela ne me paraît pas conforme aux règles qu'exigent les principes
d'inamovibilité et d'indépendance de l'autorité judiciaire. Evitons donc, mes
chers collègues, un camouflet du Conseil constitutionnel et évitons aussi que
ce camouflet ne donne un prétexte à certains syndicats de magistrats pour
contester l'ensemble de la réforme qui fonde la gestion du corps sur la
mobilité.
C'est pourquoi, monsieur le président, je souhaite que, sur l'article 2, le
Sénat vote par division : si le I ne pose aucun problème, en revanche, je
souhaite que le Sénat vote contre les II et III, la navette permettant de les
réécrire pour éviter un sévère rappel à l'ordre du législateur par le Conseil
constitutionnel.
M. le président.
Je vais donc mettre aux voix l'article 2 par division.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je salue la perspicacité et le sens de la précision de
M. Charasse.
S'agissant de la question des emplois hors hiérarchie, le Gouvernement partage
son souci d'encadrer suffisamment le renvoi au pouvoir réglementaire. Il faut
trouver un équilibre entre une imprécision, qui ne serait pas acceptable, et
une excessive rigidité.
Les trois critères proposés, à savoir l'activité juridictionnelle, l'effectif
des magistrats et des fonctionnaires et la population du ressort, constituent
en fait la synthèse des critères retenus par le Parlement lors des précédentes
localisations d'emplois hors hiérarchie et qui étaient au nombre de douze. J'en
tiens la liste à la disposition du Sénat. Mais la navette permettra sans aucun
doute, comme vous le souhaitez, monsieur Charasse, d'approfondir la réflexion
sur la pertinence des critères proposés. Je vous les ferai connaître et nous
pourrons, lors de la navette, voir si cela satisfait votre besoin de clarté.
M. Michel Charasse.
Ce n'est pas seulement le mien !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
J'avais cru comprendre que nous allions procéder à un vote
par division et je comptais m'expliquer sur le paragraphe II après avoir voté
le paragraphe I, ce qui me paraissait logique. Mais puisque nous continuons à
débattre sur le paragraphe II, je vais m'expliquer dès maintenant sur celui-ci,
afin de ne pas avoir à y revenir ultérieurement.
La commission a bien vu la difficulté, mais elle lui a paru formelle. La
question de savoir et d'apprécier quels sont le volume de l'activité
juridictionnelle, les effectifs des magistrats et des fonctionnaires des
services judidiaires ou la population du ressort relève pratiquement, comme je
le disais d'une manière générale à propos de l'ensemble du texte, de la gestion
de la magistrature, et donc d'une démarche réglementaire.
Il est vrai que, dans le passé, nous avions à apprécier quelles étaient les
juridictions qui passaient dans la catégorie hors hiérarchie, puisque hors
hiérarchie il y a - expression d'ailleurs plus pittoresque, je le répète encore
une fois, qu'exacte. Mais, chaque fois, nous avions voté les dispositions
proposées, car le problème était formel. Nous n'avons donc pas vu
d'inconvénient à dire qu'il suffit d'un décret en Conseil d'Etat pour le
régler.
Il nous paraît sage de voter ce texte tel que nous le présente le
Gouvernement. Peut-être celui-ci trouvera-t-il le moyen - vous y avez fait
allusion tout à l'heure, madame le garde des sceaux - pour éviter l'ire
éventuelle du Conseil constitutionnel, d'apporter quelques précisions
s'agissant des critères qui ont été retenus.
Sur le fond, il ne nous paraît pas choquant que ce soit un décret en Conseil
d'Etat - ce n'est pas n'importe quel décret ! - qui fixe la liste des
juridictions dont les chefs de juridiction seront classés hors hiérarchie.
En conséquence, la commission vous propose d'adopter ce paragraphe II, comme
les paragraphes I et III, et donc l'ensemble de l'article.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le paragraphe I de l'article 2.
(Ce texte est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les paragraphes II et III de l'article 2.
(Ces textes sont adoptés.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 2
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements présentés par M. Fauchon, au nom de la
commission.
L'amendement n° 4 vise, après l'article 2, à insérer un article additionnel
ainsi rédigé :
« Après l'article 28-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée, il est
inséré un article 28-2 ainsi rédigé :
« Art. 28-2.
- Nul ne peut exercer plus de sept années la fonction de
président ou de procureur de la République d'un même tribunal de grande
instance ou de première instance. »
L'amendement n° 5 tend, après l'article 2, à insérer un article additionnel
ainsi rédigé :
« Après l'article 28-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée, il est
inséré un article 28-3 ainsi rédigé :
« Art. 28-3.
- Nul ne peut exercer plus de sept années la fonction de
juge d'instruction, de juge des enfants, de juge de l'application des peines ou
de juge chargé du service d'un tribunal d'instance dans un même tribunal de
grande instance ou de première instance. »
L'amendement n° 6 a pour objet, après l'article 2, d'insérer un article
additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 38 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée, il est
inséré un article 38-1 ainsi rédigé :
« Art. 38-1.
- Nul ne peut exercer plus de sept années la fonction de
premier président ou de procureur général d'une même cour d'appel. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je me suis déjà expliqué tout à l'heure à la tribune sur
l'opportunité de limiter dans le temps la durée d'exercice des fonctions de
chef de juridiction ou de certaines fonctions spécialisées.
Je rappelle que cette mesure figurait dans un avant-projet de loi qui a été
diffusé à la fin de l'année dernière. Pour notre part, nous l'avions préconisé
voilà déjà fort longtemps. On ne peut pas laisser un magistrat « incruster » à
vie à tel ou tel poste.
On nous objectera peut-être - M. Badinter y a d'ailleurs fait allusion tout à
l'heure - que cette disposition n'est pas constitutionnelle dans la mesure où
elle pourrait porter atteinte au principe de l'inamovibilité des magistrats.
Je crois qu'il faut tout de même interpréter les principes en fonction du
contexte. Au xixe siècle, le principe de l'inamovibilité des magistrats était
essentiel et devait être respecté avec la plus grande rigueur parce qu'à
l'époque la carrière des magistrats était complètement entre les mains de
l'exécutif : un ministre pouvait blackbouler un magistrat qui avait cessé de
lui plaire ou qui n'avait pas fait ce qui était souhaité. Mais c'était du temps
de Lucien Leuwen et de Stendhal.
M. Michel Mercier.
C'était le bon temps !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
C'était le bon temps à certains égards mais c'était un temps
où la notion de droit n'avait pas progressé comme elle l'a fait depuis.
Nous sommes maintenant dans un contexte où, avec le Conseil supérieur de la
magistrature et ses nouvelles prérogatives, et après les réformes récentes, ce
péril n'existe plus. Il convient donc aujourd'hui d'apprécier le principe de
l'inamovibilité, qui reste bien entendu respectable, dans ce nouveau contexte.
Ainsi, on observe que le danger serait que le pouvoir prenne une mesure
individuelle à l'encontre d'un magistrat.
Mais ce n'est pas l'objet de nos amendements. Nous posons la règle générale
selon laquelle un magistrat ne peut pas exercer plus de tant de temps telle
fonction. Etant donné que c'est une règle générale, elle ne porte pas atteinte
au principe de l'inamovibilité des magistrats tel que je l'ai défini tout à
l'heure.
Si le Conseil constitutionnel qui a des vues autrement plus étendues, plus
profondes et perspicaces que les nôtres, considère que, malgré tout, cette
disposition porte atteinte au principe de l'inamovibilité, nous accepterons
éventuellement, avec modestie, sa sanction. De toute façon, il sera saisi de ce
texte puisqu'il s'agit d'une loi organique.
Je n'affirme donc pas que cette disposition n'est pas contraire au principe
d'inamovibilité, mais que, dans son esprit, il ne me semble pas qu'elle le
soit, sinon, bien entendu, nous ne l'aurions pas proposée.
J'ai entendu avec intérêt l'observation formulée par Mme Borvo tout à l'heure
considérant que, sans doute, cette règle était assez souhaitable, sauf à
présenter l'inconvénient qu'en se privant d'un magistrat ayant acquis une
qualification particulière, par exemple dans des matières difficiles -
financières ou relatives à la famille, etc. - la justice se prive en quelque
sorte des compétences acquises par ce magistrat.
Je réponds à Mme Borvo que ce magistrat peut fort bien poursuivre une carrière
dans sa spécialité mais dans une autre juridiction, c'est tout. Il s'intégrera
dans une autre équipe d'affaires financières, d'affaires économiques ou il
restera juge de la famille dans un autre tribunal. Il n'y a donc pas lieu de
s'inquiéter sur ce point.
Mais, surtout en province, quand un magistrat est en poste depuis très
longtemps, on sait d'avance la décision qui sera prise. Cela n'est tout de même
pas très satisfaisant.
C'est pourquoi limiter la durée dans le temps de certaines fonctions à sept
ans me semble nécessaire. Dans l'avant-projet du Gouvernement, il était
question de cinq ans pour les uns et de dix ans pour les autres. En
l'occurrence, cinq ans, était peut-être un peu court ; sept ans nous semble
être plus convenable. C'est ce que nous proposons au Sénat, encore une fois
sans affirmer solennellement que nous sommes totalement à l'abri d'une critique
du Conseil constitutionnel. Mais enfin, après tout, chacun assume son devoir.
Nous, nous croyons qu'il est du nôtre de proposer cette mesure, au Conseil
constitutionnel d'apprécier, ensuite, en prenant ses responsabilités.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, le
Gouvernement est défavorable à ces amendements, parce que les dispositions
proposées n'entrent pas dans les limites du projet de loi organique qui vous
est aujourd'hui soumis, dont le seul objet est la revalorisation et
l'amélioration du déroulement de la carrière des magistrats, accompagnées de
dispositions favorisant la mobilité de l'ensemble des magistrats au cours de
leur carrière.
La limitation dans le temps de l'exercice de certaines fonctions - chef de
juridiction, chef de cour, magistrat spécialisé du siège - relève d'un autre
débat. Elle constitue certainement une piste de réflexion intéressante, que
nous prendrons collectivement en compte, mais elle ne peut se concevoir sans
que soient préalablement renforcées les garanties statutaires de l'indépendance
des magistrats, du siège comme du parquet.
C'est d'ailleurs ce à quoi tendait le projet de loi constitutionnelle relatif
au Conseil supérieur de la magistrature, adopté en termes conformes par le
Parlement, mais, à ce jour, non ratifié par le Congrès. Cette condition
préalable n'étant pas remplie, l'avis du Gouvernement est défavorable.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Madame le garde des sceaux, l'argument selon lequel nous
sortirions de l'objet du projet de loi est faux : il s'agit bien de la
situation des magistrats. Nous l'améliorons. Nous pouvons bien, ce faisant,
l'assortir de certaines conditions. Nous sommes donc tout à fait dans le
sujet.
Permettez-moi de vous dire que cela n'a pas grand rapport avec l'indépendance
des magistrats. Au contraire, c'est de nature à la favoriser.
Par ailleurs, fort de mon expérience, je vous dirai qu'il n'est pas plus mal
de faire des réformes point par point car, quelquefois, ce sont les projets
trop vastes qui n'aboutissent pas.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4.
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Sur le principe de la mobilité, je partage volontiers l'avis du CSM. On l'a
évoqué partiellement, je le redis, la mobilité, ici fonctionnelle, est une
source d'enrichissement pour les magistrats. Elle présente aussi une garantie
contre les risques de pratique routinière ou de trop grande implication locale,
notamment dans les villes de petite ou de moyenne importance.
Il est vrai qu'une durée très longue de fonction, notamment de fonction aux
niveaux qui sont visés - je pense à un président de tribunal dans une petite ou
une moyenne ville - finit par créer des liens et par faire naître à l'égard des
magistrats, à tort, bien entendu - mais l'opinion est ce qu'elle est -
certaines suspicions fondées sur des liens avec telle ou telle personnalité.
Les choses étant ce qu'elles sont, s'agissant de la mobilité, chacun sait
d'ailleurs que le CSM demande un engagement à ne point demeurer trop longtemps
dans le poste que l'on occupe.
Mais la question qui est posée est d'un autre ordre. Qu'est-ce que le principe
de l'inamovibilité ? Il permet au magistrat du siège qui ne veut pas quitter
son poste d'y demeurer. Il ne peut pas être muté. Cela signifie en clair qu'il
faut un acte de volonté de sa part : la mobilité peut être liée à l'avancement
ou à la sortie de précarité, liée à la fonction quand il s'agit de délégation
au sein d'une juridiction pour un temps très limité. Là, le principe
d'inamovibilité n'est pas contourné. Le Conseil constitutionnel à cet égard a,
en 1992, fait preuve de souplesse dans son interprétation.
Mais le dispositif proposé est différent et pose problème quant au moyen de le
mettre en oeuvre. Il s'agit d'une sorte de contrat. Le magistrat est nommé pour
sept ans, pas un jour de plus.
Dès lors, le président du tribunal
dies interpellat pro homine
, comme
aurait dit l'un de nos vieux maîtres, demande au magistrat qui ne souhaite pas
quitter ses fonctions de partir, car le terme est échu. Il ne s'agit plus de
savoir s'il le veut ou non. Ne heurte-t-on pas alors de fait le principe
d'inamovibilité ? La question mérite d'être posée. Elle le sera de toute façon
au Conseil constitutionnel puisqu'il s'agit d'une loi organique. Mais, comme je
l'ai dit à notre ami Pierre Fauchon, je ne suis pas sûr, contrairement à ce qui
a été évoqué à propos de la mobilité liée à l'avancement, qu'on ne franchisse
pas la ligne en matière d'inamovibilité des magistrats du siège.
Si tel est le cas, si le Conseil constitutionnel considère qu'il n'est pas
possible d'assigner un terme au moment où l'on nomme un magistrat à des
fonctions du siège, c'est une nouvelle révision constitutionnelle qu'il faudra
engager.
S'agissant de la mobilité, dans la pratique, faire acte de candidature à des
postes est l'occasion d'une sorte d'engagement d'honneur auprès du Conseil
supérieur de la magistrature. Cela n'est pas indifférent du point de vue de la
théorie constitutionnelle.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi organique, après l'article 2.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi organique, après l'article 2.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi organique, après l'article 2.
Articles 3 et 4
M. le président.
« Art. 3. - Le deuxième alinéa de l'article 39 de l'ordonnance du 22 décembre
1958 précitée est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« A l'exception des conseillers référendaires à la Cour de cassation, nul
magistrat ne peut être nommé à un emploi hors hiérarchie s'il n'a exercé deux
fonctions lorsqu'il était au premier grade. Si ces fonctions présentent un
caractère juridictionnel, elles doivent avoir été exercées dans deux
juridictions différentes.
« Nul magistrat ne peut être nommé à un emploi hors hiérarchie à la Cour de
cassation, s'il n'est ou n'a été magistrat hors hiérarchie ou si, après avoir
exercé les fonctions de conseiller référendaire à la Cour de cassation, il
n'occupe un autre emploi du premier grade. »
- (Adopté.)
« Art. 4. - L'article 24 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée est
abrogé et les articles 23, 25-1, 25-2, 25-3, 25-4, 27, 28, 28-1, 31, 36, 41-1
et 41-9 de cette ordonnance sont modifiés ainsi qu'il suit :
« I. - A l'article 23, les mots : "du premier groupe" sont supprimés.
« II. - Au premier alinéa de l'article 25-1, les mots : "premier groupe du"
sont supprimés.
« III. - Le second alinéa de l'article 25-1 est abrogé.
« IV. - Aux articles 25-2, 25-3 et 25-4, la référence aux articles 22, 23 et
24 est remplacée par la référence aux articles 22 et 23.
« V. - Le premier alinéa de l'article 27 est abrogé.
« VI. - La première phrase du dernier alinéa de l'article 28 est abrogée.
« VII. - Au cinquième alinéa de l'article 28-1 et au sixième alinéa de
l'article 31, les mots : "du grade et du groupe de fonctions auxquels" sont
remplacés par les mots : "du grade auquel".
« VIII. - Les troisième et quatrième alinéas de l'article 36 sont abrogés.
« IX. - Au deuxième alinéa des articles 41-1 et 41-9, les mots : "premier
groupe du" sont supprimés et le mot : "dix" est remplacé par le mot :
"sept".
« X. - Le dernier alinéa de l'article 41-1 et le troisième alinéa de l'article
41-9 sont abrogés. »
- (Adopté.)
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - Les dispositions de l'article 25-4 de l'ordonnance du 22 décembre
1958 précitée sont applicables aux personnes intégrées dans la magistrature au
titre de l'article 24 de la même ordonnance antérieurement à l'entrée en
vigueur de la présente loi organique. »
Par amendement n° 7, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de compléter
in fine
cet article par les mots : « , ainsi qu'aux magistrats recrutés
par concours exceptionnels. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Cet amendement vise à rendre plus équitable le dispositif de
l'article 5, en l'étendant aux magistrats recrutés par la voie des concours
exceptionnels.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Il est certainement équitable d'ouvrir aux magistrats recrutés par la voie des
concours exceptionnels cette faculté de rachat de droits à pension, limitée
jusqu'à présent aux seuls magistrats recrutés sur titres, par la voie de
l'intégration directe.
Comme ces derniers, ils ont en effet une vie professionnelle, parfois longue,
qui est antérieure à leur entrée dans la magistrature et qui doit pouvoir être
prise en compte, sous certaines conditions, pour leur droit à pension de
retraite de l'Etat.
Mais la question mérite d'être approfondie sur au moins deux points.
Le premier est le coût de cette extension. C'est en effet un dispositif très
favorable, dérogatoire aux règles habituelles du régime de retraite des agents
publics. Il faut donc en évaluer l'impact, en fonction du nombre de magistrats
effectivement concernés, c'est-à-dire issus du secteur privé ou des professions
libérales.
Le second est le champ de cette extension. Il faut examiner si les magistrats
recrutés par la voie du troisième concours d'accès à l'ENM, ouvert aux
personnes justifiant d'une expérience dans le secteur privé, ne devraient pas
également être concernés.
Tous ces points sont en cours d'expertise. C'est pourquoi ces dispositions
nous semblent prématurées.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je croyais que nous étions bien d'accord, madame le garde des
sceaux ? Peut-être ai-je été un peu sommaire. Je vais donc m'expliquer,
certains de nos collègues pouvant s'étonner que nous permettions à des
personnes devenues magistrats par concours exceptionnel de bénéficier, pour
leur retraite, des annuités d'ancienneté qu'elles ont acquises au cours de
leurs activités professionnelles antérieures.
Si nous voulons effectivement que soient recrutés des magistrats par concours
exceptionnel - ce dont nous avons absolument besoin - il faut évidemment qu'ils
puissent conserver leur situation en matière de retraite. C'est la raison
profonde de cet amendement qu'il serait tout à fait équitable d'adopter.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Sur le fond, nous sommes parfaitement d'accord avec M.
le rapporteur.
En revanche, comprenez qu'il faut une expertise, sans laquelle nous tomberions
sous le coup de l'article 40, car il s'agit d'une dépense importante. Nous ne
pouvons donc pas nous engager sans connaître l'incidence d'une telle mesure.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Mais c'est un rachat d'annuités ! Nous ne leur faisons pas de
cadeau ! Ils devront racheter leurs annuités.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Sans expertise préalable, je ne peux pas être favorable
à l'amendement n° 7.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, ainsi modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article additionnel après l'article 5
M. le président.
Par amendement n° 17, MM. Haenel, Gélard, André et les membres du groupe du
Rassemblement pour la République et apparentés proposent d'insérer, après
l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 26 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée est
complété
in fine
par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les années d'activité professionnelle accomplies par les magistrats recrutés
par les voies du deuxième et du troisième concours d'accès à l'Ecole nationale
de la magistrature, ainsi que ceux recrutés au titre de l'article 18-1 de la
présente ordonnance, sont prises en compte pour leur classement indiciaire dans
leur grade et pour leur avancement. Ces dispositions sont applicables aux
magistrats concernés qui ont été nommés dans les dix années qui précèdent la
date d'entrée en vigueur de la loi organique n°... du... modifiant les règles
applicables à la carrière des magistrats.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du
présent article. »
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel.
Permettez-moi, avant de présenter cet amendement, de faire une petite mise au
point à l'adresse de Mme la ministre.
Tout à l'heure, madame la ministre, vous m'avez invité à téléphoner la réponse
aux observations que j'avais faites aux juges du Livre foncier. Chacun le sait
ici, je ne suis le porte-parole de personne, ni d'aucune catégorie quelle
qu'elle soit ! J'avais fait une observation tout à l'heure uniquement en tant
que président de la commission d'harmonisation, un travail étant actuellement
entrepris dans vos services, vous le savez, sur un avant-projet de loi sur le
Livre foncier. Je ne suis donc le porte-parole de personne !
Quant au problème que je vais soumettre maintenant au Sénat avec l'amendement
n° 17, je peux vous dire que je l'ai découvert uniquement à l'occasion de mes
contrôles sur place et sur pièces !
Cela dit, l'ordonnance du 22 décembre 1958 relative au statut de la
magistrature ne prévoit, pour les magistrats recrutés par les voies du deuxième
et du troisième concours ou au titre de l'article 18-1 de cette ordonnance,
aucune prise en compte de leur passé professionnel contrairement aux
magistrats, qui, avec un profil équivalent, ont été recrutés par intégration
directe ou par concours exceptionnels. Le déroulement de carrière des uns et
des autres se trouve dès le départ pénalisé ou bonifié selon qu'ils empruntent
l'une ou l'autre de ces voies d'accès.
Cette disparité contrevient au principe de l'égal accès des citoyens aux
emplois publics, en ne tenant pas compte de leurs capacités, vertus et talents,
et au principe du traitement égal des candidats à la magistrature de même
profil dans le déroulement de la carrière qui leur est proposée.
Il convient donc d'harmoniser ces situations en appliquant à tous un même
principe de reprise partielle d'ancienneté, avec reprise indiciaire,
conformément aux dispositions applicables aux magistrats recrutés par voie
d'intégration directe, par détachement judiciaire ou recrutés par concours
exceptionnels.
Une telle disposition permettra peut-être de remédier à la désaffection de ces
voies de recrutement annuelles conçues pour intégrer dans la magistrature des
candidats d'expérience. D'ailleurs, M. Jean-François Weber, avocat général près
la Cour de cassation, s'est inquiété de cette situation dans son rapport
relatif au recrutement des auditeurs de justice au titre des deuxième et
troisième concours, car maintenir en toute connaissance de cause ces concours
annuels sans revaloriser les carrières de ceux qui y réussissent revient à les
condamner sans avoir le courage de supprimer ce qui demeure une filière de
promotion sociale.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Nous sommes favorables à cette proposition pour des raisons
voisines de celles qui ont été avancées précédemment.
Cet amendement tend à permettre la prise en compte des années antérieures
d'activité professionnelle des magistrats recrutés par le deuxième - ce sont
des fonctionnaires - ou troisième - les personnes concernées ont huit ans
d'expérience dans d'autres activités, en rapport, bien évidemment, avec la
justice - concours d'accès à l'Ecole nationale de la magistrature.
Actuellement, ces magistrats ne bénéficient d'aucun dispositif de reclassement
indiciaire, contrairement aux magistrats recrutés par concours exceptionnel et
aux fonctionnaires recrutés par les deuxième et troisième concours d'accès à
l'ENA. Il y a donc une distorsion qui n'est pas justifiée.
Les magistrats issus des deuxième et troisième concours sont donc classés au
même niveau indiciaire que les magistrats issus du premier concours bien qu'ils
aient naturellement déjà acquis une ancienneté soit dans la fonction publique,
soit dans d'autres secteurs professionnels. C'est donc par souci d'équité -
notamment par rapport aux fonctionnaires issus des deuxième et troisième
concours de l'ENA - qu'il apparaît justifié de prévoir un tel dispositif de
reclassement indiciaire et la commission est favorable à l'amendement n° 17.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je vous prie de bien vouloir me pardonner, monsieur
Haenel, si la façon dont je me suis exprimée vous a blessé, car telle n'était
pas mon intention.
Dans mon commentaire, j'avais oublié cette catégorie de magistrats qui avaient
fait part de leur inquiétude à la commission et qui devraient, selon moi,
connaître rapidement la réponse du Gouvernement. C'est dans cet esprit que je
vous invitais à téléphoner au plus vite, et nullement parce que je vous
considérais comme le porte-parole d'un quelconque groupe de pression ! Je ne
l'ai jamais pensé, monsieur Haenel !
M. Hubert Haenel.
Dont acte !
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
S'agissant de l'amendement n° 17, la position du
Gouvernement est délicate. En effet, s'il est favorable à une telle
proposition, il est défavorable à l'amendement lui-même, et je vais m'en
expliquer.
Nous partageons le souci des auteurs de l'amendement de voir revaloriser le
concours interne et le troisième concours d'accès à l'ENM, et le Gouvernement
est favorable au principe d'un reclassement indiciaire des magistrats issus de
ces recrutements pour tenir compte de leur expérience antérieure. Des
dispositions de ce type existent d'ailleurs déjà pour les deuxième et troisième
concours d'accès à l'ENM et des mesures similaires figuraient déjà dans
l'avant-projet de loi organique, mais elles ont été disjointes, le Conseil
d'Etat ayant estimé qu'étant ordre purement pécuniaires elles ne présentaient
pas de caractère statutaire et ne relevaient donc pas de loi organique. Elles
seront donc prises par voie réglementaire.
En revanche, le Gouvernement n'est pas favorable à une reprise d'ancienneté
pour l'avancement qui relèverait du champ de la loi organique. J'ai expliqué
tout à l'heure que les dispositions prévues à cet égard pour les seuls concours
exceptionnels, à l'exclusion de toutes les autres voies de recrutement, n'ont
pas vocation à être étendues. Je demande donc le retrait de l'amendement n°
17.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 17.
M. Hubert Haenel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel.
Je propose que le Sénat vote cet amendement aujourd'hui, étant entendu qu'à
l'occasion de la navette qui va s'instaurer vous aurez l'occasion, madame la
ministre, d'en discuter à nouveau à l'Assemblée nationale et de montrer que
vous êtes prête à déposer un projet de décret dans ce sens-là.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
D'accord !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi organique, après l'article 5.
Article 6
M. le président.
« Art. 6. - Les dispositions du troisième alinéa de l'article 39 de
l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée, dans la rédaction résultant de
l'article 3 de la présente loi organique, ne sont pas applicables aux
magistrats qui exercent ou ont exercé les fonctions de président de chambre
d'une cour d'appel ou d'avocat général à la date d'entrée en vigueur de cette
loi. »
Par amendement n° 8, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de compléter
cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 39 de l'ordonnance du 22
décembre 1958 précitée, dans la rédaction résultant de l'article 3 de la
présente loi organique, ne sont pas applicables aux magistrats qui justifient
de dix années de services effectifs au second groupe du premier grade à la date
d'entrée en vigueur de cette loi. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 19, présenté par le
Gouvernement et tendant, dans le texte proposé par l'amendement n° 8 pour
compléter l'article 6 par un alinéa, à remplacer les mots : "qui justifient de
dix années de services effectifs au second groupe du premier grade" par les
mots : "du second groupe du premier grade qui justifient de plus de dix années
de services effectifs au premier grade".
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 8.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Cet amendement nous a paru nécessaire pour tenir compte du
fait que nous imposons une condition de mobilité supplémentaire pour entrer
dans la catégorie hors hiérarchie à des magistrats qui ne pouvaient
naturellement pas prévoir l'introduction de cette nouvelle condition et qui
peuvent être parvenus à dix ans d'ancienneté dans le niveau hiérarchique
immédiatement inférieur aux emplois hors hiérarchie. L'application du nouveau
texte les obligerait donc à changer de juridiction, voire à rétrograder s'ils
ne parvenaient pas à trouver un poste de niveau équivalent, pour pouvoir
ensuite parvenir à la hors hiérarchie.
Afin de ne pas pénaliser les « anciens », l'amendement n° 8 de la commission
prévoit donc une disposition transitoire, qui ne s'appliquera qu'aux magistrats
qui, au moment de l'entrée en vigueur du présent projet de loi, se trouveront
dans la situation que je viens d'évoquer ; ceux qui auront dix ans d'ancienneté
au second groupe du premier grade seront donc soustraits à l'application des
nouvelles règles.
Je dois dire immédiatement, et, ce faisant, je m'explique sur le
sous-amendement, ce qui m'évitera de reprendre la parole, que ce dispositif
pouvait apparaître trop restrictif, eu égard notamment à la situation des
magistrats provinciaux, qui passent d'abord par le premier groupe du premier
grade. Tout cela n'est pas simple, mais il y en a qui arrivent, paraît-il, à
s'y retrouver ! (
Sourires.
)
Le sous-amendement n° 19 vise précisément à étendre le dispositif transitoire
aux magistrats actuellement placés au second groupe du premier grade qui
justifient plus de dix années de services effectifs au premier grade. L'ordre
des mots étant inversé, on croirait que c'est du Molière ! Quoi qu'il en soit,
la commission est favorable à ce sous-amendement.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux, pour donner l'avis du Gouvernement
sur l'amendement n° 8 et pour présenter le sous-amendement n° 19.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Le Gouvernement est évidemment favorable à l'amendement
n° 8 de la commission, d'autant que celle-ci accepte le sous-amendement n° 19
du Gouvernement, sur lequel je ne reviens pas.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 19, accepté par la commission.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifié, l'amendement n° 8, accepté par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 6, ainsi modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Divisions et articles additionnels après l'article 6
M. le président.
Par amendement n° 9, M. Fauchon, au nom de la commission, propose d'ajouter,
après l'article 6, une division additionnelle ainsi rédigée :
Chapitre II
Dispositions relatives
au régime disciplinaire des magistrats
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Pour les mêmes raisons que précédemment, à propos de
l'amendement n° 1, je demande la réserve de cet amendement jusqu'après l'examen
de l'amendement n° 13.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Favorable.
M. le président.
La réserve est de droit.
Par amendement n° 10, M. Fauchon, au nom de la commission, propose d'ajouter,
après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le cinquième alinéa (4°) de l'article 45 de l'ordonnance du 22
décembre 1958 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
«
4° bis. -
L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximum
d'un an, avec privation totale ou partielle du traitement ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Nous en parvenons aux questions d'ordre disciplinaire.
Je rappelle, car c'est important, que si nous abordons le domaine
disciplinaire, ce n'est pas du tout pour toucher au fond des obligations
disciplinaires des magistrats. En aucune façon ! Nous ne traitons que des
questions de procédure, et ce dans les seuls domaines visés dans le rapport du
Conseil supérieur de la magistrature.
Lors de la préparation de mon rapport, j'ai, comme à l'habitude, entendu les
représentants des différentes catégories de magistrats, des syndicats, etc.,
ainsi que les chefs de cour et les hauts responsables des plus hautes
juridictions : tous m'ont dit qu'il s'agissait de dispositions très
raisonnables, qui ne faisaient pas du tout de difficulté dans leurs rangs. Je
crois donc qu'il n'existe aucun contentieux sur ce point.
Nous avons puisé trois dispositions dans une liste plus longue établie par le
CSM. Celui-ci fait observer, dans son rapport, que la gamme des sanctions est
trop sommaire et qu'il manque une sanction intermédiaire,...
M. Hubert Haenel.
C'est vrai !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
... à savoir l'exclusion temporaire de fonctions, pour une
durée maximale d'un an, avec privation totale ou partielle du traitement.
Le CSM dit qu'une telle sanction permettrait de tirer les conséquences
disciplinaires de comportements qui, sans justifier l'éviction définitive du
corps, mériteraient d'être sanctionnés par une mesure plus sévère que celles
qui sont prévues par l'actuel article 45 du statut.
Il s'agit donc d'instaurer un peu plus de souplesse dans le système de
sanctions. Cela est souhaité par le CSM, approuvé par toutes les personnes
concernées et, répondant par avance à votre objection, j'ajouterai que, puisque
c'est une bonne chose, plus vite on la fera et mieux cela vaudra !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Tout le monde a entendu ce que j'ai dit tout à l'heure,
y compris M. le rapporteur. Je reste sur ma position défavorable parce que
c'est là un autre débat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi organique, après l'article 6.
Par amendement n° 11, M. Fauchon, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 50-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée, il est
inséré un article 50-2 ainsi rédigé :
«
Art. 50-2
. - Le conseil supérieur de la magistrature est également
saisi par la dénonciation des faits motivant les poursuites disciplinaires que
lui adressent le premier président de la Cour de cassation, les premiers
présidents de cour d'appel ou les présidents de tribunal supérieur d'appel.
« Copie des pièces est adressée au garde des sceaux, ministre de la justice,
qui peut demander une enquête à l'inspection générale des services judiciaires.
»
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il s'agit de la saisine du CSM, qui statue en matière
disciplinaire concernant les magistrats du siège.
Nous ne touchons pas aux magistrats du parquet, qui sont encore, sous réserve
de l'adoption des réformes en cours, dans l'ancien système. A leur égard, le
pouvoir disciplinaire est exercé par le ministre et le CSM ne donne qu'un
avis.
Actuellement, en ce qui concerne donc les magistrats du siège, la saisine du
CSM pour des faits disciplinaires appartient à la chancellerie.
Mme Guigou, alors garde des sceaux, nous a souvent déclaré qu'elle ne voulait
pas prendre d'initiatives qui pouvait laisser penser que le ministre pouvait
avoir des raisons plus ou moins opaques de saisir ou de ne pas saisir.
Cette saisine par la chancellerie, à tort ou à raison - je suis convaincu que
c'est à tort -, donne en effet lieu à des interprétations dans la mesure où
elle présente un côté un peu mystérieux. D'où l'idée que la saisine du CSM
devrait appartenir aussi - il ne s'agit pas de déposséder la Chancellerie - aux
premiers présidents de cour d'appel.
C'est une idée qui vient de loin. Elle avait été présentée par M. Truche dès
1997, alors qu'il était premier président de la Cour de cassation. Elle figure
dans le rapport du CSM. Le Conseil estime ainsi qu'il conviendrait d'attribuer
un tel pouvoir aux chefs de cour. Cette proposition figure également dans le
troisième rapport annuel du Conseil supérieur de la magistrature. Elle est
enfin incluse dans l'avant-projet de loi organique relatif au statut des
magistrats, communiqué au CSM.
Je crois qu'il est tout à fait intéressant de donner cette responsabilité aux
premiers présidents de cours d'appel. J'en ai reçu plusieurs ; ils m'ont dit
qu'il l'acceptaient volontiers, que même ils la souhaitaient. Il est, en effet,
souhaitable, de donner aux chefs de ce corps, surtout au niveau régional, des
responsabilités accrues ; cette idée était également sous-jacente aux
intentions de la chancellerie.
Il est évident qu'un premier président sera plus près de la réalité, aura plus
conscience de ce qui a pu se passer, de ce qui justifie une poursuite
disciplinaire. Il pourra éventuellement entendre un plaignant.
Il n'est pas question, dans notre esprit, de permettre la saisine directe du
CSM par quelqu'un qui aurait à se plaindre d'une faute disciplinaire d'un
magistrat ; on ouvrirait ainsi, probablement la porte à bien des abus. Mais les
premiers présidents de cours d'appel, disséminés à travers tout le territoire,
peuvent avoir une vue concrète des choses, et leur approche des problèmes sera
beaucoup plus technique, moins suspecte d'interprétation politique.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons, mes chers
collègues, de voter cet amendement, qui correspond à un voeu du CSM et qui n'a
soulevé aucun problème au cours des auditions auxquelles j'ai procédé.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Dans la même logique que précédemment, je suis
défavorable à cet amendement.
A cet argument de fond, j'ajouterai un argument rédactionnel.
En effet, en l'absence du mécanisme de suppléance du premier président de la
Cour de cassation comme président du conseil de discipline, le cumul de cette
qualité avec celle d'autorité de saisine poserait difficulté au regard de
l'exigence d'impartialité de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention
européenne des droits de l'homme.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 11.
M. Hubert Haenel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel.
L'amendement de notre collègue M. Fauchon me semble particulièrement bienvenu.
Il est souvent arrivé, dans le passé, que des premiers présidents de cour
d'appel aient demandé à la chancellerie de saisir le Conseil supérieur de la
magistrature sur le plan disciplinaire et que leur demande n'ait pas été suivie
d'effet pour des raisons diverses et variées. Je dis bien « dans le passé »
car, depuis trente ans que je suis les problèmes de justice, j'ai vu bien des
choses et sous tous les régimes !
Par ailleurs, cet amendement vise à donner plus de responsabilités, mais aussi
plus d'autorité aux premiers présidents de cours d'appel, ce qui est une bonne
chose également.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Pour tenir compte de l'observation effectivement pertinente
de Mme la ministre, je souhaite rectifier cet amendement n° 11 en supprimant,
dans le deuxième alinéa, les mots : « le premier président de la Cour de
cassation ».
