SEANCE DU 30 NOVEMBRE 2000
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les anciens
combattants.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en cette soirée, il m'appartient, une
fois encore, de m'exprimer au titre de la commission des finances du Sénat sur
les crédits du secrétariat d'Etat aux anciens combattants.
L'adossement du secrétariat d'Etat aux anciens combattants au ministère de la
défense et le transfert consécutif de certains crédits, tels les frais de
fonctionnement des services ou les crédits d'équipement des établissements sous
tutelle ou encore les crédits d'entretien et de la réparation des sépultures,
ne simplifie pas la lecture de ce projet de budget.
Quoi qu'il en soit, le chiffre que nous retiendrons est celui de 23,8
milliards de francs, soit 1,3 % de moins que l'année passée, chiffre auquel il
convient d'ajouter 951 millions de francs inscrits au budget de la défense. Que
le monde combattant ait souhaité ne voir aucune diminution des crédits en
francs constants paraît légitime. Certes, le nombre des parties prenantes
diminue plus vite que les crédits du secrétariat d'Etat aux anciens
combattants, mais les économies qu'on peut en tirer paraissent bien dérisoires
au regard des attentes pressantes du monde combattant.
M. Hilaire Flandre.
Tout à fait !
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
N'oublions jamais que le temps joue contre le monde
combattant et que toute mesure différée conduit fatalement à priver
définitivement certains d'entre eux des réparations auxquelles leur sacrifice
devrait leur donner naturellement accès.
J'en veux pour exemple la question de la retraite anticipée dont nous avons
parlé, évalué le coût pendant des années et qui est obsolète aujourd'hui.
Si le Gouvernement avait voulu s'amender de ces tergiversations dilatoires, il
aurait dû marquer le coup avec la retraite du combattant, soit en anticipant le
versement à soixante-deux ans ou à soixante-trois ans pour atteindre dans un
délai raisonnable l'âge de soixante ans, soit en augmentant l'indice afin d'en
augmenter le montant : 2 780 francs par an, c'est moins de 250 francs par mois
!
Permettez-moi de considérer que votre crainte de se rapprocher ainsi des
pensions de vieillesse liées à la vie professionnelle me paraît bien infondée.
La retraite du combattant reste et restera toujours l'expression d'une
reconnaissance de la nation et n'a rien à voir avec la retraite versée au terme
d'une vie professionnelle.
En parlant de manoeuvres dilatoires, je ne puis oublier le cas des
Reichsarbeitsdienst,
les RAD et des
Krieghilfsdienst,
les KHD. Il
n'aura échappé à personne que, après avoir attendu l'engagement de la fondation
« Entente franco-allemande », vous avez attendu le comptage des bénéficiaires
pour conclure que le Gouvernement n'avait pas à cofinancer l'indemnisation.
N'est-ce pas là gagner du temps ? J'en veux pour preuve vos propos, monsieur
le secrétaire d'Etat aux anciens combattants. Voilà un an, dans les mêmes
circonstances, vous faisiez état, à cette tribune, de l'« échec » que
constituait le traitement de ce dossier, sans remettre en cause le bien-fondé
de la démarche. Il y a trois semaines, lors du débat à l'Assemblée nationale,
vous avez déclaré ceci : « A aucun moment, je n'ai dit que l'Etat apporterait
de l'argent. » Je veux aussi penser aux grandes oubliées de la guerre que sont
les veuves, à qui l'on reconnaît le droit à une assistance sociale, mais aucun
droit à réparation, alors que, compte tenu de leurs efforts et de leur
abnégation, elles en sont bien créancières.
Certes, le projet de budget que vous soumettez à notre approbation n'est pas
dénué de mesures positives, que nous apprécions d'ailleurs à leur juste
valeur.
Toutefois, je qualifierai certaines d'entre elles de « demi-mesures », car,
tout en offrant un effet d'annonce « appréciable », elles ne vont pas jusqu'au
bout de la démarche. C'est ainsi que l'attribution de la carte du combattant
aux rappelés ayant passé quatre mois sur le territoire algérien nous
satisferait totalement si les rappelés du Maroc et de la Tunisie y étaient
officiellement associés. Vous savez comme moi, monsieur le secrétaire d'Etat,
que, aux engagements verbaux et à la bonne foi d'un ministre - et, monsieur
Masseret, je connais votre honnêteté intellectuelle - il est toujours
préférable d'opposer à l'administration des écrits clairs, précis et
incontestables. J'espère aussi que les conséquences budgétaires de cet
élargissement auront été mieux « calibrées » que les fois précédentes.
(M.
le secrétaire d'Etat sourit.)
Vous souriez, je n'en dirai pas plus.
Le rattrapage de la valeur du point des pensions militaires d'invalidité pour
les grands invalides nous comblerait s'il n'était différé, pour le solde, à
l'année prochaine. N'oublions pas que le handicap qui a gâché leur vie en les
frappant en pleine jeunesse n'a pas attendu un an pour s'abattre sur eux.
Alors, il semble mesquin, dans de telles circonstances, de tenter de gagner du
temps, d'autant que l'effort financier pour solder ce contentieux n'est pas
insurmontable puisqu'il est évalué à 35 millions de francs.
Sur la décristallisation des pensions et retraites des anciens combattants
d'outre-mer, je vous avouerai que je suis un peu perplexe, et même hésitant.
Certes, vous avez déposé et fait voter à l'Assemblée nationale un amendement
prévoyant la levée de la forclusion sur les attributions de retraite ; mais je
ne vois pas en quoi cet article ajoute quoi que ce soit à la jurisprudence du
Conseil d'Etat, qui n'a jamais eu besoin d'être transcrite dans la loi pour
être respectée.
Je crains surtout que, ce faisant, vous ne graviez en revanche dans le marbre
le maintien de la cristallisation des taux de réparation, pensions et
retraites.
M. Michel Pelchat.
Tout à fait !
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Or, les calculs que vos services ont établis à ma
demande pour réactualiser les chiffres de 1998 publiés par la Cour des comptes
- je rappelle d'ailleurs que la Cour des comptes elle-même, pourtant si
soucieuse des deniers publics, considère que la décristallisation est une
question d'équité - ces calculs, disais-je, - évaluent à 66 millions de francs
en tout et pour tout le coût non pas de la décristallisation, mais du seul
rattrapage du niveau de vie des pensions et retraites des combattants des trois
pays du Maghreb.
Vraiment, si ces chiffres sont exacts, leur montant est dérisoire au regard
des économies liées à la disparition progressive des bénéficiaires. Il est
surtout dérisoire au regard d'une responsabilité et d'une exigence qui sont
celles de la France, et de la France seule. Franchement, monsieur le secrétaire
d'Etat - je le dis à nouveau cette année, comme tous les ans -, je ne comprends
pas qu'on ne fasse rien !
(M. le secrétaire d'Etat sourit.)
Vous
souriez, monsieur le secrétaire d'Etat. Nous nous connaissons bien, et je sais
que tout ce que je dis, vous le pensez aussi !
(Rires.)
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
Pas tout !
(Nouveaux rires.)
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Mais nous allons y arriver !
Concernant l'article 53
quater
nouveau, issu d'un amendement de nos
collègues députés tendant à mettre en place une « commission d'étude de la
revalorisation des pensions, chargée de proposer les mesures d'ordre législatif
et réglementaire permettant la revalorisation des rentes, des retraites et des
pensions des anciens combattants de l'outre-mer », je soulèverai la réserve que
je porte à ce type de commission dont l'efficacité est liée, comme vous le
savez, à la volonté politique profonde de ceux qui les mettent en place.
Ayant moi-même récemment déposé une proposition de loi visant à décristalliser
la seule retraite du combattant, je ne m'opposerai bien évidemment pas au
principe de cette commission, bien que j'en connaisse les limites.
Plus flagrant encore, le décret du 13 juillet 2000 instaure une indemnisation
au profit des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions
antisémites et ignore les orphelins de fusillés, de déportés politiques ou de
résistants juifs ou non. Cette mesure, largement médiatisée par le Premier
ministre et coûteuse puisqu'elle représente 200 millions de francs - c'est le
chiffre qui m'a été communiqué -, certes prélevés sur les crédits des services
généraux du Premier ministre, emporte l'assentiment de tous sur le principe.
Elle laisse tout de même un goût amer d'injustice envers les exclus du
dispositif.
Je considère enfin que l'effort que vous vous félicitez de faire en faveur de
la mémoire est bien insuffisant. L'augmentation des crédits est d'abord très
largement optique, soit qu'elle rattrape des mesures financées l'an dernier sur
la réserve parlementaire, soit qu'elle corresponde à des transferts en
provenance de la défense.
L'effort réel réalisé cette année en faveur de l'entretien et de la rénovation
des sépultures ne permettra en aucune façon de résorber l'incroyable retard
accumulé sur le plan de rénovation 1997-2000.
Enfin, permettez-moi de regretter que rien n'ait été fait pour revaloriser le
montant dérisoire accordé aux communes et aux associations qui procèdent à
l'entretien des carrés militaires dans les cimetières communaux : nous sommes
toujours à huit francs par tombe, ce qui est, avouez-le, ridicule. J'ai
constaté moi-même, à l'occasion d'une mission effectuée dans les départements
de l'Est, que cette situation n'est plus admissible.
Ce projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat, étant peut-être le dernier
que nous défendons l'un et l'autre à ces places - sait-on jamais ? -
j'achèverai mon propos sur une note positive.
Sans m'autoriser à faire le bilan de votre action, je souhaite toutefois vous
remercier des avancées que vous doit le monde combattant. Je ne reviendrai pas
sur les mesures passées, me contentant de présenter les mesures positives que
j'ai retenues de l'arbitrage budgétaire pour les crédits de 2001.
Je n'insisterai pas sur l'article 51 du projet de loi de finances concernant
les rappelés d'Algérie ni sur l'article 52 relatif aux pensions d'invalidité
des grands invalides que la commission des finances a votés, sous réserve des
observations que je vous ai faites voilà quelques instants.
L'article 53 du projet de loi de finances relevant le plafond de la retraite
mutualiste à 110 points a, lui aussi, reçu l'agrément de la commission,
laquelle regrette cependant que les promesses d'un ancien candidat n'aient pas
été tenues.
Abordant cette question de la retraite mutualiste, je tiens à saluer
l'adoption, par l'Assemblée nationale, d'un amendement devenu l'article 53
bis
qui exclut du secteur marchand la gestion de la retraite
mutualiste.
C'est une disposition prudente que votre rapporteur spécial soutient
totalement sur le fond. Toutefois, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers
collègues, j'attire votre attention sur le fait que le projet de loi habilitant
le Gouvernement à réformer le code de la mutualité par ordonnance est encore en
navette et que nous ignorons si cet article sera compatible avec le droit
communautaire.
L'attribution du TRN, le titre de reconnaissance de la nation, aux militaires
présents sur les territoires algériens et indochinois au-delà de la date
officielle de cessation des combats, soit jusqu'au 2 juillet 1964 pour les
anciens d'Afrique du Nord et au 10 octobre 1957 pour les anciens d'Indochine,
constitue une disposition positive.
Nous attendions cette mesure depuis longtemps. Elle n'est que justice pour les
intéressés, car on ne peut ignorer les risques qu'ils ont encourus durant cette
période charnière.
Je mettrai également au crédit de votre action, monsieur le secrétaire d'Etat
- même si vous l'avez fait un peu tardivement par le biais d'amendement à
l'Assemblée nationale - l'augmentation de 15 millions de francs des crédits
d'action sociale de l'ONAC, l'Office national des anciens combattants et
victimes de guerre, d'autant plus que 5 millions de francs sont destinés à des
actions spécifiques en faveur des veuves d'anciens combattants.
Je profiterai de l'occasion qui m'est donnée de mettre en valeur la mission
sociale de l'ONAC pour insister sur le fait qu'elle ne doit en rien être
confondue avec le droit à réparation que constitue l'ensemble des mesures que
nous défendons, le directeur de l'ONAC et moi-même, et dont la spécificité est
justifiée par les circonstances de leur obtention.
L'Etat ne vient pas au secours des anciens combattants, il est débiteur de
leur droit à réparation. Je tiens à ce que cela soit bien noté, car c'est
important pour les intéressés.
Les deux établissements sous tutelle, l'ONAC et l'INI, l'Institution nationale
des invalides, voient leurs moyens de fonctionnement abondés de près de 8
millions de francs entre crédits budgétaires et ressources propres.
Toutefois, et bien que ces crédits relèvent désormais du budget de la défense,
je vous ferai part de mon inquiétude quant à la sous-consommation chronique des
crédits d'équipement, essentiellement en ce qui concerne les travaux de
sécurité qui paraissent pourtant bien urgents dans les maisons de retraite de
l'ONAC.
Répondant à notre collègue député François Rochebloine, qui s'inquiétait du
sort des non-salariés en cessation d'activité exclus du dispositif du fonds de
solidarité, vous avez pris l'engagement de « faire évoluer par circulaire
l'interprétation de l'adverbe "involontairement" », pusqu'il faut être privé
involontairement de son activité pour accéder aux aides du fonds et que,
jusqu'à présent, l'interprétation restrictive de ce terme excluait les
commerçants, artisans, agriculteurs et autres non-salariés ayant déposé leur
bilan.
Qu'en est-il trois semaines plus tard ? Vous allez certainement nous donner
une réponse !
J'achèverai mon intervention sur un souhait qui ne grève pas le budget de la
nation et auquel vous ne pourrez pas opposer l'article 40, monsieur le
secrétaire d'Etat. Il concerne la médaille accordée aux anciens d'Afrique du
Nord. Il y a là une inégalité préjudiciable entre les titulaires du TRN. Ne
pourriez-vous en prévoir l'extension à tous les titulaires de ce titre ? Pas
d'article 40, monsieur le secrétaire d'Etat !
Il me reste, enfin, à vous indiquer la position de la commission des finances
au regard des mesures positives mais bien frileuses que vous nous soumettez au
travers de ce projet de budget pour 2001.
La commission - vous la connaissez aussi bien que vous me connaissez, monsieur
le secrétaire d'Etat - serait toute prête à voter ce budget si vous acceptiez
de consentir quelques efforts sur quelques-uns des points mentionnés
précédemment. En l'absence de quoi, elle se verra contrainte de proposer le
rejet de votre budget.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Monsieur le
président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, vous me
pardonnerez si je suis obligé de répéter certains des propos que mon ami
Jacques Baudot vient d'exposer avec beaucoup de talent. Mais il est vrai que,
anciens combattants, nous avons l'habitude de répéter les choses : à force de
les répéter, peut-être serons-nous un jour entendus !
L'examen annuel du budget des anciens combattants est un moment important. Il
est, pour la représentation nationale, l'occasion d'apprécier les conditions
d'expression de la reconnaissance de la nation envers ceux qui ont consenti de
lourds sacrifices pour notre pays, mais aussi de faire, le cas échéant, des
propositions pour garantir ou améliorer l'exercice de cette légitime
reconnaissance.
