SEANCE DU 27 NOVEMBRE 2000
M. le président.
Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° I-94, MM. Grignon, Bécot,Fréville, Hérisson, Machet,
Moinard, Richert, Hoeffel et Badré proposent d'insérer, après l'article 8, un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le I de l'article 154 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« I. - Pour la détermination des bénéfices industriels et commerciaux et des
bénéfices des professions non commerciales, le salaire du conjoint participant
effectivement à l'exercice de la profession peut, à la demande du contribuable,
être déduit du bénéfice imposable dans la limite de trente-six fois le montant
mensuel du salaire minimum interprofessionnel de croissance. Ce salaire est
rattaché, à ce titre, à la catégorie des traitements et salaires visés au V de
la présente sous-section.
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus sont
compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-164, MM. Ostermann, Besse, Braun, Cazalet, Chaumont,
Gaillard, Joyandet, Trégouët, Cornu, Martin, Vasselle, Murat, Rispat, Darcos,
Fournier, de Broissia, Vial, Leclerc, Schosteck, Lanier et Mme Olin proposent
d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la première phrase du premier alinéa du I de l'article 154 du code
général des impôts, les mots : « de 17 000 francs" sont remplacés par les mots
: "d'une rémunération égale au plus à trente-six fois le montant mensuel du
salaire minimum interprofessionnel de croissance".
« II. - Dans le second alinéa du I du même article, le nombre : "trente-six"
est remplacé par le nombre : "soixante-douze".
« III. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application des I
et II ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création de taxes
additionnelles aux droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général
des impôts. »
Par amendement n° I-234, MM. Angels et Dussaut, Mme Bergé-Lavigne, MM.
Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les
membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article
2
bis
, un article additionnel ainsi rédigé :
« A. - Dans la première phrase du premier alinéa du I de l'article 154 du code
général des impôts, la somme : "17 000 francs" est remplacée par la somme : "30
000 francs". »
« B. - La perte de recettes résultant du A ci-dessus est compensée à due
concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-251, MM. Joly et Othily proposent d'insérer, après
l'article 2
bis
, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le premier alinéa du I de l'article 154 du code général des impôts est
ainsi rédigé :
« Pour la détermination des bénéfices industriels et commerciaux et des
bénéfices des professions non commerciales, le salaire du conjoint participant
effectivement à l'exercice de la profession peut, sur demande du contribuable,
être déduit du bénéfice imposable dans la limite de 36 fois le montant mensuel
du SMIC. Ce salaire est rattaché, à ce titre, à la catégorie des traitements et
salaires visés au V de la présente sous-section.
« II. - Le second alinéa du I de l'article 154 du code général des impôts est
supprimé. »
« III. - Les pertes de recettes résultant du I et du II sont compensées à due
concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits perçus aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-286, M. Marini, au nom de la commission des finances,
propose d'insérer, après l'article 2
bis
, un article additionnel ainsi
rédigé :
« A. - Dans la première phrase du premier alinéa du I de l'article 154 du code
général des impôts, la somme : "17 000 francs" est remplacée par les mots :
"huit fois le montant mensuel du salaire minimum de croissance".
« B. - La perte de recettes résultant du A ci-dessus est compensée à due
concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. réville, pour défendre l'amendement n° I-94.
M. Yves Fréville.
Cet amendement a pour objet de permettre aux artisans de déduire le salaire
versé à leur conjoint à hauteur de trente-six fois le SMIC mensuel par an, et
ce sans qu'il soit tenu compte du régime matrimonial ni de l'adhésion à un
centre de gestion agréé.
M. le président.
La parole est à M. Murat, pour défendre l'amendement n° I-164.
M. Bernard Murat.
Actuellement, lorsque la femme d'un artisan ou d'un commerçant occupe un
emploi salarié dans l'entreprise de son mari, son salaire est réintégré pour
partie dans le bénéfice de l'entreprise. Il en est ainsi pour la part de son
salaire dépassant 17 000 francs par an, sauf si l'entreprise adhère à un centre
de gestion agréé.
Concrètement, une telle déduction est inexistante, puisqu'elle est légèrement
supérieure à 1 000 francs par mois.