Cet alinéa se lirait donc ainsi : « Le Conseil supérieur de la magistrature
est également saisi par la dénonciation des faits motivant les poursuites
disciplinaires que lui adressent les premiers présidents de cour d'appel ou les
présidents de tribunal supérieur d'appel. »
M. Hubert Haenel.
Très bien !
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Nous évitons ainsi la difficulté soulevée par Mme la ministre
sans rien changer à l'essentiel.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 11 rectifié, présenté par M. Fauchon, au
nom de la commission, et tendant, après l'article 6, à ajouter un article
additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 50-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée, il est
inséré un article 50-2 ainsi rédigé :
«
Art. 50-2
. - Le Conseil supérieur de la magistrature est également
saisi par la dénonciation des faits motivant les poursuites disciplinaires que
lui adressent les premiers présidents de cour d'appel ou les présidents de
tribunal supérieur d'appel.
« Copie des pièces est adressée au garde des sceaux, ministre de la justice,
qui peut demander une enquête à l'inspection générale des services judiciaires.
»
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Toujours défavorable !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi organique, après l'article 6.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux. Nous les
reprendrons à vingt et une heure quarante-cinq.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une
heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Guy Allouche.
PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
10
CANDIDATURES À UNE COMMISSION MIXTE
PARITAIRE
M. le président.
J'informe le Sénat que la commission des finances m'a fait connaître qu'elle a
procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à la commission mixte
paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en
discussion sur le projet de loi relatif à l'épargne salariale.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission
mixte paritaire aura lieu, conformément à l'article 9 du règlement.
11
CARRIÈRE DES MAGISTRATS
Suite de la discussion et adoption
d'un projet de loi organique
M. le président.
Nous reprenons la discussion du projet de loi organique modifiant les règles
applicables à la carrière des magistrats.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'amendement n° 12,
tendant à insérer un article additionnel après l'article 6.
Divisions et articles additionnels après l'article 6
et division additionnelle avant l'article 1er
(suite)
M. le président.
Par amendement n° 12, M. Fauchon, au nom de la commission, propose d'ajouter,
après l'article 6 un article additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article 57 de l'ordonnance du 22 décembre 1958
précitée est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« L'audience du conseil de discipline est publique. Toutefois, si la
protection de l'ordre public ou de la vie privée l'exigent, ou s'il existe des
circonstances spéciales de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice,
l'accès de la salle d'audience peut être interdit au public pendant la totalité
ou une partie de l'audience, au besoin d'office, par le conseil de
discipline.
« Le conseil de discipline délibère à huis clos.
« La décision qui doit être motivée, est rendue publiquement ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je rappelle
que nous nous sommes séparés, à regret d'ailleurs, tout à l'heure - mais la
présidence en a ainsi décidé - alors que nous étions en train d'examiner les
dispositions disciplinaires que la commission des lois propose d'ajouter,
dispositions qui ne sont relatives qu'à des améliorations de procédure qui ne
soulèvent aucune difficulté dans les milieux concernés. Si tel n'était pas le
cas, leur application pourrait, naturellement, poser des problèmes plus
graves.
Nous examinons à présent la troisième de ces dispositions, qui a trait à la
publicité des audiences disciplinaires du Conseil supérieur de la magistrature,
le CSM. D'ores et déjà, le CSM est conscient du fait que les audiences à
huis-clos, qui sont théoriquement prévues par le texte, ne correspondent pas
aux exigences actuelles de ce que l'on appelle l'Etat de droit, notamment à
celles de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, aux
termes duquel toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
publiquement. Par conséquent, il organise dès maintenant des audiences
disciplinaires publiques, sauf lorsque l'intéressé ne le souhaite pas et
demande qu'il en soit autrement.
Il n'est pas possible de maintenir un tel système, qui n'est pas conforme aux
principes généraux du droit. Nous vous proposons donc d'entériner cette
pratique du Conseil supérieur de la magistrature, mais en la rendant conforme à
ces principes généraux. Ainsi, de droit, les audiences sont publiques, sauf
dans certaines circonstances qui sont prévues par le texte de notre amendement
: « Toutefois, si la protection de l'ordre public ou de la vie privée
l'exigent, ou s'il existe des circonstances spéciales de nature à porter
atteinte aux intérêts de la justice, l'accès de la salle d'audience peut être
interdit au public pendant la totalité ou une partie de l'audience... »
Tel est l'objet de cette troisième disposition de caractère disciplinaire que
la commission des lois vous propose d'adopter et qui, je le répète, ne pose pas
de problèmes dans les milieux concernés.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Les explications de M. le
rapporteur sont très intéressantes. Comme il l'a souligné, en application de
l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, le CSM, entré en
fonction en 1994, a essayé d'assurer la publicité des débats en matière
disciplinaire, depuis 1996 pour l'information du parquet et, depuis 1997, pour
l'information du siège.
Ces dispositions ne nous paraissaient pas essentielles, mais je m'en remets à
la sagesse de l'assemblée sur cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi organique, après l'article 6.
Par amendement n° 13, M. Fauchon, au nom de la commission, propose d'ajouter,
après l'article 6, une division additionnelle ainsi rédigée :
« Chapitre III
« Dispositions diverses »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Le Gouvernement ne peut que s'en remettre à la sagesse
du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le
projet de loi organique, après l'article 6.
Nous en revenons aux amendements n°s 1 et 9, qui avaient été précédemment
réservés.
Tous deux sont présentés par M. Fauchon, au nom de la commission.
L'amendement n° 1 tend à ajouter, avant l'article 1er, une division
additionnelle ainsi rédigée :
« Chapitre Ier
« Dispositions relatives à la carrière
et à la mobilité des magistrats »
L'amendement n° 9 vise à ajouter, après l'article 6, une division
additionnelle ainsi rédigée :
« Chapitre II
« Dispositions relatives
au régime disciplinaire des magistrats »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il s'agit également d'amendements de coordination.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le
projet de loi organique, avant l'article 1er.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, pour lequel le Gouvernement s'en remet à
la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le
projet de loi organique, après l'article 6.
Par amendement n° 14, M. Fauchon, au nom de la commission, propose d'ajouter,
après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le dernier alinéa de l'article 40-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958
précitée, les mots : "le vingtième de l'effectif des magistrats hors hiérarchie
du siège" sont remplacés par les mots : "le dixième de l'effectif des
magistrats hors hiérarchie du siège" »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Il s'agit d'une disposition très particulière qui intéresse
la Cour de cassation et qui répond à un souhait exprimé par le président de
cette juridiction.
Vous savez que la Cour de cassation, qui est de plus en plus surchargée de
dossiers et qui connaît d'ailleurs une certaine difficulté à recruter par les
voies ordinaires, a besoin d'être aidée. L'un des moyens de lui apporter cette
aide c'est d'augmenter le nombre des conseillers de la Cour de cassation en
service extraordinaire. Actuellement, ce nombre est limité au vingtième de
l'effectif des magistrats hors hiérarchie du siège affectés à la cour.
L'amendement tend à le porter au dixième de cet effectif.
Cette disposition sera très utile, me semble-t-il, pour assurer le bon
fonctionnement de cette juridiction, si importante mais terriblement
surchargée.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Selon l'appréciation du Gouvernement, cet amendement
n'est pas lié au texte que nous examinons : il ne concerne pas la carrière des
magistrats et il est donc hors sujet ; on l'a déjà dit à plusieurs reprises.
De plus, le pourcentage des conseillers en service extraordinaire doit être
maintenu pour assurer un équilibre entre les magistrats professionnels et les
autres, sans que ne soit compromise l'augmentation des conseillers et des
avocats généraux en service extraordinaire. Il suffit d'augmenter le nombre des
magistrats professionnels pour, parallèlement, accroître celui des magistrats
en service extraordinaire, qui apportent un concours précieux d'ouverture et
une expérience professionnelle différente à la Cour de cassation.
Il s'agit d'une question délicate et le présent amendement n'apporte pas la
bonne réponse. Je souhaite donc que M. le rapporteur le retire.
Dans le cas contraire, j'émettrais un avis défavorable. La commission des lois
a réalisé un travail important, que je respecte. Nous réexaminerons ce problème
ultérieurement.
M. Hubert Haenel.
Pendant la navette !
M. le président.
Monsieur le rapporteur, l'amendement est-il maintenu ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je suis tout à fait consterné de ne pas pouvoir être agréable
à Mme la ministre. J'espère qu'elle me demandera des choses plus faciles à
accorder dans la suite du débat. Mais, pour le moment, je maintiens
l'amendement. Croyez bien que j'en suis désolé.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi organique, après l'article 6.
Par amendement n° 18 rectifié, MM. Haenel, Gélard et les membres du groupe du
Rassemblement pour la République et apparentés proposent d'insérer, après
l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 151-1 du code de l'organisation judiciaire est ainsi
modifié :
« 1° Dans le premier alinéa, les mots : "une demande soulevant" sont
supprimés.
« 2° Le dernier alinéa est abrogé.
« II. - Dans l'article L. 151-3 du même code, après les mots : "sont fixées"
sont insérés les mots : ", en ce qui concerne les juridictions autres que
pénales,".
« III. - Il est inséré dans le livre quatrième du code de procédure pénale un
titre vingtième ainsi rédigé :
« TITRE XXe
« Saisine pour avis de la Cour de cassation
«
Art. 706-55.
- Les dispositions de l'article L. 151-1 du code de
l'organisation judiciaire ne sont pas applicables aux juridictions
d'instruction et aux juridictions statuant en matière de détention provisoire
ou de contrôle judiciaire, ni aux cours d'assises.
«
Art. 706-56.
- Lorsque le juge envisage de solliciter l'avis de la
Cour de cassation en application de l'article L. 151-1 du code de
l'organisation judiciaire, il en avise les parties et le ministère public. Il
recueille leurs observations écrites éventuelles dans le délai qu'il fixe, à
moins que ces observations n'aient déjà été communiquées.
« Dès réception des observations ou à l'expiration du délai, le juge peut, par
une décision non susceptible de recours, solliciter l'avis de la Cour de
cassation en formulant la question de droit qu'il lui soumet. Il surseoit à
statuer jusqu'à la réception de l'avis ou jusqu'à l'expiration du délai
mentionné à l'article 706-58.
«
Art. 706-57.
- La décision sollicitant l'avis est adressée, avec les
conclusions et les observations écrites éventuelles, par le greffier de la
juridiction au greffe de la Cour de cassation.
« Elle est notifiée, ainsi que la date de transmission du dossier, aux parties
par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
« Le ministère public auprès de la juridiction est avisé ainsi que le premier
président de la cour d'appel et le procureur général lorsque la demande d'avis
n'émane pas de la cour.
«
Art. 706-58.
- La Cour de cassation rend son avis dans les trois mois
de la réception du dossier.
«
Art. 706-59.
- L'affaire est communiquée au procureur général près la
Cour de cassation. Celui-ci est informé de la date de séance.
«
Art. 706-60.
- L'avis peut mentionner qu'il sera publié au
Journal
officiel
de la République française.
«
Art. 706-61.
- L'avis est adressé à la juridiction qui l'a demandé,
au ministère public auprès de cette juridiction, au premier président de la
cour d'appel et au procureur général lorsque la demande n'émane pas de la
cour.
« Il est notifié aux parties par le greffe de la Cour de cassation. »
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel.
Près de dix ans après l'entrée en vigueur de la loi du 15 mai 1991 qui l'a
instituée, la procédure de saisine pour avis de la Cour de cassation a démontré
son utilité. Elle a permis, notamment, de prévenir d'importants contentieux
qu'auraient pu faire naître de nombreuses difficultés d'interprétation
soulevées tant par des textes anciens que par des lois récentes, comme les lois
de 1989 et de 1995 sur le surendettement des particuliers et des familles et
sur le redressement judiciaire civil.
A ce jour, ce sont près de cent cinquante demandes d'avis qui ont été
présentées à la Cour de cassation, témoignant ainsi de la vitalité de
l'institution.
Le dernier alinéa de l'article L. 151-1 du code de l'organisation judiciaire,
issu de la loi précitée, exclut cependant la matière pénale du champ de la
procédure d'avis.
On comprend qu'une telle exclusion ait été retenue à l'époque, dès lors que le
législateur avait fait le choix de renvoyer au décret en Conseil d'Etat le soin
d'organiser les modalités d'application de la procédure d'avis. Mais la
procédure pénale relevant de la loi aux termes de l'article 34 de la
Constitution, il n'était pas possible que les règles applicables devant les
juridictions pénales fussent fixées par décret.
Il paraît aujourd'hui souhaitable d'achever, par voie législative, l'oeuvre
entreprise en 1991. L'exclusion de la procédure d'avis en matière pénale
présente, en effet, d'évidents inconvénients qu'un exemple récent permet
d'illustrer.
Lors de la réforme du code pénal entrée en vigueur le 1er mars 1994, le
législateur a abrogé la peine de l'interdiction légale qui avait pour effet de
priver de tous leurs droits civils les personnes condamnées à des peines de
réclusion criminelle. Très vite s'est posée la question de savoir si les
personnes dont la condamnation était antérieure à l'entrée en vigueur de la
réforme demeuraient soumises à l'interdiction légale. La Cour de cassation,
saisie pour avis par un juge des tutelles dès 1995, n'a pu cependant apporter
de réponse à cette question essentielle, parce que l'article L. 151-1, non
applicable en matière pénale, ne le lui permettait pas.
De manière plus générale, en l'état actuel des textes, l'exclusion de la
matière pénale a pour conséquence d'interdire aux juridictions pénales, en
l'absence de procédures le permettant, de solliciter l'avis de la Cour de
cassation sur une question de droit civil pouvant intéresser le procès
pénal.
En outre, la matière pénale débordant le cadre du droit pénal, il paraît tout
aussi incohérent que la Cour de cassation puisse, le cas échéant, répondre à
une demande d'avis intéressant, par exemple, le droit électoral, mais
impliquant également la mise en oeuvre de principes fondamentaux du droit
pénal, mais que, parallèlement, elle ne puisse mettre en oeuvre ces principes,
dès lors que la question intéresse le droit pénal
stricto sensu.
En un mot, se poseront sans doute rapidement des difficultés d'interprétation
de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption
d'innocence et les droits des victimes. Par conséquent, il serait d'ores et
déjà utile de permettre la saisine de la Cour de cassation pour une
interprétation des textes pénaux.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission est favorable à cet amendement, qui élargit les
possibilités de consultation de la Cour de cassation, en les étendant au
domaine pénal. Cela étant, nous ne voyions pas bien comment cette disposition
aurait pu fonctionner par rapport à une audience de cour d'assises. Mais M.
Haenel a bien voulu rectifier son amendement et la commission y est donc
maintenant favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, dont
l'objet n'a pas de lien avec le texte en discussion.
Cela étant, la disposition que vous proposez, monsieur Haenel, est
intéressante et soutenue par une bonne argumentation. Elle doit trouver sa
place dans une loi simple. Je m'engage, mais le travail est déjà largement
entamé, à procéder à une vraie réforme de la Cour de cassation, et ce par une
loi qui reprenne l'ensemble des dispositions, y compris votre excellente
suggestion qu'il est simplement difficile de prendre en compte dans ce
texte-ci.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 18 rectifié.
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Cet amendement très intéressant, en son principe et en sa finalité, n'est
cependant pas sans poser des problèmes sur lesquels je souhaite attirer
l'attention de la Haute Assemblée.
Nous sommes en matière pénale et, à matière pénale, droit strict : tous les
textes doivent émaner, dans ce domaine, du législateur, et il convient de
veiller aux chevauchements possibles. Je pense ici aux problèmes de nullité de
procédure, qui sont complexes et qui pourraient légitimer des demandes d'avis.
Mais, à la recherche d'un avis, les juges ne vont-ils pas s'abstenir de statuer
et, ce faisant, éviter tout risque de censure ? Je tiens d'ailleurs d'une
autorité très compétente dans ce domaine que l'on commence à constater certains
débordements en ce sens, car, plutôt que de vérifier si l'on se trouve
effectivement en présence d'une question nouvelle, en réalité, on supplée à une
absence de vérification de l'état de la jurisprudence en demandant son avis à
la Cour de cassation.
Je rappelle que cette procédure de demande d'avis est lourde, qu'elle mobilise
un nombre important d'éminents magistrats dont le temps est, du même coup, ôté
à la juridiction.
Enfin, en matière pénale, les questions de délais jouent un rôle important,
renforcé depuis l'adoption des nouvelles dispositions concernant la présomption
d'innocence.
Tel est l'enjeu. Alors, il faut laisser la réflexion se poursuivre. Je
souhaiterais notamment entendre le président de la chambre criminelle, et non
pas seulement le Premier Président, éventuellement aussi tel ou tel avocat à la
Cour de cassation. Car il ne faudrait pas que ce qui est, par sa finalité, une
disposition utile, finisse par se retourner contre l'intention du
législateur.
Donc, à ce stade, bien que plutôt favorables à cette disposition, nous nous
abstiendrons lors du vote, en souhaitant que la navette puisse permettre
d'aller plus loin dans une innovation dont il faut bien mesurer toutes les
conséquences.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 18 rectifié, accepté par la commission et
repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi organique, après l'article 6.
Par amendement n° 16, MM. Haenel, Gélard et les membres du groupe du
Rassemblement pour la République et apparentés proposent d'ajouter, après
l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa de l'article 20 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995
relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et
administrative, les mots : "et des cours d'appel" sont remplacés par les mots :
", des cours d'appel ainsi que de la Cour de cassation". »
La parole est à M. Haenel.
M. Hubert Haenel.
Les assistants de justice, recrutés en application de l'article 20 de la loi
du 8 février 1995, apportent leur concours aux travaux préparatoires des
magistrats des tribunaux d'instance, des tribunaux de grande instance et des
cours d'appel, à la plus grande satisfaction, j'ai pu le vérifier encore
récemment, des juridictions, qui d'ailleurs en demandaient plus.
Le recrutement de collaborateurs de qualité a ainsi permis la mise en place,
dans les juridictions de première instance et d'appel, d'une aide à la décision
dont les résultats sont vivement appréciés.
Il serait souhaitable que la Cour de cassation, dont la charge de travail est
particulièrement lourde, puisse également bénéficier d'assistants de
justice.
Le directeur des services judiciaires, pour lequel - j'y insiste, madame la
ministre - j'ai la plus grande estime, contrairement à ce que l'on a pu laisser
croire tout à l'heure, m'a indiqué, lors d'une récente audition, que la
question était réglée par l'affectation des vingt assistants à la cour d'appel
de Paris et mis à disposition de la Cour de cassation.
Je pense simplement qu'il serait souhaitable de régulariser la situation. Tel
est l'objet de cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Je le rappelle au Sénat, c'est dans cette maison qu'ont été
institués les assistants et, à l'époque, l'idée était apparue saugrenue et
peut-être pas très bien venue. Mais le dispositif est aujourd'hui considéré
comme excellent et tout le monde en est vraiment satisfait.
Nous sommes donc très favorables à ce que la Cour de cassation puisse
bénéficier de la présence d'assistants de justice.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Sagesse !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, accepté par la commission et pour lequel
le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi organique, après l'article 6.
Par amendement n° 20, le Gouvernement propose, après l'article 6, d'ajouter un
article additionnel ainsi rédigé :
« Par dérogation aux dispositions du troisième alinéa de l'article 39 de
l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée, dans sa rédaction résultant de
l'article 3 de la présente loi organique, peuvent également être nommés à un
emploi hors hiérarchie à la Cour de cassation les magistrats exerçant les
fonctions de conseiller ou de substitut général à la cour d'appel de Paris ou
de Versailles, à la date d'entrée en vigueur de cette loi. »
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Cet amendement tend à permettre, à titre transitoire,
aux magistrats exerçant actuellement les fonctions de conseiller ou de
substitut général dans les cours d'appel de Paris ou de Versailles d'accéder
aux fonctions de magistrat hors hiérarchie de la Cour de cassation, auxquelles
ne peuvent prétendre statutairement, en l'état, que les magistrats hors
hiérarchie ou ayant la qualité de président de chambre ou d'avocat général de
cour d'appel.
Cette disposition permettra d'étendre les possibilités de choix du Conseil
supérieur de la magistrature pour pourvoir les emplois de conseiller à la Cour
de cassation, et du garde des sceaux pour ceux d'avocat général à cette Cour, à
des magistrats expérimentés qui, comme les présidents de chambre et avocats
généraux des cours d'appel de province, exercent des fonctions dans les
juridictions du second degré et ont atteint le second groupe du premier grade
de la hiérarchie judiciaire.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi organique, après l'article 6.
Je suis maintenant saisi de cinq amendements présentés par Mme Borvo et les
membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 22 tend à ajouter, après l'article 6, un article additionnel
ainsi rédigé :
« L'article 1er du titre Ier de la loi n° 94-100 du 5 février 1994 sur le
Conseil supérieur de la magistrature est ainsi rédigé :
«
Art. 1er
. - Les magistrats membres de la formation du Conseil
supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du siège sont
désignés dans les conditions suivantes :
« 1° Cinq magistrats du siège parmi les six élus dans les conditions fixées à
l'article 3.
« 2° L'un des magistrats du parquet élu dans les conditions fixées à l'article
3 et désigné dans les conditions fixées à l'article 4. »
L'amendement n° 23 vise à ajouter, après l'article 6, un article additionnel
ainsi rédigé :
« L'article 2 du titre Ier de la loi n° 94-100 du 5 février 1994 sur le
Conseil supérieur de la magistrature est ainsi rédigé :
«
Art. 2
. - Les magistrats membres de la formation du Conseil supérieur
de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du parquet sont désignés
dans les conditions suivantes :
« 1° Cinq magistrats du parquet parmi les six élus dans les conditions fixées
à l'article 3.
« 2° L'un des magistrats du siège élu dans les conditions fixées à l'article 3
et désigné dans les conditions fixées à l'article 4. »
L'amendement n° 25 rectifié a pour objet d'ajouter, toujours après l'article
6, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 3 du titre premier de la loi n° 94-100 du 5 février 1994 sur le
Conseil supérieur de la magistrature est ainsi rédigé :
«
Art. 3. -
Les élections ont lieu à bulletin secret.
« Pour chacun des magistrats élus en qualité de membre, il est procédé, selon
les mêmes modalités, à l'élection d'un suppléant.
« Les magistrats mentionnés aux articles 1er et 2 sont élus au suffrage direct
et au scrutin de liste, à la représentation proportionnelle suivant la règle du
plus fort reste, sans panachage ni vote préférentiel, par l'ensemble des
magistrats de la Cour de cassation, des magistrats du cadre de l'administration
centrale du ministère de la justice et des magistrats placés en position de
détachement.
« Chaque magistrat dispose de deux voix, l'une pour l'élection des six
magistrats du siège et l'autre pour l'élection des six magistrats du
parquet.
« Chaque liste comprend six noms de candidats en qualité de membre et un
nombre égal de candidats en qualité de suppléant, et comporte un nombre égal
d'hommes et de femmes tant en qualité de membre que de suppléant.
« Chaque liste comporte, tant pour les membres que les suppléants, au maximum,
quatre magistrats appartenant à la hors hiérarchie ou à chacun des deux grades
du corps de la magistrature.
« Dans le cas où, pour l'attribution d'un siège, des listes ont le même reste,
le siège est attribué à la liste qui a recueilli le plus grand nombre de
suffrages. Si plusieurs de ces listes ont obtenu le même nombre de suffrages,
le siège est attribué à l'une d'entre elles par voie de tirage au sort. Les
membres et suppléants élus sont désignés selon l'ordre de présentation de la
liste. »
L'amendement n° 24 a pour but d'ajouter, après l'article 6, un article
additionnel ainsi rédigé :
« L'article 4 du titre premier de la loi n° 94-100 du 5 février 1994 sur le
Conseil supérieur de la magistrature est ainsi rédigé :
«
Art. 4. -
Les magistrats mentionnés aux articles 1er (2°) et 2 (2°)
sont désignés au scrutin uninominal à un tour, à bulletin secret, par
l'ensemble des magistrats élus au titre des articles 1er et 2.
« Le magistrat ayant recueilli le plus de suffrages est élu. En cas de partage
égal des voix, le candidat le plus âgé est déclaré élu. »
L'amendement n° 21 tend à ajouter, après l'article 6, un article additionnel
ainsi rédigé :
« Après l'article 4 du titre premier de la loi n° 94-100 du 5 février 1994 sur
le Conseil supérieur de la magistrature, il est inséré un article additionnel
ainsi rédigé :
«
Art....
- Ont la qualité d'électeur les magistrats de l'ordre
judiciaire en position d'activité, de congé parental, de détachement ou
bénéficiaires d'une décharge de service à titre syndical ou pour exercer leurs
fonctions électives à la commission d'avancement ou au Conseil supérieur de la
magistrature.
« N'ont pas la qualité d'électeur les magistrats placés en congé spécial ou
temporairement interdits d'exercer leurs fonctions.
« Sont éligibles les magistrats ayant la qualité d'électeurs qui, à la date
limite du dépôt des listes de candidats, sont en position d'activité dans les
juridictions et justifient de cinq ans de services effectifs en qualité de
magistrat.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application des articles
1er à 4 ainsi que du présent article, et notamment les modalités du vote par
correspondance possible lors des opérations électorales prévues à l'article 3.
»
La parole est à Mme Borvo, pour présenter cinq amendements.
Mme Nicole Borvo.
Les cinq amendements visent à démocratiser la représentation professionnelle
au sein du Conseil supérieur de la magistrature, par une modification de la loi
n° 94-100 du 5 février 1994.
Pour la clarté des débats, je pense préférable de les présenter ensemble.
La démocratisation de la représentation professionnelle au sein du Conseil
supérieur de la magistrature passe, selon nous, par deux modifications
essentielles.
D'une part, il est nécessaire d'assurer une meilleure représentation
sociologique du corps par une minoration du poids de la hiérarchie au sein du
Conseil. D'autre part, il conviendrait que le principe du pluralisme soit mieux
respecté.
Concernant la représentation de la structure, force est de constater qu'à
l'heure actuelle elle est caractérisée par la forte prédominance de la
hiérarchie judiciaire. En effet, sur les six magistrats que comprend chacune
des deux formations du Conseil supérieur de la magistrature, trois sont
directement issus de la haute magistrature : un membre hors hiérarchie de la
Cour de cassation, un premier président de cour d'appel ou un procureur général
près la cour d'appel, selon qu'il s'agit de la formation « siège » ou « parquet
», et un président ou un procureur de tribunal de grande instance selon la
formation en question.
Les trois autres membres sont issus des cours et des tribunaux, par voie
d'élection depuis la réforme constitutionnelle de 1994. N'oublions pas, en
effet, qu'à l'origine ils étaient choisis sur une liste établie par la Cour de
cassation !
Malgré les améliorations apportées par la réforme de 1994, encore aujourd'hui
quelque 600 magistrats, sur les 6 721 que compte le corps judiciaire, sont
représentés à hauteur de 50 % au sein du Conseil supérieur de la
magistrature.
Si nos amendements n°s 22 à 24 étaient adoptés, l'ensemble des magistrats
membres du CSM seraient désormais élus par un collège unique, sans distinction
hiérarchique. Cette réforme, cohérente d'ailleurs avec la simplification des
grades, permettrait d'avoir une représentation sociologique du corps plus
exacte au sein du CSM.
Pour ce qui est de favoriser l'expression du pluralisme, nous vous proposons,
par l'amendement n° 25 rectifié, de modifier le mode de scrutin applicable à
l'élection des magistrats appelés à siéger au sein du CSM. Plus précisément, on
substituerait au scrutin uninominal majoritaire à un tour, actuellement en
vigueur, le scrutin de liste, à la représentation proportionnelle au plus fort
reste.
Le scrutin proportionnel permettrait d'assurer, au sein du CSM, une
représentation professionnelle pluraliste, alors que le mécanisme du scrutin
uninominal à un tour est, comme chacun sait, particulièrement injuste.
Cette réforme du mode de scrutin, qui recueille, me semble-t-il, l'assentiment
de la profession, va d'ailleurs dans le sens d'un alignement du statut des
magistrats judiciaires sur celui des magistrats administratifs, puisque les
magistrats membres du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des
cours administratives d'appel sont actuellement élus au scrutin de liste
proportionnel.
Dans le prolongement de cette logique, nous vous proposons notamment, mes
chers collègues, par l'amendement n° 25 rectifié, d'autoriser les magistrats
exerçant leurs fonctions dans une organisation professionnelle - de même
d'ailleurs que ceux qui effectuent leur service au sein de la commission
d'avancement ou du CSM - à continuer d'être électeurs.
Nous avons conscience, madame la ministre, de ce que cette question se situe
un peu en marge de notre débat, mais elle a, selon nous, le mérite de soulever
des questions de fond, en particulier dans la perspective d'un renforcement du
rôle du CSM à l'égard des magistrats du parquet.
Dans cet état d'esprit, nous souhaiterions entendre les explications du
Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements et nous apprécierons, alors, des
suites à leur donner.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 22, 23, 25 rectifié,
24 et 21 ?
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
La commission émet un avis tout simple : elle ne peut pas
être favorable à cet ensemble d'amendements, et ce pour deux raisons.
Premièrement, nous sortons là véritablement de notre sujet et nous abordons un
tout autre problème qui ne saurait être traité de manière partielle et
fragmentaire. Deuxièmement, il n'y a pas d'urgence.
Je m'explique.
Nous nous sommes occupés du statut des magistrats, et je vous proposerai tout
à l'heure d'intituler le texte « Projet de loi organique relatif au statut des
magistrats ». Il s'agit bien ici de catégories hiérarchiques et autres
questions qui sont connexes et qui relèvent toutes du statut des magistrats.
Actuellement, nous parlons du CSM, ce qui est un tout autre problème. Une
réforme est en cours ; elle est bloquée, mais nous espérons qu'elle ne le sera
pas éternellement. On ne peut pas extraire le problème du mode de scrutin pour
l'élection au CSM de son contexte pour le traiter séparément car, sinon, on
ignorerait beaucoup d'autres aspects du CSM.
Cette façon de traiter le problème s'agissant d'une matière aussi délicate,
d'une aussi grande portée que le CSM ne serait, je me permets de vous le dire,
madame Borvo, pas bien sérieuse et pas bien responsable de notre part.
J'ajoute que, si l'on avait un sentiment d'urgence, si les choix actuellement
opérés par le CSM prêtaient à des critiques graves, on pourrait estimer devoir
remédier au plus vite à une situation fâcheuse.
Mais, pour avoir entendu les différents syndicats et pour avoir évoqué avec
eux cette réforme, qui correspond à une certaine logique, à une certaine
conception, je sais par mes interlocuteurs qu'elle ne relevait pas du tout
d'une critique des choix actuels du CSM mais était simplement la conclusion
logique d'une réflexion générale, en quelque sorte, de caractère théorique.
Donc, il n'y a pas d'urgence à bousculer le CSM et nous ne pouvons être
favorables à ces amendements.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 22, 23, 25 rectifié,
24 et 21 ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Madame la sénatrice, le Premier ministre et le
Gouvernement partagent entièrement vos préoccupations.
Le CSM doit être, dans sa composition et dans le mode de désignation de ses
membres, à l'abri de toute critique de même que son fonctionnement doit être
exempt de toute polémique. Il en va de la crédibilité de l'institution
judiciaire.
Le fait syndical dans la magistrature est une réalité ; il faut en tirer les
conséquences en instaurant un scrutin proportionnel. Telle est la démarche
entreprise par le Gouvernement.
La loi constitutionnelle relative au CSM, approuvée par l'Assemblée nationale
et par le Sénat, va dans ce sens, mais les amendements que vous avez déposés
vont au-delà du simple mode de désignation, puisqu'ils prévoient de modifier la
composition même du CSM.
C'est la raison pour laquelle, outre le fait que les amendements proposés
n'entrent pas dans le cadre de l'objet du projet de loi organique en discussion
aujourd'hui, je me verrai dans l'obligation de vous demander de les retirer
parce qu'ils vont au-delà de ce que vous avez vous-même voté et je pense qu'il
faut continuer à respecter la cohérence de la démarche tant du Gouvernement, de
l'Assemblée nationale que du Sénat. Sachez, madame Borvo, que ce texte finira
bien par être voté !
M. le président.
Madame Borvo, les amendements n°s 22, 23, 25 rectifié, 24 et 21 sont-ils
maintenus ?
Mme Nicole Borvo.
Je les retire, monsieur le président.
M. le président.
Les amendements n°s 22, 23, 25 rectifié, 24 et 21 sont retirés.
Intitulé
M. le président.
Par amendements n° 15, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit l'intitulé du projet de loi organique : « Projet de loi organique
relatif au statut des magistrats ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Avec cet amendement, nous couronnons l'édifice que nous avons
constitué depuis cet après-midi et dont nous ne sommes pas mécontents, je dois
l'avouer, car nous croyons qu'il améliorera sur de nombreux points le
fonctionnement et le statut de la magistrature, en lui donnant son véritable
titre, à savoir projet de loi organique relatif au statut des magistrats.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je ne peux qu'être défavorable à cet amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 15.
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Le présent projet de loi ne concerne qu'une partie du statut des magistrats.
Aussi, je me demande si l'intitulé proposé par la commission correspond bien à
l'objet même du projet de loi.
Comme Mme le garde des sceaux l'a justement fait observer, la question posée
par les amendements déposés puis retirés par Mme Borvo a une grande importance,
l'heure n'est pas venue d'en débattre mais on ne pourra l'esquiver.
Il est, en particulier, un point sur lequel il me paraît indispensable de
remédier à la situation actuelle : c'est le mode de scrutin. Je rappelle que le
rapport de la commission Truche soulignait la nécessité de le modifier. Il faut
passer, pour qu'il y ait en effet possibilité d'expression pluraliste, au
scrutin proportionnel. La question de la composition est infiniment plus
complexe, et il est bien évident que nous ne pourrions la résoudre ce soir. En
effet, elle appelle une très importante concertation.
L'intitulé que nous allons adopter dans un instant est un peu ambitieux, mais
enfin, monsieur le rapporteur, n'y a-t-il pas des moments de grâce ?
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'intitulé du projet de loi organique est ainsi rédigé.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de
droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 319 |
Majorité absolue des suffrages | 160 |
Pour l'adoption |
319 |
Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité.
12
RÉSORPTION DE L'EMPLOI PRÉCAIRE
DANS LA FONCTION PUBLIQUE
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet
de loi (n° 20, 2000-2001) relatif à la résorption de l'emploi précaire et à la
modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de
travail dans la fonction publique territoriale. [Rapport n° 80 (2000-2001)].
Mes chers collègues, je vous rappelle que la conférence des présidents, en
accord avec M. le ministre des relations avec le Parlement, a fixé le début de
notre discussion budgétaire à demain matin à onze heures, à quinze heures et,
éventuellement, le soir, dans le souci, notamment, de faire tenir la discussion
générale dans une seule journée.
Le respect de cet ordre du jour suppose que nous terminions nos travaux au
plus tard à deux heures.
Or je vous rappelle que, sur le projet de loi relatif à l'emploi précaire dans
la fonction publique, neuf orateurs, outre le ministre et le rapporteur,
interviendront dans la discussion générale et que nous aurons à examiner près
d'une centaine d'amendements.
Le rappel de toutes ces données me conduit à appeler chacun d'entre vous -
également vous-même, monsieur le ministre - à la plus grande concision, de
telle manière que nous soyons en mesure de respecter notre ordre du jour de
demain et, notamment, de commencer la discussion du budget à onze heures, dans
le respect des décisions prises.
Je n'insiste pas davantage, chacun ayant compris ce qu'il y avait lieu de
faire.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais m'efforcer de vous
présenter ce texte, que je crois important, de la manière la plus complète et
la plus rapide possible, en renvoyant à la discussion des articles mes
arguments relatifs aux amendements qui ont été déposés.
Le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter ce soir n'est certes pas
le premier du genre, nombre d'entre nous le savent. Depuis une cinquantaine
d'années, l'Etat a été conduit sous des formes diverses à mettre en oeuvre une
quinzaine de plans de titularisation, selon des modalités diverses et sur des
champs plus ou moins larges. Le dernier en date, celui de la loi du 16 décembre
1996, mettait en place pour une durée de quatre ans des concours réservés pour
l'essentiel aux agents non titulaires, maîtres auxiliaires ou relevant du
premier corps de la catégorie C, pouvant justifier de leur présence au 14 mai
1996 et d'une ancienneté de quatre ans dans les huit années précédant cette
date.