A cette aune, le projet de budget pour 2001 apporte certaines - mais rares -
satisfactions. Il souligne surtout, par ses lacunes, l'urgence qu'il y a à
apporter des réponses concrètes aux attentes les plus vives et les plus
justifiées du monde combattant.
Certes, le budget pour 2001 diminuera moins que ceux qui l'ont précédé, notre
collègue Jacques Baudot vient d'en parler dans son excellente intervention.
J'observe toutefois que cette moindre réduction des crédits tient finalement
moins à une actions volontariste du Gouvernement qu'à l'application pure et
simple des évolutions démographiques. Car, contrairement à certaines idées
reçues, le nombre de parties prenantes à la dette viagère tend désormais à
augmenter. La diminution du nombre de pensionnés est, en effet, plus que
compensée par la forte progression du nombre de titulaires de la retraite du
combattant. La troisième génération du feu arrive aujourd'hui massivement à
l'âge de soixante-cinq ans, ce qui lui permet alors de prétendre à la retraite
du combattant.
Dans ce nouveau contexte démographique, l'évolution des crédits budgétaires ne
permettra qu'une simple reconduction
a minima
des actions en faveur des
anciens combattants.
Je n'entrerai pas ici dans une analyse détaillée des crédits : le temps
m'étant compté, je présenterai simplement deux observations sur ces crédits.
S'agissant des crédits relatifs à la réparation, je souhaite insister sur la
situation de l'Institution nationale des invalides, l'INI. Celle-ci demeure
fragile, sa subvention de fonctionnement n'augmentant que de 1,8 %.
Au moment où l'INI doit revoir sa politique des ressources humaines pour
prendre en compte la fin du service national obligatoire et où l'établissement
public se lance dans la préparation d'une réforme importante qui passe par une
nouvelle accréditation et qui se traduira par la participation au service
public hospitalier, il n'est pas évident que cette subvention permette de
conforter réellement la situation de cet établissement, dont le rôle est
pourtant essentiel.
S'agissant de la politique de solidarité, la commission des affaires sociales
s'inquiète des évolutions pour le moins erratiques de la subvention d'action
sociale de l'ONAC.
Dans sa version initiale, le projet de budget prévoyait une diminution de plus
de 3 % des crédits d'action sociale, alors même que l'office est de plus en
plus fréquemment sollicité pour attribuer des secours individuels. Il apparaît
en effet bien souvent comme l'ultime solution pour de nombreux ressortissants -
notamment des veuves - parfois confrontés à des situations dramatiques du fait
des failles de la politique de solidarité en faveur du monde combattant.
Certes, le Gouvernement a finalement accepté, à l'Assemblée nationale, de
majorer de 15 millions de francs les crédits d'action sociale de l'ONAC, mais
cette initiative tardive ne suffira pas à apaiser la crainte initialement
suscitée.
La commission des affaires sociales ne peut comprendre la tentative du
Gouvernement de restreindre ces crédits alors qu'aucun dispositif de solidarité
alternatif n'est proposé. Aussi, elle ne peut que réitérer sa proposition
d'utiliser une partie des fonds libérés par l'extinction progressive du fonds
de solidarité pour financer de nouvelles actions de solidarité : je constate
que de nombreux allocataires du fonds se retrouvent dans une situation précaire
à la sortie du dispositif et qu'ils sont alors dans la nécessité de se tourner
vers l'ONAC.
S'agissant des mesures nouvelles, le tableau est tout aussi contrasté. Elles
apparaissent, en effet, très en retrait par rapport aux attentes du monde
combattant, mais aussi par rapport aux avancées que vous nous aviez laissé
espérer, monsieur le secrétaire d'Etat.
A ce propos, je tenais à saluer votre action personnelle qui, sur de nombreux
sujets, a permis des avancées non négligeables, notamment pour la troisième
génération du feu. Je constate cependant que vous avez encore bien du mal à
vous imposer dans les arbitrages budgétaires, et je le regrette.
Parmi ces mesures nouvelles, certaines vont dans le bon sens, et je ne peux
que m'en féliciter. Je pense ici à l'assouplissement des conditions
d'attribution de la carte du combattant aux rappelés en Algérie et à
l'extension des périodes retenues pour la délivrance du titre de reconnaissance
de la nation.
D'autres, cependant, restent très partielles et peuvent être considérées comme
insuffisantes.
Ainsi, la revalorisation des pensions des plus grands invalides gelées entre
1991 et 1995 se poursuit. La commission des affaires sociales aurait cependant
souhaité que le retour à la parité soit définitif dès 2001.
De même, le plafond majorable de la retraite mutualiste a été relevé, mais le
rythme reste bien lent et nous sommes encore loin de l'indice 130, qu'il
importe d'atteindre à terme.
D'autres mesures, enfin, restent ambiguës et la commission des affaires
sociales souhaiterait obtenir de votre part, monsieur le secrétaire d'Etat, des
éclaircissements.
C'est le cas pour l'article 53
ter
du projet de loi de finances, qui
concerne la levée de la forclusion pesant sur la retraite du combattant pour
les anciens combattants d'outre-mer. Mais j'aurai l'occasion d'y revenir au
moment de l'examen des articles.
Comme vous le voyez, mes chers collègues, ces mesures nouvelles restent
parcimonieuses, même si elles vont parfois dans le bon sens. Elles sont surtout
loin de répondre aux attentes les plus vives du monde ancien combattant !
Quatre d'entre elles apparaissent prioritaires aux yeux de la commission des
affaires sociales.
Premièrement, nous tenons à insister tout particulièrement sur la situation
souvent très préoccupante des veuves, qu'il s'agisse des veuves de guerre ou
des veuves d'anciens combattants. En témoigne, par exemple, le quasi-doublement
du nombre de veuves secourues par l'ONAC entre 1997 et 1999. Vous venez de
lancer, monsieur le secrétaire d'Etat, une concertation avec le monde
combattant sur ce sujet. Je m'en félicite, et j'espère qu'elle aboutira dans
les meilleurs délais. Toutefois, je me permets d'attirer votre attention sur un
point : la politique en faveur des veuves ne peut se résumer à une simple
politique d'action sociale et doit nécessairement s'inscrire dans le cadre du
droit à réparation. C'est un principe auquel nous sommes très attachés.
Deuxièmement, il me semble nécessaire d'étudier plus avant la possibilité d'un
abaissement progressif de l'âge d'attribution de la retraite du combattant,
comme le signalait M. Baudot. Le coût budgétaire en est certes élevé, mais il
pourrait être pour partie compensé par le « recyclage » des crédits du fonds de
solidarité.
Troisièmement, la commission des affaires sociales considère particulièrement
urgent d'apporter une réponse à la grave question - que vous connaissez
particulièrement bien, monsieur le secrétaire d'Etat - de l'indemnisation des
incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes, les RAD-KHD.
Aussi, je vous demande solennellement d'inscrire dès à présent des crédits afin
de permettre à la fondation Entente franco-allemande de faire de même.
Je sais que vous allez évoquer, monsieur le secrétaire d'Etat, un imbroglio
juridique. Le droit doit cependant s'adapter aux exigences de l'équité !
Quatrièmement, enfin, la commission des affaires sociales s'interroge sur la
récente mesure décidée par le Premier ministre en faveur de l'indemnisation des
orphelins des juifs morts en déportation. Il s'agit là d'une mesure de justice.
Nous nous demandons toutefois s'il ne serait pas légitime de l'étendre à
l'ensemble des orphelins des victimes du nazisme, qu'il s'agisse des non-juifs
ou des juifs qui ne sont pas morts en déportation.
Je souhaiterais d'ailleurs que vous nous apportiez quelques précisions sur les
indemnisations intervenues depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale en
faveur des orphelins. Nous connaissons l'un et l'autre ce problème, monsieur le
secrétaire d'Etat : des indemnisations ont été accordées à certains, mais elles
sont largement insuffisantes, M. le président de la commission des affaires
sociales le sait bien.
Vous le voyez, monsieur le secrétaire d'Etat, de trop nombreux chantiers
restent ouverts. Nous espérions que des progrès significatifs auraient pu être
faits dès 2001. Le projet de budget ne comporte que de trop faibles
avancées.
C'est pourquoi la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable
à l'adoption des crédits relatifs aux anciens combattants.
Elle a, en revanche, émis un avis favorable à l'adoption des articles 51, 52,
53 et 53
quater,
et s'en remettra à la sagesse du Sénat, sous réserve
des explications du Gouvernement, pour l'article 53
bis,
qui a trait à
la mutualité, et l'article 53
ter,
relatif à la décristallisation.
Telles sont, monsieur le secrétaire d'Etat, les remarques que je me suis
permis d'exposer,...
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Brillamment !
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis.
... au nom de la commission des affaires sociales.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 25 minutes ;
Groupe socialiste, 19 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 13 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 20 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 6 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
5 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des
présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser 10
minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu pour 30
minutes au maximum.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le secrétaire d'Etat, la diminution des effectifs des pensionnés
aurait dû permettre, avec un budget identique en francs constants, de régler
des questions qui sont en souffrance depuis des années. Je ne doute pas que
vous vous êtes employé à maintenir le cap, mais, toujours est-il que les
arbitrages ont réduit les crédits du secrétariat d'Etat aux anciens combattants
et victimes de guerre.
Pourquoi, en effet, ne pas laisser au budget les sommes libérées par la
disparition des ayants droit, afin que ceux qui sont encore en vie puissent
percevoir la réparation que leur doit la nation ? Ils sont de moins en moins
nombreux dans les générations du feu les plus anciennes. Les uns et les autres
sont tout à fait conscients de cela. C'est pourquoi il est indécent de
marchander la reconnaissance de sacrifices qui, eux, ont été sans retenue.
A cet égard, le dossier des grands invalides est un parfait exemple.
L'article 52 du présent projet de loi de finances introduit une revalorisaiton
de 3 %, qui permet un rattrapage, mais celui-ci n'est que partiel. Le retard
aurait pu être comblé en utilisant une partie du différentiel, s'il avait été
conservé.
Cette mesure, comme l'espèrent les plus gravement atteints, se traduit-elle
par un réajustement de la valeur du point qui, pour ces pensions de mutilés,
était encore, cette année, inférieure à la valeur appliquée à toutes les autres
rentes ? Il en résultait des réelles distorsions dans le paiement du fait de
l'application de valeurs différentes alors que les indices étaient les
mêmes.
Une autre catégorie de personnes relevant de votre secrétariat d'Etat aurait
pu bénéficier, monsieur le secrétaire d'Etat, d'une mise à niveau de revenus ;
ce sont les veuves. Souvent, les pensions qui leur sont servies sont au-dessous
des minima sociaux. Là non plus, ce n'est pas décent. Il s'agit non pas d'un
secours, d'une allocation de solidarité, mais de la reconnaissance de droits.
Ces veuves aussi ont eu leur vie brisée et ont consacré tout leur temps à
assister de grands blessés. Il conviendrait de s'en souvenir et de matérialiser
le devoir de mémoire qu'elles méritent.
Par ailleurs, lorsqu'une demande de révision de taux d'invalidité en cas
d'aggravation de l'état a été formulée avant le décès du pensionné, il serait
normal d'en faire bénéficier sa veuve. Actuellement, cette démarche est
considérée comme nouvelle et n'est pas prise en compte. Pourtant, la situation
a bien été vécue par le couple.
Il me semblait que, l'année dernière, vous aviez pris l'engagement, monsieur
le secrétaire d'Etat, de revoir l'ensemble du dispositif. Or, ce projet de
budget ne traduit rien de tel. L'urgence est réelle, car, dans bien des cas, la
reversion n'est pas automatique, et parfois elle n'est pas prévue. Reste
également en suspens le sort financier des veuves et des orphelins de
déportés.
Enfin, le relèvement de la retaite mutualiste reste en deça du taux espéré par
les bénéficiaires. Pour rattraper partiellement le pouvoir d'achat initial du
plafond majorable, ce dernier doit être porté à 10 000 francs au 1er janvier
2003. Or, pour atteindre ce seuil, l'augmentation annuelle doit être de dix
points. L'article 53 ne prévoit que la moitié. De plus, certaines
interrogations se font jour sur l'opportunité de cette mesure, pouvant
interférer avec la refonte du code de la mutualité, dans laquelle le Parlement
tient à jouer son rôle.
Certes, de nouvelles dispostions attendues figurent dans ce projet de budget,
mais la déception est toujours à l'aune des attentes, et certaines sont
cruelles. Les plus faibles sont souvent les plus dignes et les plus effacés. Ne
les oublions pas dans cette croissance que l'on dit retrouvée !
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous voudrez bien excuser mon franc-parler, qui
me fait qualifier votre budget de « moins mauvais budget présenté depuis des
années ». Certes, je prends en compte votre action opiniâtre et je connais les
contraintes qui vous sont imposées. Pourtant, je ne vous décernerai pas encore
un satisfecit, mais dirai, comme nombre de nos collègues de l'Assemblée
nationale : « Peut mieux faire ! »
Aujourd'hui, plus encore que l'an dernier, la reprise de la croissance aurait
permis d'avancer sur des contentieux qui, depuis de très nombreuses années,
grèvent les relations des associations avec le secrétaire d'Etat à la défense
chargé des anciens combattants.
Or, ce budget « manque de souffle », même s'il se borne à diminuer ses crédits
de 1,32 % seulement en francs courants, pour une diminution de la population
pensionnée de 4 %.
Qu'en est-il donc de ce budget que vous nous proposez, amélioré par quelques
amendements adoptés le 3 novembre dernier par l'Assemblée nationale ? J'en
retiendrai très honnêtement les avancées.
La mesure « phare » de ce budget est sans conteste l'octroi de la carte du
combattant pour les rappelés. Le fait de retenir une présence minimale de
quatre mois permettra à 44 000 personnes de se voir attribuer la carte du
combattant et de percevoir la retraite du combattant. Cette mesure
particulièrement bienvenue est chiffrée à 118 millions de francs.
Cependant, monsieur le secrétaire d'Etat, vous voudrez bien nous préciser si
cette mesure s'étend à la Tunisie et au Maroc, donc à l'ensemble de l'Afrique
du nord. Ce serait justice, me semble-t-il, que d'accorder à ces combattants
les mêmes réparations pour les mêmes faits de guerre.
A l'article 52, nous constatons un nouveau rattrapage en vue de la remise à
parité des pensions des plus grands invalides de guerre pour un montant de 21
millions de francs.
A l'article 53, nous assistons à un relèvement du point du plafond donnant
lieu à majoration de la retraite mutualiste, qui passe de 105 à 110 points.
Je me félicite de l'extension attendu du titre de reconnaissance de la nation
aux combattants en Algérie du 2 juillet 1962 au 1er juillet 1964, aux
combattants en Indochine du 11 août 1954 au 1er octobre 1957.
Je souhaite également souligner notre satisfaction à l'annonce de
l'augmentation des crédits affectés à la mémoire : c'est un bel effort, qu'il
convient de saluer, même s'il est sujet à interprétation.