Par ailleurs, cette règle est irréaliste du point de vue de l'assurance
sociale. En effet, alors que le salaire du conjoint supporte en totalité les
cotisations d'assurance maladie et vieillesse du régime général, une partie de
ce salaire est une nouvelle fois soumise à ces cotisations au titre du régime
des travailleurs non salariés.
Au moment où chacun, sur ces travées, souhaite donner aux femmes toute la
place qui doit leur revenir dans notre société, il me paraît judicieux
d'accroître la part du salaire du conjoint d'un artisan admise à la déduction
du bénéfice imposable.
Cet amendement a pour objet de permettre aux artisans et aux commerçants de
déduire le salaire versé à leur conjoint à hauteur de trente-six fois le SMIC
mensuel par an et sans qu'il soit tenu compte du régime matrimonial ou de
l'adhésion à un centre de gestion agréé.
Enfin, cette mesure contribuerait à une meilleure reconnaissance du travail
accompli par les femmes au sein de l'entreprise de leur conjoint.
M. le président.
La parole est à Mme Bergé-Lavigne, pour présenter l'amendement n° I-234.
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Chacun se souvient qu'il y a presque vingt ans, très précisément en 1982, sous
un gouvernement de gauche, une loi a été votée qui a fait date : la loi sur les
conjoints d'artisans et de commerçants. Cette loi avait pour objet de leur
donner une véritable existence juridique.
L'une des mesures qui leur avait été accordée se traduisait par une
déductibilité de leur salaire, lorsqu'ils participent effectivement à
l'activité, déductibilité dont le plafond n'a jamais été réévalué depuis
lors.
Je sais bien qu'il existe également une limite majorée, pour les adhérents des
centres de gestion et associations agréés, à hauteur de trente-six fois le SMIC
mensuel par an.
Nous considérons toutefois qu'il n'est pas normal, justement, que deux limites
aient été prévues : l'une évoluant avec un paramètre, le SMIC, qui se majore au
fil des années, et l'autre qui reste fixe.
Aujourd'hui, les artisans ou les commerçants qui ne sont pas adhérents d'un
centre de gestion agréé sont peu nombreux et la loi sur le régime de micro-TVA
n'a fait que renforcer cette tendance.
Nous avons affaire à des petits contribuables qui constatent que si l'on avait
indexé cette limite sur l'inflation, donc si on l'avait actualisée, ils
pourraient déduire 30 000 francs au lieu de 17 000 francs.
A l'orée du passage à l'euro, les artisans et, surtout, les commerçants,
joueront un rôle capital. Il serait bon que le Gouvernement fasse un geste en
leur faveur.
M. le président.
La parole est à M. Othily, pour présenter l'amendement n° I-251.
M. Georges Othily.
Actuellement, quand les époux sont mariés sous un régime de communauté, le
salaire du conjoint participant effectivement à l'exercice de la profession ne
peut être déduit que dans la limite de 17 000 francs par an quand l'entreprise
n'adhère pas à un centre de gestion agréé. Cet amendement s'inscrit dans la
même ligne que l'amendement précédent.
Quand l'entreprise adhère a un centre de gestion agréé, le salaire du conjoint
peut être déduit dans des proportions plus importantes.
Afin de rétablir une égalité de traitement avec les salariés et de favoriser
la reconnaissance du conjoint salarié, il est proposé de permettre aux artisans
qui le souhaitent de déduire le salaire versé à leur conjoint à hauteur de
trente-six fois le SMIC mensuel par an et sans qu'il soit tenu compte du régime
matrimonial ni de l'adhésion à un centre de gestion agréé.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances, pour présenter
l'amendement n° I-286.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
La commission des finances a
partagé les préoccupations qui se sont exprimées sur la quasi-totalité des
travées et elle a donné mandat au rapporteur général, qui s'est d'ailleurs très
bien acquitté de cette tâche, d'essayer de trouver une rédaction qui convienne
à l'ensemble des auteurs des amendements. Nous avons tenté d'élaborer une
formulation de synthèse sur cette question, en effet importante, du plafond de
déductibilité de la rémunération du conjoint d'un entrepreneur.
Comme certains orateurs l'ont souligné, alors que le plafond applicable aux
adhérents d'un centre de gestion agréé est fixé à trente-six fois le SMIC
mensuel par an, dans tous les autres cas, le plafond est fixé à 17 000 francs
et il n'a pas été revalorisé depuis 1982.