Nous arrivons à la fin de ce dernier plan, et deux constats s'imposent.
Ce plan s'est traduit par des résultats substantiels en termes de
titularisation, puisque, au total, plus de 50 000 agents ont été reçus aux
concours et titularisés, ce qui représente la moitié des effectifs recensés en
début de plan. J'observe cependant que ces résultats sont inégaux selon que
l'on regarde la fonction publique de l'Etat ou la fonction publique
territoriale : pour l'Etat, nous devrions avoir titularisé sur les quatre ans
37 300 agents sur les 44 000 recensés en début de plan, soit 85 % des agents
concernés, alors que, pour la fonction publique territoriale, moins de 10 000
agents seront titularisés sur les 50 000 recensés, soit moins de 20 %. Pour la
fonction publique hospitalière, environ deux tiers des 5 600 agents recensés
auront été titularisés. Il y a donc bien une réalité spécifique à la fonction
publique territoriale, tant sur le plan de l'ampleur de l'emploi précaire que
sur les difficultés à le résorber, qui doit nous faire réfléchir.
J'observe également que, pour ce qui est de la fonction publique de l'Etat,
d'une part, le taux de titularisation est un peu supérieur pour les enseignants
à ce qu'il est pour les non-enseignants et, d'autre part, environ 57 % de ces
agents ont été titularisés par la voie de concours réservés prévus par la loi
du 16 décembre 1996, et 43 % par la voie de concours ordinaires.
Mais ce bilan, positif en termes de titularisation, est négatif en termes de
résorption de la précarité, puisque les indications que j'ai, comme vous, à ma
disposition, montrent qu'il y a au moins autant de précarité aujourd'hui que
voilà quatre ans.
Ce constat me conduit, avant que nous entrions dans la coeur du projet de loi,
à faire deux remarques qui me paraissent importantes, et même essentielles.
Si l'on regarde les effectifs des ministères civils depuis vingt ans, et que
l'on compare les évolutions des effectifs budgétaires et des effectifs réels,
on voit que les effectifs réels évoluent d'une manière relativement
indépendante des décisions budgétaires, et même dans les périodes où les
décisions budgétaires ont été les plus restrictives les progressions en
effectifs réels ont été très fortes : ainsi en 1993 et 1994 la loi de finances
ne prévoyait-elle que 1 045 et 2 475 créations nettes d'emplois alors qu'en
réalité les effectifs réels ont progressé en équivalents temps plein de 4 337
et 10 459.
Cela confirme et renforce la détermination du Gouvernement dans le choix
politique qui consiste à privilégier la transparence, la modernisation et la
gestion prévisionnelle, donc le renforcement de la démocratie par une
information plus complète du Parlement et par la mise à sa disposition d'outils
de décisions plus efficaces.
L'Observatoire de l'emploi public, créé par le décret du 13 juillet 2000,
installé le 18 septembre dernier et auquel participent deux parlementaires
dont, bien entendu, un sénateur, est l'un des outils de cette modernisation et
de cette gestion prévisionnelle à laquelle je suis, pour ma part, tout
particulièrement attaché. Cet observatoire est en train de préparer son
programme de travail, avec, en priorité, l'anticipation du bouleversement
démographique que va connaître la fonction publique dans les dix à quinze
prochaines années, mais également, à très court terme, l'analyse du recensement
exhaustif et précis des agents non titulaires actuellement conduit par les
services de l'Etat.
M. Jacques Mahéas.
Très bien !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
La seconde
remarque est tout aussi importante : nous ne devons plus mettre en place de
dispositif exceptionnel de titularisation des agents en situation de précarité
sans prévoir dans le même temps des réformes qui empêchent la reconstitution de
la précarité, c'est-à-dire le recrutement de nouveaux contractuels au lieu et
place de ceux que nous titularisons. Mon souhait est d'en finir avec le tonneau
des Danaïdes de la précarité. Je crois que ce projet de loi le permet.
Ce texte comporte, vous le savez, trois volets. Le premier porte sur la
résorption. Le deuxième, qui est en cohérence avec les choix du Gouvernement en
matière de gestion prévisionnelle, prévoit des dispositions propres à limiter
la précarité pour l'avenir. Enfin, le troisième concerne le temps de travail
dans la fonction publique territoriale, et je le commenterai de manière
séparée.
Le 10 juillet dernier, le Gouvernement a conclu un protocole d'accord avec six
des sept organisations syndicales représentatives des fonctionnaires. C'est ce
protocole d'accord que, très fidèlement, j'ai cherché à traduire dans le
présent projet de loi.
S'agissant du titre Ier sur la résorption de l'emploi précaire, de manière
plus large que le dispositif précédent, le Gouvernement propose d'organiser,
selon des modalités adaptées, des concours réservés, des examens professionnels
ou des titularisations sur titres au profit des agents recrutés à titre
temporaire par l'administration pour assurer des fonctions qui sont normalement
dévolues à des agents titulaires.
Il s'agit bien de résorber la précarité, c'est-à-dire des situations d'emploi
dont la continuité n'est pas assurée aux agents concernés. C'est pourquoi le
plan, qui est un plan sur cinq ans, ne concerne pas les agents recrutés en
contrat à durée indéterminée, dont la situation ne relève pas, à l'évidence,
d'une problématique de précarité.
Le Gouvernement a souhaité assouplir les conditions à remplir par les agents,
compte tenu des limites, voire parfois des difficultés rencontrées dans
l'application du dispositif précédent.
Sur la base d'un socle commun, le projet de loi contient des dispositions
spécifiques à chacune des trois fonctions publiques. Je vous renvoie à la fois
au texte du projet de loi et à l'excellent rapport de M. Hoeffel pour en
analyser les éléments les plus détaillés.
Les dispositions relatives à la modernisation du recrutement, qui font l'objet
du titre II, relèvent de trois approches convergentes vers le même objectif de
réduction de la précarité : compte tenu des considérations actuelles d'emploi
des titulaires, n'utiliser le recrutement de contractuels que lorsque l'emploi
de titulaires s'avère impossible ou inadapté, adapter les concours de manière à
en faciliter l'accès aux agents non titulaires et améliorer les processus
d'organisation des concours et de gestion prévisionnelle des effectifs.
Monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais
immédiatement évoquer la disposition de l'article 13 du projet de loi relative
aux emplois à temps non complet des communes de moins de 2 000 habitants, que
la commission des lois du Sénat propose de supprimer.
Maires pour beaucoup d'entre nous, nous savons tous ce dont il s'agit : depuis
la loi du 13 juillet 1987, les communes de moins de 2 000 habitants peuvent
conclure des contrats à durée déterminée pour pourvoir des emplois permanents à
temps non complet de quotité inférieure au seuil de la CNRACL, la caisse
nationale de retraite des agents des collectivités locales. Cette disposition a
constitué une souplesse de gestion utile dans la mesure où, à l'époque, les
modes de recrutement et les conditions d'emploi des titulaires de la fonction
publique territoriale n'étaient pas encore totalement stabilisés.
Depuis cette loi, plusieurs lois ou règlements sont venus modifier cette
situation : il en est ainsi de dispositions de 1991 et de la loi du 27 décembre
1994, qui a autorisé le recrutement sans concours à l'échelle 2. Par ailleurs,
des dispositions, dont l'usage s'étend progressivement, favorisent la mise à
disposition en temps partagé d'agents titulaires recrutés par les centres de
gestion.
Il apparaît donc aujourd'hui au Gouvernement que les conditions de recrutement
et d'emploi des titulaires à temps non complet se sont considérablement
assouplies. Elles nous permettent ainsi de traiter de manière plus déterminée
la précarité à ce niveau.
J'ajoute - et en cela je confirme ce que j'avais déjà suggéré auprès de la
commission des lois - que, si des dispositions conduisant à assouplir les
règles de cumul sont présentées et peuvent rassurer totalement la
représentation nationale sur ce point, le Gouvernement est prêt à entrer dans
cette voie, étant entendu que de telles dispositions devraient, pour être
juridiquement incontestables, concerner l'ensemble des trois fonctions
publiques.
Je voudrais également insister sur les dispositions des articles 10, 13-IV et
14, qui sont largement communs aux trois fonctions publiques et qui concernent
la modernisation des concours.
L'administration doit s'adapter dans les dix prochaines années non seulement
parfois à de nouvelles missions, mais surtout, dans l'ensemble de ses
compétences, à une nouvelle approche de l'exercice de ses missions, plus proche
de l'usager et prenant en compte le développement des nouvelles technologies de
l'information et de la communication. Les modes de vie évoluent, les carrières
sont de moins en moins linéaires, les jeunes ont totalement assimilé la
mobilité comme une composante de leur évolution de carrière. Dans le même
temps, vous le savez, 40 % à 50 % des fonctionnaires, selon les secteurs, vont
partir en retraite et vont devoir être remplacés.
Il nous faut donc revoir profondément les modes de recrutement et de gestion
des carrières des agents des administrations publiques. Les dispositions du
présent projet de loi constituent une première étape dans ce sens.
Le texte que je vous propose contient en effet l'extension des « troisièmes
concours » à l'ensemble des corps pour lesquels un tel mode de recrutement
s'avérerait pertinent. Cette voie, déjà mise en oeuvre dans les écoles
d'administration générale - l'Ecole nationale d'administration et les instituts
régionaux d'administration -, permettra le recrutement de personnes ayant de
fortes compétences de terrain, ce qui complétera heureusement les compétences
des lauréats des concours plus traditionnels.
Il s'agit également d'élargir la possibilité d'ouvrir des concours sur titres
et d'instaurer - cela répondra pleinement, je crois, à certaines des
préoccupations du Sénat - un principe de validation de l'expérience et des
acquis professionnels pour l'accès aux concours. Sur ce dernier aspect,
monsieur le rapporteur, je reprendrai volontiers l'un des amendements de la
commission des lois visant à étendre ce principe aux collectivités
territoriales.
Ces dispositions, complétées par une simplification des procédures et, pour la
fonction publique de l'Etat, par une nouvelle étape dans la déconcentration de
l'organisation des concours, permettront de rendre plus accessibles aux
contractuels que l'administration est, en tout état de cause, amenée à recruter
ponctuellement les voies ordinaires de recrutement et de titularisation, et
devraient donc, pour l'avenir, limiter le renouvellement de situations de
précarité.
Le projet de loi prévoit enfin, pour la fonction publique territoriale,
quelques dispositions pratiques permettant de progresser dans la gestion
prévisionnelle des effectifs, qui relève soit des centres de gestion pour les
collectivités qui y sont affiliées, soit des collectivités elles-mêmes.
Enfin, le Gouvernement entend mettre en oeuvre un autre moyen d'éviter la
reconstitution de la précarité, et il a commencé à le faire dans le cadre du
projet de loi de finances pour 2001 : il s'agit de transformer des crédits de
rémunération de contractuels en emplois budgétaires,...
M. Jacques Mahéas.
Très bien !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
... de sorte
que les administrations n'aient pas la tentation de remplacer un contractuel
titularisé par un nouveau contractuel. Le projet de loi de finances pour 2001
prévoit environ 5 000 créations d'emploi répondant à cette seule logique, et le
programme pluriannuel pour l'éducation nationale prolonge sur trois ans cette
politique. Enfin, le titre III relatif aux dispositions du temps de travail me
paraît être un élément important du texte qui vous est soumis.
Aucun texte, ni législatif ni
a fortiori
réglementaire, n'établit
jusqu'ici de règles en matière de temps de travail dans la fonction publique
territoriale : c'est sur la jurisprudence que se fondent les normes en la
matière.
La réforme de l'aménagement et de la réduction du temps de travail, organisée
dans le cadre de la loi du 19 janvier 2000 pour les entreprises et dans le
cadre du décret du 25 août 2000 pour la fonction publique de l'Etat, est
l'occasion d'établir un cadre de principe homogène pour l'ensemble des
salariés, et plus particulièrement pour les agents de la fonction publique.
C'est l'esprit de l'article 15 proposé dans ce projet de loi, qui permet la
mise en cohérence de la fonction publique de l'Etat et de la fonction publique
territoriale. Cela signifie évidemment que ces évolutions réglementaires sont
étudiées, discutées et décidées selon des processus parallèles dans les deux
fonctions publiques : c'est ainsi que les dispositions que vous connaissez déjà
pour l'Etat ont, en réalité, été préparées simultanément pour l'ensemble de la
fonction publique. Les conseils supérieurs ont, par exemple, été réunis durant
la même période, et, si le décret intéressant la fonction publique de l'Etat
est déjà publié, ce n'est pas qu'il a été préparé avant, c'est simplement qu'il
ne s'appuie pas sur une disposition législative préalable.
Les dispositions qui seront ainsi reprises dans le décret d'application de la
présente loi sont donc la référence à l'horaire hebdomadaire de 35 heures sur
la base d'un total annuel de 1 600 heures, les limites quotidiennes et
hebdomadaires de l'amplitude horaire et les minima en matière de temps de
repos, dispositions quasiment identiques à celles qui ont été prévues par la
loi du 19 janvier 2000.
L'article de loi qui vous est soumis ainsi que le projet de décret prévu pour
son application respectent ainsi scrupuleusement le principe constitutionnel de
libre administration des collectivités territoriales, en ce qu'il leur confie
le soin de fixer toutes dérogations ou adaptations nécessaires.
J'ajoute que ce texte intéressant dans une large partie les collectivités
locales, il m'a semblé utile de le présenter en premier lieu devant le Sénat,
dont je connais l'attachement à tout ce qui les concerne.
M. Alain Vasselle.
Très bien !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Enfin,
s'agissant de la fonction publique hospitalière, une disposition semblable sera
également présentée au vote du Parlement. Les établissements publics de santé
et les établissements sociaux et médico-sociaux sont régis en la matière par
l'ordonnance du 26 mars 1982, qu'il conviendra donc d'abroger sur ce point. La
ministre de l'emploi et de la solidarité n'a pu réunir pour l'instant les
organisations syndicales représentatives sur ce sujet avant ce débat. Plutôt
donc que de précipiter l'introduction de dispositions en cours de procédure
parlementaire, le Gouvernement préfère introduire les dispositions relatives au
temps de travail dans la fonction publique hospitalière dans le projet de loi
sur la modernisation sociale qui vous sera présenté au début de l'année
2001.
S'agissant de la déclaration d'urgence, mesdames, messieurs les sénateurs,
dont je sais qu'elle peut apparaître comme une brusquerie, quand bien même le
texte est présenté en première lecture devant la Haute Assemblée, elle était
malheureusement nécessaire pour assurer la continuité entre la précédente loi
et le nouveau dispositif : toute solution de continuité risquait de faire de
2001 une année blanche pour la résorption de la précarité, et donc de léser les
agents concernés.
Je tiens enfin à saluer l'excellent travail du rapporteur de la commission des
lois, M. Hoeffel, qui, dans son rapport, a parfaitement su éclairer la Haute
Assemblée sur les différents enjeux du texte que j'ai l'honneur, après que vous
en aurez débattu, de vous demander d'adopter.
(Applaudissements sur les
travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen).
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, répondant à votre appel, je m'en tiendrai, dans ce rapport oral, à
l'essentiel, et je vous renvoie donc, mes chers collègues, à mon rapport écrit,
qui est en distribution depuis quelques jours.
Vous avez choisi, monsieur le ministre, de déposer ce texte en premier lieu
sur le bureau du Sénat, initiative que nous apprécions ; vous avez recours à la
procédure de la déclaration d'urgence, ce que nous regrettons...
M. Pierre Fauchon,
vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation,
du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Ah ça,
oui !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
... d'autant plus qu'il s'agit d'un texte important
concernant les trois fonctions publiques - la fonction publique d'Etat, la
fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière - et visant
un triple objectif : résorber l'emploi précaire, moderniser les procédures de
recrutement et encadrer la réduction et l'aménagement du temps de travail dans
la fonction publique territoriale.
Je ferai rapidement l'état de la situation au moment où ce texte vient en
discussion en rappelant que, s'agissant de la résorption de l'emploi précaire,
tous les contractuels ne se trouvent pas dans une situation précaire et qu'il
ne s'agit pas de condamner en soi le recours aux agents contractuels.
La loi du 16 décembre 1996, dite « loi Perben », a entrepris un effort en
direction de la résorption de l'emploi précaire ; mais force est de reconnaître
que, malgré la titularisation de 55 000 agents, le nombre d'agents non
titulaires de la fonction publique se maintient, d'où l'utilité de ce texte sur
la résorption de l'emploi précaire.
Nous devons aussi regretter l'absence de gestion prévisionnelle des emplois
publics, absence qui sera encore aggravée par la perspective des départs en
retraite dans la décennie à venir et par le problème lourd de l'intégration de
certains emplois-jeunes qui est devant nous. Il suffit de rappeler que
partiront à la retraite d'ici à 2020 les trois quarts des agents en poste
aujourd'hui dans la fonction publique d'Etat et les deux tiers des
fonctionnaires territoriaux.
En ce qui concerne le troisième volet, celui du temps de travail dans la
fonction publique territoriale, aucun texte législatif ou réglementaire
n'établit actuellement la durée hebdomadaire du travail, et la jurisprudence
administrative affirme qu'il appartient à l'autorité municipale de la fixer.
Monsieur le ministre, vous nous avez présenté de manière très complète ce
projet de loi, et je n'ai rien à ajouter à cet égard. J'en viens donc à la
position adoptée par la commission des lois sur ce texte. Je l'exposerai sous
le triple volet de la précarité, du recrutement et de la réduction de la durée
du travail.
La commission vous propose d'adopter le dispositif de résorption de l'emploi
précaire, mes chers collègues. Elle estime toutefois que la méconnaissance par
l'Etat employeur des effectifs concernés doit être dénoncée. Le problème - je
le reconnais, monsieur le ministre - ne date pas d'aujourd'hui. De même,
l'incidence financière du plan de résorption de l'emploi précaire mérite d'être
précisée.
J'ajouterai un certain nombre d'observations.
La première concerne la surrémunération des fonctionnaires dans les
départements d'outre-mer. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous en dire un
peu plus sur ce sujet, dont je reconnais la complexité matérielle, certes, mais
aussi psychologique ?
Deuxième observation : la condition de présence de deux mois sur une période
de référence d'une année nous paraît insuffisante pour qualifier le lien
existant entre l'agent concerné et la collectivité. La commission des lois
proposera donc de porter la durée de cette présence de deux à quatre mois.
Enfin, dernière observation sur ce volet de la précarité, nous souhaitons
interroger le Gouvernement sur les aménagements prévus pour les administrations
parisiennes. Il convient de souligner, à ce propos, que le renvoi au pouvoir
réglementaire ne constitue pas un blanc-seing accordé au Gouvernement, qu'il
doit s'exercer sous le contrôle du législateur.
J'en viens au deuxième volet, la modernisation du recrutement. Il s'agit de
favoriser la souplesse de gestion. Cela nous paraît fondamental, en particulier
en ce qui concerne la fonction publique territoriale.
Il faut rappeler que le recrutement contractuel à temps non complet sur des
emplois permanents dans les petites communes et leurs groupements correspond à
un besoin réel.
M. Alain Vasselle.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Nous le vivons quotidiennement dans l'exercice de notre
métier de maire.
M. Alain Vasselle.
Tout à fait !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Sa suppression priverait les petites communes, 32 000
communes de France sur 36 000 ont moins de 2 000 habitants ! - d'une souplesse
de gestion dont, aujourd'hui, elles peuvent faire usage.
Le quart des agents non titulaires occupant un emploi permanent sont des
agents contractuels recrutés pour un service inférieur à trente et une heures
trente par semaine.
S'agissant du cumul d'activités, nous souhaitons interroger le Gouvernement,
notamment, sur l'interdiction, pour les agents, de travailler pour le compte de
plusieurs employeurs publics ou privés alors qu'ils exercent, à temps parfois
très partiel, des fonctions d'exécution.
M. Alain Vasselle.
Eh oui !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Quelle suite envisage-t-il, par ailleurs, de donner aux
propositions législatives et réglementaires formulées à ce propos par le
Conseil d'Etat en 1999 ?
En tout état de cause et afin d'amorcer une réponse législative, la commission
des lois proposera que l'on permette aux agents qui occupent un emploi à temps
non complet dans les communes de moins de 2 000 habitants et dans leurs
groupements, pour une durée inférieure à la moitié d'un temps plein, d'exercer
une activité privée lucrative à titre professionnel dans des conditions fixées
par décret en Conseil d'Etat.
Nous souhaitons également interroger le Gouvernement sur les conditions de
rémunération des agents concernés.
Le problème se pose également de la prise en compte ou non de l'expérience
professionnelle pour l'admission à concourir en externe dans la fonction
publique territoriale. Cette expérience professionnelle est prise en compte
dans le projet pour la fonction publique d'Etat et la fonction publique
hospitalière, mais non pour la fonction publique territoriale.
M. Alain Vasselle.
C'est scandaleux !
M. Jacques Mahéas.
On va rectifier cela !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Or, actuellement - on peut, je crois, l'affirmer - une telle
injection de sang nouveau, une telle ouverture sur l'extérieur, apparaissent
utiles à la fonction publique territoriale.
J'en arrive au dernier volet, à savoir l'aménagement et la réduction du temps
de travail.
Nous souhaitons que cette réforme s'exerce dans le respect de la libre
administration des collectivités territoriales. Le passage aux 35 heures dans
le secteur privé a montré l'importance d'un débat national à ce sujet. Est-il
réaliste d'assimiler, à propos de l'aménagement et de la réduction du temps de
travail, l'Etat, employeur unique, aux 60 000 employeurs locaux, en ne tenant
pas compte de la très grande diversité de ces employeurs collectivités
territoriales et de la souplesse de gestion qui doit leur être reconnue ?
Le principe de la parité et celui de l'unité de la fonction publique ne
doivent pas conduire à méconnaître les spécificités de la fonction publique
territoriale.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Et puis, la commission des lois tient à réaffirmer clairement
la compétence de l'assemblée délibérante de la collectivité dans la
détermination du temps de travail de ses agents.
Afin d'affirmer son attachement à l'objectif de l'aménagement du temps de
travail - nous respectons le principe du 1er janvier 2002 - la commission des
lois proposera que les collectivités territoriales se déterminent par référence
aux conditions applicables aux agents de l'Etat, tout en tenant compte de la
spécificité de leurs missions. Car ce sont les collectivités territoriales qui
sont en mesure d'apprécier le coût financier du passage aux 35 heures, un
passage qui doit être proportionné à leurs ressources et à leurs besoins en
termes de services publics.
M. Pierre Fauchon,
vice-président de la commission des lois.
Très juste !
M. Paul Girod.
S'il n'y avait que les coûts financiers !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Telles sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les
orientations de la commission des lois sur un texte dont elle approuve, sur
l'essentiel, les principes, tout en affirmant la spécificité des collectivités.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du
RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 31 minutes ;
Groupe socialiste, 25 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 10 minutes.
Mes chers collègues, je vous invite, une fois encore, à faire preuve de
concision.
M. Alain Vasselle.
On n'examine pas un texte de cette importance en séance de nuit la veille de
la discussion du projet de loi de finances ! Ce sera du travail bâclé !
M. le président.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le ministre, les rapports de l'Etat avec ses fonctionnaires sont
vraiment d'actualité, avec les négociations salariales engagées il y a deux
jours !
Vous avez vous-même, il y a quelques mois, dans la presse, donné votre point
de vue sur un Etat plus transparent et plus efficace. J'en citerai deux courts
extraits.
D'abord : « Nous avons de nombreux atouts pour réussir : une administration
plus proche des citoyens, plus mobile, plus réactive ; nos fonctionnaires sont
profondément attachés au service public, bien formés et inventifs lorsqu'on
leur en donne la possibilité... »
Puis : « Le dialogue social ne saurait donc être une vaine incantation ; il
est la condition de la réussite des réformes... ».
Aussi, monsieur le ministre, l'Etat doit donner l'exemple et montrer
clairement que les salariés, en particulier les plus modestes d'entre eux,
doivent avoir leur part de la croissance revenue.
Nous formons donc le voeu ici que les négociations salariales débouchent
positivement et donnent confiance aux agents de la fonction publique. Car, bien
évidemment, la remise en chantier, au travers du projet de loi que nous
examinons, de la résorption de la précarité dans la fonction publique doit
aussi contribuer à donner confiance.
La précarité gangrène la fonction publique.
On connaît les chiffres : 13 % de personnels précaires dans la fonction
publique d'Etat ; 34 % dans la fonction publique territoriale ; 5 % dans la
fonction publique hospitalière selon l'INSEE, mais davantage selon les
organisations syndicales.
Tout le monde le sait, ces chiffres sont à manipuler avec prudence et, de ce
point de vue, la création d'un observatoire de l'emploi public, tel qu'il
résulte de l'accord signé le 10 juillet 2000, est évidemment très positif.
Il va sans dire que, dans ce contexte, le projet de loi que nous examinons est
attendu par un grand nombre de ceux qui ont fait le choix du service public et
qui attendent de celui-ci une légitime reconnaissance.
La multiplication des emplois précaires dans la fonction publique a deux
raisons principales.
La première, c'est le gel de l'emploi public érigé en dogme pendant des
années, au moment même où l'Etat et les collectivités territoriales devaient
faire face à une demande pressante de la part de nos concitoyens.
La seconde, c'est le retard pris depuis des années dans la modernisation des
emplois, notamment dans la fonction publique territoriale.
Aussi serons-nous très attentifs à l'évolution des missions des groupes de
travail mis en place par l'accord du 10 juillet dernier.
Dans la fonction publique territoriale, par exemple - mais ce n'est pas la
seule - des missions exercées par nombre d'agents ne trouvent pas de cadre
d'emploi statutaire. Ce phénomène est connu ; les informaticiens, les
responsables de la communication, les musiciens, pour les villes dotés
d'orchestre - les exemples sont, hélas ! très nombreux - ne peuvent et ne
pourront être titularisés du fait même de l'inexistence des filières dans
lesquelles ils exercent.
Le service public, pour se moderniser, doit intégrer de nouveaux métiers, de
nouvelles compétences, et être capable en permanence de créer les corps
nécessaires au plein accomplissement des missions d'un service public rénové.
Est-ce justice que des milliers de personnes soient privées de cadre d'emploi
du fait même de la lenteur de l'Etat et de ses administrations à se moderniser
?
Quant au gel de l'emploi public, il est battu en brèche - trop lentement, à
mon goût, mais tout de même ! - par la vie elle-même. Aujourd'hui, la
croissance que connaît notre pays, une redéfinition des missions des services
publics, mais aussi les attentes diverses de nos concitoyens en matière de
services publics rendent nécessaire le recrutement dans l'ensemble des trois
fonctions publiques d'agents de l'Etat.
A la seule appréciation des investissements réalisés aujourd'hui par l'Etat ou
les collectivités territoriales, investissements qui participent eux-mêmes à la
croissance et à l'emploi, le gel de l'emploi public est un non-sens.
En outre, quels que soient les secteurs observés, on assistera dans les toutes
prochaines années à de très nombreux départs à la retraite des agents en poste.
Les chiffres sont absolument phénoménaux : 50 %, voire 60 % pour la fonction
publique territoriale. Dans les secteurs de la santé, de la recherche, de
l'éducation et, de manière plus générale, dans l'ensemble des secteurs faisant
appel à du personnel d'encadrement, c'est par centaines de milliers que l'Etat
devra oeuvrer aux remplacements des départs en retraite. Dès lors, sauf à
éradiquer la notion même de service public, le gel de l'emploi public ne peut
perdurer. Ainsi, le texte qui nous est soumis constitue un premier pas
intéressant pour résorber l'emploi public, mais un premier pas seulement. Nous
sommes convaincus qu'il conviendra d'aller bien plus loin encore, conformément
à l'esprit qui animait l'ensemble des signataires de la déclaration du dernier
sommet de la majorité plurielle, le 7 novembre dernier.
Alors que cette déclaration prévoit de pénaliser par des mesures financières
le recours à l'emploi précaire, l'Etat et les collectivités territoriales, mais
également l'ensemble des établissements publics ou para-publics, se doivent, à
mon sens, de montrer l'exemple.
Cela m'amène à évoquer la situation de La Poste. Aujourd'hui, La Poste fait
appel à près de 80 000 contractuels, exclus du dispositif qui nous est proposé,
sur un total de plus de 300 000 agents. Pour autant, la loi du 2 juillet 1990
prévoyait des conditions restrictives au recrutement d'agents contractuels
puisqu'il était question « d'exigences particulières de l'organisation de
certains services ou de la spécificité de certaines fonctions... ». Dans les
faits, une très grande majorité de contractuels exercent les mêmes fonctions et
ont les mêmes obligations que les fonctionnaires avec les mêmes horaires. Dès
lors, et ce sera le sens de l'un des amendements que nous vous proposerons,
rien ne justifie l'exclusion de La Poste et de nombre d'établissements publics
du dispositif que nous examinons.
J'en viens à présent aux emplois-jeunes. Ce dispositif que nous avons soutenu,
mis en place pour répondre aux attentes de très nombreux jeunes exclus de
l'emploi, arrive bientôt à son terme. Conformément à la volonté, là aussi, de
l'ensemble des membres de la majorité plurielle, telle qu'elle s'exprime lors
de la déclaration commune du 7 novembre dernier, l'objectif est de parvenir à
garantir un débouché professionnel à chacun des jeunes inscrits recrutés selon
ces modalités. A cette fin, notre groupe présentera un certain nombre
d'amendements pour permettre aux titulaires d'emplois-jeunes, mais également à
l'ensemble des personnes recrutées dans le cadre de contrats dits aidés,
d'intégrer chaque fois que cela est possible et selon leur voeu les fonctions
publiques.
Certes, s'il ne s'agit pas d'offrir à chacun des jeunes un poste de titulaire
de la fonction publique, au moins s'agit-il de permettre à chacun de bénéficier
d'une égalité de traitement dans l'accès aux carrières de la fonction
publique.
Ainsi nous inscrivons-nous pleinement dans le dispositif proposé aujourd'hui
par le Gouvernement pour résorber l'emploi précaire. Il nous importe cependant
d'en indiquer les faiblesses, voire les limites, dans le but que ce plan
parvienne à une réelle résorption de la précarité dans l'emploi public, comme
vous l'avez vous-même proposé, monsieur le ministre.
On le sait, le dernier dispositif en date mis en oeuvre dans le cadre de la
loi Perben devrait à ce titre nous éclairer. Ainsi, dans la fonction publique
territoriale, comme cela a été rappelé par M. le rapporteur, sur les 50 000
agents recensés en début d'application de la loi Perben, seuls 8 522 ont pu
être titularisés. Dans la fonction publique d'Etat, sur près de 50 000
candidats potentiels, seuls 30 000 ont été intégrés.
Le dispositif qui nous est proposé aujourd'hui est certes plus ambitieux, mais
mérite à mon sens d'être renforcé. Les organisations des personnels sont
porteuses d'un certain nombre de propositions qu'il nous faut entendre et que,
par manque de temps, je ne peux citer dans leur ensemble, mais la mutualisation
des moyens, la mise en place de brigades de renforts, l'instauration de formes
adaptées d'organisation du travail sont pour nous des pistes à exploiter, la
validation des acquis professionnels inscrite dans le texte étant à ce titre
une avancée, qui pourrait être poussée plus loin.
Nous attendons également beaucoup de la réduction du temps de travail dans la
fonction publique, et peut-être pourrez-vous, monsieur le ministre, nous
informer de l'état des négociations sur cette question.
Nous nous étonnons de l'absence de mesures financières adaptées aux visées de
ce projet de loi.
Bien souvent, en effet, la précarité dans la fonction publique territoriale
trouve son origine dans la faiblesse des crédits budgétaires. Une hausse
importante de la DGF permettrait de résorber bien des emplois précaires. Je
crois que l'on ne peut pas s'engager à résorber l'emploi précaire sans prendre
en considération la faiblesse des ressources des collectivités
territoriales.
En effet, combien de titulaires de contrat emploi-solidarité ou de contrat
emploi consolidé remplissent, du fait de la modestie des moyens financiers des
collectivités, des missions dévolues ordinairement à des fonctionnaires et
devraient être titularisés ?
En outre, la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique ne doit
pas se faire au détriment des procédures de promotion des agents titulaires, en
l'absence de moyens financiers adaptés et d'un dispositif « hors contingent ».
Ce risque est réel.
Bien des questions pourraient encore être évoquées mais mon temps de parole
est compté.
Pour nous, la question de l'emploi public n'est pas un dogme mais s'inscrit
pleinement dans le cadre d'une réforme de l'Etat au service du progrès et de la
justice. De la nation à l'Europe, un modèle de développement et de progrès
original peut voir le jour. Les services publics, nationaux - mais pourquoi pas
également européens ? - pourraient constituer dans ce cadre un laboratoire
original où prévalent d'autres choix que la concurrence économique, et ce pour
le bien de tous.
Les amendements que nous apporterons à ce texte participent de cette logique
et nous souhaitons vivement que certains fassent l'objet d'une attention
particulière du Gouvernement et des membres de notre assemblée.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi qui nous réunit aujourd'hui affiche une ambition légitime : donner la
priorité à une meilleure gestion des ressources humaines dans la fonction
publique.
Cette ambition - condition inséparable d'une meilleure gestion publique - a
déjà présidé à la création de l'Observatoire de la fonction publique par décret
du 13 juillet 2000.
Dans un souci de transparence, cet organisme a pour mission de collecter,
d'exploiter et de diffuser l'information sur l'emploi dans les trois fonctions
publiques - ce qui fera de lui un interlocuteur privilégié pour le Parlement -
et de doter l'administration d'outils fiables et opérationnels de gestion
prévisionnelle de l'emploi et des compétences.
Le présent projet de loi s'appuie sur la détermination du Gouvernement à
lutter contre la précarité de l'emploi, tout en oeuvrant à la nécessaire
modernisation de l'Etat.
Dans cette logique, le 10 juillet dernier, le ministre de la fonction publique
et de la réforme de l'Etat a signé un accord avec six des sept fédérations de
fonctionnaires. Etape importante dans la poursuite d'un dialogue social de
qualité, cet accord prévoit un plan de résorption de l'emploi précaire dans les
trois fonctions publiques ; il est complété par un important volet visant à une
meilleure gestion de l'emploi public.
Le Gouvernement, qui s'était engagé auprès des syndicats signataires à prendre
les mesures législatives nécessaires à l'application de l'accord dès 2001, a
donc déclaré l'urgence sur ce texte, afin de relayer le dernier plan de
résorption en cours, dit plan Perben, qui arrive à échéance avec le siècle.
Urgence également, et surtout, parce que la lutte contre toute forme de
précarité constitue une priorité nationale. Urgence encore, parce que le départ
en retraite annoncé d'un grand nombre d'agents dans les dix années à venir
offre à la fonction publique l'occasion unique de reconsidérer ses moyens de
recrutement pour les rendre plus modernes, plus réactifs et, par conséquent,
plus efficaces. Urgence enfin, parce que l'application prochaine de
l'aménagement et de la réduction du temps de travail à la fonction publique
entraîne une réflexion sur l'organisation du travail qui fera bénéficier les
fonctionnaires d'une véritable « avancée sociale », tout en permettant
d'améliorer le service rendu au public. L'urgence est donc justifiée.
Le projet de loi se décline selon trois volets : résorption de l'emploi
précaire, modernisation du recrutement, aménagement et réduction du temps de
travail dans la fonction publique territoriale.
La fonction publique ne saurait tolérer un système de recrutement qui repose
en partie sur l'emploi précaire. Ce constat partagé a déjà donné lieu à des
mesures législatives, qui n'ont pas eu suffisamment les effets escomptés.
Le dispositif Perben du 16 décembre 1996 a abouti à la titularisation de près
de 55 000 agents. Bien que les derniers concours réservés ne soient pas encore
clos, le bilan semble malheureusement d'ores et déjà insuffisant, voire
décevant. Tous les agents en situation précaire n'ont pu être titularisés et la
précarité, loin de disparaître et même de diminuer, s'est reconstituée.
Pour la seule fonction publique territoriale, le bilan de la loi Perben a
montré les limites et l'insuffisance des concours réservés. En près de quatre
ans, moins de 10 000 agents - sur les 50 000 à 70 000 visés - auront pu
bénéficier de l'accès à ces concours, tandis qu'un nombre très important de
contractuels, dont l'ancienneté est supérieure à cinq ans, voire à dix ans,
demeure en fonction dans des conditions très incertaines. Ces chiffres disent
assez combien des mesures efficaces sont attendues pour réguler le recours au
travail précaire. A cette fin, le protocole du 10 juillet envisage un
dispositif à la fois plus ambitieux et plus généreux que le plan précédent.