J'approuve la consolidation des moyens des deux établissements publics : l'INI
et l'ONAC. C'est ainsi que ce dernier voit ses crédits d'action sociale
augmentés de 5 %, soit 15 millions de francs, par amendement gouvernemental.
Cette mesure permettra d'améliorer sensiblement les actions de solidarité
prioritaires et de poursuivre la remise aux normes des maisons de retraite.
Le Gouvernement a également supprimé la forclusion des droits nouveaux pour la
retraite du combattant à soixante-cinq ans des anciens combattants des
ex-colonies titulaires de la carte du combattant ; ceux-ci pourront désormais
bénéficier de la retraite du combattant, mais cristallisée ! Cet amendement
mérite quelques explications. Nous ne voudrions pas qu'une telle mesure se
retourne contre les ayants droit, et nous attendons du Gouvernement qu'il
l'étende aux veuves.
L'Assemblée nationale a adopté deux amendements visant, d'une part, à inscrire
dans le code de la mutualité la garantie d'indépendance des mutuelles d'anciens
combattants à l'égard des groupes d'assurance et des banques, d'autre part, à
créer une commission d'étude sur la décristallisation des pensions des
combattants originaires d'anciens protectorats ou colonies.
Je tiens également à faire part de notre satisfaction s'agissant des réponses
que vous avez apportées à des problèmes auxquels est particulièrement sensible
le monde combattant.
Ainsi, vous avez déclaré devant l'Assemblée nationale avoir été chargé par le
Gouvernement d'étudier l'extension de la juste mesure d'indemnisation des
orphelins de parents juifs déportés raciaux morts en déportation à l'ensemble
des orphelins de parents déportés, résistants, internés. Je vous précise qu'il
convient de ne pas oublier les orphelins de parents fusillés ou massacrés par
les nazis.
Par ailleurs, s'agissant du rapport de la Cour des comptes, qui préconisait de
gommer la spécificité du droit à réparation au nom d'impératifs budgétaires, je
vous remercie d'avoir très clairement et fermement écarté cette suggestion en
déclarant ce rapport « sans portée pratique ».
Malgré ces avancées, qu'il convient honnêtement de saluer, force est de
constater que le compte n'y est pas.
Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, je présenterai tout à l'heure à notre
assemblée quelques amendements significatifs de l'effort supplémentaire qui
vous est demandé par les associations, que le groupe communiste républicain et
citoyen soutient et que la croissance rend par ailleurs modestes.
La nouvelle étape de rattrapage pour les pensions des plus grands invalides de
guerre ne peut me satisfaire. Il faut mettre un terme à cette injustice une
fois pour toutes. C'est pourquoi je réclamerai tout à l'heure l'abrogation de
l'article L. 114
bis
du code des pensions militaires d'invalidité.
Je rappelle également la revendication du monde combattant de voir verser une
retraite du combattant dûment revalorisée aux titulaires de la carte du
combattant à l'âge de soixante ans, et non plus soixante-cinq ans. Une première
étape pourrait être soixante-deux ans.
S'agissant du problème de la décristallisation des pensions, j'y reviendrai
tout à l'heure, de même que je reviendrai sur les mesures indispensables en
faveur des incorporés de force.
Je souhaite évoquer à nouveau une revendication ancienne, qui porte sur le
reclassement indiciaire des fonctionnaires ayant servi en Afrique du nord.
M. le président.
Monsieur Fischer, il vous faut conclure, malheureusement !
M. Guy Fischer.
Pour terminer, j'indiquerai que je souhaiterais enfin vous entendre sur le
mémorital de la guerre d'Algérie, dont l'inauguration est prévue à Paris en
2002. Quelle plus belle reconnaissance de la nation que de l'inaugurer en cette
année du quarantième anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie ?
Par ailleurs, j'aspire à ce qu'enfin une date commémorative soit retenue pour
le monde combattant, souhaitant pour ma part que ce soit le 19 mars.
Je reviendrai tout à l'heure sur tous ces problèmes.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Très bien !
M. le président.
Mes chers collègues, si je vous appelle au strict respect de vos temps de
parole, c'est simplement parce que le Sénat siège demain matin, à neuf heures
trente ; nous devons donc impérativement en avoir fini cette nuit à zéro heure
trente !
La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le secrétaire d'Etat, c'est donc le quatrième budget que vous
présentez. Les années se suivent ; elles se ressemblent d'une certaine manière
: chaque année, votre budget paraît insuffisant face à l'ampleur des demandes.
Chaque année apporte cependant des mesures nouvelles qui, ajoutées les unes aux
autres, représentent un effort très important et témoignent de l'intérêt et de
l'attachement que vous portez aux anciens combattants.
Le budget que vous nous présentez pour 2001 ne peut pas être dissocié de ceux
des années précédentes. Il constitue une nouvelle étape, avec de nouvelles
avancées.
Si l'on prend le dossier de la guerre d'Algérie et le contentieux qui existait
avec les anciens d'Afrique du Nord, il faut souligner les améliorations qui ont
été obtenues année après année.
En 1997, vous avez proposé que la carte du combattant soit attribuée aux
militaires qui ont fait dix-huit mois de service en Afrique du Nord. L'année
suivante, cette durée a été abaissée à quinze mois. Puis nous sommes passés à
douze mois. Il restait le problème des rappelés : il sera réglé en 2001 pour
ceux qui ont passé au moins quatre mois en Algérie, et vous vous êtes engagé
devant l'Assemblée nationale à résoudre de la même manière, par circulaire, le
cas des rappelés au Maroc et en Tunisie. Le processus est finalement arrivé à
son terme.
De même, le titre de reconnaissance de la nation a été accordé aux militaires
ayant servi en Algérie jusqu'au 2 juillet 1962 dans le budget précédent et il
sera maintenant accordé aux militaires qui ont servi jusqu'au 1er juillet 1964.
Des anciens d'Afrique du Nord demandeurs d'emploi pourront ainsi bénéficier du
fonds de solidarité et de l'allocation de préparation à la retraite.
Il faut également se féliciter de la reconduction du dispositif de
l'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE.
Toujours au sujet de la guerre d'Algérie - et nous savons le rôle que vous
avez joué dans la reconnaissance officielle en tant que guerre - il y a, par
contre, un dossier qui n'évolue pas assez vite, c'est la construction à Paris,
près de la tour Eiffel, d'un mémorial national, qui aurait une valeur
symbolique forte. Les anciens d'AFN souhaitent qu'il soit réalisé au plus tard
pour le quarantième anniversaire du cessez-le-feu. L'inauguration de ce
mémorial, vous le savez bien, est très attendue ; elle sera l'occasion de
rendre un hommage solennel aux anciens combattants d'Afrique du Nord ; c'est
une justice qui leur est due ; il y va aussi de leur honneur et de leur
dignité.
Sur un autre sujet, celui de la retraite mutualiste du combattant, il faut,
comme sur les autres dossiers, souligner les avancées : le plafond majorable
est passé en quatre ans de 90 à 110 points. Cela fait 22 % d'augmentation.
Certains trouvent que ce n'est pas suffisant. On pourrait effectivement aller
encore plus loin et plus vite. Mais il faut quand même constater le
résultat.
Votre projet de budget permet aussi de franchir une nouvelle étape dans la
remise à parité des pensions des plus grands invalides. Mais, très sincèrement,
nous aurions souhaité que le rattrapage soit achevé en 2001.
C'est un problème douloureux. Nous avons bien noté votre engagement pour 2002,
mais nous éprouvons un certain malaise devant cette injustice qui touche des
personnes si gravement atteintes qu'elles sont incapables d'accomplir seules
les actes élémentaires à leur survie.
Il nous semble aussi que l'on pourrait aller beaucoup plus vite sur d'autres
dossiers, comme celui des pensions des anciens combattants originaires des
anciennes colonies ou des protectorats.
A l'Assemblée nationale, vous avez fait voter un amendement qui permettra
d'accorder la retraite du combattant « cristallisée » aux anciens combattants
de ces ex-pays colonisés qui remplissent les conditions requises. C'était
nécessaire.
Mais il reste - les orateurs qui m'ont précédé l'ont souligné - la question de
la « cristallisation », qui mérite toute notre attention. C'est sans aucun
doute un problème complexe, mais il faut réaliser une avancée en termes de
pouvoir d'achat et envisager une mesure équitable pour ces anciens combattants
qui ont combattu pour la France, particulièrement pour ceux du Maghreb, qui
sont actuellement parmi les plus défavorisés.
Il faut aussi avancer d'une manière significative sur le dossier des veuves,
particulièrement des veuves d'anciens combattants. Comme les veuves de guerre
et les veuves des grands invalides, elles ressortissent à l'ONAC, mais elles ne
bénéficient pas de prestations.
Vous avez engagé la discussion sur ce dossier avec les anciens combattants
dans le cadre de groupes de travail. Les crédits sociaux de l'ONAC ont été
majorés lors de la discussion à l'Assemblée nationale. Vous avez vous-même,
monsieur le secrétaire d'Etat, présenté un amendement pour que cette « rallonge
» soit votée, une partie devant aller aux actions de solidarité en faveur des
veuves d'anciens combattants.
Ce problème particulièrement sensible est évoqué dans toutes les assemblées
générales des associations d'anciens combattants. Ne serait-il pas possible,
d'une manière générale, d'adopter des dispositions qui permettraient de venir
en aide à tous ceux et à toutes celles dont la vie quotidienne est
particulièrement difficile ? A Strasbourg, devant le congrès de la Fédération
nationale des anciens combattants en Algérie, la FNACA, vous avez évoqué un
dispositif, un fonds « qui commencerait modestement et qui augmenterait
progressivement, au bénéfice des veuves et des anciens combattants qui
connaîtraient dans leur vie quotidienne un certain nombre de difficultés, avec
des critères bien adaptés, bien réfléchis ». Vous avez aussi parlé de mesures «
ciblées ». Cette idée a-t-elle fait son chemin ? Ces critères ont-ils été
précisés ?
Toujours au sujet de l'ONAC, il faut se féliciter qu'il bénéficie des crédits
nécessaires pour mettre en conformité ses maisons de retraite et assurer leur
réhabilitation. Je pense en particulier à celle qui est située à Anse, près de
Lyon. C'est aussi un problème auquel les anciens combattants sont très
sensibles.
Mais si, d'une façon générale, il y a eu des avancées très importantes, il
reste des dossiers qui n'ont guère évolué, comme celui des incorporés de force
dans des formations paramilitaires allemandes. Gisèle Printz évoquera ces
dossiers, comme elle le fait tous les ans.
Il y a aussi le problème de l'indemnisation de tous les orphelins de déportés,
sans aucune distinction, comme vous l'avez vous-même souhaité, monsieur le
secrétaire d'Etat. Nous attendons que des engagements soient pris à ce sujet
par le Gouvernement, c'est-à-dire par vous-même, ce soir.
Enfin, il faut se féliciter de l'augmentation, cette année encore, des crédits
consacrés à la politique de la mémoire, même si, pour une bonne part, cette
augmentation est due à des transferts internes entre ministères. Il faut
toujours plus de crédits pour les actions pédagogiques et la formation à la
citoyenneté.
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, il y a eu cette affaire malencontreuse
de la proposition de loi n° 2576 relative à « la reconnaissance du 11 novembre
comme journée de la mémoire des victimes civiles et militaires des guerres »,
déposée à l'Assemblée nationale le 15 septembre 2000 par quinze députés du RPR.
La conséquence en aurait été la suppression des commémorations nationales du 8
mai 1945 et du 11 novembre 1918, auxquelles se substituait cette journée unique
du souvenir.
Nous ne pouvons pas oublier qu'en 1975 le 8 mai avait bel et bien été rayé des
commémorations nationales pour n'y être réintroduit que six ans plus tard, en
1981, par le président Mitterrand.
M. Roland Courteau.
C'est vrai !
M. Gilbert Chabroux.
Ne faut-il pas redire haut et fort, au moment où nous allons aborder un
nouveau siècle, que le devoir de mémoire implique le maintien des grandes
commémorations nationales à leurs dates historiques, chacune avec sa
spécificité ? Le 8 mai est et restera toujours l'anniversaire de la victoire
sur le nazisme. Comment pourrions-nous ne pas commémorer une telle date ?
Victor Hugo disait : « Les souvenirs sont nos forces. Ils dissipent les
ténèbres. Ne laissons jamais s'effacer les anniversaires mémorables. Quand la
nuit essaie de revenir, il faut allumer les grandes dates comme on allume les
flambeaux. »
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous savons que vous êtres très attaché à ce
devoir de mémoire, et avec vous à la tête du secrétariat d'Etat aux anciens
combattants, nous ne craignons pas de revenir vers les ténèbres.
Le groupe socialiste salue chaleureusement votre action et il vous apporte son
entier soutien.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin.
Le budget qui nous est présenté aujourd'hui accuse, comme d'habitude, une
nouvelle baisse, inlassablement expliquée par la diminution du nombre d'anciens
combattants, et, comme chaque année, je le regrette, trouvant cet argument bien
indécent.
En cette période de relance économique, rien ne justifie cette diminution de
1,3 %. Une fois encore, Bercy dicte la conduite à suivre et ne semble pas prêt
à entendre les légitimes revendications des anciens combattants.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je sais combien vous vous impliquez dans la
défense des droits des anciens combattants. Je suis d'autant plus désolée que
les nouveautés paraissent bien rares à la lecture de ce projet de budget.
Nous avions tous constaté la baisse des crédits d'action sociale de l'ONAC,
dont les veuves d'anciens combattants dépendent en grande partie. Votre projet
de budget ne comporte aucune mesure nouvelle concernant ces dernières.
L'Assemblée nationale a majoré ces crédits, notamment en faveur des veuves,
c'est une bonne chose.
Si les veuves ne peuvent évidemment pas prétendre au titre d'ancien
combattant, elles n'en ont pas moins vécu les conflits et elles en ont été
victimes.
Seules, elles ont assumé toutes les charges familiales du fait de la
mobilisation de leur mari. Il était inadmissible, dans le contexte actuel, que
rien ne soit prévu pour ces femmes. Certes, elles n'ont pas lutté concrètement
pour la France, mais leur combat, le combat de tous les jours lorsque leur mari
était mobilisé, mérite une meilleure reconnaissance de notre part. Il est
aujourd'hui urgent que les veuves d'anciens combattants puissent bénéficier
d'une pension de réversion. Cela apporterait une maigre compensation à celles
qui sont dans une situation précaire.
Les crédits du fonds de solidarité pour les anciens combattants d'Afrique du
Nord et d'Indochine diminuent de 11,3 % ; cela s'explique par le fait que les
bénéficiaires sortent du dispositif pour faire valoir leur droit à pension à
taux plein. Mais il est regrettable que la diminution du nombre de
bénéficiaires ne serve pas à faire entrer dans le dispositif les commerçants et
les chômeurs. Encore une fois, les crédits sont purement et simplement
supprimés au lieu d'être redistribués.
Cette année encore, la question de la retraite du combattant reste sans
réponse, et la retraite anticipée n'est presque plus d'actualité en raison de
la diminution du nombre de bénéficiaires.