Il est donc proposé dans le présent amendement de revaloriser ce plafond en
indexant son montant sur le SMIC, soit huit fois le montant mensuel du SMIC, ce
qui le porterait à environ 50 000 francs.
Cet amendement de synthèse rédigé par M. le rapporteur général me semble
répondre aux préoccupations des auteurs des différents amendements. Je leur
demande donc de bien vouloir s'y rallier.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement n'est pas favorable à une modification
des limites actuelles de déductibilité du salaire du conjoint de l'exploitant
d'une entreprise individuelle, ce pour deux raisons principales.
Tout d'abord, pour des commerçants qui exercent de manière conjointe leur
activité, le revenu imposable correspond au bénéfice qui est tiré de cette
exploitation commune. C'est par exception à ce principe qu'il est admis qu'un
salaire soit versé au conjoint de l'exploitant et que celui-ci soit déductible
du bénéfice. Mais le montant déductible doit rester dans des limites
raisonnables pour éviter un risque d'évasion fiscale qui consisterait à verser
une sorte de salaire fictif au conjoint afin de réduire le niveau du bénéfice
imposable.
Ensuite, en cas d'adhésion à un centre de gestion agréé, la déduction du
salaire du conjoint est possible dans la limite de trente-six fois le SMIC
mensuel. Cette adhésion permet d'éviter les abus que j'évoquais à l'instant. De
plus, elle est peu coûteuse pour les commerçants.
Par conséquent, parmi les amendements qui viennent d'être défendus, tous ceux
qui tendent à aligner le régime des commerçants ou artisans qui adhèrent à un
centre de gestion agréé sur le régime de ceux qui n'adhèrent pas à un centre de
gestion agréé me paraissent devoir être rejetés, notamment parce qu'il est
important d'inciter les commerçants à adhérer à ce régime des centres de
gestion. Force est de constater que, aujourd'hui, nombreux sont ceux qui n'ont
pas encore adhéré à ce mécanisme, puisqu'ils représentent environ 50 %.
Bien évidemment, la position du Gouvernement est un peu plus nuancée en ce qui
concerne l'amendement n° I-234 présenté par Mme Bergé-Lavigne, dans la mesure
où il tend à modifier non pas le caractère incitatif du dispositif en faveur de
ceux qui ne sont pas adhérents à un centre de gestion agréé mais, au contraire,
le plafond du salaire du conjoint déductible pour ceux qui, précisément, sont
dans ce cas.
M. le président.
Monsieur Fréville, l'amendement n° I-94 est-il maintenu ?
M. Yves Fréville.
Je comprends très bien que le seuil de 17 000 francs doive être réévalué,
puisqu'il date de 1982. Je comprends également qu'il faille conserver aux
centres de gestion agréés un caractère incitatif. Le seuil de trente-six fois
le SMIC mensuel était une proposition d'appel, mais la solution de la
commission des finances - huit fois le SMIC mensuel - est très raisonnable et
tout à fait compatible avec les possibilités budgétaires, même si l'on peut
toujours faire mieux, évidemment.
Par conséquent, je retire mon amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-94 est retiré.
Monsieur Murat, l'amendement n° I-164 est-il maintenu ?
M. Bernard Murat.
Je voudrais quand même souligner l'incohérence de nos collègues du parti
socialiste.
On nous disait tout à l'heure que pratiquement la totalité des commerçants
adhéraient aux centres de gestion agréés mais Mme le secrétaire d'Etat vient de
nous expliquer qu'il n'y en a que 50 %. Encore une fois, je pense que les
artisans n'ont rien à attendre du régime socialiste. Mais je retire mon
amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-164 est retiré.
Madame Bergé-Lavigne, maintenez-vous l'amendement n° I-234 ?
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Nous retirons notre amendement, mais pas en faveur de celui de la commission
!
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Les conjoints d'artisans
apprécieront !
M. le président.
L'amendement n° I-234 est retiré.
Monsieur Othily, l'amendement n° I-251 est-il maintenu ?
M. Georges Othily.
Après les explications qui nous ont été fournies, je pense que nous pouvons le
retirer sans états d'âme.
M. le président.
L'amendement n° I-251 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-286, repoussé par le Gouvernement.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi de finances, après l'article 2
bis
.
Nous en revenons à l'article 2
bis
, précédemment réservé.
Article 2 bis