Eliminons toutefois d'emblée un élément de confusion. Certains se demanderont
sans doute pourquoi les bénéficiaires d'un contrat emploi-solidarité, d'un
contrat emploi consolidé ou d'un emploi-jeune sont exclus du dispositif. Il
faudra alors leur rappeler que nous examinons ici la situation de contractuels
de droit public, alors que la plupart des emplois que je viens d'évoquer
relèvent du droit privé et que l'avenir professionnel de ces personnes n'est
pas nécessairement lié à l'administration. Cela ne signifie pas pour autant que
le Gouvernement néglige leur sort, qui sera, au contraire, discuté dans un
cadre plus large.
J'en viens à présent au plan de résorption qui s'étalera sur cinq ans. Il
concerne les agents en contrat à durée déterminée de droit public exerçant des
fonctions normalement dévolues à des fonctionnaires, qu'ils soient
contractuels, vacataires, temporaires ou auxiliaires. Son champ d'application
est élargi aux trois catégories, alors que les catégories A ou B étaient
écartées du précédent accord. Les conditions d'ancienneté sont également
grandement assouplies.
Je m'attacherai à mettre l'accent sur les « nouveautés » du texte qui nous est
proposé aujourd'hui.
Au-delà des concours réservés, certains non-titulaires pourront bénéficier
d'examens professionnels, notamment les maîtres auxiliaires, et même, dans la
fonction publique territoriale, d'une intégration directe sans changement
d'affectation, car la pratique exige de prendre en compte avec souplesse la
situation d'agents contractuels dont l'emploi s'est, de fait, pérennisé. Les
délais importants d'organisation des concours empêchent de combler rapidement
les vacances dans des emplois pourtant nécessaires au bon fonctionnement des
services, et il a trop souvent semblé plus facile de conserver des agents
connus et formés à l'emploi plutôt que de recruter des candidats issus des
concours.
Attention, toutefois ! Le concours, même spécifique, demeure la règle : il est
seul garant du principe constitutionnel d'égal accès aux emplois publics. Si
les personnels contractuels méritent une reconnaissance légitime, il faut
néanmoins mesurer les risques de dérive statutaire. Le projet de loi va
permettre l'intégration d'agents non titulaires qui ne subiront pas l'épreuve
d'un concours. Pourtant, des concours ordinaires ont été organisés, des
lauréats à des concours demeurent sur liste d'aptitude - les fameux «
reçus-collés » de la fonction publique territoriale - et des fonctionnaires
pris en charge, titulaires de leur grade, restent sans emploi.
L'objet essentiel de ce projet de loi est bien d'esquiver les écueils
précédemment mis à jour, et répondre à l'urgence n'exempte pas de créer des
dispositions pérennes pour éviter la reconstitution de l'emploi précaire, à
commencer, je vous en félicite, monsieur le ministre, par la transformation de
crédits de rémunération de contractuels ou de vacataires en emplois
budgétaires.
Il s'agit également de moderniser les procédures de concours et de mieux
encadrer l'emploi contractuel.
Une politique volontariste de diversification des modes d'accès à la fonction
publique conduit à reconnaître la validation de l'expérience professionnelle et
l'action des bénévoles pour présenter sa candidature à un concours ordinaire,
possibilité qu'il semblerait logique d'étendre à la fonction publique
territoriale, je pense que sur ce point nous sommes tous d'accord, puisqu'elle
est la seule à en être exclue ; c'est d'ailleurs ce que nous proposerons.
Dans certaines conditions, on permettra l'organisation de recrutements de type
troisième concours, autant de mesures qui s'inscrivent dans une perspective
d'ouverture de la fonction publique et de valorisation des compétences acquises
au cours d'un parcours professionnel varié au service ou à l'extérieur de
l'administration.
Quant à la pratique du concours sur titres ou sur « titres et travaux », sa
consécration législative permettra un recrutement rapide et adapté, notamment
pour les emplois à caractère technique ou scientifique, tout en contribuant à
la réduction d'emplois de non-titulaires.
La simplification de l'organisation des concours passe, pour la fonction
publique d'Etat, par une déconcentration : les ministres pourront accorder une
délégation de compétences aux préfets. De surcroît, pendant une durée de cinq
ans, le recrutement au premier niveau de la grille de la fonction publique de
l'Etat s'effectuera sans concours, comme c'est déjà le cas dans les fonctions
publiques territoriales et hospitalières.
En ce qui concerne la fonction publique territoriale, conformément au
protocole signé le 10 juillet 2000, les centres de gestion auront à jouer un
rôle accru quant à la gestion prévisionnelle des emplois.
Enfin, des mesures ont pour vocation d'encadrer le recours légal à l'emploi
précaire. Ainsi les conditions de recrutement des agents contractuels sur des
emplois à temps incomplet sont limitées à 70 % d'un temps complet dans la
fonction publique de l'Etat.
De même, le recours à des contractuels sur des emplois à temps incomplet dans
les collectivités de moins de 2 000 habitants est supprimé. Le Gouvernement
estime que, depuis l'introduction de ce recours en 1987, bien des rigidités ont
disparu et qu'il serait regrettable de maintenir la précarité là où la
souplesse existe. Nous en débattrons à l'appel de l'article 13 et de l'article
additionnel proposé par notre commission des lois qui, lui, conjugue la
question du cumul d'activités publiques et privées, question qui mérite un
ample débat. Dernier axe du projet de loi : son titre III transpose à la
fonction publique territoriale, à compter du 1er janvier 2002, le cadre établi
par le décret du 25 août 2000 pour la fonction publique de l'Etat en matière
d'aménagement et de réduction du temps de travail.
Comme l'avait établi clairement le rapport Roché, les pratiques sont très
diverses. Selon la direction générale des collectivités locales, environ 500
000 agents - soit près de 40 % - bénéficieraient d'ores et déjà de réductions
de temps de travail librement décidées par les collectivités territoriales,
qui, n'ayons pas peur de le dire, se montrent plutôt exemplaires dans ce
domaine.
Bien évidemment, la rédaction proposée veille légitimement à concilier le
principe de libre administration des collectivités territoriales et l'unité de
la fonction publique, donc le principe de parité dans les situations de travail
des agents.
Il importait qu'un cadre national strict permette un traitement égal de tous
les fonctionnaires.
En l'occurrence, il s'agit de définir les règles et garanties essentielles,
dans des termes semblables à ceux qui sont retenus pour les fonctionnaires
d'Etat par le décret du 25 août 2000.
Premier employeur de la nation, l'Etat se devait d'adopter des mesures
volontaristes pour protéger ses salariés contre la précarité, en réduisant
enfin de manière efficace le nombre d'employés hors statut dans les
administrations et les hôpitaux.
Nous devons donc nous réjouir que le Sénat ait la primeur d'un texte qui
permettra de sortir certains agents d'une situation préoccupante, de combattre
des habitudes préjudiciables de gestion des personnels, tout en améliorant non
seulement les conditions de travail des agents, mais également la qualité et
l'efficacité des services rendus par l'administration aux citoyens.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi dont nous sommes saisis comporte trois volets, dont le troisième, celui qui
est relatif à la durée et à l'aménagement du temps de travail, précise
seulement que le droit commun s'applique à la fonction publique territoriale
dans les mêmes conditions qu'à la fonction publique d'Etat, selon des modalités
déterminées par un décret en Conseil d'état.
Cette formulation lapidaire ne prête donc guère à débat, hormis par son
imprécision même et par le fait qu'elle ne fait pas mention de la fonction
publique hospitalière, au sein de laquelle la réduction du temps de travail
n'ira pas sans poser d'énormes problèmes de financement, d'organisation, de
charge de travail pour les personnels et ne sera pas - il faut le craindre -
sans conséquence sur l'attention portée aux patients hospitalisés.
Je m'attarderai donc davantage sur le problème de la résorption de l'emploi
précaire dans la fonction publique territoriale, ainsi que sur les dispositions
envisagées en termes d'assouplissement des recrutements.
Les mesures envisagées étaient nécessaires. Seront-elles suffisantes ? Les
mêmes causes ne finiront-elles pas par produire les mêmes effets ? On peut le
craindre car, pour l'essentiel, les rigidités et les manques de réactivité du
dispositif demeurent. J'y reviendrai dans un instant.
Mais je voudrais, d'abord, m'élever contre le ton souvent excessivement
accusateur qu'emploient les services préfectoraux à l'égard des responsables
des collectivités territoriales, s'agissant des salariés contractuels.
L'Etat est-il tellement plus vertueux dans ce domaine ? Employeur unique,
puisant dans un vivier unique, il devrait pourtant lui être plus facile de
répondre, dans le respect de la réglementation, à ses besoins en
fonctionnaires. On ne peut que s'inquiéter des intentions manifestées par
certains de porter devant la juridiction pénale des affaires de recrutement sur
le fondement de l'article L. 321 du code pénal.
Ce climat ne semble pas le meilleur pour tenter de régler dans la sérénité un
problème réel, conséquence de difficultés réelles pour lesquelles les réponses
appropriées n'ont pas été apportées à ce jour ou n'ont pas été mises en oeuvre
d'une manière suffisamment efficace.
Il convient de souligner également, me semble-t-il, que la précarité est, en
la circonstance, une notion très relative du point de vue des personnes
concernées.
Aucun maire n'engage de contractuel pour contrevenir à la loi. Aucun maire
n'engage de contractuel pour pénaliser l'intéressé. S'il le fait, c'est pour
répondre à un besoin qu'il n'est pas arrivé à satisfaire par ailleurs. Et il
assume le risque que représente le coût considérable des indemnités de chômage
à payer par la collectivité au terme du contrat ou à la suite d'un
licenciement, pour quelque cause que ce soit.
Il s'agit donc moins de protéger des salariés, en vérité fort peu menacés et,
le plus souvent, satisfaits de leur situation, que de se conformer à des
dispositions légales et réglementaires, ambition à laquelle on ne peut, sur le
plan des principes, qu'adhérer pleinement.
Or, il faut bien le reconnaître, les dispositions mises en oeuvre jusque-là ne
permettaient pas d'assumer dans les formes et dans les délais requis cette
ambition, leur efficacité concrète était trop souvent fort contestable et, en
tout état de cause, elle ne permettait pas de tendre vers l'excellence.
Comment, d'ailleurs, pourrait-il en être autrement alors que 50 000 employeurs
potentiels environ sont appelés à choisir dans un vivier unique le
collaborateur ou la collaboratrice qui correspond très exactement à leur besoin
du moment, ce vivier unique représentant de surcroît une part infime de la
population active du pays ? C'est donc, sans doute, plus d'une révolution dont
nous aurions besoin dans ce domaine que de modestes mesures
d'assouplissement.
Certains emplois très spécifiques doivent être obligatoirement occupés par des
personnels ayant suivi une formation de fonctionnaires. Ce sont ceux, surtout,
de la filière administrative.
En revanche, un ingénieur, un technicien, un dessinateur, un moniteur sportif,
un électricien, un conducteur d'énergie n'ont à avoir, dans une collectivité
territoriale, ni une autre formation ni une autre compétence que celle qui leur
serait demandée dans une entreprise de droit privé.
Le bon sens voudrait qu'à compétence professionnelle attestée les
collectivités territoriales puissent, dans cette situation-là, assurer
elles-mêmes un recrutement ouvert. Toutes les règles du management
commanderaient qu'il en soit ainsi.
Dans la pratique, c'est souvent vers des solutions alternatives, mais
insatisfaisantes, que l'on finit par s'orienter, et cela par défaut, alors même
que ces solutions peuvent pénaliser lourdement les agents concernés.
J'illustrerai mon propos par deux exemples très concrets que je connais bien
pour les avoir vécus ces deux derniers mois dans ma commune, mais qui
pourraient être multipliés à l'infini.
A la suite du départ inopiné de deux techniciens territoriaux - les départs ne
sont pas tous programmés, notamment en cette période de reprise économique, et
plus encore au voisinage immédiat de pays proches demandeurs de main-d'oeuvre -
j'ai été dans l'obligation de les remplacer rapidement, l'un pour la gestion du
patrimoine immobilier de la ville, l'autre pour la gestion de la voirie
communale.
Malgré des publications répétées, malgré les demandes formulées auprès des
différents centres de gestion, aucun candidat stagiaire ou titulaire ne s'est
manifesté. En revanche, une trentaine de postulants, titulaires pour le moins
d'un BTS, ont été recensés.
Nous en avons retenu deux. Pour ne pas encourir les foudres du contrôle de
légalité, nous les avons engagés dans les règles, avec le titre et la
rémunération d'agents d'entretien, soit 6 093 francs net par mois, en espérant
qu'ils réussiront, à la prochaine session, leur concours de techniciens
territoriaux.
Celui des deux qui est âgé de trente ans, qui a acquis dans des entreprises de
travaux publics une véritable expérience de terrain, débutera comme stagiaire,
puis atteindra le premier échelon de son grade..., après qu'il aura accompli
son année de formation initiale sur laquelle il y aurait également bien des
choses à dire.
De la même manière, il nous est arrivé tout récemment de devoir remplacer, à
la suite d'un décès, un électricien appelé à travailler d'une manière autonome
et à exercer des responsabilités importantes. Aucun candidat ne s'est présenté
dans le cadre réglementaire. En revanche se sont présentés d'assez nombreux
candidats externes, dont certains à la recherche d'un emploi à la suite de la
défaillance de leur entreprise.
Au grade d'agent d'entretien stagiaire, nous avons engagé un homme de
trente-cinq ans, titulaire d'un BTS et riche d'une longue expérience
professionnelle acquise dans les mines de potasse, qui ont avancé inopinément
la date de cessation de leur activité.
De telles situations ne sont pas compatibles avec la dignité à laquelle peut
prétendre un salarié.
Ce n'est pas de la sorte que l'on donnera à nos collectivités territoriales,
pour les décennies à venir, les moyens humains qui leur seront nécessaires pour
assurer, au service du public, les missions de plus en plus complexes qui sont
les leurs.
Il ne paraît pas normal que, dans une économie en pleine mutation comme l'est
la nôtre, rien ne soit prévu, notamment pour que la fonction publique participe
à la mobilité des compétences et accueille en son sein des hommes et des femmes
qui y trouveraient le prolongement de leur carrière antérieure, sans en perdre
le bénéfice, et qui enrichiraient la collectivité de leur savoir-faire et de
leur expérience.
On ne peut, bien entendu, qu'adhérer à chaque petit pas fait dans le sens d'un
assouplissement de règles qui apparaissent archaïques à bien des égards.
Mais, au point où nous en sommes, il est probable que, d'ici peu d'années, le
problème se reposera dans les mêmes termes, puisque subsisteront pour
l'essentiel la rareté des candidats dans certaines filières, la complexité et
la durée de mise en oeuvre des concours, la fréquente inadaptation des
épreuves, la modestie des traitements de début de carrière, l'impossibilité de
prendre en compte l'ancienneté de service hors fonction publique, la difficulté
de gestion des listes d'aptitude.
Il convient, me semble-t-il, de souligner ici le mérite des centres de gestion
qui, dans ce maquis d'une extraordinaire complexité, s'efforcent de mettre leur
compétence au service des collectivités et des agents territoriaux.
Echelons de proximité à la dimension irremplaçable du département, animés au
quotidien par des élus locaux, lieux de rencontre à travers les commissions
paritaires, ils ont toujours su s'adapter, au gré de l'évolution de la
réglementation, pour répondre à l'attente des collectivités dans les domaines
les plus divers concernant la gestion de leur personnel.
Ils savent également, pour l'organisation de certains concours, pour la
gestion prévisionnelle de l'emploi, pour la mise en oeuvre d'outils techniques,
s'organiser en réseaux de géométrie variable et mettre ainsi en synergie leurs
potentialités.
Leur fonctionnement constitue l'exemple même d'une décentralisation à laquelle
nous sommes fondamentalement attachés, chaque fois qu'elle permet de conjuguer
proximité et efficacité.
Aussi pensons-nous devoir mettre en garde contre toutes les tentations et
toutes les tentatives de centralisation qui ne pourraient conduire qu'à
l'extraordinaire alourdissement d'un fonctionnement déjà bien complexe, nous
l'avons vu, ainsi qu'au renforcement du pouvoir administratif au détriment de
celui des élus, qui tirent leur légitimité du suffrage de leurs concitoyens
d'abord, de leurs pairs ensuite.
La commission des lois, à travers son rapporteur, notre collègue Daniel
Hoeffel, orfèvre en la matière, nous propose, moyennant la prise en compte d'un
certain nombre d'amendements, d'adopter le projet de loi qui est soumis à notre
appréciation.
Je me rallierai, avec mes collègues du groupe du Rassemblement pour la
République, à cette position, tout en étant conscient que d'autres pas
significatifs resteront à faire.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées de RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Garrec.
M. René Garrec.
Monsieur le ministre, je ne vais pas vous expliquer ce projet de loi, vous le
connaissez mieux que moi !
(Sourires.)
Je me contenterai de quelques remarques générales, M. le
président nous ayant demandé d'être brefs.
Depuis cinquante ans, l'Etat s'efforce périodiquement de mettre fin aux
recrutements d'agents non titulaires dans la fonction publique.
Le statut général des fonctionnaires dispose que : « les emplois permanents de
l'Etat, des départements, des communes et de leurs établissements publics à
caractère administratif sont occupés par des fonctionnaires ».
Mais il précise aussi que, par « des dérogations prévues par une disposition
législative », des non-titulaires peuvent être embauchés. Dans certains cas,
pour les assistantes maternelles par exemple, c'est même une obligation.
Ce dispositif permet donc une certaine souplesse dans la gestion du
personnel.
Je ne reviens pas, malgré la tentation, sur le nombre d'agents non titulaires
exerçant dans la fonction publique de l'Etat et dans la fonction publique
territoriale. Malgré les plans de résorption successifs, le nombre de
non-titulaires reste à peu près constant.
Il faut donc reconnaître que les plans précédents n'ont pas pu résoudre le
problème. Pourquoi ? Il y a une explication simple : trop timides, peut-être,
les plans ne concernaient que les catégories d'agents les moins élevés dans la
hiérarchie, les agents de catégorie C. Peut-être aurait-il fallu aller plus
loin, ce que vous faites aujourd'hui avec ce projet de loi, monsieur le
ministre.
Par ailleurs, on constate depuis quelque temps, une certaine désaffection pour
l'administration, en particulier pour la haute fonction publique. Ainsi, le
nombre de candidats à l'ENA a décru d'environ 30 %. Dans le même temps, le
phénomène du « pantouflage », pour reprendre le terme consacré, a pris de
l'ampleur, et l'on assiste à une fuite des cerveaux, qui s'explique sans doute
par la croissance et par les meilleures rémunérations offertes dans le secteur
privé, ainsi peut-être que par le fait que le secteur public apparaît moins
attractif qu'auparavant.
Quoi qu'il en soit, il s'agit d'une perte sèche pour l'administration, qui a
formé ces fonctionnaires, et le Sénat, qui en est bien conscient, a demandé la
mise en place d'une mission d'information sur ce sujet.
Enfin, je m'intéresserai davantage aux collectivités locales, en particulier
aux régions, que je connais mieux.
On rencontre souvent des difficultés pour créer un emploi qui n'entre pas dans
une catégorie connue. On ne sait pas comment le pourvoir, alors on engage un
contractuel et l'on attend l'autorisation du préfet. Ensuite, cette situation
perdure.
Je suis président de ma région depuis 1986 - ce qui est beaucoup trop,
penserez-vous peut-être, monsieur le ministre, vous qui l'avez été moins
longtemps - et je connais des contractuels qui sont employés depuis plus de dix
ans, qui ont les diplômes et les compétences nécessaires. Je trouve un peu
immoral et inique que l'on ne puisse pas les titulariser sur titres ou à la
suite d'un entretien avec un jury d'examen. Ils mériteraient cette
titularisation ; les maintenir dans un statut précaire, c'est leur dénier toute
considération.
Il s'agit bien de précarité, car rien ne dit que j'occuperai encore pendant
vingt ou trente ans la présidence de ma région - ce serait beaucoup ! - et rien
ne prouve non plus que mon successeur, qui ne sera peut-être pas de la même
tendance politique, n'estimera pas que ces personnes sont trop âgées, en tout
cas bonnes à mettre à la retraite, à déplacer ou à oublier dans un placard.
Il faut donc faire quelque chose pour ces fonctionnaires contractuels, dont la
précarité présente peut-être un caractère politique et que l'on devrait pouvoir
traiter de façon normale, comme doit l'être tout fonctionnaire, tout individu
qui a travaillé pour sa collectivité.
J'ai déposé un certain nombre d'amendements, avec un succès très mitigé en
commission, succès mitigé qui s'explique sans doute par la qualité
exceptionnelle du rapport de M. Hoeffel ou par la médiocrité de mes
propositions. En tout cas, il en est un parmi eux que je m'efforcerai de
défendre.
J'avais préparé quelques réflexions malicieuses sur la corrélation qu'il est
possible d'établir entre tous les textes qui paraissent actuellement sur la
fonction publique et les élections, mais le moment me paraît mal venu et, vous
connaissant, la critique mal adressée. Ce serait apparenter votre réflexion
politique à la conjonction des planètes, phénomène rare, ce qui prouve votre
bonne foi.
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Cela dépend
de quelles planètes !
(Sourires.)
M. René Garrec.
La conjonction des planètes est toujours extrêmement rare.
Je ne retiendrai de ce projet de loi que son ambition, qui me paraît
intéressante. Mais, après le rapport excellent de notre rapporteur, M. Daniel
Hoeffel, rapport tout à fait remarquable, auquel mon groupe accorde toute la
considération qui lui est due, pour ma part, je regrette de ne pas avoir pris
le sujet plus en aval, ce que je ferai la prochaine fois.
(Applaudissements
sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est
soumis aujourd'hui comporte deux volets, consacrés l'un à la résorption de
l'emploi précaire et l'autre à l'application des 35 heures dans la fonction
publique territoriale.
La loi sur les 35 heures a été votée mais je veux réaffirmer que cette loi
imposée est contraire à la volonté de nombreux salariés du secteur privé qui
veulent améliorer leur situation et celle de leur famille par leur travail.
Elle est antisociale, car elle condamne ceux dont le salaire de base est
modeste à ne pas pouvoir faire progresser leur revenus. Cela étant dit, des
lors qu'elle a été votée, il est normal qu'elle s'applique au secteur public
comme au secteur privé et, bien sûr, dans les trois fonctions publiques.
Je m'attacherai donc, au nom du groupe du Rassemblement démocratique social
européen, à analyser le volet « emploi précaire » de ce projet de loi, avant de
proposer que cette mesure soit l'occasion de mettre en place une meilleure
répartition territoriale des agents de la fonction publique d'Etat.
Nul ne peut être défavorable à la résorption de l'emploi précaire et à la
volonté de moderniser le recrutement dans la fonction publique. Le bon sens,
comme la volonté de justice nous conduisent à soutenir ces mesures.
D'une part, le bon sens nous pousse à conduire cette réforme puisque, comme
toute démocratie moderne, la France a besoin de se doter d'une fonction
publique performante au moment où toute une génération va devoir être
remplacée.
D'autre part, l'aspect humain et social est primordial. A l'heure où la
société tente de développer des garde-fous contre l'exclusion et la précarité,
certains agents de la fonction publique vivent dans une incertitude
intolérable. Je recevais récemment à ma permanence une jeune femme recrutée
comme contractuelle voilà sept ans et dont les contrats à durée déterminée
étaient renouvelés tous les six mois ! Dans ces conditions, aucun projet
personnel ne lui était possible.
Je crains que cet exemple ne soit pas unique. L'Etat employeur devient
exploiteur, se trouve dans la complète illégalité et impose à son personnel ce
qu'il interdit aux employeurs du secteur privé.
Je me réjouis que l'intégration des contractuels soit favorisée. Leur valeur
ajoutée est forte : ils sont généralement bien formés, spécialisés et ont
accumulé des expériences professionnelles ainsi que des méthode du travail dont
la fonction publique bénéficiera.
Aussi, je comprends mal que certains agents non titulaires de catégorie A,
recrutés en raison de l'absence de lauréats aux concours organisés et capables
d'assumer des fonctions spécifiques ne puissent bénéficier d'une intégration.
Avec mes collègues Fernand Demilly et Bernard Joly, nous avons déposé un
amendement pour que ces contractuels, s'il le souhaitent, puissent bénéficier
d'un CDI.
Cependant, cette intégration ne signifie pas rigidité. Si la possibilité
d'intégration dans la fonction publique territoriale doit être ouverte aux
agents non titulaires, la possibilité de recourir à des contractuels doit être
maintenue pour le recrutement des personnels à temps non complet dans les
petites communes de moins de 2 000 habitants. Monsieur le ministre, la majorité
des 32 000 maires de ces petites communes vous le confirmeraient.
A l'occasion de l'examen de ce texte, je souhaite également vous interroger
sur le devenir des emplois-jeunes. Ils ne sont, bien sûr, pas concernés par le
protocole d'accord du 10 juillet 2000, puisque leurs contrats sont des contrats
de droit privé. Toutefois, comme ils sont financés à 80 % par l'Etat, les 276
000 jeunes recrutés au 1er septembre 2000 ont lieu de s'interroger. Les jeunes
adjoints de sécurité seront vraisemblablement intégrés par un concours
particulier, mais je pense notamment aux 22 % qui sont employés dans les
collectivités locales. Qu'est-il prévu à leur sortie du système ? Le
Gouvernement a raté sans doute l'occasion de conduire une réflexion sur des
jeunes qui, demain, pourraient être en situation de précarité d'emploi.
Je voudrais insister sur le régime exceptionnel et dérogatoire des mesures que
vous envisagez. Le concours doit rester le mode de recrutement par excellence
pour accéder à la fonction publique.
M. Claude Domeizel.
Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou.
C'est sur cette base qu'a pu se constituer une fonction publique de qualité
fondée sur la méritocratie. L'ascenseur social fonctionne efficacement dans le
secteur public.
Enfin, je formulerai un espoir : que cette réforme permette une plus grande
déconcentration des ministères. Face à l'engorgement parisien et au besoin de
proximité des citoyens, vous avez le pouvoir et le devoir, monsieur le
ministre, de conduire cette réforme dans une logique d'aménagement du
territoire.
Vous pouvez, pour cela, vous appuyer sur une expérience : les agents du
ministère des affaires étrangère installés à Nantes ont certainement une
qualité de vie bien supérieure à nombre de leurs homologues parisiens. Vous
inspirerez-vous de cet exemple et des aspirations de la plupart des
fonctionnaires à une meilleure qualité de vie pour redessiner la carte de la
fonction publique de l'avenir ?
Le Gouvernement livre, avec ce projet de loi, un combat permanent et ancien,
puisque le premier plan de titularisation remonte à 1950. Ce rocher de Sisyphe
moderne a résisté à un changement de République et à de multiples
gouvernements, appartenant aux majorités les plus diverses.
Monsieur le ministre, nos attentes sont à la hauteur de l'enjeu. Les
injustices doivent tous nous mobiliser !
(Applaudissements sur les travées
du RDSE, de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président.
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Monsieur le ministre, je prends acte des propos que vous avez tenus sur
l'emploi précaire dans les services de l'Etat à l'étranger. C'est un engagement
ferme de réduire la précarité que connaissent les agents contractuels de l'Etat
français dans le monde que vous avez pris ainsi, et je vous en sais gré.
Mais il est certain que les difficultés que connaissent ces personnels
dépassent de beaucoup le cadre de ce projet de loi. Il faut rappeler que quatre
grandes catégories d'emplois sont précaires dans les services de l'Etat à
l'étranger. Le dénombrement que j'en ferai n'est pas exhaustif. En tout cas, 20
000 personnes sont concernées, dont 25 % de Français.
Les services du réseau diplomatique et consulaire emploient plus de 5 000
recrutés locaux sur des postes administratifs de fonctionnaires.
Le réseau culturel en emploie 5 200, dont 1 000 Français contractuels et
vacataires.
L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, en emploie 10 000,
dont 5 000 enseignants.
Quelques centaines d'assistants techniques contractuels, issus du secteur
privé, sont en fonction, sans garantie de réemploi en France à l'issue de leur
mission.
Il s'agit d'effectifs importants en pourcentage du total des agents de l'Etat
à l'étranger.
Dans le réseau diplomatique et consulaire, les recrutés locaux contractuels et
vacataires représentent 61 % du personnel total et 75 % de la catégorie C. Dans
le réseau culturel, les contractuels et les vacataires représentent au moins 90
% du personnel.
A l'AEFE, la moitié des enseignants sont recrutés locaux.
Un ministre qui a récemment quitté le Gouvernement se scandalisait que les
entreprises aient 10 % de personnels permanents en CDD. L'Etat fait bien pis à
l'étranger et il est généralement très mauvais employeur au niveau tant des
pratiques sociales que des salaires.
M. Aymeri de Montesquiou.
C'est vrai !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Par un télégramme du 13 novembre 1999, le ministre des affaires étrangères a
donné les grandes lignes d'un plan d'action pour le recrutement local qui
dessine, en creux, l'image de relations sociales dignes du XIXe siècle. Il est
ainsi recommandé de respecter enfin le droit local, ce qui signifie qu'il n'est
toujours pas respecté. Des instructions sont données pour l'information des
agents, pour la transparence des recrutements, pour l'élaboration de grilles de
salaires, pour l'assurance maladie des agents ; en pratique, tout cela est très
peu respecté.
Pour ma part, je peux témoigner que, en dépit de quelques exceptions heureuses
dues à la personnalité du chef de poste, ambassadeur ou consul, l'arbitraire
règne toujours en matière de recrutement, de licenciement et de salaires.
Ainsi, il sufffit de placer une assistante bilingue diplômée bac + 5 dans la
catégorie des agents de bureau et de ne pas lui communiquer la grille de
salaire en vigueur pour la payer une misère. Je dis « la » parce qu'il s'agit
généralement de femmes.
L'ambassadeur Amiot signale des pratiques de licenciement, souvent abusifs et
sans indemnités, pour l'année 1998 ; on en relève 180 dans les six premiers
mois de l'année pour le seul réseau diplomatique et consulaire. Ce n'est pas
peu !
Je reconnais que des progrès ont été faits pour l'assurance maladie des agents
français, mais ce n'est pas le cas pour les étrangers. Aux Etats-Unis, la
modicité de rémunération de nos agents contractuels américains ne leur permet
pas de disposer d'une assurance maladie.
Le recours à la vacation horaire est un moyen courant, surtout dans les
services culturels, pour éviter de respecter les droits sociaux.
En fin de contrat, aucune indemnité de licenciement ou de fin de contrat n'est
versée.
Pour conclure, je dirai que notre présence à l'étranger, dans les ambassades
et les consulats, au sein de notre réseau culturel, dans les écoles, dans
l'assistance technique, repose encore, en dépit des déclarations d'intention,
sur l'exploitation des personnels de recrutement local, qui, je le répète, sont
majoritairement des femmes.
Le ministère des affaires étrangères a vu son budget trop diminuer au cours
des 15 dernières années, le nombre de ses emplois trop baisser - il en a perdu
plus de 1 000 en dix ans - pour pouvoir faire fonctionner dignement, dans le
respect des droits de tous ses personnels, son réseau diplomatique, culturel,
scolaire et de coopération.
Je terminerai sur une métaphore : la présence officielle de la France à
l'étranger, c'est le XVIIIe siècle élégant au salon et le sombre XIXe siècle à
l'office. C'est une situation que, par cette loi ou par les mesures à venir,
conformément à vos engagements, monsieur le ministre, le gouvernement de Lionel
Jospin doit corriger au plus tôt.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quatre ans
après la loiPerben sur la résorption de l'emploi précaire dans la fonction
publique, il nous est aujourd'hui proposé de nous pencher à nouveau sur la
situation des effectifs de non-titulaires dans la fonction publique. Est-ce à
dire que la loi Perben n'a pas atteint son objectif ? Je ne le crois pas.
Pour illustrer mon propos, je prendrai comme exemple celui de la fonction
publique territoriale, que je connais de différents points de vue : en tant que
maire, comme président de la commision « fonction publique » à l'Association
des maires de France, l'AMF et aussi comme président d'un centre de gestion.
Le dispositif mis en place dans la loi de 1996 visait surtout à corriger les
effets induits par l'étalement de la construction statutaire sur presque dix
ans et, à ce titre, ce sont les non-titulaires des dernières filières publiées
qui ont été essentiellement concernés, dans la mesure où ceux-ci n'avaient pas
eu la possibilité de passer plusieurs fois le concours correspondant à leur
emploi.
Les secteurs concernés étaient, pour une part, ceux de la filière
médico-sociale, pour lesquels les concours réservés ont, dans l'ensemble, été
organisés de manière satisfaisante. En revanche, pour l'autre part relative aux
filières sportive et culturelle, et en particulier le secteur de l'enseignement
artistique, je regrette que la faiblesse du nombre de concours organisés ait
conduit à une restriction du champ d'application de la loi Perben. Mon collègue
Dominique Perben s'est ému à plusieurs reprises de cette inapplication
préjudiciable à de nombreux personnels, dont les professeurs de musique ; je
pense que cela ne vous a pas échappé, monsieur le ministre.
Par ailleurs, une part importante de non-titulaires, notamment ceux des
filières administratives et techniques, n'était pas touchée par ce
dispositif.
Les mesures proposées dans le premier volet du projet de loi qui nous est
soumis aujourd'hui apparaissent ainsi comme un complément et la continuation du
dispositif engagé en 1996. On ne peut donc qu'y être favorable, sous réserve,
monsieur le ministre, que les concours réservés soient effectivement organisés
et rapidement.
Mais, plus largement, il conviendra de s'interroger sur les dysfonctionnements
qui conduisent en partie à la reconstitution permanente des effectifs de
non-titulaires, notamment la pénurie dans certains cadres d'emplois tels que
celui des administrateurs ou les difficultés relatives à l'insuffisante
mutualisation de la prise en charge de la formation initiale des lauréats de
concours.
Je voudrais aussi attirer votre attention sur les emplois-jeunes, et
souhaiterais connaître, monsieur le ministre, les types de concours qui leur
seront proposés pour mettre fin à la précarité de leur emploi, surtout - vous
le savez bien, mes chers collègues -, que nombre d'entre eux occupent des
emplois de l'administration.
S'agissant du deuxième volet relatif à la modernisation du recrutement,
l'objectif d'éviter la reconstitution des effectifs d'agents en situation
précaire est tout à fait louable. Bien entendu, c'est sur les moyens pour y
parvenir que portera la discussion.
A ce titre, je souhaite attirer votre attention sur la situation des 32 000
communes de moins de 2 000 habitants, comme l'a fait avec beaucoup de
pertinence notre rapporteur M. Daniel Hoeffel : la difficulté de recrutement de
personnel à temps non complet à laquelle nous nous heurtons depuis des années
nous avait conduits à demander à ce que soit expressément autorisé le
recrutement d'agents non titulaires, à défaut d'avoir trouvé un fonctionnaire.
Ce dispositif visait non pas à constituer des emplois précaires, mais bien à
permettre le bon fonctionnement des collectivités.
Je tiens à souligner que nous sommes nombreux à encourager ces agents à se
présenter aux concours. Par ailleurs, nous utilisons pleinement les services de
remplacement mis en place par les centres de gestion. C'est pourquoi nous
priver de cette possibilité qui permet d'assurer la continuité du service
public dans les zones rurales me paraît une erreur.
Dans le même ordre d'idée, je proposerai que soit simplifiée la procédure
d'embauche pour faire face aux besoins occasionnels.
Enfin, sur cette question de l'emploi dans les petites communes, je souhaite
vous rappeler la nécessité d'autoriser certains agents qui effectuent quelques
heures au service de l'administration à compléter leur activité professionnelle
dans le secteur privé - cela permettrait à ces agents d'avoir un revenu décent
et aux communes rurales d'assurer le service public - et ce par une disposition
législative, le renvoi à des décrets d'application, comme le prévoit la loi de
modernisation de l'agriculture ou celle qui est relative à l'organisation et la
promotion des activités sportives, s'étant révélé complètement inopérant.
A ce propos, je rappelle devant la Haute Assemblée que la loi du 1er février
1995 de modernisation de l'agriculture prévoit, à l'article 45, amendé par mes
soins à l'époque, les dispositions suivantes : « Un décret en Conseil d'Etat
fixe les conditions dans lesquelles une personne exerçant à titre principal une
activité professionnelle non salariée agricole peut occuper à titre accessoire
un emploi à temps non complet dans une collectivité locale. » Nous attendons
toujours le décret en Conseil d'Etat. Comme l'a souligné notre rapporteur,
c'était une première avancée. Je rappelle que, à l'époque, vous aviez vous-même
défendu devant la Haute Assemblée le texte qui porte aujourd'hui le nom de «
loi Hoeffel ». Pour ma part, j'avais déposé un amendement qui tendait à
permettre le cumul entre une activité publique et une activité privée. Cet
amendement avait été adopté par le Sénat et rejeté par l'Assemblée nationale.