Le monde combattant souhaite bénéficier d'une retraite à partir de soixante
ans. Il conviendrait d'étudier cette question et d'y apporter rapidement une
réponse.
Je tiens également à insister sur la nécessaire décristallisation des
prestations versées aux anciens combattants des pays d'outre-mer, qui, pour
certains, sont dans une situation de grande précarité. Dans son rapport public
du mois de juin 2000, la Cour des comptes, pourtant peu disposée à voir
dépenser l'argent public, préconise une plus grande équité de traitement. De
plus, ces pensions n'arrivent pas toujours à destination des bénéficiaires. En
dépit de vos engagements, monsieur le secrétaire d'Etat, aucune mesure à ce
sujet ne figure dans votre budget.
L'article 53
ter
tend à lever les forclusions appliquées à tort par
l'administration. Cette disposition est aujourd'hui plus que nécessaire.
Nous avons un devoir moral envers ces personnes, un devoir moral qu'aucun
Gouvernement à ce jour n'a su assumer suffisamment pour prendre en compte de
façon réaliste les services rendus à la nation.
Il est juste que les anciens combattants d'outre-mer qui atteignent l'âge de
65 ans puissent eux aussi bénéficier de la retraite du combattant.
J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que la commission chargée de
réfléchir sur la « décristallisation » saura apporter des réponses, même si je
reste sceptique quant à son utilité réelle.
J'en viens à l'indemnisation des incorporés de force dans les formations
paramilitaires allemandes par alignement sur l'indemnisation des incorporés de
force dans l'armée allemande.
Je vous avais déjà fait part de cette urgence l'année dernière et vous aviez
pris des engagements. Le recensement étant terminé depuis plus d'un an, la
fondation Entente franco-allemande n'attend plus que l'aide financière de
l'Etat pour répondre aux 10 000 demandes qu'elle-même financera en grande
partie.
Je regrette qu'une fois encore rien n'apparaisse dans votre budget et qu'une
fois encore les engagements n'aient pas été tenus. De nouveau, je vous demande
de mettre en place cette indemnisation au plus vite pour les personnes qui sont
aujourd'hui dans des situations catastrophiques.
Enfin, je me réjouis de la mesure d'indemnisation créée par le décret du 13
juillet 2000 concernant les orphelins de déportés juifs morts en camps de
concentration durant la Seconde Guerre mondiale.
Toutefois, vous n'intégrez pas dans ce dispositif les orphelins des déportés
non juifs, les fusillés ou massacrés, ce dont je m'étonne. L'iniquité d'une
telle mesure n'est justifiée en rien. Je ne pense pas, monsieur le secrétaire
d'Etat, que la douleur des uns fut plus importante que la douleur des autres,
et il est indigne d'établir une telle distinction entre les victimes de
l'Allemagne nazie.
Finalement, les seuls points positifs de votre projet de budget correspondent
aux articles rattachés.
En premier lieu, l'attribution de la carte du combattant aux rappelés
d'Algérie répond à une demande très insistante des associations. Cette mesure
légitime va dans le bon sens.
Je m'étonne toutefois, et je le regrette, que les rappelés de Tunisie et du
Maroc ne fassent pas partie du dispositif, et cette mesure ne répond pas à la
situation particulière des maintenus.
Il est aujourd'hui urgent de prendre en compte le temps passé en Tunisie et au
Maroc, même après l'indépendance, pour l'obtention de la carte du
combattant.
L'indice de référence pour la retraite mutualiste du combattant passe de 105 à
110. Je tiens à rappeler que cette revalorisation était plus que souhaitable.
Mais le rattrapage du point de pension pour les grands invalides n'est pas
achevé. La revalorisation des pensions de grands invalides est poursuivie à
hauteur de 3 %, alors que ces dernières avaient été gelées entre 1991 et 1995.
Le retour à la parité n'est malheureusement pas définitif en 2001.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous vouliez que cette question soit réglée
pour le budget 2001 ; malheureusement, avec 36 millions de francs, nous sommes
encore bien loin des 70 millions de francs attendus.
De nombreuses associations souhaitent que le rattrapage définitif à l'indice
130 soit achevé à la fin de 2001. Il serait donc opportun que cette loi de
finances fixe l'indice de référence à 120 points. Je ne peux que soutenir une
demande si légitime.
Il semblerait également que vous refusiez d'en finir avec la mise à parité des
pensions des grands invalides puisque, à taux d'invalidité égal, selon le
conflit, le pensionné est plus ou moins indemnisé.
Enfin, le titre de reconnaissance de la nation est étendu aux anciens
combattants ayant servi en Indochine jusqu'au 1er octobre 1957 et en Algérie
jusqu'au 1er juillet 1964. Je salue le bien-fondé d'une telle mesure, qui était
aussi attendue.
Ces mesures nouvelles doivent aujourd'hui être bien accueillies et méritent
largement notre approbation. Il est vrai qu'elles correspondent à une demande à
laquelle il était urgent de répondre. Je regrette sincèrement qu'elles soient
si rares dans ce budget.
J'en viens, enfin, à la difficile question d'une date commémorative de la
guerre d'Algérie. La reconnaissance de l'état de guerre l'année dernière
implique que le Gouvernement prenne ses responsabilités et réponde à l'attente
des anciens combattants d'Afrique du Nord.
Le choix de cette journée devra certes recueillir l'approbation de l'ensemble
des associations. Toutefois, vous n'êtes pas sans savoir que les cérémonies
commémoratives à la mémoire des victimes se déroulent déjà, dans de nombreuses
villes de France, le 19 mars et qu'il serait difficile, voire inconcevable pour
ces villes de faire un autre choix.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre budget présente, certes, quelques points
positifs qu'il convient de souligner, et je connais votre engagement. Je
m'interroge toutefois sur la décence de présenter un tel projet lorsque l'on
sait que notre pays va terminer l'année avec une croissance de 3,8 %.
Nos priorités ne paraissent pas être les mêmes. Je pensais,
a priori
à
tort, que le monde combattant aurait pu, lui aussi, bénéficier des fruits de la
croissance. C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je suivrai l'avis
émis par la commission des affaires sociales pour le vote de ce budget.
(Applaudissement sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Herment.
M. Rémi Herment.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
comme l'an dernier, le projet de budget des anciens combattants et victimes de
guerre a été élaboré dans un contexte exceptionnel de croissance. Dès lors, mes
collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même ne pouvons que déplorer,
une fois de plus, la baisse de 1,32 % dont il est l'objet, alors que le budget
de 2000 était déjà lui-même en diminution de 1,97 %, et celui de 1999 en
diminution de 2 %.
Toutes les associations d'anciens combattants confondues réclament unanimement
que ce projet de budget ne soit pas à nouveau en baisse au nom de la diminution
des parties prenantes, car, véritablement, seule semble compter l'évolution de
la démographie des pensionnés.
L'an dernier, nous nous étions réjouis de l'adoption à l'unanimité par le
Parlement de la proposition de loi visant à reconnaître - enfin ! - la réalité
de l'état de guerre en Algérie, ainsi que les combats du Maroc et de la
Tunisie. Longtemps attendue, cette reconnaissance a constitué un geste
hautement symbolique et réparateur, après des années de silence et
d'indifférence.
Reste aux livres d'histoire, notamment aux manuels scolaires mis à la
disposition de notre jeunesse, d'intégrer avec la plus grande objectivité cette
page sombre de notre histoire.
Nous pouvions alors penser que les anciens combattants d'Afrique du Nord
allaient enfin être traités dans des conditions de stricte égalité avec ceux
des conflits antérieurs. A propos, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'en est-il
du mémorial national de la guerre d'Algérie ? Quel site prestigieux avez-vous
choisi ? Sera-t-il bien érigé en 2002, l'année du quarantième anniversaire de
la fin de la guerre d'Algérie ? Si vous pouviez éviter la date du 19 mars, je
serais de ceux qui applaudiraient à cette mesure.
L'an dernier, j'avais également regretté que le budget pour 2000 ait maintenu
le préjudice subi par les anciens combattants et victimes de guerre
d'outre-mer, du fait de la loi de cristallisation, en ce qui concerne notamment
les combattants marocains, algériens et tunisiens, par rapport aux combattants
des autres pays d'Afrique et de Madagascar.
Aucune évolution n'était intervenue en dépit de vos engagements, monsieur le
secrétaire d'Etat ; c'est la raison du dépôt de la proposition de loi de mon
collègue de l'Union centriste Jacques Baudot, que j'ai bien évidemment
cosignée. Il nous a en effet semblé indispensable de faire un geste en
direction des ressortissants d'Etats autrefois liés à la France et ayant accédé
à l'indépendance, pour leur témoigner la reconnaissance de notre pays. Ce geste
pourrait prendre la forme d'un rétablissement des intéressés dans leur droit à
la retraite du combattant ouvert à ceux qui, titulaires de la carte, ont
combattu pour notre pays.
Or qu'elle n'a pas été notre satisfaction lorsque, lors de l'examen du projet
de budget des anciens combattants pour 2001 à l'Assemblée nationale, le 3
novembre dernier, vous avez proposé, par amendement, de mettre un terme à la
cristallisation des pensions versées aux anciens combattants originaires
d'Indochine, d'Afrique du Nord, d'Afrique équatoriale et d'Afrique occidentale
françaises qui ont versé leur sang pour notre pays. Lorsque l'on prend en
compte le pouvoir d'achat résultant de ces pensions dans ces différents pays,
on ne peut qu'être choqué de voir qu'une interprétation administrative
restrictive interdise l'ouverture de droits nouveaux en s'appuyant sur la
cristallisation.
C'est donc une bonne nouvelle, monsieur le secrétaire d'Etat, et nous ne
pouvons que nous réjouir d'avoir été entendus, puisque l'amendement du
Gouvernement qui va dans le sens de notre proposition de loi concernera 11 000
personnes du Maghreb et 3 000 dans les autres anciennes colonies. L'injustice
est ainsi réparée et le groupe de l'Union centriste ne peut que s'en
féliciter.
Par ailleurs, vous avez également proposé par amendement de majorer de 15
millions de francs les crédits d'action sociale de l'Office national des
anciens combattants.
Ces deux mesures de dernière minute tentent vraisemblablement de faire passer
la « pilule » de la diminution récurrente des crédits de votre projet de
budget. Quoi qu'il en soit, nous ne pouvons que les approuver.
Avec mes collègues de l'Union centriste, nous nous félicitons de la mesure
prise en faveur des rappelés avec l'extension de la carte du combattant par
application d'un coefficient 3 au temps passé en Afrique du Nord. Ainsi, avec
quatre mois de présence en Afrique du Nord, les rappelés pourront bénéficier
désormais de l'attribution de la carte du combattant. Il s'agit là d'un
complément utile à la mesure d'assouplissement des conditions d'attribution que
nous avions votée l'an passé.
Ensuite, l'attribution du titre de reconnaissance de la nation, au-delà du 2
juillet 1962 et jusqu'au 1er juillet 1964 pour l'Afrique du Nord, de même que
jusqu'au 1er octobre 1957 pour l'Indochine, ne peut que nous réjouir.
Si la discussion budgétaire permet de dresser un bilan, elle doit aussi être
l'occasion de rappeler les attentes, malheureusement récurrentes, des anciens
combattants et les problèmes non résolus.
Si l'on en juge par votre présentation budgétaire, 2001 ne sera pas l'année du
règlement définitif, en une seule fois, du contentieux relatif aux pensions des
plus grands invalides de guerre. Nous le regrettons. Vous vous étiez pourtant
engagé, monsieur le secrétaire d'Etat, à un règlement définitif en 2000. Les
plus grands invalides de guerre sont toujours en attente de l'abrogation totale
de l'article L. 114
bis
du code des pensions militaires d'invalidité et
des victimes de la guerre.
Rappelons que cet article est à l'origine du paiement des pensions des mutilés
les plus gravement atteints sur la base d'une valeur annuelle du point
inférieure à la valeur officielle appliquée à toutes les autres pensions :
75,66 francs par point au lieu de 81,46 francs, soit un écart de 5,8 francs
pour les indices supérieurs à 4800. Il en résulte que, selon la date de
concession de la pension, deux mêmes indices de pension peuvent être payés à
des valeurs différentes. C'est pour cette raison que les plus grands invalides
de guerre réclament l'abrogation totale de l'article L. 114
bis
du code
des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Qu'en
est-il, monsieur le secrétaire d'Etat, de vos promesses de l'an dernier ?
S'agissant de la retraite mutualiste, le plafond qui nous est proposé cette
année n'est relevé que de 5 points, passant de 105 à 110. A ce rythme, il sera
sans doute difficile d'atteindre les 130 points promis pour 2002 par le
candidat Lionel Jospin. Cela risque de ne jamais permettre de rattraper le
retard accumulé.
Enfin, comment ne pas manifester notre déception quant aux suites données à
certaines revendications parfaitement légitimes et relevant du droit à
réparation ?
Il s'agit du mode de calcul du rapport constant et de la date d'attribution de
la retraite du combattant. Pourquoi refuser de l'anticiper alors qu'il y aurait
là une réelle mesure compensatoire après le refus d'accorder une véritable
retraite anticipée pour la troisième génération du feu ? L'abaissement
progressif de l'âge à partir duquel cette retraite pourrait être attribuée
était parfaitement envisageable.
Monsieur le secrétaire d'Etat, qu'en est-il du versement de la retraite du
combattant dès l'âge de soixante ans et de sa revalorisation progressive de
l'indice 33 à l'indice 48 des pensions militaires d'invalidité en compensation
de la retraite professionnelle anticipée, promise et jamais accordée ?
Par ailleurs, il n'existe aucune véritable avancée nouvelle en faveur des
veuves de guerre. Nous attendons toujours une amélioration significative des
pensions des veuves de pensionnés, qui ont consacré leur carrière et leur vie à
assister un grand blessé et qui sont ressortissantes de l'ONAC depuis 1991.
Quant aux crédits du fonds de solidarité pour les anciens combattants d'Afrique
du Nord et d'Indochine, qui servent à venir en aide aux plus modestes d'entre
eux, ils sont en diminution de 11,3 %, ce que nous trouvons quelque peu
choquant.
Autre question, monsieur le secrétaire d'Etat : qu'en est-il de la mise en
oeuvre des recommandations en matière de psychotraumatisme de guerre ou encore
de l'octroi de la campagne double aux fonctionnaires et assimilés, conformément
au principe d'égalité des droits entre les générations du feu ?
Sans être totalement décevant, ce budget est cependant loin d'être à la
hauteur des attentes légitimes du monde combattant. Les deux excellents
rapporteurs de la commission des finances et de la commission des affaires
sociales, nos collègues Jacques Baudot et Marcel Lesbros, ont d'ailleurs émis
un avis défavorable sur les crédits de votre budget pour 2001. Comment
pouvaient-ils faire autrement ?
Il est dommage que vous n'ayez pu saisir, cette année, l'opportunité d'une
conjoncture économique aussi favorable, qui n'est sans doute pas près de se
reproduire, pour proposer aux anciens combattants un budget enfin digne
d'eux.