Je l'avais déposé de nouveau devant la Haute Assemblée, et à l'époque, vous
m'aviez demandé, monsieur Hoeffel, de bien vouloir le retirer, au motif que le
Gouvernement procéderait à la mise en oeuvre de ce dispositif par des mesures
dérogatoires.
Aujourd'hui, je suis heureux de constater que l'initiative vient de celui qui
avait alors présenté le texte et qui est aujourd'hui le rapporteur du nouveau
texte. Cela me laisse à penser qu'un consensus pourra peut-être se dessiner sur
ce dossier au sein de la Haute Assemblée. En effet, j'ai également constaté des
avancées significatives sur les travées de gauche de cet hémicycle, ce qui
démontre que, en définitive, il ne faut jamais désespérer de quoi que ce soit.
Tout peut arriver !
Je suis persuadé, monsieur le ministre, que vous accepterez la disposition qui
vous est proposée par la commission des lois, disposition que nous soutiendrons
avec mon collège Daniel Eckenspieller.
S'agissant des améliorations de la gestion prévisionnelle des emplois et des
effectifs dans les collectivités, je me félicite de la reconnaissance du
travail accompli par les centres de gestion, qui sont au coeur de la gestion de
la fonction publique. Les missions de concertation dont ils auront la charge ne
peuvent que renforcer la gestion locale et favoriser la décentralisation de la
gestion.
En revanche, il est dommage que cette action des quatre-vingt-quinze centres
de gestion ne puisse être coordonnée et que les données sur les emplois et les
effectifs qu'ils détiennent ne puissent être mises en réseau, en disposant pour
cela d'un minimum de support logistique.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je vous demande de prolonger notre
démarche. Tel est l'objet des amendements que je proposerai sur ce point. Il
est souhaitable que soient incitées, voire créées, les conditions d'une réelle
prise en compte du réseau informatique mis en place par de nombreux centres de
gestion, dont l'intérêt pour les élus, et plus largement pour les usagers de
l'administration, est certain. Je me réjouis d'ailleurs qu'il figure sur le
portail « service-public.fr » dont vous êtes à l'origine et mis en oeuvre par
la Documentation française. Son utilité est une évidence.
Sur le troisième volet relatif à l'application des 35 heures dans les
collectivités territoriales, je serai beaucoup plus bref.
La disposition législative ne traite pas des mesures concrètes envisagées.
Toutefois, j'émets le souhait que les mesures relatives à l'aménagement du
temps de travail puissent enfin permettre une organisation du temps de travail
des agents à temps non complet sur un autre cycle que le seul cycle
hebdomadaire. Une telle mesure serait sûrement de nature à réduire le
recrutement de non-titulaires sur les emplois à temps non complet liés au
rythme scolaire et s'inscrirait bien dans le cadre de la résorption de l'emploi
précaire dans la fonction publique territoriale.
Permettez-moi de douter de l'efficacité de cette disposition, mais, surtout,
de relever les difficultés que ne manqueront pas de rencontrer les petites
communes rurales du fait de l'application de la loi sur les 35 heures.
Je suis maire d'une commune de 183 habitants. J'ai un secrétaire de mairie à
temps partiel, un employé de voirie et un emploi-jeune. Comme vous le voyez,
j'ai joué le jeu des emplois-jeunes dans ma petite collectivité !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Le tiers des
emplois !
M. Alain Vasselle.
Oui ! mais je ne pourrai pas pérenniser l'emploi-jeune, parce que mes moyens
ne me le permettront pas. En ce qui concerne l'agent de voirie, qui travaille
trente-neuf heures et prend les congés que la loi prévoit, l'application de la
loi sur les 35 heures priverait ma petite commune d'une partie du travail qu'il
fournit et je ne pourrai pas compenser cette perte par le recrutement d'un
autre agent : comment arriverai-je à trouver quelqu'un qui acceptera de ne
travailler que quinze ou vingt heures pour me permettre de respecter les 35
heures ? Un réel problème d'application de la loi se posera ; je me permets
d'attirer votre attention sur ce point.
Je crois savoir que des mesures dérogatoires pourraient être prises afin
d'apporter une certaine souplesse dans la mise en oeuvre de la loi sur les 35
heures. Je souhaite toutefois que vous puissiez nous en donner la confirmation,
monsieur le ministre, de manière à rassurer la majorité des maires des communes
rurales.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Penne.
M. Guy Penne.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en octobre
1999, alors que M. Zuccarelli était ministre de la fonction publique, j'étais
intervenu sur les conséquences à tirer de la jurisprudence Berkani et pour
faire appel à une prise de conscience nécessaire sur la situation des recrutés
locaux à l'étranger.
Ces personnels sont en constante augmentation, car la faiblesse de son budget
ne permet pas au ministère des affaires étrangères de faire face, uniquement
avec des fonctionnaires, à toutes les missions qui lui incombent. Il est
flatteur de dire que nous avons le deuxième réseau diplomatique du monde, mais
il est inquiétant de voir que, sans les « supplétifs », comme ils se nomment
entre eux, les ambassades, consulats et autres établissements culturels ne
fonctionneraient pas.
J'avais souhaité, voilà un peu plus d'un an, que le Gouvernement s'engage à
étudier « rapidement », avais-je osé dire, cette question, pour corriger
l'image de notre Etat en la matière, qui est celle d'un mauvais employeur et
qui nuit, en fait, à notre action diplomatique.
M. Zuccarelli n'avait pas soutenu l'amendement que j'avais déposé, mais il
s'était engagé à organiser une réunion de travail, qui concerne quelques
milliers de personnes qui oeuvrent pour la France.
Le Gouvernement n'avait certes pas souhaité cela mais, après les navettes
entre les deux assemblées, la situation de nos compatriotes concernés s'est
trouvé aggravée.
Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit par ma collègue, Monique Cerisier -
ben Guiga. Vous trouverez la continuité de ma pensée dans le soutien que
j'apporte, notamment, aux deux amendements sur l'article 1er, déposés au nom du
groupe socialiste, en particulier sur l'initiative de Mme Cerisier - ben Guiga,
M. Biarnès, M. Debarge - en sa qualité d'ancien ministre de lacoopération, il
connaît bien ces problèmes - et Mme Pourtaud.
En conclusion, je résumerai mon propos en trois points.
Premièrement, les contractuels à l'étranger n'occupent-ils pas des emplois
précaires, monsieur le ministre ? Pourquoi n'ont-ils pas, comme leurs collègues
en France, les mêmes possibilités de recrutement dans la fonction publique ? De
la même façon qu'après le texte de M. Zuccarelli, j'espère qu'après l'adoption
du texte de Michel Sapin leur situation ne sera pas rendue plus difficile
encore.
Deuxièmement, s'agissant de la promesse faite par M. Zuccarelli, que vous avez
déclaré reprendre à votre compte en ce qui concerne le rapport d'étape,
pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, dans quels délais vous pensez
mettre en oeuvre cette mesure.
Troisièmement, nous savons que, pour la fonction territoriale, les situations
sont complexes, et elles le sont certainement beaucoup plus pour les personnels
à l'étranger, tant les responsabilités et les localisations géographiques où
elles sont exercées multiplient les cas d'espèces. Mais un texte généraliste
peut prévoir des dérogations.
Dans cet hémicycle, avec quelques collègues, nous sommes disposés à aider le
Gouvernement et à participer à toute séance de travail utile que vous voudrez
bien organiser, monsieur le ministre.
(Applaudissements sur les travées
socialistes, sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur
certaines travées du RDSE et sur les travées de l'Union centriste.)
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Je
n'interviendrai pas longuement, mais je souhaite vous remercier, les uns et les
autres, pour l'appréciation, résultant d'un travail approfondi, qui a été la
vôtre sur ce projet de loi. Le plus souvent, cette appréciation a été positive,
même si, selon les préoccupations des uns et des autres, elle a été plus ou
moins positive.
De nombreuses questions ont été posées au cours de cette discussion générale,
mais il me semble qu'elles trouveront leur traduction dans l'examen des
amendements qui va maintenant s'engager. C'est bien entendu à cette occasion
que j'apporterai des réponses plus concrètes aux problèmes soulevés, mais je
voulais d'ores et déjà vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, de la
qualité de vos interventions.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
Nous passons à la discussion des articles.
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES À LA RÉSORPTION
DE L'EMPLOI PRÉCAIRE
Chapitre Ier
Dispositions concernant la fonction publique
de l'Etat
Article 1er
M. le président.
« I. - Par dérogation à l'article 19 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984
portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, et
sous réserve des dispositions de l'article 2 ci-dessous, peuvent être ouverts,
pour une durée maximum de cinq ans à compter de la date de publication de la
présente loi, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, des
concours réservés aux candidats remplissant les conditions suivantes :
« 1° Justifier avoir eu, pendant au moins deux mois au cours de la période de
douze mois précédant la date du 10 juillet 2000, la qualité d'agent non
titulaire de droit public de l'Etat ou des établissements publics locaux
d'enseignement, recruté à titre temporaire et ayant exercé des missions
dévolues aux agents titulaires ;
« 2° Avoir été, durant la période définie au 1° ci-dessus, en fonctions ou
avoir bénéficié d'un congé en application du décret pris sur le fondement de
l'article 7 de la loi du 11 janvier 1984 susmentionnée ;
« 3° Justifier, au plus tard à la date de nomination dans le corps, des titres
ou diplômes requis des candidats au concours externe d'accès au corps concerné
ou, pour l'accès aux corps d'enseignement des disciplines technologiques et
professionnelles, des candidats au concours interne. Les candidats peuvent
obtenir la reconnaissance de leur expérience professionnelle en équivalence des
conditions de titres ou diplômes requises pour se présenter aux concours prévus
par le présent article. Un décret en Conseil d'Etat précise la durée de
l'expérience professionnelle prise en compte en fonction de la nature et du
niveau des titres ou diplômes requis ;
« 4° Justifier, au plus tard à la date de clôture des inscriptions au
concours, d'une durée de services publics effectifs au moins égale à trois ans
d'équivalent temps plein au cours des huit dernières années.
« II. - Peuvent également être ouverts, pendant une durée maximum de cinq ans
à compter de la date de publication de la présente loi, des concours réservés
aux candidats, recrutés à titre temporaire et ayant exercé des missions
dévolues aux agents titulaires, qui satisfont aux conditions fixées aux 2°, 3°
et 4° du I ci-dessus et remplissent l'une des conditions suivantes :
« - justifier avoir eu, pendant la période définie au 1° du I ci-dessus, la
qualité d'agent non titulaire de droit public des établissements publics de
l'Etat, autres que les établissements publics locaux d'enseignement et que ceux
à caractère industriel et commercial, mentionnés à l'article 2 de la loi n°
83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
« - justifier avoir eu, pendant la même période, la qualité d'agent non
titulaire des établissements d'enseignement figurant sur la liste prévue à
l'article 3 de la loi n° 90-588 du 6 juillet 1990 portant création de l'Agence
pour l'enseignement français à l'étranger.
« Les fonctions exercées par les intéressés doivent correspondre à des emplois
autres que ceux mentionnés à l'article 3 de la loi du 11 janvier 1984
susmentionnée ou que ceux prévus par toute autre disposition législative
excluant l'application du principe énoncé à l'article 3 de la loi du 13 juillet
1983 susmentionnée.
« III. - Les concours réservés prévus aux I et II ci-dessus sont organisés
pour l'accès à des corps de fonctionnaires dont les statuts particuliers
prévoient un recrutement par la voie externe. En outre, les corps d'accueil de
catégorie A concernés sont ceux mentionnés à l'article 80 de la loi du 11
janvier 1984 susmentionnée.
« Pendant une durée maximum de cinq ans à compter de la date de publication de
la présente loi, l'accès des candidats remplissant les conditions fixées au I
ci-dessus aux corps de fonctionnaires de l'Etat classés dans la catégorie C
prévue à l'article 29 de la loi du 11 janvier 1984 susmentionnée peut se faire,
sans préjudice des dispositions prévues à l'article 12 ci-dessous, par la voie
d'examens professionnels, selon des modalités déterminées par décret en Conseil
d'Etat.
« Les candidats ne peuvent se présenter qu'aux concours ou examens
professionnels prévus par le présent article donnant accès aux corps de
fonctionnaires dont les missions, telles qu'elles sont définies par les statuts
particuliers desdits corps, relèvent d'un niveau de catégorie au plus égal à
celui des fonctions qu'ils ont exercées pendant une durée de trois ans au cours
de la période de huit ans prévue au 4° du I ci-dessus. »
Par amendement n° 1, M. Hoeffel, au nom de la commission, propose, dans le
deuxième alinéa (1°) du I de cet article, de remplacer les mots : « deux mois »
par les mots : « quatre mois ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Cet amendement tend à porter de deux mois à quatre mois la
condition de durée de présence au cours de l'année de référence. Nous estimons,
en effet, qu'une période de deux mois n'est pas suffisante pour garantir le
lien entre l'agent et la collectivité dans laquelle il va être intégré.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Le
Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement. Je voudrais m'en expliquer
en quelques mots, et je pense que M. le rapporteur sera sensible à mes
arguments.
Je rappelle d'abord à la Haute Assemblée, qui s'en souvient certainement, que
la loi actuelle, qui restera en vigueur jusqu'à la fin de cette année, prévoit
non pas une condition de durée de présence calculée en mois, mais la présence
au 14 mai 1996, c'est-à-dire que le contractuel peut éventuellement avoir pris
ses fonctions la veille ou l'avant-veille, ce qui, vous l'avouerez, manifeste
une qualité de relation entre la collectivité et la personne bien inférieure
encore à celle qui est définie par le texte que je vous présente
aujourd'hui.
Je voudrais surtout vous rappeler que, parmi les conditions cumulatives
fixées, il en est une très importante, à savoir que la personne doit avoir
exercé trois années d'équivalent temps plein au cours des huit dernières
années.
Un contractuel qui aura servi pendant trois ans équivalent temps plein au
cours des huit dernières années aura eu de vraies relations, des relations
suivies avec la collectivité territoriale en question. Il vaudrait mieux
éviter, par cet allongement à quatre mois, de créer des situations qui seraient
perçues par les personnes susceptibles d'être concernées comme une
injustice.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Jacques Mahéas.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Le groupe socialiste s'incrit contre cet amendement et fait siennes les
raisons invoquées par le Gouvernement.
Toutefois, nous attirons l'attention sur le fait que ce dispositif est issu
d'un protocole d'accord signé par six organisations syndicales sur sept. Un
quasi-consensus donc, qu'il serait assez anormal de briser.
De plus, on a bien vu qu'à force d'ajouter des conditions aux conditions, la
loi Perben n'avait pas produit tous ses effets. De la même manière, nous
risquons d'ajouter un obstacle supplémentaire, certes modeste, mais d'avoir
ainsi moins de candidats au recrutement. Or, vous en conviendrez, plus il y a
de candidats aux concours et meilleur est le choix, compte tenu du jeu de la
concurrence. Je pense donc qu'il serait sage de maintenir à deux mois ce
délai.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 43, Mme Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent, dans le deuxième alinéa (1°) du I de
l'article 1er, après les mots : « de droit public », d'insérer les mots : « ou
de droit privé ».
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Dans un souci de célérité, monsieur le président, je souhaiterais défendre
également les amendements n°s 44, 45 rectifié et 46.
M. le président.
J'appelle donc les amendements n°s 44, 45 rectifié et 46, présentés par Mme
Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 44 tend, dans le deuxième alinéa (1°) de l'article 1er, après
les mots : « de droit public », à insérer les mots : « ou de contrats aidés
».
L'amendement n° 45 rectifié vise, après les mots : « de l'Etat », à rédiger
ainsi la fin du deuxième alinéa (1°) du I de l'article Ier : « ou des
établissements d'enseignement public, ainsi que des établissemenents publics à
caractère industriel et commercial, assurant des missions de service public
dévolues aux agents titulaires ; ».
Enfin, l'amendement n° 46 a pour objet, après les mots : « d'agent non
titulaire de droit public », de rédiger ainsi la fin du deuxième alinéa du II
de l'article 1er : « ou de droit privé ou de contrats aidés des établissements
publics mentionnés à l'article 2 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant
droits et obligations des fonctionnaires, ainsi que des établissements publics
à caractère industriel ou commercial, ou d'agent non titulaire des
établissements d'enseignement figurant sur la liste prévue à l'article 3 de la
loi n° 90-588 du 6 juillet 1990 portant création de l'Agence pour
l'enseignement français à l'étranger, assurant des missions de service public
dévolues aux agents titulaires ; ».
Veuillez poursuivre, madame Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Cette série d'amendements, comme vous le constatez, vise à élargir le
dispositif proposé dans le cadre de la résorption de la précarité dans la
fonction publique.
J'ai évoqué, dans la discussion générale, La Poste. On sait ce qui a présidé
au statut de 1990.
Compte tenu de la réalité d'aujourd'hui, notamment dans le cadre de l'accord
sur la réduction du temps de travail à La Poste, qui prévoit que 50 % du
personnel contractuel de La Poste seront à temps complet au 31 décembre 2000,
il me semble que plus rien ne justifie le recours massif à du personnel
contractuel. La spécificité de certaines fonctions ne peut donc être invoquée
pour entériner une situation anormale.
On sait que, dans les faits, une très large majorité de personnels exerce les
mêmes fonctions et les mêmes obligations que les fonctionnaires, avec les mêmes
horaires et les mêmes services.
Au sein des services de La Poste coexistent des contractuels de droit privé et
des contractuels de droit public. Le texte qui nous est proposé prévoit une
titularisation des personnels contractuels de droit public. Dès lors, rien ne
devrait faire obstacle à l'application du projet de loi que nous examinons au
moins pour une titularisation des personnels contractuels de droit public de La
Poste.
Pour nous, La Poste est au coeur même des missions du service public et reste,
dans bien des lieux, le seul lien de nos compatriotes avec le service public,
notamment en zone rurale.
En outre, la notion d'établissement public industriel et commercial ne saurait
être utilisée dans le seul but de fragiliser le service public, notamment du
fait de la précarité des personnels, dès lors que les missions exercées sont
des missions de service public.
Dans un contexte d'ouverture à la concurrence des services postaux, peut-être
serait-il opportun que notre pays, et donc la représentation nationale,
réaffirme son attachement à la défense des services publics, notamment à la
défense du service public postal.
Par notre amendement n° 43, nous proposons d'intégrer au dispositif les
personnels de droit privé de l'Etat, des établissements d'enseignement public
et des établissements publics à caractère industriel et commercial.
L'amendement n° 45 tend, lui, à rendre éligibles à ce dispositif l'ensemble
des personnels recrutés sous contrats aidés tels que les contrats
emploi-solidarité, les contrats emplois consolidés ou les emplois-jeunes.
Enfin, l'amendement n° 46, vise à élargir le champ d'application du projet de
loi à l'ensemble des établissements publics industriels et commerciaux.
Sur les emplois-jeunes, nous n'avons pas la volonté, comme je l'ai déjà dit,
de titulariser l'ensemble des bénéficiaires de ces contrats. Nous souhaitons,
cependant, par souci de justice sociale et d'égalité des chances, que tous ces
personnels puissent, au même titre et dans les mêmes conditions, accéder aux
concours et aux examens professionnels des cadres d'emplois existants et à
venir.
Je rappelle que mon groupe avait vivement souhaité que la loi de 1997 relative
au développement d'activités pour l'emploi des jeunes qualifie les contrats
emplois-jeunes de droit public. Cette qualification leur aurait permis
notamment d'entrer dans le champ d'application du protocole d'accord du 10
juillet 2000.
Comme cela a été dit, les emplois-jeunes sont financés à 80 % par l'Etat et
ils sont très largement employés par des personnes morales de droit public.
Donc, je pense qu'aujourd'hui rien ne justifie leur exclusion de ce
dispositif.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 43, 44, 45 rectifié
et 46 ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
La commission a émis un avis défavorable sur les quatre
amendements, qui excèdent le champ d'application d'un projet de loi relatif, je
le rappelle, à la fonction publique.
M. Alain Vasselle.
C'est de la démagogie !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Mon
raisonnement sera parallèle à celui de M. le rapporteur.
Je vous rappelle, madame Borvo, que ce protocole, en fonction duquel je vous
propose aujourd'hui l'adoption de ce projet de loi, a été signé par six
organisations sur sept, soit, en termes de représentativité, plus de 75 % des
fonctionnaires, ce qui est tout à fait considérable.
Tous ces projets ont été abordés au cours de la négociation et, au bout du
compte, les dispositions proposées n'ont pas été intégrées dans le protocole
d'accord. Même si, bien entendu, le Parlement est souverain et ne saurait être
tenu par un accord liant l'Etat avec les organisations syndicales, accord qui,
d'ailleurs, n'est pas un contrat, mais qui est seulement un engagement de
l'Etat à formuler, devant le Parlement, un certain nombre de propositions - je
ne vous suggère pas de reprendre des débats qui ont déjà eu lieu lors de cette
négociation.
Je reviens d'un mot sur les emplois-jeunes, qui ont été évoqués par un certain
nombre d'entre vous. Autant nous nous attachons à faire en sorte que la
formation des emplois-jeunes soit réelle, que leur soient offertes des
possibilités de concours dans les fonctions publiques - fonction publique de
l'Etat, fonction publique territoriale ou fonction publique hospitalière - et
que soient adaptés ces concours, autant nous estimons qu'il n'y a pas de droit
à titularisation pour les bénéficiaires de ces emplois-jeunes.
Il me paraît légitime que nous nous préoccupions de leur avenir, et telle est
la préoccupation de tous ceux qui les emploient, mais nous ne pouvons pas leur
donner le droit par là même d'entrer dans la fonction publique, sauf à excéder
les engagements que les employeurs avaient pris vis-à-vis de ces jeunes au
moment de la signature des contrats.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 43.
M. Jacques Mahéas.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Le groupe socialiste est attentif à la situation des postiers, des CES
titulaires de contrats emploi-solidarité, de contrats emplois consolidés et des
emplois-jeunes. M. le ministre, en donnant sa position a expliqué aussi la
nôtre à cet égard. Cela étant, nous ne pouvons pas amalgamer les situations.
Les dispositions proposées relèvent d'une autre réflexion et n'ont pas leur
place dans ce texte. Nous ne pourrons donc pas voter ces amendements.
M. Jean-Pierre Schosteck.
C'est la majorité plurielle !
M. Alain Vasselle.
Voilà ce que cela donne !
M. Claude Domeizel.
C'est cela, le débat !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 43, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 44, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 45 rectifié, repoussé par la commission et
par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 46, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Ivan Renar.
J'en connais un qui était tout seul, à Londres !
M. le président.
Par amendement n° 74, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, M. Penne et les
membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après le
deuxième alinéa (1°) du I de l'article 1er, un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« ...° - Justifier avoir eu la qualité d'agent non titulaire dans les services
de l'Etat à l'étranger conformément au paragraphe V de l'article 34 de la loi
n° 2000-321 du 12 avril 2000. »
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Je souhaite, monsieur le président, présenter en même temps l'amendement n°
75, car il porte également sur des catégories de personnels travaillant à
l'étranger.
M. le président.
J'appelle donc l'amendement n° 75, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, M.
Penne, Mme Durrieu et les membres du groupe socialiste et apparentés, et
tendant à insérer, après le troisième alinéa du II de l'article 1er, un alinéa
ainsi rédigé :
« - justifier avoir eu, pendant la même période, la qualité d'agent non
titulaire des établissements français à l'étranger conventionnés avec l'AEFE
conformément à l'article 25 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996. »
Veuillez poursuivre, madame Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Par l'amendement n° 74, le groupe socialiste souhaite obtenir que l'accès aux
concours réservés soit ouvert aux agents contractuels de nationalité française
des services à l'étranger du ministère des affaires étrangères dans les mêmes
conditions qu'aux agents contractuels de l'Etat et des collectivités
territoriales en France.
Il s'agit d'agents de nationalité française ou de citoyens européens qui
occupent depuis quelques années des emplois de fonctionnaire. Normalement, si
l'Etat avait respecté la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, il n'aurait pu
recruter de cette façon que des personnels de catégorie A ayant rang
d'ambassadeur. En réalité, aujourd'hui, dans les consulats, les chancelleries
diplomatiques, les services culturels et de coopération, au moins 1 200 agents
de nationalité française, sans lesquels aucun de ces services ne fonctionnerait
plus, sont employés de façon permanente ; 60 % d'entre eux ont plus de cinq
années d'ancienneté. Les contrats à durée déterminée sont remplacés petit à
petit par des contrats à durée indéterminée, pour respecter le droit local du
travail. Mais ces agents ne bénéficient que d'une protection sociale lacunaire
et n'ont pas de garantie de réemploi s'ils rentrent en France.
La loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 a légalisé cette pratique et soumis ces
agents à des contrats de droit local, ce que nous avons jugé injuste et, Guy
Penne le rappelait tout à l'heure, discriminatoire par rapport à leurs
homologues de France et trop peu protecteur par rapport aux pratiques de
mauvais employeur que j'ai évoquées dans la discussion générale.
Donner à ces agents la possibilité de se présenter à des concours internes
serait reconnaître les services qu'ils rendent et leur ouvrir des perspectives
d'avenir inexistantes actuellement.
Quant à l'amendement n° 75, il concerne l'accès aux concours réservés de
l'éducation nationale qui, dans le texte de loi, est limité aux seuls recrutés
locaux des établissements en gestion directe de l'agence pour l'enseignement
français à l'étranger, l'AEFE. Or ces établissements, au nombre de soixante, ne
représentent qu'un quart de l'ensemble des écoles dépendant de l'Agence. Les
autres sont liés à l'Agence par des conventions et sont administrés par des
associations, sous la direction d'un personnel détaché de l'éducation
nationale.
Selon les pays et l'histoire, certains établissements sont en gestion directe,
c'est-à-dire sous l'administration directe de l'Agence, donc de l'Etat français
; les autres sont conventionnés ; mais tous fonctionnent selon les mêmes
modalités, emploient des personnels de même statut et concourent de la même
manière au service public de l'éducation nationale.
Je sais bien qu'il faut placer le curseur quelque part dans un projet de loi
tel que celui-là, mais, en matière d'accès du personnel enseignant ou
administratif à des concours, le placer entre ces deux catégories
d'établissements ne me paraît pas justifié. Cela entraîne l'exclusion du
bénéfice de l'accès à ces concours de nombreux personnels de qualification
identique ayant rendu les mêmes services.
L'exemple de la différence entre les écoles du Maroc, toutes en gestion
directe, et celles de Côte d'Ivoire, toutes conventionnées, est typique. Le
mécontentement, qui se traduit actuellement par un mouvement de grève sans
précédent dans de nombreux établissements de l'étranger, est né largement de la
précarité du sort de la moitié des enseignants du réseau. Il faut absolument y
remédier, et ce texte pourrait être un premier pas en ce sens.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 74 et 75 ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Ces deux amendements soulèvent le réel problème de la
position des Français qui, à l'étranger, oeuvrent pour notre pays. Mais je
souhaiterais, avant de me prononcer, connaître d'abord l'avis du
Gouvernement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Je voudrais,
après vous, madame Cerisier-ben Guiga, et après Guy Penne, évoquer de nouveau
la situation des agents recrutés sur place par les services de l'Etat à
l'étranger sur des contrats de droit local ou pour des missions de coopération
technique, pour souligner que le Gouvernement est attentif à leur situation,
même si ces agents, pour un certain nombre de raisons, y compris juridiques, ne
relèvent pas du présent projet de loi.
En effet, la loi relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec
l'administration, dite « loi DCRA », qui a été adoptée il y a peu, prévoit que
la situation de ces agents fera l'objet d'un rapport remis au Parlement en
avril 2001. Ce rapport est nécessaire à la recherche de solutions adaptées à
des situations extrêmement diverses, souvent complexes, parfois excessivement
défavorables par rapport au niveau du droit et de la protection sociale connu
dans notre pays, s'agissant, vous l'avez souligné, de conditions de
recrutement, d'évolution de carrière, de transparence des rémunérations et
d'assurance vieillesse.
Les agents concernés, qui sont, je ne l'oublie pas, majoritairement des
femmes, ne peuvent pas rester à l'écart des progrès de la situation de
l'ensemble des agents publics. Sachez donc que je m'emploierai, en
collaboration, bien sûr, avec mon collègue ministre des affaires étrangères, à
faire en sorte que ce dossier avance parallèlement à la mise en oeuvre de la
présente loi.
Compte tenu de ces explications, je souhaiterais que vous retiriez ces deux
amendements.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Tout le problème est de savoir si les auteurs de ces
amendements se rendent à l'appel du ministre.
M. le président.
Les amendements n°s 74 et 75 sont-ils maintenus ?
M. Guy Penne.
J'ai bien entendu les engagements pris par M. le ministre, ce qui est un peu
rassurant. Quand il nous dit qu'il essaiera de voir avec son collègue le
ministre des affaires étrangères comment résoudre la question, on comprend très
bien que cela ne puisse pas se passer autrement. Cependant, comme on sait que
le ministre des affaires étrangères gère un budget qui ne représente que 1 % du
budget de la nation, on comprend que, compte tenu de tout ce qu'il y a à faire,
il soit contraint de recourir à ce type d'emplois qui ne sont pas tout à fait «
normaux ».
Malgré tout, je pense que M. le ministre, puisqu'il l'a dit, le fera et qu'il
parviendra à convaincre M. Védrine du bien-fondé de nos remarques et qu'ils
arriveront à convaincre M. Fabius et M. le Premier ministre de la nécessité
d'abonder un peu les fonds indispensables pour répondre à ces propositions.
Par conséquent, monsieur le ministre, devant les engagements que vous prenez
et vous connaissant depuis assez longtemps pour savoir que vous êtes un homme
de parole, j'espère que vous pourrez tenir parole dans des délais
raisonnables.
Telles sont les raisons pour lesquelles, en accord avec mes collègues ici
présents, je retire ces deux amendements.
M. le président.
Les amendements n°s 74 et 75 sont retirés.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Par amendement n° 2, M. Hoeffel, au nom de la commission, propose, dans le
troisième alinéa (2°) du I de l'article 1er, après le mot : « période »,
d'insérer les mots : « de quatre mois ».
Par amendement n° 100, le Gouvernement propose, dans le troisième alinéa (2°)
du I de l'article 1er, après le mot : « période », d'insérer les mots : « de
deux mois ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 2.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de conséquence de l'amendement n°
1, qui a été adopté par le Sénat voilà quelques instants.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° 100 et pour
donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 2.
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
L'amendement
n° 100 est un amendement de cohérence avec le texte initial.
Quant à l'amendement n° 2, le Gouvernement émet un avis défavorable. En effet,
si celui-ci était adopté, l'amendement n° 100 n'aurait plus d'objet.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 100.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Défavorable !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
M. Jacques Mahéas.
Même argumentation que pour l'amendement n° 1.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 100 n'a plus d'objet.
Par amendement n° 97 rectifié, MM. Richert, Grignon, Lorrain, Ostermann,
Haenel et Eckenspieller proposent de compléter l'article 1er par un paragraphe
ainsi rédigé :
« ... - Peuvent être ouverts des concours réservés aux anciens Personnels
civils étrangers (PCE) des Forces françaises stationnées en Allemagne (FFSA)
qui ont été recrutés avant le 14 juillet 1990 (date de l'annonce du retrait des
FFSA) et qui peuvent également accéder par voie d'intégration directe aux corps
de fonctionnaires dont les fonctions correspondent à celles au titre desquelles
ils ont été recrutés en Allemagne. »
La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller.
Il s'agit d'apporter une réponse à un problème que M. le rapporteur connaît
bien et qui se pose d'une manière récurrente dans les régions frontalières avec
l'Allemagne. Les personnels civils étrangers recrutés par les Forces françaises
stationnées en Allemagne avant l'annonce présidentielle de leur retrait, bien
qu'ayant incontestablement servi en qualité d'agents non titulaires de droit
public au sens de la jurisprudence Berkani de 1996, sont explicitement exclus
du champ d'application du projet de loi dans l'exposé des motifs.
Aussi, par équité, et eu égard aux services que ces personnels ont rendus aux
intérêts de la France outre-Rhin, notre amendement prévoit de les faire
bénéficier du présent dispositif afin de leur permettre d'atteindre l'âge de la
retraite dans la dignité.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Cet amendement nous rappelle, à certains égards, les deux
amendements relatifs aux Français de l'étranger. En l'occurrence, et c'est
incontestable, un problème se pose pour tous les personnels civils qui, avant
1990, ont oeuvré, souvent pendant de nombreuses années, au profit de notre
pays. Ils ont souvent le sentiment, aujourd'hui, d'être abandonnés à leur sort,
alors qu'ils ne le méritent pas.
Cela étant dit, là encore, il serait utile de connaître l'avis du
Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
S'agissant
de ces personnels, qui méritent effectivement notre attention et notre respect,
j'emploierai des mots similaires à ceux que j'ai utilisés pour les personnels
que nous avons évoqués tout à l'heure à l'occasion de l'examen des amendements
n°s 74 et 75.
Il est vrai que ces personnels méritent que nous y attachions importance. Ce
sont des agents recrutés localement à la suite de l'installation des Forces
françaises stationnées en Allemagne. Quelle que soit leur nationalité, ils sont
recrutés sous l'empire d'un droit étranger, celui qui est applicable aux
contrats de droit privé en Allemagne. Ils ne peuvent donc se prévaloir de la
qualité d'agents publics. Cela est assez comparable à ce qui se passe pour les
personnels des établissements conventionnés par l'AEFE, auxquels nous avons
attaché de l'importance sans toutefois retenir les amendements qui les
concernaient et qui étaient présentés par Mme Cerisier-ben Guiga.
Je formulerai donc la même demande que celle que j'ai adressée à vos deux
collègues : sous le bénéfice des explications que j'ai formulées principalement
à propos de leurs amendements, mais qui valent aussi pour le vôtre, monsieur le
sénateur, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président.
Monsieur Eckenspieller, l'amendement n° 97 rectifié est-il maintenu ?
M. Daniel Eckenspieller.
Je me rends à vos arguments, monsieur le ministre, et je retire donc cet
amendement. Cependant, je le fais avec regret, car le problème posé est
douloureux et il nous est difficile d'y rester insensibles. Nous souhaiterions
qu'une autre voie et d'autres moyens soient trouvés pour leur rendre
justice.
M. le président.
L'amendement n° 97 rectifié est retiré.
Personnel ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
M. le président.
« Art. 2. - Pendant une durée maximum de cinq ans à compter de la date de
publication de la présente loi, les candidats qui remplissaient les conditions
fixées aux articles 1er et 2 de la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 relative
à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire
et qui exerçaient des fonctions autres que celles du niveau de la catégorie C
peuvent accéder à un corps de fonctionnaires, par voie d'examen professionnel,
selon les modalités définies par décret en Conseil d'Etat. Toutefois, pour
l'application du présent article, les conditions fixées aux articles 1er et 2
de la loi du 16 décembre 1996 susmentionnée s'apprécient à la date du 16
décembre 2000.
« Les candidats mentionnés à l'alinéa ci-dessus doivent en outre remplir les
conditions suivantes :
« 1° Satisfaire aux conditions fixées aux 1° et 2° du I de l'article 1er de la
présente loi ;
« 2° Justifier d'une durée de services publics effectifs complémentaire qui
sera fixée par décret en Conseil d'Etat. » -
(Adopté.)
Chapitre II
Dispositions concernant
la fonction publique territoriale
Article 3
M. le président.
« Art. 3. - Par dérogation à l'article 36 de la loi n° 84-53 du 26 janvier
1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique
territoriale, et pour une durée maximum de cinq ans à compter de la date de
publication de la présente loi, les agents non titulaires des collectivités
territoriales ou des établissements publics en relevant exerçant des fonctions
correspondant à celles définies par les statuts particuliers des cadres
d'emplois peuvent, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat,
être nommés dans un cadre d'emplois de la fonction publique territoriale, selon
les modalités fixées aux articles 4 et 5 ci-dessous, sous réserve qu'ils
remplissent les conditions suivantes :
« 1° Justifier avoir eu, pendant au moins deux mois au cours des douze mois
précédant la date du 10 juillet 2000, la qualité d'agent non titulaire recruté
en application de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 susmentionnée ;
« 2° Avoir été, durant la période définie au 1° ci-dessus, en fonctions ou
avoir bénéficié d'un congé en application du décret pris pour l'application de
l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 susmentionnée ;
« 3° Justifier, au plus tard à la date de la proposition de nomination dans le
cadre d'emplois pour les agents relevant de l'article 4 ci-dessous, ou au plus
tard à la date de la clôture des inscriptions aux concours pour les agents
relevant de l'article 5 ci-dessous, des titres ou diplômes requis des candidats
au concours externe d'accès au cadre d'emplois concerné. Les intéressés peuvent
obtenir la reconnaissance de leur expérience professionnelle en équivalence des
conditions de titres ou diplômes requises pour se présenter aux concours prévus
par le présent article. Un décret en Conseil d'Etat précise la durée de
l'expérience professionnelle prise en compte en fonction de la nature et du
niveau des titres ou diplômes requis ;
« 4° Justifier, au plus tard à la date de la proposition de nomination dans le
cadre d'emplois pour les agents relevant de l'article 4 ci-dessous, ou au plus
tard à la date de la clôture des inscriptions aux concours pour les agents
relevant de l'article 5 ci-dessous, d'une durée de services publics effectifs
au moins égale à trois ans d'équivalent temps plein au cours des huit dernières
années.
« Pour l'appréciation de cette dernière condition, les périodes de travail à
temps non complet correspondant à une durée supérieure ou égale au mi-temps
sont assimilées à des périodes à temps plein, les autres périodes de travail à
temps non complet sont assimilées aux trois quarts du temps plein.
« Les cadres d'emplois ou, le cas échéant, les grades ou spécialités concernés
par les dispositions du présent chapitre sont ceux au profit desquels sont
intervenues des mesures statutaires prévues par le protocole d'accord du 9
février 1990 sur la rénovation de la grille des classifications et des
rémunérations des trois fonctions publiques, ainsi que ceux relevant des
dispositions de la loi du 16 décembre 1996 susmentionnée. »
Par amendement n° 47, Mme Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa de l'article 3, de
remplacer les mots : « des fonctions correspondant à celles définies par les
statuts particuliers des cadres d'emplois » par les mots : « des fonctions
exercées dans le cadre des missions permanentes du service public ».
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
L'article 3, qui traite des conditions générales de titularisation des agents
non titulaires, prévoit que ces derniers doivent exercer des fonctions
correspondant à celles qui sont définies par les statuts particuliers des
cadres d'emplois.
Cette condition nous semble restrictive dans la mesure où les cadres d'emplois
existants sont loin de couvrir l'ensemble des métiers qui existent dans la
fonction publique. Cela sous-entend également que l'on ne conçoit pas que de
nouveaux cadres d'emplois soient créés.
Aussi souhaitons-nous une formulation plus souple, à savoir « des fonctions
exercées dans le cadre des missions permanentes du service public ».
Cette rédaction laisse la porte ouverte aux précaires exerçant des fonctions
pour lesquelles des aménagements statutaires pourraient voir le jour durant la
durée de validité de la loi.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Pour les mêmes raisons que tout à l'heure, et cet amendement
dépassant le cadre de la fonction publique proprement dit, la commission émet
un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
J'émets le
même avis, et mon raisonnement est celui que j'ai développé devant vous, madame
Borvo, lors de l'examen des amendements n°s 43 à 46.
Cette question a été abordée au cours des discussions et des négociations. Au
bout du compte, ce dispositif n'a pas été retenu dans l'accord signé par les
organisations syndicales, parmi lesquelles, si ma mémoire est bonne, celle qui,
dans les négociations, avait soutenu cette revendication.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 47, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 3, M. Hoeffel, au nom de la commission, propose, dans le
deuxième alinéa (1°) de l'article 3, de remplacer les mots : « deux mois » par
les mots : « quatre mois ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Il s'agit, là encore, d'un amendement de conséquence de
l'amendement n° 1.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Par
conséquent, avis défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 3, repoussé par le Gouvernement.
M. Jacques Mahéas.
Même explication de vote que tout à l'heure !
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 71 rectifié, MM. Darniche et Durand-Chastel proposent, dans
le deuxième alinéa (1°) de l'article 3, de remplacer les mots : « de l'article
3 » par les mots : « des articles 3 ou 47 ».
La parole est à M. Darniche.
M. Philippe Darniche.
Cet amendement prévoit, dans le cadre du recrutement des agents non
titulaires, d'élargir le dispositif aux personnes recrutées en application de
l'article 47 de la loi du 26 janvier 1984. En effet, de nombreux agents
recrutés sur le fondement de l'article 47 l'ont déjà été sur le fondement de
l'article 3 dans un premier temps. Les plus compétents ont été nommés sur le
fondement de l'article 47. Il me paraîtrait donc inéquitable qu'ils ne soient
pas titularisés.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Cet amendement vise à étendre les mesures d'intégration
directe et de concours réservés aux agents recrutés sur des emplois
fonctionnels. Aussi, je ne peux qu'émettre un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Même avis
!
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 71 rectifié, repoussé par la commission et
par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 48, Mme Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent, dans la première phrase du quatrième alinéa
(3°) et dans le cinquième alinéa (4°) de l'article 3, après les mots : « aux
concours », d'insérer les mots : « ou aux examens professionnels ».
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Mes explications vaudront également pour l'amendement n° 49, qui viendra
ultérieurement en discussion.
Ces amendements visent à élargir les possibilités d'intégration en prévoyant,
outre l'ouverture de concours réservés, la mise en place d'examens
professionnels.
Nous sommes bien sûr attachés à la spécificité de la fonction publique, à son
statut, à ses modalités de recrutement par le biais de concours, mais, dans
bien des cas, l'examen professionnel peut se révéler une procédure appropriée,
notamment dans les secteurs où n'existe pas de cadre d'emplois, ou encore dès
lors que l'on veut valider les acquis professionnels. Je sais bien qu'il faut
rester vigilant sur ce genre de procédure, mais je crois qu'il est tout de même
intéressant de prévoir des examens professionnels.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Défavorable, pour des raisons similaires à celles qui ont été
exposées tout à l'heure.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Même avis,
pour les mêmes raisons.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 48, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 22 rectifié, MM. Demilly, Joly et de Montesquiou proposent,
dans le cinquième alinéa (4°) de l'article 3, après les mots : « article 4
ci-dessous, », d'insérer les mots : « ou au plus tard à la date de la
proposition de transformation de leur contrat à durée déterminée en contrat à
durée indéterminée pour les agents relevant de l'article additionnel
(cf.
amendement n° 23)
ci-dessous. »
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Si vous le permettez, je défendrai en même temps l'amendement n° 23 rectifié,
qui tend à insérer un article additionnel après l'article 4.
Pour la catégorie A, ne sont concernés que les cadres d'emplois retenus dans
le protocole d'accord du 9 février 1990 et ceux qui l'étaient par la loi du 16
décembre 1996. Il n'est pas juste que certains agents non titulaires de
catégorie A qui ont démontré qu'ils étaient capables d'assumer des fonctions
spécifiques ne puissent bénéficier d'une telle intégration.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
En l'occurrence, il s'agit du vaste problème de
l'inadéquation entre les statuts particuliers et les métiers qui sont
réellement exercés dans les collectivités locales, car les métiers évoluent
rapidement au sein de celles-ci.
Avant de nous exprimer sur cet amendement, nous serions heureux de connaître
la position du Gouvernement sur les mesures d'adaptation des statuts
particuliers qui peuvent être envisagées. Si des engagements sont pris en ce
qui concerne des efforts à entreprendre pour cette adéquation, nous aviserons
avec les auteurs de ces dispositions.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Cette
question a été abordée par plusieurs d'entre vous lors de la discussion
générale.
Le problème est de faire en sorte que les décisions de création d'un certain
nombre de cadres d'emplois soient prises suffisamment rapidement, au rythme de
l'apparition de nouveaux métiers et de nouvelles qualifications, dirai-je, pour
permettre de recruter dans ces cadres d'emplois dans de bonnes conditions.
C'est - monsieur le rapporteur, vous avez raison - l'une des missions confiées
au ministre de l'intérieur et à moi-même que de faire en sorte que cette
évolution soit suffisamment rapide.
Comme vous le savez, un certain nombre de cadres d'emplois ont été créés
récemment, précisément pour faire face à ces nouvelles missions, et je prends
l'engagement devant vous que, sur un certain nombre de points qui sont abordés
ici même, d'autres décisions vont être prises rapidement pour permettre de
résoudre les problèmes auxquels vous faites allusion par le haut et non par des
mesures à caractère dérogatoire, pratique qui ne nous semble pas bonne.
M. le président.
Monsieur de Montesquiou, l'amendement n° 22 rectifié est-il maintenu ?
M. Aymeri de Montesquiou.
J'ai cru percevoir dans la bouche de M. le ministre des propos rassurants que
je considère comme un engagement pour cette catégorie de fonctionnaires. Je
retire donc l'amendement n° 22 rectifié, ainsi que l'amendement n° 23
rectifié.
M. le président.
L'amendement n° 22 rectifié est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
M. le président.
« Art. 4. - Les agents non titulaires remplissant les conditions énumérées à
l'article 3 ci-dessus et qui ont été recrutés après le 27 janvier 1984 peuvent
accéder par voie d'intégration directe au cadre d'emplois dont les fonctions
correspondent à celles au titre desquelles ils ont été recrutés et qu'ils ont
exercées pendant la durée prévue au 4° de l'article 3 ci-dessus, dans la
collectivité ou l'établissement dans lequel ils sont affectés, sous réserve de
remplir l'une des conditions suivantes :
« 1° Avoir été recrutés avant la date d'ouverture du premier concours d'accès
audit cadre d'emplois organisé, dans le ressort de l'autorité organisatrice
dont ils relèvent, en application des dispositions de l'article 36 de la loi du
26 janvier 1984 susmentionnée ;
« 2° Ou avoir été recrutés au plus tard avant le 14 mai 1996 lorsque, à la
date de leur recrutement, les fonctions qu'ils exerçaient correspondaient à
celles définies par le statut particulier d'un cadre d'emplois pour lequel un
seul concours a été organisé, dans le ressort de l'autorité organisatrice dont
ils relèvent, en application des dispositions de l'article 36 de la loi du 26
janvier 1984 susmentionnée.
« Les agents concernés par les dispositions du présent article disposent d'un
délai de douze mois à compter de la notification de la proposition qui leur est
faite pour se prononcer sur celle-ci. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 55, M. Garrec et les membres du groupe des Républicains et
Indépendants proposent, après le mot : « correspondent », de rédiger comme suit
la fin du premier alinéa de cet article : « à celles qu'ils ont exercées
pendant la période préue au 4° de l'article 3 ci-dessus, dans la ou les
collectivités ou établissements successifs d'affectation, sous réserve de
remplir l'une des conditions suivantes : ».
Par amendement n° 72 rectifié, MM. Darniche et Durand-Chastel proposent, dans
le premier alinéa de l'article 4, de remplacer les mots : « dans la
collectivité ou l'établissement dans lequel ils sont affectés » par les mots :
« dans la ou les collectivités ou établissements successifs d'affectation ».
La parole est à M. Garrec, pour défendre l'amendement n° 55.
M. René Garrec.
Il s'agit de supprimer quelques obstacles aux titularisations, notamment des
conditions telles que la non-mobilité ou l'absence d'évolution de carrière au
sein de la collectivité. Il s'agit donc de simplifier le système pour faciliter
l'intégration.
M. le président.
La parole est à M. Darniche, pour défendre l'amendement n° 72 rectifié.
M. Philippe Darniche.
Cet amendement vise à supprimer, d'une part, la mention relative aux fonctions
exercées à la date du recrutement, de sorte que ne soit pris en compte que le
critère de niveau des fonctions exercées pendant trois ans sur une période de
huit ans, et, d'autre part, la mention relative à une obligation d'affectation
au sein d'une collectivité, pour permettre de rendre éligibles au dispositif
des agents contractuels qui auraient eu plusieurs affectations depuis leur
recrutement initial.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 55 et 72 rectifié
?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Les deux amendements ne sont pas conformes à la position de
principe adoptée par la commission, position qu'avait d'ailleurs adoptée la loi
Perben au préalable. Ils ne prennent pas en compte les services effectués
auprès de plusieurs collectivités, ils ne retiennent que la collectivité qui,
in fine,
intégrera l'agent concerné.
J'ai bien retenu les propos qu'a tenus, au cours de la discussion générale,
notre collègue René Garrec. Je suis néanmoins au regret de devoir exprimer un
avis défavorable, sur l'amendement n° 55 comme sur l'amendement n° 72 rectifié.
Mais il y a des principes qui ont leur logique et, parfois, il faut pouvoir ne
pas en dévier !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 55 et 72 rectifié ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Monsieur le
président, M. le rapporteur vient de dire avec beaucoup d'autorité ce que
j'aurais dit moins bien et certainement avec moins d'autorité sur les membres
de cette assemblée.
Je voudrais simplement compléter son propos en considérant qu'un cas
particulier pourrait être examiné dans le cadre d'une navette, dont je vois
bien qu'elle sera courte mais qui peut quand même être fructueuse : c'est le
cas où l'on prendrait en compte un agent recruté dans une commune pour exercer
des fonctions par la suite prises en charge dans le cadre d'un processus
d'intercommunalité...
M. Jean-Jacques Hyest.
Voilà !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
... auquel
la commune d'origine aurait participé. On voit bien qu'il y a là une sorte de
continuité entre la commune de départ, qui participe à l'intercommunalité, et
cette intercommunalité. Dans ce cadre-là, nous pourrions apporter des solutions
- et je suis tout prêt à formuler des propositions - aux cas les plus
flagrants, qui correspondent peut-être à un certain nombre de cas que vous avez
l'un et l'autre en tête.
M. le président.
Monsieur Garrec, l'amendement n° 55 est-il maintenu ?
M. René Garrec.
Non, je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 55 est retiré.
Monsieur Darniche, l'amendement n° 72 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Darniche.
Non, je le retire également.
M. le président.
L'amendement n° 72 rectifié est retiré.
Par amendement n° 4, M. Hoeffel, au nom de la commission, propose, dans
l'avant-dernier alinéa (2°) de l'article 4, après les mots : « au plus tard »,
de supprimer le mot : « avant ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement purement rédactionnel.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
J'ai le
plaisir de donner un avis très favorable à cet amendement.
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Par amendement n° 54, M. Garrec et les membres du groupe des Républicains et
Indépendants proposent, à la fin de l'avant-dernier alinéa (2°) de l'article 4,
de supprimer les mots : « pour lequel un seul concours a été organisé, dans le
ressort de l'autorité organisatrice dont ils relèvent, en application des
dispositions de l'article 36 de la loi du 26 janvier 1984 susmentionnée ».
Par amendement n° 76, MM. Domeizel, Mahéas et les membres du groupe socialiste
et apparentés proposent, dans le troisième alinéa (2°) de l'article 4, de
remplacer les mots : « a été organisé » par les mots : « avait été organisé
».
La parole est à M. Garrec, pour présenter l'amendement n° 54.
M. René Garrec.
Cet article comporte des mesures de titularisation par intégration directe
lorsqu'un seul concours a été organisé, soit depuis la création du grade
d'emploi, soit avant le 14 mai 1996. Dans la pratique, il semble bien rare
qu'aucun concours n'ait été organisé. Il existe donc un risque important que
les mesures prévues ne concernent en définitive que peu de personnes. Nous
suggérons, en conséquence, de supprimer la référence à « un seul concours
».
Cet amendement relève du même esprit que mon amendement précédent.
M. le président.
La parole est à M. Domeizel, pour défendre l'amendement n° 76.
M. Claude Domeizel.
Permettez-moi de déclarer d'une manière très générale et qui vaudra pour tous
les amendements que j'ai déposés au nom du groupe socialiste que, pour nous,
l'objectif est de tendre vers les meilleures solutions pour le plus grand
nombre de non-titulaires dont le nombre, dans la fonction publique
territoriale, est de 300 000 à 400 000. On demande de la souplesse pour les
collectivités locales, mais il ne faut pas oublier les fonctionnaires en
exercice, les agents contractuels qui, en dépit de leur situation précaire,
participent au bon fonctionnement du service public, ainsi que tous ceux qui
font l'effort de se former et d'affronter les épreuves des concours.
D'une manière plus large, il faut mettre en avant le grand principe qui a été
rappelé ici, ce soir, par de nombreux orateurs lors de la discussion générale,
à savoir que le fondement de la fonction publique est le recrutement par les
concours. L'épreuve n'est pas toujours facile.
J'en viens à l'amendement n° 76, qui a pour objet d'attirer l'attention sur
l'emploi du mot « a » ou « avait ». Selon la situation dans laquelle on se
place, ces formulations sont plus ou moins favorables. Après une première
lecture, j'ai donc estimé que les mots « avait été organisé » étaient plus
favorables. Mais après une nouvelle lecture, je m'interroge. Aussi, je retire
mon amendement !
(Rires.)
M. le président.
L'amendement n° 76 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 54 ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Cet amendement vise à instaurer une mesure dérogatoire de
recrutement qui dévie des dispositions que la commission avait définies. Cette
dernière a accepté que la carence des concours de droit commun soit seule de
nature à servir de référence. Comme l'amendement déposé par M. Garrec dévie de
cette ligne, je suis là encore désolé de devoir émettre un avis défavorable, à
moins que notre collègue accepte de retirer sa proposition.
M. le président.
L'amendement n° 54 est-il maintenu, monsieur Garrec ?
M. René Garrec.
Le déviationniste retire son amendement !
(Sourires.)
M. le président.
L'amendement n° 54 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article additionnel après l'article 4
M. le président.
Par amendement n° 23 rectifié, MM. Demilly, Joly et de Montesquiou proposent
d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les agents non titulaires remplissant les conditions énumérées aux 1° et 2°
de l'article 3 ci-dessus et qui ont été recrutés après le 27 janvier 1984 et
avant le 14 mai 1996, qui ne peuvent pas bénéficier des dispositions de
l'article 4 ci-dessus, peuvent bénéficier d'un contrat à durée indéterminée,
dès lors qu'ils ont exercé leurs fonctions pendant la durée prévue au 4° de
l'article 3 ci-dessus, dans la collectivité ou l'établissement dans lequel ils
sont affectés.
« Les agents concernés par les dispositions du présent article disposent d'un
délai de douze mois à compter de la notification de la proposition qui leur est
faite pour se prononcer sur celle-ci. »
Cet amendement a été retiré.
Article 5
M. le président.
« Art. 5. - Les agents non titulaires remplissant les conditions énumérées à
l'article 3 ci-dessus et qui ont été recrutés après le 14 mai 1996 peuvent se
présenter à des concours réservés à condition d'exercer, à la date de leur
recrutement, des fonctions qui correspondent à celles définies par les statuts
particuliers des cadres d'emplois pour lesquels un seul concours a été
organisé, dans le ressort de l'autorité organisatrice dont ils relèvent, en
application des dispositions de l'article 36 de la loi du 26 janvier 1984
susmentionnée.
« Les intéressés doivent avoir exercé les fonctions définies à l'alinéa
ci-dessus pendant une durée d'au moins trois ans au cours des huit dernières
années.
« Les concours réservés donnent lieu à l'établissement de listes d'aptitude
classant par ordre alphabétique les candidats déclarés aptes par le jury.
« L'inscription sur une liste d'aptitude ne vaut pas recrutement.
« Tout candidat déclaré apte depuis moins de deux ans peut être nommé dans un
des cadres d'emplois auxquels le concours réservé donne accès, dans les
conditions fixées par la dernière phrase du quatrième alinéa de l'article 44 de
la loi du 26 janvier 1984 susmentionnée.
« Les conditions de nomination et de classement dans chacun des cadres
d'emplois des agents bénéficiant des dispositions prévues aux articles 3 et 4
ci-dessus ainsi que de celles du présent article sont celles prévues par les
statuts particuliers desdits cadres d'emplois pour les lauréats des concours
internes, sous réserve de dispositions particulières concernant la durée des
stages, fixées par décret en Conseil d'Etat. »
Par amendement n° 101, le Gouvernement propose :
I. - Dans le premier alinéa de cet article, après les mots : « concours
réservés », d'insérer les mots : « organisés pendant une période de cinq ans à
compter de la date de publication de la présente loi ».
II. - De compléter l'avant-dernier alinéa de cet article par les mots : «
nonobstant le délai mentionné au premier alinéa de l'article 3. »
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
C'est un
amendement purement rédactionnel ?
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 101, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 56, M. Garrec et les membres du groupe des Républicains et
Indépendants proposent, après les mots : « des cadres d'emplois », de supprimer
la fin du premier alinéa de l'article 5.
La parole est à M. Garrec.
M. René Garrec.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 56 est retiré.
Par amendement n° 5, M. Hoeffel, au nom de la commission, propose, à la fin du
deuxième alinéa de l'article 5, de remplacer les mots : « pendant une durée
d'au moins trois ans au cours des huit dernières années » par les mots : «
pendant la durée prévue au 4° de l'article 3 de la présente loi ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
C'est un amendement purement rédactionnel.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Le
Gouvernement émet un avis très favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 6, M. Hoeffel, au nom de la commission, propose de supprimer
le dernier alinéa de l'article 5.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
C'est un amendement purement formel, car, pour des raisons de
cohérence, il est préférable de transférer les dispositions du dernier alinéa
de l'article 5 dans un article additionnel après l'article 5.
M. le président.
quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Cet
amendement n'est pas déviationniste
(sourires),
et le Gouvernement y est
donc favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article additionnel après l'article 5
M. le président.
Par amendement n° 7, M. Hoeffel, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les conditions de nomination et de classement dans chacun des cadres
d'emplois des agents bénéficiant des dispositions prévues aux articles 3 à 5 de
la présente loi sont celles prévues par les statuts particuliers desdits cadres
d'emplois pour les lauréats des concours internes, sous réserve de dispositions
particulières concernant la durée des stages, fixées par décret en Conseil
d'Etat. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 102, présenté par le
Gouvernement, et tendant, dans le texte de l'amendement n° 7, après les mots :
« lauréats des concours internes », à insérer les mots : « ou, lorsque l'accès
au cadre d'emplois ne s'effectue pas par la voie de concours internes, celles
prévues pour les lauréats des autres concours mentionnés à l'article 36 de la
loi du 26 janvier 1984 précitée ou pour les candidats recrutés dans les
conditions prévues au
d
de l'article 38 de cette loi, ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 7.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
C'est un amendement de conséquence, qui reproduit les
dispositions du dernier alinéa de l'article 5.
M. le président.
La parole est à M. le ministre, pour défendre le sous-amendement n° 102.
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
C'est un
sous-amendement de précision, monsieur le président.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 102 ?
M. Daniel Hoeffel, rapporteur.
La précision lui paraissant utile, la commission émet un avis favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 102, accepté par la commission.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 7, ainsi modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 5.
Article additionnel après l'article 5
ou après l'article 6
M. le président.
Je suis saisi de huit amendements qui peuvent faire l'objet d'une discusssion
commune.
Par amendement n° 36, M. Huriet propose d'insérer, après l'article 5, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Les personnels employés à la date de publication de la présente loi par
l'Association de gestion des personnels privés des affaires sanitaires et
sociales (AGEPASS), dont l'objet et les moyens sont transférés dans leur
intégralité au département de Meurthe-et-Moselle, peuvent être recrutés par
cette collectivité en qualité d'agents non titulaires, pour la gestion d'un
service public administratif.
« Les personnels concernés justifiant au 1er octobre 2000 d'une durée
effective de services équivalente à au moins un an, sont recrutés, sur leur
demande et dans la limite des emplois budgétaires créés à cet effet, par
contrat de droit public à durée indéterminée.
« Les agents non titulaires ainsi recrutés peuvent conserver le bénéfice des
stipulations de leur contrat de travail antérieur lorsqu'elles ne dérogent pas
aux dispositions légales et réglementaires régissant les agents non titulaires
de la fonction publique territoriale. Toutefois, nonobstant ces dispositions,
ils continuent à recevoir une rémunération nette au moins égale à la
rémunération perçue au titre de leur contrat de travail antérieur et conservent
leur régime de retraite complémentaire et de prévoyance.
« Par dérogation à l'article L. 122-9 du code du travail, les personnes
recrutées dans les conditions fixées à l'alinéa précédent ne perçoivent pas
d'indemnités au titre du licenciement lié à la dissolution de l'association.
»
Par amendement n° 50, Mme Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 5, un article
additionnel ainsi rédigé :
« L'article 63 de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement
et à la simplification de la coopération intercommunale est ainsi rédigé :
«
Art. 63.
- Les personnels employés par une association, une société
d'économie mixte ou une société privée, dont l'objet et les moyens sont
transférés dans leur intégralité ou en partie à une collectivité territoriale
ou à un de ses établissements ou à un établissement public de coopération
intercommunale ou à un syndicat mixte sont intégrés à leur demande par ladite
collectivité ou ledit établissement en qualité de fonctionnaire titulaire dans
les cadres d'emplois de la fonction publique territoriale.
« Les personnels concernés continuent à recevoir une rémunération nette au
moins égale à leur rémunération globale antérieure nette.
« Les agents qui ne pourraient être intégrés dans un cadre d'emplois existant
bénéficient, à titre personnel, d'un contrat à durée indéterminée et conservent
leur droit à titularisation dès que les conditions seront remplies.
« Les modalités d'application de cet article, notamment en matière de niveau
de recrutement, de reprise d'ancienneté et de régime de retraite, sont fixés
par un décret en Conseil d'Etat. »
Par amendement n° 98, M. Hoeffel, au nom de la commission, propose d'insérer,
après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« La dernière phrase du premier alinéa de l'article 63 de la loi n° 99-586 du
12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la
coopération intercommunale est ainsi rédigée :
« Par dérogation au troisième alinéa de l'article 3 de la loi n° 84-53 du 26
janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique
territoriale, ces personnels peuvent bénéficier d'un contrat à durée
indéterminée. »
Par amendement n° 51, M. Renar, Mme Borvo, M. Bret et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 5, un
article additionnel ainsi rédigé :
« Par dérogation au troisième alinéa de l'article 3 de la loi n° 84-53 du 26
janvier 1984 précitée, les personnels recrutés par la voie de l'article 63 de
la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la
simplification de la coopération intercommunale peuvent bénéficier d'un contrat
à durée indéterminée lorsqu'ils exerçaient leur fonction :
« 1) dans des associations accomplissant une mission d'intérêt régional dont
la création est antérieure à la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée ;
« 2) dans des associations qui ont succédé à ces dernières par évolution
statutaire, transformation ou reprise d'activité. »
Par amendement n° 78, M. Allouche, Mme Derycke, MM. Mauroy, Raoult, Mahéas et
les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après
l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« Par dérogation au troisième alinéa de l'article 3 de la loi n° 84-53 du 26
janvier 1984 précitée, les personnels recrutés par la voie de l'article 63 de
la loi n° 99-586 du 12 janvier 1999 relative au renforcement et à la
simplification de la coopération intercommunale peuvent bénéficier d'un contrat
à durée indéterminée lorsqu'ils exerçaient leur fonction dans les associations
accomplissant une mission d'intérêt régional dont la création est antérieure à
la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives
à la fonction publique territoriale, ou dans des associations qui ont succédé à
ces dernières par évolution statutaire, transformation ou reprise d'activité.
»
Les deux amendements suivants sont présentés par M. Michel Mercier.
L'amendement n° 68 tend à insérer, après l'article 5, un article additionnel
ainsi rédigé :
« Les personnels employés à la date de publication de la présente loi par la
Fondation franco-américaine, le comité d'hygiène sociale ou le comité
départemental d'hygiène sociale, dont l'objet relève des compétences du
département et dont les moyens sont déjà intégrés au sein des services
départementaux ou leur sont transférés, peuvent être recrutés par le
département en cause en qualité d'agents non titulaires, pour la gestion d'un
service public administratif.
« Les personnels concernés qui justifient au 1er octobre 2000 d'une durée
effective de services équivalente à au moins un an, sont recrutés, sur leur
demande et dans la limite des emplois budgétaires créés à cet effet, par
contrat de droit public à durée indéterminée.
« Les agents non titulaires ainsi recrutés peuvent conserver le bénéfice des
stipulations de leur contrat de travail antérieur lorsqu'elles ne dérogent pas
aux dispositions légales et réglementaires régissant les agents non titulaires
de la fonction publique territoriale.
« Toutefois, nonobstant ces dispositions, ils continuent à recevoir une
rémunération nette au moins égale à la rémunération perçue au titre de leur
contrat de travail antérieur et conservent leur régime de retraite
complémentaire et de prévoyance.
« Par dérogation à l'article L. 122-9 du code du travail, les personnes
recrutées dans les conditions fixées à l'alinéa précédent ne perçoivent pas
d'indemnités au titre du licenciement lié à la dissolution de l'association.
»
L'amendement n° 69 vise à insérer, après l'article 13, un article additionnel
ainsi rédigé :
« Les personnels employés à la date de publication de la présente loi par des
associations intervenant dans le secteur social et médico-social, dont l'objet
relève des compétences du département et dont les moyens sont déjà intégrés au
sein des services départementaux ou leur sont transférés, peuvent être recrutés
par le département en cause en qualité d'agents non titulaires, pour la gestion
d'un service public administratif.
« Les personnels concernés qui justifient au 1er octobre 2000 d'une durée
effective de services équivalente à au moins un an, sont recrutés, sur leur
demande et dans la limite des emplois budgétaires créés à cet effet, par
contrat de droit public à durée indéterminée.
« Les agents non titulaires ainsi recrutés peuvent conserver le bénéfice des
stipulations de leur contrat de travail antérieur lorsqu'elles ne dérogent pas
aux dispositions légales et réglementaires régissant les agents non titulaires
de la fonction publique territoriale.
« Toutefois, nonobstant ces dispositions, ils continuent à recevoir une
rémunération nette au moins égale à la rémunération perçue au titre de leur
contrat de travail antérieur et conservent leur régime de retraite
complémentaire et de prévoyance.
« Par dérogation à l'article L. 122-9 du code du travail, les personnes
recrutées dans les conditions fixées à l'alinéa précédent ne perçoivent pas
d'indemnités au titre du licenciement lié à la dissolution de l'association.
»
Par amendement n° 77, MM. Mahéas, Charmant, Printz et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 6, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Les personnels employés à la date de promulgation de la présente loi par une
association oeuvrant dans le secteur social ou médico-social créée avant le 1er
janvier 1985, dont l'objet et les moyens sont transférés dans leur intégralité
à un département ou à un établissement public en relevant, peuvent être
recrutés par cette collectivité ou cet établissement, en qualité d'agent non
titulaire, pour la gestion d'un service public administratif relevant du
secteur précité.
« Les agents non titulaires ainsi recrutés peuvent conserver le bénéfice des
stipulations de leur contrat de travail antérieur lorsqu'elles ne dérogent pas
aux dispositions légales et réglementaires régissant les agents non titulaires
de la fonction publique territoriale. Toutefois, ils peuvent conserver le
bénéfice de leur contrat à durée indéterminée ainsi que, s'ils y ont intérêt,
celui de la rémunération au titre de leur contrat de travail antérieur et leur
régime de retraite complémentaire et de prévoyance.
« Par dérogation à l'article L. 122-9 du code du travail, les personnes
recrutées dans les conditions fixées aux alinéas précédents ne perçoivent pas
d'indemnités au titre du licenciement lié à la dissolution de l'association.
»
La parole est à M. Huriet, pour défendre l'amendement n° 36.
M. Claude Huriet.
Si, comme je le souhaite ardemment, l'amendement que je soumets à la Haute
Assemblée finit par être adopté, il marquera le terme d'une longue histoire à
laquelle un certain nombre de départements, dans la même situation que le
département de Meurthe-et-Moselle, ont d'ailleurs contribué.
Cette longue histoire a débuté en fait en l'an I de la décentralisation,
puisque c'est à cette époque que, en tant que président du conseil général,
j'ai dû exercer très directement les compétences que les lois de
décentralisation confiaient ou confirmaient aux départements. Or, il y avait en
Meurthe-et-Moselle, s'inscrivant dans une longue tradition en matière de
politique sociale et médico-sociale, une association de droit privé régie par
la loi de 1901, reconnue d'utilité publique, qui avait rendu d'éminents
services aux populations du département.
Le conseil général, reprenant directement l'exercice de ces compétences à la
suite de la décentralisation, était confronté à des problèmes parmi d'autres,
et notamment à la prise en compte des personnels, ainsi que du patrimoine qui
allait avec l'exercice de ces missions.
Le choix avait été donné aux personnels entre le maintien d'un statut de droit
privé, sans doute plus avantageux, et l'intégration dans la fonction publique
territoriale. A l'époque - et ce n'était pas une surprise - les personnels
avaient tous opté pour le maintien de leur statut de droit privé, ce qui nous
avait amenés à créer une association de gestion sous le régime de la loi de
1901.
Tout s'est bien passé durant des années, jusqu'à ce que la chambre régionale
des comptes de Lorraine fasse une observation tout à fait pertinente et
incontestable concernant l'existence d'une gestion de fait. C'est là que les
choses se sont compliquées.
J'espère donc que, grâce à votre compréhension, mes chers collègues, et à
l'avis du Gouvernement, monsieur le ministre, nous pourrons mettre un terme aux
inquiétudes et aux angoisses des personnels, d'autant que la chambre régionale
des comptes a établi une date butoir très proche : le 31 décembre prochain.
Aussi, il vous est demandé, au travers de cet amendement, d'accorder la
possibilité au département de Meurthe-et-Moselle de recruter les employés de
cette association de gestion en qualité d'agents non titulaires pour la gestion
d'un service public administratif.
M. le président.
La parole est à M. Renar, pour défendre l'amendement n° 50.
M. Ivan Renar.
Cet amendement a pour objet de remédier à la situation juridique fragile des
associations para-administratives et de leurs personnels.
Ces difficultés juridiques ont été mises en lumière par la loi qui porte votre
nom, monsieur le ministre, et qui a amené les chambres régionales des comptes à
interpeller de nombreuses collectivités.
Celles-ci ont donc procédé, depuis cinq ans, à des réintégrations des services
assurés dans l'optique de la gestion publique. Ce sont les «
remunicipalisations ».
Dans ces circonstances, le choix pour les personnels est limité : ils doivent
se résoudre soit au licenciement pur et simple, soit à l'embauche au plus bas
de la grille, à l'échelle 2. Il en est souvent résulté des pertes importantes
pour les salariés, que ce soit en termes de rémunération ou de stabilité de
l'emploi.
Alors que les salariés de ces associations n'ont, bien souvent, pas fait
eux-mêmes le choix de travailler pour une association plutôt que dans le
secteur public, les changements de politique s'imposent à eux comme à des
pions.
Pourquoi devraient-ils renoncer à la stabilité de l'emploi sous la forme d'un
contrat à durée indéterminée ou à une partie de leur rémunération, en raison de
la perte de l'ancienneté, alors qu'ils exercent toujours le même métier, la
même fonction et que le seul changement intervient en la personne de
l'employeur ?
Les personnels de l'association de gestion des personnels privés de l'action
sanitaire et sociale, l'AGEPPASS - mais ce ne sont pas les seuls - n'ont pas eu
le choix de leur employeur. Certains postulants à la direction des affaires
sanitaires et sociales se sont vus directement embauchés par une association
privée délégataire de gestion de service public.
Qu'il y ait eu carence de gestion publique de service public à une époque est
une chose, mais le fait d'y pallier ne doit pas conduire à pénaliser les
salariés qui assurent aujourd'hui lesdites missions.
Pour sa part, mon groupe souhaite apporter une réponse globale à cette
question, plutôt que d'agir au coup par coup.
Les amendements présentés par mes collègues Claude Huriet et Jacques Mahéas
permettent de résoudre rapidement le problème des personnels de l'AGEPPASS
confrontés au facteur temps. Il en est de même pour l'amendement de notre
collègue Michel Mercier, qui propose une solution pour trois associations du
Rhône.
Mais ces amendements n'ont pas vocation à résoudre le problème dans sa
globalité. Aussi, je vous demande, mes chers collègues, d'adopter notre
amendement, qui, lui, permet de le faire.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 98.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Cet amendement tend à permettre aux agents actuellement
employés dans les associations para-administratives de conserver le bénéfice
d'un contrat à durée indéterminée malgré le passage du droit privé au droit
public. Il modifie en ce sens l'article correspondant de la loi sur la
simplification et le renforcement de la coopération intercommunale.
M. le président.
La parole est à M. Renar, pour défendre l'amendement n° 51.
M. Ivan Renar.
Nous proposons, par cet amendement, d'admettre une exception à l'article 63 de
la loi Chevènement pour les personnels des associations accomplissant une
mission d'intérêt régional.