En conclusion, je dirai que, au-delà des clivages politiques, nous réclamons
plus de justice, plus de reconnaissance pour tous ceux qui se sont battus -
j'en étais - et qui ont risqué leur vie pour notre pays. Le devoir de mémoire
devrait être matérialisé chaque année dans le budget avec infiniment plus de
reconnaissance et de respect.
Enfin, il ne faut pas oublier nos amis les harkis, ces combattants qui n'ont
pas obtenu, jadis, de la part de la communauté nationale, la reconnaissance
qu'ils méritaient.
Leur rôle et leur sacrifice pour la France ne doivent pas être oubliés et ils
doivent figurer, eux aussi, dans les livres scolaires, comme les héros des
guerres que la France a livrées pour la liberté.
Nous avons également pour eux un devoir de mémoire, de respect et de
reconnaissance.
(Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
Il vous faut conclure, hélas, mon cher collègue.
M. Rémi Herment.
L'an dernier, lors de l'examen du budget des anciens combattants, vous m'aviez
répondu, monsieur le secrétaire d'Etat, que les solutions relevaient non pas de
votre département ministériel, mais de celui du ministère de l'emploi et de la
solidarité. Les harkis sont pourtant bien des anciens combattants, au même
titre que des anciens combattants d'Afrique du Nord. Monsieur le secrétaire
d'Etat, quelles mesures significatives ont pu être prises avec votre collègue
du ministère de l'emploi et de la solidarité en faveur des harkis rapatriés,
d'une part, de leurs enfants, d'autre part ?
La France s'honorerait en faisant un geste significatif qui démontrerait sa
reconnaissance envers d'anciens frères d'armes, qui ont été les grands
sacrifiés de la guerre d'Algérie.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en
tant que sénateur représentant les Français établis hors de France, je ferai
porter essentiellement mon propos sur les questions intéressant les anciens
combattants expatriés.
Je me référerai, tout d'abord, aux voeux exprimés par la commission des
anciens combattants du Conseil supérieur des Français de l'étranger.
Le premier concerne l'alignement des retraites des anciens combattants
indochinois et africains sur celles de Djibouti, qui s'élèvent à 1 020 francs
par an.
Le deuxième voeu touche à l'alignement des taux de pension des anciens
combattants de nos ex-communautés, notamment les Algériens réfugiés politiques
en France, sur ceux de la métropole durant leur séjour en France.
Le troisième voeu est relatif aux monuments et cimetières français à
l'étranger. Des crédits suffisants doivent être alloués à leur entretien.
L'état dégradé de certaines nécropoles est très mal perçu dans de nombreux pays
très attachés au culte des morts. Le rapatriement ou le regroupement des restes
de nos anciens militaires n'étant pas possible partout, il convient
d'entretenir décemment toutes leurs tombes, auxquelles des hommages sont
régulièrement rendus lors de nos fêtes nationales, le 14 Juillet et le 11
Novembre en particulier.
Enfin et surtout, la commission des anciens combattants du Conseil supérieur
des Français de l'étranger s'est à nouveau préoccupée du problème de la
décristallisation, demandant que des réévaluations de pension soient réalisées
en se référant en particulier à certaines pensions qui s'élèvent toujours à
3,14 francs au Vietnam par point de pension.
Ne convient-il pas, monsieur le secrétaire d'Etat, de mettre fin à l'actuelle
interprétation administrative qui s'oppose à la reconnaissance de droits
nouveaux ?
Par ailleurs, cette année encore, j'insisterai sur le devoir de mémoire. Le
projet de budget pour 2001 a vu ses moyens sensiblement renforcés, avec une
augmentation de 40 %, ce qui représente 19 millions de francs. Le chapitre des
subventions, en particulier, passera de 5 millions de francs à 18 millions de
francs, soit une évolution de 258 %.
La direction de la mémoire, du patrimoine et des archives poursuit l'action de
l'ancienne délégation à la mémoire en s'adressant en priorité aux jeunes
générations, sans oublier l'information historique.
Le développement des partenariats avec les associations et les écoles est tout
à fait souhaitable pour insister sur les devoirs de chacun envers la patrie et
sensibiliser chacun à ses responsabilités de citoyens. Avec la fin du service
national, remplacé par l'armée professionnelle, cette action est encore plus
nécessaire pour contribuer à renforcer le lien armées-nation.
La construction de l'Union européenne rend également plus importante la
connaissance de la brillante histoire de notre pays, des sacrifices des
générations antérieures. En effet, un ou plusieurs membres de chaque famille
française ont participé aux batailles de 1914-1918, à la campagne de France de
1940, ont été prisonniers de guerre, se sont engagés dans la Résistance ou ont
été internés dans des camps de concentration. De nombreux Français également
ont vécu les drames indochinois et africain.
A ce sujet, je dois dire que l'assouplissement des conditions d'attribution de
la carte du combattant aux rappelés d'Afrique du Nord et l'extension du titre
de reconnaissance de la nation aux anciens combattants ayant servi en Indochine
jusqu'au 1er octobre 1957 constituent deux excellentes mesures nouvelles, dont
le monde combattant vous remercie.
Enfin, en ce qui concerne la majoration légale des rentes viagères au conjoint
d'un ancien combattant décédé titulaire d'une retraite mutualiste du
combattant, ainsi que la majoration du plafond de la retraite mutualiste à 10
000 francs, pensez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, pouvoir donner
satisfaction à la France mutualiste ?
Malgré son insuffisance, je voterai le budget des anciens combattants pour
l'année 2001, afin de soutenir ceux qui ont défendu la patrie.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Pelchat.
Monsieur Michel Pelchat.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai bien noté que ce projet de budget nous est
présenté après la publication du rapport de la Cour des comptes préconisant de
gommer la spécificité du monde combattant au nom d'impératifs budgétaires. Je
vous sais donc gré d'avoir, de façon catégorique, écarté l'idée d'une
éventuelle application de ces recommandations, que je qualifierai de «
choquantes ».
Cela étant, comme vous le disiez vous-même au début de ce mois, lors de la
discussion du budget des anciens combattants à l'Assemblée nationale, à propos
du dossier des anciens combattants des ex-territoires d'outre-mer, « aucune
avancée n'est prévue dans le projet de budget pour 2001, à l'exception notable
de la levée de la forclusion au bénéfice des titulaires de la carte de
combattant, qui percevront, à partir du 1er janvier 2001, [...] la retraite du
combattant ». Vous avez même énuméré toutes les mesures qui n'ont toujours pas
été prises pour rendre justice à ces oubliés de la France, telles que le
traitement de la forclusion touchant notamment les reversions des pensions au
bénéfice des veuves, ainsi que l'examen des mécanismes qui pourraient permettre
de revaloriser les prestations versées au titre du code des pensions militaires
d'invalidité aux soldats de ces anciennes colonies.
C'est pourquoi, si je souhaite exprimer une satisfaction face à la levée de la
forclusion de la retraite du combattant, je tiens à préciser qu'elle ne
constitue qu'une timide avancée, timide parce que le taux de cette retraite
sera le taux cristallisé, timide parce que rien n'a encore été fait pour
décristalliser les pensions des combattants de nos anciennes colonies.
N'oublions pas que cette levée de la forclusion n'est que l'esquisse du
rétablissement d'un droit qui avait été supprimé !
Faudra-t-il attendre que ces hommes qui se sont donnés à la France soient tous
décédés pour qu'on leur attribue ce qui leur est dû, à l'instar de la Légion
d'honneur qui fut donnée l'an passé à ce tirailleur sénégalais de cent quatre
ans, quatre-vingt-deux ans après la fin des combats et, malheureusement, le
lendemain de sa mort ?
Quelle honte pour notre pays que ces comptes d'apothicaire ! L'ouvrier
marocain de chez Renault a-t-il une retraite réduite sous prétexte qu'il est
marocain et qu'il est retourné vivre dans son pays ? L'ancien combattant qui a
risqué sa vie pour la France, qui a été blessé, a-t-il moins de valeur que
l'employé d'une entreprise française ? Cette question mérite pour le moins
d'être posée.
M. Roland du Luart.
Il a raison !
M. Michel Pelchat.
J'ai déposé au mois de mai dernier sur le bureau du Sénat une proposition de
loi, qui a d'ailleurs été cosignée par de nombreux collègues, dont l'objet est
de permettre l'attribution de la nationalité française aux ressortissants des
ex-territoires d'outre-mer ayant combattu dans une unité de l'armée française
et ayant été gravement blessés au combat, comme nous l'avons fait pour les
légionnaires. Elle sera discutée, je l'espère, au cours de cette session et, je
l'espère aussi, adoptée à une très forte majorité !
Ce budget prévoit une augmentation substantielle des crédits en faveur de la
politique de la mémoire - de 5,1 millions de francs on passe ainsi à 18,27
millions de francs. Mais de quelle mémoire parlons-nous ?
A l'heure où ce que l'on appelle le « devoir de mémoire », cité à plus ou
moins bon escient - je me réfère à quelques propos tenus récemment -, il me
paraît particulièrement indécent, et je sais que je me répète en disant cela,
de traiter par le mépris les anciens combattants des ex-territoires
d'outre-mer, notamment les harkis, ces laissés-pour-compte qui, depuis
trente-huit ans, souffrent du dédain de la France, ce pays pour lequel ils ont
choisi de se battre parce que c'était leur pays, parce qu'ils se croyaient
français en droit et donc en devoir !
A titre d'exemple, je voudrais vous dire ce soir toute la détresse d'une femme
qui est décédée avant-hier tragiquement ; je vous l'apprends peut-être,
monsieur le secrétaire d'Etat. Elle s'est sentie humiliée et abandonnée par ce
pays que son défunt mari, tirailleur sénégalais, de nationalité française -
nationalité acquise après quatre ans de procédure - commandeur de la Légion
d'honneur, a servi pendant de si nombreuses années. Je l'ai dit hier à votre
cabinet, monsieur le secrétaire d'Etat. Il s'agit de Mme Bourama Dieme, de
nationalité vietnamienne - c'était peut-être là son tort.
Je lui avais fait parvenir, voilà quelques jours, une lettre du ministre de la
défense, que vous aviez saisi à ma demande pour que sa pension de veuve ne soit
pas cristallisée. Voici la réponse, cinglante parce que purement administrative
et inhumaine, qui m'a été adressée : « L'intéressée ne possédant pas la
nationalité française, sa pension a été cristallisée au taux en vigueur à la
date du décès de son époux, ainsi que le prévoit la réglementation. Seule
l'obtention de la nationalité française permettrait à Mme Dieme de voir ses
droits reconsidérés. Au cas particulier, les conséquences financières de ce
"taux cristallisé" représentent actuellement une diminution annuelle de la
pension de 638 francs. »
Ce n'était pas le montant de la pension qui était en cause, c'était la nature
du traitement dont elle bénéficiait.
A l'épouse d'un militaire français, grand patriote, grand combattant de
l'armée française, commandeur de la Légion d'honneur, on discute 638 francs
!
Cette femme avait dix enfants, fils de héros, tous de nationalité française et
vivant en France.
Je vous le dis, monsieur le secrétaire d'Etat, je ressens cela comme une honte
pour notre pays. En tout cas, voilà un devoir de mémoire qui ne me semble pas
rempli.
Alors que ce projet de budget marque une diminution de 1,32 % par rapport à
l'an passé, alors que notre pays termine cette année avec une croissance de 3,8
%, il n'y a, selon moi, pas lieu de se féliciter de cette diminution au motif
qu'elle serait inférieure à celle du nombre des bénéficiaires, qui est de 4 % !
Il y a lieu, au contraire, de regretter amèrement cette diminution quand tant
de problèmes afférents au monde des anciens combattants demeurent et ne sont
toujours pas en voie d'être résolus.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, ainsi que pour toutes les
autres raisons que je viens d'évoquer, je ne pourrai pas voter le projet de
budget que vous nous présentez ce soir.
(Applaudissements sur les travées
des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce
projet de budget des anciens combattants, en baisse de 1,32 %, laisse un
sentiment d'inachevé. La poursuite de l'exécution de nombreuses mesures
décidées les années précédentes rendait pourtant indispensable un maintien des
crédits inscrits au budget de 2000. De plus, on peut regretter, d'une part, la
lenteur de la mise en place de ces mesures et, d'autre part, le retard pris en
ce qui concerne la refonte du code de la mutualité.
Néanmoins, je me réjouis de l'attribution, par l'article 51, de la carte du
combattant aux rappelés d'Algérie, et de l'attribution du titre de
reconnaissance de la nation aux anciens combattants présents sur le théâtre des
opérations après la fin officielle des combats, c'est-à-dire jusqu'au 1er
juillet 1964 en Algérie et jusqu'au 1er octobre 1957 en Indochine. On peut se
féliciter de l'assouplissement des conditions d'attribution de ces titres, ce
qui permettra à près de 1 100 000 ayants droit de bénéficier de la retraite du
combattant. Remarquons toutefois que cette augmentation est due essentiellement
à l'arrivée de la troisième génération de feu à l'âge de soixante-cinq ans.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre budget s'inscrit, certes, dans la durée,
mais les anciens combattants ont un sens aigu du temps qui passe. Si les
mesures contenues dans le présent budget traduisent la poursuite des efforts
entrepris les années précédentes, la revalorisation des retraites mutualistes,
par exemple, fixe cette année le plafond majorable à 110 points. Quand
atteindra-t-on l'objectif des 130 points ?
Par ailleurs, il n'est pas juste que les anciens combattants participent au
financement des 35 heures ! L'évolution du point d'indice des pensions et
retraites du combattant et celle des traitements de la fonction publique sont
mises en parallèle. Par conséquent, la modération salariale due à la réduction
du temps de travail dans la fonction publique aura des conséquences sur le
montant des retraites.
Vice-président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, j'avais
attiré l'attention de votre collègue M. Moscovici sur le fait que tous les
parlementaires étaient préoccupés par le recours aux ordonnances pour la
refonte du code de la mutualité. En effet, un tel texte, qui appartient au
domaine de la loi, ne devrait pas être approuvé sans consultation préalable du
Parlement. Il n'est pas acceptable que le manque de rigueur d'un gouvernement
sous lequel la situation s'est aggravée se traduise par un contournement du
Parlement.
La spécificité de la retraite mutualiste est une caractéristique à laquelle
tient le monde combattant. Il appartient aux élus de rester vigilants sur le
respect du principe mutualiste.
Enfin, j'évoquerai le devoir de mémoire, qui, à tous, nous tient tant à coeur.
Une politique de la mémoire dynamique est explicitement mise en avant dans le
projet de loi de finances pour 2001, ce qui est essentiel pour que les
générations futures développent leur sens civique et soient prêtes à servir
leur patrie.
Les avancées du projet de budget pour 2001 sont réelles, mais encore
insuffisantes. Le monde combattant méritait des crédits supplémentaires pour
qu'enfin le rattrapage de nombreuses mesures soit effectif. C'est pourquoi je
suivrai l'avis de la commission.