Avant que les lois de décentralisation permettent l'officialisation des
services des conseils régionaux, les établissements publics régionaux,
encouragés par les plus hautes autorités de l'Etat de l'époque, ainsi que par
les préfets, avaient délégué la gestion de certaines missions à des
associations para-administratives.
La mise en place des services régionaux n'a pas eu pour conséquence la
disparition de ces associations accomplissant des missions d'intérêt
général.
Les recommandations des chambres régionales des comptes adressées à certaines
communes et à certains départements préconisent un éclaircissement des statuts
de ces associations para-administratives.
Ces avis ont conduit, d'une part, les collectivités territoriales à réintégrer
ces associations au sein de leurs services et, d'autre part, le législateur à
proposer des solutions pour les personnels de ces associations.
L'adoption de l'article 63 de la loi relative à la coopération intercommunale
permet aux personnels employés par une association dont l'objet et les moyens
ont été transférés partiellement ou dans leur intégralité à une collectivité
locale de continuer à bénéficier des dispositions de leur ancien contrat de
travail, dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux règles régissant la
fonction publique territoriale.
Les contrats sont alors d'une durée de trois ans renouvelables, alors que les
personnels des associations concernées bénéficiaient jusqu'à présent de
contrats à durée indéterminée.
Dans les conseils régionaux - je pense notamment à celui du Nord -
Pas-de-Calais - cette disposition législative a connu de forts échos. Elle
demeure totalement incomprise par les personnels, qui ont un fort et légitime
sentiment d'appartenance aux services régionaux, et provoque légitimement
craintes et interrogations.
Pour notre part, nous pensons qu'il serait juste que ces personnels puissent
bénéficier d'un contrat à durée indéterminée.
Cet amendement prévoit une solution intermédiaire. Il concerne les personnels
au service de la région et tend à leur proposer d'être repris sous contrat à
durée indéterminée. C'est une question importante qu'il ne faut pas
négliger.
Par ailleurs, cela s'inscrit pleinement dans l'objectif du texte que nous
discutons aujourd'hui. L'adoption de l'amendement permettrait de mettre fin à
la contradiction qui existe entre la résorption de la précarité au sein de la
fonction publique et l'article 63, qui crée de nouveaux statuts précaires.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas, pour présenter l'amendement n° 78.
M. Jacques Mahéas.
Le groupe socialiste est bien conscient, au travers de ses deux amendements
n°s 78 et 77, d'attirer l'attention sur les missions d'intérêt régional et
d'intérêt départemental, et donc de ne pas résoudre dans leur globalité les
problèmes qui se posent à ces collectivités territoriales et qui pourraient se
poser aussi aux communes.
Afin d'être en mesure d'exercer le mieux possible leurs missions en fonction
des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, les établissements
publics régionaux, jusqu'en 1984, date à laquelle les services des conseils
régionaux ont pu être officialisés, ont légitimement mis en place au niveau
régional des organismes associatifs. L'existence de ces associations a souvent
perduré au-delà et parallèlement à la mise en place des services régionaux
proprement dits.
L'amendement n° 78 a précisément pour objet de remédier à cette situation de
précarité dans laquelle serait placé le personnel des associations
accomplissant une mission d'intérêt régional et recruté par la collectivité
territoriale régionale par la voie de l'article 63 de la loi du 12 juillet 1999
relative au renforcement et à la simplification de la coopération
intercommunale.
M. le président.
La parole est à M. Michel Mercier, pour défendre les amendements n°s 68 et
69.
M. Michel Mercier.
L'amendement n° 68 est très proche de l'amendement n° 36 de notre collègue
Claude Huriet. Il vise à essayer de régler une situation difficile, et ce
uniquement dans le département du Rhône.
L'amendement n° 69 tend, lui, à régler les mêmes situations, mais de façon
générale, en visant tous les personnels qui, dans le domaine médico-social,
travaillent dans les associations pour les départements.
Je dois dire à M. Renar que son amendement n° 50 n'est pas de nature à régler
la situation de ces personnels, puisque, la plupart du temps, ils sont là
depuis longtemps et qu'ils ne peuvent pas, en qualité de titulaires, obtenir
des droits à retraite suffisants. Il faut donc les intégrer sans les
titulariser et conserver leur régime de retraite pour qu'ils puissent avoir une
retraite correcte à la fin de leur période de travail.
Si le Gouvernement et la commission acceptent l'amendement n° 69, je retirerai
l'amendement n° 68.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas, pour défendre l'amendement n° 77.
M. Jacques Mahéas.
Le groupe socialiste a rencontré les travailleurs de l'AGEPPASS.
Notre amendement, qui est plus général que celui de M. Huriet, ouvre la
possibilité aux départements ou à leurs établissements ayant repris en gestion
l'objet et les moyens d'une association oeuvrant dans un secteur social ou
médico-social, dans le cadre d'un service public administratif, de recruter les
personnels de l'association dissoute, tout en leur conservant leur contrat à
durée indéterminée, leur dernière rémunération et leur régime de prévoyance et
de retraite complémentaire.
Les agents recrutés ne percevront pas l'indemnité de licenciement prévue par
l'article L. 122-9 du code du travail.
Le champ d'application de cette mesure est limité aux associations oeuvrant
dans le secteur social ou médico-social, à celles de ces associations créées
avant le 1er janvier 1985, date du transfert des services de l'Etat vers les
départements, aux agents en fonction lors de la promulgation de la loi
introduisant la mesure faisant l'objet du présent dispositif, aux départements
et à leurs établissements publics qui ont en charge les compétences d'action
sociale ou médico-sociale gérées dans le cadre d'un service public
administratif.
Cette mesure autorise le recrutement dérogatoire d'agents de droit privé de
l'association dissoute en agents non titulaires de droit public.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 36, 50, 51, 78, 68,
69 et 77 ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
C'est une situation relativement complexe qui résulte de la
présentation de ces huit amendements !
Il faut essayer de dégager une certaine cohérence et une certaine logique. De
ce point de vue, la commission, qui tient, évidemment, à l'adoption de son
amendement n° 98, estime que l'adoption conjointe des amendements n°s 36 et 68
permettrait de former un ensemble cohérent.
Aussi demande-t-elle un vote par priorité sur les amendements n°s 98, 36 et
68.
Au cas où ces trois amendements seraient adoptés, les amendements n°s 50, 51
et 78 n'auraient, bien sûr, plus d'objet.
Ne resteraient ainsi que les amendements n°s 69 et 77. Ces deux amendements
seraient en partie redondants avec l'amendement n° 98. Je suggère donc à leurs
auteurs d'injecter, par sous-amendement, dans l'amendement n° 98, la substance
de leurs amendements qu'ils estiment ne pas pouvoir être prise en compte par le
vote de ce seul amendement n° 98.
M. le président.
C'est limpide, mes chers collègues !
(Sourires.)
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
C'est la mission de la commission, monsieur le président, que
d'oeuvrer dans la limpidité !
(Nouveaux sourires.)
M. le président.
Vous êtes un orfèvre en la matière, monsieur le rapporteur !
Quel est l'avis du Gouvernement sur la demande de priorité de la commision
?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Je n'y suis
pas favorable, monsieur le président, car j'aimerais apporter au débat plus de
limpidité encore - si c'est possible ! - en présentant un commentaire sur tous
les amendements.
M. le président.
La demande de priorité est-elle maintenue, monsieur le rapporteur ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Elle l'est, monsieur le président, mais elle ne fait en aucun
cas obstacle à toute information que, sur ce point décisif, le Gouvernement
voudrait nous apporter.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 36, 50, 98, 51,
78, 68, 69 et 77 ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Je suis,
comme tous ici, sensible aux situations particulières qui ont été évoquées tant
par M. Huriet que par M. Mercier.
Mais je crois pouvoir dire que ces cas particuliers sont couverts par
l'amendement n° 77 de M. Mahéas, qui, plus large, les enveloppe en son sein.
Autrement dit, l'adoption de l'amendement n° 77 donnerait satisfaction pleine
et entière à l'amendement n° 36 de M. Huriet et aux amendements n°s 68 et 69 de
M. Mercier. Ainsi, avec l'adoption d'un amendement, quatre seraient
satisfaits.
En sens inverse, les amendements n°s 50 et 98 ainsi que les amendements n°s 51
et 78 - c'est, en fait, le même texte - vont beaucoup plus loin. Ils ont un
objet beaucoup plus large, trop large même aux yeux du Gouvernement, en ce
qu'ils ouvrent des possibilités nouvelles qui vont bien au-delà de ce que le
Gouvernement souhaitait inscrire dans ce texte.
Si on les adoptait, satisfaction serait donnée à trois amendements, alors que
je vous ai proposé, mesdames, messieurs les sénateurs, d'en satisfaire quatre.
C'est donc à votre esprit de justice que j'en appelle
maintenant.
(Sourires.)
M. Jacques Mahéas.
C'est astucieux !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
J'ai évidemment écouté attentivement l'intervention de M. le
ministre et je me tourne vers les auteurs des amendements n°s 36 et 68, MM.
Huriet et Mercier pour leur demander s'ils estiment, comme vient de l'affirmer
M. le ministre, que l'amendement n° 77 intègre leurs préoccupations respectives
? De leur réponse dépendra la position définitive que j'exprimerai au nom de la
commission.
M. Claude Huriet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Monsieur le président, avant de me déterminer, puis-je demander à M. le
ministre et à M. le rapporteur quelle serait la différence entre la procédure
proposée à l'instant par M. le rapporteur, visant à accorder la priorité aux
amendements n°s 98, 36 et 68, et l'amendement n° 77 de M. Mahéas ?
Je voudrais avoir la certitude que l'adoption de l'amendement de M. Mahéas
correspondrait au moins aux effets de la proposition du rapporteur visant à
regrouper, dans des votes successifs, certes, les amendements n°s 98, 36 et
68.
M. le président.
En pédagogie, nous disons que la répétition fixe la notion, alors, veuillez
répéter, monsieur le ministre. (
Sourires
.)
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Comme M.
Hoeffel craint, par l'effet de son amendement large mais qui n'est pas vraiment
du même domaine, de ne pas couvrir les problèmes posés par MM. Huriet et
Mercier, il fait un paquet des trois amendements.
Je réaffirme qu'aux yeux du Gouvernement, compte tenu de sa rédaction,
l'amendement de M. Mahéas donne entière satisfaction : il règle les problèmes
soulevés à la fois par MM. Huriet et Mercier. C'est clair, net et précis ! Il
peut permettre d'en régler d'autres qui ne seraient pas évoqués par l'un ou
l'autre et qui se poseraient dans des conditions à peu près identiques.
Vous avez donc entièrement satisfaction par l'amendement de M. Mahéas, de même
que vous auriez satisfaction par le cumul des amendements proposés par la
commission. Cependant, le Gouvernement reste défavorable à l'amendement n° 98,
qui, lui, « arrose » très large et créerait une situation particulièrement
dérogatoire qui ne semble pas, aujourd'hui, aller dans le sens de la rigueur
que prône, par ailleurs, M. le rapporteur avec beaucoup de conviction et
d'efficacité dans cette assemblée.
M. le président.
Monsieur le rapporteur, acceptez-vous la demande de priorité du Gouvernement
pour l'amendement n° 77 ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Nous prenons acte de la déclaration de M. le ministre, selon
laquelle l'adoption de l'amendement n° 77 répondrait aux préoccupations de MM.
Huriet et Mercier.
Si tel est réellement le cas, et si nos collègues MM. Huriet et Mercier
donnent leur accord, la commission, qui maintient, bien entendu, son amendement
n° 98, demandera que soient votés en priorité l'amendement n° 98 et
l'amendement n° 77.
Dès lors, nous n'« arrosons » pas large. Nous cherchons simplement à recouvrir
l'ensemble des situations qui pourraient s'avérer périlleuses parce que non
suffisamment définies à l'occasion de ce débat.
M. Michel Mercier.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier.
L'amendement n° 69 que j'ai déposé est, sur un point au moins, plus précis que
l'amendement n° 77 en ce qu'il constitue une garantie de rémunération pour les
agents concernés. Mais je n'ai pas dans cette affaire d'amour-propre
d'auteur.
M. Jacques Mahéas.
Alors ralliez-vous à mon amendement !
M. Michel Mercier.
Monsieur Mahéas, vous pouvez aussi vous rallier au mien, et je vous en
remercie par avance, comme je suis prêt à me rallier au vôtre.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur la demande de priorité des amendements n°s
98 et 77 ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Favorable.
M. le président.
La priorité est ordonnée.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 98, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 5.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 77.
M. Claude Huriet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Je suis prêt à voter cet amendement, mais mon collègue et ami Michel Mercier a
demandé quelques précisions à M. Mahéas pour savoir si ce texte ne serait pas
en retrait par rapport à nos propres amendements, en ce qui concerne les
possibilités pour ces personnels de bénéficier de l'ensemble du dispositif.
Pouvez-vous me le confirmer et, dans ce cas, apporter le correctif nécessaire,
ou l'infirmer, monsieur Mahéas ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Je demande
la parole ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
La question
subsidiaire posée par MM. Michel Mercier et Claude Huriet vise la conservation
du bénéfice de la rémunération.
Je vous renvoie à la lecture attentive de l'amendement de M. Mahéas qui
prévoit que les agents non titulaires ainsi recrutés peuvent conserver le
bénéfice de la rémunération au titre de leur contrat de travail antérieur et
leur régime de retraite complémentaire et de prévoyance. » Sur ce point,
l'amendement de M. Mahéas assure une couverture beaucoup plus large que celle
qui est prévue par vos amendements et satisfait exactement et plus précisément
les préoccupations que vous exprimez.
M. Claude Huriet.
Je suis satisfait.
M. Ivan Renar.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Je n'ai vraiment aucune réticence vis-à-vis de l'amendement n° 77. Je fais
simplement remarquer que, si les autres amendements deviennent sans objet, il y
a comme un principe d'égalité qui ne sera pas respecté.
Je suis tout à fait favorable à cet amendement qui touche le domaine social et
médico-social. Cependant, il existe toute une série de structures qui ont été
créées dans les mêmes conditions avant 1985 - je pense à l'agence régionale de
développement, à l'agence pour les économies d'énergie, aux parcs de matériels
culturels, etc. - auxquelles il serait normal d'appliquer le même dispositif
que celui que nous dédions aux structures médico-sociales. C'est le regret que
je veux exprimer.
Cela étant, je le répète, je n'ai aucune réticence vis-à-vis de l'amendement
de notre collègue Jacques Mahéas, qui couvre bien l'ensemble du dispositif ;
nos collègues Claude Huriet et Michel Mercier peuvent être rassurés. Je trouve
dommage toutefois que les autres structures ne soient pas visées.
L'élargissement que nous proposons n'est pas « monstrueux ». Ce sont des cas de
figure qui sont des séquelles de la façon dont ont été créées les régions.
J'ai vécu la création d'un établissement public régional où, en bureau, en
présence du préfet qui gérait le budget, on ne pouvait voter que des dépenses
d'investissement et pas de dépenses de fonctionnement. Au moment de la création
de l'Orchestre national de Lille, nous pouvions acheter des contrebasses - au
titre de l'investissement - mais pas les archets qui relevaient du
fonctionnement. On subventionnait les départements pour faire les trottoirs et
les départements reversaient aux structures culturelles des dépenses de
fonctionnement.
M. Jean-Jacques Hyest.
Quelle horreur, il ne faut pas le dire !
M. Ivan Renar.
Ce sont les belles années soixantes-dix, sous la présidence de M. Giscard
d'Estaing, monsieur Hyest !
Les préfets nous ont donc encouragés à créer des structures, des associations.
Les personnels qui ont été embauchés avant 1985 et qui sont venus travailler
pour la collectivité se retrouvent dans la situation que j'ai décrite tout à
l'heure. C'est ce principe d'égalité que je souhaiterais voir respecter.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, en suivant la liste des amendements, il semble que
l'amendement n° 69 vient avant l'amendement n° 77. Or, que je sache, M. Mercier
n'a pas retiré son amendement n° 69.
M. le président.
Monsieur Hyest, le vote par priorité des amendements n°s 98 et 77 a été
demandé et ordonné !
M. Jean-Jacques Hyest.
Franchement, en lisant les deux amendements je trouve qu'ils sont pratiquement
identiques, à une exception près, l'amendement de M. Mercier prévoit que les
personnels concernés doivent justifier au 1er octobre d'une durée effective de
service d'un an.
M. Alain Vasselle.
Mais c'est du travail de commission !
M. Jean-Jacques Hyest.
Je ne pense pas qu'un amendement soit meilleur que l'autre. J'aurais souhaité
un amendement commun pour répondre à cet objectif.
M. Alain Vasselle.
Renvoi en commission !
M. le président.
Je demande à M. Mercier, s'il accepte, de rectifier son amendement afin de lui
donner la même portée que celui de M. Mahéas. Puis je demanderai à M. Renar
s'il consent également à rectifier l'amendement n° 50, à moins que M. le
ministre ne s'y oppose...
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Surtout pas
!
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Au point où nous en sommes, je crois que les uns et les
autres ayant dit ce qui devait être dit, ce ne sont pas des questions
d'amour-propre qui devraient nous compliquer la tâche.
En conséquence, je propose qu'un amendement commun reprenne les amendements
n°s 69 de M. Mercier et 77 de M. Mahéas. Ainsi, ajouté à l'amendement n° 98, il
couvrira l'ensemble des situations.
M. Alain Vasselle.
Très bien, on vote !
M. Claude Huriet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Par sa démarche, M. Hoeffel cherche d'une façon méritoire à obtenir le
consensus le plus large possible. Puis-je lui demander de faire un effort
supplémentaire et de proposer, en tant que rapporteur, qu'il y ait trois
cosignataires de cet amendement commun. Je ne lui demanderai pas, s'il
acceptait cette démarche, de respecter l'ordre alphabétique.
En effet, on peut envisager d'avoir un amendement cosigné par les trois
collègues qui se sont engagés avec la même ardeur et la même conviction
puisqu'ils ont convaincu la Haute Assemblée. Ainsi, nous pourrons montrer qu'il
s'agit finalement des efforts communs qui ont pu connaître un heureux
aboutissement grâce à la compréhension du Gouvernement.
M. Ivan Renar.
Il n'y a qu'à mettre tout le monde !
M. le président.
Mes chers collègues, je vous propose de suspendre la séance quelques minutes
afin que les auteurs des amendements concernés se rapprochent de M. le
rapporteur et rédigent un amendement commun couvrant l'ensemble des
problèmes.
M. Guy Penne.
Tout le monde est d'accord !
M. le président.
Ne ne pouvons pas faire en séance publique un travail de commission.
M. Daniel Hoeffel,
r apporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
A cette heure-ci, toute suspension de séance risque de casser
le rythme de nos travaux.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Il faut renvoyer ces amendements à la fin de la séance !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Ne pouvons-nous pas poursuivre nos travaux en demandant à nos
collègues Mercier et Mahéas...
M. Alain Vasselle.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur
...de faire ce travail de rédaction commune ?
M. Alain Vasselle.
Voilà !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Ensuite, le Sénat pourra se prononcer sur cet amendement
rectifié.
M. Alain Vasselle.
C'est cela !
M. Jean-Pierre Schosteck.
Exact !
M. le président.
Monsieur le rapporteur, qu'en est-il de la demande de M. Renar ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Il y a une certaine logique, qui est celle des amendements
n°s 69 et 77. Je me suis prononcé dans ce sens-là et je souhaite que leurs
auteurs se mettent d'accord et reviennent avec le fruit de leurs travaux.
L'adjonction des éléments d'un troisième amendement serait une source de
complications qui ne me paraît pas aller dans le sens de la clarification.
M. Alain Vasselle.
Très bien !
M. Jacques Mahéas.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Je pense que nous sommes d'accord pour cosigner, tous les quatre, cet
amendement n° 77. Personnellement, je n'ai aucune susceptibilité d'auteur !
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques
instants...
M. Jacques Mahéas.
Mais non !
M. le président.
Monsieur Mahéas, ce n'est pas un colloque ! Il y a un règlement. Il est
préférable de suspendre la séance.
Par conséquent, j'invite les quatre collègues concernés à se concerter pour se
mettre d'accord très vite sur une rédaction.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue le jeudi 23 novembre 2000 à une heure quinze, est reprise
à une heure vingt.)
M. le président.
La séance est reprise.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 77 rectifié, présenté par MM. Mahéas,
Michel Mercier, Huriet et Mme Borvo, et tendant à insérer, après l'article 6,
un article additionnel ainsi rédigé :
« Les personnels employés à la date de promulgation de la présente loi par une
association oeuvrant dans le secteur social ou médico-social créée avant le 1er
janvier 1985, dont l'objet et les moyens sont transférés dans leur intégralité
à un département ou à un établissement public en relevant, peuvent être
recrutés par cette collectivité ou cet établissement, en qualité d'agent non
titulaire, pour la gestion d'un service public administratif relevant du
secteur précité.
« Les agents non titulaires ainsi recrutés peuvent conserver le bénéfice des
stipulations de leur contrat de travail antérieur lorsqu'elles ne dérogent pas
aux dispositions légales et réglementaires régissant les agents non titulaires
de la fonction publique territoriale. Toutefois, ils peuvent conserver le
bénéfice de leur contrat à durée indéterminée ainsi que, s'ils y ont intérêt,
celui de la rémunération au titre de leur contrat de travail antérieur et leur
régime de retraite complémentaire et de prévoyance.
« Par dérogation à l'article L. 122-9 du code du travail, les personnes
recrutées dans les conditions fixées aux alinéas précédents ne perçoivent pas
d'indemnités au titre du licenciement lié à la dissolution de l'association.
»
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Cet amendement n° 77 rectifié est désormais cosigné par nous quatre. Il n'y a
donc plus de problème particulier.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 77 rectifié, accepté par la commission et par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 6, et les amendements n°s 36, 50, 51, 78, 68 et 69
n'ont plus d'objet.
Articles additionnels après l'article 5
M. le président.
Par amendement n° 49, Mme Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 5, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Les agents non titulaires remplissant les conditions énumérées à l'article 3
de la présente loi et qui ont été recrutés au plus tôt trois ans avant la
promulgation de la présente loi peuvent se présenter aux examens profesionnels
des cadres d'emplois dont les fonctions correspondent à celles au titre duquel
ils ont été recrutés.
« Les conditions de nomination et de classement dans chacun des cadres
d'emplois des agents bénéficiant des propositions prévues aux articles 3 et 4
ci-dessus ainsi que de celles du présent article sont celles prévues par les
statuts particuliers desdits cadres d'emplois pour les lauréats des concours
internes sous réserve de dispositions particulières concernant la durée des
stages fixée par décret en Conseil d'Etat. »
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
J'ai déjà défendu cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 49, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 57, M. Garrec et les membres du groupe des Républicains et
Indépendants proposent d'insérer, après l'article 5, un article additionnel
ainsi rédigé :
« Par dérogation à l'article 36 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant
dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, les
agents non titulaires des collectivités territoriales ou des établissements
publics en relevant exerçant depuis au moins dix ans des fonctions pour
lesquelles aucun cadre d'emplois ne correspond peuvent être nommés dans un
cadre d'emplois de la fonction publique territoriale auquel leur activité peut
être assimilée, par voie d'intégration directe. »
La parole est à M. Garrec.
M. René Garrec.
La jurisprudence me semble maintenant établie. Je souhaite seulement attirer
l'attention de M. le ministre sur le fait que des fonctionnaires contractuels
en place depuis plus de dix ans mériteraient d'être titularisés. Je retire mon
amendement, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° 57 est retiré.
Article additionnel avant l'article 6
M. le président.
Par amendement n° 52, Mme Borvo, M. Bret et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 6, un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les salariés sous contrat de droit privé recrutés en application des
mesures d'aide à l'emploi possédant une qualification reconnue peuvent se
présenter aux concours internes et aux examens professionnels des cadres
d'emplois dont ils relèvent. La formation et la préparation sont, dans ce cas,
prises en charge par la collectivité.
Les salariés sous contrat de droit privé recrutés en application des mesures
d'aide à l'emploi sans qualification et en poste dans les collectivités
territoriales ou leurs établissements peuvent être titularisés par
transformation de leur contrat en emplois statutaires. Cette titularisation est
prononcée par la collectivité dont ils relèvent sur des emplois de l'échelle
2.
Les crédits nécessaires à la transformation des emplois statutaires sont
abondés par le report intégral des crédits d'Etat correspondant.
« II. - Les taux prévus à l'article 885 U du code général des impôts sont
relevés à due concurrence. »
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Cet amendement applique aux emplois-jeunes ce que j'ai dit dans le cadre des
collectivités locales.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 52, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 6
M. le président.
« Art. 6. - Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application
du présent titre aux agents des collectivités et établissements mentionnés à
l'article 118 de la loi du 26 janvier 1984 susmentionnée. » -
(Adopté.)
Article additionnel après l'article 6
M. le président.
Par amendement n° 73 rectifié, MM. Darniche et Durand-Chastel proposent
d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les agents non titulaires ayant occupé un emploi réglementé d'attaché au 27
janvier 1984, avant d'être nommés comme collaborateurs de cabinet, peuvent être
intégrés au grade d'administrateur territorial dès lors qu'ils ont atteint
l'indice hors échelle 940 majoré et accompli au moins dix-huit ans au service
total dans leurs deux emplois.
« Cette règle est applicable aux agents des collectivités territoriales
titularisés en application du décret n° 86-227 du 18 février 1986, modifié par
le décret n° 98-68 du 2 février 1998. »
La parole est à M. Darniche.
M. Philippe Darniche.
Cet amendement traite de la situation précaire des agents contractuels des
collectivités territoriales titularisés en application du décret n° 86-227 du
18 février 1986, modifié par le décret n° 98-68 du 2 février 1998.
En effet, si l'on prend le cas d'un agent titulaire d'une licence, ayant
occupé d'abord un emploi réglementé d'attaché pendant sept années, puis un
emploi de collaborateur de cabinet pendant douze ans, quelles sont les
possibilités d'intégration de ces personnels compétents dans le cadre des
administrateurs territoriaux ?
Lorsque l'on considère le temps passé, le niveau des fonctions occupées et les
promotions indiciaires obtenues successivement dans un emploi réglementé puis
dans celui de collaborateur de cabinet, de telles intégrations devraient être
rendues possibles. En effet, les agents qui se trouvent dans cette situation,
intégrés dans la catégorie des attachés, n'ont, dans les faits, aucune
perspective d'avancement en raison de leur classement indiciaire et de
l'absence de prise en compte de leur ancienneté. De plus, ils risquent de
rencontrer d'épouvantables difficultés pour faire valoir leurs droits à la
retraite.
Une telle stagnation de rémunération, si elle représente une garantie pour les
agents, peut constituer un réel handicap pour les cadres gestionnaires. Il peut
se révéler difficile de motiver certains agents dans la prise de
responsabilités nouvelles, si celles-ci ne peuvent s'accompagner, au moins à
moyen terme, d'une amélioration de leur rémunération.
C'est tout l'objet et le sens de cet amendement d'ordre technique.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
La commission estime que, pour des personnes comptant
dix-huit ans d'ancienneté et ayant atteint l'indice 940 majoré, le concours de
droit commun doit constituer une réponse, sans qu'il soit besoin de prévoir de
mesure dérogatoire dans un cas particulier comme celui-ci.
Je crois que, fort de cette assurance, M. Darniche acceptera certainement de
retirer son amendement.
M. Philippe Darniche.
Parfaitement.
(Sourires.)
M. le président.
L'amendement n° 73 rectifié est retiré.
Par amendement n° 96 rectifié, M. Vergès et Mme Borvo proposent d'insérer,
après l'article 6, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A la Réunion, les personnels permanents non titulaires de toutes les
communes devront être intégrés, au plus tard au 31 décembre 2001, dans la
fonction publique territoriale dans les conditions de statut et de traitement
en vigueur en métropole dans la fonction publique territoriale.
« II. - A compter du 1er janvier 2002, des négociations seront engagées entre
l'Etat, l'Association des maires et les organisations syndicales sur
l'harmonisation des traitements au sein de la fonction publique territoriale
des communes de la Réunion. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
Chapitre III
Dispositions concernant la fonction publique
hospitalière
Article 7
M. le président.
« Art. 7. - Par dérogation à l'article 29 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986
portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière,
peuvent être ouverts, pour une durée maximum de cinq ans à compter de la date
de publication de la présente loi, dans des conditions définies par décret en
Conseil d'Etat, des concours ou examens professionnels réservés aux candidats
remplissant les quatre conditions suivantes :
« 1° Justifier avoir eu, pendant au moins deux mois au cours des douze mois
précédant la date du 10 juillet 2000, la qualité d'agent non titulaire de droit
public des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986
susmentionnée, recruté à titre temporaire et ayant assuré des missions dévolues
aux agents titulaires ;
« 2° Avoir été, durant la période définie au 1° ci-dessus, en fonctions ou
avoir bénéficié d'un congé en application du décret pris sur le fondement de
l'article 10 de la loi du 9 janvier 1986 précitée ;
« 3° Justifier, au plus tard à la date de nomination dans le corps, des titres
ou diplômes requis des candidats au concours ou examen professionnel externe
d'accès au corps concerné. Les candidats peuvent obtenir la reconnaissance de
leur expérience professionnelle en équivalence des conditions de titres ou
diplômes requises pour se présenter aux concours prévus par le présent article.
Un décret en Conseil d'Etat précise la durée de l'expérience professionnelle
prise en compte en fonction de la nature et du niveau des titres ou diplômes
requis ;
« 4° Justifier, au plus tard à la date de clôture des inscriptions au concours
ou à l'examen professionnel, d'une durée de services publics effectifs au moins
égale à trois ans d'équivalent temps plein au cours des huit dernières
années.
« Les concours ou examens professionnels réservés prévus à l'alinéa précédent
sont organisés pour l'accès à des corps de fonctionnaires dont les statuts
particuliers prévoient un recrutement par la voie externe. Les examens
professionnels réservés prévus au même alinéa ne peuvent être organisés que
pour les corps dont les statuts particuliers prévoient un recrutement externe
par examen professionnel.
« Les candidats ne peuvent se présenter qu'aux concours ou examens
professionnels prévus par le présent article donnant accès aux corps de
fonctionnaires dont les missions, telles qu'elles sont définies par les statuts
particuliers desdits corps, relèvent d'un niveau de catégorie au plus égal à
celui des fonctions qu'ils ont exercées pendant une durée de trois ans au cours
de la période de huit ans prévue au 4° du premier alinéa ci-dessus. »
Par amendement n° 8, M. Hoeffel, au nom de la commission, propose, dans le
deuxième alinéa (1°) de cet article, de remplacer les mots : « deux mois » par
les mots : « quatre mois ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de conséquence.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Avis
défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 9, M. Hoeffel, au nom de la commission, propose, à la fin du
dernier alinéa de l'article 7, de remplacer les mots : « pendant une durée de
trois ans au cours de la période de huit ans prévue au 4° du premier alinéa
ci-dessus » par les mots : « pendant la période prévue au 4° du présent article
».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
M. le
rapporteur est trop modeste ! Le Gouvernement est très favorable à cet
amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 9, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
M. le président.
« Art. 8. - I. - Par dérogation à l'article 31 de la loi du 9 janvier 1986
susmentionnée, les concours ou examens professionnels prévus à l'article 7
donnent lieu à l'établissement d'une liste d'aptitude valable un an, classant
par ordre alphabétique les candidats déclarés admis par le jury. Les candidats
inscrits sur cette liste sont recrutés par les établissements qui auront offert
un poste au concours ou à l'examen professionnel.
« II. - Le décret prévu au premier alinéa de l'article 7 fixe notamment la
liste des corps pour lesquels ces concours ou examens professionnels pourront
être ouverts en dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 36
de la loi du 9 janvier 1986 susmentionnée ainsi que les modalités
d'organisation de ces concours ou examens professionnels et la nature des
épreuves. » -
(Adopté.)
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES
À LA MODERNISATION DU RECRUTEMENT
M. le président.
Par amendement n° 79, MM. Domeizel, Mahéas et les membres du groupe socialiste
et apparentés proposent de rédiger ainsi l'intitulé de cette division : «
Dispositions relatives à la modernisation de la gestion de la carrière. »
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel.
Cet amendement a pour objet de nous permettre de discuter de l'amendement n°
88, qui viendra en discussion par la suite.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
L'ambition du nouvel intitulé est incontestable mais,
manifestement, il ne me paraît pas correspondre au contenu des articles 9 à 14.
Restons-en donc au libellé modeste d'un titre correspondant à la réalité du
contenu.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Le
Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
M. le président.
Monsieur Domeizel, maintenez-vous l'amendement n° 79 ?
M. Claude Domeizel.
J'accepte de le retirer si cela ne fait pas obstacle à la discussion de
l'amendement n° 88.
M. le président.
L'amendement n° 79 est retiré.
Article 9
M. le président.
« Art. 9. - Le premier alinéa de l'article 6 de la loi du 11 janvier 1984
susmentionnée est modifié comme suit :
« Les fonctions qui, correspondant à un besoin permanent, impliquent un
service à temps incomplet d'une durée n'excédant pas 70 % d'un service à temps
complet, sont assurées par des agents contractuels.
« Les agents contractuels recrutés en application des dispositions du premier
alinéa de l'article 6 de la loi du 11 janvier 1984 susmentionnée dans sa
rédaction antérieure à la présente loi, et en fonctions à la date de
publication de la présente loi ou bénéficiaires, à la même date, de l'un des
congés prévus par le décret pris en application de l'article 7 de la loi du 11
janvier 1984 susmentionnée, continuent à être employés dans les conditions
prévues par leur contrat. » -
(Adopté.)
Article 10
M. le président.
« Art. 10. - L'article 19 de la loi du 11 janvier 1984 susmentionnée est
modifié comme suit :
« I. - Le 1° est remplacé par les dispositions suivantes :
« 1° Des concours ouverts aux candidats justifiant de certains diplômes ou de
l'accomplissement de certaines études.
« Lorsqu'une condition de diplôme est requise, les candidats disposant d'une
expérience professionnelle conduisant à une qualification équivalente à celle
sanctionnée par le diplôme requis peuvent, lorsque la nature des fonctions le
justifie, être admis à se présenter à ces concours. Un décret en Conseil d'Etat
précise la durée de l'expérience professionnelle prise en compte en fonction de
la nature et du niveau des diplômes requis. »
« II. - Le même article est complété par les dispositions suivantes :
« 3° En outre, pour l'accès à certains corps et dans les conditions fixées par
leur statut particulier, des concours réservés aux candidats justifiant de
l'exercice pendant une durée déterminée d'une ou plusieurs activités
professionnelles, d'un ou de plusieurs mandats de membre élu d'une collectivité
territoriale ou d'une ou de plusieurs activités en qualité de responsable d'une
association, peuvent être organisés. La durée de ces activités ou mandats ne
peut être prise en compte que si les intéressés n'avaient pas, lorsqu'ils les
exerçaient, la qualité de fonctionnaire, de magistrat, de militaire ou d'agent
public. Les statuts particuliers fixent la nature et la durée des activités
requises, ainsi que la proportion des places offertes à ces concours par
rapport au nombre total des places offertes pour l'accès par concours aux corps
concernés.
« Les concours mentionnés aux 1° , 2° et 3° ci-dessus peuvent être organisés
soit sur épreuves, soit sur titres ou sur titres et travaux, éventuellement
complétés d'épreuves, lorsque les emplois en cause nécessitent une expérience
ou une formation préalables.
« Les concours peuvent être organisés au niveau national ou déconcentré. La
compétence des ministres en matière d'organisation des concours peut être
déléguée, par arrêté conjoint du ministre intéressé et du ministre chargé de la
fonction publique, après consultation des instances paritaires compétentes, au
représentant de l'Etat dans la région, le département, le territoire ou la
collectivité d'outre-mer, pour les personnels placés sous son autorité. »
Par amendement n° 10, M. Hoeffel, au nom de la commission, propose de
remplacer les deux premiers alinéas du I de cet article par un alinéa ainsi
rédigé :
« « I. - Le 1° est complété par les dispositions suivantes : ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Cet amendement rédactionnel permet tout simplement d'éviter
de répéter le droit existant.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 103, le Gouvernement propose :
I. - Dans la première phrase du dernier alinéa du I de l'article 10, de
supprimer le mot : « professionnelle »
II. - De procéder à la même suppression dans la seonde phrase du même
alinéa.
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Cet
amendement a pour objet de supprimer le terme « professionnelle » dans le texte
qui vous est proposé, de manière à inclure les candidats disposant d'une
expérience à titre bénévole dans le milieu associatif. Le projet de loi prévoit
en effet le cas des candidats responsables à titre professionnel, mais non
celui des candidats responsables à titre bénévole. Or ce bénévolat peut
permettre d'acquérir des expériences qui, ensuite, peuvent légitimement être
prises en compte pour présenter les concours en question.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Je dois préciser que, en raison du dépôt tardif de cet
amendement, la commission n'a pas pu se prononcer. Toutefois, m'inscrivant dans
la logique qui anime la commission des lois, je ne puis émettre d'avis
favorable.
Cet amendement vise en effet à ouvrir le troisième concours aux personnes
bénéficiant d'une expérience sans préciser qu'il s'agit d'une expérience
professionnelle. Or, c'est un élément important. Le troisième concours tend à
élargir le recrutement des fonctionnaires aux personnes compétentes et
expérimentées du secteur privé lorsque leur professionnalisme le justifie.
C'est, là encore, un terme sur lequel il convient de mettre l'accent. A titre
personnel je me permets donc d'exprimer un avis défavorable, j'en ai le regret,
monsieur le ministre, mais il est des circonstances dans lesquelles il vaut
mieux être clair au départ.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 103.
M. Jacques Mahéas.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Nous sommes particulièrement étonnés de la position de notre rapporteur, qui
nous a habitués à plus de souplesse. En l'occurrence, marquer l'existence du
bénévolat des associations en permettant à ceux qui l'exercent de se présenter
au troisième concours serait une reconnaissance de la vie de nos collectivités
locales.
Le groupe socialiste votera donc pour cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 103, repoussé par la commission.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 11, M. Hoeffel, au nom de la commission, propose dans la
première phase du deuxième alinéa du II de l'article 10, de remplacer les mots
: « membre élu » par les mots : « membre d'une assemblée élue ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 11, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 104, le Gouvernement propose, dans la première phrase du
deuxième alinéa du II de l'article 10, de remplacer les mots : « responsable
d'une association » par les mots : « responsable bénévole d'une association
».
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Cet
amendement a le même objet que celui qui vient d'être repoussé.
J'ajouterai simplement, à l'intention de M. le rapporteur, que le parallélisme
entre professionnels dans une entreprise et professionnels dans une association
trouve ses limites. J'ai rarement vu des bénévoles travailler dans une
entreprise ; en revanche, je connais des responsables bénévoles dans des
associations.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Par coordination et pour les mêmes arguments que
précédemment, je suis au regret de ne pouvoir donner un avis favorable à cet
amendement, dont je déplore à nouveau le dépôt tardif. La commission n'a pu en
délibérer dans les délais voulus, mais je sais qu'être au Gouvernement
comporte, parfois, des servitudes qui méritent compréhension...
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Je trouve
votre remarque justifiée et votre compréhension méritoire.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 104, repoussé par la commission.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 12, M. Hoeffel, au nom de la commission, propose, dans la
seconde phrase du dernier alinéa de l'article 10, de remplacer les mots : «
instances paritaires compétentes » par les mots : « comités techniques
paritaires ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Favorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 12.
M. Jacques Mahéas.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas.
Je souhaiterais poser une question : actuellement, dans la fonction
hospitalière, y a-t-il des comités techniques paritaires ou des instances
paritaires ?
MM. Michel Mercier
et
Jean-Jacques Hyest.
Oh oui ! des comités techniques paritaires, il y en a partout, hélas !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 10, modifié.
(L'article 10 est adopté.)
Articles 11 et 12
M. le président.
« Art. 11. - Il est inséré, à l'article 20 de la loi du 11 janvier 1984
susmentionnée, un sixième alinéa rédigé comme suit :
« Les candidats aux concours doivent remplir les conditions générales prévues
aux articles 5 et 5
bis
du titre Ier du statut général et par le statut
particulier du corps auxquels ils postulent au plus tard à la date de la
première épreuve du concours ou, s'il s'agit d'un concours comprenant un examen
des titres des candidats, à la date de la première réunion du jury chargé de la
sélection des dossiers, sauf indications contraires dans le statut particulier
du corps concerné. » -
(Adopté.)
« Art. 12. - Pendant une durée de cinq ans à compter de la publication de la
présente loi, le recrutement dans les corps de fonctionnaires de catégorie C
dont le grade de début est doté de l'échelle de rémunération la moins élevée de
cette catégorie peut avoir lieu sans concours, selon des conditions d'aptitude
et des modalités prévues par décret en Conseil d'Etat. » -
(Adopté.)
Article 13
M. le président.
« Art. 13. - I. - Le dernier alinéa de l'article 3 de la loi du 26 janvier
1984 susmentionnée est supprimé.
« Les agents contractuels qui ont été recrutés en application des dispositions
du dernier alinéa de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 susmentionnée
dans sa rédaction antérieure à la présente loi, en fonctions à la date de
publication de la présente loi ou bénéficiaires, à la même date, de l'un des
congés prévus par le décret pris en application du dernier alinéa de l'article
36 de la loi du 26 janvier 1984 susmentionnée, continuent à être employés dans
les conditions prévues par la législation antérieure, lorsqu'ils ne sont pas
recrutés au titre des dispositions des articles 36 ou 38 de la loi du 26
janvier 1984 ou au titre des dispositions des articles 3 à 5 de la présente
loi.
« II. - L'article 14 de la loi du 26 janvier 1984 susmentionnée est complété
par les dispositions suivantes :
« Les centres de gestion réalisent une synthèse des informations mentionnées à
l'alinéa précédent ainsi que de toutes autres données relatives à l'évolution
des emplois dans les collectivités et établissements relevant de leur ressort
et aux besoins prévisionnels recensés en application de l'article 43 de la
présente loi, dans le but d'organiser une concertation annuelle auprès de ces
collectivités et établissements et de contribuer à l'évaluation des besoins
prévisionnels de recrutement ainsi que des moyens nécessaires à leur mise en
oeuvre.
« A ce titre, ils examinent plus particulièrement les demandes et propositions
de recrutement et d'affectation susceptibles d'être effectuées sur la base du
deuxième alinéa de l'article 25.
« Les informations et propositions issues de cette concertation sont portées à
la connaissance des comités techniques paritaires.
« III. - Dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 34 de la loi
du 26 janvier 1984 susmentionnée, le terme : "trois" est remplacé par le terme
: "deux".
« IV. - L'article 36 de la loi du 26 janvier 1984 susmentionnée est complété
ainsi qu'il suit :
« En outre, l'accès à certains cadres d'emplois peut être, dans les conditions
fixées par leur statut particulier, ouvert par la voie d'un troisième concours
aux candidats justifiant de l'exercice, pendant une durée déterminée, d'une ou
de plusieurs activités professionnelles ou d'un ou de plusieurs mandats de
membre élu d'une collectivité territoriale. Ce troisième concours peut aussi
être ouvert à des candidats justifiant d'une ou de plusieurs activités en
qualité de responsable d'une association.
« La durée de ces activités ou mandats ne peut être prise en compte que si les
intéressés n'avaient pas, lorsqu'ils les exerçaient, la qualité de
fonctionnaire, de magistrat, de militaire ou d'agent public. Les statuts
particuliers fixent la nature et la durée des activités requises, et la
proportion des places offertes pour l'accès par ces concours aux cadres
d'emplois.
« V. - Pour la durée d'application du dispositif de la présente loi, le
rapport établi sur la base de l'article 33 de la loi du 26 janvier 1984
susmentionnée comporte un bilan de la mise en oeuvre des dispositions prévues
aux articles 3 à 5 ci-dessus.
« Le centre de gestion est rendu destinataire du bilan susmentionné et en
assure la transmission aux organisations syndicales représentées au Conseil
supérieur de la fonction publique territoriale. »
Je suis d'abord saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 13 est présenté par M. Hoeffel, au nom de la commission.
L'amendement n° 25 rectifié est déposé par MM. Eckenspieller et Vasselle.
Tous deux tendent à supprimer le I de l'article 13.
Par amendement n° 37 rectifié, MM. Eckenspieller et Vasselle proposent de
rédiger comme suit le I de cet article :
« I. - Le dernier alinéa de l'article 3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984
précitée est complété par les mots suivants : "et relevant de la catégorie A ou
B. Les agents ainsi recrutés, lorsqu'ils occupent un ou plusieurs emplois pour
une durée inférieure à la moitié de la durée légale du travail, ne sont pas
soumis aux dispositions du 1er alinéa de l'article 25 de la loi n° 83-634 du 13
juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires". »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 13.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Il s'agit d'une question de principe que la plupart d'entre
vous ont soulevée au cours de leurs interventions.
Le projet de loi tend à supprimer la possibilité pour les communes de moins de
2 000 habitants et pour leurs groupements de recruter des contractuels sur des
emplois permanents à temps non complet.
Or, nous estimons que ce mode de recrutement est un élément de souplesse pour
ces communes. C'est donc pour garantir cette souplesse de gestion que la
commission vous propose, mes chers collègues, de supprimer le paragraphe I de
l'article 13.
M. le président.
La parole est à M. Eckenspieller, pour présenter les amendements n°s 25
rectifié et 37 rectifié.
M. Daniel Eckenspieller.
L'amendement n° 25 rectifié étant identique à celui de la commission, je
n'ajouterai rien aux propos de M. le rapporteur.
Quant à l'amendement n° 37 rectifié, il n'aura plus de raison d'être si
l'amendement n° 13 est adopté. Si tel ne devait pas être le cas, cet amendement
n° 37 rectifié constituerait une solution de repli qui réglerait au moins
partiellement le problème que nous cherchons à résoudre.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 37 rectifié ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Je me place dans une situation optimiste en espérant que
l'amendement n° 13 sera adopté.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 13, 25 rectifié, et 37
rectifié ?
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Nous
abordons là l'un des sujets importants qui ont été soulevés au Sénat, en
particulier sur l'initiative de la commission.
L'analyse statistique des effets de l'accord Perben montre que la proportion
des personnels concernés qui ont pu être titularisés dans la fonction publique
d'Etat est importante. En revanche, cette proportion est faible dans les
collectivités locales. Il y a donc, je crois, un problème spécifique aux
collectivités territoriales en termes de précarité.
J'ai bien compris votre souci de garantir de la souplesse. Mais, si ce souci
aboutit à ce que, dans les collectivités territoriales, il reste un nombre très
important de personnels en situation précaire, alors que, par ailleurs, l'Etat
se verra imposer une plus grande rigueur pour diminuer ce nombre, la situation
paraîtra des plus choquantes, notamment aux personnels qui, par les hasards de
leur carrière, se trouveront employés par une collectivité territoriale, alors
qu'ils auraient pu entrer aussi bien dans une administration de l'Etat.
Le Gouvernement a donc essayé, à la fois, de respecter la liberté des
collectivités territoriales tout en parvenant par diverses modifications, y
compris par des modifications législatives comme celle dont nous parlons, de
réduire le champ du recrutement contractuel et donc du recrutement précaire
dans les collectivités territoriales.
Monsieur le rapporteur, vous le savez mieux que quiconque, vous aviez souhaité
apporter un certain nombre d'assouplissements dans votre loi du 27 décembre
1994 par l'élargissement des possibilités de recours au temps non complet et
par la généralisation - ce qui est très important - du recrutement direct, sans
concours, pour les emplois de catégorie C. Ainsi, une plus grande souplesse
dans le choix de ceux qui peuvent servir ces collectivités territoriales a été
instituée grâce à votre initiative.
Je crois pouvoir dire qu'un amendement qui a été déposé sur cet article vise à
apporter plus de souplesse en permettant à un agent employé à temps non complet
de cumuler cet emploi à temps partiel avec un autre emploi. Cet assouplissement
permettrait de résoudre bien des difficultés.
Je crois donc que le dispositif qui a la faveur du Gouvernement, c'est-à-dire
la suppression de la possibilité pour les communes de moins de deux mille
habitants, conjugué avec les dispositions que vous avez introduites, en
particulier le recrutement direct sans concours de titulaires pour les
catégories C, conjugué également avec le dispositif de cumul que vous allez
proposer maintenant, permettra de résoudre l'ensemble des problèmes.
Etre rigoureux pour faire en sorte que le champ de la précarité diminue, y
compris dans les collectivités territoriales, respecter la liberté de chacune
des collectivités territoriales dans le choix des agents embauchés, mais aussi
respecter chacun des agents en lui permettant d'avoir, par un cumul
d'activités, un salaire complet, tels sont les principes qui recueillent
l'assentiment du Gouvernement.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Monsieur le ministre, j'ai écouté votre argumentation avec
attention et je me dois d'intervenir à nouveau car nous nous trouvons là au
coeur d'un des problèmes fondamentaux.
Trois raisons me paraissent justifier notre amendement.
Première raison : si les assouplissements introduits par la loi de décembre
1994 faisaient réellement double emploi avec le recrutement contractuel à temps
non complet dans les petites communes, on aurait déjà procédé, en 1994, à la
suppression de cette mesure dérogatoire introduite sept ans auparavant.
Deuxième raison : le recrutement sans concours dans la catégorie C ne répondra
pas à l'ensemble des besoins des petites communes et de leurs groupements, sauf
à considérer qu'elles n'auraient pas besoin d'agents de catégories A et B.
Troisième raison : la mise à disposition de personnels par les centres de
gestion est une mesure utile - nous ne le contestons pas - mais actuellement
encore peu utilisée et très inégalement développée selon les centres de
gestion. Il faut espérer que l'on y recourra de plus en plus.
En attendant, notre amendement nous paraît correspondre à la réalité vécue
dans les communes et leurs groupements. C'est donc faire preuve de sagesse que
de vous demander, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 13 et 25 rectifié.
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
M. Hoeffel a, d'une manière tout à fait pertinente, énoncé les raisons pour
lesquelles cet amendement doit être adopté.
J'ajouterai deux remarques supplémentaires.
Je me souviens parfaitement de l'assouplissement apporté dans le cadre de la
loi de 1994, puisque j'avais déposé, au nom de l'Association des maires de
France, l'amendement qui a permis le recrutement direct des agents de catégorie
C.
Je rappelle également que le texte qui nous est soumis ce soir est le résultat
d'un protocole d'accord engagé entre le Gouvernement et les organisations
syndicales. Les associations représentatives d'élus, qui n'étaient pas invitées
à la table des négociations, n'étaient pas présentes. Et l'Association des
maires de France, au sein de laquelle je préside le groupe de la fonction
publique territoriale, a été conduite à donner un avis sur les dispositions de
ce texte : c'est à l'unanimité que tous les membres du groupe de la fonction
publique territoriale, dans lequel se trouvent les communes affiliées et non
affiliées, ont demandé la suppression de ces dispositions.
Monsieur le ministre, si nous avions été à la table des négociations, vous
auriez su dès le départ, devant les organisations syndicales, que nous n'étions
pas favorables à ces mesures.
Il me paraît important que la représentation nationale tienne compte de l'avis
exprimé par l'Association des maires de France, toutes sensibilités et toutes
strates démographiques confondues, en ce qui concerne le territoire
national.
M. Claude Domeizel.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel.
Il s'agit, en effet, d'un article important.
La possibilité de recruter des agents dans les communes de moins de 2 000
habitants dès lors que la durée du travail hebdomadaire était de moins de
trente et une heures trente date de 1987. Depuis, les choses ont beaucoup
changé, cela a été dit. Depuis 1991 et 1994, tout emploi de catégorie C à
l'échelle 2 peut être pourvu sans concours.
Les centres de gestion, on l'a rappelé, ont un rôle à jouer, même si certains
ne le jouent pas encore pleinement, et on doit les encourager à le faire.
L'intercommunalité a également modifié les possibilités offertes aux
communes.
Pour sa part, le groupe socialiste votera contre cet amendement. Il suffit de
lire l'intitulé du texte : « projet de loi relatif à la résorption de l'emploi
précaire » ! On ne peut prétendre vouloir résorber l'emploi précaire et, dans
le même temps, laisser la porte ouverte au recrutement d'un grand nombre de
personnes et d'agents en emploi précaire ! On ne peut pas tenir deux langages
!
J'ai une fort longue expérience de président de centre de gestion dans mon
département et je peux affirmer qu'aujourd'hui la demande des petites communes
peut être satisfaite, même si l'on supprime cette mesure concernant les
communes de moins de 2 000 habitants.
Le problème pour les communes de moins de 2 000 habitants - et c'est la raison
pour laquelle j'ai déposé, au nom du groupe socialiste, un amendement que nous
examinerons ultérieurement - c'est le cumul d'un emploi public et d'un emploi
privé. Il est vrai que lorsqu'on a recruté un agent dans une petite commune et
qu'il exerce en même temps une activité privée on se heurte à des
difficultés.
Il faut donner la possibilité à des personnes qui sont titulaires dans la
fonction publique de pouvoir travailler dans le secteur privé, et répondre
ainsi aux attentes des maires des communes rurales. Telle est la raison pour
laquelle, je le répète, nous voterons contre cet amendement.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Tout d'abord, je me permets de rappeler que les recrutements directs d'agents
de catégorie C n'étaient effectués que pour des raisons de simplification. Il
est à peu près impossible, en effet, d'organiser des concours, par exemple,
pour recruter des agents d'entretien : on risquerait de voir se présenter huit
cents candidats pour un poste. Tel était donc bien - M. le rapporteur s'en
souvient fort bien - le principal motif de la simplification.
Ensuite, je suis quelque peu surpris par les propos tenus par M. Domeizel :
des agents publics qui ne pourraient plus être recrutés à temps non complet
pourraient, en revanche, cumuler un emploi dans le privé. Or, en vertu d'une
disposition concernant le statut des fonctionnaires, toute personne exerçant
une activité à temps complet ne peut pas cumuler un emploi public et un emploi
privé. C'est d'ailleurs, je le rappelle, ce qui fait parfois toute la
difficulté.
Par ailleurs, ne travailler que quelques heures ne signifie pas nécessairement
précarité. Dans nos petites communes, nous avons parfois recours, pour quelques
heures, à une femme de ménage. Mais, en même temps, elle est employée comme
aide ménagère. En fin de compte, elle travaille à temps complet, mais ce n'est
pas un emploi public, parce qu'elle est également employée par une association.
C'est interdit aujourd'hui, mais ce serait rendu possible demain.
Je vous citerai un autre exemple, celui des personnels qui conduisent les
autobus scolaires.
(M. Claude Domeizel s'exclame.)
Vous voulez interdire
qu'on les recrute à temps non complet et de manière contractuelle !
M. Claude Domeizel.
Pas du tout !
M. Jean-Jacques Hyest.
Si, en fait, c'est ce que vous voulez ! Je ne comprends pas ! C'est très utile
dans les petites communes, et, pour ces personnels, ce n'est pas de la
précarité. Simplement, ils ne sont employés que quelques heures. Il faut donc
maintenir ce dispositif.
M. René Garrec.
Tout à fait !
M. Jacques Mahéas.
Il n'y a pas d'opposition de notre part !
M. Claude Domeizel.
Pas du tout !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 13 et 25 rectifié, repoussés
par le Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 37 rectifié n'a plus d'objet.
La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.
13
NOMINATION DES MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président.
Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept
membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un
texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi relatif à
l'épargne salariale.
La liste des candidats établie par la commission des finances a été affichée
conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat
à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Roland du Luart, Joseph Ostermann, Jean Chérioux, Denis
Badré, André Vallet, Marc Massion et Paul Loridant.
Suppléants : M. Jacques Baudot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Joël Bourdin,
Alain Joyandet, Jacques Pelletier, Michel Sergent et François Trucy.
14
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le ministre des relations avec le
Parlement une lettre en date de ce jour par laquelle le Gouvernement modifie
l'ordre du jour prioritaire de la séance du vendredi 24 novembre, en inscrivant
le matin la suite du projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire
et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au
temps de travail dans la fonction publique territoriale.
M. Alain Vasselle.
C'est scandaleux !
M. Louis Althapé.
Il n'y aura personne !
M. le président.
L'ordre du jour de la séance du vendredi 24 novembre est modifié en
conséquence :
- à neuf heures trente : suite du projet de loi relatif à la résorption de
l'emploi précaire dans la fonction publique ;
- à 15 heures : examen des articles de la première partie du projet de loi de
finances pour 2001.
Mes chers collègues, je souhaite, en votre nom à tous, remercier M. le
ministre, M. le rapporteur et la commission d'avoir accepté de modifier notre
programme de travail, afin de satisfaire toutes les demandes qui ont été
formulées.
15
communication de l'adoption définitive
de textes soumis en application
de l'article 88-4 de la Constitution
M. le président.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication en
date du 22 novembre 2000 l'informant de l'adoption définitive de neuf textes
soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :
E 1292. - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de
l'accord de coopération dans le domaine de la science et de la technologie
entre la Communauté européenne et la Fédération de Russie, adopté le 16
novembre 2000 ;
E 1474. - Proposition de décision du Conseil autorisant la France à appliquer
une exonération de droits d'accise sur certaines huiles minérales utilisées à
des fins spécifiques, conformément à la procédure prévue par l'article 8,
paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE (gaz utilisés dans les véhicules de
collecte des immondices), adopté le 10 novembre 2000 ;
E 1482. - Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 2000/24/CE
afin d'étendre la garantie accordée par la Communauté à la Banque européenne
d'investissement aux prêts en faveur de projets en Croatie, adopté le 7
novembre 2000 ;
E 1506. - Proposition de règlement du Conseil portant ouverture et mode de
gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains
produits de la pêche (crevettes), adopté le 7 novembre 2000 ;
E 1508. - Proposition de règlement du Conseil établissant, conformément à
l'article 1er, paragraphe 7, du règlement (CEE) n° 3030/93, la liste des
produits textiles et des vêtements à incorporer, le 1er janvier 2002, à
l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 et modifiant
l'annexe X du règlement (CEE) n° 3030/93 et l'annexe II du règlement (CE) n°
3285/94, adopté le 9 novembre 2000 ;
E 1556. - Proposition de règlement du Conseil établissant certaines
concessions sous forme de contingents tarifaires communautaires pour certains
produits agricoles et prévoyant l'adaptation autonome et transitoire de
certaines concessions agricoles prévues dans l'accord européen avec la
Slovénie, adopté le 7 novembre 2000 ;
E 1558. - Proposition de décision du Conseil relative à la prorogation de
l'accord international de 1986 sur l'huile d'olive et les olives de table,
adopté le 10 novembre 2000 ;
E 1563. - Proposition de règlement du Conseil modifiant l'annexe I du
règlement (CEE) n° 2658/87 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique
et au tarif douanier commun (produits des technologies de l'information [ATI]),
adopté le 16 novembre 2000 ;
E 1573. - Proposition de règlement du Conseil portant deuxième modification du
règlement (CE) n° 1294/1999 du Conseil relatif à un gel des capitaux et à une
interdiction des investissements en relation avec la République fédérale de
Yougoslavie (RFY) et abrogeant les règlements (CE) n° 1295/1998 et (CE) n°
1607/1998 ainsi qu'abrogation de l'article 2 du règlement (CE) n° 926/1998 du
Conseil concernant la réduction de certaines relations économiques avec la
République fédérale de Yougoslavie, adopté le 10 novembre 2000.
16
DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI
M. le président.
J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à l'élargissement du conseil
d'administration de la société Air France et aux relations de cette société
avec l'Etat, et portant modification du code de l'aviation civile.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 90, distribué et renvoyé à la
commission des affaires économiques et du Plan.
17
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de décision du Conseil relative aux taux réduits et aux
exonérations de droits d'accises sur certaines huiles minérales utilisées à des
fins spécifiques.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1603 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Consitution :
- lettre de la Commission européenne du 6 novembre 2000 relative à une demande
de dérogation présentée par les Pays-Bas conformément à l'article 8, paragraphe
4, de la directive 92/81/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 concernant
l'harmonisation des structures des droits d'accises sur les huiles minérales
(gazole, GPL) : Lettre de la Commission aux Etats membres.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1604 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de décision du Conseil relative à la signature et à
l'application provisoire de l'accord sur le commerce de produits textiles entre
la Communauté européenne et la République de Croatie, paraphé à Bruxelles le 8
novembre 2000.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1605 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la
directive 79/267/CEE du Conseil en ce qui concerne l'exigence de marge de
solvabilité des entreprises d'assurance vie.
Ce texte sera imprimé sous le n° E 1606 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2791/1999
du Conseil du 16 décembre 1999 établissant certaines mesures de contrôle
applicables dans la zone de la convention sur la future coopération
multilatérale dans les pêches de l'Atlantique du nord-est.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1607 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil concernant la conclusion du protocole
fixant les possibilités de pêche et la compensation financière prévues dans
l'accord entre la Communauté économique européenne et le gouvernement de la
République de Guinée Equatoriale concernant la pêche au large de la côte de
Guinée Equatoriale pour la période du 1er juillet 2000 au 30 juin 2001.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1608 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil établissant certaines concessions sous
forme de contingents tarifaires communautaires pour certains produits agricoles
transformés et prévoyant l'adaptation autonome et transitoire de certaines
concessions agricoles prévues dans l'accord européen avec la République de
Pologne et abrogeant le règlement (CE) n° 3066/95.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1609 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le
Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant la signature, au nom de la
Communauté européenne, de l'accord sous forme d'échange de lettres prorogeant
et modifiant l'accord sur le commerce de produits textiles conclu entre la
Communauté européenne et l'Ukraine, et autorisant son application
provisoire.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-1610 et distribué.
18
ordre du jour
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée à aujourd'hui, jeudi 23 novembre 2000, à onze heures, quinze heures et,
éventuellement, le soir :
Discussion du projet de loi de finances pour 2001, adopté par l'Assemblée
nationale (n°s 91 et 92, 2000-2001) (M. Philippe Marini, rapporteur général de
la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques
de la nation).
Discussion générale.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus
recevable.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la première partie
du projet de loi de finances pour 2001 : jeudi 23 novembre 2000, à onze
heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 23 novembre 2000, à une heure
cinquante-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON
NOMINATION DES MEMBRES
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE
Au cours de la séance du mercredi 22 novembre 2000, ont été proclamés membres
de la commission d'enquête sur les conditions d'utilisation des farines
animales dans l'alimentation des animaux d'élevage et les conséquences qui en
résultent pour la santé des consommateurs :
MM. Jean Bernard, Jacques Bimbenet, Jean Bizet, Paul Blanc, Bernard Cazeau,
Gérard César, Yvon Collin, Gérard Deriot, Bernard Dussaut, Jean-Paul Emorine,
Bernard Fournier, Georges Gruillot, Jean-François Humbert, Gérard Le Cam, Serge
Lepeltier, Roland du Luart, François Marc, Gérard Miquel, Philippe Nogrix,
Jean-Marc Pastor, Michel Souplet.
NOMINATION DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
M. Pierre Hérisson a été nommé rapporteur de la proposition de résolution n° 89 (2000-2001) de M. Gérard Larcher et plusieurs de ses collègues, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté (n° E 1520).
COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES
M. Robert Del Picchia a été nommé rapporteur du projet de loi n° 70 (2000-2001) autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de notes entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse concernant l'interprétation de la convention relative au service militaire des doubles-nationaux du 16 novembre 1995.
COMMISSION DES FINANCES
M. Denis Badré a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 27
(2000-2001) de M. Jean-Paul Amoudry et plusieurs de ses collègues relative à
l'abaissement du taux de TVA dans les secteurs de la restauration
traditionnelle.
M. Philippe Marini a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 50
(2000-2001) de M. André Vallet modifiant l'article 102 du code général des
impôts concernant le régime spécial déclaratif des bénéfices commerciaux pour
les entreprises dont les recettes n'excèdent pas 175 000 F.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)
Présence de produits phytosanitaires
dans les eaux de pluie du Nord - Pas-de-Calais
948.
- 20 novembre 2000. -
M. Jacques Donnay
attire l'attention de
Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement
sur la révélation récente d'une étude, engagée depuis dix-huit mois dans la
région Nord - Pas-de-Calais par l'Institut Pasteur de Lille, sur la présence de
produits phytosanitaires dans l'eau de pluie. Les premiers constats de cette
enquête, prévue sur quatre années, avec des relevés quotidiens effectués en
cinq endroits, à Berck, Gravelines, Lille, Cambrai et Lillers, soulèvent d'ores
et déjà de nombreuses interrogations, voire inquiétudes. En effet, les
recherches entreprises ont déjà permis de mesurer les taux de contamination
atmosphérique par rapport à la norme existante fixée à 0,1 microgramme de
pesticide par litre. Or, cette norme est souvent dépassée de trente fois à
Berck et de quatre-vingts fois à Lille. Ce problème, certes ancien, risque,
aujourd'hui, d'alimenter le climat de psychose actuel : d'où viennent ces
produits phytosanitaires retrouvés dans les eaux de pluie ? Ces produits ne
risquent-ils pas de contaminer les nappes phréatiques et donc l'eau que nous
buvons ? Qu'en est-il des atteintes à la faune et à l'environnement ? Informé
de la détermination du Gouvernement à assurer un haut niveau de protection des
milieux (l'air, l'eau, le sol), et donc des populations, en imposant notamment
la surveillance étroite des seuils de pollution, il lui demande donc s'il ne
lui paraît pas indispensable, dès à présent et sans attendre les conclusions
définitives du rapport, de renforcer les contrôles de l'application des
obligations environnementales qui s'imposent aux utilisateurs de produits
polluants, voire de procéder à certaines suspensions. De surcroît, dans un
souci de sécurité, il la remercie d'envisager les modalités d'une information
locale de nos concitoyens sur ce sujet sensible.
Versement des subventions FEDER
949.
- 22 novembre 2000. -
M. Patrick Lassourd
attire l'attention de
M. le ministre délégué chargé des affaires européennes
sur les modalités de versement des concours européens du Fonds européen de
développement économique régional (FEDER). L'attribution des subventions est en
effet subordonnée à la présentation de pièces justificatives de factures
acquittées. Or, cette exigence, bien que portée sur toutes les conventions
établies depuis le lancement du programme Leader II, n'a jamais été mise en
application, alors même que de nombreux paiements ont pourtant été réalisés
sans aucune difficulté, et ce sur la base de bilans financiers certifiés par le
porteur du projet, et accompagnés d'une copie des factures afférentes. Il
s'interroge donc sur le récent rejet de deux dossiers du programme Leader II du
pays des Portes de Bretagne, pour non-présentation de factures acquittées.
Cette pratique nouvelle et inquiétante renforce les lourdeurs administratives
et invalide gravement des projets importants pour le développement économique
de nos régions. Une bureaucratie excessive ne peut en effet que retarder, voire
annuler les programmes, alors même que la France se distingue par une mauvaise
consommation des crédits européens, à cause de la complexité imposée par la
Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR). Eu
égard à la quantité de pièces administratives à fournir, il paraît impossible
d'exiger la présentation de factures acquittées pour chaque dossier... Soucieux
toutefois de la nécessité de contrôler la destination des deniers publics, il
lui demande s'il peut être envisageable d'établir le contrôle sur la bonne foi
des porteurs de projets, avec production de tableaux récapitulatifs dûment
certifiés portant les mentions : « date, numéro et montant des factures,
dénomination du fournisseur, etc. », accompagnés de copie des factures
afférentes.
Critères d'éligibilité
aux subventions pour la création de bibliothèques
950.
- 22 novembre 2000. -
M. Patrick Lassourd
souhaite appeler l'attention
Mme le ministre de la culture et de la communication
sur le caractère beaucoup trop contraignant des critères d'éligibilité aux
subventions, pour la construction des bibliothèques, dans les petites villes et
les zones rurales. Le critère de taille, déterminé par circulaire, de 7 mètres
carrés pour 100 habitants, ne tient pas l'épreuve du terrain, et s'avère hors
de proportion eu égard au coût du bâtiment, et aux besoins réels de la
population. Le critère de personnel, imposant un emploi à temps complet pour 2
000 habitants et 50 % des emplois affectés aux catégories A ou B, se révèle
largement inadapté. Quand on connaît le rôle majeur joué par le bénévolat dans
ces petites et moyennes bibliothèques, on mesure l'impossibilité pour les
communes d'assumer le coût de ces personnels. Il souhaite que ces critères
puissent être revus, en rapportant de 7 à 5 mètres carrés le critère de taille
pour 100 habitants, et en permettant aux communes de répondre progressivement
au critère de personnel, pour une montée en charge sur quatre ou cinq ans, qui
facilitera par là même la transition avec les bénévoles. Il lui demande de bien
vouloir examiner ces propositions, vitales pour la diffusion de la culture en
zone rurale, et lui préciser sa position sur ce problème, pour répondre à une
véritable attente tant des communes que des citoyens.
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mercredi 22 novembre 2000
SCRUTIN (n° 18)
sur l'ensemble de la proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée
nationale, après déclaration d'urgence, destinée à améliorer l'équité des
élections à l'assemblée de la Polynésie française.
Nombre de votants : | 319 |
Nombre de suffrages exprimés : | 302 |
Pour : | 220 |
Contre : | 82 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (17) :
Abstentions :
17.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
18.
Contre :
5. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer,
Yvon Collin et Gérard Delfau.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
98.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
GROUPE SOCIALISTE (77) :
Contre :
77.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
51.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Jean Faure, qui présidait la
séance.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :
Pour :
46.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
7.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Jean Boyer
Louis Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Jacques Donnay
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Hubert Falco
Pierre Fauchon
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Alain Hethener
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Roger Karoutchi
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Kléber Malécot
André Maman
Max Marest
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Ont voté contre
François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Marcel Bony
André Boyer
Yolande Boyer
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Yvon Collin
Gérard Collomb
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Léon Fatous
Serge Godard
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Alain Journet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Louis Le Pensec
André Lejeune
Claude Lise
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
François Marc
Marc Massion
Pierre Mauroy
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Paul Raoult
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Simon Sutour
Michel Teston
Pierre-Yvon Tremel
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstentions
Jean-Yves Autexier
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Danielle Bidard-Reydet
Nicole Borvo
Robert Bret
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Gérard Le Cam
Pierre Lefebvre
Paul Loridant
Hélène Luc
Roland Muzeau
Jack Ralite
Ivan Renar
Odette Terrade
Paul Vergès
N'ont pas pris part au vote
Christian Poncelet, président du Sénat, et Jean Faure, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes
à la liste de scrutin ci-dessus.
SCRUTIN (n° 19)
sur l'ensemble du projet de loi organique modifiant les règles applicables à la
carrière des magistrats.
Nombre de votants : | 319 |
Nombre de suffrages exprimés : | 319 |
Pour : | 319 |
Contre : | 0 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (17) :
Pour :
17.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :
Pour :
23.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (99) :
Pour :
98.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat.
GROUPE SOCIALISTE (77) :
Pour :
76.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Guy Allouche, qui présidait la
séance.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (52) :
Pour :
52.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (46) :
Pour :
46.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (7) :
Pour :
7.
Ont voté pour
François Abadie
Nicolas About
Philippe Adnot
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Denis Badré
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Michel Bécot
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Nicole Borvo
Joël Bourdin
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Yolande Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Robert Bret
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Guy-Pierre Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Claire-Lise Campion
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Auguste Cazalet
Bernard Cazeau
Charles Ceccaldi-Raynaud
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Yvon Collin
Gérard Collomb
Gérard Cornu
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Xavier Darcos
Philippe Darniche
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Robert Del Picchia
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Gérard Delfau
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Deriot
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Claude Domeizel
Jacques Dominati
Jacques Donnay
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Paul Dubrule
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Jean Faure
André Ferrand
Guy Fischer
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Thierry Foucaud
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Serge Godard
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jean-Noël Guérini
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Alain Hethener
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Jean-François Humbert
Claude Huriet
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Journet
Alain Joyandet
Roger Karoutchi
Christian de La Malène
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Alain Lambert
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Gérard Le Cam
Jean-François Le Grand
Louis Le Pensec
Dominique Leclerc
Pierre Lefebvre
Jacques Legendre
André Lejeune
Guy Lemaire
Serge Lepeltier
Marcel Lesbros
Claude Lise
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Hélène Luc
Jacques Machet
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
François Marc
Max Marest
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Paul Masson
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Michel Moreigne
Georges Mouly
Bernard Murat
Roland Muzeau
Philippe Nachbar
Paul Natali
Lucien Neuwirth
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jacques Peyrat
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Xavier Pintat
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jack Ralite
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
Ivan Renar
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Roger Rinchet
Yves Rispat
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Simon Sutour
Martial Taugourdeau
Odette Terrade
Michel Teston
Henri Torre
René Trégouët
Pierre-Yvon Tremel
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Paul Vergès
André Vezinhet
Jean-Pierre Vial
Marcel Vidal
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Guy Vissac
Henri Weber
N'ont pas pris part au vote
Christian Poncelet, président du Sénat, et Guy Allouche, qui présidait la
séance.
Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes
à la liste de scrutin ci-dessus.