(Applaudissements sur les travées du RDSE,
de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz.
C'est la quatrième fois, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous venez devant
le Sénat présenter votre budget. Il y a peu, je vous ai entendu dire qu'il
faudrait changer plus souvent de secrétaire d'Etat aux anciens combattants pour
qu'il ne devienne pas répétitif.
(Sourires.)
En ce qui concerne ce projet de budget, je ne peux que me féliciter, ainsi que
la plupart de mes collègues, de votre présence devant nous. En effet, même si
ce projet de budget baisse légèrement en francs courants, des progrès sont, une
fois de plus, réalisés dans un certain nombre de domaines, ce qui témoigne de
votre attachement au monde des anciens combattants.
Mon collègue Gilbert Chabroux ayant évoqué ces nouvelles avancées,
j'insisterai sur un certain nombre de points particuliers.
Auparavant, il me semble néanmoins utile de rappeler que les crédits affectés
aux anciens combattants regroupent à la fois les subventions de fonctionnement,
le droit à réparation et les subventions touchant aux actions de mémoire, les
autres crédits - investissements, fêtes, cérémonies - étant, quant à eux,
inscrits au budget de la défense.
D'autre part, si la baisse du nombre des pensionnés reste forte, les crédits
de la retraite du combattant sont augmentés pour prendre en compte l'arrivée
massive des anciens combattants d'Afrique du Nord, ce qui ne peut assurément
que les satisfaire, d'autant que, pour la première fois, l'article 51 permettra
l'attribution de la carte du combattant aux rappelés d'Algérie, tout d'abord,
puis, nous le souhaitons, aux rappelés en Tunisie et au Maroc.
A cela, il faut ajouter que le titre de reconnaissance de la nation sera
accordé aux anciens d'Algérie jusqu'au 2 juillet 1964, au lieu du 2 juillet
1962, et aux anciens d'Indochine jusqu'au 1er octobre 1957, au lieu du 11 août
1954.
Vous le reconnaîtrez avec moi, mes chers collègues, ces mesures étaient
attendues par le monde combattant depuis fort longtemps, mais c'est vous,
monsieur le secrétaire d'Etat, qui les mettez en place, et nous vous en sommes
très reconnaissants.
Sur ce budget, beaucoup a été dit. C'est pourquoi, au lieu de reprendre ses
aspects positifs ou négatifs, je souhaite aborder un certain nombre de sujets
qui me tiennent à coeur.
Tout d'abord, je pense que la situation des veuves d'anciens combattants
mérite tout particulièrement notre attention et justifie totalement les 15
millions de francs déjà inscrits dans le budget, sur l'initiative d'Henri
Emmanuelli et de Didier Migaud, pour abonder les crédits de l'ONAC en faveur
des anciens combattants les plus démunis, dont font partie les veuves.
Vous avez mis en place des groupes de travail pour étudier très attentivement
le problème des veuves et pour prendre en compte leur sort, en particulier
celui des veuves des plus grands invalides qui n'ont pu travailler étant donné
le handicap de leur époux et n'ont pas cotisé en vue d'une retraite. Je serai
donc très attentive aux conclusions de ces groupes de travail, qui devraient
permettre de préparer dans les meilleures conditions pour ces femmes le projet
de budget pour 2002.
Outre le sort des veuves des plus grands invalides, celui des veuves de
guerre, des veuves sans droit, doit être, lui aussi, amélioré. Pour cela, il
est absolument nécessaire que le secrétariat d'Etat et le Gouvernement majorent
le fonds de solidarité en faveur de celles-ci. Nous comptons sur vous, monsieur
le secrétaire d'Etat.
Le deuxième problème à propos duquel je souhaite intervenir est celui des plus
grands invalides. Si je ne peux qu'approuver la nouvelle étape du réalignement
des pensions en 2001, il me semble tout de même regrettable que le rattrapage
n'ait pu être réalisé en une seule fois pour être enfin achevé en 2001.
Nous nous trouvons là devant des cas particulièrement douloureux et, si nous
avons bien noté votre engagement pour 2002, nous avons tous un sentiment
d'injustice devant le gel des pensions de ces personnes qui, seules, ne peuvent
accomplir les tâches les plus quotidiennes et les plus élémentaires de la
vie.
Le troisième point que je veux aborder est celui de la cristallisation des
pensions touchées par les anciens combattants ressortissants des pays placés
jadis sous la souveraineté française. Nous n'avons que trop tardé à leur
exprimer notre juste reconnaissance pour les services qu'ils ont rendu à la
nation. Nous avons envers eux un devoir moral, et tous les gouvernements qui se
sont succédé depuis 1990 n'ont pas pris en compte ce problème de façon
satisfaisante.
S'il n'est rien de tel que l'oubli pour faire des économies, je me félicite de
l'adoption de l'amendement n° 100 présenté par le Gouvernement à l'Assemblée
nationale : la forclusion décrétée en 1995 est annulée et les demandes de
retraite des anciens combattants des pays d'Afrique du Nord et des anciennes
colonies françaises sont déclarées recevables. Ce n'est que justice !
J'espère que la mise en place de ce dispositif se fera rapidement. Pouvez-vous
nous éclairer à ce sujet, monsieur le secrétaire d'Etat ?
N'oublions pas cependant que le problème de la cristallisation des pensions,
sans doute très complexe, mérite que l'on s'en préoccupe très rapidement et que
ceux qui ont combattu pour la France, notamment les anciens combattants du
Maghreb, arrivent à obtenir la juste compensation, en termes de pouvoir
d'achat, de leur engagement vis-à-vis de notre pays. L'Assemblée nationale a
décidé de constituer une commission d'étude sur le sujet. Pouvez-vous nous dire
où en est votre réflexion, monsieur le secrétaire d'Etat, sur ce délicat
problème ?
Un autre point me préoccupe tout particulièrement, qui touche à
l'Alsace-Moselle. Il s'agit, vous vous en doutez, de la situation des
RAD-KHD.
Ces incorporés de force dans les organismes paramilitaires allemands, arrachés
à leurs familles dès l'adolescence, furent tous contraints de prêter serment à
Hitler. Les hommes furent employés dans des opérations de soutien ou de génie
militaire, les femmes furent utilisées partout où l'effort de guerre allemand
le nécessitait. Après six mois, les hommes étaient versés dans la Wehrmacht et
les femmes, sous commandement et surveillance militaires, étaient traitées
comme des esclaves. Nombre d'entre elles se retrouvèrent au sein d'unités
combattantes de la Flack, de la Luftwaffe, de la marine ou de l'armée de
terre.
Monsieur le secrétaire d'Etat, lors de l'accord du 31 mars 1981 entre le
Gouvernement de la République française et celui de la République fédérale
d'Allemagne, la Fondation Entente franco-allemande a commis une erreur en
écartant de l'indemnisation les anciens incorporés de force dans les
RAD-KHD.
Depuis, ceux-ci contestent la discrimination dont ils font l'objet et
souhaitent l'extension de l'indemnisation par la Fondation Entente
franco-allemande.
Dès la fin de 1997, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez demandé à la
fondation d'envisager de prélever sur le produit de ses intérêts financiers une
somme permettant d'indemniser les anciens des RAD-KHD. Le conseil
d'administration de la fondation a donné son accord sur le principe mais en
l'assortissant d'une condition : que l'Etat participe à cette indemnisation.
C'est pour cette raison que nous avons déposé un amendement, mon collègue Roger
Hesling et moi-même, qui, s'il était adopté, permettrait de clore ce douloureux
dossier.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne voudrais pas conclure sans évoquer un
sujet grave et qui n'est pas très bien compris de nos concitoyens. Je veux
parler du décret du 13 juillet 2000 qui fixe une mesure de réparation pour les
orphelins de parents victimes de persécutions antisémites.
Bien sûr, je comprends l'intention, et personne ne la conteste. Pourquoi,
toutefois, ne pas étendre cette mesure aux orphelins de déportés résistants ?
Eux aussi ont souffert. Or, dans la douleur, il ne doit pas y avoir de
discrimination.
Ma dernière question, monsieur le secrétaire d'Etat, portera sur la
possibilité d'instaurer une journée d'hommage national pour les citoyens,
connus ou inconnus, qui ont participé à la résistance à l'occupant et à Vichy,
qui ont contribué à la victoire de la liberté et de la République sur le
nazisme, le fascisme, le racisme et l'antisémitisme. Qu'en pensez-vous ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, avec vous, les anciens combattants retrouvent
le respect et la reconnaissance qui leur sont dus. Votre budget permet, une
nouvelle fois, de réaliser un certain nombre d'avancées. Des questions restent
en suspens, et je les ai évoquées. Cependant, lorsque le positif dépasse le
négatif, il faut en être satisfait. Aussi mes collègues du groupe socialiste et
moi-même voterons-nous votre budget.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. de Gaulle.
M. Philippe de Gaulle.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, faute que vous ayez pu
être présent à notre séance de questions orales du mardi 14 novembre dernier,
je vous demande de bien vouloir confirmer ce que votre collègue M. Huwart,
secrétaire d'Etat au commerce extérieur, m'avait répondu à votre place de façon
positive, semble-t-il.
Comme vous le savez, afin de réparer, au moins par principe, les épreuves
incomparables supportées par les anciens combattants et l'impossibilité pour
eux de souscrire une retraite durant le temps où tous les autres ont pu le
faire normalement, on a attribué à ces anciens combattants la possibilité de
souscrire volontairement une retraite spécifique.
Cette retraite, dont la capitalisation n'est pas fiscalisable, est
actuellement cotisée depuis 1924 auprès d'un organisme public, la Caisse
autonome de retraite des anciens combattants, ou CARAC, par plus de 290 000
adhérents, pour un minimum entièrement défiscalisé de 8 534 francs pour l'année
2000.
Pour tendre, avec un retard sensible, à un indice de pension évalué à 130 et
pour mettre à jour cette rente en fonction du coût de la vie, la loi de
finances a majoré de 80 à 200 francs presque chaque année ce plafond
défiscalisé. Seule une petite minorité d'anciens combattants se trouve à ce
minimum ou en dessous. Presque tous effectuent des versements supplémentaires
pour « suivre » l'évolution de ce plafond.
Par bonne gestion de la CARAC, par reversement des produits, par
arrondissement des sommes versées, par réversion au conjoint, par bonification
de capitaux, dont 15 % en général par l'Etat, ces versements ont pour
conséquence l'obtention d'un nouveau montant de rente qui excède le plafond,
jusqu'à obtenir - ce qui n'est pas étonnant après trente ou quarante ans de
cotisations - près du double de la retraite défiscalisable.
La fraction de rente excédentaire est alors soumise à la fiscalité des rentes
viagères à titre onéreux.
En conséquence, la CARAC adresse chaque année à chacun de ses adhérents une
déclaration d'arrérages leur permettant d'effectuer leur déclaration annuelle
d'impôt sur les revenus en y indiquant le nouvel âge d'entrée en jouissance de
chaque nouveau titre de retraite correspondant au dernier versement.
Cette procédure n'a jamais été mise en cause par personne depuis des
décennies, jusqu'à ce que, cette année, les adhérents concernés se voient
attribuer par certains centres des impôts des redressements fiscaux basés sur
une date d'entrée en jouissance à la date initiale de la première retraite,
comme si celle-ci était à capital définitif, soit généralement entre cinquante
et cinquante-neuf ans et non d'après l'année du dernier investissement de
l'intéressé.
Cette nouvelle position de certains centres des impôts paraît, aussi bien à la
CARAC qu'aux intéressés, dénuée de tout fondement. On ne peut pas attribuer à
un adhérent d'âge
y
à son dernier versement une fiscalisation
correspondant à des éléments constitutifs de rente d'un âge
x
antérieur
en appliquant simplement l'article 158-6 du code général des impôts comme s'il
s'agissait de la rente d'une base définitive d'un cotisant ordinaire et non pas
d'un capital spécifique modifié chaque année en compensation, en réparation des
épreuves d'un ancien combattant.
Je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir examiner ce
problème avec votre collègue des finances, de manière que la question soit
réglée avant le 31 décembre prochain, date limite des recours fiscaux des
intéressés et de l'établissement de leur déclaration d'impôt de l'année. Je
vous remercie de votre bienveillante attention.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Cléach.
M. Marcel-Pierre Cléach.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les
anciens combattants présents aujourd'hui dans nos tribunes, notamment les
fantassins, savent combien il est difficile et dangereux d'être un serre-file,
le dernier de la section. Ce soir, je suis le dernier de la section...
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Non, ce sera moi le dernier !
M. Marcel-Pierre Cléach.
... avant M. le secrétaire d'Etat !
(Sourires.)
C'est d'autant plus
difficile que les sénateurs qui m'ont précédé sont tous des spécialistes. Par
ailleurs, presque tout a été dit. Enfin, l'examen du budget des anciens
combattants est toujours délicat sur le plan technique, et émouvant.
Ce budget n'est pas comme les autres. Il ne peut se résumer à une succession
de chiffres et à un amalgame de crédits. Il a une autre vocation, plus large :
incarner le droit à réparation et répondre au devoir de solidarité de la nation
envers les anciens combattants.
Aussi, je ne m'attarderai pas sur les chiffres, les rapporteurs en ont tous
les deux déjà parlé avec précision. Je me bornerai à constater que les crédits
diminuent une nouvelle fois de 1,3 %.
Mais je ne considère pas que cette baisse soit en elle-même un problème. Elle
ne le serait pas si ne subsistaient encore de nombreuses questions en suspens.
Leur importance rend à mes yeux nécessaire un redéploiement, au moins partiel,
des crédits libérés chaque année par l'inéluctable diminution des parties
prenantes.
Votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, apporte quelques réponses aux
attentes du monde combattant : l'attribution de la carte du combattant étendue
aux rappelés d'Algérie ; le titre de reconnaissance de la nation désormais
ouvert à ceux qui ont servi en Indochine au-delà du 11 août 1954 et, en
Algérie, au-delà du 2 juillet 1962 ; la revalorisation du plafond majorable de
la rente mutualiste, également appréciable, même si on peut la juger trop
lente.
J'observe aussi avec satisfaction la sensible majoration des crédits consacrés
au programme de rénovation des sépultures, qui avait pris un important retard.
Il était nécessaire que l'Etat assume sa responsabilité en ce domaine, trop
longtemps laissée à la charge des communes ou du Souvenir français.
Je m'interroge cependant sur l'état d'avancement du mémorial de la guerre
d'Algérie. Je pense que vous nous répondrez tout à l'heure sur ce sujet. Cette
initiative, qui permettra de concrétiser la reconnaissance de la nation à ceux
qui sont morts pour la France durant cette guerre, doit bénéficier du soutien
de tous. Il serait souhaitable que le mémorial puisse être inauguré en 2002,
comme cela a été prévu, pour la célébration du quarantième anniversaire de la
fin de la guerre d'Algérie. Or nous n'en sommes encore qu'à la phase des
études. Les délais pourront-ils être tenus, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Ces mesures, utiles et attendues, ne peuvent cependant suffire à masquer les
lacunes ou les ambiguïtés de votre budget.
J'insisterai ici sur les trois questions qui ont tout particulièrement retenu
l'attention du groupe d'études des sénateurs anciens combattants ces derniers
mois.
Je regrette, tout d'abord, que le rattrapage du gel des pensions des plus
grands invalides ne soit pas intégral en 2001. Une année supplémentaire sera
encore nécessaire. Il s'agit là pourtant d'une élémentaire question d'équité,
d'une application pure et simple du droit à réparation. Je ne peux comprendre
que le Gouvernement « joue la montre », en tout cas donne cette impression,
pour réaliser des économies de « bouts de chandelle » un peu sordides et ne
s'inscrive pas plus volontairement dans une démarche de retour à l'équité.
Cette évocation des plus grands invalides, dont nous connaissons tous la
situation humainement très difficile, m'amène à aborder la situation de
l'Institution nationale des invalides, que notre groupe d'études a visitée
dernièrement. Son rôle est essentiel. Mais elle est aujourd'hui confrontée à de
nouveaux défis : le vieillissement de ses pensionnaires tend à devenir une
charge de plus en plus lourde et elle prépare activement son accréditation
auprès des organismes d'assurance maladie pour intégrer à part entière le
service public hospitalier.
Dans ce contexte, je m'étonne de la très faible progression des crédits qui
lui sont consacrés dans ce projet de budget. Pouvez-vous nous garantir,
monsieur le secrétaire d'Etat, qu'ils seront suffisants pour permettre à
l'institution d'aborder avec sérénité les défis à venir ?
Ma seconde interrogation - je rejoins ici mon collègue Bernard Joly - concerne
les veuves.
Vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, de trop nombreuses veuves sont
aujourd'hui frappées par la précarité. L'an passé, près de 8 000 d'entre elles
ont dû recourir au soutien financier de l'ONAC. Cette situation douloureuse est
inacceptable et elle exige des réponses fortes.
Certes, vous avez abondé les crédits d'action sociale de l'ONAC en leur
faveur. Mais cela reste très insufissant. Il importe que la concertation que
vous venez de lancer avec le monde combattant se traduise par des mesures
concrètes dès le prochain budget.
Sur ce point, je ne peux que partager la position de la commission des
affaires sociales. La réforme à venir ne pourra se contenter d'être une simple
extension de l'action sociale. C'est, là encore, une question de dignité. La
diversité des situations impose des réponses adaptées à chaque catégorie de
veuves, qu'il s'agisse des veuves des grands invalides, des veuves de guerre ou
des veuves d'anciens combattants.
Ma dernière interrogation porte sur la décristallisation.
Je ne vous rappellerai pas la dette morale qu'a contractée la France à l'égard
de nos anciens combattants de l'outre-mer ; nous la connaissons tous. Le
présent budget semble proposer une avancée en ce domaine en levant la
forclusion qui pèse sur l'attribution de la retraite du combattant.
Je crains toutefois que cette mesure n'entretienne une ambiguïté.
M. Marcel Lesbros,
rapporteur pour avis.
Effectivement !
M. Marcel-Pierre Cléach.
D'abord, il ne s'agit que d'une « première étape » dans la voie de la
décristallisation et non d'un point d'aboutissement. Nous ne voudrions pas que
cette première étape occulte ou reporte la nécessaire revalorisation des
pensions d'invalidité et de retraite du combattant déjà « cristallisées ». Vous
aviez proposé, monsieur le secrétaire d'Etat, d'étudier une décristallisation
sur le fondement des disparités accumulées en termes de pouvoir d'achat. La
plupart d'entre nous vous avions suivi sur ce point ; cela me semble être une
bonne base de réflexion, notamment pour les anciens combattants du Maghreb.
Nous vous encourageons donc à poursuivre en ce sens.
Surtout, des doutes apparaissent - et les deux rapporteurs l'ont souligné -
sur la portée réelle de la mesure. Etait-elle juridiquement nécessaire alors
que le Conseil d'Etat vient de préciser que la législation actuelle ne s'oppose
pas à l'attribution de la retraite du combattant ? Ne risque-t-elle pas, à
l'inverse, de fermer définitivement la porte à toute demande de réversion ou de
majoration des pensions d'invalidité et d'entériner ainsi une forclusion de
fait ?
Ces questions sont lourdes de conséquences et appellent de votre part,
monsieur le secrétaire d'Etat, des réponses précises et des assurances.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR,
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
Mesdames,
messieurs les sénateurs, si vous le voulez bien, je répondrai non pas par
orateur mais par thème aux différentes questions que vous avez abordées. En
fait, ces questions recouvrent l'intégralité des interrogations du monde
combattant.
Je commencerai par annoncer une bonne nouvelle à destination de votre collègue
l'amiral de Gaulle, avant d'être le méchant père fouettard brandissant les
foudres de l'article 40 lorsque nous passerons à l'examen des amendements.
Je ne vous prends pas en traître ! J'annonce tout de suite la couleur !
(Sourires.)
M. Guy Fischer.
Ça promet !
M. Marcel-Pierre Cléach.
Ça simplifie le débat !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Amiral, je vous confirme les propos qui ont été tenus
en mon nom, le 14 novembre dernier au matin, par François Huwart. Je ne vous
cacherai pas que cette réponse a été validée par le ministère de l'économie,
des finances et de l'industrie. Par conséquent, les circulaires nécessaires
seront adressées à l'ensemble des directions des services fiscaux pour qu'il
n'y ait pas deux poids deux mesures s'agissant du sujet que vous avez
évoqué.
La première des questions abordées a trait, naturellement, à la réduction du
budget de mon secrétariat d'Etat : pourquoi ne pas profiter de la disparition
progressive des parties prenantes pour maintenir le budget à son niveau de
l'année précédente et permettre ainsi de répondre à des problèmes qui ne sont
pas résolus ?
Il n'y a ni mesquinerie ni indécence de ma part à présenter un budget en
légère diminution par rapport à celui de l'année précédente. Ce budget des
anciens combattants doit prendre sa place dans l'ensemble du budget de l'Etat.
Il a fait l'objet de négociations avec l'ensemble des membres du Gouvernement
et avec le Premier ministre. C'est donc dans cet esprit de concertation que
l'on cherche à avancer des réponses. Elles ne sont pas à la hauteur des
espérances, mais, chaque année, ainsi que quelques-uns d'entre vous l'ont
remarqué, des avancées sont réalisées et des réponses sont apportées, de sorte
que l'on se trouve sur une ligne traditionnelle.
Certains ont bien voulu reconnaître que le projet de budget pour 2001 était
plutôt meilleur...
M. Guy Fischer.
Moins mauvais !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
... ou moins mauvais... que les années précédentes.
Je pense qu'il en ira malheureusement ainsi pour vous au fil des ans.
Mais prenez conscience que la France - j'insiste toujours sur ce propos -
tient à marquer son respect et sa reconnaissance au monde combattant : quelles
que soient les majorités en position de gouverner, le monde combattant ne
laisse jamais la nation indifférente.
Des exemples très récents, et notamment un débat ayant trait à la guerre
d'Algérie, nous ont amenés d'ailleurs à témoigner cette reconnaissance.
On peut reconnaître ensemble que l'exigence de vérité sert toujours la
démocratie, que c'était une guerre qui se déroulait en Algérie, comme vous avez
d'ailleurs bien voulu l'indiquer par un vote en 1999, et que la guerre est un
facteur de destruction de la part d'humanité qui existe en chacun de nous. En
Algérie, il y a eu torture, personne ne le conteste, et la nation tout entière
le sait.
M. Auguste Cazalet.
Le FLN aussi a torturé !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Cela a été dit, monsieur le sénateur, par le Premier
ministre, mardi, devant l'Assemblée nationale : Lionel Jospin a indiqué que, si
des exactions avaient été commises par nos adversaires à l'encontre de nos
soldats, des harkis notamment, ce constat, qui constitue en lui-même une
condamnation, ne nous dispense pas de nous appliquer à nous-mêmes les valeurs
de la République française. Mais ce travail de mémoire doit aussi être fait,
c'est vrai, par les intéressés.
Je veux rappeler ici - c'était le sens de mon propos - que les 1 700 00
soldats qui ont combattu en Algérie ne sont pas des tortionnaires. Ils ont fait
leur travail, ils ont répondu à l'appel de la nation en participant à une
guerre qui ne correspondait peut-être pas à leur analyse, à leur sentiment. Et
il faut aussi dire, comme l'a fait M. le Premier ministre, que, au moment du
putsch des généraux, ces soldats étaient présents en Algérie pour défendre la
République.
M. Jean Delaneau.
Merci de le dire !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Ce débat en entraîne un autre. Il est possible que des
hommes ayant assisté ou participé à ces gestes contraires aux valeurs de la
République en éprouvent encore aujourd'hui une douleur profonde, repensant à
ces éléments cachés, à ce non-dit. Il faut que la nation partage avec ceux qui
ont envie de parler ce fardeau enfermé dans leur mémoire.
Cela m'amène à parler des psychotraumatismes de guerre, parce que c'en est un
que d'avoir vécu ces événements, de les avoir enfouis dans sa mémoire et de ne
pas pouvoir les partager avec d'autres.
Mais je tiens à dire que, aujourd'hui, tout cela ne serait pas possible, car
l'éthique est au coeur de la formation de nos militaires, et nous le voyons
bien à l'occasion des opérations dans lesquelles nos soldats sont engagés au
service de la paix et du rétablissement de la démocratie.
Tel est le rappel que je voulais faire au moment de l'examen de ce budget, car
le budget de la France est un acte de reconnaissance et de respect envers ces
combattants.
S'agissant du dossier plus technique de la retraite du combattant, la
revendication à soixante ans s'est substituée à la demande de retraite
anticipée, qui est en effet, madame Olin, un dossier qui est plutôt derrière
nous aujourd'hui.
Vous connaissez les arguments que j'ai développés, et ils ont été rappelés par
les deux excellents rapporteurs : il ne faut pas assimiler la « retraite » du
combattant à la retraite professionnelle versée à partir de soixante ans.
Permettez-moi de vous faire observer que, jusqu'à présent, cette question
n'avait pas réellement figuré dans le cahier revendicatif alors que la durée de
vie des bénéficiaires de cette retraite à partir de soixante-cinq ans était
beaucoup plus réduite qu'aujourd'hui, où la durée de vie moyenne des hommes se
situe autour de soixante-quinze ans.
Par ailleurs, si l'on augmentait de 300 francs par an la retraite actuelle du
combattant, soit à peine plus de 28 francs par mois, le coût budgétaire serait
à peu près de 310 millions de francs. Ce n'est pas une raison, me
direz-vous...
Je préfère travailler autrement, comme je l'ai déjà indiqué. Si vous en êtes
d'accord, nous en parlerons au mois de mars, ou au mois d'avril, au moment où
s'élaborera le projet de budget pour 2002. Je prendrai mes responsabilités et
je proposerai probablement que la retraite du combattant soit versée à soixante
ans pour tout ancien combattant ayant un revenu mensuel inférieur à 7 500
francs.
(M. le rapporteur spécial marque sa désapprobation.)
Peut-être
me rétorquerez-vous que ce n'est pas satisfaisant ; mais cette proposition
pourrait permettre d'augmenter singulièrement le pouvoir d'achat d'hommes qui
peuvent connaître des difficultés dans leur vie quotidienne.
Je vous donne là une piste de réflexion pour recycler de façon intelligente
les sommes budgétaires libérées par la disparition physique d'un certain nombre
d'ayants droit. Mais le débat est ouvert.
M. Hilaire Flandre.
En 2002, il n'y aura pas beaucoup d'ayants droit !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Si ! Cette mesure concerne plus de 40 000 personnes.
Ce n'est pas rien que d'améliorer le sort de 40 000 anciens combattants dans
notre pays. Cela constituerait un signe, un témoignage de reconnaissance.
Le
Reichsarbeitsdienst
et le
Krieghilfsdienst
ont été évoqués à
plusieurs reprises. Dans ce dossier, j'ai péché, je l'avoue, par optimisme. En
effet, au point de départ de ma réflexion, je voulais me tourner vers la
fondation Entente franco-allemande, qui avait reçu de la part de l'Allemagne
une somme importante pour indemniser les incorporés de force, les Allemands
n'ayant pas fait de distinction entre les incorporés de force dans la Wehrmacht
et les incorporés de force dans des organisations paramilitaires,
l'incorporation de force dans les organisations paramilitaires précédant
l'incorporation de force dans la Wehrmacht.
Mon souci était donc d'obtenir de l'argent de la part de la fondation Entente
franco-allemande. Le conseil d'administration de cette dernière s'est réuni et
a déclaré qu'il allait faire un geste, mais que l'Etat devrait aussi
participer. Et là, j'avoue avoir péché par optimisme, ou par naïveté, car j'ai
cru que nous trouverions un terrain d'entente ou un moyen budgétaire approprié.
Or, je le reconnais, ce n'est pas encore le cas aujourd'hui.
Comme Jacques Baudot l'a souligné, mes arguments ont parfois évolué.
S'agissant de ce dossier, j'en reviens à ma première idée, à savoir que c'était
aux Allemands d'indemniser les incorporés de force et que l'objet même de la
fondation Entente franco-allemande était de le faire. Mais, lors du vote par
l'Entente d'un article de ses statuts qui aurait pu permettre l'indemnisation
des incorporés de force dans les organisations paramilitaires, un oubli a été
commis. Et maintenant, on demande au budget de la France de financer une
indemnisation qui, à l'origine, devait être uniquement supportée par
l'Allemagne. Cela me pose effectivement un problème juridique que je pensais
pouvoir résoudre, que je n'ai pas encore résolu, mais sur lequel je reviendrai
à la charge au cours de l'année 2002.
J'en viens aux veuves, dont il existe trois catégories : les veuves des grands
invalides, les veuves de guerre et ce que j'appelle « les veuves sans droit »,
c'est-à-dire les veuves d'anciens combattants titulaires de la carte d'ancien
combattant mais n'ayant aucun titre à réparation. Il n'est pas question de
faire de ces « veuves sans droit » des veuves à droit à réparation. Par
conséquent, la seule façon de traiter la situation de ces veuves consiste, par
le canal de l'Office national des anciens combattants, à faire jouer la
solidarité et non pas à demander l'élargissement d'un droit à réparation que
personne ne peut objectivement envisager.
J'ai mis en place trois groupes de travail sur ces trois questions - les
veuves de grands invalides, les veuves de guerre et les veuves sans droit - non
pas pour gagner du temps, mais avec l'espoir de faire émerger des
propositions.
Toutefois, à chaque fois que j'ouvre un groupe de travail avec un vrai souci
d'aboutir, je sais par avance que les propositions que je pourrai faire ou
retenir seront vraisemblablement inférieures à toutes les aspirations et à
toutes les attentes, de sorte que je me pose quelquefois la question : faut-il
que j'ouvre un dossier loyalement, en sachant que les réponses que je vais
apporter seront par avance insuffisantes ? Je livre cela à votre réflexion.
En tout cas, c'est avec une véritable intention de disposer de quelques
propositions significatives que j'ai soumis ces dossiers à une négociation avec
le monde combattant.
On m'a interrogé sur la question des rappelés.
Le projet d'article 51 fait référence à l'article L. 253
bis
du code
des pensions militaires, notamment à la mesure prise par la loi de finances de
1998, laquelle prévoit qu'une durée de service en Algérie d'au moins douze mois
permet d'obtenir la carte d'ancien combattant.
Ainsi rédigé, ce texte peut vous laisser penser qu'on laisse de côté le Maroc
et la Tunisie. Mais il a toujours été convenu entre nous - cela a été
effectivement appliqué - que l'expression « service en Algérie » incluait aussi
les services effectués au cours des périodes d'insécurité en Tunisie et au
Maroc jusqu'aux dates d'indépendance. Puisque le texte figurant dans le projet
de budget pour 2001 élargit cette disposition aux appelés, son champ
d'application sera le même que celui de la mesure initiale. Une circulaire sera
envoyée début janvier aux services pour le préciser. Par conséquent, le droit à
la carte du combattant sera le même pour les rappelés et pour les soldats ayant
fait douze mois en Algérie, même si une partie de ces douze mois ou de ces
quatre mois s'est déroulée au Maroc ou en Tunisie.
En ce qui concerne les plus grands invalides, il est vrai que j'ai indiqué ici
même, l'an dernier, que je souhaitais clore ce contentieux en 2001. Comme vous
l'avez vu, cet engagement n'est pas réalisé, compte tenu des arbitrages
budgétaires qui se font à 10 millions de francs près à un moment donné. Je dois
donc faire des choix dans une enveloppe budgétaire, fruit de ces arbitrages, et
j'essaie d'inclure le maximum de choses pour donner la plus grande satisfaction
au monde combattant. J'ai renoncé à faire en un an ce qui me demandera deux
ans. Mais soyez assurés que le budget de 2002 réglera définitivement le
contentieux des grands invalides.
J'en viens à la décristallisation.
Ne confondez pas forclusion et décristallisation. Le projet de budget pour
2001 ne comporte pas de mesures de décristallisation.
M. Michel Pelchat.
Malheureusement !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Il n'y en a pas ! Il y a uniquement une mesure de
levée de forclusion.
La forclusion porte sur trois éléments : l'attribution de la carte du
combattant, la réversion aux veuves et l'aggravation. On fait un pas sur la
levée de la forclusion pour la carte du combattant, c'est-à-dire que l'ancien
combattant titulaire à l'âge de soixante-cinq ans de la carte d'ancien
combattant ou l'ayant eue à un moment donné aura droit, à partir du 1er janvier
2001, à sa retraite d'ancien combattant au taux cristallisé. Au taux
cristallisé ! Que les choses soient bien claires !
Pourquoi cette mesure, alors que les tribunaux nous condamnaient de fait à
payer ? Il y avait, en fait, un certain nombre de réticences qu'il a fallu
lever. Et c'est ainsi que les choses se sont passées.
C'est une première mesure, qui ne vaut pas pour solde de tout compte et qui
n'accrédite nullement l'idée qu'il ne doit pas y avoir de décristallisation,
puisque je suis au contraire favorable à une décristallisation partielle sur la
base du pouvoir d'achat.
Nous allons rouvrir ce chantier, en nous fondant non plus sur les SMIC locaux,
mais sur des indices comparés de pouvoir d'achat, paramètre plus affiné émanant
de l'Organisation des Nations unies.
J'ai laissé passer presque par inadvertance, je l'avoue, la création, à
l'Assemblée nationale, d'une commission devant examiner ce dossier et faire des
propositions. C'était en fin de discussion, et je devais sûrement être un peu
distrait : je m'en suis remis à la sagesse de l'Assemblée nationale pour la
création de cette commission, à laquelle je souhaite pour ma part que soient
associés des membres de la Haute Assemblée, car ce travail doit être conduit
avec l'ensemble des parlementaires.
Par ailleurs, mon département ministériel a lui-même participé, au côté d'Erik
Orsenna, à la réalisation d'un film sur la dette. Voilà qui démontre que nous
considérons qu'il s'agit d'un réel problème de morale et d'équité ! En tout
cas, il n'est pas question de baisser les bras, et ne considérez surtout pas
que l'avancée réalisée en 2001 constitue un solde de tout compte : le dossier
reste ouvert.
En ce qui concerne le décret du 13 juillet 2000, chacun connaît les arguments
que l'on peut avancer aujourd'hui pour justifier l'indemnisation versée au
bénéfice des orphelins juifs de parents morts en déportation : on le sait bien,
les juifs étaient recherchés pour être exterminés en qualité de juif, compte
tenu de leur confession. L'enfant juif était recherché pour être éliminé ! Mais
nous ne pouvons établir des comparaisons entre la douleur d'un orphelin de
résistant et celle d'un orphelin de déporté juif.
Une mesure a été prise en faveur de ces enfants et je suis tout à fait
d'accord, monsieur le rapporteur pour avis, pour créer un groupe de travail
afin d'examiner le sort de tous les orphelins victimes de la déportation qui
n'auraient pas été pris en compte. Nous devons d'ailleurs intégrer aussi dans
cette réflexion les orphelins des fusillés sur le territoire français !
Comme l'a effectivement demandé M. le rapporteur spécial, nous devons procéder
à une véritable remise à plat du sort réservé aux orphelins après 1945. Non pas
pour gagner du temps, mais pour isoler les situations appelant réellement des
réponses, même si celles-ci ne donnent pas nécessairement satisfaction aux
intéressés sur l'ensemble des sujets évoqués.
S'agissant de la mémoire, il est vrai que l'aide aux communes - 8 francs par
tombe ! - est bien modeste, mais il est vrai aussi que cette question n'a
quasiment jamais fait débat, même si elle est évoquée dans le rapport de M.
Jacques Baudot. Je reconnais toutefois que ce sujet ne nous a pas mobilisés au
cours des trois dernières années.
M. Jacques Baudot,
rapporteur spécial.
Si ! Les communes, les maires !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Je parle en effet de l'aide aux communes.
Il faut en tout cas conduire la politique de la mémoire et la développer
autour du thème de la construction de la citoyenneté des jeunes générations,
qui ne doivent pas ignorer ce qu'a été l'histoire de ce pays au cours du xxe
siècle ni l'ensemble des sacrifices consentis et des douleurs surmontées pour
que la France soit une démocratie, un Etat de droit, un pays libre,
relativement prospère, non sans difficultés, certainement, mais un grand pays
organisé autour des valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité.
Toutes les jeunes générations sont comptables de cette histoire et doivent
l'intégrer pour prendre en compte l'ensemble de leurs responsabilités de
citoyens actuels ou futurs dans le cadre du xxie siècle, de cette nouvelle
civilisation qui s'offre à nous aujourd'hui.
Ce devoir de mémoire, nous devons donc le conduire sur l'initiative de l'Etat,
mais en étroite relation avec les collectivités territoriales, parce que c'est
un travail qu'il faut mener en proximité avec les jeunes, là où ils vivent
aujourd'hui.
M. Auguste Cazalet.
Très bien !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Concernant la retraite mutualiste, jamais aucun
engagement n'a été pris pour atteindre dans la durée de la législature
l'objectif de 130 points : cela n'a jamais été dit nulle part ! Mais nous
avançons régulièrement.
J'ai noté les craintes que vous avez exprimées les uns et les autres
concernant les ordonnances. A ce sujet, j'ai travaillé en faveur du monde
combattant, hier auprès de Mme Aubry, aujourd'hui auprès de Mme Guigou, avec
qui j'ai rendez-vous le 11 décembre prochain.
M. Jean Delaneau.
Ce sont des promesses électorales !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Parmi les sujets que nous évoquerons figure le rappel
de cette question, qui me semble avoir été bien intégrée par le département
ministériel, mais aussi la question de nos maisons de retraite, celle de notre
école de rééducation de Béziers, ou encore les relations que doivent entretenir
l'Institution nationale des invalides et la sécurité sociale, car cette
dernière nous doit de l'argent.
La relance de l'ONAC, établissement public est au coeur de la réforme qui a
conduit le département ministériel des anciens combattants à trouver sa place
au sein du ministère de la défense. Ce nouvel élan doit se concrétiser par des
réalités budgétaires, financières, par des moyens humains sur le terrain et par
des initiatives, notamment en termes de mémoire.
S'agissant de l'action en direction de nos maisons de retraite, un conseil
d'administration est convoqué prochainement, mais je vous prie de croire que
l'ONAC n'est pas menacé, qu'il a un réel avenir. En tout cas, telle est ma
volonté politique : nous allons même lui conférer certaines responsabilités qui
sont actuellement assumées par nos directions interdépartementales. C'est un
signe de la grande confiance que nous accordons ainsi à l'Office national des
anciens combattants.
S'agissant de l'attribution de la médaille à l'ensemble des titulaires du
titre de reconnaissance de la nation, nous avons saisi la Grande Chancellerie
depuis plus de deux ans maintenant. Il lui appartient de décider, mais je
souhaiterais que vous puissiez toutes et tous intervenir dans ce sens, afin
qu'une médaille soit affectée à chaque titre de reconnaissance de la nation,
selon le conflit auquel on fait référence. Si la Grande Chancellerie se rend
compte que cette opinion est partagée par tous, nous pourrons progresser.
S'agissant de la Cour des comptes, vous avez pu constater que les propositions
qui ont été faites n'ont pas été retenues.
Quant au rapport constant, le système institué par M. Michel Charasse, alors
secrétaire d'Etat au budget, me paraît bon. Un nouveau mode de calcul a été
proposé par le monde combattant, mais je ne suis pas persuadé qu'il soit
meilleur que le système actuel. Nous en débattrons cependant, mais je crois
que, à l'heure où l'on envisage d'augmenter le traitement des fonctionnaires,
le système mis en place par M. Charasse est préférable.
S'agissant du mémorial de la guerre d'Algérie, la situation est maintenant
claire. Le monde combattant a choisi un emplacement à Paris, quai Branly. Il
est vrai que, au cours de l'été, nous avons eu des incertitudes quant à la
capacité de la dalle de soutenir l'édifice, mais nous avons depuis reçu des
informations rassurantes. J'ai adressé à ce sujet un courrier à M. le maire de
Paris, qui m'a répondu que cette proposition tenait toujours. Nous restons donc
sur cette hypothèse, l'objectif étant d'inaugurer ce mémorial en 2002. Je
laisserai à mon successeur, le cas échéant, le soin de fixer la date
définitive, et je pourrai toujours lui donner le conseil de ne pas choisir une
date qui diviserait le monde combattant. Mais je n'en dirai pas plus...
Voilà qui nous renvoie, évidemment, au choix qui a été évoqué par certains,
les uns prônant la date du 19 mars, les autres celle du 11 novembre, ou toute
autre date...
M. Hilaire Flandre.
N'importe quelle date, sauf le 19 mars !
(Sourires.)
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Non, monsieur le sénateur ! Il ne faut pas raisonner
ainsi, car c'est pratiquer l'exclusion. Il importe, au contraire, de trouver
une date qui rassemble.
M. Michel Pelchat.
Exactement !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Quoi qu'il en soit, pour l'instant, je n'ai pas
abouti, effectivement, à obtenir un accord sur une date qui fédérerait le monde
combattant. Mais il ne faut pas désespérer !
La question des psychotraumatismes de guerre a été abordée. C'est un dossier
qui progresse, et qui est même au coeur d'un des sujets d'actualité que j'ai
évoqués tout à l'heure.
Le Premier ministre, qui avait reçu l'an dernier le monde combattant, avait
marqué un réel intérêt sur ce point de la question des traumatismes de guerre.
Nous entendons poursuivre nos efforts, et une nouvelle circulaire, corédigée
entre l'administration et le monde combattant, a été publiée. Nous devons
maintenant aller un peu plus loin.
La campagne double, c'est un sujet de discussion très compliqué.
Quant aux harkis, le département ministériel gère leur mémoire : le harki a
exactement les mêmes droits que tout soldat qui relève du code des pensions
militaires d'invalidité, il n'y a aucune différence à ce titre. Cependant,
certains harkis ont connu de réelles difficultés sociales, compte tenu de la
façon dont ils ont été accueillis et intégrés - ou non intégrés - dans la
société française.
Si ces difficultés relèvent d'une politique générale, en revanche, la question
de la mémoire est du ressort du département ministériel. A ce sujet, nous
avançons à petits pas, nous organisons des colloques et, pour la première fois,
des harkis ont été invités à déposer une gerbe, à l'occasion du 11 novembre.
Par ailleurs, nous allons recenser avec eux les lieux où il conviendrait de
déposer des plaques commémoratives, respectant en cela l'article 1er de la loi
de 1994, adoptée sur l'initiative de votre ancien collègue Roger Romani, et qui
témoigne de la reconnaissance de la nation à l'endroit des harkis.
Je reconnais que ces pas en faveur de la mémoire sont modestes et qu'ils ne
peuvent régler les problèmes sociaux posés par l'insertion. Mais, à cet égard,
je ne dispose pas des moyens budgétaires ou juridiques pour répondre à ces
questions. Il appartient à la France d'agir, à travers sa politique de la
ville, sa politique sociale, sa politique d'intégration, sa politique
d'insertion, etc.
Mme Printz a proposé d'instaurer une journée d'hommage national en faveur des
citoyens ayant participé à la Résistance. Nous avons déjà beaucoup de dates
commémoratives dans notre pays ! Pour la Résistance, il y a déjà le 18 juin,
référence à l'Appel du général de Gaulle. Il y a aussi le 8 mai, journée du
souvenir de la déportation.
J'essaie, pour ma part, de lancer l'idée d'un débat, chaque année, au sein de
l'éducation nationale, sur quelques textes de référence renvoyant à la
Résistance, afin de créer des temps forts. Mais je ne suis pas sûr qu'il faille
encore ajouter des dates aux dates, l'important étant de faire vivre celles qui
existent déjà auprès de toute la collectivité nationale. On est, en effet,
surpris de constater la faible participation de nos concitoyens aux diverses
commémorations !
M. Michel Pelchat.
Absolument !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Et, quand on demande aux jeunes de venir devant les
monuments aux morts, on n'obtient pas un franc succès !
Plutôt que d'ajouter de nouvelles dates commémoratives qui risqueraient
d'éloigner les jeunes de ces réalités, renforçons nos actions sur de grandes
dates, faisons référence aux textes de la Résistance, ne serait-ce que parce
qu'ils sont fondateurs du redressement de la République française. Nous aurons
alors rendu hommage à toutes ces femmes et à tous ces hommes qui ont permis à
la France d'être aujourd'hui un pays libre et démocratique, un Etat de droit
susceptible de faire vivre les valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité,
ces valeurs qui constituent la devise de la République française.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant les anciens
combattants et figurant à l'état B.
ÉTAT B